Questions économiques liées à la
piraterie
Dossier réalisé par Isabelle Le Meur, auditrice
en Master 2 de Commerce International Sous la direction de M. Naji
Zénati, professeur du Module DVE 206 Négoce international,
contrats et transports internationaux.
SOMMAIRE
METHODOLOGIE INTRODUCTION
I- LA PIRATERIE MARITIME, UNE ACTIVITE FRAUDULEUSE EN
EXPANSION
Régénération de la piraterie « moderne
» et évolution géographique
1/ D es zones de piraterie liées à la
pauvreté
2/ Une activité frauduleuse lucrative
Types de bateaux attaqués et modus operandi
1/ Un type de navire particulier est-il ciblé ?
2/ Organisation et économie des pirates
II- IMPACT SUR LES ARMATEURS ET MOBILISATION INTERNATIONALE
Les différentes options pour les armateurs
1/ Les surcoûts liés au piratage
2/ Le choix du déroutage
Quelles solutions sont-elles envisagées ?
1/ Les mesures de protection
2/ Le renforcement des outils juridiques et des moyens de
répression
CONCLUSION ANNEXES
METHODOLOGIE
Je me suis tout d'abord documentée en consultant les
dossiers sur la piraterie d'Armateurs de France et de Mer et Marine, des
articles publiés sur le site Internet de Marine marchande, des
communiqués du Cluster Maritime Français et de CMA-CGM, des
publications de l'ISEMAR (Institut Supérieur d'Etudes Maritimes) et
particulièrement la note de synthèse sur la piraterie d'octobre
2010, la position du MEDEF sur la sûreté du transport de
marchandises, le « Rapport 2010 sur le marché du transport maritime
» établi par BRS (Barry Rogliano Salles), la « Revue sur le
transport maritime 2010 » de la CNUCED (Conférence des Nations
Unies sur le Commerce et le Développement) et des analyses du BIMCO
(Baltic and International Maritime Council), notamment l'une d'elle traitant
des coûts du contournement par le Cap de Bonne Espérance.
Je me suis ensuite entretenue avec Monsieur Christian MENARD,
Député du Finistère, membre de la commission de la
Défense nationale et des Forces armées à
l'Assemblée nationale, dont la circonscription comprend la base de
sous-marins de l'Ile Longue et la base aéronavale de
Lanvéoc-Poulmic, dans la rade de Brest, et qui a rédigé
deux rapports sur la piraterie en 2009 et en 2010 : le premier, intitulé
simplement « rapport d'information sur la piraterie », et le
deuxième, « rapport sur la lutte contre la piraterie et exercice
des pouvoirs de police de l'Etat en mer ».
Enfin, j'ai consulté le rapport de Monsieur Jack LANG,
conseiller spécial de Monsieur Ban Ki Moon, Secrétaire
général des Nations Unies, pour les questions juridiques
liées à la piraterie au large des côtes somaliennes, remis
au Conseil de sécurité de l'ONU le 24 janvier 2011
1.
INTRODUCTION
Le phénomène de la piraterie a pris un nouvel
essor dans la dernière décennie avec une recrudescence des
attaques le long des côtes et au large de pays d'Afrique et d'Asie mais
également d'Amérique du Sud.
Les médias ont reporté à l'échelle
planétaire certains actes de piraterie et les esprits ont pu être
marqués par des images souvent spectaculaires et la dimension dramatique
des situations de prises d'otages et de tentatives de sauvetage.
J'ai personnellement été sensibilisée
à la piraterie à l'occasion d'une cérémonie en
mémoire de Sir Peter Blake (navigateur néozélandais
tué par des pirates en Amérique du Sud en décembre 2001),
hommage célébré lors de la remise des prix de la course
internationale de vieux-gréements Cutty Sark Tall Ships' Race à
laquelle j'ai participé en 2002.
Ayant par ailleurs été secourue entre l'Italie
et la Grèce par un cargo transportant du bois et de l'acier entre la
Russie et la Turquie lors d'une croisière à la voile entre
l'Espagne et Israël en 2003, j'ai pu me rendre compte de la
solidarité qui prévaut en mer et j'ai désormais une estime
particulière pour la marine marchande.
Si les règles de la navigation et le principe de
Liberté des Mers ne sont pas des termes abscons pour moi, je remercie en
revanche Monsieur Naji ZENATI, consultant international en transport maritime,
de m'avoir donné par son enseignement au Conservatoire National des Arts
et Métiers une meilleure connaissance des caractéristiques
techniques et des enjeux économiques du transport maritime commercial
international.
J'essayerai dans ce mémoire de rendre compte de la
régénération récente et de l'expansion des actes de
piraterie maritime, des conséquences engendrées sur
l'activité des armateurs et des solutions envisagées au niveau
international pour endiguer le phénomène.
1 Le Monde - 25 janvier 2011 - L'inquiétant rapport de
Jack Lang sur la piraterie.
I- LA PIRATERIE MARITIME, UNE ACTIVITE FRAUDULEUSE EN
EXPANSION
A / Régénération de la piraterie
« moderne » et évolution géographique
Au sens de l'article 101 de la Convention des Nations Unies
sur le droit de la mer, « [o]n entend par piraterie l'un quelconque
des actes suivants :a) tout acte illicite de violence ou de détention ou
toute déprédation commis par l'équipage ou des passagers
d'un navire ou d'un aéronef privé, agissant à des fins
privées, et dirigé : i) contre un autre navire ou aéronef,
ou contre des personnes ou des biens à leur bord, en haute mer; ii)
contre un navire ou aéronef, des personnes ou des biens, dans un lieu ne
relevant de la juridiction d'aucun Etat; b) tout acte de participation
volontaire à l'utilisation d'un navire ou d'un aéronef, lorsque
son auteur a connaissance de faits dont il découle que ce navire ou
aéronef est un navire ou aéronef pirate; c) tout acte ayant pour
but d'inciter à commettre les actes définis aux lettres a) ou b),
ou commis dans l'intention de les faciliter. »
1/ Des zones de piraterie liées à la
pauvreté
Dans les années 70, des attaques de pirates
frappèrent les boat people qui fuyaient le Vietnam. A la
même époque, plusieurs actes de piraterie furent reportés
dans les eaux méditerranéennes, la plupart sur des navires de
tramp battant pavillon grec, panaméen ou chypriote. Selon le Marin du 16
novembre 19792, parmi les navires ayant été
séquestrés, le Gloria L et le Betty « disparurent
» en pleine mer et « réapparurent » sous un
nom et un pavillon différents dans des ports libanais, où ils
tombèrent aux mains de milices armées de différents partis
ou organisations politiques, les pirates ayant auparavant falsifié les
titres de marchandise et vendu le tout à des commerçants
libanais. Le même article souligne que de telles actions de piraterie
s'étaient multipliées, les navires étant la plupart du
temps déroutés pour débarquer la marchandise dans d'autres
ports.
Depuis, les zones d'action ont évolué et se sont
étendues : désormais les pirates mènent leurs attaques
essentiellement en Mer de Chine, dans le
Détroit de Malacca (point de passage stratégique
pour 90 000 navires par an), dans le Golfe du Bengale, dans le
Golfe d'Aden (au large de la Somalie et
jusqu'au Canal du Mozambique), dans le Golfe de
Guinée, dans l'Océan Indien autour des
Seychelles, ainsi qu'au large des côtes du
Brésil et de l'Équateur.
2 Voir Annexe 1 : Affaire de piraterie maritime, Le Marin n°
1690, 16 novembre 1979.
Selon les chiffres du Piracy Report Centre du
BMI3 (basé à Kuala Lumpur, en Malaisie, sous
l'égide de la Chambre de Commerce Internationale de Paris),
chargé depuis 1991 d'enregistrer les actes de piraterie au niveau
mondial, le nombre des attaques a significativement augmenté depuis
2006, et notamment ces dernières années, avec une hausse
de 10 % entre 2009 et 2010. Ainsi, un nombre encore jamais atteint de
marins a été pris en otage en 2010, essentiellement au large de
la Somalie4 (92 % des attaques, avec un total de
43 navires détournés et 1 016 marins
pris en otages).
Les chiffres, peut-être en-dessous de la
réalité, puisqu'il ne prennent en compte que les attaques
déclarées, font état de 53 navires détournés
et de 445 attaques, lors desquelles 1 181 marins ont été
capturés et 8 d'entre eux tués. Au 31 décembre 2010, selon
le BMI, 28 navires et 638 otages étaient encore détenus et
faisaient l'objet d'une demande de rançon.
Sur le site Internet du Piracy Report Centre, il est possible
de connaître les détails des attaques en cliquant sur les points
indiquant les positions sur une carte interactive.
On peut voir ainsi que les pirates somaliens opèrent de
plus en plus loin, menant désormais leurs attaques jusque dans
le canal du Mozambique et jusqu'à une longitude de
72° Est dans l'Océan indien.
D'autres attaques ont eu lieu aux abords du
Nigéria, principalement à proximité du
port de Lagos (ville la plus peuplée d'Afrique après le Caire et
l'un des plus grand ports du continent). En tout, 13 vaisseaux ont
été abordés, 4 se sont fait tirer dessus et 2 autres
tentatives d'attaques ont eu lieu.
Au Bangladesh, où le nombre de vols
à main armée a augmenté pour la deuxième
année consécutive, 21 navires ont été
abordés en 2010, la plupart par des hommes armés de couteaux, sur
des bateaux ancrés dans le port de Chittagong, deuxième ville la
plus peuplée du Bangladesh, port majeur du Golfe du Bengale, connu
surtout pour abriter le plus grand chantier de démantèlement de
navires du monde.
L'Indonésie a aussi connu l'an
passé le plus grand nombre d'attaques armées depuis 2007. 30
navires ont été abordés, 30 attaques ont été
contrecarrées et un vaisseau a été détourné.
15 des navires étaient en route lorsque les attaques se sont
produites.
31 incidents ont également été
enregistrés dans les mers du sud de la Chine, plus du
double en 2010 qu'en 2009. 21 navires ont été abordés, 7
attaques déjouées, 2 vaisseaux se sont fait tirer dessus et 1 a
été détourné. Le dernier trimestre de 2010 a
été plutôt calme, avec seulement un incident
reporté.
À l'origine de la recrudescence de la piraterie ces
dernières années, il y a très vraisemblablement l'absence
de perspectives économiques pour les populations pauvres d'Etats
défaillants, qui voient les bénéfices de la mondialisation
leur échapper, alors que la situation politique et les structures
étatiques ne permettent pas d'assurer le développement qui fait
défaut. Ainsi, l'écart va toujours grandissant entre les
populations pauvres des pays en voie de développement et les populations
riches des pays développés.
- En Somalie, où le taux de
pauvreté est de 81 % selon les critères du PNUD (santé,
éducation et niveau de vie) et où plus de 55 % des habitants
vivent sur une côte longue de 3 898 km, la volonté des populations
de défendre leurs zones de pêche contre la pêche
illégale des bateaux européens et asiatiques qui ne respectaient
pas les eaux territoriales et la Zone Economique Exclusive5 a
très certainement également joué un rôle
déclencheur.
Si l'on ajoute à cette exaspération celle
déclenchée par le dégazage sauvage et l'abandon de
déchets toxiques par des navires étrangers au large des
côtes - dont l'ampleur a été soulignée par le
PNUE6 (Programme des nations Unies pour l'Environnement) - on
comprendra aisément que certains profitent des lacunes des
autorités publiques et de l'insécurité prévalant
pour se tourner vers une activité rémunératrice, bien que
frauduleuse.
3 Bureau Maritime International
4 Communiqué du lundi 17 janvier 2011, Piracy Report
Centre, Bureau Maritime International.
5 Voir Annexe 2 : les zones maritimes en droit international,
source CEDRE.
6 Rapid Environmental Desk Assesment Somalia, p. 133, Programme
des Nations Unies pour l'Environnement, 2005.
Il s'avère également qu'au tournant des
années 2000, pour faire face à la pêche illégale -
notamment asiatique et européenne - le recours à une
société de sécurité britannique pour former des
gardes-côtes et théoriquement contrôler les droits de
pêches, a eu des conséquences néfastes. En effet,
rapidement, cette société n'a plus été payée
et s'est retirée. Les personnes qu'elle a formées seraient
devenues pour certaines des pirates très efficaces.
- Au Nigeria, le
terreau de la piraterie est fertile : situation politique instable,
précarité, chômage, corruption, prévarication,
népotisme... La piraterie est venue s'ajouter au captage clandestin et
illicite de pétrole (oil bunkering) ainsi qu'aux prises
d'otages - notamment d'expatriés - avec demandes de rançon. Ces
exactions relèvent d'activités criminelles à tendance
mafieuse et sont « encouragées par la corruption
régnante et la collusion entre les milieux criminels et les
autorités publiques et militaires »7. Même si
elle y reste sporadique, la piraterie est toutefois problématique pour
les sociétés françaises Bourbon et Total, touchées
par le phénomène. Les tensions et l'insécurité ont
eu pour conséquence de faire baisser significativement la production
pétrolière nigériane (de 2 millions de barils par jour en
2007 à 1,8 million entre 2008 et 2009) et donc les rentrées de
devises, l'activité du Nigéria étant dominée par le
secteur des hydrocarbures dont le pays est mono-exportateur (99 % de la valeur
des exportations, 39 % du PIB, mais seulement 5 % des emplois).
- Dans le détroit de Malacca,
outre une tradition séculaire bien installée dans la
région, ce sont également le chômage et la pauvreté
qui sont à l'origine de la piraterie. Cela a commencé par des
vols à main armée pour s'approprier les biens et les
liquidités à bord des navires marchands. Le vol et la revente de
navires restent exceptionnels. La piraterie y est une activité relevant
de la petite criminalité de gangs de trafiquants.
Dans tous les cas soulevés, les motivations sont
clairement lucratives et n'ont pas de dimension politique majeure ni même
d'objectif terroriste. L'exception qui confirme la règle est l'attaque
du pétrolier Limbourg le 6 Octobre 2002 le long des côtes
yéménites, cité en exemple par le MEDEF dans une note du
15 juillet 2004 sur la sûreté du transport de marchandises. Mais
le lien entre piraterie et terrorisme ne peut pas être
considéré comme pertinent aujourd'hui, même si à
terme, les ressources dégagées pourraient attirer ce type de
mouvance. Il y a eu par le passé des attentats terroristes sur des
navires, mais ceux là visaient le transport de passagers.
Le terme d'« industrie émergente »,
utilisé par M. Jack LANG dans son rapport remis le 24 janvier 2011 au
Secrétaire général des Nations Unies8 me
paraît inadapté et exagéré, même si, comme le
souligne M. Christian MENARD dans son rapport parlementaire sur la piraterie
maritime9 en 2009, « cette activité frauduleuse est
de mieux en mieux organisée et procure à ses différents
protagonistes des ressources économiques importantes ». C'est
ce que nous verrons au point suivant.
2/ Le piratage : une activité frauduleuse
lucrative
Christian MENARD, Député du Finistère, a
décrit trois catégories parmi les pirates : les commanditaires,
les pirates proprement dit et les acteurs secondaires.
- les investisseurs commanditaires : ils
disposent de suffisamment d'argent pour organiser l'attaque,
c'est-à-dire environ de 10 000 à 20 000 dollars pour payer la
location d'un bateau et les armes. Le commanditaire confie l'opération
à un chef de bande et veille à ce qu'un représentant de
son sous-clan fasse partie de l'équipe.
- les pirates proprement dit : ce sont de
« pauvres bougres » ayant trouvé dans la piraterie une
activité opportuniste et lucrative. Certains sont des pêcheurs,
mais d'autres viennent de l'intérieur du pays et n'ont pas de
compétences maritimes particulières. Ce ne sont ni des
7 Rapport d'information déposé le 13 mai 2009, en
application de l'article 145 du règlement, par la commission de la
défense nationale et des forces armées sur la piraterie maritime
et présenté par M. Christian Ménard,
Député.
8 Rapport de M. Jack Lang, Conseiller spécial du
Secrétaire général des Nations Unies, pour les questions
juridiques liées à la piraterie au large des côtes
somaliennes, 18 janvier 2011.
9 Rapport d'information déposé le 13 mai 2009, en
application de l'article 145 du règlement, par la commission de la
défense nationale et des forces armées sur la piraterie maritime
et présenté par M. Christian Ménard,
Député.
combattants, ni des miliciens, ni des bandits professionnels.
Venir avec une arme ou un bateau leur vaut une part de butin
supplémentaire.
- les acteurs secondaires : ce sont eux qui
vivent véritablement de la piraterie. Pour les aider dans les
activités d'attaque puis de gardiennage des bateaux et d'entretien des
otages, les populations des côtes font venir parents et amis du centre du
pays10. Ce peut être des interprètes, des
commerçants, des forces de sécurité.
Selon le rapport de M. Jack LANG, l'augmentation constante des
rançons demandées entraîne un allongement de la
durée moyenne de rétention des otages - 120 jours
désormais, contre 60 jours en 2008-200911 - et alimente de
fait une économie parallèle, particulièrement bien
décrite aux pages 19 et 20 du rapport de M. MENARD.
En 2008, le total du prix payé pour acquitter les
rançons des navires et équipages attaqués dans le Golfe
d'Aden a atteint plus de 30 millions de dollars. « Si
l'activité était encore alors essentiellement opportuniste,
exercée par des pirates amateurs et des investisseurs occasionnels, avec
le succès et l'afflux d'argent, elle devient de plus en plus
structurée et s'opère de plus en plus loin des côtes.
» 12
C'est ce que souligne le rapport de M. LANG, alertant la
communauté internationale sur le caractère de plus en plus
violent des attaques et l'augmentation du nombre de victimes (1 900 personnes
ont été prises en otages depuis 2008).
B/ Types de bateaux attaqués et modus
operandi
1/ Un type de navire particulier est-il ciblé
?
Selon une étude de l'ISEMAR13, «
contrairement à certaines idées reçues, les navires
symboles du commerce maritime mondial (les pétroliers et les
porte-conteneurs) ne sont pas forcément les premières cibles
». Ainsi, les chercheurs de l'Institut Supérieur d'Economie
Maritime de Nantes-Saint Nazaire ont été frappés par la
répartition relativement similaire entre les types de navires
constituant la flotte mondiale et ceux attaqués. Les « general
cargos », très représentatifs de la flotte mondiale, font
toutefois exception en étant comparativement moins attaqués.
L'Institut attribue cela au fait que ces derniers sont moins susceptibles de
croiser au large de l'Est de l'Afrique, en raison de leur présence
moindre sur la route Est-Ouest.
L'institut a également cherché à savoir
si certains pavillons ou certains intérêts financiers
étaient davantage ciblés que d'autres. Il semblerait toutefois
qu'il n'en soit rien. En effet, en se basant sur une comparaison entre les
navires attaqués et l'origine de leur pavillon, on peut constater une
répartition des navires cibles en adéquation sensible avec la
répartition observée au sein de la flotte mondiale. Ainsi, la
majeure partie des attaques ont lieu à l'encontre des vraquiers (26,8 %
en 200914).
A l'exception de quelques réseaux, notamment en Mer de
Chine, qui ciblent et revendent la marchandise, le plus souvent, la cargaison
ne constitue pas le critère déterminant dans le choix du navire
qui sera attaqué car, comme nous le verrons dans la partie du
mémoire consacrée aux conséquences économiques,
c'est la prise d'otages qui intéresse les pirates.
Devenu aujourd'hui le premier trafic en valeur, devant les
trafics énergétiques, les biens manufacturés
conditionnés en conteneurs n'attirent donc pas forcément les
pirates, d'autant moins que la manutention des conteneurs nécessite
d'être équipé.
10 Le PNUD (Programme des Nations Unies pour le
Développement) a constaté qu'une part des pirates était
issue des populations pastorales, venant de l'intérieur des terres, et
non seulement des populations côtières.
11 Source : EUNAVFOR (European Union Naval Force)
12 Christian Ménard, Député du
Finistère.
13 Note de synthèse n° 128 - Piraterie : perturbation
de l'économie maritime ? ISEMAR, octobre 2010.
14 Cf. Tableau ISEMAR p. 8 de ce mémoire.
2/ Organisation et économie des pirates - modus
operandi des attaques en mer :
Comme le souligne l'ISEMAR, « un navire devient le
plus souvent une cible privilégiée au mouillage, dans un port,
lorsqu'il navigue à vitesse réduite. Pourtant, on constate de
plus en plus fréquemment des attaques sur des navires croisant
très au large des côtes ».
Dans le cas des eaux somaliennes, le recoupement des
différentes sources d'information laissent penser que, comme nous le
verrons plus avant, la présence de forces navales
internationales dans les eaux de la Corne de l'Afrique a un effet dissuasif sur
les attaques côtières. Comme il est plus difficile de
repérer des activités illégales en haute mer, la logique
mène vraisemblablement les pirates à opérer de plus en
plus loin des côtes.
Dans ces conditions, le modus operandi change aussi :
de frêles esquifs ne sont plus suffisants. Ainsi, selon le Capitaine
Munkundan, Directeur du Piracy Report Centre, au large de la Somalie, les
pirates forcent les équipages de navires de pêche ou de commerce
dont ils ont pris possession à faire route vers d'autres navires,
utilisant les premiers (bateaux-mères) comme bases pour
attaquer les seconds.
Dans ce contexte, certains navires sont
particulièrement exposés en raison de leurs
caractéristiques nautiques (franc-bord bas, souvent
inférieur à 5 mètres, vitesse inférieure à
10 noeuds, manoeuvrabilité réduite, type de propulsion faible ou
défaillant). C'est pourquoi, selon Christian MENARD,
Député du Finistère, les porte-containers constituent une
cible facile car, du château, l'équipage n'a pas la
possibilité de contrôler visuellement tous les accès au
bâtiment. Les thoniers, qui peuvent être utilisés comme base
pour attaquer de plus gros navires, sont également des bâtiments
très vulnérables car ils sont bas sur l'eau, disposent d'une
rampe arrière et sont incapables de se dégager lorsque le filet
est déployé.
Selon l'ISEMAR, la capacité des navires à
manoeuvrer pour éviter et repousser les attaques est également
conditionnée par leur âge et leur
état général. La probabilité d'une
panne ou d'une vitesse réduite en raison de l'usure augmentent de ce
fait sensiblement les probabilités de ciblage par les pirates.
C'est donc bien de la vulnérabilité du navire,
le cas échéant, et de l'habileté et de l'organisation des
pirates, que dépendra la capture des navires, indépendamment de
la marchandise ou du pavillon.
- le système économique et financier
:
Sur le plan financier, toutes les dépenses
engagées sont comptabilisées par les pirates. La pratique du
crédit est courante et les dettes sont respectées. Lors du
versement de la rançon, chacun récupère son dû. Il
existe même un système d'amendes pour faire respecter
l'organisation de la vie sociale à bord des bateaux.
- A terre, les pirates établissent des camps
temporaires à proximité des zones de mouillage des bateaux
piratés. Ils ne sont en revanche pas toujours installés dans les
villages car la population ne les accepte pas automatiquement,
particulièrement si les chefs de clans (Elders15), ne les
soutiennent pas.
- En revanche, l'une des difficultés étant
d'entretenir et de nourrir les otages, les populations des côtes font
venir leurs parents et leurs amis du centre du pays pour les aider dans les
activités d'attaque puis de gardiennage des bateaux et des
otages16.
- Si le versement d'une rançon a lieu, il l'est
généralement en liquide. Cette rançon est alors
comptée à bord puis répartie entre tous les participants
à l'opération les différents « ayants droit ».
Le partage se pratique « un peu comme pour la pêche »
: 50 % pour la main d'oeuvre, c'est-à-dire les hommes qui ont
mené l'action (ce qui peut représenter jusqu'à 80
personnes), 30 % pour le commanditaire, 15 % pour l'interprète, les
commerçants et plus globalement les intermédiaires et 5 %
réservés pour les familles des pirates morts.
- L'essentiel de l'argent est dépensé sur place
mais peut aussi servir pour financer le départ d'un membre de la famille
à l'étranger. Il semble également exister quelques
filières pour financer des constructions immobilières à
l'étranger.
Ainsi, la piraterie n'est plus un phénomène
lointain qu'on regarderait comme une résurgence des temps passés,
quand celle-ci se pratiquait dans les Antilles françaises ou
britanniques, avec l'assentiment des puissances européennes, qui s'en
servaient comme d'un outil politique actif dans leurs luttes de
suprématie maritime et colonisatrice.
Aujourd'hui, du fait des inégalités
économiques grandissantes, des territoires entiers se livrent à
toutes sortes de trafics et commerces illégaux, dont la piraterie est
l'une des expressions les plus visibles et les plus
médiatisées.
15 p. 12 du rapport de M. Jack Lang : « A Garacad,
les Elders s'opposent aux pirates et font valoir auprès de la population
les effets néfastes de la piraterie (alcool, prostitution), contraires
aux préceptes de l'Islam. D'autres chefs de clan préfèrent
se rallier aux pirates (plutôt que de se les aliéner), voire les
soutenir (pour bénéficier d'une part de leurs recettes).
»
16 p. 10 du rapport de M. Jack Lang : « Le PNUD a
constaté qu'une part des pirates était issue des populations
pastorales, venant de l'intérieur des terres, et non seulement des
populations côtières. »
Dans un contexte de mondialisation, les échanges
commerciaux ont augmenté exponentiellement et s'effectuent
principalement par voie maritime. Alors qu'une paix relative régnait sur
les océans depuis la fin de la seconde guerre mondiale, la piraterie
« moderne » s'est intensifiée, grâce aux avantages qu'en
tirent les populations littorales, et menace les acteurs du transport maritime,
ce qui ne va pas sans poser de questions, comme nous allons le voir
ci-après.
II- IMPACT SUR LES ARMATEURS ET MOBILISATION
INTERNATIONALE
A- Les différentes options pour les armateurs
1/ Les surcoûts liés à la piraterie
Les exactions commises par les pirates rendent les principales
zones touchées dangereuses pour les hommes et coûteuses pour les
armateurs.
Les échanges commerciaux, qui se font pour 90 %
par voie maritime (soit 7,5 milliards de tonnes transportées),
sont affectés, et les armateurs, déjà affaiblis par la
baisse du trafic mondial du fait de la crise financière et
économique de 2007-2008, sont confrontés à ce
problème supplémentaire.
En effet, la route maritime Asie/Moyen-Orient/Europe est l'une
plus fréquentées au monde et est stratégique pour
l'approvisionnement de l'Europe. Cette route traverse quatre détroits
internationaux : Malacca (sud-est de l'Asie) et Bab el Mandeb (à
l'embouchure du Golfe d'Aden) sont potentiellement dangereux, alors que
Gibraltar et le Pas de Calais (Dover Strait) sont paisibles (si l'on
exclue l'intensité du trafic...).
Les détroits internationaux sont
généralement propices aux échanges entre pays riverains et
peuvent créer des activités économiques locales intenses.
Ce sont aussi des points stratégiques habituellement surveillés
par les États riverains. Ce n'est toutefois malheureusement pas le cas
au niveau de Malacca et de Bab el Mandeb, où la faible activité
maritime locale des États riverains créé peu de richesse,
d'autant plus que la ressource halieutique est en partie « pillée
» par les navires de pêche étrangers.
Face à l'insécurité
générée par les attaques, les armateurs sont donc
confrontés à un choix douloureux :
- faire fi des menaces qui pèsent sur
leurs flottes dans les zones de piratage, en considérant que les sommes
qu'ils pourraient perdre du fait d'une demande de rançon et de
l'immobilisation prolongée du navire, ainsi que de la perte probable de
la marchandise, ne sont pas assez importants au regard des sommes
rapportées annuellement ;
- ou au contraire, décider de
dérouter leurs navires et de contourner ces zones dangereuses,
en passant dans le cas de la route Asie/Moyen Orient/Europe par le Sud de
l'Afrique, ce qui entraîne une perte de temps, une consommation accrue de
carburant et une augmentation des coûts de fonctionnement des navires,
donc une perte de rentabilité, qui viendra amoindrir leurs
ressources.
Malgré le danger menaçant les marins, la
circulation sur les routes maritimes habituelles reste un enjeu
économique majeur. Dans ces conditions, le choix est fait la
plupart du temps de ne pas détourner les navires et engage les
armateurs à différents surcoûts :
- les rançons :
Progressivement, la capture des marins s'est affirmée
comme un objectif privilégié des pirates en raison de leur
valeur d'échange, chiffrée entre un et deux millions de
dollars par marin en 2008-200917. En effet, contrairement
au recel de la marchandise ou à l'exploitation d'un navire volé,
l'enlèvement offre l'avantage de la simplicité d'une manne
financière directe ne nécessitant pas de faire appel à des
réseaux marchands parallèles.
17 p. 26 du rapport de M. Christian Ménard.
Une vision cynique et strictement comptable de la prise
d'otages a démontré que la rançon
espérée dépend fortement de la nationalité du marin
et de l'identité de son employeur : selon l'ISEMAR, «
un capitaine américain semble avoir plus de chance de salut qu'un
matelot chinois dont l'emploi est stigmatisé par une certaine
précarité ».
L'institut cite ainsi l'exemple d'un vraquier ukrainien et
contrôlé par des intérêts grecs, à bord duquel
24 membres d'équipages ont été gardés prisonniers,
dont plusieurs gravement malades, et que les propriétaires semblaient
avoir totalement abandonnés pendant 5 mois. En panne faute de carburant,
les perspectives de sortie de crise parurent longtemps compromises, avant le
paiement d'une rançon inespérée de plusieurs millions de
dollars.
Ainsi en 2009, le montant total des rançons
versées aux pirates somaliens a été évalué
à 82 millions de dollars18 (presque trois
fois plus qu'en 2008...). C'est beaucoup, si l'on se rapporte budget du
Puntland, qui s'élève à 15 millions de dollars,
mais c'est très peu en comparaison avec les sommes en jeu dans
le transport maritime transitant par le Golfe d'Aden. En effet,
entre 22 000 et 25 000 navires empruntent le canal de Suez chaque
année pour rejoindre la mer Méditerranée et 2
millions de tonnes de marchandises, dont 3,3 millions de barils de
pétrole, transitent chaque jour à travers cette zone (soit
potentiellement 330 millions de dollars à un cours approximatif de 100 $
le baril en février 2011)...
- les primes de risque versées aux
équipages :
Dans la mesure où les armateurs choisissent de ne pas
dérouter leurs navires, ceux-ci (du moins les leaders du marché),
préfèrent payer des primes de risques à leur
équipages. Ainsi, CMACGM (3ème armateur mondial), en tant que
membre du IMEC19, confirmait fin 2008 sa décision d'instaurer
un bonus de risque pour ses officiers et équipages lors
du passage du Golfe d'Aden, face à la recrudescence des actes de
piraterie dans cette zone.
Selon un communiqué du groupe du 3 décembre
2008, le bonus devait se traduire par un doublement du salaire de base
des navigants durant le passage dans ce secteur à risque,
sachant que 65 navires du Groupe CMA-CGM y transitent chaque mois.
L'armateur rappelait à cette occasion qu'« un
dispositif de sécurité très rigoureux comprenant de
nombreuses mesures pour prévenir et lutter contre d'éventuelles
attaques » avait été mis en place, « bien que
la très grande majorité de ses porte-conteneurs, d'une
capacité comprise entre 4 000 et 11 000 EVP, de par leur vitesse (24
noeuds en moyenne) et leur franc bord important, soit moins vulnérable
que d'autres navires ».
Bien que ce ne soit pas le cas de toutes les compagnies,
CMA-CGM a voulu compenser financièrement les dangers encourus par ses
équipages, en même temps qu'il décidait de maintenir le
passage par le Golfe d'Aden. Selon les chiffres recueillis par le
député Christian MENARD, la prime de risque versée
aux équipages est en moyenne de 3 500 dollars par voyage.
Pour un mois, soit 65 passages, le surcoût estimé
du fait du versement de primes de risques à partir de décembre
2008 était donc de 227 500 dollars par mois, soit 2 730 000 dollars par
an au total pour les porte-conteneurs de CMA-CGM.
- les primes d'assurance :
Aux primes de risques versées aux équipages
viennent s'ajouter les surcoûts des primes d'assurances,
difficiles à évaluer, car il existe plusieurs
marchés avec leur propre appréciation du risque. En outre, les
éventuelles surprimes applicables ne font pas l'objet de publications
officielles pour des raisons de concurrence et elles varient de plus en
fonction de l'appréciation du risque proprement dite ainsi qu'en
fonction de la situation particulière de chaque armateur.
Ainsi, les polices françaises, pour lesquelles les
attaques de piraterie entrent dans le cadre du risque
18 Source : Groupe de contrôle sur la Somalie établi
en application de la résolution 1853 de l'ONU.
19 International Maritime Employer's Commitee
normal, diffèrent des polices britanniques, selon
lesquelles la piraterie est assimilée à un risque de guerre.
Depuis début 2009 cependant, la Lloyd's de Londres, première
bourse mondiale d'assurance, s'est adaptée en proposant des polices
spéciales pour le risque de piraterie qui comprennent le remboursement
de la rançon, le paiement des frais légaux ou l'acheminement de
l'argent aux ravisseurs. Mais ces polices ne semblent s'appliquer
qu'au-delà de la zone des 500 milles et les armateurs doivent par
ailleurs se protéger contre le manque à gagner dû à
l'immobilisation de leur navire.
Les estimations en matière de coûts d'assurance
diffèrent donc, vraisemblablement pour les raisons citées plus
haut. En effet, selon le rapport mensuel de novembre 2008 du Bussiness
Monitor International cité dans le rapport de M. MENARD, le
montant des primes d'assurance pour les navires transitant par le Golfe d'Aden
aurait été multiplié par dix. Selon le rapport de
M. LANG, ces primes n'auraient été multipliées que par
quatre. Le seul élément sur lesquels les deux parlementaires
s'accordent est que la zone est désormais classée en zone de
guerre.
Malgré la difficulté de disposer d'une
évaluation générale de la hausse du coût des
assurances pour la route passant par le Golfe d'Aden, on peut cependant
relever, pour les assurances « Corps », des surprimes dites
« risque de guerre » pour la zone du Golfe d'Aden d'une valeur
située entre 0,020 % et 0,075 % de la valeur du navire.
20
Le rapport annuel 2010 de BRS conseille aux armateurs
« de souscrire une assurance couvrant les risques de kidnapping et de
rançon, spécifiquement prévue à cet effet, qui,
outre le paiement de la rançon, permettra de se couvrir contre les
risques de perte de rançon, d'assistance médicale pour
l'équipage, de coût de transfert et d'hébergement, de
salaires, de responsabilité juridique, etc. De telles assurances peuvent
être souscrites sur la base d'un voyage ou sur une base annuelle et
toutes zones. »
Les deux tableaux ci-après décrivent quelques
éléments des surcoûts engagés par les deux grands
armateurs CMA-CGM (n° 3 mondial) et Maersk (n° 1 mondial) :
Surcoût de la piraterie pour CMA CGM
Consommation carburant supplémentaire 20 millions de dollars
par an
Prime de risque versée aux équipages 3 500 dollars
par voyage
Route de contournement 5 millions de dollars par an
Source : GDI (2S), conseiller CMA CGM).
Surcoût de la piraterie pour MAERKS
Coût des marchandises à destination et + 50 à
100 dollars par en provenance des ports de l'Afrique de container
l'Est
Coût des marchandises transitant par le + 25 à 50
dollars par Golfe d'Aden container
Montant des primes d'assurance + 10 à 20 000 dollars
par
navire par trajet
20 L'assurance Risques de guerre est actuellement
bénéficiaire pour les assureurs bien qu'il y ait eu une
concurrence féroce sur les primes en 2009. Cette compétition a eu
lieu à une période à laquelle les risques ont
culminé, principalement en raison de la piraterie dans le Golfe d'Aden,
l'Oc éan Indien et le Golfe de Guinée (rapport annuel 2010
BRS).
2- Le choix du déroutage
Le BIMCO a développé un outil sur feuille Excel,
prenant en compte tous les facteurs existant, pour déterminer s'il est
préférable pour l'armateur, en fonction des
caractéristiques du navire et de la marchandise pris en compte, de
choisir le passage par Suez ou par le Cap de Bonne Espérance. Toutefois,
l'organisation, dans un article publié en novembre 2009 sur son site
Internet, et intitulé « Avoiding piracy by sailing round the cape
of Good Hope is a costly business », ne paraissait pas très
optimiste...
Si l'une des premières mesures pour éviter les
risques de la piraterie a été d'envisager le contournement en
déroutant les navires par le Cap pour éviter le passage par le
Golfe d'Aden pour rejoindre le Canal de Suez, l'expérience testée
notamment par le groupe danois Moller Maersk, plus gros propriétaire de
navires en Europe, n'a pas été concluante et n'a par
conséquent pas remis en question la pérennité de la grande
route Est-Ouest.
En effet, le passage par le cap de Bonne
Espérance impose un temps de navigation
supplémentaire de plus ou moins 10 jours sur un voyage entre le
Golfe Persique et l'Europe, en comparaison avec un passage par le Canal
de Suez, et coûte en carburant 800 000 dollars de plus
pour un VLCC (Very Large Crude Carrier) et 2,7
millions de dollars de plus pour un portecontainers. Au total, la
société V-Navy évalue à plus d'un million
de dollars le surcoût du passage par le cap de Bonne Espérance
pour un VLCC, en comptant l'économie de 500 000 dollars de la
redevance de passage par le canal de Suez.
Par ailleurs, l'étalement océanique de la
piraterie laisse présager que les mesures de détournement
ne sont pas toujours suffisantes et ne sont des solutions ni
économiquement ni stratégiquement durables. Les mesures
cumulatives de défense (flottes militaires internationales et
auto-protection) s'avèrent généralement
suffisantes à la sécurisation du trafic. Comme nous le verrons
plus loin, les armateurs font de plus en plus appel à des
Sociétés Militaires Privées (SMP) pour intimider les
pirates.
Toutefois, en fonction de la variation des prix du carburant
et du fret, les jours supplémentaires en mer pourraient être moins
pénalisants, et le choix du contournement pourrait finir par
s'imposer, ne serait-ce que pour répondre à la pression
des équipages. Cela n'en prend cependant pas le chemin
: même si les prix de fret sont en diminution constante depuis
quelques mois, le prix du baril de pétrole prend la voie
inverse et le Brent a atteint plus de 100 $ depuis février
2011.
Au-delà des traumatismes vécus par les marins et
de la médiatisation des prises d'otages qui marquent l'opinion publique,
l'arbitrage financier fait encore pencher la balance en faveur d'un maintien du
transit par les voies habituelles.
B- Quelles solutions sont-elles envisagées ?
1/ Les mesures de protection
- les règles de bonnes pratiques :
Les règles de bonnes pratiques (ou Best Management
Practices, BMP), définies par la
communauté maritime, demeurent selon l'OMI21, qui les
diffusent, le meilleur outil de protection contre la piraterie. Il s'agit de
mesures de protection passives, pour dissuader les attaques,
et défensives, pour tenir en échec les pirates
en cas d'attaque. Les navires qui respectent les BMP parviendraient ainsi plus
facilement à déjouer une attaque ou à tenir le temps
nécessaire jusqu'à l'intervention des forces navales et à
éviter la capture.
Elles peuvent consister à former les équipages,
à installer des dispositifs défensifs et non létaux
(barbelés, « donjon », canons à eau, filets,
dispositifs de surveillance), en fonction des caractéristiques du navire
et des besoins identifiés par le capitaine 22.
Si certaines compagnies maritimes s'impliquent dans la
coopération - par exemple, le 21 septembre 2010, les trois principaux
armateurs mondiaux (Maersk Lines, CMA-CGM et MSC) ont déclaré
dans un communiqué commun leur intention de coopérer dans
la lutte contre la piraterie dans le Golfe d'Aden et l'Océan
Indien en prévoyant un échange d'information sur les politiques,
les mesures et procédures mises en place, les axes d'amélioration
envisageables -, ces déclarations demeurent selon l'ISEMAR davantage des
effets d'annonce et ne sont pas forcément suivies d'effets.
De fait, les BMP restent non obligatoires et 20 % des
navires ne les appliqueraient pas23. De plus, l'application
des procédures, lorsqu'elles ont été
décidées par l'armateur, n'est pas systématique et reste
à l'appréciation du commandant.
Pour autant, plusieurs pistes peuvent être
envisagées pour inciter les compagnies à les appliquer.
Ainsi, dans son rapport, M. Jack LANG a notamment
proposé de créer une certification internationale de
respect des BPM, en conditionnant le versement par les assureurs des
remboursements correspondant aux dommages liés à la piraterie
l'inscription à cette certification. Certains assureurs se sont
déjà engagés dans cette voie et l'OMI s'est
proposée pour mettre en place cette certification24.
- le soutien de la communauté internationale
:
La communauté internationale, et notamment l'ONU, se
mobilise pour lutter contre la piraterie. Dans un premier temps, il s'est agi
de protéger l'aide humanitaire acheminée par le Programme
Alimentaire Mondial (PAM) en direction de la Somalie, et plusieurs
résolutions ont été adoptées, à la suite
desquelles a été instaurée la force EUNAVFOR Atalante,
première opération navale de la Politique Européenne de
Sécurité et de Défense (PESD).
Créée en novembre 2008, son principal objectif
est donc de protéger les navires affrétés par le PAM et
les navires marchands les plus vulnérables, de surveiller les zones au
large de la Somalie, y compris ses eaux territoriales et de prendre les mesures
nécessaires pour dissuader et prévenir la piraterie. Le programme
prévoit également que les pirates interpellés devront
être jugés.
Parallèlement à la mise en place de l'EUNAVFOR
Atalante, l'Union européenne joue un rôle central
de coordination du renforcement des BPM avec la mise en place, en
février 2009, du Centre de sécurité maritime de la
Corne de l'Afrique (MSC-HOA), en lien notamment avec
l'UKMTO (contrôle naval
21 Organisation Maritime Internationale
22 L'International Ship and Port Security Code (ISPS),
adopté à Londres le 12 décembre 2002, est un code
international pour la sécurité des navires et des installations
portuaires qui impose de disposer d'un plan de sûreté contre toute
action illicite et toute intrusion d'une personne physique ou de
matériel non prévue sur le navire. Ce code donne un cadre
standard à partir duquel il appartient à l'armateur de mettre en
place les mesures de sécurité adaptées aux risques que
courra son navire.
23 Rapport de M. Jack LANG, p. 15.
24 Ibid, p. 16.
volontaire mis en place par le Royaume-Uni).
Ainsi, la première règle de bonne pratique pour
un navire croisant en Mer rouge et dans le Golfe d'Aden consiste à
s'inscrire en amont auprès du MSC-HOA, qui lui délivre une
évaluation de sa vulnérabilité (vitesse inférieure
à 15 noeuds, franc-bord bas inférieur à 5 mètres,
manoeuvrabilité réduite, type de propulsion faible ou
défaillant). Le navire se signale ensuite au UK-MTO lorsqu'il arrive sur
zone. MSC-HOA propose alors des convois groupés de transit
dans une zone surveillée, en fonction des capacités
navales disponibles.
Par ailleurs, dans la zone du Golfe d'Aden, deux navires
américains de la Task Force 151 patrouillent également, et ont
entre autres missions de lutter contre la piraterie. Par ailleurs, trois
navires chinois et deux russes assurent la sécurité de leurs
navires nationaux.
Malgré ces mesures de surveillance des côtes et
des eaux internationales, en raison de l'ampleur de la zone maritime à
protéger, les résultats sont mitigés et les armateurs font
de plus en plus souvent appel à des Sociétés Militaires
Privées (SMP).
- le recours aux sociétés de protection
privées :
En plus des mesures de protection passive, les armateurs et
les Etats font de plus en plus souvent appel aux Sociétés
Militaires Privées (SMP) pour lutter contre la piraterie. Ce
créneau des entreprises de sécurité a connu une croissance
fulgurante, à travers l'entrée sur le marché de
poidslourds du secteur comme Pistries et Xe, mais aussi d'une multitude de
sociétés de toutes nationalités.
Ainsi, le gouvernement somalien a fait appel en 2008 à
la SMP française Secopex pour créer des unités de
sécurité maritime, former les troupes somaliennes ainsi que la
garde présidentielle du pays. Cette SMP, basée à
Carcassone, va également placer des gardes armés dans les
navires croisant en mer Rouge pour le compte d'armateurs
privés. Le contrat, d'une valeur évaluée entre cinquante
et cent millions d'euros, doit être en partie financé par
des bailleurs de fonds internationaux.
De même, Maersk a choisi d'avoir recours à des
Sociétés Militaires Privées pour la route directe le long
de la côte orientale de l'Afrique entre Oman et le Cap.
L'armateur allemand Beluga Shipping, confronté en ce
moment à une prise d'otages de l'un de ses navires, a
décidé d'embarquer désormais « des agents de
sécurité privés » dans la zone entre la Corne de
l'Afrique et les Seychelles.25
Pourtant, le recours aux SMP est diversement
apprécié, et en France notamment, on doute du bienfondé de
cette solution.
Ainsi,dans un communiqué du 7 avril 2008, Armateurs de
France soulignait l'incertitude concernant la
responsabilité de l'agence ou de l'armateur en cas d'incidents
lorsque des hommes armés issus de sociétés privées
de sécurité sont à bord d'un navire. Et d'autre part, ADF
s'inquiétait de la possibilité qu'une opération de
piraterie s'envenime davantage du fait de la présence de ces gardes
armés et des nombreux dommages que cela pourrait entraîner.
Armateurs de France considère en tout état de
cause qu'une telle présence devrait être
encadrée, à l'instar du secteur aérien, pour
lequel des règles précises ont été
établies26. Tant que cela ne sera pas le cas pour le
transport maritime de marchandises, la meilleure solution pour lutter contre la
piraterie reste selon ADF une surveillance accrue des zones de passage à
risques par des bâtiments d'Etat.
En sus de ces mesures de protection, les armateurs ne cessent
d'appeler à un renforcement de la mobilisation internationale pour la
lutte contre la piraterie et notamment la mise en place d'outils juridiques
mieux adaptés et de mesures de répression.
25 Agence France Presse, 6 février 2011 : Cargo allemand
piraté : premier contact avec les pirates.
26 Règlement CE n° 300/2008 du 11 mars 2008
2/ Le renforcement des outils juridiques et des moyens de
répression
Longtemps dominé par le principe de la
compétence nationale, le droit de la mer interdisait aux bâtiments
de guerre d'inspecter par la force en haute mer les navires étrangers
sans le consentement de l'Etat du pavillon, hormis le cas prévu par la
CNUDM (Convention des Nations Unies sur le Droit de la Mer) à son
article 105, dans le cadre notamment de la lutte contre la piraterie.
Toutefois ce texte était insuffisant car les navires
pirates avaient tendance à se réfugier dans les eaux
territoriales d'Etats n'ayant pas la capacité de les y intercepter,
offrant là une impunité de fait. Il a donc fallu renforcer le
texte sur les plans universels et régional.
- sur le plan universel :
Devant la recrudescence des actes de piraterie au large de la
Somalie, le Conseil de Sécurité des Nations Unies (CSNU) a
décidé, en accord avec les autorités somaliennes, de
compléter ces dispositions. La résolution 1816 du CSNU
adoptée le 2 juin 2008 permet désormais aux navires militaires
des Etats coopérant avec la Somalie de poursuivre dans ses eaux
territoriales les navires suspectés de piraterie et d'utiliser tous
moyens nécessaires pour réprimer les actes de piraterie et les
vols à main armée. Cette résolution ne tranche toutefois
pas la question de la compétence juridictionnelle, celle-ci devant
être établie au cas par cas, par la coopération entre Etats
concernés.
De plus, les compétences très larges figurant
désormais dans le droit international ne sont applicables que si elles
sont inscrites dans l'ordre juridique interne des Etats parties. Or, la plupart
des pays ne possèdent pas dans leur arsenal législatif national
d'infraction qualifiée de piraterie.
En France par exemple, l'incrimination spécifique de
piraterie figurait dans une loi du 10 avril 1825 pour la sûreté de
la navigation et du commerce maritime, qui se référait à
l'autorité royale et aux « lettres de marque ou de commissions
régulières ». Ce texte était complètement
obsolète et non conforme aux dispositions du droit international de la
mer applicables en matière de piraterie.
La loi relative à la lutte contre la piraterie et
à l'exercice des pouvoirs de police en mer, votée le 5 janvier
2011, a réintroduit la piraterie dans le droit pénal
français, en l'adaptant aux conventions internationales. Elle
crée un cadre juridique permettant la rétention à bord,
avec l'intervention d'un juge des libertés et de la détention, et
accorde aux commandants les pouvoirs d'un officier de police judiciaire. Il
reconnaît aussi aux juridictions françaises « une
compétence quasi-universelle pour juger des actes de piraterie commis
hors de France, quelle que soit la nationalité du navire ou des victimes
» quand les auteurs sont appréhendés par des militaires
ou fonctionnaires français.
Cependant la question de savoir quel est le dispositif
légal national qui permette les poursuites et le jugement des pirates
sans générer de conflits de lois applicables avec d'autres Etats
reste entièrement posée...
- sur le plan régional :
A l'initiative de la France, des négociations pour
conclure un accord régional « en vue de prévenir,
décourager et éliminer la piraterie » ont
été menées et ont débouché, lors de la
réunion régionale de l'OMI à Djibouti le 28 février
2009, sur l'adoption d'un « code de conduite » liant 20 Etats
affectés par la piraterie somalienne : Afrique du Sud, Arabie saoudite,
Comores, Djibouti, Egypte, Erythrée, Ethiopie, France, Jordanie, Kenya,
Madagascar, Maldives, Maurice, Mozambique, Oman, Seychelles, Somalie, Soudan,
Tanzanie et Yémen.
Ce document, qui devait faire l'objet d'un essai pendant deux
ans avant d'être éventuellement rendu contraignant, prévoit
notamment la mise en place en réseau de trois centres d'information
à Mombassa, Dar Es Salam et Sanaa sur les actes commis, ainsi que
l'ouverture d'un centre de formation régional à Djibouti pour les
agents chargés de la lutte contre ce fléau.
Ce code prévoit notamment d'appeler les Etats
« à prendre les mesures appropriées dans leur
législation nationale pour faciliter l'arrestation et les poursuites
judiciaires contre les suspects de piraterie ». Cela ne va pas
cependant pas sans difficulté, même dans les pays «
occidentaux ».27
27 Cf. Annexe 3 : Nouveau bateau-mère
récupéré, pirates libérés. On dit merci qui
?
- les sanctions :
L'article 107 de la CNUDM autorise les navires militaires
coopérant à saisir d'une part, non seulement le navire pirate,
mais aussi le navire capturé par les pirates, et d'autre part à
appréhender les personnes et saisir les biens qui se trouvent à
bord.
Selon cet article, les tribunaux de l'Etat qui a
opéré la saisie peuvent se prononcer sur les peines à
infliger ainsi que sur les mesures à prendre en ce qui concerne le
navire ou les biens, « sous réserve des droits des tiers de
bonne foi ».
Plusieurs possibilités s'offrent alors aux
autorités de l'Etat dont le navire de guerre a procédé aux
arrestations.28
Ils peuvent, comme la France a eu l'occasion de le faire,
transférer les pirates dans leur pays et les placer en
garde à vue dans le cadre d'une enquête préliminaire.
Juridiquement, ces personnes sont alors expulsées et non
extradées, et le transfert doit être autorisé par le
président de l'Etat dont elles sont ressortissantes. La mise en examen
peut être prononcée pour détournement de navire,
enlèvement et séquestration en bande organisée avec remise
de rançon.
Par ailleurs, des assaillants de navires américains ont
été jugés à New York, tandis que dans un autre cas,
des pirates arrêtés par une frégate française ont
été remis aux autorités kényanes à Mombassa,
en vertu de l'accord signé entre la France et le
Kénya, qui a intégré dans son droit
interne le crime défini par la CNUDEM et accepte de juger et
d'incarcérer les pirates arrêtés dans les eaux
internationales.
Une autre possibilité est d'extrader les
pirates arrêtés : en mai 2009, la marine russe a ainsi
arrêté puis extradé 29 pirates vers la Somalie, l'Iran et
le Pakistan.
Les situations varient selon les circonstances : zone
d'incident (haute mer ou eaux territoriales), pavillon du navire
attaqué, nationalité du navire de guerre, pavillon de
l'opération... et du contexte politique interne des pays dont les
pirates sont ressortissants, de la situation internationale, de la
volonté politique du pays concerné d'accueillir des pirates, des
prises d'otage en cours...
Le rapport Jack LANG constate qu'actuellement, la
plupart des pirates arrêtés sont libérés faute
d'Etat d'accueil pour engager leur poursuite. Ainsi, plus de 90 % des
pirates capturés par les Etats patrouillant en mer sont rendus à
la liberté sans être jugés, selon la pratique dite de
« catch and release », qui, si elle exaspère au plus
haut point les parties prenantes à la lutte contre la piraterie, reste
toutefois majoritaire.
Car s'il existe un consensus pour mettre fin à
l'impunité des pirates, en revanche les principaux Etats engagés
dans la lutte contre la piraterie sont partagés sur les moyens à
mettre en oeuvre pour y parvenir.
L'une des idées avancées serait de créer
un « Tribunal Pénal International de la Piraterie ». Ce projet
a notamment été envisagé par l'Allemagne et la
Grèce. Toutefois les reproches qui sont faits aux tribunaux
internationaux existant pour juger les auteurs de crimes de guerre, de crimes
contre l'humanité ou de crimes de génocides, en particulier pour
la longueur des procédures et les coûts très importants
engendrés, font que cette piste n'a pour l'instant pas été
retenue.
L'autre option serait de renforcer les capacités des
Etats de la région, ce qui semble pour l'instant être le cas, avec
plus ou moins de succès.
Ce qui ressort jusqu'à présent, c'est que si des
adaptations juridiques sont venues combler les lacunes, en renforçant
les compétences gouvernementales et en favorisant les actions
répressives, le principal obstacle à la mise en oeuvre du droit
reste bel et bien la difficulté pratique à exercer le
contrôle et les arrestations. Le bilan des actions reste par
conséquent contrasté.
28 Cf. art. 13 de l'action commune adoptée par le Conseil
de l'Union européenne le 19 septembre 2008.
CONCLUSION
Il faut être bien conscient que les frais engagés
par les armateurs du fait de la piraterie se répercutent immanquablement
sur les affréteurs et que les difficultés d'acheminement des
cargaisons handicape toute la chaîne des acteurs économiques
impliqués dans les échanges.
Le fait que les attaques soient menées de plus en plus
loin des côtes est un élément inquiétant car il pose
la question de l'utilité du déroutage, en même temps qu'il
rend plus difficile les opérations de surveillance des flottes
internationales.
Dans la mesure où le transport de marchandises mondial
se fait principalement par voie maritime, on comprend aisément que les
différentes parties prenantes cherchent d'abord à connaître
les conséquences économiques pour savoir si les armateurs peuvent
continuer à emprunter les routes habituelles en engageant des
coûts supplémentaires pour assurer la sécurité des
équipages et des cargaisons, ou s'ils doivent envisager de
dérouter leurs navires pour éviter les zones de piratage.
Une des solutions à long terme, en plus de la recherche
d'un système juridique international efficace en matière de lutte
contre la piraterie, reste de tenter de résoudre
multilatéralement l'équation de réduction de la
pauvreté dans les pays dont les pirates sont ressortissants : vaste
travail en perspective !
On peut espérer néanmoins que les
révolutions en cours dans les pays d'Afrique du Nord et du MoyenOrient
voient un nouvel ordre politique apparaître, plus respectueux de la
répartition des richesses. De même, les négociations de
l'OMC, bloquées depuis des années, si elles prenaient mieux en
compte les revendications des pays en développement, pourraient
peut-être également jouer un rôle positif.
Il n'en demeure pas moins que la piraterie, si elle profite
à ceux qui la pratiquent, ne joue pas en faveur des économies des
pays en développement jouxtant les zones à risques. A titre
d'exemple, dans le Golfe de Guinée, les attaques des pirates,
ajoutées au pompage illégal, ont eu pour effet une baisse de
l'activité pétrolière et ont en particulier
entraîné le retrait de Shell de la région.
Bien que pour l'instant le contournement par le Cap de Bonne
Espérance ne soit pas retenu comme une option alternative durable au
passage par le Canal de Suez, si cela devait arriver, les conséquences
économiques pour l'Egypte seraient majeures, tout comme pour l'ensemble
du commerce mondial, et en particulier en ce qui concerne le transport du
pétrole en provenance des pays de l'OPEP.
Bon an, mal an, les échanges commerciaux par voie
maritime se poursuivent, la piraterie venant rappeler douloureusement à
ceux qui en font les frais les conséquences de l'exclusion de certains
pays de la mondialisation.
Annexes
ANNEXE 2 : les zones maritimes en droit
international
Les zones maritimes, de création juridique récente,
sont consacrées par la Partie V de la Convention UNCLOS (1982). Elles
sont illustrées dans le schéma ci-dessous :
Source : CEDRE (Centre de Documentation, de Recherches et
d'Expérimentation sur les pollutions accidentelles des eaux)
Bruxelles2
Le premier blog - webnews francophone consacré à la
Politique étrangère de l'UE et l'Europe de la Défense
Nouveau bateau-mère récupéré.
Pirates
libérés. On dit merci qui ?
Publié le 16 février 2011 par Nicolas
Gros-Verheyde
Sur le Dhow yemenite, les pirates se rendent (crédit :
Royal Navy)
Les jours se suivent et se ressemblent dans l'Océan
indien. Un nouveau bateau-mère a été saisi par les forces
multinationales. C'est le navire britannique HMS Cornwall,
navire-amiral de la CTF 151, qui est intervenu. Un navire marchand
sud-coréen, Yong Jin, avait repéré un navire
suspect, et donné l'alerte le 10 février. L'intervention de
l'hélicoptère Lynx puis des équipes d'abordage a permis de
confirmer. A bord, ils ont trouvé plusieurs armes (RPG, AK-47...) et
munitions, des moteurs, et trois skiffs qui ne laissaient aucun doute sur
l'activité. Ils ont été saisis et détruits. Sur les
22 personnes, 5 pêcheurs yemenites qui étaient retenus en otage
depuis trois mois ont pu être libérés. Les 17 pirates ont
été amenés à bord du HMS Cornwall puis simplement
déposés en Somalie. Explication officielle : le Royaume-Uni n'a
pas la possibilité d'arrêter des pirates suspects sans flagrant
délit. Commentaire: un peu court comme explication. L'Union
européenne a demandé à plusieurs Etats comme les
Seychelles ou Maurice d'inclure dans son droit national la préparation
d'un acte. Il parait inconséquent que les Etats européens ne
suivent pas le chemin. On peut se demander aussi pourquoi les pirates n'ont pas
été traduits au Yemen puisque ses ressortissants étaient
en cause.
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