MEMOIRE
En Vue de l'Obtention du Diplôme de Sup De Co
Reims
REIMS MANAGEMENT SCHOOL
Cycle MASTER
2007-2010
Ecotourisme: une amélioration de la contribution
de la pratique touristique dans les PED? Exemple de Madagascar
PAR : Mathieu MEYER
Jury : M. Olivier HASSID
Mme Alice DESTHUILLIERS
18 juin 2010
Sommaire
1 Le tourisme à Madagascar :
devenir plus responsable pour assurer son avenir
11
1.1 Madagascar, un pays pauvre en
mutation
11
1.1.1 La géopolitique au source d'un
conflit latent
13
1.1.2 Un nouveau départ
entaché par des luttes de pouvoir
16
1.1.3 Madagascar, l'exemple d'un
« bon élève » au développement
basé sur un équilibre fragile
19
1.2 Le tourisme, secteur clef pour soutenir
le développement
21
1.2.1 Un potentiel touristique connu, mais
peu exploité
23
1.2.2 Le Gouvernement fait du tourisme un
secteur clef de développement depuis près de 15 ans
24
1.3 Le cadre institutionnel inadapté
responsabilise les acteurs locaux
28
1.3.1 Un droit environnemental
inadapté, cause de la coexistence d'un droit réel et d'un droit
virtuel
30
1.3.2 La décentralisation, mode de
coopération contractuelle
31
1.3.3 Le cadre institutionnel insuffisant
fait des acteurs locaux de véritables moteurs du
développement
33
2 La sensibilisation et la protection du
patrimoine au service d'une gouvernance durable des ressources
36
2.1 Aller au-delà de la conservation
en valorisant la biodiversité
37
2.1.1 La conservation, réaction
stricte à l'activité prédatrice de l'homme
38
2.1.2 Passer de la conservation à la
valorisation du patrimoine en faisant des aires protégées des
zones motrices de développement
39
2.1.3 L'écotourisme, un mode de
valorisation communément adopté
41
2.2 Passer de la « visite »
à la « découverte » pour impliquer le touriste dans la
préservation du lieu
42
2.2.1 Le « Tour »-iste,
voyageur en quête de distinction
43
2.2.2 L'expérience
écotouristique incite à la sensibilisation
44
2.2.3 La valorisation est une gestion
durable du patrimoine, assurant sa préservation et la sensibilisation du
touriste
46
3 En s'intégrant plus au tissu
socio-économique local, l'écotourisme répond à une
double attente
48
3.1 Une redistribution notable des revenus
crée un contexte favorable au développement local
49
3.1.1 L'écotourisme, un moyen de
valoriser économiquement une région
49
3.1.2 En réalité, le
modèle ne fonctionne qu'imparfaitement
51
3.1.3 La coopération des acteurs
favorise la participation locale
52
3.2 Les compétences locales, facteur
déterminant de la participation des communautés
55
3.2.1 Une employabilité forte dans
les métiers les moins qualifiés
56
3.2.2 Le manque d'organisation et de
structure du secteur est un frein à la synergie
écotouristique
57
3.3 L'écotourisme fait de l'exotisme
une expérience et non un spectacle.
59
3.3.1 L'imaginaire crée la vocation
du voyage
59
3.3.2 L'écotourisme comme
système de représentation de l'identité touristique
malgache
61
4 L'écotourisme est un moyen de
s'intégrer dans une filière globalisée
64
4.1 L'Europe, principale zone
émettrice à destination de Madagascar
65
4.1.1 Une forte fréquentation
française
65
4.1.2 L'écotourisme, premier motif de
visite
65
4.1.3 La faiblesse des liaisons
internationales conditionne les arrivées
66
4.2 Les innovations technologiques au
service du développement écotouristique
67
4.2.1 L'e-tourisme transforme les circuits
de distribution
68
4.2.2 Organiser le secteur grâce aux
systèmes de gestion des destinations
69
5 Conclusion Générale
72
Annexes et Bibliographie
77
Introduction
Le concept de développement durable se fait de plus en
plus présent dans nos sociétés contemporaines, aussi bien
dans les esprits que dans les faits. Jacques-Yves Cousteau avait certainement
ouvert la voie de la médiatisation du respect de l'environnement
dès les années 1950, par le biais de films de ses recherches
océanographiques. « Je suis un découvreur, mon but
est d'émerveiller. On aime ce qui nous a émerveillés, et
on protège ce que l'on aime. », disait-il de lui. Cette
carte de l'émerveillement a d'ailleurs était reprise par ses
héritiers spirituels que sont notamment Nicolas Hulot ou Yann
Arthus-Bertrand, tous deux devenus célèbres par leur engagement
pour la protection de l'environnement. Cette idée de
responsabilité face à l'environnement, et la
société, semble mûrir au fil du temps, passant
d'idée plutôt idéaliste et marginale à la
volonté de s'engager à la mise en place de mesures beaucoup plus
concrètes. La notion de développement durable se construit aussi
politiquement, dépassant les frontières. Des institutions
dédiées aux problèmes environnementaux, sociaux et
économiques sont créées, citons par exemple
l'Organisation des Nation Unies qui charge sa Division for Sustainable
Development de promouvoir et mettre en place les applications
concrètes de l'Agenda 21, les Sommets de la Terre sont le signe d'une
coopération internationale accrue et volontaire. En mai 2007 naît
le Ministère de l'Ecologie, de l'Energie, du Développement
Durable et de la Mer (MEEDDM), par la fusion du Ministère de l'Ecologie
et du Développement Durable et du Ministère des Transports, de
l'Equipement, du Tourisme et de la Mer. L'action et le rôle de M. Borloo,
toujours ministre du MEEDDM actuellement, est alors jugée importante
pour l'avenir pour 60% des Français en juin 20071(*). Effet de mode pour les uns ou
nécessité à adopter pour les autres, il n'empêche
que ce concept tend fortement à s'exprimer de plus en plus dans la
réalité.
Rappelons que le terme de « développement
durable », traduit de l'anglais sustainable development,
est officiellement définit en 1987 par la Commission Mondiale sur
l'Environnement et le Développement dans le Rapport
Brundtland2(*) :
« Le développement durable est un
développement qui répond aux besoins présents sans
compromettre la capacité des générations futures à
répondre aux leurs. »3(*)
Cette graine, semée il y a maintenant plus de 20 ans, a
germé et commence à éclore dans la conscience collective.
La question d'un modèle de développement responsable et
soutenable à long terme ne s'est réellement posée
qu'à la fin de la croissance effrénée des années
1970, gourmande en ressources naturelles mais aussi en emplois. Les chocs
pétroliers successifs (1971 et 1979), et la période de crise qui
suivit, ont alors laissé transparaître les limites du
système, notamment en matière sociale et écologique. Le
Rapport Meadows4(*),
initié en 1972 par le Club de Rome, avait déjà
tenté d'alerter les opinions en mettant l'accent sur l'impact du
développement industriel sur l'environnement. Cependant, le
succès que connait le développement durable est relativement
récent, mais croissant.
En juin 1992 se tient à Rio de Janeiro le
troisième Sommet de la Terre, étape importante dans
l'intégration et la diffusion médiatique de cette notion. Le
développement durable aborde désormais trois principaux
axes [CNUED, 1992]:
· le progrès économique (principe 8 et 12),
· la justice sociale (principe 5 et 22)
· la préservation de l'environnement (principe 4
et 15).
Cette définition ne se focalise plus uniquement sur une
utilisation nécessaire (« besoin ») de ressources
naturelles quantitativement limitées, mais sur une exploitation plus en
accord avec l'environnement, en respect avec les populations et induisant un
progrès économique dont chacun doit pouvoir profiter.
Concrètement, l'Action 21 -Agenda 21 en anglais- est le plan
d'actions à mettre en place au cours du XXIe siècle
par les 173 pays signataires pour tendre vers les notions
évoquées dans la Déclaration de Rio. Les domaines d'action
concernent notamment la réduction de la pauvreté, la gestion plus
pertinente des forêts, mers ou déchets et la gestion de
l'agriculture.
En s'immisçant dans la sphère économique
et sociale, le développement durable passe d'idéal d'un monde
meilleur à un objectif à atteindre par le biais de
recommandations définies à l'échelle internationales et
applicables localement. Les acteurs du changement ne sont désormais plus
uniquement leaders d'opinions isolés mais médiatisés, ou
des institutions suggérant des perspectives de progression, mais le
tissu économique dans son ensemble. En effet, au point de vue
micro-économique, un terme spécifique définit le souci des
entreprises à prendre part au développement durable : la
responsabilité sociétale des entreprises (RSE). Le MEEDDM en
donne sa définition :
« La responsabilité sociétale des
entreprises (RSE) est la contribution des entreprises aux enjeux du
développement durable. La démarche consiste pour les entreprises
à prendre en compte les impacts sociaux et environnementaux de leur
activité pour adopter les meilleures pratiques possibles et contribuer
ainsi à l'amélioration de la société et à la
protection de l'environnement. La RSE permet d'associer logique
économique, responsabilité sociale et
éco-responsabilité. » [MEEDDM, 2010]
Ce principe ne cherche pas à sanctionner les
entreprises en les mettant face aux conséquences de leur
activité, au contraire, il les place au coeur du processus de changement
induit par le développement durable : la responsabilité
sociétale des entreprises n'est pas une contrainte imposée, mais
une opportunité laissée aux entreprises de devenir vecteur de
mutation et de prouver leur implication dans l'émergence d'un
développement soutenable. La décision, qui est purement
volontaire, consiste à mieux considérer les impacts
économiques, sociaux et environnementaux de l'activité par son
interaction avec les parties prenantes. Novethic, centre de recherche
sur la RSE et l'Investissement Socialement Responsable (ISR) affilié
à la Caisse des Dépôts, définit ces dernières
ainsi :
« Les parties prenantes de l'entreprise regroupe
l'ensemble de ceux qui participent à sa vie économique
(salariés, clients, fournisseurs, actionnaires), de ceux qui observent
l'entreprise (syndicats, ONG), et de ceux qu'elle influence plus ou moins
directement (société civile, collectivité
locale...) » [Novethic, 2010]
La triple dimension économique, sociale et
environnementale fait de la RSE la déclinaison microéconomique du
développement durable, tel que le présente la Déclaration
de Rio. Elle illustre parfaitement les propos tenu René DUBOS lors du
premier Sommet de la Terre de Stockholm en 1972 : « Penser
global, agir local»5(*). Cette pensée contient l'esprit-même
du développement durable. Chacun à son échelle peut agir,
ce qui aura des répercussions sur l'ensemble de la collectivité.
Dans un contexte de mondialisation, l'adoption de mesures socialement
responsables prend d'autant plus de sens que les parties prenantes peuvent
être localisées sur l'ensemble du globe. En dépassant les
minima légaux en matière sociale ou environnementale par exemple,
les entreprises contribuent à l'amélioration de la
coopération avec ses partenaires et tentent des maîtriser ses
externalités. Plusieurs démarches ont été
entreprises pour favoriser l'expansion de ce modèle de gestion. Citons
par exemple le Global Compact, programme de dix grands principes proposé
par Kofi ANNAN en 1999 ou l'Alliance européenne pour la
responsabilité sociale des entreprises, crée en mars 2006.
Les enjeux de la RSE deviennent donc considérables si
l'on s'intéresse à des secteurs économiques dont le poids
dans l'économie mondiale n'est absolument pas négligeable. Le
tourisme devient un cas d'étude particulièrement pertinent, non
seulement par son poids dans l'économie mondiale, mais aussi par sa
nature-même. Les données statistiques de ce secteur en font l'une
des principales industries du monde à plusieurs niveaux. Le tourisme
génère le quatrième plus gros revenu d'exportations,
derrière la pétrochimie, l'industrie chimique et l'industrie
automobile [UNWTO, 2009]. Notons aussi la distinction entre industrie
touristique et secteur touristique : le premier terme renvoie
exclusivement et strictement aux entreprises aux prestations de voyages, telles
que les tour-opérateurs. Le second terme inclut l'ensemble des
entreprises qui gravitent autour de cette économie, comme le transport
ou l'hôtellerie. Sauf précision, la question touristique
abordée dorénavant concerne le secteur touristique dans sa
totalité. D'après l'Organisation Mondiale du Tourisme des Nations
Unies, en 2008, ce secteur a contribué à hauteur de 5% dans le
PIB mondial, soit un revenu global généré de plus $9,44
milliards (6,42 M€) [UNWTO, 2009]. Près d'un actif sur douze y
travaillait la même année, ce qui représente
238 277 000 emplois (8,4% de la population active mondiale). De
plus, le tourisme devrait encore connaît une progression sur tous ses
indicateurs dans les dix prochaines années, dont une évolution
annuelle moyenne de création de richesses (PIB) de 4% et une
augmentation prévue de 19,6% de ses effectifs d'ici à 2018 [WTTC,
2008]. Ajoutons qu'économiquement parlant, le tourisme est une
activité certes lucrative mais aussi génératrice de
nombreux emplois, donc essentiellement pour un très grand nombre de
personnes.
La définition-même du tourisme rend cette
activité tout à fait particulière sur un autre point.
« Pratique revenant à voyager et
résider hors de son cadre de vie habituel pour une durée
inférieure à une année, pour loisirs, cause
professionnelle ou pour toutes autres raisons qui ne sont pas liées
à l'exercice d'une activité rémunérée sur
place. »[UNWTO]
La migration temporaire de population induite par
l'activité touristique a évidemment un impact sur la
région hôte. Le passage du touriste ne se réduit pas
à son accueil sur place, il faut tout d'abord qu'il puisse s'y rendre,
puis il séjourne, consomme et dépense. Ce processus rend d'autant
plus attrayante le tourisme qu'une multitude d'autres activités en
dépendent directement. Considéré comme un facteur de
progression socio-économique, les pays ouvrent de plus en plus leurs
frontières, élargissant le catalogue des destinations. Pour 83%
des Pays en Développement, il est l'une des principales sources
d'exportation, donc de devises. Ce secteur est même la première
source de devises dans soixante pays, dont 1/3 des pays les plus pauvres [TIES,
2006]. En effet, si en 1950, quinze pays monopolisaient l'ensemble des
touristes (98%), en 2007, ces mêmes quinze destinations n'en n'attirent
plus que 57%, signe d'une diversification des pays d'accueil, notamment pour
les PED qui accueillent 45% du tourisme mondial [UNWTO, 2008]. Ajoutons aussi
que d'ici 2010, on estime qu'un milliard de personnes voyageront (1,6M en
2020), ce qui rend l'activité porteuse, prometteuse et très
attrayante pour n'importe quelle région géographique.
En tant qu'activité de services « à
consommation non-locale », le tourisme doit aussi être
considéré pour son empreinte. Sa particularité provient du
fait que le consommateur (le touriste) se déplace pour consommer le
service. Ainsi, l'impact touristique devient rapidement transrégional,
voire transnational. Le modèle de tourisme 3S (sea, sand and
sun) - voire parfois 4S- ou tourisme de masse a dominé l'offre
touristique jusque dans les années 1990. Mais l'accueil massif de
personnes est gourmand en ressources et marque le lieu d'accueil, par un
ensemble d'externalités positives (emplois, services en amont et aval)
et négatives : problèmes du traitement des déchets
sur les îles de Bali ou des Maldives, priorité de distribution
d'eau potable vers les centres touristiques au détriment des populations
autochtones ou le tourisme sexuel d'Asie du Sud Est sont des exemples parmi
d'autres. On estime que chaque année les croisières aux
Caraïbes produisent environ 70 000 tonnes de déchets [TIES,
2006].
Ce type de tourisme est aujourd'hui en phase de
maturité, connaissant même, selon les régions, une
évolution stagnante, laissant la place à des pratiques
touristiques « alternatives ». Les plages ne sont plus les
principaux pôles d'attraction ; l'United Nations Environment
Programme indique que le tourisme à proximité des réserves
naturelles connaît une forte progression [Christ, 2005]. L'expansion de
l'activité touristique mondiale alliée à la stagnation du
modèle traditionnelle sous-entend l'émergence d'autres formes. En
effet, il est force de constater qu'un ensemble de modes de tourisme
« alternatives » se développent rapidement, dont, en
figure de proue, l'écotourisme. Ce dernier a connu une croissance
comprise entre 20% et 34% par an depuis 1990 [TIES, 2006].
« Forme de tourisme responsable, respectueuse de
l'environnement en promouvant les sites naturels et contribuant à
l'amélioration du bien-être des populations
locales. » [TIES, 1990]
Cette mutation suit une tendance plus globale des habitudes de
consommation et de façon de penser : la question de
l'écologie et de la maîtrise des impacts face à la Nature
et à l'Homme a gagné ce secteur. L'offre touristique s'adapte
à une demande plus exigeante en matière de responsabilité
écologique et sociale. A même qualité et durée de
séjour (2 semaines), près de 70% des touristes américains,
anglais ou australiens sont près à payer $150
supplémentaires pour résider dans un hôtel responsable face
à l'environnement. De même, 65% des voyageurs allemands sont
soucieux d'avoir des prestations tenant compte de l'écologie [TIES,
2006].
Cette nouvelle opportunité de développement
économique a largement été saisie par les PED. Les pays
leaders en termes d'écotourisme ne se situent pas dans les grands
pôles d'attraction touristiques (France, Espagne ou Etats-Unis par
exemple), mais majoritairement dans les pays en développement. Ainsi,
l'Amérique Centrale, avec l'Equateur, le Costa Rica ou le Belize et
l'Afrique (Botswana et Kenya notamment), mettent en avant de leurs incroyables
ressources naturelles pour profiter de cette nouvelle pratique. Le Népal
et l'Australie sont aussi d'excellents élèves en la
matière [Euromonitor International, 2008]. Ce constat soulève
alors les questions des motivations, des gains potentiels et de la mise en
place de cette politique respectueuses de l'environnement et des Hommes dans
les PED, voire les Pays les Moins Avancés (PMA). Une étude
complète des liens entre écotourisme et PED seraient
extrêmement complexe à traitée, du fait de sa taille et de
la diversité des situations à étudier. Cependant,
certaines régions géographiques conjuguent une situation
économique et géopolitique défavorable et priorité
de développement pour le tourisme, ce qui est le cas de l'île de
Madagascar. Les crises politiques répétées et successives
n'ont pas empêché au pays de considérer le tourisme, et
plus récemment l'écotourisme, comme une source de
développement à privilégier.
Ainsi, comment Madagascar, l'un des pays les plus pauvres du
monde, tente-il de bénéficier des retombées du
tourisme ? Quels sont les enjeux et les mécanismes entrant en
compte dans la promotion du tourisme, aussi bien du côté
étatique que des acteurs privés ? Quels
intérêts aurait Madagascar à développer un tourisme
responsable ? Quelles en sont les principales contraintes ? Quel
rôle pour le tourisme dans le développement de la Grande
Île ? La relation qu'entretient Madagascar avec l'activité
touristique soulève un grand nombre de questions, auxquelles le
traitement de la problématique de cette étude va tenter
d'apporter des réponses.
« Comment l'écotourisme peut-il
améliorer la contribution de la pratique touristique au
développement durable des régions d'accueil dans les PED?
L'exemple de Madagascar »
Cette interrogation suggère que la pratique touristique
est contributive aux PED, comme il l'a été évoqué
précédemment. Cependant, l'intérêt porte sur un
possible apport supplémentaire par l'adoption de tourismes alternatifs,
dans les domaines économiques, sociaux ou humains par exemple, en tant
que vecteur de développement durable à Madagascar. Plusieurs
hypothèses sont formulées à ce propos.
Tout d'abord, les spécificités de l'île
nécessitent une responsabilisation accrue du tourisme pour qu'il reste
une activité fortement génératrice de ressources. Une
approche économique et géopolitique de Madagascar pourra montrer
que, malgré la pauvreté et un flou juridique, le tourisme
bénéficie d'un cadre naturel et politique propice à son
développement.
La pression exercée sur les ressources naturelles
malgaches peut s'apaiser par le biais de la sensibilisation et la protection de
ce patrimoine. Une gestion pertinente des ressources dont regorge l'île
ne passe pas forcément par une sanctuarisation (conservation) de
l'espace géographique, mais par une approche éducative et
responsable.
Une forte intégration du tourisme au tissu
économique et social local va présenter un double avantage.
Considérant davantage la participation des populations locales à
son activité, l'écotourisme peut d'une part avoir des
retombées non négligeables sur l'économie, par les revenus
générés et les emplois créés ; et
d'autre part, il devient facteur d'échange entre visiteurs et
visités.
Enfin, le choix du tourisme responsable peut aussi être
un moyen pour Madagascar de mieux s'intégrer à l'économie
mondiale. Ce succès est notamment conditionné par une promotion
efficace de l'île auprès des pays émetteurs,
c'est-à-dire essentiellement les pays de Nord. L'utilisation des
nouvelles technologies semble être une option à fort
potentiel.
1 Le tourisme à Madagascar : devenir plus
responsable pour assurer son avenir
La zone sub-saharienne, à laquelle appartient
Madagascar, n'a encore que peu de poids sur le marché mondial du
tourisme. En 2008, elle possédait 3,2% de part de marchés, soit
29,5 millions de visiteurs et un revenu de 13,5 milliards d'euros [UNWTO,
2008]. Mais la contribution des pays dans ce résultat est plutôt
inégale, incluant des régions géographiques très
attractives et d'autres bien plus en arrière. L'Afrique du Sud est la
destination la plus populaire, captant 20,5% des visiteurs d'Afrique
sub-saharienne et générant à elle seule 24,9% des revenus
du tourisme. D'autres destinations, comme l'Angola ou l'Ouganda, n'atteignent
certes pas encore ces niveaux, mais connaissent une croissance à deux
chiffres [UNWTO, 2008].
Madagascar, quant à elle, reste encore une destination
discrète et confidentielle, peu fréquentée, mais en
progression depuis plusieurs années. Pour mieux appréhender les
enjeux et mécanismes qui cernent cette activité au sein de
l'île, une description plus approfondie de l'île paraît
judicieuse.
1.1 Madagascar, un pays
pauvre en mutation
Située au large des côtes africaines,
baignée par l'océan Indien, la Grande Île peut
étonner par différents aspects. Sa superficie de 587 041
km² en fait la cinquième plus grande île du monde -seules
l'Australie, le Groenland, la Nouvelle-Guinée et Bornéo la
supplantent. Par sa taille, la géographie et le climat de Madagascar
sont variés. Cinq régions peuvent être
distinguées : le Nord, recouvert de forêts primaires aux
nombreuses espèces endémiques, est un haut lieu de tourisme.
Cette région volcanique est géographiquement isolée du
reste de l'île par la principale chaîne montagneuse, où le
Tsaratanana culmine à 2 876 mètres. Les côtes et les
îles, dont la plus connue est Nocy Be, attirent une large population de
visiteurs chaque année. La côte Est, ouverte sur l'océan
Indien, subit de fortes précipitations, ce qui explique l'abondante de
végétations sur ces larges plaines. Les plages sont relativement
semblables à celles de la côte Ouest, où les récifs
forment des lagons et la mangrove couvre le rivage. Les hauts plateaux du
Centre, au relief plus accidenté, bénéficient d'une bonne
partie des pluies venues de l'Est, ce qui rend ces hautes terres fertiles et
idéales pour la culture du riz dans cette zone. Le Sud-ouest de
l'île est un vaste plateau, où l'aridité du climat le rend
victime de la désertification et la savane remplace les denses
forêts primaires.
Cette terre d'exotisme souffre néanmoins d'une autre
réalité, bien moins reluisante : il s'agit de l'un des pays
les plus pauvres de la planète. Presque l'ensemble des indicateurs
macroéconomiques indique une situation préoccupante et une
économie vacillante, affectant son développement. On estime
même que la situation s'est dégradée pendant ces trente
dernières années. En 1980, le Produit Intérieur Brut par
habitant (PIB)6(*)
était valorisé à 400 USD. Dix ans plus tard, celui-ci
était plus de 40% plus faible (230 USD). Jusqu'en 2002, cet indicateur
se révèle stable (250 USD), avant de connaître une
croissance pour atteindre un niveau similaire aux années 1980 (410 USD
en 2008). En 2006, 85% de la population vivait avec moins de deux dollars par
jour7(*), un taux 10%
supérieur à la moyenne des pays sub-sahariens [WBG, 2009].
Faiblesse de l'espérance de vie, accès difficile aux
infrastructures médicales ou éducatives,
détérioration des termes de l'échange, etc. La liste des
maux dont souffrent Madagascar est longue, mais jusque récemment, le
manque de données statistiques ne permettait que très rarement
d'avoir un aperçu à plus long terme de la situation et de
l'évolution dans le temps. A n'utiliser que les principaux
agrégats statistiques de développement, l'Indicateur de
Développement Humain (IDH) paraît relativement pertinent, car
regroupant des variables de mesure de la santé, le savoir et le niveau
de vie. Avec un indice de 0,543, Madagascar se place 145e à
l'échelle mondiale en 2007, révélant un niveau de
développement moyen [UNDP, 2009]. La volonté qu'a le pays
à aller de l'avant à été soutenue par les
institutions financières internationales (IFI), dont la Banque Mondiale
et le Fonds Monétaire International. L'adoption d'un
« modèle de développement »,
élaboré par ces bailleurs de fonds, est un ensemble de
recommandations économiques, présentées comme la voie du
succès vers le développement. Appliquant aujourd'hui ces
règles de conduites, Madagascar n'a cependant pas toujours
été ce « bon élève »
décrit par ces institutions tutrices.
1.1.1 La géopolitique à la source d'un conflit
latent
Cette situation n'est évidemment pas née
d'elle-même, le contexte historique du dernier siècle à
largement influencé le développement de l'île et donne un
éclairage nouveau sur les choix géopolitiques ou
économiques qui ont été pris. Par le passé,
Madagascar a fait partie de l'ensemble francophone du Sud-ouest de
l'océan Indien, incluant aussi la Réunion, Maurice ou les
Comores. L'appartenance de ces territoires à l'ancien Empire colonial
français à marqué leur histoire. L'influence
française s'exprimait non seulement par la langue, mais aussi par le
droit ou l'économie. Des vestiges de cette époque sont encore
visibles : échanges privilégiés vers la France ou
référence au droit français par exemple. Mais les
difficultés que connaît Madagascar ne sont pas le simple fruit de
la décolonisation, d'autres raisons internes et propres à
l'île peuvent être avancées.
En évoquant les troubles auxquels Madagascar doit faire
face, l'opposition entre les merina et les côtiers est souvent
évoquée. La distinction entre ces deux groupes sociaux est floue
et difficile à établir, elle ne relève pas, contrairement
à beaucoup de pays d'Afrique, d'un conflit clairement ethnique,
où la culture est le motif des tensions. Les merina regroupent une
partie des habitants des hautes terres du centre de l'île, s'opposant
donc aux côtiers, terme désignant le reste de la population,
comprenant aussi bien les véritables habitants des côtes que tout
autre non merina. Les raisons de cette opposition touchent relèvent
plus du domaine politique ou économique que culturel. Les merina, bien
que minoritaires -environ un quart de la population totale- ont un niveau
d'instruction supérieur. Un atout essentiel expliquant leur meilleure
maîtrise des techniques de production et leur forte présence
à des postes clefs sur la scène politique, leur permettant de
développer leurs relations avec le monde extérieur. Leurs
principaux revenus proviennent des prélèvements obligatoires,
leur région étant peu propice aux exportations. Ce mode de vie
est plus mal perçu par les côtiers, la majorité laborieuse
de l'île. En tant que véritables exploitants des ressources
naturelles, ils sont générateurs des revenus d'exportations. La
main mise des merina sur le pouvoir cultive un sentiment de méfiance et
de défiance, d'autant plus que les premiers (merina) sont d'origine
asiatique et les autres d'origine africaine.
L'importance de cette relative opposition ethnique est
toutefois à modérer. L'île, malgré sa taille et les
origines diverses des premiers habitants, a su construire une culture commune
et a connu un développement plutôt homogène dans les
différentes régions de son territoire. Madagascar est par
ailleurs le seul pays d'Afrique présentant une unique langue, reconnue
et parlée par chacun : le malgache. Et l'évolution des
groupes de populations, bien que disperser et isoler géographiquement,
ont connu un développement technologique et intellectuelle relativement
similaire. Ces éléments appuient encore la singularité de
Madagascar par rapport aux autres pays africains, où les
frontières des Etats sont contestées parce qu'elles ne tiennent
pas compte des territoires ethniques. Troubles politiques et guerres civiles
sont souvent le résultat de cette discordance. Les écarts entre
merina et côtiers ne se sont réellement creusés qu'à
partir du XIXe siècle lorsque l'Empire britannique apporta
son soutien à l'Imerina8(*). Ce rapprochement fut très
bénéfique pour le royaume en pleine expansion territoriale, qui
pu profiter d'aide financière et technique extérieure. Plus
qu'une opposition, il s'agit d'une domination d'une minorité merina sur
le reste de la population, rurale et contrainte aux travaux laborieux.
L'administration de l'île lors de la période
coloniale française eut des aspects assez similaires à la
précédente. La différence, majeure et non sans
conséquence, réside dans le choix des populations soutenues par
ce nouvel empire colonialiste. La rivalité entre la France et
l'Angleterre s'est naturellement transposée à Madagascar. Les
côtiers furent bien plus enclin à connaître les faveurs de
la France, contrairement aux merina, jugées trop proche des Anglais,
donc peu digne de confiance. Pour se faire, les Français
tentèrent d'isoler, au moins politiquement et économiquement les
merina, en plaçant notamment les administrations sur les côtes et
en appuyant la distinction entre les deux groupes de population. La
portée de ces politiques de « règne par la
division » n'a cependant été qu'assez limitée.
La présence des merina dans l'ensemble des secteurs économiques
et étatiques leur permis tout de même de tirer partie du
système en place, se révélant même être
indispensable à celui-ci. La montée du nationalisme au sein des
merina et le déclenchement d'une révolte en 1947 marque le
renforcement de l'opposition merina-côtiers. La rébellion,
encouragée par le Mouvement Démocratique de la Rénovation
Malgache (MDRM), d'inspiration merina, fut écrasée par les forces
côtières et coloniales.
L'avènement de la Ire République en
octobre 1960 ne rompt pas avec le mode d'administration en place. Le
gouvernement de Philibert Tsiranana, premier président de Madagascar,
favorise toujours la population côtière. Mais les faibles
relations extérieures qu'entretient ce groupe avec le reste du monde
fait de la France un interlocuteur privilégié pour le
président. Les critiques face à cet alignement et la stagnation
politique et économique qu'il provoque précipite la chute de
Tsiranana. La IIe République est proclamée en 1972,
période pendant laquelle l'opposition merina-côtiers tend à
s'estompée.
Didier Ratsiraka, président alors en place, voit pour
Madagascar un avenir nouveau dans un changement radicale de politique.
D'inspiration marxiste-léniniste, le chef de l'Etat engage l'île
vers la voie du nationalisme. La mise en avant de la spécificité
malgache s'exprime par l'abandon du franc CFA au profit du franc malgache
(FMG), les relations avec la France se détériorent, les
ambassades et consulats sont fermés. L'île s'isole et se concentre
sur elle-même, voyant aussi la mise en place d'une administration
centralisée forte, en accord avec un régime
marxiste-léniniste. En pleine Guerre Froide, cet alignement
idéologique sur le bloc soviétique fait de Madagascar un point
stratégique entre l'Afrique et l'Asie, et plus particulièrement
une position incontournable sur la route du pétrole.
Malheureusement, le choix d'une orientation politique
socialiste s'avère être un échec dès les
années 1980. Le niveau économique du pays est faible et
l'apaisement des tensions entre Est et Ouest rendent sa situation
géographique moins indispensable qu'auparavant. L'île tend
à devoir s'ouvrir au libéralisme, en se tournant vers les
Institutions Financières Internationales (IFI) par exemple.
L'expérience socialiste a laissé des traces relativement
profondes pour le pays. L'unité malgache semble avoir cédé
la place à démembrement de l'île, qui ressemble à un
archipel de zones plus ou moins développées. Ces vestiges des
collectivités délocalisées, isolées les unes des
autres par la vétusté des infrastructures de communications et la
montée de l'insécurité, sont désormais de puissants
représentants de l'autorité à l'échelle locale.
Cette atomisation du pouvoir, alliée à la croissance des
réseaux non étatiques comme l'Eglise, est un frein au
fédéralisme souhaité par Ratsiraka.
1.1.2 Un nouveau départ entaché par des luttes
de pouvoir
L'ajustement structurel engagé en 1983 est passé
par une remise en question quasiment totale du système de production, le
collectivisme agraire laissant place au capitalisme d'exportation. Ce choix a
conditionné le financement de l'économie malgache par les
bailleurs de fonds internationaux, à savoir qu'entre les années
1970 et 1990, le montant des prêts accordé a été
multiplié par quatre. En tant que principal bailleur, le Groupe Banque
Mondiale exerce une forte influence sur les choix économiques du pays.
En 2004, près des deux tiers (65,54%) du montant de la dette
extérieure de Madagascar provenait du financement accordé par la
Banque Mondiale [Sarrasin, 2009]. Le développement de la privatisation
et de la libéralisation, préconisé par le Fonds
Monétaire International et la Banque Mondiale, n'a pas
empêché la Grande Île de traverser difficilement les crises
des trois dernières décennies. L'agriculture, notamment
destinée à l'exportation, représente un quart du PIB et
emploie environ 80% de la population active et a gravement été
affectée par les fluctuations économiques du secteur [CIA,
2010].
L'intervention des institutions financières
internationales n'est pas simplement financière et encore moins
gratuite. Elle a pour vocation de soutenir les efforts entrepris par Madagascar
pour se sortir d'une situation catastrophique. En contrepartie d'aides
financières, le gouvernement malgache et les IFI coopèrent pour
mettre en place des objectifs de développement. C'est dans le cadre que
Madagascar s'est attelé à la rédaction d'un Document de
Stratégie pour la Réduction de la Pauvreté (DSRP) en 2003.
« Le Document de stratégie pour la
réduction de la pauvreté (DSRP) décrit les politiques et
programmes qu'un pays entend mettre en oeuvre sur le plan
macroéconomique, structurel et social afin de promouvoir la croissance
et de réduire la pauvreté, ainsi que les besoins de financement
extérieur qui y font pendant. Il est élaboré par les
responsables du pays en faisant appel à un processus participatif auquel
prennent part sa société civile et ses partenaires de
développement, dont la Banque mondiale et le Fonds monétaire
international (FMI). » [Banque Mondiale, 2010]
La coopération entre l'Etat malgache et les bailleurs
de fonds internationaux ne datent certes pas des années 2000. Ce type de
document contient un ensemble de mesures concrètes à mettre en
place dans le cadre de l'amélioration de la situation économique
et sociale. La première édition du DSRP malgache a fait de la
lutte contre la pauvreté son cheval de bataille : l'objectif
fixé en 2003 était de réduire de moitié la
population vivant sous le seuil de pauvreté (1 USD/jour) dans la
décennie qui suivait. Deux années plus tard (2005), la protection
de l'environnement devient un nouvel enjeu figurant dans le DSRP, car la
transition d'une économie basée sur l'agriculture vivrière
à une économie plus libérale exerce une forte pression sur
les ressources naturelles.
Malgré les modifications apportées
ponctuellement au DSRP de la Grande Île, les indicateurs montrent que les
Objectifs du Millénaire pour le Développement risquent de ne pas
être atteints d'ici 2015. Ces objectifs sont le fruit de la
coopération de 189 pays participants au Sommet du Millénaire en
2000, au siège des Nations Unies à New York. Cette campagne passe
par huit secteurs d'actions, dont les performances sont mesurées par des
indicateurs déterminés : 1) réduire l'extrême
pauvreté et la faim, 2) assurer l'éducation primaire pour tous,
3) promouvoir l'égalité des sexes et l'autonomisation des femmes,
4) réduire la mortalité infantile, 5) améliorer la
santé maternelle, 6) combattre le VIH/SIDA, le paludisme et d'autres
maladies, 7) préserver l'environnement et 8) mettre en place un
partenariat mondial pour le développement [ONU, 2010]. C'est dans ce
cadre que la volonté de Madagascar d'améliorer sa situation
franchie une nouvelle étape.
Le Plan d'Action pour Madagascar (MAP)9(*) révèle l'ambition
de l'Etat malgache à lutter contre la misère. L'initiative a
été lancée en 2005 pour finalement devenir
opérationnelle en 2007, pendant une durée de 5 ans (2007-2012).
Deux principaux objectifs sont soutenus dans ce document : réduire
la population vivant sous le seuil de pauvreté de 2 USD/jour à
50% (85,1% en 2003) et obtenir un taux de croissance de 10 % d'ici 2012
[Nations Unies, 2007].
« Le MAP décrit les stratégies et
les actions qui initieront la croissance rapide, mèneront à la
réduction de pauvreté, et s'assureront que le pays se
développe en réponse aux défis de la mondialisation et
selon la vision nationale « Madagascar naturellement »
ainsi que les Objectifs de développement pour le
Millénaire ». [Banque Mondiale, 2010]
Les mesures prises jusqu'ici se tenaient plus à
l'élaboration d'un « modèle de
développement » propre à Madagascar et largement
influencées par les IFI qu'à la poursuite de réalisation
d'actions nationales, rattachées à des objectifs mondiaux. Le
« modèle de développement » initié par
la Banque Mondiale a eu pour objectif le retour de la croissance
économique, ce qui induirait une réduction de la pauvreté.
Le MAP prolonge cet effort, en lui donnant une portée internationale en
plus.
A l'instar des Objectifs du Millénaire pour le
Développement, le MAP se concentre sur huit vecteurs prioritaires de
mutation, dont ces engagements sont les garants : 1) gouvernement
responsable ; 2) infrastructures reliées ; 3) transformation de
l'éducation ; 4) développement rural et une révolution
verte ; 5) santé, planification familiale, et la lutte contre le
VIH/SIDA ; 6) économie à forte croissance ; 7) l'environnement ;
et 8) solidarité nationale. [Banque Mondiale, 2010]. L'assainissement
des finances publiques, l'incitation à l'investissement,
l'amélioration des soins et de l'accès à
l'éducation, et la réforme de l'appareil judiciaire font partie
des priorités retenues par l'Etat pour mettre en application ce plan.
L'exécution du MAP a débuté en 2007, ce qui laisse
déjà la possibilité d'entrevoir les changements
engendrés par certaines politiques. Les stratégies touchant
notamment aux domaines de la santé ou de l'éducation connaissent
vraisemblablement un début assez prometteur pour l'avenir. Alors que
seuls 67% de la population en âge suivait une scolarité au cycle
primaire en 2000-2001, ce taux est grimpé à 96% en 2008 ; le
taux de mortalité infantile sous l'âge de 5 ans a diminué
27% en une décennie (159 pour 1000 en 1997 contre 115 pour 1000 en
2008). C'est un ensemble d'évolutions telles que celles-ci qui ont
permis à Madagascar de figurer désormais dans le groupe des pays
à indicateur de développement moyen depuis 2006 [Nations Unies,
2008]10(*). Pour mener
à bien la réalisation des objectifs qu'il s'est fixé,
l'Etat malgache va devoir mobiliser efficacement ses ressources, qu'elles
soient humaines, naturelles ou financières. Et la création de
l'Economic Development Board of Madagascar et le National Leadership Institute
of Madagascar, chargé respectivement de promouvoir l'investissement
national et étranger et de former les acteurs du changement de demain,
est appelé à soutenir les efforts entrepris jusqu'ici.
1.1.3 Madagascar, l'exemple d'un « bon
élève » au développement basé sur un
équilibre fragile
L'issue de la métamorphose dans laquelle s'est
lancée la Grande Île reste floue, certains facteurs politiques et
culturels ne jouant pas en faveur d'un succès sans encombre. Le pays
souffre tout d'abord d'une double insularité, externe et interne. La
première, externe, est la plus évidente. Tout comme ses voisines
Comores, Maurice ou Seychelles, Madagascar est géographiquement
isolée du continent africain, caractéristique qui certes
été un avantage lors de la Guerre Froide, mais que le pays ne
peut plus exploiter aujourd'hui. La difficulté à trouver des
partenaires économiques fiables sur lesquels s'appuyer dans la
région accentue ce relatif isolement. La seconde insularité est
intimement liée à la précédente. Elle concerne
l'écosystème et l'aménagement du territoire malgache. Sa
taille (1600km du Nord au Sud) et son relief ont largement conditionné
le développement de certaines zones de l'île, plus facile
d'accès. Cette disparité, accentuée par la faiblesse des
infrastructures reliant ces pôles, confère à l'île un
semblant d'archipel. Les populations établies aux différents
endroits de l'île ont pu connaître des variations de
développement, due à leur relatif isolement. Des politiques de
réaménagement du territoire et de développement des
infrastructures et des transports sont bien comprises dans le MAP, mais leur
application sur le terrain prend du temps.
Enfin, un autre élément, et non des moindres,
est à prendre en compte pour préciser les freins à la
mutation de Madagascar : en effet, si l'île a souvent fait
parlé d'elle dans l'actualité de ces dernières
années, ce n'est malheureusement pas pour les progrès qu'elle
réalise, mais pour son instabilité politique. Depuis le
début des années 1990, les troubles politiques n'ont
cessés de se succéder pour la plus haute place de l'Etat,
affectant par la même occasion les institutions, les relations
internationales ou la gestion des politiques intérieures. En 1992,
l'importance des manifestations et la pression de la rue ont eu raison du
président Ratsiraka, emportant dans sa chute la IIe
République. Après une courte période de transition
dirigée par la Haute Autorité de l'Etat, Albert Zafy se voit
élu à la présidence de la nouvelle IIIe
République en novembre 1992. Sa gouvernance est de courte durée,
puisqu'en 1996 est voté l'empêchement du président. Cette
mesure fait suite aux critiques d'avoir agit trop peu face à la crise
économique, et à plusieurs reprises anticonstitutionnellement.
Didier Ratsiraka, déjà président de 1975 à 1991,
remporte les élections de 1996, se voyant à nouveau occuper une
fonction qu'il avait due abandonner cinq ans plus tôt. La fin de son
mandat quinquennal, et derechef l'organisation de nouvelles élections
présidentielles, voit le retour de la crise. En effet, le dernier mandat
de Ratsiraka a su s'épargner ce type de conflits, connaissant même
une relative stabilité économique. Les contestations du
résultat des élections de 2001 par l'opposant de Ratsiraka, Marc
Ravalomanana, maire de la capitale Antanarivo, ravivent la lutte du pouvoir. Ce
dernier s'autoproclame par ailleurs Président de la République en
février 2002. Auteur de la politique « Madagascar
naturellement » et initiateur de programmes de mise en application du
Plan d'Action pour Madagascar (MAP), Ravalomanana est réélu en
2006. Plus récemment, les conflits politiques ont repris, basés
sur la rivalité des dirigeants de l'Etat, Marc Ravalomanana et de la
capitale, Andrey Rajoelina, débouchant sur la prise de pouvoir des
partisans de ce dernier par un putsch en 2009.
Madagascar fait aujourd'hui partie des pays les plus pauvres
de la planète. Le niveau de la plupart des indicateurs
macroéconomiques et de développement tend à confirmer la
situation catastrophique dans laquelle se trouve l'île. Mais ces maux
trouvent l'essentiel de leurs racines dans un passé pas si lointain.
Soumise à la colonisation pendant plus d'un siècle et demi, les
Empires desquels l'île dépendaient n'ont pas manqué
à souligner, voire exacerber, des différences
présentées comme ethniques -bien que plus économiques et
politiques- n'ayant présentées que peu d'importance jusque
là. L'indépendance de 1960 et sa vague de malgachisation ont
conduit à un alignement de l'île sur le Bloc de l'Est, à un
isolement relatif, et surtout à de piètres performances
économiques et une dégradation du niveau de vie. La sortie de ce
régime politique d'inspiration marxiste-léniniste laisse place
une situation préoccupante dans l'ensemble des secteurs de
l'île : dégradation des infrastructures, atomisation des
pôles de développement, insécurité croissante,
appauvrissement de la population, etc. La mise sous tutelle de Madagascar par
les institutions financières internationales lui permet de trouver le
financement dont elle a besoin pour reconstruire le pays. Cependant, les
bailleurs de fonds internationaux, en particulier la Banque Mondiale,
conditionnent largement leur financement par la mise en place d'un
« modèle de développement », dont
l'inspiration libérale des prêteurs se retrouve souvent dans le
choix des politiques et programmes proposés. L'ajustement structurel
initié en 1983 marque le début de la période d'ouverture
et de la libéralisation de l'économie et du système de
production de Madagascar. Bien que les crises mondiales des années 1980
et 1990 n'épargnent aucunement le pays, la marche vers le
développement est lancée, tout d'abord par des politiques
ponctuelles, toujours sous influence du Fonds Monétaire International
(FMI) ou de la Banque Mondiale, puis par des objectifs rédigés
dans un document de stratégie pour la réduction de la
pauvreté (DSRP). Les efforts et investissements entrepris par l'Etat
commencent à porter leur fruit dès le début des
années 2000. Madagascar décide par ailleurs de
persévérer et d'accélérer la mutation
amorcée, en appliquant le Plan d'Action pour Madagascar (MAP) en 2007,
seconde niveau de plan de lutte contre la pauvreté, en accord avec les
objectifs du Millénaire pour le développement de l'ONU. Cette
volonté de développement se voit toutefois ralentie par les
incessants troubles politiques que connait Madagascar, conflit
résurgents à chaque élection présidentielle au
moins.
C'est dans ce contexte à la fois d'instabilité,
de précarité et aussi de dynamisme et de mutation continus que
l'activité touristique évolue. Celle-ci bénéficie
néanmoins d'une position particulière et
privilégiée par rapport à d'autres secteurs : en
1996, le Président Ratsirka se rapproche du FMI en vue de l'obtention de
nouveaux crédits. Les accords alors signés en contrepartie de
l'attribution de ces fonds placent la pêche et le tourisme comme nouveaux
moteurs des exportations malgaches11(*).
1.2 Le tourisme,
secteur clef pour soutenir le développement
Malgré le poids relativement important du secteur
touristique dans l'économie malgache, cette destination reste tout de
même assez peu fréquentée, en comparaison à d'autres
pays de la région. 375 000 visiteurs ont séjourné sur
la Grande Île en 2008, ce qui ne représente certes que 0,8% du
tourisme africain, soit à peine 0,04% du tourisme mondial, mais surtout
une hausse de 9% par rapport à 2007 [UNWTO, 2008]. Comparativement
à d'autres pays de la région, ces chiffres semblent en effet
relativement faibles. Cependant, l'apport du tourisme à
l'économie malgache est important. Les recettes touristiques de
l'île sont estimées à $611,8 millions (451,27 millions
d'euros) en 2008, donc 7,8% du PIB national [WTTC, 2008]. Ces recettes sont
issues de deux catégories de revenus :
· Ceux issus du tourisme international, comprenant
l'ensemble des dépenses effectuées sur place (hors titres de
transport internationaux), et donc considérés comme
exportations
· Ceux provenant du tourisme national, interne à
l'île. L'ensemble de la consommation est ainsi comptabilisée.
Plusieurs raisons peuvent être évoquées
pour expliquer les performances en demi-teinte du tourisme malgache. Il
paraît clair que le contexte politique et économique du pays
pèse beaucoup sur l'attractivité de Madagascar. Ainsi, la
période de la IIe République (1975-1991) n'a
été que peu favorable à l'arrivée de touristes,
l'orientation marxiste-léniniste ayant déclenchée une
phase de nationalisme fort et d'isolement politique. Par la suite, la
dégradation des infrastructures, l'extension de la pauvreté, le
clivage ville-campagne, l'insécurité et l'instabilité
politique ont été autant de freins au développement du
tourisme, nuisant à l'image de l'île sur la scène
internationale. De plus, la promotion de Madagascar auprès des pays
émetteurs était réduite à sa plus faible
expression, et pour cause : non seulement les principaux pays
émetteurs sont éloignés géographiquement -le Nord-,
mais les structures d'accueil et d'accès à la Grande Île
sont aussi manquantes. Seuls cinq des douze aéroports principaux sont
exploitables par exemple [Sarrasin, 2007]. Cette situation n'est guère
propice à établir des bases saines de croissance et de
développement du tourisme, d'où les fluctuations ponctuelles de
l'activité. La crise économique mondiale conjuguée aux
troubles politiques nationaux a certainement beaucoup contribué à
la chute de 50% de l'activité touristiques entre 2008 et 2008 [CIA,
2010].
C'est aussi à la suite de la crise politique de 2002
que Rasoamanana Andriantsoa, directeur de cabinet au ministère du
Tourisme, déclare lors d'une interview : « Il
faut que le tourisme redevienne ce qu'il était : un pourvoyeur de
devises. Pour cela, nous devons atteindre au minimum 150 000 touristes
annuellement. Notre objectif à long terme est de faire autant sinon
mieux que Maurice qui reçoit près de 600 000
touristes. » [Andriantsoa, 2002]12(*). Six ans plus tard, le nombre de visiteurs a plus que
doublé : 375 000 touristes ont été accueillis
sur l'île en 2008. L'objectif paraît être en bonne voie pour
être réalisé. Il est vrai que Madagascar possède un
atout très particulier, sur lequel elle peut compter pour
développer et promouvoir le tourisme. La Grande Île est
unanimement reconnue pour la richesse de sa biodiversité, abritant
à la fois une faune et une flore biologiquement très
variées, mais aussi très spécifique à l'île.
Le terme de « mégabiodiversité »
décrit mieux cet incroyable capital écologique, qui
présente parfois un taux d'endémisme proche de 95% [Sarrasin,
2007]. Certaines espèces sont le symbole de cette singularité,
comme le lémurien, dont 32 espèces peuplent l'île, ou le
ravenale, dit « arbre du voyageur ». Cet arbre
-cette plante herbacée plus exactement- figure d'ailleurs sur le drapeau
national de Madagascar, figure de son endémisme et de sa richesse
écologique. Il est intéressant d'ajouter que cette extraordinaire
biodiversité est aussi bien un caractère qualifiant la faune et
flore terrestre que marine, ouvrant une nouvelle porte à la mise en
valeur de ce capital biologique. Le potentiel d'exploitation, à des fins
touristiques, de cet atout peut se faire dans les terres, par un tourisme
d'aventure ou l'écotourisme par exemple, ou sur les côtes, comme
pour le tourisme balnéaire.
1.2.1 Un potentiel touristique connu, mais peu
exploité
Le développement du secteur touristique à
Madagascar peut s'avérer être un puissant vecteur de croissance
économique et de développement en général, parce
que cette activité a besoin d'un ensemble d'autres biens et services
pour exister, créant un réseau d'entreprises gravitant en amont
et en aval. De plus, les externalités générées par
le tourisme peuvent être bénéfique à plusieurs
niveaux. L'isolement relatif de certains pôles et le fort taux de
ruralité sont deux handicaps majeurs auxquels le tourisme est capable de
répondre. Tout d'abord, l'ensemble de l'île est doté d'un
capital touristique suffisant pour développer cette activité sur
la plus grande partie du territoire, ce qui serait une opportunité pour
désenclaver de lieux jusqu'à présent isolés, au
moins économiquement. Elle devient aussi une alternative à des
activités plus traditionnelles, telles que l'agriculture ou
l'exploitation forestière, ont exercent une pression considérable
sur les ressources naturelles. D'autre part, en offrant cette
opportunité de mutation sectorielle, le développement d'un
tourisme responsable et respectueux de son lieu d'accueil, devient un moyen de
préserver l'environnement dans lequel il évolue. La gestion
pertinente des ressources qui en font son succès lui assure un
développement pérenne.
Du point de vue de la demande, Madagascar pourrait devenir une
destination à très fort potentiel touristique. Le capital
écologique et biologique qu'offre la Nature là-bas est un
avantage comparatif sans commune mesure dans le reste du monde, d'autant plus
que l'écotourisme -c'est-à-dire un tourisme basé sur la
mise en avant du capital naturel- doit connaître une croissance à
long terme. Mais la situation réelle est bien différente,
laissant entrevoir l'existence de nombreux obstacles entravant le
développement de l'offre touristique sur l'île et laissant un
potentiel riche de croissance encore inexploité. La faible promotion de
Madagascar comme destination touristique de choix ne facilite guère son
développement. Madagascar ne fait pour l'instant l'objet que d'une
promotion faible, voire anecdotique. Ni les pouvoirs publics ni le secteur
privé n'ont encore su communiquer considérablement sur les atouts
de la Grande Île. Ceci étant le manque d'infrastructures, ou leur
mauvais état, ne favorise guère l'arrivée massive de
touristes. En 2006, 932 établissements hôteliers étaient
comptabilisés, soit 10 847 chambres. La plupart de ces
établissements sont des entreprises familiales, comportant rarement plus
d'une dizaine de chambres. L'absence de résidences
hôtelières de grande capacité, répondant aux normes
de qualité internationales, est un handicap important, notamment face
aux concurrents de la région, que sont Maurice ou les Seychelles
[MINEFI, 2006]. La question des transports est aussi un point sensible.
L'état du réseau routier réduit la possibilité de
circuler toute l'année sur les routes à une minorité
d'entre elles. Quant au transport aérien, le coût et la moindre
fiabilité des vols intérieurs sont souvent peu incitatifs
à son utilisation. A l'international, peu de liaisons desservent cette
destination, à l'exception de la France ou de l'Afrique du Sud.
L'ensemble de ces handicaps rendent l'accès à l'île plus
difficile et ralentissent considérablement la croissance du tourisme.
1.2.2 Le Gouvernement fait du tourisme un secteur clef de
développement depuis près de 15 ans
Les mesures entreprises par le gouvernement depuis maintenant
plusieurs années peuvent laissées penser à une
volonté d'améliorer la situation, à un souhait de mettre
en place un contexte propice au développement du tourisme et à
l'attrait de nouveaux investisseurs. L'une des premières politiques
adoptées entre en accord avec les ajustements et autres mesures
macro-économiques suggérés par les bailleurs de fonds
internationaux. L'accord « Open Sky » -« Ciel
Ouvert »- formalise la libéralisation du transport
aérien amorcé dès 1997. En soumettant ce dernier aux lois
du marché, le but a été d'augmenter le volume
d'arrivées et de pouvoir réduire les prix du transport.
L'île de Madagascar est désormais desservie directement par
Corsair, Air France et Air Madagascar, laquelle détient par contre
toujours le monopole des vols intérieurs réguliers. Air Austral
assure aussi une liaison entre l'île et l'Europe via la Réunion.
Bien que l'objectif des 700 000 arrivées d'ici 2010 soit plus
qu'ambitieux, pour ne pas dire irréalisable, il est force de constater
que le volume de visiteurs ne cesse de s'accroître d'années en
années, doublant d'ailleurs entre 2004 et 2008. Une fois encore,
l'état général des infrastructures aéroportuaires
freine clairement les mécanismes d'ouverture prévus par cet
accord. Moins de la moitié des aéroports sont capables
d'accueillir des gros porteurs et Tananarive reste le hub principal (et unique)
de l'île.
Si la question des infrastructures est récurrente,
c'est qu'il s'agit non seulement d'une réalité, mais aussi un
point crucial et essentiel pour transformer les mesures prises en
succès. Toutefois, un paradoxe apparaît lorsque l'on évoque
la rénovation ou la création d'infrastructures. En effet, si le
modèle de développement suivi par le gouvernement malgache fait
bien du tourisme un secteur-clef d'exportation, les ajustements structurels
imposés par les IFI demandent un contrôle strict des
dépenses publiques. Or, ce manque de moyens devient rapidement
néfaste à la réalisation des objectifs, d'où le
décalage entre prévision et réalité. Et
malgré cet antagonisme économique sous-jacent, Madagascar tente
de poursuivre sa marche vers le développement, en laissant au tourisme
une place importante dans ce processus.
La naissance en novembre 2004 de la vision
« Madagascar Naturellement » pose les fondations de la
seconde phase d'élaboration de programmes et politiques menant à
la croissance et à la réduction de la pauvreté. Le choix
de ce nom annonce clairement le souhait de Madagascar de baser sa montée
en puissance sur son avantage particulier : la nature et la
biodiversité. Le secteur n'échappe par à cette vision,
bien au contraire. Les objectifs de croissance fixés par le Madagascar
Action Plan (MAP) comptent bien s'appuyer sur les performances du tourisme pour
être réalisés. Présenté sous forme
d'engagements respectueux des Objectifs du Millénaire pour le
Développement (OMD), le MAP décrit les défis que
l'île a à relever pour accélérer son
développement et propose les stratégies à mettre en place
pour réussir d'ici 2015.
Inclut dans l'engagement 6 (Economie à forte
croissance), le défi 8 se rapporte exclusivement au tourisme :
« Promouvoir et développer intensément le secteur
tourisme ». La valorisation de la biodiversité est au centre
de cet engagement, mettant particulièrement en avant les
opportunités offertes par l'écotourisme. Concrètement, la
stratégie se fonde sur quatre axes de progression [MAP, 2006]:
· Attirer les investisseurs, notamment des grands groupes
étrangers, par le biais d'incitations fiscales ou foncières par
exemple. Ils sont à la fois porteur de nouvelles capacités
d'accueil et garant d'une qualité répondant aux normes
internationales.
· Madagascar doit devenir une destination
privilégiée et incontournable pour l'écotourisme.
· La gestion des activités touristiques est
appelée à être plus encadrée et
professionnalisée. Cela passe par la révision du code du tourisme
(2002), un meilleur contrôle des exploitants familiaux ou la formation
des professionnels.
· Une amélioration des prestations
proposées ; un critère soutenu par l'ambition de faire de
l'Île Rouge une destination pilote dans l'écotourisme haut de
gamme.
Le Ministère de l'Ecologie, des Eaux et Forêts et
du Tourisme (MEEFT) est le principal acteur chargé de
l'exécution effective des ces stratégies. Des plans et actions
préalables au MAP ont déjà été entrepris
pour créer un contexte favorable à l'investissement. C'est
notamment le cas des Réserves Touristiques Foncières (RFT),
créées pour agir dans le sens de la promotion touristique de
l'île. Elles sécurisent et facilitent l'accès aux fonciers.
L'Economic Development Board of Madagascar (EDBM) est l'organisme en charge de
la gestion des dossiers et des appels d'offres. Par son pouvoir, les
traitements des dossiers s'en voient largement raccourcis. Actuellement au
nombre de 21, ces RFTs sont essentiellement situées dans les zones
à fort développement touristiques, c'est-à-dire au Nord
-dont 3 à Nosy Be- et au Sud-Ouest, soit une surface totale de 9 514
hectares [MEEFT, 2010]. Au moins théoriquement, ces zones sont des
incitations à l'investissement dans le domaine touristique, en
allégeant les charges administratives et tout incident qui pourrait en
découler. Un dossier complet est dorénavant traité en 25
jours, contre 90 jours précédemment. Elles répondent
à un problème majeur qui concerne l'insécurité de
l'acquisition des terres. En effet, moins de 20% des terres figurent
formellement au cadastre, lequel n'est pas toujours à jour non plus.
Traditionnellement, la valorisation du territoire relève des
communautés ou des droits ancestraux, ce qui n'exclut pas une
« revendication spontanée » des terres non
titrées. Les RFTs doivent donc encourager les Investissements Directs
à l'Etranger (IDE) en assurant une sécurité de la
propriété. Rappelons que depuis l'Indépendance, le droit
malgache exclut les étrangers de la propriété
foncière directe. L'article 18-b de la loi 2007-036 du 14 janvier 2008,
relative aux investissements à Madagascar, indique que les
étrangers ne peuvent uniquement « contracter un bail
emphytéotique, d'une durée maximale de quatre-vingt-dix-neuf ans,
renouvelable ».
Les RFTs sont aussi destinées à
« assurer un développement durable et harmonieux des
activités touristiques » [MEEFT, 2008], privilégiant
les projets écotouristiques ou balnéaires. En contrepartie de
l'approbation des communautés à céder une concession sur
les terres, les investisseurs s'engagent à partager les avantages du
développement touristiques. De ce fait, l'EDBM se réserve un
droit de préemption sur l'acquisition des RTFs si celles-ci ne sont pas
exploitées à des fins touristiques, notamment définies par
un cahier des charges ou un schéma directeur13(*).
Etant donné la dispersion des RFTs sur le territoire,
le succès de cette mesure dépend aussi largement des politiques
de réhabilitation des infrastructures de communications. Ainsi, le MAP,
en tant que document directeur des stratégies de développement,
prévoit plusieurs plans de développement des réseaux
routiers, aéroportuaires, ferroviaires ou des
télécommunications. Ces actions ont évidemment pour but de
désenclaver certaines régions, et par ce biais,
d'améliorer aussi la circulation des personnes sur le territoire. Sans
que ces mesures ne soient directement orientées pour le tourisme, ce
secteur bénéficiera immédiatement des avantages de
structures plus fiables et plus modernes. Ainsi, le réseau routier de
voies nationales devrait atteindre 7 800km d'ici 2012, contre 805km en
2005 par exemple. Les principaux objectifs de l'engagement 2 du MAP,
intitulé « Infrastructures reliées », se
concentrent sur l'amélioration et l'extension des réseaux de
transports, d'énergie, le développement des technologies de
communications et la viabilisation de la majorité des zones
habitées.
En mandatant la firme allemande GATO AG de
l'élaboration du Plan Directeur du Tourisme -Tourism Master
Plan-, le gouvernement malgache s'est doté en 2004 d'un outil
essentiel, indiquant la ligne de conduite et les recommandations à
suivre en matière touristique. Ce plan, adopté en 2005, a
éminemment pesé sur les choix stratégiques
décidés dans un autre document d'importance : le MAP. A vrai
dire, ces deux documents formalisent officiellement l'intérêt que
porte le gouvernement malgache au développement du tourisme, en
tâchant d'élaborer des stratégies complètes et
graduelles pour que l'activité touristique devienne un secteur fort et
robuste de l'économie malgache. Cela passe par la création d'un
contexte favorable aux IDEs, comme un accès simplifié aux
fonciers, une réhabilitation des voies de communications ou la mise en
place d'une fiscalité allégée. De même, la
volonté du développement de ce secteur passe aussi par des
actions de promotions, assurées par la participation à des
manifestations internationales ou par des rencontres entre
représentants de l'Etat et acteurs du secteur touristique, comme en fait
état le rapport du Gouvernement à l'Assemblée Nationale
malgache en 2005. Cependant, le succès des mesures prises et
programmées dépendent fortement d'une caractéristique
importante de l'île : le pouvoir des communautés dans le
processus de décision. En effet, l'isolement relatif des zones de
développement et la forte ruralité font que les
communautés bénéficient souvent d'une autorité
prépondérante.
1.3 Le cadre
institutionnel inadapté responsabilise les acteurs locaux
Aussi déterminé et plein de bonne volonté
soit le gouvernement malagasy, les politiques décidées à
la tête de l'Etat doivent ensuite pouvoir s'appliquer sur le terrain. Or,
il est parfois à noter une différence entre l'engagement pris et
sa réalisation. Ce décalage peut avoir plusieurs explications,
dont la question des budgets alloués ou celle de la
représentation du pouvoir dans le pays -aspect auquel nous allons plus
particulièrement nous intéresser. En effet, si l'ensemble des
décisions nationales, en matière d'aménagement du
territoire ou de développement de secteur d'activité par exemple,
se prend au niveau des institutions nationales, basées à
Tananarive, encore faut-il que le pouvoir soit suffisamment relayé dans
la province pour prétendre à l'application de ces politiques. Et
sur ce point, Madagascar semble devoir faire face à une situation
paradoxale : d'une part, le gouvernement est dynamique et ambitieux, il
crée et propose des plans d'actions à plus ou moins long terme
pour insuffler une dynamique de développement et de croissance ;
d'autre part, l'île souffre d'une insularité interne, qui a
souvent laissée aux communautés locaux la gestion du pouvoir et
la représentativité de l'autorité.
La forte ruralité de Madagascar et le défaut
d'infrastructures de communication -routes, télécommunications
par exemple- a isolé et éloigné certaines
communautés du contrôle du pouvoir central. La politique de
décentralisation menée sous la IIe République
n'a d'ailleurs fait qu'accentuer ce phénomène. Un manque de
contrôle et de réglementations, notamment dans le domaine du
tourisme, peuvent rapidement être néfaste pour l'activité
et pour les populations. L'un des exemples les plus criants concerne
certainement la pratique du tourisme sexuel. Dénoncé et combattu
dans de nombreux pays -Thaïlande, Viêt-Nam par exemple-, cette
dérive tend malgré tout à se développer dans les
pays pauvres, dont Madagascar. Pourtant, le code pénal malgache condamne
et punit sévèrement cette pratique, de peines d'emprisonnement
allant de 5 à 10 ans et d'amende pouvant atteindre 20 000 000
Ar (7 053 Euros), comme le prévoit la loi N° 2007-038 du 14
Janvier 2008, modifiant et complétant certaines dispositions du Code
Pénal sur la lutte contre la traite des personnes et le tourisme
sexuel14(*).
Cette non-application, volontaire ou non, des politiques
touche aussi un domaine tout aussi précieux pour Madagascar : son
capital écologique. En effet, si le gouvernement en a fait son atout
majeur pour la promotion de l'île, les ressources naturelles subissent
aussi une forte pression par l'exploitation intensive que les
communautés rurales en font. S'il est vrai que Madagascar s'est
dotée d'un droit environnemental pour réguler la gestion de son
patrimoine environnementale et biologique, celui-ci est loin d'être aussi
efficace que souhaité dans les faits. A vrai dire,
l'autorégulation des ressources, administrée par les
communautés, remplace bien souvent l'application strict du droit, et ce
pour deux principales raisons : l'inadaptation du droit environnemental et
sa faible diffusion au sein des campagnes.
1.3.1 Un droit environnemental inadapté, cause de la
coexistence d'un droit réel et d'un droit virtuel
En tant qu'ancienne colonie française, il n'est pas
étonnant de trouver des similitudes entre le droit environnemental
français et celui de Madagascar. Mais il est force de constater que
cette ressemblance dépasse la simple influence : en vertu de
l'ordonnance n°60-107 du 27 septembre 1960 concernant la réforme de
l'organisation judiciaire malgache, le droit positif malagasy inclut le droit
français, tel qu'il est en vigueur en France [Karpe, 2006]. De plus, les
supports et formations au droit se font souvent en langue française.
L'efficacité du droit environnemental malgache s'en retrouve
évidemment réduite, à cause des décalages qu'il
peut exister entre les textes et la réalité. L'inspiration sur le
droit français présente non seulement un problème
d'adaptabilité sur le fond, le contenu, mais aussi sur la forme. Le
droit malagasy reprend la structure du droit français, respectant la
hiérarchie -directives, arrêtés ou normes par exemples- et
la rédaction des textes juridiques -articles, alinéas, etc.-, et
reprend aussi le même mode de diffusion. Après approbation des
textes par les assemblées législatives, sa publication se fait
dans le Journal Officiel malgache. Or, les modes de diffusion du droit à
Madagascar sont rapidement limités. Le faible tirage et le coût
élevé des documents officiels réduisent leur
accessibilité à la population. D'autres sont incomplets et que
rarement mis à jour (parfois plus de trente ans s'écoulent entre
des éditions). Et l'utilisation de la presse ou d'Internet comme relais
de l'information est peu commune, le manque d'infrastructures ou
l'analphabétisme réduisent considérablement les
possibilités de diffusion. Ainsi s'opère une discrimination par
le droit, dont seule une minorité à la connaissance, et
s'installe alors un clivage entre un droit réel et un droit virtuel
[Karpe, 2007].
Ce droit réel renvoie au véritable mode
d'application du droit. L'inadaptabilité de la législation laisse
un vide que les communautés ont choisi de compenser en appliquant leur
propre régulation. Il n'est donc pas rare de voir des communautés
appliquer un régime de droit mélangeant coutumes, traditions,
règles propres, substituts du droit officiel malgache. C'est ce qui
explique notamment l'existence des dina15(*) ou des fokonolona16(*). Les dina
interviennent par exemple en matière de sécurité, comme
une solution issue des communautés au vide laissée par la
législation malgache. Leur existence n'est d'ailleurs en rien contredit
par les pouvoirs publics, comme l'atteste la loi n°2001-004 du 25 octobre
2001, portant sur la règlementation générale des
dina sur la sécurité :
« Article 2 : le dina
édicte des mesures que la population concernée juge
nécessaires à l'harmonisation de la vie sociale et
économique ainsi que la sécurité en fonction des
réalités locales, et pour la mise en oeuvre des ses attributions
essentielles destinée à l'éducation civique des citoyens
dans le cadre d'une structure basée sur l'autogestion populaire de la
sécurité, pour promouvoir le développement et le
progrès social, et instaure une discipline collective afin de
préserver l'ordre et la sécurité
publics. »17(*)
Cet article fait clairement référence aux
fonctions attribuées à la représentation spontanée
du pouvoir à l'échelle locale, les dina. Elles sont
chargées de la gestion, sous forme d'autorégulation, de la vie
locale par le biais de mesures portant sur l'économie, la
société ou la sécurité.
1.3.2 La décentralisation, mode de coopération
contractuelle
Pour les acteurs du tourisme, les dina sont devenues des
interlocuteurs incontournables pour au moins une raison : l'application de
la loi de GEstion LOcale SEcurisée, dite loi GELOSE. Promulguée
en 1996, elle a pour but le transfert de la gestion des ressources naturelles
renouvelables de l'Etat aux communautés locales, censées
être plus compétente en ce domaine, du fait de leur
proximité de leur environnement. Les populations locales deviennent donc
les principaux responsables de la protection de la biodiversité et de
l'exploitation des ressources naturelles. Le lien avec le tourisme
s'établit aisément, lorsque l'on sait que cette même
biodiversité, trésor de la Grande Île, est la clef de
voûte du développement touristique et la première raison du
choix de cette destination par les touristes. Cette loi représente une
avancée pour tenter de combler les lacunes juridiques du pays non
seulement en déléguant une partie du pouvoir central aux
collectivités locales, mais aussi en proposant une forme de
régulation mêlant droit institutionnel et droit coutumier, ce qui
s'avère être un mode de fonctionnement plutôt unique en son
genre. Il s'agit en fait d'une sorte de contrat passé entre les
communautés et l'Etat, un cadre législatif souple laissant une
place à l'exercice des pratiques coutumières.
L'intérêt de la loi GELOSE, tout comme la Gestion
Contractualisée des Forêts (GCF), est non plus d'exclure ou de
contraindre les pratiques locales, mais de les accompagner pour aboutir
à un objectif commun : la préservation de la
biodiversité [Sarrasin, 2009]. Evidemment, cette
« démarche contractuelle » [Horning, 1995]
présente un risque majeur : étant soumise à une
attitude volontaire de la part des communautés, le risque est de voir un
refus ou au moins un non-respect des accords passés. Pourtant, les
résultats semblent plutôt encourageants dans l'ensemble : en
janvier 2005, 70% des contrats visant à la réduction des feux de
forêts étaient mis en oeuvre, et 25% de ceux visant à une
meilleure gestion des ressources [Karpe, 2006].
C'est dans ce contexte d'arrangement juridique que le secteur
privé est encouragé à prendre des initiatives contribuant
à un développement responsable des activités touchant aux
ressources naturelles. Les organisations non gouvernementales (ONG) jouent ici
un rôle prédominant, notamment en matière de gestion des
aires protégées. L'un des acteurs principaux est l'ONG
nommée Madagascar National Parks, remplaçante de
l'Association Nationale pour la Gestion des Aires Protégées
(ANGAP). Crée en 1990 et déclarée d'utilité
publique par décret n° 91-592 du 4 décembre 1991, cette
association de droit privée a été chargée de la
gestion durable et pertinente du réseau des aires
protégées de l'île, par le respect et la mise en oeuvre de
programmes de protection et de conservation. « Cette mission de
conservation suggère l'éducation environnementale, la
valorisation de l'écotourisme et la science et le partage
équitable des bénéfices générés par
les aires protégées avec la population riveraine »
[Madagascar National Parks, 2010]. Ces revenus
générés ne proviennent évidemment pas d'une simple
conservation, mais d'une véritable promotion et d'exploitation des parcs
nationaux à travers une politique de mise en concession des aires. Cette
initiative, entérinée par la signature en 2008 de la Lettre de
Politique sur les mises en concession dans les aires protégées, a
pour objectif de stimuler l'investissement privé autour et dans ces
zones. Le caractère écotouristique des projets est un
élément indispensable pour qu'un investisseur puisse se voir
accorder un droit d'exploitation par des représentants de MEEFT, de
l'EDBM ou de l'Office National du Tourisme. Plusieurs aires ont ainsi
déjà été soumises à appel d'offres de
valorisation, comme le parc national d'Ankarafantsika, aujourd'hui
exploité par le groupe bancaire allemand KfW. A terme, l'ensemble des
aires gérées par le Madagascar National Parks seront mis à
la disponibilité des investisseurs privés, en vue d'assurer une
génération suffisante de revenus pour autogérer ces
parcs.
1.3.3 Le cadre institutionnel insuffisant fait des acteurs
locaux de véritables moteurs du développement
Nous comprenons ici que le droit institutionnel
environnemental malgache est inadapté à ce pays, parce qu'il est
issu, pour ne pas dire calqué, sur le droit français. Alors que
le patrimoine environnemental de la Grande Île est son avantage
comparatif-même, cet héritage historique législatif
rendait la gestion et la protection des ressources naturelles assez inefficace.
Face aux vides juridiques laissés par cette dissonance entre
réalité et droit virtuellement appliqué (et applicable),
les pratiques traditionnelles propres aux communautés locales ont pris
le relais. Les dina ont donc perduré, restant souvent le
représentant légitime de l'autorité au sein des
populations locales et appliquant un droit relevant plus de la coutume. Mais
plutôt que de s'opposer à ce droit réel, le gouvernement
malgache a tenter de le canaliser pour l'orienter vers la réalisation
d'objectifs globaux de protection et de conservation du patrimoine naturel.
Cette coopération est audacieuse, elle se base essentiellement sur le
volontarisme des communautés à contractualiser avec l'Etat un
engagement de bonne gestion des ressources naturelles renouvelables, en
contrepartie d'un cadre juridique non contraignant pour les pratiques
coutumières -allant en fait jusqu'à les intégrer dans son
système. La loi GELOSE -dite aussi la Gelose- en est l'exemple le plus
parlant. Elle a pour principe de décentraliser la responsabilité
de la gestion des ressources forestières et environnementales aux
collectivités locales. Bien que des dissonances entre les acteurs locaux
puissent exister, les résultats sont tout de même encourageants.
Le secteur du tourisme à Madagascar est relativement particulier du fait
de sa composition. En effet, il existe un ensemble de petites structures sans
forcément de liens entre elles, ce qui ne facilite pas le dialogue entre
ces acteurs et les administrations. La forme singulière, et
peut-être nécessaire, de décentralisation choisie par le
gouvernement malgache responsabilise d'autant plus les acteurs à
l'échelle locale que les collectivités locales sont
dorénavant légitimement investies d'un droit
d'autorégulation. Les ONG sont aussi un rôle crucial à ce
niveau. En tant que gestionnaire des aires protégées, la
Madagascar National Parks a choisi de valoriser ce patrimoine en attribuant des
droits de concession à des investisseurs privés dont les
activités rejoignent l'objectif de développement
écotouristique de l'île. De manière relativement
encadrée, le secteur privé devient responsable d'une exploitation
durable du capital biologique qui lui est confié.
L'intérêt de cette première partie a
été de montrer dans quel contexte le tourisme malgache
évolue, de manière à en comprendre les enjeux, les raisons
et les forces qui s'exercent sur cette activité. En posant
l'hypothèse de départ, à savoir que « le
tourisme doit devenir plus responsable pour rester une ressource indispensable
aux PED », plusieurs éléments ont dû être
précisés pour appuyer cette affirmation. Le premier concerne le
tourisme au sein des PED, et ici, plus particulièrement à
Madagascar. En s'appuyant sur un ensemble de données statistiques issues
d'institutions comme la Banque Mondiale, l'OMT ou le TIES par exemple, on
s'aperçoit rapidement que le secteur touristique représente
souvent un pan majeur de l'économie des PED. C'est aussi le cas à
Madagascar. Il est intéressant de noter que cette activité se
développe malgré un contexte pas toujours favorable, propre aux
pays du Sud. De ce fait, en dressant le portrait historico-économique et
géopolitique de l'île, on a pu mettre en lumière la
situation actuelle dans laquelle se trouve Madagascar. La pauvreté et le
marasme économique et politique que connaît aujourd'hui le pays
tire en partie ses origines dans une double insularité, interne et
externe, que son passé sous influence coloniale et sa période
marxiste-léniniste ont d'autant plus renforcée. Le fait est que
Madagascar est aujourd'hui l'un des pays les plus pauvres de la planète,
mis sous tutelle des bailleurs de fonds internationaux, dont la Banque
Mondiale. L'aide apportée par ces institutions financières
internationales n'est cependant pas « gratuite », elle est
conditionnée par la mise en place de « modèle de
développement » comprenant assainissement des finances
publiques, politiques structurelles ou libéralisation de
l'économie. Mais ce contexte fort peu engageant n'efface en rien le
potentiel touristique de la Grande Île, plus de 7% du PIB a
été généré par le tourisme en 2007. Pour ce
faire, Madagascar peut compter sur un atout singulier : son incroyable
biodiversité et son capital biologique de réputation mondial. Les
IFI et le gouvernement ont éminemment compris que ce patrimoine
écologique est au fondement du développement futur de
l'île, basant les plans de développement sur ce capital naturel.
Le tourisme n'échappe pas à cette orientation, bien au contraire.
Cette activité présente l'avantage de pouvoir d'implanter sur
l'ensemble du territoire et de se présenter comme une possible
alternative à une agriculture gourmande en ressources naturelles. De ce
fait, le tourisme a été placé comme activité
prioritaire dans les plans d'actions de développement, comme le MAP,
successeur du DSRP. Cette volonté se traduit aussi par la
réhabilitation de moyens de communications (voieries, plateformes
portuaires et aéroportuaires), une tentative d'amélioration de
l'accessibilité de l'île (accord « Open Sky »)
ou la création de structures spécialisées facilitant le
développement touristique (RFT, Maisons du Tourisme,
professionnalisation de la filière touristique). L'accent a
évidemment été porté sur la valorisation du capital
biologique, d'où l'engagement vers un écotourisme haut de gamme.
Ceci étant, le cadre institutionnel et juridique malgache
présente de profonds dysfonctionnements qui ne favorisent pas un
développement structuré de l'activité. Le droit
environnemental de Madagascar est effectivement et proprement calqué sur
celui de la France, ce qui le rend clairement inadapté. Pour faire face
à ce handicap, le gouvernement a choisi la voie de la coopération
avec les structures locales de représentation de la loi, telles que les
dina. Cette décentralisation s'effectue en contractualisant un transfert
de compétence dans la gestion des ressources naturelles renouvelables
aux communautés locales. Le droit coutumier devient le relais des
institutions nationales, qui tentent d'orienter ces pratiques locales
vers l'exécution d'objectifs plus globaux, comme la protection du
capital écologique. La Gelose est un exemple concret de ce modèle
de décentralisation à base volontaire. En ayant donc à
rendre compte aux communautés locales (détentrice des ressources
naturelles) et à l'Etat, l'activité touristique, et plus encore
écotouristique, se place au coeur du développement de l'Île
Rouge. Les rapports liant écotourisme et patrimoine naturel paraissent
intéressants à étudier pour mieux comprendre comment ce
type de tourisme peut être un puissant vecteur de
développement.
2 La sensibilisation et la protection du patrimoine au service
d'une gouvernance durable des ressources
En arrivant sur l'île de Madagascar en 1771, Philibert
Commerson avait déjà décrit ce lieu comme un endroit
où « la nature semble s'être retirée dans un
sanctuaire privé, où elle peut travailler à des
modèles différents de tout ce qui est utilisé ailleurs. On
trouve là, à chaque pas, des formes étranges et
merveilleuses » [Sarrasin, 2007]. S'il est vrai que Madagascar
est connue pour son incroyable biodiversité, les propos tenus par ce
botaniste voyageur en dévoile toute sa richesse. Le capital
écologique de l'île étonne aussi bien par la
diversité de la faune et la flore dont recèlent les
écosystèmes, mais aussi par cet extraordinaire taux
d'endémie des espèces. Près de 80% des animaux
présents sur le territoire son endémique à cette
région. Le lémurien est certainement le symbole de ce fantastique
sanctuaire biologique et écologique. Madagascar est un morceau d'Afrique
parti à la dérive il y a 65 millions, emportant avec elle un
écosystème qui, par le climat et le relief de l'île, a
connu une évolution des plus singulière et des plus
extraordinaires. La taille du territoire malagasy lui permet de
présenter une diversité des paysages, proposant des îles
aux aspects paradisiaques au Nord, un massif montagneux plus au centre, ou des
plateaux et plaines arides de savanes au Sud. Ce trésor
écologique malgache se retrouve est d'ailleurs terrestre et maritime.
Les lagons, récifs et autres barrières de corail de la côte
Ouest est assez représentative de la beauté des
écosystèmes marins. Il devient aisé de comprendre pourquoi
Madagascar est une destination privilégiée pour tout amoureux de
la Nature, cherchant spots d'observation ou expériences uniques au sein
de ce « paradis perdu », et pourquoi l'écotourisme
est une activité en pleine croissance dans le pays.
L'abondance de ressources qu'offre la Nature sur la
Grande Île sert évidemment avant tout les populations locales.
S'il est vrai qu'on ne peut clairement établir un lien entre
pauvreté et dégradation des ressources naturelles, les
populations rurales des pays pauvres restent cependant souvent
dépendantes de leur écosystème. Mais plus que
l'exploitation des ressources naturelles, c'est le système agraire
malgache qui est remis en cause. La déforestation et les
tavy18(*) sont au
coeur de ce mode de production. Ces tavy sont décrits comme du
catastrophique écologique, par leur impact sur l'environnement.
Cependant, cette perception n'est par vraiment partagée par les
populations locales, qui des tavy une étape essentielle
à la culture du riz. Cette pression sur les ressources naturelles,
notamment forestières, est très forte, voire alarmante. Entre
1990 et 2005, la couverture forestière de Madagascar a diminué de
14%, soit 0,9% par an, une surface presque équivalente à la
Martinique. La mise en place du Plan d'Action Environnemental (1993-2008) s'est
plutôt révéler inefficace, malgré le soutien des IFI
par exemple. Conscient du trésor que représente sa
mégabiodiversité, le gouvernement malgache a choisi le
développer les aires protégées. En 20 ans (1989-2008), la
surface de ces zones protégées a été
multipliée par 7,5, passant de 560 346 hectares à
4 748 442 hectares [MEF, 2005] (voir Annexe 1).
Mais l'idée de conservation pose un autre
problème. L'exploitation des ressources naturelles par les populations
rurales se fait déjà dans un contexte de survie. Or, si la
conservation, par la création d'aires protégées, signifie
privation des ressources et sanctuarisation, les conditions de vie des
populations en dépendant risquent fortement de se dégrader encore
davantage. La question de la protection devient même paradoxale :
qui sauver ? Les populations locales ou l'environnement ? Le fait que
les populations rurales se situent au coeur du problème environnemental
pourrait peut-être en constituer une solution.
2.1 Aller
au-delà de la conservation en valorisant la biodiversité
Au-delà de la richesse de sa biodiversité, la
« question environnementale » malgache a souvent
tourné autour de sa dégradation plus que de sa mise en valeur.
Les pratiques agricoles dévastatrices pour l'environnement font l'objet
de vives critiques. Pourtant, ces modes de culture des terres font partie de
stratégies agricoles proprement dites. C'est le cas de la culture
itinérante sur brûlis. Qu'elle s'appelle tavy pour les
cultures de riz à l'Est ou hatsake pour les cultures de
maïs du Sud-ouest, le principe reste le même : défricher
la forêt pour gagner des surfaces agricoles et fertiliser la terre avec
des cendres. La radicalité de la méthode pousse à
l'itinérance des cultures, et à la reproduction du schéma.
Les résultats d'une étude menée dans la province de
Toliara (Sud) ont montré qu'une culture sédentaire était
loin de constituer une alternative à la déforestation [Casse,
Nielsen, Ravaivoson et Randrianamarivo, 2005]. Cette stratégie de
culture extensive peut trouver des explications de divers ordres. La
propriété foncière étant assez mal définie,
les agriculteurs considèrent plus l'avenir par l'expansion de leurs
terres qu'une exploitation forestière peu sécurisée en
termes de propriété, donc de revenus. Face à cette
insécurité, la GELOSE est inefficace : les
« permis » d'exploitation forestière
attribués par les autorités locales aux agriculteurs sont souvent
obtenus par pots-de-vin, et les terres deviennent des nouvelles terres
agricoles. Ensuite, les revenus potentiels de l'exploitation forestière
sont très loin d'être considérés, parce qu'ils
relèvent du long terme. Or, dans un contexte d'instabilité et de
fluctuations rapides des revenus, les populations locales
préfèrent aujourd'hui une vision à court terme, où
l'agriculture, bien que dévastatrice, soit considérer comme une
des uniques sources de revenus envisageables.
2.1.1 La conservation, réaction stricte à
l'activité prédatrice de l'homme
L'établissement de nouvelles aires
protégées a été une des premières
réactions du gouvernement pour préserver son avantage comparatif.
Madagascar est certainement l'un des premiers pays, tout au moins en Afrique, a
proposé la mise en place de ce genre d'aires, car les premières
mesures remontent à 1927. Ces réserves naturelles (RN)
sanctuarisent le lieu, en excluant toute activité humaine, seul moyen
considéré pour assurer la conservation de la biodiversité.
Cette politique, renforcée par le décret forestier de 1930, fait
clairement du « paysan-prédateur » sa cible,
l'objectif étant de l'éloigner et de l'empêcher de nuire
à cet environnement. Il s'agit de priver et d'interdire l'accès
aux ressources pour les sauver. D'autres aires protégées
continuent à voir le jour jusqu'au début des années 1970,
où l'arrivée de la crise détourne l'attention du
gouvernement. A partir des années 1980, le rapport entre aires
protégées et populations locales commence à changer. Les
nouvelles aires créées s'établissent désormais sur
le modèle du Projet de Conservation et de Développement
Intégré (PCDI). Comme son nom l'indique, cette stratégie
comprend une dimension d'intégration des besoins des communautés
locales, en différenciant une zone centrale de protection
intégrale et une zone périphérique à
accessibilité graduelle. La notion de développement
intégré renvoie à la volonté certes de maintenir
les populations rurales à distances des réserves, mais surtout de
proposer des mesures favorables au développement de ces
communautés. Des ONG sont souvent en charge de cette mission de soutien,
par l'exécution de programmes de conservation, d'éducation, de
santé et de développement communautaire [Blanc-Pamard, Rakoto
Ramiarantsoa, 2003].
2.1.2 Passer de la conservation à la valorisation du
patrimoine en faisant des aires protégées des zones motrices de
développement
Le pays connaissant une longue tradition de conservation par
création de réserves naturelles, ou d'aires
protégées en général, il peut être
légitime de se questionner sur l'efficacité de la mise en place
de tels programmes. A qui profitent-t-elles ? Comment un processus de
privation peut-il devenir profitable aux populations exclues de facto ?
Les premières mesures de conservation, au sens strict et rigide,
relève certainement plus d'une réaction rapide à un
état d'urgence de dégradation inquiétante de
l'environnement plus qu'à une véritable volonté de rejeter
localement tout activité humaine. L'assouplissement des politiques
allant dans ce sens, la protection des écosystèmes vise
plutôt une exploitation raisonnée et durable des ressources.
L'Accord du Durban, ratifié lors du Ve Congrès mondial
sur les parcs en 2003, définit les aires protégées comme
un vecteur de « synergie entre la conservation, le maintien des
systèmes de support de vie et le développement
durable », grâce « un engagement ferme, pour inscrire les
aires protégées dans les objectifs généraux du
développement, avec l'appui des secteurs public, communautaire et
privé ». Cela signifie que la préservation de
l'environnement ne doit pas être antagoniste au développement,
mais bien se mettre au service de celui-ci, par le biais d'initiatives
impliquant les communautés qui peuplent les régions
concernées. Les politiques d'aménagement du territoire malgache
sont comparables à celles connues en France dans les années 1960.
La création des Parcs Nationaux Régionaux (PNR) français
et des Réserves Naturelles (RN) malagasy révèlent un
même engagement national pour la préservation et la valorisation
du patrimoine naturel. La définition-même des PNR, en tant que
« territoire à l'équilibre fragile, au patrimoine
naturel et culturel riche et menacé, faisant l'objet d'un projet de
développement fondé sur la préservation et la valorisation
du patrimoine » (décret n° 94-765 du 1er septembre 1994), ne
rappelle-t-elle pas le cas malgache ? Comment les PNR ont-ils
contribués au développement des régions
environnantes ? La clef du succès de cette stratégie semble
résider dans un mot : proximité, à la fois
géographique et organisationnelle. Cet aspect est essentiel pour que les
liens entre acteurs -communautés locales, gestionnaires des parcs,
pouvoirs publics ou même visiteurs- puissent se créer et se
renforcer. Plus ces acteurs se sentent proches, parce qu'impliqués dans
un projet commun, parce qu'organisés dans la réalisation
d'objectifs définis ensemble ou respectueux d'une même ligne de
conduite, plus la synergie émanant de cette coopération sera
bénéfique pour chacun et se présentera comme une
réelle alternative aux activités moins respectueuses de
l'environnement [Angeon, Boisvert et Caron, 2007].
L'adoption du Plan d'Action Environnementale en 1990, avec la
coopération des IFI, va dans le sens de la proximité et de la
coopération, prolongeant encore le lien entre besoin de sauvegarde et
développement de populations. Son application, exécutée
par Madagascar National Parks (ex. ANGAP), comporte trois phases : la
création d'aires protégées, leur gestion, et leur
promotion et exploitation. Cette articulation en étapes successives pose
bien le problème : comment pouvoir préserver l'atout majeur
de Madagascar, sa biodiversité, sans pour autant exclure et priver les
populations qui en dépendent si fortement, malgré leur
comportement prédateur ? En effet, si la création des aires
protégées garantie certes la conservation du capital biologique
présent à l'intérieur de celles-ci, le problème de
la dégradation des ressources naturelles par les cultures n'est en rien
abordé. Rien n'empêche la déforestation à
l'extérieur de ces zones, car la source du problème réside
bien dans les stratégies agricoles. Les environs du parc national de
Zombitse Vohibasia (Sud du pays) est représentatif de la pression
existante exercée sur ces zones protégées. Les limites du
parc sont immédiatement visibles : d'un côté,
d'immenses arbres verdoyants dessinent les contours d'une forêt primaire,
contemplant l'étendue de prairies qui la bordent, où le
bétail passe ses journées à paître. Pourtant,
malgré cette pression des populations locales, le taux de
déforestation dans cette zone était pratiquement nul entre 1988
et 1997 -date de la création du parc. L'engagement d'ONG, comme
WWF19(*), a su
sédentariser les populations locales en leur assurant une
sécurité foncière et régulant l'exploitation des
ressources naturelles, notamment par l'établissement de sanctions
graduelles [Casse, Nielsen, Ravaivoson et Randrianamarivo, 2005]. Bien que
cette initiative ne soit qu'un exemple, elle souligne le fait que les
populations locales sont bien la clef de la conservation du capital
écologique de l'île. Et pour se faire, la préservation
passe par deux axes complémentaires : la modification des
stratégies d'exploitation des ressources naturelles et la proposition
d'alternatives viables à cette agriculture agressive.
C'est à ce niveau-là que les phases 2 et plus
encore 3 du Plan Environnemental (PE2 et PE3) prennent une dimension tout
à fait intéressante. Après la création d'aires
protégées, l'étape PE 2 a vu la mise en place d'un cadre
juridique de dévolution de la gestion de ces zones à destination
des communautés locales. La loi GELOSE entre dans cette optique. Il
s'agit, au moins théoriquement, de donner aux populations locales une
opportunité de gérer leur environnement, et ainsi de créer
un empowerment des communautés, de les impliquer dans la
dynamique de changement. Cette initiative s'inscrit dans une démarche
bottom-up, où l'action des communautés (bottom)
converge vers un objectif plus global de préservation (up). Il
s'avère que l'écotourisme soit un choix d'activité vers
lequel les communautés locales tendent fréquemment. En ces
termes, le développement de l'activité écotouristique
symbolise en fait le produit des nouvelles responsabilités
attribuées au niveau local : gestion durable et responsable des
ressources naturelles et développement de projets de planification et
d'aménagement du territoire [Lapeyre, Andianambinina, Requier-Desjardins
et Méral, 2007]. Il n'est donc pas étonnant de s'apercevoir que
la plupart des réserves aient choisi l'écotourisme comme
activité de valorisation du capital écologique
protégé.
2.1.3 L'écotourisme, un mode de
valorisation communément adopté
Les communautés locales s'étant vues confier la
gestion des ressources naturelles, le choix des moyens de valorisation leur
incombait aussi. Parmi les activités les plus répandues figurent
l'apiculture, l'exploitation des plantes médicinales ou
l'écotourisme (terrestre et balnéaire). Ce choix de mis en avant
de la biodiversité n'est évidemment pas anodin : les
communautés percevant tout ou partie des revenus dégagés
par les activités respectueuse de l'environnement (loi GELOSE), elles
ont tout intérêt à profiter de ce formidable atout
-biodiversity pays for itself [Lapeyre, Andianambinina,
Requier-Desjardins et Méral, 2007]. De ce point de vue, la protection de
l'environnement dépasse la simple conservation, au sens de
« laisser intact ». La valorisation des
écosystèmes est un mode de protection actif, n'excluant pas les
populations locales, bien au contraire. Ces dernières, en tant que
gestionnaires des ressources naturelles, sont incitées à proposer
un mode l'exploitation durable du capital naturel. Ce passage d'un rapport
conflictuel pouvoirs publics / paysans prédateurs à un rapport
coopératif organismes de protection de l'environnement /
communautés implique aussi un changement dans l'approche que les
populations ont face à la Nature. Celle-ci n'est plus vue comme un moyen
de survie à court terme, mais comme un support de développement
sur le long terme, assurant des revenus, au moins complémentaires, bien
plus stables dans le temps.
Cette expansion de l'écotourisme, soutenue au moins
indirectement par les pouvoirs publics, marque aussi une modification dans les
comportements des communautés. Désormais responsable de leur
empreinte sur l'environnement, elles préfèrent le mettre en avant
pour le préserver et en soutirer des nouveaux revenus. S'il est vrai que
les bénéfices de cette activité touristique sont encore
faibles, ils sont tout de même devenus essentiels pour beaucoup de
communautés. Le secteur écotouristique est encore dans sa
jeunesse à Madagascar et les acteurs en dépendant ne sont pas
aussi organisés que ne le sont ceux profitant de la marque
« Parc Naturel Régional » en France. Le manque de
coordination et de cadre d'action défini fait que chaque partie prenante
agit indépendamment des autres, fragilisant la création d'une
synergie. Or, l'écotourisme, comme tout type de services, implique un
producteur et un consommateur. Si l'on a tenté de montrer ce que le
producteur (communautés, ONG) avait à gagner à
gérer intelligemment le patrimoine, une analyse du point de vue du
consommateur (touriste) peut aussi être pertinente.
2.2 Passer de la
« visite » à la « découverte » pour impliquer
le touriste dans la préservation du lieu
Les raisons qui poussent un individu à devenir touriste
sont multiples : besoin d'évasion, vacances, envie de
découvrir, sortir de son ordinaire, etc. C'est d'ailleurs ce mouvement
transitoire et ponctuel qui définit le tourisme, comme une
activité exercée en dehors de son cadre de vie habituel. Mais
pour comprendre comment le touriste, en tant que personne, peut aussi
contribuer à la valorisation d'un territoire, peut-être
faudrait-il avant s'interroger sur la notion de
« touriste ». Qui est-il, cet individu nomade ? Que
cherche-t-il en parcourant ces lieux qui lui sont souvent inconnus ?
Littré en donne une définition dans son Dictionnaire de la
Langue Française : « celui qui voyage par
curiosité et désoeuvrement ». Ce qui différencie
donc le voyageur du touriste serait donc sa soif de connaissances et
l'abondance de temps à consacré à ce loisir. Cette
définition datant du XIXe siècle, sa portée
varie sensiblement par rapport à l'interprétation
contemporaine.
2.2.1 Le
« Tour »-iste, voyageur en quête de distinction
Le tourisme tire ses origines d'une sorte de voyage
initiatique à travers l'Europe réservé à la haute
aristocratie anglaise du début du XVIIIe siècle. Cette
aventure, nommée The Tour, était plus motivée par
un souci de distinction que de curiosité, et ressemblait à un
parcours planifié de lieux incontournables à visiter. Les
premiers guides de voyages sont d'ailleurs un pur produit issu de cette
tradition, se présentant comme un recueil des « lieux à
voir » - traduction littérale de l'anglais
sightseeing [Boyer, 2002]. Nous voici bien loin de ce à quoi
notre imaginaire nous a habitué en évoquant le mot
« tourisme » : plages bondées des côtes
méditerranéennes, séjours sportifs d'hiver dans les Alpes
ou escapade aventure au Costa Rica par exemple. Et pourtant, quel genre de
touriste serions-nous si l'on parcourait l'Egypte sans passer par les
pyramides ? Et Paris sans visiter la Tour Eiffel ? Notre appareil
photo n'est-il pas là pour immortaliser notre passage devant ces lieux
si connus ? Si le tourisme s'est démocratisé, le poids de
l'Histoire a laissé des traces encore visibles aujourd'hui.
Ce processus de démocratisation dévoile un
aspect relativement pertinent du développement de la pratique
touristique dans nos sociétés contemporaines. Historiquement, un
effet de capillarité initie la diffusion de ce loisir à travers
l'ensemble des groupes sociaux. Les Tour-istes, issus de
l'élite sociale, détiennent le rôle de prescripteurs des
pratiques de ce genre, lesquelles sont ensuite imitées par les couches
sociales inférieures, selon une diffusion en top-bottom.
Au-delà de la simple reproduction d'un loisir, c'est l'imitation des
pratiques culturelles de cette élite qui va faire du tourisme une
activité induisant intrinsèquement une modification des pratiques
sociales des groupes en question. Les individus ne sont-ils pas plus enclin
à fréquenter les musées ou autres lieux culturels
lorsqu'ils sont touristes, alors que cet accès à la culture est
habituellement plus répandu au sein des élites ? Le public,
visiteurs habituels, se différencie donc d'un non-public indigène
et du flux touristique, visiteurs ponctuels pour raison touristique [Boyer,
2002].
Mais ces prescripteurs ne sont pas des touristes ordinaires.
Leur motivation dépasse le simple souci de distraction, ou de profiter
inconsidérément de leur oisiveté. La rationalisation de
ses dépenses de temps et d'argent ne l'intéresse pas, au
contraire, il se lasse vite, ce qui l'importe, c'est d'être
différent, de se distinguer. Il a atteint la dernière
étape de la pyramide de Maslow, l'accomplissement de soi. Son besoin de
se découvrir passe par la découverte de nouvelles
expériences, qui lui assure un moyen de montrer qu'il est unique et de
se distinguer. La pratique du libéralisme économique touristique
lui est étrangère. Son goût pour le singulier l'authentique
l'éloigne des voyages all-inclusive, où tout est
rationaliser et méticuleusement organisé. Le tourisme
s'étant démocratisé, il ne se distingue non plus par la
pratique de cette activité, mais par son contenu, en innovant sur le
choix des destinations ou les modes de tourisme. A la lumière de ces
informations sociologiques, le choix du gouvernement malgache de
développer un écotourisme haut de gamme paraît relativement
prometteur pour le futur.
2.2.2 L'expérience
écotouristique incite à la sensibilisation
Par ailleurs, l'écotourisme présente plusieurs
aspects qui pourraient séduire ces prescripteurs en quête de
distinction. C'est un mode de tourisme alternatif qui, bien qu'en pleine
expansion, reste une niche du secteur. Ces principes de solidarité et
préservation tendent à s'opposer à un tourisme de masse,
gourmand en espace et en ressources. Il met l'accent sur la découverte
et la connaissance du patrimoine culturel et naturel, et ne se présente
pas comme un simple loisir, divertissement. L'écotourisme en appel
à la découverte des lieux d'accueil, et non à la visite.
Plus qu'un client en quête de satisfaction, l'écotouriste cherche
à cerner son environnement, à le connaître pour mieux le
respecter. Il retourne aux sources du tourisme, animer par un goût de
l'étrangeté.
« L'étrangeté demeure
l'énigme du tourisme : elle suscite la curiosité du voyageur
prêt à devenir curiste, photographe, ethnologue, pionnier,
aventurier, etc. » [Rauch, 2002]
En faisant du tourisme un moyen d'aiguiser la curiosité
du voyageur, sa mission devient alors aussi éducatrice. Ne dit-on pas
d'ailleurs que « les voyages forment la jeunesse » ?
Le tourisme 4S, bien que plutôt répandu dans l'offre touristique,
paraît loin de cet idéal formateur. Les zones de
développement du tourisme de masse, souvent mises à
l'écart, sont certes génératrices de revenus et d'emplois,
mais n'offrent que peu d'opportunités de contact avec la population
locale. Lorsque ces deux groupes sociaux se rencontrent, touristes et
autochtones, c'est souvent à travers une mise en scène bien
organisée, où chaque tient un rôle, parfois
stéréotypé : les souks de la médina de
Marrakech, la rencontre des tribus de montagne en Thaïlande, etc. Les
populations locales font elles-mêmes l'objet d'une conservation, en tant
que porteuses de traditions et d'un capital culturel « à ne
pas manquer », lors d'une prochaine visite programmée par un
tour-opérateur, soucieux d'offrir à ses clients le meilleur au
moindre prix. La mission éducatrice du tourisme a-t-elle pour autant
failli ? Peut-être pas.
Ces visites, aussi organisées et illusoires
soient-elles, demeurent un moyen d'entrée en contact avec un
environnement qui nous est inhabituel et étranger, duquel nous pouvons
tirer des expériences et des souvenirs.
« Le tourisme, par son origine et son essence, a
valeur formatrice. Inculquée à l'école, soutenue par les
médias, cette fonction du tourisme est la garantie que les sites et les
populations d'accueil ne peuvent être que bénéficiaires de
la venue de touristes de plus en plus nombreux. » [Boyer,
2002]
Cette valeur formatrice découle justement de
l'expérience que le touriste peut vivre lors de son séjour. Cette
volonté de s'intéresser au lieu d'accueil peut changer la vision
et le jugement des voyageurs, par ce qu'ils ont vécu. Quel lien y a-t-il
entre l'apprentissage par l'expérience et la préservation de
l'environnement malgache ?
« [...] il est d'autant plus aisé de
convaincre des individus de protéger la Nature si ces derniers ont
vécu une expérience directe dans un environnement
naturel. » 20(*)[Marshall, 2006]
Derrière cette hypothèse se cache l'idée
que nos attitudes ne sont pas uniquement le fruit de choix dépendant du
temps et de l'argent, mais que d'autres facteurs entrent en compte. Cette
analyse relève de la psychologie environnementale, qui tente d'expliquer
les mécanismes liés à la production d'actes et
d'attitudes. Comment l'expérience vécue lors du voyage peut-elle
modifier notre perception de certains objets, comme la protection de la nature
par exemple ? La psychologie de l'engagement, développée par
Charles Kiesler en 1971, apporte un nouvel éclairage sur les raisons qui
nous poussent à agir ou penser d'une manière plutôt qu'une
autre.
« L'engagement serait tout simplement,
pour [Kielser], le lien qui existe entre l'individu et ses actes. [Ainsi],
seuls les actes nous engagent [et] on peut être engagé à
des degrés divers [...]. » [Joule, Beauvois, 2002]
Cette théorie, mise en pratique dans le cadre de la
protection de l'environnement, signifie qu'une personne ayant eu un lien direct
avec la Nature, par le biais de la visite d'un parc naturel, d'un zoo, par la
participation à des actions de préservation de l'environnement,
ou même en séjournant dans un lieu éco-responsable, sera
plus enclin à défendre ce patrimoine naturel. L'action
intrinsèquement éducatrice du tourisme, et plus encore de
l'écotourisme, se retrouve dans ce principe. Le fait de prendre part,
mais inconsciemment, à des « actes
préparatoires » de plus au moins coût faible, l'individu
sera porté à changer ses attitudes envers l'objet de
l'expérience, car « l'attitude est l'évaluation globale
que porte une personne sur un objet » [Joule, Beauvois, 2002].
Concrètement, le touriste peut être poussé à agir en
faveur de la protection de la biodiversité par le simple fait d'y avoir
vécu une expérience, qui le rend alors plus sensible à
cette cause. Finalement, il importe peu que cette expérience soit mise
en scène ou relève du vrai, seul la curiosité, l'envie de
découvrir (acte d'engagement) va amener ce touriste à porter un
avis plus favorable à la préservation du capital naturel (au
moins), voire à s'engager personnellement dans cette cause (au mieux).
2.2.3 La valorisation est une gestion
durable du patrimoine, assurant sa préservation et la sensibilisation du
touriste
Le patrimoine écologique est sans aucun doute le
trésor de Madagascar, son incroyable diversité lui a même
valu la création du néologisme
« mégabiodiversité ». Cet atout
extraordinaire n'a pas échappé au gouvernement malagasy, qui a vu
en son capital biologique une base solide pour initier le développement
du pays. Madagascar a d'ailleurs été l'un des pionniers en
matière de création d'aires protégés, car la
première réserve naturelle a vu le jour dès 1927. Cette
volonté de conservation de la biodiversité, qui a continué
jusque dans les années 1970, s'est pour autant trouver face à un
dilemme. En fait, si la conservation stricte est bien une réaction aux
stratégies agricoles traditionnelles, prédatrices pour
l'environnement, elle ne fait que déplacer le problème, sans
réellement le traiter. L'agriculture extensive et la culture sur
brûlis (tavy ou hatsake) sont des modes de production
très répandus mais très gourmands en ressources. Ces
pratiques sont surtout une réponse à l'insécurité
foncière et l'instabilité des revenus. Pour tenter de traiter le
problème au coeur et espérer préserver durablement la
biodiversité, trois grandes initiatives ont été prises,
à plusieurs niveaux. La première concerne la
décentralisation du pouvoir de gestion des ressources naturelles
renouvelables (RNR) vers les communautés locales, telle que le
prévoit notamment la GELOSE. La seconde consacre le soutien d'ONG
à la gestion responsable et durable des Parcs Nationaux (PN) et au
soutien d'initiatives locales. Cela a permis le passage d'un état de
conservation absolue du capital naturel, où toute activité
humaine était proscrite, à un mode de préservation
responsable et réfléchie, où la valorisation des aires
protégées apparaît comme un moyen d'exploiter durablement
ces ressources. Enfin, la troisième laisse aux communautés
locales la possibilité de développer des initiatives
d'exploitation de la biodiversité en périphérie des PN,
pour qu'elles puissent aussi tirer des bénéfices directs de ces
aires. S'il est vrai que le tourisme, et surtout l'écotourisme, n'en
pour l'instant encore que peu profitable aux acteurs locaux, nous retiendrons
qu'il représente une alternative incontestablement profitable à
la minorité qui jouie des recettes. Non seulement leurs revenus sont
devenus plus sûrs et stables dans le temps, mais en plus cette nouvelle
activité les a sédentarisés, abandonnant, au moins
partiellement, leurs méthodes agricoles destructrices.
D'un autre point de vue, la gestion durable et pérenne
des ressources naturelles doit aussi se faire du côté du touriste,
cet individu si mobile, dont l'objet est bien de trouver ailleurs ce qu'il n'a
pas chez lui. Ce que Madagascar a à lui offrir est cette
étonnante richesse naturelle, dont la majorité des touristes font
l'objet de la visite, avec 55% des arrivées justifiées par
l'écotourisme. La tentative d'intégration de l'activité
touristique au sein du tissu local différencie les modes de tourisme
alternatif -dont l'écotourisme- et le tourisme de masse,
caractérisé par son exclusion spatiale et sa faiblesse de
contacts avec les populations locales. Or, ce sont justement les
expériences que peut vivre un individu qui vont l'amener à
changer sa perception de l'environnement21(*) et ses attitudes. En faisant de son séjour non
plus une visite mais une opportunité de découverte, le touriste
sera plus sensibilisé à l'objet de son expérience. Ainsi,
vivre au contact de communautés et de l'écosystème fera
qu'une personne sera plus disposée à agir de manière
responsable et en faveur de la préservation de cet environnement.
3 En s'intégrant plus au tissu socio-économique
local, l'écotourisme répond à une double attente
La valorisation des écosystèmes est une
stratégie répandue dans les pays en développement, qui,
bien souvent, disposent d'une richesse biologique suffisamment abondante pour
en faire un vecteur de développement. A l'idée très
actuelle et conceptuelle de gestion plus responsable des ressources naturelles
vient aussi s'ajouter une ambition de valorisation économique de ce
capital. Cette optique, propre à l'ensemble des activités
touristiques, est abordée d'une manière relativement
différente par l'écotourisme. L'intégration à une
filière globale, mondiale, caractérise le fonctionnement du
tourisme traditionnel, où les opérateurs privés, en aval
(tour-opérateurs), contrôlent et canalisent l'essentiel de cette
filière et des revenus, laissant en amont, aux acteurs locaux, qu'une
infime partie des bénéfices. Aujourd'hui, 80% des revenus issus
d'un voyage all-inclusive reviennent aux firmes internationales
d'hôtellerie ou de transports par exemple [TIES, 2006]. Par son essence,
l'écotourisme se différencie en proposant une approche plus
intégratrice envers les communautés locales. La définition
qu'en fait Ceballos-Lascurain (1996) rend compte des dimensions
soutenues :
« Voyage et visite environnementalement
responsables dans des espaces naturels relativement calmes dans le but
d'apprécier la nature [...], qui promeuvent la conservation,
créent de faibles impacts et participent activement à
l'amélioration socio-économique des populations
locales. » [Ceballos-Lascurain, 1996]
L'accent est porté sur deux principaux aspects, points
centraux de la pensée écotouristique : la réduction
de l'impact sur l'environnement et le développement des
communautés locales grâce à leur intégration dans
l'activité - Wunder considère l'aspect éducatif comme le
troisième critère de l'écotourisme. Ce lien de
proximité et de coopération entre les acteurs d'amont est
à la base du « cercle vertueux » de
l'écotourisme, décrit par Wunder (2000). Nous tâcherons de
mettre en lumière les mécanismes qui assurent le bon
fonctionnement de ce modèle.
3.1 Une
redistribution notable des revenus crée un contexte favorable au
développement local
L'analyse de l'écotourisme se fait essentiellement en
termes d'impact sur l'environnement dans la littérature universitaire.
Conservation, préservation ou dégradation des ressources
naturelles sont des notions récurrentes lorsque l'on aborde le
thème du tourisme responsable. Mais le terme
« écotourisme » renvoie cependant à d'autres
champs, qui peuvent se présenter sous trois conditions [Wunder,
2000]:
§ Minimiser l'impact sur l'environnement (aspect
écologique)
§ Donner au touriste une conscience écologique par
la dimension éducative et sensibilisatrice de l'activité (aspect
éducatif - voir partie 2.2)
§ Faire bénéficier au mieux les populations
locales des revenus générés en les intégrant plus
à la filière (aspect socio-économique)
Cette dimension économique et sociale est d'autant plus
centrale qu'elle concerne les retombées et mutations engendrées
par l'écotourisme au sein des communautés locales. Elle porte
donc sur des critères déterminants pour assurer un avenir et un
succès à long terme à ce nouveau mode touristique.
L'analyse économique de l'écotourisme résume
fondamentalement la question de la valorisation du capital naturel. En effet,
les IFI et des autres bailleurs de fonds intègrent la bonne gouvernance
des ressources naturelles, par le biais de l'écotourisme et de la
valorisation de la biodiversité donc, dans un cadre plus global de
programmes initiateurs de développement dans des pays où le
patrimoine écologique s'avère être une opportunité
de croissance.
3.1.1 L'écotourisme, un moyen de
valoriser économiquement une région
L'écotourisme, en tant que moyen au service du
développement et non fin en soi, se base sur un fonctionnement
autorégulateur qui, une fois impulsé, à la
capacité, au moins théorique, de s'auto-entretenir. La
conceptualisation de ce modèle est connue sous le nom de
« cercle vertueux » de l'écotourisme, et fait
état de plusieurs étapes (voir Annexe 2). (1) Le
développement touristique en est le point de départ. Il repose
sur un réseau touristique local autonome, où les acteurs locaux
sont au coeur de la filière. (2) Les actions de promotion et de
valorisation de la biodiversité mises en place ont pour but de
générer de nouveaux revenus (Biodiversity pays for
itself). (3) Cette nouvelle source de profits va modifier les
modèles sociaux et économiques établis, changeant non
seulement la structure des emplois mais aussi les modes de production. (4)
Ainsi, les méthodes d'exploitation existantes des ressources tendent
à devenir plus durable, allant jusqu'à la substitution des modes
les plus dévastateurs au profit d'une conscience écologique. La
biodiversité n'est plus vue comme un moyen de survie mais comme une
source de revenus à plus long terme. Ce changement d'attitudes conduit
aussi à protéger les ressources naturelles des menaces
extérieures (exploitation minière ou pétrolière,
déforestation sauvage, mauvaise conduite touristique, etc.). (5)
L'ensemble de ces conduites plus responsables mène à un soutien
à la protection des écosystèmes, action elle-même
directement liée au développement du tourisme vert, fermant ainsi
la boucle [Wunder, 2000].
La description du fonctionnement de ce cercle est cependant
incomplète, car les clefs de son succès reposent sur deux
hypothèses venant s'ajouter au cadre posé par ce processus. Ces
dernières s'affichent comme des éléments décisifs
pour rendre ce modèle efficace, et portent sur sa dimension
économique.
· La création et la distribution de revenus
doivent être suffisamment avantageuses pour intéresser les
populations locales - utilisation du terme incentives en anglais.
· Ces revenus supplémentaires sont facteurs d'une
dynamique de changement socio-économique, favorable à la
conservation.
La première hypothèse implique d'entrée
une forte participation des communautés locales dans la filière
touristique. En effet, pour percevoir des revenus de cette activité,
elles doivent y prendre part, ce qui peut se faire à des degrés
divers. Elles peuvent être totalement responsables des opérations
d'amont, en tant que propriétaires des établissements par
exemple, créant un tissu économique local dont la gestion, et les
bénéfices, ne concerne que ces acteurs locaux. Il s'agit d'une
forme de « tourisme autonome »22(*) caractérisé par
des capacités d'accueil souvent réduites par des
possibilités d'investissements elles-mêmes assez faibles.
L'ensemble des revenus sont cependant récolté par les
communautés. A l'inverse, le degré d'intégration le plus
faible des populations locales dans l'économie touristique se fait par
la salarisation de l'activité. Ce modèle est par exemple propre
aux tours opérateurs de plus grande envergure, nationaux ou
internationaux. Le développement de l'économie locale est
fortement dépendant de la distribution de salaires et, de ce fait, de la
capacité d'absorption des ressources humaines locales par ces
entreprises. D'autres modèles, intermédiaires aux types autonome
ou paternaliste23(*),
existent, offrant aux communautés locales des responsabilités de
gestion et des libertés d'action plus ou moins grandes, notamment par la
délégation, la coopération ou les partenariats.
Pour la seconde hypothèse, les revenus
générés doivent cependant être suffisamment
conséquents pour que les bénéficiaires les
considèrent en tant que tels. Le terme incentives donne une
meilleure idée de leur capacité à induire un changement
dans les comportements et les attitudes. La distribution des profits du
tourisme, et qui plus est de l'écotourisme, ne doit pas uniquement
être une nouvelle source de revenus mais un moyen d'enclencher un
développement local durable et soutenable grâce au changement
socio-économique qu'elle suppose. Le caractère
« significatif » des revenus ne dépend pas
uniquement du degré de participation des communautés, mais aussi
de leur capacité à répondre aux besoins des
écotouristes. Si la demande de tourisme responsable existe et
s'accroît, l'offre, quant à elle, reste à se
développer. Pour profiter des revenus potentiels de cette niche
touristique, les communautés locales doivent être capables
d'attirer cette demande. Cela se traduit par une nécessité
d'investissements en hébergement, transport ou en capital humain par
exemple.
3.1.2 En réalité, le
modèle ne fonctionne qu'imparfaitement
Empiriquement, cette première hypothèse ne se
vérifie que partiellement, réduisant les effets de levier induits
par le modèle de Wunder. La capacité d'hébergement
malgache s'est élevée à 13 340 chambres,
réparties en 1 181 « hôtels » en 2007,
d'après une étude menée par le MEEFT24(*) (voir Annexe 3), soit une
moyenne de 11,3 chambres par établissement. La répartition
effective fait plus état d'une grande majorité des
établissements relevant du « petit hôtel » ou
de la maison d'hôtes. Ces structures dépassent rarement les 10
chambres, à un tarif moyen d'environ 18 USD par nuitée (dont TVA
à 20%). Le taux d'occupation avoisine les 63%, ce qui est sensiblement
identique aux établissements de plus haute gamme [Banque Mondiale,
2003]. La faiblesse des capacités d'accueil s'avère être
pénalisant dans la création de revenus, les salaires
dégagés se situant en moyenne légèrement sous le
salaire minimum (25,95€ au 01/01/2008)25(*) [OMEF, 2008]. La capacité d'investissement et
le pouvoir incitatif des revenus de l'écotourisme en sont d'autant plus
touchés qu'ils ne sont guère suffisants pour constituer une
véritable alternative. Le poids des investissements paraît alors
relativement lourd pour les acteurs locaux, dans des contextes de
pauvreté et de précarité, ce qui limite la capacité
à réagir et à s'adapter face à la demande.
De plus, la plupart des exploitations hôtelières
dites traditionnelles sont la propriété d'investisseurs
étrangers. Or, elles sont le type d'établissements le plus
rentables dans ce secteur. Ce modèle d'exploitation paternaliste,
basé sur la distribution de salaires aux ressources humaines locales,
est loin du critère d'autonomie des activités soutenu par Wunder.
A l'inverse, les petites structures et les écolodges respectent
cependant mieux la dimension intégratrice et participative des
populations locales. En effet, respectivement 78% et 75% de ces
établissements sont gérés par des propriétaires
locaux, dégageant non seulement des salaires mais aussi des revenus
d'exploitation [Banque Mondiale, 2003].
Bien que ces salaires des hôtels traditionnels soient
souvent supérieurs aux autres établissements, l'effet
incentives n'est pour autant pas aussi notable que prévu en
théorie. Plusieurs éléments peuvent explique cette
distorsion. Tout d'abord, ce type d'exploitation n'est pas orienté vers
une valorisation de la biodiversité, comme le seraient les
écolodges par exemples. Ainsi, la conscience écologique ne
naît pas forcément auprès des salariés, qui ne sont
pas poussés à reconsidérer leurs rapports avec ce capital
biologique. Ensuite, en tant que salariés, les populations locales ne
sont pas prêtes non plus à abandonner leur mode de vie
traditionnel pour dépendre d'une activité relevant
d'investisseurs étrangers. L'insécurité procédant
de ce manque de contrôle des revenus n'est guère incitatif
à l'abandon des activités traditionnelles [Chaboud, Méral
et Andrianambinina, 2004].
3.1.3 La coopération des acteurs
favorise la participation locale
Ceci étant, la création et distribution de
revenus peut dépasser la dichotomie emplois
salariés/propriétaires. La participation locale exprime sous
d'autres formes, comme le développement des activités gravitant
autour du tourisme. La vente de biens et services locaux aux exploitants
touristiques représente une opportunité nouvelle pour les
prestataires. En tant qu'activité de services, le tourisme a besoin d'un
ensemble de prestations connexes pour fonctionner. Le transport de passagers,
la restauration, l'hébergement, la fourniture d'équipements ou
l'artisanat sont autant de d'exemples de d'activités de support ou
complémentaires au tourisme. La participation locale peut de ce fait
s'exprimer par ces canaux périphériques au tourisme en tant que
tel. Une étude réalisée par la Banque Mondiale en 2003
(voir Annexe 4) fait état de l'origine des sources d'approvisionnement
des biens consommés par un hôtel de la capitale. Sur les 51
produits cités, 37 sont soit directement produits sur place soit
importés puis distribués par des réseaux de vente locaux
(73%). L'essentiel des produits d'alimentation utilisés par
l'établissement sont ainsi fournis par des producteurs locaux, comme la
viande, le poisson, le café ou le lait par exemple. De même, la
plupart des fournitures de base sont issus de l'économie locale. Dans ce
cas, il s'agit de biens dont la production ou l'entretien ne requièrent
que peu de qualifications - menuiserie, matériaux de construction,
vaisselles, draperies, etc. Seuls les biens à technique de production
plus élaborée sont finalement exclus du circuit économique
local, et de ce fait non rémunérateur pour les acteurs locaux.
Cette tendance à l'utilisation des ressources locales
se retrouve aussi dans la filière des hébergements
écotouristiques - ou écolodges. Si Madagascar représente
un terrain propice au développement de ce genre d'établissements,
le type de prestations proposé peut cependant notablement varier selon
les endroits. Respectant les principes écotouristiques, la construction
des écolodges se fait souvent avec des matériaux et une main
d'oeuvre locale, ce qui offre un double avantage : d'une part les
coûts d'investissements sont réduits, et d'autre part la
participation locale est forte, impliquant un ensemble d'acteurs dans le
projet, créant la synergie décrite dans le cercle vertueux de
Wunder. Ces établissements s'adressent par ailleurs à un
marché de niche très porteurs ; un soutien du Gouvernement
aux investissements favoriserait d'autant plus le développement des
écolodges et des activités périphériques.
De plus, une gamme variée de services liée
à l'écotourisme émerge avec son expansion. Il peut s'agir
d'activités de loisirs ou d'activités traditionnelles. Ainsi, les
politiques de valorisation des ressources peuvent être
l'opportunité de développer de nouvelles activités
créatrices de revenus et respectueuses de l'environnement. Plusieurs
centres de plongée ont vu le jour ces dernières années,
notamment dans des zones protégées et dédiées
à ce type de loisirs. Cette démarche amorce aussi un changement
des modes d'exploitations de ressources et la définition de nouveaux
cadres institutionnels [Chaboud, Méral et Andrianambinina, 2004]. La
création de l'association FINIMANO à Anakao (Sud-Ouest) a permis
la définition de zones protégées dont la pratique de la
pêche traditionnelle est limitée voire interdite, laissant la
place à une valorisation des écosystèmes marins par la
plongée sous-marine et la mise en place d'une unité locale de
surveillance, assurant le respect des règles. Cet accord est le fruit de
la collaboration entre hôteliers et communautés locales, et est
scellé par son inscription dans la dina. Bien que cette
initiative n'ait pour l'instant induit que de faibles changements, notamment
dans les pratiques traditionnelles, les conséquences existantes sont
allées dans le sens du développement et de l'intégration
des populations locales. En outre, cette distribution de pouvoir entre les
membres d'une communauté mène aussi à une meilleure
cohésion sociale et un renforcement des relations de confiance, ce qui
favorise un respect des règles établies. Le développement
d'un capital social communautaire, par la volonté d'impliquer chaque
membre, doit conduire à un renforcement du groupe et de
l'efficacité de la coopération [Ballet, Sirven et
Requiers-Desjardins, 2007].
Si la participation locale est souvent appuyée par les
initiatives écotouristiques (hypothèse 1), il est vrai que les
changements socio-économiques ne sont pas toujours aussi forts
qu'espérés (hypothèse 2). Deux principales raisons peuvent
expliquer cette tendance. Tout d'abord, le niveau de revenus
générés par les activités écotouristiques
n'est guère assez élevé pour représenter une
incentive suffisante à l'abandon des modes de production les
plus destructrices et ainsi à faire de la biodiversité un capital
économique durable. Ensuite, la jeunesse des activités
écotouristiques n'incite pas encore les acteurs locaux à
abandonner leurs modes de production traditionnelles. Dans un contexte de
survie, ils ne sont pas prêts à devenir dépendants d'une
activité dont le succès à long terme n'est pas encore
garanti. Les changements socio-économiques se faisant à plus long
terme, les revenus de l'écotourisme doivent donc bien se
présenter comme un complément aux revenus traditionnels, et un
moyen, à plus long terme, d'amener les populations locales à
mieux valoriser leurs ressources naturelles et à abandonner leur vision
court-termiste.
Le succès en demi-teinte du modèle vertueux de
Wunder n'est pas exclusivement lié à son aspect économique
et à la lenteur des changements d'attitudes. Il tient aussi
l'adéquation de la population active disponible aux postes
créés.
3.2 Les
compétences locales, facteur déterminant de la participation des
communautés
Le concept d'écotourisme fait de l'appropriation locale
des enjeux un des ces principes fondamentales. Il s'agit de placer les
populations locales au coeur-même de la filière, afin qu'elles
deviennent les principales bénéficiaires de l'activité,
aussi bien d'un point de vue économique que social, comportemental ou
institutionnel. Or, la question de la participation ne peut s'envisager sans
s'interroger sur l'employabilité des ressources humaines locales. Avant
de pouvoir jouir des fruits de cette nouvelle activité, il faut avant
tout que les communautés puissent y prendre part. Si ce raisonnement
peut paraitre trivial, son application est certainement plus complexe.
Bien que peu organisé et structuré, le tourisme
reste un des plus gros employeurs pour Madagascar. Les estimations du
TSA26(*) font état
que la filière globale du tourisme, c'est-à-dire l'industrie en
soi et les autres secteurs liés à elle, devrait employer 10,1% de
la population active du pays. Parmi ces 454 800 emplois, 135 300
dépendent directement de l'industrie touristique (hôtellerie,
restauration, EVPT27(*),
maisons d'hôtes, etc.) - ici, 3,0% de la population active. Et, outre une
légère inflexion en 2009 et 2010, la tendance est à la
hausse. Entre 2005 et 2020 (prévisions), le secteur global devrait avoir
accru le volume d'emplois de 94,7% [WTTC, 2009].
Toutefois, rappelons que cette activité n'est un moyen
de lutter contre la pauvreté qu'à la condition d'intégrer
les populations à son développement, par l'adhésion des
populations aux enjeux soulevés par l'écotourisme, ici. Or, cette
appropriation des concepts défendus par ce mode touristique va largement
dépendre du degré d'implication des employés dans ce
secteur. L'action éducatrice et vectrice de changements de comportements
et d'attitudes est à relativiser sur ce point. En effet, en
matière touristique, et qui plus est écotouristique, deux
problèmes peuvent compromettre l'ambition malgache à faire de
cette activité un secteur porteur pour l'avenir : un défaut
de qualification et un manque de structure et d'organisation.
3.2.1 Une employabilité forte
dans les métiers les moins qualifiés
Tout d'abord, la question de l'employabilité est
directement reliée au niveau de qualification des ressources humaines
disponibles. Impliquer les populations locales dans une meilleure gouvernance
des ressources est une chose, encore faut-il savoir s'il ne s'agit que d'une
simple modalité de redistribution ou d'un moyen incitatif au changement,
dans le cadre du modèle écotouristique de Wunder.
L'employabilité ne s'envisage plus alors uniquement en termes de
quantité, mais aussi responsabilités et types de travail. En
effet, une enquête menée en 2004 dans le Sud-ouest de l'Île
Rouge décrit l'impact sur l'emploi de plusieurs initiatives
écotouristiques (voir Annexe 5). Sur les seules trois localités
d'Anakao Nosy-Ve, d'Ifaty Rangily et du parc national de Ranomafana, plus de
250 emplois ont été créés, dont près de 90%
sont occupés par des habitants de ces villages. Ce constat, certes
encourageant, doit être précisé par le fait que la
majorité des emplois détenus par les locaux sont des postes
à faible niveau de qualification (entretien, guide, piroguier, etc.)
[Lapeyre R., Andrianambinina D., Requier-Desjardins D. et Méral P.,
2007]. L'empowerment prôné par l'écotourisme
échappe donc partiellement aux populations locales, lesquelles sont plus
reléguées au rôle de salariés d'un secteur
contrôlé par des agents extérieurs. Cette situation est une
conséquence directe du faible niveau de qualification des ressources
humaines disponibles dans le secteur touristiques. Ce manque de connaissances
et d'expertise laissent donc, de facto, aux acteurs privés,
souvent étrangers, la responsabilité de valorisation des
ressources et le pouvoir de dynamiser une région. Malgré le
processus de décentralisation favorable aux communautés,
celles-ci ne jouissent parfois que d'une dévolution fictive. Elles
détiennent les ressources naturelles, mais leur valorisation
économique leur échappe.
Le tourisme paternaliste est un mode répandu dans ce
contexte, intégrant les populations locales par les biais d'emplois
salariés. Cette caractéristique fait d'ailleurs que le type
paternaliste est plus créateur d'emplois qu'un tourisme
géré par les communautés par exemple. En effet, les
établissements hôteliers « traditionnels » de
gamme supérieure (3 étoiles et plus) ont un rapport
personnel/chambre avoisinant les 1,7, contre 1,1 dans les plus petits
hôtels et près de 1 dans les établissements
écotouristiques. Ajoutons aussi que ces deux derniers types
d'hébergements ont souvent des capacités d'accueil bien plus
faible que les hôtels « traditionnels »,
dépassant rarement les 15 chambres [Banque Mondiale, 2003]. Le tourisme
paternaliste représente donc une opportunité de travail bien plus
abordable et répandue que les autres formes, proposant des emplois
adaptés à une main d'oeuvre locale peu qualifiée.
L'éventail de prestations annexes que requiert un établissement
de plus haut gamme, ou tout au moins s'approchant des critères de
qualité internationale, facilite la création d'emplois
salariés accessible à tous et en moyenne mieux
rémunérés que dans les autres établissements.
3.2.2 Le manque d'organisation et de
structure du secteur est un frein à la synergie
écotouristique
La salarisation des emplois touristiques présente
certes l'avantage des revenus plus conséquents et plus stables, mais est
loin d'intégrer les populations locales dans la gestion des enjeux.
Economiquement parlant, les revenus redistribués sont dorénavant
devenus un complément nécessaire, réduisant au moins
partiellement la situation de pauvreté des populations. Ces emplois
aident à lutter contre le fort chômage rural, créant une
alternative aux activités traditionnelles de survie, comme
l'agriculture. Ils sont aussi un moyen de sédentariser les villageois,
réduisant ainsi les flux migratoires internes et surtout l'exode rural.
Si le tourisme paternaliste n'apporte pas autant que le pourrait
l'écotourisme aux communautés, cet aspect économique et
social, par l'emploi, est un pis-aller dans un contexte d'extrême
pauvreté, où le développement de l'écotourisme
semble souffrir d'un manque de support.
Si la demande et la volonté de faire de Madagascar une
destination écotouristique de premier rang existent, le
développement de cette niche est ralenti par une structure et une
organisation du secteur qui font défaut. La retombée sur les
emplois et la redistribution de revenus s'en fait directement ressentir. Ces
établissements, de taille souvent modeste (10 à 15 chambres), se
situent majoritairement dans les zones enclavées, mal desservies.
L'accès à ces villages est difficile, d'une part par la faible
fréquence et fiabilité des moyens de transports, et d'autre part
par le mauvais état des infrastructures de communications reliant ces
zones. Le transport est long et cher, non seulement pour les personnes, mais
aussi pour les marchandises. De même, la qualité des services
proposés est inférieure aux établissements hôteliers
traditionnels, excepté les rares écolodges haut de gamme. Les
normes internationales d'hébergement ne se rencontrent que peu de fois
en réalité. Aucune norme n'existant d'ailleurs en termes
d'écotourisme, la qualité des prestations varie très
largement. Institutionnellement, le manque de transparence de
établissements écotouristiques, ne jouissant d'aucune
certification reconnue et reconnaissable, peut laisser le consommateur dans une
certaine confusion dans ses choix. La conséquence directe pour les
établissements est une faiblesse de fréquentation, impliquant une
adaptation des ressources humaines à cette situation, celle-ci
étant due à un défaut d'infrastructures correctes et un
défaut de lisibilité.
De plus, la coopération entre les acteurs est une
condition essentielle au tourisme pour en faire un vecteur de
développement régional. Or, ce pouvoir de négociation
semble parfois faire défaut aux communautés à
Madagascar : ne valorisant pas elles-mêmes les ressources
naturelles, le montant des revenus perçus va être le fruit de
négociations entre ces protagonistes. L'association Madagascar National
Parks, gestionnaires des parcs naturels, reverse par exemple 50% de ses
recettes aux communautés. Des partenariats
communautés-privés peuvent exister pour soutenir le
développement local. C'est le cas de certains opérateurs
privés de la région d'Ifaty, qui font appel aux services locaux
de transports (pirogues). Mais ces accords ne sont porteurs qu'à la
condition où chacune des parties respecte ses engagements, ce qui,
malheureusement, n'est pas toujours le cas [Chaboud, Méral et
Andrianambinina, 2004].
L'Etat malgache semble aussi répondre à cette
nécessité de structuration du secteur en créant des
programmes d'appui et de professionnalisation du tourisme. Cette
démarche fait partie des priorités établies dans le
Défi 8, Engagement 6 du Madagascar Action Plan,
« promouvoir et développer intensivement le secteur du
tourisme » [MAP, 2006]. La création de l'Institut
National de Tourisme et d'Hôtellerie (INTH) à eu pour vocation
d'assurer la formation aux métiers du tourisme, en proposant des
filières de formation initiale et continue, pour faire de ce secteur une
véritable activité professionnelle. Selon l'INTH, son objectif
est de « former au métier de demain et au besoin des
entreprises ». Cette formation, d'une durée de deux ans,
sanctionne d'un Diplôme d'Etudes Supérieures en Tourisme et
Hôtellerie (DESTH), et incluse douze semaines de stages. La
professionnalisation des métiers du tourisme et de l'hôtellerie
permet d'améliorer la qualité générale des
prestations touristiques de l'île, dynamisant ce secteur, créant
une opportunité aux acteurs locaux de mieux maitriser les enjeux de
cette activité et de profiter à un degré plus
poussé des vertus de l'écotourisme.
Cependant, une meilleure intégration des
activités touristiques dans le tissu local peut aussi répondre
à d'autres attentes. Si les enjeux économiques et sociaux sont
surtout profitables aux communautés, le touriste n'est pas non plus
laissé pour compte en décidant de pratiquer
l'écotourisme.
3.3
L'écotourisme fait de l'exotisme une expérience et non un
spectacle.
Le tourisme, comme tout service ou tout échange en
général, doit se concevoir par l'interaction d'au moins deux
entités : le visiteur et le visité, le pays émetteur
et le pays d'accueil, le client et le prestataire, etc. De ce fait, les
retombés de l'écotourisme devrait être envisagées de
ces deux points de vue, pour en assurer un développement pérenne
et à long terme, justifiant son existence comme une pratique alternative
et non comme une nouvelle tendance éphémère, issue d'une
mode du durable. Cerner les attentes des visiteurs et comprendre les raisons de
ces flux migratoires temporaires sont des moyens d'assurer la satisfaction de
ces personnes. Si la pratique du voyage est un loisir qualifié de
moderne, cela ne tient pas du hasard. Les approches s'intéressant aux
raisons qui poussent s'adonner à cette activité mettent en
évidence deux principales explications. La première,
décrite par Dean Mac Cannel (1973), se base sur une opposition
fondamentale entre l'ordinaire et l'extraordinaire, le quotidien et le
dépaysement, le tourisme est un moyen de s'évader d'une routine
quotidienne industrialisée et urbanisée pour retrouver une
authenticité perdue dans les sociétés modernes. La seconde
préfère voir le développement des moyens de transports et
des nouvelles technologies comme des facteurs facilitant la mobilité des
personnes et la diffusion des symboles, créant une inclinaison au voyage
et un modèle touristique [Evrard O., 2006].
3.3.1 L'imaginaire crée la
vocation du voyage
Ces deux approches ne sont cependant pas antagonistes, au
contraire, elles font toutes deux appel à un système de
représentations du voyage conditionnant le regard porté sur la
destination (voir Annexe 12). Avant d'en faire l'expérience,
l'attractivité d'un lieu est surtout déterminée par
l'imaginaire que l'on en a, un imaginaire géographique dont les images
sont un support essentiel. Leur « pouvoir
évocateur » suscite l'envie du voyageur, pèse sur son
choix de destination et sur son itinéraire de visite. Elles
déterminent le « pittoresque », l'authentique, par
avance, guidant le visiteur dans ce qu'il doit voir et faire [Staszak,
2006].
« Paradisiaques, authentiques, calmes,
îles de rêves... Les images associées aux îles
polynésiennes sont toujours les mêmes, quels que soient le pays et
les personnes qui les évoquent. L'aura du mythe de Tahiti et ses
îles est fort, très fort, il a traversé les âges et
les continents sans une égratignure... »28(*)
Cette description est extraite d'une étude visant
à déterminer la perception des îles polynésiennes
dans six pays européens. Elle fait ressortir une uniformité de
l'imaginaire, faisant référence aux stéréotypes de
Tahiti : paradis terrestre, tranquillité, dépaysement, etc.,
et ce quel que soit la nationalité des interrogés. Ce pouvoir de
la représentation par l'image est d'autant plus fort aujourd'hui que les
moyens de diffusion sont nombreux et omniprésents : media,
catalogue, agence de voyages, reportage...
La perversion de cet exotisme créé est
immédiate : le visiteur ayant des attentes directement liées
à la représentation qu'il s'est fait de la destination, le
voyagiste se doit de proposer des prestations conformes à cet
imaginaire. La quête de l'authenticité du voyageur dérive
rapidement vers la consommation de l'inauthenticité du touriste, ce que
Jean-Didier Urbain nomme « le complexe du faux ». En
transformant la réalité pour l'adapter aux représentations
assimilées a priori, le visiteur devient complice d'une marchandisation
de l'exotisme, d'une mise en scène des traditions et de la culture,
condamnées à être une attraction figée, non
évolutive, car présentées comme telle. Cette
folklorisation est pourtant courante : les établissements
hôteliers n'hésitent pas à s'approprier des objets
symboliques de la culture locale pour créer une atmosphère plus
vraie que nature, les spectacles et danses folkloriques contribuent à
cette théâtralisation de la culture [Staszak, 2006].
Pour autant, il faut admettre que cet imaginaire,
créé par le discours touristique, est nécessaire à
l'élaboration d'une identité touristique d'une destination - que
serait l'Egypte sans les pyramides et le Kenya sans ses safaris ? C'est
ensuite en soumettant ces stéréotypes à
l'expérience et à la réalité que les visiteurs vont
diffuser et légitimer cette identité. La notoriété
du Parc de Yellowstone vient autant de la beauté du lieu que de la mise
en scène d'une expérience sauvage, semblable à la
conquête de l'Ouest à l'époque des trappeurs [Villerbu,
2006].
3.3.2 L'écotourisme comme
système de représentation de l'identité touristique
malgache
Au regard de ces connaissances, le choix de
l'écotourisme à Madagascar devient d'autant plus
intéressant. En effet, si le tourisme malgache est jugé à
fort potentiel grâce à la valorisation de son incroyable
biodiversité, cette activité reste naissante, peu
développée et peu structurée pour l'instant. Ainsi, le
gouvernement, et plus encore les acteurs du tourisme, doivent considérer
cette opportunité pour créer un imaginaire basé sur une
pratique saine et respectueuse du tourisme, où l'écotourisme est
au centre des représentations. La Grande Île dispose d'atouts
considérables afin d'aboutir à ce dessein. La demande touristique
de l'île est aujourd'hui essentiellement basée sur un public
averti ses richesses biologiques, l'écotourisme étant la
première raison évoquée (voir Annexe 6). Or, à
créer un référentiel d'images liées à
l'écotourisme malgache, cette destination pourrait se voir
fréquenter par un public plus large. De plus, le visiteur, peu
désireux de passer pour un touriste, mais plutôt pour un voyageur
à la recherche de l'authenticité de la rencontre, se verra
séduit par l'intégration de la filière
écotouristique au tissu socio-économique local (voir Annexe 12).
La jeunesse du tourisme malgache est une chance pour diffuser la
réalité d'une destination exotique. Ce terme
d'« exotisme » renvoie à un double
éloignement, l'un géographique, l'autre temporel. Cette
dernière dimension fait souvent référence à la
quête du voyageur pour un passé révolu, un Paradis
terrestre, d'où le choix fréquent d'un tourisme à
destination des pays du Sud [Lestringant, 2007]. Madagascar, avec ses
merveilles naturelles et son taux d'endémisme des espèces hors
normes, paraît être une candidate idéale à ce
rôle. L'écotourisme peut laisser vivre un exotisme moins
réducteur et plus dynamique, en laissant aux acteurs locaux la
possibilité de choisir les images diffusées.
L'objectif de cette partie a été de mettre en
lumière les bénéfices produits non seulement du tourisme,
mais surtout d'une intégration plus forte de cette activité dans
le tissu socio-économique local. L'écotourisme se
caractérisant par sa valorisation des ressources naturelles, son faible
impact sur l'environnement et par l'amélioration socio-économique
des communautés, l'étude des retombés de cette pratique
pour les acteurs engagés dans la filière paraît
incontournable. L'analyse la plus poussée dans ce domaine provient de
Sven Wunder (2000), qui a modélisé le fonctionnement de
l'écotourisme. Son caractère autorégulateur est
souligné par l'expression « cercle vertueux de
l'écotourisme ». La description de ses mécanismes fait
intervenir deux hypothèses cruciales dans le succès de cette
pratique touristique : la première insiste sur le caractère
incitatif que doivent représenter les revenus issus de cette nouvelle
activité. Ces incentives sont nécessaires pour capter
une partie de la population active et créer une alternative soutenable
et réaliste à des modes de production plus destructeurs. La
seconde hypothèse met en avant les changements socio-économiques,
comportementaux et institutionnels induits par le développement d'une
activité écotouristique. Cette dernière serait favorable
à une transformation des modes de production et à une
valorisation durable des ressources naturelles.
Confrontée à la réalité, le
modèle théorique du cercle vertueux semble connaître
quelques dysfonctionnements. En effet, la configuration actuelle de l'offre
touristique malgache ne permet pas de créer des moyens incitatifs
suffisants pour faire de l'écotourisme une activité alternative
réaliste et, de ce fait, à susciter des changements
socio-économiques de profondeur. Plusieurs raisons peuvent être
évoquées pour expliquer ce décalage entre le modèle
et les faits. Tout d'abord, l'offre touristique malgache se compose
essentiellement de petits structures (10 voire 15 chambres),
gérées de manière familiale. Bien que représentant
un fort potentiel pour le développement de l'écotourisme, ces
hébergements ne génèrent guère suffisantes de
revenus pour prétendre à être une activité
alternative à plein temps. A l'inverse, les établissements
hôteliers de plus haut gamme et capacité sont bien plus
attrayants : la plus haute qualité de leurs prestations demande
plus de main-d'oeuvre et les salaires redistribués sont
supérieurs à la moyenne du secteur. Pourtant, cette
opportunité présente l'inconvénient de limiter la
participation des populations locales dans les enjeux. Ces
établissements dépendant majoritairement d'investisseurs
étrangers et la faiblesse du niveau de qualification des ressources
humaines locales font que le tourisme paternaliste domine. L'appropriation
locale des enjeux dépend éminemment de la capacité des
communautés à répondre aux opportunités
créées par le tourisme, et surtout l'écotourisme.
L'ouverture récente de l'Institut National de Tourisme et
d'Hôtellerie est une initiative marquante le souhait de professionnaliser
ce secteur à fort potentiel, mais dont les retombées
échappent souvent aux acteurs locaux.
La jeunesse et la faible organisation de l'écotourisme
malgache en réduisent aussi ses effets vertueux. Aussi incitatives
soient les revenus, le processus de changements socio-économiques
s'observe sur un long terme, car les populations locales se sentent rarement
prêtes à abandonner radicalement leurs pratiques traditionnelles
et ancestrales pour une activité dont les bénéfices sont
encore incertains à plus long terme. Cette aversion explique que les
changements dans les modes d'exploitation des ressources naturelles soient pour
l'instant relativement faibles. Il n'empêche que dans un contexte de fort
chômage, comme dans les zones rurales malgache, l'opportunité que
représente ces nouvelles activités touristiques est non
négligeable, bien qu'elles ne répondent qu'imparfaitement aux
critères d'empowerment des communautés. Le
développement du tourisme ne peut être perçu que comme un
avantage pour la région d'accueil ; si ses formes peuvent varier,
les retombées joueront en faveur du développement local, à
des niveaux certes plus ou moins poussés. L'absence de tourisme serait,
au contraire, plus dommageable [Boyer, 2002]. Enfin, si le tourisme malgache
n'en est qu'à ses débuts, la Grande Île devrait pouvoir
tirer partie de cette situation en plaçant l'écotourisme au coeur
de son identité touristique. Cette démarche a pour objectif de
faire de Madagascar une destination symbole de ce nouveau mode touristique dans
l'imaginaire des visiteurs, évitant ainsi les travers d'un exotisme mis
en scène et réducteur.
Or, cette dernière recommandation implique deux
éléments : les voyageurs internationaux doivent
représenter une grande part du tourisme malgache (critère
d'éloignement géographique de l'exotisme) et la promotion de
l'Île doit réussir à toucher ce public distant.
4 L'écotourisme est un moyen de s'intégrer dans
une filière globalisée
Après s'être penché sur les raisons et les
moyens à déployer pour que Madagascar puisse voir en
l'écotourisme un mode touristique plus soutenable et instigateur de
développement, un aspect constitutif du succès des politiques
touristiques n'a pourtant que peu été évoqué :
les visiteurs. En effet, les bénéfices de l'activité
dépendent certes des modes de gestion, mais surtout de capacité
à créer un flux touristique, à capter un public
consommateur des prestations. La démarche d'analyse des liens existants
entre prestataires locaux et clients finaux demande d'élargir le champ
d'étude, car le tourisme est un phénomène migratoire
mondial. A considérer que Madagascar persévère dans sa
politique de valorisation de sa biodiversité et de promotion de
l'écotourisme, les probabilités pour que l'Île Rouge ne
devienne une destination écotouristique de premier rang seraient
assurément hautes, disposant déjà d'un avantage absolu (la
biodiversité) et travaillant au développement d'un
écotourisme de qualité.
La « mondialisation touristique » se
définit autant par la présence mondial de l'activité et
que par sa dynamique de promotion internationale, oeuvrant à faire
connaître les destinations à tout un chacun [Violier, 2003]. Le
tourisme est une opportunité pour un pays de s'exposer sur la
scène internationale et d'intégrer la marche de la
mondialisation, grâce aux flux monétaires et de personnes que
génère ce secteur. Cette ouverture des pays par le tourisme est
une nouvelle voie explorée par les territoires les plus petits, surtout
depuis les années 1960. Cette stratégie est une alternative
à un rattachement à des territoires souverain plus puissants
(DOM-TOM, Hawaii, etc.), dans le but de soutenir le développement de
l'île [Duvat, 2006]. L'analyse de ce processus d'ouverture passe par
l'étude des flux touristiques : à qui s'adresse cette mise
en tourisme ? Qui sont les pays émetteurs ? Comment se faire
connaître auprès des voyageurs internationaux ? Les
spécificités de l'écotourisme répondent-elles aux
exigences de la filière touristique mondiale ? La création
d'un flux touristique mondial vers la destination malgache est un
élément indispensable à la réussite des politiques
écotouristiques menées jusque là.
4.1 L'Europe,
principale zone émettrice à destination de Madagascar
Le tourisme malgache est encore peu développé et
assez confidentiel, comme c'est le cas dans l'ensemble de la zone
sub-saharienne, à l'exception de l'Afrique de Sud. Les pays de cette
région géographique ont souvent choisi un tourisme
spécialisé, jouant de leurs avantages pour se faire une place sur
un marché international : safaris du Kenya, tourisme
balnéaire à Maurice ou tourisme de luxe aux Seychelles.
4.1.1 Une forte fréquentation
française
La fréquentation touristique de Madagascar tient
aujourd'hui plus au passé historique qu'à la promotion d'une
véritable identité touristique, encore en construction. En effet,
les visiteurs français sont les principaux arrivants étrangers
à fréquenter la Grande Île pour raison touristique. En
2007, 58% des touristes provenaient de France, une proportion relativement
stable depuis plus de 10 ans. L'Île Maurice est le second pays
émetteur, avec prêt de 10% des visiteurs sur la dernière
décennie (voir Annexe 7). La proximité de cette République
et le passé commune avec Madagascar, toutes deux anciennes possessions
coloniales françaises, expliquent le développement des relations
et des échanges entre les deux nations. Maurice fait cependant office
d'exception quant à l'origine des visiteurs. En effet, la grande
majorité des arrivants (autour de 75%) provient plutôt des pays du
Nord, et plus précisément d'Europe de l'Ouest et
d'Amérique [MEEFT, 2009].
Ce constat reflète une tendance plus globale. A
l'échelle mondiale, l'Europe et l'Amérique sont des zones
émettrices majeures, représentant respectivement 55,2% et 16,5%
des voyageurs internationaux. La zone Asie-Pacifique n'est cependant pas en
reste, générant 19,7% des touristes mondiaux [UNWTO, 2009].
L'Allemagne, les Etats-Unis et le Japon forment le trio de tête des pays
émetteurs. Il n'est pas étonnant de constater que ces
nations figurent parmi les premières puissances économiques
mondiales. Ainsi, la corrélation entre pouvoir économique et
inclinaison au tourisme paraît assez à établir.
4.1.2 L'écotourisme, premier
motif de visite
Une enquête Banque Mondiale (2003) fait état que
l'écotourisme est la principale raison de visite invoquée par les
arrivants (55%). La beauté des paysages et l'incroyable
biodiversité des espèces place Madagascar parmi les
premières destinations choisies sur ce critère, ses principales
concurrentes se situant d'ailleurs essentiellement en Amérique Centrale.
Le tourisme balnéaire « Soleil et Plage » en est la
seconde raison invoquée (19%). Or, ces deux types de touristes envoient
vers des visiteurs originaires du Nord. En effet, les traits du profil-type de
l'écotouriste seraient ceux d'« un voyageur
expérimenté d'âge moyen voire mûr, jouissant d'un
haut niveau d'éducation et de revenus confortables, leader d'opinions et
aimant partager ses expériences »29(*) [TIES, 2006]. Une
étude menée dans ce cadre précise ce profil,
précisant que les pratiquants de l'écotourisme avaient
« entre 35 et 54 ans, possédaient à 82% un niveau
d'éducation supérieur et voyageaient habituellement en
couple »30(*). Ils sont pour la plupart ressortissants de pays
développés, où la préservation de l'environnement
tient une place de plus en plus prépondérante [Euromonitor
International, 2008]. Ces caractéristiques expliquent que la
quasi-totalité des voyages à destination de Madagascar provienne
des pays du Nord, et plus particulièrement d'Amérique, du
Royaume-Uni ou d'Allemagne. Ces pays, notamment les Etats-Unis et l'Angleterre,
sont parmi les premiers à générer des
écotouristes.
4.1.3 La faiblesse des liaisons
internationales conditionne les arrivées
Au-delà des motifs écotouristiques, le taux
d'arrivée sur l'Île Rouge des Français et des Mauriciens
tient aussi à une raison plus pratique et évidente.
L'accès à Madagascar pour un touriste international peut
s'avérer relativement compliqué, du fait des faibles liaisons
existantes (voir Annexe 12). Le transport aérien reste le moyen
d'arrivée le plus utilisé. Huit compagnies internationales
opèrent sur l'aéroport international d'Ivato, situé en
périphérie de la capitale :
§ Air Austral (Réunion),
§ Air France (France),
§ Air Madagascar (Afrique du Sud, France, Italie, Kenya,
Maurice, Réunion, Thaïlande et vols intérieurs),
§ Air Mauritius (Maurice),
§ Corsairfly (France),
§ Interair South Africa (Afrique du Sud),
§ Kenya Airways (Kenya),
§ South Africa Airways (Afrique du Sud)
A cela s'ajoute la liaison maritime assurée par
Mauritius Trochetia, reliant Madagascar à Maurice et à
la Réunion. Au vu des destinations desservies par ces moyens de
transports, la forte fréquentation de Madagascar par les touristes
français et mauriciens semble s'expliquer plus aisément.
Cependant, si le développement de l'écotourisme
sur la Grande Île est dépendant d'une filière globale,
laquelle est dominée par des tours opérateurs situés en
aval et contrôlant les flux touristiques, l'écotourisme risque de
perdre de son caractère alternatif et profitable aux communautés
locales et de devenir une simple diversification de l'offre touristique
[Lapeyre, Andrianambinina, Requier-Desjardin et Méral, 2007]. A
défaut de règlementations de la filière, la
possibilité de se mettre directement en relation avec les marchés
émetteurs serait un moyen de contourner ces problèmes de
répartition des pouvoirs.
4.2 Les innovations
technologiques au service du développement écotouristique
Le pouvoir détenu par les tours opérateurs n'est
pas inhérent au secteur touristique lui-même, mais traduit
plutôt une certaine incapacité des acteurs d'amont à
répondre aux opportunités, ce qui se vérifie d'autant plus
dans les pays en développement. Dans des contextes de relative
pauvreté, voire de réelle pauvreté, les acteurs locaux
disposent rarement des moyens, qu'ils soient financiers, humains ou
professionnels, pour exploiter de manière rentable la mise en tourisme
d'une région, laissant la place aux groupes internationaux. De
même, les pays du Nord, par les pouvoirs d'achat et leur temps de
loisirs, sont les principaux générateurs de touristes. Ainsi, le
fonctionnement traditionnel de la filière du tourisme de loisir
international est tenu par des tours opérateurs occidentaux qui
contrôlent le flux de voyages occidentaux à destination de
prestations opérées par des gestionnaires occidentaux, la
majorité des profits de l'activité échappant donc à
la zone réceptrice. Si le trait est volontairement grossi, l'idée
centrale demeure valable : l'intégration à la filière
globale du tourisme passe par une standardisation des prestations d'amont pour
répondre aux exigences des opérateurs gérant les flux
touristiques. Les acteurs respectueux de l'écotourisme sans compromis
s'exposent donc à une mise à la marge du circuit
traditionnel : la rentabilité cède sa place à
l'empowerment des communautés, qui captent une plus grosse
partie des revenus. Les modes de gestion locale peuvent par ailleurs
différer des attentes occidentales. Le manque de lisibilité
actuelle qui règne parmi les prestations écotouristiques (ou
dites comme telles !) ne contribue pas non plus à séduire
des tours opérateurs, dont la réputation dépend largement
de la qualité et la fiabilité de ses partenaires.
4.2.1 L'e-tourisme transforme les
circuits de distribution
Si, par manque de moyens, les acteurs locaux de
l'écotourisme malgache peuvent éprouver des difficultés
à intégrer la filière globale traditionnelle, les
innovations technologiques actuelles leur offrent une possibilité de
contourner ce circuit en créant un lien direct avec son public cible.
Cette opportunité s'avère d'autant plus intéressant
à l'égard des PED que le recours au tourisme électronique
et l'intérêt pour des formes de voyages innovantes et
différentes vont croissantes (voir Annexe 12). Le baromètre
OPODO indique qu'en 2009, 51% des Français ont préparé
leurs vacances sur Internet31(*). L'utilisation des TIC32(*) devrait permettre aux PED de
mieux se faire connaître, par la promotion de nouvelles destinations et
de produits touristiques innovants, contribuant à construire leur image
de marque auprès d'un public plus large et international, et à
renforcer les flux intrants [CNUCED, 2005]. Internet répond aussi
à la tendance des consommateurs à recherche des prestations
personnalisées et personnalisables, au caractère authentique. Cet
outil facilite l'accès à l'information, les aidant dans la
préparation de leur prochain séjour. De plus, la multiplication
de l'offre e-touristique permet aussi une comparaison plus aisée entre
les opérateurs, une liberté du choix, autant sur le type que sur
le prix des prestations et de partager des avis à propos de leurs
expériences. Cette libéralisation de l'information confère
aux consommateurs une liberté accrue dans ses choix. Certains sites Web
se sont d'ailleurs spécialisés dans le créneau de la
comparaison, regroupant les offres d'une pluralité d'acteurs (Opodo,
LastMinute.com, eDreams, ou Expedia par exemple). Le développement de
l'e-tourisme est devenu un moyen de court-circuiter le fonctionnement
traditionnel de la filière touristique, provoquant un déclin de
l'utilisation des systèmes de réservation informatisés
(SRI) (voir Annexe 8). L'adaptation des opérateurs traditionnels a
été nécessaire, et s'est même avérée
bénéfique : en effet, l'e-tourisme est aussi un outil fort
de productivité pour ses systèmes globaux de distribution (comme
Sabre, Amadeus ou Galileo), qui obtiennent beaucoup plus rapidement des
informations sur le profil de consommation de leurs clients, les aidant
à modeler leur stratégie.
La flexibilité de ce nouveau mode de distribution des
produits touristiques doit être considérer come une
opportunité pour Madagascar de promouvoir ses atouts et de profiter d'un
moyen d'ouverture internationale. Une organisation des professionnels du
secteur permettrait aux organisations de gestion des destinations33(*) (OGD) de promouvoir et
distribuer efficacement leurs prestations. Comme dans la plupart des pays en
développement, et qui plus est dans les PMA, l'offre touristique
malgache repose essentiellement sur un réseau de petites ou moyennes
entreprises (PME), voire des très petites entreprises familiales. La
diversité des acteurs et des prestataires n'en facilite pas la promotion
ou la distribution. De plus, il est inconcevable de laisser à chaque
prestataires de faire sa propre promotion, pour au moins trois raisons :
dans l'abondance des offres déjà existantes sur Internet, leur
visibilité serait quasi-nulle ; par le fonctionnement du
système de référencement des moteurs de recherche, il est
très probable que ce type de site Web soit perdu dans le
« ventre mou » des résultats affichés
(au-delà des dix premières pages) ; et le fait que seule 2%
de la population malgache ait accès à Internet assombrie
clairement la réalisation de cette hypothèse.
4.2.2 Organiser le secteur grâce
aux systèmes de gestion des destinations
L'adoption d'un système de gestion des destinations
(SGD) est une solution répondant au problème de disparité
et d'hétérogénéité de l'offre touristique.
Il s'agit d'outils informatiques répondant à deux fonctions
majeures [CNUCED, 2005]:
§ Fournir des informations riches, complètes et de
qualité aux visiteurs et leur simplifier les démarches, notamment
de réservation
§ Mettre à disposition des prestataires de
services touristiques un portail de référencement fiable et mis
à jour, et assurant leur promotion et intégration sur le
marché mondial
La mise en place d'un SGD fonctionnel maintient l'autonomie
des acteurs d'amont et éviter le risque de dépendance
(financière et d'arrivants) vis-à-vis d'autres
intermédiaires, laissant les prestataires locaux jouir de leur
capacité de gestion. Un SGD ne peut cependant qu'être le fruit
d'une coopération entre pouvoirs publics et secteur privé. Les
premiers ont pour rôle d'initier une stratégie nationale de
promotion du tourisme et de créer un terreau propice au
développement d'initiatives locales, notamment par des soutiens
financiers ou par une veille économique pertinente, pour répondre
efficacement aux objectifs du SGD (voir Annexe 9).
Selon les fonctions développées et les
possibilités accordées par ces outils, les SGD se classent en
quatre niveaux (voir Annexe 10) :
§ Le premier fournit uniquement des informations sur le
lieu et répertorie les prestations disponibles
§ Le second ajoute une fonction de réservation en
ligne
§ Le troisième dispose en plus d'une base de
données utilisateurs, pour optimiser la personnalisation de la promotion
et commercialisation
§ Le quatrième y inclut en sus une gestion
correspond à la stratégie globale de la destination
Les PED s'en tiennent cependant souvent à un SGD de
niveau 1, par manque de ressources financières, de stratégie ou
de compétences en informatiques par exemple. C'est le cas de Madagascar,
dont le site madagascar-tourisme.com représente le SGD (voir
Annexe 11). Géré par l'Office National du Tourisme de Madagascar,
il fournit un ensemble d'informations à caractère
touristique : son histoire, les parcs nationaux, les modalités
d'arrivée, la météo ou tous autres types d'informations
pratiques. De plus, un grand nombre de prestataires y sont
référencés, catégorisés par coeur de
métier (Agences de voyages, Hébergement, Restauration et Tour
opérateurs) permettant à l'utilisateur d'organiser son
séjour. Les résultats obtenus présentent une description
rapide de l'hôte, ainsi un lien direct vers le site Web et les
coordonnées téléphoniques et postales de
l'opérateur sélectionné, pour en connaître davantage
ou entrer en contact.
L'hétérogénéité et la
diversité des prestations touristiques dans les PED, dont Madagascar ne
fait pas exception, a souvent conduit à une exclusion de ces derniers du
circuit traditionnel de distribution des produits touristiques. Le manque de
transparence de l'offre écotouristique (pas de normes ou de charte de
qualité) et la faiblesse de ses capacités d'accueil ne favorise
guère l'inversion de cette tendance. Pour palier à cette
distorsion, certains opérateurs n'eu le choix que de se soumettre aux
exigences de tours opérateurs réputés pour s'assurer un
revenu faible mais stable. Cependant, la montée en puissance de
l'e-tourisme tend à ouvrir de nouvelles opportunités à la
fois pour le consommateur et les acteurs d'amont. En court-circuitant le
processus de distribution traditionnel pour mettre ces deux parties directement
en relation, les TIC élargissent les possibilités de choix et de
comparaison pour le client et les moyens d'intégration et de promotion
pour les prestataires de services. L'exploitation de cette opportunité
est d'autant plus cruciale que la quasi-totalité des visiteurs de la
Grande Île proviennent des pays du Nord, dont la France essentiellement.
A cela s'ajoute l'intérêt croissant que portent les consommateurs
aux nouvelles formes de tourisme, plus respectueuse de l'environnement et dont
les prestations sont modulables et personnalisables. Une flexibilité
à laquelle l'e-tourisme répond bien mieux que la filière
globale traditionnelle.
La disparité et le manque de structure du secteur
écotouristique malgache demande davantage de coopération entre
secteur public et secteur privé, pour s'accorder sur les moyens à
développer pour promouvoir et consolider cette offre. La mise en place
d'un système de gestion des destinations est un outil essentiel à
l'élaboration d'une image touristique, à la promotion des
ressources touristiques et au renforcement des flux de fréquentation. Le
déploiement d'un tel dispositif doit être soutenu par les pouvoirs
publics, lesquels sont en charge d'aides au financement du projet, de
référencement des acteurs, de soutien d'actions de promotion, et
d'élaboration d'une stratégie touristique globale en accord avec
l'image mise en avant. Si Madagascar a bien amorcée ce processus en
confiant à l'Office National du Tourisme l'élaboration et la
maintenance d'un tel site, les améliorations en termes de
fonctionnalités et de simplification des opérations pour
l'utilisateur restent à faire. Mais cela ne pourra être
effectué qu'avec une amélioration globale et une meilleure
accessibilité aux moyens de communication sur l'ensemble du
territoire.
5 Conclusion Générale
Le développement durable est passé depuis les
deux dernières décennies du statut d'utopie de
préservation des richesses naturelles, prônée par quelques
groupes minoritaires, à un concept plus concret communément
adopté, à tous les niveaux, pour définir une
stratégie de développement plus soutenable dans l'avenir.
Au-delà de la vague écolo-solidaire (plus ou moins
justifiée) inondant notre quotidien, le monde des entreprises est aussi
vu investi de la diffusion de cette idéologie par le biais une action
volontaire nommé responsabilité sociétale des entreprises
(RSE), visant à gérer durablement de ses ressources et ses
relations avec les parties prenantes. En tant que premier employeur mondial et
par les externalités qu'il crée, le tourisme n'échappe pas
à ce mode de gestion plus responsable, dont la montée en
puissance de l'écotourisme est le symbole. Cette nouvelle pratique
touristique se distingue cependant par ses zones de diffusion, les principaux
acteurs écotouristiques se situant essentiellement dans les PED, voire
PMA (Costa Rica, Equateur, Nicaragua, Namibie par exemple). Les principes de
l'écotourisme donnent une explication à ce
phénomène :
« Voyage et visite environnementalement
responsables dans des espaces naturels relativement calmes dans le
but d'apprécier la nature [...], qui promeuvent la conservation,
créent de faibles impacts et participent activement à
l'amélioration socio-économique des populations
locales. » [Ceballos-Lascurain, 1996]
Beaucoup de PED basant leur économie sur une
exploitation des ressources naturelles, laquelle est souvent prédatrice,
les caractères écologiquement responsable et soutien du
développement socio-économique local de l'écotourisme
paraissent relativement bien adaptés à ces pays.
Le cas de Madagascar est particulièrement
représentatif de cette situation. La Grande Île est un des pays
des plus pauvres de la planète, en proie à des conflits
politiques récurrents - élections présidentielles
contestées (2009), rivalité ethniques (merina/côtiers) - et
à des difficultés économiques profondes - sortie
douloureuse du marxisme-léninisme (1972), mise sous tutelle par le FMI
et la Banque Mondiale (1983). Le manque ou le mauvais état des
infrastructures (communications, éducation, santé) accentue
encore l'état d'enclavement de certaines régions et
l'insularité des communautés vivant sur le territoire. Conscient
de la gravité de la situation, le Gouvernement a officialisé son
engagement à lutter contre la pauvreté à travers plusieurs
documents directeurs, gages de financement par les institutions
financières internationales (IFI) : les Documents
Stratégiques pour la Réduction de la Pauvreté (DSRP) ou
son successeur adopté en 2005, le Madagascar Action Plan (MAP). Ce
dernier se présente sous forme de 8 engagements, respectueux des
Objectifs pour le Millénaire du Développement (OMD) de l'ONU,
dont l'Engagement 6.8 fait du tourisme une activité motrice pour le
développement, surtout par le biais d'un écotourisme de haute
qualité.
Le potentiel touristique malgache est extrêmement fort,
mais encore peu exploité. L'incroyable biodiversité des
espèces (près de 90%) et la diversité des
écosystèmes de Madagascar sont mondialement connues ; la
plupart des touristes (55%) viennent d'ailleurs pour raisons
écotouristiques. Mais ce patrimoine biologique est mis en danger par des
activités humaines aux conséquences nuisibles pour
l'environnement. Dans un cadre d'extrême pauvreté, l'exploitation
des ressources naturelles est perçue comme un moyen de survie par les
populations locales, dont les modes de production traditionnelles pèsent
lourdement sur la nature. La culture sur brûlis (tavy ou
hatsake) ou le déboisement au profit d'une agriculture nomade sont
les pratiques agricoles largement répandues. La subsistance de ces
méthodes traditionnelles s'explique par la difficulté de
contrôle par les autorités, due à l'isolement des
populations, et à l'inadaptation du droit environnemental, directement
calqué sur celui de la France. D'où l'existence d'un droit
virtuel non appliqué et d'un droit réel régit par les
communautés par les dina. Le processus de
décentralisation de la gestion des ressources naturelles,
formalisé par la gestion locale sécurisée (loi GELOSE,
1996) est une réponse à l'impuissance de l'Etat à garantir
l'application des politiques environnementales et dévolue
contractuellement aux communautés le pouvoir d'une gestion durable.
L'adoption de programmes de conservation de la
biodiversité ont été une des premières
réactions nationales à la forte dégradation des espaces
naturelles, lesquels sont rapidement remplacés par des politiques de
valorisation de la biodiversité. L'ONG Madagascar National Parks
(anciennement ANGAP) a pour fonction de créer, de gérer et
promouvoir ces aires protégées (parcs nationaux, réserves
naturelles ou spéciales) en encourageant les initiatives locales de
valorisation économique des ressources naturelles. Le choix de
l'écotourisme devient prévalant pour la plupart des
communautés.
L'adoption de cette nouvelle pratique touristique
répond avant tout à la volonté de l'Etat de lutte contre
la pauvreté en développant une activité économique
rentable, durable, environnementalement responsable et valorisante. Le
« cercle vertueux » de l'écotourisme décrit
par Wunder (2000) fait état des deux hypothèses de base pour en
faire une activité génératrice de changements
socio-économiques et comportementales, créant des revenus
complémentaires stables, capables de sédentariser les populations
et de former une conscience environnementale qui mène à
l'adoption de pratiques productives plus durables. La première
hypothèse est une forte participation des populations locale dans les
activités écotouristiques ou assimilés. La seconde
soutient que les revenus générés doivent être assez
conséquents (incentive) pour initier la dynamique de
changements socio-comportemental et économique. Or, l'étude du
cas malgache montre les limites de ce modèle. En effet, le faible niveau
de qualification de la main-d'oeuvre disponible relègue souvent les
populations locales à des emplois salariés peu valorisant. De
plus, les moindres possibilités d'investissements des locaux font que
l'offre touristique est dominée par des structures touristiques de
taille réduite (10 à 15 chambres). Les rares
établissements de taille et qualité supérieures sont la
propriété d'investisseurs étrangers. Par ailleurs, la
création d'emploi d'activités périphériques (guide,
piroguier, artisanat, etc.) est relativement limitée, car les revenus
générés ne représentent par une opportunité
suffisante pour inciter au changement et les populations sont rarement
prêtes à abandonner aussi rapidement leurs pratiques
traditionnelles pour dépendre d'une activité encore très
jeune. Si les bénéfices de l'écotourisme sont
théoriquement conséquents, son application encore trop
récente ne permet pas de l'affirmer concrètement. Au contraire,
le tourisme paternaliste est aujourd'hui économiquement plus rentable
pour les communautés, bien que leur implication dans les enjeux du
secteur soit quasiment nulle. La professionnalisation de la filière
touristique devrait permettre aux acteurs locaux de mieux
bénéficier des retombées écotouristiques, proposant
des prestations de qualités et favorisant alors les mutations
sociétales.
Un mode de gestion écotouristique du capital
écologique doit aussi se faire dans la perspective des visiteurs. En
effet, l'impact créé par le flux migratoire touristique peut en
être réduit. Par le contact privilégié que le
visiteur va avoir avec le patrimoine environnemental et l'expérience
qu'il pourra vivre au sein des communautés, il se sentira plus
concerné par la préservation des éléments
responsables de la qualité de son séjour. Le rôle
éducatif de l'écotourisme crée ou soutient une
sensibilisation à la préservation des espaces naturelles. Cette
expérience vécue va « engager » (psychologie
de l'engagement de Kiesler) le visiteur dans la voie de la préservation.
De plus, le tourisme malgache étant encore dans sa jeunesse, la
promotion de l'écotourisme va permettre de construire l'identité
touristique de l'Île Rouge. Or, ce processus est déterminant dans
les choix que feront ensuite les visiteurs. L'imaginaire que ces derniers ont
d'une destination conditionne aussi les attentes qui en ont. Un touriste
revenant de Tahiti sans avoir été baigné dans
l'atmosphère polynésienne vendue par les cartes postales et
autres images d'Epinal sera déçu, car son expérience va
différer de l'imaginaire qu'il s'était construit.
Mais la question de la promotion de la destination malgache
est éminemment liée à l'intégration de son offre
touristique dans une filière globale, laquelle est largement
contrôlée par des grands groupes occidentaux. Les pays du Nord, et
surtout l'Europe et les Etats-Unis, étant les principaux pays
émetteurs dans la monde, il n'est par étonnant de constater que
les acteurs d'aval (tour opérateurs, voyagistes) sont essentiellement
basés dans ces zones géographiques. C'est aussi le cas pour
Madagascar, dont la majorité des visiteurs proviennent d'Europe (dont
près de 60% de France). Or, le poids des acteurs locaux malgaches
(amont) dans les négociations avec ses firmes internationales est
très réduit. La faible capacité d'investissement pour
répondre aux normes internationales fait que ces groupes
préfèrent ou collaborer avec d'autres marques internationales ou
acheter la totalité de la capacité d'hébergement à
prix réduit. L'utilisation des innovations technologiques ouvre une
opportunité pour contourner le circuit traditionnel de distribution et
permettre le développement d'un écotourisme qui ne soit pas le
produit d'une stratégie de diversification touristique mais bien un mode
durable de développement profitable aux communautés locales. La
mise en place d'un système de gestion des destinations (SGD) permet de
mettre directement en relation l'offre et la demande via Internet. En proposant
un portail de présentation et de promotion de la destination, Madagascar
peut profiter de l'élan que connaît actuellement l'e-tourisme. Ce
processus a été amorcé par la création du site
madagascar-tourisme.com, lequel propose la mise en avant des atouts
touristiques, ainsi qu'un référencement d'un grand nombre
d'acteurs locaux du secteur (hébergement, restauration, tour
opérateurs, etc.). Ce SGD de niveau 1 peut être
amélioré par l'ajout d'un moyen de paiement en ligne, d'une base
de données visiteurs et du respect de la stratégie touristique
nationale.
L'écotourisme est une véritable
opportunité à plusieurs titres pour Madagascar. Il est un moyen
de valoriser économiquement son extraordinaire biodiversité,
générant ainsi des revenus complémentaires non
négligeables à la lutte contre la pauvreté, implique les
populations locales dans une gestion pertinente et durable des ressources
(empowerment) et tend à réduire l'impact sur
l'environnement. Le Gouvernement malgache a compris les enjeux de ce tourisme
alternatif et responsable par ce qu'il peut apporter au développement du
pays. Cependant, son succès est étroitement liée à
d'autres éléments indispensables à son
fonctionnement : améliorer les infrastructures de communication
(routes, aéroports, télécommunications, Internet, etc.),
faciliter l'accès à l'île (transport aérien et
maritime plus développé et moins coûteux), créer une
stratégie et une identité touristique nationale, soutenir les
initiatives locales ou mieux structurer et organiser le secteur
écotouristique (création de labels, mise en place d'une charte
qualité, professionnalisation, etc.). Cette activité
n'étant qu'à ses débuts, un bilan de réussite est
encore difficile à établir. Cependant, si la volonté de
Madagascar de faire de l'écotourisme un moteur de lutte contre la
pauvreté est bien affirmée dans l'ambitieux MAP, les moyens
déployés suffiront-ils à soutenir l'ensemble des
engagements ? Comment les acteurs locaux pourront-ils gérer cette
augmentation progressive de la demande écotouristique ? Une
stabilité politique ne serait-elle pas une condition essentielle au
l'établissement de bases saines pour un développement
durable ? Les politiques adoptées durant les prochaines
années devraient être déterminantes quant à l'issue
de ces questions.
Annexes
ANNEXE 1 : ÉVOLUTION DES SURFACES D'AIRES
PROTÉGÉES À MADAGASCAR
(Source : Données statistiques environnementales
de Madagascar, MEF, Nov. 2009)
ANNEXE 2 : SCHÉMA DU « CERCLE
VERTUEUX » DE L'ÉCOTOURISME
(Source: Wunder, S., « Ecotourism and Economic
Incentives - an empirical approach », in Ecological
Economics 32, 2000, pp.465-479)
ANNEXE 3: EVOLUTION DE LA CAPACITÉ
D'HÉBERGEMENT DE MADAGASCAR (1999-2007)
(Source : Ministère de l'Environnement, des Eaux
et Forêts et du Tourisme, 2009)
ANNEXE 4 : ORIGINE DE L'APPROVISIONNEMENT
HÔTELIER, EXEMPLE D'UN HÔTEL DE TANANARIVE
(Source : étude Banque Mondiale)
ANNEXE 5 : IMPACT DE L'ÉCOTOURISME SUR
L'EMPLOI DANS LA RÉGION D'ANAKAO ET NOSY-VE
(Source : Lapeyre R., Andrianambinina D., Equierdesjardins
D. et Méral P., « L'écotourisme est-il un mode durable
de valorisation des ressources naturelles ? Une comparaison
Namibie-Madagascar », in Afrique
Contemporaine, N°22, 2007/2)
ANNEXE 6 : RAISONS DE LA VISITE SUR L'ÎLE DE
MADAGASCAR
(Source : Banque Mondiale, « République de
Madagascar : Etude du secteur du tourisme », 2003)
ANNEXE 7 : RÉPARTITION DES ARRIVÉES
À MADAGASCAR PAR PAYS D'ORIGINE
(Source : Ministère de l'Environnement, des Eaux
et Forêts et du Tourisme, 2009)
ANNEXE 8 : SCHÉMA DES SYSTÈMES DE
DISTRIBUTION DU TOURISME
(Source : CNUCED, 2005)
ANNEXE 9 : OBJECTIFS DES SYSTÈMES DE
GESTION DES DESTINATIONS
(Source : CNUCED, 2005)
ANNEXE 10 : LES DIFFÉRENTS TYPES DE
SGD
(Source : CNUCED, 2005)
ANNEXE 11 : SITE WEB DE L'OFFICE NATIONAL DU
TOURISME DE MADAGASCAR
(Source : http://www.madagascar-tourisme.com/home.php)
Annexe 12 : Etude terrain personnelle
« Ecotourisme et Madagascar, quel avenir ? » (mai
2010)
Cette étude a été menée
auprès de résidents européens (France, Estonie, Italie,
Allemagne et Grèce) afin d'avoir un panel de réponses plus large
et varié. Le questionnaire comporte 18 questions, réparties en 3
sections : « votre profil », « vos pratiques
touristiques » et « vous et madagascar ».
La majorité des interrogés voyagent dans leur
zone géographique (Europe). Un séjour hors de ces
frontières se fait plus rare, habituellement moins de 2 fois par an. Le
tourisme All inclusive est peut pratiqué, au contraire du tourisme
traditionnel et « backpacker ».
Le voyage est toujours considéré comme un moyen
de s'évader, de rompre avec le quotidien et d'être témoin
de moments qui sortent de l'ordinaire. La réussite du séjour est
d'ailleurs produite par cette capacité à étonner et
fasciner, à se sentir privilégié et unique. Il y a un
engouement à non seulement voir, mais aussi vivre l'expérience,
à créer une proximité avec le lieu d'accueil
(découverte, rencontre de l'autre).
L'utilisation d'Internet ne se limite pas à
l'e-tourisme, c'est-à-dire à l'organisation ou à la
réservation du séjour en ligne. C'est aussi une source
d'informations planétaire qui guide et aide les visiteurs dans leur
connaissance de la destinations ou des prestataires. Cet outil n'est cependant
pas déterminant dans le choix proprement dit de la destination, le
bouche à oreille et le coût sont des moyens plus répandus.
Internet est donc pas un
outil conseil, mais un outil de simplification des
démarches et d'accès aux informations.
Les raisons évoquées justifiant la mise en place
d'un tourisme plus responsable mettent en avant deux caractéristiques.
Tout d'abord une prise de conscience partagée du lourd impact du
tourisme de masse et ensuite les bénéfices que peuvent en tirer
les touristes. Ces derniers profitent d'une gestion à échelle
humaine et d'une intensification des relations avec les locaux. Cependant,
l'optique écotouristique est largement considérée comme la
déclinaison touristique du « développement
durable ». La plupart des sondés reconnaissent la plus grande
responsabilisation des acteurs, mais peu en connaissent plus précisement
le fonctionnement.
L'imaginaire se rapportant à Madagascar renvoie
essentiellement à ses atouts natuels (vanille, lémuriens,
biodiversité), tout en restant dans un cadre très
général (île de l'Océan Indien, pays pauvre).
Cependant, les images que les interrogés en ont sont suffisamment
positives pour leur donner envie de visiter l'île. Les raisons de la
visite ne démarqueraient par contre pas Madagascar de ses îles
voisines, comme Maurice ou la Réunion (Soleil et plages, voire tourisme
d'aventure). L'intérêt écotouristique est encore peu
ancré dans le système de représentations. Enfin, le
coût (très) élevé du séjour est le principal
frein à l'arrivée de touristes, ce qui s'explique notamment par
la faiblesse de la desserte internationale. Les troubles politiques ont
tenissent eux aussi l'image de la Grande Île, ralentissant le flux
touristique.
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Incentives - an empirical approach », in Ecological
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* 1 Sondage TNS-Sofres,
« Côtes de popularité des personnalités
politiques » 1981-2009, adresse URL :
http://www.tns-sofres.com/popularites/cote/choixdate.php?perso=borloo
* 2 La notion de
« développement durable » apparait pour la
première fois dans le rapport La Stratégie Mondiale Pour La
Conservation, WWF et PNUD, 1980
* 3 Extrait du Rapport
Brundtland, Chapitre II, Partie IV, 1987
(http://www.un-documents.net/ocf-02.htm#I)
* 4 Aussi nommé
« Halte à la croissance ? », publié en
1972 par des chercheurs du Massachussetts Institute of Technology (MIT)
* 5 R. DUBOS,
Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le
développement, Stockholm, 1972
* 6 PIB par habitant
calculé selon la méthode Atlas, en dollars américains
courants (USD courants), source : Banque Mondiale
* 7 L'Indicateur de
Pauvreté Humaine a été crée par le PNUD ; on
admet le seuil de pauvreté à $2 par jour
* 8 Nom donné au
royaume merina
* 9 Madagascar Action Plan
* 10 Les calculs sont
basés sur les chiffres fournis par le MDG Monitor, commission
dépendante de l'ONU
* 11 Encyclopédie
Universalis
* 12 Propos tenus lors d'une
interview pour Afika.com, le 18 juillet 2002, adresse URL :
http://www.afrik.com/article4725.html
* 13 Se rapporte au Tourism
Master Plan, adopté en 2005
* 14 Code Pénal
malgache, Art. 335.2
* 15 « Convention
collective présentée sous forme écrite, librement
adoptée par la majorité des membres du fokonolona
(...) », extrait de l'article 1 de la loi n°2001-004 du 25
octobre 2001 portant sur la réglementation générale des
dina en matière de sécurité publique.
* 16 Communauté de
villageois, entité administrative de base
* 17 Article 2 de la loi
n°2001-004 du 25 octobre 2001 portant sur la réglementation
générale des dina en matière de sécurité
publique
* 18 Mode de culture
traditionnel du riz, par défrichage et brûlis, dans les zones
forestières humides
* 19 World Wide Fund of
Nature
* 20 Traduction libre
* 21 Au sens de ce qui
l'entoure
* 22 Traduction libre de
« autonomous tourism operation » [Wunder, 2000]
* 23 Traduction libre de
« paternalistic » [Wunder, 2000]
* 24 Ministère de
l'Environnement, des Eaux et Forets et du Tourisme
* 25 70 025 MGA, soit
29,95€
* 26 Tourism Satellite
Accounting, outil d'études statistiques du World Travel & Tourism
Council (WTTC)
* 27 Entreprise de Voyages
et de Prestations Touristiques
* 28 Etude mandatée
par le GIE Tahiti Tourisme à KPMG THL en 2005
* 29 Traduction libre de
l'anglais
* 30 Traduction libre de
l'anglais
* 31 Baromètre OPODO
2010, consulté en ligne, adresse URL :
http://www.veilleinfotourisme.fr/1268394305969/0/fiche___article/&RH=TEC
* 32 Technologies de
l'Information et de Communication
* 33
« Organisation publique ou privée ayant à charge la
promotion et la coordination du tourisme » (CNUCED, 2005)
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