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Ecotourisme: une amélioration de la contribution de la pratique touristique dans les PED ? Exemple de Madagascar

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par Mathieu Meyer
Sup de Co Reims - Master en Management 2010
  

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MEMOIRE

En Vue de l'Obtention du Diplôme de Sup De Co Reims

REIMS MANAGEMENT SCHOOL

Cycle MASTER

2007-2010

Ecotourisme: une amélioration de la contribution de la pratique touristique dans les PED? Exemple de Madagascar

PAR : Mathieu MEYER

Jury : M. Olivier HASSID

Mme Alice DESTHUILLIERS

18 juin 2010

Sommaire

1 Le tourisme à Madagascar : devenir plus responsable pour assurer son avenir 11

1.1 Madagascar, un pays pauvre en mutation 11

1.1.1 La géopolitique au source d'un conflit latent 13

1.1.2 Un nouveau départ entaché par des luttes de pouvoir 16

1.1.3 Madagascar, l'exemple d'un « bon élève » au développement basé sur un équilibre fragile 19

1.2 Le tourisme, secteur clef pour soutenir le développement 21

1.2.1 Un potentiel touristique connu, mais peu exploité 23

1.2.2 Le Gouvernement fait du tourisme un secteur clef de développement depuis près de 15 ans 24

1.3 Le cadre institutionnel inadapté responsabilise les acteurs locaux 28

1.3.1 Un droit environnemental inadapté, cause de la coexistence d'un droit réel et d'un droit virtuel 30

1.3.2 La décentralisation, mode de coopération contractuelle 31

1.3.3 Le cadre institutionnel insuffisant fait des acteurs locaux de véritables moteurs du développement 33

2 La sensibilisation et la protection du patrimoine au service d'une gouvernance durable des ressources 36

2.1 Aller au-delà de la conservation en valorisant la biodiversité 37

2.1.1 La conservation, réaction stricte à l'activité prédatrice de l'homme 38

2.1.2 Passer de la conservation à la valorisation du patrimoine en faisant des aires protégées des zones motrices de développement 39

2.1.3 L'écotourisme, un mode de valorisation communément adopté 41

2.2 Passer de la « visite » à la « découverte » pour impliquer le touriste dans la préservation du lieu 42

2.2.1 Le « Tour »-iste, voyageur en quête de distinction 43

2.2.2 L'expérience écotouristique incite à la sensibilisation 44

2.2.3 La valorisation est une gestion durable du patrimoine, assurant sa préservation et la sensibilisation du touriste 46

3 En s'intégrant plus au tissu socio-économique local, l'écotourisme répond à une double attente 48

3.1 Une redistribution notable des revenus crée un contexte favorable au développement local 49

3.1.1 L'écotourisme, un moyen de valoriser économiquement une région 49

3.1.2 En réalité, le modèle ne fonctionne qu'imparfaitement 51

3.1.3 La coopération des acteurs favorise la participation locale 52

3.2 Les compétences locales, facteur déterminant de la participation des communautés 55

3.2.1 Une employabilité forte dans les métiers les moins qualifiés 56

3.2.2 Le manque d'organisation et de structure du secteur est un frein à la synergie écotouristique 57

3.3 L'écotourisme fait de l'exotisme une expérience et non un spectacle. 59

3.3.1 L'imaginaire crée la vocation du voyage 59

3.3.2 L'écotourisme comme système de représentation de l'identité touristique malgache 61

4 L'écotourisme est un moyen de s'intégrer dans une filière globalisée 64

4.1 L'Europe, principale zone émettrice à destination de Madagascar 65

4.1.1 Une forte fréquentation française 65

4.1.2 L'écotourisme, premier motif de visite 65

4.1.3 La faiblesse des liaisons internationales conditionne les arrivées 66

4.2 Les innovations technologiques au service du développement écotouristique 67

4.2.1 L'e-tourisme transforme les circuits de distribution 68

4.2.2 Organiser le secteur grâce aux systèmes de gestion des destinations 69

5 Conclusion Générale 72

Annexes et Bibliographie 77

Introduction

Le concept de développement durable se fait de plus en plus présent dans nos sociétés contemporaines, aussi bien dans les esprits que dans les faits. Jacques-Yves Cousteau avait certainement ouvert la voie de la médiatisation du respect de l'environnement dès les années 1950, par le biais de films de ses recherches océanographiques. «  Je suis un découvreur, mon but est d'émerveiller. On aime ce qui nous a émerveillés, et on protège ce que l'on aime. », disait-il de lui. Cette carte de l'émerveillement a d'ailleurs était reprise par ses héritiers spirituels que sont notamment Nicolas Hulot ou Yann Arthus-Bertrand, tous deux devenus célèbres par leur engagement pour la protection de l'environnement. Cette idée de responsabilité face à l'environnement, et la société, semble mûrir au fil du temps, passant d'idée plutôt idéaliste et marginale à la volonté de s'engager à la mise en place de mesures beaucoup plus concrètes. La notion de développement durable se construit aussi politiquement, dépassant les frontières. Des institutions dédiées aux problèmes environnementaux, sociaux et économiques sont créées, citons par exemple l'Organisation des Nation Unies qui charge sa Division for Sustainable Development de promouvoir et mettre en place les applications concrètes de l'Agenda 21, les Sommets de la Terre sont le signe d'une coopération internationale accrue et volontaire. En mai 2007 naît le Ministère de l'Ecologie, de l'Energie, du Développement Durable et de la Mer (MEEDDM), par la fusion du Ministère de l'Ecologie et du Développement Durable et du Ministère des Transports, de l'Equipement, du Tourisme et de la Mer. L'action et le rôle de M. Borloo, toujours ministre du MEEDDM actuellement, est alors jugée importante pour l'avenir pour 60% des Français en juin 20071(*). Effet de mode pour les uns ou nécessité à adopter pour les autres, il n'empêche que ce concept tend fortement à s'exprimer de plus en plus dans la réalité.

Rappelons que le terme de « développement durable », traduit de l'anglais sustainable development, est officiellement définit en 1987 par la Commission Mondiale sur l'Environnement et le Développement dans le Rapport Brundtland2(*) :

« Le développement durable est un développement qui répond aux besoins présents sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs. »3(*)

Cette graine, semée il y a maintenant plus de 20 ans, a germé et commence à éclore dans la conscience collective. La question d'un modèle de développement responsable et soutenable à long terme ne s'est réellement posée qu'à la fin de la croissance effrénée des années 1970, gourmande en ressources naturelles mais aussi en emplois. Les chocs pétroliers successifs (1971 et 1979), et la période de crise qui suivit, ont alors laissé transparaître les limites du système, notamment en matière sociale et écologique. Le Rapport Meadows4(*), initié en 1972 par le Club de Rome, avait déjà tenté d'alerter les opinions en mettant l'accent sur l'impact du développement industriel sur l'environnement. Cependant, le succès que connait le développement durable est relativement récent, mais croissant.

En juin 1992 se tient à Rio de Janeiro le troisième Sommet de la Terre, étape importante dans l'intégration et la diffusion médiatique de cette notion. Le développement durable aborde désormais trois principaux axes [CNUED, 1992]:

· le progrès économique (principe 8 et 12),

· la justice sociale (principe 5 et 22)

· la préservation de l'environnement (principe 4 et 15).

Cette définition ne se focalise plus uniquement sur une utilisation nécessaire (« besoin ») de ressources naturelles quantitativement limitées, mais sur une exploitation plus en accord avec l'environnement, en respect avec les populations et induisant un progrès économique dont chacun doit pouvoir profiter. Concrètement, l'Action 21 -Agenda 21 en anglais- est le plan d'actions à mettre en place au cours du XXIe siècle par les 173 pays signataires pour tendre vers les notions évoquées dans la Déclaration de Rio. Les domaines d'action concernent notamment la réduction de la pauvreté, la gestion plus pertinente des forêts, mers ou déchets et la gestion de l'agriculture.

En s'immisçant dans la sphère économique et sociale, le développement durable passe d'idéal d'un monde meilleur à un objectif à atteindre par le biais de recommandations définies à l'échelle internationales et applicables localement. Les acteurs du changement ne sont désormais plus uniquement leaders d'opinions isolés mais médiatisés, ou des institutions suggérant des perspectives de progression, mais le tissu économique dans son ensemble. En effet, au point de vue micro-économique, un terme spécifique définit le souci des entreprises à prendre part au développement durable : la responsabilité sociétale des entreprises (RSE). Le MEEDDM en donne sa définition :

« La responsabilité sociétale des entreprises (RSE) est la contribution des entreprises aux enjeux du développement durable. La démarche consiste pour les entreprises à prendre en compte les impacts sociaux et environnementaux de leur activité pour adopter les meilleures pratiques possibles et contribuer ainsi à l'amélioration de la société et à la protection de l'environnement. La RSE permet d'associer logique économique, responsabilité sociale et éco-responsabilité. » [MEEDDM, 2010]

Ce principe ne cherche pas à sanctionner les entreprises en les mettant face aux conséquences de leur activité, au contraire, il les place au coeur du processus de changement induit par le développement durable : la responsabilité sociétale des entreprises n'est pas une contrainte imposée, mais une opportunité laissée aux entreprises de devenir vecteur de mutation et de prouver leur implication dans l'émergence d'un développement soutenable. La décision, qui est purement volontaire, consiste à mieux considérer les impacts économiques, sociaux et environnementaux de l'activité par son interaction avec les parties prenantes. Novethic, centre de recherche sur la RSE et l'Investissement Socialement Responsable (ISR) affilié à la Caisse des Dépôts, définit ces dernières ainsi :

« Les parties prenantes de l'entreprise regroupe l'ensemble de ceux qui participent à sa vie économique (salariés, clients, fournisseurs, actionnaires), de ceux qui observent l'entreprise (syndicats, ONG), et de ceux qu'elle influence plus ou moins directement (société civile, collectivité locale...) » [Novethic, 2010]

La triple dimension économique, sociale et environnementale fait de la RSE la déclinaison microéconomique du développement durable, tel que le présente la Déclaration de Rio. Elle illustre parfaitement les propos tenu René DUBOS lors du premier Sommet de la Terre de Stockholm en 1972 : « Penser global, agir local»5(*). Cette pensée contient l'esprit-même du développement durable. Chacun à son échelle peut agir, ce qui aura des répercussions sur l'ensemble de la collectivité. Dans un contexte de mondialisation, l'adoption de mesures socialement responsables prend d'autant plus de sens que les parties prenantes peuvent être localisées sur l'ensemble du globe. En dépassant les minima légaux en matière sociale ou environnementale par exemple, les entreprises contribuent à l'amélioration de la coopération avec ses partenaires et tentent des maîtriser ses externalités. Plusieurs démarches ont été entreprises pour favoriser l'expansion de ce modèle de gestion. Citons par exemple le Global Compact, programme de dix grands principes proposé par Kofi ANNAN en 1999 ou l'Alliance européenne pour la responsabilité sociale des entreprises, crée en mars 2006.

Les enjeux de la RSE deviennent donc considérables si l'on s'intéresse à des secteurs économiques dont le poids dans l'économie mondiale n'est absolument pas négligeable. Le tourisme devient un cas d'étude particulièrement pertinent, non seulement par son poids dans l'économie mondiale, mais aussi par sa nature-même. Les données statistiques de ce secteur en font l'une des principales industries du monde à plusieurs niveaux. Le tourisme génère le quatrième plus gros revenu d'exportations, derrière la pétrochimie, l'industrie chimique et l'industrie automobile [UNWTO, 2009]. Notons aussi la distinction entre industrie touristique et secteur touristique : le premier terme renvoie exclusivement et strictement aux entreprises aux prestations de voyages, telles que les tour-opérateurs. Le second terme inclut l'ensemble des entreprises qui gravitent autour de cette économie, comme le transport ou l'hôtellerie. Sauf précision, la question touristique abordée dorénavant concerne le secteur touristique dans sa totalité. D'après l'Organisation Mondiale du Tourisme des Nations Unies, en 2008, ce secteur a contribué à hauteur de 5% dans le PIB mondial, soit un revenu global généré de plus $9,44 milliards (6,42 M€) [UNWTO, 2009]. Près d'un actif sur douze y travaillait la même année, ce qui représente 238 277 000 emplois (8,4% de la population active mondiale). De plus, le tourisme devrait encore connaît une progression sur tous ses indicateurs dans les dix prochaines années, dont une évolution annuelle moyenne de création de richesses (PIB) de 4% et une augmentation prévue de 19,6% de ses effectifs d'ici à 2018 [WTTC, 2008]. Ajoutons qu'économiquement parlant, le tourisme est une activité certes lucrative mais aussi génératrice de nombreux emplois, donc essentiellement pour un très grand nombre de personnes.

La définition-même du tourisme rend cette activité tout à fait particulière sur un autre point.

« Pratique revenant à voyager et résider hors de son cadre de vie habituel pour une durée inférieure à une année, pour loisirs, cause professionnelle ou pour toutes autres raisons qui ne sont pas liées à l'exercice d'une activité rémunérée sur place. »[UNWTO]

La migration temporaire de population induite par l'activité touristique a évidemment un impact sur la région hôte. Le passage du touriste ne se réduit pas à son accueil sur place, il faut tout d'abord qu'il puisse s'y rendre, puis il séjourne, consomme et dépense. Ce processus rend d'autant plus attrayante le tourisme qu'une multitude d'autres activités en dépendent directement. Considéré comme un facteur de progression socio-économique, les pays ouvrent de plus en plus leurs frontières, élargissant le catalogue des destinations. Pour 83% des Pays en Développement, il est l'une des principales sources d'exportation, donc de devises. Ce secteur est même la première source de devises dans soixante pays, dont 1/3 des pays les plus pauvres [TIES, 2006]. En effet, si en 1950, quinze pays monopolisaient l'ensemble des touristes (98%), en 2007, ces mêmes quinze destinations n'en n'attirent plus que 57%, signe d'une diversification des pays d'accueil, notamment pour les PED qui accueillent 45% du tourisme mondial [UNWTO, 2008]. Ajoutons aussi que d'ici 2010, on estime qu'un milliard de personnes voyageront (1,6M en 2020), ce qui rend l'activité porteuse, prometteuse et très attrayante pour n'importe quelle région géographique.

En tant qu'activité de services « à consommation non-locale », le tourisme doit aussi être considéré pour son empreinte. Sa particularité provient du fait que le consommateur (le touriste) se déplace pour consommer le service. Ainsi, l'impact touristique devient rapidement transrégional, voire transnational. Le modèle de tourisme 3S (sea, sand and sun) - voire parfois 4S- ou tourisme de masse a dominé l'offre touristique jusque dans les années 1990. Mais l'accueil massif de personnes est gourmand en ressources et marque le lieu d'accueil, par un ensemble d'externalités positives (emplois, services en amont et aval) et négatives : problèmes du traitement des déchets sur les îles de Bali ou des Maldives, priorité de distribution d'eau potable vers les centres touristiques au détriment des populations autochtones ou le tourisme sexuel d'Asie du Sud Est sont des exemples parmi d'autres. On estime que chaque année les croisières aux Caraïbes produisent environ 70 000 tonnes de déchets [TIES, 2006].

Ce type de tourisme est aujourd'hui en phase de maturité, connaissant même, selon les régions, une évolution stagnante, laissant la place à des pratiques touristiques « alternatives ». Les plages ne sont plus les principaux pôles d'attraction ; l'United Nations Environment Programme indique que le tourisme à proximité des réserves naturelles connaît une forte progression [Christ, 2005]. L'expansion de l'activité touristique mondiale alliée à la stagnation du modèle traditionnelle sous-entend l'émergence d'autres formes. En effet, il est force de constater qu'un ensemble de modes de tourisme « alternatives » se développent rapidement, dont, en figure de proue, l'écotourisme. Ce dernier a connu une croissance comprise entre 20% et 34% par an depuis 1990 [TIES, 2006].

« Forme de tourisme responsable, respectueuse de l'environnement en promouvant les sites naturels et contribuant à l'amélioration du bien-être des populations locales. » [TIES, 1990]

Cette mutation suit une tendance plus globale des habitudes de consommation et de façon de penser : la question de l'écologie et de la maîtrise des impacts face à la Nature et à l'Homme a gagné ce secteur. L'offre touristique s'adapte à une demande plus exigeante en matière de responsabilité écologique et sociale. A même qualité et durée de séjour (2 semaines), près de 70% des touristes américains, anglais ou australiens sont près à payer $150 supplémentaires pour résider dans un hôtel responsable face à l'environnement. De même, 65% des voyageurs allemands sont soucieux d'avoir des prestations tenant compte de l'écologie [TIES, 2006].

Cette nouvelle opportunité de développement économique a largement été saisie par les PED. Les pays leaders en termes d'écotourisme ne se situent pas dans les grands pôles d'attraction touristiques (France, Espagne ou Etats-Unis par exemple), mais majoritairement dans les pays en développement. Ainsi, l'Amérique Centrale, avec l'Equateur, le Costa Rica ou le Belize et l'Afrique (Botswana et Kenya notamment), mettent en avant de leurs incroyables ressources naturelles pour profiter de cette nouvelle pratique. Le Népal et l'Australie sont aussi d'excellents élèves en la matière [Euromonitor International, 2008]. Ce constat soulève alors les questions des motivations, des gains potentiels et de la mise en place de cette politique respectueuses de l'environnement et des Hommes dans les PED, voire les Pays les Moins Avancés (PMA). Une étude complète des liens entre écotourisme et PED seraient extrêmement complexe à traitée, du fait de sa taille et de la diversité des situations à étudier. Cependant, certaines régions géographiques conjuguent une situation économique et géopolitique défavorable et priorité de développement pour le tourisme, ce qui est le cas de l'île de Madagascar. Les crises politiques répétées et successives n'ont pas empêché au pays de considérer le tourisme, et plus récemment l'écotourisme, comme une source de développement à privilégier.

Ainsi, comment Madagascar, l'un des pays les plus pauvres du monde, tente-il de bénéficier des retombées du tourisme ? Quels sont les enjeux et les mécanismes entrant en compte dans la promotion du tourisme, aussi bien du côté étatique que des acteurs privés ? Quels intérêts aurait Madagascar à développer un tourisme responsable ? Quelles en sont les principales contraintes ? Quel rôle pour le tourisme dans le développement de la Grande Île ? La relation qu'entretient Madagascar avec l'activité touristique soulève un grand nombre de questions, auxquelles le traitement de la problématique de cette étude va tenter d'apporter des réponses.

« Comment l'écotourisme peut-il améliorer la contribution de la pratique touristique au développement durable des régions d'accueil dans les PED? L'exemple de Madagascar »

Cette interrogation suggère que la pratique touristique est contributive aux PED, comme il l'a été évoqué précédemment. Cependant, l'intérêt porte sur un possible apport supplémentaire par l'adoption de tourismes alternatifs, dans les domaines économiques, sociaux ou humains par exemple, en tant que vecteur de développement durable à Madagascar. Plusieurs hypothèses sont formulées à ce propos.

Tout d'abord, les spécificités de l'île nécessitent une responsabilisation accrue du tourisme pour qu'il reste une activité fortement génératrice de ressources. Une approche économique et géopolitique de Madagascar pourra montrer que, malgré la pauvreté et un flou juridique, le tourisme bénéficie d'un cadre naturel et politique propice à son développement.

La pression exercée sur les ressources naturelles malgaches peut s'apaiser par le biais de la sensibilisation et la protection de ce patrimoine. Une gestion pertinente des ressources dont regorge l'île ne passe pas forcément par une sanctuarisation (conservation) de l'espace géographique, mais par une approche éducative et responsable.

Une forte intégration du tourisme au tissu économique et social local va présenter un double avantage. Considérant davantage la participation des populations locales à son activité, l'écotourisme peut d'une part avoir des retombées non négligeables sur l'économie, par les revenus générés et les emplois créés ; et d'autre part, il devient facteur d'échange entre visiteurs et visités.

Enfin, le choix du tourisme responsable peut aussi être un moyen pour Madagascar de mieux s'intégrer à l'économie mondiale. Ce succès est notamment conditionné par une promotion efficace de l'île auprès des pays émetteurs, c'est-à-dire essentiellement les pays de Nord. L'utilisation des nouvelles technologies semble être une option à fort potentiel.

1 Le tourisme à Madagascar : devenir plus responsable pour assurer son avenir

La zone sub-saharienne, à laquelle appartient Madagascar, n'a encore que peu de poids sur le marché mondial du tourisme. En 2008, elle possédait 3,2% de part de marchés, soit 29,5 millions de visiteurs et un revenu de 13,5 milliards d'euros [UNWTO, 2008]. Mais la contribution des pays dans ce résultat est plutôt inégale, incluant des régions géographiques très attractives et d'autres bien plus en arrière. L'Afrique du Sud est la destination la plus populaire, captant 20,5% des visiteurs d'Afrique sub-saharienne et générant à elle seule 24,9% des revenus du tourisme. D'autres destinations, comme l'Angola ou l'Ouganda, n'atteignent certes pas encore ces niveaux, mais connaissent une croissance à deux chiffres [UNWTO, 2008].

Madagascar, quant à elle, reste encore une destination discrète et confidentielle, peu fréquentée, mais en progression depuis plusieurs années. Pour mieux appréhender les enjeux et mécanismes qui cernent cette activité au sein de l'île, une description plus approfondie de l'île paraît judicieuse.

1.1 Madagascar, un pays pauvre en mutation

Située au large des côtes africaines, baignée par l'océan Indien, la Grande Île peut étonner par différents aspects. Sa superficie de 587 041 km² en fait la cinquième plus grande île du monde -seules l'Australie, le Groenland, la Nouvelle-Guinée et Bornéo la supplantent. Par sa taille, la géographie et le climat de Madagascar sont variés. Cinq régions peuvent être distinguées : le Nord, recouvert de forêts primaires aux nombreuses espèces endémiques, est un haut lieu de tourisme. Cette région volcanique est géographiquement isolée du reste de l'île par la principale chaîne montagneuse, où le Tsaratanana culmine à 2 876 mètres. Les côtes et les îles, dont la plus connue est Nocy Be, attirent une large population de visiteurs chaque année. La côte Est, ouverte sur l'océan Indien, subit de fortes précipitations, ce qui explique l'abondante de végétations sur ces larges plaines. Les plages sont relativement semblables à celles de la côte Ouest, où les récifs forment des lagons et la mangrove couvre le rivage. Les hauts plateaux du Centre, au relief plus accidenté, bénéficient d'une bonne partie des pluies venues de l'Est, ce qui rend ces hautes terres fertiles et idéales pour la culture du riz dans cette zone. Le Sud-ouest de l'île est un vaste plateau, où l'aridité du climat le rend victime de la désertification et la savane remplace les denses forêts primaires.

Cette terre d'exotisme souffre néanmoins d'une autre réalité, bien moins reluisante : il s'agit de l'un des pays les plus pauvres de la planète. Presque l'ensemble des indicateurs macroéconomiques indique une situation préoccupante et une économie vacillante, affectant son développement. On estime même que la situation s'est dégradée pendant ces trente dernières années. En 1980, le Produit Intérieur Brut par habitant (PIB)6(*) était valorisé à 400 USD. Dix ans plus tard, celui-ci était plus de 40% plus faible (230 USD). Jusqu'en 2002, cet indicateur se révèle stable (250 USD), avant de connaître une croissance pour atteindre un niveau similaire aux années 1980 (410 USD en 2008). En 2006, 85% de la population vivait avec moins de deux dollars par jour7(*), un taux 10% supérieur à la moyenne des pays sub-sahariens [WBG, 2009]. Faiblesse de l'espérance de vie, accès difficile aux infrastructures médicales ou éducatives, détérioration des termes de l'échange, etc. La liste des maux dont souffrent Madagascar est longue, mais jusque récemment, le manque de données statistiques ne permettait que très rarement d'avoir un aperçu à plus long terme de la situation et de l'évolution dans le temps. A n'utiliser que les principaux agrégats statistiques de développement, l'Indicateur de Développement Humain (IDH) paraît relativement pertinent, car regroupant des variables de mesure de la santé, le savoir et le niveau de vie. Avec un indice de 0,543, Madagascar se place 145e à l'échelle mondiale en 2007, révélant un niveau de développement moyen [UNDP, 2009]. La volonté qu'a le pays à aller de l'avant à été soutenue par les institutions financières internationales (IFI), dont la Banque Mondiale et le Fonds Monétaire International. L'adoption d'un « modèle de développement », élaboré par ces bailleurs de fonds, est un ensemble de recommandations économiques, présentées comme la voie du succès vers le développement. Appliquant aujourd'hui ces règles de conduites, Madagascar n'a cependant pas toujours été ce « bon élève » décrit par ces institutions tutrices.

1.1.1 La géopolitique à la source d'un conflit latent

Cette situation n'est évidemment pas née d'elle-même, le contexte historique du dernier siècle à largement influencé le développement de l'île et donne un éclairage nouveau sur les choix géopolitiques ou économiques qui ont été pris. Par le passé, Madagascar a fait partie de l'ensemble francophone du Sud-ouest de l'océan Indien, incluant aussi la Réunion, Maurice ou les Comores. L'appartenance de ces territoires à l'ancien Empire colonial français à marqué leur histoire. L'influence française s'exprimait non seulement par la langue, mais aussi par le droit ou l'économie. Des vestiges de cette époque sont encore visibles : échanges privilégiés vers la France ou référence au droit français par exemple. Mais les difficultés que connaît Madagascar ne sont pas le simple fruit de la décolonisation, d'autres raisons internes et propres à l'île peuvent être avancées.

En évoquant les troubles auxquels Madagascar doit faire face, l'opposition entre les merina et les côtiers est souvent évoquée. La distinction entre ces deux groupes sociaux est floue et difficile à établir, elle ne relève pas, contrairement à beaucoup de pays d'Afrique, d'un conflit clairement ethnique, où la culture est le motif des tensions. Les merina regroupent une partie des habitants des hautes terres du centre de l'île, s'opposant donc aux côtiers, terme désignant le reste de la population, comprenant aussi bien les véritables habitants des côtes que tout autre non merina. Les raisons de cette opposition touchent relèvent plus du domaine politique ou économique que culturel. Les merina, bien que minoritaires -environ un quart de la population totale- ont un niveau d'instruction supérieur. Un atout essentiel expliquant leur meilleure maîtrise des techniques de production et leur forte présence à des postes clefs sur la scène politique, leur permettant de développer leurs relations avec le monde extérieur. Leurs principaux revenus proviennent des prélèvements obligatoires, leur région étant peu propice aux exportations. Ce mode de vie est plus mal perçu par les côtiers, la majorité laborieuse de l'île. En tant que véritables exploitants des ressources naturelles, ils sont générateurs des revenus d'exportations. La main mise des merina sur le pouvoir cultive un sentiment de méfiance et de défiance, d'autant plus que les premiers (merina) sont d'origine asiatique et les autres d'origine africaine.

L'importance de cette relative opposition ethnique est toutefois à modérer. L'île, malgré sa taille et les origines diverses des premiers habitants, a su construire une culture commune et a connu un développement plutôt homogène dans les différentes régions de son territoire. Madagascar est par ailleurs le seul pays d'Afrique présentant une unique langue, reconnue et parlée par chacun : le malgache. Et l'évolution des groupes de populations, bien que disperser et isoler géographiquement, ont connu un développement technologique et intellectuelle relativement similaire. Ces éléments appuient encore la singularité de Madagascar par rapport aux autres pays africains, où les frontières des Etats sont contestées parce qu'elles ne tiennent pas compte des territoires ethniques. Troubles politiques et guerres civiles sont souvent le résultat de cette discordance. Les écarts entre merina et côtiers ne se sont réellement creusés qu'à partir du XIXe siècle lorsque l'Empire britannique apporta son soutien à l'Imerina8(*). Ce rapprochement fut très bénéfique pour le royaume en pleine expansion territoriale, qui pu profiter d'aide financière et technique extérieure. Plus qu'une opposition, il s'agit d'une domination d'une minorité merina sur le reste de la population, rurale et contrainte aux travaux laborieux.

L'administration de l'île lors de la période coloniale française eut des aspects assez similaires à la précédente. La différence, majeure et non sans conséquence, réside dans le choix des populations soutenues par ce nouvel empire colonialiste. La rivalité entre la France et l'Angleterre s'est naturellement transposée à Madagascar. Les côtiers furent bien plus enclin à connaître les faveurs de la France, contrairement aux merina, jugées trop proche des Anglais, donc peu digne de confiance. Pour se faire, les Français tentèrent d'isoler, au moins politiquement et économiquement les merina, en plaçant notamment les administrations sur les côtes et en appuyant la distinction entre les deux groupes de population. La portée de ces politiques de « règne par la division » n'a cependant été qu'assez limitée. La présence des merina dans l'ensemble des secteurs économiques et étatiques leur permis tout de même de tirer partie du système en place, se révélant même être indispensable à celui-ci. La montée du nationalisme au sein des merina et le déclenchement d'une révolte en 1947 marque le renforcement de l'opposition merina-côtiers. La rébellion, encouragée par le Mouvement Démocratique de la Rénovation Malgache (MDRM), d'inspiration merina, fut écrasée par les forces côtières et coloniales.

L'avènement de la Ire République en octobre 1960 ne rompt pas avec le mode d'administration en place. Le gouvernement de Philibert Tsiranana, premier président de Madagascar, favorise toujours la population côtière. Mais les faibles relations extérieures qu'entretient ce groupe avec le reste du monde fait de la France un interlocuteur privilégié pour le président. Les critiques face à cet alignement et la stagnation politique et économique qu'il provoque précipite la chute de Tsiranana. La IIe République est proclamée en 1972, période pendant laquelle l'opposition merina-côtiers tend à s'estompée.

Didier Ratsiraka, président alors en place, voit pour Madagascar un avenir nouveau dans un changement radicale de politique. D'inspiration marxiste-léniniste, le chef de l'Etat engage l'île vers la voie du nationalisme. La mise en avant de la spécificité malgache s'exprime par l'abandon du franc CFA au profit du franc malgache (FMG), les relations avec la France se détériorent, les ambassades et consulats sont fermés. L'île s'isole et se concentre sur elle-même, voyant aussi la mise en place d'une administration centralisée forte, en accord avec un régime marxiste-léniniste. En pleine Guerre Froide, cet alignement idéologique sur le bloc soviétique fait de Madagascar un point stratégique entre l'Afrique et l'Asie, et plus particulièrement une position incontournable sur la route du pétrole.

Malheureusement, le choix d'une orientation politique socialiste s'avère être un échec dès les années 1980. Le niveau économique du pays est faible et l'apaisement des tensions entre Est et Ouest rendent sa situation géographique moins indispensable qu'auparavant. L'île tend à devoir s'ouvrir au libéralisme, en se tournant vers les Institutions Financières Internationales (IFI) par exemple. L'expérience socialiste a laissé des traces relativement profondes pour le pays. L'unité malgache semble avoir cédé la place à démembrement de l'île, qui ressemble à un archipel de zones plus ou moins développées. Ces vestiges des collectivités délocalisées, isolées les unes des autres par la vétusté des infrastructures de communications et la montée de l'insécurité, sont désormais de puissants représentants de l'autorité à l'échelle locale. Cette atomisation du pouvoir, alliée à la croissance des réseaux non étatiques comme l'Eglise, est un frein au fédéralisme souhaité par Ratsiraka.

1.1.2 Un nouveau départ entaché par des luttes de pouvoir

L'ajustement structurel engagé en 1983 est passé par une remise en question quasiment totale du système de production, le collectivisme agraire laissant place au capitalisme d'exportation. Ce choix a conditionné le financement de l'économie malgache par les bailleurs de fonds internationaux, à savoir qu'entre les années 1970 et 1990, le montant des prêts accordé a été multiplié par quatre. En tant que principal bailleur, le Groupe Banque Mondiale exerce une forte influence sur les choix économiques du pays. En 2004, près des deux tiers (65,54%) du montant de la dette extérieure de Madagascar provenait du financement accordé par la Banque Mondiale [Sarrasin, 2009]. Le développement de la privatisation et de la libéralisation, préconisé par le Fonds Monétaire International et la Banque Mondiale, n'a pas empêché la Grande Île de traverser difficilement les crises des trois dernières décennies. L'agriculture, notamment destinée à l'exportation, représente un quart du PIB et emploie environ 80% de la population active et a gravement été affectée par les fluctuations économiques du secteur [CIA, 2010].

L'intervention des institutions financières internationales n'est pas simplement financière et encore moins gratuite. Elle a pour vocation de soutenir les efforts entrepris par Madagascar pour se sortir d'une situation catastrophique. En contrepartie d'aides financières, le gouvernement malgache et les IFI coopèrent pour mettre en place des objectifs de développement. C'est dans le cadre que Madagascar s'est attelé à la rédaction d'un Document de Stratégie pour la Réduction de la Pauvreté (DSRP) en 2003.

« Le Document de stratégie pour la réduction de la pauvreté (DSRP) décrit les politiques et programmes qu'un pays entend mettre en oeuvre sur le plan macroéconomique, structurel et social afin de promouvoir la croissance et de réduire la pauvreté, ainsi que les besoins de financement extérieur qui y font pendant. Il est élaboré par les responsables du pays en faisant appel à un processus participatif auquel prennent part sa société civile et ses partenaires de développement, dont la Banque mondiale et le Fonds monétaire international (FMI). » [Banque Mondiale, 2010]

La coopération entre l'Etat malgache et les bailleurs de fonds internationaux ne datent certes pas des années 2000. Ce type de document contient un ensemble de mesures concrètes à mettre en place dans le cadre de l'amélioration de la situation économique et sociale. La première édition du DSRP malgache a fait de la lutte contre la pauvreté son cheval de bataille : l'objectif fixé en 2003 était de réduire de moitié la population vivant sous le seuil de pauvreté (1 USD/jour) dans la décennie qui suivait. Deux années plus tard (2005), la protection de l'environnement devient un nouvel enjeu figurant dans le DSRP, car la transition d'une économie basée sur l'agriculture vivrière à une économie plus libérale exerce une forte pression sur les ressources naturelles.

Malgré les modifications apportées ponctuellement au DSRP de la Grande Île, les indicateurs montrent que les Objectifs du Millénaire pour le Développement risquent de ne pas être atteints d'ici 2015. Ces objectifs sont le fruit de la coopération de 189 pays participants au Sommet du Millénaire en 2000, au siège des Nations Unies à New York. Cette campagne passe par huit secteurs d'actions, dont les performances sont mesurées par des indicateurs déterminés : 1) réduire l'extrême pauvreté et la faim, 2) assurer l'éducation primaire pour tous, 3) promouvoir l'égalité des sexes et l'autonomisation des femmes, 4) réduire la mortalité infantile, 5) améliorer la santé maternelle, 6) combattre le VIH/SIDA, le paludisme et d'autres maladies, 7) préserver l'environnement et 8) mettre en place un partenariat mondial pour le développement [ONU, 2010]. C'est dans ce cadre que la volonté de Madagascar d'améliorer sa situation franchie une nouvelle étape.

Le Plan d'Action pour Madagascar (MAP)9(*) révèle l'ambition de l'Etat malgache à lutter contre la misère. L'initiative a été lancée en 2005 pour finalement devenir opérationnelle en 2007, pendant une durée de 5 ans (2007-2012). Deux principaux objectifs sont soutenus dans ce document : réduire la population vivant sous le seuil de pauvreté de 2 USD/jour à 50% (85,1% en 2003) et obtenir un taux de croissance de 10 % d'ici 2012 [Nations Unies, 2007].

« Le MAP décrit les stratégies et les actions qui initieront la croissance rapide, mèneront à la réduction de pauvreté, et s'assureront que le pays se développe en réponse aux défis de la mondialisation et selon la vision nationale « Madagascar naturellement » ainsi que les Objectifs de développement pour le Millénaire ». [Banque Mondiale, 2010]

Les mesures prises jusqu'ici se tenaient plus à l'élaboration d'un « modèle de développement » propre à Madagascar et largement influencées par les IFI qu'à la poursuite de réalisation d'actions nationales, rattachées à des objectifs mondiaux. Le « modèle de développement » initié par la Banque Mondiale a eu pour objectif le retour de la croissance économique, ce qui induirait une réduction de la pauvreté. Le MAP prolonge cet effort, en lui donnant une portée internationale en plus.

A l'instar des Objectifs du Millénaire pour le Développement, le MAP se concentre sur huit vecteurs prioritaires de mutation, dont ces engagements sont les garants : 1) gouvernement responsable ; 2) infrastructures reliées ; 3) transformation de l'éducation ; 4) développement rural et une révolution verte ; 5) santé, planification familiale, et la lutte contre le VIH/SIDA ; 6) économie à forte croissance ; 7) l'environnement ; et 8) solidarité nationale. [Banque Mondiale, 2010]. L'assainissement des finances publiques, l'incitation à l'investissement, l'amélioration des soins et de l'accès à l'éducation, et la réforme de l'appareil judiciaire font partie des priorités retenues par l'Etat pour mettre en application ce plan. L'exécution du MAP a débuté en 2007, ce qui laisse déjà la possibilité d'entrevoir les changements engendrés par certaines politiques. Les stratégies touchant notamment aux domaines de la santé ou de l'éducation connaissent vraisemblablement un début assez prometteur pour l'avenir. Alors que seuls 67% de la population en âge suivait une scolarité au cycle primaire en 2000-2001, ce taux est grimpé à 96% en 2008 ; le taux de mortalité infantile sous l'âge de 5 ans a diminué 27% en une décennie (159 pour 1000 en 1997 contre 115 pour 1000 en 2008). C'est un ensemble d'évolutions telles que celles-ci qui ont permis à Madagascar de figurer désormais dans le groupe des pays à indicateur de développement moyen depuis 2006 [Nations Unies, 2008]10(*). Pour mener à bien la réalisation des objectifs qu'il s'est fixé, l'Etat malgache va devoir mobiliser efficacement ses ressources, qu'elles soient humaines, naturelles ou financières. Et la création de l'Economic Development Board of Madagascar et le National Leadership Institute of Madagascar, chargé respectivement de promouvoir l'investissement national et étranger et de former les acteurs du changement de demain, est appelé à soutenir les efforts entrepris jusqu'ici.

1.1.3 Madagascar, l'exemple d'un « bon élève » au développement basé sur un équilibre fragile

L'issue de la métamorphose dans laquelle s'est lancée la Grande Île reste floue, certains facteurs politiques et culturels ne jouant pas en faveur d'un succès sans encombre. Le pays souffre tout d'abord d'une double insularité, externe et interne. La première, externe, est la plus évidente. Tout comme ses voisines Comores, Maurice ou Seychelles, Madagascar est géographiquement isolée du continent africain, caractéristique qui certes été un avantage lors de la Guerre Froide, mais que le pays ne peut plus exploiter aujourd'hui. La difficulté à trouver des partenaires économiques fiables sur lesquels s'appuyer dans la région accentue ce relatif isolement. La seconde insularité est intimement liée à la précédente. Elle concerne l'écosystème et l'aménagement du territoire malgache. Sa taille (1600km du Nord au Sud) et son relief ont largement conditionné le développement de certaines zones de l'île, plus facile d'accès. Cette disparité, accentuée par la faiblesse des infrastructures reliant ces pôles, confère à l'île un semblant d'archipel. Les populations établies aux différents endroits de l'île ont pu connaître des variations de développement, due à leur relatif isolement. Des politiques de réaménagement du territoire et de développement des infrastructures et des transports sont bien comprises dans le MAP, mais leur application sur le terrain prend du temps.

Enfin, un autre élément, et non des moindres, est à prendre en compte pour préciser les freins à la mutation de Madagascar : en effet, si l'île a souvent fait parlé d'elle dans l'actualité de ces dernières années, ce n'est malheureusement pas pour les progrès qu'elle réalise, mais pour son instabilité politique. Depuis le début des années 1990, les troubles politiques n'ont cessés de se succéder pour la plus haute place de l'Etat, affectant par la même occasion les institutions, les relations internationales ou la gestion des politiques intérieures. En 1992, l'importance des manifestations et la pression de la rue ont eu raison du président Ratsiraka, emportant dans sa chute la IIe République. Après une courte période de transition dirigée par la Haute Autorité de l'Etat, Albert Zafy se voit élu à la présidence de la nouvelle IIIe République en novembre 1992. Sa gouvernance est de courte durée, puisqu'en 1996 est voté l'empêchement du président. Cette mesure fait suite aux critiques d'avoir agit trop peu face à la crise économique, et à plusieurs reprises anticonstitutionnellement. Didier Ratsiraka, déjà président de 1975 à 1991, remporte les élections de 1996, se voyant à nouveau occuper une fonction qu'il avait due abandonner cinq ans plus tôt. La fin de son mandat quinquennal, et derechef l'organisation de nouvelles élections présidentielles, voit le retour de la crise. En effet, le dernier mandat de Ratsiraka a su s'épargner ce type de conflits, connaissant même une relative stabilité économique. Les contestations du résultat des élections de 2001 par l'opposant de Ratsiraka, Marc Ravalomanana, maire de la capitale Antanarivo, ravivent la lutte du pouvoir. Ce dernier s'autoproclame par ailleurs Président de la République en février 2002. Auteur de la politique « Madagascar naturellement » et initiateur de programmes de mise en application du Plan d'Action pour Madagascar (MAP), Ravalomanana est réélu en 2006. Plus récemment, les conflits politiques ont repris, basés sur la rivalité des dirigeants de l'Etat, Marc Ravalomanana et de la capitale, Andrey Rajoelina, débouchant sur la prise de pouvoir des partisans de ce dernier par un putsch en 2009.

Madagascar fait aujourd'hui partie des pays les plus pauvres de la planète. Le niveau de la plupart des indicateurs macroéconomiques et de développement tend à confirmer la situation catastrophique dans laquelle se trouve l'île. Mais ces maux trouvent l'essentiel de leurs racines dans un passé pas si lointain. Soumise à la colonisation pendant plus d'un siècle et demi, les Empires desquels l'île dépendaient n'ont pas manqué à souligner, voire exacerber, des différences présentées comme ethniques -bien que plus économiques et politiques- n'ayant présentées que peu d'importance jusque là. L'indépendance de 1960 et sa vague de malgachisation ont conduit à un alignement de l'île sur le Bloc de l'Est, à un isolement relatif, et surtout à de piètres performances économiques et une dégradation du niveau de vie. La sortie de ce régime politique d'inspiration marxiste-léniniste laisse place une situation préoccupante dans l'ensemble des secteurs de l'île : dégradation des infrastructures, atomisation des pôles de développement, insécurité croissante, appauvrissement de la population, etc. La mise sous tutelle de Madagascar par les institutions financières internationales lui permet de trouver le financement dont elle a besoin pour reconstruire le pays. Cependant, les bailleurs de fonds internationaux, en particulier la Banque Mondiale, conditionnent largement leur financement par la mise en place d'un « modèle de développement », dont l'inspiration libérale des prêteurs se retrouve souvent dans le choix des politiques et programmes proposés. L'ajustement structurel initié en 1983 marque le début de la période d'ouverture et de la libéralisation de l'économie et du système de production de Madagascar. Bien que les crises mondiales des années 1980 et 1990 n'épargnent aucunement le pays, la marche vers le développement est lancée, tout d'abord par des politiques ponctuelles, toujours sous influence du Fonds Monétaire International (FMI) ou de la Banque Mondiale, puis par des objectifs rédigés dans un document de stratégie pour la réduction de la pauvreté (DSRP). Les efforts et investissements entrepris par l'Etat commencent à porter leur fruit dès le début des années 2000. Madagascar décide par ailleurs de persévérer et d'accélérer la mutation amorcée, en appliquant le Plan d'Action pour Madagascar (MAP) en 2007, seconde niveau de plan de lutte contre la pauvreté, en accord avec les objectifs du Millénaire pour le développement de l'ONU. Cette volonté de développement se voit toutefois ralentie par les incessants troubles politiques que connait Madagascar, conflit résurgents à chaque élection présidentielle au moins.

C'est dans ce contexte à la fois d'instabilité, de précarité et aussi de dynamisme et de mutation continus que l'activité touristique évolue. Celle-ci bénéficie néanmoins d'une position particulière et privilégiée par rapport à d'autres secteurs : en 1996, le Président Ratsirka se rapproche du FMI en vue de l'obtention de nouveaux crédits. Les accords alors signés en contrepartie de l'attribution de ces fonds placent la pêche et le tourisme comme nouveaux moteurs des exportations malgaches11(*).

1.2 Le tourisme, secteur clef pour soutenir le développement

Malgré le poids relativement important du secteur touristique dans l'économie malgache, cette destination reste tout de même assez peu fréquentée, en comparaison à d'autres pays de la région. 375 000 visiteurs ont séjourné sur la Grande Île en 2008, ce qui ne représente certes que 0,8% du tourisme africain, soit à peine 0,04% du tourisme mondial, mais surtout une hausse de 9% par rapport à 2007 [UNWTO, 2008]. Comparativement à d'autres pays de la région, ces chiffres semblent en effet relativement faibles. Cependant, l'apport du tourisme à l'économie malgache est important. Les recettes touristiques de l'île sont estimées à $611,8 millions (451,27 millions d'euros) en 2008, donc 7,8% du PIB national [WTTC, 2008]. Ces recettes sont issues de deux catégories de revenus :

· Ceux issus du tourisme international, comprenant l'ensemble des dépenses effectuées sur place (hors titres de transport internationaux), et donc considérés comme exportations

· Ceux provenant du tourisme national, interne à l'île. L'ensemble de la consommation est ainsi comptabilisée.

Plusieurs raisons peuvent être évoquées pour expliquer les performances en demi-teinte du tourisme malgache. Il paraît clair que le contexte politique et économique du pays pèse beaucoup sur l'attractivité de Madagascar. Ainsi, la période de la IIe République (1975-1991) n'a été que peu favorable à l'arrivée de touristes, l'orientation marxiste-léniniste ayant déclenchée une phase de nationalisme fort et d'isolement politique. Par la suite, la dégradation des infrastructures, l'extension de la pauvreté, le clivage ville-campagne, l'insécurité et l'instabilité politique ont été autant de freins au développement du tourisme, nuisant à l'image de l'île sur la scène internationale. De plus, la promotion de Madagascar auprès des pays émetteurs était réduite à sa plus faible expression, et pour cause : non seulement les principaux pays émetteurs sont éloignés géographiquement -le Nord-, mais les structures d'accueil et d'accès à la Grande Île sont aussi manquantes. Seuls cinq des douze aéroports principaux sont exploitables par exemple [Sarrasin, 2007]. Cette situation n'est guère propice à établir des bases saines de croissance et de développement du tourisme, d'où les fluctuations ponctuelles de l'activité. La crise économique mondiale conjuguée aux troubles politiques nationaux a certainement beaucoup contribué à la chute de 50% de l'activité touristiques entre 2008 et 2008 [CIA, 2010].

C'est aussi à la suite de la crise politique de 2002 que Rasoamanana Andriantsoa, directeur de cabinet au ministère du Tourisme, déclare lors d'une interview : « Il faut que le tourisme redevienne ce qu'il était : un pourvoyeur de devises. Pour cela, nous devons atteindre au minimum 150 000 touristes annuellement. Notre objectif à long terme est de faire autant sinon mieux que Maurice qui reçoit près de 600 000 touristes. » [Andriantsoa, 2002]12(*). Six ans plus tard, le nombre de visiteurs a plus que doublé : 375 000 touristes ont été accueillis sur l'île en 2008. L'objectif paraît être en bonne voie pour être réalisé. Il est vrai que Madagascar possède un atout très particulier, sur lequel elle peut compter pour développer et promouvoir le tourisme. La Grande Île est unanimement reconnue pour la richesse de sa biodiversité, abritant à la fois une faune et une flore biologiquement très variées, mais aussi très spécifique à l'île. Le terme de « mégabiodiversité » décrit mieux cet incroyable capital écologique, qui présente parfois un taux d'endémisme proche de 95% [Sarrasin, 2007]. Certaines espèces sont le symbole de cette singularité, comme le lémurien, dont 32 espèces peuplent l'île, ou le ravenale, dit « arbre du voyageur ». Cet arbre -cette plante herbacée plus exactement- figure d'ailleurs sur le drapeau national de Madagascar, figure de son endémisme et de sa richesse écologique. Il est intéressant d'ajouter que cette extraordinaire biodiversité est aussi bien un caractère qualifiant la faune et flore terrestre que marine, ouvrant une nouvelle porte à la mise en valeur de ce capital biologique. Le potentiel d'exploitation, à des fins touristiques, de cet atout peut se faire dans les terres, par un tourisme d'aventure ou l'écotourisme par exemple, ou sur les côtes, comme pour le tourisme balnéaire.

1.2.1 Un potentiel touristique connu, mais peu exploité

Le développement du secteur touristique à Madagascar peut s'avérer être un puissant vecteur de croissance économique et de développement en général, parce que cette activité a besoin d'un ensemble d'autres biens et services pour exister, créant un réseau d'entreprises gravitant en amont et en aval. De plus, les externalités générées par le tourisme peuvent être bénéfique à plusieurs niveaux. L'isolement relatif de certains pôles et le fort taux de ruralité sont deux handicaps majeurs auxquels le tourisme est capable de répondre. Tout d'abord, l'ensemble de l'île est doté d'un capital touristique suffisant pour développer cette activité sur la plus grande partie du territoire, ce qui serait une opportunité pour désenclaver de lieux jusqu'à présent isolés, au moins économiquement. Elle devient aussi une alternative à des activités plus traditionnelles, telles que l'agriculture ou l'exploitation forestière, ont exercent une pression considérable sur les ressources naturelles. D'autre part, en offrant cette opportunité de mutation sectorielle, le développement d'un tourisme responsable et respectueux de son lieu d'accueil, devient un moyen de préserver l'environnement dans lequel il évolue. La gestion pertinente des ressources qui en font son succès lui assure un développement pérenne.

Du point de vue de la demande, Madagascar pourrait devenir une destination à très fort potentiel touristique. Le capital écologique et biologique qu'offre la Nature là-bas est un avantage comparatif sans commune mesure dans le reste du monde, d'autant plus que l'écotourisme -c'est-à-dire un tourisme basé sur la mise en avant du capital naturel- doit connaître une croissance à long terme. Mais la situation réelle est bien différente, laissant entrevoir l'existence de nombreux obstacles entravant le développement de l'offre touristique sur l'île et laissant un potentiel riche de croissance encore inexploité. La faible promotion de Madagascar comme destination touristique de choix ne facilite guère son développement. Madagascar ne fait pour l'instant l'objet que d'une promotion faible, voire anecdotique. Ni les pouvoirs publics ni le secteur privé n'ont encore su communiquer considérablement sur les atouts de la Grande Île. Ceci étant le manque d'infrastructures, ou leur mauvais état, ne favorise guère l'arrivée massive de touristes. En 2006, 932 établissements hôteliers étaient comptabilisés, soit 10 847 chambres. La plupart de ces établissements sont des entreprises familiales, comportant rarement plus d'une dizaine de chambres. L'absence de résidences hôtelières de grande capacité, répondant aux normes de qualité internationales, est un handicap important, notamment face aux concurrents de la région, que sont Maurice ou les Seychelles [MINEFI, 2006]. La question des transports est aussi un point sensible. L'état du réseau routier réduit la possibilité de circuler toute l'année sur les routes à une minorité d'entre elles. Quant au transport aérien, le coût et la moindre fiabilité des vols intérieurs sont souvent peu incitatifs à son utilisation. A l'international, peu de liaisons desservent cette destination, à l'exception de la France ou de l'Afrique du Sud. L'ensemble de ces handicaps rendent l'accès à l'île plus difficile et ralentissent considérablement la croissance du tourisme.

1.2.2 Le Gouvernement fait du tourisme un secteur clef de développement depuis près de 15 ans

Les mesures entreprises par le gouvernement depuis maintenant plusieurs années peuvent laissées penser à une volonté d'améliorer la situation, à un souhait de mettre en place un contexte propice au développement du tourisme et à l'attrait de nouveaux investisseurs. L'une des premières politiques adoptées entre en accord avec les ajustements et autres mesures macro-économiques suggérés par les bailleurs de fonds internationaux. L'accord « Open Sky » -« Ciel Ouvert »- formalise la libéralisation du transport aérien amorcé dès 1997. En soumettant ce dernier aux lois du marché, le but a été d'augmenter le volume d'arrivées et de pouvoir réduire les prix du transport. L'île de Madagascar est désormais desservie directement par Corsair, Air France et Air Madagascar, laquelle détient par contre toujours le monopole des vols intérieurs réguliers. Air Austral assure aussi une liaison entre l'île et l'Europe via la Réunion. Bien que l'objectif des 700 000 arrivées d'ici 2010 soit plus qu'ambitieux, pour ne pas dire irréalisable, il est force de constater que le volume de visiteurs ne cesse de s'accroître d'années en années, doublant d'ailleurs entre 2004 et 2008. Une fois encore, l'état général des infrastructures aéroportuaires freine clairement les mécanismes d'ouverture prévus par cet accord. Moins de la moitié des aéroports sont capables d'accueillir des gros porteurs et Tananarive reste le hub principal (et unique) de l'île.

Si la question des infrastructures est récurrente, c'est qu'il s'agit non seulement d'une réalité, mais aussi un point crucial et essentiel pour transformer les mesures prises en succès. Toutefois, un paradoxe apparaît lorsque l'on évoque la rénovation ou la création d'infrastructures. En effet, si le modèle de développement suivi par le gouvernement malgache fait bien du tourisme un secteur-clef d'exportation, les ajustements structurels imposés par les IFI demandent un contrôle strict des dépenses publiques. Or, ce manque de moyens devient rapidement néfaste à la réalisation des objectifs, d'où le décalage entre prévision et réalité. Et malgré cet antagonisme économique sous-jacent, Madagascar tente de poursuivre sa marche vers le développement, en laissant au tourisme une place importante dans ce processus.

La naissance en novembre 2004 de la vision « Madagascar Naturellement » pose les fondations de la seconde phase d'élaboration de programmes et politiques menant à la croissance et à la réduction de la pauvreté. Le choix de ce nom annonce clairement le souhait de Madagascar de baser sa montée en puissance sur son avantage particulier : la nature et la biodiversité. Le secteur n'échappe par à cette vision, bien au contraire. Les objectifs de croissance fixés par le Madagascar Action Plan (MAP) comptent bien s'appuyer sur les performances du tourisme pour être réalisés. Présenté sous forme d'engagements respectueux des Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD), le MAP décrit les défis que l'île a à relever pour accélérer son développement et propose les stratégies à mettre en place pour réussir d'ici 2015.

Inclut dans l'engagement 6 (Economie à forte croissance), le défi 8 se rapporte exclusivement au tourisme : « Promouvoir et développer intensément le secteur tourisme ». La valorisation de la biodiversité est au centre de cet engagement, mettant particulièrement en avant les opportunités offertes par l'écotourisme. Concrètement, la stratégie se fonde sur quatre axes de progression [MAP, 2006]:

· Attirer les investisseurs, notamment des grands groupes étrangers, par le biais d'incitations fiscales ou foncières par exemple. Ils sont à la fois porteur de nouvelles capacités d'accueil et garant d'une qualité répondant aux normes internationales.

· Madagascar doit devenir une destination privilégiée et incontournable pour l'écotourisme.

· La gestion des activités touristiques est appelée à être plus encadrée et professionnalisée. Cela passe par la révision du code du tourisme (2002), un meilleur contrôle des exploitants familiaux ou la formation des professionnels.

· Une amélioration des prestations proposées ; un critère soutenu par l'ambition de faire de l'Île Rouge une destination pilote dans l'écotourisme haut de gamme.

Le Ministère de l'Ecologie, des Eaux et Forêts et du Tourisme (MEEFT) est le principal acteur chargé de l'exécution effective des ces stratégies. Des plans et actions préalables au MAP ont déjà été entrepris pour créer un contexte favorable à l'investissement. C'est notamment le cas des Réserves Touristiques Foncières (RFT), créées pour agir dans le sens de la promotion touristique de l'île. Elles sécurisent et facilitent l'accès aux fonciers. L'Economic Development Board of Madagascar (EDBM) est l'organisme en charge de la gestion des dossiers et des appels d'offres. Par son pouvoir, les traitements des dossiers s'en voient largement raccourcis. Actuellement au nombre de 21, ces RFTs sont essentiellement situées dans les zones à fort développement touristiques, c'est-à-dire au Nord -dont 3 à Nosy Be- et au Sud-Ouest, soit une surface totale de 9 514 hectares [MEEFT, 2010]. Au moins théoriquement, ces zones sont des incitations à l'investissement dans le domaine touristique, en allégeant les charges administratives et tout incident qui pourrait en découler. Un dossier complet est dorénavant traité en 25 jours, contre 90 jours précédemment. Elles répondent à un problème majeur qui concerne l'insécurité de l'acquisition des terres. En effet, moins de 20% des terres figurent formellement au cadastre, lequel n'est pas toujours à jour non plus. Traditionnellement, la valorisation du territoire relève des communautés ou des droits ancestraux, ce qui n'exclut pas une « revendication spontanée » des terres non titrées. Les RFTs doivent donc encourager les Investissements Directs à l'Etranger (IDE) en assurant une sécurité de la propriété. Rappelons que depuis l'Indépendance, le droit malgache exclut les étrangers de la propriété foncière directe. L'article 18-b de la loi 2007-036 du 14 janvier 2008, relative aux investissements à Madagascar, indique que les étrangers ne peuvent uniquement « contracter un bail emphytéotique, d'une durée maximale de quatre-vingt-dix-neuf ans, renouvelable ».

Les RFTs sont aussi destinées à « assurer un développement durable et harmonieux des activités touristiques » [MEEFT, 2008], privilégiant les projets écotouristiques ou balnéaires. En contrepartie de l'approbation des communautés à céder une concession sur les terres, les investisseurs s'engagent à partager les avantages du développement touristiques. De ce fait, l'EDBM se réserve un droit de préemption sur l'acquisition des RTFs si celles-ci ne sont pas exploitées à des fins touristiques, notamment définies par un cahier des charges ou un schéma directeur13(*).

Etant donné la dispersion des RFTs sur le territoire, le succès de cette mesure dépend aussi largement des politiques de réhabilitation des infrastructures de communications. Ainsi, le MAP, en tant que document directeur des stratégies de développement, prévoit plusieurs plans de développement des réseaux routiers, aéroportuaires, ferroviaires ou des télécommunications. Ces actions ont évidemment pour but de désenclaver certaines régions, et par ce biais, d'améliorer aussi la circulation des personnes sur le territoire. Sans que ces mesures ne soient directement orientées pour le tourisme, ce secteur bénéficiera immédiatement des avantages de structures plus fiables et plus modernes. Ainsi, le réseau routier de voies nationales devrait atteindre 7 800km d'ici 2012, contre 805km en 2005 par exemple. Les principaux objectifs de l'engagement 2 du MAP, intitulé « Infrastructures reliées », se concentrent sur l'amélioration et l'extension des réseaux de transports, d'énergie, le développement des technologies de communications et la viabilisation de la majorité des zones habitées.

En mandatant la firme allemande GATO AG de l'élaboration du Plan Directeur du Tourisme -Tourism Master Plan-, le gouvernement malgache s'est doté en 2004 d'un outil essentiel, indiquant la ligne de conduite et les recommandations à suivre en matière touristique. Ce plan, adopté en 2005, a éminemment pesé sur les choix stratégiques décidés dans un autre document d'importance : le MAP. A vrai dire, ces deux documents formalisent officiellement l'intérêt que porte le gouvernement malgache au développement du tourisme, en tâchant d'élaborer des stratégies complètes et graduelles pour que l'activité touristique devienne un secteur fort et robuste de l'économie malgache. Cela passe par la création d'un contexte favorable aux IDEs, comme un accès simplifié aux fonciers, une réhabilitation des voies de communications ou la mise en place d'une fiscalité allégée. De même, la volonté du développement de ce secteur passe aussi par des actions de promotions, assurées par la participation à des manifestations internationales ou par des rencontres entre représentants de l'Etat et acteurs du secteur touristique, comme en fait état le rapport du Gouvernement à l'Assemblée Nationale malgache en 2005. Cependant, le succès des mesures prises et programmées dépendent fortement d'une caractéristique importante de l'île : le pouvoir des communautés dans le processus de décision. En effet, l'isolement relatif des zones de développement et la forte ruralité font que les communautés bénéficient souvent d'une autorité prépondérante.

1.3 Le cadre institutionnel inadapté responsabilise les acteurs locaux

Aussi déterminé et plein de bonne volonté soit le gouvernement malagasy, les politiques décidées à la tête de l'Etat doivent ensuite pouvoir s'appliquer sur le terrain. Or, il est parfois à noter une différence entre l'engagement pris et sa réalisation. Ce décalage peut avoir plusieurs explications, dont la question des budgets alloués ou celle de la représentation du pouvoir dans le pays -aspect auquel nous allons plus particulièrement nous intéresser. En effet, si l'ensemble des décisions nationales, en matière d'aménagement du territoire ou de développement de secteur d'activité par exemple, se prend au niveau des institutions nationales, basées à Tananarive, encore faut-il que le pouvoir soit suffisamment relayé dans la province pour prétendre à l'application de ces politiques. Et sur ce point, Madagascar semble devoir faire face à une situation paradoxale : d'une part, le gouvernement est dynamique et ambitieux, il crée et propose des plans d'actions à plus ou moins long terme pour insuffler une dynamique de développement et de croissance ; d'autre part, l'île souffre d'une insularité interne, qui a souvent laissée aux communautés locaux la gestion du pouvoir et la représentativité de l'autorité.

La forte ruralité de Madagascar et le défaut d'infrastructures de communication -routes, télécommunications par exemple- a isolé et éloigné certaines communautés du contrôle du pouvoir central. La politique de décentralisation menée sous la IIe République n'a d'ailleurs fait qu'accentuer ce phénomène. Un manque de contrôle et de réglementations, notamment dans le domaine du tourisme, peuvent rapidement être néfaste pour l'activité et pour les populations. L'un des exemples les plus criants concerne certainement la pratique du tourisme sexuel. Dénoncé et combattu dans de nombreux pays -Thaïlande, Viêt-Nam par exemple-, cette dérive tend malgré tout à se développer dans les pays pauvres, dont Madagascar. Pourtant, le code pénal malgache condamne et punit sévèrement cette pratique, de peines d'emprisonnement allant de 5 à 10 ans et d'amende pouvant atteindre 20 000 000 Ar (7 053 Euros), comme le prévoit la loi N° 2007-038 du 14 Janvier 2008, modifiant et complétant certaines dispositions du Code Pénal sur la lutte contre la traite des personnes et le tourisme sexuel14(*).

Cette non-application, volontaire ou non, des politiques touche aussi un domaine tout aussi précieux pour Madagascar : son capital écologique. En effet, si le gouvernement en a fait son atout majeur pour la promotion de l'île, les ressources naturelles subissent aussi une forte pression par l'exploitation intensive que les communautés rurales en font. S'il est vrai que Madagascar s'est dotée d'un droit environnemental pour réguler la gestion de son patrimoine environnementale et biologique, celui-ci est loin d'être aussi efficace que souhaité dans les faits. A vrai dire, l'autorégulation des ressources, administrée par les communautés, remplace bien souvent l'application strict du droit, et ce pour deux principales raisons : l'inadaptation du droit environnemental et sa faible diffusion au sein des campagnes.

1.3.1 Un droit environnemental inadapté, cause de la coexistence d'un droit réel et d'un droit virtuel

En tant qu'ancienne colonie française, il n'est pas étonnant de trouver des similitudes entre le droit environnemental français et celui de Madagascar. Mais il est force de constater que cette ressemblance dépasse la simple influence : en vertu de l'ordonnance n°60-107 du 27 septembre 1960 concernant la réforme de l'organisation judiciaire malgache, le droit positif malagasy inclut le droit français, tel qu'il est en vigueur en France [Karpe, 2006]. De plus, les supports et formations au droit se font souvent en langue française. L'efficacité du droit environnemental malgache s'en retrouve évidemment réduite, à cause des décalages qu'il peut exister entre les textes et la réalité. L'inspiration sur le droit français présente non seulement un problème d'adaptabilité sur le fond, le contenu, mais aussi sur la forme. Le droit malagasy reprend la structure du droit français, respectant la hiérarchie -directives, arrêtés ou normes par exemples- et la rédaction des textes juridiques -articles, alinéas, etc.-, et reprend aussi le même mode de diffusion. Après approbation des textes par les assemblées législatives, sa publication se fait dans le Journal Officiel malgache. Or, les modes de diffusion du droit à Madagascar sont rapidement limités. Le faible tirage et le coût élevé des documents officiels réduisent leur accessibilité à la population. D'autres sont incomplets et que rarement mis à jour (parfois plus de trente ans s'écoulent entre des éditions). Et l'utilisation de la presse ou d'Internet comme relais de l'information est peu commune, le manque d'infrastructures ou l'analphabétisme réduisent considérablement les possibilités de diffusion. Ainsi s'opère une discrimination par le droit, dont seule une minorité à la connaissance, et s'installe alors un clivage entre un droit réel et un droit virtuel [Karpe, 2007].

Ce droit réel renvoie au véritable mode d'application du droit. L'inadaptabilité de la législation laisse un vide que les communautés ont choisi de compenser en appliquant leur propre régulation. Il n'est donc pas rare de voir des communautés appliquer un régime de droit mélangeant coutumes, traditions, règles propres, substituts du droit officiel malgache. C'est ce qui explique notamment l'existence des dina15(*) ou des fokonolona16(*). Les dina interviennent par exemple en matière de sécurité, comme une solution issue des communautés au vide laissée par la législation malgache. Leur existence n'est d'ailleurs en rien contredit par les pouvoirs publics, comme l'atteste la loi n°2001-004 du 25 octobre 2001, portant sur la règlementation générale des dina sur la sécurité :

« Article 2 : le dina édicte des mesures que la population concernée juge nécessaires à l'harmonisation de la vie sociale et économique ainsi que la sécurité en fonction des réalités locales, et pour la mise en oeuvre des ses attributions essentielles destinée à l'éducation civique des citoyens dans le cadre d'une structure basée sur l'autogestion populaire de la sécurité, pour promouvoir le développement et le progrès social, et instaure une discipline collective afin de préserver l'ordre et la sécurité publics. »17(*)

Cet article fait clairement référence aux fonctions attribuées à la représentation spontanée du pouvoir à l'échelle locale, les dina. Elles sont chargées de la gestion, sous forme d'autorégulation, de la vie locale par le biais de mesures portant sur l'économie, la société ou la sécurité.

1.3.2 La décentralisation, mode de coopération contractuelle

Pour les acteurs du tourisme, les dina sont devenues des interlocuteurs incontournables pour au moins une raison : l'application de la loi de GEstion LOcale SEcurisée, dite loi GELOSE. Promulguée en 1996, elle a pour but le transfert de la gestion des ressources naturelles renouvelables de l'Etat aux communautés locales, censées être plus compétente en ce domaine, du fait de leur proximité de leur environnement. Les populations locales deviennent donc les principaux responsables de la protection de la biodiversité et de l'exploitation des ressources naturelles. Le lien avec le tourisme s'établit aisément, lorsque l'on sait que cette même biodiversité, trésor de la Grande Île, est la clef de voûte du développement touristique et la première raison du choix de cette destination par les touristes. Cette loi représente une avancée pour tenter de combler les lacunes juridiques du pays non seulement en déléguant une partie du pouvoir central aux collectivités locales, mais aussi en proposant une forme de régulation mêlant droit institutionnel et droit coutumier, ce qui s'avère être un mode de fonctionnement plutôt unique en son genre. Il s'agit en fait d'une sorte de contrat passé entre les communautés et l'Etat, un cadre législatif souple laissant une place à l'exercice des pratiques coutumières. L'intérêt de la loi GELOSE, tout comme la Gestion Contractualisée des Forêts (GCF), est non plus d'exclure ou de contraindre les pratiques locales, mais de les accompagner pour aboutir à un objectif commun : la préservation de la biodiversité [Sarrasin, 2009]. Evidemment, cette « démarche contractuelle » [Horning, 1995] présente un risque majeur : étant soumise à une attitude volontaire de la part des communautés, le risque est de voir un refus ou au moins un non-respect des accords passés. Pourtant, les résultats semblent plutôt encourageants dans l'ensemble : en janvier 2005, 70% des contrats visant à la réduction des feux de forêts étaient mis en oeuvre, et 25% de ceux visant à une meilleure gestion des ressources [Karpe, 2006].

C'est dans ce contexte d'arrangement juridique que le secteur privé est encouragé à prendre des initiatives contribuant à un développement responsable des activités touchant aux ressources naturelles. Les organisations non gouvernementales (ONG) jouent ici un rôle prédominant, notamment en matière de gestion des aires protégées. L'un des acteurs principaux est l'ONG nommée Madagascar National Parks, remplaçante de l'Association Nationale pour la Gestion des Aires Protégées (ANGAP). Crée en 1990 et déclarée d'utilité publique par décret n° 91-592 du 4 décembre 1991, cette association de droit privée a été chargée de la gestion durable et pertinente du réseau des aires protégées de l'île, par le respect et la mise en oeuvre de programmes de protection et de conservation. « Cette mission de conservation suggère l'éducation environnementale, la valorisation de l'écotourisme et la science et le partage équitable des bénéfices générés par les aires protégées avec la population riveraine » [Madagascar National Parks, 2010]. Ces revenus générés ne proviennent évidemment pas d'une simple conservation, mais d'une véritable promotion et d'exploitation des parcs nationaux à travers une politique de mise en concession des aires. Cette initiative, entérinée par la signature en 2008 de la Lettre de Politique sur les mises en concession dans les aires protégées, a pour objectif de stimuler l'investissement privé autour et dans ces zones. Le caractère écotouristique des projets est un élément indispensable pour qu'un investisseur puisse se voir accorder un droit d'exploitation par des représentants de MEEFT, de l'EDBM ou de l'Office National du Tourisme. Plusieurs aires ont ainsi déjà été soumises à appel d'offres de valorisation, comme le parc national d'Ankarafantsika, aujourd'hui exploité par le groupe bancaire allemand KfW. A terme, l'ensemble des aires gérées par le Madagascar National Parks seront mis à la disponibilité des investisseurs privés, en vue d'assurer une génération suffisante de revenus pour autogérer ces parcs.

1.3.3 Le cadre institutionnel insuffisant fait des acteurs locaux de véritables moteurs du développement

Nous comprenons ici que le droit institutionnel environnemental malgache est inadapté à ce pays, parce qu'il est issu, pour ne pas dire calqué, sur le droit français. Alors que le patrimoine environnemental de la Grande Île est son avantage comparatif-même, cet héritage historique législatif rendait la gestion et la protection des ressources naturelles assez inefficace. Face aux vides juridiques laissés par cette dissonance entre réalité et droit virtuellement appliqué (et applicable), les pratiques traditionnelles propres aux communautés locales ont pris le relais. Les dina ont donc perduré, restant souvent le représentant légitime de l'autorité au sein des populations locales et appliquant un droit relevant plus de la coutume. Mais plutôt que de s'opposer à ce droit réel, le gouvernement malgache a tenter de le canaliser pour l'orienter vers la réalisation d'objectifs globaux de protection et de conservation du patrimoine naturel. Cette coopération est audacieuse, elle se base essentiellement sur le volontarisme des communautés à contractualiser avec l'Etat un engagement de bonne gestion des ressources naturelles renouvelables, en contrepartie d'un cadre juridique non contraignant pour les pratiques coutumières -allant en fait jusqu'à les intégrer dans son système. La loi GELOSE -dite aussi la Gelose- en est l'exemple le plus parlant. Elle a pour principe de décentraliser la responsabilité de la gestion des ressources forestières et environnementales aux collectivités locales. Bien que des dissonances entre les acteurs locaux puissent exister, les résultats sont tout de même encourageants. Le secteur du tourisme à Madagascar est relativement particulier du fait de sa composition. En effet, il existe un ensemble de petites structures sans forcément de liens entre elles, ce qui ne facilite pas le dialogue entre ces acteurs et les administrations. La forme singulière, et peut-être nécessaire, de décentralisation choisie par le gouvernement malgache responsabilise d'autant plus les acteurs à l'échelle locale que les collectivités locales sont dorénavant légitimement investies d'un droit d'autorégulation. Les ONG sont aussi un rôle crucial à ce niveau. En tant que gestionnaire des aires protégées, la Madagascar National Parks a choisi de valoriser ce patrimoine en attribuant des droits de concession à des investisseurs privés dont les activités rejoignent l'objectif de développement écotouristique de l'île. De manière relativement encadrée, le secteur privé devient responsable d'une exploitation durable du capital biologique qui lui est confié.

L'intérêt de cette première partie a été de montrer dans quel contexte le tourisme malgache évolue, de manière à en comprendre les enjeux, les raisons et les forces qui s'exercent sur cette activité. En posant l'hypothèse de départ, à savoir que « le tourisme doit devenir plus responsable pour rester une ressource indispensable aux PED », plusieurs éléments ont dû être précisés pour appuyer cette affirmation. Le premier concerne le tourisme au sein des PED, et ici, plus particulièrement à Madagascar. En s'appuyant sur un ensemble de données statistiques issues d'institutions comme la Banque Mondiale, l'OMT ou le TIES par exemple, on s'aperçoit rapidement que le secteur touristique représente souvent un pan majeur de l'économie des PED. C'est aussi le cas à Madagascar. Il est intéressant de noter que cette activité se développe malgré un contexte pas toujours favorable, propre aux pays du Sud. De ce fait, en dressant le portrait historico-économique et géopolitique de l'île, on a pu mettre en lumière la situation actuelle dans laquelle se trouve Madagascar. La pauvreté et le marasme économique et politique que connaît aujourd'hui le pays tire en partie ses origines dans une double insularité, interne et externe, que son passé sous influence coloniale et sa période marxiste-léniniste ont d'autant plus renforcée. Le fait est que Madagascar est aujourd'hui l'un des pays les plus pauvres de la planète, mis sous tutelle des bailleurs de fonds internationaux, dont la Banque Mondiale. L'aide apportée par ces institutions financières internationales n'est cependant pas « gratuite », elle est conditionnée par la mise en place de « modèle de développement » comprenant assainissement des finances publiques, politiques structurelles ou libéralisation de l'économie. Mais ce contexte fort peu engageant n'efface en rien le potentiel touristique de la Grande Île, plus de 7% du PIB a été généré par le tourisme en 2007. Pour ce faire, Madagascar peut compter sur un atout singulier : son incroyable biodiversité et son capital biologique de réputation mondial. Les IFI et le gouvernement ont éminemment compris que ce patrimoine écologique est au fondement du développement futur de l'île, basant les plans de développement sur ce capital naturel. Le tourisme n'échappe pas à cette orientation, bien au contraire. Cette activité présente l'avantage de pouvoir d'implanter sur l'ensemble du territoire et de se présenter comme une possible alternative à une agriculture gourmande en ressources naturelles. De ce fait, le tourisme a été placé comme activité prioritaire dans les plans d'actions de développement, comme le MAP, successeur du DSRP. Cette volonté se traduit aussi par la réhabilitation de moyens de communications (voieries, plateformes portuaires et aéroportuaires), une tentative d'amélioration de l'accessibilité de l'île (accord « Open Sky ») ou la création de structures spécialisées facilitant le développement touristique (RFT, Maisons du Tourisme, professionnalisation de la filière touristique). L'accent a évidemment été porté sur la valorisation du capital biologique, d'où l'engagement vers un écotourisme haut de gamme. Ceci étant, le cadre institutionnel et juridique malgache présente de profonds dysfonctionnements qui ne favorisent pas un développement structuré de l'activité. Le droit environnemental de Madagascar est effectivement et proprement calqué sur celui de la France, ce qui le rend clairement inadapté. Pour faire face à ce handicap, le gouvernement a choisi la voie de la coopération avec les structures locales de représentation de la loi, telles que les dina. Cette décentralisation s'effectue en contractualisant un transfert de compétence dans la gestion des ressources naturelles renouvelables aux communautés locales. Le droit coutumier devient le relais des institutions nationales, qui tentent d'orienter ces  pratiques locales vers l'exécution d'objectifs plus globaux, comme la protection du capital écologique. La Gelose est un exemple concret de ce modèle de décentralisation à base volontaire. En ayant donc à rendre compte aux communautés locales (détentrice des ressources naturelles) et à l'Etat, l'activité touristique, et plus encore écotouristique, se place au coeur du développement de l'Île Rouge. Les rapports liant écotourisme et patrimoine naturel paraissent intéressants à étudier pour mieux comprendre comment ce type de tourisme peut être un puissant vecteur de développement.

2 La sensibilisation et la protection du patrimoine au service d'une gouvernance durable des ressources

En arrivant sur l'île de Madagascar en 1771, Philibert Commerson avait déjà décrit ce lieu comme un endroit où « la nature semble s'être retirée dans un sanctuaire privé, où elle peut travailler à des modèles différents de tout ce qui est utilisé ailleurs. On trouve là, à chaque pas, des formes étranges et merveilleuses » [Sarrasin, 2007]. S'il est vrai que Madagascar est connue pour son incroyable biodiversité, les propos tenus par ce botaniste voyageur en dévoile toute sa richesse. Le capital écologique de l'île étonne aussi bien par la diversité de la faune et la flore dont recèlent les écosystèmes, mais aussi par cet extraordinaire taux d'endémie des espèces. Près de 80% des animaux présents sur le territoire son endémique à cette région. Le lémurien est certainement le symbole de ce fantastique sanctuaire biologique et écologique. Madagascar est un morceau d'Afrique parti à la dérive il y a 65 millions, emportant avec elle un écosystème qui, par le climat et le relief de l'île, a connu une évolution des plus singulière et des plus extraordinaires. La taille du territoire malagasy lui permet de présenter une diversité des paysages, proposant des îles aux aspects paradisiaques au Nord, un massif montagneux plus au centre, ou des plateaux et plaines arides de savanes au Sud. Ce trésor écologique malgache se retrouve est d'ailleurs terrestre et maritime. Les lagons, récifs et autres barrières de corail de la côte Ouest est assez représentative de la beauté des écosystèmes marins. Il devient aisé de comprendre pourquoi Madagascar est une destination privilégiée pour tout amoureux de la Nature, cherchant spots d'observation ou expériences uniques au sein de ce « paradis perdu », et pourquoi l'écotourisme est une activité en pleine croissance dans le pays.

L'abondance de ressources qu'offre la Nature sur la Grande Île sert évidemment avant tout les populations locales. S'il est vrai qu'on ne peut clairement établir un lien entre pauvreté et dégradation des ressources naturelles, les populations rurales des pays pauvres restent cependant souvent dépendantes de leur écosystème. Mais plus que l'exploitation des ressources naturelles, c'est le système agraire malgache qui est remis en cause. La déforestation et les tavy18(*) sont au coeur de ce mode de production. Ces tavy sont décrits comme du catastrophique écologique, par leur impact sur l'environnement. Cependant, cette perception n'est par vraiment partagée par les populations locales, qui des tavy une étape essentielle à la culture du riz. Cette pression sur les ressources naturelles, notamment forestières, est très forte, voire alarmante. Entre 1990 et 2005, la couverture forestière de Madagascar a diminué de 14%, soit 0,9% par an, une surface presque équivalente à la Martinique. La mise en place du Plan d'Action Environnemental (1993-2008) s'est plutôt révéler inefficace, malgré le soutien des IFI par exemple. Conscient du trésor que représente sa mégabiodiversité, le gouvernement malgache a choisi le développer les aires protégées. En 20 ans (1989-2008), la surface de ces zones protégées a été multipliée par 7,5, passant de 560 346 hectares à 4 748 442 hectares [MEF, 2005] (voir Annexe 1).

Mais l'idée de conservation pose un autre problème. L'exploitation des ressources naturelles par les populations rurales se fait déjà dans un contexte de survie. Or, si la conservation, par la création d'aires protégées, signifie privation des ressources et sanctuarisation, les conditions de vie des populations en dépendant risquent fortement de se dégrader encore davantage. La question de la protection devient même paradoxale : qui sauver ? Les populations locales ou l'environnement ? Le fait que les populations rurales se situent au coeur du problème environnemental pourrait peut-être en constituer une solution.

2.1 Aller au-delà de la conservation en valorisant la biodiversité

Au-delà de la richesse de sa biodiversité, la « question environnementale » malgache a souvent tourné autour de sa dégradation plus que de sa mise en valeur. Les pratiques agricoles dévastatrices pour l'environnement font l'objet de vives critiques. Pourtant, ces modes de culture des terres font partie de stratégies agricoles proprement dites. C'est le cas de la culture itinérante sur brûlis. Qu'elle s'appelle tavy pour les cultures de riz à l'Est ou hatsake pour les cultures de maïs du Sud-ouest, le principe reste le même : défricher la forêt pour gagner des surfaces agricoles et fertiliser la terre avec des cendres. La radicalité de la méthode pousse à l'itinérance des cultures, et à la reproduction du schéma. Les résultats d'une étude menée dans la province de Toliara (Sud) ont montré qu'une culture sédentaire était loin de constituer une alternative à la déforestation [Casse, Nielsen, Ravaivoson et Randrianamarivo, 2005]. Cette stratégie de culture extensive peut trouver des explications de divers ordres. La propriété foncière étant assez mal définie, les agriculteurs considèrent plus l'avenir par l'expansion de leurs terres qu'une exploitation forestière peu sécurisée en termes de propriété, donc de revenus. Face à cette insécurité, la GELOSE est inefficace : les « permis » d'exploitation forestière attribués par les autorités locales aux agriculteurs sont souvent obtenus par pots-de-vin, et les terres deviennent des nouvelles terres agricoles. Ensuite, les revenus potentiels de l'exploitation forestière sont très loin d'être considérés, parce qu'ils relèvent du long terme. Or, dans un contexte d'instabilité et de fluctuations rapides des revenus, les populations locales préfèrent aujourd'hui une vision à court terme, où l'agriculture, bien que dévastatrice, soit considérer comme une des uniques sources de revenus envisageables.

2.1.1 La conservation, réaction stricte à l'activité prédatrice de l'homme

L'établissement de nouvelles aires protégées a été une des premières réactions du gouvernement pour préserver son avantage comparatif. Madagascar est certainement l'un des premiers pays, tout au moins en Afrique, a proposé la mise en place de ce genre d'aires, car les premières mesures remontent à 1927. Ces réserves naturelles (RN) sanctuarisent le lieu, en excluant toute activité humaine, seul moyen considéré pour assurer la conservation de la biodiversité. Cette politique, renforcée par le décret forestier de 1930, fait clairement du « paysan-prédateur » sa cible, l'objectif étant de l'éloigner et de l'empêcher de nuire à cet environnement. Il s'agit de priver et d'interdire l'accès aux ressources pour les sauver. D'autres aires protégées continuent à voir le jour jusqu'au début des années 1970, où l'arrivée de la crise détourne l'attention du gouvernement. A partir des années 1980, le rapport entre aires protégées et populations locales commence à changer. Les nouvelles aires créées s'établissent désormais sur le modèle du Projet de Conservation et de Développement Intégré (PCDI). Comme son nom l'indique, cette stratégie comprend une dimension d'intégration des besoins des communautés locales, en différenciant une zone centrale de protection intégrale et une zone périphérique à accessibilité graduelle. La notion de développement intégré renvoie à la volonté certes de maintenir les populations rurales à distances des réserves, mais surtout de proposer des mesures favorables au développement de ces communautés. Des ONG sont souvent en charge de cette mission de soutien, par l'exécution de programmes de conservation, d'éducation, de santé et de développement communautaire [Blanc-Pamard, Rakoto Ramiarantsoa, 2003].

2.1.2 Passer de la conservation à la valorisation du patrimoine en faisant des aires protégées des zones motrices de développement

Le pays connaissant une longue tradition de conservation par création de réserves naturelles, ou d'aires protégées en général, il peut être légitime de se questionner sur l'efficacité de la mise en place de tels programmes. A qui profitent-t-elles ? Comment un processus de privation peut-il devenir profitable aux populations exclues de facto ? Les premières mesures de conservation, au sens strict et rigide, relève certainement plus d'une réaction rapide à un état d'urgence de dégradation inquiétante de l'environnement plus qu'à une véritable volonté de rejeter localement tout activité humaine. L'assouplissement des politiques allant dans ce sens, la protection des écosystèmes vise plutôt une exploitation raisonnée et durable des ressources. L'Accord du Durban, ratifié lors du Ve Congrès mondial sur les parcs en 2003, définit les aires protégées comme un vecteur de « synergie entre la conservation, le maintien des systèmes de support de vie et le développement durable », grâce « un engagement ferme, pour inscrire les aires protégées dans les objectifs généraux du développement, avec l'appui des secteurs public, communautaire et privé ». Cela signifie que la préservation de l'environnement ne doit pas être antagoniste au développement, mais bien se mettre au service de celui-ci, par le biais d'initiatives impliquant les communautés qui peuplent les régions concernées. Les politiques d'aménagement du territoire malgache sont comparables à celles connues en France dans les années 1960. La création des Parcs Nationaux Régionaux (PNR) français et des Réserves Naturelles (RN) malagasy révèlent un même engagement national pour la préservation et la valorisation du patrimoine naturel. La définition-même des PNR, en tant que « territoire à l'équilibre fragile, au patrimoine naturel et culturel riche et menacé, faisant l'objet d'un projet de développement fondé sur la préservation et la valorisation du patrimoine » (décret n° 94-765 du 1er septembre 1994), ne rappelle-t-elle pas le cas malgache ? Comment les PNR ont-ils contribués au développement des régions environnantes ? La clef du succès de cette stratégie semble résider dans un mot : proximité, à la fois géographique et organisationnelle. Cet aspect est essentiel pour que les liens entre acteurs -communautés locales, gestionnaires des parcs, pouvoirs publics ou même visiteurs- puissent se créer et se renforcer. Plus ces acteurs se sentent proches, parce qu'impliqués dans un projet commun, parce qu'organisés dans la réalisation d'objectifs définis ensemble ou respectueux d'une même ligne de conduite, plus la synergie émanant de cette coopération sera bénéfique pour chacun et se présentera comme une réelle alternative aux activités moins respectueuses de l'environnement [Angeon, Boisvert et Caron, 2007].

L'adoption du Plan d'Action Environnementale en 1990, avec la coopération des IFI, va dans le sens de la proximité et de la coopération, prolongeant encore le lien entre besoin de sauvegarde et développement de populations. Son application, exécutée par Madagascar National Parks (ex. ANGAP), comporte trois phases : la création d'aires protégées, leur gestion, et leur promotion et exploitation. Cette articulation en étapes successives pose bien le problème : comment pouvoir préserver l'atout majeur de Madagascar, sa biodiversité, sans pour autant exclure et priver les populations qui en dépendent si fortement, malgré leur comportement prédateur ? En effet, si la création des aires protégées garantie certes la conservation du capital biologique présent à l'intérieur de celles-ci, le problème de la dégradation des ressources naturelles par les cultures n'est en rien abordé. Rien n'empêche la déforestation à l'extérieur de ces zones, car la source du problème réside bien dans les stratégies agricoles. Les environs du parc national de Zombitse Vohibasia (Sud du pays) est représentatif de la pression existante exercée sur ces zones protégées. Les limites du parc sont immédiatement visibles : d'un côté, d'immenses arbres verdoyants dessinent les contours d'une forêt primaire, contemplant l'étendue de prairies qui la bordent, où le bétail passe ses journées à paître. Pourtant, malgré cette pression des populations locales, le taux de déforestation dans cette zone était pratiquement nul entre 1988 et 1997 -date de la création du parc. L'engagement d'ONG, comme WWF19(*), a su sédentariser les populations locales en leur assurant une sécurité foncière et régulant l'exploitation des ressources naturelles, notamment par l'établissement de sanctions graduelles [Casse, Nielsen, Ravaivoson et Randrianamarivo, 2005]. Bien que cette initiative ne soit qu'un exemple, elle souligne le fait que les populations locales sont bien la clef de la conservation du capital écologique de l'île. Et pour se faire, la préservation passe par deux axes complémentaires : la modification des stratégies d'exploitation des ressources naturelles et la proposition d'alternatives viables à cette agriculture agressive.

C'est à ce niveau-là que les phases 2 et plus encore 3 du Plan Environnemental (PE2 et PE3) prennent une dimension tout à fait intéressante. Après la création d'aires protégées, l'étape PE 2 a vu la mise en place d'un cadre juridique de dévolution de la gestion de ces zones à destination des communautés locales. La loi GELOSE entre dans cette optique. Il s'agit, au moins théoriquement, de donner aux populations locales une opportunité de gérer leur environnement, et ainsi de créer un empowerment des communautés, de les impliquer dans la dynamique de changement. Cette initiative s'inscrit dans une démarche bottom-up, où l'action des communautés (bottom) converge vers un objectif plus global de préservation (up). Il s'avère que l'écotourisme soit un choix d'activité vers lequel les communautés locales tendent fréquemment. En ces termes, le développement de l'activité écotouristique symbolise en fait le produit des nouvelles responsabilités attribuées au niveau local : gestion durable et responsable des ressources naturelles et développement de projets de planification et d'aménagement du territoire [Lapeyre, Andianambinina, Requier-Desjardins et Méral, 2007]. Il n'est donc pas étonnant de s'apercevoir que la plupart des réserves aient choisi l'écotourisme comme activité de valorisation du capital écologique protégé.

2.1.3 L'écotourisme, un mode de valorisation communément adopté

Les communautés locales s'étant vues confier la gestion des ressources naturelles, le choix des moyens de valorisation leur incombait aussi. Parmi les activités les plus répandues figurent l'apiculture, l'exploitation des plantes médicinales ou l'écotourisme (terrestre et balnéaire). Ce choix de mis en avant de la biodiversité n'est évidemment pas anodin : les communautés percevant tout ou partie des revenus dégagés par les activités respectueuse de l'environnement (loi GELOSE), elles ont tout intérêt à profiter de ce formidable atout -biodiversity pays for itself [Lapeyre, Andianambinina, Requier-Desjardins et Méral, 2007]. De ce point de vue, la protection de l'environnement dépasse la simple conservation, au sens de « laisser intact ». La valorisation des écosystèmes est un mode de protection actif, n'excluant pas les populations locales, bien au contraire. Ces dernières, en tant que gestionnaires des ressources naturelles, sont incitées à proposer un mode l'exploitation durable du capital naturel. Ce passage d'un rapport conflictuel pouvoirs publics / paysans prédateurs à un rapport coopératif organismes de protection de l'environnement / communautés implique aussi un changement dans l'approche que les populations ont face à la Nature. Celle-ci n'est plus vue comme un moyen de survie à court terme, mais comme un support de développement sur le long terme, assurant des revenus, au moins complémentaires, bien plus stables dans le temps.

Cette expansion de l'écotourisme, soutenue au moins indirectement par les pouvoirs publics, marque aussi une modification dans les comportements des communautés. Désormais responsable de leur empreinte sur l'environnement, elles préfèrent le mettre en avant pour le préserver et en soutirer des nouveaux revenus. S'il est vrai que les bénéfices de cette activité touristique sont encore faibles, ils sont tout de même devenus essentiels pour beaucoup de communautés. Le secteur écotouristique est encore dans sa jeunesse à Madagascar et les acteurs en dépendant ne sont pas aussi organisés que ne le sont ceux profitant de la marque « Parc Naturel Régional » en France. Le manque de coordination et de cadre d'action défini fait que chaque partie prenante agit indépendamment des autres, fragilisant la création d'une synergie. Or, l'écotourisme, comme tout type de services, implique un producteur et un consommateur. Si l'on a tenté de montrer ce que le producteur (communautés, ONG) avait à gagner à gérer intelligemment le patrimoine, une analyse du point de vue du consommateur (touriste) peut aussi être pertinente.

2.2 Passer de la « visite » à la « découverte » pour impliquer le touriste dans la préservation du lieu

Les raisons qui poussent un individu à devenir touriste sont multiples : besoin d'évasion, vacances, envie de découvrir, sortir de son ordinaire, etc. C'est d'ailleurs ce mouvement transitoire et ponctuel qui définit le tourisme, comme une activité exercée en dehors de son cadre de vie habituel. Mais pour comprendre comment le touriste, en tant que personne, peut aussi contribuer à la valorisation d'un territoire, peut-être faudrait-il avant s'interroger sur la notion de « touriste ». Qui est-il, cet individu nomade ? Que cherche-t-il en parcourant ces lieux qui lui sont souvent inconnus ? Littré en donne une définition dans son Dictionnaire de la Langue Française : « celui qui voyage par curiosité et désoeuvrement ». Ce qui différencie donc le voyageur du touriste serait donc sa soif de connaissances et l'abondance de temps à consacré à ce loisir. Cette définition datant du XIXe siècle, sa portée varie sensiblement par rapport à l'interprétation contemporaine.

2.2.1 Le « Tour »-iste, voyageur en quête de distinction

Le tourisme tire ses origines d'une sorte de voyage initiatique à travers l'Europe réservé à la haute aristocratie anglaise du début du XVIIIe siècle. Cette aventure, nommée The Tour, était plus motivée par un souci de distinction que de curiosité, et ressemblait à un parcours planifié de lieux incontournables à visiter. Les premiers guides de voyages sont d'ailleurs un pur produit issu de cette tradition, se présentant comme un recueil des « lieux à voir » - traduction littérale de l'anglais sightseeing [Boyer, 2002]. Nous voici bien loin de ce à quoi notre imaginaire nous a habitué en évoquant le mot « tourisme » : plages bondées des côtes méditerranéennes, séjours sportifs d'hiver dans les Alpes ou escapade aventure au Costa Rica par exemple. Et pourtant, quel genre de touriste serions-nous si l'on parcourait l'Egypte sans passer par les pyramides ? Et Paris sans visiter la Tour Eiffel ? Notre appareil photo n'est-il pas là pour immortaliser notre passage devant ces lieux si connus ? Si le tourisme s'est démocratisé, le poids de l'Histoire a laissé des traces encore visibles aujourd'hui.

Ce processus de démocratisation dévoile un aspect relativement pertinent du développement de la pratique touristique dans nos sociétés contemporaines. Historiquement, un effet de capillarité initie la diffusion de ce loisir à travers l'ensemble des groupes sociaux. Les Tour-istes, issus de l'élite sociale, détiennent le rôle de prescripteurs des pratiques de ce genre, lesquelles sont ensuite imitées par les couches sociales inférieures, selon une diffusion en top-bottom. Au-delà de la simple reproduction d'un loisir, c'est l'imitation des pratiques culturelles de cette élite qui va faire du tourisme une activité induisant intrinsèquement une modification des pratiques sociales des groupes en question. Les individus ne sont-ils pas plus enclin à fréquenter les musées ou autres lieux culturels lorsqu'ils sont touristes, alors que cet accès à la culture est habituellement plus répandu au sein des élites ? Le public, visiteurs habituels, se différencie donc d'un non-public indigène et du flux touristique, visiteurs ponctuels pour raison touristique [Boyer, 2002].

Mais ces prescripteurs ne sont pas des touristes ordinaires. Leur motivation dépasse le simple souci de distraction, ou de profiter inconsidérément de leur oisiveté. La rationalisation de ses dépenses de temps et d'argent ne l'intéresse pas, au contraire, il se lasse vite, ce qui l'importe, c'est d'être différent, de se distinguer. Il a atteint la dernière étape de la pyramide de Maslow, l'accomplissement de soi. Son besoin de se découvrir passe par la découverte de nouvelles expériences, qui lui assure un moyen de montrer qu'il est unique et de se distinguer. La pratique du libéralisme économique touristique lui est étrangère. Son goût pour le singulier l'authentique l'éloigne des voyages all-inclusive, où tout est rationaliser et méticuleusement organisé. Le tourisme s'étant démocratisé, il ne se distingue non plus par la pratique de cette activité, mais par son contenu, en innovant sur le choix des destinations ou les modes de tourisme. A la lumière de ces informations sociologiques, le choix du gouvernement malgache de développer un écotourisme haut de gamme paraît relativement prometteur pour le futur.

2.2.2 L'expérience écotouristique incite à la sensibilisation

Par ailleurs, l'écotourisme présente plusieurs aspects qui pourraient séduire ces prescripteurs en quête de distinction. C'est un mode de tourisme alternatif qui, bien qu'en pleine expansion, reste une niche du secteur. Ces principes de solidarité et préservation tendent à s'opposer à un tourisme de masse, gourmand en espace et en ressources. Il met l'accent sur la découverte et la connaissance du patrimoine culturel et naturel, et ne se présente pas comme un simple loisir, divertissement. L'écotourisme en appel à la découverte des lieux d'accueil, et non à la visite. Plus qu'un client en quête de satisfaction, l'écotouriste cherche à cerner son environnement, à le connaître pour mieux le respecter. Il retourne aux sources du tourisme, animer par un goût de l'étrangeté.

« L'étrangeté demeure l'énigme du tourisme : elle suscite la curiosité du voyageur prêt à devenir curiste, photographe, ethnologue, pionnier, aventurier, etc. » [Rauch, 2002]

En faisant du tourisme un moyen d'aiguiser la curiosité du voyageur, sa mission devient alors aussi éducatrice. Ne dit-on pas d'ailleurs que « les voyages forment la jeunesse » ? Le tourisme 4S, bien que plutôt répandu dans l'offre touristique, paraît loin de cet idéal formateur. Les zones de développement du tourisme de masse, souvent mises à l'écart, sont certes génératrices de revenus et d'emplois, mais n'offrent que peu d'opportunités de contact avec la population locale. Lorsque ces deux groupes sociaux se rencontrent, touristes et autochtones, c'est souvent à travers une mise en scène bien organisée, où chaque tient un rôle, parfois stéréotypé : les souks de la médina de Marrakech, la rencontre des tribus de montagne en Thaïlande, etc. Les populations locales font elles-mêmes l'objet d'une conservation, en tant que porteuses de traditions et d'un capital culturel « à ne pas manquer », lors d'une prochaine visite programmée par un tour-opérateur, soucieux d'offrir à ses clients le meilleur au moindre prix. La mission éducatrice du tourisme a-t-elle pour autant failli ? Peut-être pas.

Ces visites, aussi organisées et illusoires soient-elles, demeurent un moyen d'entrée en contact avec un environnement qui nous est inhabituel et étranger, duquel nous pouvons tirer des expériences et des souvenirs.

« Le tourisme, par son origine et son essence, a valeur formatrice. Inculquée à l'école, soutenue par les médias, cette fonction du tourisme est la garantie que les sites et les populations d'accueil ne peuvent être que bénéficiaires de la venue de touristes de plus en plus nombreux. » [Boyer, 2002]

Cette valeur formatrice découle justement de l'expérience que le touriste peut vivre lors de son séjour. Cette volonté de s'intéresser au lieu d'accueil peut changer la vision et le jugement des voyageurs, par ce qu'ils ont vécu. Quel lien y a-t-il entre l'apprentissage par l'expérience et la préservation de l'environnement malgache ?

« [...] il est d'autant plus aisé de convaincre des individus de protéger la Nature si ces derniers ont vécu une expérience directe dans un environnement naturel. » 20(*)[Marshall, 2006]

Derrière cette hypothèse se cache l'idée que nos attitudes ne sont pas uniquement le fruit de choix dépendant du temps et de l'argent, mais que d'autres facteurs entrent en compte. Cette analyse relève de la psychologie environnementale, qui tente d'expliquer les mécanismes liés à la production d'actes et d'attitudes. Comment l'expérience vécue lors du voyage peut-elle modifier notre perception de certains objets, comme la protection de la nature par exemple ? La psychologie de l'engagement, développée par Charles Kiesler en 1971, apporte un nouvel éclairage sur les raisons qui nous poussent à agir ou penser d'une manière plutôt qu'une autre.

« L'engagement serait tout simplement, pour [Kielser], le lien qui existe entre l'individu et ses actes. [Ainsi], seuls les actes nous engagent [et] on peut être engagé à des degrés divers [...]. » [Joule, Beauvois, 2002]

Cette théorie, mise en pratique dans le cadre de la protection de l'environnement, signifie qu'une personne ayant eu un lien direct avec la Nature, par le biais de la visite d'un parc naturel, d'un zoo, par la participation à des actions de préservation de l'environnement, ou même en séjournant dans un lieu éco-responsable, sera plus enclin à défendre ce patrimoine naturel. L'action intrinsèquement éducatrice du tourisme, et plus encore de l'écotourisme, se retrouve dans ce principe. Le fait de prendre part, mais inconsciemment, à des « actes préparatoires » de plus au moins coût faible, l'individu sera porté à changer ses attitudes envers l'objet de l'expérience, car « l'attitude est l'évaluation globale que porte une personne sur un objet » [Joule, Beauvois, 2002]. Concrètement, le touriste peut être poussé à agir en faveur de la protection de la biodiversité par le simple fait d'y avoir vécu une expérience, qui le rend alors plus sensible à cette cause. Finalement, il importe peu que cette expérience soit mise en scène ou relève du vrai, seul la curiosité, l'envie de découvrir (acte d'engagement) va amener ce touriste à porter un avis plus favorable à la préservation du capital naturel (au moins), voire à s'engager personnellement dans cette cause (au mieux).

2.2.3 La valorisation est une gestion durable du patrimoine, assurant sa préservation et la sensibilisation du touriste

Le patrimoine écologique est sans aucun doute le trésor de Madagascar, son incroyable diversité lui a même valu la création du néologisme « mégabiodiversité ». Cet atout extraordinaire n'a pas échappé au gouvernement malagasy, qui a vu en son capital biologique une base solide pour initier le développement du pays. Madagascar a d'ailleurs été l'un des pionniers en matière de création d'aires protégés, car la première réserve naturelle a vu le jour dès 1927. Cette volonté de conservation de la biodiversité, qui a continué jusque dans les années 1970, s'est pour autant trouver face à un dilemme. En fait, si la conservation stricte est bien une réaction aux stratégies agricoles traditionnelles, prédatrices pour l'environnement, elle ne fait que déplacer le problème, sans réellement le traiter. L'agriculture extensive et la culture sur brûlis (tavy ou hatsake) sont des modes de production très répandus mais très gourmands en ressources. Ces pratiques sont surtout une réponse à l'insécurité foncière et l'instabilité des revenus. Pour tenter de traiter le problème au coeur et espérer préserver durablement la biodiversité, trois grandes initiatives ont été prises, à plusieurs niveaux. La première concerne la décentralisation du pouvoir de gestion des ressources naturelles renouvelables (RNR) vers les communautés locales, telle que le prévoit notamment la GELOSE. La seconde consacre le soutien d'ONG à la gestion responsable et durable des Parcs Nationaux (PN) et au soutien d'initiatives locales. Cela a permis le passage d'un état de conservation absolue du capital naturel, où toute activité humaine était proscrite, à un mode de préservation responsable et réfléchie, où la valorisation des aires protégées apparaît comme un moyen d'exploiter durablement ces ressources. Enfin, la troisième laisse aux communautés locales la possibilité de développer des initiatives d'exploitation de la biodiversité en périphérie des PN, pour qu'elles puissent aussi tirer des bénéfices directs de ces aires. S'il est vrai que le tourisme, et surtout l'écotourisme, n'en pour l'instant encore que peu profitable aux acteurs locaux, nous retiendrons qu'il représente une alternative incontestablement profitable à la minorité qui jouie des recettes. Non seulement leurs revenus sont devenus plus sûrs et stables dans le temps, mais en plus cette nouvelle activité les a sédentarisés, abandonnant, au moins partiellement, leurs méthodes agricoles destructrices.

D'un autre point de vue, la gestion durable et pérenne des ressources naturelles doit aussi se faire du côté du touriste, cet individu si mobile, dont l'objet est bien de trouver ailleurs ce qu'il n'a pas chez lui. Ce que Madagascar a à lui offrir est cette étonnante richesse naturelle, dont la majorité des touristes font l'objet de la visite, avec 55% des arrivées justifiées par l'écotourisme. La tentative d'intégration de l'activité touristique au sein du tissu local différencie les modes de tourisme alternatif -dont l'écotourisme- et le tourisme de masse, caractérisé par son exclusion spatiale et sa faiblesse de contacts avec les populations locales. Or, ce sont justement les expériences que peut vivre un individu qui vont l'amener à changer sa perception de l'environnement21(*) et ses attitudes. En faisant de son séjour non plus une visite mais une opportunité de découverte, le touriste sera plus sensibilisé à l'objet de son expérience. Ainsi, vivre au contact de communautés et de l'écosystème fera qu'une personne sera plus disposée à agir de manière responsable et en faveur de la préservation de cet environnement.

3 En s'intégrant plus au tissu socio-économique local, l'écotourisme répond à une double attente

La valorisation des écosystèmes est une stratégie répandue dans les pays en développement, qui, bien souvent, disposent d'une richesse biologique suffisamment abondante pour en faire un vecteur de développement. A l'idée très actuelle et conceptuelle de gestion plus responsable des ressources naturelles vient aussi s'ajouter une ambition de valorisation économique de ce capital. Cette optique, propre à l'ensemble des activités touristiques, est abordée d'une manière relativement différente par l'écotourisme. L'intégration à une filière globale, mondiale, caractérise le fonctionnement du tourisme traditionnel, où les opérateurs privés, en aval (tour-opérateurs), contrôlent et canalisent l'essentiel de cette filière et des revenus, laissant en amont, aux acteurs locaux, qu'une infime partie des bénéfices. Aujourd'hui, 80% des revenus issus d'un voyage all-inclusive reviennent aux firmes internationales d'hôtellerie ou de transports par exemple [TIES, 2006]. Par son essence, l'écotourisme se différencie en proposant une approche plus intégratrice envers les communautés locales. La définition qu'en fait Ceballos-Lascurain (1996) rend compte des dimensions soutenues :

« Voyage et visite environnementalement responsables dans des espaces naturels relativement calmes dans le but d'apprécier la nature [...], qui promeuvent la conservation, créent de faibles impacts et participent activement à l'amélioration socio-économique des populations locales. » [Ceballos-Lascurain, 1996]

L'accent est porté sur deux principaux aspects, points centraux de la pensée écotouristique : la réduction de l'impact sur l'environnement et le développement des communautés locales grâce à leur intégration dans l'activité - Wunder considère l'aspect éducatif comme le troisième critère de l'écotourisme. Ce lien de proximité et de coopération entre les acteurs d'amont est à la base du « cercle vertueux » de l'écotourisme, décrit par Wunder (2000). Nous tâcherons de mettre en lumière les mécanismes qui assurent le bon fonctionnement de ce modèle.

3.1 Une redistribution notable des revenus crée un contexte favorable au développement local

L'analyse de l'écotourisme se fait essentiellement en termes d'impact sur l'environnement dans la littérature universitaire. Conservation, préservation ou dégradation des ressources naturelles sont des notions récurrentes lorsque l'on aborde le thème du tourisme responsable. Mais le terme « écotourisme » renvoie cependant à d'autres champs, qui peuvent se présenter sous trois conditions [Wunder, 2000]:

§ Minimiser l'impact sur l'environnement (aspect écologique)

§ Donner au touriste une conscience écologique par la dimension éducative et sensibilisatrice de l'activité (aspect éducatif - voir partie 2.2)

§ Faire bénéficier au mieux les populations locales des revenus générés en les intégrant plus à la filière (aspect socio-économique)

Cette dimension économique et sociale est d'autant plus centrale qu'elle concerne les retombées et mutations engendrées par l'écotourisme au sein des communautés locales. Elle porte donc sur des critères déterminants pour assurer un avenir et un succès à long terme à ce nouveau mode touristique. L'analyse économique de l'écotourisme résume fondamentalement la question de la valorisation du capital naturel. En effet, les IFI et des autres bailleurs de fonds intègrent la bonne gouvernance des ressources naturelles, par le biais de l'écotourisme et de la valorisation de la biodiversité donc, dans un cadre plus global de programmes initiateurs de développement dans des pays où le patrimoine écologique s'avère être une opportunité de croissance.

3.1.1 L'écotourisme, un moyen de valoriser économiquement une région

L'écotourisme, en tant que moyen au service du développement et non fin en soi, se base sur un fonctionnement autorégulateur qui, une fois impulsé, à la capacité, au moins théorique, de s'auto-entretenir. La conceptualisation de ce modèle est connue sous le nom de « cercle vertueux » de l'écotourisme, et fait état de plusieurs étapes (voir Annexe 2). (1) Le développement touristique en est le point de départ. Il repose sur un réseau touristique local autonome, où les acteurs locaux sont au coeur de la filière. (2) Les actions de promotion et de valorisation de la biodiversité mises en place ont pour but de générer de nouveaux revenus (Biodiversity pays for itself). (3) Cette nouvelle source de profits va modifier les modèles sociaux et économiques établis, changeant non seulement la structure des emplois mais aussi les modes de production. (4) Ainsi, les méthodes d'exploitation existantes des ressources tendent à devenir plus durable, allant jusqu'à la substitution des modes les plus dévastateurs au profit d'une conscience écologique. La biodiversité n'est plus vue comme un moyen de survie mais comme une source de revenus à plus long terme. Ce changement d'attitudes conduit aussi à protéger les ressources naturelles des menaces extérieures (exploitation minière ou pétrolière, déforestation sauvage, mauvaise conduite touristique, etc.). (5) L'ensemble de ces conduites plus responsables mène à un soutien à la protection des écosystèmes, action elle-même directement liée au développement du tourisme vert, fermant ainsi la boucle [Wunder, 2000].

La description du fonctionnement de ce cercle est cependant incomplète, car les clefs de son succès reposent sur deux hypothèses venant s'ajouter au cadre posé par ce processus. Ces dernières s'affichent comme des éléments décisifs pour rendre ce modèle efficace, et portent sur sa dimension économique.

· La création et la distribution de revenus doivent être suffisamment avantageuses pour intéresser les populations locales - utilisation du terme incentives en anglais.

· Ces revenus supplémentaires sont facteurs d'une dynamique de changement socio-économique, favorable à la conservation.

La première hypothèse implique d'entrée une forte participation des communautés locales dans la filière touristique. En effet, pour percevoir des revenus de cette activité, elles doivent y prendre part, ce qui peut se faire à des degrés divers. Elles peuvent être totalement responsables des opérations d'amont, en tant que propriétaires des établissements par exemple, créant un tissu économique local dont la gestion, et les bénéfices, ne concerne que ces acteurs locaux. Il s'agit d'une forme de « tourisme autonome »22(*) caractérisé par des capacités d'accueil souvent réduites par des possibilités d'investissements elles-mêmes assez faibles. L'ensemble des revenus sont cependant récolté par les communautés. A l'inverse, le degré d'intégration le plus faible des populations locales dans l'économie touristique se fait par la salarisation de l'activité. Ce modèle est par exemple propre aux tours opérateurs de plus grande envergure, nationaux ou internationaux. Le développement de l'économie locale est fortement dépendant de la distribution de salaires et, de ce fait, de la capacité d'absorption des ressources humaines locales par ces entreprises. D'autres modèles, intermédiaires aux types autonome ou paternaliste23(*), existent, offrant aux communautés locales des responsabilités de gestion et des libertés d'action plus ou moins grandes, notamment par la délégation, la coopération ou les partenariats.

Pour la seconde hypothèse, les revenus générés doivent cependant être suffisamment conséquents pour que les bénéficiaires les considèrent en tant que tels. Le terme incentives donne une meilleure idée de leur capacité à induire un changement dans les comportements et les attitudes. La distribution des profits du tourisme, et qui plus est de l'écotourisme, ne doit pas uniquement être une nouvelle source de revenus mais un moyen d'enclencher un développement local durable et soutenable grâce au changement socio-économique qu'elle suppose. Le caractère « significatif » des revenus ne dépend pas uniquement du degré de participation des communautés, mais aussi de leur capacité à répondre aux besoins des écotouristes. Si la demande de tourisme responsable existe et s'accroît, l'offre, quant à elle, reste à se développer. Pour profiter des revenus potentiels de cette niche touristique, les communautés locales doivent être capables d'attirer cette demande. Cela se traduit par une nécessité d'investissements en hébergement, transport ou en capital humain par exemple.

3.1.2 En réalité, le modèle ne fonctionne qu'imparfaitement

Empiriquement, cette première hypothèse ne se vérifie que partiellement, réduisant les effets de levier induits par le modèle de Wunder. La capacité d'hébergement malgache s'est élevée à 13 340 chambres, réparties en 1 181 « hôtels » en 2007, d'après une étude menée par le MEEFT24(*) (voir Annexe 3), soit une moyenne de 11,3 chambres par établissement. La répartition effective fait plus état d'une grande majorité des établissements relevant du « petit hôtel » ou de la maison d'hôtes. Ces structures dépassent rarement les 10 chambres, à un tarif moyen d'environ 18 USD par nuitée (dont TVA à 20%). Le taux d'occupation avoisine les 63%, ce qui est sensiblement identique aux établissements de plus haute gamme [Banque Mondiale, 2003]. La faiblesse des capacités d'accueil s'avère être pénalisant dans la création de revenus, les salaires dégagés se situant en moyenne légèrement sous le salaire minimum (25,95€ au 01/01/2008)25(*) [OMEF, 2008]. La capacité d'investissement et le pouvoir incitatif des revenus de l'écotourisme en sont d'autant plus touchés qu'ils ne sont guère suffisants pour constituer une véritable alternative. Le poids des investissements paraît alors relativement lourd pour les acteurs locaux, dans des contextes de pauvreté et de précarité, ce qui limite la capacité à réagir et à s'adapter face à la demande.

De plus, la plupart des exploitations hôtelières dites traditionnelles sont la propriété d'investisseurs étrangers. Or, elles sont le type d'établissements le plus rentables dans ce secteur. Ce modèle d'exploitation paternaliste, basé sur la distribution de salaires aux ressources humaines locales, est loin du critère d'autonomie des activités soutenu par Wunder. A l'inverse, les petites structures et les écolodges respectent cependant mieux la dimension intégratrice et participative des populations locales. En effet, respectivement 78% et 75% de ces établissements sont gérés par des propriétaires locaux, dégageant non seulement des salaires mais aussi des revenus d'exploitation [Banque Mondiale, 2003].

Bien que ces salaires des hôtels traditionnels soient souvent supérieurs aux autres établissements, l'effet incentives n'est pour autant pas aussi notable que prévu en théorie. Plusieurs éléments peuvent explique cette distorsion. Tout d'abord, ce type d'exploitation n'est pas orienté vers une valorisation de la biodiversité, comme le seraient les écolodges par exemples. Ainsi, la conscience écologique ne naît pas forcément auprès des salariés, qui ne sont pas poussés à reconsidérer leurs rapports avec ce capital biologique. Ensuite, en tant que salariés, les populations locales ne sont pas prêtes non plus à abandonner leur mode de vie traditionnel pour dépendre d'une activité relevant d'investisseurs étrangers. L'insécurité procédant de ce manque de contrôle des revenus n'est guère incitatif à l'abandon des activités traditionnelles [Chaboud, Méral et Andrianambinina, 2004].

3.1.3 La coopération des acteurs favorise la participation locale

Ceci étant, la création et distribution de revenus peut dépasser la dichotomie emplois salariés/propriétaires. La participation locale exprime sous d'autres formes, comme le développement des activités gravitant autour du tourisme. La vente de biens et services locaux aux exploitants touristiques représente une opportunité nouvelle pour les prestataires. En tant qu'activité de services, le tourisme a besoin d'un ensemble de prestations connexes pour fonctionner. Le transport de passagers, la restauration, l'hébergement, la fourniture d'équipements ou l'artisanat sont autant de d'exemples de d'activités de support ou complémentaires au tourisme. La participation locale peut de ce fait s'exprimer par ces canaux périphériques au tourisme en tant que tel. Une étude réalisée par la Banque Mondiale en 2003 (voir Annexe 4) fait état de l'origine des sources d'approvisionnement des biens consommés par un hôtel de la capitale. Sur les 51 produits cités, 37 sont soit directement produits sur place soit importés puis distribués par des réseaux de vente locaux (73%). L'essentiel des produits d'alimentation utilisés par l'établissement sont ainsi fournis par des producteurs locaux, comme la viande, le poisson, le café ou le lait par exemple. De même, la plupart des fournitures de base sont issus de l'économie locale. Dans ce cas, il s'agit de biens dont la production ou l'entretien ne requièrent que peu de qualifications - menuiserie, matériaux de construction, vaisselles, draperies, etc. Seuls les biens à technique de production plus élaborée sont finalement exclus du circuit économique local, et de ce fait non rémunérateur pour les acteurs locaux.

Cette tendance à l'utilisation des ressources locales se retrouve aussi dans la filière des hébergements écotouristiques - ou écolodges. Si Madagascar représente un terrain propice au développement de ce genre d'établissements, le type de prestations proposé peut cependant notablement varier selon les endroits. Respectant les principes écotouristiques, la construction des écolodges se fait souvent avec des matériaux et une main d'oeuvre locale, ce qui offre un double avantage : d'une part les coûts d'investissements sont réduits, et d'autre part la participation locale est forte, impliquant un ensemble d'acteurs dans le projet, créant la synergie décrite dans le cercle vertueux de Wunder. Ces établissements s'adressent par ailleurs à un marché de niche très porteurs ; un soutien du Gouvernement aux investissements favoriserait d'autant plus le développement des écolodges et des activités périphériques.

De plus, une gamme variée de services liée à l'écotourisme émerge avec son expansion. Il peut s'agir d'activités de loisirs ou d'activités traditionnelles. Ainsi, les politiques de valorisation des ressources peuvent être l'opportunité de développer de nouvelles activités créatrices de revenus et respectueuses de l'environnement. Plusieurs centres de plongée ont vu le jour ces dernières années, notamment dans des zones protégées et dédiées à ce type de loisirs. Cette démarche amorce aussi un changement des modes d'exploitations de ressources et la définition de nouveaux cadres institutionnels [Chaboud, Méral et Andrianambinina, 2004]. La création de l'association FINIMANO à Anakao (Sud-Ouest) a permis la définition de zones protégées dont la pratique de la pêche traditionnelle est limitée voire interdite, laissant la place à une valorisation des écosystèmes marins par la plongée sous-marine et la mise en place d'une unité locale de surveillance, assurant le respect des règles. Cet accord est le fruit de la collaboration entre hôteliers et communautés locales, et est scellé par son inscription dans la dina. Bien que cette initiative n'ait pour l'instant induit que de faibles changements, notamment dans les pratiques traditionnelles, les conséquences existantes sont allées dans le sens du développement et de l'intégration des populations locales. En outre, cette distribution de pouvoir entre les membres d'une communauté mène aussi à une meilleure cohésion sociale et un renforcement des relations de confiance, ce qui favorise un respect des règles établies. Le développement d'un capital social communautaire, par la volonté d'impliquer chaque membre, doit conduire à un renforcement du groupe et de l'efficacité de la coopération [Ballet, Sirven et Requiers-Desjardins, 2007].

Si la participation locale est souvent appuyée par les initiatives écotouristiques (hypothèse 1), il est vrai que les changements socio-économiques ne sont pas toujours aussi forts qu'espérés (hypothèse 2). Deux principales raisons peuvent expliquer cette tendance. Tout d'abord, le niveau de revenus générés par les activités écotouristiques n'est guère assez élevé pour représenter une incentive suffisante à l'abandon des modes de production les plus destructrices et ainsi à faire de la biodiversité un capital économique durable. Ensuite, la jeunesse des activités écotouristiques n'incite pas encore les acteurs locaux à abandonner leurs modes de production traditionnelles. Dans un contexte de survie, ils ne sont pas prêts à devenir dépendants d'une activité dont le succès à long terme n'est pas encore garanti. Les changements socio-économiques se faisant à plus long terme, les revenus de l'écotourisme doivent donc bien se présenter comme un complément aux revenus traditionnels, et un moyen, à plus long terme, d'amener les populations locales à mieux valoriser leurs ressources naturelles et à abandonner leur vision court-termiste.

Le succès en demi-teinte du modèle vertueux de Wunder n'est pas exclusivement lié à son aspect économique et à la lenteur des changements d'attitudes. Il tient aussi l'adéquation de la population active disponible aux postes créés.

3.2 Les compétences locales, facteur déterminant de la participation des communautés

Le concept d'écotourisme fait de l'appropriation locale des enjeux un des ces principes fondamentales. Il s'agit de placer les populations locales au coeur-même de la filière, afin qu'elles deviennent les principales bénéficiaires de l'activité, aussi bien d'un point de vue économique que social, comportemental ou institutionnel. Or, la question de la participation ne peut s'envisager sans s'interroger sur l'employabilité des ressources humaines locales. Avant de pouvoir jouir des fruits de cette nouvelle activité, il faut avant tout que les communautés puissent y prendre part. Si ce raisonnement peut paraitre trivial, son application est certainement plus complexe.

Bien que peu organisé et structuré, le tourisme reste un des plus gros employeurs pour Madagascar. Les estimations du TSA26(*) font état que la filière globale du tourisme, c'est-à-dire l'industrie en soi et les autres secteurs liés à elle, devrait employer 10,1% de la population active du pays. Parmi ces 454 800 emplois, 135 300 dépendent directement de l'industrie touristique (hôtellerie, restauration, EVPT27(*), maisons d'hôtes, etc.) - ici, 3,0% de la population active. Et, outre une légère inflexion en 2009 et 2010, la tendance est à la hausse. Entre 2005 et 2020 (prévisions), le secteur global devrait avoir accru le volume d'emplois de 94,7% [WTTC, 2009].

Toutefois, rappelons que cette activité n'est un moyen de lutter contre la pauvreté qu'à la condition d'intégrer les populations à son développement, par l'adhésion des populations aux enjeux soulevés par l'écotourisme, ici. Or, cette appropriation des concepts défendus par ce mode touristique va largement dépendre du degré d'implication des employés dans ce secteur. L'action éducatrice et vectrice de changements de comportements et d'attitudes est à relativiser sur ce point. En effet, en matière touristique, et qui plus est écotouristique, deux problèmes peuvent compromettre l'ambition malgache à faire de cette activité un secteur porteur pour l'avenir : un défaut de qualification et un manque de structure et d'organisation.

3.2.1 Une employabilité forte dans les métiers les moins qualifiés

Tout d'abord, la question de l'employabilité est directement reliée au niveau de qualification des ressources humaines disponibles. Impliquer les populations locales dans une meilleure gouvernance des ressources est une chose, encore faut-il savoir s'il ne s'agit que d'une simple modalité de redistribution ou d'un moyen incitatif au changement, dans le cadre du modèle écotouristique de Wunder. L'employabilité ne s'envisage plus alors uniquement en termes de quantité, mais aussi responsabilités et types de travail. En effet, une enquête menée en 2004 dans le Sud-ouest de l'Île Rouge décrit l'impact sur l'emploi de plusieurs initiatives écotouristiques (voir Annexe 5). Sur les seules trois localités d'Anakao Nosy-Ve, d'Ifaty Rangily et du parc national de Ranomafana, plus de 250 emplois ont été créés, dont près de 90% sont occupés par des habitants de ces villages. Ce constat, certes encourageant, doit être précisé par le fait que la majorité des emplois détenus par les locaux sont des postes à faible niveau de qualification (entretien, guide, piroguier, etc.) [Lapeyre R., Andrianambinina D., Requier-Desjardins D. et Méral P., 2007]. L'empowerment prôné par l'écotourisme échappe donc partiellement aux populations locales, lesquelles sont plus reléguées au rôle de salariés d'un secteur contrôlé par des agents extérieurs. Cette situation est une conséquence directe du faible niveau de qualification des ressources humaines disponibles dans le secteur touristiques. Ce manque de connaissances et d'expertise laissent donc, de facto, aux acteurs privés, souvent étrangers, la responsabilité de valorisation des ressources et le pouvoir de dynamiser une région. Malgré le processus de décentralisation favorable aux communautés, celles-ci ne jouissent parfois que d'une dévolution fictive. Elles détiennent les ressources naturelles, mais leur valorisation économique leur échappe.

Le tourisme paternaliste est un mode répandu dans ce contexte, intégrant les populations locales par les biais d'emplois salariés. Cette caractéristique fait d'ailleurs que le type paternaliste est plus créateur d'emplois qu'un tourisme géré par les communautés par exemple. En effet, les établissements hôteliers « traditionnels » de gamme supérieure (3 étoiles et plus) ont un rapport personnel/chambre avoisinant les 1,7, contre 1,1 dans les plus petits hôtels et près de 1 dans les établissements écotouristiques. Ajoutons aussi que ces deux derniers types d'hébergements ont souvent des capacités d'accueil bien plus faible que les hôtels « traditionnels », dépassant rarement les 15 chambres [Banque Mondiale, 2003]. Le tourisme paternaliste représente donc une opportunité de travail bien plus abordable et répandue que les autres formes, proposant des emplois adaptés à une main d'oeuvre locale peu qualifiée. L'éventail de prestations annexes que requiert un établissement de plus haut gamme, ou tout au moins s'approchant des critères de qualité internationale, facilite la création d'emplois salariés accessible à tous et en moyenne mieux rémunérés que dans les autres établissements.

3.2.2 Le manque d'organisation et de structure du secteur est un frein à la synergie écotouristique

La salarisation des emplois touristiques présente certes l'avantage des revenus plus conséquents et plus stables, mais est loin d'intégrer les populations locales dans la gestion des enjeux. Economiquement parlant, les revenus redistribués sont dorénavant devenus un complément nécessaire, réduisant au moins partiellement la situation de pauvreté des populations. Ces emplois aident à lutter contre le fort chômage rural, créant une alternative aux activités traditionnelles de survie, comme l'agriculture. Ils sont aussi un moyen de sédentariser les villageois, réduisant ainsi les flux migratoires internes et surtout l'exode rural. Si le tourisme paternaliste n'apporte pas autant que le pourrait l'écotourisme aux communautés, cet aspect économique et social, par l'emploi, est un pis-aller dans un contexte d'extrême pauvreté, où le développement de l'écotourisme semble souffrir d'un manque de support.

Si la demande et la volonté de faire de Madagascar une destination écotouristique de premier rang existent, le développement de cette niche est ralenti par une structure et une organisation du secteur qui font défaut. La retombée sur les emplois et la redistribution de revenus s'en fait directement ressentir. Ces établissements, de taille souvent modeste (10 à 15 chambres), se situent majoritairement dans les zones enclavées, mal desservies. L'accès à ces villages est difficile, d'une part par la faible fréquence et fiabilité des moyens de transports, et d'autre part par le mauvais état des infrastructures de communications reliant ces zones. Le transport est long et cher, non seulement pour les personnes, mais aussi pour les marchandises. De même, la qualité des services proposés est inférieure aux établissements hôteliers traditionnels, excepté les rares écolodges haut de gamme. Les normes internationales d'hébergement ne se rencontrent que peu de fois en réalité. Aucune norme n'existant d'ailleurs en termes d'écotourisme, la qualité des prestations varie très largement. Institutionnellement, le manque de transparence de établissements écotouristiques, ne jouissant d'aucune certification reconnue et reconnaissable, peut laisser le consommateur dans une certaine confusion dans ses choix. La conséquence directe pour les établissements est une faiblesse de fréquentation, impliquant une adaptation des ressources humaines à cette situation, celle-ci étant due à un défaut d'infrastructures correctes et un défaut de lisibilité.

De plus, la coopération entre les acteurs est une condition essentielle au tourisme pour en faire un vecteur de développement régional. Or, ce pouvoir de négociation semble parfois faire défaut aux communautés à Madagascar : ne valorisant pas elles-mêmes les ressources naturelles, le montant des revenus perçus va être le fruit de négociations entre ces protagonistes. L'association Madagascar National Parks, gestionnaires des parcs naturels, reverse par exemple 50% de ses recettes aux communautés. Des partenariats communautés-privés peuvent exister pour soutenir le développement local. C'est le cas de certains opérateurs privés de la région d'Ifaty, qui font appel aux services locaux de transports (pirogues). Mais ces accords ne sont porteurs qu'à la condition où chacune des parties respecte ses engagements, ce qui, malheureusement, n'est pas toujours le cas [Chaboud, Méral et Andrianambinina, 2004].

L'Etat malgache semble aussi répondre à cette nécessité de structuration du secteur en créant des programmes d'appui et de professionnalisation du tourisme. Cette démarche fait partie des priorités établies dans le Défi 8, Engagement 6 du Madagascar Action Plan, « promouvoir et développer intensivement le secteur du tourisme » [MAP, 2006]. La création de l'Institut National de Tourisme et d'Hôtellerie (INTH) à eu pour vocation d'assurer la formation aux métiers du tourisme, en proposant des filières de formation initiale et continue, pour faire de ce secteur une véritable activité professionnelle. Selon l'INTH, son objectif est de « former au métier de demain et au besoin des entreprises ». Cette formation, d'une durée de deux ans, sanctionne d'un Diplôme d'Etudes Supérieures en Tourisme et Hôtellerie (DESTH), et incluse douze semaines de stages. La professionnalisation des métiers du tourisme et de l'hôtellerie permet d'améliorer la qualité générale des prestations touristiques de l'île, dynamisant ce secteur, créant une opportunité aux acteurs locaux de mieux maitriser les enjeux de cette activité et de profiter à un degré plus poussé des vertus de l'écotourisme.

Cependant, une meilleure intégration des activités touristiques dans le tissu local peut aussi répondre à d'autres attentes. Si les enjeux économiques et sociaux sont surtout profitables aux communautés, le touriste n'est pas non plus laissé pour compte en décidant de pratiquer l'écotourisme.

3.3 L'écotourisme fait de l'exotisme une expérience et non un spectacle.

Le tourisme, comme tout service ou tout échange en général, doit se concevoir par l'interaction d'au moins deux entités : le visiteur et le visité, le pays émetteur et le pays d'accueil, le client et le prestataire, etc. De ce fait, les retombés de l'écotourisme devrait être envisagées de ces deux points de vue, pour en assurer un développement pérenne et à long terme, justifiant son existence comme une pratique alternative et non comme une nouvelle tendance éphémère, issue d'une mode du durable. Cerner les attentes des visiteurs et comprendre les raisons de ces flux migratoires temporaires sont des moyens d'assurer la satisfaction de ces personnes. Si la pratique du voyage est un loisir qualifié de moderne, cela ne tient pas du hasard. Les approches s'intéressant aux raisons qui poussent s'adonner à cette activité mettent en évidence deux principales explications. La première, décrite par Dean Mac Cannel (1973), se base sur une opposition fondamentale entre l'ordinaire et l'extraordinaire, le quotidien et le dépaysement, le tourisme est un moyen de s'évader d'une routine quotidienne industrialisée et urbanisée pour retrouver une authenticité perdue dans les sociétés modernes. La seconde préfère voir le développement des moyens de transports et des nouvelles technologies comme des facteurs facilitant la mobilité des personnes et la diffusion des symboles, créant une inclinaison au voyage et un modèle touristique [Evrard O., 2006].

3.3.1 L'imaginaire crée la vocation du voyage

Ces deux approches ne sont cependant pas antagonistes, au contraire, elles font toutes deux appel à un système de représentations du voyage conditionnant le regard porté sur la destination (voir Annexe 12). Avant d'en faire l'expérience, l'attractivité d'un lieu est surtout déterminée par l'imaginaire que l'on en a, un imaginaire géographique dont les images sont un support essentiel. Leur « pouvoir évocateur » suscite l'envie du voyageur, pèse sur son choix de destination et sur son itinéraire de visite. Elles déterminent le « pittoresque », l'authentique, par avance, guidant le visiteur dans ce qu'il doit voir et faire [Staszak, 2006].

« Paradisiaques, authentiques, calmes, îles de rêves... Les images associées aux îles polynésiennes sont toujours les mêmes, quels que soient le pays et les personnes qui les évoquent. L'aura du mythe de Tahiti et ses îles est fort, très fort, il a traversé les âges et les continents sans une égratignure... »28(*)

Cette description est extraite d'une étude visant à déterminer la perception des îles polynésiennes dans six pays européens. Elle fait ressortir une uniformité de l'imaginaire, faisant référence aux stéréotypes de Tahiti : paradis terrestre, tranquillité, dépaysement, etc., et ce quel que soit la nationalité des interrogés. Ce pouvoir de la représentation par l'image est d'autant plus fort aujourd'hui que les moyens de diffusion sont nombreux et omniprésents : media, catalogue, agence de voyages, reportage...

La perversion de cet exotisme créé est immédiate : le visiteur ayant des attentes directement liées à la représentation qu'il s'est fait de la destination, le voyagiste se doit de proposer des prestations conformes à cet imaginaire. La quête de l'authenticité du voyageur dérive rapidement vers la consommation de l'inauthenticité du touriste, ce que Jean-Didier Urbain nomme « le complexe du faux ». En transformant la réalité pour l'adapter aux représentations assimilées a priori, le visiteur devient complice d'une marchandisation de l'exotisme, d'une mise en scène des traditions et de la culture, condamnées à être une attraction figée, non évolutive, car présentées comme telle. Cette folklorisation est pourtant courante : les établissements hôteliers n'hésitent pas à s'approprier des objets symboliques de la culture locale pour créer une atmosphère plus vraie que nature, les spectacles et danses folkloriques contribuent à cette théâtralisation de la culture [Staszak, 2006].

Pour autant, il faut admettre que cet imaginaire, créé par le discours touristique, est nécessaire à l'élaboration d'une identité touristique d'une destination - que serait l'Egypte sans les pyramides et le Kenya sans ses safaris ? C'est ensuite en soumettant ces stéréotypes à l'expérience et à la réalité que les visiteurs vont diffuser et légitimer cette identité. La notoriété du Parc de Yellowstone vient autant de la beauté du lieu que de la mise en scène d'une expérience sauvage, semblable à la conquête de l'Ouest à l'époque des trappeurs [Villerbu, 2006].

3.3.2 L'écotourisme comme système de représentation de l'identité touristique malgache

Au regard de ces connaissances, le choix de l'écotourisme à Madagascar devient d'autant plus intéressant. En effet, si le tourisme malgache est jugé à fort potentiel grâce à la valorisation de son incroyable biodiversité, cette activité reste naissante, peu développée et peu structurée pour l'instant. Ainsi, le gouvernement, et plus encore les acteurs du tourisme, doivent considérer cette opportunité pour créer un imaginaire basé sur une pratique saine et respectueuse du tourisme, où l'écotourisme est au centre des représentations. La Grande Île dispose d'atouts considérables afin d'aboutir à ce dessein. La demande touristique de l'île est aujourd'hui essentiellement basée sur un public averti ses richesses biologiques, l'écotourisme étant la première raison évoquée (voir Annexe 6). Or, à créer un référentiel d'images liées à l'écotourisme malgache, cette destination pourrait se voir fréquenter par un public plus large. De plus, le visiteur, peu désireux de passer pour un touriste, mais plutôt pour un voyageur à la recherche de l'authenticité de la rencontre, se verra séduit par l'intégration de la filière écotouristique au tissu socio-économique local (voir Annexe 12). La jeunesse du tourisme malgache est une chance pour diffuser la réalité d'une destination exotique. Ce terme d'« exotisme » renvoie à un double éloignement, l'un géographique, l'autre temporel. Cette dernière dimension fait souvent référence à la quête du voyageur pour un passé révolu, un Paradis terrestre, d'où le choix fréquent d'un tourisme à destination des pays du Sud [Lestringant, 2007]. Madagascar, avec ses merveilles naturelles et son taux d'endémisme des espèces hors normes, paraît être une candidate idéale à ce rôle. L'écotourisme peut laisser vivre un exotisme moins réducteur et plus dynamique, en laissant aux acteurs locaux la possibilité de choisir les images diffusées.

L'objectif de cette partie a été de mettre en lumière les bénéfices produits non seulement du tourisme, mais surtout d'une intégration plus forte de cette activité dans le tissu socio-économique local. L'écotourisme se caractérisant par sa valorisation des ressources naturelles, son faible impact sur l'environnement et par l'amélioration socio-économique des communautés, l'étude des retombés de cette pratique pour les acteurs engagés dans la filière paraît incontournable. L'analyse la plus poussée dans ce domaine provient de Sven Wunder (2000), qui a modélisé le fonctionnement de l'écotourisme. Son caractère autorégulateur est souligné par l'expression « cercle vertueux de l'écotourisme ». La description de ses mécanismes fait intervenir deux hypothèses cruciales dans le succès de cette pratique touristique : la première insiste sur le caractère incitatif que doivent représenter les revenus issus de cette nouvelle activité. Ces incentives sont nécessaires pour capter une partie de la population active et créer une alternative soutenable et réaliste à des modes de production plus destructeurs. La seconde hypothèse met en avant les changements socio-économiques, comportementaux et institutionnels induits par le développement d'une activité écotouristique. Cette dernière serait favorable à une transformation des modes de production et à une valorisation durable des ressources naturelles.

Confrontée à la réalité, le modèle théorique du cercle vertueux semble connaître quelques dysfonctionnements. En effet, la configuration actuelle de l'offre touristique malgache ne permet pas de créer des moyens incitatifs suffisants pour faire de l'écotourisme une activité alternative réaliste et, de ce fait, à susciter des changements socio-économiques de profondeur. Plusieurs raisons peuvent être évoquées pour expliquer ce décalage entre le modèle et les faits. Tout d'abord, l'offre touristique malgache se compose essentiellement de petits structures (10 voire 15 chambres), gérées de manière familiale. Bien que représentant un fort potentiel pour le développement de l'écotourisme, ces hébergements ne génèrent guère suffisantes de revenus pour prétendre à être une activité alternative à plein temps. A l'inverse, les établissements hôteliers de plus haut gamme et capacité sont bien plus attrayants : la plus haute qualité de leurs prestations demande plus de main-d'oeuvre et les salaires redistribués sont supérieurs à la moyenne du secteur. Pourtant, cette opportunité présente l'inconvénient de limiter la participation des populations locales dans les enjeux. Ces établissements dépendant majoritairement d'investisseurs étrangers et la faiblesse du niveau de qualification des ressources humaines locales font que le tourisme paternaliste domine. L'appropriation locale des enjeux dépend éminemment de la capacité des communautés à répondre aux opportunités créées par le tourisme, et surtout l'écotourisme. L'ouverture récente de l'Institut National de Tourisme et d'Hôtellerie est une initiative marquante le souhait de professionnaliser ce secteur à fort potentiel, mais dont les retombées échappent souvent aux acteurs locaux.

La jeunesse et la faible organisation de l'écotourisme malgache en réduisent aussi ses effets vertueux. Aussi incitatives soient les revenus, le processus de changements socio-économiques s'observe sur un long terme, car les populations locales se sentent rarement prêtes à abandonner radicalement leurs pratiques traditionnelles et ancestrales pour une activité dont les bénéfices sont encore incertains à plus long terme. Cette aversion explique que les changements dans les modes d'exploitation des ressources naturelles soient pour l'instant relativement faibles. Il n'empêche que dans un contexte de fort chômage, comme dans les zones rurales malgache, l'opportunité que représente ces nouvelles activités touristiques est non négligeable, bien qu'elles ne répondent qu'imparfaitement aux critères d'empowerment des communautés. Le développement du tourisme ne peut être perçu que comme un avantage pour la région d'accueil ; si ses formes peuvent varier, les retombées joueront en faveur du développement local, à des niveaux certes plus ou moins poussés. L'absence de tourisme serait, au contraire, plus dommageable [Boyer, 2002]. Enfin, si le tourisme malgache n'en est qu'à ses débuts, la Grande Île devrait pouvoir tirer partie de cette situation en plaçant l'écotourisme au coeur de son identité touristique. Cette démarche a pour objectif de faire de Madagascar une destination symbole de ce nouveau mode touristique dans l'imaginaire des visiteurs, évitant ainsi les travers d'un exotisme mis en scène et réducteur.

Or, cette dernière recommandation implique deux éléments : les voyageurs internationaux doivent représenter une grande part du tourisme malgache (critère d'éloignement géographique de l'exotisme) et la promotion de l'Île doit réussir à toucher ce public distant.

4 L'écotourisme est un moyen de s'intégrer dans une filière globalisée

Après s'être penché sur les raisons et les moyens à déployer pour que Madagascar puisse voir en l'écotourisme un mode touristique plus soutenable et instigateur de développement, un aspect constitutif du succès des politiques touristiques n'a pourtant que peu été évoqué : les visiteurs. En effet, les bénéfices de l'activité dépendent certes des modes de gestion, mais surtout de capacité à créer un flux touristique, à capter un public consommateur des prestations. La démarche d'analyse des liens existants entre prestataires locaux et clients finaux demande d'élargir le champ d'étude, car le tourisme est un phénomène migratoire mondial. A considérer que Madagascar persévère dans sa politique de valorisation de sa biodiversité et de promotion de l'écotourisme, les probabilités pour que l'Île Rouge ne devienne une destination écotouristique de premier rang seraient assurément hautes, disposant déjà d'un avantage absolu (la biodiversité) et travaillant au développement d'un écotourisme de qualité.

La « mondialisation touristique » se définit autant par la présence mondial de l'activité et que par sa dynamique de promotion internationale, oeuvrant à faire connaître les destinations à tout un chacun [Violier, 2003]. Le tourisme est une opportunité pour un pays de s'exposer sur la scène internationale et d'intégrer la marche de la mondialisation, grâce aux flux monétaires et de personnes que génère ce secteur. Cette ouverture des pays par le tourisme est une nouvelle voie explorée par les territoires les plus petits, surtout depuis les années 1960. Cette stratégie est une alternative à un rattachement à des territoires souverain plus puissants (DOM-TOM, Hawaii, etc.), dans le but de soutenir le développement de l'île [Duvat, 2006]. L'analyse de ce processus d'ouverture passe par l'étude des flux touristiques : à qui s'adresse cette mise en tourisme ? Qui sont les pays émetteurs ? Comment se faire connaître auprès des voyageurs internationaux ? Les spécificités de l'écotourisme répondent-elles aux exigences de la filière touristique mondiale ? La création d'un flux touristique mondial vers la destination malgache est un élément indispensable à la réussite des politiques écotouristiques menées jusque là.

4.1 L'Europe, principale zone émettrice à destination de Madagascar

Le tourisme malgache est encore peu développé et assez confidentiel, comme c'est le cas dans l'ensemble de la zone sub-saharienne, à l'exception de l'Afrique de Sud. Les pays de cette région géographique ont souvent choisi un tourisme spécialisé, jouant de leurs avantages pour se faire une place sur un marché international : safaris du Kenya, tourisme balnéaire à Maurice ou tourisme de luxe aux Seychelles.

4.1.1 Une forte fréquentation française

La fréquentation touristique de Madagascar tient aujourd'hui plus au passé historique qu'à la promotion d'une véritable identité touristique, encore en construction. En effet, les visiteurs français sont les principaux arrivants étrangers à fréquenter la Grande Île pour raison touristique. En 2007, 58% des touristes provenaient de France, une proportion relativement stable depuis plus de 10 ans. L'Île Maurice est le second pays émetteur, avec prêt de 10% des visiteurs sur la dernière décennie (voir Annexe 7). La proximité de cette République et le passé commune avec Madagascar, toutes deux anciennes possessions coloniales françaises, expliquent le développement des relations et des échanges entre les deux nations. Maurice fait cependant office d'exception quant à l'origine des visiteurs. En effet, la grande majorité des arrivants (autour de 75%) provient plutôt des pays du Nord, et plus précisément d'Europe de l'Ouest et d'Amérique [MEEFT, 2009].

Ce constat reflète une tendance plus globale. A l'échelle mondiale, l'Europe et l'Amérique sont des zones émettrices majeures, représentant respectivement 55,2% et 16,5% des voyageurs internationaux. La zone Asie-Pacifique n'est cependant pas en reste, générant 19,7% des touristes mondiaux [UNWTO, 2009]. L'Allemagne, les Etats-Unis et le Japon forment le trio de tête des pays émetteurs. Il n'est pas étonnant de constater que ces nations figurent parmi les premières puissances économiques mondiales. Ainsi, la corrélation entre pouvoir économique et inclinaison au tourisme paraît assez à établir.

4.1.2 L'écotourisme, premier motif de visite

Une enquête Banque Mondiale (2003) fait état que l'écotourisme est la principale raison de visite invoquée par les arrivants (55%). La beauté des paysages et l'incroyable biodiversité des espèces place Madagascar parmi les premières destinations choisies sur ce critère, ses principales concurrentes se situant d'ailleurs essentiellement en Amérique Centrale. Le tourisme balnéaire « Soleil et Plage » en est la seconde raison invoquée (19%). Or, ces deux types de touristes envoient vers des visiteurs originaires du Nord. En effet, les traits du profil-type de l'écotouriste seraient ceux d'« un voyageur expérimenté d'âge moyen voire mûr, jouissant d'un haut niveau d'éducation et de revenus confortables, leader d'opinions et aimant partager ses expériences »29(*) [TIES, 2006]. Une étude menée dans ce cadre précise ce profil, précisant que les pratiquants de l'écotourisme avaient « entre 35 et 54 ans, possédaient à 82% un niveau d'éducation supérieur et voyageaient habituellement en couple »30(*). Ils sont pour la plupart ressortissants de pays développés, où la préservation de l'environnement tient une place de plus en plus prépondérante [Euromonitor International, 2008]. Ces caractéristiques expliquent que la quasi-totalité des voyages à destination de Madagascar provienne des pays du Nord, et plus particulièrement d'Amérique, du Royaume-Uni ou d'Allemagne. Ces pays, notamment les Etats-Unis et l'Angleterre, sont parmi les premiers à générer des écotouristes.

4.1.3 La faiblesse des liaisons internationales conditionne les arrivées

Au-delà des motifs écotouristiques, le taux d'arrivée sur l'Île Rouge des Français et des Mauriciens tient aussi à une raison plus pratique et évidente. L'accès à Madagascar pour un touriste international peut s'avérer relativement compliqué, du fait des faibles liaisons existantes (voir Annexe 12). Le transport aérien reste le moyen d'arrivée le plus utilisé. Huit compagnies internationales opèrent sur l'aéroport international d'Ivato, situé en périphérie de la capitale :

§ Air Austral (Réunion),

§ Air France (France),

§ Air Madagascar (Afrique du Sud, France, Italie, Kenya, Maurice, Réunion, Thaïlande et vols intérieurs),

§ Air Mauritius (Maurice),

§ Corsairfly (France),

§ Interair South Africa (Afrique du Sud),

§ Kenya Airways (Kenya),

§ South Africa Airways (Afrique du Sud)

A cela s'ajoute la liaison maritime assurée par Mauritius Trochetia, reliant Madagascar à Maurice et à la Réunion. Au vu des destinations desservies par ces moyens de transports, la forte fréquentation de Madagascar par les touristes français et mauriciens semble s'expliquer plus aisément.

Cependant, si le développement de l'écotourisme sur la Grande Île est dépendant d'une filière globale, laquelle est dominée par des tours opérateurs situés en aval et contrôlant les flux touristiques, l'écotourisme risque de perdre de son caractère alternatif et profitable aux communautés locales et de devenir une simple diversification de l'offre touristique [Lapeyre, Andrianambinina, Requier-Desjardin et Méral, 2007]. A défaut de règlementations de la filière, la possibilité de se mettre directement en relation avec les marchés émetteurs serait un moyen de contourner ces problèmes de répartition des pouvoirs.

4.2 Les innovations technologiques au service du développement écotouristique

Le pouvoir détenu par les tours opérateurs n'est pas inhérent au secteur touristique lui-même, mais traduit plutôt une certaine incapacité des acteurs d'amont à répondre aux opportunités, ce qui se vérifie d'autant plus dans les pays en développement. Dans des contextes de relative pauvreté, voire de réelle pauvreté, les acteurs locaux disposent rarement des moyens, qu'ils soient financiers, humains ou professionnels, pour exploiter de manière rentable la mise en tourisme d'une région, laissant la place aux groupes internationaux. De même, les pays du Nord, par les pouvoirs d'achat et leur temps de loisirs, sont les principaux générateurs de touristes. Ainsi, le fonctionnement traditionnel de la filière du tourisme de loisir international est tenu par des tours opérateurs occidentaux qui contrôlent le flux de voyages occidentaux à destination de prestations opérées par des gestionnaires occidentaux, la majorité des profits de l'activité échappant donc à la zone réceptrice. Si le trait est volontairement grossi, l'idée centrale demeure valable : l'intégration à la filière globale du tourisme passe par une standardisation des prestations d'amont pour répondre aux exigences des opérateurs gérant les flux touristiques. Les acteurs respectueux de l'écotourisme sans compromis s'exposent donc à une mise à la marge du circuit traditionnel : la rentabilité cède sa place à l'empowerment des communautés, qui captent une plus grosse partie des revenus. Les modes de gestion locale peuvent par ailleurs différer des attentes occidentales. Le manque de lisibilité actuelle qui règne parmi les prestations écotouristiques (ou dites comme telles !) ne contribue pas non plus à séduire des tours opérateurs, dont la réputation dépend largement de la qualité et la fiabilité de ses partenaires.

4.2.1 L'e-tourisme transforme les circuits de distribution

Si, par manque de moyens, les acteurs locaux de l'écotourisme malgache peuvent éprouver des difficultés à intégrer la filière globale traditionnelle, les innovations technologiques actuelles leur offrent une possibilité de contourner ce circuit en créant un lien direct avec son public cible. Cette opportunité s'avère d'autant plus intéressant à l'égard des PED que le recours au tourisme électronique et l'intérêt pour des formes de voyages innovantes et différentes vont croissantes (voir Annexe 12). Le baromètre OPODO indique qu'en 2009, 51% des Français ont préparé leurs vacances sur Internet31(*). L'utilisation des TIC32(*) devrait permettre aux PED de mieux se faire connaître, par la promotion de nouvelles destinations et de produits touristiques innovants, contribuant à construire leur image de marque auprès d'un public plus large et international, et à renforcer les flux intrants [CNUCED, 2005]. Internet répond aussi à la tendance des consommateurs à recherche des prestations personnalisées et personnalisables, au caractère authentique. Cet outil facilite l'accès à l'information, les aidant dans la préparation de leur prochain séjour. De plus, la multiplication de l'offre e-touristique permet aussi une comparaison plus aisée entre les opérateurs, une liberté du choix, autant sur le type que sur le prix des prestations et de partager des avis à propos de leurs expériences. Cette libéralisation de l'information confère aux consommateurs une liberté accrue dans ses choix. Certains sites Web se sont d'ailleurs spécialisés dans le créneau de la comparaison, regroupant les offres d'une pluralité d'acteurs (Opodo, LastMinute.com, eDreams, ou Expedia par exemple). Le développement de l'e-tourisme est devenu un moyen de court-circuiter le fonctionnement traditionnel de la filière touristique, provoquant un déclin de l'utilisation des systèmes de réservation informatisés (SRI) (voir Annexe 8). L'adaptation des opérateurs traditionnels a été nécessaire, et s'est même avérée bénéfique : en effet, l'e-tourisme est aussi un outil fort de productivité pour ses systèmes globaux de distribution (comme Sabre, Amadeus ou Galileo), qui obtiennent beaucoup plus rapidement des informations sur le profil de consommation de leurs clients, les aidant à modeler leur stratégie.

La flexibilité de ce nouveau mode de distribution des produits touristiques doit être considérer come une opportunité pour Madagascar de promouvoir ses atouts et de profiter d'un moyen d'ouverture internationale. Une organisation des professionnels du secteur permettrait aux organisations de gestion des destinations33(*) (OGD) de promouvoir et distribuer efficacement leurs prestations. Comme dans la plupart des pays en développement, et qui plus est dans les PMA, l'offre touristique malgache repose essentiellement sur un réseau de petites ou moyennes entreprises (PME), voire des très petites entreprises familiales. La diversité des acteurs et des prestataires n'en facilite pas la promotion ou la distribution. De plus, il est inconcevable de laisser à chaque prestataires de faire sa propre promotion, pour au moins trois raisons : dans l'abondance des offres déjà existantes sur Internet, leur visibilité serait quasi-nulle ; par le fonctionnement du système de référencement des moteurs de recherche, il est très probable que ce type de site Web soit perdu dans le « ventre mou » des résultats affichés (au-delà des dix premières pages) ; et le fait que seule 2% de la population malgache ait accès à Internet assombrie clairement la réalisation de cette hypothèse.

4.2.2 Organiser le secteur grâce aux systèmes de gestion des destinations

L'adoption d'un système de gestion des destinations (SGD) est une solution répondant au problème de disparité et d'hétérogénéité de l'offre touristique. Il s'agit d'outils informatiques répondant à deux fonctions majeures [CNUCED, 2005]:

§ Fournir des informations riches, complètes et de qualité aux visiteurs et leur simplifier les démarches, notamment de réservation

§ Mettre à disposition des prestataires de services touristiques un portail de référencement fiable et mis à jour, et assurant leur promotion et intégration sur le marché mondial

La mise en place d'un SGD fonctionnel maintient l'autonomie des acteurs d'amont et éviter le risque de dépendance (financière et d'arrivants) vis-à-vis d'autres intermédiaires, laissant les prestataires locaux jouir de leur capacité de gestion. Un SGD ne peut cependant qu'être le fruit d'une coopération entre pouvoirs publics et secteur privé. Les premiers ont pour rôle d'initier une stratégie nationale de promotion du tourisme et de créer un terreau propice au développement d'initiatives locales, notamment par des soutiens financiers ou par une veille économique pertinente, pour répondre efficacement aux objectifs du SGD (voir Annexe 9).

Selon les fonctions développées et les possibilités accordées par ces outils, les SGD se classent en quatre niveaux (voir Annexe 10) :

§ Le premier fournit uniquement des informations sur le lieu et répertorie les prestations disponibles

§ Le second ajoute une fonction de réservation en ligne

§ Le troisième dispose en plus d'une base de données utilisateurs, pour optimiser la personnalisation de la promotion et commercialisation

§ Le quatrième y inclut en sus une gestion correspond à la stratégie globale de la destination

Les PED s'en tiennent cependant souvent à un SGD de niveau 1, par manque de ressources financières, de stratégie ou de compétences en informatiques par exemple. C'est le cas de Madagascar, dont le site madagascar-tourisme.com représente le SGD (voir Annexe 11). Géré par l'Office National du Tourisme de Madagascar, il fournit un ensemble d'informations à caractère touristique : son histoire, les parcs nationaux, les modalités d'arrivée, la météo ou tous autres types d'informations pratiques. De plus, un grand nombre de prestataires y sont référencés, catégorisés par coeur de métier (Agences de voyages, Hébergement, Restauration et Tour opérateurs) permettant à l'utilisateur d'organiser son séjour. Les résultats obtenus présentent une description rapide de l'hôte, ainsi un lien direct vers le site Web et les coordonnées téléphoniques et postales de l'opérateur sélectionné, pour en connaître davantage ou entrer en contact.

L'hétérogénéité et la diversité des prestations touristiques dans les PED, dont Madagascar ne fait pas exception, a souvent conduit à une exclusion de ces derniers du circuit traditionnel de distribution des produits touristiques. Le manque de transparence de l'offre écotouristique (pas de normes ou de charte de qualité) et la faiblesse de ses capacités d'accueil ne favorise guère l'inversion de cette tendance. Pour palier à cette distorsion, certains opérateurs n'eu le choix que de se soumettre aux exigences de tours opérateurs réputés pour s'assurer un revenu faible mais stable. Cependant, la montée en puissance de l'e-tourisme tend à ouvrir de nouvelles opportunités à la fois pour le consommateur et les acteurs d'amont. En court-circuitant le processus de distribution traditionnel pour mettre ces deux parties directement en relation, les TIC élargissent les possibilités de choix et de comparaison pour le client et les moyens d'intégration et de promotion pour les prestataires de services. L'exploitation de cette opportunité est d'autant plus cruciale que la quasi-totalité des visiteurs de la Grande Île proviennent des pays du Nord, dont la France essentiellement. A cela s'ajoute l'intérêt croissant que portent les consommateurs aux nouvelles formes de tourisme, plus respectueuse de l'environnement et dont les prestations sont modulables et personnalisables. Une flexibilité à laquelle l'e-tourisme répond bien mieux que la filière globale traditionnelle.

La disparité et le manque de structure du secteur écotouristique malgache demande davantage de coopération entre secteur public et secteur privé, pour s'accorder sur les moyens à développer pour promouvoir et consolider cette offre. La mise en place d'un système de gestion des destinations est un outil essentiel à l'élaboration d'une image touristique, à la promotion des ressources touristiques et au renforcement des flux de fréquentation. Le déploiement d'un tel dispositif doit être soutenu par les pouvoirs publics, lesquels sont en charge d'aides au financement du projet, de référencement des acteurs, de soutien d'actions de promotion, et d'élaboration d'une stratégie touristique globale en accord avec l'image mise en avant. Si Madagascar a bien amorcée ce processus en confiant à l'Office National du Tourisme l'élaboration et la maintenance d'un tel site, les améliorations en termes de fonctionnalités et de simplification des opérations pour l'utilisateur restent à faire. Mais cela ne pourra être effectué qu'avec une amélioration globale et une meilleure accessibilité aux moyens de communication sur l'ensemble du territoire.

5 Conclusion Générale

Le développement durable est passé depuis les deux dernières décennies du statut d'utopie de préservation des richesses naturelles, prônée par quelques groupes minoritaires, à un concept plus concret communément adopté, à tous les niveaux, pour définir une stratégie de développement plus soutenable dans l'avenir. Au-delà de la vague écolo-solidaire (plus ou moins justifiée) inondant notre quotidien, le monde des entreprises est aussi vu investi de la diffusion de cette idéologie par le biais une action volontaire nommé responsabilité sociétale des entreprises (RSE), visant à gérer durablement de ses ressources et ses relations avec les parties prenantes. En tant que premier employeur mondial et par les externalités qu'il crée, le tourisme n'échappe pas à ce mode de gestion plus responsable, dont la montée en puissance de l'écotourisme est le symbole. Cette nouvelle pratique touristique se distingue cependant par ses zones de diffusion, les principaux acteurs écotouristiques se situant essentiellement dans les PED, voire PMA (Costa Rica, Equateur, Nicaragua, Namibie par exemple). Les principes de l'écotourisme donnent une explication à ce phénomène :

« Voyage et visite environnementalement responsables dans des espaces naturels relativement calmes dans le but d'apprécier la nature [...], qui promeuvent la conservation, créent de faibles impacts et participent activement à l'amélioration socio-économique des populations locales. » [Ceballos-Lascurain, 1996]

Beaucoup de PED basant leur économie sur une exploitation des ressources naturelles, laquelle est souvent prédatrice, les caractères écologiquement responsable et soutien du développement socio-économique local de l'écotourisme paraissent relativement bien adaptés à ces pays.

Le cas de Madagascar est particulièrement représentatif de cette situation. La Grande Île est un des pays des plus pauvres de la planète, en proie à des conflits politiques récurrents - élections présidentielles contestées (2009), rivalité ethniques (merina/côtiers) - et à des difficultés économiques profondes - sortie douloureuse du marxisme-léninisme (1972), mise sous tutelle par le FMI et la Banque Mondiale (1983). Le manque ou le mauvais état des infrastructures (communications, éducation, santé) accentue encore l'état d'enclavement de certaines régions et l'insularité des communautés vivant sur le territoire. Conscient de la gravité de la situation, le Gouvernement a officialisé son engagement à lutter contre la pauvreté à travers plusieurs documents directeurs, gages de financement par les institutions financières internationales (IFI) : les Documents Stratégiques pour la Réduction de la Pauvreté (DSRP) ou son successeur adopté en 2005, le Madagascar Action Plan (MAP). Ce dernier se présente sous forme de 8 engagements, respectueux des Objectifs pour le Millénaire du Développement (OMD) de l'ONU, dont l'Engagement 6.8 fait du tourisme une activité motrice pour le développement, surtout par le biais d'un écotourisme de haute qualité.

Le potentiel touristique malgache est extrêmement fort, mais encore peu exploité. L'incroyable biodiversité des espèces (près de 90%) et la diversité des écosystèmes de Madagascar sont mondialement connues ; la plupart des touristes (55%) viennent d'ailleurs pour raisons écotouristiques. Mais ce patrimoine biologique est mis en danger par des activités humaines aux conséquences nuisibles pour l'environnement. Dans un cadre d'extrême pauvreté, l'exploitation des ressources naturelles est perçue comme un moyen de survie par les populations locales, dont les modes de production traditionnelles pèsent lourdement sur la nature. La culture sur brûlis (tavy ou hatsake) ou le déboisement au profit d'une agriculture nomade sont les pratiques agricoles largement répandues. La subsistance de ces méthodes traditionnelles s'explique par la difficulté de contrôle par les autorités, due à l'isolement des populations, et à l'inadaptation du droit environnemental, directement calqué sur celui de la France. D'où l'existence d'un droit virtuel non appliqué et d'un droit réel régit par les communautés par les dina. Le processus de décentralisation de la gestion des ressources naturelles, formalisé par la gestion locale sécurisée (loi GELOSE, 1996) est une réponse à l'impuissance de l'Etat à garantir l'application des politiques environnementales et dévolue contractuellement aux communautés le pouvoir d'une gestion durable.

L'adoption de programmes de conservation de la biodiversité ont été une des premières réactions nationales à la forte dégradation des espaces naturelles, lesquels sont rapidement remplacés par des politiques de valorisation de la biodiversité. L'ONG Madagascar National Parks (anciennement ANGAP) a pour fonction de créer, de gérer et promouvoir ces aires protégées (parcs nationaux, réserves naturelles ou spéciales) en encourageant les initiatives locales de valorisation économique des ressources naturelles. Le choix de l'écotourisme devient prévalant pour la plupart des communautés.

L'adoption de cette nouvelle pratique touristique répond avant tout à la volonté de l'Etat de lutte contre la pauvreté en développant une activité économique rentable, durable, environnementalement responsable et valorisante. Le « cercle vertueux » de l'écotourisme décrit par Wunder (2000) fait état des deux hypothèses de base pour en faire une activité génératrice de changements socio-économiques et comportementales, créant des revenus complémentaires stables, capables de sédentariser les populations et de former une conscience environnementale qui mène à l'adoption de pratiques productives plus durables. La première hypothèse est une forte participation des populations locale dans les activités écotouristiques ou assimilés. La seconde soutient que les revenus générés doivent être assez conséquents (incentive) pour initier la dynamique de changements socio-comportemental et économique. Or, l'étude du cas malgache montre les limites de ce modèle. En effet, le faible niveau de qualification de la main-d'oeuvre disponible relègue souvent les populations locales à des emplois salariés peu valorisant. De plus, les moindres possibilités d'investissements des locaux font que l'offre touristique est dominée par des structures touristiques de taille réduite (10 à 15 chambres). Les rares établissements de taille et qualité supérieures sont la propriété d'investisseurs étrangers. Par ailleurs, la création d'emploi d'activités périphériques (guide, piroguier, artisanat, etc.) est relativement limitée, car les revenus générés ne représentent par une opportunité suffisante pour inciter au changement et les populations sont rarement prêtes à abandonner aussi rapidement leurs pratiques traditionnelles pour dépendre d'une activité encore très jeune. Si les bénéfices de l'écotourisme sont théoriquement conséquents, son application encore trop récente ne permet pas de l'affirmer concrètement. Au contraire, le tourisme paternaliste est aujourd'hui économiquement plus rentable pour les communautés, bien que leur implication dans les enjeux du secteur soit quasiment nulle. La professionnalisation de la filière touristique devrait permettre aux acteurs locaux de mieux bénéficier des retombées écotouristiques, proposant des prestations de qualités et favorisant alors les mutations sociétales.

Un mode de gestion écotouristique du capital écologique doit aussi se faire dans la perspective des visiteurs. En effet, l'impact créé par le flux migratoire touristique peut en être réduit. Par le contact privilégié que le visiteur va avoir avec le patrimoine environnemental et l'expérience qu'il pourra vivre au sein des communautés, il se sentira plus concerné par la préservation des éléments responsables de la qualité de son séjour. Le rôle éducatif de l'écotourisme crée ou soutient une sensibilisation à la préservation des espaces naturelles. Cette expérience vécue va « engager » (psychologie de l'engagement de Kiesler) le visiteur dans la voie de la préservation. De plus, le tourisme malgache étant encore dans sa jeunesse, la promotion de l'écotourisme va permettre de construire l'identité touristique de l'Île Rouge. Or, ce processus est déterminant dans les choix que feront ensuite les visiteurs. L'imaginaire que ces derniers ont d'une destination conditionne aussi les attentes qui en ont. Un touriste revenant de Tahiti sans avoir été baigné dans l'atmosphère polynésienne vendue par les cartes postales et autres images d'Epinal sera déçu, car son expérience va différer de l'imaginaire qu'il s'était construit.

Mais la question de la promotion de la destination malgache est éminemment liée à l'intégration de son offre touristique dans une filière globale, laquelle est largement contrôlée par des grands groupes occidentaux. Les pays du Nord, et surtout l'Europe et les Etats-Unis, étant les principaux pays émetteurs dans la monde, il n'est par étonnant de constater que les acteurs d'aval (tour opérateurs, voyagistes) sont essentiellement basés dans ces zones géographiques. C'est aussi le cas pour Madagascar, dont la majorité des visiteurs proviennent d'Europe (dont près de 60% de France). Or, le poids des acteurs locaux malgaches (amont) dans les négociations avec ses firmes internationales est très réduit. La faible capacité d'investissement pour répondre aux normes internationales fait que ces groupes préfèrent ou collaborer avec d'autres marques internationales ou acheter la totalité de la capacité d'hébergement à prix réduit. L'utilisation des innovations technologiques ouvre une opportunité pour contourner le circuit traditionnel de distribution et permettre le développement d'un écotourisme qui ne soit pas le produit d'une stratégie de diversification touristique mais bien un mode durable de développement profitable aux communautés locales. La mise en place d'un système de gestion des destinations (SGD) permet de mettre directement en relation l'offre et la demande via Internet. En proposant un portail de présentation et de promotion de la destination, Madagascar peut profiter de l'élan que connaît actuellement l'e-tourisme. Ce processus a été amorcé par la création du site madagascar-tourisme.com, lequel propose la mise en avant des atouts touristiques, ainsi qu'un référencement d'un grand nombre d'acteurs locaux du secteur (hébergement, restauration, tour opérateurs, etc.). Ce SGD de niveau 1 peut être amélioré par l'ajout d'un moyen de paiement en ligne, d'une base de données visiteurs et du respect de la stratégie touristique nationale.

L'écotourisme est une véritable opportunité à plusieurs titres pour Madagascar. Il est un moyen de valoriser économiquement son extraordinaire biodiversité, générant ainsi des revenus complémentaires non négligeables à la lutte contre la pauvreté, implique les populations locales dans une gestion pertinente et durable des ressources (empowerment) et tend à réduire l'impact sur l'environnement. Le Gouvernement malgache a compris les enjeux de ce tourisme alternatif et responsable par ce qu'il peut apporter au développement du pays. Cependant, son succès est étroitement liée à d'autres éléments indispensables à son fonctionnement : améliorer les infrastructures de communication (routes, aéroports, télécommunications, Internet, etc.), faciliter l'accès à l'île (transport aérien et maritime plus développé et moins coûteux), créer une stratégie et une identité touristique nationale, soutenir les initiatives locales ou mieux structurer et organiser le secteur écotouristique (création de labels, mise en place d'une charte qualité, professionnalisation, etc.). Cette activité n'étant qu'à ses débuts, un bilan de réussite est encore difficile à établir. Cependant, si la volonté de Madagascar de faire de l'écotourisme un moteur de lutte contre la pauvreté est bien affirmée dans l'ambitieux MAP, les moyens déployés suffiront-ils à soutenir l'ensemble des engagements ? Comment les acteurs locaux pourront-ils gérer cette augmentation progressive de la demande écotouristique ? Une stabilité politique ne serait-elle pas une condition essentielle au l'établissement de bases saines pour un développement durable ? Les politiques adoptées durant les prochaines années devraient être déterminantes quant à l'issue de ces questions.

Annexes

ANNEXE 1 : ÉVOLUTION DES SURFACES D'AIRES PROTÉGÉES À MADAGASCAR

(Source : Données statistiques environnementales de Madagascar, MEF, Nov. 2009)

ANNEXE 2 : SCHÉMA DU « CERCLE VERTUEUX » DE L'ÉCOTOURISME

(Source: Wunder, S., « Ecotourism and Economic Incentives - an empirical approach », in Ecological Economics 32, 2000, pp.465-479)

ANNEXE 3: EVOLUTION DE LA CAPACITÉ D'HÉBERGEMENT DE MADAGASCAR (1999-2007)

(Source : Ministère de l'Environnement, des Eaux et Forêts et du Tourisme, 2009)

ANNEXE 4 : ORIGINE DE L'APPROVISIONNEMENT HÔTELIER, EXEMPLE D'UN HÔTEL DE TANANARIVE

(Source : étude Banque Mondiale)

ANNEXE 5 : IMPACT DE L'ÉCOTOURISME SUR L'EMPLOI DANS LA RÉGION D'ANAKAO ET NOSY-VE

(Source : Lapeyre R., Andrianambinina D., Equierdesjardins D. et Méral P., « L'écotourisme est-il un mode durable de valorisation des ressources naturelles ? Une comparaison Namibie-Madagascar », in Afrique Contemporaine, N°22, 2007/2)

ANNEXE 6 : RAISONS DE LA VISITE SUR L'ÎLE DE MADAGASCAR

(Source : Banque Mondiale, « République de Madagascar : Etude du secteur du tourisme », 2003)

ANNEXE 7 : RÉPARTITION DES ARRIVÉES À MADAGASCAR PAR PAYS D'ORIGINE

(Source : Ministère de l'Environnement, des Eaux et Forêts et du Tourisme, 2009)

ANNEXE 8 : SCHÉMA DES SYSTÈMES DE DISTRIBUTION DU TOURISME

(Source : CNUCED, 2005)

ANNEXE 9 : OBJECTIFS DES SYSTÈMES DE GESTION DES DESTINATIONS

(Source : CNUCED, 2005)

ANNEXE 10 : LES DIFFÉRENTS TYPES DE SGD

(Source : CNUCED, 2005)

ANNEXE 11 : SITE WEB DE L'OFFICE NATIONAL DU TOURISME DE MADAGASCAR

(Source : http://www.madagascar-tourisme.com/home.php)

Annexe 12 : Etude terrain personnelle « Ecotourisme et Madagascar, quel avenir ? » (mai 2010)

Cette étude a été menée auprès de résidents européens (France, Estonie, Italie, Allemagne et Grèce) afin d'avoir un panel de réponses plus large et varié. Le questionnaire comporte 18 questions, réparties en 3 sections : « votre profil », « vos pratiques touristiques » et « vous et madagascar ».

La majorité des interrogés voyagent dans leur zone géographique (Europe). Un séjour hors de ces frontières se fait plus rare, habituellement moins de 2 fois par an. Le tourisme All inclusive est peut pratiqué, au contraire du tourisme traditionnel et « backpacker ».

Le voyage est toujours considéré comme un moyen de s'évader, de rompre avec le quotidien et d'être témoin de moments qui sortent de l'ordinaire. La réussite du séjour est d'ailleurs produite par cette capacité à étonner et fasciner, à se sentir privilégié et unique. Il y a un engouement à non seulement voir, mais aussi vivre l'expérience, à créer une proximité avec le lieu d'accueil (découverte, rencontre de l'autre).

L'utilisation d'Internet ne se limite pas à l'e-tourisme, c'est-à-dire à l'organisation ou à la réservation du séjour en ligne. C'est aussi une source d'informations planétaire qui guide et aide les visiteurs dans leur connaissance de la destinations ou des prestataires. Cet outil n'est cependant pas déterminant dans le choix proprement dit de la destination, le bouche à oreille et le coût sont des moyens plus répandus. Internet est donc pas un

outil conseil, mais un outil de simplification des démarches et d'accès aux informations.

Les raisons évoquées justifiant la mise en place d'un tourisme plus responsable mettent en avant deux caractéristiques. Tout d'abord une prise de conscience partagée du lourd impact du tourisme de masse et ensuite les bénéfices que peuvent en tirer les touristes. Ces derniers profitent d'une gestion à échelle humaine et d'une intensification des relations avec les locaux. Cependant, l'optique écotouristique est largement considérée comme la déclinaison touristique du « développement durable ». La plupart des sondés reconnaissent la plus grande responsabilisation des acteurs, mais peu en connaissent plus précisement le fonctionnement.

L'imaginaire se rapportant à Madagascar renvoie essentiellement à ses atouts natuels (vanille, lémuriens, biodiversité), tout en restant dans un cadre très général (île de l'Océan Indien, pays pauvre). Cependant, les images que les interrogés en ont sont suffisamment positives pour leur donner envie de visiter l'île. Les raisons de la visite ne démarqueraient par contre pas Madagascar de ses îles voisines, comme Maurice ou la Réunion (Soleil et plages, voire tourisme d'aventure). L'intérêt écotouristique est encore peu ancré dans le système de représentations. Enfin, le coût (très) élevé du séjour est le principal frein à l'arrivée de touristes, ce qui s'explique notamment par la faiblesse de la desserte internationale. Les troubles politiques ont tenissent eux aussi l'image de la Grande Île, ralentissant le flux touristique.

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Wunder S., « Ecotourism and Economic Incentives - an empirical approach », in Ecological Economics 32, 2000, pp.465-479

* 1 Sondage TNS-Sofres, « Côtes de popularité des personnalités politiques » 1981-2009, adresse URL : http://www.tns-sofres.com/popularites/cote/choixdate.php?perso=borloo

* 2 La notion de « développement durable » apparait pour la première fois dans le rapport La Stratégie Mondiale Pour La Conservation, WWF et PNUD, 1980

* 3 Extrait du Rapport Brundtland, Chapitre II, Partie IV, 1987 (http://www.un-documents.net/ocf-02.htm#I)

* 4 Aussi nommé « Halte à la croissance ? », publié en 1972 par des chercheurs du Massachussetts Institute of Technology (MIT)

* 5 R. DUBOS, Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le développement, Stockholm, 1972

* 6 PIB par habitant calculé selon la méthode Atlas, en dollars américains courants (USD courants), source : Banque Mondiale

* 7 L'Indicateur de Pauvreté Humaine a été crée par le PNUD ; on admet le seuil de pauvreté à $2 par jour

* 8 Nom donné au royaume merina

* 9 Madagascar Action Plan

* 10 Les calculs sont basés sur les chiffres fournis par le MDG Monitor, commission dépendante de l'ONU

* 11 Encyclopédie Universalis

* 12 Propos tenus lors d'une interview pour Afika.com, le 18 juillet 2002, adresse URL : http://www.afrik.com/article4725.html

* 13 Se rapporte au Tourism Master Plan, adopté en 2005

* 14 Code Pénal malgache, Art. 335.2

* 15 « Convention collective présentée sous forme écrite, librement adoptée par la majorité des membres du fokonolona (...) », extrait de l'article 1 de la loi n°2001-004 du 25 octobre 2001 portant sur la réglementation générale des dina en matière de sécurité publique.

* 16 Communauté de villageois, entité administrative de base

* 17 Article 2 de la loi n°2001-004 du 25 octobre 2001 portant sur la réglementation générale des dina en matière de sécurité publique

* 18 Mode de culture traditionnel du riz, par défrichage et brûlis, dans les zones forestières humides

* 19 World Wide Fund of Nature

* 20 Traduction libre

* 21 Au sens de ce qui l'entoure

* 22 Traduction libre de « autonomous tourism operation » [Wunder, 2000]

* 23 Traduction libre de « paternalistic » [Wunder, 2000]

* 24 Ministère de l'Environnement, des Eaux et Forets et du Tourisme

* 25 70 025 MGA, soit 29,95€

* 26 Tourism Satellite Accounting, outil d'études statistiques du World Travel & Tourism Council (WTTC)

* 27 Entreprise de Voyages et de Prestations Touristiques

* 28 Etude mandatée par le GIE Tahiti Tourisme à KPMG THL en 2005

* 29 Traduction libre de l'anglais

* 30 Traduction libre de l'anglais

* 31 Baromètre OPODO 2010, consulté en ligne, adresse URL : http://www.veilleinfotourisme.fr/1268394305969/0/fiche___article/&RH=TEC

* 32 Technologies de l'Information et de Communication

* 33 « Organisation publique ou privée ayant à charge la promotion et la coordination du tourisme » (CNUCED, 2005)






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"Ceux qui rêvent de jour ont conscience de bien des choses qui échappent à ceux qui rêvent de nuit"   Edgar Allan Poe