A/ Etude du parenchyme pulmonaire et de la
plèvre
Les signes radiologiques sont souvent en retard sur la
clinique. Le plus souvent bilatéraux et symétriques, ils peuvent
être asymétriques, voire unilatéraux au début.
> Les signes d'oedème interstitiel
Ils sont liés à l'accumulation de liquide dans
l'interstitium ou les septa. Les principaux sont :
· Redistribution vasculaire vers les sommets : c'est un
signe précoce lié à une congestion des veines pulmonaires,
notamment des veines lobaires supérieures. Elle apparaît pour des
pressions capillaires supérieures à 18mmHg. Cette redistribution
n'a de valeur qu'en l'absence de maladie pulmonaire sous-jacente
(emphysème). On obtient d'abord une distribution vasculaire
équilibrée (vaisseaux des lobes inférieurs et
supérieurs de même calibre) puis une distribution inversée
(vaisseaux des lobes supérieurs élargis par rapport aux vaisseaux
des lobes inférieurs).
· Lignes septales de Kerley : elles traduisent
l'élargissement des septa interlobulaires. Elles apparaissent pour des
pressions capillaires allant de 25
à 35 mmHg. Les lignes de Kerley B sont les plus
fréquentes. Elles siègent aux bases, surtout dans les culs-de-sac
costo-diaphragmatiques. Elles sont courtes (2 cm), de localisations
périphériques, orientées transversalement,
perpendiculaires à la surface pleurale.
· Élargissement des hiles (<< flou
périhilaire ») : les limites du hile sont rendues plus floues
par l'oedème périvasculaire, donnant une image "en lunettes".
· Épanchement pleural : souvent de faible
abondance (comblement d'un cul-de-sac pleural et épaississement des
scissures interlobaires), ils sont plus fréquents et plus abondants dans
les OAP cardiogéniques ou liés à une hyperhydratation que
dans les OAP lésionnels.
> Les signes d'oedème
alvéolaire
En plus des signes observés au stade interstitiel, s'y
ajoute des opacités alvéolaires : ce sont des opacités non
systématisées, floconneuses, diffuses, à contours flous,
confluentes, prédominant dans les régions périhilaires
(hilifuges) puis aux bases donnant une image << en aile de papillon
» avec bronchogramme aérique en son sein dans 10% des cas
[9]. Ces opacités sont rapidement variables dans le
temps. Une asymétrie peut s'observer (oedème sur poumon
bulleux).
B/ Aspect de la silhouette cardiaque
Elle est de taille variable en fonction de la pathologie
causale. Il est rare que sur un cliché réalisé en urgence,
en position couché, on puisse noter des déformations
caractéristiques de la silhouette cardiaque permettant d'établir
un diagnostic étiologique. Très souvent, est retrouvé une
cardiomégalie avec un index cardiothoracique > 0,5.
10.4.2 Electrocardiogramme (ECG)
Il est systématique et ne permet en aucune façon
le diagnostic ni d'insuffisance ventriculaire ni d'oedème pulmonaire,
mais peut montrer des arguments importants en faveur de l'étiologie et
des stigmates de la cardiopathie chronique :
> Fibrillation auriculaire jouant le rôle de facteur
déclenchant ;
> Aspect de nécrose myocardique traduisant une
cardiopathie ischémie ancienne ou en évolution ;
> Signes d'hypertrophie ventriculaire gauche observés
en cas de surcharge sévère du ventricule gauche.
Le plus souvent, il n'apporte que des éléments
secondaires : tachycardie sinusale, troubles de la repolarisation diffus,
hypertrophie des cavités gauches.
10.4.3 Gazométrie artérielle
Elle doit être systématique et faite sans
oxygénothérapie. Les perturbations des gaz du sang sont
constantes, variables et reflètent la gravité de l'OAP
(intérêt pronostic), particulièrement la présence ou
non d'une hypercapnie. Elle est cependant sans aucun rapport avec l'aspect
radiologique.
L'hypoxémie est liée au
déséquilibre ventilation/perfusion. Habituellement, une
hypocapnie par hyperventilation alvéolaire globale s'observe avec
alcalose respiratoire (pH élevé), mais l'importance de
l'obstruction bronchiolaire détermine parfois une normocapnie voire une
hypercapnie, dont le caractère péjoratif doit être connu.
L'hypercapnie peut également traduire un épuisement respiratoire,
notamment en cas de bas débit profond ou de choc cardiogénique en
cours d'installation. Dans ce cas, une acidose (pH bas) d'ailleurs souvent
mixte, est notée ; la composante métabolique étant due
à l'acidose lactique que détermine l'hypoxie tissulaire.
10.4.4 Echocardiographie Doppler
L'échographie cardiaque est rarement possible en phase
aiguë, sauf cas particulier tenant à un doute diagnostique sur la
nature cardiogénique ou lésionnelle de l'oedème
pulmonaire. L'échocardiographie ne sera mise en oeuvre qu'après
correction des phénomènes aigus, à la recherche d'une
étiologie. Elle peut orienter le diagnostic en retrouvant un ventricule
gauche dilaté et hypocinétique ou une sténose mitrale
serrée. Le diagnostic est par contre beaucoup plus difficile en cas
d'insuffisance cardiaque à fonction systolique conservée. Elle
permet également
une quantification du débit cardiaque qui est en
général diminué (index cardiaque < 3
l/min/m2).
10.4.5 Exploration hémodynamique
Elle est inutile à la phase aiguë d'oedème
pulmonaire cardiogénique. Réalisée uniquement en l'absence
de renseignements fournis par les explorations non invasives, elle est utile
dans les cas de diagnostic difficile.
Le cathétérisme droit (cathéter de
Swan-Ganz) montre :
> une élévation de la pression capillaire
supérieure à 25mmHg (pression moyenne) ;
> une élévation pression artérielle
pulmonaire d'occlusion > 18mmHg;
> une désaturation artérielle pulmonaire
profonde (< 65%) tenant à la désaturation artérielle
périphérique (hypoventilation et effet shunt pulmonaire), mais
également à la diminution du débit cardiaque dans
certaines formes ;
> un débit cardiaque normal ou abaissé en
fonction de la cardiopathie causale et du stade évolutif de
l'oedème pulmonaire.
10.4.6 Exploration biochimique
Certains examens biochimiques sanguins sont indispensables :
ionogramme, hémogramme, glycémie, paramètres de la
fonction rénale et hépatique, enzymes myocardiques (troponine,
CPK-MB).
Le dosage du peptide natriurétique de type B (BNP =
B-type Natriuretic Peptide) semble constituer un élément
intéressant tant pour le diagnostic de l'OAP cardiogénique que
pour le pronostic du patient. Il permet, dans les formes douteuses, de
rattacher l'épisode dyspnéique aigu à une
défaillance cardiaque [2, 8, 9, 39, 40, 41J.
Le BNP est un peptide libéré dans le sang en cas
d'étirement des myocytes du ventricule gauche. Il contrebalance
l'activation du système rénine-angiotensinealdostérone.
Son élévation dans le sang est corrélée à
divers indices fonctionnels d'insuffisance cardiaque gauche. Plusieurs
études [39, 40, 41J ont montré son
intérêt comme marqueur d'insuffisance cardiaque gauche aiguë.
Le seuil de
positivité varie selon les études entre 80 et
300 pg/ml. Schématiquement, lorsque le BNP est inférieur à
100 pg/ml, l'insuffisance cardiaque peut-être éliminée mais
un BNP supérieur à 400 pg/ml est très évocateur
d'un OAP cardiogénique, sous réserve d'un tableau clinique
compatible. Il existe néanmoins deux situations d'OAP
cardiogénique sans élévation du BNP : l'OAP << flash
>> où l'oedème est de survenue suraiguë avant que le
BNP ne soit sécrété dans la circulation sanguine (une
heure environ) et l'insuffisance mitrale et le rétrécissement
mitral important (existence d'un OAP cardiogénique sans insuffisance
cardiaque gauche vraie) [39]. Compte tenu de
l'intérêt pronostique et de la précocité du
diagnostic de l'OAP, tous les services d'urgences ou de réanimation
devrait avoir accès au dosage rapide du BNP [39,
40].
10.5 Formes cliniques
Le tableau typique n'est pas retrouvé dans 10 à 15%
des cas [9].
10.5.1 Formes étiologiques
Ce paragraphe est développé au chapitre <<
Etiologie >>. Quelque soit la nature de la cardiopathie
en cause, l'expression clinique de l'oedème pulmonaire est identique.
10.5.2 Formes d'OAP à symptomatologie
particulière A/ OEdème pulmonaire suraigu
L'oedème est foudroyant, asphyxique, rapidement mortel.
Le malade est pris de dyspnée et meurt presque subitement en quelques
minutes avec un peu d'écume mousseuse à la bouche, quelquefois
sans la moindre expectoration [42].
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