UNIVERSITÉ CHEIKH ANTA DIOP DE DAKAR
FACULTÉ DES LETTRES ET SCIENCES
HUMAINES
DÉPARTEMENT DE SOCIOLOGIE
Mémoire de DEA
Les populations rurales du Burkina Faso
a l'épreuve du déboisement :
l'exemple
du Département de Toma
Source : KESSLERJ.J. et GERLING C.
Source : KONATE Yacouba
Présenté par : Sous la direction
de :
Jean Paulin KI M.
Moustapha TAMBA
Maître de Conférences
SOMMAIRE
SOMMAIRE 2
DÉDICACE 3
REMERCIEMENTS 4
SIGLES ET ABRÉVIATIONS 5
INTRODUCTION 6
PREMIÈRE PARTIE : CADRE THÉORIQUE ET
MÉTHODOLOGIQUE 9
CHAPITRE I : CADRE THÉORIQUE 10
CHAPITRE II : CADRE MÉTHODOLOGIQUE DE LA RECHERCHE 30
DEUXIÈME PARTIE : PRÉSENTATION, ANALYSE ET
INTERPRÉTATION DES
RÉSULTATS DE L'ENQUÊTE 35
CHAPITRE III : ÉVOLUTION DE L'ENVIRONNEMENT DANS LE
DÉPARTEMENT DE
TOMA 36
CHAPITRE IV : LES CONSÉQUENCES SOCIOCULTURELLES DU
DÉBOISEMENT
DANS LE DÉPARTEMENT DE TOMA 45
CHAPITRE V : DÉBOISEMENT ET CHANGEMENT SOCIAL DANS LE
DÉPARTEMENT DE TOMA 51
CONCLUSION GÉNÉRALE 56
ANNEXES 59
BIBLIOGRAPHIE 67
TABLE DES TABLEAUX 72
TABLE DES PHOTOGRAPHIES 72
TABLE DES ANNEXES 72
TABLE DES MATIÈRES 73
DÉDICACE
À la Fondation Jean-Paul II Pour le
Sahel
REMERCIEMENTS
Du Burkina Faso au Sénégal,
ils sont nombreux, les hommes et les femmes de bonne
volonté, à contribuer, par tout moyen, à la
réussite de mes études doctorales à Dakar. En attendant la
thèse, ce mémoire de DEA est le premier fruit visible de leurs
efforts. Je leur en sais gré. Je ne nommerai personne au risque d'en
oublier. Mais, je ne saurai non plus passer sous silence mon Directeur de
recherche le Professeur Moustapha TAMBA dont j'ai
bénéficié particulièrement des conseils et des
encouragements.
Puisse Dieu récompenser les uns et les autres au
centuple de leurs bienfaits.
SIGLES ET ABRÉVIATIONS
FAO : Organisation des Nations Unies pour l'Alimentation et
l'Agriculture CILSS : Comité inter-États de lutte contre la
sécheresse au Sahel
UNESCO : Organisation des Nations-Unies pour l'éducation,
la science et la culture ONG : Organisation non gouvernementale
DPAHRH : Direction provinciale de l'agriculture, de l'hydraulique
et des ressources halieutiques
DPECV : Direction provinciale de l'environnement et du cadre de
vie
ADRTOM : Association pour le développement de la région de
Toma
CODESRIA : Council for the Development of Social Science Research
in Africa (Conseil pour le Développement de la Recherche en Science
Sociales en Afrique)
CRDI : Centre de Recherche pour le Développement
International IRD : Institut de Recherche et de Développement
UCAD : Université Cheikh Anta Diop de Dakar
ENDA Tiers-monde : Environmental Development
Action in the third world (Environnement et développement du
Tiers-monde)
Ha : hectare
RAF : Réorganisation Agraire et Foncière
UGPN : Union Générale des Producteurs du Nayala
ADPNA : Association pour le Développement de la Province
du Nayala M : Mètre
Km : Kilomètre
INTRODUCTION
Le présent travail de recherche socio-anthropologique
porte sur le thème suivant « Les populations rurales du
Burkina Faso à l'épreuve du déboisement : l'exemple du
Département de Toma ». Ce thème nous a
été inspiré par le constat d'un déboisement massif
de plus en plus croissant dans le Département de Toma et par un contexte
mondial et national où les problèmes environnementaux deviennent
de plus en plus préoccupants. En effet, depuis la Conférence des
Nations Unies tenue à Stockholm (Suède) en 1972, les
problèmes environnementaux tels que les changements climatiques (surtout
le réchauffement), la « pollution transfrontière », la
déforestation ou déboisement, la dégradation des sols, la
désertification, la sécurité de la diversité
biologique...ne sont plus vus uniquement comme des problèmes
écologiques ou géographiques mais aussi et surtout comme des
problèmes sociaux. C'est pourquoi le PNUD déclare : «
Lorsque le réchauffement planétaire modifie les tendances
météorologiques de la Corne de l'Afrique, les récoltes
sont mauvaises et les gens meurent de faim, ou bien les femmes et les filles
passent des heures à chercher de l'eau »1. En
clair, les conséquences des phénomènes naturels
n'épargnent pas les humains vivant en société.
À l'échelle nationale du Burkina Faso qui est un
pays sahélien enclavé au coeur de l'Afrique occidentale, les
problèmes environnementaux sont de deux ordres : les aléas
climatiques et l'action humaine. Ceux-ci sont causes de la dégradation
de la diversité biologique, accélèrent la
désertification et mettent en péril la vie des populations. Au
compte de l'action humaine, on peut citer les pratiques suivantes :
- la pratique des feux de brousse ;
- le surpâturage ;
- la coupe anarchique du bois et les défrichements ;
- la mauvaise utilisation des pesticides (culture de coton et
maraîchage) ; - le braconnage ;
- la divagation des animaux ;
- les pollutions et nuisances diverses.
On ne peut que s'inquiéter à l'idée des
conséquences de telles pratiques, ainsi que l'insinue Schumacher :
« Étudiez quel traitement une société fait subir
à sa terre, et vous arriverez à des conclusions relativement
dignes de foi quant à l'avenir qu'elle se réserve
».2 En effet, les impacts de ces actions humaines sont
certes écologiques mais surtout
1 PNUD, La lutte contre le changement climatique :
un impératif de solidarité humaine dans un monde divisé.
Résumé. Rapport mondial sur le développement humain
2007-2008, PNUD, 2008, p.9.
2 SCHUMACHER, E. F., cité par GIRI, J., Le Sahel
demain. Catastrophe ou renaissance ? Paris, Karthala, 1983, p.81.
économiques et sociaux sinon même culturels. La
vulnérabilité humaine aux changements environnementaux est donc
un fait certain. Et l'on ne saurait en chercher les causes en dehors de la
société, c'est-à-dire de l'action humaine.
Le Département de Toma, cadre géographique de
notre étude, est à un seuil critique quant aux
conséquences du déboisement dans la mesure où les
populations disent : « La brousse est finie ». Et lorsque
les Sanan3 (peuple habitant le Département de Toma)
disent que la brousse est finie, ils entendent par là la disparition des
espèces végétales et animales dont l'existence contribue
au maintien et à la qualité de la vie humaine sur terre. C'est
pourquoi notre souci a été d'étudier en profondeur les
conséquences du phénomène en termes de transformations
sociales. Notre étude se situe ainsi dans la perspective de l'analyse
dynamique des structures sociales du monde rural burkinabè
confronté au déboisement. L'étude se présente dans
sa globalité comme une analyse des rapports des populations avec leur
environnement naturel. À cause du phénomène du
déboisement, la dynamique de ces rapports fait apparaître une
transformation des perceptions de la nature chez les paysans. La nature tend,
de nos jours, à n'être vue que comme un gisement de ressources
où chacun peut puiser sans s'interroger sur les risques de son
épuisement. Or, autrefois la nature était sacrée, il
fallait la respecter à cause la vie qu'elle garantissait. C'est
là que notre étude se situe comme une socio-anthropologie du
monde rural san, burkinabè et africain confronté
à des mutations profondes. Voilà pourquoi nous avons choisi le
concept opératoire de changement social pour cette étude.
L'originalité de notre étude réside dans
le fait qu'il n'existe pas, à notre connaissance, de recherche
préalable sur le déboisement dans le Département de Toma.
Dès lors, notre recherche fait office de pionnière dans la
réflexion sur les questions environnementales dans cette
localité. C'est cela qui justifie d'une part son intérêt.
D'autre part, l'intérêt de la recherche est la prise en compte des
problèmes du monde rural burkinabè dans un contexte national
d'insuffisance des ressources naturelles et de réorganisation de
l'espace par l'Etat (Cf. la loi n°014 du 23 mai 1996, portant
réorganisation agraire et foncière au Burkina Faso). D'où
également l'importance du foncier rural dans cette étude. Les
différentes crises environnementales à l'échelle mondiale,
le contexte sahélien du Burkina Faso et la question du foncier rural
sont autant de situations qui expliquent l'actualité et la pertinence du
thème de notre recherche. Le déboisement en Afrique
sahélienne doit, pensons-nous, être de plus en
3 Les Sanan forment le groupe ethnique qui parle la
langue san. Le terme san désigne également le
groupe social et l'individu membre de la société.
plus une préoccupation des chercheurs en sciences
sociales et non seulement l'affaire de certaines ONG.
S'agissant maintenant de l'utilité pratique de la
recherche, nous pouvons dire que le rapport final est une banque de
données disponible sur l'environnement et le déboisement dans le
Département de Toma certes, mais surtout en milieu rural africain. Les
ONG telles que la Fondation Jean-Paul II pour le Sahel, SOS-Sahel
(déjà basée à Toma), les Instituts de recherche en
questions environnementales, le Ministère burkinabè de
l'environnement et du cadre de vie, les chercheurs et les étudiants sont
les potentiels bénéficiaires de cette étude, sans oublier
les populations locales.
Notre recherche comporte deux parties. La première
partie est consacrée au cadre théorique et méthodologique
tandis que la deuxième présente et analyse les résultats
de la recherche de terrain.
PREMIÈRE PARTIE :
CADRE THÉORIQUE ET
MÉTHODOLOGIQUE
CHAPITRE I : CADRE THÉORIQUE
Ce chapitre premier portant sur le cadre théorique de
notre recherche s'articule autour des éléments suivants :
- la revue critique de la littérature
- la problématique
- les objectifs de la recherche
- les hypothèses
- le concept opératoire
- le modèle théorique et le modèle
d'analyse.
I.1. Revue de la littérature sur le
déboisement
Cette revue de la littérature est
élaborée sur fond d'une option, peut-être arbitraire, qui
distingue la production de chercheurs occidentaux et celle de chercheurs
africains sur le déboisement. Certes, la science est une, mais notre
préoccupation est de rendre visible les différentes productions
scientifiques, surtout celles des Africains sur des problèmes qui
concernent l'Afrique. Nous pensons que c'est là aussi
l'intérêt d'une certaine « sociologie africaine ». De
nos jours, une abondante littérature existe sur le déboisement et
la déforestation dans le monde en général et en Afrique en
particulier. Nous précisons d'ores et déjà que nous ne
faisons aucune distinction entre les termes « déboisement » et
« déforestation » qui sont synonymes4, quoiqu'il y
ait une différence entre une forêt (primaire, secondaire) et une
savane arborée. De plus, certains auteurs utilisent
indifféremment les deux termes.
I.1.1. Le déboisement en Afrique vu par des
chercheurs occidentaux
Le point de vue de chercheurs occidentaux sur la question du
déboisement en Afrique tient lieu ici de « regard extérieur
» qui a son importance dans l'analyse critique et différentielle
des faits sociaux. Sur un certain nombre d'auteurs lus, nous choisissons de
présenter le point de vue de sept d'entre eux selon l'ordre
chronologique de leurs publications.
4 Le mot déboisement est
formé du préfixe de qui indique la cessation, de
la racine bois tiré du latin boscus qui signifie
lieu, terrain couvert d'arbres, et enfin du suffixe ement qui
renvoie à une action. De son côté, le terme
déforestation est formé du préfixe de
(cessation), de la racine forest (du latin forestis :
grande étendue de terrain couverte d'arbres) et du suffixe
ation qui indique une action. Comme cela apparaît, la
différence entre boscus et forestis vient de la taille
de l'étendue boisée. C'est pourquoi nous utilisons
indifféremment les termes « déboisement » et «
déforestation » pour signifier le processus par lequel, sous
l'effet d'actions (humaines ou animales), un espace couvert d'arbres devient
nu, c'est-à-dire perd ses arbres.
Ce choix des sept s'est fait en fonction de deux
critères : l'Afrique de l'Ouest et le Sahel dont font partie notre pays
(le Burkina Faso) et notre zone d'étude (le Département de
Toma).
Dans les années 1980, Jacques Giri tirait
déjà sur la sonnette d'alarme de l'Afrique sahélienne par
un livre au titre choquant : Le Sahel demain. Catastrophe ou renaissance ?5
Dans cet ouvrage, Giri présente l'évolution du Sahel depuis
les périodes des grands empires africains jusqu'aux années 1980.
L'auteur fait état d'une dégradation progressive du Sahel aussi
bien sur le plan environnemental qu'économique et politique. Pour la
question environnementale qui intéresse notre problématique, le
constat de l'auteur est alarmant : une « déforestation galopante
» met à nu les terres sahéliennes qui se dégradent
rapidement et n'arrivent plus à nourrir une population qui est, elle
aussi, galopante. L'auteur ne cache pas la réalité aux Africains
: le Sahel vit une crise de développement. Les solutions sont
inadaptées aux problèmes et les perspectives inquiétantes.
La déforestation qui ne cesse de croître a pour conséquence
la rupture d'un certain nombre d'équilibres « qui
s'étaient maintenus pendant des siècles, peut-être pendant
des millénaires, entre l'homme et l'arbre ».6 Face
à cette réalité catastrophique, il y a
nécessité et urgence d'action pour changer le cours des choses,
car la renaissance est possible.
Il nous faut souligner ici la pertinence de l'observation et
de l'analyse de l'auteur au sujet de cette rupture des équilibres de
l'écosystème environnemental. Face aux conséquences du
déboisement qui sont toujours négatives pour la survie des
populations et pour l'ensemble de la diversité biologique, des
alternatives doivent être nécessairement trouvées par les
populations concernées d'abord. Mais Giri semble donner priorité
aux grands programmes politiques nationaux. Telle n'est pas notre
préoccupation dans cette étude.
Pour sa part, Jean Roger Mercier7
s'intéresse à l'état de la déforestation dans le
monde et en Afrique. L'auteur affirme que le phénomène est mal
mesuré sur le contient africain alors qu'il est en pleine
accélération. Ses principales causes sont la pauvreté et
l'explosion démographique. En outre, les effets pervers de la
législation sur les forêts ou même le manque de
législation font apparaître des conséquences graves en
termes de conflits, d'accentuation de la pauvreté, de déplacement
ou disparition d'ethnies et groupes humains, etc. C'est pourquoi, au regard de
ces impacts sociaux, l'auteur souligne que « détruire les
arbres, qui sont des êtres vivants, peut aussi conduire à
détruire la vie de ceux et celles qui vivaient de/dans la
5 GIRI, J., Le Sahel demain. Catastrophe ou renaissance ?
Paris, Karthala, 1983.
6 Ibidem, p. 143.
7 MERCIER, J.R., La déforestation en Afrique.
Situation et perspectives, Aix-en-Provence, Edisud, 1991.
forêt ».8 L'auteur propose
alors des stratégies de lutte contre la déforestation ; mais
celles-ci restent générales et ne tiennent pas compte de la
spécificité des régions fortement déboisées.
En effet, il n'est pas sûr que le prélèvement d'une taxe
forestière auprès des exploitants, comme le suggère
l'auteur, permettra de freiner la déforestation. Également, le
développement de l'agroforesterie, tel que préconisé,
risque d'être une solution purement technique sans prendre en compte les
réels besoins des populations rurales dépendantes des ressources
naturelles et dont l'auteur lui-même signale la pauvreté et
l'accroissement numérique.
Venant quatre ans après Mercier et douze ans
après Giri, Gérard Buttoud fait remarquer que « la
déforestation constitue, en effet, l'un des problèmes majeurs
auxquels se trouvent confrontés les paysans d'abord, mais aussi les
pouvoirs publics, africains ».9 En ce qui concerne
l'ampleur du déboisement, l'auteur précise que si l'on en croit
les satellites, l'Afrique sèche perdrait chaque année 2, 2
millions d'hectares de ses espaces boisés tandis que la bande
sahélienne allant du Sénégal au Tchad enregistrerait une
déforestation annuelle moyenne de 400 000 hectares. Pour l'auteur,
même si ces données sont sujettes à caution, elles donnent
un ordre de grandeur et sont indicatrices d'une réalité grave.
Les efforts de reboisement entrepris depuis les indépendances par les
gouvernements avec l'appui des organisations internationales et non
gouvernementales n'ont pas produit l'effet positif escompté. Ces
efforts, marqués par un esprit de règlementation purement
légaliste visant à interdire, n'étaient pas
accordés avec les savoirs locaux des populations paysannes et ont
créé des résistances. Face au taux élevé de
déforestation dans les pays pauvres de l'Afrique tropicale, la solution
consiste à changer de politiques forestières en repensant la
gestion de l'espace et de l'environnement. La nouvelle perspective devra donc
intégrer les perceptions paysannes de l'arbre et de la forêt.
L'importance du politique est bien démontrée ici
dans le traitement de la crise environnementale africaine. Les analyses de
l'auteur montrent que l'Etat a un rôle de catalyseur des efforts de
reboisement jusque dans les brousses reculées.
De son côté, Fleur Enriquez-Sarano10
s'intéresse à la situation des habitants du Sahel face à
la déforestation, en général, ainsi qu'aux
activités quotidiennes et à la lutte des femmes en particulier.
Dans ce contexte sahélien où « la désertification
se vit au jour le jour » à cause
8Ibidem, p. 97.
9 BUTTOUD, G., La forêt et l'État en
Afrique sèche et à Madagascar. Changer de politiques
forestières, Paris, Karthala, 1995, p. 6.
10 ENRIQUEZ-SARANO, F., « Les habitants du
Sahel face à la déforestation. Activités quotidiennes et
lutte des femmes », Le courrier de l'environnement, N° 41,
octobre 2000. Disponible sur le site :
http://www.inra.fr/internet/Produits/dpenv/fleurc41.htm
(consulté le 26/03/2010).
des aléas climatiques mais surtout de l'action humaine,
l'auteur montre comment les femmes s'engagent dans la lutte contre la
déforestation pour la protection de l'environnement avec l'appui
d'organisations internationales telles que la FAO, l'UNESCO et de projets
régionaux comme le CILSS (Comité inter-États de lutte
contre la sécheresse au Sahel). Organisées en associations,
groupements et coopératives, les femmes du Sahel s'impliquent dans
divers projets de sauvegarde de l'environnement : reboisements, foyers
améliorés, opérations de conservation des eaux et des
sols, cultures de contre saison, etc.
Si le thème de l'étude d'Enriquez-Sarano est
intéressant du point de vue de sa problématique, il reste
néanmoins que l'auteur a plus développé les causes de la
déforestation (5 pages sur 7) au détriment de ce qui en est
l'objet même, à savoir les activités quotidiennes et la
lutte des femmes. Egalement, l'étendue de la zone d'étude (le
Sahel) a fait que l'auteur est resté assez générale dans
la présentation des données. Il nous faut cependant retenir que
la pertinence de l'étude se trouve dans l'approche genre qui en a
été faite. Du fait que chaque couche sociale subit les
conséquences du déboisement et de la désertification,
chacune est invitée à s'impliquer dans la sauvegarde de
l'environnement. Or le rôle des femmes à ce niveau n'est pas
négligeable.
Selon Pierre Ozer11, bien que la question de la
déforestation soit une « problématique environnementale
majeure du XXIe siècle », elle reste encore peu
maîtrisée faute de statistiques fiables, surtout en ce qui
concerne l'Afrique sahélienne. Présentant une synthèse des
connaissances sur la consommation du bois de feu en Afrique sahélienne
occidentale (Mauritanie, Sénégal, Mali, Burkina Faso, Niger et
Tchad), l'auteur montre combien cette consommation n'a cessé de
croître et est une cause majeure du déboisement au Sahel. Pour
lui, la solution à la déforestation consiste en « une
réforme profonde de la politique énergétique dans les pays
concernés »12. A contrario, il faudra s'attendre
à un cercle vicieux constitué de migrations massives, d'un
accroissement de la pression anthropique sur l'environnement et d'une multitude
de tensions et conflits.
Bien qu'elle soit circonscrite à l'Afrique occidentale
sahélienne, l'étude de P. Ozer soulève des questions
sociologiques importantes pour tout le continent africain. Les risques que
craint l'auteur constituent déjà une réalité dans
certaines régions de l'Afrique tel que le Burkina Faso où les
populations se déplacent du Nord vers l'Ouest et le Sud-ouest posant
ainsi le problème d'intégration dans les communautés ou
sociétés d'accueil. Chaque
11 OZER, P., « Bois de feu et déboisement
au Sahel : mise au point », Sécheresse n°3, Vol. 15,
Septembre 2004, pp. 243-251.
12 Ibidem, p. 249.
hivernage voit la montée des conflits entre
agriculteurs et éleveurs se disputant les espaces. C'est cet ensemble de
dynamiques sociales induites par le déboisement qui en fait la question
sociale majeure du XXIe siècle et qu'il faut résoudre
urgemment.
Elisabeth Benoît13 analyse les impacts des
changements climatiques sur le monde de la médecine traditionnelle au
Burkina Faso. S'intéressant d'abord aux causes humaines de ces
changements climatiques, l'auteur signale que la « surutilisation »
du bois et la déforestation sont mentionnées au premier rang
comme facteurs explicatifs des changements environnementaux. En effet, au
Burkina Faso, le bois est coupé à grande échelle parce
qu'il est la principale source d'énergie domestique. En outre, il est
une source de revenus pour les populations rurales. Quant aux impacts des
changements climatiques et environnementaux sur les conditions
sociales, l'auteur ne manque pas de relever les
difficultés qu'éprouvent les phytothérapeutes
(appelés tradipraticiens) dans leur fonction de médecins
traditionnels, socialement reconnus, à cause de la rareté des
plantes médicinales ; rareté occasionnée par la diminution
de la pluviosité d'une part et par le déboisement d'autre part.
Cette situation inconfortable conduit les tradipraticiens à des
adaptations individuelles et collectives telles que la pratique de
l'agroforesterie, la création de jardins botaniques, la recherche du
soutien des ONG et de l'Etat, etc.
L'étude de E. Benoît est intéressante pour
notre problématique pour deux raisons fondamentales : la première
étant la zone d'étude qui est le Burkina Faso, notre pays et
notre champ d'étude et la deuxième le thème abordé.
Cette étude montre la relation étroite entre le
déboisement et les changements climatiques. Ces changements climatiques
sont, comme le déboisement, facteurs de changements sociaux non
moindres. Jusqu'où peuvent s'étendre les capacités
d'adaptation des populations concernées dans un contexte
géographique et national déjà fragilisé ? C'est
dire que la vulnérabilité dont parle l'auteur est un
problème d'actualité à prendre en compte dans les
recherches.
James Fairhead et Melissa Leach14 remettent en
cause les estimations actuelles sur la déforestation de l'Afrique de
l'Ouest au XXe siècle. Selon eux, il y a eu une tendance
à l'exagération de la déforestation dans cette partie du
continent alors que, selon toute vraisemblance, la surface de forêt
perdue depuis 1900 serait seulement d' « un tiers des
13 BENOIT, E., « Les changements climatiques :
vulnérabilité, impacts et adaptation dans le monde de la
médecine traditionnelle au Burkina Faso », Vertigo, Vol.
8, N°1, Avril 2008, p. 9. Version électronique sur le site :
http://vertigo.revues.org/1467
. (Consulté le 30 mars 2010).
14 FAIRHEAD, J. et LEACH, M., « Réexamen
de l'étendue de la déforestation en Afrique de l'Ouest au
XXe siècle »,
http://www.afriquedurable.org/2009/08/reexamen-de-letendue-de-la.html
ou
http://www.fao.org/docrep/w7126f/w7126f06.htm
(consulté le 30 mars 2010).
chiffres qui circulent actuellement dans les études
scientifiques internationales ». Le problème de fond est celui
de la définition même de la forêt et le fait du manque de
remise en cause des sources historiques ou même de manque d'utilisation
de données historiques. Or aujourd'hui la
télédétection permet, avec assez de précision,
« de déduire la nature et l'étendue du couvert forestier
d'antan, et l'échelle de temps de sa disparition, à partir
d'observations de la végétation actuelle, associées
à plusieurs hypothèses ». Partant donc de la
définition de la forêt donnée par Hall15 selon
laquelle celle-ci est un « couvert végétal dominé
par des arbres, sans sous-étage d'herbe ou de végétation
adventice et n'ayant pas été cultivé récemment
», nos auteurs limitent leur étude aux forêts
caractéristiques des zones humides et semi-humides d'Afrique de l'Ouest
et utilisent des descriptions du paysage, des photographies aériennes,
des cartes et des témoignages comme outils de renseignement. Les deux
auteurs refusent la thèse du « déboisement continu et
irréversible » de l'Afrique de l'Ouest.
Disons que même si cette étude de Fairhead et
Leach comporte beaucoup de précisions par rapport aux études
antérieures en raison des moyens modernes d'investigation, il n'en reste
pas moins vrai que le déboisement à grande échelle qu'ont
connu le Ghana, le Libéria et surtout la Côte d'Ivoire au
XXe siècle est un danger pour la sous-région
ouestafricaine et rien ne prouve que cette végétation perdue sera
remplacée d'ici peu si l'on en croit la thèse de la
démographie galopante. Il y a aujourd'hui une réelle savanisation
progressive de ces zones humides et semi-humides déboisées dont
les conséquences, à plus ou moins long terme, sont
déjà prévisibles et dommageables pour les populations.
Une synthèse de la littérature occidentale sur
le déboisement en Afrique révèle plusieurs approches du
phénomène. C'est ainsi que le problème de
définition des termes « forêt », «
déforestation », « déboisement » ne facilite pas
le débat scientifique. Tandis que certains constatent une
déforestation galopante en Afrique, d'autres affirment qu'il y a une
exagération du phénomène. Cependant, il y a une
unanimité autour des causes de la déforestation :
prélèvements humains à but commercial, agriculture,
pastoralisme, consommation élevée du bois comme source
d'énergie, surpopulation, etc. Les conséquences de cette action
humaine pour les populations consistent essentiellement en des bouleversements
des sociétés. Quel regard les chercheurs africains posent-ils sur
le déboisement et ses conséquences en Afrique ?
15 HALL, J.B., «Conservation of forest in
Ghana», Universitas, n°8, 1987, pp. 33-42.
I.1.2. Littérature africaine sur le
déboisement en Afrique
Comme pour leurs homologues occidentaux, nous
présentons cette revue littéraire d'auteurs africains dans
l'ordre chronologique des publications. Chez eux aussi, le problème du
déboisement ou de la déforestation demeure de tout temps celui du
rapport de l'homme ou des sociétés à leur environnement en
vue de satisfaire les besoins de subsistance. C'est dans ce rapport dynamique
que certains auteurs (surtout les anthropologues) révèlent que
tout n'est pas qu'une question d'exploitation de ressources naturelles.
Par exemple, selon Jean Baptiste
Ouédraogo16, les usages de l'espace rural et les
stratégies de survie, qui permettent de comprendre les enjeux
environnementaux, sont fonction de la perception que les différentes
sociétés ont de leur environnement. L'espace naturel
occupé devient un espace culturel où sont projetées les
structures et les valeurs des sociétés. Pour les Mossi,
si la nature est une ressource inestimable elle n'est cependant pas
inépuisable. D'ailleurs les périodes de sécheresse, en
l'occurrence celle exceptionnelle entre 1968 et 1984, l'ont fait comprendre.
Ouédraogo montre que ces aléas climatiques ainsi que la forte
croissance démographique, facteurs de raréfaction de «
l'espace richesse », conduisent les Mossi à modifier leurs
structures sociales et économiques : taille réduite des villages,
occupation rationnelle de l'espace en distinguant espace de culture et espace
d'installations humaines, pratique de l'agriculture couplée de
l'élevage, établissement de « règles d'affectation et
d'utilisation » de l'espace, adoption de nouvelles techniques agricoles
telles que le « Zay » (technique locale de fertilisation des sols),
etc.
Sans parler explicitement de déboisement,
Ouédraogo montre un rapport dynamique sur fond culturel entre les
populations mossi et la nature pourvoyeuse en ressources. Les stratégies
de survie sont le signe d'une recherche de maîtrise de l'environnement
ainsi que d'une capacité d'adaptation aux changements environnementaux.
L'auteur démontre bien une interaction entre dynamiques naturelles et
dynamiques sociales, mais ne met pas en relief la dimension conflictuelle des
dynamiques sociales qui intéresse notre problématique.
Sur l'état de l'environnement sahélien,
l'étude de Kélétigui A. Mariko, datant de 1996, est
intéressante. En effet, dans La mort de la
brousse17, l'auteur présente une
dégradation progressive de l'environnement sahélien depuis les
indépendances. En trois décennies, cette dégradation a
atteint aujourd'hui « le stade irréversible de la
désertification, de la mort de la
16 OUEDRAOGO, J.B., « Perception de
l'environnement et usages de l'espace rural par les Mossi du Burkina :
stratégies de survie et enjeux environnementaux », Science et
technique, Sciences sociales et humaines, Vol. 21, N° 2, 1994-1995,
pp.80-88.
17 MARIKO, K.A., La mort de la brousse. La
dégradation de l'environnement au Sahel, Paris, Kartala, 1996.
brousse et de la mort de la terre
»18. Pour les mêmes raisons (surpopulation, accroissement
du cheptel, conjonction des facteurs écologiques et humains)
avancées par d'autres auteurs, occidentaux et africains, Mariko conclut
que le bilan de la gestion et de l'exploitation des ressources naturelles du
Sahel est catastrophique et totalement négatif. Une telle gestion de
l'environnement sahélien a pour conséquences, selon l'auteur, la
ruine économique des populations, les migrations, l'exode rural et la
mendicité dans les centres urbains.
Si l'on peut admirer la justesse de l'observation de cet
ancien expert du CILSS (Comité inter-Etats de lutte contre la
sécheresse au Sahel), on peut aussi lui reprocher de ne pas prendre en
compte les différentes tentatives de lutte pour sauvegarder
l'environnement et renverser la tendance de la vitesse de
désertification du Sahel. Ce manque d'intérêt à ces
initiatives fait de l'ouvrage une étude descriptive avec un
arrière-fond pessimiste, puisque l'auteur parle
d'irréversibilité de la désertification du Sahel. Ce
débat portant sur le futur n'intéresse pas le sociologue que nous
sommes.
Tout autre est l'approche de l'anthropologue Séverin
Cécile Abéga19. Partant de la littérature orale
badjue du Cameroun, celui-ci analyse la forêt comme culture.
Transcendant l'approche économiste et matérialiste qui fait de la
forêt « seulement un gisement de ressources », l'auteur
focalise son attention sur les aspects culturels des rapports entre l'homme
badjue et son milieu naturel. Il fait ressortir comment le milieu
naturel forestier a structuré toute la vie des peuples depuis des
millénaires. En effet, « le Badjue, vit la forêt
consciemment ou inconsciemment. Sa culture, son mode de vie donne à
celle-ci une dimension religieuse, sociale, psychologique
»20.
Bien que ne traitant pas spécifiquement du
déboisement, cette étude a son importance pour notre
problématique puisqu'elle met en relief les représentations
socioculturelles d'un peuple par rapport à son environnement dont il est
dépendant et avec lequel il entretient des rapports dynamiques. En cela
elle révèle le rôle structurant de la forêt.
Egalement, cette étude aide à comprendre que le
déboisement, tel qu'il apparaît aujourd'hui chez les peuples de la
savane, se produit à une phase de leur histoire où certaines
valeurs culturelles se changent en lois économiques de consommation. Or
dès lors qu'une société arrive à ce seuil, il va de
soi que sa perception de son environnement poussera à des comportements
qui créeront la rareté
18 Ibidem, p. 51.
19 ABEGA, S.C., Adzala. Espèces et Espaces dans la
forêt badjue, Yaoundé, Presses Universitaires de
Yaoundé, 1999.
20 Ibidem, p. 10.
des ressources. Cette rareté elle-même engendrera
des conflits de tous genres : « conflits aussi de limites, conflits
d'intérêts, alors que la forêt est un espace de paix
».21
Dans la même perspective que M. Abéga, les
chercheurs burkinabè Doti Bruno Sanou et Yacouba
Traoré22 s'intéressent à la dimension
culturelle de la sauvegarde de l'environnement. Pour ce faire, ils proposent
une méthode pour l'étude des questions environnementales : «
la génétique culturelle ». Cette méthode de la
génétique culturelle consiste à partir de l'histoire des
communautés locales, c'est-à-dire à s'appuyer sur les
traditions multiséculaires des sociétés dans la gestion de
leur environnement, pour appréhender les nouveaux systèmes afin
de proposer des comportements en vue d'une gestion, non seulement durable mais
responsable, des ressources naturelles. Quoique le concept de
génétique culturelle soit discutable, cet ouvrage à
l'avantage d'inviter les chercheurs socio-anthropologues, s'investissant dans
la recherche appliquée, à ne pas négliger les traditions
des peuples.
Diarra-Doka et Anne Luxereau23, quant à
elles, montrent que si la désertification et le déboisement sont
une réalité dans certaines régions du Niger, il y a
cependant un renversement de tendance dans la région de Maradi où
on observe une évolution positive de la végétation
c'est-à-dire une multiplication des ligneux, grâce aux innovations
et techniques maîtrisées de conservation des sols et aux efforts
de reboisement consentis par les paysans. « Les
perceptions paysannes de la nature et de sa dynamique ont changé ainsi
que les attitudes vis-à-vis des plantes et des
végétations ».24 À partir des
discours et pratiques des acteurs ainsi que des travaux de terrain
antérieurs, Diarra-Doka et Luxereau analysent les dynamiques sociales
complexes où la diffusion des savoirs et les possibilités de
valorisation économique sont à l'avantage des populations :
replantations de fruitiers locaux, créations de vergers exotiques et de
petits bois d'oeuvre.
L'étude de ces auteurs révèle chez les
populations de Maradi une réelle volonté de changement de leurs
conditions de vie. Et cela montre que la désertification n'est pas une
fatalité, contrairement à Mariko25 qui parle
d'irréversibilité de la situation. La désertification peut
être combattue par des moyens appropriés évitant ainsi aux
populations des migrations interminables.
21 Ibidem.
22 SANOU, D.B. et TRAORE, Y., Culture et
sauvegarde de l'environnement. Essai d'une méthode d'approche des
communautés par la génétique culturelle,
Bobo-Dioulasso, Edition du CAD, 1999.
23 DIARRA-DOKA, M. et LUXEREAU, A., «
Déboisement-reboisement en pays haussa : évolution des paysages
et du rapport à l'arbre », Annales de l'Université Abdou
Moumouni, N° spécial, 2004.
24 Ibidem, p.140.
25 MARIKO, K.A., La mort de la brousse. La dégradation
de l'environnement au Sahel, Paris, Kartala, 1996.
S'agissant justement du rapport entre déboisement et
migration, l'apport de Ram Christophe Sawadogo26 sur le
phénomène au Burkina Faso est précieux. En effet, M.
Sawadogo fait état du rapport dynamique entre migration, environnement
et dégradation écologique au Burkina Faso. S'appuyant sur des
études antérieures, il montre comment les migrations internes de
départ et celles de retour ont eu, dans les régions centre,
centre-ouest, nord-ouest du pays, des conséquences négatives sur
l'environnement. En effet, ces études ont révélé
clairement des « comportements dépradateurs » (sic)
ainsi qu'une « conscience non suffisamment éveillée sur
la fragilité de l'écosystème » 27 chez les
populations migrantes comme chez celles d'accueil. En outre, la
raréfaction de l'espace utile dans certaines localités donne lieu
à des sentiments d'hostilité des populations autochtones à
l'endroit des migrants. C'est pourquoi l'auteur pense qu'il faut élargir
la relation entre la migration et l'environnement à celui, plus
général, de la fragilisation de l'écosystème
où entrent en ligne de compte d'autres facteurs importants comme la
pollution atmosphérique et la péjoration climatique.
Sawadogo signale cependant que malgré cette situation de
fragilisation de l'écosystème, des études récentes
révèlent un renversement des tendances grâce aux
innovations technologiques initiées dans les régions appauvries
et délaissées par les flux d'émigrants. Cette
transformation des rapports à l'environnement pose toute la
problématique du changement social où les actions de
sensibilisation ainsi que d'autres types d'interventions des services publics
ou des ONG sont considérés comme facteurs externes et le
génie propre des groupes sociaux à s'adapter à de
nouvelles contraintes affectant leurs conditions d'existence comme facteur
endogène.
Remarquons que c'est en connaisseur du milieu (le Burkina
Faso) et des problèmes liés à la migration que Ram
Christophe Sawadogo a fait ce bilan du rapport des migrants à
l'environnement. Il soulève dans son étude le problème de
la quotidienneté des rapports entre les populations et leur
environnement, d'une part, et des rapports sociaux entre autochtones et
populations migrantes autour des ressources naturelles, d'autre part. La
dynamique de ces différents rapports sociaux, surtout en contexte de
rareté des ressources naturelles, se manifeste en tensions et conflits
parfois armés (cas récurrent des pasteurs peuls et des
agriculteurs ça et là au Burkina). Le changement social qui
résulte de cette situation est le signe non seulement de la
capacité des populations à s'adapter à leurs nouvelles
conditions de vie mais encore de leur détermination à trouver des
solutions pour un mieux vivre, c'est-à-dire à améliorer
leurs conditions d'existence, ce qu'on appelle développement. Et de
fait, comme
26 SAWADOGO, R. C., Migrations et développement au
Burkina Faso : Expériences de recherches, pratiques de
développement et perspectives, Thèse de Doctorat
d'État, UCAD, Dakar, 2009-2010.
27 Ibidem, p. 323.
nous l'avons déjà signalé ailleurs, la
question singulière du déboisement et celle,
générale, de la dégradation de l'environnement posent
fondamentalement le problème du développement ou du mal
développement des populations rurales et de l'humanité tout
entière.
En résumé, la littérature africaine sur
l'environnement en général et sur le déboisement en
particulier, telle que nous venons de la présenter, prend en compte les
perceptions et représentations sociales de l'espace. En effet les
auteurs sont conscients que celles-ci structurent le mode de vie des
sociétés. D'où l'importance de la dimension culturelle du
rapport société-environnement dans leurs recherches. Dans ce
rapport dynamique, des paramètres tels que la densité, les
dysfonctionnements du marché, les besoins liés aux conditions de
vie des populations sont déterminants dans le rythme de la pression sur
les ressources naturelles, surtout ligneuses. Les migrations, comme cela a
été montré, sont elles aussi, à la fois, causes et
conséquences des pressions sur les ressources naturelles.
Au total, il ressort de cette revue de la littérature
sur le déboisement que le phénomène est d'actualité
dans le monde et en Afrique, surtout sahélienne. Les proportions qu'il
prend en Afrique, à cause de l'accroissement de la population, des
méthodes culturales, de la pauvreté, et bien d'autres facteurs,
sont le signe de la rupture progressive des équilibres de
l'écosystème dont dépend en grande partie
l'équilibre de la vie des sociétés. Il s'en suit donc un
ensemble d'effets, en termes de changements sociaux, auxquels le sociologue
doit être attentif. Telle est l'ambition de cette étude que nous
avons entreprise sur le déboisement dans le Département de Toma
au Burkina Faso.
I.2. Problématique
Dans son rapport de 2010 portant sur l'évaluation des
ressources forestières mondiales, la FAO28 note que bien
qu'il y ait un recul de la déforestation durant ces dix dernières
années à cause des programmes nationaux de reboisement et de la
législation sur les forêts, la déforestation se poursuit
à un rythme alarmant dans certaines régions du monde
(Amérique du Sud, Afrique et Océanie). S'agissant de l'Afrique,
le continent aurait perdu environ 4 millions d'hectares de forêt par an
de 2000 à 2005, soit près d'un tiers de la superficie
déboisée dans le monde. Entre 2000 et 2010, l'Afrique aurait
perdu 3, 4 millions
28 FAO, Évaluation des ressources
forestières mondiales 2010. Résultats principaux, p.3.
Disponible sur le site :
www.fao.org/forestry/static/data/fra2010/KeyFindings-fr.pdf,
(consulté le 12 avril 2010).
d'hectares de forêts29. Cette brève
présentation de l'état du déboisement dans le monde et en
Afrique par l'institution onusienne, montre combien le problème est
d'actualité et invite à se préoccuper de ses
conséquences.
Pour ne parler que de la région sahélienne de
l'Afrique, l'histoire révèle qu'elle a connu, des périodes
dures et successives de sécheresse qui ont eu des conséquences
désastreuses sur la végétation et sur les populations
à majorité agricoles et dont les récoltes dépendent
des pluies. On peut citer entre autres conséquences le manque d'eau, la
désertification, la perte de la biodiversité et la
dégradation des sols. Malheureusement, à ces
phénomènes naturels, il faut ajouter ceux, humains, qui ont
aggravé la dégradation de l'environnement en Afrique
sahélienne. Au nombre de ces facteurs anthropiques de la
dégradation de l'environnement sahélien se trouvent « le
surpâturage, particulièrement dans les terres sèches, le
défrichement de grande étendue de végétation pour
l'agriculture, la déforestation, la culture extensive sur des terres
à faible rendement, l'utilisation de techniques agricoles non
appropriées, la mauvaise gestion des terres arables...
»30 Cette dégradation de l'environnement
sahélien a connu une vitesse terrible depuis les indépendances
sous la poussée de la pression démographie et des nouvelles
méthodes de production agricole. Ainsi, la conjonction des facteurs
écologiques et des facteurs humains laisse dire à Mariko
Kélétigui que « le bilan de la gestion et de
l'exploitation des ressources naturelles du Sahel est catastrophique et
totalement négatif ».31
Le déboisement est un fait réel et
inquiétant, surtout en milieu rural africain, et pose
particulièrement le problème de la gestion des ressources
naturelles. A grande échelle, le déboisement ouvre la voie
à la désertification et au déplacement des populations.
C'est ainsi qu'au Burkina Faso on constate une migration permanente des
populations des zones arides du nord vers celles semi-arides ou humides de
l'ouest et du sud-ouest. Face à cette réalité, le
gouvernement burkinabè a adopté en 2000 un programme de lutte
contre la désertification et de protection de l'environnement visant
à sensibiliser, former et engager les communautés villageoises
dans la lutte pour la sauvegarde de l'environnement. C'est dire combien, face
au phénomène croissant du déboisement, cette lutte se
présente comme une urgence dans toutes les provinces du Burkina Faso.
En effet, dans le Département de Toma, situé au
coeur de la province du Nayala, le déboisement a pris des proportions
importantes avec l'introduction de la culture du coton et des moyens de
transport de grande capacité que sont les charrettes tirées par
les ânes. La
29 ORGANISATION DES NATIONS UNIES POUR L'ALIMENTATION
ET L'AGRICULTURE, Situation des forêts du monde 2009, Rome,
2009, p. 4.
30 PROGRAMME DES NATIONS UNIES POUR L'ENVIRONNEMENT,
Indicateurs de l'état de l'environnement pour l'Afrique de l'Ouest,
novembre 2002, p.11.
31 MARIKO, K. A., op. cit., p. 63.
culture attelée aussi a augmenté les superficies
déboisées. En outre, une étude révèle que
« chaque année près de 50% des superficies de la
province sont brûlées par les feux de brousse
».32 On peut dire qu'au cours des 50 dernières
années l'évolution de l'environnement végétal dans
la province du Nayala, en général, et dans le Département
de Toma, en particulier, a connu une dégradation graduelle. En effet,
des vieux témoignent encore aujourd'hui de l'existence, à une
époque reculée, d'une végétation dense abritant une
faune abondante et parfois dangereuse. Des forêts villageoises, il ne
reste plus, de nos jours, que des résidus sinon le souvenir. Patrice
Toé confirme cette observation des vieux au sujet de l'ensemble du pays
san (dont relève la province du Nayala) en ces termes : «
Cette végétation est en constante dégradation,
liée à l'action déprédatrice de l'homme ; et les
survivances d'une tradition religieuse menacent, encore de nos jours, la
forêt par les feux de brousse ».33 Ceci dit combien
la culture locale contribue elle aussi au déboisement.
Au nombre des activités qui occasionnent le
déboisement par la coupe des arbres, on ne saurait oublier de citer
cette activité commerciale des femmes qui absorbe une grande
quantité de bois : la préparation de la bière de mil (le
dolo). On compte dans le Département de Toma plus d'une
centaine de brasseries de cette boisson alcoolisée dont la
préparation dure en général deux jours et nécessite
au minimum deux charrettes de bois.
Il va sans dire que si le déboisement est une
réalité dans le Département de Toma, ses
conséquences socioculturelles sont aussi importantes que l'ampleur du
phénomène dans cette région du Burkina où les
populations sont agricoles, pauvres et dépendantes de leur
environnement. En effet, l'arbre semble être aujourd'hui la principale
source de revenus des populations dans cette zone rurale où il n'y a pas
d'industrie et où l'artisanat est peu structuré. Dans un tel
contexte où la pauvreté et l'accroissement démographique
se conjuguent et où les besoins humains dépassent toujours les
ressources, le déboisement nous apparaît comme un facteur
sérieux de changement social qu'il importe d'étudier. Notre
problématique se structure autour de la question suivante :
Quelles sont les transformations socioculturelles opérées
par le déboisement dans le Département de Toma ?
S'interroger sur les mutations socioculturelles liées au
déboisement c'est poser le problème fondamental de la gestion
sociale de l'environnement dans notre zone d'étude. Pour nous, le
problème du déboisement dans le Département de Toma
s'inscrit dans l'ensemble de la crise environnementale qui sévit
à l'échelle nationale et mondiale. C'est pourquoi, il nous
importe également de chercher à
32 KABA, A., et TOE, R.M., Monographie de la
province du Nayala, Tougan, Décembre 1998, p. 17.
33 TOE, P., Contribution à
l'étude des transformations socio-agraires en Afrique tropicale : une
approche anthropologique des politiques d'innovation dans l'agriculture en pays
san méridional (Burkina Faso),Thèse de doctorat, EHESS,
Paris, 1994, pp.39-40.
comprendre comment les populations du Département
réagissent face au problème de la dégradation de leur
environnement. En d'autres termes, comment les populations du
Département de Toma s'impliquent-elles dans la lutte pour la sauvegarde
et la protection de l'espace naturel qu'elles occupent ? Telle est la
deuxième question qui sous-tend notre recherche.
I.3. Objectifs
L'objectif général de notre recherche est de
déterminer les conséquences socioculturelles du
déboisement sur les populations rurales du Burkina Faso.
Les objectifs spécifiques sont :
- Déterminer les conséquences socioculturelles du
déboisement sur la vie sociale dans les villages du Département
de Toma.
- Identifier les stratégies utilisées par les
populations du Département de Toma dans la coupe et le transport du
bois.
- Identifier les actions de lutte contre la dégradation
de l'environnement végétal dans le Département de Toma.
I.4. Hypothèses Notre hypothèse
principale est la suivante :
Le déboisement, comme facteur de changement social,
déstructure les communautés villageoises, instaure de nouvelles
socialités et est une cause de paupérisation des populations du
Département de Toma.
Cette hypothèse est sous-tendue par trois
hypothèses secondaires qui sont :
- Le déboisement crée des dysfonctionnements dans
les systèmes traditionnels de gestion communautaire des ressources
naturelles dans le Département de Toma.
- Plus les autorités administratives taxent la coupe de
bois, plus les populations développent des stratégies
raffinées d'exploitation des ressources ligneuses.
- Le degré d'implication des populations dans la
protection de l'environnement est fonction de l'appui institutionnel dont elles
bénéficient. Autrement dit, plus les populations
perçoivent comme avantageuses pour elles les interventions des services
étatiques et des ONG, plus elles participent à la protection de
l'environnement.
I.5. Concept opératoire : le changement
social
Dans la mesure où notre étude s'intéresse
aux dynamiques du monde rural en tentant d'analyser les effets socioculturels
du déboisement sur la vie sociale des populations, le concept
opératoire de changement social nous semble pertinent comme outil de
théorisation. Qu'est-ce que le changement social ? En quoi est-il
pertinent pour notre recherche ?
Lorsque l'on consulte Le petit Larousse illustré
(1995), on y trouve plusieurs termes synonymes du verbe « changer
» dont le substantif est « changement ». Ce sont : remplacer,
rendre différent, modifier, transformer, faire passer d'un état
à un autre. Tous ces verbes sont des verbes d'action renvoyant à
un mouvement. C'est pourquoi le même dictionnaire définit le
changement comme l'«action, le fait de changer, de se modifier, en
parlant de quelqu'un ou de quelque chose ». Le changement social y
est défini comme « ensemble des mécanismes permettant la
transformation lente des sociétés et non leur reproduction
». Cette définition laisse ainsi entendre le changement social
comme un processus dynamique, évolutif et visible des
sociétés. En effet, Guy Rocher définit le changement
social comme « toute transformation observable dans le temps, qui
affecte, d'une manière qui ne soit pas que provisoire ou
éphémère, la structure ou le fonctionnement de
l'organisation sociale d'une collectivité donnée et modifie le
cours de son histoire ».34 Le changement social est,
toujours selon Rocher, « le changement de structure qui résulte
de l'action historique de certains acteurs ou de certains groupes à
l'intérieur d'une collectivité donnée
».35
Mais l'histoire de l'évolution du concept montre que le
changement social est un phénomène complexe, difficile à
cerner. Selon Raymond Boudon et François Bourricaud36, le
processus dynamique (et historique) dont il est question ci-dessus avait
été l'objet d'une théorisation d'abord par les philosophes
puis ensuite par les sociologues. Tandis que chez les philosophes comme Hegel
et Marx37 le changement social est « le résultat de
différentes «contradictions» », chez Nisbet38,
il « résulte de causes externes ». La sociologie classique qui
a développé une pléthore de théories sur le
changement social s'est préoccupée d'en rechercher le «
primum mobile », le moteur et les formes. La sociologie moderne, quant
à elle, rejette l'idée d'une cause dominante du changement social
et admet une pluralité de types de changement (endogène,
exogène, mixte, linéaire, oscillatoires, prévisibles et
difficilement prévisibles).39 Pour Raymond Boudon cette
« diversité des processus de
34 ROCHER, G., Introduction à la sociologie
générale. T3, Le changement social, Ltée,
éd. HMH, 1968, p. 22.
35 Ibidem, p. 24.
36 Cf. BOUDON, R. BOURRICAUD, F., Dictionnaire
critique de la sociologie, Paris, PUF, 1982, p. 70.
37 Cités par BOUDON, R.et BOURRICAUD, F.,
op. cit., p. 70.
38 Idem.
39 Ibidem, p. 71.
changement » oblige le sociologue, qu'il est, à
admettre l'inexistence d'une théorie générale du
changement social et à insister sur la distinction entre processus
endogènes et processus exogènes sans pour autant opter entre une
« théorie endogéniste » et une « théorie
exogéniste ». C'est pourquoi il est préférable, et
nous sommes d'avis avec Boudon, de parler de changement «
exogène-endogène » car il en va ainsi de la
réalité. « En effet, un changement exogène
provoque toujours une cascade plus ou moins complexe de conséquences qui
représentent des ajustements endogènes
».40
Claude Rivière a la même approche que Guy Rocher
lorsqu'il se fonde sur la dimension historique des processus pour
définir le changement social. « Identifiable dans le temps
comme ensemble de transformations dans les conditions et modes de vie d'une
collectivité ou comme succession d'états (t1, t2, t3,...), le
changement social se détermine positivement comme
phénomène à la fois historique, collectif et structurel
affectant l'organisation sociale, sinon dans sa totalité, du moins dans
certaines de ses composantes ».41 Tout autre est
l'approche de Michel Crozier et Erhard Friedberg pour qui « le
changement n'est ni une étape logique d'un développement humain
inéluctable, ni l'imposition d'un modèle d'organisation sociale
meilleur parce que plus rationnel, ni même le résultat naturel des
luttes entre les hommes et de leurs rapports de force. Il est d'abord la
transformation d'un système d'action (...) C'est-à-dire que les
hommes doivent mettre en pratique de nouveaux rapports humains, de nouvelles
formes de contrôle social ».42 Vu sous l'angle de
l'analyse systémique, il va de soi que le changement social apparaisse
comme tel à ces auteurs. Mais toutes ces approches montrent toujours la
complexité du phénomène et donne raison à Raymond
Boudon. Finalement ce que le sociologue moderne doit admettre, dans le cadre
d'une théorisation sur le changement social, c'est que :
« Il est vain de chercher à ramener le
changement social à un cas de figure unique. Certains processus de
changement social résultent de conflits entre groupes antagonistes.
D'autres résultent d'innovations techniques. D'autres encore de
changements dans l'ethos des groupes. Certains dérivent peut-être
de changements dans la structure de la personnalité (qui s'expliquent
eux-mêmes par d'autres facteurs). D'autres proviennent d'états de
« déséquilibre » engendrés par la structure de
certains systèmes d'interdépendance ou d'interaction. Mais aucun
de ces
40 BOUDON, R., La logique du social. Introduction
à l'analyse sociologique, Paris, Hachette, 1979, p. 232.
41 RIVIÈRE, C., L'analyse dynamique en
sociologie, Paris, PUF, 1978, p.22-23.
42 CROZIER, M., FRIEDBERG, E., L'acteur et le
système. Les contraintes de l'action collective, Paris, Seuil,
1977, p. 383.
mécanismes ne peut être tenu pour
général, ni même comme plus important que les autres.
»43
La pertinence du concept de changement social, dans le
contexte de notre étude, provient du fait que le déboisement,
comme fait social, est un phénomène observable sur une longue
durée dans le Département de Toma et prend, au fur et à
mesure du temps, des proportions importantes. Certains facteurs explicatifs du
phénomène sont connus comme la croissance démographique,
la pauvreté, les dysfonctionnements du marché, etc. Ces facteurs
accélèrent le déboisement qui engendre une série de
conséquences sur les conditions de vie des populations. Ce sont ces
effets dans le temps que nous entendons étudier et qui constituent des
transformations socioculturelles dans le Département de Toma. En somme,
nous voulons rendre compte de la dynamique des rapports sociaux dans cette
localité du Burkina, parce qu'il nous semble que le changement est,
d'après Gilles Ferréol « le coeur de la nature des
choses »44.
I.6. Modèle théorique et modèle
d'analyse I.6.1. Modèle théorique
Le modèle théorique qui sous-tend notre
recherche à caractère socio-anthropologique est le
fonctionnalisme. D'emblée, nous signalons que nous sommes averti de la
position de certains auteurs selon laquelle le fonctionnalisme
appréhende difficilement le changement, car comme le souligne Robert K.
Merton, « les fonctionnalistes tendent à porter toute leur
attention sur la statique de la structure sociale et à négliger
l'étude des changements structurels ». Or, toujours selon
Merton, « Le concept de dysfonction, qui est lié au concept de
tension, d'effort et de contrainte au niveau structurel, fournit un point de
vue analytique à l'étude de la dynamique sociale
».45 Il nous apparaît donc que, même si ce
n'est totalement du moins partiellement, le fonctionnalisme qui étudie
le système social dans sa globalité peut intégrer le
changement, puisqu'aucun système social n'est statique mais toujours
dynamique. L'analyse d'Emile Durkheim qui est une étude de la dynamique
sociale concernant la division du travail n'est-elle pas fonctionnaliste ? Pour
nous, les notions de fonction (ou dysfonction) et de structure comptent.
Étudiant le déboisement comme un phénomène social
qui prend de plus en plus de l'ampleur dans la société
san et dans les villages du Département de Toma, il nous semble
donc que ce phénomène n'est pas sans effet sur la structure ou
encore
43 BOUDON, R., La logique du social. op.
cit., p. 236-237.
44 FERRÉOL, G., Dictionnaire de sociologie,
3ème éd., Paris, Armand Colin, 2004, p. 11.
45 MERTON, K., R., Éléments de
théorie et de méthode sociologique (traduits de
l'américain et adaptés par Henri Mendras), Paris, Plon, 1965, p.
104.
l'organisation de la société concernée.
Toutefois, il nous faut définir le fonctionnalisme et montrer en quoi il
prend en compte notre problématique du changement social.
Selon Philippe Descola, « les ethnologues qualifient
de fonctionnaliste une certaine manière de décrire et
d'interpréter les faits sociaux, de poser et de traiter des
problèmes, étayée par une représentation d'ensemble
de l'état de la société ».46 En
effet, pour les fonctionnalistes, l'explication causale (durkheimienne) se dit
en termes de fonction : la fonction d'une institution, d'un objet dans une
société est la cause de son existence. S'inscrit dans la
même perspective de l'analyse fonctionnelle la théorie des besoins
élaborée par Malinowski47. Il distingue des besoins
primaires (conditionnés par la nature de l'homme et par les
caractéristiques écologiques du milieu où il
évolue) et des besoins secondaires liés à la culture.
Comme cela apparaît clairement, cette théorie «
malinowskienne » des besoins est très fondamentale dans notre
recherche sur le Département de Toma où besoins primaires et
secondaires des populations rurales sont conditionnés et orientés
par le phénomène du déboisement galopant. C'est pourquoi,
nous retenons comme fondement justificatif de notre choix de ce modèle
théorique cette assertion de Malinowski selon laquelle « Dans
tous les types de civilisation, chaque coutume, chaque objet, chaque
idée, chaque croyance remplit une fonction vitale, a une tâche
à accomplir, représente une partie indispensable d'une
totalité organique ». 48
D'un autre côté, le fonctionnalisme nous permet,
d'une part, d'identifier et de comprendre les rôles joués par les
différents acteurs sociaux intervenant dans le phénomène
du déboisement (charretiers, femmes préparant le dolo,
agriculteurs, sculpteurs, agents du service administratif de l'environnement,
...) et, d'autre part, de mettre en relief comment les structures de la
société san sont modifiées dans les villages et
fonctionnent désormais en intégrant le phénomène du
déboisement massif. En effet, les différents rôles,
appréhendés en termes d'interactions et d'interdépendances
entre divers acteurs sociaux rendent compte des liaisons fonctionnelles au sein
des communautés villageoises du Département de Toma et du
changement social en cours.
Avec Lewis Coser (1956) le fonctionnalisme aborde, avec une
originalité particulière, la question des conflits. Mais pour
Coser les conflits ne déstructurent pas forcément la
société. Au contraire « un conflit, à
l'intérieur d'un groupe, peut contribuer à créer son
unité, ou à ramener l'unité et la cohésion lorsque
celles-ci ont été menacées par des sentiments
hostiles
46 DESCOLA, P., Les idées de
l'anthropologie, Paris, Armand Colin, 1988, p. 63.
47 MALINOWSKI, B., Une théorie scientifique
de la culture, Paris, Maspero, 1968.
48 MALINOWSKI, cité par DESCOLA P., op.
cit., p. 99.
et opposés parmi ses membres ».
49 Le conflit donne naissance à de nouvelles
institutions. Or le conflit est inhérent aux phénomènes du
déboisement et du changement social. C'est là donc
qu'apparaît visiblement le rôle structurant et déstructurant
de déboisement comme phénomène de changement social dans
les villages que nous étudions. Henri Mendras nous éclaire
davantage : « Toute société comporte des groupes
différents dont les intérêts divergents entrent à un
moment ou à un autre en conflit et l'idée qu'une
société idéale serait une "harmonie" sans tension n'est
évidemment qu'un rêve dont il faut se défaire.
»50 En effet, le déboisement dans le Département
de Toma est source de conflits entre propriétaires fonciers,
autorités administratives et coupeurs de bois. Il crée des
ruptures dans l'écosystème rendant ainsi caduques certaines
pratiques culturelles (raréfaction du gibier et rôle fictif des
grandes chasses traditionnelles), mettant en échec certaines fonctions
religieuses (prêtre faiseur de pluie) et rendant difficile
l'approvisionnement en bois de construction et en produits de la
médecine traditionnelle.
Par ailleurs, les différents conflits dont il est
question font naître chez les acteurs des stratégies visant
à une exploitation optimale de la ressource naturelle arbre. C'est
pourquoi l'analyse stratégique de Michel Crozier, que nous empruntons
comme approche théorique du phénomène de
déboisement dans le Département de Toma, se révèle
d'une importance sans précédant. Selon cette théorie,
chaque acteur social est un stratège dans les systèmes où
il évolue et où il fait jouer sa liberté en tentant
d'avoir une maîtrise des zones d'incertitude. En effet, dans les
relations de pouvoir comme celles entre les autorités administratives de
contrôle de l'environnement à Toma et les coupeurs de bois
(clandestins et officiels) ou mêmes les agriculteurs, les
différents acteurs développent de part et d'autre des
stratégies visant la maximisation de la coupe de bois pour les uns et la
sauvegarde de l'environnement pour les autres. C'est pourquoi l'analyse
stratégique proposée par Michel Crozier dans le cadre de
l'étude des organisations convient aussi dans notre étude. Comme
le disent si bien Henri Mendras et Michel Forsé, « Le
changement, ce n'est pas seulement des forces historiques et macrosociales,
c'est aussi l'interaction des stratégies multiples de très
nombreux acteurs ».51
I.6.2. Modèle d'analyse : le changement social selon
Michel Crozier
Après cette présentation de notre modèle
théorique, le modèle d'analyse que nous privilégions dans
notre étude sur le déboisement est celui développé
par Michel Crozier et
49 COSER, L., Les fonctions du conflit social,
Paris, PUF, 1982, p. 83.
50 MENDRAS, H., Eléments de sociologie,
Paris, Armand Colin, 1996, p. 203.
51 MENDRAS, H., FORSÉ, M., Le changement
social, tendances et paradigmes, Paris, Armand Colin, 1983, p. 11.
Erhard Friedberg dans leur ouvrage intitulé
L'acteur et le système.52 Pour ces auteurs, le
changement est d'abord la transformation d'un système d'action et mise
en place de nouveaux rapports humains avec de nouvelles formes de
contrôle social.
Il est bien vrai que, traitant du déboisement, nous ne
sommes pas dans le cadre d'une organisation bureaucratique. Toutefois, parce
que dans la perspective de l'analyse fonctionnaliste que nous adoptons, la
société est comme un système vivant composé
d'éléments qui interagissent, le modèle de Crozier permet,
dans un système social évolutif tel que celui du
Département de Toma, d'analyser les rapports de l'individu à
l'espace et de bien mettre en relief les rapports du trinôme
société-pouvoir-espace. Dans cette perspective, et
conformément au modèle d'analyse de Crozier, pouvoir, zone
d'incertitude, stratégie et enjeu, conflit, système d'action
concret sont des concepts clés qui définissent et permettent
d'interpréter les relations entre acteurs dans un contexte donné,
tel que celui, ici, du déboisement en particulier et d'utilisation ou de
gestion des ressources naturelles en général.
En somme, dans ce contexte du déboisement, c'est la
dynamique des rapports entre acteurs individuels et collectifs
(autorités administratives, propriétaires fonciers, coupeurs de
bois, brasseuses de dolo,...) qui rend compte du changement social
dans le Département de Toma.
52 CROZIER, M., FRIEDBERG, E., op. cit., p.
383.
CHAPITRE II : CADRE MÉTHODOLOGIQUE DE LA
RECHERCHE
Ce chapitre qui traite du cadre méthodologique de notre
recherche prend en compte les éléments suivants : le champ
d'étude, les méthodes et techniques de collecte des
données, le déroulement de l'enquête et les
difficultés rencontrées.
II.1. Champ d'étude
Le Département de Toma53 se trouve au coeur
de la province du Nayala située ellemême au nord-ouest du Burkina
entre 02°30' et 03°30' de longitude Ouest et 12°30' et
13°30' de latitude Nord. Le Département de Toma s'étend
entre 02°45' et 03°30' de longitude Ouest et entre 12°20' et
12°55' de latitude Nord. Avec une superficie de 3 829 km2, il
regroupe 16 villages et est limité au Nord et au Nord-Est par le
Département de Yaba, au Sud-Est par le Département de Didyr, au
Sud par le Département de Gossina, au Sud-Ouest par le
Département de Yé et à l'Ouest par le Département
de Kougny.
II. 1.1. Climat
Les conditions climatiques du Département de Toma sont
celles de l'ensemble du Burkina : rudes (8 à 9 mois de saison
sèche et 3 à 4 mois de pluies aléatoires variant entre 500
et 1000 mm par an), avec chaque année des perturbations du cycle
agricole et une mauvaise répartition des pluies. Les populations
subissent tantôt des sécheresses tantôt des inondations et
sont, de ce fait, exposés à l'insécurité
alimentaire. Le tableau ci-dessous nous donne une idée de la
répartition de la pluviométrie sur les dix dernières
années. Les précipitations s'étendent sur une
période de 39 à 54 jours.
Tableau 1 : Pluviométrie des 10 dernières
années dans le Département de Toma
Années
|
Hauteur d'eau en mm
|
Nombre de jours
|
2000
|
670,5
|
39
|
2001
|
512,3
|
39
|
2002
|
760,8
|
51
|
2003
|
554,3
|
37
|
2004
|
1187,5
|
58
|
2005
|
565
|
37
|
2006
|
612,2
|
45
|
2007
|
691,1
|
54
|
2008
|
929,9
|
39
|
2009
|
886,2
|
47
|
Source : DPAHRH/Nayala, août 2010.
53 Nous tirons les données statistiques sur
le Département de Toma de deux documents principaux : le Plan
communal de développement de Toma (décembre 2009) et la
Monographie de la province du Nayala (octobre 2007).
II.1.2. Végétation et sols
Comme pour l'ensemble de la partie nord-ouest du Burkina, la
végétation du Département de Toma est clairsemée.
Elle est en fait une savane arbustive composée d'arbres épars
comme le karité (Vitellaria paradoxa), le néré
(Parkia biglobosa), le tamarinier (Tamarindus indica), le
baobab (Adansonia digitata), le kapokier (Bombax costatum),
le Balantes aegyptiaca et des variétés d'acacia telles
que l'acacia albida, l'acacia nilotica et l'acacia seyal.
Dans les zones d'habitation, on trouve des plantations d'eucalyptus
camaldulensis, de neems (Azadirachta indica) et de manguiers
(Mangifera indica). La végétation constitue
également une savane herbacée. Il n'y a pas de forêt, mais
quelques bosquets près de certains villages. En outre, malgré les
luttes contre la désertification, le déboisement ne cesse de
prendre de l'ampleur. D'importantes superficies (non évaluées par
les services administratifs compétents, faute de moyen) sont
brûlées chaque année par les feux de brousse.
Les sols sont composés des types suivants :
- les sols argileux qui comprennent les sols bruns argileux et
les sols argileux sableux favorables à la culture des
céréales et du coton ;
- les sols gravillonnaires, presque incultes ;
- et les sols ferrugineux favorables aussi à la culture
des céréales, du coton et de l'arachide.
Les sols connaissent une dégradation due aux actions
anthropiques telles que les méthodes culturales extensives, les
défrichements anarchiques, la coupe abusive du bois vert et les feux de
brousse.
II.1.3. Population
Selon les résultats du dernier Recensement
Général de la Population et de l'Habitat de 2006, le
Département de Toma compte 29 451 habitants. Une répartition de
cette population par sexe donne 14 632 hommes, soit 49,68%, et 14 819 femmes,
soit 50,32%. Le taux de croissance de la population est de 2,37%. Selon ce taux
la population du Département atteindra 34 835 habitants en
201454.
Les ethnies qui peuplent le Département sont, les
Sanan, les Mosse, les Gourounsi et les
Peuhls. La cohabitation est pacifique entre ces différents
groupes ethniques. L'aspect anthropologique de notre travail ne prendra en
compte que la culture de la société san que
54 COMMUNE DE TOMA, Plan communal de
développement de Toma 2010-2014, Toma, 2009, p.23.
nous connaissons mieux par rapport aux autres groupes ethniques,
ce d'autant plus qu'elle est la société autochtone qui a
accueilli les autres.
II.2. Méthodes et techniques d'observation et de
collecte des données
Sous ce titre, nous entendons exposer comment nous avons
mené notre recherche et quels outils nous avons utilisés.
II.2.1. La recherche documentaire et les entretiens
exploratoires
Afin de faire de point des connaissances sur notre question de
recherche et de construire ainsi la partie théorique de notre travail,
une exploration documentaire a été nécessaire. Celle-ci
s'est faite avant la construction de la problématique et s'est
poursuivie durant la rédaction de la revue de la littérature et
l'analyse des données. Outre les bibliothèques de l'UCAD et de
l'université de Ouagadougou, nous nous sommes rendu dans divers centres
de documentation (CODESRIA, CRDI, IRD, ENDA Tiers-monde, les Ministères
de l'environnement du Sénégal et du Burkina, ...) pour chercher
l'information.
Cette recherche documentaire a été
complétée par des entretiens exploratoires réalisés
auprès de spécialistes de l'environnement ainsi que des
professeurs et étudiants de l'UCAD.
II.2.2. Méthodes d'observation
Au regard du caractère socio-anthropologique de notre
recherche, nous avons opté d'utiliser la méthode qualitative.
Cette méthode comprend deux techniques : l'enquête par entretien
et l'enquête par observation. S'agissant des entretiens, la collecte des
données s'est faite à travers les types semi-directifs et les
focus-group. En réalité, c'est l'objectif de la recherche qui
impose la technique à utiliser. Selon Madeleine Grawitz, «
lorsque les comportements vécus, la présence des autres, les
processus dynamiques sont en cause, l'emploi des techniques de groupe
s'impose ».55 Dans la mesure où techniques de
groupe et techniques individuelles ne s'excluent pas mais se complètent,
nous avons opté pour les deux techniques. A cet effet, un guide
d'entretien nous a servi d'outil de collecte des données.
Les informations ont été recherchées
auprès d'un échantillon significatif (c'est-à-dire capable
de fournir des informations de grande qualité) et stratifié
composé comme suit :
- Une catégorie de personnes composée de
responsables coutumiers (5), de phytothérapeutes ou «
tradipraticiens » (3), d'autorités administratives (2 : le
55 GRAWITZ, M., Méthodes des sciences
sociales, 11ème éd., Paris, Dalloz, 2001, p.
532.
Directeur provincial de l'agriculture et le Directeur
provincial de l'environnement), de charretiers coupeurs et vendeurs de bois (5)
et des vieux septuagénaires (5). Soit un total de 20 personnes choisies
dans 5 villages où le problème du déboisement se pose avec
acuité.
- Deux focus-group composés de 10 femmes chacun, et
dont la moitié sont des préparatrices de dolo. Soit
également un total de 20 personnes.
Au total, la taille de notre échantillon était
de 40 personnes choisies en fonction de la quantité et de la
qualité des informations que nous recherchions et qu'elles pouvaient
nous fournir sur le phénomène du déboisement. Les
charretiers coupeurs et vendeurs de bois étaient des jeunes et des
adultes d'âge compris entre 30 et 55 ans. Dans la mesure où nous
n'avions pas opté pour la méthode quantitative mais plutôt
pour la méthode qualitative, le rapport de la taille de
l'échantillon à la population globale n'était pas
nécessaire ; ce qui justifie la taille réduite de notre
échantillon.
S'agissant de l'enquête par observation, elle a
consisté en une observation directe non participante. A l'aide d'une
grille d'observation, il s'est agit pour nous d'observer « de
l'extérieur » le phénomène de la coupe de bois et des
stratégies de transport de celui-ci en vue de la livraison chez les
acheteurs. L'observation directe nous a permis de saisir les comportements des
acteurs sociaux sur le vif.
II.3. Déroulement de l'enquête
Nous avons mené notre recherche de terrain durant le
mois d'août. Avant d'engager l'enquête elle-même, nous avons
procédé à une pré-enquête conformément
à l'enseignement de la méthodologie. Celle-ci nous a permis de
nous imprégner du terrain et d'ajuster certaines questions de notre
grille d'entretien. Cette phase de pré-enquête a eu pour avantage
de tester la pertinence de nos outils d'investigation. La
pré-enquête s'est déroulée le 30 juillet 2010.
L'enquête proprement dite s'est déroulée
du 1er au 31 août 2010. Elle a couvert principalement cinq villages du
Département : Toma, Koin, Nièmè, Sien et Zouma.
II.4. Difficultés rencontrées
Notre première difficulté était la
maîtrise du temps d'investigation limité au mois d'août,
période hivernale où les paysans, à cause des travaux
champêtres, ne sont pas disponibles dans la journée pour des
entretiens. Ceci nous a amené à faire certaines interviews la
nuit. Nous avons compté aussi avec le dimanche qui est un jour de repos,
mais parce qu'il est aussi jour de prière pour les chrétiens, il
nous a fallu attendre la fin des cérémonies
religieuses, parfois très longues, pour aller à
la rencontre des enquêtés. Certains rendez-vous n'ont pu
être respectés par des enquêtés qui ont
profité du dimanche pour voyager.
Sur certaines questions, la crainte des autorités
administratives n'a pas facilité le dialogue avec certains
enquêtés tels que les coupeurs de bois clandestins. Il nous a
fallu les rassurer par rapport à la publication des résultats de
l'enquête. S'agissant par exemple des stratégies de coupe et de
transport du bois par les clandestins, nous étions contraint de passer
par d'autres personnes pour être renseigné.
Les tradipraticiens aussi pensaient que nous étions
intéressé par la connaissance des leurs secrets médicinaux
en interrogeant sur les plantes qui soignent et dont la rareté ou la
disparition intéressait notre problématique dans le cadre du
déboisement. Un tradipraticien du village de Koin a refusé de
répondre à nos questions.
La période de notre enquête (mois d'août) a
coïncidé avec le ralentissement des activités de
déboisement à savoir la coupe de bois, le défrichement et
les feux de brousse. Nous n'avons pratiquement pas pu faire une observation
participante. L'idéal aurait été de pouvoir faire le
terrain en deux phases : une phase en saison sèche et une autre en
hivernage. Car selon l'une ou l'autre saison la végétation se
présente différemment. En outre, il n'y a pas d'activité
de chasse collective en hivernage.
Enfin, nous avons souhaité entrer en contact avec
quelques informateurs du Service de l'environnement placés dans les
villages, mais le secret a été gardé autour de leurs noms
par ledit service.
DEUXIÈME PARTIE :
PRÉSENTATION, ANALYSE ET INTERPRÉTATION
DES
RÉSULTATS DE L'ENQUÊTE
CHAPITRE III : ÉVOLUTION DE L'ENVIRONNEMENT DANS
LE
DÉPARTEMENT DE TOMA
Le présent chapitre s'intéresse à
l'évolution de l'environnement naturel dans le Département de
Toma afin de mieux rendre compte du phénomène du
déboisement. En l'absence de toute documentation et de repères
historiques précis, nous nous appuyons sur ce que la mémoire de
nos enquêtés a conservé, en essayant de remonter le cours
de l'histoire le plus loin possible. C'est cette mémoire humaine qui
rend compte d'une dégradation progressive de l'ensemble de la
biodiversité et en donne les causes socioculturelles que nous
analysons.
III.1. Dégradation de la biodiversité
La dégradation de la biodiversité est un fait
avéré dans le Département de Toma. Les
enquêtés parlent d'une disparition progressive du couvert
végétal. En langue locale san ce phénomène
s'appelle « Dô ne nyan » (« la brousse est finie
»). Pour les populations, cette « fin » de la brousse
s'observe à partir des espèces végétales et
animales disparues. Une femme de Nième, âgée de 60 ans
environ, témoigne ainsi lors du focus-group que nous avions
organisé le 19/08/2010 : « Avant, la brousse était
touffue et la forêt était danse, difficile à
pénétrer. On ne coupait que du bois mort. Aujourd'hui, avec la
préparation du dolo, les gens ont tout coupé. Il y avait beaucoup
d'animaux sauvages. A l'époque où nous étions bergers et
gardions les chèvres, il y avait un lion qui rugissait non loin de la
rivière à côté (environ 1 km du lieu où
nous étions). Nous le voyions et il ne nous menaçait pas.
Parfois, quand il avait faim, il fonçait sur un mouton et l'enlevait en
toute vitesse sans que nous osions nous approcher pour l'en empêcher.
Aujourd'hui, est-ce que les enfants connaissent le cri du lion ou de
l'hyène ? Les hyènes aussi criaient les soirs. Voici la
forêt des Toé à côté (elle indique
l'endroit à environ 800 m), quand nous étions jeunes filles,
il y avait un lion dedans. Il y en avait aussi à kitan (colline
située à 4 km environ). C'est le fusil et le poison qui ont
fait disparaître ces bêtes sauvages. Pour tuer le lion de la
forêt des Toé, on a versé du poison sur une chèvre
qu'on a attachée dans la forêt. Le lion l'a mangée et en
est mort. Son corps a été jeté dans un puits tari du
village. Un homme de Toma, nommé Guinti, fils de Kèkoro, chassait
les lions avec son fusil. Il en a tué non loin d'ici, sous nos yeux
».
Ce témoignage fait état d'une époque
récente, environ une cinquantaine d'années, où la
végétation était encore abondante et où les
populations villageoises et les bêtes sauvages se partageaient les
mêmes espaces. Ainsi, entre la période de disponibilité des
ressources
autrefois et celle de la rareté constatée
aujourd'hui, suite à la dégradation progressive de la
biodiversité, il y a lieu de souscrire à la thèse de
Marshall Sahlins lorsqu'il écrit : « âge de pierre, âge
d'abondance »56. La déforestation et la chasse, avec des
moyens modernes (pesticides, fusils,...), ont fait que les grands
mammifères carnassiers et herbivores ont totalement disparu du
Département de Toma. Au sujet cette dégradation de la
biodiversité végétale et animale, le Professeur Joseph
Ki-Zerbo préfaçant un ouvrage de Mariko Kélétigui
écrit :
« Nous pouvons nous-mêmes attester que, dans
les années 30, notre village de Toma (Burkina Faso) avait des puits
débordant d'eau, presque en permanence, des brousses et des plans d'eau
foisonnant de vie sauvage : canards, sarcelles, outardes, crocodiles,
batraciens divers, faune de gros, moyen et menu gibier depuis
l'éléphant et le buffle jusqu'au lièvre qui, par ailleurs
peuplait de ses exploits les contes que nous écoutions la nuit.
Aujourd'hui, les nappes phréatiques s'enfoncent, le désert
avance, la brousse se stérilise et devient muette : elle se
cadavérise ».57
Dans le tableau ci-dessous, nous donnons une présentation
des différentes espèces disparues ou menacées de
disparition.
Tableau 2: Répartition indicative des
espèces disparues ou en voie de disparition par
catégorie
Flore
|
Faune
|
Oiseaux
|
Nom scientifique
|
Nom en langue san
|
Nom français
|
Nom en langue san
|
Nom français
|
Nom en langue san
|
Burkea africana Cassia sieberiana
Holarrhena florinbunda Combretum glutinosum Combretum nigricans
Acacia seyal
Vitex doniana
Grewia flavescens Sterculia setigera
|
Yiiti
Guissiin Donõnosewo Kièkiè
Tãan
Guintien kourountii
Ziaa
Kõnforo
|
Lion
Panthère Gazelle Eléphant Cerf
Hyène
Zèbre Hippopotame Porc-épic
|
Yara Goé Sèssia
Dônadii
Zou Kourou
Woré
Bere Boussou
|
Pintade sauvage Poule sauvage Pigeon sauvage
|
Dô-ga
Dô-koo
Compian Tabaan Lônti
|
Faucon
|
56 SAHLINS, M., Âge de pierre, âge
d'abondance. L'économie des sociétés primitives,
Paris, Gallimard, 1976.
57 KI-ZERBO, J., « Un homme bien planté
dans un Sahel déboisé » (Préface), in MARIKO
K.A., La mort de la brousse. La dégradation de l'environnement au
Sahel, Paris, Kartala, 1996, p.10.
Prosopis africana
|
Koron
|
Boa
|
Miengolo
|
|
|
Parkia biglobossa
|
Koin
|
Phacochère
|
Dô-birii
|
|
|
Detarium senegalensis
|
Koro
|
Cob
|
Lou
|
|
|
Bombax costatum
|
Bèrè
|
Antilope
|
tiaan
|
|
|
|
Paparè
|
Buffle
|
Zo
|
|
|
Ceiba plutendra
|
guèssè diwi
|
|
Mouifoua Guèwoda
|
|
|
|
|
|
Source : inspiré de DEHOTIBAYE Alfred (2002, p.57 et
p.62)
III.2. Les causes socioculturelles de la dégradation
de l'environnement
Qu'il s'agisse du déboisement en particulier ou de la
dégradation de l'ensemble de l'environnement en général,
une explication sociologique existe. C'est cette explication que nous tenterons
de donner ici à partir des données d'enquêtes où
sont cités la préparation du dolo, les techniques
agro-pastorales, la diffusion technologique, les feux de brousse, la croissance
démographique, la pauvreté et les méthodes de gestion des
autorités administratives en charge de l'environnement.
III.2.1. La préparation du dolo
En zone rurale comme le Département de Toma, la source
d'énergie principale reste le bois qui est utilisé pour la
préparation des aliments mais surtout du dolo. Au Burkina Faso,
le gaz n'existe que dans les villes où, de nos jours, il se fait rare et
cher. Dans les villages du Département, comme dans l'ensemble du pays
san, le dolo est devenu une boisson courante et un objet de
commerce alors qu'auparavant il était préparé seulement
par les vieilles personnes et consommé uniquement par les adultes.
« De nos jours, dit un enquêté de Koin, tout le
monde consomme cette boisson alcoolisée, surtout les enfants et les
jeunes. Avant, les brus n'ouvraient pas de cabarets, elles travaillaient avec
leurs belles-mères. Mais aujourd'hui, la recherche de l'argent et du
bien-être individuel fait que chaque belle-fille ouvre son cabaret. Le
dolo est exporté vers les villes comme Bobo-Dioulasso et Ouagadougou.
Les cars s'arrêtent ici et nous voyons les bidons de 20 litres
chargés de dolo»58. Comme le signale cette
personne, la consommation du dolo est devenue un fait social total
dans la localité au point que sa généralisation atteint
les grandes villes. Selon nos informateurs, des revendeurs de cette boisson en
font leur activité principale en ville. Or la grande consommation du
dolo
58 Koin, le 20 /08/2010.
implique sa préparation fréquente qui
nécessite beaucoup de bois. Pour préparer cent litres (100 l) de
dolo, il faut au moins deux charrettes de bois, soit environ trois
stères59. En 2000, un recensement des sites de
préparation du dolo dans l'ancienne délimitation de la
commune de Toma dénombrait 75 unités de préparation ou
cabarets.60 Aujourd'hui, dans chacun des 16 villages du
Département de Toma une concession sur deux est un site de
préparation du dolo qui constitue l'activité
économique principale des femmes. Et la forte fréquence des
préparations de dolo accélère le rythme du
déboisement. Il s'en suit donc, à long terme, une
dégradation de l'environnement accentuée par les techniques
agro-pastorales.
III.2.2. Les techniques agro-pastorales
L'agriculture et l'élevage constituent les principales
activités économiques du monde rural. Celles-ci
nécessitent des méthodes rationnelles en vue de rendements
optimaux et sans grand dommage pour la nature. Or dans les villages du
Département de Toma, les populations pratiquent une agriculture
extensive et « itinérante », comme il ressort de ce
récit : « Chaque homme a son champ aujourd'hui, s'exprime
une enquêtée. Il y a trop de champs. Les gens ne travaillent
plus ensemble comme autrefois. Chaque jeune fait son champ dès qu'il se
marie et n'accepte plus de travailler dans la grande famille. Les champs sont
côte-à-côte et l'espace
est vide. Il n'y a plus de brousse. Certains jeunes ne
durent même pas dans l'espace découpéet vont ailleurs pour
faire d'autres champs ».61 A l'analyse de ce qui est dit,
on s'aperçoit
que la végétation disparaît à
causes des méthodes culturales mais également à cause de
l'éclatement de la grande famille et donc de la structure sociale
villageoise dont nous parlerons plus loin. Les défrichements se font par
brûlis. L'introduction de la culture attelée par
l'ADRTOM62 à partir de 1968 et le développement de la
culture du coton ont permis, d'une part, d'agrandir les superficies des champs
et, d'autre part, d'utiliser des pesticides.
Le surpâturage et la divagation des animaux font partie
des méthodes pastorales dans les villages. Les animaux ne connaissent
l'enclos qu'en hivernage. Et, parce que les feux de brousse ont incendié
la nature en saison sèche, les éleveurs sont contraints de
défolier les arbres pour nourrir leurs bêtes. A cause de cette
même divagation des animaux, les femmes font des palissades de bois pour
protéger leurs jardins potagers. Dans le seul village de Sien,
59 La Direction Provinciale de l'Environnement et du
Cadre de Vie (DPECV) à Toma évalue la charrette à 1, 5
stère.
60
http://www.inforoute-communale.gov.bf/english/monographie
nouveau/monographie de toma.htm, (consulté le 14 septembre 2010).
61 Enquête réalisée à
Nièmè, le 19/08/2010.
62 Association pour le Développement
de la Région de Toma, créée en 1968 par le
Père RENDERS sous le nom « Projet-Toma ». Elle crée un
centre de formation rurale à Tô et un centre de culture
attelée à Zouma. Sur l'ADRTOM et ses activités, lire TOE
Patrice, Contribution à l'étude des transformations
socio-agraires en Afrique tropicale : une approche anthropologique des
politiques d'innovation dans l'agriculture en pays san méridional
(Burkina Faso), Thèse de Doctorat, EHESS-Paris, 1994,
pp.227-241.
nous avons compté 165 jardins potagers, chacun
nécessitant au moins trois à quatre stères de bois. Les
palissades de bois sont renouvelées chaque année.
Photo 1: vue d'un champ
|
Photo 2: Palissade de jardin potager
|
|
|
Cliché KI J. P., Koin, le 09/08/2010
|
Cliché KI J. P., Nièmè, le 17/08/2010
|
III.2.3. La diffusion technologique
L'arrivée de certaines technologies nous a
été signalée comme faisant partie des causes du
déboisement et de la dégradation de l'environnement dans le
Département de Toma. En effet, si autrefois la chasse et les battues se
faisaient au gourdin, l'introduction du fusil de chasse par les anciens
combattants a été une véritable révolution dans les
méthodes de chasse. Grâce à ce nouvel outil, un individu
pouvait abattre, à lui seul, le gibier que tout un village mettait des
jours à traquer. C'est ainsi que progressivement, les grands
mammifères carnassiers et herbivores ont totalement disparu de la
région.
D'un autre côté, l'introduction, dans les
années 1965-1970, de la charrette et de la culture attelée et,
aujourd'hui, des tracteurs continue d'avoir un impact sérieux sur
l'environnement. Du point de vue de l'organisation sociale traditionnelle du
travail, dans la société san, la coupe du bois pour les
besoins domestiques (cuisines et jardins potagers) est attribuée aux
femmes qui collectent généralement en brousse le bois mort et le
transportent sur leurs têtes avec un outil appelé gian en
langue san. Le chargement de cet outil est fonction, d'une part, de la
capacité de chaque femme à porter une charge plus ou moins lourde
et, d'autre part, de la distance à parcourir pour arriver à
domicile. De nos jours, la charrette et le vélo ont remplacé cet
ancien moyen de chargement du bois.
Photo 3 : Un gian Photo 4 : Photo 5 : Femme
Photo 6 : Un
Technique de gian transportant du bois
chargement de
sur la tête avec un gian
charrette
Cliché KI J.P., Toma, le 10/08/2010.
Cliché KI J.P., Toma, le 10/08/2010.
Cliché KI J.P., Sien, le 18/08/2010.
Cliché KI J.P., Sien, le 26/08/2010.
Les nouvelles technologies ont non seulement permis de
transporter une plus grande quantité de bois, mais ont également
introduit de nouveaux acteurs que sont les hommes dans la coupe du bois. Nous
reviendrons sur ce point dans le chapitre IV. Et si le nombre de charrettes, il
y a une vingtaine d'années, était réduit, aujourd'hui,
dans la plupart des villages du Département de Toma, on compte une
à deux charrettes par concession.
III.2.4. Les traditions culturelles de feux de brousse
La société san, comme tant d'autres du
monde, vit au rythme de fêtes coutumières suivant le cycle des
activités agricoles. Parmi ces fêtes culturelles se trouve la
fête traditionnelle du feu de brousse qu'on appelle
tèdiè : chaque année, dans chaque village
san, le feu est rituellement mis à la brousse à la fin
des récoltes (novembre-décembre) par un chef coutumier,
responsable de cette fonction coutumière du feu de brousse. Ce rituel de
tèdiè ouvre également la saison des flûtes
qui s'arrêtera avec l'hivernage suivant. A l'occasion, tout le village
prépare du dolo et de la nourriture : c'est la fête. Le
jour du tèdiè, ainsi que le lendemain, le village
organise une battue pour traquer le gibier. Ce rituel du
tèdiè a pour conséquence l'embrasement de la
nature, chaque année, par les feux de brousse malgré les
sensibilisations des agents des eaux et forêts. Selon les responsables
coutumiers, les feux de brousse ont traditionnellement pour rôle
d'éloigner les fauves, les reptiles et les esprits mauvais qui
rôdent autour du village.
Ces traditions culturelles de feux de brousse, comme nous les
désignons, révèlent que la coupe du bois n'est pas le seul
facteur important de déboisement. Elles montrent également qu'une
part du déboisement peut être liée à la culture d'un
peuple. Dans ce cas, le déboisement lui-même devient un trait
culturel dont la société aura de la difficulté à
s'en défaire malgré ses conséquences négatives sur
l'environnement et sur la société elle-même fortement
ancrée dans ses traditions.
III.2.5. La croissance démographique et la
pauvretéPlus une population croît, plus sa pression sur les
ressources naturelles est grande.
C'est ainsi que dans le Département de Toma la
croissance démographique explique en partie le déboisement. Comme
nous l'avons signalé plus haut (Cf. II.1.3), le taux de croissance
démographique du Département est de 2,37%. Dans ce milieu rural,
les besoins en nouveaux champs pour l'agriculture tout comme d'autres besoins
d'ordre économique ne manquent pas. Il est clair donc que la
densité de la population ou, pour utiliser les expressions de Durkheim,
« le volume de la société, et le degré de
concentration de la masse ou...la densité dynamique
»63 ne sont pas sans effets dommageables à
l'environnement naturel. En effet, pour Durkheim, « tout accroissement
dans le volume et dans la densité dynamique des sociétés,
en rendant la vie sociale plus intense, en étendant l'horizon que chaque
individu embrasse par sa pensée et emplit de son action, modifie
profondément les conditions fondamentales de l'existence collective
».64 Dans cette perspective durkheimienne, le
déboisement comme fait social dans le Département de Toma,
s'explique comme une conséquence de l'accroissement démographique
et une forme de division du travail. Dans la province du Sourou (à 40 km
de Toma) plus que dans le Nayala, les migrations accélèrent la
croissance démographique ainsi que la pression sur le milieu naturel.
Certes, dans les villages où les Mosse sont installés,
les autochtones se plaignent du fait qu'ils coupent même les arbres
fruitiers. « Les Mosse sont dangereux pour les arbres. Là
où ils s'installent, ils déblaient tout autour d'eux. Ils aiment
beaucoup la sauce du kapokier (Bombax costatum) mais pour cueillir les
fruits du kapokier, ils coupent les branches. Quand un mossi s'installe dans un
village, il fait venir d'autres parents. C'est pour cela que certains
villages les refusent. Il y a une seule famille mosse à Oury, les gens
n'acceptent pas de donner leurs terres aux nouveaux arrivants
»65. Il nous faut signaler ici que les populations rurales
ont peut-être conscience des risques de la migration pour
l'environnement, mais leur refus de donner leurs terres aux migrants ne vise
pas à protéger la nature mais à conserver leur
patrimoine.
Par ailleurs, parce qu'il n'y a pas d'unité
industrielle à Toma, la population n'a principalement pour source de
revenu que la production agro-pastorale. Le revenu des ménages ne suffit
pas à faire face aux besoins multiples de la vie moderne : santé,
scolarité des enfants, etc. Ces nouvelles contraintes de la vie poussent
les populations villageoises à faire une forte pression sur les
ressources naturelles. Dans ce cas, le déboisement devient une
manifestation de la pauvreté dont on peut faire une approche objective
basée sur une donnée
63 DURKHEIM, E., Les règles de la
méthode sociologique, 13ème édition,
Paris, PUF, 2007, p. 112.
64 Ibidem, p. 114.
65 Un enquêté de Sien, le 10 août
2010.
quantitative (monétaire ou non) et une approche
subjective basée sur la perception que les populations ont de leurs
conditions d'existence. S'agissant de l'approche objective, il nous a
été donné de constater que beaucoup de greniers dans les
villages ne sont plus remplis de céréales comme autrefois et
même que les greniers nouvellement construits ont des dimensions
réduites par rapport aux anciens. Et pourtant le peuple san,
qui est agriculteur, mettait sa fierté dans la taille et le nombre de
greniers pleins construits en devanture des concessions pour plus de
visibilité (Voir photo, Annexe 6). Consommer le mil
récolté la même année était jadis signe de
honte. Or, de nos jours, rares sont les greniers qui ne sont pas vides avant le
mois d'août. Quant à l'approche subjective, un charretier, vendeur
de bois depuis 15 ans, donnait son point de vue sur les raisons de ce
métier, en ces termes :
« Au Burkina, qu'est-ce que le paysan a comme
ressource ? Rien. J'ai cultivé le coton, mais le prix
élevé des engrais m'a appauvri. Je me suis même
endetté pour rembourser. Le mil ne murit pas bien ; et si tu
élèves des poules, la maladie vient les tuer. Avant, il n'y avait
pas de maladie de poules de la sorte. La vie est devenue chère.
Même avec la vente du bois, je ne gagne rien. Parfois même, avant
de livrer le bois à la préparatrice de dolo, je prends une avance
avec elle pour résoudre mes problèmes. Le jour de la livraison je
n'ai rien ».66
On voit bien que pour justifier son métier de vendeur
de bois, notre enquêté peint en noir la vie économique des
paysans du Burkina entier. Certes, la pauvreté est une
réalité qui peut être aggravée en zone rurale par
les aléas climatiques influant directement sur les rendements agricoles,
mais elle ne justifie pas la vente de bois. C'est parce qu'il y a une demande
de bois sur le marché qu'il y a offre, c'est-à-dire vente, et par
conséquent coupe de bois.
III.2.6. Les méthodes de gestion de l'environnement
par les autorités administratives
Pour une grande majorité de nos enquêtés,
les méthodes de gestion de l'environnement par les agents des eaux et
forêts sont à mettre au compte des causes du déboisement.
Les permis payants67 de coupe et de transport du bois qui ont
normalement pour but de freiner le déboisement produisent un effet
pervers chez les populations qui coupent davantage le bois
66 Un enquêté de Sien, le 10 août 2010.
67 Selon les renseignements qui nous ont
été fournis par la Direction Provinciale de l'Environnement et du
Cadre de Vie (DPECV), le permis de coupe d'un stère de bois est de 450 F
CFA et son transport 300 F, soit un montant global de 750 F. A ce montant
global s'ajoute une taxe de la mairie d'un montant de 100 F. Au total, le
permis de coupe et de circulation s'élève à 850 F CFA.
S'agissant de la clôture de leurs jardins potagers, les femmes nous ont
informé qu'elles paient deux mille francs (2000 F CFA) au service
forestier, sans reçu ni quittance. Dans certains villages, les femmes
s'entendent et cotisent mille francs (1000F) par personne pour «
supplier » les agents forestiers.
avant la péremption de leur permis (La validité
du permis est d'un jour). Pour certains enquêtés, le service
administratif de contrôle des eaux et forêts s'est
transformé en « vendeur de la brousse ».
En somme, nous pouvons dire que les causes sociales du
déboisement et de la dégradation de l'environnement dans le
Département de Toma sont structurelles et liées au fonctionnement
global de la société. Les deux modes (traditionnel et moderne)
d'organisation sociale favorisent le déboisement.
En conclusion à ce chapitre, notons que
l'évolution de l'environnement dans le Département de Toma a
été tributaire des changements sociaux internes à la
société san en particulier et au Burkina Faso en
général. La diffusion technologique, la croissance
démographique, la dynamique interne des institutions, etc.,
témoignent bien du progrès qu'a connu le Département et
des nouveaux besoins des populations dans un contexte géographique
où les ressources naturelles ne sont pas inépuisables et
où les aléas climatiques imposent des contraintes
sérieuses aux paysans.
CHAPITRE IV : LES CONSÉQUENCES SOCIOCULTURELLES
DU
DÉBOISEMENT DANS LE DÉPARTEMENT DE TOMA
Le chapitre précédent nous a permis
d'apprécier la dégradation de l'environnement dans le
Département de Toma et d'en connaître certaines causes. A
présent, il importe, par rapport à l'objectif même de cette
étude, d'en étudier les conséquences sur les populations.
D'un point de vue sociologique, celles-ci se définissent en termes de
« fonction » et de « dysfonction », pour
utiliser les expressions fonctionnalistes de Robert K. Merton.68 Ces
conséquences se perçoivent au niveau de la structure sociale, des
systèmes traditionnels de gestion communautaire des ressources
naturelles et des relations interpersonnelles marquées essentiellement
par le conflit.
IV.1. Déboisement et dysfonctionnement de la
structure sociale san
La notion de structure fait appelle à celle
d'organisation, de système. Pour Gilles Ferréol, la structure se
définit plus généralement comme « ensemble
d'éléments interdépendants formant système
».69 La structure sociale comme système
organisé fait apparaître des rôles, des normes et des
valeurs. Les conséquences du déboisement en termes de
dysfonctionnement sont ressenties à ces niveaux dans les villages du
Département de Toma.
Au Burkina Faso, la société san qui
habite le Département de Toma occupe un territoire qui couvre deux
provinces : le Sourou et le Nayala. La société san parle
le san comme langue et ses habitants s'appellent les Sanan.
D'autres peuples ou groupes ethniques les appellent Samos. Les
Sanan sont un peuple d'agriculteurs et, par conséquent, sont
sédentaires.
La société san est une
société segmentaire avec une organisation sociale basée
essentiellement sur l'autonomie des villages. C'est dire qu'il n'y a pas pour
toute la société un gouvernement central laissant percevoir une
organisation pyramidale comme chez certains peuples tels que les
Mosse. « L'organisation sociale des Sanan
révèle cinq principaux groupes horizontaux de parenté
dans chaque village san. Chaque groupe, formant un quartier, est
repérable à son patronyme : Ki, Toé, Sô, Go,
Parè. Chaque groupe exerce une fonction sociale
68 MERTON, K., R., Éléments de
théorie et de méthode sociologique, (traduit de
l'américain et adaptés par Henri Mendras), Paris, Plon, 1965.
69 FERRÉOL, G., (sous la direction de),
Dictionnaire de sociologie, 3ème éd., Paris,
Armand Colin, 2004, p. 203.
reconnue par les autres : les chefs de village (Ki),
les chefs de terre (Toé), les griots (Sô), les
forgerons (Go) et les juges (Parè).
»70 Il est important de signaler ici que dans l'organisation
sociale san, les chefs de terre et les chefs de village jouent
conjointement un rôle capital dans le domaine environnemental : du point
de vue religieux, il leur revient d'offrir des sacrifices en cas de
sécheresse afin qu'il pleuve et, sur le plan social, ils doivent veiller
au respect strict des interdits liés à la nature71 et
gérer les conflits fonciers.
Au chapitre précédent (III.2.3), nous
expliquions qu'avec les nouvelles technologies telles que le vélo et la
charrette, de nouveaux acteurs, c'est-à-dire les hommes, sont
entrés dans l'arène de la coupe du bois. Or dans l'organisation
sociale traditionnelle san l'activité de collecte de bois
était réservée uniquement aux femmes qui avaient la charge
des préparations culinaires. Le phénomène du
déboisement massif a créé un changement dans la structure
sociale faisant de la recherche du bois une activité des deux sexes.
Mais, les moyens employés par les hommes dans cette coupe de bois
étant plus performants que ceux des femmes, on peut dire que la part de
déboisement des hommes surpasse celle des femmes au point d'en faire une
affaire masculine. Ce qui est certain désormais c'est que la
problématique genre et déboisement est créée et
reste à débattre.
De plus, lorsque les femmes seules cherchaient le bois, elles
pratiquaient une certaine sélection puisque dans la
société san il y a des espèces d'arbres que la
femme ne doit couper sous aucun prétexte, à commencer d'abord par
les arbres fruitiers dont on se nourrit. Ici, le lien structural entre l'arbre
fruitier et la femme qui donne la vie est très apparent. Ensuite,
d'autres espèces telles que le guissii (cassia
sieberiana), le kwii (Gardenia erubescens), le
boélèbondan (Ozoroa insignis), et le
donoonensewo (Holarrhena florinbunda) qui remplissent des
fonctions thérapeutiques, symboliques et religieuses sont
également épargnées. En effet, dans la
société san, les racines du guissii servent en
décoction pour laver les bébés ; le kwii est
utilisé pour bannir quelqu'un du village ou pour empêcher de boire
l'eau d'un puits sur un terrain litigieux ; par sa sève blanche, le
boélèbondan qui signifie « la mère du
chevreau qui doit vivre » est rattaché au lait maternel, tandis que
le donoonensewo est mis en rapport avec les génies puisque sa
signification est « le poison des génies ». A ces
espèces, il faut joindre celles liées aux différents
totems des familles que chaque nouvelle épouse en arrivant doit
scrupuleusement respecter sous peine d'être répudiée.
Enfin, en rapport à la cuisine, les femmes connaissaient les
espèces fumigènes et n'en voulaient pas comme bois de feu.
70 KI, J.P., Les technologies appropriées
en zone rurale : cas du moulin à grain dans le Département de
Toma, Mémoire de Maîtrise, Yaoundé, 2000, p. 47.
71 Chez les Sanan la brousse est
sacrée ; c'est pourquoi il est interdit d'avoir des rapports sexuels
dans la nature. Il est également interdit de couper tout arbre fruitier,
même pour des raisons agricoles. A la chasse, on ne tue pas un animal en
gestation ou en train de mettre bas ni un boa en train d'avaler sa proie. Le
crocodile est objet d'une protection sérieuse : le tuer, même par
inadvertance, exige des sacrifices de réparation avec un mouton.
Aujourd'hui, les charbonniers et les charretiers vendeurs de
bois n'épargnent aucune espèce et coupent même de gros
troncs. Or, selon un groupe d'experts en environnement, « lorsque
l'espèce en cause joue un rôle symbolique ou religieux, sa
disparition peut saper l'identité culturelle et mener à une
déstructuration de la société traditionnelle, voire sa
destruction physique (alcoolisme, violences, suicides)
».72
Au niveau des actions collectives, les grandes chasses
traditionnelles connaissent moins de participation qu'autrefois à cause
du manque de gibier. Pour certaines chasses les gens accomplissent
symboliquement le rituel sans aller loin en brousse.
Dans l'organisation sociale san, la gestion des
terres se fait par lignage. Ainsi, les sols sont la propriété de
groupes de familles. L'on ne saurait aller couper du bois sur le sol d'un autre
lignage, ni mettre le feu à la jachère d'autrui. Aujourd'hui, les
vendeurs de bois violent les propriétés des autres et se servent
en bois. De nombreux conflits interpersonnels ont été
engendrés dans les villages par ces actes de violation.
En somme, retenons que le phénomène du
déboisement met à mal aujourd'hui le système traditionnel
de gestion des terres, des arbres et, d'une manière
générale, des ressources naturelles parce que les normes et les
valeurs traditionnelles ne sont plus respectées. Ce non-respect des
normes et valeurs pose au niveau de la structure villageoise le problème
du respect de l'autorité traditionnelle et celui du contrôle
social en général. Comme nous le verrons dans le chapitre
prochain, le pouvoir de l'autorité traditionnelle en matière de
contrôle social est aujourd'hui transféré au niveau des
autorités administratives chargées de la gestion de
l'environnement. Ce sont celles-ci que les populations craignent le plus et
auxquelles elles obéissent bon gré mal gré.
IV.2. Les conflits sociaux
Selon nos enquêtés les conflits fonciers
apparaissent dans les villages ou bien entre villages à l'approche de la
période hivernale, lorsqu'il s'agit d'agrandir les champs ou de
défricher de nouveaux champs. La pratique de l'agriculture extensive et
itinérante est la cause directe de ces conflits. Un cas classique de ces
conflits est celui qui existe depuis 1982 entre les habitants de Sien et
Nièmè et qui, d'hivernage en hivernage, se réveille comme
un volcan. Parfois il dégénère en conflit armé
entre les familles réclamant la propriété des terres.
72 ENTREPRISES POUR L'ENVIRONNEMENT,
Problèmes d'environnement. Dires d'experts, Éd.
Entreprises pour l'environnement, 1996, p. 20.
D'autre part, la coupe du bois dans la propriété
d'autrui a également créé de nombreuses bagarres dans les
villages. Selon les témoignages de nos enquêtés, il est
arrivé que certains coupeurs de bois, pris sur les faits, se voient
retirer le bois qu'ils viennent de couper. Mais d'autres ont refusé de
remettre le bois coupé en brandissant l'argument du permis de coupe qui
leur a été délivré par le service forestier. Ces
refus d'obtempérer ont occasionné des conseils de familles. Nous
traduisant son mécontentement un propriétaire foncier posait la
question suivante : «Est-ce que le service forestier, en
délivrant le permis de coupe, a dit que c'est chez moi qu'il faut couper
le bois ? »73 Il faut dire que la loi nationale sur
Réforme Agraire et Foncière (RAF) et le code forestier
respectivement en application depuis 1996 et 1997 ne prennent suffisamment pas
en compte les coutumes locales et sont de ce fait sources de conflits. Avec la
RAF de 1996, la terre appartient soit à l'Etat, soit aux particuliers
qui ont des titres fonciers74. Les populations rurales ont du mal,
d'une part, à accepter l'idée d'un titre foncier pour être
propriétaire sur une terre ancestrale et, d'autre part, à
comprendre comment un permis de coupe de bois peut autoriser un individu
à « violer » la propriété d'autrui.
Aujourd'hui dans le Département de Toma, les conflits
opposent d'abord des individus coupeurs de bois et des lignages dont la
propriété foncière a été violée.
Ensuite, le conflit est latent entre les autorités administratives
représentant l'Etat et les autorités traditionnelles qui se
sentent dépossédées de leur pouvoir dans la gestion du
foncier et de l'environnement. Enfin, pour des raisons personnelles telles que
la difficulté d'insertion dans le milieu, certains agents du service
forestier étatique ont des rapports tendus avec les populations locales
qui exploitent les formations ligneuses. Ce qu'il faut retenir de ces conflits,
c'est qu'ils sont des conflits d'intérêts autour des ressources
naturelles dont les uns et les autres ont conscience de la raréfaction
avec le temps. Et comme nous le signifie Lewis Coser, « il y a des
occasions de conflit dans toutes les formes de structure sociale car les
individus et les sous-groupes sont toujours susceptibles de se plaindre de
manquer de ressources, de prestiges ou de pouvoir ».75
Dans la logique du changement social, les conflits dont nous
parlons relèvent des dysfonctionnements. Ceux-ci sont liés
à la structure sociale. En effet selon Guy Rocher, « il ne
suffirait pas, par exemple, d'expliquer les conflits sociaux en termes
exclusivement psychologiques comme s'ils ne résultaient que de
sentiments personnels, de l'humeur ou des émotions des membres de la
société. C'est dans la structure de l'organisation sociale,
dans
73 Un enquêté de Zouma, le 7 août
2010.
74 Cette mesure est stipulée dans les articles
4 et 5 de la loi N° 014/96/ADP du 23 mai 1996 portant
réorganisation agraire et foncière au Burkina Faso.
75 COSER, L., A., Les fonctions du conflit social,
Paris, PUF, 1982, p. 84.
son mode de fonctionnement, qu'il faut retrouver la source
permanente qui provoque et alimente les conflits ».76
D'une manière générale, les conflits dont il est question
ici peuvent s'expliquer sociologiquement par la nouvelle restructuration
redistribuant des pouvoirs où les uns et les autres y trouvent peu ou
prou leur compte. En réalité, ces conflits sont les
réponses (réponses sociopolitiques) de la société
globale face au problème écologique qui est créé
par les populations elles-mêmes. Ils mettent en présence divers
acteurs dont les intérêts et les moyens sont variés. Il
convient à présent de considérer une autre
conséquence du déboisement qu'est l'insécurité
alimentaire et sanitaire.
IV.3. L'insécurité alimentaire et
sanitaire
L'insécurité alimentaire et sanitaire fait
partie des conséquences du déboisement dans le Département
de Toma. Les populations ont conscience de cette réalité comme
risque du déboisement. « C'est la coupe du bois et les feux de
brousse qui font que la brousse est finie, s'exprime un de nos
enquêtés septuagénaire. Il n'y a plus de gibier sauf
les perdrix, le lièvre même a disparu. Les sols sont morts, nous
ne gagnons plus du mil comme autrefois. C'est tout cela qui amène la
famine. »77. Un autre s'exprime : « Tant que nous
n'arrêterons pas la préparation du dolo, la famine ne finira pas
chez nous ; c'est le dolo qui fait que les gens coupent la brousse
(entendre par brousse les arbres) ».
De fait, les populations du Département de Toma
connaissent des périodes de graves pénuries
céréalières qu'elles imputent aux caprices de la
pluviométrie dont la conséquence serait un déficit
céréalier. Or, la part de céréales injectée
dans la préparation du dolo durant toute l'année n'est
pas négligeable. La récurrence de la pénurie est telle que
certains villages, comme Sien (à 7 km de Toma), se sont organisés
et ont mis en place une banque de céréales. Mais très peu
de paysans mettent un lien entre les arbres et la pluie. Pour la
majorité, surtout ceux qui n'ont pas été à
l'école, la pluie est une création de Dieu que l'homme ne saurait
expliquer. De fait, dans la langue san les termes « Dieu »
et « pluie » ont la même racine : Dieu = Lawa ; pluie =
lamou (La : Dieu, mou : eau ; d'où l'eau de Dieu). D'une
manière générale, pour les Sanan s'il y a
sécheresse ce n'est pas parce qu'il y a savanisation suite à la
déforestation mais plutôt parce que quelqu'un a offensé la
nature ; et généralement parce qu'il y a eu rapport sexuel dans
la nature. A chaque hivernage, il n'est pas rare d'entendre la rumeur circuler
d'un village à l'autre que quelqu'un a eu des rapports sexuels en
brousse.
76 ROCHER, G., Introduction à la sociologie
générale, T. 3, Le changement social, Ltée,
Éd. HMH, 1968, p. 110.
77 Enquête réalisée à Sien
le 09/08/2010.
Tant que les populations ne mettront pas de lien entre la pluie
et l'arbre la menace de l'insécurité alimentaire sera
omniprésente.
De leur côté, les phytothérapeutes
interrogés sont unanimes pour dire leur difficulté à
trouver de plus en plus certaines plantes médicinales. « Avant,
il suffisait de sortir derrière la maison pour trouver une plante et
soigner rapidement un enfant. Aujourd'hui, il faut aller loin et parfois il
faut des jours de promenade en brousse avant de trouver la plante que tu
cherches »78. Ces propos révèlent une
exposition dangereuse des populations rurales aux maladies tropicales dans un
contexte général de pauvreté où celles-ci peinent
à payer les frais des ordonnances médicales des centres de
santé. Or, « La déforestation modifie le mode de vie des
populations autochtones. En plus d'une déstructuration potentielle de
ces sociétés, le défrichement de la forêt favorise
la diffusion du paludisme et de la fièvre jaune
».79
Dans le fond, le déboisement est non seulement une
menace pour la stabilité écologique mais pour les populations
exposées à l'insécurité alimentaire et sanitaire
parce que la production agricole a baissé et que les produits
phytosanitaires sont rares. La conséquence logique de la rareté
des plantes médicinales est la disparition progressive de la science
médicale locale et la dépendance des populations au
système pharmaceutique moderne. C'est pourquoi le déboisement est
un facteur sérieux de changement social qu'il convient d'analyser dans
le prochain chapitre.
78 Enquête réalisée à Koin,
le 18/08/2010.
79 ENTREPRISES POUR L'ENVIRONNEMENT, Problèmes
d'environnement. Dires d'experts, Éd. Entreprises pour
l'environnement, 1996, p. 18.
CHAPITRE V : DÉBOISEMENT ET CHANGEMENT SOCIAL
DANS LE
DÉPARTEMENT DE TOMA
L'étude des conséquences du déboisement
dans le Département de Toma nous permet à présent de
dégager les éléments qui en font un facteur de changement
social dans cette localité du Burkina Faso. A cet effet, une analyse
sociologique profonde de la structure sociale s'impose. D'ailleurs, Claude
Rivière écrit : « Le changement social se
détermine positivement comme phénomène à la fois
historique, collectif et structurel affectant l'organisation sociale, sinon
dans sa totalité, du moins dans certains de ses composantes
».80 Le changement induit par le déboisement dans le
Département de Toma se traduit en un changement de valeurs, en de
nouvelles formes de contrôle et un développement des
capacités d'adaptation dans l'espace.
V.1. Un changement de valeurs
Que désigne-t-on par valeurs dans une
société ? Selon Henri Mendras,
« Les valeurs s'organisent en un `idéal' que
la société propose à ses membres, et qui est autre chose
qu'un simple futur vers lequel on aspire. Cet idéal oriente les
pensées et les actes, et selon le mot de Durkheim, « une
société ne peut pas se constituer sans créer de
l'idéal». Dans une société donnée, les valeurs
s'organisent en un système ou une échelle de valeurs qui doit
avoir une certaine cohérence ; même s'il comporte certaines
contradictions ».81
La société traditionnelle san proposait
à ses membres un idéal de vie où le sens de la
parenté et de la famille ainsi que le respect de la nature et du
sacré sont en honneur. Dans le Département de Toma, le
phénomène du déboisement a introduit dans les villages un
changement dans la perception de l'espace et de l'arbre, le non-respect de la
propriété d'autrui et une certaine fragilisation des
solidarités familiales.
S'agissant du changement dans la perception de la nature et de
l'arbre, la brousse n'est plus tellement sacrée et l'arbre, surtout
fruitier, a perdu sa valeur nutritive et médicinale pour être
aujourd'hui un objet de commerce. Autrefois, des interdits portaient sur des
arbres à ne pas brûler tels que le kwii (Gardenia ternifolia)
ou à ne pas couper quand on défriche un
80 RIVIÈRE, C., L'analyse dynamique en
sociologie, Paris, PUF, 1978, p. 23.
81 MENDRAS, H., Éléments de
sociologie, Paris, Armand Colin, 1989, pp. 86-87.
champ. C'est le cas pour le karité (Vitellaria
paradoxa), le néré (Parkia biglobosa) et le
koro (Detarium microcarpum) Les forêts villageoises qui
jadis étaient considérées comme sacrées sont
aujourd'hui coupées et vendues. C'est ainsi que la forêt de Sien a
complètement disparu, celles de Nième et d'autres villages telles
que Bouroun (entre Koin et Sien) sont en passe de l'être.
Le non-respect ou la violation de la propriété
d'autrui est le signe d'une certaine fragilisation ou une rupture des
solidarités familiales et villageoises. Tout cela est le signe d'un
éveil d'individualisme où chacun ne pense et n'agit qu'en
fonction de ses intérêts. Il s'en suit alors un accroissement de
conflits. Ce changement de valeurs est un indicateur d'un changement
général de la société san dans ses
structures sous l'influence de facteurs internes et externes, car tout
système social est un système ouvert. Dans la dynamique actuelle
de ce changement, de nouvelles formes de contrôle social et des
stratégies multiples sont développées par les
différents acteurs impliquées dans le déboisement.
V.2. De nouvelles formes de contrôle social et
stratégies des acteurs
Le changement dont il est question dans cette étude
doit être compris comme un « phénomène
systémique », pour utiliser les termes de Michel Crozier et Erhard
Friedberg, toutefois non plus en référence au contexte
bureaucratique mais à l'ensemble de la société. Or toute
société présente les propriétés d'un
système, c'est-à-dire avec des éléments en
relations d'interdépendance, ce qui permet de parler en sociologie de
système social. Ce système qui est toujours dynamique
connaît des transformations dans le temps et l'espace, changeant ainsi de
nature, c'est-à-dire de forme et de caractère. C'est ainsi que
dans le Département de Toma les nouvelles formes de contrôle
social, les nouvelles règles de gestion de l'environnement mises en
place par les services étatiques viennent remplacer les anciennes normes
du système traditionnel. Les coupeurs de bois sont non seulement sous la
surveillance des propriétaires terriens et des chefs coutumiers mais
aussi sous celle des agents du service forestier administratif. En outre, une
catégorie de personnes désignée par le service forestier
et appelée « les informateurs » est dissimulée dans les
populations villageoises, avec pour rôle principal de fournir des
informations sur les coupeurs d'arbres. Dans la perspective de notre
étude du changement social, la mise en place d'un tel système
confirme bien l'analyse de Crozier selon laquelle le changement est «
transformation d'un système d'action », en d'autres termes
« pour qu'il y ait changement, il faut que tout un système
d'action se transforme, c'est-à-dire que les hommes doivent mettre en
pratique de nouveaux rapports humains, de nouvelles
formes de contrôle social ».82
Le nouveau système de contrôle et de gestion environnementale
implique une multitude d'acteurs, dans la mesure où il tente d'impliquer
les responsables coutumiers malgré les contradictions et les
conflits.
En effet, les incompréhensions entre les agents
forestiers et les populations locales rendent leurs rapports conflictuels. De
plus, du côté des populations, on enregistre la crainte ou la
peur. Le directeur provincial de l'environnement et du cadre de vie nous
confiait ceci dans l'entretien que nous avions eu avec lui : « La
tenue militaire, avec l'arme à côté, compromet la
sensibilisation ».83 Il va alors de soi que dans un tel
climat de relations, les différents acteurs développent des
stratégies multiples. C'est ainsi que de leur côté, les
coupeurs d'arbres ont plusieurs manières de les abattre et de les
transporter pour la vente. Nous ont été citées les
méthodes qui consistent à faire un trou dans le tronc de l'arbre
pour qu'il crève plus tard ou encore à passer au feu le bois vert
afin de laisser croire à l'agent forestier qu'il provient d'un nouveau
champ défriché. Une autre stratégie est de camoufler les
instruments de coupe du bois dès qu'on entend le bruit de la moto de
l'agent forestier et de jouer au passant. Pour les stratégies de
transport du bois, la circulation se fait la nuit entre 2 h et 3h du matin ou
bien dans la journée à 13 h, heure où l'agent forestier
est descendu de travail. Les coupeurs de bois se passent également les
permis de coupe. De leur côté aussi, les agents forestiers tentent
de surprendre les coupeurs ou transporteurs de bois en flagrant délit.
D'où l'institution d'informateurs par village, l'abandon du port de la
tenue militaire, le déchirement du permis de coupe pour qu'il ne serve
pas pour plusieurs transports de bois.
Ainsi, contrairement à notre hypothèse disant
que plus les autorités administratives taxent la coupe de bois, plus les
populations développent des stratégies raffinées
d'exploitation des ressources ligneuses, il apparaît clairement ici que
le raffinement des stratégies est plutôt fonction du degré
de coercition du contrôle exercé par les autorités
administratives sur les populations. En somme, les rapports entre les agents
forestiers et les populations paysannes, surtout les coupeurs d'arbres, sont
faites de surveillance mutuelle. Dans cette relation de surveillance
apparaît comme dit Crozier « un jeu de pouvoir et d'influence
auquel l'individu participe et à travers lequel il affirme son existence
malgré les contraintes ».84 Le
phénomène du déboisement a contribué aussi au
développement des capacités d'adaptation dans l'espace
naturel.
82 CROZIER, M., FRIEDBERG, E., op. cit., p.
383.
83 Entretien du 9/08/2010.
84 CROZIER, M., FRIEDBERG, E., op. cit., p. 386.
V.3. Un développement des capacités
d'adaptation dans l'espace naturel
Face aux conséquences géo-physiques du
déboisement telles que la dégradation des sols, les populations
du Département de Toma, avec l'appui d'ONG (UGPN, ADPNA, SOS-Sahel), de
la Direction provinciale de l'agriculture et de la Direction provinciale de
l'environnement et du cadre de vie, procèdent collectivement à la
restauration et à la fertilisation des sols. Les initiatives englobent
les techniques de compostage, l'installation de cordons pierreux dans les
champs, le creusage de « demi lunes » et les techniques du «
zaï » (ou « zay ») (voir photo : annexe n° 5).
Les cordons pierreux sont des alignements de cailloux sur le
sol aride perpendiculairement à la pente. Cette technique a pour
avantage de réduire le lessivage du sol sous l'action des pluies et de
permettre la reconstitution des couches de sol arable. L'activité
elle-même exige beaucoup de cailloux pour couvrir les superficies des
champs qui sont entre deux à trois hectares par paysan. C'est pourquoi
la recherche et l'alignement des cailloux se font collectivement avec des
charrettes ou avec un camion dans le cas de l'appui d'une ONG.
Les « demi-lunes » sont des trous creusés
dans les champs en forme de demi-lune et dont la dimension est comprise entre
un et deux mètres de diamètre. Orientées en fonction de la
pente du sol, ces demi-lunes sont remplies de composte et recouverte de terre.
C'est dans cet espace que le paysan sème sa semence.
Le « zaï » est, quant à lui, circulaire.
Approprié aux sols plats, sa technique de remblayage est identique
à celle de la « demi-lune », c'est-à-dire avec du
composte. Son diamètre varie entre quelques centimètres et un
mètre. Généralement, il se creuse en saison sèche
et, à l'hivernage, on y sème directement les grains.
Toutes les techniques de restauration des sols et
d'accroissement des rendements agricoles sont des activités qui exigent
la coopération des paysans. C'est pourquoi nous pouvons convenir avec
Crozier et Friedberg que le changement peut être considéré
comme un problème sociologique dans le sens où ce sont les hommes
qui changent, non pas passivement mais « dans leur collectivité
et comme une collectivité : non pas individuellement, mais dans leurs
relations les uns avec les autres et dans leur organisation sociale
».85 Ces différentes activités
initiées pour faire face aux conséquences du déboisement
contribuent à créer de nouvelles solidarités villageoises
et à développer des capacités d'adaptation dans l'espace
géographique que l'homme doit toujours dominer par la technique afin de
pouvoir y vivre.
85 CROZIER, M., FRIEDBERG, E., op. cit., p.
379.
Ces nouvelles solidarités restructurent le tissu social
pour donner lieu à de nouvelles sociabilités qui intègrent
les contraintes de l'environnement auxquelles on ne peut faire face que
collectivement. Ici, comme on le perçoit, au-delà des conflits,
populations locales, ONG et services étatiques sont tous
impliqués dans la même action collective. Si nous faisons une
sociologie de l'action collective, nous voyons ici qu'il y a un
aménagement des comportements en vue d'une coopération. Se
vérifie alors notre hypothèse selon laquelle plus les populations
perçoivent comme avantageuses pour elles les interventions des services
étatiques et des ONG, plus elles participent à la protection de
l'environnement. Le degré d'implication des populations dans la
protection de l'environnement est donc fonction de l'intérêt
qu'elles tirent de l'appui institutionnel.
Conclusion partielle
En trois chapitres, cette partie de notre travail a
présenté et analysé les données de notre recherche
sur de déboisement dans le Département de Toma. Au fur et
à mesure du temps, le paysage naturel n'a cessé de se
détériorer sous l'action de l'homme créant ainsi un
déséquilibre dans l'écosystème naturel. Ce
déséquilibre lui-même n'est pas resté sans effets
sur la vie sociale, économique et culturelle des populations de ladite
localité, faisant ainsi du déboisement un réel facteur de
changement social.
CONCLUSION GÉNÉRALE
Le Département de Toma, au Burkina Faso, vit une crise
environnementale sérieuse à savoir le déboisement. Face
à une telle situation créée par les populations
elles-mêmes et qui ne cesse de prendre de l'ampleur, au point
d'être un « fait social total », nous nous sommes
intéressé aux conséquences du phénomène dans
cette recherche en partant de la question suivante : Quelles sont les
transformations socioculturelles opérées par le
déboisement dans le Département de Toma ?
Pour répondre à cette question, nous avions
émis l'hypothèse que le déboisement, comme facteur de
changement social, déstructure les communautés villageoises,
instaure de nouvelles sociabilités et est cause de paupérisation
des populations du Département de Toma. De fait, nos recherches ont
révélé que cette crise environnementale qui est la
résultante d'une dynamique entre les populations villageoises et le
milieu naturel affecte la structure sociale en créant des
dysfonctionnements. Ces dysfonctionnements se situent, d'une part, au niveau
général de l'écosystème où la
dégradation progressive de la biodiversité crée des
ruptures dans le système social traditionnel san. En effet, la
raréfaction progressive des ressources naturelles a conduit les
populations à changer de modes de vie. C'est ainsi que le système
traditionnel de gestion des ressources naturelles a été mis
à rude épreuve, avec des difficultés pour se maintenir en
équilibre. En effet, dans la société san habitant
le Département de Toma, les terres et leur contenu sont la
propriété des lignages qui les gèrent de
génération en génération. Au niveau de chaque
village, les fonctions sociale et religieuse de contrôle des patrimoines
et de propitiation en cas de violation des interdits sont dévolues aux
chefs de terre et de village. Tant que les rapports à l'arbre et
à la terre sont restés dans les limites du respect des valeurs
traditionnelles de parenté et du sacré (respect des forêts
sacrées), le système social est resté en équilibre.
Or, avec le phénomène du déboisement massif et la
modernité, les perceptions paysannes de la nature ont changé
ainsi que les comportements et attitudes à l'égard des plantes,
faisant de l'arbre non plus une ressource nutritive et sanitaire mais bien une
ressource commerciale importante pour la préparation du dolo.
Il en a résulté ce que l'on constate dans les villages :
non-respect des normes anciennes de gestion de l'environnement, violation des
propriétés foncières et conflits.
D'autre part, les dysfonctionnements apparaissent
également dans le système moderne et étatique de gestion
de l'environnement qui a pour rôle de freiner le déboisement. En
effet, la loi de 1996 sur la réforme agraire et foncière reste
difficilement applicable dans la pratique
et occasionne de multiples tensions entre les populations et
le service forestier et entre les populations elles-mêmes à qui le
service forestier délivre des permis payants de coupe de bois. L'effet
pervers de ces permis se situe au niveau même de leur
compréhension par les paysans qui non seulement exagèrent la
coupe du bois mais également s'octroient un droit de coupe dans les
propriétés foncières ne leur appartenant pas. Ceci
n'était pas possible dans le système traditionnel. En effet, dans
la société san, du moment où la terre a une
dimension religieuse c'est-à-dire sacrée, les rapports à
cette terre et même les rapports sociaux concernant cette terre ne
sauraient être uniquement juridique. Un conflit latent autour du
contrôle social existe désormais entre autorités
administratives chargées de l'environnement et autorités
coutumières ainsi qu'avec les populations villageoises. Tout ceci
contribue à confirmer notre hypothèse selon laquelle le
déboisement déstructure les communautés villageoises.
Mais également, face aux proportions que prend le
déboisement, les populations villageoises du Département de Toma
commencent à prendre conscience des dangers qui les guettent tels que
l'insécurité alimentaire et entreprennent collectivement des
initiatives de restauration des sols. C'est là aussi que le
deuxième aspect de notre hypothèse se trouve confirmé, en
ce sens que le déboisement instaure de nouvelles sociabilités.
Mais il est cause de paupérisation des populations parce que le recul de
la végétation ou même sa disparition diminue les rendements
agricoles dont la conséquence est la famine. Celle-ci, ainsi que
d'autres besoins, poussent de nouveau les populations à recourir
à la coupe du bois pour avoir de l'argent.
Cette recherche nous a permis de comprendre comment le
déboisement est un phénomène social et un facteur de
changement social. Nous avons découvert sur le terrain que les nouvelles
formes de contrôle social introduites par le service forestier
étatique contribuent au raffinement des stratégies des coupeurs
de bois. Cette nouvelle dimension de la réalité infirme
partiellement notre hypothèse qui se focalisait uniquement sur les taxes
et soutenait que plus les autorités administratives taxent la coupe du
bois, plus les populations développement des stratégies
raffinées d'exploitation des ressources ligneuses. Par contre, dans les
actions collectives de restauration et de fertilisation des sols
initiées avec l'appui des ONG et les institutions étatiques, les
populations paysannes montrent leur capacité à dépasser
les conflits pour préserver leurs intérêts. A travers cette
dimension de la réalité sociale, se vérifie notre
dernière hypothèse selon laquelle le degré d'implication
des populations dans la protection de l'environnement est donc fonction de
l'intérêt qu'elles tirent de l'appui institutionnel.
A la fin de cette étude, nous restons conscient des
limites de notre travail et savons que nous n'avons pas épuisé
toute la question du déboisement dans le Département de Toma.
Pour être complète, cette étude devrait intégrer les
représentations de la nature ou de l'arbre. Cette dimension,
pensons-nous, pourra faire l'objet d'une recherche ultérieure.
ANNEXES
Annexe 1: Guide d'entretien
Date de l'entretien
1. Identification de l'enquêté(e) :
Nom et prénoms : Sexe : Âge :
2. Evolution de l'environnement depuis au moins 10
ans
- Historique ou état des lieux de l'environnement
- Les espèces végétales existantes il y a
10 ans
- Les espèces végétales inexistantes
aujourd'hui
- Estimation des superficies déboisées (feux de
brousse, coupe de bois, etc.) - Les espèces animales connues mais
inexistantes aujourd'hui
3. Les causes du déboisement dans le
Département
- Les causes économiques
- les causes culturelles
- les causes sociales
4. Les changements sociaux, culturels et
économiques observés depuis le déboisement
massif
- Au niveau global du village
- Au niveau inter-villages du Département
5. Initiatives de sauvegarde de
l'environnement
- Au niveau de la Direction provinciale de l'environnement - Au
niveau global du village
- Au niveau de groupes et associations
- Initiatives privées
6. Les rapports autorités
administratives-populations villageoises - Direction provinciale de
l'environnement-populations
- Préfecture-populations
- Mairie-populations
Annexe 2 : Grille d'observation de la coupe et du
transport de bois
Identification de l'acteur : âge, sexe
Outils de coupe du bois
Espèce d'arbre coupé
Technique de coupe
Parties de l'arbre coupé : branches, tronc, ...
Moyen de transport : vélo, charrette, ...
Heure de circulation
Existence ou non-existence de permis de coupe et de
circulation
Annexe 3 : Localisation de la province du Nayala au
Burkina Faso
Annexe 4 : Localisation du Département de
Toma
Annexe 5 : Photos de différentes techniques de
restauration des sols et de production agricole
Photo 1 : demi-lunes
|
Photo 2 : « zaï »
|
Photo 3 : cordons pierreux
|
Photo 4 : Cordons pierreux et « zaï » dans
un champ
|
Clichés KI J.P., le 09/08/2010
Annexe 6 : Greniers du pays san
Cliché KI J.P., Zouma, le 7/1/2000
Annexe 7: Préparation du dolo
Photo 1 : Foyer de préparation
Photo 2 : Cuisson
Cliché KI J. P., Toma, le 25/08/2010
Cliché KI J. P., Toma, le 26/08/2010
Cliché KI J.P., le 27/08/2010
Photo 3 : Transport de bois par charrette
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TABLE DES TABLEAUX
Tableau 1 : Pluviométrie des 10 dernières
années dans le Département de Toma 30
Tableau 2: Répartition indicative des espèces
animales disparues ou en voie de disparition par flore, faune et oiseaux
37
TABLE DES PHOTOGRAPHIES
Photo 1: vue d'un champ 40
Photo 2: Palissade de jardin potager 40
Photo 3 : Un gian 41
Photo 4 : Technique de gian sur la tête 41
Photo 5 : Femme transportant du bois avec un gian 41
Photo 6 : Un chargement de charrette 41
TABLE DES ANNEXES
Annexe 1: Guide d'entretien 60
Annexe 2 : Grille d'observation de la coupe et du transport
de bois 61
Annexe 3 : Localisation de la province du Nayala au Burkina
Faso 62
Annexe 4 : Localisation du Département de Toma
63
Annexe 5 : Photos de différentes techniques de
restauration des sols et de production agricole
64
Annexe 6 : Greniers du pays san 65
Annexe 7: Préparation du dolo 66
TABLE DES MATIÈRES
SOMMAIRE 2
DÉDICACE 3
REMERCIEMENTS 4
SIGLES ET ABRÉVIATIONS 5
INTRODUCTION 6
PREMIÈRE PARTIE : CADRE THÉORIQUE ET
MÉTHODOLOGIQUE 9
CHAPITRE I : CADRE THÉORIQUE 10
I.1. Revue de la littérature sur le déboisement
10
I.1.1. Le déboisement en Afrique vu par des
chercheurs occidentaux 10
I.1.2. Littérature africaine sur le déboisement
en Afrique 16
I.2. Problématique 20
I.3. Objectifs 23
I.4. Hypothèses 23
I.5. Concept opératoire : le changement social 24
I.6. Modèle théorique et modèle d'analyse
26
I.6.1. Modèle théorique 26
I.6.2. Modèle d'analyse : le changement social selon
Michel Crozier 28
CHAPITRE II : CADRE MÉTHODOLOGIQUE DE LA RECHERCHE 30
II.1. Champ d'étude 30
II. 1.1. Climat 30
II.1.2. Végétation et sols 31
II.1.3. Population 31
II.2. Méthodes et techniques d'observation et de collecte
des données 32
II.2.1. La recherche documentaire et les entretiens
exploratoires 32
II.2.2. Méthodes d'observation 32
II.3. Déroulement de l'enquête 33
II.4. Difficultés rencontrées
33
DEUXIÈME PARTIE : PRÉSENTATION, ANALYSE ET
INTERPRÉTATION DES
RÉSULTATS DE L'ENQUÊTE 35
CHAPITRE III : ÉVOLUTION DE L'ENVIRONNEMENT DANS LE
DÉPARTEMENT DE
TOMA 36
III.1. Dégradation de la biodiversité 36
III.2. Les causes socioculturelles de la dégradation de
l'environnement 38
III.2.1. La préparation du dolo 38
III.2.2. Les techniques agro-pastorales 39
III.2.3. La diffusion technologique 40
III.2.4. Les traditions culturelles de feux de brousse
41
III.2.5. La croissance démographique et la
pauvreté 42
III.2.6. Les méthodes de gestion de l'environnement
par les autorités administratives 43
CHAPITRE IV : LES CONSÉQUENCES SOCIOCULTURELLES
DU DÉBOISEMENT
DANS LE DÉPARTEMENT DE TOMA 45
IV.1. Déboisement et dysfonctionnement de la structure
sociale san 45
IV.2. Les conflits sociaux 47
IV.3. L'insécurité alimentaire et sanitaire
49
CHAPITRE V : DÉBOISEMENT ET CHANGEMENT SOCIAL DANS LE
DÉPARTEMENT DE TOMA 51
V.1. Un changement de valeurs 51
V.2. De nouvelles formes de contrôle social et
stratégies des acteurs 52
V.3. Un développement des capacités d'adaptation
dans l'espace naturel 54
CONCLUSION GÉNÉRALE 56
ANNEXES 59
BIBLIOGRAPHIE 67
TABLE DES TABLEAUX 72
TABLE DES PHOTOGRAPHIES 72
TABLE DES ANNEXES 72
TABLE DES MATIÈRES 73