INTRODUCTION
En permanente recherche du bien être, de meilleures
conditions de vie et de l'équilibre social, l'homme est au coeur des
mutations. Guidé par des facteurs socioéconomiques et dès
fois contraint par des facteurs écologiques ou politiques, il essaie de
tirer le maximum de profit de son environnement immédiat et/ou lointain.
Ses besoins changent dans le temps et dans l'espace.
L'Afrique, après plusieurs siècles de pillage,
par l'entremise de ses élites, cherchait tant bien que mal à
sortir de l'ornière. Ainsi, au lendemain des indépendances
plusieurs politiques ont vu le jour pour réorganiser l'espace et
structurer les économies nationales. En effet, ces politiques, loin de
se démarquer de l'expertise coloniale, ont adopté les mêmes
habitudes, les mêmes pratiques léguées par les puissances
coloniales. Très rares sont les pays africains où l'on a
essayé de construire une économie à l'image des besoins
des nationaux.
Au Sénégal, des politiques agricoles ont
été amorcées ça est là par la puissance
coloniale. A partir de 1935, avec la Mission d'Aménagement du
Sénégal (MAS), l'on commençait déjà à
réfléchir sur l'aménagement de la vallée du fleuve.
C'est dans ce cadre que les premiers casiers irrigués furent
conçus, dans l'optique de fixer les populations dans leur terroir. Cette
politique a été renforcée après
l'indépendance par la mise sur pied des structures sous
régionales telles que l'Organisation pour la Mise en Valeur du fleuve
Sénégal (OMVS) mais aussi par la construction d'un barrage en
amont du fleuve Sénégal. L'un des objectifs majeurs de l'OMVS, en
construisant ce barrage régulateur de débit, était
d'assurer la mise en valeur des terres arables et la fixation des
populations.
Cependant, les autorités sénégalaises
avaient du mal à se démarquer de la politique agricole
instaurée par la puissance colonisatrice. Les mêmes pratiques
culturales ont été de mise au lendemain de l'indépendance
du Sénégal. Le bassin arachidier qui a été le joyau
de la Métropole resta le domaine des cultures de rente par excellence
alors que le fleuve perdait de plus en plus son rôle. Le fleuve
constituait un trait d'union entre les comptoirs commerciaux et
l'intérieur de l'Afrique. Alors, il servait aux colons de moyen de
communication pour relier l'intérieur de l'Afrique aux comptoirs
commerciaux. Pendant plusieurs années, le fleuve a permis à la
puissance coloniale de ponctionner des villages de leurs populations pour
l'exploitation des terres du centre du Sénégal. Cette tendance a
demeuré au lendemain de l'indépendance et aucune activité
économique significative pouvant intéresser les populations
riveraines n'était pratiquée.
En effet, dans le même temps, les problèmes
fonciers se multipliaient entre l'Etat, qui voulait avoir une mainmise sur
l'ensemble des terres, et les chefs coutumiers soucieux de conserver leurs
domaines. L'essentiel des aménagements hydro-agricoles entrepris par
l'Etat par le biais de la Société d'Aménagement et
d'Exploitation des terres du Delta du fleuve Sénégal (SAED)
connût un échec avant même que le Damga n'en
bénéficiât. Ainsi, au moment où la sécheresse
des années soixante frappait de plein fouet les
écosystèmes, les cultures en milieu diéri étaient
pratiquement abandonnées et les populations se
désintéressaient de celles en milieu walo.
Ces cycles de sècheresses combinés aux effets
conjugués des politiques citées cidessus et aux critères
structurels tels que la hiérarchisation de la société
vinrent perturber l'organisation sociale. L'accès à la terre
étant difficile pour certains, la monétarisation de
l'économie et une baisse notoire de la pluviométrie au
début des années soixante dix déclenchèrent une
émigration qui prend très vite une ampleur considérable.
Les populations de la vallée du fleuve Sénégal en
général et celle du Damga en particulier étaient
frappées de plein fouet par des disettes et des manques criards de
ressources. Ainsi, elles adoptèrent la même voie de sortie de
crise qui fut l'émigration vers d'autres régions plus propices et
moins touchées par ces difficultés économiques.
En outre, au-delà de ces paramètres, il faut
noter que les Halpulaar ont toujours été de véritables
migrants. En remontant l'histoire, on constate qu'ils étaient même
venus par le nord pour peupler cette partie du Sénégal et «
ils ont émigré dès le moyen âge avec les Peuls du
Fouta Djallon fuyant probablement les querelles du Fouta Toro
»1. Au XIème siècle déjà on
retrouvait des Halpulaar au front des djihads pour propager l'Islam. Les
migrants sont constitués également de Peuls qui, pour la
recherche de pâturages, sont contraints de se déplacer
périodiquement vers les endroits où il existe de l'eau et des
pâturages pour leurs animaux.
Cependant, dans la présente étude nous nous
intéressons aux migrations à caractère économique,
c'est-à-dire celles qui se font dans le souci de trouver une situation
économique meilleure que celle offerte par la zone départ. Il
s'agit de l'émigration interne et internationale à partir de
Wodobéré.
Le village de Wodobéré, situé à
l'extrême nord Est de la communauté rurale de Ouro-Sidy dans la
Province du Damga est une localité sans activités pouvant retenir
la population active en proie à une émigration qui ne cesse
d'augmenter. Ainsi, la stagnation
9
1 Diop Abdoulaye Bara : Société
Toucouleur et migration : enquête sur l'immigration toucouleur à
Dakar, p62
10
de l'économie de subsistance combinée à
la tradition migratoire des Halpulaar et des rapports sociaux contrastés
sont des facteurs qui ont favorisé une émigration sans commune
mesure au niveau de cette localité.
Ces facteurs, combinés aux effets conjugués de
la conjoncture internationale et des différentes politiques
d'ajustements structurels (PAS) font qu'aujourd'hui la dynamique migratoire est
beaucoup plus complexe et connait des reconfigurations importantes. Ils
agissent aussi bien dans la temporalité des migrations que dans la
distribution géographique des flux.
Ainsi, notre T.E.R. intitulé «
L'émigration dans le Damga : l'exemple du village
de Wodobéré dans la moyenne vallée
du fleuve Sénégal » est structuré en trois
parties :
- en première partie nous ferons une présentation
générale du village de Wodobéré, - dans la
deuxième partie nous analyserons les facteurs fondamentaux et le
déroulement de l'émigration,
- les transferts d'argent et les facteurs négatifs de
l'émigration sur la population résidente feront l'objet de la
troisième et dernière partie.
PROBLEMATIQUE
Définie comme << le passage d'habitants d'un pays
dans un autre [...] et employée par extension pour désigner le
départ de population d'une région vers une autre région ou
vers une ville >>2, l'émigration est un
phénomène qui touche toutes les composantes des
sociétés dans le monde. De cette tentative de définition,
nous retenons que l'émigration a toujours existé même si
les formes et les critères qui la déterminent ont beaucoup
évolué. Ainsi, le peuplement de la terre n'est rendu possible que
par les déplacements des habitants d'un lieu vers un autre. L'homme
aurait quitté l'Afrique orientale, berceau de l'humanité (si l'on
se fie à l'archéologie), pour gagner par la suite le reste de la
planète. C'est ainsi dire que la migration est aussi vieille que
l'humanité. Toutefois, elle diffère dans ses formes et dans ses
fins selon le temps et l'espace. D'un continent à un autre, d'une
époque à une autre nous enregistrons différentes sortes de
migrations.
En Europe occidentale, malgré l'existence des
mouvements migratoires depuis l'antiquité, c'est au début du
XIXème siècle qu'apparurent les flux les plus importants. Son
déficit en main-d'oeuvre et l'écart économique par rapport
à l'Europe de l'est ont fait d'elle une zone d'accueil. << Des
différences de gains allant parfois de plus de cinquante pour cent
à presque cent pour cent et au-delà sont évidemment
susceptibles d'inciter un travailleur même pourvu d'un emploi normal
à chercher un travail à l'étranger >>3.
Il s'agit d'une émigration économique. Cela est vrai dans la
mesure où l'essentiel des ouvriers de l'époque était
constitué par des européens de l'Est. Cette période est
marquée par une véritable ruée des populations de l'Est
vers l'Europe occidentale mais également vers l'Amérique.
Dans ce dernier continent, le peuplement est essentiellement
lié aux mouvements de populations venues du monde entier. Hormis
l'occupation des Etats-Unis par les amérindiens, c'est à partir
du XVIème siècle qu'on a commencé à noter des
mouvements importants de populations. L'existence des terres, l'esclavage et la
découverte de l'or à Sutter's Mill en janvier 1846 ont
été des facteurs qui avaient favorisé une immigration
intense. Et << pendant plusieurs siècles, les Etats-Unis,
véritable terre d'accueil et de rencontre, ont servi d'exutoire aux
persécutés politiques et religieux, aux victimes de la
révolution agricole et industrielle de l'Europe, aux insoumis et aux
déportés >>4. L'existence de l'or mais
également la stabilité politique ont stimulé une forte
2 Pierre George : Dictionnaire de la
Géographie, p166
3 OCDE : L'OCDE et les migrations
internationales, p14 4Ciss Gorgui : << Mobilité
et espace aux Etats-Unis >>, p25
12
immigration5. Ils furent une terre d'immigration
des asiatiques, des australiens et des européens fuyant la misère
ou la persécution politique. Il s'agissait là d'une double
émigration c'est-à-dire de l'émigration économique
et de l'émigration politique. Cette dernière peut être en
effet forcée. Différentes politiques d'immigration y virent le
jour pour encourager, limiter ou contraindre les mouvements.
L'Afrique se singularise par son niveau économique
très faible, son instabilité politique et par la rareté
des ressources économiques. Ainsi, famines et guerres, entre autres,
contraignent la population à se déplacer vers les zones assez
apaisées et à économie relativement importante.
L'émigration « se traduit sur le plan humain par l'espoir
d'améliorer son propre niveau matériel de vie (dans le
présent ou dans l'avenir, grâce aux possibilités
d'épargne)»6. En plus d'une économie très
faible, depuis quatre décennies, on assiste à une
péjoration du climat en Afrique et donc de sa pluviométrie. Ceci
rend les productions agricoles mauvaises et installe des situations de crise
alimentaire. Dans ce même ordre d'idée on peut noter un
déséquilibre notoire entre la bande côtière et
l'intérieur des pays. Les principales villes sur les littoraux des
différents pays ouest africains font l'objet d'une concentration de
l'essentiel des services au détriment de l'arrière pays.
Tous ces paramètres font de l'Afrique un continent qui
se cherche et dont les populations sont en perpétuel mouvement. Avec une
démographie galopante et une rareté des ressources, « les
sociétés rejettent au dehors leurs surplus »7. Il
y a surplus de population non pas par rapport à la surface
occupée mais par rapport à la disponibilité des
ressources. Ainsi, les régions disposant des économies plus
prospères ou des possibilités d'emploi accueillent les
populations des autres contrées. C'est dans ce cadre que la Côte
d'Ivoire, avec une économie relativement prospère, avait
accueilli les sénégalais, les burkinabés, les maliens
entre autres qui étaient à la recherche de meilleures conditions
de vie au début des années soixante et soixante dix. Ce fut
également le cas sur les deux rives du Congo avec l'existence de
ressources minières. Au Nigeria, c'est l'exploitation de l'or noir au
cours du siècle dernier qui avait impulsé une forte
immigration.
En effet, nous assistons aujourd'hui à des mouvements
inverses. Les pays d'accueil, il y a moins d'un siècle, sont devenus des
potentiels pourvoyeurs d'émigrants. Cela s'explique par de nombreux
problèmes notamment d'ordre conjoncturel comme
5 Immigration : l'émigration vue du coté
des lieux d'accueil
6 OCDE : Op.cit., p15
7Sorre Max : Les migrations des peuples,
p15
l'instabilité politique. La présence des
nigérians, ghanéens, ivoiriens et congolais au
Sénégal, au Mali et au Burkina Faso en est un exemple
illustratif.
En outre, à l'intérieur d'un même pays les
disparités économiques notées ci-dessus sont de mise. Un
développement économique déséquilibré entre
les capitales et leur arrière-pays serait à l'origine des
mouvements de populations. L'inégalité des régions en
équipements, en infrastructures, en services sociaux de base ; la
disponibilité des ressources et de meilleures conditions climatiques
font de Dakar une région d'accueil par excellence au détriment du
reste du pays. Au Sénégal et partout en Afrique « les Etats
ont maintenu une infrastructure (santé, école) dans les
différentes capitales régionales. Au niveau du monde rural, ils
se sont contentés de prélever l'impôt sans pour autant
apporter une quelconque contrepartie >>8. L'essentiel des
services du secondaire et du tertiaire est concentré dans la capitale.
Il y existe également les meilleures possibilités de travail. Ce
qui crée un fossé économique entre les régions
entrainant ainsi des mouvements de populations. Ainsi, « Les personnes se
déplacent parce qu'elles y trouvent un avantage, une amélioration
de leurs ressources, un cadre de vie plus agréable, [...]
>>9. Ce qui fait que Dakar enregistre le taux le plus
important de migrants internes et internationaux du pays.
La quasi-totalité des régions de
l'intérieur du Sénégal est touchée par les
migrations vers la capitale, voire d'autres horizons. La région du
Damga, objet de notre étude, possède un taux d'émigration
inquiétant qui fait de cette partie septentrionale du
Sénégal une réserve qui alimente aussi bien
l'émigration interne qu'internationale. L'histoire du Damga en
corrélation avec son évolution écologique et
socio-économique nous permet de défendre la thèse selon
laquelle, elle constitue une zone de départ par excellence.
Dans le Damga et partout ailleurs au Fouta il existe une
société très hiérarchisée. Ainsi, à
l'intérieur d'un même terroir on retrouve différents
groupes statutaires. C'est dans ce cadre qu'on perçoit des
libres/nobles, des dépendants/castés et des descendants de
captifs qui ont chacun des attributs bien déterminés. Selon le
groupe on peut ou non détenir un patrimoine foncier. Pour pratiquer
l'agriculture, certains groupes statutaires doivent prendre en métayage
ou emprunter les champs aux propriétaires qui sont pour l'essentiel des
nobles. Ceci pourrait constituer une raison suffisante pour que ceux qui n'ont
pas de terre émigrent.
En plus de cette inégalité sociale, le Damga se
situe dans une zone qui connaît depuis plus de quatre décennies
une pluviométrie déficitaire. Sa proximité avec la
8 Daum Christophe : Quand les immigrés du
Sahel construisent leurs pays, p22
9 Dumont Gérard François: Les
migrations internationales : les nouvelles logiques migratoires, p77
Mauritanie fait de lui une partie très
influencée par le désert. Ainsi, si d'aucuns soutiennent que ce
n'est pas << l'évidence tautologique des écarts de revenus
potentiels »10 qui serait à l'origine des départs
mais plutôt << la transformation de l'organisation
socio-économique du monde rural qui exige le départ d'une
fraction de sa population »11, l'étude du Damga montre
que c'est inéluctablement l'amenuisement de chances de trouver un emploi
qui serait à l'origine des départs.
Notons cependant que le Damga possède une partie de son
territoire constituée essentiellement de plaines alluviales pouvant
abriter les cultures de décrue et une aire importante pour les cultures
sous pluies. C'est ainsi dire que l'émigration ne devrait pas être
l'une des rares réponses de l'homme face à un environnement
hostile.
Wodobéré, cadre géographique de notre
étude, est une partie intégrante du Damga. Ce qui conduit
à dire que ce village est marqué par les mêmes
caractéristiques sociales, économiques et climatiques
citées ci-dessus. En effet, ce qui retient notre attention dans ce
village c'est la quasi-absence des hommes en âge de procréer et
une prépondérance des femmes, des vieux et des jeunes.
Paradoxalement, en dépit de l'absence des hommes valides on constate une
nette transformation du bâti et des conditions de vie meilleures par
rapport aux villages environnants.
Le village de Wodobéré nous intéresse
dans la mesure où, malgré l'abondance de la littérature
sur la problématique des migrations, il n'existe pas, à notre
connaissance, des chercheurs qui y sont intéressés. Alors que
l'émigration à partir de cette localité est importante
aussi bien en terme de personnes concernées que par les retombées
positives qu'elle génère. Les ménages ont, dans leur
majorité, un ou plusieurs éléments émigrés
qui participent substantiellement à l'amélioration des conditions
de vie de la communauté. Aujourd'hui, nonobstant l'absence de l'action
de l'Etat, beaucoup de réalisations ont pu être effectuées
dans ce petit village situé aux confins du Sénégal
grâce aux fonds générés par l'émigration.
L'intérêt que nous accordons au sujet
réside dans le fait que l'émigration régit
l'activité sociale, économique et culturelle de ladite
localité. Il n'existe aucune autre activité pouvant
intéresser les jeunes puisque dans les débats, sous l'arbre
à palabres et à toutes les rencontres, trouver les moyens de
quitter reste l'unique équation qu'ils cherchent à
résoudre. Sous un autre aspect, ce choix se justifie par le fait que
malgré la disponibilité
10 AMIN Samir : << Introduction », in
Les migrations contemporaines de l'Afrique de l'ouest, p33
14
11 AMIN Samir : Ibid., p33
de l'eau et de la terre, la population active est quasi absente
du terroir. L'émigration touche l'essentiel de la population.
Pour cerner la dimension géographique du thème -
l'émigration est un concept analysé par des sociologues, des
anthropologues, des économistes etc.- posons-nous la question de savoir
quels sont les facteurs géographiques qui sous-tendent
l'émigration dans cette localité et l'engouement qu'en nourrit la
population de Wodobéré ? A quelle époque s'estelle
véritablement déclenchée ? Quels sont les principaux
facteurs qui incitent à l'émigration ? Quel est le processus et
quelles sont les différentes phases et étapes que franchissent
les émigrants ? Quels sont les principaux pays d'accueil ? Les
retombées de l'émigration permettraient-elles de compenser les
moyens investis pour sa réalisation ? Quelles conséquences
aurait-elle sur la zone de départ ?
Les réponses à ces questions nous permettront de
mieux appréhender la problématique de l'émigration
à partir du Damga. Elles faciliteront également une meilleure
compréhension des déterminants, des typologies et des
conséquences de l'émigration dans le Damga à partir de
l'exemple de Wodobéré.
v' L'objectif principal de ce TER, au-delà de
l'initiation à la recherche, est d'analyser la problématique de
l'émigration à partir du Damga en prenant l'exemple du village de
Wodobéré.
Nous avons élaboré les objectifs spécifiques
suivants afin de mieux cerner notre champ d'analyse :
- le premier objectif spécifique est de montrer l'ampleur
et la typologie de l'émigration dans ce village.
- le deuxième objectif spécifique de cette
étude est de faire une analyse allant des facteurs qui motivent le choix
des populations à la finalité de l'émigration.
-le troisième objectif spécifique est d'analyser
les changements engendrés par l'émigration sur le milieu
d'origine.
v' Pour atteindre ces objectifs, nous avons dégagé
quelques hypothèses :
- les motifs d'émigration qui sont étroitement
liés à l'absence d'activités pouvant impulser un
développement endogène seraient à l'origine des
départs.
-la péjoration du climat, des conditions
écologiques et la réussite de ceux qui sont déjà
partis ne serait ce que par la prise en charge de parents et amis
constitueraient
16
des facteurs qui suscitent l'envie de ceux qui sont au pays et
le départ de nouveaux candidats.
- malgré les effets positifs de l'émigration sur
le village, elle aurait fortement contribué à la
désagrégation des liens sociaux qui étaient naguère
la fierté de tout un peuple et mis à genou l'économie
locale.
METHODOLOGIE DE RECHERCHE
Comme tout travail scientifique, en géographie nous
avons besoin d'une méthodologie adaptée pour mener à bien
notre étude. En effet, la réussite dans l'analyse d'un
thème d'étude et de recherche est étroitement liée
à la méthodologie adoptée. Ceci, parce que c'est dans
cette méthodologie qu'on doit définir la procédure, la
méthode et les techniques auxquelles nous allons nous atteler pour
entamer le travail.
Ainsi, l'étude de la problématique de
l'émigration dans cette partie du Sénégal, dominée
par une population analphabète, du moins qui n'a pas
fréquenté l'école de type occidental, nécessite une
certaine souplesse dans les méthodes d'approche. Cet aspect a
guidé substantiellement notre démarche.
L'historique de la recherche
L'observation directe
De prime abord, nos recherches ont été
guidées par les fréquents séjours que nous avons
effectués dans la zone d'étude dès notre inscription en
Maîtrise en janvier 2008. Ces séjours nous ont permis de constater
l'importance accordée par les populations à l'émigration.
Ainsi, pour parer à tout handicape, pour formuler nos hypothèses
de recherche et faciliter l'élaboration du questionnaire, nous avions
effectué des observations directes sur le terrain.
Il s'agissait pour nous, dans un premier temps, de nous
rapprocher des candidats à l'émigration et d'observer sur une
période donnée l'évolution des préparatifs jusqu'au
jour du départ. Ainsi, après le départ de
l'émigré du village, nous essayons régulièrement
d'acquérir de ses nouvelles auprès de sa famille.
Nous avions également profité des
affinités que nous avons entretenues avec certaines familles
d'émigrés pour observer directement les réalisations
effectuées dans ce cadre et de constater de vue les montants mensuels
envoyés par les émigrés à leurs familles
respectives et à la communauté villageoise. C'est ainsi que nous
avions pu constater beaucoup de choses afférentes à
l'émigration dans cette localité, choses à partir
desquelles nous avons élaboré des questionnaires et un guide
d'entretien.
18
Revue documentaire
Cette première phase du travail nous a permis
d'appréhender la question de l'émigration et de mieux
connaître les limites des travaux déjà existant et portant
sur la problématique de l'émigration.
Ainsi, pour mieux appréhender la question de
l'émigration en général et celle concernant le Damga en
particulier, nous avons tout d'abord fait une revue documentaire et par les
différents services, collecté des informations relatives à
la problématique de l'émigration.
C'est dans ce cadre que nous avons, dans un premier temps,
sillonné les différentes bibliothèques de
l'université Cheikh Anta Diop de Dakar, susceptibles de contenir des
informations relatives à notre thématique. Il s'agit de la
bibliothèque centrale, de la bibliothèque du département
de géographie, et celle de l'IFAN.
La lecture des différents ouvrages nous a
été d'une utilité capitale. Elle nous a beaucoup
facilité la rédaction de ce mémoire dans la mesure
où certains passages de livres nous ont servi à illustrer notre
argumentaire. Elle nous a également permis de retracer l'histoire des
émigrations et du peuplement de la vallée du fleuve
Sénégal.
Ainsi, à la bibliothèque centrale, nous avons
consulté entre autres, le livre d'Abdoulaye Bara Diop,
Société Toucouleur : enquête sur l'immigration des
Toucouleur à Dakar, 1965, IFAN, 231p. Ce livre nous
intéresse dans la mesure où il détermine les formes, les
causes et les conditions de vie des Toucouleur à Dakar. Nous avons
prêté une attention particulière à la partie
où il examine les causes de l'émigration des toucouleur. En
effet, ses limites se situent dans le fait qu'il ne traite que les
problèmes de l'immigration et ses causes sans pour autant parler des
réalisations émanant de cette immigration. Contrairement, il
s'agit pour nous, de faire l'étude de l'émigration d'une
localité très précise et non de l'ensemble des
Toucouleur.
Nous avons également consulté le livre de
Gérard François Dumont : Les migrations
internationales, 1995, Paris, SADES, 223p, dans ce livre comme dans celui
de Max Sorre : Les migrations des peuples, 1955, Paris, Flammarion
et Cie, 265p, notre intérêt s'est porté sur les
définitions et les descriptions des différentes formes
de migrations. En effet, ils n'ont nullement parlé de
l'émigration et de ses impacts sur Damga. En outre, Sylvie Bredeloup,
dans son livre La Diams'pora du fleuve Sénégal
: sociologie des migrations africaines, 2007, Toulouse, PUM, éd.
IRD, nous fait une analyse de l'émigration des diamantaires du fleuve
Sénégal et les impacts socioéconomiques dans
les zones de départ. Ce livre nous intéresse
dans la mesure oü il s'agit des émigrés de la vallée
du fleuve Sénégal et nous permet de retracer les
itinéraires de ces derniers.
Nous avons également été à l'IRD,
à l'Agence Nationale des Statistiques et de la Démographie
(ANSD), et à l'Organisation Internationale des Migrations (OIM) oü
nous avons eu à consulter d'autres documents et à recueillir des
données pouvant nous servir dans notre recherche.
En ce qui concerne les données du village, nous nous
sommes rendus aux différents services de la région de Matam comme
la SAED mais également à la Direction de l'Aménagement du
Territoire(DAT) et à la Direction des Travaux Géographiques et
Cartographiques (DTGC). L'internet a été d'une grande
utilité dans la recherche des ouvrages que nous n'avions pas pu trouver
ni dans les bibliothèques ni dans les librairies. Il nous a permis
également, à défaut d'une carte administrative, de
récupérer avec Google earth une photographie satellitaire du
village. La délimitation de la province du Damga nous a
été facilitée par le Professeur Pape Demba Fall
(Laboratoire de géographie de l'IFAN).
Les phases d'enquête et visite de
terrain
Les entretiens exploratoires
L'étude des migrations ne peut se faire qu'avec la
complicité étroite des concernés. C'est ainsi, que nous
avons organisé des rencontres informelles avec certains
émigrés qui sont de retour pour écouter leurs
témoignages, leurs récits de voyage et collecter des informations
pouvant appuyer notre argumentaire. Cela a été rendu possible
grâce aux causeries autour du thé communément
appelées << Grand'place » auxquelles nous avons
participés et que nous avons pu transformer en << focus group
».
Les structures de transfert d'argent
Tour à tour les différentes structures de
transfert d'argent, c'est à dire les services postaux et les <<
points fax », nous ont permis de collecter l'ensemble des données
ayant trait avec les transferts financiers des émigrés.
Malgré la réticence de la population dans la disposition des
informations, nous avons pu recueillir, aussi bien au niveau des structures
formelles, à savoir les différents services du bureau de poste,
qu'au niveau des structures informelles telles que les << points fax
» des GIE, les montants envoyés mensuellement vers le village.
L'échantillonnage
Selon le questionnaire, nous avons adopté une technique
d'échantillonnage appropriée. Il s'agit de prendre en compte les
spécificités de chaque population en se basant sur ses
différentes variables.
Echantillonnage du questionnaire destiné aux chefs de
ménages
Sur une population parente de 276 ménages que constitue
le village de Wodobéré, nous avons procédé à
un échantillonnage par quota selon des critères guidés par
nos hypothèses de recherche. Cette méthode a été
nécessaire, d'une part, pour pallier l'épineuse question de
l'absence d'une base de sondage, étant donné que nos chances de
trouver une liste exhaustive de la population parente sont nulles, et, d'autre
part, pour répondre aux exigences de nos objectifs de recherche. La
technique d'échantillonnage par quota a consisté à diviser
la population parente en classes correspondant à la variable retenue
à savoir l'appartenance sociale. Par la suite, pour obtenir le quota de
chaque classe nous avons procédé par le rapport entre le
pourcentage de chaque classe et la taille des pourcentages que nous avons
multiplié par N. En d'autres termes nous avons fait, par
exemple pour la classe des Sebbe, 54% de 100x60.
C'est-à-dire (54/100) 60=32. Ce qui donne le tableau qui suit :
20
Castes
|
Effectifs/Nombre de concession
|
Pourcentage des castes
|
Quota dans l'échantillon (% de 100xN)
|
Sebbe
|
148
|
54
|
32
|
Toorobe
|
18
|
6
|
4
|
Suubalbé
|
19
|
7
|
4
|
Macuube
|
55
|
20
|
12
|
Lawbe
|
5
|
2
|
1
|
Sakkeebé
|
8
|
3
|
2
|
Awlube
|
3
|
1
|
1
|
Wahilbé
|
8
|
3
|
2
|
Fuulbé
|
12
|
4
|
2
|
TOTAL
|
276
|
100%
|
60
|
Echantillonnage du questionnaire destiné aux
émigrés
Notre choix est guidé par le caractère
spécifique des enquêtés. Ce sont des émigrés,
donc il était beaucoup plus judicieux de cibler les périodes de
congés, car la plupart d'entre eux qui a un travail fixe dans les
régions d'accueil revient périodiquement au village.
Notre échantillon s'est porté sur une population
de 100 personnes. Par ailleurs, nous n'avons établi aucun critère
pour l'échantillonnage. Il a était question de recenser
l'ensemble des émigrés qui étaient de passage au village
durant la période de notre enquête jusqu'à atteindre le
taux d'échantillon préalablement fixé.
L'enquête proprement dite
Tout d'abord, nous avons élaboré un plan de
sondage pour l'enquête portant sur les émigrés. Cela a
consisté à réaliser une enquête sur deux phases.
Une première phase qui s'est déroulée du
06 août au 30 septembre 2008 qui nous a permis de rencontrer 57
émigrés. Une deuxième et dernière phase qui va du
1er décembre 2008 au 15 février 2009 nous permettant
d'administrer 43 questionnaires.
Ensuite, nous avons élaboré une autre
stratégie d'enquête pour le questionnaire relatif aux
ménages. Il s'agissait, après avoir affecté un quota
à chaque caste et repéré les ménages, de diviser le
village, à l'aide de la structuration des quartiers, en cinq parties.
Ainsi, dans chaque patté de maisons, nous déposions le matin un
ou deux questionnaires pour les récupérer l'après midi.
Cette opération, avec un échantillon de 60 chefs de
ménage, s'est déroulée en février 2009 sur une
période de 10 jours à raison de 6 questionnaires par jour. Parmi
les chefs de ménages enquêtés il y a 57 qui ont un ou
plusieurs émigrés dans leur famille et 3 seulement qui n'en ont
pas. Cependant, les 3 ménages sans émigrés
reçoivent des transferts d'argent de la part de leurs proches mais
à une fréquence irrégulière. Nous avons
délibérément opté de les considérer comme
étant ménage avec des éléments
émigrés.
Enfin, à travers la population de notre
échantillon sur les ménages, nous avons consacré une
rubrique toute entière au décompte de tous les membres de la
famille de l'enquêté, absents du village ou pas. Ce qui nous a
permis de recenser une population totale de 1101 habitants de sexes et
d'âges différents. A l'aide de cette population, nous
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avons établi des statistiques nous permettant de faire le
rapport entre les absents et les présents selon l'âge et le
sexe.
Les outils de l'enquête
Il s'agissait pour nous de recueillir des données
à la fois qualitatives que quantitatives. Pour se faire, les
questionnaires et le guide d'entretien nous ont permis d'avoir ces
données.
Le questionnaire :
Sur les deux questionnaires que nous avons
élaborés, il était question de chercher des informations
relatives au fonctionnement des ménages, d'une part, et au
déroulement de l'émigration, d'autre part. La population
enquêtée était appelée à répondre
à la fois à des questions ouvertes et fermées.
Le guide d'entretien
Le guide d'entretien était conçu
spécialement pour recueillir les récits de voyage des
émigrés en retraite. Il est structuré car on se permettait
de guider l'interviewé dans son argumentaire en lui donnant les points
saillants sur lesquels il devrait apporter des éclaircissements. Ainsi,
à l'aide d'un dictaphone nous avons enregistré les
discussions.
Traitement des données
Après la phase de collecte, nous avons
procédé au traitement des données. D'abord, il a
été question de dépouiller l'ensemble des données
pour une lecture beaucoup plus simple mais aussi de transcrire les propos des
interviewés, recueillis à l'aide d'un dictaphone, du Pulaar en
français. Les logiciels EXCEL et WORD nous ont permis respectivement de
présenter les données sous forme de tableaux et de graphiques
pour mieux faciliter l'analyse et de rédiger le document final.
Les difficultés rencontrées
Faire une première initiation à la recherche est
difficile mais il l'est encore beaucoup plus quand il s'agit de faire une
recherche chez soi. A notre grande surprise, notre connaissance du milieu et de
ses habitants a joué à notre défaveur. À peine nos
enquêtés répondaient à nos questions. Pour eux, il
était insensé de venir faire des recherches chez soi parce que
nous connaissions déjà les réponses aux différentes
interrogations. Ce qui a constitué un handicap majeur dans la phase
d'enquête.
En plus de cet état de fait, nous avions
rencontré énormément de problèmes pour trouver une
carte en guise de présentation de la localité. Etant
géographe, nous avions voulu élaboré une carte jusque
là inédite de la localité mais notre ambition a
été freinée par le manque de matériel. Nous avons
recherché un GPS durant toute la durée de l'étude mais en
vain. Il en est de même pour la recherche documentaire. Malgré
l'abondance de la littérature sur les migrations, les ouvrages les plus
précis dans ce domaine n'existent presque pas dans les
bibliothèques et dès fois introuvables dans les librairies.
En fin, nous étions confrontés à des
problèmes financiers pour couvrir les dépenses liées
à nos voyages. Les effets conjugués des routes
dégradées et de la cherté du transport ont beaucoup
impacté sur le nombre de voyages que nous avions voulu
effectué.
PRESENTATION GENERALE DU VILLAGE DE WODOBERE
PREMIERE PARTIE
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CHAPITRE I : Présentation du cadre physique
et humain I. Le cadre physique
I.1.Le site et la situation géographique
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