L'affaire du marquis Alfred de Trazegnies d'Ittre (1832-1861).( Télécharger le fichier original )par Olivier LERUTH Université de Liège (Belgique) - Licence en Histoire 2005 |
Le brigandage commandité depuis Rome.Au mois d'août 1861, un jeune vendéen, dont le père était bien connu pour ses actions dans la chouannerie, vint à Rome offrir ses services au roi. Il s'agissait du comte de Cathelineau, ce personnage qui, moins d'un an plus tôt, proposait son aide aux zouaves de Xavier de Merode. Il arriva à Rome à la tête d'une soixantaine d'hommes recrutés par lui dans les anciennes provinces de la Bretagne, du Poitou et de la Vendée et dont certains d'entre eux portaient des noms particulièrement évocateurs, comme Cadoudal, ce qui n'allait pas sans inquiéter le cardinal Antonelli, qui jusque-là s'était tenu à l'écart des recrutements de de Merode. Se débarrasser définitivement de Cathelineau et de ses hommes supposait entrer en conflit ouvert avec le prélat belge. L'issue étant bien incertaine, Antonelli préféra attendre la fin de l'entrevue entre le prélat et Cathelineau, dont ce dernier sortit fortement irrité, car Merode avait insisté pour que lui et ses hommes vinssent se confondre dans les rangs des volontaires à pied. Le cardinal proposa alors de loger le Vendéen et ses soldats dans un couvent appelé Retiro-Sacro et anciennement occupé par les jésuites. Se produisit alors quelque chose de fort curieux : on vit dans ce couvent ripailler et festoyer, aux frais du Saint-Siège, tous les personnages ayant refusé de s'enrôler dans les volontaires à pied. Ils ne risquaient plus ainsi de toucher aux armes. Merode réagit violemment au stratagème de son ennemi et déclara aux hommes que « tant qu'ils resteraient dans la demeure somptueuse où les avait placés le cardinal, il ne souffrirait pas qu'une seule arme leur fut confiée, parce qu'il ne verrait pas en eux des soldats ; que s'ils étaient venus à Rome avec la ferme pensée de soutenir la cause du Saint-Père, le seul moyen d'atteindre ce but était d'entrer aux Franco-Belges, où ils trouveraient des jeunes gens nobles comme eux et comme eux dévoués aux principes monarchiques et religieux ; qu'en hommes de coeur qu'ils étaient, ils devaient préférer un travail glorieux, utile pour la cause qu'ils soutenaient, à une oisiveté d'autant plus coupable qu'elle coûtait chaque jour des sommes considérables au souverain pontife173(*). » Suite à cette intervention, Cathelineau quitta Rome tandis que ses croisées prirent place parmi les franco-belges. Le 13 août 1861, Cathelineau recevait le mot suivant de François II : « Monsieur, je viens avec la présente vous prier de faire une course ici pour pouvoir vous parler personnellement. Croyez toujours à votre François174(*). »
De retour à Rome le 11 septembre vers 20 heures, il se présenta aux souverains une demi-heure plus tard. On se plaît à rapporter quelles furent alors les paroles de Marie-Sophie : « J'aime mieux mourir dans les Abruzzes, au milieu des braves, que de vivre à Rome175(*). » La reine voulait lancer immédiatement une opération de grande envergure. L'hiver était imminent et le roi semblait fort indécis. Il accepta cependant qu'on fasse les démarches nécessaires. On envoya un messager dans les Abruzzes prendre des nouvelles de la situation et savoir ce que pensait le brigand Chiavone, qui était sur place, de l'état d'esprit des populations. L'envoyé rapporta que 360 hommes accompagnaient le chef. Le roi ordonna alors le départ du français Henri Arnous de Rivière auprès du général en chef avec l'ordre « d'organiser, mais de conserver toujours, pour ce chef, le respect et les attentions qu'il méritait176(*). » Le 20 septembre, François II présentait à Cathelineau le prince de Caserte, prêt à partir pour le front, s'il le fallait. Le roi s'exprima ainsi en faveur du Français : « Quand on s'appelle Cathelineau, qu'on a quitté sa famille, son pays, pour répondre à l'appel d'hommes qui ont fait tant de fautes, on mérite la confiance la plus entière. Je vous confie mon jeune frère : non-seulement parce que je sais que vous défendrez sa vie au péril de la vôtre ; mais encore parce que je suis certain que vous veillerez sur son âme, dont le salut m'est infiniment plus cher que celui de son corps, malgré ma tendre affection pour lui177(*). » Le roi s'apprêtait-il donc à envoyer son frère à la mort ? C'était sans compter sur l'influence de l'ambassadeur espagnol que François II semblait écouter tel un prophète, monsieur Bermudez. Celui-ci fit dans un premier temps mine d'accepter le projet de départ, bien que l'hiver approchât et que le moment ne fût pas des plus propices. Mais, puisque telle était la volonté de la reine... Sur ces entrefaites, Arnous de Rivière revenait, s'il faut en croire Cathelineau, avec les meilleures impressions du front. La prise de Sora était une chose simple. Il n'y avait plus, ensuite, qu'à se réfugier dans les montagnes qui la surplombaient178(*). Soudain, le roi, sur pression de Bermudez -et sans doute aussi prenait-il peur-, fit volte-face. Il ne songeait désormais plus à envahir les Abruzzes mais bien les Calabres. François II s'exprimait en ces termes : « Nous venons de passer un mois à travailler pour organiser une entrée dans les Abruzzes, j'étais décidé à y aller moi-même ; cependant, je change d'avis. Ma position à Rome est délicate, je suis l'hôte du gouvernement du Pape, je craindrais de le compromettre vis-à-vis du gouvernement français si je m'y rendais personnellement. Un prince, mon frère, peut me remplacer : mais je ne crois pas que le moment soir favorable ; il vaut mieux s'organiser pendant l'hiver179(*). » Enervé, Cathelineau voulut s'entretenir avec Bermudez (début octobre 1861). Il discutèrent un long moment, mais sans résultat. Vers la même époque, Cathelineau se rendait auprès de monseigneur de Merode qui l'avait fait demander. Ses dires se passent de commentaires : « Monsieur de Cathelineau, je viens vous prévenir que si vous êtes ici pour quelque motif politique que ce soit, je vous ferai partir de Rome, et si j'apprends que vous fassiez un seul enrôlement pour les Abruzzes, je vous ferai saisir par quatre gendarmes et conduire à Civitavecchia. Je tenais à vous prévenir, car il n'est pas agréable de se trouver enlevé au milieu de la nuit180(*). » A quoi Cathelineau ne put rien répondre d'autre qu'il demandait à voir cela. Peut-être Cathelineau exagère-t-il le contenu de cette entrevue ? On sait, en tout cas, que depuis que le prélat belge ne lui avait pas fait de propositions susceptibles de l'intéresser l'année précédente, les relations entre les deux hommes n'étaient plus au beau fixe. Installé à l'hôtel de la Minerve, Cathelineau prit contact avec le Comité légitimiste de Rome et ses membres. Mis à part les deux bureaux précédemment cités, le couvent de Jésus-Maria au Corso était le siège d'un sous-comité, également spécialisé dans l'enrôlement. Y étaient actifs l'ex-préfet de police Governa, l'ex-directeur de police Mazza... Vagnozzi s'était fait spécialiste du recrutement pour les Abruzzes tandis que les frères Perfetti se spécialisaient dans la fourniture d'armes. Cathelineau entretenait de nombreux rapports avec l'extérieur afin de recruter au maximum et de récolter des fonds, mais également avec les autres grands généraux de François II, comme Chiavone, dont nous venons de parler. A la mi-octobre, le roi confia une vague mission au Vendéen en Autriche. Il devait remettre une lettre au duc de Modène de la part du roi et un mot à la duchesse de Berry de la part de Marie-Sophie. Sans doute s'agissait-il de l'éloigner de Rome un certain temps. Il partit, accompagné de son beau-frère, le marquis de Kermel, zouave pontifical sous les ordres du commandant Charette181(*). A côté de ce français, nous avons à évoquer la figure de Luigi Alonzi, dit Chiavone. Il fut sans aucun doute l'un des plus importants généraux de François II. Il eut en tout cas une autorité relativement durable sur une région plus ou moins déterminée, il l'exerçait sur les alentours de Sora et sur une bonne partie des Abruzzes. Ce personnage emblématique fit à lui seul couler beaucoup d'encre.
Alessandro Bianco di Saint Jorioz nous donne un portrait détaillé de l'homme en question. Il était originaire de Sora182(*) où il exerçait le métier de garde forestier. Il s'était engagé dans l'armée de Ferdinand II où il fut condamné pour mauvaise conduite. Il se faisait remarquer par son existence déréglée, son impétuosité et un appétit sexuel sans égal. Il fut un des premiers à prendre le chemin de la montagne pour mener la rébellion contre le Gouvernement national. Son physique s'accordait parfaitement à son caractère : sombre, féroce et dur. Il y avait cependant quelque chose de songeur dans sa physionomie, qui n'était pas sans offrir un certain attrait. Cela lui donnait l'apparence d'un homme peu banal et d'esprit ouvert, mais ce n'était qu'une apparence : il n'avait en réalité « aucun talent et aucun génie. » Saint Jorioz ajoute qu'il n'a jamais fait preuve d'une sagesse militaire ou d'une hardiesse plus importantes qu'un autre. Cependant il fut probablement le meilleur de tous les capitaines de bandes de son espèce, excepté le célèbre espagnol José Borgès. Il aimait à se vêtir théâtralement, comme le faisait son prédécesseur, Fra Diavolo. Pratiquement illettré, il écrivait malgré tout sans arrêt. Avide d'argent, il aurait détourné des fonds qui lui avaient été confiés par le roi François afin de mener la résistance à l'envahisseur ! Ce trésor, il l'aurait enfui dans une caverne à proximité de la maison de sa maîtresse, la veuve du bandit Cocco, qui résidait à Scifelli, afin que le jeune fils de celle-ci, dont il s'était pris d'affection, en hérite. Lors de l'arrestation du jeune Cocco, ni les interrogatoires, ni les menaces et les perquisitions répétées ne permirent de mettre la main sur ces prétendues richesses183(*). Reportez-vous aux annexes pour visualiser des photographies de Chiavone. Les appréciations envers le général de Sa Majesté François II furent très mitigées. Pour un conservateur comme A. Insogna, Chiavone était « l'homme qui fit mobiliser toute l'armée piémontaise et donna le signal de la révolte184(*). » Pour les libéraux, il ne représentait rien d'autre qu'une marionnette que le roi de Naples agitait dans tous les sens mais qui ne disposait d'aucune influence. Il est vrai que la technique de brigandage du personnage avait de quoi surprendre. Elle consistait à longer la frontière séparant les Etats Pontificaux et le royaume de Naples, principalement entre Sora et Frosinone. Si aucun risque ne se présentait, alors on s'enfonçait de peu dans les anciennes terres de François II. Dès que les Piémontais menaçaient de les intercepter, lui et ses hommes franchissaient de nouveau la frontière et se trouvaient en sécurité. A ce propos, l'agent consulaire français Rotrou faisait remarquer que la bande se maintenait sur le territoire romain « afin d'être à l'abri de toute surprise et de permettre à ces messieurs de dormir sur leurs deux oreilles. » Pour le français, Chiavone n'était qu'une « plaisante invention de l'évêque de Sora, derrière laquelle se cachent les sommités militaires du brigandage officiel qui ont toujours tenu à ne pas s'éloigner de la caisse et de Rome. Cela vaut à Chiavone de pouvoir arracher de temps à autre quelques sommes au ministre de la guerre in partibus de François II ; et franchement on les doit bien au pauvre diable, car sa bande, plus prudente que les autres, fût morte de faim si elle n'avait pour se soutenir que ses propres exploits185(*). » Tandis que Marc Monnier voyait en lui un « drôle », dont même les feuilles libérales françaises exagéraient l'importance186(*), Armand Lévy le traitait de bandit187(*).
Les troupes du `général' Chiavone auraient sans doute connu une existence plus éphémère si elles n'avaient disposé de l'aide efficace du Saint Siège. Presque systématiquement, en effet, les brigands capturés par les Piémontais étaient remis aux gendarmes pontificaux. Ceux-ci prenaient alors en charge de les ramener à Rome et... de les libérer. Au mois de novembre 1861, Lord Odo Russel pestait justement sur ce gouvernement pontifical qui interdisait formellement d'emprisonner Chiavone ou ses agents sans un ordre express en provenance de Rome188(*). Selon Monnier, on pouvait lire dans de nombreuses dépêches officielles des gendarmes pontificaux, portant les armes du pape, que tel ou tel brigadier gratifiait Luigi Alonzi du titre d'Excellence. D'autres missives encore assuraient que les gendarmes prenaient soin d'escorter les convois de bandits de telle manière qu'ils échappent à la vigilance des soldats français189(*) ! Chiavone attirait les foules, et plus particulièrement les jeunes gens de toute l'aristocratie européenne. On ne s'étonnera pas de lire les plaintes du cavalier Uccelli, présent à Paris. Selon lui, la rumeur court que 20 à 25 jeunes Français veulent aller se battre sous l'étendard de Chiavone et reproduire dans les Abruzzes ce qu'avaient fait de Charette et de Larochejacquelin en Vendée190(*). Dans ce même ordre d'idée, Lord Odo Russel assurait qu'aucun Napolitain respectable ne se trouve dans les rangs de Chiavone. De plus, « tous ses officiers sont des étrangers, Français, Belges, ou Espagnols, envoyés par les Comités légitimistes de Marseille, tandis que ses hommes sont recrutés parmi la plus basse populace191(*). »
La célébrité de l'homme apparut vers le milieu de 1861. C'est en effet à cette date qu'on trouve les premières mentions le concernant dans la presse et la correspondance diplomatique. Le représentant britannique à Rome, Lord Odo Russel notait, à la date du 16 mai, qu'un individu du nom de Chiavone, qui semblait avoir de l'argent à la demande, avait recruté 400 ou 500 hommes. Il aurait attaqué le village de Monticelli, situé sur la gauche de Postella, tué le syndic local et pris possession de la place fortifiée. Une attaque des gardes nationaux le lendemain avait été repoussée par les brigands. La garnison française de Terracine avait été lancée à ses trousses mais sans effet, les guides des Français étant tous des gendarmes pontificaux192(*). Cette expédition prenait en fait place le 3 mai. Les chiavonistes occupèrent successivement Monticelli, Pastena, Pico et Lenola, abattant tous côtés les drapeaux de la maison de Savoie et jetant au feu les archives communales et judiciaires dans lesquelles se trouvaient les dossiers de nombreux membres de la bande193(*). Une vingtaine de jours plus tard, le 27 mai, Chiavone attaqua à nouveau Sora, qui demeurait sa cible favorite, mais il fut repoussé194(*). Vers la mi-juillet, craintifs de s'aventurer à l'intérieur des terres napolitaines, les Chiavonistes préfèrent agir sur la grande bande du Val Roveto, dévastant San Vicenzo et San Giovanni, occupant Collelongo et Villavallelonga, dans l'intention de se réunir aux bandes des Abruzzes, comme celle de Centrillo, afin de mener une action de plus grande portée. Il n'ignorait pas, cependant, que la route par Pescasseroli était barrée par un détachement du 35e régiment d'infanterie. Chiavone et ses combattants renoncèrent finalement à tous leurs projets ultérieurs, repassant le Liri près de Balsorano195(*). Dans presque toutes les villes d'Italie méridionale, on pouvait lire des appels pour la défense de la patrie signés de la main du général, qui se complaisait à édicter toutes sortes de tracts -bien que certains d'entre eux fussent de la main de François II, ou du moins de son entourage- et autres ordres du jour dans lesquels l'orthographe catastrophique rivalisait avec la piètre qualité de la syntaxe. « Aux armes, aux armes ! La patrie est la proie de l'étranger, nous sommes des esclaves ; il nous insulte, nous calomnie, nous frappe, et nous fusille sans pitié. Nos maisons sont saccagées, nos campagnes brûlées, nos plus honnêtes citoyens ont été poignardés ou condamnés à divers genres de mort. Les prisons sont remplies des meilleurs d'entre nous ; les évêques ont été battus, le roi a été bombardé, les arsenaux et la flotte ont été pillés, et tout ce que nous possédions de noble et de grand a été souillé, ravagé et détruit ! La mesure des outrages est comble : levons-nous tous ! Liberté et indépendance ! Chassons l'étranger ! Une horde de sectaires est venue de toutes les parties de la terre saccager notre pays ; un roi, qu'on nomme le galant homme, est entré comme un voleur sur notre territoire pour dépouiller son neveu et enchaîner les Napolitains. Les calomnies, les mensonges, les trahisons ont abattu le trône de Roger et anéanti notre nation ; mais, animée d'une généreuse colère, elle s'élève maintenant contre le mensonge et contre les oppresseurs ; elle veut son roi, ses lois, sa religion : elle répond au plébiscite des sectes par un non terrible qui retentit d'un bout à l'autre de l'Europe. Il y a six mois j'ai levé le drapeau de la patrie et je l'ai agité devant les yeux de nos audacieux ennemis. Ce Dieu, qui secoure les opprimés et confond l'iniquité tyrannique, m'a donné la force de triompher, avec quelques braves qui m'accompagnent, de la faim, des périls et des désastres, et dans beaucoup de combats inégaux nous avons vu se courber les épaules des orgueilleux héros de Palestro et de San-Martino. Toutes les forces asservies de l'Italie n'ont pu nous chasser de nos libres montagnes, car la main du Seigneur humilie les superbes. Mais maintenant je ne suis plus seul. Les Abruzzes, les Pouilles, les Principati, la Basilicate et la Calabre se lèvent pour frapper les destructeurs couverts de sang, ceux qui fusillent les faibles, les hérétiques saccageurs des églises qui tournent en dérision Dieu et les saints. Tout le royaume combat, animé d'une grande colère, et les os de nos ancêtres frémissant dans leurs tombes et nous crient : chassez l'étranger. Aux armes ! chaque ville, chaque bourg voit ses fils prendre les armes pour la patrie. Que toutes les bandes se jettent sur ces vandales piémontais. Nous combattons pour le sol natal, pour nos autels, pour nos femmes et nos enfants. Il faut vaincre ou mourir ! Employons toutes les armes ; les épées, les fusils, les bâtons, les pierres des Apennins elles-mêmes deviendront des armes dans les mains d'un peuple qui revendique sa liberté. Montrons-nous dignes de nos ancêtres, dignes de François II, le fils d'une sainte et le défenseur de nos droits. Portons-le sur nos bras afin qu'il reconquiert son royaume ; relevons la Patrie et le trône, et abattons sur cette terre des volcans les sectes corruptrices de la société. Aux armes196(*) ! » En septembre 1862, Théodore de Bounder de Melsbroeck notait qu'un sursaut d'espoir avait vu le jour dans l'entourage de François II. On parlait en effet de faire venir à Naples des condottieres espagnols afin de relancer la réaction. L'instigateur de ces mouvements n'était autre que le ministre d'Espagne auprès de Sa Majesté Sicilienne, le marquis de Lema197(*). Celui-là même qui encourageait fermement le roi à poursuivre sa résistance depuis Gaète. Selon de Bounder, tous ces Espagnols, une fois arrivés sur place, « ont lâché pied et ont été se réfugier dans les bois198(*). » Parmi ces hommes issus de la Péninsule ibérique, un célèbre Catalan, Don José Borjès199(*). Il avait fait ses preuves de général d'armée en tenant tête, avec 300 carlistes à 12000 soldats de la reine Isabelle. Il n'arrivait pas à proprement parler d'Espagne puisqu'il était réfugié en France depuis quelques années. Il y exerçait la profession de relieur, à Lyon. Arrivé sur place, Borjès fut très désagréablement surpris. On lui avait promis une armée et des moyens considérables. Il trouvait un souverain désargenté et des hommes qui se lançaient dans le brigandage davantage pour s'enrichir que pour sauver une cause perdue d'avance. Marc Monnier reproduit la lettre d'instructions que lui fit parvenir le général de Clary. Il est intéressant d'en prendre connaissance. Chiavone reçut probablement des consignes similaires : « Afin d'animer et de protéger les peuples des Deux-Siciles, trahis par le gouvernement piémontais, qui les a opprimés et détrompés ; Pour seconder les efforts spontanés de ces peuples généreux qui redemandent leur légitime souverain et père ; Pour empêcher l'effusion de sang en dirigeant le mouvement national ; Pour empêcher les vengeances privées qui pourraient conduire à de funestes conséquences, M. le général Borgès ira dans les Calabres pour y proclamer l'autorité du roi légitime François II. En conséquence, il observera les instructions suivantes, qu'il modifiera, bien entendu, suivant les circonstances et d'après la prudence ; car il est impossible de donner des règles fixes, mais seulement les principes généraux qui règlent sa conduite : 1° Après avoir réuni le plus grand nombre d'hommes qu'il pourra, en raison des moyens qui lui seront fournis, M. le général s'embarquera pour se rendre à un point de débarquement sur les côtes de Calabre qui peut offrir le moins de dangers et d'obstacles. 2° A peine aura-t-on gagné un point quelconque, et après avoir pris les précautions militaires les plus convenables, il y établira le pouvoir militaire du roi François II avec son drapeau. Il nommera le syndic, les adjoints, les décurions et la garde civique. Il choisira toujours les hommes d'un complet dévouement à la religion et au roi, en évitant soigneusement les individus qui, sous un semblant de dévouement, ne veulent qu'en profiter pour satisfaire leurs haines et leurs vengeances privées, chose qui, en tous les temps, a attiré une spéciale attention du gouvernement, à cause de la fierté de ces populations. 3° Le général proclamera le retour au drapeau de tous les soldats qui n'ont pas encore fini leur temps, et de ceux qui voudront servir volontairement leur bien-aimé souverain et père. Il aura soin de partager en deux sections les soldats : 1° ceux qui appartenaient aux deux bataillons de chasseurs ; 2° ceux des régiments de ligne et autres corps. Leur nombre augmentant, il en formera les cadres des différentes armes : artillerie, sapeurs, infanterie de ligne, gendarmerie et cavalerie. Il aura soin de ne pas admettre d'anciens officiers, au sujet desquels il recevra des ordres particuliers. Il donnera le commandement des différents corps aux officiers étrangers qui l'accompagnent ; il choisira un officier capable et honnête qui sera commissaire de guerre, et successivement des officiers administratifs et sanitaires. Le général Clary enverra peu à peu des guides de Bourbon, qui, quoique armés de carabines, serviront d'officiers d'ordonnance et d'état-major. Les bataillons seront de quatre compagnies ; la force augmentant, ils seront portés à huit. L'organisation définitive de tous ces camps sera fixée par Sa Majesté le roi. Les bataillons prendront les noms suivants : 1° Roi-François ; 2° Marie-Sophie ; 3° Prince-Louis, 4° Prince-Alphonse. Leur uniforme sera selon le modèle qu'enverra le général Clary. 4° A peine il aura une force suffisante, il commencera les opérations militaires. 5° Leur but étant la soumission des Calabres, ce but sera atteint en obtenant cette soumission. Le général Borgès fera connaître au général Clary tous ses mouvements, le pays qu'il aura occupé militairement, les nominations de fonctionnaires qu'il aura faites provisoirement, en réservant toujours à la sanction du roi l'approbation, modification ou changement. 6° Il ne nommera pas les gouverneurs des provinces ; car Sa Majesté, par le moyen du général de Clary, enverra les personnes qui devront occuper cette haute position. Le général s'empressera de reconstituer les tribunaux ordinaires, en excluant les individus qui, sans donner leur démission, ont passé (sic) au service de l'usurpateur. M. le général Borjès pourra faire verser à la caisse de son armée toutes les sommes dont il aura besoin, en rédigeant chaque fois des procès-verbaux réguliers ; il se servira de préférence : 1° des caisses publiques ; 2° des biens des corporations morales ; 3° des propriétaires qui ont favorisé l'usurpateur. 7° Il fera une proclamation dont il enverra copie au général Clary, et promettra au nom du roi une amnistie générale pour tous les délits politiques. Pour les méfaits communs, ils seront déférés aux tribunaux. Il fera comprendre que chacun est libre de penser à sa façon, pourvu qu'il ne conspire point contre l'autorité du roi et contre sa dynastie. Une proclamation imprimée sera envoyée par le général Clary, pour être publiée à peine débarqué en Calabre. 8° Afin d'éviter la confusion et les ordres douteux, il reste bien établi, en principe, que le général Borjès et tous ceux qui dépendent de lui n'obéiront qu'aux ordres du général Clary, quand même d'autres pourraient s'appuyer sur les ordres du roi. Ces ordres ne viendront que par le moyen du général Clary. Les ordres que M. le général et ses subordonnés ne devront pas suivre, même venant du général Clary, sont seulement ceux qui tendraient à violer les droits de notre auguste souverain et de notre auguste souveraine et sa dynastie. En ces temps-ci, au premier succès brillant, le général Borjès se verra entouré de généraux et d'officiers qui voudront servir ; il les éloignera tous, car Sa Majesté lui enverra les officiers qu'elle jugera dignes de revenir sous les drapeaux. 9° En Calabre, il doit exister plusieurs milliers de fusils de munition (sic) ; M. le général Borjès les fera rendre immédiatement au dépôt de Monteleone, et punira sévèrement tout individu qui ne les livrerait pas dans un bref délai. La fonderie de Mongiana, les fabriques d'armes de Stilo et de la Serra seront de suite mises en activité. 10° M. le général Borjès fera les propositions pour les avancements et les décorations pour les individus qui se distingueront dans la campagne. 11° Il aura les plus grands égards pour les prisonniers, mais il ne leur donnera pas la liberté, et ne laissera pas les officiers libres sur parole. Si un individu commet des insolences ou offense les prisonniers ennemis, il sera jugé par un conseil de guerre subitaneo et immédiatement fusillé. M. le général Borjès n'admettra pas d'excuses sous ce rapport ; cependant il se servira vis-à-vis des Piémontais du droit de représailles.
12° Toute modification que l'urgence ou les diverses circonstances feront apporter aux présentes instructions, sera rapportée à M. le général de Clary. Marseille, 5 juillet 1861. G. Clary200(*). » Bien entendu, il s'agit d'instructions couchées très facilement sur le papier. La réalité à affronter était toute autre. D'abord parce que les hommes voulant se rallier à la cause des Bourbons ne se bousculaient pas. Borjès notait, dans son Journal, combien il rêvait d'avoir sous ses ordres ne serait-ce que 300 voire 400 hommes afin de combattre dignement201(*). Parlant des populations méridionales, il notait : « Ce monde-ci veut son autonomie et son roi ; mais la crainte qu'on brûlera leurs maisons et qu'on empoisonnera leurs femmes et leurs enfants les retient202(*). » Ensuite, parce qu'une multitude d'hommes, n'ayant pas reçu d'instructions officielles de la part de Sa Majesté, mais qui exerçaient le brigandage depuis déjà bien longtemps et pour leur compte, entravaient sa route. Parmi eux, les célèbres Crocco203(*) et Nino Nanco204(*). Ceux-ci opéraient en Basilicate. Ils se réunirent au général qui le leur demanda205(*), vers la fin du mois d'octobre 1861. Une ou deux fois, comme le 25 octobre, près du bois de Lagopesole, les troupes agirent de concert. Mais ce fut tout206(*). Crocco et Nanco étaient bien trop indépendants que pour se laisser mener par un étranger. Avec eux, on remarquait également Augustin Marie de Langlais207(*), dont le patronyme fut estropié dans tous les ouvrages du temps sous la forme de « de Langlois ». Selon Borgès, celui-ci « se donne comme général et agit en imbécile208(*). » Face à ces personnages, l'Espagnol n'eût plus qu'à reconnaître qu'il avait perdu toute autorité sur ses hommes. « On m'a destitué assez maladroitement, écrivait-il le 20 novembre209(*). » Borjès prit alors la décision de rentrer à Rome, faire état de ce qu'il avait pu voir sur le terrain. Il fut arrêté à proximité de Tagliacozzo le 8 décembre 1861, et fusillé quelques moments plus tard dans cette même ville, sur les ordres du major Franchini210(*). Il fut trahi par les empreintes laissées derrière lui dans la neige. Cette mort fit grand bruit en Europe. Victor Hugo s'écriait : « Le gouvernement italien fusille les royalistes211(*) ! » Vers la même époque, on pouvait croiser, entre la Terre de Labour et les Abruzzes, un Autrichien du nom de Ludwig Richard von Zimmermann212(*). Ses hommes l'appelaient « il tedesco » ou le « conte Luigi Ricardo ». Zimmermann était parti pour l'Italie à la moitié de 1861, muni d'un passeport suisse. Il arriva à Rome le 28 août et se mit aussitôt à la disposition des souverains François et Marie-Sophie. Ceux-ci l'envoyèrent s'unir à la bande de Chiavone en qualité d'officier. Il confiait, dans ses mémoires, qu'il n'était pas venu se battre pour la cause légitimiste. A ce moment de sa vie, il n'avait aucune pensée politique précise. Par ailleurs, il ne s'agissait pas non plus de défendre le Saint-Siège : Zimmermann était protestant et ses écrits regorgent de critiques à l'égard des prêtres. La fièvre romantique qui habitait bien des esprits se lançant dans une telle aventure ne l'affectait que très peu. Sa motivation principale fut finalement une sorte d'élan du coeur, d'envie d'aider ces malheureuses populations du sud, motivée par sa passion de la guerre213(*). Zimmermann était un proche ami du comte Edwin dans lequel il se reconnaissait. Il lui dédia d'ailleurs ses mémoires ainsi qu'un long poème. Au commencement du mois de septembre 1861, Zimmermann rencontrait Chiavone et lui montrait ses décrets royaux. Il devait s'unir à lui afin de combattre l'envahisseur. Chiavone refusa évidemment cette alliance. Il tedesco s'en retourna alors à Rome, auprès du nouveau chef d'armée que le roi venait de nommer : Cathelineau. Etait également présent dans la Dominante, un Français, Henri Arnous de Rivière214(*), militaire de carrière. Il avait quitté l'armée, pour laquelle il avait beaucoup combattu à l'étranger : en Perse, en Turquie ou encore en Afrique, raconte Saint-Jorioz. Les généraux napolitains décidèrent alors que Kalkreuth et Zimmermann seraient affectés, en tant que lieutenants-colonels, à la troupe d'Henri de Rivière. Peu après, on assista, une fois de plus, à une tentative d'union aux chiavonistes. Rivière alla trouver le chef de bande à la frontière des Etats pontificaux le 19 octobre. Chiavone se voulait toujours plus préoccupé par ses uniformes et ses proclamations grandiloquentes que par le combat. Dégoûté de ce « métier » de chef de bande, le Français s'en retourna à Rome où il fut arrêté sur les ordres de la police de la ville en novembre 1861215(*). A-t-il été directement relâché, ou a-t-il purgé une peine quelconque ? Nous n'en savons rien. Zimmermann n'abandonnait pas, pour sa part, l'idée de se battre. Aidé de l'Irlandais O'Keef, il s'attaqua aux troupes de la garde nationale le 05 novembre, au lieu dit Lanterra. Les brigands occupèrent Castellucio. Les dernières actions de Chiavone prirent place à la fin de l'automne. Il assaillait toujours la ville de Sora et ses alentours. Le 11 novembre 1861, une partie de ses hommes se fit prendre lors de l'assaut donné sur San Giovanni Incarico. 53 d'entre eux furent fusillés. Parmi ceux-ci, un jeune marquis belge de nom d'Alfred de Trazegnies d'Ittre. Nous parlerons en détail de cette expédition du 11 novembre dans le chapitre se rapportant au marquis. Fin du mois de novembre 1861, Cathelineau rentrait de son périple en Autriche. A nouveau, le roi lui fit miroiter une éventuelle expédition dans ses anciens Etats. Lors de ses entretiens avec le Vendéen, il se serait exclamé : « Oui, je veux rentrer dans mes Etats, je veux retourner à Naples pour sauver l'Eglise, pour combattre la révolution ; trouvez-moi 3000 hommes pour le 15 février et, non seulement je vous donne un prince, mais je marche à votre tête216(*). » Nouveau revirement : il n'était plus question d'un quelconque départ... Ne sachant plus que dire, Cathelineau expliquait que, selon lui, si l'on attendait encore six mois avant d'intervenir, ce ne serait alors plus possible du tout. C'était donc maintenant ou jamais. Cathelineau demanda alors un congé pour s'occuper de ses affaires de famille. Le roi se dit particulièrement chagriné. Pour le retenir, il l'intégra dans une Commission composée du duc de Popoli et du général de Clary, qui comme lui, « aiment le drapeau blanc217(*) » ! Il s'agissait de s'unir dans la formation d'un petit corps d'armée que conduirait le roi. Clary se chargeait des affaires militaires, le duc de Popoli correspondait directement avec le roi tandis que Cathelineau se chargeait de raviver les relations avec la France et les pays étrangers. Pour ce dernier, le seul moyen de se « tirer d'embarras » consistait à intéresser en la faveur du roi les « gens d'argent et les hommes généreux218(*). » Il fallait rassembler des capitaux, faire des emprunts. Selon Cathelineau, la Commission d'action pensait comme lui : on devait le munir de lettres du roi afin de traiter avec les puissances favorables à sa cause. Dans le même temps, Cathelineau entretenait une correspondance avec monsieur des Dorides, parti pour Paris fin février 1862, pour remettre en route les comités napolitains dont l'activité laissait à désirer219(*). Ses instructions étaient doubles. Il devait d'une part « s'assurer du concours du comité légitimiste de Paris, donnant son adhésion à la Commission d'action », d'autre part, savoir « s'il marcherait d'accord avec elle dans toutes les questions d'ordre politique ou militaire qui lui seraient soumises, et s'il ferait tous ses efforts pour l'éclairer sur l'opinion publique, et sur les moyens d'obtenir des fonds soit à Paris, soit en province220(*). » Dans le compte-rendu de son voyage, des Dorides expliquait qu'il avait dû essuyer un grand nombre de reproches de la part des partisans du roi en ce qui concernait la première instruction. Mais, finalement, ils se rallièrent à lui. Par contre, au sujet de la seconde proposition qui leur était faite, « ils ne voulaient pas comprendre que l'ordre de l'Etat, c'est l'hérédité légitime. » Pour lui, l'échec de ses démarches trouve sa cause majeure dans l'absence du roi221(*). On voulait le voir et l'entendre s'exprimer fermement sur ses souhaits pour le futur. On n'avait droit qu'à des agents sans épaisseur. Quoi qu'il en soit, toutes ces démarches furent, une fois de plus, inutiles ! Les lettres réclamées par Cathelineau n'arrivaient pas. De plus, « les jours s'écoulaient et les hommes, au lieu de se réunir pour travailler avec ardeur au salut de la plus belle des causes, ne faisaient que se déchirer mutuellement. » Le 21 mars, le duc de Popoli avait le culot d'annoncer à Cathelineau, de la part de Sa Majesté sicilienne : « il est tard et les fonds n'arrivant pas, je prie Cathelineau de vouloir bien partir, afin de réunir au moins des 120 000 francs indispensables pour l'expédition. Mais je voudrais qu'il se hâte de revenir, et je trouve bien long les trois semaines qu'il demande pour son voyage222(*). » Cathelineau allait remettre ses adieux au roi quand celui-ci le pria de tenter « un dernier effort. » Le 25 du mois, il reçut enfin les lettres tant réclamées. Puis il partit demander l'aide du comte de Chambord. A son retour cependant, les grands généraux napolitains avaient été arrêtés par le gouvernement français. Le projet fut définitivement abandonné et Cathelineau rentra dans son pays natal223(*). Pendant ce temps, un nouveau personnage d'envergure était placé à la tête d'une bande. Il s'agissait d'une connaissance de José Borjès : l'espagnol Rafael Tristany. Il accompagnait le duc de Modène dans sa retraite à Mantoue en 1859. Un an plus tard, il proposait son aide à François II. Ce dernier l'envoya en mission à Naples à deux reprises avant de le nommer maréchal de camp, le 05 février. Tristany partait ensuite pour la frontière afin d'évaluer le potentiel militaire de la bande de Chiavone. Le but était d'organiser une offensive depuis le début des Abruzzes et qui se terminerait à Sora. L'espagnol vit de suite que les troupes étaient complètement désorganisées et indisciplinées. Il retourna à Rome rendre des comptes, emportant avec lui Kalkreuth, qu'il fit son chef d'état-major général. A plusieurs reprises, Zimmermann se réunit à Tristany, avant de quitter les troupes en juillet 1862 pour Rome. Il rejoint l'Autriche trois mois plus tard. En mai 1862, Tristany rejoignait de nouveau Chiavone pour prendre son poste. Chiavone fit mine de ne pas comprendre. Il désarma le comte Edwin von Kalkreuth et ses hommes, dont nous avons déjà parlé. Cependant, en juin, Tristany réunissait un Conseil de guerre, présidé par Zimmermann, afin de juger Chiavone pour ce méfait. Il l'accusait par ailleurs de complot contre sa personne224(*). Le général en chef de Sa Majesté le roi François était fusillé le 28 juin 1862 près de Trisulti. Bien que mal nourris et épuisés, les hommes de Tristany se battirent vaillamment le 04 août à Pastena, le 31 à Castelnuovo et le 07 septembre à San Vincenzo. La situation se compliqua encore à l'arrivée de l'hiver et bien des hommes, dont Zimmermann, quittèrent la bande dont le quartier général avait pris place à Monte Corvo. L'Espagnol maintint malgré tout ensemble une trentaine d'hommes jusqu'au début de l'année 1863 quand, arrêté par les autorités françaises, il fut expédié en exil en France. La fin du brigandage légitimiste se signait ici225(*). Sans aucun doute, l'insuccès des troupes de brigands contre le nouveau pouvoir trouva-t-il ses racines et dans les conflits internes qui régnaient parmi eux, et dans l'incertitude qui rongeait en permanence l'ex-souverain des Deux-Siciles. * 173 Dans FRAISSYNAUD Paul, L'armée pontificale... II... op. cit., pp. 314-315. * 174 Dans Le général comte de Cathelineau, Chevalier de la Légion d'honneur, Commandeur de l'ordre de Pie IX, Chevalier de la Tour et l'Epée et de don Miguel de Portugal. Sa vie et ses mémoires, Société Saint-Augustin, Desclée, De Brouwer et Cie, Rome-Paris-Lille-Bruxelles, 1892, p. 173. * 175 Idem, p. 174. * 176 Idem, p. 176. * 177 Idem, p. 178. * 178 Idem, p. 182. * 179 Idem, p. 184. * 180 Idem, p. 186. * 181 Idem, p. 187. * 182 Luigi Alonzi naquit en 1825 et fut fusillé 37 ans plus tard, au mois de juin 1862. (Dans GELLI Iacopo, Banditi, briganti e brigantesse nell'ottocento, R. Bemporad & Figlio Editori, Firenze, 1931, p. 189 et dans .) * 183 Dans BIANCO DI SAINT JORIOZ Alessandro, Il brigantaggio alla frontiera pontificia dal 1860 al 1863. Studio storico-politico-statistico-morale-militare, Milano, Daelli, 1864 (ristampa anastica Adelmo Polla editore, Cerchio (Aq), 2001), pp. 63-65. Bianco di Saint Jorioz était un capitaine piémontais. Il portait donc un jugement particulièrement négatif sur le brigandage méridional. Cependant, son ouvrage constitue, aujourd'hui encore, une source irremplaçable qui a inspiré à peu de choses près tous les ouvrages concernant les expéditions de Chiavone ou encore la fin tragique du marquis Alfred de Trazegnies, dont nous parlerons en temps voulu. (Dans CORRADINI Ferdinando, 11 novembre 1861 : i briganti assltano Isoletta e San Giovanni Incarico, dans «La Voce, periodico di attualità, politica e cultura a diffusione gratuita», numéro 8, 2001, p. 3.) * 184 Dans INSOGNA A., François II... op. cit., p. 211. * 185 Dans ROTROU C.L., Des causes du brigandage dans les provinces napolitaines... op. cit., pp. 62-63. * 186 Dans Dans MONNIER Marc, Histoire du brigandage dans l'Italie méridionale... op. cit., p. 102. * 187 Dans LEVY Armand, La cour de Rome... op. cit., p. lxxx. * 188 Lettre de Lord Odo Russel au Comte John Russel datée du 16 novembre 1861, dans dans BLAKINSTON Noel, The Roman Question, Extracts from the dispatches of Odo Russel from Rome 1858-1870, Chapman and Hall, London, 1962, pp. 187-188. * 189 Dans MONNIER Marc, Naples et le brigandage de 1860 à 1864, dans « Revue des Deux Mondes », 1864, tome L, p. 557. * 190 Dans I documenti diplomatici.. volume 1... op. cit., p. 297. * 191 Lettre de Lord Odo Russel au Comte John Russel datée du 17 décembre 1861, dans BLAKINSTON Noel, The Roman Question... op. cit., pp. 191-192. Beaucoup d'allusions similaires peuvent se lire dans la presse du temps. Prenons l'exemple de l'Osservatore romano, en date du 03 janvier 1862, qui soutenait que les bandes de Chiavone contenaient une majorité d'Espagnols et de Belges... * 192 Dans BLAKINSTON Noel, The Roman Question... op. cit., lettre de Lord Odo Russel au ministre des Affaires Etrangères britanniques Lord John Russel datée du 16 mai 1861, p. 175. * 193 Dans BIANCO DI SAINT JORIOZ Alessandro, Il brigantaggio... op. cit., pp. 106-107. * 194 Dans BARRA Francesco, Il brigantaggio in Campania, dans «Archivio Storico per le Province napoletane», tome CI, 1983, p. 118. * 195 Dans MOLFESE Franco, Il brigantaggio... II... op. cit. p. 332. * 196 Dans INSOGNA A., François II roi de Naples... op. cit., pp. 211-213. * 197 Il est important de présenter ce personnage qui interviendra dans la suite du récit. Son véritable nom était Bermudez de Castro. Il représentait l'Espagne auprès de la cour de Naples depuis 1853. Il avait gagné l'admiration de la reine Marie-Sophie par son courage lors du siège de Gaète. Il était « de petite naissance, écrivait de Navenne, d'une bravoure froide, d'un orgueil fou, mais habile à ménager ses intérêts, il ne manquait pas d'esprit, encore moins de cette confiance en soi qui en impose si facilement à la naïveté des autres. » Bermudez avait été fait marquis de Lema par Isabelle II d'Espagne, puis duc de Ripalda par le roi de Naples, lequel lui offrit, pour l'anecdote, un tableau de Raphaël qu'il s'empressa d'accepter. Il vivait auprès de la cour de Naples en exil à Rome. La comtesse de Trani tomba, dit-on, sous le charme pour cet individu aux allures de capitaine d'aventure. (Dans de NAVENNE Ferdinand, Le Palais Farnèse pendant les trois derniers siècles... op. cit., pp. 235-237.) * 198 AMAE, légation Saint-Siège, lettre de Théodore de Théodore de Bounder de Melsbroeck à Adolphe de Vrière, 21 septembre 1861. * 199 José Borjès (1813-1862). (Dans Dizionario biografico degli italiani... op. cit., tome XII, 1970, pp. 792-793.) * 200 Dans Monnier Marc, Histoire du brigandage dans l'Italie méridionale... op. cit., pp. 160-165. * 201 Dans Journal de Borgès, 19 octobre 1861, p. 205, reproduit dans MONNIER Marc, Histoire du brigandage dans l'Italie méridionale, Paris, 1862, pp. 171-238. * 202 Idem, 5 octobre 1861, pp. 186-187. * 203 Carmine Crocco (1830-1905). Il fut le plus important brigand de Basilicate. Sa bande comptait environ 60 hommes. Incarcéré pour homicide, il s'évada vers la moitié des années 1850 et, en avril 1860 s'en prit aux habitants de Langopesole avant de se rendre à Ripacandida. Il encourageait le peuple à se soulever contre les notables. Des habitants de San Fele, Muro, Ruoti, Avigliano ou encore Melfi entrèrent dans ses rangs. S'attaquant à la milice dirigée par le capitaine Gennari, il perdit de nombreux hommes et dut aller se réfugier dans les bois de Monticchio et de Langopesole. N'ayant plus de succès autour de Melfi, il passa dans la province d'Avellino mais, battu par la milice de Davide Mennuni, il alla rejoindre les bandes de Borjès et Langlois. Plus tard, il unit ses forces à celles du brigand Schiavone -à ne pas confondre avec le Chiavone précédemment cité- pour infester la vallée du fleuve Ofanto. Il alla vivre un temps à Rome puis fut conduit dans les mains de la police italienne vers la fin de 1870. Son procès eut lieu à la Cour d'Assises de Potenza. Condamné à mort, sa peine fut commuée en travaux forcés à vie. Il mourut en 1905. (Dans LA SORSA Saverio, Un quinquennio di brigantaggio in Basilicata (1860-1864), dans «Rassegna storica del Risorgimento», 48e année, 1961, tome III, pp. 441-443 ; dans DONATELLI Carmine (dit CROCCO Carmine), Come divenni brigante, Piero Lacaita editore, Bari-Roma, 1994 et dans Dizionario biografico degli italiani... op. cit., tome XXXI, 1985, pp. 173-176.) * 204 Nino Nanco (? -1863). Originaire d'Avigliano, il alla offrir ses services à Garibaldi en 1860. Il fut refusé et dut s'en retourner au pays. Il prit alors le `maquis', comme on dirait aujourd'hui. On ne comptait plus, dans sa région, le nombre d'incendies et d'attaques à main armée qu'il avait perpétrés. De nombreuses fois, il fut encerclé par les troupes piémontaises, mais toujours il parvint à fuir, perdant au passage beaucoup de ses hommes. Un jour, un délégué d'Avigliano, Costantino Polusella, et le capitaine du 13e régiment, Luigi Capoduro, souhaitaient parlementer. Ils n'en eurent pas l'occasion et furent massacrés avec le peu d'hommes qui les avaient accompagnés. Nino Nanco fut finalement pris par la garde nationale le 13 mars 1863. (Dans LA SORSA Saverio, Un quinquennio di brigantaggio in Basilicata... op. cit., pp. 443-444 et dans SCARPINO Salvatore, Il brigantaggio dopo l'unità d'Italia, Piccola biblioteca di base (La Storia), Fenice, Milano, 2000, p. 31.) * 205 Dans Journal de Borgès... op. cit., 19 octobre 1861, p. 205. * 206 Idem, 25 octobre 1861, p. 208. * 207 Augustin Marie de Langlais (1822-1902). Né à Nantes, il était fonctionnaire des douanes. Les siens le considéraient comme une tête brûlée. Echappé de l'Italie du Sud, il devint chef de la gare du Mans. (Dans GARNIER Jean-Paul, Le dernier roi de Naples... op. cit., p. 192.) * 208 Dans Journal de Borgès... op. cit., 23 octobre 1861, p. 207. * 209 Idem, 20 novembre 1861, p. 230. * 210 Dans SCARPINO Salvatore, Il brigantaggio dopo l'unità d'Italia... op. cit., p. 62. * 211 Dans MONNIER Marc, Histoire du brigandage dans l'Italie méridionale... op. cit., p. 246. * 212 Ludwig Richard Von Zimmermann (mort en 1887). Né à Alstadt, en Hesse-Darmstadt, il entra très jeune dans l'armée autrichienne. Il prit part à la campagne de 1859 et combattit à Solferino dans le régiment « Grand-Duc de Hesse ». Après ses aventures dans le brigandage méridional, il revint en Autriche définitivement où il devint journaliste. En 1864, il travaillait pour un journal militaire. Deux ans plus tard, il était correspondant à Böhmen lors du conflit concernant le Schleswig et le Holstein. En 1867, il fondait à Graz le journal radical « Freiheit », dont le mot d'ordre était : « Guerre sans quartier à la violence, à la duperie et à la stupidité, fidélité immuable à la liberté, à l'honneur et à la raison. » Ses écrits, d'une rare violence, s'en prenaient à l'église. Ils lui valurent bon nombre de procès. Le gouvernement autrichien finit même par perdre patience. Le 26 janvier 1861, il fut expulsé comme citoyen indésirable sur le territoire de l'empereur ! Il se retira en Allemagne, non sans protester, et continua à écrire des articles anticléricaux. (Dans CONSTANT VON WURZBACH (Dr.), Biographisches lexikon des kaiserthums oesterreich, enthaltend die lebensskizzen der denkwürdigen personen, welche zeit 1750 in den oesterreischen kronlaendern geboren wurden oder darin gelebt und gewirkt haben, K. K. Hof- und Staatsdruckerei, Wien, tome LX, 1891, pp. 128-129 et dans CROCE Benedetto, La strana vita di un tedesco capo di briganti nell'Italia meridionale e giornalista anticlericale in Austria : L. R. Zimmermann, dans «La Critica, rivista di letteratura, storia e filosofia», tome XXXIV, 1936, pp. 305-316.) * 213 Dans CROCE Benedetto, La strana vita di un tedesco... op. cit., pp. 303-305. * 214 Henri Guillaume Marie Arnous de Rivière (1828- ?). Il entra comme sous-lieutenant au 47e de ligne en mai 1848. Il quitta ce poste l'année suivante pour voyager en Amérique. En décembre 1852, il reprit du service dans le 56e de ligne. L'année d'après, il demanda un nouveau congé. Aussitôt celui-ci obtenu, il partait une fois encore pour l'Amérique. En décembre 1853, il servait la légion étrangère sous le commandement du colonel Bazaine. En juin 1854, il prenait part au siège de Sébastopol, à l'occasion du conflit en Crimée. Sa conduite exemplaire lui valut d'être promu lieutenant. Sans autorisation, il partit ensuite pour cinq ans en Amérique. En 1861, il rentrait en France, s'occupait d'importantes affaires industrielles et commerciales et repartait probablement aussitôt pour l'Italie, bien que l'auteur de sa notice biographique -le colonel Boudot- passe sous silence cet épisode de sa vie. Sans doute n'en était-il pas informé. En mars 1865, sa démission de l'armée française, plusieurs fois proposée, fut finalement acceptée. Il partit cette fois pour l'Amrérique du Sud où on le retrouvait chercheur de guano et de chlorure d'argent en Bolivie ! Fin août 1870, il rassemblait une troupe d'éclaireurs français et offrait ses services à l'empereur. Le général de Cissey lui confiait le commandement de toutes les troupes réunies à Moulins-les-Metz. Il fut cependant fait prisonnier de guerre avec toute l'armée du Rhin. Il s'évada de Wiesbaden et reprit du service à Tours. En janvier 1871, il conduisait sa femme et ses enfants à l'abri à Londres lorsqu'il apprit la découverte du filon d'argent, dit de Caracollès. Ce filon qu'il avait lui-même découvert quelques années auparavant. Ses collègues, qui le croyaient mort, s'étaient emparé d'une considérable partie des bénéfices qui lui revenaient. Il entama alors un procès international afin de récupérer ses droits sur les concessions du groupe minier « Descubridoras. » (Dans Dictionnaire de biographie française... op. cit., tome III, 1939, colonnes 1016-1018.) * 215 Dans BIANCO DI SAINT JORIOZ Alessandro, Il brigantaggio alla frontiera pontificia... op. cit., p. 70. * 216 Dans Mémoires du général comte de Cathelineau... op. cit., p. 196. * 217 Idem, p. 197. * 218 Idem, p. 198. * 219 Idem, p. 199. * 220 Idem, p. 204. * 221 Idem, p. 205. * 222 Idem, p. 208. * 223 Idem, pp. 209-211. * 224 AMAE, légation Saint-Siège, lettre de Théodore de Bounder de Melsbroeck à Charles Rogier, 19 juillet 1862. * 225 Dans BARRA Francesco, Il brigantaggio in Campania... op. cit., p. 121. |
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