Université de Liège
Faculté de Philosophie et Lettres
Département des Sciences Historiques
Année académique 2004-2005
L'affaire du marquis Alfred de Trazegnies d'Ittre
(1832-1861).
Promoteur : F. Balace.
Lecteurs : P. Raxhon.
P. Moreno.
Mémoire présenté par
O. Leruth en vue de l'obtention du grade de licencié en
histoire.
Pour leurs judicieux conseils et leur aide, nous remercions
Francis Balace, Philippe Raxhon, Paola Moreno, Marco Sbardella
de San Giovanni Incarico, Josy Marot, notre famille, et toutes les personnes
qui, de près ou de loin, nous ont supporté durant la
rédaction de ce mémoire.
Un merci tout particulier au marquis Olivier de Trazegnies qui,
très chaleureusement, nous a accueilli en sa demeure de
Corroy-le-Château et nous a fourni toute la documentation
nécessaire à la rédaction de ce mémoire.
A tous, merci.
Table des matières.
0. Introduction.
1. Contexte historique : l'unification de l'Italie.
L'échec de 1848.
Le temps de l'action (1850-1870).
Les artisans de l'unité. Cavour et Victor-Emmanuel II.
Italie et France : premières tentatives
d'approche.
La guerre.
Villafranca.
La conquête du Sud.
La reconnaissance du royaume.
Une nouvelle guerre d'indépendance : la prise de
Venise.
De Florence à Rome, il n'y qu'un pas. Rome capitale.
2. La cour de Rome aux alentours de 1860.
3. Immigrés napolitains.
4. Le brigandage méridional post-unitaire.
Le royaume de Naples et le brigandage.
Principales causes du brigandage post-unitaire.
Le brigandage légitimiste à la chute du royaume de
Naples.
Premiers mouvements dans les Abruzzes.
Le brigandage commandité depuis Rome.
La répression du brigandage.
5. L'affaire du marquis de Trazegnies.
L'héritage d'une famille.
A Rome.
Les incidents d'Isoletta et de San Giovanni Incarico.
Circonstances de l'exécution.
Scipion Fabrizi, le coupable idéal ?
Le deuil d'une famille.
Un incident d'ampleur internationale.
Les motivations.
6. Conclusions.
7. Bibliographie.
8. Annexes.
Extrait de l'acte de naissance d'Alfred de Trazegnies d'Ittre
Portrait d'Alfred e Trazegnies vers 16 ans
Photographies de François II de Bourbon et de son
épouse Marie-Sophie de Bavière
Caricature représentant la complicité du
gouvernement pontifical,
de François II et de la France dans l'encouragement du
brigandage méridional
Portraits du brigand Chiavone
Le château de Corroy-le-Château
Lettre autographe d'Alfred de Trazegnies à son
père
Cartes des expéditions d'Isoletta et de San Giovanni
Incarico
Poème d'Adolfo Klitsche de Lagrange en l'honneur
d'Alfred
Mèche de cheveux prélevée sur le corps
d'Alfred de Trazegnies lors de l'autopsie
Photographie de l'arme qui servit à exécuter le
marquis
Invitation au Service funèbre du 14 décembre 1861
à Namur
Souvenir de l'enterrement
Croquis de la tombe d'Alfred de Trazegnies dans l'ancien
collège des Belges de Rome
Carte de visite du marquis sur laquelle les Piémontais
inscrivirent « Brigante »
Portrait d'Alfred de Trazegnies et de sa soeur Herminie
0. Introduction.
Le mémoire qui suit porte en substance sur le
brigandage méridional post-unitaire en Italie. Dans ce pays, une
véritable Ecole d'histoire du brigandage a vu le jour,
spécialement depuis le centenaire de l'unification, qui fut l'occasion
de se remémorer une série d'événements dont ce
mouvement fait inextricablement partie. Elle est emmenée par des
spécialistes tels que Franco Molfese. Il manque cependant à cette
historiographie deux choses. D'une part, l'étude de points de vue
extérieurs, entre autres celui du monde diplomatique. D'autre part, la
rédaction de biographies de brigands.
Voilà pourquoi nous avons choisi d'étudier la
vie d'un brigand belge, le marquis Alfred de Trazegnies d'Ittre, originaire de
Corroy-le-Château.
Nous procéderons, en premier lieu, à un court
résumé du contexte historique, qui est celui de l'unité
italienne. Partant des tentatives de 1848, nous cheminerons, dans l'ordre
chronologique, jusqu'à la prise de la ville de Rome, faite capitale du
nouveau royaume en 1870. Nous aurons l'occasion de présenter les
artisans de cette unité, mais aussi la perception qu'en ont eu les
grandes puissances européennes, et en particulier la France du Second
Empire, et la Belgique de Léopold Ier.
Nous nous arrêterons ensuite au cas de la ville de Rome.
Il est primordial ici d'étudier quelles furent les grandes figures
politiques de la Ville éternelle -en l'occurrence Pie IX, le cardinal
Antonelli et monseigneur Xavier de Merode-, tout simplement parce qu'elles
seront fréquentées par le jeune Alfred de Trazegnies lors de son
séjour à Rome.
Par après, il s'agira de présenter la cour
napolitaine durant son exil romain. Le roi François II avait en effet,
à la chute de son royaume, accepté l'invitation de Sa
Sainteté Pie IX. Une fois encore, l'exposé de cette situation est
primordial car il fait partie du cadre de vie d'Alfred de Trazegnies dans
l'ex-capitale des Etats romains.
Alfred de Trazegnies est décédé en tant
que chef d'une bande de brigands légitimistes. Il est impératif
d'expliquer ce qu'est ce « brigandage ». Nous parlerons de
ses origines et surtout de son existence à travers toute l'histoire du
royaume de Naples. Le brigandage fut intimement lié à la dynastie
régnante, celle des Bourbons. Nous verrons dans quelles proportions. A
ce moment de notre étude, nous aborderons le brigandage post-unitaire
proprement dit. Non seulement nous démontrerons quelles en furent les
causes, mettant toujours en exergue le point de vue des diplomaties belge et
française, mais nous étudierons de plus près l'histoire du
brigandage légitimiste depuis les premiers soubresauts de l'automne
1860, jusqu'aux environs de 1863, date à laquelle le brigandage perd son
caractère politique. Les grandes figures ayant côtoyé le
marquis Alfred seront bien entendu évoquées. Enfin, nous
expliquerons comment le gouvernement italien éradiqua le brigandage.
Le moment sera alors venu de s'intéresser à
l'expérience vécue par le marquis de Trazegnies d'Ittre.
Après avoir donné un aperçu des origines prestigieuses de
sa famille, nous accompagnerons le jeune homme à Rome, détaillant
comment il entra dans le brigandage et quelle fut son action. L'aventure
d'Alfred de Trazegnies se termina mal. Nous exposerons les circonstances de son
décès.
Plus tard, nous développerons les démarches
effectuées par la famille du défunt, avant de nous pencher sur
les réactions que suscita cette mort, à l'échelle
internationale.
En dernier lieu, nous expliquerons quels motifs
poussèrent ce jeune homme à se rendre à la mort.
Bonne lecture.
1. Contexte historique : l'unification de
l'Italie1(*).
L'échec de 1848
Le 17 juin 1846, le cardinal Mastaï-Ferretti était
élevé au trône pontifical sous le nom de Pie IX. Il
succédait à Grégoire XVI qui avait mené une
politique réactionnaire tout au long de son règne. Ses
contemporains perçurent sans doute le cardinal Mastaï comme un
libéral convaincu. Il semble surtout que son début de
règne accompagné de quelques mesures fort modérées
-amnistie des condamnés politiques (16 juillet), décision
d'introduire dans son Etat des voies ferrées, une certaine
liberté de la presse, envoi d'une circulaire aux gouverneurs de province
leur demandant quels sont leurs projets en vue d'améliorer l'instruction
du peuple (24 août)...- lui valut une popularité
exagérée auprès des « Italiens », qui
le conduisit bien vite au-delà de ses intentions initiales. Ainsi,
l'occupation sur les ordres de Metternich de Ferrare contre laquelle il
protesta, le posa malgré lui en champion de l'unité italienne.
Rapidement, il se vit contraint, afin de satisfaire l'opinion romaine toujours
plus exigeante vis-à-vis de son souverain, de promulguer de nouvelles
réformes telles que le Motu proprio d'octobre 1847 qui
créait une Consulte d'Etat (ou consulta) chargée de lui
transmettre les souhaits de son peuple, ou encore celui de décembre
prévoyant l'introduction des laïcs dans des commissions
chargées de réviser les lois. Les autres souverains italiens se
sentirent alors dans l'obligation d'en faire autant : de mai à octobre
1847, il `pleuvait' des réformes libérales sur Turin, Rome et
Florence.
En novembre 1847, Pie IX, Charles-Albert de Piémont et
Léopold II de Toscane allèrent jusqu'à signer les
préliminaires d'une union douanière qui se présentait
comme une étape dans le long chemin de l'unification. Même le roi
Ferdinand II de Naples, symbole de l'absolutisme, se disait prêt, suite
à une émeute autonomiste dans Palerme en janvier 1848, à
accorder une constitution -toujours très modérée, cela va
sans dire- aux Deux-Siciles ! Elle offrait au peuple une garde nationale
à la française et le suffrage censitaire. Turin et Florence
suivirent rapidement cet exemple et promulguèrent une constitution dans
le courant de mars. Empêtré dans cet engrenage, Pie IX proposa
à son tour un texte fondamental semblable à la Charte
française révisée en 1830. Ici vient à point le
témoignage du catholique libéral français
Frédéric Ozanam2(*). Cet observateur de la vie politique se trouvait
à Rome au début de 1847 et transmettait de Venise, quelques temps
plus tard, ses impressions sur le nouveau pape : « Je regardai
comme un des grands bonheurs de ma vie de m'être trouvé à
Rome pendant cet hiver de 1847, au milieu des glorieux débuts du
pontificat de Pie IX, d'avoir vu cet admirable pape, d'avoir assisté
à ce réveil général de l'Italie, qu'il a
tirée d'un sommeil bien voisin de la mort3(*). »
De l'étranger, l'arrivée de ce nouveau
descendant de Saint-Pierre, perçu de plus en plus comme celui qui allait
unifier l'Italie sous la forme d'une confédération, suscitait des
réactions variables : la France ne semblait pas contrariée
par son attitude mais les préoccupations de Guizot étaient
ailleurs. Il tentait un rapprochement avec l'Autriche où Metternich,
lui, se méfiait de l'agitation italienne qui pouvait très
certainement avoir des influences néfastes sur l'attitude des peuples
allemands. Le plus comblé par cette politique était sans aucun
doute l'anglais Palmerston -en froid avec Guizot depuis l'affaire des
« mariages espagnols »- dont la patrie abritait d'ailleurs
Mazzini4(*).
Au début de l'année 1848, l'Italie
entière, influencée par les révolutions parisienne et
viennoise (mars 1848) et par la crise économique -issue des mauvaises
récoltes dues aux intempéries-, était en proie à
l'agitation. Milan se souleva alors et, suite aux combats des cinq jours (18-22
mars), les troupes autrichiennes du maréchal Radetzky -âgé
tout de même de 82 ans en 1848 !- durent quitter la ville. Quelques
jours plus tard c'était au tour de Venise de chasser les troupes
d'occupation grâce à Niccolo Tommaseo et Daniele Manin qui
proclamèrent la République de Saint-Marc. A Modène et
Parme, les princes clients de la monarchie habsbourgeoise tombaient
également. Il paraît clair qu'aux yeux de beaucoup
d'italiens, les Habsbourg constituaient le principal obstacle à la
réalisation de leurs aspirations libérales et nationales, et
leurs continuelles interventions militaires pour rétablir l'ordre
suscitaient à leur encontre un sentiment de haine croissant5(*). Cavour le savait et s'appuya
sur cet avantage. Aussi pressa-t-il Charles-Albert d'agir. Celui-ci
déclara la guerre à l'Autriche le 23 mars, mais il n'était
guère résolu à se lancer dans un conflit au profit d'un
sentiment national dont il craignait le caractère
révolutionnaire. Cette incertitude, conjuguée à sa
tentative de provoquer le rattachement de Milan aux Lombardie et
Piémont, fit que les troupes piémontaises n'arrivèrent en
vue des Autrichiens sur le Mincio que le 8 avril !
Les premiers succès de ce même mois, dont la
victoire des volontaires de Manara à Salo le 2 avril sur de maigres
contingents autrichiens, provoquèrent un immense espoir à travers
toute la Péninsule. Sur pression de leurs opinions publiques, les
princes italiens, y compris Pie IX, lancèrent des troupes soutenir les
piémontais : le général de Laugier se trouvait
à la tête de 8000 toscans, le napolitain Pepe commandait 16000
hommes. Quelle ne fut pas la déception des Italiens lorsque, le 29
avril, Pie IX se prononça comme opposé à la guerre et
à la révolution ! Il craignait -souci par ailleurs fort
légitime- un schisme des catholiques autrichiens et allemands. Son
allocution retira à la cause italienne le prestige de la papauté.
Ordre fut donné au général Durando, qui venait de franchir
le Pô, de faire demi-tour. Le pape fut ainsi le premier des princes
italiens à se retirer d'une alliance dont seul le roi Charles-Albert
tirait profit. Il fut suivi dans son initiative par le Re Bomba
(Ferdinand II) qui, fort de l'appui des modérés lassés du
désordre régnant dans le royaume (agitation incessante, risque de
communisme dans les campagnes), dissolvait son Parlement le 15 mai et (re-)
mettait sur pied sa traditionnelle politique de répression sans limite.
Qu'importe ! Seul ou accompagné, le Piémont poursuivrait sa
lutte -les armées rappelées n'obéirent d'ailleurs pas
à leurs souverains. Progressivement, des doutes
s'éveillèrent sur les intentions de Charles-Albert de Savoie qui
s'annexait Parme, Plaisance, Modène puis la Lombardie et Venise (3
juillet). Déjà on le voyait roi de toute l'Italie. Les
révolutionnaires siciliens émirent même l'hypothèse
de se détacher de Naples et de mettre à la tête de leur
île le duc de Gênes (10 juillet), second fils de
Charles-Albert ! Mais ce dernier commit trois graves erreurs :
après l'échec sur Vérone (6 mai), il laissa le front
s'immobiliser. Les troupes autrichiennes se remirent facilement de leurs
pertes. De plus, il omit de s'entourer d'un allié fiable comme le
souhaitaient les Lombards6(*). Enfin, le roi déçut tous les espoirs
nationaux en négociant avec l'Autriche par l'intermédiaire de
l'Angleterre, la seule acquisition du Milanais. La lutte entière
était donc réduite à une affaire concernant le
Piémont seul et sa dynastie, et non plus la patrie italienne.
Finalement, Radetzky reçut l'ordre de passer à l'offensive :
le 25 juillet, il battait les Piémontais à Custoza, près
de Vérone. Charles-Albert se vit obligé de signer l'armistice de
Salasco (9 août) qui replaçait la Lombardie-Vénétie,
de même que les Duchés, sous l'autorité des
Habsbourg7(*). Le 13
août, Garibaldi appelait les Italiens à poursuivre la lutte. Il
occupa Varese (18 août) mais son armée fut défaite par
l'ennemi huit jours plus tard.
Cette première phase révolutionnaire eut pour
résultat la défiance des patriotes à l'égard des
monarques constitutionnels puis, par la suite, un grand nombre de
soulèvements républicains. L'idéal mazzinien,
révolutionnaire, débordait désormais en Italie centrale.
Dès l'automne 1848, Daniele Manin proclamait à nouveau la
République de Venise. Dans la ville de Florence également
l'insurrection reprenait de plus belle et deux hommes, Montanelli et Guerazzi,
contraignaient Léopold II à fuir ses Etats pour se
réfugier à Gaète. A Rome, le ministère Mamiani, que
Pie IX ne portait pas dans son coeur vu son esprit laïc et ses aspirations
sociales, tombait au lendemain de Custozza. Lui succédait le comte
Pellegrino Rossi8(*) (12
septembre). Opposé à la guerre, il fut assassiné par un
fanatique le jour de l'ouverture du Parlement (15 novembre). Son
décès déclencha une émeute dans Rome obligeant le
pape, auquel la bourgeoisie s'opposait depuis l'allocution d'avril, à
fuir ses Etats pour Gaète -lieu très prisé en cas d'exil-
où le roi de Naples lui offrit l'asile (24 novembre). De là, le
pape en appela au secours des puissances catholiques. Le 21 novembre, une junte
du gouvernement faisait élire une assemblée constituante qui
proclamait la fin du pouvoir temporel et mettait sur pied une République
romaine (9 février). On installa à sa tête un triumvirat
composé d'Aurelio Saffi, Carlo Armellini et Giuseppe Mazzini, lequel en
assurait la direction effective. Il poursuivit une politique libérale,
non révolutionnaire et relativement efficace. C'est en vain que Pie IX
tenta de provoquer des soulèvements sanfédistes depuis
Gaète.
En toscane également le régime fut
renversé au profit du dictateur Guerrazzi. Au début de 1849,
Léopold II, incapable de faire face aux troubles, quittait ses Etats.
Une tentative de Mazzini de se rallier les toscans se solda par un
échec, la Constituante toscane -élue début mars-
préférant sauvegarder sa liberté municipale.
Charles-Albert de Piémont n'était pas sans craindre que le
mouvement s'étende à son royaume comme l'avaient fait, quelques
temps auparavant (1847), les réformes libérales de Pie IX. Et
déjà certains hommes politiques motivaient les foules à
reprendre la guerre contre l'Autriche malgré les efforts du gouvernement
Gioberti, devenu ministre en décembre, mais incapable de se concilier
une majorité dans une chambre déchirée entre conservateurs
et démocrates mazziniens. Gioberti aurait voulu intervenir militairement
à Rome et Florence sous prétexte d'y rétablir l'ordre. Ce
stratagème était censé lui permettre par la suite
d'imposer Charles-Albert sur les deux états. Trop tard. Il chutait en
février 1849. Ratazzi lui succédait. Le 12 mars, Charles-Albert,
une fois encore sans avoir pu se concilier quelque allié que ce soit,
décidait, sur pression du gouvernement, de rompre l'armistice. La
défaite ne se fit pas attendre : le 23 mars, il abdiquait sur le
champ de bataille à Novare, laissant le trône à son fils
Victor-Emmanuel II, 29 ans, qui parvint à négocier une paix se
réduisant à une importante indemnité de guerre et à
l'interdiction faite au Piémont d'élargir ses territoires.
Grâce à l'intervention française, le Piémont
évitait de justesse une occupation autrichienne.
Cette victoire de Radetzky livra l'Italie à la
répression autrichienne. Dès juillet 1849, Léopold II
recouvrait son trône de Toscane et l'Autriche y rétablissait
l'absolutisme. Pour ce qui était de la République romaine, sa
résistance se voulut également de courte durée :
l'expédition française envoyée par le Prince
Président -qui lui-même, 18 ans plus tôt, se battait dans
les rangs des patriotes italiens- sur la pression du parti catholique, et
commandée par le général Oudinot, rétablissait le
pouvoir temporel du souverain Pontife9(*) (30 juin), non sans éprouver quelques
difficultés contre les 10 000 hommes héroïques à la
tête desquels se trouvait Garibaldi. Les représailles sur Rome
furent plus modérées grâce à la présence des
Français. Soit dit en passant, la France ouvrait ici la porte à
la fameuse « Question romaine » qui, durant plus de 20 ans,
allait brouiller l'ensemble des relations internationales. Enfin, à
Venise, vu les bombardements de la flotte de François-Jospeh, les
progrès de la famine et les épidémies de typhus et
choléra, le gouvernement de Manin se voyait dans l'obligation de
capituler le 26 août 1849. Toutes les institutions libérales, si
durement gagnées, étaient abolies par les Autrichiens. Seul un
Etat évita les vengeances austro-hongroises : le Piémont. Le
gouvernement de Victor-Emmanuel rétablissait, après avoir soumis
la ville de Gênes qui s'était révoltée (juillet),
une autorité presque intacte.
Les causes et les enseignements de l'échec de ce
« printemps » des peuples italiens sont multiples. On peut
tout d'abord insister sur le manque de cohésion des
révolutionnaires italiens. Ce manque se comprend aisément dans
une Italie aussi bigarrée que celle du XIXe siècle. Force est de
constater, malgré tout, que l'idée d'une nation unie avait, pour
la première fois, dépassé le seuil des élites pour
s'étendre à une part plus ample de la population. Ce sentiment
national grandit dans les esprits au détriment de l'occupation
autrichienne qui apparaissait comme de plus en plus malvenue. Ensuite,
insistons sur l'imprudence de Charles-Albert qui, deux fois de suite, se
lança dans une entreprise d'une taille considérable sans
s'assurer qu'il disposait d'appuis extérieurs valables. On saura,
à l'avenir, compter sur les puissances européennes pour en finir
avec les Habsbourg. Enfin, à force d'expérimenter des solutions
-en l'occurrence, néo-guelfe et mazzinienne, il apparaissait comme de
plus en plus clair aux futurs « Italiens » que
l'unité devait être l'oeuvre non pas de plusieurs mais d'un seul
monarque, plus puissant et capable que les autres. La monarchie sarde demeurait
un espoir évident pour les nombreux partisans de l'unité.
Le temps de l'action (1850-1870)
Au lendemain de 1848, alors que le Piémont conservait
son régime constitutionnel -ce qui lui valait d'accueillir les
réfugiés politiques en provenance du reste de la
Péninsule-, tous les autres états employaient les grands moyens
pour tenir au pas leurs populations. Ainsi, à Mantoue, neufs chefs d'un
réseau révolutionnaire local, dont faisait partie le prêtre
Enrico Tazzoli, furent pendus (mars 1853). A Naples, Ferdinand II intentait
à Settembrini et à ses partisans un procès pour trahison.
En Toscane, Léopold II supprimait la constitution octroyée en
1852. Dans le duché de Modène, François V montrait une
telle férocité que nombre de libéraux
préférèrent fuir. Enfin, Parme assistait au meurtre de son
duc Charles III, conséquence de sa politique trop répressive.
Dans les états de Parme et Modène se perpétuait l'action
de faible envergure des mazziniens.
En effet, malgré son insuccès flagrant, Mazzini
demeurait convaincu qu'une remise en marche du mouvement
révolutionnaire, alors en « stand-by », permettrait
d'unifier la Péninsule. Il suffisait, pour que cela fonctionne, que les
peuples des différents pays révoltés (Allemagne, Pologne)
s'unissent. Il créait ainsi à Londres un Comité central
démocratique européen (juillet 1850) qui tâchait de
propager ses idées. Début des années 1850, Mazzini
organisait un puissant réseau dans les Etats Pontificaux, en Toscane,
dans les Ligurie et Lombardie. Son influence n'atteignait cependant pas le Sud.
Progressivement, il s'alliait aux confréries ouvrières et
artisanales, aux milieux populaires, et projetait de nouvelles insurrections
comme celle de février 1853 qui devait toucher les grandes villes du
Nord. A la vérité, seuls quelques révoltés milanais
(les Barabba) descendirent en rue et leur émeute fut facilement
écrasée. Mais Mazzini ne s'avouait pas vaincu.
Réfugié à Gênes durant trois années, il
créait le Parti d'action et s'appuyait sur les élites
révolutionnaires qui lui étaient fidèles, afin
d'entraîner les masses dans la révolution. Avec l'aide de Carlo
Pisacane10(*), un de ses
anciens disciples remis à son service, il projetait de soulever les
villes de Gênes, Livourne et le royaume de Naples. Ce fut à
nouveau une défaite pour Mazzini dont les anciens partisans optaient
désormais pour des positions plus modérées. Plutôt
que d'affaiblir l'oeuvre de Cavour, on peut dire que les diverses tentatives
mazziniennes l'ont consolidée en poussant le politicien à agir
afin de ne pas se faire distancer pas le courant républicain.
Les années 1848-50 voyaient éclore en
Piémont de graves tensions intérieures. Effrayé des
aspirations révolutionnaires des peuples qui l'entouraient,
Victor-Emmanuel se résigna en août 1849 à signer la paix
avec l'Autriche qui, malgré l'insistance de cette dernière, tint
bon dans l'application de son Statuto, comme nous venons de le voir
ci-dessus. L'extrême-gauche décida alors de soulever les masses
contre l'armistice, contre ce pseudo-régime constitutionnel et
contre les Savoie eux-mêmes, accusés par Brofferio d'avoir
mené une guerre non nationale mais dynastique. Le ministère du
général de Launay (27 mars-7 mai) -dont Gioberti incarnait une
des têtes pensantes-, confronté à une chambre
ingérable -elle menaçait notamment de relancer la guerre-
remettait sa démission. Simultanément, le pouvoir montrait ses
faiblesses : la ville de Gênes, transformée en
« République de Ligurie », invitait les grands
personnages de l'Etat à venir délibérer en ses murs sur
l'avenir de la Patrie.
De nouvelles élections en juillet 1849 amènent
une majorité de démocrates belliqueux au pouvoir, ce qui
n'arrangeait rien à la situation. Déboussolé, le roi
appelait à la tête de l'Etat Massimo d'Azeglio. Celui-ci promit de
s'en tenir à la Constitution seule et à garder en tête la
mission nationale que s'était fixée le Piémont. Pour
freiner l'enthousiasme guerrier de son peuple, Victor-Emmanuel, appuyé
par son nouveau ministre, menaçait, dans sa proclamation de Moncalieri
(20 novembre 1849), d'en revenir à un régime
autoritaire :
« Avant de convoquer le Parlement j'adressai
à la nation et particulièrement aux électeurs, des paroles
sincères. Dans ma proclamation du 3 juillet 1849 je les avertissais
d'avoir à suivre une ligne de conduite qui ne rendît pas
impossible l'application du Statut. Mais un tiers seulement des
électeurs, ou à peine un peu plus, prenait part aux
élections. Le reste négligeait ce droit, qui est en
même temps le devoir strict de chacun dans un Etat libre. J'avais fait
mon devoir, pourquoi n'ont-ils pas fait le leur ? (...)
Cette promesse, ces serments, je les exécute en
dissolvant une chambre devenue impossible, je les accomplis en en convoquant
une autre immédiatement, mais si le pays, si les électeurs me
refusent leur concours, ce n'est pas sur moi que retombera désormais la
responsabilité de l'avenir et, dans les désordres qui pourront
survenir, ils n'auront pas à se plaindre de moi, ils auront à se
plaindre d'eux-mêmes. Si j'ai cru de mon devoir de faire entendre en
cette occasion des paroles sévères, j'ai confiance que le bon
sens et la justice publics reconnaîtront qu'elles sont empreintes en
même temps d'un profond amour de mes peuples et de leurs vrais
intérêts, qu'elles viennent de ma ferme volonté de
maintenir leur liberté et de la défendre contre ses ennemis
tant de l'intérieur que de l'extérieur.
Jusqu'à présent, jamais la maison de Savoie n'a
recouru en vain à la fidélité, à la
sagesse, à l'amour de ses peuples. J'ai donc le droit, dans
l'occasion présente, d'avoir confiance en eux et de tenir pour
certain que, en restant unis, nous pourrons sauver le Statut et le pays des
dangers qui les menacent11(*). »
La chambre était donc à nouveau dissoute. Les
nouvelles élections, auxquelles prirent part 80 000 électeurs -le
message semble être bien passé !- engagèrent
dès ce moment le Piémont dans une voie modérée et
constitutionnelle, où la pensée de Cavour, centre-droit, allait
enfin pouvoir s'épanouir. Il devint ministre de l'agriculture, de
l'industrie et du commerce le 11 novembre 1850. A ces portefeuilles
s'ajoutaient ceux des finances (février 1851) et de la marine
(février 1852). Au mois de mai, un conflit s'ouvrait entre Cavour,
l'homme qui monte, et un d'Azeglio, pour ainsi dire passé de mode. Il se
solda le 16 mai par la démission du président du Conseil.
Les artisans de l'unité. Cavour et Victor-Emmanuel
II.
Avant de détailler l'unité proprement dite,
arrêtons-nous quelques instants sur les personnalités de ses deux
grands artisans. Le baron de Rimini décrivait Victor-Emmanuel II comme
« incapable de s'occuper d'autre chose que de chasse, de femmes et de
champagne12(*). » Ce jugement sévère,
quoique pas dénué de vérité, mérite nuance.
Certes la chasse, la guerre et surtout... l'amour occupaient la majeure partie
du temps du souverain. L'homme n'était guère cultivé et
exécrait avoir à s'attarder aux besognes quotidiennes de
l'administration. Cependant il retenait de son éducation
l'ancienneté de sa famille et le rôle qu'elle pouvait
éventuellement jouer dans une union des Italiens. Victor-Emmanuel se
rendit populaire par sa loyauté, sa bravoure et ses propos grivois. Ceux
qu'il tint à l'impératrice Eugénie (alors enceinte) lors
de son passage à Paris en 1855 ne manquèrent pas de la choquer.
Viel Castel laissa un portrait peu louangeur du jeune souverain dans ses
Mémoires : « C'est un véritable sous-officier.
Il en a le ton et les manières ; il fréquente beaucoup les
filles et paraît fort disposé à traiter fort
cavalièrement toutes les femmes. Sa conversation est plus que
légère ; la légèreté du fond n'est
même pas gazée par la pudeur de l'expression, il aime le terme
grossier. Il parle sans retenue de ses bonnes fortunes et il nomme les femmes
les plus considérables de Turin en disant simplement «
Celle-là a couché avec moi.13(*) » » En dépit de cette
panoplie de défauts, le monarque disposait de certaines qualités.
Ainsi, il prit presque toujours garde à faire passer la raison d'Etat
avant la passion. Ce fut une des clefs de son succès qui n'aurait jamais
vu le jour s'il n'avait su s'entourer d'hommes de génie comme d'Azeglio,
Ratazzi et surtout Cavour.
Cavour vint au monde le 10 août 1810 à Turin dans
une riche famille dont les ancêtres paternels avaient vaillamment servi
la cause piémontaise. Sa mère provenait d'une famille
libérale et protestante de Genève qui eut beaucoup d'influence
sur le jeune comte. Les tantes de celui-ci avaient épousé des
aristocrates français, ce qui lui fournissait ses entrées dans le
beau monde parisien. Le jeune Cavour s'orienta en premier lieu vers une
carrière dans l'armée, mais il quitta bien vite ce milieu (1830),
incapable de se soumettre plus longtemps à l'exigeante discipline
militaire. Il voyagea alors à travers l'Europe (France, Genève,
Belgique, Grande-Bretagne). Dans ces deux dernières nations, il
s'inspira de la monarchie libérale censitaire. Son temps libre, il le
consacrait à l'étude, notamment des questions économiques.
Il se déclarait d'ailleurs disciple d'Adam Smith et de Jean-Baptiste
Say. En 1833, il négociait l'achat du domaine rizicole de Leri,
où il allait mener une vie de propriétaire terrien actif et
très curieux des nouveautés techniques. Il se constitua une
solide fortune grâce à cette activité dans l'agriculture.
Déjà, il montrait un intérêt certain à la
cause de l'unité italienne.
Ecoeuré par l'échec de la tentative de
libération de 1848, il entra en politique. Malgré les apparences,
Cavour n'était nullement un démocrate. Il se voulait un
conservateur à l'intelligence aiguë, capable de tout pour
atteindre un but fixé : il bluffait volontiers et usait de
méthodes quelque peu fantaisistes aux yeux de ses confrères. De
passage en Italie en 1857, le journaliste et politicien français Charles
de Rémusat, qui eut l'occasion de s'entretenir à plusieurs
reprises avec Cavour, tentait de percer son génie politique :
« Je trouvais, dans ce rare homme d'Etat, le libéralisme
franc, hardi et pratique d'un bon whig, les lumières d'un publiciste et
d'un économiste, le tempérament calme et gai d'un ministre de
bonne humeur, la clairvoyance désabusée de l'homme du Midi, la
finesse sans duplicité ni fausseté, la confiance sans
fatuité, la hardiesse sans aveuglement, la grandeur des vues sans les
chimères du rêveur, ni l'infatuation du sectaire, un plan avec de
la flexibilité, de la fermeté et point d'entêtement ;
enfin le plus précieux assemblage des qualités politiques que
j'aie rencontré. Il était au niveau de l'entreprise qu'il avait
formée et il en a fait preuve.14(*) »
Mais sans courage, le génie ne peut s'exprimer. Or,
Cavour s'avérait être un dévoreur de travail. Si l'on en
croit Théodore Juste, « Il se levait de grand matin,
à quatre ou cinq heures au plus tard, et travaillait jusqu'à
dix. Avant de se rendre aux bureaux de son ou de ses ministères, il
avait déjà expédié les principales affaires. Quand
il avait fait le tour des bureaux, il se rendait chez le roi, au conseil,
au sénat ou à la chambre des députés. Après
le dîner, il reprenait son travail et le prolongeait fort
tard15(*). »
Terminons la présentation de l'homme par son apparence physique, bien
connue de tous les turinois de l'époque : « Il
était de courte taille, avec une redingote mal faite qui bouffait
sur la poitrine et l'engonçait aux épaules. Son
regard interrogateur brillait derrière des lunettes d'or et
correspondait au sourire de ses lèvres épaisses ; la
figure était plate, remarquablement intelligente, et le front paraissait
énorme sous les cheveux désordonnés16(*). » Ainsi se
présentait le principal concepteur de l'Italie. En dix ans à
peine, il acquit un tel prestige qu'on pouvait noter de lui : « Un
mot, un ordre de Cavour en Italie en 1859, 1860, 1861 étaient
exécutés, coûte que coûte, comme des arrêts
émanés de la Providence17(*). »
Une remarque s'impose ici. Si les deux hommes que nous venons
de présenter formaient une équipe politique performante,
n'oublions pas que leurs deux personnalités s'opposaient très
fréquemment. Dès leur première rencontre, Victor-Emmanuel
se méfia de ce personnage bien moins soumis qu'un d'Azeglio ou qu'un
Rattazzi. Très vite, leurs rapports s'envenimèrent : en
1855, Cavour n'hésita pas à s'immiscer dans la vie privée
de son souverain qui souhaitait épouser sa maîtresse Rosine issue
d'un milieu peu recommandable...
Arrivé au pouvoir, Cavour cherchait avant tout l'appui
d'une majorité. Pour ce faire, il inaugurait le fameux connubio
(ou mariage, expression formulée par le conservateur Pinelli) entre son
parti modéré et les centristes de gauche, à la tête
desquels se trouvait Rattazzi, lui-même nommé ministre de la
Justice en 1853. Cette alliance, qui se prolongea jusque 1857, permettait au
ministre des Finances d'éliminer les partis extrémistes de droite
-emmenés par Solar de la Margherita et le marquis savoyard
Pantaléon Costa de Beauregard- et de gauche -dont le leader est
Brofferio-. Avant de se lancer dans une politique italienne proprement dite,
Cavour a en tête de moderniser complètement les structures
administratives, économiques et religieuses de son pays. Sa
pensée suivait, à ce sujet, deux grandes lignes de force :
d'une part rationaliser et centraliser les administrations ; d'autre part,
mener une politique de laïcisation de l'Etat. En décembre 1852,
face à l'opposition du Sénat, le Gouvernement abandonnait un
projet de loi sur le mariage civil. En décembre de l'année
suivante, de nouvelles élections confortaient la position de la
majorité. Une crise s'ouvrit cependant suite à la
présentation à la Chambre des représentants du projet de
loi Rattazzi sur les corporations religieuses. Le texte prévoyait la
fermeture pure et simple des couvents et corporations de contemplatifs, avec
confiscation de leurs bien : la fameuse
« incamération18(*) ». Le roi lui-même, sur pression de
son entourage et de son ancien précepteur, monseigneur Charvaz, pria
Cavour de calmer le jeu. Sa Majesté avait d'autant plus de raisons de
s'effrayer lorsque, sur les deux premiers mois de 1855, il perdit
successivement sa mère, sa femme, la reine Adélaïde et son
frère le duc de Gênes. Comment ne pas y voir une punition
divine ? Quoi qu'il en soit, la loi fut finalement adoptée par la
Chambre en mars 1855. Nouveau rebondissement de l'affaire : en mai, le
sénateur Nazari di Calabiana -aussi évêque de Casale-
proposait un dédommagement des paroisses du royaume en réparation
de cette loi Rattazzi. Cavour, contrarié par l'insuccès de ce
projet dont l'Etat devait pourtant tirer des revenus indispensables, proposa sa
démission au monarque qui la rejeta aussitôt. Après toutes
ces péripéties, on vota l'adoption de la loi dont l'application
se révèlera tout aussi problématique... et le connubio
sortit affaibli du conflit.
Les efforts de modernisation de l'Etat par le ministre
touchent absolument tous les domaines. Les réformes dans l'armée
sont confiées au général Alfonso Ferrara della Marmora,
dont l'action efficace est décrite par un contemporain qui lui
était très favorable :
« Les réformes, dont l'urgence avait
été démontrée par les campagnes de 1848 et
1849, ne portaient pas seulement sur des points de détail ;
elles portaient sur les institutions fondamentales de l'armée
même, c'est-à-dire sur les lois organiques, puisque
c'était de ce côté spécialement qu'on avait pu
remarquer des inconvénients très graves dans l'organisation
piémontaise ; on a voulu faire croire que tout le
mérite du général de Lamarmora se réduisait
à quelques innovations de peu d'importance ; mais c'est
là une fausse appréciation dont l'histoire se fera
justice.
Le nouveau ministre de la guerre, qui prit le portefeuille en
1849, s'attaqua à toutes les grandes questions d'organisation, les
étudia longuement et les résout avec une ferme décision,
conservant tout ce qui pouvait être conservé, changeant sans
hésiter tout ce qui était reconnu vicieux. Il froissa
bien des susceptibilités, il se fit bien des ennemis, mais il ne recula
jamais devant une mesure qu'il croyait avantageuse ; il fut quelques
fois intolérant et obstiné, parce que ses convictions
étaient profondes, et grâce à sa volonté inflexible,
il réussit dans sa tâche. La loi sur le recrutement, sur
l'état des officiers, sur les pensions, le code pénal, le
règlement de discipline, l'organisation des écoles
militaires, toutes ces bases fondamentales d'une armée, il
les transforma ou les perfectionna de manière à les mettre
en harmonie avec les nouvelles formes politiques du pays, avec les
progrès de la civilisation, avec l'état de l'opinion
publique. Après les questions organiques, qui sont les plus
essentielles dans une armée, il aborda les
questions spéciales, et il y porta un esprit d'ordre et de
progrès qui lui fit adopter des innovations et
des perfectionnements qu'on a vu, des années après,
introduire les armées des plus grandes nations d'Europe. (...)
Il nous serait impossible de donner un aperçu
même sommaire de l'oeuvre du général Lamarmora, qui donna
dans toutes les branches de l'organisation militaire des traces de son
intelligence et de son activité ; il nous suffira de dire qu'ayant,
lors de son avènement au ministère, trouvé l'armée
sous le coup d'un grand malheur, qui en avait abattu le moral et
fait ressortir les défauts de sa constitution, il la releva et la
reforma de telle manière que, quelques années après,
elle pu (sic) figurer dignement, pour l'instruction, la discipline et les
qualités guerrières, à côté des
armées les plus estimées de l'Europe. C'est uniquement par les
résultats qu'il faut juger les organisations militaires ; or,
on ne peut nier que les « résultats ne soient tout en
faveur du général Lamarmora ; la campagne de
Crimée et celle d'Italie de 1859 furent la pierre de touche de ce
système, qui avait provoqué une si vive opposition et qui,
après avoir rallié à lui presque toute l'armée
italienne, a eu les honneurs de l'imitation chez les autres peuples.19(*) »
Intervention sarde en Crimée et intégration
du concert européen des puissances lors du Congrès de Paris
(1856).
Avec pour objectif d'intégrer le concert
européen des Puissances, Cavour entraîna son pays dans un conflit
armé qui, a priori, ne le concernait pas le moins du monde. Ainsi
pensait la majorité lorsque les troupes Sardes partaient pour le front,
en Crimée20(*).
L'intervention italienne se faisait sur le tard : les alliés,
empêtrés dans le siège de Sébastopol, cherchaient
activement un allié qui serait plus franc que la statique Autriche. Un
appel fut lancé au roi de Naples qui ne réagit pas. On pensa
alors à un rapprochement avec Cavour qui servit essentiellement à
faire pression sur Vienne. Mais l'empereur allemand ne réagissait
toujours pas, tandis qu'en Italie, le ministre des Affaires Etrangères
Dabormida traînait les pieds à l'idée d'entrer dans ce
conflit pour les beaux yeux de Cavour. Ce dernier se vit contraint de le
sacrifier et s'ensuivit une convention franco-anglo-sarde le 20 janvier
1855, ratifiée par les Chambre et Sénat respectivement les 10
février et 3 mars. Le corps expéditionnaire de Lamarora n'arriva
sur place que le 8 mai et dut tenir en ligne 15 000 hommes. Il joua un
rôle décisif dans la bataille de la Tchernaïa ou de Traktir
en août, mais fut écarté de l'assaut final de
Sébastopol le mois suivant. Les Sardes perdent un peu plus de 2200 des
leurs dont 2150 morts de choléra pour 28 tués par le feu !
Le conflit se conclut par un célébrissime Congrès :
celui de Paris qui se tient au Quai d'Orsay du 25 février au 16 avril
1856.
Là se réglèrent les contentieux sur
l'autonomie des Moldavie et Valachie, et sur la protection française sur
les chrétiens de l'Empire turc. L'Angleterre obtint
l'intégrité de l'Empire ottoman et la fermeture des
Détroits et le la Mer noire pour la Russie. Plus intéressant pour
nous, une séance complémentaire fut ajoutée au
Congrès à la date du 8 avril : enfin Cavour put
s'interroger, face à l'Europe -et au grand dam des représentants
autrichiens, sur l'avenir des provinces italiennes toujours sous tutelle. Il
déclara, à l'issue du Congrès : « Pour la
première fois dans notre histoire, la question italienne a
été portée et discutée devant un congrès
européen, non pas, comme autrefois à Laybach et à
Vérone, afin d'aggraver les maux de l'Italie et de lui river de
nouvelles chaînes, mais dans l'intention hautement proclamée de
rechercher un remède à ses maux et de faire connaître la
sympathie des grandes nations envers elles. Le congrès est fini ;
la cause de l'Italie est portée maintenant devant le tribunal de
l'opinion publique. Le procès pourra être long, les
péripéties peut-être nombreuses... Nous en attendons
l'issue avec une entière confiance21(*). » Même s'il espérait d'autres
résultats, le premier pas était franchi. Ainsi que l'écrit
Pierre de la Gorce : « Le jour où la Question d'Orient
s'apaisa fut celui où s'ouvrit la Question d'Italie22(*). »
En 1856, Cavour rencontrait des opposants non plus uniquement
parmi les politiques mais aussi parmi le peuple. En effet, la rénovation
du royaume nécessitait une fiscalité toujours plus lourde. Les
recettes des impôts grimpèrent de 75% de 1850 à 1858 !
Cela ne suffisait hélas pas à Cavour pour mener à bien sa
politique économique. Il aurait souhaité pourtant agir
exclusivement à partir de capitaux piémontais. Il lui fallut
faire appel à des aides extérieures : anglaises (maisons
Baring et Hambro) et surtout françaises. Les capitaux des Rothschild
permirent d'entamer de nombreux travaux d'irrigation (Canal Cavour
terminé en 1857) et de constructions ferroviaires, tandis que
l'industrie métallurgique montrait ses premiers signes de
décollage. Les très nombreux emprunts contractés à
l'étranger accélérèrent le développement
économique du pays mais, ne l'oublions pas, accrurent
considérablement la dette publique qui doubla pratiquement de 1850
à 1858, passant d'environ 400 millions de lires à 700
millions ! Toutes ces dépenses ne restèrent pas sans
résultat : le niveau de vie augmenta remarquablement sur une
dizaine d'années. Enfin le commerce avec l'extérieur connut une
croissance surprenante, due notamment à la signature de traités
de libre-échange.
Italie et France : premières tentatives
d'approche.
Un premier voyage de Cavour et Victor-Emmanuel en France eut
lieu en novembre 1855 mais on ne discuta que superficiellement d'une
éventuelle aide française puisque, au même moment,
Napoléon III était toujours tenté de négocier avec
l'Autriche. Ce rapprochement avec le souverain italien lui servit tout au plus
de « chantage » afin de presser le pas au Gouvernement de
Vienne. Toujours était-il que le couple impérial reçut
à nouveau les Italiens en décembre à Compiègne.
Là, on se parla plus franchement et l'empereur aurait même
déclaré à Cavour : « Ecrivez
confidentiellement à Walewski ce que vous croyez que je puisse faire
pour le Piémont et l'Italie23(*). » Mais Louis-Napoléon,
fidèle à lui-même, restait fort hésitant face
à une action en Italie risquant de faire disparaître l'Etat
pontifical et éveillant une nouvelle fois la rage des catholiques. Il
n'en restait pas moins sensible à la cause de cette future Italie
où il avait passé une bonne partie de sa jeunesse. Il avait
d'ailleurs promis, lors de son exil à New York, suite à l'Affaire
de Strasbourg, que « le jour où il présiderait aux
destinées de la France, il soutiendrait de toutes ses forces les
revendications nationales italiennes24(*). »
Il les soutint d'autant plus, au début de 1858, suite
à un attentat contre sa personne alors qu'il se rendait à
l'opéra accompagné de l'Impératrice, où se jouait
un acte de « Guillaume Tell » suivi de « Marie
Stuart ». Arrivés rue le Peletier, devant l'Opéra,
trois explosions se succédèrent sur quelques secondes. La
population, de sortie en nombre par cette douce soirée, accompagnait sa
fuite par d'horribles gémissements. Le couple impérial
n'était pas touché et décida, sur les conseils des
proches, d'assister comme prévu à la représentation. On
dénombrait 8 morts et 156 blessés. Grâce à
l'arrestation d'un jeune toscan, la police parvint rapidement à remonter
jusqu'au chef de la bande : Felice Orsini, membre de la
société Giovane Italia. Son procès fut fixé aux 25
et 26 février. Dans sa cellule, le meurtrier écrivit plusieurs
appels à Napoléon dont une lettre lue au procès et
publiée le 27 dans le Moniteur universel, quotidien officiel de
l'empire, ce qui montre bien l'intérêt que le souverain lui
portait.
Napoléon souhaitait d'ailleurs le gracier mais le
Conseil Privé refusa. Orsini et deux de ses complices furent
condamnés à mort. L'attentat eut pour conséquence la
multiplication de démarches auprès des Etats voisins pour obtenir
des mesures contre les réfugiés politiques. Seule la
Grande-Bretagne s'opposa à modifier le statut des exilés :
elle abritait Simon Bernard, français qui aurait motivé Orsini
dans son acte, et devint finalement, aux yeux du Gouvernement et de l'opinion,
le principal auteur de l'attentat. Rémusat ne voit qu'un prétexte
dans cette accusation : « L'habileté la plus vulgaire
conseillait donc de s'emparer, de se prévaloir de cette circonstance, de
se vanter de n'avoir jamais eu rien à craindre d'un des sujets de
l'Empire (...) Rien n'avait été conçu, rien n'avait
été préparé sur le sol de la France. Orsini avait
apporté ses bombes explosives d'Angleterre et s'il n'avait
été ni découvert, ni suivi, ni soupçonné, ce
pouvait être la faute de la police, ce n'était la faute ni des
lois existantes, ni de la conduite des partis, ni de l'état de
l'opinion. La France n'avait pas bougé, personne ne s'y était
douté de rien25(*). »
Aussi se réveillait la volonté de l'empereur
d'aider le Piémont dans sa tâche de libérateur. Des
négociations secrètes démarrèrent entre Turin et
Florence. Elles allaient durer plusieurs mois et aboutir sur la
célèbre entrevue de Plombières, où Napoléon,
qui y prenait alors les eaux, invita Cavour à le rejoindre les 21 et 22
juillet 1858. De cette entrevue d'à peine quatre heures, ressortirent
les premières idées d'une alliance : la France fournirait
quatre cent mille hommes contre l'Autriche. Mais que ferait-on des terres
italiennes une fois les Autrichiens chassés ? On créerait au
Nord un royaume de Haute-Italie, comprenant les Etats sardes grandis des
Lombardie et Vénétie, de Parme et Modène, et
éventuellement des Terres romagnes pour un total d'environ 11 millions
d'habitants. On formerait un second royaume d'Italie centrale englobant la
Toscane, les Marches et l'Ombrie, les Etats de l'Eglise réduits à
Rome et au Latium et le Royaume de Naples laissé aux Bourbons ou
restitué au descendant du Prince Murat, Lucien.
En échange de son aide précieuse, l'empereur
réclamait la Savoie et le comté de Nice, que Cavour
n'était guère disposé à accorder. Enfin, il
restait, avant de se quitter, à régler la question d'un
éventuel mariage entre la jeune princesse Clotilde de Savoie et
Jérôme Bonaparte, alias Plon-Plon, cousin de l'Empereur. Cela
semblait désormais en bonne voie de réalisation.
Le premier souci de Napoléon avant de se lancer dans la
bataille était de s'assurer un appui étranger, en l'occurrence
celui de la Grande-Bretagne où le pro-français Palmerston venait
de chuter au profit du Lord Derby, beaucoup moins conciliant. Un plan de
séduction vit le jour : Victoria et son époux Albert furent
reçus à Cherbourg par l'empereur, en août 1858, pour
l'inauguration d'un nouveau port militaire...dirigé contre
l'Angleterre ! L'entrevue ne fut pas des plus joyeuses et Napoléon
ne put que compter sur la neutralité de l'île.
Le projet du mariage italien suscitait aussi des
difficultés : le volage Plon-Plon (35 ans) ne semblait guère
au goût de la pieuse et chaste Clotilde (15 ans !). En France,
l'opinion publique ne manifestait aucun enthousiasme patriotique à
l'idée d'un nouveau conflit. Le 9 février paraissait la brochure
« Napoléon III et l'Italie », signée
de La Guéronnière, mais relue et corrigée par l'empereur
lui-même. Elle exposait ses vues pour la future Italie et rendit le pape
fou de rage. Le 1er janvier 1859, il provoquait l'affolement des
chancelleries européennes en confiant à l'autrichien
Hübner : « Je regrette que nos rapports ne soient pas
aussi bons que je désirerais qu'ils fussent, mais je vous prie
d'écrire à Vienne que mes sentiments pour l'empereur sont
toujours les mêmes26(*). » Cette phrase ambiguë lui valut le
surnom de « sale type » auprès de
François-Joseph ! De son côté, Victor-Emmanuel
déclarait devant le Parlement, le 10 janvier, qu'il ne pouvait rester
insensible aux cris de douleur qui s'élevaient dans toute l'Italie. Le
26 janvier, la version définitive d'une alliance offensive et
défensive était signée. Soudain pris de remords -Victoria
ne l'appuiera pas dans ce dangereux conflit-, Napoléon III fait savoir
au « Galant homme » qu'il préférerait
régler le conflit par la voie diplomatique ! Trop tard pour faire
machines arrières : le Parlement italien venait d'entériner
le budget extraordinaire pour le financement de la guerre et Garibaldi
enrôlait déjà les volontaires qui affluaient par
milliers ! Sur la demande de l'empereur des Français, le Tsar
Alexandre II de Russie proposait la réunion d'un congrès qui
aurait pour mission de trouver un arrangement à la Question italienne.
Le coeur lourd, Cavour devait bien acquiescer à cette idée quand,
tout à coup, un ultimatum en provenance de Vienne (23 avril) exigeait le
désarmement immédiat des Sardes et le renvoi des volontaires dans
les trois jours. François-Joseph, persuadé d'avoir
derrière lui les princes de la Confédération germanique,
n'avait certainement pas l'intention de voir ses provinces lui passer sous le
nez sans réagir : « Il ne peut, soutenait-il, pas
être question et il ne sera jamais question d'un gouvernement italien qui
serait indépendant des administrations centrales de Vienne (...) Une
telle institution était possible il y a cent ans mais aujourd'hui elle
équivaudrait à une sécession complète des provinces
italiennes (...) Il ne faut jamais oublier que la solidité de notre
position et de notre influence en Italie repose moins sur l'importance et le
développement de nos provinces italiennes que sur le poids de la
Monarchie dans sa totalité27(*). » Quelle aubaine pour Cavour qui,
évidemment, rejeta l'ultimatum ! Les troupes commandées par
le général Giulay franchissaient le Tessin le 29 avril.
La guerre.
Chose promise, chose due, Napoléon ferait la guerre, et
il la ferait bien. Déjà à la fin du mois d'avril les
Français quittaient leurs foyers pour le front. Le peuple semblait en
fin de compte enchanté de la situation : partout on fredonnait la
Marseillaise, la victoire semblait certaine. Un premier groupe de soldats
comprenant deux corps d'armées commandés par Niel et Canrobert
traversa les Alpes et se rassembla dans le val de Suse. Le second, avec
à sa tête Mac-Mahon et Baraguay d'Hilliers débarqua
à Gênes et Savone en compagnie de l'empereur. Garibaldi et son
régiment devaient agir de leur côté, le long des Alpes,
plus au nord, l'empereur ayant refusé de les intégrer aux troupes
« officielles ». L'état-major français ne
disposait nullement d'un plan précis de bataille, tout au plus
s'inspirait-on vaguement de celles livrées au même endroit une
soixantaine d'années auparavant (1796-1797) par un certain
général Bonaparte. Du côté autrichien, la principale
stratégie consistait à se réfugier dans les forteresses,
réputées imprenables, du fameux
« quadrilatère » : Peschiera, Vérone,
Mantoue et Legnano. Ainsi s'engageait-on dans un conflit où
désordres et imprévus allaient régner en maîtres.
Dès le début des hostilités, les autrichiens commirent
l'erreur de l'hésitation : Giulay, craignant un encerclement, n'osa
foncer droit sur Turin, alors qu'il en avait le temps, puisque la
totalité des troupes françaises n'arriva à destination que
dans la seconde partie du mois de mai ! Le 20 mai, les Franco-sardes
signaient leur premier succès en venant à bout d'un corps de 20
000 Autrichiens au nord de Marengo. Une victoire qui permit aux coalisés
de franchir le Pô et de marcher en direction de la capitale lombarde. Une
offensive fut repoussée à Palestro (30 mai), tandis que Garibaldi
prenait Côme. L'armée impériale put passer le Tessin et
affronter les Autrichiens à Magenta le 4 juin. L'issue de la bataille
-à laquelle les Sardes ne prenaient pas part, retardés qu'ils
étaient par les difficultés de communication- demeura bien
longtemps indécise. L'arrivée, en dernière minute, du
corps d'armée de Mac-Mahon, fit pencher la balance en faveur des
alliés. On dénombrait 7000 tués parmi les Autrichiens et
3000 de moins dans le camp adverse. Au lieu de profiter de leur avantage et
d'en finir avec l'ennemi, Napoléon et Victor-Emmanuel
préférèrent entrer glorieusement dans Milan (8 juin)
où le premier, par une déclaration, invitait les peuples italiens
à se rattacher au Piémont : « La fortune de la
guerre me conduit aujourd'hui dans la capitale de la Lombardie ; je viens
vous dire pourquoi j'y suis. [...] Je ne viens pas ici avec un système
préconçu pour déposséder les souverains ni pour
vous imposer ma volonté ; mon armée ne s'occupera que de
deux choses : combattre vos ennemis et maintenir l'ordre
intérieur ; elle ne mettra aucun obstacle à la libre
manifestation de vos voeux légitimes. La Providence favorise quelques
fois les peuples comme les individus en leur donnant l'occasion de grandir tout
à coup ; mais c'est à la condition qu'ils sachent en
profiter. [...] Souvenez-vous que sans discipline il n'y a pas
d'armée ; et animés du feu sacré de la patrie, ne
soyez aujourd'hui que soldats, demain vous serez citoyens libres d'un grand
pays28(*). » Et
Dieu sait qu'il fut entendu !
Depuis le mois d'avril, une vague de ralliement avait vu le
jour. La Toscane chassait son grand-duc Léopold et proclamait un
gouvernement provisoire avec à sa tête le bien connu Bettino
Ricasoli, qui s'offrait à la Sardaigne. Le roi acceptait et nommait
Buoncompagnoni Commissaire Royal à Florence. Venait ensuite le tour de
François IV de Modène, chassé de ses états à
la suite d'une émeute (11 juin). La duchesse Marie-Louise de Parme
abdiquait inutilement en faveur de son fils : comme à
Modène, un gouvernement provisoire proposait la réunion au
Piémont qui y envoyait son Commissaire extraordinaire, le comte
Pallieri. Enfin, début juillet, Bologne en profitait également
pour chasser son cardinal légat. Le 14 juillet, Pérouse se
libérait de la tutelle du pape qui frappait fort en reprenant la ville
aussitôt grâce à ses mercenaires. On se rend compte que
toutes ces turbulences mettaient en échec les prévisions de
Plombières : la formation d'un royaume d'Italie centrale tombait
à l'eau !
Villafranca.
Les alliés reprenaient leur marche vers l'Est tandis
que les Autrichiens, enhardis de leurs nouveaux renforts, pressaient le pas
vers l'Ouest. A la surprise générale, les deux armées
tombèrent nez à nez à Solferino, dans les collines
jouxtant le lac de Garde. François-Joseph, qui prenait désormais
les commandes de ses 134 000 combattants secondé du
général Hess, faisait face à 96 000 Français et 37
000 Sardes, qu'on pouvait déjà qualifier
d'« Italiens » puisque 35% des hommes du roi de
Piémont étaient des volontaires en provenance des divers
états de la Péninsule. Des assauts se succédèrent,
interminables, pour la possession d'une tour au sommet d'une colline. Cette
épouvantable tuerie choqua tellement ses contemporains qu'elle
suggéra au genevois Henri Dunant la création d'une
Société Internationale de Secours aux blessés militaires
qui prit pour emblème la célèbre croix rouge... Pas moins
de 40 000 cadavres recouvraient ce champ de bataille. Les Autrichiens, vaincus,
se retirèrent vers le « quadrilatère ». Alors
que les Sardes entamaient le siège de Peschiera, on apprit que les deux
empereurs, à l'insu de Cavour, venaient de signer les
préliminaires de la paix lors d'une entrevue dans la bourgade de
Villafranca (11 juillet). Le traité stipulait la cession de la Lombardie
à la France, chargée de la remettre dans les mains du
Piémont. Une confédération comprenant la
Vénétie serait présidée par le pape : Venise
deviendrait autonome... tout en restant autrichienne ! Enfin, les
souverains d'Italie centrale seraient restaurés, mais on ne
précise pas de quelle manière. Victor-Emmanuel, rassuré de
conserver ses prérogatives, se soumit à ce texte mais Cavour,
enragé, démissionna de son poste.
Comment expliquer l'attitude du souverain des
Français ? Tout d'abord par l'horreur que lui a
suggéré le carnage de Solferino. Napoléon savait
désormais qu'il n'était pas fait pour le feu et le sang. Ensuite,
n'oublions pas que l'empereur, même s'il en était
éloigné, devait tenir compte de son pays et de son opinion. Or,
il mécontentait à ce moment deux classes puissantes : les
financiers qui voyaient la bourse baisser et les catholiques, apeurés
des répercussions du conflit sur l'autorité du Pontife.
« Si je me suis arrêté, déclare-t-il aux grands
corps de l'Etat, ce n'est donc pas par lassitude ou par épuisement, ni
par abandon de la noble cause que je voulais servir, mais parce que, dans mon
coeur, quelque chose parlait plus haut encore : l'intérêt de
la France29(*). » Enfin Napoléon redoutait
l'élan subit de solidarité des princes membres de la
Confédération germanique -la Prusse massait en effet la
bagatelle de 400 000 hommes sur le Rhin !- à l'égard des
Habsbourg.
Il va sans dire qu'une fois l'armistice conclu,
Napoléon III n'osa même pas réclamer Nice et la Savoie
à l'Italie puisque sa mission initiale, à savoir la
création au profit de la Sardaigne d'un royaume d'environ 11 millions
d'habitants, n'avait nullement été remplie. « Votre
gouvernement, aurait-il déclaré à Victor-Emmanuel avant de
reprendre la route de sa capitale, me paiera les dépenses de la guerre,
et nous ne penserons plus à Nice et à la Savoie30(*). » L'Italie se
trouvait dans une situation bien incertaine au lendemain de la guerre :
les souverains chassés dès le mois d'avril devaient être
à présent restaurés, mais qui allait s'en occuper ?
Ni Victor-Emmanuel, qui avait accepté les préliminaires
« pour ce qui le concerne », ni François-Joseph, car
Napoléon n'avait pas envie de le voir reprendre les armes. Pierre de la
Gorce rapporte à ce propos une anecdote intéressante :
« A travers tous les indices confus et contradictoires, une
parole se répétait, singulièrement réconfortante,
et d'autant plus précieuse qu'elle était tombée,
disait-on, des lèvres de l'empereur : « Le
traité consacrait la restauration des princes mais ne pourrait
s'exécuter par la force. » ; mot merveilleux, mot
secourable, mot vraiment sauveur, surtout si cette défense
d'employer la force ne s'appliquait qu'à l'Autriche et
à ses clients31(*) ! »
L'issue de cette situation tenait essentiellement dans
l'opinion française qui, quand elle y réfléchissait, ne
voyait guère ce que lui avait rapporté ce conflit, si ce
n'était des morts et des dépenses pour lesquels les Italiens se
voulaient à peine reconnaissants ! Depuis Leri, Cavour tentait
d'enrayer par tous les moyens l'exécution de Villafranca. Les
différents dictateurs de provinces réunissaient des
Assemblées constituantes qui votaient l'union à la monarchie
sarde et mettaient sur pied une ligue militaire dirigée par Fanti et
Garibaldi. Le 10 novembre, la paix de Zurich confirmait Villafranca sans
insister sur la restauration des souverains qui devait se régler par la
suite. L'amélioration du climat international incita Napoléon
à tâter les nations étrangères pour connaître
leurs réactions en cas d'achèvement de l'unité italienne,
mais surtout d'annexion de Nice et la Savoie par la France. En effet, il
craignait beaucoup la mauvaise humeur des Prussiens, Autrichiens, Russes et
Anglais même si, chez ces derniers, un ministère whig
(libéral) était revenu au pouvoir en juin, avec Lord Russel comme
chef du Foreign Office.
Pour ce faire, une nouvelle brochure intitulée Le
pape et le Congrès (22 décembre) exposait ses vues sur le
futur des Etats pontificaux et signait la rupture entre l'empereur et les
catholiques français. Elle conseillait au souverain Pontife de renoncer
à tout pouvoir temporel en dehors de Rome et de participer à
un futur Congrès qui tracerait les nouvelles frontières
intérieures de la Péninsule. « Le pouvoir temporel
du pape [...], peut-on y lire, n'est possible que s'il est exempt de
toutes les conditions ordinaires du pouvoir, c'est-à-dire de tout
ce qui constitue son activité, ses développements, ses
progrès. Il doit vivre sans armée, sans
représentation législative et, pour ainsi dire, sans
code et sans justice. C'est un régime à part et qui se
rapproche plutôt de l'autorité de la famille que
de l'administration d'un peuple32(*). [...] » On imagine l'enthousiasme de Pie
IX à l'idée d'être dépossédé par celui
qui, depuis 1849, faisait mine de le protéger dans ses Etats !
L'amitié avec la Grande-Bretagne était garantie
par la signature d'un traité de libre-échange signé le 22
janvier 1860. L'empereur faisait maintenant le ménage dans ses
ministères en vue de son action prochaine : Walewski, peu adepte de
la cause unitaire, perdait sa place au profit de Thouvenel33(*) (21 novembre) tandis que
s'installait, à Turin, le nouveau représentant français,
monsieur de Talleyrand (2 février 1860). Dans la capitale sarde, Cavour
faisait un retour en force (20 janvier 1860) et plaçait un de ses
fidèles à Paris : Constantin Nigra34(*). De nouvelles avances de
Napoléon à Victor-Emmanuel et son ministre furent
acceptées de suite -elles concernaient notamment la renonciation
à la Vénétie et l'organisation de plébiscites, si
chers au Second Empire, en Emilie et Toscane (11 et 12 mars) pour la
Sardaigne ; à Nice (15 avril) et en Savoie (22 et 23 avril), pour
la France. Les populations interrogées votèrent majoritairement
leur annexion à ces deux pays. Napoléon s'engageait sans le
savoir dans un cercle vicieux dont il ne pourrait plus de
dépêtrer. Les bases de l'unité italienne étaient
posées et la rupture définitive avec le parti catholique se
rapprochait.
La conquête du Sud.
Une nouvelle et laborieuse étape se présentait
alors dans la construction italienne : la conquête du royaume des
Deux-Siciles. A Naples, le décès du Re Bomba,
le 22 mai 1859, ce roi qui était parvenu à préserver
son pouvoir absolu tout au long de son règne, avait vu son jeune fils,
François II, monter sur le trône. Emilie Ollivier dresse un
portrait peu flatteur du jeune homme : « [...] grêle,
pâle, imberbe, d'intelligence médiocre, tout aux pratiques de
dévotion, conduit par sa marâtre Marie-Thérèse
d'Autriche et son confesseur, (il) avait le culte de son père et ses
idées35(*). » Cavour ne l'appréciait
guère plus. Il confiait à Constantin Nigra : « La
conduite du roi de Naples est tellement ignoble qu'il ne peut en aucun titre
continuer à régner36(*). » François II se retrouvait
à la tête d'un royaume qui vivait pour ainsi dire hors du temps.
Tout ici était figé, rien ne progressait si ce n'était le
nombre des pauvres et autres lazzaroni. Début du mois d'avril 1860, le
nouveau souverain donnait un avant-goût de ce que serait son règne
en réprimant, dans un véritable bain de sang, une conspiration
qui avait vu le jour dans la ville de Palerme. Bien entendu, cette
méthode ne fit qu'exciter la haine des habitants de l'île à
l'encontre de cet individu qui ignorait tout ou à peu près du
gouvernement d'un royaume aussi capricieux que l'était le sien.
Des noyaux d'insurgés se constituèrent dans les
alentours des grandes villes comme Messine et Catane, qui n'attendaient
qu'une aide venue de l'extérieur pour bondir et renverser l'ordre en
place. Cavour ne demandait pas mieux, mais il ne pouvait se permettre -du
moins, officiellement- de répondre à ces cris de douleur. Une
idée d'expédition dans le Sud n'était pas neuve et elle
prit forme essentiellement grâce à l'émigré sicilien
Francesco Crispi qui, aidé de Bixio, persuada, au printemps 1860,
Garibaldi -alors le seul individu suffisamment compétent et populaire
pour accomplir une telle mission- de prendre la tête d'un petit nombre
d'hommes chargés de soumettre l'île. Celui-ci accepta sans
difficulté et les volontaires embarquaient déjà les 5 et 6
mai dans le port de Quarto, près de Gênes, sur deux bateaux
à vapeur en mauvais état de la compagnie Rubattino :
Piemonte et Lombardo.
Le nombre de volontaires se portait probablement à 1089
individus, que la mémoire collective a baptisés les
« Mille ». Ces hommes étaient issus de milieux assez
étonnants : on comptait une majorité de bourgeois,
d'intellectuels et un grand nombre d'étudiants italiens ou
étrangers venant chercher ici un brin d'aventure. Ils avaient tous pour
mot d'ordre « Italia e Vittorio-Emmanuele. » Une
première escale eut lieu au sud du littoral de la Toscane. Il s'agissait
de créer une diversion -qui fut un échec- sur la véritable
destination de ce voyage, en envoyant un groupe de 70 hommes dans les Etats
pontificaux. Deux navires anglais escortaient les Mille qui
débarquèrent le 11 mai 1860 à Marsala où l'accueil
n'était pas des plus chauds. Les hommes avançaient
progressivement dans la campagne sicilienne et grossissaient leurs troupes
grâce au ralliement des habitants locaux et de sardes. Très vite
les combats tournèrent à leur avantage. Ils signèrent une
importante victoire sur une première colonne napolitaine le 15 mai. Le
27 mai, Palerme était prise et un gouvernement provisoire, dirigé
par Crispi, proclamé. Enfin un mois plus tard (20 juillet), les Mille
venaient à bout d'une contre-offensive napolitaine lors de la bataille
de Milazzo, à proximité du Détroit de Messine.
Dès le mois de mai, Garibaldi s'autoproclamait
dictateur de l'île. Il souhaitait poursuivre son chemin jusqu'à
Rome qu'il proclamerait capitale. Mais ses ambitions sans cesse grandissantes
et le renvoi de plusieurs émissaires piémontais dont La Farina
-qui avait fourni des armes aux Mille et était chargé d'annexer
l'île immédiatement- ouvrirent un conflit sourd entre lui et
Turin, où Cavour veillait, de loin. « Garibaldi, écrit
ce dernier à son envoyé dans la Ville lumière, Constantin
Nigra, a une grande puissance morale, il exerce un immense prestige non
seulement en Italie, mais surtout en Europe. [...] Si demain j'entrais en lutte
avec Garibaldi, il est possible que j'eusse pour moi la majorité des
vieux diplomates, mais l'opinion publique européenne serait contre moi,
et l'opinion publique aurait raison, car Garibaldi a rendu à l'Italie
les plus grands services qu'un homme pût lui rendre. [...] Nous ne
pouvons entrer en lice avec Garibaldi que dans deux hypothèses :
1° S'il voulait nous entraîner dans une guerre avec la France ;
2° S'il reniait son programme en proclamant un autre système
politique que la monarchie avec Victor Emmanuel. Tant qu'il sera fidèle
à son drapeau, il faut marcher d'accord avec lui37(*). »
Il est généralement admis aujourd'hui que ces
craintes n'avaient que peu de chances de se réaliser. Le chef des
chemises rouges comptait honorer ses paroles et s'effacer au moment voulu, au
profit de la monarchie sarde. Soudain, il réclama à
Victor-Emmanuel le droit de débarquer sur le Continent pour prendre
Naples. Officiellement, le roi refusa aussi net. Officieusement, Garibaldi
était prié de faire vite ! Il accostait le 20 août et
traversait victorieusement la Calabre. Le 7 septembre, il prenait la capitale
du royaume de François II et confirmait sa fidélité au
roi. Pendant ce temps, Cavour ne perdait pas une seconde et obtenait
l'autorisation de Napoléon III d'envoyer les troupes sardes à
Naples, afin de ne pas laisser tout le prestige de cette victoire aux chemises
rouges et à leur chef. Napoléon accepta, à condition qu'il
respecte l'intégrité du territoire de Rome. François II et
sa cour n'avaient plus qu'à faire leurs valises. Ils se
réfugièrent dans la forteresse de Gaète, d'où ils
menèrent la résistance, jusqu'au mois de février de
l'année suivante.
Les Marches et l'Ombrie furent traversées par les
troupes qui étaient attendues de pied ferme par les zouaves pontificaux
du général de Lamorcière. Le 18 septembre, ils
étaient battus à plate couture par les soldats du
général Cialdini à Castelfidardo tandis qu'une dizaine de
jours plus tard (29 septembre), Ancône et Pérouse passaient sous
contrôle sarde. Enfin, les premier et deuxième jours d'octobre,
les troupes bourboniennes connaissaient une ultime défaite à
Volturno. Le royaume était donc entièrement soumis au
Piémont, exception faite de Gaëte, où François II
s'était réfugié. Toujours dans l'optique de contenter la
France, des plébiscites étaient organisés où,
évidemment, une majorité écrasante des populations des
Marches et de l'Ombrie votaient en faveur de l'annexion (21 octobre et 4
novembre). Le 26 octobre, Garibaldi saluait Victor-Emmanuel à Teano
comme roi d'Italie. C'est finalement le 7 novembre que le roi sarde faisait son
entrée à Naples. Garibaldi refusa toute récompense.
Cavour s'assurait de la dissolution des Mille et Garibaldi se
retirait dans une petite île de la Sardaigne appelée Caprera. Il
ne manquait plus que quelques proclamations officielles pour en finir avec
l'unité, puisque François II avait capitulé le 13
février. Ce fut fait : le premier parlement italien se
réunit à Turin le 18 février 1861, et on proclama
Victor-Emmanuel II roi d'Italie « par la grâce de Dieu et la
volonté de la nation », le 14 mars. Le 23 mars, le premier
gouvernement italien se formait. Cavour cogitait toujours sur la question de
Rome -il proposait au pape son fameux mot « l'Eglise libre dans un
Etat libre »- lorsqu'il s'éteignit, épuisé, le 6
juin 1861.
La reconnaissance du royaume.
Tout cela se passait sous le regard bienveillant de la
Grande-Bretagne qui se chargeait de faire reconnaître diplomatiquement
l'existence de ce nouveau royaume par le reste de l'Europe. Elle fut en effet
le premier état à notifier à son représentant
napolitain la rupture de leurs relations dès le 26 février 1861.
Et le 30 mars, le Foreign Office déclarait reconnaître le fait
accompli38(*). La France,
qui n'avait pas totalement rompu les relations avec le cabinet de Turin depuis
qu'il avait trahi les clauses des traités de Villafranca et Zurich,
suivait de près les événements. Le 18 juin, le ministre
des Affaires étrangères Thouvenel envoyait aux chefs des
légations françaises à l'étranger une note
justifiant le pourquoi de la reconnaissance du nouvel état. La
reconnaissance par la France fut le déclic pour toute une série
de nations : la Suède et la Hollande ou encore le Portugal
marchaient dans ses pas. Il restait à l'Espagne, l'Autriche, la Russie,
la Belgique et la Prusse, à se décider39(*). Les deux premières,
ennemies jurées de l'Italie, ne réagiraient certainement
pas ; la Russie, foncièrement opposée à toute action
libérale, ferait de même. A la Belgique, donc, de prendre
position.
Elle était gouvernée par un ministère
libéral, emmené par Charles Rogier40(*). Le baron de Vrière, en
charge des Affaires étrangères, temporisait. A la fin de son
règne, la politique de Léopold Ier s'était davantage
tournée vers les grandes puissances de l'Europe du centre. On avait
d'ailleurs marié le duc de Brabant à une archiduchesse, et il
était presque impossible de contrarier l'Autriche41(*). Cependant, la Belgique, si
elle se maintenait dans cette position, risquait de perdre gros : elle
vivait principalement de son industrie exportatrice et la jeune Italie, avec
ses 25 millions de consommateurs réunis d'un bloc, représentait
un marché considérable. De son côté, Turin y mettait
du sien et sauta sur l'occasion de se faire apprécier en offrant des
funérailles dignes d'un souverain au représentant belge Lannoy,
qui venait de décéder d'un cancer de l'estomac42(*).
La question de la reconnaissance était ouverte, mais il
fallait veiller, pour les libéraux, à ne pas mécontenter
les catholiques belges qui avaient remporté trois sièges
supplémentaires lors des élections du 10 juin 1861. Certes ils
n'étaient pas majoritaires mais ils auraient néanmoins pu causer
de graves embarras au gouvernement en cas de désaccord43(*). La mort de Lannoy posait la
question de sa succession. On voulut donner le titre à son
remplaçant, non plus de simple représentant, mais d'envoyé
extraordinaire et ministre plénipotentiaire. Une vive polémique
s'engagea à ce propos. Elle aboutit sur la démission de de
Vrière. Rogier s'empara immédiatement de son portefeuille et, le
07 novembre, il notifiait la reconnaissance du comte de Montalto comme ministre
du roi d'Italie, autrement dit, la Belgique reconnaissait le nouvel état
des choses. Bien entendu, ces événements eurent leur
répercussion à la Chambre où un débat des plus vifs
s'ébauchait entre catholiques et libéraux. On vota finalement un
sous-amendement au discours du trône proposé par monsieur Orts qui
fut adopté le 29 novembre par 62 membres de la droite, contre 47 de la
gauche44(*).
A présent, il fallait s'attendre à des
protestations de la part du Saint-Siège. Le cardinal Antonelli et le
sous-secrétaire d'Etat Berardi manifestèrent leur
mécontentement à l'envoyé belge près le
Saint-Siège, Carolus. Pour déstabiliser les autorités
belges, sans toutefois risquer une rupture totale des relations diplomatiques,
le Saint-Siège mit quelques temps à envoyer à Bruxelles
le nouveau nonce apostolique, monseigneur Ledochowski. Son
prédécesseur, monseigneur Gonella, avait été
rappelé pour incompétences45(*). Finalement, Ledochowski rejoignit son poste dans les
premiers jours de janvier. La Belgique se tira donc sans encombre d'une
situation qui aurait pu lui susciter de nombreux ennuis.
Une nouvelle guerre d'indépendance : la prise
de Venise.
La tâche n'était pas des plus simples pour les
successeurs de Cavour. Ceux-ci devaient faire face à des
rivalités politiques internes, et surtout à la situation
désastreuse dans l'ancien royaume de Naples où les brigands et la
Camorra, mafia napolitaine, régnaient en maîtres,
rançonnant et exploitant les masses rurales. Enfin on trouvait en toile
de fond une dépression économique dramatique, à un tel
point qu'on avait du, en 1866, suspendre la libre convertibilité des
billets en or afin d'éviter la banqueroute.
Déjà lors de la proclamation du royaume, Cavour
avait en tête l'inachèvement de l'unité à laquelle
il manquait Rome, qui devait devenir la capitale, et bien sûr Venise. Une
campagne de recrutement des patriotes, menée par les mazziniens et
garibaldiens, allait bon train depuis 1861. Il fallait réunir les hommes
et s'emparer des territoires manquants. Du côté de Vienne, on
s'acharnait à rendre autrichien ce qui ne l'était pas. La
germanisation territoriale et juridique se heurtait cependant à un
farouche esprit révolutionnaire. Plus un opéra de Verdi ne
pouvait être représenté sans que des cris et émeutes
s'ensuivent. Prendre possession de Venise était une chose. Se trouver un
allié dans ce combat, une autre. Il apparut très vite aux yeux
des politiques que l'idéal était une alliance avec la Prusse. Un
rapprochement avec Bismarck s'effectuait, notamment par la signature de
traités de commerce ou encore par l'association des deux pays dans la
réalisation du tunnel du chemin de fer du Saint-Gothard. L'italien
Govone partait pour Berlin. Et il ne rentra pas les mains vides : un
traité secret d'alliance avait été signé au mois
d'avril (le 08) entre les deux nations : l'Italie s'engageait à
déclarer la guerre à l'Autriche en cas de conflit entre la Prusse
et l'Autriche. En outre, le traité obligeait la Prusse à
déclarer cette guerre avant trois mois ! C'en fut fait le 17 juin
1866. Trois jours après, l'alliée des Prussiens s'engageait dans
le conflit. Sa première intervention, sous le commandement du
général de Lamarmora, se solda d'ailleurs par un froissant
échec à Custoza, le 24 juin, pour l'armée, et à
Lissa (20 juillet) pour la flotte. Pendant ce temps, le 03 juillet, les
Prussiens avaient écrasé les ennemis à Sadowa. Le 21
juillet, les préliminaires de la paix étaient signés, puis
confirmés à Prague un mois plus tard (23 août). Par le
traité de Vienne du 03 octobre, l'Italie humiliée recevait des
mains de la France la Vénétie. Un plébiscite confirma
massivement la récente annexion.
De Florence à Rome il n'y a qu'un pas. Rome
capitale.
Enfin nous arrivons à la dernière étape
de l'unité italienne, celle de la conquête de la future capitale,
Rome. Au mois d'août 1862, Garibaldi décidait de marcher sur
Rome aux cris de « O Roma o morte ! (Rome ou la
mort !) ». Parti de la Sicile, il débarquait avec ses
volontaires en Calabre mais était arrêté net par les
troupes italiennes à Aspromonte (29 août).
Depuis 1865, Victor-Emmanuel avait élu domicile
à Florence. Cette décision avait été prise de
commun accord avec la France, en 1864, lors de la signature de la
célèbre Convention de Septembre avec Napoléon III qui
préparait par ailleurs l'évacuation dans les deux ans du corps
expéditionnaire. On pouvait y lire :
« Article Ier. L'Italie s'engage à
ne pas attaquer le territoire actuel du Saint-Père, et à
empêcher, même par la force, toute attaque venant de
l'extérieur contre ledit territoire.
Article II. Le France retirera ses troupes des Etats
pontificaux graduellement et à mesure que l'armée du
Saint-Père sera organisée. L'évacuation devra
néanmoins être accomplie dans le délai de deux ans.
Article III. Le gouvernement italien s'interdit toute
réclamation contre l'organisation d'une armée papale
composée même de volontaires catholiques et étrangers,
suffisante pour maintenir l'autorité du Saint-Père et la
tranquillité tant à l'intérieur que sur la
frontière de ses Etats, pourvu que cette force ne puisse
dégénérer en moyen d'attaque contre le gouvernement
italien.
Article IV. L'Italie se déclare prête à
entrer en arrangement pour prendre à sa charge une part proportionnelle
de la dette des anciens Etats de l'Eglise.
(Protocole annexe.) La convention signée en date de ce
jour... n'aura de valeur exécutoire que lorsque Sa Majesté le roi
d'Italie aura décrété la translation de sa capitale du
royaume dans l'endroit qui sera ultérieurement déterminé
par Sa dite Majesté. Cette translation devra être
opérée dans le terme de six mois, à dater de ladite
convention. (15 septembre 1864.)
(Protocole annexe.) Le délai de six mois pour la
translation de la capitale de l'Italie commence, ainsi que le délai de
deux ans pour l'évacuation du territoire pontifical, à la date du
décret royal sanctionnant la loi qui va être
présentée au Parlement italien. (03 octobre 1864.)46(*) »
En 1866, Napoléon rappelait effectivement ses troupes
de la Ville éternelle. Elles eurent à peine le temps de rejoindre
le pays, qu'il fallait repartir pour Rome lutter contre une nouvelle
tentative de Garibaldi pour prendre la ville, en octobre 1867. Il partait sans
l'accord du roi. Mais, évidemment, s'il y réussissait,
c'était tout profit pour ce dernier. S'il y échouait, alors
Victor-Emmanuel II n'avait qu'à le blâmer pour sa conduite. Les
garibaldiens purent se vanter d'une victoire contre les Français
à Monterotondo, mais ils furent défaits le 03 novembre à
Mentana, par les troupes du général Failly. Cette intervention
fut lourde de conséquences : le Prince Président avait
enfreint la Convention de Septembre et par là, mécontenté
tous les Italiens.
La prise de Rome se fit finalement par les troupes italiennes
elles-mêmes, le 20 septembre 1870. Les Français occupés
contre la Prusse, avaient rappelé le corps expéditionnaire. On
pénétra par la porta Pia, sous les ordres du
général Cadorna. Le 02 octobre, un plébiscite donnait une
majorité écrasante des Romains en faveur de l'annexion. La
Chambre des Représentants proposait, le 09 novembre, de faire de Rome la
capitale du royaume. Victor-Emmanuel attendit cependant, pour s'y installer,
que le Parlement ait voté la Loi des Garanties (13 mai 1871),
réglant le sort du Saint-Siège. Le pape restait souverain et
inviolable, possédait les palais du Vatican et du Latran. On lui
assurait également une dotation de 3 225 000 livres l'an. Pie IX rejeta
la loi des Garanties et le différend entre les papes et l'Etat ne sera
réellement réglé que par les accords du Latran... en 1929.
La chute de Rome correspondait également à la fuite de
François II vers l'Autriche -il résidait à Rome depuis la
chute de Gaète le 13 février 1861, dont il fut l'invité
jusqu'à sa mort, en 1896.
2. La cour de Rome aux alentours de 1860.
Décrivons ici la société romaine des
années 1860. Il s'agit d'un passage obligé puisque tous ces
personnages furent fréquentés, de près ou de plus loin,
par Alfred de Trazegnies d'Ittre lors de son voyage en Italie. Nous ne pouvons
évoquer la Ville éternelle sans aborder les personnalités
des grands politiques et conseillers de Pie IX : Antonelli et de Merode.
A partir de 1860, le gouvernement de Rome, et surtout le pape,
apparaissaient aux yeux du commun des mortels comme « les symboles de
la résistance à outrance à l'oeuvre de l'unification de
l'Italie dans la forme concrète qu'elle avait prise sous l'égide
de la monarchie piémontaise47(*). » Mais, ainsi que le faisait remarquer
Aubert, jamais la résistance du pape ne fut réellement active. Il
a certes travaillé ardemment à faire appliquer les stipulations
du traité de Zurich de 1859, demandant la reconstitution de ses
territoires tels qu'ils étaient à la veille de la guerre, mais il
n'a jamais pris « aucune initiative positive qui aurait eu pour but
de torpiller le jeune royaume, dont les débuts ne furent pas toujours
faciles, et il est frappant de comparer l'éclat de ses discours avec la
modération de ses démarches effectives. »
Jacques Antonelli naquit le 02 avril 1806 dans une famille de
marchands de bois à Sonino, près de Frosinone. Il suivit
rapidement les cours du Séminaire romain tandis que sa famille quitte
Sonino pour s'installer à Rome. Docteur en droit civil et en droit
canonique à 21 ans, il souhaitait entrer dans la prélature de
justice, ce qui était fait en 1830, alors qu'il n'avait que 24 ans. Il
devint vite un des favoris du pape Grégoire XVI. Celui-ci le fit
prélat et assesseur au tribunal criminel supérieur. Il fut
ensuite délégué à Orvieto, Viterbe, Macerata. En
1841, Grégoire XVI, à la recherche de chefs capables d'influencer
l'opinion, le faisait sous-secrétaire d'Etat au ministère de
l'Intérieur. A ces fonctions s'ajoutaient celles de grand
trésorier ou ministre des finances. L'arrivée au trône de
Pie IX lui fut directement profitable : Jacques accédait au
cardinalat en juin 1847 alors qu'il n'avait même pas été
ordonné prêtre. Simultanément, il présidait la
fameuse consulte d'Etat censée proposer les réformes urgentes
pour les Etats Pontificaux. Ses propositions ne furent cependant jamais prises
en compte. En mars 1848, le pape confiait au cardinal la direction du Conseil
des Ministres, mais les pressions révolutionnaires causèrent son
évincement au profit de Mamiani et, plus tard, de Pellegrino Rossi, dont
on connaît le tragique destin. Les conditions devenant insoutenables aux
yeux du Pontife, il prit la fuite pour Gaète, notamment sur le conseil
d'Antonelli, où il l'appela à son service.
Revenu à Rome, le pape récompensait sa
fidélité en le nommant, le 12 avril 1850, secrétaire
d'Etat aux Affaires Etrangères48(*). A ce poste, il fit appel aux puissances catholiques
afin d'obtenir leur appui et de conserver la totalité des domaines
pontificaux. Ainsi qu'il le déclarait : « Le
Saint-Père est obligé par son devoir vis-à-vis du monde
catholique de conserver dans son intégrité le patrimoine de
l'Eglise et la souveraineté qui y est annexée, si indispensable
pour maintenir sa liberté et son indépendance comme chef
suprême de l'Eglise elle-même... (...) Le Saint-Père, se
reposant dans l'intérêt religieux de ces puissances (n.d.l.a. Il
s'agit de l'Autriche, le France et les Deux-Siciles), filles de l'Eglise,
réclame avec pleine confiance leur intervention armée pour
délivrer les Etats du Saint-Siège49(*). »
Dans un premier temps particulièrement libérale,
l'action du cardinal devint, dès le retour de Gaète,
réactionnaire et farouchement anti-italienne. La presse libérale
du temps se fit un plaisir de montrer une image du cardinal
dévoué à la cause autrichienne tandis que Charles de
Rémusat en brossait un portrait peu flatteur dans ses
mémoires : « il a beaucoup d'esprit, une
conversation agréable, une possession pleine de lui-même, de
l'esprit de conduite, de la prudence et de la mesure, deux choses dont il ne
manque que là où les lumières lui font défaut, et
il n'est ni éclairé, ni instruit. (...) Il ne connaît rien
du monde politique ; il n'a jamais quitté Rome que pour faire le
voyage de Gaète50(*). » Il admettait cependant qu'il était
« beaucoup plus doué pour les affaires » que le
pape. C'est dire l'estime que devait avoir le journaliste pour ce dernier... Au
portrait de Rémusat, le catholique Louis Veuillot répondait que
« personne ne voit et n'interroge plus de témoins de
l'état du monde ; personne n'a mieux étudié la
politique européenne51(*). » Il semble en tout cas que la position
délicate dans laquelle s'est trouvé cet homme d'état a
fait qu'il a plus souvent privilégié la temporisation à
l'action. A un tel point qu'Edmond About52(*) notait qu'en « dix ans de dictature, il n'a
gagné ni l'estime d'un étranger, ni la confiance d'un romain. Il
a gagné du temps et rien de plus53(*). » S'il décidait d'agir,
c'était de manière défensive et non offensive :
l'essentiel était à ses yeux d'empêcher le
démantèlement des Etats. Ainsi que le faisait remarquer de la
Gorce, il réussit, vis-à-vis de la France, à
« ne jamais rien faire de ce qu'elle demandait et de ne se brouiller
avec aucun de ses représentants54(*). »
Le cardinal occupa une place de premier rang au Vatican
jusqu'à sa mort. Cependant il n'eut d'autre choix que de s'effacer -
temporairement - lorsque vint occuper le devant de la scène un
prélat belge, Xavier de Merode. Celui-ci naquit à Bruxelles le 15
mars 1802. Il était le plus jeune fils du comte Félix de Merode
dont le rôle dans l'indépendance de la Belgique n'est pas à
rappeler. En 1839, il entrait à l'école militaire de Bruxelles
et, trois ans plus tard, passait ses derniers examens et recevait le brevet
d'officier. Il acquit le grade de sous-lieutenant. Mais la Belgique, puissance
neutre, n'avait sans doute pas de quoi distraire bon nombre de soldats qui
choisirent de s'initier aux combats sous d'autres drapeaux. Ce fut le cas de
Xavier qui se retrouva ainsi attaché à l'état-major du
maréchal Bugeaud. Sous ses ordres, il combattit les kabyles en
Algérie. Sa conduite exemplaire lui vaut d'être nommé
chevalier de la Légion d'honneur. Il ne se borna pas à sa
campagne militaire d'Algérie, il choisit aussi de visiter le pays, ce
qui le conduisit d'ailleurs à la rencontre d'un certain
général de Lamorcière dans la ville d'Oran55(*).
Depuis longtemps déjà, l'idée de se
donner à Dieu turlupinait notre homme. Bien des choix de monseigneur de
Merode doivent être mis en rapport avec son adulé
beau-frère, Montalembert, qui l'influença grandement. Comme le
prélat l'expliquait lui-même à ce dernier, « Vous
avez pu me décider à aller faire la guerre en Algérie,
vous me déciderez bien mieux à la faire pour l'Eglise et pour
Jésus-Christ56(*). » Et le beau-frère d'approuver
immédiatement cette décision. En décembre 1847, Xavier
arrivait à Rome, suivait les cours du collège romain. Le 22
septembre 1849, il était ordonné prêtre. En à peine
plus de six mois, il gagna la confiance de Pie IX qui le fit camérier
secret participant (14 avril 1850). Les camériers sont chargés
d'« introduire auprès du Saint-Père les personnes
honorées d'une audience ; ils accompagnent le pape dans toutes ses
sorties, qu'il s'agisse d'une cérémonie ou d'une promenade ;
ils passent chaque jour plusieurs heures avec lui57(*). » Leur nombre est
limité à quatre. Merode aurait mille fois
préféré rester simple prêtre et continuer à
parcourir les hôpitaux pour y soigner les malades français, comme
il en avait l'habitude. Cependant le Saint Père ne voulut rien entendre.
Nul doute que ce personnage a dû choquer plus d'un des
hôtes du Vatican. Son allure négligée et son franc-parler
lui valurent rapidement la haine d'une bonne partie du corps diplomatique,
particulièrement de la diplomatie française58(*). Xavier se voulait avant tout
un travailleur infatigable et un homme de terrain. Il mena à bien plus
d'une réforme, comme la réorganisation pénitentiaire dans
les Etats du pape. Les anecdotes abondent sur son comportement hors du commun.
L'historien de la Gorce raconte, par exemple, qu'on lui refusa un jour la
visite de contrôle d'un établissement pénitentiaire.
Insatisfait, il appela à son service des ouvriers qui abattirent le mur
et il pénétra par la brèche59(*) !
Merode ne montrait aucune sympathie pour Louis-Napoléon
Bonaparte. D'ailleurs, la présence des troupes françaises sur le
territoire pontifical l'insupportait profondément, il aurait
préféré la mise sur pied d'une armée propre au
Saint-Siège, ce qu'il réalisa dès la fin de l'année
1859, au moment où la Question Romaine préoccupait à
nouveau Pie IX, qui désormais optait pour une politique d'action,
orchestrée de main de maître par son nouveau Ministre des Armes.
Le prélat belge négocia alors secrètement l'engagement
d'un général déjà rencontré en Afrique,
à savoir Lamorcière.
Si l'influence du « parti Merode »
primait sur celle du « parti Antonelli » au printemps
1860, elle ne se prolongea que pour cinq années. Au bout de ce terme, le
cardinal avait rassemblé autour de lui tous ceux qui, d'une
manière ou d'une autre, étaient lassés de son
caractère impulsif et provocateur. La majorité des Italiens le
considérait quant à elle comme l'adversaire à toute
hypothèse de rapprochement entre les Etats Pontificaux et le nouveau
royaume. Il n'était pas l'homme du compromis. C'est donc au plus
terre-à-terre Antonelli que revinrent les pleins pouvoirs le 20 octobre
1865.
L'action des différents partis romains ne peut se
comprendre que située dans le cadre de l'occupation française de
la Ville éternelle. N'oublions pas, en effet, qu'un corps
expéditionnaire était présent dans la ville depuis les
événements de 1848. Napoléon se refusa toujours à
l'évacuer, car c'était la laisser libre aux interventions
étrangères. Et Dieu sait que Sa Sainteté Pie IX n'avait
pas de quoi tenir tête à ces interventions. Le corps comptait une
trentaine de milliers d'hommes à la fin du siège. Il fut
ramené à une seule division en 1850. Dix ans plus tard, environ 7
500 hommes constituaient les garnisons de Rome et Civitavecchia, base
stratégique. Début de l'année 1860, l'empereur envisageait
sérieusement de rapatrier ces hommes, tandis qu'on ferait quitter ses
états à Pie IX. On jasait énormément de ce
départ dans le corps diplomatique. Les britanniques disaient tenir du
Palais royal français que les troupes allaient quitter la ville sous
peu60(*). Ces bruits
continuaient à se répandre au mois d'avril 186161(*). Pourtant, le ministre des
Affaires étrangères, Thouvenel, assurait fermement l'ambassadeur
français, le duc de Gramont62(*), qu'aucune solution n'avait encore été
prise par l'empereur sur la question de Rome. Selon Gramont,
« évacuer immédiatement serait livrer le
Saint-Siège à la révolution, parce que son armée,
bien qu'en bonne voie d'organisation, n'est pas encore capable de suffire
à la tâche qui lui reviendrait. Il faudrait donc, (...) stipuler
un délai de quatre mois par exemple et une évacuation
graduée63(*). » Quoi qu'il en soit, ce ne fut qu'en 1864
que Napoléon III obtenait la garantie que le nouveau royaume
n'attaquerait pas le territoire pontifical et qu'il empêcherait toute
agression. Un plan d'évacuation échelonné sur deux ans fut
mis en place. Mais l'Italie ne respecta pas sa promesse. En 1867, Garibaldi
marchait sur Rome. On dut recréer le corps expéditionnaire de
Rome sous les ordres du général de Failly. Ce corps ne laissa sur
place qu'une seul brigade qui fut rappelée lors du conflit avec la
Prusse64(*).
Pour la période que nous étudions, le corps
expéditionnaire est dirigé par le général de
Goyon65(*). Ce personnage
ambigu donna bien du fil à retordre à ses collègues. Il
peut s'avérer intéressant de noter qu'au mois d'août 1860,
alors qu'il allait rendre des comptes à l'empereur, Goyon mettait en
garde le cardinal Antonelli : son retour à Rome était
particulièrement incertain. Il désirait à tout prix qu'on
lui accorde un renfort de 15 000 hommes qui lui permettraient de couvrir la
frontière méridionale des Etats de l'Eglise66(*). Il fut entendu. En octobre,
un corps d'occupation à deux divisions fut constitué afin de
défendre les états du pape entre Velletri et Viterbe.
3. Immigrés napolitains.
Le 14 février 1861, François II adressait le
message qui suit à ses troupes :
« Généraux, officiers et soldats
de l'armée de Gaète,
La fortune de la guerre nous sépare. Après cinq
mois de souffrance pour l'indépendance de la partie, pendant lesquels
nous avons partagé les mêmes fatigues et les mêmes
privations, le moment est venu pour moi de mettre un terme à vos
héroïques sacrifices. La résistance était devenue
impossible, et, si d'un côté mon devoir de soldat était de
défendre avec vous le dernier rempart de la monarchie, mon devoir de
roi, mon amour de père me commandent aujourd'hui d'épargner
l'effusion du sang qui, dans les circonstances actuelles, ne serait que la
manifestation d'un héroïsme inutile.
Pour vous, mes fidèles compagnons d'armes, par
égard pour votre avenir, par considération pour votre
loyauté, votre bravoure et votre constance, je renonce à
l'ambition de repousser les derniers assauts d'un ennemi qui, pour s'emparer
d'une place défendue par de tels soldats, eût été
obligé de semer des cadavres sur son chemin.
Soldats de l'armée de Gaète, depuis six mois
vous avez combattu avec un courage sans pareil !
La trahison intérieure, l'attaque des bandes
révolutionnaires, l'agression d'une puissance se disant amie, rien n'a
pu arrêter votre bravoure, ébranler votre constance.
Au milieu des souffrances de tout genre, traversant les champs
de bataille et affrontant les trahisons, plus terribles que le fer et le plomb,
vous êtes venus à Capoue et à Gaète. Vous avez
laissé, sur les rives du Volturno et du Garigliano, les traces de votre
héroïsme, et vous avez défié pendant plus de trois
mois, dans ces murs, les efforts d'un ennemi qui dispose de toutes les forces
de l'Italie. Grâce à vous, l'honneur de l'armée des
Deux-Siciles est intact ; grâce à vous votre souverain pourra
lever la tête avec orgueil, et, sur la terre d'exil où il attendra
la justice du ciel, le souvenir de l'héroïque
fidélité de ses soldats sera la plus douce consolation de ses
malheurs.
Une médaille spéciale vous sera
distribuée en mémoire du siège, et, quand mes chers
soldats rentreront dans leurs familles, tous les hommes d'honneur courberont la
tête à leur passage ; les mères montreront à
leurs fils, pour modèles, les braves défenseurs de Gaète.
Généraux, officiers et soldats, je vous remercie
tous ; je vous serre la main avec effusion d'affection et de
reconnaissance. Je ne vous dis pas adieu, mais au revoir. Conservez toujours
intacte votre loyauté, comme se conservera la gratitude et l'affection
de votre Roi.
François67(*). »
Le siège de Gaète touchait à sa fin.
François II n'avait pas vraiment fait preuve de sang-froid lors des
combats, durant lesquels « il tremblait de tous ses membres, les
mains crispées sur sa tête en récitant des psaumes68(*). » Marie-Sophie,
elle, supporta mieux le choc. On peut même lui attribuer d'avoir tenu
tête aux Piémontais. Quoi qu'il en soit, on partait en exil. La
question d'un refuge ne se posa pas longtemps. Le pape ouvrit
généreusement les portes de la Ville éternelle aux
souverains napolitains et à leurs fidèles. Ils
débarquèrent le 14 de la Mouette -bateau gracieusement
prêté par l'empereur des français- à Terracine, vers
20 heures, non sans être accueillis par les cris hostiles des
détracteurs libéraux. Le général de
Bailliencourt69(*)
recevait d'un de ses amis la description cet épisode : « Vous avez
su que le général de Goyon et moi avons reçu le roi de
Naples à son arrivée ici, la nuit. Quel triste spectacle
c'était, mon cher ami, et quelle chute imméritée, que
celle d'un bon et charmant prince de 23 ans. La jeune reine est admirable de
courage et de dignité ; elle toussait beaucoup en entrant au
Quirinal ; elle avait tant souffert dans sa Casemate. Je ne puis vous dire
la sympathie qu'ils inspirent, même dans l'armée française
où l'esprit est... ce que vous savez70(*). » Des photos du couple royal sont
disponibles dans les annexes.
Pie IX offrit à ses hôtes l'hospitalité du
Palais du Quirinal, résidence qu'il n'occupait lui-même que
quelques semaines par an puisqu'il avait élu domicile au Vatican depuis
1850. Le cardinal Antonelli reçut la cour dans la salle des Suisses,
rappelant encore le plaisir qu'il avait de rendre l'hospitalité
accordée au pape par le Re Bomba une dizaine d'années
plus tôt. François et son épouse s'installèrent dans
les appartements des papes. La reine-mère avait
précédé le couple royal. Avec elle, étaient
également arrivés son homme d'affaires Don Philippe Battinelli,
le précepteur des princesses Borelli, monseigneur Gallo, ses 4 filles et
les jeunes princes. Ranucci, chargé du contrôle de la Maison
royale et Ruitz, secrétaire du monarque, étaient aussi
logés au palais. Les ministres Ulloa71(*) et Del Re occupaient le palais de la Dateria.
Entassés les uns sur les autres, ces napolitains habitués au luxe
et au lucre ne tardèrent pas à se chamailler. Tout
commença le soir même de l'arrivée. La reine-mère
s'étant attribué la place d'honneur à la table du souper,
l'épouse du roi exigea que son repas - pris aux frais du Vatican - lui
fut servi dans une autre pièce, où elle dîna en compagnie
de son mari. Petit à petit, on vit l'entourage du roi lui chercher
querelle et comploter dans son dos. Les comtes de Trapani (frère du roi)
et de Trani devinrent des spécialistes en la matière. Pendant ce
temps, les généraux Clary72(*) et Bosco73(*) s'efforçaient tant bien que mal de recruter
une légion étrangère. Une des premières apparitions
publiques de la cour eut lieu le dimanche des rameaux. Tout le corps
diplomatique y assistait. S'ensuivirent des réceptions en grandes pompes
au Quirinal afin de recevoir celui-ci au mieux. Simultanément, le roi
procédait à de nouvelles nominations. L'amiral Del Re, qui
présidait le Conseil depuis la chute de Gaète, reçut le
poste de ministre des Affaires Etrangères fin février,
début du mois de mars 186174(*). Le fidèle conseiller Pietro Ulloa prenait la
responsabilité du Département de la Guerre.
L'arrivée à Rome des familles patriciennes de
Naples ne manqua pas de teinter la quelque peu terne vie romaine de joie
méridionale -au grand dam des familles aristocratiques locales,
malgré la gravité des circonstances. Il est évident que
cette subite incursion réactionnaire conduisit les assemblées
libérales de la ville (Comité National ou encore le Comité
d'Action) à fomenter quelque complot tapageur afin de faire perdre toute
crédibilité à la famille royale. L'affaire des
photographies truquées, sur lesquelles on pouvait voir un sosie de la
reine Marie-Sophie dans des positions pour le moins licencieuses, ne manqua pas
de choquer l'entièreté des corps diplomatiques et politiques
présents à Rome ou ailleurs, puisque le roi Victor-Emmanuel
lui-même en reçut copie75(*) ! On colportait également tout un tas
d'anecdotes sur la `cruauté' de l'ex-reine. Certains affirmaient qu'elle
battait ses domestiques à coups de stylet. D'autres qu'elle tirait,
depuis sa fenêtre du Quirinal, sur tous les chats de passage ! Il
faut dire que sa nouvelle vie ne convenait guère à Marie-Sophie,
femme de terrain. Elle montait à cheval, partait pour de longues
randonnées pédestres à travers le Latium en compagnie de
sa soeur Mathilde, devenue comtesse de Trani. Mais rien n'y faisait.
Marie-Sophie voulait se battre, François ne la comprenait pas. La jeune
reine oublia alors son ennui et son insipide époux dans les bras d'un
gentilhomme belge au service du pape...
François II demeura souverain depuis son
arrivée à Rome jusqu'au mois de mai. Néanmoins il
s'habitua vite à sa vie d'exilé. Il s'adonnait avec plaisir
à l'étude ou à l'archéologie, et c'était
très mollement qu'il soutenait le clan des partisans désireux de
le restaurer. Une aventure vint illuminer sa vie paisible : il tomba
éperdument amoureux d'une jeune femme rencontrée au Quirinal peu
de temps après son arrivée. On s'adressait billets doux et messes
basses, mais cela n'alla pas plus loin. Tout au plus le roi eut-il l'audace de
tenir le bras de la demoiselle lors d'un bal masqué ! Monseigneur
Gallo lui avait en effet fortement déconseillé cette incartade.
Très affecté par les événements,
le roi ne s'exprimait guère sur ses projets futurs. Le duc de Gramont,
ambassadeur français près le Saint-Siège, le
définissait comme « un enfant sur lequel les
considérations politiques paraissent avoir fort peu de prise76(*). » L'incertitude la
plus complète régnait quant à sa situation à Rome.
Tandis qu'il faisait tout son possible pour que le roi quitte la ville77(*), le ministre des Affaires
étrangères français s'arrangeait pour que l'ex-souverain
récupère une partie, voire la totalité de son capital. Il
avait en effet abandonné son pays sans rien emporter. On vivait de la
vente de chevaux, de voitures ou de bijoux78(*). La France se devait à présent de faire
des démarches auprès des autorités turinoises afin qu'on
lui restitue ses biens79(*), sans quoi il continuerait à justifier sa
présence à Rome dans le but « de sauvegarder le peu
qu'il lui restait de sa fortune privée80(*). » Tout cela se perdit en d'interminables
pourparlers. En février 1862, Carolus81(*) exprimait son inquiétude quant à la
position financière de Sa Majesté qui paraissait
« extrêmement gênée82(*). » Afin de le
renflouer, et surtout de l'empêcher définitivement de s'installer
dans la « Dominante », Napoléon III songea
très sérieusement à racheter les possessions du roi
déchu. Il s'agissait entre autres d'acquérir le Palais
Farnèse - afin d'y installer l'ambassade de France, la Farnésine
et les jardins farnésiens sur l'emplacement du palais des
Césars83(*).
François II semblait d'accord84(*). Finalement, le cardinal Antonelli fit en sorte que
le palais Farnèse ne puisse être vendu qu'au Saint-Siège,
qui n'avait en fait aucunement envie de l'acquérir. Napoléon III
abandonna le projet85(*).
Assurée qu'elle ne saurait vendre son palais, Sa
Majesté sicilienne décida de s'y installer
« définitivement », en fait jusqu'à la prise
de la ville par les Piémontais en 1870. Elle entama dès lors de
restaurer la splendide bâtisse. Le prince Pignatelli engagea, pour ce
faire, un architecte de grande réputation, Antonio Cipolla. Les Trani
s'installèrent dans les salons du Nord-ouest. Le comte de Caserte
occupait l'étage supérieur. On y logea en plus Pietro Ulloa et
ses deux frères, Ruiz, le vice-amiral Del Re et de très nombreux
fidèles et serviteurs. Les autres grandes familles durent s'installer
dans Rome. Le duc de la Regina, par exemple, qui représenta à
plusieurs reprises François II auprès du Saint-Père,
habitait le petit palais Borghèse. Une liste interminable de princes et
d'ecclésiastiques composait la cour de
« Francheschiello », comme on l'appelait. On remarquait,
entre autres, le prince de Montemileto di Trigiano, le marquis di Guidomandi,
les ducs de Gallo, de Maddaloni, les comtes Grifeo, Statella, Laurenzana,
Salvatore Carbonelli86(*),
ministre des finances ; et son fils Domenico, attaché aux Affaires
étrangères ; le général Pasca, Salvatore
Murena, Pascale Governa, l'archevêque de Naples, Sisto
Riario-Sforza ; l'archevêque de Bénévent, Dominico
Carafa87(*).
Les généraux Bosco, Clary, Torenteros, Afan de
Rivera88(*) esquissaient
à grands traits la reconquête future du royaume, mais, à
force de discours, omettaient d'agir... Parmi les courtisans, deux clans
s'affrontaient : les « constitutionnels » (plus
libéraux) et les ultras. Le roi écoutait davantage ces derniers,
comme le lui recommandait sa mère. On s'inquiétait d'avantage,
note Garnier, de savoir pour quel type de gouvernement on opterait une fois le
pays repris, plutôt que de la manière dont on reprendrait le
pouvoir perdu. Et François II prenait plaisir à
répéter au représentant belge à Rome que seul un
système constitutionnel, identique à celui du pays de son
interlocuteur, pouvait convenir à ses Etats89(*).
Un témoin de l'époque, A. S. Kauffmann90(*), nous présente la cour
napolitaine au palais Farnèse. « Les fonctions de la
chancellerie royale doivent être aujourd'hui réduites à peu
de chose : l'expédition de quelques brevets des ordres napolitains
accordés par l'ex-roi à ceux qui le servent et espèrent
encore le voir remonter sur le trône ; des nominations à des
grades impossibles donnés à des hommes qui essayent en vain
d'élever le brigandage à la hauteur d'une lutte de parti ;
petit semblant de puissance auquel on a tant de peine à renoncer, parce
qu'il rappelle ce qu'on a perdu. (...) François II reçoit les
ambassadeurs de quelques puissances qui n'ont pas reconnu le royaume d'Italie.
(...) Dans cette ombre de cour qui entoure le spectre d'une royauté
disparue, une certaine activité règne encore. Il y a au Palais
Farnèse des conseils de ministres titulaires où l'on discute des
éventualités fantastiques ; il y a des réunions de
conseillers sans titre, par qui tous les faits sont commentés,
exagérés, expliqués dans le sens d'une restauration
prochaine91(*). »
En effet, François II recevait encore les ambassadeurs
étrangers. Parmi les nations ayant maintenu leurs ministres
auprès du roi déchu étaient l'Autriche, la Bavière,
la Russie, les Etats du pape et l'Espagne. Un premier groupe de pays avait
retiré ses représentants immédiatement après la
retraite du roi de Naples : l'Angleterre, la France et les Etats-Unis
d'Amérique. Un second groupe s'y était pris à la chute de
Gaète. Il s'agit de la Prusse, du Portugal, du Brésil et des
Pays-Bas92(*). Quant
à l'envoyé belge auprès du Saint-Siège et de
Naples, Carolus, Charles Rogier lui demandait de mettre un terme à ses
rapports le 17 novembre 186193(*). Comme exemple de réception du corps
diplomatique toujours accrédité auprès du roi
François, on peut citer celle organisée au début du mois
de février 1861 à Gaète94(*) ou encore, celle du 7 septembre, à l'occasion
de la fête de la reine95(*).
A vrai dire, le représentant belge entretenait de
très (trop ?) bons rapports avec Sa Majesté Sicilienne. Le
premier mars 1861, Carolus et son épouse étaient reçus en
audience auprès du roi96(*). Ce n'était qu'une des nombreuses entrevues
qu'eurent les deux hommes. Carolus a, semble-t-il, eu du mal à avouer au
souverain déchu que ses rapports avec lui touchaient à sa fin, du
fait de la reconnaissance par la Belgique du royaume italien. A plusieurs
reprises, il notifiait à son ministre des Affaires Etrangères,
Rogier, quelle attitude il devait adopter à l'égard de
François II. Rogier ne pouvait que lui rappeler qu'il disposait de tous
les éléments nécessaires dans ses correspondances
précédentes97(*)... Le 8 décembre 1861, le ministre de Belgique
à Rome rencontrait le roi de Naples pour une audience à titre
« privé98(*) ». François II lui aurait alors
déclaré : « quant à vous, cher ministre, en
cessant vos rapports officiels avec moi, ne m'oubliez pas et venez me voir de
temps en temps comme ami99(*). » Carolus comptait s'entendre avec ses
collègues du Portugal et des Pays-Bas afin de « régler
ce qu'ils auront à faire officieusement vis-à-vis de la famille
royale de Naples à l'occasion du nouvel an. » Rogier
approuvait cette attitude100(*).
Cette proximité de la personne du roi n'ira pas sans
éveiller les soupçons des autorités piémontaises.
Déjà vers la moitié de 1860, avant l'annexion du Sud
italien, Villamarina craignait qu'en cas de revers des troupes napolitaines,
celles-ci ne s'unissent à celles du général de
Lamorcière afin de reprendre l'offensive sur Naples. Lamorcière
prendrait le commandement de la totalité des troupes. Selon Villamarina,
l'intermédiaire de cette intrigue n'était autre qu'Henri Carolus,
qui avait eu une série d'entretiens avec le roi
François101(*) !
4. Le brigandage méridional post-unitaire.
Qu'entend-on par brigandage ?
Le grand dictionnaire du XIXe siècle du libéral
Pierre Larousse nous donne la définition suivante du brigandage :
« Volerie, pillage commis à main armée, et le plus
souvent par des malfaiteurs réunis en troupe102(*). » La
définition que nous propose le grand Robert de la langue
française actuel n'a guère évolué. Le brigandage
consiste à voler, mais dans quel but ? Il a varié selon le
temps et le lieu. La question du temps est particulièrement
intéressante. Si l'on n'avait pas encore admis ce qui se cache sous
l'appellation populaire du « plus vieux métier du
monde », il serait tout à fait légitime de penser qu'il
s'agit du brigandage. En effet, le but premier des hommes réunis en
société a été de survivre. Or, dès que les
conditions de vie posent problème, le naturel de l'homme tend toujours
à s'emparer de ce nécessaire de survie que possède
l'autre, quitte à passer par l'assassinat pour l'obtenir. Comme l'homme
par nature est lâche, il a préféré agir en bande que
seul. Voilà plus ou moins à quoi correspond le brigandage qu'ont
connu les antiques. Nous parlions du lieu. Il peut être un facteur
déterminant dans le développement du brigandage. Les forêts
de la Gaule et de la Germanie de l'antiquité servaient d'excellents
refuges pour les anciens malfrats qui vivaient ainsi en quelque sorte en marge
de la société.
La péninsule italienne connaît le brigandage
« depuis des milliers d'années, note Armand Dubarry103(*). L'âge n'est pas
toujours la marque des choses respectables104(*). » Selon Pierre Larousse, seule l'Italie
est en droit de disputer à l'Espagne le titre de terre classique du
brigandage. Elysée Reclus, enfin, y voyait « l'un des grands
fléaux de l'Italie méridionale105(*). » Le pays est-il véritablement la
terre par excellence du brigandage ? Cette affirmation se vérifie
au XIXe siècle, où les régions de la botte qui ne
connaissent pas un brigandage, au moins à l'état
endémique, sont de pures exceptions. Si l'on met traditionnellement
à l'avant-plan, à juste titre d'ailleurs, le brigandage des
provinces napolitaines, n'en oublions pas qu'il est un phénomène
qui touche fortement non seulement les Etats Pontificaux, mais aussi la
Sicile106(*).
Le royaume de Naples et le brigandage.
L'histoire a cependant voulu que Naples, ou, à plus
grande échelle, le Royaume des Deux-Siciles, soit un véritable
« laboratoire » du brigandage. Ceci n'est pas
étranger à la dynastie régnante des Bourbons de Naples,
qui en fait maintes fois usage afin d'étouffer dans l'oeuf les
manifestations -qui peuvent être de simples aspirations- à
caractère libéral. A quatre reprises dans l'histoire de cette
Maison (1799, 1808, 1848 et à partir de 1860), le brigandage, qui de
toute manière est un état permanent, passe d'un état
« endémique » à un état
« épidémique ».
Le brigandage rencontré sous les Bourbons ou sous leurs
prédécesseurs, les vice-rois espagnols, consiste
généralement en pillages exercés par des paysans
affamés qui se révoltent contre le système féodal.
Certes ces brigands ont connu des chefs sanguinaires mais le brigand
« de base » n'était autre qu'un paysan
désirant se venger des années difficiles. Ces structures sociales
importées par les normands subsistent encore au XIXe siècle et il
n'est pas impossible d'encore en trouver des séquelles aujourd'hui. La
féodalité disposait dans le Mezzogiorno de points d'appui
remarquables : une densité de population très mince ainsi
que des espaces ramassés qui ont obligé les peuples à se
rassembler dans des petits bourgs tenus de main ferme par un seigneur. Du temps
des espagnols, des barons oppresseurs régnaient avec hargne sur leurs
terres et exerçaient la justice de façon à s'attirer
nécessairement la haine paysanne. Durant les deux siècles de
domination des vice-rois, jamais un conflit intérieur au Royaume ne se
produisit sans qu'une des parties ennemies n'ait mis les brigands à son
service107(*).
Le brigandage prend véritablement des couleurs
politiques à partir de 1799. C'est l'époque de la
République parthénopéenne, la famille royale se
réfugie en Sicile. Fomentée par les Français, elle ne
contente guère que les aristocrates abhorrant la famille royale et les
esprits élevés. Tandis que la Grande-Bretagne, via Nelson, vient
vaille que vaille en aide à Ferdinand IV, elle aurait pu perdurer, si le
cardinal Fabrizio Ruffo108(*) n'avait eu l'idée de reconquérir le
royaume en soulevant les masses prolétaires. Il choisit de parcourir les
régions infestées de brigands depuis la Calabre, en passant par
la Basilicate et les Pouilles, réunissant autour de lui ces
banditi, comme on les appelait encore, sous le signe « de la
Sainte-Croix et de leur bien-aimé souverain109(*). » Tandis que
Ruffo agit à Naples, d'autres chefs de brigands acquièrent une
célébrité internationale, ainsi en est-il de Mammone ou
Michel Pezza, alias Fra Diavolo (frère diable), en Terre de Labour. Ces
personnages reçoivent des hautes places dans l'armée, des titres
de noblesse et des pensions considérables pour le service rendu tandis
que leurs palpitantes aventures sont contées en Europe dans une
littérature de pacotille.
L'arrivée de Murat (1806) sur le trône de Naples
provoque une fois de plus la fuite de la famille royale sur l'île voisine
d'où elle agite le brigandage. Il ne sera pas difficile d'encore
éveiller le feu qui sommeille dans la classe paysanne car celle-ci ne
profite toujours pas du droit d'accès à la
propriété de la terre. Un transfert du pouvoir s'est simplement
opéré de l'aristocratie à la bourgeoisie, accroissant
toujours le mécontentement110(*). Fra Diavolo faisait toujours des siennes tandis
qu'une impressionnante quantité de nouveaux venus peuplaient
désormais les rangs du brigandage de haut vol comme Taccone,
maître absolu du nord de la Basilicate ou encore Antonelli dans les
Abruzzes. Murat, voulant absolument en finir, fait appel au
général français Manhès qui n'était pas
homme de compromis. Il instaura l'interdiction de vendre des vivres aux
brigands sous peine de mort. Antonelli est pendu, des milliers d'hommes
massacrés et certains villages détruits. On rappelle souvent
l'épisode suivant de sa répression sans limite : à
Serra, où les brigands disaient vouloir se rendre, une audience leur fut
accordée par le maire de la ville. Il firent irruption dans la salle
d'audience et tuèrent absolument tous les membres de l'autorité.
Le général exigea alors que toutes les églises de la ville
soient murées et que les prêtres soient emmenés à
l'extérieur. Les enfants allaient naître sans baptême, les
vieux mourir sans sacrement. Dans un pays aussi croyant et mystique que le Sud
italien, on a du mal à imaginer l'impact énorme qu'eut une telle
mesure. Manhès n'ôta l'interdit que quand la population locale eut
massacré la totalité des brigands. En quelques mois à
peine, il débarrassa les provinces napolitaines de presque tous les
brigands qui les peuplaient111(*).
La troisième grande phase de recrudescence du
brigandage date de 1848. Car la cour napolitaine n'échappe pas aux
courants libéraux qui secouent l'Europe entière. Elle se voit
contrainte d'octroyer une constitution. Les princes encouragent alors le
soulèvement des petites classes. Ils pensent pouvoir la supprimer en
montrant qu'elle n'apporte rien sinon l'anarchie.
La quatrième et dernière poussée du
brigandage, poussée simultanée à l'unité italienne,
nous intéresse ici. L'historiographie actuelle prend l'habitude de la
séparer en trois périodes distinctes112(*). La première
correspond à la lieutenance générale mise sur pied par le
Gouvernement Cavour à Naples entre l'automne 1860 et l'automne de
l'année suivante. Le poste lieutenant-général est
particulièrement instable. Farini, le prince de Carignan, Ponza di San
Martino et le général Cialdini (1811-1892) s'y succèdent.
Durant cette phase, le brigandage se présente comme une réaction
légitimiste face au nouvel état des choses. François II
réfugié à Rome encourage le mouvement. On s'accorde
aujourd'hui à penser que la révolte paysanne qui eut lieu dans le
Melfese (Basilicate) au mois d'avril 1861 marque la naissance du grand
brigandage. Suivent ensuite les années 1862, 1863 et une grande partie
de 1864. Elles marquent l'apogée du brigandage. La lutte est conduite,
du côté italien, dès l'automne 1861, par la
général Lamarmora désormais préfet de Naples et
commandant de la fameuse 6e armée. Enfin la dernière
manifestation du mouvement se tient entre 1864 et 1869/1870. Ces années
voient le lent déclin du brigandage.
Cette étude porte dans son essence sur les deux
premières phases du brigandage. Cette importante guérilla
paraît aujourd'hui avoir sombré dans l'oubli, en tout cas hors de
la Péninsule, où des vastes études les concernant sont
financées par divers instituts. Pourtant, on ne peut ignorer
l'omniprésence de ces événements dans l'ensemble de la
presse européenne aux alentours de 1860. Pas un seul jour, le lecteur
n'échappait, dans les rubriques « nouvelles
d'Italie », aux récentes prouesses des chefs de bandes.
L'Italie était évidemment parmi les pays plus
préoccupés. De passage à Naples à cette
époque, le célébrissime Hippolyte Taine écrivait
d'ailleurs : « Toujours les brigands, on ne parle pas d'autre
chose. » Mais pour toutes les nations, le brigandage était
également le parfait prétexte d'une lutte entre catholiques et
libéraux. « Selon les gazettes libérales, ajoutait
Taine, ce sont des scélérats dignes du bagne ; selon les
gazettes cléricales, ce sont des insurgés martyrs113(*). » Avant de
s'intéresser aux événements, il est bon de distinguer
quelles furent les causes fondamentales qui déclenchèrent le
brigandage.
Principales causes du brigandage post-unitaire.
Nombre d'écrivains contemporains des faits ont
proposé comme explication principale au brigandage celle des structures
socio-économiques des provinces méridionales. Nous avons
évoqué la société napolitaine sous le royaume
espagnol. Suite à l'annexion au royaume d'Italie, elle est encore
transfigurée. Désormais, il n'y a plus guère de
personnages de l'ancienne noblesse : elle a en général fui
pour Paris ou Rome, où elle mène une résistance toute
relative. Il demeure donc, selon Marc Monnier114(*), deux groupes sociaux à distinguer : et
les lettrés, et le peuple115(*). Les premiers, on s'en doute, n'interviennent pas
dans le brigandage. Les seconds sont les lazzoroni, pauvres de Naples,
et autres Mezzi galantuomini, petits propriétaires des
campagnes. Ces pauvres du Royaume ne voulaient que deux choses : d'une
part manger à leur faim et donc obtenir une baisse du prix des
denrées, et en particulier du pain ; d'autre part que les abus des
grands propriétaires cessent.
Marc Monnier laissait entendre que toutes les classes
aisées napolitaines n'avaient pas disparu en même temps que la
dynastie qui les entretenait. Il est certain qu'elles sont restées en
place un certain temps, et ont même favorisé le brigandage en le
finançant. Si cela n'avait pas été le cas, le
secrétaire de la légation belge à Rome, Théodore de
Bounder, n'aurait probablement pas fait remarquer, en date du 19 juillet 1862,
que « les partisans de François II commencent à avouer
que depuis que la réaction n'est plus soutenue par les classes
élevées de la population des Deux-Siciles chez lesquelles un
découragement s'est glissé, les bandes qualifiées
autrefois par elles de réactionnaires se livrent maintenant à des
actes de vrai brigandage116(*). »
Voici comment le libéral Maxime Du Camp117(*) justifie, pour sa part, le
comportement du petit peuple napolitain sous Victor-Emmanuel :
« Après la chute de François II, il y eut, dans les
provinces napolitaines, une explosion de telles et si vives espérances
qu'il est naturel qu'elles n'aient point toutes été
réalisées ; il y eut donc là une déception,
une sorte de souffrance générale qui pesa sur chacun en
particulier118(*). » Cette souffrance générale
aurait conduit les mécontents à gonfler les rangs des brigands. A
tous ces membres potentiels du brigandage, Marc Monnier oublie d'ajouter les
soldats licenciés de l'ancienne armée napolitaine. Pour
réparer cette erreur commise, le nouveau gouvernement pense à
rappeler à son service au minimum les levées de 1858 et 1859.
Mais San-Martino, alors gouverneur, et le général Durando,
commandant de la 6e armée, ne disposent pas de troupes
suffisamment fortes pour assurer la rentrée des levées : le
premier n'a que cinq mille carabiniers ou gendarmes et le second les
régiments fort disséminés de Durando119(*).
Nitti propose comme cause facilitant particulièrement
le brigandage, le manque de routes120(*). La population vivait de manière
concentrée dans les provinces et ne disposait presque d'aucune voie de
communication. En conséquence, on parcourait des sentiers peu sûrs
pendant plusieurs kilomètres, sur lesquels les transports se voulaient
lents et difficiles. Par exemple, en Basilicate, principal centre du
brigandage, seules 33 municipalités sur 124 disposaient de
routes en l'an 1863 ! Tout cela favorisait nécessairement les
brigands qui préparaient de fougueuses apparitions dans la plaine avant
de prendre la fuite dans les forêts. Et on sait combien le terrain du sud
italien, « séparé en petites contrées que
divisent des montagnes parfois inaccessibles, semble fait exprès pour
donner asile aux bandits121(*). »
Autre cause évidente, l'encouragement prodigué
dans un premier temps depuis Gaète, puis depuis le Quirinal et le Palais
Farnèse, par le roi François et sa petite cour. Il semble
aujourd'hui certain que cette action a favorisé le mouvement. Surtout
dans les premiers mois de l'exil. Les libéraux français, ardents
défenseurs de l'unité, tiendront à tout prix à
faire passer le brigandage napolitain comme n'ayant aucune couleur politique.
Les hommes ne sont pas entrés en rébellion pour aider
François II, le roi de Naples ne leur sert que de cautionnement.
« La situation du parti bourbonien à l'égard des
brigands est donc précisément inverse de celle qu'on lui suppose
généralement, notait Rotrou122(*). Ce ne sont pas eux qui demandent d'avoir
François pour leur Roi, mais lui qui tient à honneur d'avoir les
brigands pour soldats et défenseurs ; si demain la famille des
Bourbons signait toute entière son abdication, le brigandage n'en
continuerait pas avec tout autant d'activité ; il n'est lié
avec aucune dynastie et s'il daigne reconnaître la suprématie
nominale de François II, c'est qu'avant tout elle ne le gêne plus,
puis qu'ensuite, de temps en temps, elle lui apporte quelque
bénéfice123(*). » Et Maxime Du Camp de
renchérir : « On peut affirmer sans crainte qu'il n'y a
aucune foi politique chez ces hommes, qui sont le rebut d'une
société trop violemment remuée par des crises
formidables ; ils font aujourd'hui la guerre à Victor-Emmanuel en
criant Vive François II ! comme ils feraient demain la
guerre à François II en criant Vive
Victor-Emmanuel ! Pour eux le brigandage est un métier et
l'attachement aux Bourbons un prétexte124(*). »
Le 26 avril 1861, le vice-amiral Del Re et le roi
édictaient un manifeste contenant ces dires :
« ... le jour, où le mécontentement
sera à son comble et les populations, par un effort sérieux et
simultané, seront décidées à rentrer en possession
de leur indépendance, le Roi n'abandonnera certainement pas leur cause,
et en quelque lieu qu'il se trouve, au prix des plus grands périls, il
accourra se mettre à la tête de ses loyaux sujets pour
délivrer la commune patrie. Mais jusqu'à ce que ce moment arrive,
ses devoirs de souverain, son amour paternel, sa conscience chrétienne,
ses prévisions politiques, tout lui défend de provoquer de
stériles agitations, d'assumer la responsabilité du sang
inutilement versé, et d'accepter des sacrifices généreux
et prématurés. (...) Les efforts du Roi ont pu prévenir la
guerre civile, mais non éviter les mouvements isolés qui
échapperont partout à sa direction. De loin on ne gouverne, on ne
réprime pas par la seule persuasion de la force du respect.
L'exaspération toujours croissante d'une grande partie du peuple, le
mécontentement général, l'amour de l'indépendance,
l'attachement à une dynastie trahie, l'oppression, la dilapidation, la
misère, ont poussé et pousseront chaque jour davantage les coeurs
généreux à la révolte contre la domination
étrangère125(*). »
Autant dire : ne vous soulevez pas, mais soulevez-vous
tout de même !
On peut s'étonner des vues pour le moins naïves de
l'envoyé belge près le Saint Siège concernant l'aide
prodiguée aux brigands par le roi de Naples. Le 30 avril 1861, Carolus
notait « on dit, et je le crois, que Sa Majesté n'a point
provoqué les tentatives réactionnaires qui se sont produites dans
les états napolitains mais elle doit avoir laissé faire ; et
dès lors ne s'est-elle pas exposée à ce que naturellement
on les lui attribue126(*) ? » François II
réservait le même discours à l'ambassadeur français,
le duc de Gramont. Celui-ci notait : « Il [n.d.l.a. le roi]
repousse de la manière la plus formelle et la plus catégorique
tout ce qui pourrait ressembler à un désir de fomenter des
troubles et de perpétrer des luttes à main armée127(*). » Gramont
était cependant persuadé qu'un « parti »,
contre lequel François II et le gouvernement du pape luttaient,
continuait à intriguer. Selon lui, le comte de Trapani, frère de
François II, n'y était pas étranger, bien que le roi l'ait
prié de ne pas se livrer à ce genre de
« commerce128(*) ». François II était-il bon
comédien ? Ou le corps diplomatique était-il de parti
pris ? Ceux-ci estimaient sans doute que le roi « leur devait et
leur disait la vérité129(*). »
Du reste, ce dernier cachait son jeu. Tandis qu'il protestait
contre toute participation directe ou indirecte à la réaction, on
attribuait les actes de brigandage, dans son entourage, au parti
démocratique...130(*) Le roi donnait néanmoins l'impression de
s'intéresser à l'oeuvre des légitimistes. Lorsque ceux-ci
étaient en mauvaise posture, lui et son entourage paraissaient
très découragés, confiait Théodore de
Bounder131(*).
François II insistait sur le fait qu'il n'oserait jamais s'impliquer
dans les agissements réactionnaires pour ne pas « compromettre
le gouvernement du Saint-Siège qui lui a donné si
généreusement asile132(*). » Il allait jusqu'à affirmer
à Lord Odo Russel133(*), représentant officieux de la Grande-Bretagne
à Rome, qu'il condamnait les mouvements réactionnaires et que le
brigand Chiavone agissait de sa propre initiative. Celui-ci voulait obtenir une
entrevue avec Sa Majesté, ce qu'il avait refusé net. Il
espérait désormais que le gouvernement pontifical
l'arrêterait le plus vite possible...134(*)
Mais peut-être ce gouvernement était-il lui aussi
impliqué, d'une manière ou d'une autre, dans la réaction.
Il paraît frappant de remarquer que l'ensemble des dispositions prises
par les Bourbons à Rome aboutirent sans problème. A un tel point
que des bureaux de recrutement pour le brigandage avaient été
installés au grand jour. L'un se trouvait place Campo di Fiori, en face
du palais Farnèse, l'autre place Montanara135(*). Une partie du corps
diplomatique avait également une attitude suspecte. En juillet 1861, les
gendarmes français retrouvaient au Palais Galitzin, où
étaient abrités le ministre de Bavière, le premier
secrétaire de la légation de Russie ainsi que le consul de
Belgique, des documents et des armes sur le point d'être
expédiées à Albano136(*), endroit où, par le plus grand des hasards,
François II venait de louer une villa pour échapper aux fortes
chaleurs de l'été romain. Cela nous conduit à supposer un
certain laisser-faire voire un total encouragement de la part des
autorités pontificales pour la cause légitimiste. Etudions de
plus près les relations entre la cour napolitaine et le catholicisme.
L'entourage du pape a, pour sa part, toujours démenti
une quelconque participation. A plusieurs reprises, le gouvernement du pontife
fit arrêter et désarmer des membres de la réaction afin
d'attester « qu'il veut rester étranger aux intrigues des
partis et aux événements dont Naples est la
théâtre137(*). » Lorsque le 12 novembre 1861, Antonelli
reçut une dépêche télégraphique
annonçant un succès de la bande de Chiavone, il sembla, notait
Carolus, « n'y attacher aucune espèce d'importance138(*). » Et le ministre
belge de renchérir : « Le gouvernement pontifical est
très contrarié des mouvements réactionnaires napolitains
qui se produisent à sa frontière et amènent des
conflits ; il a prescrit des mesures pour les prévenir139(*). » En plus de
s'innocenter, le cardinal Antonelli prenait la défense du roi de Naples,
clamant haut et fort qu'à la chute de Gaète, celui-ci avait pris
toutes les mesures nécessaires afin de dissoudre les forces napolitaines
qui restaient organisées dans les Abruzzes et la Calabre...140(*) Lord Odo Russel ne se
voulait pas dupe des manigances du roi et du Saint-Siège. Fin juin 1861,
il notait clairement : « le roi François et monseigneur
de Merode continuent à organiser leurs bandes réactionnaires pour
les Abruzzes, et leurs procédés illégaux rencontrent
l'approbation du pauvre vieux pape, mais même sa
bénédiction ne leur donne pas plus de succès141(*). » Le
remplaçant du duc de Gramont -le marquis de Lavalette142(*)- montrait un peu plus
d'esprit et de clairvoyance que son prédécesseur. Son rapport du
20 juin 1862 reconnaissait que « la réaction recrutant ses
chefs parmi les aventuriers et ses soldats parmi les gens sans aveu et sans
ressources dont Rome est, en ce moment, le refuge, n'existe, en
réalité, que par l'appui plus ou moins déguisé que
lui donnent les autorités pontificales. » L'ambassadeur allait
même plus loin : « on serait tenté de croire
qu'elle se fait plutôt à l'instigation et au profit de ces
dernières que pour le compte du roi François II143(*). »
On ne peut plus nier aujourd'hui l'aide évidente
promulguée aux brigands par le gouvernement mais aussi et surtout par le
clergé, qu'il soit régulier ou séculier. Sous l'influence
de Merode, Antonelli donnait son aval à l'abbé Ricci di Faenza,
organisateur de manifestations prônant le Christ-Roi, pour le
recrutement, la nuit aux alentours de Montecitorio, dans l'intérêt
du brigand Chiavone, dont nous reparlerons. Les prêtres, quant à
eux, garantissaient le ciel aux enrôlés tombés pour la
cause légitimiste. La police vaticane était évidemment au
courant de ces agissements mais faisait mine de les ignorer. La
secrétairerie d'Etat elle-même était impliquée. Elle
transmettait au consul du Saint-Siège à Naples, Pietro de
Mandato, des correspondances napolitaines chiffrées qu'il fallait
ensuite faire parvenir au Comité du comte Camaldodi144(*).
Nous en arrivons à présent au troisième
parti impliqué dans l'aide au brigandage, quoi que son rôle semble
plus ambigu. Il s'agit bien sûr du corps expéditionnaire
français présent à Rome et de son chef, le
général de Goyon. Dans les premiers mois de 1861, celui-ci
était apparemment décidé à enrayer le brigandage.
De nombreuses perquisitions étaient menées et les arrestations
pleuvaient, de telle sorte que, au mois de mai, le duc de Gramont faisait
remarquer la sévérité du général afin
d'empêcher « qu'on envoie des sous napolitains dans les
Abruzzes145(*). » De même, Théodore de
Bounder de Melsbroeck pouvait écrire : « L'armée
française veille avec un soin scrupuleux à ce que ne parte d'ici
aucun secours d'hommes ou d'argent pour les provinces napolitaines146(*). » Le
secrétaire de la légation poursuivait sa missive en
précisant que les autorités militaires françaises se
plaignaient beaucoup que des journaux italiens et même des personnages
politiques les représentassent comme prêtant la main à la
réaction « prétendument organisée
ici. »
Ces soupçons n'étaient pourtant pas abusifs.
Paris réagit en tout cas et reprocha au général de faire
beaucoup trop pour le gouvernement pontifical. D'après Carolus, de Goyon
se trouvait dans un grand embarras147(*). Cela ne l'empêchait pas de proclamer,
quelques temps plus tard, « qu'il ne se prêterait à
aucun prix à accomplir des actes ayant le moindre caractère
hostile vis-à-vis du Saint-Siège148(*). » Quant aux
prisonniers que les Français pouvaient faire, s'il s'agissait de
ressortissants français, on les renvoyait généralement
dans leur pays d'origine. Ce fut notamment le cas d'un légitimiste trop
ardent, monsieur de la Pierre149(*). Dans le cas de brigands d'autres
nationalités, on s'attendait toujours à ce que le Conseil de
Guerre français les acquitte sans leur faire trop de souci150(*). Turin voyait d'un mauvais
oeil les agissements du général français. Dans un
télégramme daté du 21 décembre 1861, le
président du Conseil Ricasoli ne mâchait pas ses mots :
« On organise une nouvelle expédition pour le brigandage
formée de plusieurs bandes, on prépare un demi-million de
cartouches qu'on expédie avec les armes à la frontière par
Tivoli. Les français voient tout cela, mais indifféremment. Ils
ont simulé une perquisition pour rechercher Chiavone, pendant que tout
le monde savait sa demeure [n.d.l.a., ailleurs]151(*). »
En novembre 1861, Lord Odo Russel ne comprenait pas que le
« distingué » général de Goyon ne
puisse en venir à bout du brigandage, alors qu'il lui aurait suffi
d'à peine un mois. Il connaissait ses origines et l'avait vu être
organisé voire subventionné sous ses propres yeux, non pas sans
réagir. Au contraire. Selon Russel, les officiers français qui
s'appliquaient trop à poursuivre les brigands étaient
blâmés, tandis que le peu de légitimistes qui tombaient
entre leurs mains étaient directement amenés, avec leurs armes,
aux autorités pontificales, qui se chargeaient de les remettre en
liberté. Goyon justifiait cet agissement par le manque de moyens pour
entretenir ces hommes en prison. Par ailleurs, les brigands ne pouvaient
être remis aux autorités italiennes avec lesquelles le pape
n'avait jamais signé aucun traité d'extradition152(*). Enfin, lorsque les troupes
piémontaises approchaient de trop près ses frontières, le
Vatican faisait des remontrances aux Français du corps
expéditionnaire, et s'ensuivait une correspondance belliqueuse entre les
autorités françaises et italiennes...153(*) Russel admettait cependant
que le général de Goyon ne savait lui-même à quoi il
devait précisément s'en tenir. Il fallait, s'écriait-il,
que des ordres du Département de la guerre viennent confirmer les
suggestions du nouvel ambassadeur français, monsieur de Lavalette, que
Goyon faisait constamment mine de ne pas entendre154(*).
Cet imbroglio extraordinaire fit beaucoup rire la presse et
ses lecteurs du temps. La caricature hilarante que vous pouvez observer dans
les documents annexés montre quelle ampleur la polémique a pu
prendre. Elle montre en effet Napoléon III cachant le pape, qui
lui-même abrite François II, qui enfin protège le
brigandage. Napoléon III et Pie IX couvriraient donc le mouvement.
Pour le libéral Armand Lévy155(*), cela ne faisait aucun doute, « les
instigateurs du brigandage dans les provinces méridionales de l'Italie,
ce sont le ci-devant roi de Naples et la cour de Rome. Si l'on a fait quelque
part des voeux pour qu'un miracle s'accomplit (sic) dans Gaète et que la
dynastie bourbonienne en sortît victorieuse, assurément c'est au
Vatican. Mais le gouvernement du Saint-Père ne se borna pas
à prier ; il laissa s'organiser sur son territoire des
bandes156(*). » Et monsieur Monnier complétait
ces allusions comme suit : « Le clergé déclara la
guerre à l'Italie dans toutes les provinces et même à
Naples ; d'abord timidement, nuitamment, dans des prédications
clandestines, bientôt en plein jour, dans des prêches
hérissés d'allusions où Victor-Emmanuel était
désigné sous le pseudonyme d'Hérode. Au lieu de
François II, le curé disait Jésus-Christ. Dans les
campagnes, la soutane et le froc péroraient ouvertement contre le roi
excommunié, complotant une croisade en règle157(*). »
Le brigandage légitimiste à la chute du
Royaume de Naples.
Premiers mouvements dans les Abruzzes.
Les premiers soulèvements se firent dans les Abruzzes
vers le mois d'octobre de l'année 1860. Parmi les généraux
de François II, mettons en évidence le comte de
Christen158(*). Il
quitta Paris pour Rome dans la première quinzaine d'avril 1860. Il y
resta jusqu'au mois de septembre. Grâce à une lettre de
Monseigneur de Falloux, il se fit présenter au roi François, en
exil à Gaète. Il obtint du souverain le commandement d'un corps
franc. Il se rendit alors vers Itri, auprès du général
Lagrange159(*), avec
lequel il devait agir de concert. Ils avancèrent en Terre de Labour et
dans les Abruzzes jusqu'à Aquila, qu'ils prirent. D'accord avec le
général Scotti, qui venait d'Isernia, ils devaient marcher l'un
vers l'autre et se retrouver à Popoli. Scotti tomba cependant dans les
mains des Piémontais avec huit mille hommes deux jours avant que
Klitsche de Lagrange ne partit d'Avezzano pour marcher sur la capitale des
Abruzzes160(*).
Alors que les hommes de de Christen et ceux de Lagrange se
repliaient dans les Etats romains, ils furent désarmés par un
détachement de troupes françaises. Christen proposa ensuite de
céder la direction du foyer d'agitation des Abruzzes au comte de
Kalkreuth161(*), afin de
se jeter sur la Calabre. Le roi refusa. Il prit alors (décembre 1860) la
route de Bauco (Sora) en compagnie de Kalkreuth162(*) et Coataudon163(*). Là, ses hommes
occupèrent dans un premier temps Carsoli et Tagliacozzo où ils
mettent en fuite 400 Piémontais164(*), avant de se rendre sur Avezzano. Rejoints par les
troupes de Luigi Alonzi, dit Chiavone, ils résistèrent
vaillamment, à Bauco, à un détachement piémontais
commandé par le général Sonnaz165(*).
Au bout d'un moment, les deux parties décidèrent
de négocier. Monsieur de Christen reçut l'autorisation de se
retirer n'importe où pourvu qu'il ne se batte plus dans les Abruzzes et
la Calabre tant que le roi se tiendrait à Gaète166(*). En mars 1861, grâce
à l'intervention du duc de Gramont, le roi de Naples et Victor-Emmanuel
se mettaient d'accord pour que les volontaires de la colonne Christen
bénéficient des conditions de la capitulation de Gaète.
L'action du comte de Christen dans le brigandage prit fin peu de temps suite
à cette bataille. Présent à Naples en juin 1861, il
était reconnu et arrêté. Il passa une année
entière dans la prison de Santa-Maria-Apparente. Les multiples
interventions de la diplomatie française, mais aussi de
l'Imépratrice Eugénie et de lady Jersey, lui
évitèrent d'être fusillé. Il fut condamné
à 10 ans de bagne par la cour d'assises de Naples mais le roi
Victor-Emmanuel le graciait le premier novembre 1863167(*).
Pour Monnier, les expéditions purement
légitimistes prirent fin lors de la chute de Gaète168(*), le 13 février 1861.
François II, dans le commencement de 1861, toujours décidé
à enflammer l'étincelle, adressait la proclamation qui suit aux
paysans des Abruzzes :
« Quand l'étranger menaçait de
détruire les fondements de notre patrie ; quand il
n'épargnait rien pour anéantir la prospérité de
notre beau royaume et faire de nous des esclaves, vous m'avez donné des
preuves de votre fidélité. Grâce à votre
sévère et noble attitude, vous avez découragé
l'ennemi commun et ralenti la marche d'une révolution qui s'ouvrait la
voie par la calomnie, la trahison et tout genre de séductions.
Non, je ne l'ai pas oublié !
Loyaux Abruzzais, redevenez ce que vous fûtes ; que
la fidélité, l'amour de votre sol, l'avenir de vos fils, arment
de nouveau vos bras. Nous ne pouvons en un seul instant nous laisser prendre
aux insidieuses perfidies d'un parti qui veut tout nous ravir. Non, ne nous
assujettissons point à sa volonté, mais revendiquons plutôt
la liberté de nos lois, de nos coutumes et de notre religion.
Mes voeux vous accompagnent toujours et partout. Le ciel
bénira vos actions169(*). »
Le 15 janvier 1861, s'embarquaient à Marseille le
vicomte de Noë, le comte de Saint-Martin et le vicomte de la Pierre. Ils
naviguaient vers Messine, d'où ils devaient rejoindre la Calabre, qu'on
leur avait indiquée comme étant la « vraie
Vendée » de l'Italie du Sud. Ils projetaient de fonder,
à Monteleone, une capitale provisoire pour le royaume de Naples. Quelle
pouvait être leur motivation ? Pour Benedetto Croce, ces jeunes
hommes étaient tels des « cavaliers errants170(*). » Croce reproduit
ces mots tirés de l'ouvrage du comte de Noë, Trente jours
à Messine : « le sentiment chevaleresque se
réveilla à la vue du faible opprimé : tel fut le
sentiment qui s'empara de nous, en nous jetant dans une expédition
considérée comme aventureuse et
désespérée171(*). » Une semaine après
l'arrivée des ressortissants français, le 22 janvier,
débarquait à Messine un personnage qui ne nous est plus
inconnu : le comte de Kalkreuth. On connaît sa fin tragique. Quant
aux français, ils furent dénoncés auprès des
autorités piémontaises par leur domestique, un certain Jean-Louis
Bondaille, et par un médecin. Le vicomte fit immédiatement appel
à l'agent consulaire français, Boulard, lui clamant son
innocence.
Selon Boulard, une frégate russe se trouvait à
Messine avec, à son bord, un général, quelques officiers
napolitains et un banquier local, Jaeger et C. Celui-ci avait reçu
l'ordre de mettre à la disposition des napolitains une somme de 3
millions de francs français. Le consul russe, qui supervisait toute
l'affaire, était dépositaire d'une somme de 400 à 500
mille francs. Ils avaient pour instructions de faire sortir deux ou trois
bataillons de la citadelle de la ville pour les débarquer ensuite sur
Reggio et la Calabre. Sans doute était-ce parmi ces hommes que devaient
se retrouver les français interpellés. Le 21 janvier, ceux-ci
étaient transférés de l'hôtel, où ils
étaient retenus prisonniers, vers le fort Gonzague. Ils firent, à
cette occasion, l'expérience d'un bain dans une foule totalement
gallophobe depuis Villafranca. Le 10 février, les trois hommes -et
Kalkreuth- étaient emmenés de la forteresse au port. Ils
embarquaient sur le bateau sarde baptisé « Il
plebiscito »... pour être conduits à Gênes puis
à Turin. Pendant ce temps, Thouvenel, faisait les démarches
nécessaires afin de sortir ses compatriotes hors des mains des
Piémontais. Cavour finit par céder. Les hommes, qui devaient
être exécutés dans les 24 heures, avaient la vie sauve. En
échange, le Président du Conseil italien aurait souhaité
que l'autorité française intervienne en faveur d'une trentaine de
prisonniers piémontais détenus à Rome. Ceux-ci avaient
été pris à la frontière pontificale par des zouaves
qui leur tuèrent un homme. Le Général de Goyon admit
finalement que les soldats pontificaux avaient pris leur rôle trop
à coeur et il les fit remplacer par des troupes françaises.
Sergio Romano voit, dans cet incident, un premier pas vers la reconnaissance,
par l'Hexagone, de la nation italienne172(*).
Le brigandage commandité depuis Rome.
Au mois d'août 1861, un jeune vendéen, dont le
père était bien connu pour ses actions dans la chouannerie, vint
à Rome offrir ses services au roi. Il s'agissait du comte de
Cathelineau, ce personnage qui, moins d'un an plus tôt, proposait son
aide aux zouaves de Xavier de Merode.
Il arriva à Rome à la tête d'une
soixantaine d'hommes recrutés par lui dans les anciennes provinces de la
Bretagne, du Poitou et de la Vendée et dont certains d'entre eux
portaient des noms particulièrement évocateurs, comme Cadoudal,
ce qui n'allait pas sans inquiéter le cardinal Antonelli, qui
jusque-là s'était tenu à l'écart des recrutements
de de Merode. Se débarrasser définitivement de Cathelineau et de
ses hommes supposait entrer en conflit ouvert avec le prélat belge.
L'issue étant bien incertaine, Antonelli préféra attendre
la fin de l'entrevue entre le prélat et Cathelineau, dont ce dernier
sortit fortement irrité, car Merode avait insisté pour que lui et
ses hommes vinssent se confondre dans les rangs des volontaires à pied.
Le cardinal proposa alors de loger le Vendéen et ses soldats dans un
couvent appelé Retiro-Sacro et anciennement occupé par les
jésuites.
Se produisit alors quelque chose de fort curieux : on vit
dans ce couvent ripailler et festoyer, aux frais du Saint-Siège, tous
les personnages ayant refusé de s'enrôler dans les volontaires
à pied. Ils ne risquaient plus ainsi de toucher aux armes. Merode
réagit violemment au stratagème de son ennemi et déclara
aux hommes que « tant qu'ils resteraient dans la demeure somptueuse
où les avait placés le cardinal, il ne souffrirait pas qu'une
seule arme leur fut confiée, parce qu'il ne verrait pas en eux des
soldats ; que s'ils étaient venus à Rome avec la ferme
pensée de soutenir la cause du Saint-Père, le seul moyen
d'atteindre ce but était d'entrer aux Franco-Belges, où ils
trouveraient des jeunes gens nobles comme eux et comme eux
dévoués aux principes monarchiques et religieux ; qu'en
hommes de coeur qu'ils étaient, ils devaient préférer un
travail glorieux, utile pour la cause qu'ils soutenaient, à une
oisiveté d'autant plus coupable qu'elle coûtait chaque jour des
sommes considérables au souverain pontife173(*). » Suite à
cette intervention, Cathelineau quitta Rome tandis que ses croisées
prirent place parmi les franco-belges.
Le 13 août 1861, Cathelineau recevait le mot suivant de
François II :
« Monsieur, je viens avec la présente vous
prier de faire une course ici pour pouvoir vous parler personnellement. Croyez
toujours à votre
François174(*). »
De retour à Rome le 11 septembre vers 20 heures, il se
présenta aux souverains une demi-heure plus tard. On se plaît
à rapporter quelles furent alors les paroles de Marie-Sophie :
« J'aime mieux mourir dans les Abruzzes, au milieu des braves, que de
vivre à Rome175(*). » La reine voulait lancer
immédiatement une opération de grande envergure. L'hiver
était imminent et le roi semblait fort indécis. Il accepta
cependant qu'on fasse les démarches nécessaires. On envoya un
messager dans les Abruzzes prendre des nouvelles de la situation et savoir ce
que pensait le brigand Chiavone, qui était sur place, de l'état
d'esprit des populations. L'envoyé rapporta que 360 hommes
accompagnaient le chef. Le roi ordonna alors le départ du
français Henri Arnous de Rivière auprès du
général en chef avec l'ordre « d'organiser, mais de
conserver toujours, pour ce chef, le respect et les attentions qu'il
méritait176(*). »
Le 20 septembre, François II présentait
à Cathelineau le prince de Caserte, prêt à partir pour le
front, s'il le fallait. Le roi s'exprima ainsi en faveur du
Français : « Quand on s'appelle Cathelineau, qu'on a
quitté sa famille, son pays, pour répondre à l'appel
d'hommes qui ont fait tant de fautes, on mérite la confiance la plus
entière. Je vous confie mon jeune frère : non-seulement
parce que je sais que vous défendrez sa vie au péril de la
vôtre ; mais encore parce que je suis certain que vous veillerez sur
son âme, dont le salut m'est infiniment plus cher que celui de son corps,
malgré ma tendre affection pour lui177(*). » Le roi s'apprêtait-il donc
à envoyer son frère à la mort ? C'était sans
compter sur l'influence de l'ambassadeur espagnol que François II
semblait écouter tel un prophète, monsieur Bermudez. Celui-ci fit
dans un premier temps mine d'accepter le projet de départ, bien que
l'hiver approchât et que le moment ne fût pas des plus propices.
Mais, puisque telle était la volonté de la reine... Sur ces
entrefaites, Arnous de Rivière revenait, s'il faut en croire
Cathelineau, avec les meilleures impressions du front. La prise de Sora
était une chose simple. Il n'y avait plus, ensuite, qu'à se
réfugier dans les montagnes qui la surplombaient178(*).
Soudain, le roi, sur pression de Bermudez -et sans doute aussi
prenait-il peur-, fit volte-face. Il ne songeait désormais plus à
envahir les Abruzzes mais bien les Calabres. François II s'exprimait en
ces termes : « Nous venons de passer un mois à travailler
pour organiser une entrée dans les Abruzzes, j'étais
décidé à y aller moi-même ; cependant, je
change d'avis. Ma position à Rome est délicate, je suis
l'hôte du gouvernement du Pape, je craindrais de le compromettre
vis-à-vis du gouvernement français si je m'y rendais
personnellement. Un prince, mon frère, peut me remplacer : mais je
ne crois pas que le moment soir favorable ; il vaut mieux s'organiser
pendant l'hiver179(*). » Enervé, Cathelineau voulut
s'entretenir avec Bermudez (début octobre 1861). Il discutèrent
un long moment, mais sans résultat. Vers la même époque,
Cathelineau se rendait auprès de monseigneur de Merode qui l'avait fait
demander. Ses dires se passent de commentaires : « Monsieur de
Cathelineau, je viens vous prévenir que si vous êtes ici pour
quelque motif politique que ce soit, je vous ferai partir de Rome, et si
j'apprends que vous fassiez un seul enrôlement pour les Abruzzes, je vous
ferai saisir par quatre gendarmes et conduire à Civitavecchia. Je tenais
à vous prévenir, car il n'est pas agréable de se trouver
enlevé au milieu de la nuit180(*). » A quoi Cathelineau ne put rien
répondre d'autre qu'il demandait à voir cela. Peut-être
Cathelineau exagère-t-il le contenu de cette entrevue ? On sait, en
tout cas, que depuis que le prélat belge ne lui avait pas fait de
propositions susceptibles de l'intéresser l'année
précédente, les relations entre les deux hommes n'étaient
plus au beau fixe.
Installé à l'hôtel de la Minerve,
Cathelineau prit contact avec le Comité légitimiste de Rome et
ses membres. Mis à part les deux bureaux précédemment
cités, le couvent de Jésus-Maria au Corso était le
siège d'un sous-comité, également spécialisé
dans l'enrôlement. Y étaient actifs l'ex-préfet de police
Governa, l'ex-directeur de police Mazza... Vagnozzi s'était fait
spécialiste du recrutement pour les Abruzzes tandis que les
frères Perfetti se spécialisaient dans la fourniture d'armes.
Cathelineau entretenait de nombreux rapports avec l'extérieur afin de
recruter au maximum et de récolter des fonds, mais également avec
les autres grands généraux de François II, comme Chiavone,
dont nous venons de parler. A la mi-octobre, le roi confia une vague mission au
Vendéen en Autriche. Il devait remettre une lettre au duc de
Modène de la part du roi et un mot à la duchesse de Berry de la
part de Marie-Sophie. Sans doute s'agissait-il de l'éloigner de Rome un
certain temps. Il partit, accompagné de son beau-frère, le
marquis de Kermel, zouave pontifical sous les ordres du commandant
Charette181(*).
A côté de ce français, nous avons à
évoquer la figure de Luigi Alonzi, dit Chiavone. Il fut sans aucun doute
l'un des plus importants généraux de François II. Il eut
en tout cas une autorité relativement durable sur une région plus
ou moins déterminée, il l'exerçait sur les alentours de
Sora et sur une bonne partie des Abruzzes. Ce personnage emblématique
fit à lui seul couler beaucoup d'encre.
Alessandro Bianco di Saint Jorioz nous donne un portrait
détaillé de l'homme en question. Il était originaire de
Sora182(*) où il
exerçait le métier de garde forestier. Il s'était
engagé dans l'armée de Ferdinand II où il fut
condamné pour mauvaise conduite. Il se faisait remarquer par son
existence déréglée, son impétuosité et un
appétit sexuel sans égal. Il fut un des premiers à prendre
le chemin de la montagne pour mener la rébellion contre le Gouvernement
national. Son physique s'accordait parfaitement à son
caractère : sombre, féroce et dur. Il y avait cependant
quelque chose de songeur dans sa physionomie, qui n'était pas sans
offrir un certain attrait. Cela lui donnait l'apparence d'un homme peu banal et
d'esprit ouvert, mais ce n'était qu'une apparence : il n'avait en
réalité « aucun talent et aucun
génie. » Saint Jorioz ajoute qu'il n'a jamais fait preuve
d'une sagesse militaire ou d'une hardiesse plus importantes qu'un autre.
Cependant il fut probablement le meilleur de tous les capitaines de bandes de
son espèce, excepté le célèbre espagnol José
Borgès. Il aimait à se vêtir théâtralement,
comme le faisait son prédécesseur, Fra Diavolo. Pratiquement
illettré, il écrivait malgré tout sans arrêt. Avide
d'argent, il aurait détourné des fonds qui lui avaient
été confiés par le roi François afin de mener la
résistance à l'envahisseur ! Ce trésor, il l'aurait
enfui dans une caverne à proximité de la maison de sa
maîtresse, la veuve du bandit Cocco, qui résidait à
Scifelli, afin que le jeune fils de celle-ci, dont il s'était pris
d'affection, en hérite. Lors de l'arrestation du jeune Cocco, ni les
interrogatoires, ni les menaces et les perquisitions
répétées ne permirent de mettre la main sur ces
prétendues richesses183(*). Reportez-vous aux annexes pour visualiser des
photographies de Chiavone.
Les appréciations envers le général de
Sa Majesté François II furent très mitigées. Pour
un conservateur comme A. Insogna, Chiavone était « l'homme qui
fit mobiliser toute l'armée piémontaise et donna le signal de la
révolte184(*). » Pour les libéraux, il ne
représentait rien d'autre qu'une marionnette que le roi de Naples
agitait dans tous les sens mais qui ne disposait d'aucune influence. Il est
vrai que la technique de brigandage du personnage avait de quoi surprendre.
Elle consistait à longer la frontière séparant les Etats
Pontificaux et le royaume de Naples, principalement entre Sora et Frosinone. Si
aucun risque ne se présentait, alors on s'enfonçait de peu dans
les anciennes terres de François II. Dès que les
Piémontais menaçaient de les intercepter, lui et ses hommes
franchissaient de nouveau la frontière et se trouvaient en
sécurité. A ce propos, l'agent consulaire français Rotrou
faisait remarquer que la bande se maintenait sur le territoire romain
« afin d'être à l'abri de toute surprise et de permettre
à ces messieurs de dormir sur leurs deux oreilles. » Pour
le français, Chiavone n'était qu'une « plaisante
invention de l'évêque de Sora, derrière laquelle se cachent
les sommités militaires du brigandage officiel qui ont toujours tenu
à ne pas s'éloigner de la caisse et de Rome. Cela vaut à
Chiavone de pouvoir arracher de temps à autre quelques sommes au
ministre de la guerre in partibus de François II ; et
franchement on les doit bien au pauvre diable, car sa bande, plus prudente que
les autres, fût morte de faim si elle n'avait pour se soutenir que ses
propres exploits185(*). » Tandis que Marc Monnier voyait en lui
un « drôle », dont même les feuilles
libérales françaises exagéraient l'importance186(*), Armand Lévy le
traitait de bandit187(*).
Les troupes du `général' Chiavone auraient sans
doute connu une existence plus éphémère si elles n'avaient
disposé de l'aide efficace du Saint Siège. Presque
systématiquement, en effet, les brigands capturés par les
Piémontais étaient remis aux gendarmes pontificaux. Ceux-ci
prenaient alors en charge de les ramener à Rome et... de les
libérer. Au mois de novembre 1861, Lord Odo Russel pestait justement sur
ce gouvernement pontifical qui interdisait formellement d'emprisonner Chiavone
ou ses agents sans un ordre express en provenance de Rome188(*). Selon Monnier, on pouvait
lire dans de nombreuses dépêches officielles des gendarmes
pontificaux, portant les armes du pape, que tel ou tel brigadier gratifiait
Luigi Alonzi du titre d'Excellence. D'autres missives encore assuraient que les
gendarmes prenaient soin d'escorter les convois de bandits de telle
manière qu'ils échappent à la vigilance des soldats
français189(*) !
Chiavone attirait les foules, et plus particulièrement
les jeunes gens de toute l'aristocratie européenne. On ne
s'étonnera pas de lire les plaintes du cavalier Uccelli, présent
à Paris. Selon lui, la rumeur court que 20 à 25 jeunes
Français veulent aller se battre sous l'étendard de Chiavone et
reproduire dans les Abruzzes ce qu'avaient fait de Charette et de
Larochejacquelin en Vendée190(*). Dans ce même ordre d'idée, Lord Odo
Russel assurait qu'aucun Napolitain respectable ne se trouve dans les rangs de
Chiavone. De plus, « tous ses officiers sont des étrangers,
Français, Belges, ou Espagnols, envoyés par les Comités
légitimistes de Marseille, tandis que ses hommes sont recrutés
parmi la plus basse populace191(*). »
La célébrité de l'homme apparut vers le
milieu de 1861. C'est en effet à cette date qu'on trouve les
premières mentions le concernant dans la presse et la correspondance
diplomatique. Le représentant britannique à Rome, Lord Odo Russel
notait, à la date du 16 mai, qu'un individu du nom de Chiavone, qui
semblait avoir de l'argent à la demande, avait recruté 400 ou 500
hommes. Il aurait attaqué le village de Monticelli, situé sur la
gauche de Postella, tué le syndic local et pris possession de la place
fortifiée. Une attaque des gardes nationaux le lendemain avait
été repoussée par les brigands. La garnison
française de Terracine avait été lancée à
ses trousses mais sans effet, les guides des Français étant tous
des gendarmes pontificaux192(*). Cette expédition prenait en fait place le 3
mai. Les chiavonistes occupèrent successivement Monticelli, Pastena,
Pico et Lenola, abattant tous côtés les drapeaux de la maison de
Savoie et jetant au feu les archives communales et judiciaires dans lesquelles
se trouvaient les dossiers de nombreux membres de la bande193(*). Une vingtaine de jours plus
tard, le 27 mai, Chiavone attaqua à nouveau Sora, qui demeurait sa cible
favorite, mais il fut repoussé194(*).
Vers la mi-juillet, craintifs de s'aventurer à
l'intérieur des terres napolitaines, les Chiavonistes
préfèrent agir sur la grande bande du Val Roveto,
dévastant San Vicenzo et San Giovanni, occupant Collelongo et
Villavallelonga, dans l'intention de se réunir aux bandes des Abruzzes,
comme celle de Centrillo, afin de mener une action de plus grande
portée. Il n'ignorait pas, cependant, que la route par Pescasseroli
était barrée par un détachement du 35e
régiment d'infanterie. Chiavone et ses combattants renoncèrent
finalement à tous leurs projets ultérieurs, repassant le Liri
près de Balsorano195(*).
Dans presque toutes les villes d'Italie méridionale,
on pouvait lire des appels pour la défense de la patrie signés de
la main du général, qui se complaisait à édicter
toutes sortes de tracts -bien que certains d'entre eux fussent de la main de
François II, ou du moins de son entourage- et autres ordres du jour dans
lesquels l'orthographe catastrophique rivalisait avec la piètre
qualité de la syntaxe.
« Aux armes, aux armes ! La patrie est la
proie de l'étranger, nous sommes des esclaves ; il nous insulte,
nous calomnie, nous frappe, et nous fusille sans pitié. Nos maisons sont
saccagées, nos campagnes brûlées, nos plus honnêtes
citoyens ont été poignardés ou condamnés à
divers genres de mort. Les prisons sont remplies des meilleurs d'entre
nous ; les évêques ont été battus, le roi a
été bombardé, les arsenaux et la flotte ont
été pillés, et tout ce que nous possédions de noble
et de grand a été souillé, ravagé et
détruit ! La mesure des outrages est comble : levons-nous
tous ! Liberté et indépendance ! Chassons
l'étranger !
Une horde de sectaires est venue de toutes les parties de la
terre saccager notre pays ; un roi, qu'on nomme le galant homme,
est entré comme un voleur sur notre territoire pour dépouiller
son neveu et enchaîner les Napolitains. Les calomnies, les mensonges, les
trahisons ont abattu le trône de Roger et anéanti notre
nation ; mais, animée d'une généreuse colère,
elle s'élève maintenant contre le mensonge et contre les
oppresseurs ; elle veut son roi, ses lois, sa religion : elle
répond au plébiscite des sectes par un non terrible qui
retentit d'un bout à l'autre de l'Europe.
Il y a six mois j'ai levé le drapeau de la patrie et
je l'ai agité devant les yeux de nos audacieux ennemis. Ce Dieu, qui
secoure les opprimés et confond l'iniquité tyrannique, m'a
donné la force de triompher, avec quelques braves qui m'accompagnent, de
la faim, des périls et des désastres, et dans beaucoup de combats
inégaux nous avons vu se courber les épaules des orgueilleux
héros de Palestro et de San-Martino. Toutes les forces asservies de
l'Italie n'ont pu nous chasser de nos libres montagnes, car la main du Seigneur
humilie les superbes.
Mais maintenant je ne suis plus seul. Les Abruzzes, les
Pouilles, les Principati, la Basilicate et la Calabre se lèvent pour
frapper les destructeurs couverts de sang, ceux qui fusillent les faibles, les
hérétiques saccageurs des églises qui tournent en
dérision Dieu et les saints. Tout le royaume combat, animé d'une
grande colère, et les os de nos ancêtres frémissant dans
leurs tombes et nous crient : chassez l'étranger.
Aux armes ! chaque ville, chaque bourg voit ses fils
prendre les armes pour la patrie.
Que toutes les bandes se jettent sur ces vandales
piémontais. Nous combattons pour le sol natal, pour nos autels, pour nos
femmes et nos enfants. Il faut vaincre ou mourir !
Employons toutes les armes ; les épées,
les fusils, les bâtons, les pierres des Apennins elles-mêmes
deviendront des armes dans les mains d'un peuple qui revendique sa
liberté.
Montrons-nous dignes de nos ancêtres, dignes de
François II, le fils d'une sainte et le défenseur de nos droits.
Portons-le sur nos bras afin qu'il reconquiert son royaume ; relevons la
Patrie et le trône, et abattons sur cette terre des volcans les sectes
corruptrices de la société. Aux armes196(*) ! »
En septembre 1862, Théodore de Bounder de Melsbroeck
notait qu'un sursaut d'espoir avait vu le jour dans l'entourage de
François II. On parlait en effet de faire venir à Naples des
condottieres espagnols afin de relancer la réaction. L'instigateur de
ces mouvements n'était autre que le ministre d'Espagne auprès de
Sa Majesté Sicilienne, le marquis de Lema197(*). Celui-là même
qui encourageait fermement le roi à poursuivre sa résistance
depuis Gaète. Selon de Bounder, tous ces Espagnols, une fois
arrivés sur place, « ont lâché pied et ont
été se réfugier dans les bois198(*). »
Parmi ces hommes issus de la Péninsule ibérique,
un célèbre Catalan, Don José Borjès199(*). Il avait fait ses preuves
de général d'armée en tenant tête, avec 300
carlistes à 12000 soldats de la reine Isabelle. Il n'arrivait pas
à proprement parler d'Espagne puisqu'il était
réfugié en France depuis quelques années. Il y
exerçait la profession de relieur, à Lyon. Arrivé sur
place, Borjès fut très désagréablement surpris. On
lui avait promis une armée et des moyens considérables. Il
trouvait un souverain désargenté et des hommes qui se
lançaient dans le brigandage davantage pour s'enrichir que pour sauver
une cause perdue d'avance. Marc Monnier reproduit la lettre d'instructions que
lui fit parvenir le général de Clary. Il est intéressant
d'en prendre connaissance. Chiavone reçut probablement des consignes
similaires :
« Afin d'animer et de protéger les peuples
des Deux-Siciles, trahis par le gouvernement piémontais, qui les a
opprimés et détrompés ;
Pour seconder les efforts spontanés de ces peuples
généreux qui redemandent leur légitime souverain et
père ;
Pour empêcher l'effusion de sang en dirigeant le
mouvement national ;
Pour empêcher les vengeances privées qui
pourraient conduire à de funestes conséquences,
M. le général Borgès ira dans les
Calabres pour y proclamer l'autorité du roi légitime
François II.
En conséquence, il observera les instructions
suivantes, qu'il modifiera, bien entendu, suivant les circonstances et
d'après la prudence ; car il est impossible de donner des
règles fixes, mais seulement les principes généraux qui
règlent sa conduite :
1° Après avoir réuni le plus grand nombre
d'hommes qu'il pourra, en raison des moyens qui lui seront fournis, M. le
général s'embarquera pour se rendre à un point de
débarquement sur les côtes de Calabre qui peut offrir le moins de
dangers et d'obstacles.
2° A peine aura-t-on gagné un point quelconque,
et après avoir pris les précautions militaires les plus
convenables, il y établira le pouvoir militaire du roi François
II avec son drapeau. Il nommera le syndic, les adjoints, les décurions
et la garde civique. Il choisira toujours les hommes d'un complet
dévouement à la religion et au roi, en évitant
soigneusement les individus qui, sous un semblant de dévouement, ne
veulent qu'en profiter pour satisfaire leurs haines et leurs vengeances
privées, chose qui, en tous les temps, a attiré une
spéciale attention du gouvernement, à cause de la fierté
de ces populations.
3° Le général proclamera le retour au
drapeau de tous les soldats qui n'ont pas encore fini leur temps, et de ceux
qui voudront servir volontairement leur bien-aimé souverain et
père. Il aura soin de partager en deux sections les soldats :
1° ceux qui appartenaient aux deux bataillons de chasseurs ; 2°
ceux des régiments de ligne et autres corps.
Leur nombre augmentant, il en formera les cadres des
différentes armes : artillerie, sapeurs, infanterie de ligne,
gendarmerie et cavalerie. Il aura soin de ne pas admettre d'anciens officiers,
au sujet desquels il recevra des ordres particuliers. Il donnera le
commandement des différents corps aux officiers étrangers qui
l'accompagnent ; il choisira un officier capable et honnête qui sera
commissaire de guerre, et successivement des officiers administratifs et
sanitaires. Le général Clary enverra peu à peu des guides
de Bourbon, qui, quoique armés de carabines, serviront d'officiers
d'ordonnance et d'état-major. Les bataillons seront de quatre
compagnies ; la force augmentant, ils seront portés à huit.
L'organisation définitive de tous ces camps sera
fixée par Sa Majesté le roi.
Les bataillons prendront les noms suivants : 1°
Roi-François ; 2° Marie-Sophie ; 3° Prince-Louis,
4° Prince-Alphonse. Leur uniforme sera selon le modèle qu'enverra
le général Clary.
4° A peine il aura une force suffisante, il commencera
les opérations militaires.
5° Leur but étant la soumission des Calabres, ce
but sera atteint en obtenant cette soumission. Le général
Borgès fera connaître au général Clary tous ses
mouvements, le pays qu'il aura occupé militairement, les nominations de
fonctionnaires qu'il aura faites provisoirement, en réservant toujours
à la sanction du roi l'approbation, modification ou changement.
6° Il ne nommera pas les gouverneurs des
provinces ; car Sa Majesté, par le moyen du général
de Clary, enverra les personnes qui devront occuper cette haute position.
Le général s'empressera de reconstituer les
tribunaux ordinaires, en excluant les individus qui, sans donner leur
démission, ont passé (sic) au service de l'usurpateur.
M. le général Borjès pourra faire verser
à la caisse de son armée toutes les sommes dont il aura besoin,
en rédigeant chaque fois des procès-verbaux
réguliers ; il se servira de préférence :
1° des caisses publiques ; 2° des biens des corporations
morales ; 3° des propriétaires qui ont favorisé
l'usurpateur.
7° Il fera une proclamation dont il enverra copie au
général Clary, et promettra au nom du roi une amnistie
générale pour tous les délits politiques. Pour les
méfaits communs, ils seront déférés aux tribunaux.
Il fera comprendre que chacun est libre de penser à sa façon,
pourvu qu'il ne conspire point contre l'autorité du roi et contre sa
dynastie. Une proclamation imprimée sera envoyée par le
général Clary, pour être publiée à peine
débarqué en Calabre.
8° Afin d'éviter la confusion et les ordres
douteux, il reste bien établi, en principe, que le général
Borjès et tous ceux qui dépendent de lui n'obéiront qu'aux
ordres du général Clary, quand même d'autres pourraient
s'appuyer sur les ordres du roi. Ces ordres ne viendront que par le moyen du
général Clary. Les ordres que M. le général et ses
subordonnés ne devront pas suivre, même venant du
général Clary, sont seulement ceux qui tendraient à violer
les droits de notre auguste souverain et de notre auguste souveraine et sa
dynastie.
En ces temps-ci, au premier succès brillant, le
général Borjès se verra entouré de
généraux et d'officiers qui voudront servir ; il les
éloignera tous, car Sa Majesté lui enverra les officiers qu'elle
jugera dignes de revenir sous les drapeaux.
9° En Calabre, il doit exister plusieurs milliers de
fusils de munition (sic) ; M. le général Borjès les
fera rendre immédiatement au dépôt de Monteleone, et punira
sévèrement tout individu qui ne les livrerait pas dans un bref
délai.
La fonderie de Mongiana, les fabriques d'armes de Stilo et de
la Serra seront de suite mises en activité.
10° M. le général Borjès fera les
propositions pour les avancements et les décorations pour les individus
qui se distingueront dans la campagne.
11° Il aura les plus grands égards pour les
prisonniers, mais il ne leur donnera pas la liberté, et ne laissera pas
les officiers libres sur parole. Si un individu commet des insolences ou
offense les prisonniers ennemis, il sera jugé par un conseil de guerre
subitaneo et immédiatement fusillé.
M. le général Borjès n'admettra pas
d'excuses sous ce rapport ; cependant il se servira vis-à-vis des
Piémontais du droit de représailles.
12° Toute modification que l'urgence ou les diverses
circonstances feront apporter aux présentes instructions, sera
rapportée à M. le général de Clary.
Marseille, 5 juillet 1861.
G. Clary200(*). »
Bien entendu, il s'agit d'instructions couchées
très facilement sur le papier. La réalité à
affronter était toute autre. D'abord parce que les hommes voulant se
rallier à la cause des Bourbons ne se bousculaient pas. Borjès
notait, dans son Journal, combien il rêvait d'avoir sous ses
ordres ne serait-ce que 300 voire 400 hommes afin de combattre
dignement201(*). Parlant
des populations méridionales, il notait : « Ce monde-ci
veut son autonomie et son roi ; mais la crainte qu'on brûlera leurs
maisons et qu'on empoisonnera leurs femmes et leurs enfants les
retient202(*). » Ensuite, parce qu'une multitude
d'hommes, n'ayant pas reçu d'instructions officielles de la part de Sa
Majesté, mais qui exerçaient le brigandage depuis
déjà bien longtemps et pour leur compte, entravaient sa route.
Parmi eux, les célèbres Crocco203(*) et Nino Nanco204(*). Ceux-ci opéraient en Basilicate. Ils se
réunirent au général qui le leur demanda205(*), vers la fin du mois
d'octobre 1861. Une ou deux fois, comme le 25 octobre, près du bois de
Lagopesole, les troupes agirent de concert. Mais ce fut tout206(*). Crocco et Nanco
étaient bien trop indépendants que pour se laisser mener par un
étranger. Avec eux, on remarquait également Augustin Marie de
Langlais207(*), dont le
patronyme fut estropié dans tous les ouvrages du temps sous la forme de
« de Langlois ». Selon Borgès, celui-ci
« se donne comme général et agit en
imbécile208(*). » Face à ces personnages,
l'Espagnol n'eût plus qu'à reconnaître qu'il avait perdu
toute autorité sur ses hommes. « On m'a destitué assez
maladroitement, écrivait-il le 20 novembre209(*). » Borjès
prit alors la décision de rentrer à Rome, faire état de ce
qu'il avait pu voir sur le terrain. Il fut arrêté à
proximité de Tagliacozzo le 8 décembre 1861, et fusillé
quelques moments plus tard dans cette même ville, sur les ordres du major
Franchini210(*). Il fut
trahi par les empreintes laissées derrière lui dans la neige.
Cette mort fit grand bruit en Europe. Victor Hugo s'écriait :
« Le gouvernement italien fusille les royalistes211(*) ! »
Vers la même époque, on pouvait croiser, entre la
Terre de Labour et les Abruzzes, un Autrichien du nom de Ludwig Richard von
Zimmermann212(*). Ses
hommes l'appelaient « il tedesco » ou le
« conte Luigi Ricardo ». Zimmermann était parti pour
l'Italie à la moitié de 1861, muni d'un passeport suisse. Il
arriva à Rome le 28 août et se mit aussitôt à la
disposition des souverains François et Marie-Sophie. Ceux-ci
l'envoyèrent s'unir à la bande de Chiavone en qualité
d'officier. Il confiait, dans ses mémoires, qu'il
n'était pas venu se battre pour la cause légitimiste. A ce moment
de sa vie, il n'avait aucune pensée politique précise. Par
ailleurs, il ne s'agissait pas non plus de défendre le
Saint-Siège : Zimmermann était protestant et ses
écrits regorgent de critiques à l'égard des prêtres.
La fièvre romantique qui habitait bien des esprits se lançant
dans une telle aventure ne l'affectait que très peu. Sa motivation
principale fut finalement une sorte d'élan du coeur, d'envie d'aider ces
malheureuses populations du sud, motivée par sa passion de la
guerre213(*). Zimmermann
était un proche ami du comte Edwin dans lequel il se reconnaissait. Il
lui dédia d'ailleurs ses mémoires ainsi qu'un long
poème.
Au commencement du mois de septembre 1861, Zimmermann
rencontrait Chiavone et lui montrait ses décrets royaux. Il devait
s'unir à lui afin de combattre l'envahisseur. Chiavone refusa
évidemment cette alliance. Il tedesco s'en retourna alors
à Rome, auprès du nouveau chef d'armée que le roi venait
de nommer : Cathelineau. Etait également présent dans la
Dominante, un Français, Henri Arnous de Rivière214(*), militaire de
carrière. Il avait quitté l'armée, pour laquelle il avait
beaucoup combattu à l'étranger : en Perse, en Turquie ou
encore en Afrique, raconte Saint-Jorioz. Les généraux napolitains
décidèrent alors que Kalkreuth et Zimmermann seraient
affectés, en tant que lieutenants-colonels, à la troupe d'Henri
de Rivière. Peu après, on assista, une fois de plus, à une
tentative d'union aux chiavonistes. Rivière alla trouver le chef de
bande à la frontière des Etats pontificaux le 19 octobre.
Chiavone se voulait toujours plus préoccupé par ses uniformes et
ses proclamations grandiloquentes que par le combat.
Dégoûté de ce « métier » de chef
de bande, le Français s'en retourna à Rome où il fut
arrêté sur les ordres de la police de la ville en novembre
1861215(*). A-t-il
été directement relâché, ou a-t-il purgé une
peine quelconque ? Nous n'en savons rien.
Zimmermann n'abandonnait pas, pour sa part, l'idée de
se battre. Aidé de l'Irlandais O'Keef, il s'attaqua aux troupes de la
garde nationale le 05 novembre, au lieu dit Lanterra. Les brigands
occupèrent Castellucio.
Les dernières actions de Chiavone prirent place
à la fin de l'automne. Il assaillait toujours la ville de Sora et ses
alentours. Le 11 novembre 1861, une partie de ses hommes se fit prendre lors de
l'assaut donné sur San Giovanni Incarico. 53 d'entre eux furent
fusillés. Parmi ceux-ci, un jeune marquis belge de nom d'Alfred de
Trazegnies d'Ittre. Nous parlerons en détail de cette expédition
du 11 novembre dans le chapitre se rapportant au marquis.
Fin du mois de novembre 1861, Cathelineau rentrait de son
périple en Autriche. A nouveau, le roi lui fit miroiter une
éventuelle expédition dans ses anciens Etats. Lors de ses
entretiens avec le Vendéen, il se serait exclamé :
« Oui, je veux rentrer dans mes Etats, je veux retourner à
Naples pour sauver l'Eglise, pour combattre la révolution ;
trouvez-moi 3000 hommes pour le 15 février et, non seulement je vous
donne un prince, mais je marche à votre tête216(*). » Nouveau
revirement : il n'était plus question d'un quelconque
départ... Ne sachant plus que dire, Cathelineau expliquait que, selon
lui, si l'on attendait encore six mois avant d'intervenir, ce ne serait alors
plus possible du tout. C'était donc maintenant ou jamais. Cathelineau
demanda alors un congé pour s'occuper de ses affaires de famille. Le roi
se dit particulièrement chagriné. Pour le retenir, il
l'intégra dans une Commission composée du duc de Popoli et du
général de Clary, qui comme lui, « aiment le drapeau
blanc217(*) » ! Il s'agissait de s'unir dans la
formation d'un petit corps d'armée que conduirait le roi. Clary se
chargeait des affaires militaires, le duc de Popoli correspondait directement
avec le roi tandis que Cathelineau se chargeait de raviver les relations avec
la France et les pays étrangers.
Pour ce dernier, le seul moyen de se « tirer
d'embarras » consistait à intéresser en la faveur du
roi les « gens d'argent et les hommes
généreux218(*). » Il fallait rassembler des capitaux,
faire des emprunts. Selon Cathelineau, la Commission d'action pensait comme
lui : on devait le munir de lettres du roi afin de traiter avec les
puissances favorables à sa cause. Dans le même temps, Cathelineau
entretenait une correspondance avec monsieur des Dorides, parti pour Paris fin
février 1862, pour remettre en route les comités napolitains dont
l'activité laissait à désirer219(*). Ses instructions
étaient doubles. Il devait d'une part « s'assurer du concours
du comité légitimiste de Paris, donnant son adhésion
à la Commission d'action », d'autre part, savoir
« s'il marcherait d'accord avec elle dans toutes les questions
d'ordre politique ou militaire qui lui seraient soumises, et s'il ferait tous
ses efforts pour l'éclairer sur l'opinion publique, et sur les moyens
d'obtenir des fonds soit à Paris, soit en province220(*). »
Dans le compte-rendu de son voyage, des Dorides expliquait
qu'il avait dû essuyer un grand nombre de reproches de la part des
partisans du roi en ce qui concernait la première instruction. Mais,
finalement, ils se rallièrent à lui. Par contre, au sujet de la
seconde proposition qui leur était faite, « ils ne voulaient
pas comprendre que l'ordre de l'Etat, c'est l'hérédité
légitime. » Pour lui, l'échec de ses démarches
trouve sa cause majeure dans l'absence du roi221(*). On voulait le voir et l'entendre s'exprimer
fermement sur ses souhaits pour le futur. On n'avait droit qu'à des
agents sans épaisseur.
Quoi qu'il en soit, toutes ces démarches furent, une
fois de plus, inutiles ! Les lettres réclamées par
Cathelineau n'arrivaient pas. De plus, « les jours
s'écoulaient et les hommes, au lieu de se réunir pour travailler
avec ardeur au salut de la plus belle des causes, ne faisaient que se
déchirer mutuellement. » Le 21 mars, le duc de Popoli avait le
culot d'annoncer à Cathelineau, de la part de Sa Majesté
sicilienne : « il est tard et les fonds n'arrivant pas, je prie
Cathelineau de vouloir bien partir, afin de réunir au moins des 120 000
francs indispensables pour l'expédition. Mais je voudrais qu'il se
hâte de revenir, et je trouve bien long les trois semaines qu'il demande
pour son voyage222(*). » Cathelineau allait remettre ses adieux
au roi quand celui-ci le pria de tenter « un dernier
effort. » Le 25 du mois, il reçut enfin les lettres tant
réclamées. Puis il partit demander l'aide du comte de Chambord. A
son retour cependant, les grands généraux napolitains avaient
été arrêtés par le gouvernement français. Le
projet fut définitivement abandonné et Cathelineau rentra dans
son pays natal223(*).
Pendant ce temps, un nouveau personnage d'envergure
était placé à la tête d'une bande. Il s'agissait
d'une connaissance de José Borjès : l'espagnol Rafael
Tristany. Il accompagnait le duc de Modène dans sa retraite à
Mantoue en 1859. Un an plus tard, il proposait son aide à
François II. Ce dernier l'envoya en mission à Naples à
deux reprises avant de le nommer maréchal de camp, le 05 février.
Tristany partait ensuite pour la frontière afin d'évaluer le
potentiel militaire de la bande de Chiavone. Le but était d'organiser
une offensive depuis le début des Abruzzes et qui se terminerait
à Sora. L'espagnol vit de suite que les troupes étaient
complètement désorganisées et indisciplinées. Il
retourna à Rome rendre des comptes, emportant avec lui Kalkreuth, qu'il
fit son chef d'état-major général. A plusieurs reprises,
Zimmermann se réunit à Tristany, avant de quitter les troupes en
juillet 1862 pour Rome. Il rejoint l'Autriche trois mois plus tard.
En mai 1862, Tristany rejoignait de nouveau Chiavone pour
prendre son poste. Chiavone fit mine de ne pas comprendre. Il désarma le
comte Edwin von Kalkreuth et ses hommes, dont nous avons déjà
parlé. Cependant, en juin, Tristany réunissait un Conseil de
guerre, présidé par Zimmermann, afin de juger Chiavone pour ce
méfait. Il l'accusait par ailleurs de complot contre sa
personne224(*). Le
général en chef de Sa Majesté le roi François
était fusillé le 28 juin 1862 près de Trisulti.
Bien que mal nourris et épuisés, les hommes de
Tristany se battirent vaillamment le 04 août à Pastena, le 31
à Castelnuovo et le 07 septembre à San Vincenzo. La situation se
compliqua encore à l'arrivée de l'hiver et bien des hommes, dont
Zimmermann, quittèrent la bande dont le quartier général
avait pris place à Monte Corvo. L'Espagnol maintint malgré tout
ensemble une trentaine d'hommes jusqu'au début de l'année 1863
quand, arrêté par les autorités françaises, il fut
expédié en exil en France. La fin du brigandage
légitimiste se signait ici225(*).
Sans aucun doute, l'insuccès des troupes de brigands
contre le nouveau pouvoir trouva-t-il ses racines et dans les conflits internes
qui régnaient parmi eux, et dans l'incertitude qui rongeait en
permanence l'ex-souverain des Deux-Siciles.
L'évolution du brigandage et sa
répression226(*).
Permettons-nous de dire encore un mot de ce que fut le destin
des brigands, traqués par l'autorité piémontaise. Tout le
Mezzogiorno fut touché profondément jusqu'en 1865. Pas moins de
120 000 soldats durent être envoyés sur place, soit environ deux
cinquièmes des effectifs totaux de l'armée. La
sévérité avec laquelle on réprima le brigandage fut
sans égale. Elle varia en fonction du personnage qui se trouvait
à la tête des provinces.
Dès la fin d'octobre 1860, les généraux
Cialdini et Pinelli décrétaient que les personnages opposant une
quelconque résistance au nouveau royaume devaient être
fusillés. Fanti instaura des tribunaux militaires spéciaux aux
compétences illimitées. A ce moment commencèrent les
massacres de prisonniers, comme à Scurgola, en janvier 1861. Le nombre
de fusillés fut tel que le général Della Rocca, commandant
en chef à Naples, pria ses hommes de ne plus fusiller que les chefs de
bandes. Dès lors, le nombre de chefs se multiplia... et les
exécutions continuèrent pareillement.
La garde nationale constituait une intéressante
ressource dans la lutte contre les brigands. L'armée manquait non
seulement d'effectifs mais aussi d'armes. Le 05 avril 1861, on distribua 61 168
fusils -provenant en majorité des hommes de Garibaldi qu'on avait
désarmés sans ouï-dire. Cela ne suffisait toujours pas.
L'arrivée du général Cialdini comme lieutenant et chef du
6e commandement de l'armée allait marquer les premiers
progrès dans la suppression du mouvement. Il s'en prit aux personnages
qui étaient les véritables propagateurs : les aristocrates
toujours fidèles aux Bourbons et le Clergé. Ainsi fut
arrêté et expulsé du royaume l'archevêque de Naples,
Riario Sforza. Cialdini proclama l'enrôlement en masse de gardes
nationales mobiles, donnant sa préférence aux anciens volontaires
garibaldiens. Il fut entendu : fin 1861, il y avait encore 15 000 à
20 000 gardes nationaux en fonction. Par ailleurs, il pensait que le nombre de
soldats officiels devait, lui aussi être largement accru. Aussitôt
dit, aussitôt fait : quand il céda son commandement à
Lamarmora en octobre 1861, ce dernier pouvait se targuer du commandement de 50
000 hommes ! Ce chiffre ira grandissant jusqu'en 1864 où, nous
l'avons dit, il atteindra les 120 000 individus. Cialdini mena une guerre
défensive, toujours prêt à intervenir là où
les brigands se trouvaient. Il fractionna le territoire du Sud et mit, à
la tête de chaque section, un général. Govone227(*) se trouvait à la
frontière pontificale, Pinelli en terre de Labour, Villarey en Molise,
Franzini s'occupait de la Basilicate. Les efforts de Cialdini
payèrent : il était parvenu à empêcher un
soulèvement général. Certaines exagérations
étaient à noter. On vit fusiller des personnes qui transportaient
du pain parce qu'on pouvait penser qu'elles s'en allaient nourrir des
brigands...228(*)
Cependant, le brigandage n'était pas enrayé. Il venait en fait de
changer de couleur en cessant d'être politique à partir de
septembre 1861. Nous avons évoqué le cas de José
Borjès et de sa fin tragique. On s'est parfaitement rendu compte
qu'à cette époque, les chefs de bandes n'avaient plus aucune
ambition légitimiste.
Après Aspromonte, Lamarmora prenait ses quartiers
à Naples comme préfet et commandant du 6e corps de
l'armée. Il maintint plus ou moins les dispositions qui avaient
été prises par son prédécesseur. Il choisit
cependant d'attendre un certain temps, de concentrer au maximum ses troupes et
d'attaquer enfin un grand coup. Cette stratégie fut jugée comme
trop passive et on critiqua sa politique par le terme de «
il lamarmorismo ». Il perdit de son crédit auprès
de la bourgeoisie agraire qui résidait dans les campagnes et pour
laquelle le brigandage était une réalité quotidienne. Il
étendit, à tout le Mezzogiorno, l'état de siège qui
ne touchait encore que la Sicile. Cet état incluait la suppression du
droit de réunion et d'association, la censure de tous les journaux non
gouvernementaux, la censure des communications postales et
télégraphiques et enfin l'arrestation de nombreux
démocrates dont deux députés de la gauche parlementaire.
Il voulait par là instaurer une dictature militaire. Il ordonna le
désarmement des gardes nationales. En finale, cela ne fit
qu'accroître le trouble dans lequel étaient plongées les
provinces. A présent, le gouvernement ne pouvait même plus compter
sur l'appui des classes libérales. Et ces efforts furent en quelque
sorte vains puisque les premiers mois de 1862 virent une forte recrudescence du
brigandage. S'entama alors une nouvelle phase d'exécutions sommaires
contre les proches des brigands et tous les suspects.
Vers cette époque, la gauche parlementaire eut
l'idée d'instaurer une commission d'enquête pour la
répression du brigandage229(*). Celle-ci eut un effet bénéfique. Les
députés en charge de l'enquête se rendirent dans les
recoins des provinces du Sud et reçurent des masses impressionnantes de
propositions de la part des syndics, gardes nationales, etc. La Commission
attira surtout l'attention sur les problèmes économiques et
sociaux comme éléments moteurs du brigandage méridional.
A partir de 1863, on travailla à rendre la police plus
efficace. Mais ce n'était pas assez : les bandes
proliféraient. Des chefs comme Crocco étendaient leur
autorité sur pas moins d'une quarantaine de groupes
différents ! On pensa alors à instaurer une
législation exceptionnelle. A l'été (15 août), la
loi « Pica » confirmait que les tribunaux militaires
(installés à Potenza, Foggia, Avellino, Caserta, Campobasso,
Gaeta, L'Aquila, Cosenza, Bari, Catanzaro, Chieti et Salerno) ne pouvaient
infliger que la peine de mort aux brigands. En cas de circonstances
atténuantes, on pouvait toutefois réduire -question de point de
vue- cette peine à la prison à perpétuité... Des
commissions provinciales imposaient aux suspects de demeurer à domicile.
Ces commissions restèrent en place jusqu'à l'automne 1864 tandis
que les tribunaux militaires étaient supprimés l'année
suivante. La dureté de cette loi suscita bien des interpellations.
Enfin on remplaça Lamarmora par Pallavicini. Celui-ci
se montra très énergique et compétent. Avec lui, le grand
brigandage n'allait plus être qu'un mauvais souvenir, en à peine
un an (automne 1863-automne 1864). A l'automne 1863, il mit la main sur le
brigand Caruso et ses collaborateurs, ce qui libérait le
Bénévent, le Molise et la Capitanata. Durant l'hiver 1863-1864,
il isola la bande de Crocco dans le Melfese, tandis que ses comparses comme
Nino Nanco trouvèrent la mort. Enfin, entre le printemps et
l'été 1864, Pallavicini écrasait Crocco. D'autres grands
chefs comme Schiavone, Masini,... étaient morts.
Le brigandage n'était pas totalement
éradiqué. Il y eut bien quelques soubresauts, notamment en 1868.
Mais, deux ans plus tard, il n'était plus.
Nous avons écrit que la répression avait
été d'une rare violence. Donnons-en ici un court aperçu.
Précisons d'abord qu'il fallait agir en toute
discrétion. Il est évident qu'un nouvel état dont la
plupart des puissances venait d'accepter l'existence, ne pouvait que jeter un
voile pudique sur ce qui se passait dans ses provinces du Sud. Comme
l'écrivait le comte Vimercati, ancien envoyé personnel de Cavour
à Paris, à Ricasoli, « Fusillez, mais point de
tapage230(*). » Des villages entiers furent
rasés afin d'intimider les populations. Sans compter le nombre
d'exécutions sommaires : vers 1863, plus de 1000 hors-la-loi
avaient été fusillés sommairement, 2413 avaient
été tués au combat et plus de 2750 faits
prisonniers ! Franco Molfese a étudié les chiffres
officiels. Du premier juin 1861 au 31 décembre 1865, 13 853 brigands
furent mis hors d'état de nuire. 5212 d'entre eux avaient
été tués au combat ou fusillés, 5046
arrêtés, 3597 s'étaient constitués prisonniers de
leur propre chef. Ces chiffres ne tiennent cependant pas compte des premiers et
des derniers mois de la répression. D'autres données officielles
donnent des chiffres encore plus effroyables : du mois de janvier 1861 au
mois d'avril 1863, 3500 brigands auraient trouvé la mort. Parmi eux,
2500 seraient morts au combat et 1000 auraient été
fusillés231(*).
Au total, on peut compter sur une dizaine de milliers de brigands tués.
En ce qui concerne la période où Alfred de
Trazegnies trouva la mort, Alessandro Bianco di Saint Jorioz donne les chiffres
qui suivent. Pour le second semestre 1861, 46 brigands auraient
été fusillés, 109 seraient morts au combat, 120 auraient
été arrêtés tandis que 106 se seraient rendus. Cela
porte leur nombre à 381. Pour l'année 1862, ces chiffres
deviennent respectivement : 45, 61, 88 et 135. Le total des hommes perdus
s'élevait alors à 329232(*). Bien entendu, il faut les prendre en compte avec
précaution, nous ne savons pas où il a puisé ces
données. Peut-être avait-il accès aux sources officielles
en tant qu'ancien soldat ? Ce qui nous intéresse ici est simplement
de montrer combien le second semestre de 1861 fut meurtrier pour le
brigandage.
Les forces chargées de réprimer le mouvement
avaient, pour leur part, perdu autant d'hommes que dans l'ensemble des guerres
du Risorgimento ! Dans cette même année 1863, les brigands
commettaient, dans la région de Melfi seule, 432 meurtres, 454
chantages, 73 assauts de courriers. 11000 têtes de bétail avaient
disparu.
En ce qui concerne la méthode d'arrestation, on ne se
posa guère de questions : tous les proches des brigands
étaient mis sous les verrous. Les parents étaient
arrêtés, quelquefois jusqu'au troisième degré !
5. L'affaire du marquis de Trazegnies.
L'héritage d'une famille.
La famille est originaire non pas du Namurois, comme on
pourrait le supposer, mais du Brabant. Sous l'Ancien Régime, la terre
des seigneurs de Trazegnies constituait une marche entre les pays de Hainaut,
de Brabant, de Liège et de Namur, sous la forme d'un territoire neutre.
Au niveau de son administration diocésaine et de la juridiction,
Trazegnies relevait de la principauté de Liège. Depuis l'an 1135
et durant les trois siècles suivants, les Trazegnies servirent les
comtes de Hainaut. A de nombreuses reprises, les ducs de Brabant
tentèrent de mettre la famille à leur service et surtout
d'absorber leur territoire. Les Trazegnies résistèrent longtemps
à ces velléités, s'accrochant à leur ancestrale
neutralité. Dès la fin du XVe siècle, il parut de plus en
plus difficile de conserver un territoire tel que le leur, totalement
détaché du souverain du pays. C'est pourquoi, à partir de
Maximilien Ier, les Trazegnies se lièrent aux archiducs d'Autriche et
aux rois d'Espagne, souverains des Pays-Bas. En 1614, Trazegnies reçut
des archiducs le titre de marquisat. Du XVIIe siècle à la fin de
l'Ancien Régime, Trazegnies fut une terre franche en Brabant. Cette
situation offrait certains privilèges aux habitants mais obligeait le
marquis à cotiser tandis que le Brabant y envoyait patrouiller ses
soldats233(*).
La généalogie de la famille est très
complexe. Retenons-en les grands événements. En 1418, Anseau de
Trazegnies et de Silly s'éteignait, ne laissant qu'une fille, Anne.
Celle-ci épousa le Liégeois Arnoul de Hamal. Ils eurent plusieurs
enfants dont Anseau, qui hérita des domaines en provenance de sa
mère. Ses descendants se firent appeler, encore durant deux
générations, de Hamal de Trazegnies. Après quoi, le nom
patronymique de Hamal fut négligé. La descendance des Trazegnies
fut assurée. La branche des Trazegnies d'Ittre naquit au XVIIIe
siècle, par le mariage, le 07 octobre 1769, d'Eugène Gillion
Alexis Ghislain, marquis de Trazegnies et de Marie Victoire Dominique
François Xavière de Rifflart, marquise héritière
d'Ittre.
Tandis que la branche aînée de la famille
s'éteignait en 1862, à la mort du célibataire Alexandre
Gillion de Trazegnies, le rameau d'Ittre procréait234(*). Eugène et Marie
eurent 4 enfants, dont Gillion Charles Joseph Henri Thérèse
Eugène. Celui-ci épousait, en 1803, la comtesse de Nassau,
Amélie Constance Marie. Le marquis y gagna le château de Corroy,
dans la famille de Nassau depuis XVIe siècle235(*). De cette union virent le
jour six enfants, parmi lesquels le père d'Alfred de Trazegnies
d'Ittre : Charles Constant Gillion Jospeh, né en 1804 à
Bruxelles ainsi que sa soeur, Euphrasie, future madame de Thysebaert, dont nous
reparlerons. Charles épousa une jeune femme dont le père, Charles
Philippe Joseph de Romrée (1760-1820), était maréchal de
camp au service de la couronne espagnole236(*). Elle se prénommait Raphaëlle et, au
moment du mariage (03 octobre 1825), était orpheline.
Charles et Raphaëlle eurent à leur tour plusieurs
enfants. Il y eut Félix-Gillion, mort quelques jours après sa
naissance (1826). Suivirent Edouard (1827-1829), Herminie (1829-1910), Alfred
(1832-1861), Théodore (1837-1854), mort de tuberculose à 17 ans
et Edouard (1839-1910). L'entourage de Charles s'installa définitivement
à Corroy-le-Château à la mort du vieux Gillion de
Trazegnies (1847), ce personnage qui dilapida une partie de sa fortune au
profit de dames peu recommandables. On opéra à cette occasion de
grands travaux de rénovation, dont la bastide avait bien
besoin237(*). En annexe,
vous pouvez voir une prise de vue de la maison familiale.
Corroy-le-Château est une petite bourgade située
en province de Namur. Au XIXe siècle, elle comptait environ 800
habitants dont 300 d'entre eux vivaient de la culture de la terre. Olivier de
Trazegnies donne une parfaite description de l'endroit vers le milieu de ce
siècle : « L'agriculture était prospère,
car le village se trouvait comme aujourd'hui à l'extrémité
du plateau hesbignon, mais les terres étaient morcelées et les
gens pauvres. Il n'y avait dans le bourg que deux bâtiments recouverts
d'ardoises : le château et l'église. Les autres maisons
alignaient leurs humbles toits de chaume dans un paysage bocager. (...) Les
gens étaient d'autant plus superstitieux que la masse redoutable du
château, séparé du village par une digue qui traversait le
marais, permettait aux âmes simples d'imaginer les plus sinistres
légendes. Pour conjurer les mauvais esprits, certaines personnes
allaient déposer sur l'eau sombre de petites nacelles d'écorce
où brillait une bougie allumée. (...) Les curés de Corroy
étaient généralement des gens instruits, plus proches du
châtelain que du cultivateur. Henri Brosius faisait des vers
(exécrables, bien entendu), cependant que l'abbé Doyen, bachelier
en théologie et membre de la société littéraire de
l'Université de Louvain, prononçait des oraisons funèbres
incompréhensibles pour qui n'avait pas lu Bossuet238(*). »
Charles de Trazegnies d'Ittre, qui régnait sur environ
1000 hectares de terres, fut bourgmestre de Corroy-le-Château durant plus
de 40 ans239(*). Selon
la presse du temps, il était détenteur d'une fortune de 300 000
francs de rente. Il s'intéressait à l'industrie puisque, en 1841,
on créa sur le terrain appelé « la baraque
Tricot » et appartenant à son père, une
poudrière. Cet établissement qu'il co-gérait,
préparait différentes sortes de poudres utilisées par les
fusils, canons,... Endommagée en 1860 par une explosion, elle ferma ses
portes quatre années plus tard240(*).
A Rome.
Quelques temps avant son départ, vers le 12 septembre,
Alfred de Trazegnies demandait une entrevue à monseigneur de Montpellier
afin d'obtenir sa bénédiction avant de rejoindre les troupes du
roi de Naples. L'évêque de Liège le reçut
directement et combattit dans un premier temps cette idée saugrenue.
Puis, Alfred lui donna « de si bonnes et de si honorables
raisons » de s'éloigner, qu'il finit par lui promettre
d'intervenir en sa faveur auprès de la curie romaine241(*).
Le 10 octobre 1861, Alfred quittait effectivement la maison
familiale pour Rome242(*). Il détaille lui-même son séjour
à la comtesse de Romrée dans une missive de huit jours
postérieure à son départ. Il se dit en parfaite
santé et son voyage s'est parfaitement bien passé. Cependant,
« Rome est une des villes les plus ennuyeuses à habiter, qu'il
y ait au monde. Un tas de petites rues qui ne sont pas éclairées,
pleines d'ordures et désertes pour la plupart : à tout
moment une fenêtre s'ouvre, et si vous n'avez pas de bonnes jambes, vous
recevez sur la tête le contenu de toute espèce de vase.
Jusqu'à présent, j'ai eu de bonnes jambes heureusement. (...) En
un mot, je voyage depuis mon départ de désillusions en
désillusions. Je ne veux pas pourtant que vous pensiez, que c'est de
parti pris, que je trouve tout si laid. Il y a de fort belles choses ;
mais on voit un Palais magnifique, dans une rue étroite et sale :
quelques belles maisons, puis un quartier tout entier où la
totalité des chemises de la population pend aux fenêtres. En un
mot, c'est je pense le cas ici d'employer le mot de tohu-bohu243(*). » Alfred termine
en précisant qu'il sera de retour à Corroy aussi vite que
possible. Il réside Place de la Minerve, dans le grand hôtel
éponyme, où le Vatican retenait habituellement des chambres
à ces « soldats de Dieu », venus des quatre coins de
l'Europe pour gonfler les maigres rangs des zouaves pontificaux censés
tenir tête aux ambitions annexionnistes de Cavour. Cet
établissement se compte encore aujourd'hui parmi les hôtels de
grand luxe de la Ville éternelle.
Lors de son passage à Rome, A. Sébastien
Kauffmann signalait qu'une mesure était en cours d'application dans la
ville. Elle se voulait si « étrange, si en dehors des
habitudes des autres pays, que l'on se demande si ces gens-là ont tout
à fait perdu la raison, s'ils agissent sous l'empire d'un cauchemar, ou
s'ils ont un but secret, inconnu du vulgaire, et, dans ce cas, où ils
veulent en arriver244(*). » Selon Kauffmann, il s'agit de supprimer
toutes les insignes des commerces rédigées en français,
afin de montrer à quel point la domination du corps
expéditionnaire n'a aucune espèce d'importance. Or, le
propriétaire de l'Hôtel de la Minerve, établissement connu
des voyageurs français « pour être le rendez-vous des
légitimistes, des papalins les plus ardents », a
été averti de l'obligation de se conformer à cette mesure,
ce que son propriétaire a refusé à deux reprises. Son
enseigne fut arrachée et l'hôtelier condamné à payer
une amende. Il a eu recours à un certain monsieur de Sartiges afin de
n'y être pas soumis mais ce fut un échec. Finalement,
l'édit municipal accorda aux établissements d'avoir une enseigne
française répétant l'enseigne italienne. Ainsi, en
novembre 1861, l'Hôtel de la Minerve possédait deux
intitulés. Cet incident banal montre l'attitude des Romains
vis-à-vis de l'occupant.
Dans une lettre de quelques jours postérieure à
la première, le jeune homme prend des nouvelles de la santé de
son père et lui apprend que le chanoine de Woelmont lui a
présenté Son Excellence monseigneur de Merode, Ministre des Armes
de Pie IX, qui a été pour lui « on ne peut plus
aimable245(*). »
Peu connu, le chanoine de Woelmont fut sans doute une des
figures belges les plus importantes du Vatican des années 1860, avec son
compatriote et très proche ami de Merode. Provenant du Namurois, il
était une excellente connaissance de la famille de Trazegnies et,
surtout, ami d'Alfred depuis 1843246(*). Il naquit à Namur le premier septembre 1824
et grandit au château d'Hambraine. Enfant, il était atteint d'un
mal que les médecins jugèrent incurable mais il guérit
miraculeusement. Déjà, sa destinée était
tracée : il consacrerait sa vie au chevet des malades et en
mourrait à 46 ans à peine. C'est avec monseigneur de Merode que
l'ecclésiastique prodigua ses soins aux blessés des champs de
bataille lors de la République romaine. Lorsqu'en 1849 la fièvre
et le typhus décimaient l'armée française à Civita
Vecchia, Edouard se dévoua une fois de plus nuit et jour au soin des
malades peuplant les hôpitaux. Six semaines plus tard, il était
lui-même atteint par la maladie et les derniers sacrements lui
étaient administrés. Son frère Ferdinand le ramena en
Belgique. Edouard guérit et, pour le récompenser de sa bravoure,
monseigneur de Hesselle, évêque de Namur, le nomma chanoine.
En décembre 1849, monseigneur de Montpellier
l'ordonnait prêtre. Il passa alors quelques années à Namur
puis se rendit au Proche-Orient où, suite à la guerre de
Crimée, le typhus et d'autres fièvres dévastaient les
populations. Nommé aumônier en chef, il se dévouait nuit et
jour, ce qui lui valut d'être décoré de la Légion
d'honneur par Napoléon III. De retour en Italie, il soignait les
victimes du tremblement de terre napolitain qui fit des milliers de victimes en
1857. Deux ans plus tard, les guerres franco-autrichiennes le poussaient une
fois encore à se dévouer pour les blessés. De retour
à Namur dans la seconde moitié du mois de mars 1860, Woelmont
rencontrait son ami Merode qui lui confiait ses préoccupations quant aux
dangers que représentaient les Piémontais. Revenu à Rome,
le chanoine était accueilli par le Saint Père qui
s'exclamait : « voilà l'aumônier magnifique !
Ce n'était pas une parole en l'air, écrivait Woelmont, car j'ai
reçu ma nomination d'aumônier honoraire de toutes les troupes
pontificales, ce qui me donne juridiction sur dix mille personnes. On m'a
spécialement attaché au corps franco-belge. J'ai deux cent
cinquante malades à visiter tous les jours. Dans les moments de
répit, je travaille à organiser deux petites oeuvres, un cabinet
de lecture et une infirmerie. Nos braves jeunes gens ont une certaine horreur
de l'hôpital. Nous n'y enverrons plus que les cas les plus graves et nous
soignerons en famille les indispositions passagères247(*). » Dans cette
fonction, il se distingua au combat de Corèze (1861) et à Mentana
(1867). Entre-temps, il était de retour à Namur en 1866 et
apportait son aide aux malades atteints par l'épidémie de
choléra. Pie IX le nommait Camérier. Il s'éteignait
finalement le 16 juillet 1870, atteint d'une altération du
sang248(*).
Pour savoir comment Alfred est entré en contact avec le
roi François, il faut se reporter aux dires de l'abbé Bryan Y
Livermore, reproduits par son ami de l'Académie Pontificale
Ecclésiastique, Edmond de Moreau d'Andoy, originaire du pays de Namur.
Présentons ces deux personnages primordiaux dans le séjour romain
du jeune homme.
Précisons avant toute chose qu'ils sont membres d'une
importante institution romaine, l'Académie des nobles
ecclésiastiques249(*). Cette académie fut fondée en 1701 par
l'abbé Pierre Garagni. Elle fut primitivement appelée
Académie des Nobles ecclésiastiques et implantée dans le
Palais Gabrielli à Monte Giordano. Le pape Clément XI la
déplaça vers l'ancien Palais Severoli, place de la Minerve,
qu'elle occupe toujours actuellement. Selon un nouveau règlement
élaboré par Pie IX, qui la remettait en marche suite aux troubles
provoqués par la République romaine, elle devait désormais
« former les jeunes ecclésiastiques ou pour le service
diplomatique du Saint-Siège, ou pour le service administratif dans la
Curie ou dans les Etats Pontificaux250(*). » Là se sont formés tous
les grands hommes de la Curie romaine : les Consalvi, les Antonelli et
plusieurs papes dont Pie IX et Léon XIII.
Le premier personnage cité se nomme Thomas Bryan Y
Livermore. Il n'était encore qu'un inconnu en 1861. Il sera cependant
évêque de Murcie-Carthagène entre 1885 et 1902. Il naquit
à Malaga d'une famille d'origine irlandaise et partit étudier
à Marseille. Il quitta la France pour l'Angleterre où il
étudia au collège Sainte-Marie d'Oscott, tout près de
Birmingham. Il devint ensuite ingénieur de l'Ecole Centrale de Paris. De
retour en Espagne suite au décès de ses parents, il obtenait le
baccalauréat à l'Université de Madrid et, en 1857, il
entrait au Séminaire de Malaga et fut ordonné prêtre. Il se
rendit dans un premier temps à Rome où il étudia à
l'Académie des Nobles Ecclésiastiques, dont il était le
910e membre, inscrit en 1859251(*). C'est durant cette période qu'il servit
d'intermédiaire entre la famille de Trazegnies et les autorités
piémontaises, notamment en ce qui concernait la restitution du corps
d'Alfred. Il continua ensuite ses études à l'Université
grégorienne. Six ans plus tard, on le retrouvait à Malaga
où il était devenu chanoine et enseignant du Séminaire
local. En novembre 1883, il était préconisé
évêque de Carthagène et était élu
Sénateur pour la province ecclésiastique de Grenade. Toute sa
carrière, il lutta contre les erreurs modernes. Beaucoup de ses lettres
pastorales furent reproduites dans la presse espagnole du temps et elles firent
couler beaucoup d'encre252(*).
Monsieur de Moreau d'Andoy était le 913e
membre inscrit à l'Académie Pontificale Ecclésiastique. Il
était, comme le laisse à penser sa correspondance, très
grand ami de monsieur Bryan ainsi que de la famille de Trazegnies,
étant, à leur image, originaire du Namurois. Quant au chanoine de
Woelmont, il notait lui-même que « nous avons ici (n.d.l.a. au
Vatican) M. Van den Berghe et M. l'abbé de Moreau dont la
société a un grand charme pour moi253(*). »
Voici un extrait de la missive de Bryan recopiée par
Moreau : « J'étais à Tivoli quand Alfred est
arrivé à Rome et ne m'ayant pas trouvé chez moi, il vint
me voir pour me demander la lettre de recommandation dans laquelle tu me disais
qu'il venait dans ce pays pour entrer dans les troupes pontificales ; mais
aussitôt que j'ai eu lu ma lettre, il me dit qu'il ne pensait nullement
à prendre du service à Rome parce qu'il ne goûtait pas trop
de faire la vie de caserne et parce qu'il croyait que si ces troupes devaient
jamais se battre, ce serait comme par le passé pour se faire
écraser par le nombre sans chance de succès. Il était au
contraire décidé à aller dans les calabres (sic) et il
désirait que je lui donnasse des renseignements là-dessus et
surtout sur le moyen d'y aller. Tu comprends combien j'étais peu
à même de le satisfaire car je ne sais que ce que m'apprennent les
journaux que je ne lis pas tous les jours. Il me demanda alors s'il y avait
moyen d'avoir une audience du roi de Naples, et je dus encore lui
répondre que je n'en savais rien mais que peut-être les autres
personnes pour qui tu lui avais donné des lettres pourraient lui
indiquer le moyen, quand je pensai à monseigneur de Cornulier qui se
trouvait à Rome et se vante, comme tu sais, d'être fort bien en
cour. Je lui donnai une lettre pour Cornulier et il repartit pour Rome,
où d'après ce que j'ai su il a eu son audience et il a pu
connaître les personnes qui pouvaient lui donner les renseignements qu'il
désirait254(*). »
Bryan précisait encore qu'Alfred lui avait rendu visite
à son domicile pour lui annoncer qu'il partirait prochainement se battre
dans les rangs d'un dénommé Chiavone. Il avait fait ensuite
préparer ses affaires avant de prendre définitivement la route
pour la montagne, le jeudi 7 novembre vers midi. Alfred partait dans
l'idée de ne jamais revenir. Il se confia au chanoine de Woelmont, le 6
novembre, dans les termes qui suivent : « Adieu, cher chanoine,
vous apprendrez probablement bientôt ma mort ; priez alors pour moi,
car je ne vous laisserai tranquille, que lorsque je serai en
Paradis...255(*) »
Nous savons peu de choses à propos de monseigneur de
Cornulier, si ce n'est qu'il était un important « directeur de
conscience » au Vatican. Il portait le titre de comte et provenait de
Nantes. Son adhésion à l'Académie Pontificale
Ecclésiastique datait de 1857. Il en était le 902e
membre inscrit256(*). Il
avait de bons rapports avec monseigneur Gallo, prêtre de la cour
napolitaine, ce qui lui permit d'obtenir rapidement l'audience
réclamée par le jeune Belge257(*).
Cette entrevue entre François II et le ressortissant
Belge ne dura sans doute pas plus d'une heure. Le témoignage montre bien
que les deux hommes ne s'étaient jamais rencontrés auparavant.
Etant donné que l'entrevue a dû avoir lieu aux alentours du 6
novembre, il paraît logique qu'aucune correspondance n'ait
été échangée entre les deux personnages jusqu'au 11
novembre, date de décès du marquis. C'est du moins ce qui ressort
de la consultation des papiers de François II conservés aux
Archives de l'Etat à Naples.
Nous avons déjà esquissé un portrait du
brigand Luigi Alonzi. Lors de l'arrivée du marquis de Trazegnies
à Rome, on peut considérer que sa bande s'organisait comme
suit :
Commandant en chef :
Général Luigi Alonzi, dit Chiavone ;
Etat Major :
Colonel Henri Arnous de Rivière ;
lieutenant-colonel comte Edwin Kalckreuth ; major Ludwig Richard
Zimmermann ; capitaine, adjudant-major Vincenzo Mattei ; Alfieri
Lecart e Danglais ; chirurgien Agostino Serio ;
Détachements :
Corps de guides sorane : un sergent, deux
caporaux, un trompettiste, 17 guides ;
1e compagnie : un capitaine, le
français Georges Villiers de l'Isle Adam ; un porte-drapeau,
Giovanni Mattei ; 67 hommes de grande expérience
militaire ;
2e compagnie : un capitaine, Antonio
Salvati ; 45 hommes étant en grande partie des volontaires
siciliens ;
3e compagnie : un lieutenant, Antonio
Teti et 51 hommes ;
4e compagnie : un capitaine allemand,
Heinrich Birnbaum ; un lieutenant irlandais O'Reef et 47 hommes ;
5e compagnie : un capitaine, ancien
officier de la garde royale, Pasquale Alonzo ; le lieutenant Giuseppe
Terracini et 60 hommes ;
6e compagnie : un capitaine, Giuseppe
Gallozza et 44 hommes, presque tous de la région de Molise ;
7e compagnie : un lieutenant
probablement suisse, Mignot ; un porte-drapeau, le français Bacault
ainsi que 45 hommes pratiquement tous issus des Abruzzes ;
8e compagnie : le capitaine Giuseppe
Conte ; le porte-drapeau Cappucci, napolitain de la Garde royale, ainsi
que 42 hommes ;
La troupe entière regroupant un total d'environ 430
hommes, parmi lesquels 20 officiers, un médecin, 59 sous-officiers et
caporaux, 7 trompettistes et 343 soldats258(*). Pour ce qui est de l'armement, les hommes peuvent
se reposer sur quatre canons de montagne, 220 bombes « à la
Orsini », 180 grenades et une forte quantité de fusils et
carabines. Les vivres abondent, comme le bétail. Le camp de Chiavone
pouvait quant à lui accueillir plus de 2000 hommes tandis que les
couvents de Casamari, Trisulti et Scifelli, fournissaient d'importants secours,
subsides et appuis tacites259(*).
Les incidents d'Isoletta et de San Giovanni Incarico260(*).
Alfred de Trazegnies a probablement rejoint les troupes de
Chiavone dans la matinée du vendredi 8 novembre 1861261(*), comme le fait remarquer
l'abbé Bryan. Elle se tenait probablement près de la
frontière entre les Etats Pontificaux et le royaume de Naples, juste
au-dessus de Sora262(*).
Tentons de retracer l'activité de la bande dans les quelques jours qui
précèdent l'arrivée du marquis.
Pour A. Bianco di Saint Jorioz, il ne s'est rien produit de
remarquable au mois d'octobre 1861. La bande de Chiavone continuait à
roder le long de la frontière pontificale sans se faire trop remarquer
tandis que ses rangs grossissaient toujours. Les brigands méditaient
cependant un coup qui, « s'il réussissait, serait certainement
fatal, notait-t-il263(*). »
Le 6 novembre, Chiavone envoyait un détachement
d'hommes afin de s'emparer de bestiaux destinés au ravitaillement des
Piémontais. Ce fut un succès. Les royalistes retournèrent
à leur camp où ils furent assaillis par une partie de la garnison
piémontaise d'Isola, envoyée par le capitaine Benzoni, qui venait
d'apprendre ce qui s'était passé. Un combat d'environ une heure
s'engagea mais il ne fit pratiquement aucune victime car les deux parties
étaient placées à une trop grande distance l'une de
l'autre. Se sentant menacés, les Piémontais se retirèrent
vers Castelluccio afin de prendre appui sur un détachement de leurs
troupes voire sur la garde nationale. Benzoni, inquiet du sort de ses hommes,
partit les aider à la tête des garnisons postées à
Isola. La difficulté étant plus importante que prévu, les
Piémontais reculèrent peu à peu sur Isola tandis que les
légitimistes rentraient à Castelluccio où ils furent
accueillis, selon les dires de la correspondance de la Gazette de
Liège, sans aucune résistance. Là, ils
incendièrent quelques maisons et fusillèrent le chef de la Garde
nationale et un autre individu qui refusèrent de crier « Vive
François II. » Après quelques heures à occuper
le village, les réactionnaires retournèrent auprès des
leurs sur le mont Favone. Pour son échec, Benzoni fut traduit devant le
Conseil de Guerre à Gaète.
Quelques jours plus tard, le dimanche 10 novembre, Chiavone et
ses hommes descendirent de la montagne pour se poster en face de Sora où
le colonel Lopez commandait environ 600 hommes qui possédaient 8
pièces de canon. Lopez s'enferma dans la ville, pointa ses canons sur
l'extérieur et attendit l'assaut des chiavonistes. Or, toute la nuit se
passa sans qu'aucune attaque ne soit donnée. Tout au plus se
contentait-on, du côté royaliste, de faire entendre quelques coups
de feu de-ci, de-là afin de faire croire à une éventuelle
attaque à l'aube. Les Sardes étaient donc retenus dans Sora
tandis que Chiavone opérait à son aise ailleurs. Il partit vers
Isoletta, franchit, sur une échelle de fortune, le fleuve Tibreno
à hauteur du village de Fontana. Il devait être aux alentours de
quatre heures du matin. Après avoir rompu les lignes
télégraphiques, la bande se dirigea vers Isoletta, où se
trouvait une forteresse commandant de passage du Liri. Les douaniers,
trouvés dans les divers postes le long de leur route furent faits
prisonniers.
Aux alentours de 8 heures du matin (11 novembre), les hommes
arrivèrent discrètement à Isoletta, bourg de 300 à
400 habitants264(*). La
date de l'attaque ne fut pas innocemment fixée au 11 novembre. Il
s'agissait en effet du jour de la fête de Saint-Martin. Dans le monde
paysan du Sud, elle marquait le commencement de l'année agraire.
Attaquant ce jour, Chiavone s'attendait à trouver une population plus
détendue qu'à l'accoutumée265(*). Ce fut le cas.
D'après la presse conservatrice, une partie des habitants se rangea de
leur côté aux cris de « A bas les Piémontais,
vive François II, vive le Roi ! » Une garnison
piémontaise d'à peine 18 hommes faisant partie du 45e
régiment d'infanterie était présente dans la citadelle
avec quatre pièces de canon. Commandée par le sergent Eracliano
Cobelli266(*), elle
arbora rapidement le drapeau parlementaire. Les brigands donnèrent un
quart d'heure de réflexion aux Piémontais : soit ils
abandonnaient la lutte, soit le combat reprenait sur le champ. On opta pour la
seconde solution. Battus d'avance par la puissance des canons, les royalistes
foncèrent au pied de la forteresse, détruisirent une porte
à coups de hache ainsi que les fenêtres et
pénétrèrent dans la cour du château où ils
furent accueillis par les coups de feu des Piémontais. Le combat, qui
fit huit victimes piémontaises267(*) et quatre bourboniennes268(*), tourna finalement à
l'avantage des chiavonistes. Selon Zimmermann, le colonel de Rivière et
Mattei auxquels des projectiles avaient transpercé la main durant
l'assaut, étaient dans les premiers à entrer dans
l'édifice à travers les fenêtres du premier étage.
En leur compagnie, le jeune marquis de Trazegnies avait hardiment passé
son épreuve du feu269(*). Une fois les canons encloués, les brigands
partirent pour San Giovanni Incarico (qui comptait 2500 âmes) vers 9
heures et demie.
A midi, après une courte sieste, ils étaient aux
pieds de la ville où la Garde nationale et les garnisons
piémontaises les attendaient de pied ferme. Le signal d'attaque fut
donné immédiatement. Trop tôt, selon Zimmermann, car la
troupe était encore dans l'euphorie de la victoire qu'elle venait de
remporter. La lutte fut beaucoup plus longue et plus sanglante aussi que ce
qu'elle avait été à Isoletta. Après deux heures de
combats, les Piémontais du capitaine Teccio di Bayo se retiraient dans
l'ordre et les drapeaux blancs flottaient dans le vent. D'après
Zimmermann -qui n'a pas assisté personnellement à la
scène-, « les hommes prenaient leurs quartiers dans les
maisons du pays, quelques-uns se déshabillèrent et tous se
reposèrent sans préoccupation aucune. De même, le capitaine
Mattei, blessé ; son fils, le marquis de Trazegnies et les autres
officiers furent assez imprudents que pour s'accorder du repos, faisant
confiance à la vigilance des 3e et 5e compagnies
qui montaient la garde aux avant-postes. » Une huitaine de brigands
s'en prit, par exemple, à la maison du pharmacien Ottavio Tasciotti. Ils
étaient commandés par Antonio Perna, originaire de Castelliri et
résidant à Isoletta. On raconte que Perna reconnut dans la femme
du pharmacien une ancienne camarade dont la famille avait aidé la sienne
dans le passé. Il s'excusa et fit évacuer la pharmacie sans rien
emporter270(*).
Vers 15 heures, les hommes durent quitter le
bourg à toute vitesse : le capitaine Teccio di Bayo avait
réuni ses hommes à ceux de son homologue Cesare Gamberini, de la
43e compagnie, qui venait de Pico. Ils assaillirent le pays et
chassèrent les brigands. Chiavone recula sur le village de Pastena,
avant de remonter se reposer dans les montagnes271(*) où il fut
bientôt rejoint par Kalkreuth. La localité reconquise, les
Piémontais ramassèrent 57 cadavres. Le marquis de Trazegnies fut
arrêté les armes à la main et directement fusillé
avec trois autres de ses comparses.
Circonstances du décès.
Pourquoi et comment le marquis fut-il pris et fusillé
par les Piémontais ? Cette question demeure bien obscure. Tentons
de confronter les multiples témoignages.
L'abbé Bryan, qui avait pris quelques renseignements
sur place en allant récupérer le corps du marquis, comme nous
l'expliquerons, écrit qu'il n'était malheureusement pas parvenu
à savoir comment Alfred est tombé aux mains des
Piémontais. Une foule de récits contradictoires lui ont
été contés, parmi lesquels celui qui suit lui a paru le
plus vraisemblable : « Après avoir été
épargné des balles dans les rencontres où il
s'était engagé, il paraît qu'il était un peu
souffrant et très fatigué d'une longue marche et qu'il n'a pas pu
suivre les siens dans la retraite. On m'a dit à San Giovanni in Carico
l'avoir trouvé caché dans une maison, mais je ne sais pas trop si
c'est réellement ainsi qu'il a été fait
prisonnier272(*). »
Le comte Louis Michel273(*) renchérissait sur le trouble de la situation
en déclarant qu' « on est pas d'accord sur la
manière dont monsieur de Trazegnies a été pris, les
Piémontais prétendant l'avoir pris dans une maison de San
Giovanni ; d'autres prétendant, d'après le rapport fait au
général français de Géraudon274(*), que monsieur de Trazegnies
aurait été surpris sur le territoire pontifical, puis
ramené à San Giovanni où il a été
fusillé à 5 heures du soir275(*). » Toujours selon Michel, Trazegnies a
dû se confesser au curé de San Giovanni et faire connaître
sa qualité d'étranger. Au moment de le fusiller, les soldats
piémontais lui ont demandé de leur tourner le dos, car
« un brigand ne devait pas être fusillé par
devant. » Alfred se serait contenté de tourner la tête
et, à ce moment précis, une balle fit sauter le derrière
de sa tête, « passant derrière l'oreille et sortant
au-dessus de l'oeil ».
La correspondance romaine du Journal de Bruxelles en
date du 23 novembre relate que Trazegnies, qui avait surpris les mouvements de
troupes des Piémontais qui comptaient reprendre San Giovanni, parcourut
la ville afin de prévenir ses hommes. Il s'égara cependant et
fut pris quelques instants plus tard. Les Piémontais
l'exécutèrent sans ouï-dire276(*). Quelques jours plus tard,
le journal offrait une nouvelle variante de l'arrestation : il faisait
état d'une course-poursuite qui se serait engagée entre d'une
part le jeune marquis et, de l'autre, les soldats piémontais. Alors
qu'il avait fait plus d'un mille à l'intérieur du territoire
pontifical, les soldats s'emparèrent de lui et le conduisirent à
San Giovanni où il fut fusillé sur-le-champ. Le curé de
l'endroit aurait juste eu le temps de le confesser avant la sentence
finale277(*). Le
correspondant W. M. confirme cette version le 7 décembre278(*).
Dans son ouvrage datant de 1862, Marc Monnier nous conte que
Trazegnies crut sans doute « plaire à Dieu en jouant au
Chiavone. » Il fut entraîné dans des excès qu'il
eût sans doute désavoués le lendemain. Les soldats italiens
l'arrêtèrent dans une maison qu'il ravageait, « brisant
de sa main tous les meubles. » Selon Monnier, sur le lieu de
l'exécution, il prétendait qu'on n'oserait pas passer à
l'acte. Il se retourna pour parler aux soldats quand une balle lui brisa le
crâne279(*).
Armand Lévy, de pensée fort similaire, reprend les dires de
Monnier en y ajoutant quelques lignes puisées chez A. Bianco di
Saint-Jorioz280(*). Le
Précurseur d'Anvers, reproduisant un article de la Patria
de Naples, proposait une version fort similaire de l'incident :
Alfred était appelé `le major' par ses hommes.
« Armé d'un revolver à six coups, il menaçait
les femmes qui le suppliaient de s'apitoyer sur leur sort, et montrait
lui-même comment on devait s'y prendre pour incendier plus promptement
les maisons. Il était comme enivré de ce spectacle
horrible ; il était tellement absorbé dans l'oeuvre de
destruction qui s'accomplissait, qu'il n'entendit peut-être point la
trompette vengeresse, ou qu'il ne s'en soucia pas, ou qu'il n'entendit pas le
terrible sauve-qui-peut des brigands. Quoi qu'il en soit, il fut pris dans la
maison de Santoro, où on le trouva brisant, mettant en pièces
tout ce qui tombait sous la main, pour donner plus d'aliment aux
flammes281(*). » Le récit explique enfin
qu'Alfred fût conduit en face du major Savini282(*) qui, sur les plaintes de la
population et sur l'avis des officiers, ordonna qu'il fût passé
par les armes directement. Selon la correspondance du Journal de
Bruxelles, le major Savini provenait de Viterbe. Il appartenait à
l'armée pontificale mais fut chassé de Rome en 1849 pour sa
conduite « abominable » à l'époque de la
République. « C'est un émule des Zambianchi, des
Capanna, des Galenga, des Orsini et de tous ces sectaires que l'ordre des
maîtres masqués arme du poignard ou de la bombe aux moments
solennels. Ils sont soldats-assassins, députés-assassins,
journalistes-assassins, avocats-assassins. Voilà ceux que le
Piémont s'est associé dans la grande iniquité de
l'unification283(*). »
Exactement un an après le décès du
marquis, une lettre de monsieur de Mousty284(*), lieutenant aux Zouaves pontificaux, et qui l'avait
bien connu, donne une nouvelle version de son arrestation. Il narre dans un
premiers temps les faits déjà bien connus de la prise d'Isoletta
suivie de la prise de San Giovanni in Carico. Comme cette dernière ville
était une bonne prise, on désigna à Trazegnies les plus
grandes canailles de l'endroit chez lesquelles il alla, en compagnie de ses
hommes, manger et boire à volonté. Ses troupes firent alors des
excès de boisson et, n'ayant encore que trop peu d'expérience, le
jeune lieutenant commit la faute de s'éloigner d'elles. Tandis que la
Garde nationale profitait de cette occasion pour tomber sur les troupes et les
chasser de l'endroit, Trazegnies, « du haut d'une maison, explorait
les environs avec sa longue-vue. Tout à coup, une voix lui cria :
jetez vos armes, rendez-vous ou la mort. Il se retourna : il se trouvait
au bout du canon d'un garde national. Il descendit et dans la rue, se trouva
entouré d'une bande d'ennemis285(*). » Il tenta en vain de parler au capitaine
français commandant le détachement de Ceprano. Tout au plus lui
a-t-on promis de remettre au capitaine un papier qu'il venait de
rédiger. Il fut ensuite amené devant l'église de San
Giovanni, les bras liés, où il fut fusillé par
derrière. Mousty précise que l'homme de qui il détient ces
détails les a vus de ses propres yeux. Il n'était donc pas un
témoin direct.
L'ensemble des sources est en tout cas d'accord sur deux
points. Premièrement, juste avant d'être fusillé, le
marquis écrivit sur une feuille de papier qui il était,
déclarant sa parenté avec la comtesse de Montalto, femme du
représentant de Victor-Emmanuel II à Bruxelles. Le
maréchal de France de Saint-Arnaud et son frère avaient quant
à eux épousé deux de ses cousines. Enfin, il se disait
neveu de Xavier de Merode et parent de la famille royale de Hollande286(*). Deuxièmement,
l'exécution eut lieu Place de l'Annonciation, là où se
trouve actuellement la maison communale de San Giovanni Incarico287(*).
Les nombreux mariages avaient effectivement tissé des
liens entres les Trazegnies d'Ittre et les grandes familles du royaume et
d'ailleurs.
La famille avait ses entrées dans le monde
diplomatique. La soeur du dernier marquis de Trazegnies (branche
première) avait épousé le ministre plénipotentiaire
de Victor-Emmanuel II, Lupi Moiriano, comte de Montalto le 27 juin
1848288(*).
Charles de Trazegnies avait pour cousine germaine Louise de
Trazegnies, issue de la branche cadette de la famille de Trazegnies d'Ittre. On
se doute de l'influence que pouvait avoir l'épouse (depuis 1843) de
« l'homme » de la guerre de Crimée, le fameux
maréchal Louis Adolphe le Roy de Saint-Arnaud, à l'aube du Second
Empire. Peu après le coup d'Etat, Charles et Raphaëlle furent
d'ailleurs les hôtes des bals de Louis-Napoléon Bonaparte. Mais
ces sorties parisiennes furent éphémères. D'une part parce
que l'impératrice se refusa toujours de prendre pour dame d'honneur
madame de Saint-Arnaud avec laquelle elle s'entendait peu ; d'autre part,
parce qu'une fois le maréchal tué à la bataille de l'Alma,
la maréchale se retira définitivement à Arcachon,
d'où elle gardait néanmoins des contacts avec sa famille en
Belgique289(*).
Comme nous l'explique le marquis de Trazegnies, la famille a
contracté six ou sept alliances, au cours de l'Histoire, avec les
Merode, essentiellement via la branche de Hamal. Alfred n'était que
très lointain cousin de cette famille.
Enfin, les Trazegnies étaient, comme l'écrivit
Alfred, parents avec les Nassau et donc, lointains cousins de Sa Majesté
le roi de Hollande. En effet, la grand-mère d'Alfred était
née Constance-Amélie de Nassau (1784-1832), comtesse
héritière de Corroy, Frasnes, Zwevegem, Hallennes, etc. Elle
était l'unique héritière d'une branche des
Nassau-Dillenburg, formée au début du XVIe siècle par
Alexis de Nassau, fils légitimé de Henri, comte de
Nassau-Dillenburg, Vianden, etc. et de sa cousine Elisabeth de
Rosembach290(*).
Cependant, les deux familles ne s'entendaient plus depuis que les Nassau
avaient essayé, par tous les moyens, de récupérer Corroy.
On peut dès lors se demander pourquoi Alfred invoquait cette
parenté. Probablement voulait-il se donner une épaisseur encore
plus grande auprès de ses `agresseurs'.
On l'aura compris : certains libéraux
modérés firent d'Alfred de Trazegnies un jeune homme qui avait
sombré dans l'excès, sans doute sous l'influence des mensonges
des cléricaux. On peut ainsi lire dans l'Indépendance belge
-modérée en ce qui concerne l'affaire du marquis- du 28
novembre 1861, qu'on « ne peut comprendre ce que faisait ce
gentilhomme parmi cette bande de pillards. Il les aura pris pour des
royalistes sérieux : voilà le danger des mensonges
réactionnaires291(*). » Les libéraux plus radicaux le
transformèrent en un monstre, assassinant et pillant pour son bon
plaisir. Sous la plume des écrivains catholiques et conservateurs,
enfin, Alfred devint un sacro-saint martyr victime des cruautés des
Piémontais...
Scipion Fabrizi, le coupable idéal ?
« Monseigneur de Merode vient de me dire qu'un
individu, qui aurait arrêté le marquis de Trazegnies sur le
territoire pontifical et qui, après l'avoir entraîné sur le
territoire napolitain, lui aurait tiré un coup de pistolet dans la
tête, pendant que l'on discutait sur son sort, que cet individu
était, en ce moment, en prison à Rome ; et qu'on se
livrerait à une enquête qui, selon Son Excellence, prouvera que le
malheureux marquis a été, non pas fusillé mais
assassiné292(*). » Ainsi s'exprimait Henri Carolus, le 21
décembre 1861.
En moins d'une semaine, cette nouvelle stupéfiante
avait parcouru les 1700 kilomètres séparant la Ville
éternelle de la future capitale de l'Europe. Et déjà on
s'exclamait, dans le Journal de Bruxelles, qu'un agent secret au
service de Victor-Emmanuel II avait surpris le marquis de Trazegnies alors
qu'il se trouvait sur le territoire pontifical. Il l'avait ramené aux
Piémontais. Alors que les soldats se disputaient pour savoir que faire
du jeune homme, les uns proposant de le tuer s'il était belge, mais de
le garder en vie, par prudence, s'il était français, l'agent
secret se serait impatienté. S'écriant qu'il fallait en finir
-la voglio finita293(*) !-, il aurait vidé son chargeur
par derrière, à bout portant, sur la tête du marquis. Le
commandant Savini, ne voulant pas compromettre un de ses précieux
agents, aurait proposé de simuler une exécution
régulière. Le chanoine baron de Woelmont confirmait cette version
aux parents. « La justice romaine s'occupe de cette affaire et samedi
prochain, on fera l'autopsie ; j'y assisterai et vous ferai couper des
cheveux294(*). » Le suspect aurait même
avoué son crime295(*).
Le 8 janvier 1862, le Journal de Bruxelles,
décidément très au fait de l'affaire du marquis de
Trazegnies, proposait une courte biographie de l'assassin présumé
d'Alfred de Trazegnies, tout en reconnaissant que les preuves manquaient encore
pour prouver définitivement sa culpabilité. L'homme se nommait
Scipion Fabrizi. Certains l'appelaient Fabrizi Nicola. Originaire de Torrice,
il résidait officiellement à Falvaterra, à
proximité de Frosinone, où il n'exerçait aucune
profession. Il faisait partie des troupes de douane pontificale quand il
décida d'intégrer, en 1849, la colonne mobile de Callimaco
Zambianchi, dont il devint rapidement l'un des plus proches collaborateurs.
Fabrizi aurait été présent lors de l'assassinat de
plusieurs prêtres par Zambianchi, notamment celui du curé de la
Madone du rosaire arrêté et fusillé à Monte Mario.
Il avait certainement assisté aux interrogatoires que fit subir
Zambianchi aux prêtres arrêtés à l'église
Saint-Calixte. Il avait atteint le grade de sergent et aurait pris part
à des combats livrés par des volontaires républicains
contre les troupes napolitaines et françaises. Retiré à
Falvaterra, il s'est mis au service des Piémontais comme il l'avait
fait, dans le passé, pour Mazzini et Zambianchi296(*). Depuis Falvaterra, Scipion
Fabrizi se rendait fréquemment dans le royaume de Naples, où il
disposait de contacts avec les libéraux. En plus du meurtre du marquis,
il devait répondre de trois autres assassinats politiques en
1849297(*).
Le 21 décembre, l'autopsie avait lieu à
Saint-Julien des Belges. Il apparut que la balle n'était pas de celles
qu'employaient les troupes régulières298(*). Le juge Colle Massi
instruisait l'affaire299(*). Nous disposons du témoignage d'un
témoin oculaire de l'autopsie, celui du chanoine de Woelmont qui avait
promis d'y assister. D'après ses dires, « la partie du
crâne, derrière l'oreille gauche, a été
emportée ; et la balle est sortie au dehors de l'oeil droit, ce qui
conforme la version que le coup a été tiré à bout
portant. Il n'y avait pas sur le corps d'autre blessure, quant à
l'identité, il ne peut y avoir aucun doute300(*). » Le chanoine
coupa une mèche de cheveux qu'il fit parvenir à la famille,
à Hyères. La photocopie de cette mèche, conservée
par le marquis Olivier de Trazegnies, est disponible en annexe.
Pendant ce temps, la presse s'emparait de cet
« assassinat ». A plusieurs reprises, la feuille
française Le Monde plaçait des réclamations
à sa une : « On se demande comment le gouvernement
piémontais peut accepter la responsabilité morale de ce crime en
le cachant et en se rendant complice d'une odieuse comédie
d'exécution militaire ? » La suite se perdait dans une
curieuse métaphore : « Mais la passion aveugle des
hommes qui, de sang-froid auraient repoussé jusqu'à la
pensée d'une telle conduite, ces hommes ne sont plus libres ; ils
font partie d'un système, d'une machine à broyer, et ils vont
jusqu'à ce que cette machine rencontre le grain de sable qui doit la
faire éclater301(*). »
Le procès du présumé coupable s'ouvrit
en 1862. Scipion Fabrizi fut jugé par le « Supremo Tribunale
della Sacra Consulta302(*). » Une impressionnante instruction est
mise sur pied par le juge. Elle se prolongera pas moins de 7 mois ! Des
dizaines d'interrogatoires sont menés. Tous les proches d'Alfred de
Trazegnies à Rome et surtout d'éventuels témoins de
l'assassinat sont appelés à attester de ce qu'ils ont vu ou
entendu. Dans son intéressant article, Fraccacreta remet en question la
partialité du juge. Tout concourt en effet à nous faire penser
qu'on a trouvé un coupable pour en trouver un...
Fabrizi, au long du procès, a constamment nié
les faits. De nombreuses personnes assuraient avoir entendu parler de
l'affaire. Mais il n'y avait en fin de compte qu'un seul témoin
oculaire. De plus, ses dires furent en partie contradictoires. Il se nommait
Alfonso ou Socio Piccirilli. Originaire de Falvaterra, il était depuis
longtemps domicilié à San Giovanni Incarico. Son interrogatoire
fut possible car, à l'époque de l'instruction, il résidait
à Ceprano. Or, les auditions de témoins se firent exclusivement
dans les bourgs de Ceprano et Falvaterra. Ses penchants pour la réaction
laissaient présumer que ses affirmations n'étaient probablement
pas toutes objectives. Il expliqua que, vers la tombée de la
nuit303(*), le
prisonnier fut tiré hors du corps de garde de la garnison par de
nombreux Piémontais et conduit au mur situé face à
l'église de l'Annonciation. Personne ne parlait et il n'y avait que
Fabrizi qui voulait que le prisonnier se mette face au mur, ce à quoi
s'opposait le marquis, disant qu'il n'était pas un brigand et,
dès lors, qu'il n'avait pas à subir une telle exécution.
Fabrizi, sans doute ennuyé des discussions, l'aurait placé de
vive force contre le mur et s'éloignant du marquis d'environ 6 ou 7 pas,
il vida son chargeur304(*). Fraccacreta donne une raison supplémentaire
pour mettre en doute la crédibilité du témoin :
celui-ci se serait empressé de quitter la ville car il risquait sa vie.
Il venait en effet de s'unir aux chiavonistes dans la matinée ce 11
novembre. Dès lors, comment peut-il assurer avoir assisté
à l'exécution du belge ? Se promenait-il en simple curieux
alors que les Piémontais avaient repris le pouvoir à San
Giovanni ?
L'officier français qui s'était rendu à
San Giovanni afin de récupérer le cadavre conservait la balle qui
avait causé la mort du jeune homme. Un tel projectile n'aurait
vraisemblablement pas pu être tiré par l'arme de Fabrizi. D'une
part, on la lui avait confisquée lors de son arrivée à
Falvaterra. D'autre part, la balle fut déclarée par un expert
assermenté comme ayant été
« déchargée d'un fusil ou d'un pistolet de grande
dimension, de forme ancienne et non rayé305(*). » Or, l'ancien
comparse de Zambianchi disposait d'une arme de construction récente et
rayée ! L'arme du crime est aujourd'hui conservée au
Musée du Risorgimento de Mantoue. Vous en trouvez la photographie parmi
les documents annexés. Elle nous a été fournie par Marco
Sbardella, historien à San Giovanni Incarico.
On peut encore lire, dans les papiers du juge Massi, une
déclaration faite en 1884 par un certain Angelo Berni, qui était
capitaine au 43e régiment d'infanterie en novembre 1861.
Celui-ci affirme que jamais on n'aurait laissé à un civil,
même à un homme comme Fabrizi, qui avait une certaine influence
sur les soldats piémontais, le droit de donner un ordre qui relevait
exclusivement du domaine militaire. L'ordre de l'assassinat devait selon lui,
et il confirme finalement les dires de la presse du temps, être
attribué au major et comte Savini.
Apparemment, la seule présence de Fabrizi lors des
événements de la Saint-Martin et surtout le fait qu'il se soit,
par la suite, vanté du meurtre d'Alfred de Trazegnies, ont suffi pour
que la population entière l'accuse. Le 12 septembre 1862, la sentence du
tribunal tombait. Fabrizi fut condamné aux galères à vie
pour conspiration, non contre la personne du marquis de Trazegnies d'Ittre,
mais bien contre le souverain et l'Etat. D'ailleurs, à la veille du
procès, un ordre supérieur avait interdit définitivement
toute discussion concernant la mort du marquis belge...306(*) La presse en avait-elle
été informée ? Il n'y a eu, d'après nos
recherches, aucune allusion au procès Fabrizi et à son issue.
Le deuil d'une famille.
Quoi qu'il en soit, Alfred était bel et bien
décédé. En Belgique, la triste nouvelle arriva à
ses parents sans doute vers la mi-novembre. Une première lettre de
monsieur Edouard de Moreau datée du jeudi 14 novembre 1861, alors
présent à Liège, indiquait qu'un télégramme
venait de l'avertir de la mort du jeune homme. Il espérait que le
courrier de dimanche lui apprendrait qu'il était mort
saintement307(*). On
sait par ailleurs que l'abbé Bryan avait
télégraphié à la famille sur le décès
vers cette époque.
Quatre jours plus tard, le marquis de Trazegnies recevait un
télégramme de `la main' de l'abbé Bryan qui l'informait
qu'il partait le lendemain chercher le corps de son malheureux fils tandis que
le chanoine de Woelmont était rentré à Rome la
veille308(*).
A Namur, le notaire de la famille, Eloin, était tenu au
courant par l'évêché de Liège, et plus
particulièrement par le chanoine Lupus309(*), fidèle de l'évêque
Théodore de Montpellier. Son télégramme du 18 novembre
signalait qu'il n'y avait toujours aucune nouvelle concernant Alfred310(*).
Le lendemain, c'est au tour de monseigneur de Merode de
signaler la disparition du jeune homme. Il complète son
télégramme311(*) par une lettre contenant de plus amples informations
sur ses rapports avec le marquis qu'il essaya de « détourner
de ce projet, lui montrant toutes les objections, tous les périls qu'on
pouvait croire devoir le faire reculer312(*). » Le pourquoi et le comment de
l'arrestation du marquis demeurent très obscurs : certains ont dit
qu'il avait été surpris dans une maison où il cherchait
à prendre quelque repos, d'autres l'ont supposé pris les armes
à la main, d'autres enfin laissaient entendre qu'il aurait
succombé au cours de la fusillade. Heureusement, pense Merode,
« les derniers jours qu'il a passés à Rome ont
été employés à se préparer à la mort
au devant de laquelle il semblait courir. Il avait communié la veille de
son départ, c'est-à-dire trois jours avant celui qui devait
être le dernier313(*). » Le père de Villefort l'avait en
effet confessé314(*). Le corps qui devrait être ramené d'ici
peu de jours par l'abbé Bryan sera probablement entreposé dans
l'Eglise Saint-Julien des Belges.
Dans une lettre datée du 19, le chanoine de Woelmont
présentait ses excuses à la famille de Trazegnies d'Ittre pour
n'avoir pas annoncé lui-même la triste nouvelle aux parents. Il
regrette que cette tâche ait incombé à quelqu'un de
totalement inconnu de la famille, à savoir l'abbé Bryan y
Livermore315(*). En
effet, Woelmont se trouvait à Marino lorsqu'il a appris la nouvelle. Il
s'est directement mis en route pour Rome. Woelmont espérait qu'on
pourrait au plus vite faire parvenir le corps d'Alfred en Belgique, puisque tel
était le désir du marquis Charles316(*).
Le 29 novembre, le chanoine de Woelmont recevait une lettre du
marquis de Trazegnies lui annonçant qu'il viendrait prochainement
à Rome. Le lendemain, le chanoine félicitait cette initiative qui
serait sans doute « du meilleur effet », d'autant plus que
le roi de Naples rencontrerait le père d'Alfred avec beaucoup de
plaisir. Le marquis ne donnait cependant aucune nouvelle quant à ses
intentions sur un éventuel retour du corps en Belgique, comme il l'avait
laissé entendre quelques jours plus tôt. Le corps reposait
toujours à l'église de la Minerve317(*).
Début du mois de décembre, la famille recevait
les condoléances d'Adolphe Charles Klitsche de Lagrange. Celui-ci
était probablement un des six fils du brigand Klitsche dont nous avons
parlé. Cela explique pourquoi il signait sa lettre « Klitsche
de Lagrange Figlio (fils). » Il n'avait jamais rencontré
Alfred mais se sentait néanmoins son frère d'armes.
« Il a été martyr de la sainte cause de la religion et
de la royauté, écrivait-il à propos d'Alfred, et on doit
glorifier sa mort, comme un triomphe du plus sublime des dévouements.
(...) L'histoire n'oubliera jamais la mémoire glorieuse de votre fils,
et soyez sûr que son noble sang trouvera son vengeur318(*). » A sa lettre se
trouvait annexé un poème de sa plume, destiné à
honorer la mémoire du marquis. Vous pouvez retrouver ce poème
parmi les documents annexés.
En Belgique, l'organisation d'offices en la mémoire
d'Alfred allait bon train. Une première célébration
était organisée fin novembre à Corroy. Les familles les
plus notables de la région étaient représentées.
Même l'évêque de Namur avait souhaité rendre un
dernier hommage à ce jeune homme mort « en combattant pour la
justice et le droit319(*). » On observait enfin toute la population
du village en habits de deuil ainsi que des députations nombreuses
venues de Gembloux et des communes environnantes. La seconde
célébration, au début du mois de décembre, prenait
place dans la cathédrale de Namur. Les faire-part suivants
étaient envoyés à qui de droit :
« Les Jeunes Gens de la Province de Namur, Amis de
Monsieur le Marquis Alfred de Trazegnies, Vous prient de vouloir bien assister
au Service funèbre qu'ils feront célébrer pour le repos de
son âme, le 14 Décembre 1861, à dix heures, en
l'église Cathédrale de Namur320(*). »
Peu après le 14, l'Ami de l'Ordre de Namur
rendait compte de la cérémonie. L'office fut
célébré par monsieur Roubaud, archiprêtre,
assisté d'un nombreux clergé. « L'autel et le choeur de
la paroisse, narre le journal, étaient ornés de magnifiques
tentures noires portant les armoiries de la famille du marquis de Trazegnies
d'Ittre. Le catafalque construit dans des proportions imposantes était
garni d'un nombreux luminaire entremêlé de pots à fen
(sic). L'appareil du deuil ajoutait encore à l'effet du recueillement,
de la pénétration et de l'affliction de toute
l'assistance. » Les grandes familles nobles et bourgeoises de la
région de Namur ainsi qu'un grand nombre de membres du Clergé
paroissial, des Pères et des élèves du collège
Notre-Dame de la Paix, où le défunt avait fait ses études,
assistaient à la cérémonie. Parmi les
personnalités, on pouvait voir le gouverneur de la Province, le comte de
Baillet ainsi qu'une grande partie des personnages déjà
présents à l'office de Corroy-le-Château321(*).
A la fin du mois de décembre, Charles de Trazegnies
était apparemment résolu à ne pas se rendre à Rome.
Tout porte néanmoins à croire que la famille ne demeurait plus
à Corroy-le-Château depuis quelques temps. En effet, avant que
n'arrive l'incident, il était prévu que les Trazegnies se rendent
chez la soeur de Charles, Euphrasie de Thysebaert, à Hyères, dans
le Var. Le marquis lui écrivait d'ailleurs, fin novembre, que le nouveau
malheur qui le frappait dérangeait ses projets de départ. Il
comptait cependant partir directement après la messe, prévue
à la paroisse de Corroy-le-Château le 29 novembre322(*), de sorte qu'ils
arriveraient tous à Hyères aux alentours du début du mois
de décembre323(*). On sait que la messe des amis d'Alfred a eu lieu le
14 décembre. La famille y a-t-elle assisté ? Probablement.
Peu après, elle aura sans doute pris le chemin d'Hyères. Ceci
expliquerait pourquoi la correspondance du marquis lui parvient à cette
adresse à partir de cette date. Ce fut notamment le cas de la lettre de
Léon Vafflard, dont nous allons parler.
En réalité, Charles de Trazegnies ne fit la
demande pour rapatrier le corps d'Alfred que le 18 décembre. Il
s'adressa au Service Général des Pompes Funèbres de la
ville de Paris, situé au numéro 10 de la Rue Alibert. Le prix du
transport du cercueil depuis Rome à Namur s'élevait à 2
700 francs, non compris les doits d'exhumation à Rome, qui pouvaient
être évalués à environ 100 francs, selon le
directeur des pompes funèbres, Léon Vafflard324(*). Le transport se ferait par
voies rapides, à savoir le chemin de fer et le bateau. Le corps
voyagerait dans un wagon spécial sous la conduite d'un agent. Le prix
d'un transport en voiture s'élevait, quant à lui, à 4
300 francs. La voiture serait placée successivement sur le chemin de fer
et sur le bateau sans que le corps ait à être
déplacé plusieurs fois325(*).
Le marquis avait vraisemblablement abandonné
l'hypothèse de rapatrier le corps au pays, vu la dépense
exorbitante. A ce prix, il fallait ajouter, prévenait le chanoine de
Woelmont, le droit qu'avait le curé de la Minerve d'accompagner le corps
-droit qu'il n'abandonnerait pas- jusqu'à sa sépulture et de
recevoir, pour la cause, un écu par mille ! Le prêtre
était toutefois d'accord d'abandonner cet appointement pourvu qu'on lui
paie tous les frais de son voyage. Le marquis demanda alors au chanoine de
Woelmont la permission du Saint-Père pour le faire enterrer dans le
caveau du Collège des Belges, où reposaient déjà
Alfred de Limminghe326(*) et Auguste Misson327(*). Pie IX était tout à fait d'accord. On
n'attendait plus que l'ordre de Charles pour enterrer le corps328(*).
Le 13 janvier 1862, Alfred de Trazegnies d'Ittre était
enterré à l'église Saint-Julien des Belges329(*). Le chanoine Edouard de
Woelmont chantait la messe d'enterrement330(*). L'abbé Bryan conservait encore les affaires
laissées à Rome par Alfred. Il ne les restituerait que sur une
demande d'un membre de la famille. Il s'agissait de 4 chemises, 20 mouchoirs de
poche, 3 gilets en flanelle, 4 caleçons, 3 pantalons, 3 paletots, 1
habit d'habillé, 1 manteau, 12 paires de bas, 2 chapeaux, 4 paires de
pantoufles ainsi que son nécessaire de toilette331(*). Alfred aurait beaucoup
aimé que son frère porte son manteau332(*).
Revenus en Belgique, les Trazegnies s'occupèrent des
formalités du décès. Il fallut notamment aller faire une
déposition au Tribunal de Namur. L'abbé Bryan, présent en
Belgique333(*), y
était convié. Il ne pouvait malheureusement s'y rendre car il
était engagé, ce jour-là, à Haltinne. Il
suggérait néanmoins que l'avocat de la famille lui apporte la
pièce à signer le dimanche chez monsieur Alphonse de Montpellier
vers 13 heures car il prenait le train de l'heure suivante. Si cela se
révélait impossible, le chanoine de Woelmont pouvait très
bien faire la déposition à sa place334(*). Après
réflexion, le marquis opta pour cette proposition. Le chanoine de
Woelmont apparaît en effet avec le marquis Charles comme témoin
sur le certificat de décès conservé aux Archives de l'Etat
à Namur. Sur celui-ci, on peut lire :
« A l'honneur de vous exposer Charles Gillion
marquis de Trazegnies, rentier et propriétaire, domicilié
à Corroÿ le Château, que son fils Alfred Gillion Ghislain de
Trazegnies, âgé de 31 à 32 ans, domicilié à
Corroÿ le Château, a été tué sur le territoire
napolitain, à San Giovani in carico, le onze ou le douze novembre 1800
soixante et un ;
Qu'à cette époque les autorités et
même la population en grande partie avaient quitté cette ville qui
était devenue le siège de la guerre.
Qu'aucun acte de décès n'a été
dressé mais que son corps a été restitué à
Monsieur Brian (sic) Camérier du Pape, prêtre espagnol, qui
l'avait réclamé pour l'inhumer à Rome.
Que le corps du défunt a été reconnu
avant son inhumation à Rome par Mr le Baron Edouard de Woelmont,
Chanoine honoraire à Namur ;
Qu'il n'a été également dressé
d'acte de décès ni à Rome, ni à Corroÿ le
Château,
C'est pourquoi l'exposant vous prie de vouloir bien
l'admettre à prouver le décès dudit Trazegnies fils, par
témoins pour, après cette preuve être ordonné que ce
décès sera inscrit sur les registres de l'Etat Civil de
Corroÿ le Château, dernier domicile du défunt.
Et vous ferez justice. Signé Desneux, avoué de
Tribunal.
Vu la requête qui précède,
Ouï Mr Stevart de Blochausen juge en son rapport et le
ministère public en son avis conforme.
Ouï en outre 1° Mr Charles Marquis de Trazegnies,
âgé de 58 ans, propriétaire à Corroÿ le
Château - 2° Edouard Baron de Woelmont, âgé de 38 ans,
Chanoine, domicilié à Namur, le premier père et le second
ami de feu Alfred de Trazegnies ; lesquels entendus sous serment ont
déposé conformément à la requête. (...)
Ordonne en conséquence que l'acte de
décès de Alfred Gillion Ghislain de Trazignies, sera
rédigé et inscrit sur les registres de l'Etat civil de la commune
de Corroÿ le Château comme étant décédé
à San Giovanni, territoire Napolitain le onze novembre 1800 soixante et
un, âgé de 29 ans, fils de l'exposant et de Marie Delpillar
Raphaël Emmanuel Lucie Antoinette Barbe Thomas Comtesse de Romrée,
son épouse.
Prononcé en audience publique des vacations le vingt
sept septembre 1860 deux.
Présents MM. Dupré juge ff. de Président,
Stévart de Blochausen, juge ; Lecocq, juge suppléant ;
Dubois substitut du procureur du Roi. L/Suesma (?) commis Greffier.
Signé/ E. Dupré, V. Suesma335(*). »
Ce n'est qu'une à deux années plus tard que la
comtesse de Romrée se décida à prendre contact avec le
prêtre s'occupant du Collège des Belges, monseigneur
Sacré336(*). Elle
fit auprès de lui deux démarches : l'une consistait à
placer une pierre funéraire sur le caveau d'Alfred placé dans
l'église de Saint Julien des Belges, l'autre à
récupérer le Saint-Sacrement afin de le placer dans la chapelle
du château de Corroy337(*). La fabrication et la pose de la pierre revenaient
à exactement 383 francs dont la marquise pouvait s'acquitter, par
facilité, chez le frère de Sacré qui habitait Bruxelles,
Marché aux charbons, numéro 80338(*). Sacré faisait remarquer à la marquise
qu'il était d'usage, dans des églises nationales comme la sienne,
que la famille du défunt offre un cadeau ou bien une somme d'argent. Les
familles des autres belges ensevelis dans le caveau de cette église
s'étaient, disait-il, toutes conformées à cet usage. La
marquise n'avait qu'à ajouter un supplément au tarif de la pierre
tombale.
Parmi les documents annexés, vous pouvez observer le
croquis de la pierre tombale d'Alfred de Trazegnies dans l'église des
Flamands à Rome. Il a été envoyé par l'abbé
Sacré à la marquise. L'inscription est la suivante :
« HEIC CORPORE TRANSLATO
AB AGRO FREGELLANO S JOANNIS
UBI A COPIIS SUBALPINIS
REGNUM FRANCISCI II INVADENTIBUS
PEREMPTUS EST
III IDUS NOVEMB A MDCCCLXI
QUIESCIT ALPHREDUS GILLO GISLENUS
DE TRAZEGNIES ET DE ITTRE MARCHIO
CAROLI ET RAPHAELIS DE ROMREE F
DOMO NAMURCO
TRIDUO ANTE SE ROMAE SACRO
CHRISTI DOMINI CORPORE REFECERAT
TE IN PACE CHRISTUS339(*) »
En ce qui concerne le Saint-Sacrement, l'abbé
Sacré avait fait diverses démarches dès 1863 afin
d'obtenir l'autorisation du Saint-Père de les emporter. Il fallut
rédiger une supplique que le secrétaire des Brefs340(*) soumit au pape341(*). On apprit que le pape
sollicitait des informations supplémentaires sur la famille ainsi que
l'avis de l'évêque de Namur. Là s'arrête la
correspondance conservée entre le prêtre et la comtesse de
Romrée. Nous ne connaissons donc pas le fin mot de cette histoire.
Un incident d'ampleur internationale.
Le 16 novembre, les autorités belges présentes
en Italie s'occupent de prévenir le ministère belge des Affaires
Etrangères. Le vice-consul Le Riche342(*) signalait « qu'un fait d'armes a eu lieu
ces derniers jours sur le territoire napolitain. (...) Un jeune homme belge
d'une famille distinguée de Namur, combattant au milieu des bandes de
Chiavone a été pris les armes à la main et fusillé
le 12 (sic). Il n'eut que le temps d'écrire son nom, Alfred de
Trézignés (sic) et son cadavre fut jeté en terre avec 64
de ses compagnons d'armes fusillés ou tués pendant le combat.
(...) Je crois devoir en informer sa famille par l'organe de Monsieur le
Gouverneur de la province de Namur343(*). » Le vice-consul joint à son mot
une lettre destinée au Gouverneur de la province de Namur, monsieur le
comte Léon de Baillet344(*), lui précisant qu'il a prévenu le
syndic du lieu afin qu'il en dresse l'acte mortuaire et en fasse
délivrer les extraits pour la famille. Le vice-consul a invité le
syndic à retirer le corps si on parvenait à le retrouver et
à le faire placer dans une bière dans un terrain
séparé en attendant les dispositions de la famille. Le Riche
clôt sa lettre en réclamant que la famille mette quelque argent
à sa disposition « si elle se résolvait à une
détermination qui nécessitât quelques frais345(*). »
Les 18 et 20 novembre, le Préfet de police de Terre de
Labour faisait savoir au vice-consul de Belgique que ses ordres avaient
été appliqués à la lettre. Sur le corps d'Alfred de
Trazegnies, retiré de la fosse commune, on trouva une carte de visite et
deux lettres. Son portefeuille ainsi que les papiers qui y étaient
contenus furent déposés au 6° Grand commandement militaire.
Ils devaient ensuite être expédiés à Turin,
où on pourrait les récupérer. Le syndic de San Giovanni
Incarico avait récupéré l'extrait mortuaire du jeune
homme, sur lequel « le nom est inscrit monsieur le marquis de
`Trévignes', mais il ne devrait pas y avoir de doute sur
l'identité de la personne346(*). » Nous avons pu mettre la main sur cet
extrait de décès que nous reproduisons ici dans sa version
originale :
« Estratto dello statto civile di San Giovanni
Incarico
___
Estratto di morte :
Num: di ordine sessanta quattro.
L'anno mille ottocento sessantuno il di undici del mese di
novembre, alle ore ... avanti di noi Francesco Battaglini syndaco, ed uffiziale
dello statto civile del commune di San Giovanni Incarico distretto di...
provincia di Terra di Lavoro, sono comparsi Erasmo Lepori di anni quarantotto
di professione industriante, regnicolo, domi. in questo comune. Ed Antonio
Crispo di anni quarantuno di professione calzalajo, regnicolo dom. iri. Quali
an dichiarato, che nel giorno indici del mese di Novembre, inno sopradetto,
alle ore ventiune é morto nella Piazza dell'annunziata ALFREDO DI
TREVIGNES, nato in Belgio, di anni trenta di professione marchese, domiciliato
... figli di ... di professione ...
Per esecuzione della Legge ci siamo trasferiti in sieme coi
detti testimoni presso la persona defunta, e ne abbiamo riconosciuta la sua
effettiva morte.
Abbiamo indiformato il presente atto. che abbiamo inscritto
sopra i due régistri, e dutane lettura ai dichiaranti si é nel
giorno. ed mese ed anno come sopra segnato da noi, dai dichiaranti Erasmo
Lepori letta Antonio Crispo Testimone F. Battaglini Sindaco,
Francesco san r--Palombo Segretario.
Dato in S. Gio. Incarico li 4 del mese di agosto mille
ottocento sessantatre.
Visto per la légalito Per estratto conforme
Per il sindaco Il Segretario
L'assessore eff de Franco Sann
Palombo
F. Battaglini347(*) »
De son côté, le susdit abbé Bryan ne
chômait point. Selon lui, la meilleure façon d'obtenir le corps
conservé par les autorités piémontaises était
encore de faire appel aux forces françaises de l'occupation
présentes à Rome. Probablement s'était-il assuré,
dans sa démarche, l'appui du représentant belge car, le 22
novembre, celui-ci faisait savoir à Charles Rogier que le concours le
plus complet serait donné par les autorités françaises
à Rome pour « faciliter l'enlèvement du corps et
arriver à la découverte de la vérité sur tout ce
qui se rapporte à ce triste événement. » La
veille, le comte de Gabriac348(*) lui avait parlé dans ce sens : on
annonçait la venue du corps d'Alfred deux jours plus tard349(*).
Bryan s'adressa alors au général de
Géraudon qui donna les ordres nécessaires au major
Grégoire du 19e de ligne et commandant les troupes
françaises du cercle de Frosinone et jusqu'à la frontière.
Il se rendit avec cet officier et le capitaine Bauzil à San Giovanni in
Carico et, grâce à leur intervention au nom du
général de Goyon350(*), le corps d'Alfred fut retiré de la fosse
commune pour être transporté directement à Rome.
« Le commandant Grégoire et le capitaine Bauzil, note
l'abbé Bryan, ont pris un grand intérêt dans toute cette
triste affaire, ils ont assisté avec moi à l'exhumation et
reconnaissance du cadavre et à son transport et ont acquis par là
des droits au bon vouloir de tous ceux qui s'intéressent à feu
monsieur votre fils351(*). » Bryan n'aurait pu reconnaître
Alfred parmi les dizaines de cadavres nus s'il n'avait disposé d'un
signe distinctif : le jeune homme avait en effet les incisives
supérieures brisées en forme de V352(*).
L'exhumation ne se passa pas sans une certaine tension entre
Bryan et les Piémontais. Alors que l'abbé reprochait qu'on ait
enseveli le marquis avec tous les autres brigands d'un rang inférieur,
il lui fut répondu par le capitaine italien qui avait fusillé
Trazegnies qu' « on ne pouvait pas mieux l'honorer qu'en lui
donnant, mort, la troupe qu'il avait choisie volontairement de son
vivant ». Bryan riposta en faisant savoir qu'il était un bon
chrétien. Ardemment, l'italien lui lança : « Je ne
crois pas que la religion chrétienne enseigne de tuer les habitants sans
défense, et de brûler et saccager les villes à la
tête d'une bande de brigands pour une cause qui n'était pas la
sienne ; mais je veux bien croire que les principes religieux du
malheureux, dont le cadavre se trouve ici, furent bons et droits, il n'en est
pas moins vrai cependant que celui-ci fut trahi par les perfides conseils
d'amis plus perfides encore353(*). »
De plus, selon la correspondance du Journal de
Bruxelles, on voulut faire signer une lettre ainsi conçue à
l'abbé Bryan : « Je soussigné déclare avoir
reçu le cadavre de... FUSILLE COMME BRIGAND faisant partie de la bande
des chiavonistes, trouvé armé et chargé de mettre à
feu et à sac cette commune. » Bryan aurait
énergiquement refusé d'apposer sa signature. Grégoire
refusa également et rédigea au bas du papier, en français,
« je soussigné chef de bataillon au 19e de ligne,
reconnaît avoir reçu le corps de M. le marquis de Trazegnies,
fusillé par les Piémontais à San Giovanni
Incarico354(*). » Toujours selon la correspondance, le
prêtre ayant entendu la confession du marquis ne comprenait pas un
traître mot de français. Alfred se serait fait comprendre à
l'aide de signes...355(*) Le 30 novembre, le Précurseur d'Anvers
empruntait au Temps sa correspondance napolitaine selon laquelle
les Piémontais avaient opposé une vive résistance à
la remise du corps du marquis. Le syndic de San Giovanni, Francesco
Battaglini356(*), se
serait d'abord opposé à la restitution puis, après de
multiples pourparlers par le télégraphe, monsieur Mayr,
préfet de Caserte, émis un avis inverse357(*). Et en effet, Bryan confiait
à son ami de Moreau d'Andoy qu'il lui fallut attendre pas moins de deux
jours avant que la décision soit prise358(*). Apparemment, les Piémontais
écrivirent, sur une carte de visite du marquis, le terme
« brigante », ainsi qu'on le constate sur la reproduction
disponible en annexe. Cette carte de visite est aujourd'hui conservée au
musée du Risorgimento de Bologne, à l'image de l'arme du
crime.
Les espérances du représentant belge près
le Saint-Siège n'étaient pas vaines : le 22 novembre, vers
19 heures, Merode signalait au marquis Charles que le corps de son fils venait
d'arriver dans la ville éternelle359(*). Le corps reposait à l'église de la
Minerve, où il attendait que la famille de Trazegnies fasse
connaître ses intentions. Au 24 novembre, le jour de la
célébration de l'office n'avait pas encore été
fixé360(*).
C'est vers la même époque (19 novembre) que ce
qui restait du gouvernement napolitain en exil se chargeait de prévenir
son représentant en Belgique, le commandeur Targioni361(*). Le baron Salvatore
Carbonelli précisait que « Sa Majesté le Roi a
été profondément émue par cette mauvaise nouvelle
et il veut que tu te rendes tout de suite auprès du marquis de
Trazegnies et que tu lui présentes les condoléances de Sa
Majesté le Roi pour la mésaventure qui a touché son
fils362(*). »
A la mort d'Alfred, le fils de Ferdinand II se serait effectivement
exclamé : « Nous en sommes aussi affligés que si
nous avions perdu un frère363(*). »
Nous étions le 25 novembre lorsque le
représentant napolitain à Paris, Canofari364(*), recevait un mot de la main
du vice-amiral Del Re, pour le moins curieux. En voici la
retranscription : « Dites à Targioni qu'il suspende la
visite de Trazegnies365(*). » Canofari communiqua sans tarder cet
ordre au représentant napolitain de Bruxelles366(*). Trois jours plus tard, ce
dernier écrivait à son homologue à Paris pour lui
signaler que le marquis Charles de Trazegnies était à Bruxelles
la veille. L'envoyé du roi de Naples n'était cependant pas en
état de le recevoir pour cause de maladie, il le pria de venir le
trouver à son domicile. Au 28 novembre, Charles de Trazegnies
n'était toujours pas venu et « je préférerais
éviter la rencontre », écrivait Targioni. Le commandeur
était au courant qu'il s'était procuré la veille un
passeport pour se rendre à Rome. Peut-être était-il
déjà en route367(*). Le 29 novembre, Targioni confirmait à son
ministre des Affaires Etrangères Del Re qu'il n'avait toujours par
rencontré le père du défunt et que celui-ci était
probablement en route pour Rome368(*). Le même jour, le baron Carbonelli faisait
parvenir à Canofari une narration « rigoureusement
exacte » de la fin tragique du marquis, afin qu'il puisse s'en servir
dans la presse369(*).
Il semble légitime de se demander pourquoi le
gouvernement napolitain craignait à ce point la rencontre avec les
parents du défunt. Il n'est pas impossible que ces derniers aient
considéré le pouvoir napolitain, voire le roi François II
lui-même, comme personnellement responsable de la perte de leur fils. En
effet, nous savons que la famille de Trazegnies s'était rendue à
Rome pour rendre un dernier adieu à son enfant. Le roi et la reine de
Naples auraient alors manifesté le désir de leur être
présentés. Il n'en fut rien : la comtesse de Romrée
fit savoir qu'elle était venue à Rome pour pleurer sur la tombe
de son fils. Et pas pour défendre la cause du roi de Naples370(*). La situation fut si tendue
qu'aujourd'hui encore, Olivier de Trazegnies, descendant direct du frère
d'Alfred de Trazegnies, n'ose en parler avec le prince Antoine de
Bourbon-Siciles qui réside à Bruxelles371(*).
Le 26 novembre, la correspondance romaine du Monde
n'avait pas froid aux yeux en affirmant qu'on « s'entretient beaucoup
des détails de M. le marquis de Trazegnies. C'est une grosse affaire
pour le Piémont. On dit qu'en France et en Belgique il
s'élève des réclamations considérables372(*). »
Des réclamations, il s'en élevait, en effet. Il
fallut tout de même attendre la fin du mois de novembre 1861 (28) pour
que les parlementaires belges s'intéressent de près à
l'affaire du marquis, tandis qu'on discutait du budget du Ministère des
Affaires Etrangères et de la reconnaissance toute récente du
royaume italien. La première interpellation fut celle du baron
Nothomb373(*). Se
faisant l'écho d'un bruit selon lequel un de nos compatriotes aurait
été fusillé par les troupes de Sa Majesté
Victor-Emmanuel, il demande au Ministre des Affaires Etrangères de bien
vouloir l'informer à ce propos. Si ce meurtre est vrai, il
constituerait, aux yeux de Nothomb, une « criante et scandaleuse
violation nouvelle du droit des gens. Dans le droit des gens, le prisonnier est
sacré, il n'y a que les peuplades barbares qui massacrent leur
prisonnier374(*). » Nothomb se permet de rappeler que,
quelques temps auparavant, trois français avaient été
arrêtés à Messine alors qu'ils se rendaient dans les rangs
de l'armée napolitaine. Sur une simple intervention de l'agent
consulaire français, ils furent directement libérés.
Dès lors il se pose la question suivante :
« Devrions-nous être moins bien traités, nous, une
nation si amie, si empressée à reconnaître les annexions
piémontaises sans réserve aucune ? » S'en suit une
longue diatribe de la part du député concernant les bienfaits et
les excès de toutes les révolutions. Il clôt son
exposé comme ceci : « Nous sommes pour la
révolution honnête et légitime. Nous sommes pour 89 contre
93, nous sommes pour la révolution qui fonde, non pour celle qui
détruit. Nous sommes pour celles des Washington, Franklin, des Mounier,
des Lafayette, des Barnave, nous ne sommes et nous ne pouvons pas être
pour la révolution de M. de Cavour et encore moins pour celle de M.
Mazzini. »
La réponse du ministre Rogier ne se fit pas attendre.
Oui, il avait entendu parler de cet incident. Il précisait que plusieurs
versions circulaient sur cette mort. Soit l'homme aurait été pris
les armes à la main et n'aurait eu le temps que d'écrire son nom
et celui de la ville qu'il habite avant d'être fusillé. Soit il
aurait été tué dans le combat. Quoi qu'il en fût,
Rogier ne voulait « pas blâmer le jeune belge qui est allé
servir contre la cause italienne ; mais il devait savoir à quels
dangers il s'exposait ; il savait que là où il allait
combattre, les lois de la guerre sont barbares, cruelles ; loin de moi de
vouloir en aucune manière applaudir ces lois cruelles ; je les
déplore profondément. Mais si l'on vient demander au gouvernement
quelles mesures il a prises ou prendra pour protéger en Italie les
Belges qui, de part ou d'autre, voudront aller prendre les armes, je dois
déclarer que le gouvernement ne s'en est pas occupé et ne s'en
occupera pas. Les Belges iront en Italie comme ils ont été en
Espagne ou Portugal ; ils iront à leurs risques et
périls...375(*) » Rogier rappelle le départ de
certains belges partis se battre en Espagne pour ou contre le gouvernement de
la reine Isabelle. Beaucoup d'entre eux avaient été
fusillés et jamais on n'était venu demander au Gouvernement belge
ce qu'il comptait faire afin de protéger ses ressortissants. Pour lui,
ces hommes qui avaient abandonné leur pays avaient en même temps
perdu leur qualité de belge. Ceci était valable également
pour le jeune marquis de Trazegnies : Rogier restera intraitable sur cette
question.
On se doute qu'une telle fermeté ne tarda pas à
faire bouillir de rage la presse conservatrice. Le lendemain de la
séance, le Journal de Bruxelles présentait le discours
du député de Turnhout comme « plein d'élan, de
courage et de patriotisme. » La réponse du Ministre des
Affaires Etrangères était quant à elle empreinte d'un
« laisser-aller des plus inconvenants. » « Qu'on
se le tienne pour dit, s'exclame le journal, le gouvernement piémontais
peut fusiller impunément tous les Belges qui se rendront en Italie pour
combattre en faveur du droit, sous le drapeau des petites nationalités.
Quoi que le piémontisme fasse à ce sujet, le cabinet mai-novembre
se lavera les mains ; il y a plus, au lieu de se plaindre, il
reconnaîtra le nouveau royaume d'Italie : nous assisterons ainsi
à ce navrant spectacle de voir donner une accolade par la Belgique
à une nation qui fusille les Belges376(*) ! » L'Ami de l'ordre,
très attentif à l'assassinat de cet enfant du pays, notait que
« le Gouvernement de Turin n'a pas été sans
s'émouvoir puisqu'il cherche à atténuer sa position par la
version transmise au ministre des Affaires étrangères377(*). » Tandis que le
Bien Public de Gand reprenait plus ou moins les mêmes
idées que le quotidien catholique national378(*), la libérale
Indépendance belge s'attachait à montrer combien la
réponse de Rogier était judicieuse : « Il est bien
certain qu'en allant se ranger parmi les fauteurs et les soutiens de la guerre
civile, (...) on perd tout droit à se plaindre de la rigueur des
procédés dont on se sert soi-même à
l'occasion. » ; et l'intervention de Nothomb, ridicule :
« M. Nothomb a montré, du reste, une fois de plus comment la
droite, si pointilleuse en apparence quand il s'agit de notre
neutralité, entend et pratique les devoirs qu'elle nous impose ; la
violence de l'honorable député de Turnhout à
l'égard de l'Italie a dépassé toutes les bornes379(*). » En Italie, les
correspondants de quotidiens tels que la Gazzetta ufficiale del Regno,
dont la couleur n'est pas à préciser, évoquaient la
discussion de la Chambre du 28. Ils se gardaient bien évidemment, de
faire remarquer que le meurtre du marquis avait suscité une
interpellation380(*). De
son côté, la feuille libérale
« l'Opinione » admirait « le bon sens
belge » qui avait tout de suite compris que le marquis était
seul responsable de ses actes381(*).
Les interpellations parlementaires concernant la mort du
marquis n'étaient pas spécifiques à la seule Belgique. Les
Italiens aussi eurent droit à une réclamation de la part du
sénateur Linati382(*), au début du mois de décembre. Selon
le Campanile de Turin, le ministre de la guerre, sans doute Alessandro
della Rovere383(*),
chercha à excuser l'exécution du marquis « en
l'attribuant à l'effervescence de la lutte. » Il a
manifesté son désaccord par rapport à de telles pratiques
et a rappelé que dans des cas similaires, le gouvernement avait
sanctionné des officiers s'étant rendus coupables de tels actes.
« C'est là une bien maigre excuse qui ne remédie
à rien, critique le Campanile. Elle empire l'état des
choses puisqu'elle montre que le gouvernement n'est plus respecté par
ses populations, ni obéi par ses subordonnés384(*). »
Peu après, Henri Solvyns385(*) s'entretenait de
l'assassinat de son compatriote avec le baron Ricasoli, alors ministre des
Affaires Etrangères. Il lui demanda d'instruire une enquête
à son sujet et d'en faire parvenir les résultats à
Montalto qui le ferait connaître au gouvernement belge. Ricasoli
acquiesça et promit de faire recueillir tous les détails
possibles386(*).
Alfred de Trazegnies était décédé
depuis cinq mois quand on entamait, à la Chambre des
Représentants belges, la discussion du budget du ministère des
Affaires Etrangères. Il était question du chapitre relatif aux
traitements des agents politiques belges présents à
l'étranger. Le traitement de l'agent présent à Turin,
monsieur Solvyns, avait été majoré de 13 000 francs
à 52 000 francs. A la contestation de Dumortier387(*), Charles Rogier
répondit que le ministre présent sur place avait désormais
un grand nombre de consuls sous ses ordres. Par ailleurs, sa position ayant
changé, l'augmentation était largement justifiée.
L'intervention de Dumortier n'était en fait qu'un prétexte afin
d'introduire sa préoccupation réelle : celle de l'assassinat
du marquis de Trazegnies. Il se plaignit de n'avoir jamais reçu de
précisions à ce sujet de la part du ministre Rogier.
« Si c'est pour récompenser le Piémont de s'être
conduit de la sorte vis-à-vis d'un des enfants de la patrie, que l'on
propose cette augmentation de traitement, je dis que cette augmentation doit
être rejetée par nous tous. (...) Quand je vois assassiner, comme
on a assassiné notre digne et excellent concitoyen, une foule de femmes
et d'enfants, quand je vois brûler des villes, massacrer des hommes sans
défense, je dis le devoir du gouvernement belge est de protester contre
de pareils actes et d'exiger que les agents fassent les plus grands efforts
pour mettre un terme à une aussi odieuse barbarie digne des cannibales
et des sauvages et qui couvre de honte notre époque et les peuples
civilisés388(*).
» Il était, selon lui, inadmissible de qualifier de brigands des
hommes prenant les armes contre un envahisseur étranger. Tout homme
défendant sa patrie contre l'envahisseur est un héros qui
mérite qu'on lui élève une statue.
Monsieur de Theux389(*) appuyait les réclamations de son
collègue Dumortier. En effet, « c'est aux pays
représentatifs qu'il appartient de faire prévaloir les
idées de générosité et d'humanité. Jamais je
ne saurais donner mon approbation à des actes semblables à ceux
que M. Dumortier a signalés à la Chambre ; je ne puis les
considérer qu'avec la plus profonde horreur. »
Souhaitant calmer le jeu, Goblet390(*) expliquait que toutes les
causes engendraient des morts. Il ne fallait certainement pas juger la conduite
d'un gouvernement par un cas isolé, comme le faisait son confrère
Dumortier. En effet, les causes que ce dernier avait lui-même soutenues
n'étaient pas non plus dépourvues d'incident de ce genre. Il y
avait certes des excès en Italie, mais ceux-ci étaient
menés au nom de la liberté, là était l'important.
Et s'il y avait des excès en Italie, qui donc étaient
responsables ? Sans aucun doute, les réactionnaires. « Si
la réaction cessait d'exciter la guerre civile, de soudoyer les
brigandages dans le royaume de Naples, il n'y aurait plus d'excès
à déplorer. » Il félicitait enfin le
gouvernement d'avoir donné à la légation turinoise le rang
qui lui était dû.
Aux réclamations, Charles Rogier reproduisait
exactement le discours qu'il avait tenu au mois de novembre de l'année
précédente. Le gouvernement belge n'était nullement
responsable des malheurs qui frappaient ses citoyens se rendant dans les pays
en pleine guerre civile. Il demandait d'ailleurs ouvertement par quel moyen il
pouvait bien intervenir pour les protéger ? Le gouvernement
turinois lui-même ne contrôlait pas les conflits qui
ensanglantaient le royaume de Naples. Usant de la ruse, Rogier proposa
finalement aux députés de voter en faveur de l'augmentation de
crédit destinée à Solvyns : « Si nous
voulons pourvoir adresser des réclamations à un gouvernement
quelconque, nous devons faire en sorte que le ministre qui nous
représente auprès de ce gouvernement, soit dans une position
respectable391(*). »
L'augmentation du crédit alloué au
représentant belge fut finalement adoptée mais de manière
serrée. Sur 66 membres votant, seulement 36 votèrent pour.
Etait-ce le meurtre d'Alfred qui séparait tant les
députés ? Toujours est-il que le vote ressemblait à
un solide bras de fer entre catholiques et libéraux392(*) dont ces derniers sortirent
vainqueurs. Vous remarquerez aisément, parmi les partisans du
« non », certains personnages présents à
l'office funèbre du jeune marquis, organisé le 14 décembre
1861. Il s'agit de de Montpellier et de Moncheur. Il est étrange que le
frère du chanoine de Woelmont, sénateur, n'ait pas porté
l'affaire devant le Sénat de Belgique.
Cette intervention parlementaire eut un écho beaucoup
plus sourd que la première dans la presse quotidienne. Peut-être
l'histoire du marquis de Trazegnies était-elle déjà
passée de mode ? Faut-il en effet rappeler que les journaux
catholiques n'en parlaient plus depuis le mois de janvier 1862, tandis que les
feuilles libérales ne s'y intéressaient plus depuis la fin du
mois de novembre 1861 ! Dans le Bien public, on lisait que
Dumortier avait protesté, avec raison, contre l'assassinat impuni du
marquis de Trazegnies, sans plus de commentaires393(*). La Gazette de
Liège394(*)
se disait quant à elle abasourdie par le commentaire que faisait
l'Indépendance belge du discours de monsieur Goblet :
« M. Goblet l'a dit avec raison : toutes les révolutions
ont leurs crimes, tout liquide généreux a son ferment. Il faut
déplorer les crimes ; il faut jeter l'écume et ne point
juger par la surface ce qu'enfantent de bon et durable ces grandes commotions
de l'humanité. »
Une vingtaine de jours plus tard, Carolus apprenait à
son supérieur la présence du marquis Charles de Trazegnies
à Rome afin de constater légalement le décès du
jeune homme. Trazegnies aurait demandé que Charles Rogier intervienne
auprès de Solvyns afin d'obtenir la restitution des objets qui avaient
appartenu à son fils, et qui se trouvaient dans les mains des
autorités piémontaises depuis son décès. Une fois
les objets obtenus, Solvyns devait les renvoyer en Belgique395(*).
Charles Rogier exécuta directement le voeu
formulé par le père du défunt dès qu'il fut en
possession de la missive de Carolus. Solvyns avait, nous l'avons vu, peu de
jours après son arrivée à Turin, demandé à
monsieur Ricasoli qu'il lui fournisse quelques éclaircissements sur la
mort du marquis. Celui-ci n'avait cependant jamais répondu à sa
demande. Rogier incita alors Solvyns à réitérer sa demande
auprès du successeur de Ricasoli, le général Durando car,
écrit le ministre belge, « Le Gouvernement italien doit savoir
parfaitement à quoi s'en tenir sur les faits dont monsieur de Trazegnies
a été la victime. A-t-il été fusillé ou
est-il tombé sous les coups d'un assassin ? (...) S'il y a eu
assassinat, l'assassin a-t-il été arrêté et
châtié396(*) ? » On le voit, le ton de Rogier
commençait à monter. Lui qui, quelques jours plus tôt,
entendait ne pas se mêler de l'affaire, y montrait à
présent un certain intérêt.
Le 3 mai 1862, une nouvelle missive de Rogier était
reçue à Turin afin de récupérer les
éventuelles affaires laissées par le marquis. Le
secrétaire d'ambassade entretint directement le général
Durando à ce sujet. Celui-ci ne savait nullement en quelles mains se
trouvaient ces affaires mais s'occuperait de les retrouver sans
retard397(*).
Trois jours plus tard, dans la soirée, Henry Solvyns
rencontrait Ratazzi à Naples et lui faisait part des réclamations
de son supérieur. « Mr. Ratazzi, qui paraissait ne se rappeler
que très imparfaitement le nom et la mort de notre infortuné
compatriote, a promis d'agir, et d'agir sans retard, notait le
ministre398(*). » Solvyns en vient ensuite à
d'intéressantes considérations sur le droit du nouvel Etat de
fusiller ses ennemis. Le gouvernement italien n'ayant pas déclaré
l'état de siège dans les provinces méridionales n'a, par
conséquent, pas suspendu l'action régulière des tribunaux.
Il n'a donc aucunement le droit de faire fusiller les hommes pris les armes
à la main. En Belgique, en France ou en Italie, personne ne s'est
posé la question de la légitimité de ces actes. Le marquis
de Trazegnies a donc été assassiné. Cependant,
« on pourrait en dire autant des quatre mille hommes passés
par les armes depuis le commencement du brigandage. » Solvyns pose
alors la problématique différemment : l'officier qui a
opéré l'arrestation du marquis de Trazegnies était
autorisé à agir de la sorte grâce aux instructions dont il
était porteur. Mais le gouvernement était-il autorisé
à donner des instructions semblables à ses officiers ?
Voilà, selon lui, le fond du problème.
Ratazzi sembla, pour sa part, tenir promesse. Il s'entretint
avec le général Lamarmora et écrivait, deux jours plus
tard, à son collègue des Affaires Etrangères Durando, lui
demandant qu'on fournisse les éclaircissements sur la mort du marquis de
Trazegnies au comte de Montalto. Le gouvernement belge en avait besoin
rapidement car on l'accusait d'avoir toléré l'assassinat du jeune
homme sans avoir protesté. Durando trouverait toutes les informations
nécessaires auprès du Ministère de l'Intérieur
auquel Ratazzi s'apprêtait à transmettre les rapports ainsi qu'un
portefeuille ayant appartenu au condamné, qu'il fallait restituer
à la famille399(*). Dans le même temps, le président du
Conseil faisait savoir à Solvyns qu'il avait fait les démarches
nécessaires. Il espérait que le jour même, on pourrait
télégraphier à Bruxelles les informations concernant le
marquis400(*).
Le 9 mai, Charles Rogier venait de recevoir une lettre du
vice-consul à Naples lui laissant supposer que les affaires du marquis
étaient entreposées auprès de l'administration turinoise.
Il priait dès lors Solvyns de récupérer le colis et le lui
faire parvenir à Bruxelles aussi vite que possible401(*). Il fallut attendre pas mois
de 20 jours pour que les autorités piémontaises, peu
organisées, fassent parvenir le colis à Solvyns ! Le
secrétaire général du Département des Affaires
Etrangères, monsieur de Melegari, confia à Solvyns qu'un rapport
détaillé sur les circonstances de la mort de Trazegnies avait
été adressé à Ratazzi. Malheureusement,
« par suite de la confusion extrême qui règne dans les
bureaux de l'administration italienne, ce rapport n'aurait pas encore
été retrouvé402(*). » Melegari a promis de ne rien
négliger afin que le gouvernement belge entre en possession de ce
document. D'après les informations que Solvyns avait pu recueillir
jusque là, il lui paraissait pratiquement certain que le marquis n'avait
pas été assassiné mais bien exécuté par
derrière, comme on procédait avec tous les brigands.
Le 2 juin, le marquis Charles de Trazegnies était de
passage à Bruxelles. Charles Rogier s'empressa de lui remettre le colis
en mains propres403(*).
A cette date prend fin la correspondance diplomatique
concernant l'assassinat du marquis de Trazegnies. On ne sait si le rapport le
concernant arriva jamais au gouvernement belge.
L'expédition du marquis belge restait cependant dans
toutes les têtes. Les 3 et 4 mai 1863, le député Giuseppe
Massari faisait la lecture à la Chambre, réunie en comité
secret, du rapport de la commission d'enquête sur le brigandage.
Il n'oubliait pas de mentionner l'action du jeune capitaine belge,
engagé dans la bande de Chiavone, lors des combats d'Isoletta et San
Giovanni Incarico404(*).
Peu de temps après, dans son discours au Sénat
(15 mai 1863), le ministre de l'Intérieur Italien Ubaldino
Peruzzi405(*) se
permettait de faire un bref historique du brigandage dans les Provinces
méridionales. « Eh bien, ce brigandage dont je parle, avec de
l'or, avec des armes, avec les intrigues de Rome et de l'étranger, est
dirigé vers une tentative de restauration de l'Ancien régime. Le
moyen, assurément, n'est pas conforme à la morale ni à la
civilisation, mais il est digne de la cause que l'on veut ainsi servir. A
diverses reprises, nous voyons, en effet, ou par voie de mer, ou par voie de
terre, des brigands venir de la frontière romaine, tantôt unis et
tantôt isolés ; et fréquemment il nous arrive de
saisir parmi eux des étrangers qui portent des noms connus dans la
réaction européenne. Je n'entrerai point dans les détails
à ce sujet : il me suffit de rappeler que, l'année
dernière, un belge fort distingué, le marquis de
Trazégnies (sic), fut pris aux environs de Sora ou Isoletta ; que
naguère deux prussiens furent arrêtés parmi les brigands et
déjà d'autres prussiens l'avaient été ; que
des membres du parti légitimiste français et des Irlandais ont
été trouvés de même dans des bandes406(*). »
Les motivations.
Quelles furent les causes qui poussèrent un jeune homme
qui avait - à première vue - tout pour mener une existence
heureuse et sans histoire, à partir pour un pays plongé dans une
véritable guerre civile, dont il savait assurément qu'il ne
reviendrait jamais ?
Il n'est pas inutile de replacer ce jeune homme dans
l'époque qui le vit naître, à savoir le milieu du XIXe
siècle. Ainsi que l'exprime fort bien Olivier de Trazegnies,
« pour la première fois depuis les invasions barbares, une
classe fortunée pouvait envisager de vivre et de ne rien faire. Fini
l'obligation de vivre et de mourir pour son souverain. (...) Jamais en fait les
structures ne furent plus qu'au siècle dernier favorables à ceux
qui se trouvaient de l'autre côté de la barrière : ils
bénéficiaient de droits substantiels et n'avaient presque aucun
devoir407(*). » Naquit alors ce qu'on appela le
« mal du XIXe siècle ». Les jeunes gens
favorisés, à peine entrés dans la vie, ressentaient comme
un manque profond et inexplicable. Un manque de vie, d'action. C'est pourquoi
le XIXe siècle fut aussi celui des aventuriers, de personnages oeuvrant
constamment à effacer cette trame d'ennui qui les poursuivait.
« Tous ces jeunes gens ont une incroyable fureur de vivre,
écrit Georges Minois, et, puisque les minutes leur sont comptées,
ils cherchent à tirer de chacune les plus fortes sensations. Vivre
intensément pour ne pas atteindre l'horrible vieillesse. Être
jeune et mourir : telle semble être leur devise408(*). »
Dès lors, de nombreux auteurs, voire la plupart d'entre
eux, ont vu en Alfred de Trazegnies un fol aventurier. Selon Cardinali, on
interrogea Alfred sur les motifs qui l'avaient fait quitter son pays et se
mêler à cette cause qui ne le concernait pas. Il aurait
répondu, hardiment, qu'il faisait du brigandage « en
amateur409(*) ». I. Gelli notait, quant à lui,
qu' « aimant l'aventure, au lieu d'aller la chercher au centre
de l'Afrique, en chassant le lion, les tigres, les panthères410(*) »,... il
préféra rejoindre la bande de Chiavone.
A ce cadre psychologique, il faut ajouter une nouvelle
conception du déplacement, de l'ouverture vers d'autres horizons en
cette fin de XIXe siècle. Les rapports entre les pays européens,
et donc entre la jeune Belgique et l'Italie en formation, croissent d'une
manière considérable. Les causes de ces ouvertures culturelles
sont à chercher dans l'industrie en pleine expansion qui permit de
développer les voies ferrées favorisant les déplacements.
Vers 1840, il fallait toujours une trentaine de jours pour descendre
jusqu'à Rome, soit presque autant qu'au Moyen âge ! De plus,
le trajet restait onéreux. Le train bouleversa ces dimensions. Dans ses
Nouvelles lettres d'Italie, Emile de Laveleye raconte que
désormais « je prends le train rapide, que nous appelons `la
malle des Indes' et qui l'est devenu depuis l'ouverture du Gothard. Je pars de
Liège à cinq heures du soir ; demain à six heures je
serai à Bâle, et le soir, vers sept heures, je serai à
Milan. C'est vraiment la baguette du magicien ou le manteau de Faust qui vous
transporte à travers l'espace, presque aussi vite que le vol des oiseaux
voyageurs. Quelle chance411(*) ! » Les tarifs devenaient, par la
même occasion, plus abordables.
Tout cela a sans doute concouru au départ d'Alfred de
Trazegnies. Mais la véritable et profonde raison du départ fut
toute autre. Et, curieusement, elle était déjà connue en
décembre 1861 par les lecteurs du quotidien italien L'Opinione.
Sa correspondance à Bruxelles lui écrivait en ces termes :
« Il est vrai qu'un marquis Alfred de Trazegnies a été
fusillé dans les provinces napolitaines. Il avait quitté la
Belgique à cause d'un chagrin amoureux. Il n'avait pas 29 ans et il
avait voulu épouser une charmante demoiselle ; mais comme celle-ci
n'avait ni la naissance ni la fortune, son père s'y opposa et, en
conséquence de ce refus, le jeune homme s'en alla prendre du service
à Rome auprès des troupes du pape, mais quand il y arrivait, les
partisans des Bourbons l'ont envoyé près de Chiavone.
Voilà la douloureuse histoire412(*). » Le moins qu'on puisse dire, c'est que
le journal était bien informé. Comment avait-il obtenu cette
version presque correcte des faits qui, de plus, n'avait été
divulguée par aucun de nos grands journaux nationaux ?
D'après les auteurs du temps, Alfred était
« un magnifique jeune homme d'une trentaine d'années, d'allure
fort distinguée, de manières désinvoltes et fières,
grand et bien fait, pâle, cheveux et barbes noirs -bien que tous les
journaux de l'époque l'aient dit blond-, vêtu
élégamment à la mode, en costume de chasse, avec revolver,
poignard et une carabine de bersaglier. » Saint Jorioz ajoute qu'on
trouva sur lui une boucle de cheveux et le portait d'une fort jolie femme du
monde. Sans doute s'agissait-il de mademoiselle de Rosée. Il
possédait également des lettres affectueuses de sa soeur
Herminie. Il raconte enfin qu'Alfred avait mené joyeuse vie à
Bruxelles, se perdant dans le jeu et les filles... 413(*) Des portraits du marquis,
confirmant l'exactitude des dires de Saint Jorioz, sont reproduits dans les
annexes.
Le dépouillement des actes du procès de Fabrizi
à Rome confirme que le jeune homme s'était amouraché de la
fille du baron de Jacquier de Rosée, Caroline. La tradition familiale
rapporte également cette histoire. Charles de Trazegnies n'approuva pas
de s'unir à cette famille qui, à son goût, manquait
d'éclat414(*).
Alfred se soumit à la décision paternelle. Probablement
n'avait-il plus, maintenant, qu'à aller chercher la mort là
où elle se trouvait...
Sur cette histoire d'amour, monseigneur Stanislas de Cornulier
fournissait quelques précisions. Selon ses déclarations lors de
l'instruction du procès Fabrizi, le marquis lui avait confié
être parti de sa maison dans l'intention de se changer les idées
car il s'était épris de Caroline de Rosée. Il lui avait
promis de l'épouser. Voyant le désaccord de son père, il
avait préféré s'éloigner. Alfred confia enfin
à Cornulier que si cette union n'était pas possible, alors il
aimait mieux périr, chose qu'il lui répéta encore juste
avant de partir rejoindre Chiavone...415(*)
Présentons en quelques lignes l'élue du coeur
d'Alfred de Trazegnies, dont les frères Camille et Clément
assistaient à la messe donnée en l'honneur d'Alfred le 14
décembre à Namur. Caroline de Jacquier de Rosée naquit
à Moulins (Warnant) le 2 juillet 1839. Son père, Alphonse Marie
Eugène de Jacquier de Rosée, avait obtenu la concession du titre
de baron, transmissible de mâle en mâle et par ordre de
primogéniture, par lettres patentes du 22 octobre 1852. Né
à Anthée en 1797, il épousa en 1823 à Lesve, Marie
Joséphine Charlotte Ghislaine Cécile, baronne de Goër de
Herve de Forêts. De leur union naquirent 7 enfants dont Caroline
était la cadette416(*). Son aventure avec Alfred terminée, la jeune
femme épousa - à contre coeur ?-, le 12 octobre 1865, Arthur
Marie Antoine Ghislain Félix, comte de Cornet de Ways Ruart, né
à Bruxelles en 1838417(*). Ce même homme qui assistait à la
célébration donnée en souvenir d'Alfred, le 14
décembre 1861.
Le marquis Olivier de Trazegnies nous précise que
descendent de Caroline, les comtes Cornet de Braine-le-Château, ainsi que
Pauline Cornet, qui épousa le baron de Selys Longchamps dont la fille,
Sibylle, n'est autre que la mère de Delphine Boël...
6. Conclusions.
Nous avons montré, dans le chapitre concernant le
brigandage, comment le roi François II entendait le soutenir.
Quelquefois en secret, d'autres fois au grand jour. Dans sa tâche, il fut
aidé par le Saint-Siège et les autorités françaises
de Rome, en particulier par le très spécial général
de Goyon. Peut-être était-ce ici la première exhumation de
la correspondance des diplomates belges à ce sujet. Nous avons vu que
les opinions de Carolus et du duc de Gramont se rejoignaient, pour croire dur
comme fer que le roi de Naples était innocent dans tout ce qui se
tramait. D'où venait une telle naïveté ? La question
reste posée. Lord Odo Russel se voulait, pour sa part, plus clairvoyant,
de même que le successeur du duc de Gramont, le marquis de Lavalette.
Quoi qu'il en soit, il est certain que le brigandage méridional a pu
voir le jour grâce au laisser-faire qui régnait de toutes parts
dans la Rome de Pie IX. Le roi attira ainsi à lui une série de
personnages, aristocrates en mal d'aventures -Fernand Hayward les qualifiait de
« plus ou moins tarés418(*) », dont les motivations variaient mais,
dans leur essence, restaient les mêmes : la sauvegarde d'un
idéal monarchique en plein déclin.
Cette partie de l'Histoire que nous venons d'évoquer a
du, en son temps, faire rêver plus d'un individu. Tout comme les
aventures du jeune marquis de Trazegnies.
L'étude de l'assassinat du marquis nous a montré
quelle taille pouvait prendre un tel événement. Ses
répercussions dans les grands pays d'Europe sont incontestables. Nous
n'avons pas eu l'occasion de dépouiller les journaux britanniques, mais
nous savons, par l'intermédiaire de notre presse francophone belge, que
des réclamations se sont également élevées sur
l'île. On l'a vu, les plus importants journaux français
allèrent jusqu'à placer la mort d'Alfred de Trazegnies à
leur une. Deux remarques doivent être ici formulées.
D'abord, il faut souligner que, si on s'est employé
à tant parler du marquis, c'était évidemment lié
à ses origines prestigieuses et donc à sa particule. Il y a fort
à parier qu'un roturier n'aurait pas eu droit à de tels
égards. La meilleure preuve confortant cette théorie
réside dans l'instruction montée de toutes pièces contre
Scipion Fabrizi. Celui-ci était loin d'être un saint, mais on peut
presque affirmer qu'il n'assassina pas le marquis. L'ordre de ne pas
évoquer la mort d'Alfred durant le procès, et la condamnation de
Fabrizi pour conspiration contre la personne du Roi sont, à ce point de
vue, révélateurs. Nous avons également montré
combien il aidait d'appartenir à un grand lignage lorsqu'on
désirait se faire introduire dans les milieux du Vatican et de la petite
cour de François II.
Ensuite, il est évident que l'assassinat du marquis
servit de prétexte politique. Les discussions sur la reconnaissance du
nouveau royaume allaient bon train dans toute l'Europe. Les catholiques,
farouches adversaires de l'unité, firent donc de ce décès
leur cheval de bataille. Ceci explique les interpellations à la Chambre
des Représentants belges.
Quant aux discussions qu'a engendré cette mort dans le
corps diplomatique, nous devons leur donner une juste valeur. Il n'y a pas eu,
selon nous, de risque de rupture des relations entre les deux pays. En effet,
si les pressions exercées par le Parti catholique à la Chambre
des Représentants étaient considérables -il faut
évidemment tenir compte des élections de juin 1861 qui offrirent
de nouveaux sièges à ce parti, le seul et unique maître du
jeu était Charles Rogier. Or, celui-ci a toujours défendu la
même position : les quelques belges allant mourir dans un pays
étranger pour une cause étrangère, partent à leurs
risques et périls ; et il est inutile d'espérer une
intervention de la part du gouvernement. Néanmoins, nous avons pu
constater une forme d'irritation de la part du ministre des Affaires
étrangères à partir du moment où l'administration
turinoise, totalement désorganisée, lambinait à donner des
nouvelles claires et nettes sur le décès.
Si la rupture ne fut pas nette entre les corps diplomatiques
belge et italien, on peut affirmer en revanche qu'un terrible contentieux
s'ouvrit entre la famille du défunt et la dynastie déchue.
Une déception amoureuse a poussé le marquis
à partir à la mort. Il va de soi que son choix de mort
était en rapport avec l'éducation du gentilhomme. On aurait
été étonné de le retrouver dans les troupes du roi
galant homme, par exemple. Donc, il ne faut pas ôter à la
démarche d'Alfred de Trazegnies d'Ittre toute coloration politique ou
religieuse. Celui-ci a agi en homme de son temps et de son milieu en faveur
d'une cause qui, si elle ne primait pas dans la raison de son geste, lui
était néanmoins sympathique.
BIBLIOGRAPHIE
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ARCHIVES DE L'ETAT DE NAMUR (AEN) : FONDS DE
CORROY-LE-CHÂTEAU
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d'Ittre. Déposition faite au Tribunal de première instance de
Namur au sujet de sa mort à San Giovanni Incarico, sur le territoire
napolitain, 27 septembre 1862, copie authentique, 1 pièce.
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der Straten-Ponthoz concernant l'histoire de la famille de Trazegnies et ses
alliées, 19e siècle, 7 liasses.
ARCHIVES ITALIENNES
ARCHIVES DE L'ETAT DE NAPLES (ASNA) : ARCHIVES
BOURBONIENNES
Correspondance de François II et de ses ministres, du
siège de Gaète à l'exil (1860-1890).
Dossier B. 1370, documents 484 à 500 :
Notices relatives à la mort du fils du marquis de
Trassigny (sic) fusillé par les Piémontais près de
Sora ; dans la correspondance entre le ministre des Affaires
Etrangères et le délégué à Paris
Canofari.
Dossier B. 1715, documents 140 à 142 :
Notices relatives aux morts des chefs de bandes Alfred de
Trazegnies d'Ittre et José Borjès. Sous forme de Chronique.
ARCHIVES PRIVÉES
ARCHIVES DE LA FAMILLE BELGE DE TRAZEGNIES D'ITTRE (APT),
conservées par monsieur le marquis Olivier de Trazegnies au
château de Corroy-le-Château (Province de Namur) :
Cahier concernant l'assassinat d'Alfred de Trazegnies,
probablement rédigé par sa mère, la comtesse de
Romrée.
Correspondances diverses de la famille de Trazegnies au sujet
de l'exécution d'Alfred.
Dossier composé par monsieur le marquis Olivier de
Trazegnies, arrière petit-fils du frère d'Alfred de Trazegnies,
au sujet du meurtre. Il contient entre autres la correspondance du marquis avec
diverses personnalités -dont monsieur Sbardella de San Giovanni
Incarico- s'intéressant à l'assassinat du jeune marquis.
Imprimés
Documents
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Annales parlementaires de la Chambre des
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La Gazette de Liège
L'Indépendance belge
Le Journal de Bruxelles
Le Précurseur d'Anvers
Le Bien Public
L'Ami de l'ordre
Revues belges
Revue Risorgimento
Bulletin de l'Institut historique belge de Rome
Le Journal historique et littéraire
La Revue catholique (néant)
La Revue trimestrielle
La Revue générale (néant)
Revue générale belge
Journaux français
Le Moniteur universel
L'Union
Le Monde
L'Ami de la religion
Revues françaises
Le Correspondant (néant)
La Revue des Deux Mondes
Mercure de France (néant)
La Revue nationale et étrangère, politique,
scientifique et littéraire
La Revue contemporaine
Revue des Temps modernes
L'Illustration (néant)
Journaux italiens
Gazzetta ufficiale del Regno
Osservatore romano
L'Opinione
Revues italiennes
Rivista Storica italiana
Rassegna storica del Risorgimento
Nuova rivista storica
Archivio storico per le province napoletane
Nuova Antologia
La Voce
La Critica
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SBARDELLA Marco, Un gentiluomo vittima dei suoi principi,
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* 1 Pour ce chapitre, on se
réfèrera avec intérêt aux publications qui
suivent : BELOFF Max, RENOUVIN Pierre, SCHNABEL Franz, VALSECCHI Franco,
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et interprétations historiques, Marzorati Editeur, Milan,
1959 ; BERSTEIN Serge, MILZA Pierre, Histoire de l'Europe
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2003 ; CARON Jean-Claude, VERNUS Michel, L'Europe au XIXe
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GAILLARD Jean-Michel, ROWLEY Anthony, Histoire du Continent
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PROCACCI Giuliano, Histoire des Italiens, Librairie
Arthème-Fayard, Paris, 1998 ; ROMANO Sergio, Histoire de
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Seuil, Paris, 1977 ; SALVADORI Massimo, Cavour and the unification of
Italy, Collection «An Anvil Original», D. Van Nostrand Company
Inc., Princeton, 1961 ; Storia d'Italia, Unione Tipografico-Editrice
Torinese, Torino, 1965 ; Storia d'Italia, Giulio Einaudi editore
s.p.a., Torino, 1973.
* 2 Cet adulateur de Pie IX
fonda en 1848 l'éphémère revue l'Ere nouvelle
dans laquelle il couvrait de louanges l'oeuvre du nouveau pape. L'homme
n'était donc pas des plus objectifs, il n'empêche qu'il restait un
des meilleurs connaisseurs de l'Italie de l'époque.
* 3 Cité dans GAY J.,
Les deux Romes et l'opinion française. Les rapports franco-italiens
depuis 1815, Librairie Félix Alcan, Paris, 1931, p. 33.
* 4 Giuseppe Mazzini
(1805-1872). Dès l'âge de 16 ans, il s'enthousiasmait pour la
cause de l'unité italienne. Arrêté par la police du
Piémont, il se réfugiait en 1831 à Marseille où il
fondait sa société secrète, « Jeune
Italie ». Elle se voulait favorable à l'instauration d'une
République unitaire et démocratique par l'insurrection populaire.
Agitateur professionnel, il ne cessait de publier tracts et manifestes exposant
ses idées. En 1834, il fondait le Mouvement Jeune-Europe. Trois ans plus
tard, on le retrouvait à Londres, encourageant Pie IX à prendre
la tête de l'unification. Il prit une part considérable aux
événements de 1848. En 1859, il s'opposa à l'alliance de
la France et du Piémont, tandis que son influence diminuait. En 1872, il
vint mourir en Italie sous un faux nom.
* 5 Dans BOGDAN Henri,
Histoire des Habsbourg. Des origines à nos jours, Perrin,
Paris, 2002, p. 277
* 6 Ceux-ci auraient
volontiers fait appel à la France mais elle restait impassible d'autant
plus qu'elle se remettait à peine de la crise du mois de juin.
* 7 Dans BOGDAN Henri,
Histoire des Habsbourg... op. cit., p. 281.
* 8 Pellegrino Rossi
(1787-1848). Ce personnage partisan d'une fédération italienne
sous la présidence du pape était hostile aux piémontais et
aux républicains. Il mena une politique de réformes
(développement des voies ferrées,...) et de répression des
abus.
* 9 Dans MILZA Pierre,
Napoléon III, Perrin, Paris, 2004, pp. 170-171 et 305.
* 10 Carlo Pisacane
(1818-1857).
* 11 Dans ORSI P.,
Histoire de l'Italie moderne (1795-1910), Armand Colin, Paris, 1911,
pp. 205-207 ; cité par GUT Philippe, L'unité
italienne, « Dossiers Clio », PUF, Paris, 1972, pp.
48-49.
* 12 Dans DE VEZZANI
GRISCELLI, Mémoires de Griscelli de Vezzani dit le Baron de Rimini,
ex-agent secret de Napoléon, Cavour, Antonelli, François II et de
l'Autriche, Imprimerie Ch. et A. Vanderauwera, Bruxelles, 1871, p. 205.
* 13 Dans DE VIEL CASTEL
HORACE, Mémoires sur le règne de Napoléon III,
Tome I, 1851-1864, Les auteurs associés, Bruxelles, 1942, p. 255.
* 14 Dans POUTHAS Charles
H., Charles de Rémusat. Mémoires de ma vie. V. Rémusat
pendant le Second Empire, la guerre et la guerre et l'assemblée
nationale, gouvernement de Thiers et ministère de Rémusat aux
Affaires Etrangères (1852-1875), Librairie Plon, Paris, 1967, p.
84.
* 15 Dans JUSTE
Théodore, Le comte de Cavour, « Galerie
historique », Bibliothèque Gilon, Verviers, 188 ?, pp.
38-39.
* 16 Dans DU CAMP Maxime,
Souvenirs littéraires, dans « Revue des Deux
Mondes », tome LI, 15 juin 1882, p. 802.
* 17 Dans DE VEZZANI
GRISCELLI, Mémoires de Griscelli de Vezzani dit le Baron de
Rimini... op. cit., p. 199.
* 18 Selon ce principe, les
biens confisqués sont gérés par une caisse
ecclésiastique chargée de payer les traitements de la -faible-
partie du Clergé séculier à la charge de l'Etat.
* 19 Dans RICCI A., La
question militaire en Italie, dans « Revue contemporaine »,
tome XXXIII, mai-juin 1863, pp. 387-389.
* 20 Ici s'impose un bref
rappel du contexte de ce conflit baptisé de « première
guerre moderne » par Alain GOUTTMAN dans son récent et
excellent ouvrage La guerre de Crimée. 1853-1856, Perrin,
Paris, 2003. La France, l'Angleterre et la Sardaigne s'opposaient à la
Russie, fidèle à sa traditionnelle ambition d'atteindre les
Détroits. Le tsar Nicolas Ier exigeait de se voir reconnaître,
s'appuyant sur un vague traité de 1774, des droits reconnus à la
France depuis 1740, et plus récemment en février et
décembre 1852, pour la protection des catholiques latins dans l'Empire
turc. Il ne s'agissait là que d'un prétexte qui masquait la
véritable volonté impériale : entamer le
dépècement de l' « homme malade », selon
son mot, et y faire participer François-Joseph, qui avait pu s'appuyer
sur les baïonnettes russes en 1849 pour écraser un
soulèvement hongrois. C'était sans compter sur la formation, en
Europe de l'Ouest, d'un front anti-russe : la Grande-Bretagne fit tout
pour éloigner les Russes de la Méditerranée orientale
-elle rejeta une proposition de partage en janvier 1853- tandis que
Napoléon III ne laissa pas bafouer si facilement les droits de son pays,
d'autant plus qu'il disposait, derrière lui, de l'appui des catholiques
français. Par ailleurs, si l'Autriche demeura longtemps hésitante
tout au long du conflit, ce n'était pas sans une raison valable :
la Prusse, apeurée de voir le prestige des Habsbourg augmenter en cas de
victoire, avait vite pressé la Diète de la
Confédération germanique de voter contre une participation
autrichienne (octobre 1854) ! Le tsar dépêcha à
Constantinople un envoyé extraordinaire, Menchikov, chargé
d'obtenir la reconnaissance d'un protectorat russe sur les chrétiens
orthodoxes de l'Empire ottoman. Sur les conseils de l'ambassadeur britannique,
le sultan Abd ul-Mejid refusa aussi net et, le 31 mai, ne tint pas compte de
l'ultimatum russe menaçant d'occuper les principautés
moldo-valaques. Le sultan refusa toute médiation étrangère
et le Grand Conseil de l'Empire déclara la guerre le 8 octobre 1853. Des
troupes franco-britanniques faisaient route vers les Dardanelles dès le
début du mois de juin. La destruction d'une flotte turque dans la mer
noire motiva la France et l'Angleterre à se mêler également
au conflit (28 mars 1853). Leurs armées étaient respectivement
commandées par le maréchal de Saint-Arnaud -parent du marquis
Alfred de Trazegnies, sur lequel porte ce mémoire- et le lord Raglan.
Ils reçurent l'ordre d'assiéger l'imprenable forteresse de
Sébastopol, vaillamment défendue par Todleben. Elle ne fut prise
qu'en septembre 1855 par Mac-Mahon ! Le décès de Nicolas Ier
amena Alexandre II au pouvoir. Celui-ci se résigna à signer la
paix de Paris (30 mars 1856), lorsque l'Autriche et la Suède
menacèrent de se joindre aux alliés. Retenons que la guerre de
Crimée consuma la rupture du groupe conservateur Russie-Autriche-Prusse
qui avait dominé la politique internationale depuis le Congrès de
Vienne. François-Joseph se trouvait désormais seul, incapable
d'empêcher la réalisation des unités allemande et
italienne...
* 21 Cité dans JUSTE
Théodore, Le comte de Cavour, « Galerie
historique », Bibliothèque Gilon, Verviers, 1882, pp. 49-50
* 22 Dans DE LA GORCE Pierre,
Napoléon III et sa politique, Plon, Paris, 1933, p. 48 ;
cité dans GOUTTMAN Alain, La Guerre de Crimée... op.
cit., p. 391
* 23 Cité dans MILZA
Pierre, Napoléon III... op. cit., p. 338
* 24 Cité dans
PRADALIÉ Georges, Le Second Empire, « Que
sais-je ?», Paris, PUF, 1966, p. 93.
* 25 Dans POUTHAS Charles H.,
Charles de Rémusat. Mémoires... op. cit., p. 86.
* 26 Dans BLED Jean-Paul,
François-Joseph, Fayard, Paris, 1999, p. 231.
* 27 Idem, p. 229.
* 28 Dans OLLIVIER Emile,
L'empire libéral. Etudes, récits, souvenirs. Napoléon
III et Cavour, Garnier frères, Libraires-éditeurs, Paris,
1899, pp. 188-189.
* 29 Cité dans OLLIVIER
Emile, L'empire libéral... op. cit., p. 272.
* 30 Cité dans
GUICHONNET Paul, L'unité italienne... op. cit., p. 496.
* 31 Dans DE LA GORCE
PIERRE, Histoire du Second empire, tome III, Librairie Plon, Paris,
1906, p. 130.
* 32 Dans DE LA
GUÉRONNIÈRE (vicomte), Le pape et le Congrès,
Paris, 1859 ; cité dans GUT Philippe, L'unité
italienne... op. cit., p. 53
* 33 Edouard Antoine
Thouvenel (1818-1866). En 1854, il était envoyé comme
attaché à l'ambassade de Bruxelles. L'année suivante, il
partait pour Athènes comme chargé d'affaires par intérim.
Il reçut, en janvier 1849, le poste de ministre plénipotentiaire.
Présent en Grèce en 1850, on l'envoya ensuite vers Munich
où il fut très bien reçu. Dès le coup d'Etat du 02
décembre, on le retrouvait à la direction politique des Affaires
étrangères. En 1855, il était ambassadeur à
Constantinople. Suite aux difficultés engendrées par la question
italienne, il remplaça Walewski à la tête du
ministère des Affaires étrangères, début janvier
1860. Le 15 août 1862, il cédait sa place à Drouyn de
Lhuys, pour avoir été partisan de l'abandon de Rome aux Italiens.
(Dans VAPEREAU Gustave, Dictionnaire universel des contemporains,
Librairie Hachette et Cie, Paris, 1870, pp. 1753-1754 et dans TULARD Jean,
Dictionnaire du Second Empire, Librairie Arthème Fayard, Paris,
1995.)
* 34 Constantin Nigra
représente S.M. Victor-Emmanuel II auprès du gouvernement de
Paris. Il naît le 12 juin 1827. En 1848, il prend part à la lutte
contre l'Autriche et est blessé à Tivoli. Il entre ensuite dans
la carrière diplomatique en 1856. Dans un premier temps
secrétaire de Cavour au Congrès de Paris, il obtient le poste de
secrétaire des plénipotentiaires italiens aux négociations
de Zurich. Nommé ministre à Paris, puis attaché au prince
de Carignan lors de sa mission à Naples, il est nommé une seconde
fois ministre à Paris et enfin ambassadeur. Il demeure dans la capitale
française jusqu'en 1876. Il poursuit ensuite une remarquable
carrière diplomatique qui le mènera notamment à
représenter son pays auprès de la cour
saint-pétersbourgeoise. (Dans THOUVENEL L., Le secret de l'empereur.
Correspondance confidentielle et inédite échangée entre M.
Thouvenel, le duc de Gramont et le général comte de Flahault
1860-1863, Calmann Lévy éditeur, Paris, 1889, volume 2, pp.
530-531.)
* 35 Dans OLLIVIER Emile,
L'empire libéral... op. cit., p. 428.
* 36 Lettre de Cavour
à Constantin Nigra datée du 9 juin 1860 et citée dans R.
COMMISSIONE EDITRICE (A CURA DELLA), Il carteggio Cavour-Nigra dal 1858 al
1861. Volume 4 : la liberazione del Mezzogiorno,
Nicola Zanichelli Editore, Bologna, 1929, p. 19.
* 37 Lettre de Cavour
à Nigra datée du 9 août 1860 et citée dans R.
COMMISSIONE EDITRICE (A CURA DELLA), Il carteggio Cavour-Nigra dal 1858 al
1861... op. cit., Volume 4, pp. 144-145.
* 38 Dans TERLINDEN Charles,
La reconnaissance du royaume d'Italie par la Belgique, dans
« Mélanges d'Histoires offerts à Henri Pirenne par ses
anciens élèves à l'occasion de sa quarantième
année d'enseignement à l'Université de Gand
1886-1926 », Vroman & Co. imprimeurs-éditeurs, Bruxelles,
1926, p. 485.
* 39 Idem, pp.
495-496.
* 40 Charles Rogier
(1800-1885). On ne présente plus ce célébrissime politique
belge. Homme d'Etat libéral. Il fit son droit (1826) avant de devenir
rédacteur dans le journal -qu'il avait co-fondé- Mathieu
Laensbergh de Liège. Il prit part aux combats de 1830 avec des
volontaires liégeois, dont J. Demarteau. On le retrouvait, à
cette époque, membre du gouvernement provisoire et du Congrès
national. Il représenta les arrondissements de Turnhout (1831-1837),
Anvers (1837-1854 et 1857-1863), Bruxelles (1856-1857) et Tournai (1863-1885).
Il fut gouverneur de la Province d'Anvers, ministre de l'Intérieur
(1832-1834, 1847-1852 et 1857-1861), ministre des Travaux publics (1840-1841)
et enfin ministre des Affaires étrangères entre 1861 et 1868.
(Dans Biographie nationale, publiée par l'Académie
royale des sciences, des lettres et des beaux-arts de Belgique, H. Thiry-Van
Buggenhoudt, Bruylant-Christophe, Bruxelles, 1907, tome XIX, colonnes
693-781 ; dans DE PAEPE Jean-Luc, RAINDROF-GÉRARD Christiane,
Le Parlement belge 1831-1894, Commission de la Biographie Nationale,
Académie royale de Belgique, Bruxelles, 1996, pp. 489-490 ; dans
DELZENNE Yves-William, HOUYOUX Jean, Le nouveau dictionnaire des
belges, Le Cri édition, Bruxelles, 1998, volume 2, pp.
196-197 ; etc.)
* 41 Idem, p. 488.
* 42 Idem, p. 499.
* 43 Idem,
p. 501.
* 44 Idem, p. 507.
* 45 AMAE, légation
Saint-Siège, lettre du représentant belge Carolus au ministre des
Affaires étrangères Adolphe de Vrière, 05 octobre 1861.
Carolus expliquait qu'il avait rencontré monseigneur Ledochowski
à Lisbonne, « où il était auditeur de la
nonciature. Ses formes sont parfaites, son instruction étendue, sa
conversation agréable et son esprit conciliant. On n'aura pas (...)
l'occasion de lui faire, comme à son prédécesseur, le
reproche de ne s'occuper de rien et de n'écrire presque
jamais. »
* 46 Reproduit dans GUT
Philippe, L'unité italienne... op. cit., pp. 58-59.
* 47 Dans AUBERT
Roger, Pie IX et le Risorgimento, dans
« Risorgimento », 1961, tome II, p. 68.
* 48 Dans THOUVENEL L.,
Le secret de l'empereur... op. cit., volume 2, p. 466.
* 49 Cité dans
VEUILLOT Eugène, VEUILLOT Louis, DE RIANCEY,
Célébrités catholiques, Librairie
Calmann-Lévy, Paris, 1870, p. 38.
* 50 Dans POUTHAS Charles
H., Charles de Rémusat. Mémoires de ma vie, volume 5,
Rémusat pendant le Second Empire, la guerre et l'Assemblée
nationale, gouvernement de Thiers et Ministère de Rémusat aux
Affaires Etrangères (1852-1875), Librairie Plon, Paris, 1967, pp.
108-109 et 137-138.
* 51 Dans VEUILLOT
Eugène, ..., Célébrités catholiques...,
op. cit., p. 48.
* 52 Edmond About (1828-1885).
Journaliste anticlérical et auteur de romans.
* 53 Dans ABOUT Edmond,
La Question romaine, M. Lévy frères, Paris, 1861, p.
116.
* 54 Dans DE LA GORCE
PIERRE, Histoire du Second empire, tome III, Librairie Plon, Paris,
1906, p. 362.
* 55 Dans VEUILLOT
Eugène, ..., Célébrités catholiques...
op. cit., p. 6.
* 56 Cité dans BESSON
(Mgr), Frédéric-François-Xavier de Merode, ministre et
aumônier de Pie IX, archevêque de Mélitène, sa vie et
ses oeuvres, Retaux-Bray Librairie-Editeur, Paris, 1886, p. 67.
* 57 Dans Dans VEUILLOT
Eugène, ..., Célébrités catholiques...
op. cit., p. 11.
* 58 Dans AUBERT Roger,
Monseigneur de Merode. Ministre de la guerre sous Pie IX. (I), dans
« Revue générale belge », mai 1956, pp.
1102-1116
* 59 Dans DE LA GORCE PIERRE,
Histoire du Second empire... tome III... op. cit., p. 364.
* 60 Dans THOUVENEL L.,
Le secret de l'empereur... op. cit., volume 1, lettre du duc de
Gramont à monsieur Thouvenel, 27 novembre 1860, p. 307.
* 61 Idem, volume 2,
lettre du duc de Gramont à monsieur Thouvenel, 09 avril 1861, pp.
51-53.
* 62 Antoine Alfred
Agénor de Gramont (1823-1881). Il fut d'abord connu sous le nom de duc
de Guiche puis, à partir de la mort de son père le 03 mars 1854,
il s'appela prince de Bidache et duc de Gramont. Admis à l'école
polytechnique en 1837, il passa à l'école d'application de Metz
d'où il sortit sous-lieutenant d'artillerie en octobre 1839. Il
démissionna moins de deux ans plus tard. Il reprit du service dans la
garde nationale en 1848. Le coup d'Etat du 02 décembre coïncide
avec son entrée dans la carrière politique. Il fut envoyé
comme ministre plénipotentiaire à Cassel, puis à Stuttgart
(1852) et à Turin (1853). Enfin il devint ambassadeur à Rome en
1857. Selon les différentes sources, les relations de Gramont avec les
autorités pontificales -et en particulier avec le cardinal Antonelli-
devinrent si délicates, qu'il dût demander sa mutation. Il n'est
pas impossible que ce soit la publication du Livre jaune
français, comprenant sa correspondance -quelques fois très
agressive vis-à-vis du Saint-Siège- avec monsieur Thouvenel, qui
ait provoqué la mésentente. D'après les dires de
Théodore de Bounder de Melsbroeck, le duc avait alors « perdu
de son autorité et de son influence. » On le transféra
comme ambassadeur à la cour d'Autriche où il resta en fonction
jusqu'au 15 mai 1870. Il devint ensuite ministre des Affaires
étrangères à la place du comte Daru. Il joua un rôle
considérable dans l'affaire du Luxembourg et celle concernant la
candidature du prince Léopold au trône d'Espagne. Tombé en
1870, en même temps que le gouvernement Ollivier, il se réfugia
l'année suivante à Londres. De retour en France, il
écrivit quelques ouvrages sous des pseudonymes. Il était
l'époux d'Emma-Marie Mac Kinnon depuis décembre 1848. (Dans
Dictionnaire de biographie française, Librairie Letouzey et
Ané, Paris, tome XVI, 1985, colonnes numéros 920-921 ; dans
VAPEREAU Gustave, Dictionnaire universel des contemporains, Librairie
Hachette et Cie, Paris, 1870, p. 795 ; dans BITARD Ad., Dictionnaire
de biographie contemporaine française et étrangère,
comprenant les noms, prénoms, pseudonymes de tous les personnages
célèbres du temps présent, l'histoire de leur vie, de
leurs actes et de leurs oeuvres, la date de leur naissance et des principaux
événements de leur carrière, etc. Augmenté d'un
supplément comprenant les additions et changements divers survenus
pendant l'impression, Léon Vanier, Paris, 1880, pp. 582-583 ;
dans THOUVENEL L., Le secret de l'empereur... op. cit., volume 1,
lettre du duc de Gramont à monsieur Thouvenel, 19 février 1861,
pp. 434-439 et AMAE, légation Saint-Siège, lettre de
Théodore de Bounder de Melsbroeck à Adolphe de Vrière, 31
août 1861.)
Adolphe Pierre Aloys de Vrière (1806-1885). Homme
politique libéral. Docteur en droit de l'Université de Leiden
(1825), il fut d'abord collaborateur au journal Standaerd van
Vlaenderen de Bruges avant de devenir commissaire d'arrondissement de
Bruges de 1830 à 1841. Il entra dans la carrière diplomatique en
tant que secrétaire de légation adjoint à la Mission en
Saxe et en Prusse en 1831. De 1841 à 1845, on le retrouvait
chargé d'affaires à Copenhague, puis à Lisbonne
(1845-1847). Il fut successivement gouverneur des provinces de Namur, de
Hainaut et de Flandre occidentale. Enfin nous le rencontrons, dans ce
mémoire, comme ministre des Affaires étrangères (novembre
1857-octobre 1861). A la Chambre, de Vrière représenta Bruges
entre 1857 et 1863 puis entre 1864 et 1870. (Dans DE PAEPE Jean-Luc,
RAINDROF-GÉRARD Christiane, Le Parlement belge 1831-1894,
Commission de la Biographie Nationale, Académie royale de Belgique,
Bruxelles, 1996, pp. 253-254 et dans Nationaal Biografisch Woordenboek,
Koninklijke Vlaamse Academiën van België, Brussel, tome XVI,
2002, colonnes 929-930.)
* 63 Dans THOUVENEL L.,
Le secret de l'empereur... op. cit., volume 2, lettre du duc de
Gramont à monsieur Thouvenel, 27 avril 1861, pp. 75-76.
* 64 Dans CORVISIER
André (sous la direction de), Histoire militaire de la France,
tome II, De 1715 à 1871, PUF, Paris, 1992, pp. 508-509.
* 65 Charles Marie Augustin
de Goyon (1803-1870). Il entra à Saint-Cyr en 1819 et sortit deux ans
plus tard sous-lieutenant au 17e chasseurs à cheval. Il
participa, dans ce grade, à la Campagne d'Espagne en 1823. Lieutenant au
premier cuirassé en 1825, il devint en 1846 colonel du 2e
dragons à la tête duquel il contribua à la
répression de l'insurrection de 1848. Promu général de
brigade en avril 1850, puis général de division trois ans plus
tard, il dirigea l'école de cavalerie de Saumur. En 1854, il commanda le
camp de Lunéville avant d'être affecté, deux années
plus tard, commandant du corps expéditionnaire à Rome. Là,
il eut de nombreuses disputes, notamment avec Monseigneur de Merode. Son
ambassadeur, le duc de Gramont, rapportait que Merode aurait tenu le discours
suivant au général français : « vous
êtes le dernier oripeau qu'emploie votre maître pour cacher son
infamie ! » Goyon affirmait à son supérieur que la
seule solution à la question romaine était le départ du
pape de sa capitale. Mais adressait-il les mêmes paroles au
Saint-Père ? En juin 1861, le représentant belge près
le Saint-Siège, Henri Carolus, pouvait écrire qu'on se montrait,
au Vatican, très irrité contre le général de Goyon.
Celui-ci resta malgré tout en place. Il fut même nommé
général en chef du corps d'occupation au mois de novembre 1861.
Au mois de décembre, Firmin Rogier, représentant de la Belgique
à Paris, rapportait l'anecdote suivante : le général
avait été saluer leurs majestés François II et
Marie-Sophie en uniforme officiel, alors que les instructions qu'il avait
reçues le priaient de s'y rendre en « frac noir et sans aucun
caractère officiel. » L'outrecuidance de Goyon envers ses
supérieurs devait prendre fin. Le premier mai 1862, Firmin Rogier
assurait qu'on se trompait en pensant que la présence du
général à Rome était agréable au
Saint-Siège. Par sa conduite, notamment en ce qui concernait la
répression du brigandage, Goyon était plutôt devenu
`persona ingrata'. Le général fut effectivement rappelé
auprès de l'empereur, qui avait reconnu « que le tort
était du côté du général militaire, qui
empiétait sans cesse sur le domaine politique réservé
à l'ambassadeur » Lavalette. Le prince-président, qui
apparemment le couvrait, l'éleva à la dignité de
Sénateur. Le duc se rangea du côté des bonapartistes
catholiques. 5 ans plus tard, il était nommé commandant du
6e corps d'armée à Toulouse. Arrivé à la
limite d'âge en 1868, il fut placé dans le cadre de
réserve. Il décédait deux ans plus tard. (Dans
Dictionnaire de biographie française,... op. cit., tome XVI,
1985, colonnes 867-868 ; dans VAPEREAU Gustave, Dictionnaire universel
des contemporains... op. cit., p. 792 ; dans THOUVENEL L., Le
secret de l'empereur... op. cit., lettres du duc de Gramont à
monsieur Thouvenel datées du 02 octobre 1860 et du 10 novembre de la
même année ; AMAE, légation Saint-Siège, lettre
de Henri Carolus à de Vrière, 19 juin 1861 et AMAE,
légation France, lettres de Firmin Rogier à Charles Rogier
datées du 12 décembre 1861 et du premier mai 1862.)
* 66 Dans THOUVENEL L.,
Le secret de l'empereur... op. cit., volume 1, lettre du duc de
Gramont à monsieur Thouvenel, 11 août 1860, p. 168.
* 67 Dans INSOGNA A.,
François II roi de Naples, Histoire du royaume des Deux-Siciles
1859-1896, Delhomme et Briguet éditeurs, Paris, 1897, pp. 180-181.
Cet ouvrage se veut particulièrement engagé en faveur du roi de
Nalples. Il connut une édition italienne auprès de la tipografia
Gambella, Naples, 1898. Très peu d'informations sont disponibles sur son
auteur, Insogna. D'après ce que Benedetto Croce avait pu apprendre
à son sujet, Isogna était docteur en médecine. Dans son
livre, le fait que les ministres et généraux du roi aient voulu
prendre les décisions à sa place devenait, selon Croce, comme une
obsession. (Dans CROCE Benedetto, Uomini e cose della vecchia Italia. Serie
Seconda, coll. Scritti di Storia letteraria e politica, Gius. Laterza
& Figli, Bari, 1943, pp. 405-406.)
* 68 Dans DUFOUR Hortense,
Sissi. Les forces du destin, Editions Flammarion, Paris, 2003, p.
265.
* 69 Comte
Jérôme-Benoît-Philogène de Bailliencourt (1808-1869).
Né à Béthune, il entre à l'école de
Saint-Cyr le 19 novembre 1826. Il se lie à Louis-Napoléon
Bonaparte dès 1840 quand il est chargé de la garde du fort de Ham
où celui-ci est retenu prisonnier. Il se fait remarquer durant les
insurrections de juin 1848 en enlevant 18 barricades dans le quartier de la rue
Mouffetard et passe ainsi lieutenant-colonel au mois de juillet. Ce n'est que
dix ans plus tard qu'il atteint le grade de général de brigade.
Il ne prend nullement part aux guerres de 1859 mais s'occupe longuement du
corps d'occupation présent à Rome (1852-1859).
Général de division en 1869, il prend le commandement de la
division militaire de Grenoble et s'éteint quelques mois plus tard dans
cette même ville. (Dans Dictionnaire de Biographie
française, Librairie Letouzey et Ané, Paris, tome IV, 1933,
colonne 1303.)
* 70 Lettre datée de
Rome, 05 mars 1861. Citée dans DE BAILLIENCOURT
Jérôme-Benoît-Philogène, Feuillets
militaires : Italie 1852-1862. Souvenirs, notes et correspondances,
Firmin-Didot, Paris, 1894, pp. 357-361.
* 71 Pietro Calà
Ulloa (1801-1979). Né à Naples, il fut dès sa jeunesse
attiré par la littérature à laquelle il consacra de
nombreuses études. En 1829, il fut professeur d'éloquence au
Collège militaire. En 1836, il était nommé juge au
Tribunal civil d'Avellino. L'année suivante, il obtenait le poste de
Procureur général auprès de la Grande Cour criminelle de
Trapani. En 1844, il était promu procureur géréral
auprès de la Grande Cour civile de Messine. Deux ans plus tard, on le
retrouvait dans la même fonction à l'Aquila. En 1847, il gardait
les mêmes fonctions à Avellino. Lors des événements
de 1848, il fut l'un des premiers à soutenir la cause des Bourbons. Cela
lui valut d'être nommé Conseiller de la Cour suprême de
Justice à Trani, où il resta jusqu'en 1854. A cette date, il
obtint enfin le poste similaire dans la capitale. S'impliquant dans la
politique en 1860, il tenta de former des ministères opposés
à Garibaldi mais ce fut un échec. Il accompagna le roi à
Gaète en tant que ministre de l'Intérieur dans le Cabinet
Casella. En novembre 1860, on l'envoya chercher de l'aide à Rome et
à Paris. Cette mission se révéla infructueuse. A la chute
de la forteresse, il fut président du gouvernement en exil à Rome
et fut écouté par le roi jusqu'en 1866. Calà Ulloa
s'opposa fermement à l'utilisation du brigandage afin de
reconquérir le royaume. A la chute de Rome, il s'en retourna vivre dans
sa ville natale pour s'adonner à l'étude de l'histoire locale.
(Dans Dizionario biografico degli italiani, Instituto della
Enciclopedia italiana, Roma, tome XVI, 1973, pp. 469-472.)
* 72 Tommaso Clary
(1798-1878). Il joua un rôle important dans les combats contre les
Garibaldiens envahissant la Sicile, ce qui lui valut d'être fait
maréchal de camp. A Rome, il fit de son mieux pour accroître
l'activité des brigands. On lui devait notamment d'avoir fait venir sur
place l'espagnol José Borjès, dont nous reparlerons. Il pousuivit
ses activités jusqu'en 1863 quand, sur pression du gouvernement italien,
les Français le reléguèrent à Civitavecchia
où il devait rester pour quelques temps. Cela ne l'empêcha pas de
se trouver encore, en 1868, dans un comité bourbonien à Palerme.
On ignore totalement ce que fut sa vie après les
événements de la Porta Pia, probablement demeura-t-il à
Rome jusqu'à son décès. (Dans Dizionario biografico
degli italiani... op. cit., tome XXVI, 1982, pp. 148-150.)
* 73 Ferdinando Beneventano
Bosco (1813-1881). A peine ses études terminées, ce jeune homme
au caractère bien trempé devenait-il lieutenant en second des
grenadiers de la Garde. En 1848, il était promu capitaine. En 1850,
Ferdinand II de Bourbon le décorait de la médaille d'or de
première classe. Sept ans plus tard, on le transférait
temporairement en Sicile. L'année suivante, il était fait major.
Le 10 juin 1860, on le retrouvait colonel. Il s'embarquait pour la citadelle de
Messine où il rencontrait le général de Clary. A la chute
du fort, il s'en retournait à Naples où il fit son possible afin
d'éloigner le roi vers Gaète, Garibaldi menaçant. A ce
moment, il accédait au grade de général de brigade. Il
tint la tête à Garibaldi, puis, arrêté, on lui
accorda de partir en exil en France. C'était pour aller mieux retrouver
son souverain à Rome, peu de temps après. Sur place, il fut l'un
des principaux organisateurs de la réaction, en compagnie des
généraux Vial et Clary. Bosco ne désespérait pas de
restaurer un jour son maître. En 1866, il se trouvait à Barcelone,
recrutant des hommes dans ce but. (Dans Dizionario biografico degli
italiani... op. cit., tome XIII, 1971, pp. 206-208.)
* 74 AMAE, légation
Saint-Siège, lettre de Carolus à Adolphe de Vrière, 11
mars 1861.
* 75 Dans HAYWARD Fernand,
Le dernier siècle de la Rome pontificale, Pie VII (la Restauration),
Léon XII, Pie VIII, Grégoire XVI, Pie IX, 1814-1870, Payot,
Paris, 1928, pp. 301-304.
* 76 Dans THOUVENEL L.,
Le secret de l'empereur... op. cit., volume 2, lettre du duc de
Gramont à Thouvenel, 21 mai 1861, p. 115.
* 77 Idem, lettre de Thouvenel
au duc de Gramont, 31 mars 1861, etc., p. 29.
* 78 Idem, volume 1, lettre du
duc de Gramont à Thouvenel, 16 mars 1861, p. 491.
* 79 Idem, lettre de Thouvenel
au duc de Gramont, 16 mars 1861, pp. 2-3.
* 80 AMAE, légation
Saint-Siège, lettre d'Henri Carolus à Adolphe de Vrière,
06 mai 1861.
* 81 Henri Carolus
(1811-1867). Il représenta la Belgique auprès du Saint
Siège depuis le premier novembre 1859 jusqu'au 13 août 1867, date
de son décès. Plusieurs secrétaires se
succédèrent à son service durant ce mandat. Il s'agissait
de Pierre Bartholeyns (01 février 1860 - 01 septembre 1860), Albert
Paternostre (attaché entre le 18 décembre 1859 et le 21 novembre
1860, date à laquelle il devient secrétaire jusqu'au 03
décembre 1862) et Théodore de Bounder (01 septembre 1860 - 06
février 1864), pour ne citer que les premiers d'entre eux. Carolus
naquit à Anvers le 14 mai 1811. Aspirant du génie, il devint aide
de camp du général Willmar le 26 août 1836 et fut promu
capitaine en second un an plus tard. En 1840, Carolus accompagna le
général à Berlin en tant que secrétaire de
légation (7 juillet). Il passa capitaine en premier le 21 juillet 1842
et le 8 octobre 1842, un arrêté royal lui accordait le titre de
secrétaire de légation honoraire. Le 4 juin 1845, il reçut
le titre de secrétaire de légation de première classe et
assura, dès le mois d'août, la gestion de la légation de
Berlin. Consul général à Darmstadt en 1846 puis conseiller
de légation à Paris en juin 1848, il y demeura quelques
années avant de se rendre en tant que ministre plénipotentiaire
à Lisbonne dès la fin de juillet 1856. Un arrêté
royal le désigna, enfin, au premier novembre 1859, comme envoyé
auprès du Saint Siège. A Rome, Carolus mena une politique souvent
mise en doute par les autorités turinoises, comme nous l'expliquons. En
ce qui concerne les rapports entre Carolus et le Vatican, nous savons que les
méthodes de monseigneur de Merode ne lui plaisaient guère, il
reconnaissait cependant les capacités et l'énergie du Ministre
des Armes. Nous ne pouvions évoquer la figure de ce personnage sans
reproduire la description succulente que nous en a laissé Henri
d'Ideville. « Le ministre de Belgique, écrivait-il, est un
ancien officier d'artillerie. Aujourd'hui c'est un gros homme à
lunettes, un peu lourd, souvent malade, mais d'un esprit assez fin. Il a
loué près de Sainte-Marie des Anges, dans un quartier
reculé, une villa avec grand jardin appartenant à son
compatriote, M. de Merode. M. Carolus est un vieux connaisseur et un grand
amateur de jolies choses ; il a de bons tableaux, des objets d'art et de
fort belles porcelaines. Le plus charmant bijoux de sa collection est cependant
sa jeune femme, dont il semble être le père. Madame Carolus est
fort jolie, excellente personne sans méchanceté aucune ;
elle s'occupe beaucoup de ses toilettes, de sa petite fille et même de
son vieux mari. » (Dans BRAIVE G., MONDOVITS I., Le corps
diplomatique et consulaire belge en Italie (II), dans
« Risorgimento », XIIIe année, 1970, tome I, pp.
68-69 ; dans Idem,... (I)..., pp. 46-47 ; dans
DELZENNE Yves-William, HOUYOUX Jean, Le nouveau dictionnaire des
belges, Le Cri édition, Bruxelles, 1998, volume 2, p. 229 ;
dans LECONTE J. R., Les origines de la diplomatie en Belgique. Officiers
diplomates à l'époque de Léopold Ier, dans
« Revue internationale d'histoire militaire »,
numéro 24, 1965, pp. 405-406 ; dans Biographie nationale de
Belgique, publiée par l'Académie royale des Sciences, des
lettres et des beaux-arts de Belgique, tome XXXIV, colonnes numéros 159
à 163, notice de Jacques-Robert Leconte ; dans AUBERT Roger,
Monseigneur de Merode. Ministre de la guerre sous Pie IX. (II), dans
« Revue générale belge », XCIIe
année, juin 1956, p. 1318 et dans D'IDEVILLE Henry, Journal d'un
diplomate en Italie, notes intimes pour servir à l'histoire du Second
Empire. Rome 1862-1866, Librairie Hachette et Compagnie, Paris, 1873, p.
45.)
Henri Amédée Le Lorgne d'Ideville (1830-1887).
Il fut secrétaire d'ambassade à Turin (1859), Rome (1862), Dresde
(1867) et Athènes (1868). Il se retira en 1870 puis devint préfet
d'Alger un an plus tard, jusqu'en 1873. Après quoi il se retira
définitivement. Il laissa d'intéressants écrits sur ses
activités diplomatiques, notamment. (Dans Dictionnaire de biographie
française... op. cit., tome XXVIII, 1994, colonne 133.)
* 82 AMAE, légation
Saint-Siège, lettre d'Henri Carolus à Charles Rogier, 19
février 1862.
* 83 Dans THOUVENEL L., Le
secret de l'empereur... op. cit., volume 1, lettre de Thouvenel au duc de
Gramont, 10 février 1861, p. 400.
* 84 Idem, lettre du
duc de Gramont à Thouvenel, 26 février 1861, p. 457.
* 85 Idem, volume II,
lettre du duc de Gramont à Thouvenel, 16 avril 1861, pp. 59-64.
* 86 Salvatore Carbonelli
(1820-1906). En 1860, il fut appelé à faire partie du
gouvernement constitutionnel de François II en tant que responsable des
Travaux publics. Lors du remaniement ministériel de Gaète, le roi
le fit ministre des Finances. En exil à Rome, il conserva ce poste.
Légitimiste convaincu, il fut impliqué dans la frappe de fausse
monnaie afin de financer les expéditions légitimistes du roi. En
1865, il démissionna du gouvernement avec son collègue Del Re,
des Affaires étrangères, à cause d'un malentendu avec le
ministre Ulloa. Ce dernier était partisan de la constitution, tandis que
les deux démissionnaires expliquaient que si François II avait
usé de la manière forte en 1860, jamais il n'aurait perdu son
royaume. Lors de l'invasion de Rome en 1870, il partit pour la Suisse où
il séjourna jusqu'en 1877. Après quoi il rentrait à Naples
pour se retirer dans la vie privée. (Dans Dizionario biografico
degli italiani... op. cit., tome IXX, 1976, pp. 708-711.)
* 87 Dans DE NAVENNE
Ferdinand, Le Palais Farnèse pendant les trois derniers
siècles, Librairie ancienne Honoré Champion, Paris, 1923,
tome II, p. 233.
* 88 Gaetano Afan de Rivera
(1816-1870). Il participa à la campagne de Sicile et à la prise
de Messine en septembre 1848. Nommé brigadier en 1855, il fut commandant
de brigade à Palerme, avant d'être élevé au grade de
maréchal de camp en avril 1860. Il lutta contre les garibaldiens en
Sicile, puis suivit les Bourbons en exil à Rome. Il continua à
s'occuper de la réaction jusqu'à sa mort en 1870. (Dans
Dizionario biografico degli italiani... op. cit., tome I, 1960, p.
346.)
* 89 AMAE, légation
Saint-Siège, lettre d'Henri Carolus à Adolphe de Vrière,
03 avril 1861.
* 90 A.-Sébastien
Kauffmann (1800-1868).
* 91 Dans KAUFFMANN A.
Sébastien, Chroniques de Rome. Tableau de la société
romaine sous le pontificat de Pie IX, G. Barda, Paris, 1865, p. 27.
* 92 AMAE, légation
Saint-Siège, lettre du représentant belge Carolus au ministre des
Affaires Etrangères Charles Rogier datée du 10 novembre 1861.
* 93 AMAE, légation
Saint-Siège, lettre de Charles Rogier à Henri Carolus, 17
novembre 1861.
* 94 AMAE, légation
Saint-Siège, lettre d'Henri Carolus à Adolphe de Vrière,
09 février 1861.
* 95 AMAE, légation
Saint-Siège, lettre de Théodore de Bounder de Melsbroeck à
Adolphe de Vrière, 07 septembre 1861.
* 96 AMAE, légation
Saint-Siège, lettre d'Henri Carolus à de Vrière, 02 mars
1861.
* 97 AMAE, légation
Saint-Siège, lettre de Charles Rogier à Henri Carolus, 17
novembre 1861.
* 98 AMAE, légation
Saint-Siège, lettre d'Henri Carolus à Charles Rogier, 07
décembre 1861.
* 99 AMAE, légation
Saint-Siège, le même au même, 10 décembre 1861.
* 100 AMAE, légation
Saint-Siège, lettre de Charles Rogier à Henri Carolus, 26
novembre 1861.
* 101 Lettre de Villamarina
à Cavour datée du 31 juillet 1860, dans R. COMMISSIONE EDITRICE
(a cura della), La liberazione del Mezzogiorno e la formazione del regno
d'Italia, Nicola Zanichelli Editore, Bologna, 1949, volume 1
(gennaio-luglio 1860), p. 421.
* 102 Dans LAROUSSE Pierre,
Grand dictionnaire universel du XIXe siècle français,
historique, géographique, etc., Administration du Grand
dictionnaire universel, Paris, 1867, volume 2, pp. 1270-1271.
* 103 Dubarry Armand
(1836- ?). Ecrivain et journaliste français né à
Lorient en 1836. Rédacteur en chef de l'Italie à Turin
et à Florence, il quitte la capitale pour Venise où il travaille
pour le compte de l'Etendard et soutient la restitution de la
Vénétie à l'Italie. Il se rend enfin à Rome et
travaille pour plusieurs journaux français comme L'Opinion nationale
et la Liberté. Il est alors un spécialiste reconnu
de la Question italienne. La guerre de 1870 le ramène au pays où
il poursuit une brillante carrière comme rédacteur au
Figaro ou encore directeur politique de La Gazette. (Dans
Dictionnaire de Biographie française, Librairie Letouzey et
Ané, Paris, volume 11, 1967, colonne 871.)
* 104 Dans DUBARRY Armand,
Le brigandage en Italie depuis les temps les plus reculés
jusqu'à nos jours, E. Plon et Cie imprimeurs-éditeurs,
Paris, 1875, p. 1.
* 105 Dans RECLUS
Elisée, Nouvelle géographie universelle, tome I,
L'Europe méridionale, Paris, Hachette, 1875, p. 505.
* 106 Dans VIALLET
Jean-Pierre, Réactions et brigandage dans le Mezzogiorno
péninsulaire (1860-1869), dans « Recherches
régionales Côte d'Azur et contrées limitrophes »,
XXIIIe année, 1982, tome IV, p. 291.
* 107 Dans NITTI Francesco
S., Le brigandage de l'Italie méridionale à l'époque
des Bourbons, dans « Revue politique et
parlementaire », VIIe année, tome XXV, 1900, p. 129.
* 108 1744-1827. Il est
dans un premier temps trésorier de Pie VI qui le fait Cardinal en 1791,
alors qu'il n'occupe que la fonction de diacre.
* 109 Dans TREVISANI
Silvano, Borboni e briganti. Intervista con Gianni Custodero, Capone
Editore, Lecce, 2002, p. 41.
* 110 Dans TULARD Jean,
Napoléon, Librairie Arthème Fayard, Paris, 1977, p. 231.
* 111 Dans NITTI Francesco S.,
Le brigandage de l'Italie méridionale... op. cit., pp.
148-151.
* 112 Dans VIALLET
Jean-Pierre, Réactions et brigandage... op. cit., p. 294 et
dans TUCCARI Luigi, Memoria sui principali aspetti tecnico-operativi della
lotta al brigantaggio dopo l'Unità (1861-1870), dans «Archivio
Storico Per le Province napoletane», tome CI, 1983, p. 334.
* 113 Dans TAINE Hippolyte,
L'Italie et la vie italienne, dans « Revue des deux
Mondes », tome LIV, 1864, p. 841.
* 114 Marc Monnier
(1829-1885). Ecrivain, poète et professeur français. Il
naît à Florence de parents français et manifestera toujours
un attachement certain pour l'Italie. Son port d'attache reste la ville de
Naples jusqu'en 1864 où son père est hôtelier. Il est
ensuite professeur d'histoire comparée des littératures à
l'Université de Genève jusqu'en 1885. Ses multiples publications
sur la Péninsule italienne lui vaudront d'être reconnu comme un
des plus grands spécialistes de la question. Notre compatriote Le Hon,
de passage à Naples en mai 1864, le présente comme étant
un « écrivain de grand talent et de plus un grand
penseur. » Son ouvrage sur le brigandage méridional fait
figure de référence et fut publié en italien et en
français. Dans un article publié en 1862 sur l'état des
choses à Naples en 1861, François-Tommy Perrens précisait
qu'il n'aborderait la question du brigandage que de manière succincte
étant donné qu' « un homme distingué qui
habite Naples, monsieur Marc Monnier, prépare à ce sujet un
travail dont il a puisé les éléments aux sources les plus
sûres. » (Dans VAPEREAU Gustave, Dictionnaire universel des
contemporains, Librairie Hachette et Cie, Paris, 1870, pp.
1292-1293 ; ATTINGER Victor, GODET Marcel, TüRLER Henri,
Dictionnaire historique et biographique de la Suisse, Administration
du dictionnaire historique et biographique de la Suisse, Neuchâtel, 1928,
tome IV, p. 780 ; dans LE HON Henri, Correspondance d'Italie,
dans «Revue trimestrielle», XIe année, 1864, tome IV, p. 160
et dans PERRENS François-Tommy, Naples en 1861, dans
« Revue nationale et étrangère, politique, scientifique
et littéraire », 1862, tome IX, pp. 571-572.)
Henri Le Hon (1809-1872). Officier et professeur à
l'école militaire, il se fait remarquer par une série de travaux
concernant la géologie. Il est également un peintre de paysages
et marines. (Dans DELZENNE Yves-William, HOUYOUX Jean, Le nouveau
dictionnaire des belges, Le Cri édition, Bruxelles, 1998, tome II,
p. 58.)
François-Tommy Perrens naquit à Bordeaux en
1822. Il fit ses études dans le lycée de cette ville et fut
élève de l'Ecole normale de 1843 à 1845. Successivement
professeur à Bourges, Lyon et Montpellier, on le chargea en 1853 du
cours de seconde au lycée Bonaparte. Sa thèse de doctorat,
présentée en 1854, portait sur Jérôme Savonarole.
(Dans VAPEREAU Gustave, Dictionnaire universel... op. cit., p.
1424.)
* 115 Dans MONNIER Marc,
Histoire du brigandage dans l'Italie méridionale, Michel
Lévy Frères libraires-éditeurs, Paris, 1862, p. 5.
* 116 AMAE, légation
Saint-Siège, lettre de Théodore de Bounder de Melsbroeck à
Charles Rogier, 19 juillet 1862.
* 117 Du Camp Maxime
(1822-1894). Son père, chirurgien urologue décède
lorsqu'il n'a que deux ans. Sa mère le quitte 13 ans plus tard. Riche
héritier, Du Camp est un mal-aimé de l'écriture. Il reste
célèbre pour avoir voyagé 18 mois en Orient avec son
comparse Flaubert, au sortir de ses études (1844-1845). Après un
second voyage en Asie Mineure (1849-1851), il publie le premier ouvrage
illustré de photographies. Plus tard, en Italie, il accompagne Garibaldi
lors de l'expédition des Mille. Devenu collaborateur de la Revue des
Deux Mondes, il ne cache pas ses opinions anti-catholiques. (Dans
Dictionnaire de Biographie française, op. cit., tome XI, 1967,
pp. 1131-1133 et dans VAPEREAU Gustave, Dictionnaire universel... op.
cit., p. 571.)
* 118 Dans DU CAMP Maxime,
Naples et la société napolitaine sous le roi
Victor-Emmanuel, dans « Revue des Deux Mondes »,
XXXIIe année, 1862, tome IXL, p. 7.
* 119 Dans ZELLER Jules,
Pie IX et Victor-Emmanuel. Histoire contemporaine de l'Italie,
1846-1878, Librairie Académique Didier et Compagnie, Paris, 1879,
p. 439.
* 120 Dans NITTI Francesco S.,
Le brigandage de l'Italie méridionale... op. cit., pp.
134-135.
* 121 Dans DU CAMP Maxime,
Naples et la société napolitaine... op. cit.,
p. 9.
* 122 Rotrou C. L., agent
consulaire de France à Chieti. Le consul général de France
à Naples, qu'il est chargé d'informer, est monsieur
Soulange-Bodin. (Dans MONNIER Marc, Histoire du brigandage... op.
cit., p. 153.)
* 123 Dans ROTROU C.L.,
Des causes du brigandage dans les provinces napolitaines, Gianni et
Comp. éditeurs, Turin, 1863, p. 60.
* 124 Dans DU CAMP Maxime,
Naples et la société napolitaine... op. cit. , p. 12.
* 125 Cité dans DE
CESARE Raffaele, Roma e lo stato del papa. Dal ritorno di Pio IX al XX
settembre (1850-1870), Newton Campton Editori, Roma, 1975, p. 450.
* 126 AMAE, légation
Saint Siège, lettre d'Henri Carolus à Adolphe de Vrière,
30 avril 1861.
* 127 Cité dans
GARNIER Jean-Paul, Le dernier roi de Naples. Naissance de l'Italie,
Librairie Arthème-Fayard, Paris, 1961, p. 121.
* 128 Dans THOUVENEL L.,
Le secret de l'empereur... op. cit., volume 2, lettre du duc de
Gramont à Thouvenel, 21 mai 1861, pp. 115-116.
* 129 Dans GARNIER Jean-Paul,
Le dernier roi de Naples... op. cit., p. 121.
* 130 AMAE, légation
Saint Siège, lettre d'Henri Carolus à Adolphe de Vrière,
08 mai 1861.
* 131 AMAE, légation
Saint Siège, lettre de Théodore de Bounder de Melsbroeck à
Adolphe de Vrière, 21 septembre 1861.
* 132 AMAE, légation
Saint Siège, le même au même, 03 août 1861.
* 133 Odo William Leopold
Russel, premier baron Ampthill (1829-1884). Il voyagea beaucoup dans son
enfance aux côtés de son père diplomate. Il alla peu de
temps au Collège et fut surtout élevé par sa mère
et des tuteurs étrangers. Ainsi, à 20 ans, il pouvait se targuer
de parler, en plus de l'anglais, français, italien et allemand. Il
démarra sa carrière diplomatique comme attaché à
l'ambassade britannique de Vienne en 1849. Employé au Foreign Office
(1850-1852), il devint attaché d'ambassade à Paris (1853) puis
à Constantinople (1854). Il passa ensuite à l'ambassade de
Washington avant de prendre la route de l'Italie où il resta un peu plus
d'une dizaine d'années (1858-1870). Sa fonction officielle était
d'être attaché à la légation florentine, mais il
résidait à Rome. Il pratiquait la religion protestante. Selon
Henry d'Ideville, Odo Russel était « fort bien vu de tous dans
la société romaine, homme du monde, aimable et séduisant,
il ne néglige aucune coterie. Accueilli avec distinction chez les
princes et les amis les plus dévoués du Saint-Siège, il
est également lié avec les membres du parti d'action, du
comité italien de Rome, dont il écoute très-complaisamment
les confidences, et auquel il sert, disait-on, d'intermédiaire. (...)
Vivant à Rome, comme un simple touriste, en voyageur épris de ce
séjour, Russel (...) voit (...) souvent le Saint-Père, mais
surtout le cardinal Antonelli. » Le pape apprécia sa
discrétion lors du Concile Vatican. En 1870, on le désigna comme
assistant sous-secrétaire au Foreign Office. Il partit en mission
spéciale la même année aux quartiers généraux
de l'armée allemande jusqu'en 1871. Ses bons rapports avec Bismarck lui
valurent d'être nommé ambassadeur à Berlin (1871-1884) en
octobre. Il fit preuve de beaucoup de finesse et de discrétion dans ce
poste, notamment lors du Congrès de Berlin, à l'occasion duquel
il fut élevé à la dignité de 3e ministre
plénipotentiaire britannique (du Congrès). Il ne cachait pas son
admiration pour la nouvelle Allemagne. Il mourut d'une péritonite en
1884 dans sa villa d'été de Postdam. Bismarck le trouvait
irremplaçable. (Dans MATTHEW H. C. G., HARRISON Brian, Oxford
Dictionnary of National Biography. From the earliest times to the year
2000, Oxford University Press, Oxford, 2004, tome IIL, pp. 324-326 ; dans
D'IDEVILLE Henry, Journal d'un diplomate en Italie ... op. cit.,
p. 43 et dans BLAKINSTON Noel, The Roman Question... op. cit.,
pp. ix-xxxviii.)
* 134 Dans BLAKINSTON Noel,
The Roman Question. Extracts from de dispatches of Odo Russel from Rome,
1858-1870, Chapman and Hall, London, 1962, lettre d'Odo Russel à
Lord John Russel, 16 mai 1861, pp. 175-176.
* 135 Dans HAYWARD Fernand,
Pie IX et son temps, Librairie Plon, Paris, 1948, pp. 284-285.
* 136 AMAE, légation
Saint-Siège, lettre de Théodore de Bounder de Melsbroeck à
Charles Rogier, 13 juillet 1861.
* 137 AMAE, légation
Saint-Siège, lettre de Théodore de Bounder de Melsbroeck à
Adolphe de Vrière, 03 août 1861.
* 138 AMAE, légation
Saint-Siège, lettre d'Henri Carolus à Charles Rogier, 12 novembre
1861.
* 139 AMAE, légation
Saint-Siège, lettre d'Henri Carolus à Adolphe de Vrière,
21 mai 1861.
* 140 AMAE, légation
Saint-Siège, le même au même, 06 mai 1861.
* 141 Dans BLAKINSTON Noel,
The Roman Question... op. cit., lettre d'Odo Russel à Lord John
Russel, 22 juin 1861, pp. 180-181.
* 142 Charles Jean Marie
Félix de Lavalette (1806-1881). Il entra dans la carrière
diplomatique sous Louis-Philippe, en 1837, comme secrétaire d'ambassade
à Stockholm. Il fut ensuite consul général à
Alexandrie (1841), ministre plénipotentiaire à Cassel (1846). La
même année, il était élu député de
Bergerac. Rappelé au pouvoir après une courte
pause-carrière, le Prince-Président en fit l'envoyé
extraordinaire de la France à Constantinople. Promu ambassadeur en 1852,
il demande néanmoins son rappel l'année suivante, de peur de
devenir un obstacle au succès d'une conciliation, vu le rôle qu'il
avait joué dans la question des lieux saints. En juin 1854, il est fait
sénateur. Le 21 mai 1860, il fut de nouveau accrédité
à Constantinople dans une situation délicate. Fin du mois
d'août de l'année suivante, on le nomma ministre
plénipotentiaire auprès du Saint-Siège. Il y resta
jusqu'à la retraite de Thouvenel des Affaires étrangères
(octobre 1862). A Rome, le nouveau représentant sera bien vu de son
homologue anglais, Lord Odo Russel, qui trouve en lui le reflet de ses
idées. Au contraire, le cardinal Antonelli n'appréciait
guère le personnage. Il fut ensuite ministre de l'Intérieur dans
le Cabinet Druyn de Lhuis (1865-1866) avant de passer aux Affaires
étrangères en 1868. Contraint de se retirer le 17 juillet 1869,
il partait comme ambassadeur pour Londres. Cette situation fut
éphémère : la constitution du Cabinet Ollivier
entraîna sa chute. (Dans Dictionnaire de biographie
française, op. cit., tome IXX, 2001, colonne 1518 ; dans
VAPEREAU Gustave, Dictionnaire universel des contemporains... op.
cit., pp. 1072-1073 ; dans TULARD Jean, Dictionnaire du Second
empire, op. cit., p. ; dans BITARD A., Dictionnaire
général de biographie contemporaine française et
étrangère... op. cit., p. 783-784.)
* 143 Lettre du marquis de
Lavalette au ministre des Affaires étrangères français
datée du 20 juin 1862, reproduite dans GARNIER Jean-Paul, Le dernier
roi de Naples... op. cit., p. 201.
* 144 Dans GARNIER
Jean-Paul, Le dernier roi de Naples... op. cit., pp. 184-185.
* 145 Dans THOUVENEL L.,
Le secret de l'empereur... op. cit., volume 2, lettre du duc de
Gramont à Thouvenel, 28 mai 1861, p. 123.
* 146 AMAE, légation
Saint-Siège, lettre de Théodore de Bounder de Melsbroeck à
Adolphe de Vrière, 07 août 1861.
* 147 AMAE, légation
Saint-Siège, lettre d'Henri Carolus à Adolphe de Vrière,
05 octobre 1861.
* 148 AMAE, légation
Saint-Siège, le même au même, 26 octobre 1861.
* 149 AMAE, légation
Saint-Siège, le même au même, 10 juin 1861.
* 150 AMAE, légation
Saint-Siège, lettre d'Henri Carolus à Charles Rogier, 09 mai
1862.
* 151 Dans I documenti
diplomatici italiani, Prima serie 1861-1870, Ministero degli Affari
Esteriori, La liberia dello Stato, Roma, 1959, p. 549.
* 152 Dans BLAKINSTON Noel,
The Roman Question... op. cit., lettre d'Odo Russel à Earl
Russel, 18 janvier 1862, pp. 200-201.
* 153 Idem, lettre d'Odo
Russel à Earl Russel, 16 novembre 1861, pp. 187-188.
* 154 Idem, le même au
même, 5 janvier 1862, pp. 199-200.
* 155 Lévy Armand
(1827-18 ??). (Dans
www.gallica.bnf.fr.)
* 156 Dans LEVY Armand,
La cour de Rome, le brigandage et la convention franco-italienne, J.-B.
Vasseur libraire-éditeur, Paris, 1865, p. lxxix.
* 157 Dans MONNIER Marc,
Histoire du brigandage dans l'Italie méridionale... op. cit.,
p. 71.
* 158 Théodule de
Christen (1835-1870). Fils d'un officier des Gardes suisses. Il partit
combattre lors de la guerre de Crimée à seulement 17 ans. Il se
rendit ensuite à Rome et organisa plusieurs expéditions dont nous
parlons ci-dessus. Arrêté le 16 juin 1861 à Naples,
libéré deux ans plus tard, il se préparait à
prendre le commandement d'un corps franc lors de la guerre franco-allemande. Il
n'en eut pas le temps : la mort vint le terrasser le 20 septembre 1870,
alors qu'il séjournait au château de Ronno. (Dans Dictionnaire
de biographie française... op. cit., tome VIII, 1956, colonne
1286.)
* 159 Theodor Friedrich
Klitsche (1799-1868). Il était le fils du prince Ludwig Ferdinand von
Breussen et de la française catholique Marie de Lagrange, ce qui
explique pourquoi il se faisait appeler Klitsche de Lagrange. Il participa
à la campagne de 1815 où il fut blessé. En 1822, il passa
à l'Eglise catholique et perdit, à cette occasion, le soutien du
roi Friedrich Wilhelm III. Il entra alors au service du duc Ferdinand de
Unhalröthen qui était devenu catholique. Durant une quinzaine
d'années, il servit le pape qui le fit lieutenant-colonel et lui offrit
une pension. Il quitta Rome pour aller s'établir à Naples
auprès de Ferdinand II (1855). Là, il devint correspondant de la
gazette d'Augsbourg. Le roi des Deux-Siciles lui versait
également une pension pour les services qu'il rendait. Plusieurs
missions lui furent confiées par Ferdinand II, puis par son fils
François, dont une secrète à Rome. Durant les huit
derniers mois de règne des Bourbons, il vivait à Caserte. Il
s'occupait surtout de maintenir l'agitation dans les Abruzzes. Il avait six
fils dont un fut fait officier de l'armée bourbonienne par
François II. (Dans Allgemeine Deutsche Biographie, Aus
veranlassung und mit unterstützung seiner majestaet des königs von
Bayern, Dunder & Humblot, tome XVI, 1882, pp. 199-200 et dans R.
COMMISSIONE EDITRICE (a cura della), La liberazione del Mezzogiorno... op.
cit., volume 5, p. 391.)
* 160 Dans MONNIER Marc,
Histoire du brigandage dans l'Italie méridionale... op. cit.,
pp. 38-39. Voyez également DE TIBERIIS Giuseppe F., Alle origini del
brigantaggio politico nelle Abruzzi : la spedizione del colonnello Teodoro
Klitsche De La Grange (sic). Ottobre 1860, dans «Rassegna Storica del
Risorgimento», juillet-septembre 1984, p. 313.
* 161 Edwin von Kalkreuth.
La vie de ce brigand prussien demeure très obscure. Il était
né le 28 août 1822. Il fut capitaine de cavalerie en Autriche,
avant de prendre le chemin de l'Italie. Il fut arrêté le 22
janvier 1861 à Messine. Il était habillé en bourgeois et
débarquait par le paquebot postal français. Il tentait
d'échapper à la surveillance de la police en se confondant aux
autres passagers. Celle-ci ne fut cependant pas dupe. On l'arrêta. Il
n'avait aucun papier sur lui et se disait brésilien. Ses bagages
renfermaient des armes, des décorations, des brevets, des cartes
chorographiques de l'Italie et en particulier des Calabres, une somme de 3000
francs en or, un passeport anglais et un brevet saxon. Interrogé une
seconde fois, il expliqua aux autorités être du duché de
Posen. Il était porteur d'importants documents officiels : une
lettre des dames de Toulouse à François II, une demande de trois
mois de congé adressée au général Casella, ministre
de la guerre à Gaète et une troisième note priant le
général Fergola, commandant de la citadelle de Messine, de faire
le nécessaire afin que Kalkreuth puisse remplir au mieux sa mission.
Kalkreuth possédait enfin des lettres en allemand, signées
« C ». Sans doute était-ce son diminutif. Elles
étaient destinées au ministre de Saxe, le baron Olivin de Seebach
et à la princesse de Seebach. Dans ces documents, on trouvait des
détails sur la mauvaise situation de Gaète et on accusait les
ministres napolitains. Pietro Ulloa était dit inactif et le
secrétaire du roi, Carbonelli, infidèle à son
maître. Enfin l'auteur des lettres expliquait qu'on lui avait
confié une mission dans les Calabres dont il doutait fort de la
réussite, étant donné qu'il ne parlait pas l'Italien. Il
espérait y rencontrer le général Afan de Rivera. Le
procès du comte, selon Cavour, devait se poursuivre devant le Conseil de
Guerre à Gênes. On le fusilla à Gaète le 29 mai
1862. (Lettres de Cavour au comte Brassier de Saint-Simon (ministre de Prusse
à Turin) datées des 02 et 09 février 1861, dans R.
COMMISSIONE EDITRICE (a cura della), La liberazione del Mezzogiorno... op.
cit., volume 4, pp. 269 et 285-287. Les annexes à la lettre du 09
février se trouvent dans Idem, volume 5, pp. 386 à 381,
notamment ; et dans CROCE Benedetto, La strana vita di un tedesco capo
di briganti nell'Italia meridionale e giornalista anticlericale in Austria : L.
R. Zimmermann, dans «La Critica, rivista di letteratura, storia e
filosofia», tome XXXIV, fascicule 4, 1936, pp. 308-312.)
* 162 Dans BARRA Francesco,
Il brigantaggio in Campania, dans «Archivio Storico per le
Province napoletane», tome CI, 1983, p. 118.
* 163 de Coataudon arriva
à Rome en avril 1860. Or, à cette époque, monsieur de
Blumensthil avait été chargé de la réorganisation
de l'artillerie pontificale. L'homme trouvait que les destriers faisaient
particulièrement défaut et il fut décidé d'en
acheter. Par souci d'économie, on choisit des chevaux plus ou moins
sauvages. Quelle aubaine pour l'ancien élève du Haras du Pin et
ancien écuyer civil à l'école de Saumur qu'était
Coataudon. Venu à Rome avec des lettres de recommandation du
général Oudinot pour monseigneur de Merode, il n'avait en effet
toujours aucune nouvelle de la part du prélat sur une éventuelle
place qui serait disponible. Malgré l'opposition de de Merode, il obtint
qu'une école de dressage soit créée dans la villa di
Papa Julio. On y envoya d'abord un maréchal des logis,
chargé de la police et de la comptabilité, avec un
détachement d'abord de 7 ou 8 hommes, porté ensuite à
18 ; ils provenaient en majeure partie du bataillon des franco-belges, ce
qui n'allait pas sans irriter de Becdelièvre. Messieurs de Cossette, de
Maillé et de la Béraudière furent adjoints à
Coataudon. On envoya à l'école une quinzaine de chevaux sauvages.
Coataudon utilisait cependant la fort lente méthode de Saumur pour
dresser ces derniers. Après 5 semaines, aucun cheval n'avait encore
été livré et monseigneur de Merode supprima
l'école. Le détachement de la villa di Papa Julio fut
versé aux chevaux-légers, les trois attachés de Coataudon
s'en allèrent pour Viterbe tandis que lui-même alla offrir ses
services au roi de Naples. (Dans FRAISSYNAUD Paul, L'armée
pontificale sous le commandement du général de Lamorcière
II., dans « Revue contemporaine », XXIe année,
2ème série, novembre et décembre 1862, tome XXX, pp.
309-311.)
* 164 Dans INSOGNA A.,
François II roi de Naples, Histoire du royaume des Deux-Siciles
1859-1896, Delhomme et Briguet éditeurs, Paris, 1897, pp.
199-200.
* 165 Dans MOLFESE Franco,
Il brigantaggio meridionale post-unitario (II : La rivolta contadina del
1861), dans «Studi Storici (rivista trimestriale)», IIe
année, 1961, tome II, p. 302.
* 166 Dans DE CHRISTEN
(comte), Journal de ma captivité suivi du Récit
d'une campagne dans les Abruzzes, E. Dentu éditeur, Paris, 1866,
pp. 217-262.
* 167 Dans THOUVENEL L.,
Le secret de l'empereur... op. cit., volume 2, pp. 486-487.
* 168 Dans MONNIER Marc,
Histoire du brigandage dans l'Italie méridionale... op. cit.,
p. 47.
* 169 Dans LEVY Armand,
La cour de Rome... op. cit., p. lxxxi.
* 170 Dans CROCE Benedetto,
Uomini e cose della vecchia Italia. Serie Seconda, coll. Scritti di
Storia letteraria e politica, Gius. Laterza & Figli, Bari, 1943, p. 323.
* 171 Dans DE NOË
(vicomte), Trente jours à Messine en 1861, Dentu, Paris, 1861,
cité dans CROCE Benedetto, Uomini e cose della vecchia Italia... op.
cit., p. 323.
* 172 Dans ROMANO Sergio,
Il brigantaggio e l'Unità d'Italia, dans Nuova Antologia,
février 1974, pp. 219 à 228.
* 173 Dans FRAISSYNAUD
Paul, L'armée pontificale... II... op. cit., pp. 314-315.
* 174 Dans Le
général comte de Cathelineau, Chevalier de la Légion
d'honneur, Commandeur de l'ordre de Pie IX, Chevalier de la Tour et
l'Epée et de don Miguel de Portugal. Sa vie et ses mémoires,
Société Saint-Augustin, Desclée, De Brouwer et Cie,
Rome-Paris-Lille-Bruxelles, 1892, p. 173.
* 175 Idem, p.
174.
* 176 Idem, p.
176.
* 177 Idem, p.
178.
* 178 Idem, p.
182.
* 179 Idem, p.
184.
* 180 Idem, p.
186.
* 181 Idem, p.
187.
* 182 Luigi Alonzi naquit
en 1825 et fut fusillé 37 ans plus tard, au mois de juin 1862. (Dans
GELLI Iacopo, Banditi, briganti e brigantesse nell'ottocento, R.
Bemporad & Figlio Editori, Firenze, 1931, p. 189 et dans .)
* 183 Dans BIANCO DI SAINT
JORIOZ Alessandro, Il brigantaggio alla frontiera pontificia dal 1860 al
1863. Studio storico-politico-statistico-morale-militare, Milano, Daelli,
1864 (ristampa anastica Adelmo Polla editore, Cerchio (Aq), 2001), pp. 63-65.
Bianco di Saint Jorioz était un capitaine piémontais. Il portait
donc un jugement particulièrement négatif sur le brigandage
méridional. Cependant, son ouvrage constitue, aujourd'hui encore, une
source irremplaçable qui a inspiré à peu de choses
près tous les ouvrages concernant les expéditions de Chiavone ou
encore la fin tragique du marquis Alfred de Trazegnies, dont nous parlerons en
temps voulu. (Dans CORRADINI Ferdinando, 11 novembre 1861 : i briganti
assltano Isoletta e San Giovanni Incarico, dans «La Voce, periodico
di attualità, politica e cultura a diffusione gratuita»,
numéro 8, 2001, p. 3.)
* 184 Dans INSOGNA A.,
François II... op. cit., p. 211.
* 185 Dans ROTROU C.L.,
Des causes du brigandage dans les provinces napolitaines... op. cit.,
pp. 62-63.
* 186 Dans Dans MONNIER Marc,
Histoire du brigandage dans l'Italie méridionale... op. cit.,
p. 102.
* 187 Dans LEVY Armand,
La cour de Rome... op. cit., p. lxxx.
* 188 Lettre de Lord Odo
Russel au Comte John Russel datée du 16 novembre 1861, dans dans
BLAKINSTON Noel, The Roman Question, Extracts from the dispatches of Odo
Russel from Rome 1858-1870, Chapman and Hall, London, 1962, pp.
187-188.
* 189 Dans MONNIER Marc,
Naples et le brigandage de 1860 à 1864, dans « Revue
des Deux Mondes », 1864, tome L, p. 557.
* 190 Dans I documenti
diplomatici.. volume 1... op. cit., p. 297.
* 191 Lettre de Lord Odo
Russel au Comte John Russel datée du 17 décembre 1861, dans
BLAKINSTON Noel, The Roman Question... op. cit., pp. 191-192. Beaucoup
d'allusions similaires peuvent se lire dans la presse du temps. Prenons
l'exemple de l'Osservatore romano, en date du 03 janvier
1862, qui soutenait que les bandes de Chiavone contenaient une majorité
d'Espagnols et de Belges...
* 192 Dans BLAKINSTON Noel,
The Roman Question... op. cit., lettre de Lord Odo Russel au ministre
des Affaires Etrangères britanniques Lord John Russel datée du 16
mai 1861, p. 175.
* 193 Dans BIANCO DI SAINT
JORIOZ Alessandro, Il brigantaggio... op. cit., pp. 106-107.
* 194 Dans BARRA Francesco,
Il brigantaggio in Campania, dans «Archivio Storico per le
Province napoletane», tome CI, 1983, p. 118.
* 195 Dans MOLFESE Franco,
Il brigantaggio... II... op. cit. p. 332.
* 196 Dans INSOGNA A.,
François II roi de Naples... op. cit., pp. 211-213.
* 197 Il est important de
présenter ce personnage qui interviendra dans la suite du récit.
Son véritable nom était Bermudez de Castro. Il
représentait l'Espagne auprès de la cour de Naples depuis 1853.
Il avait gagné l'admiration de la reine Marie-Sophie par son courage
lors du siège de Gaète. Il était « de petite
naissance, écrivait de Navenne, d'une bravoure froide, d'un orgueil fou,
mais habile à ménager ses intérêts, il ne manquait
pas d'esprit, encore moins de cette confiance en soi qui en impose si
facilement à la naïveté des autres. » Bermudez
avait été fait marquis de Lema par Isabelle II d'Espagne, puis
duc de Ripalda par le roi de Naples, lequel lui offrit, pour l'anecdote, un
tableau de Raphaël qu'il s'empressa d'accepter. Il vivait auprès de
la cour de Naples en exil à Rome. La comtesse de Trani tomba, dit-on,
sous le charme pour cet individu aux allures de capitaine d'aventure. (Dans de
NAVENNE Ferdinand, Le Palais Farnèse pendant les trois derniers
siècles... op. cit., pp. 235-237.)
* 198 AMAE, légation
Saint-Siège, lettre de Théodore de Théodore de Bounder de
Melsbroeck à Adolphe de Vrière, 21 septembre 1861.
* 199 José
Borjès (1813-1862). (Dans Dizionario biografico degli italiani...
op. cit., tome XII, 1970, pp. 792-793.)
* 200 Dans Monnier Marc,
Histoire du brigandage dans l'Italie méridionale... op. cit.,
pp. 160-165.
* 201 Dans Journal de
Borgès, 19 octobre 1861, p. 205, reproduit dans MONNIER Marc,
Histoire du brigandage dans l'Italie méridionale, Paris, 1862,
pp. 171-238.
* 202 Idem, 5 octobre
1861, pp. 186-187.
* 203 Carmine Crocco
(1830-1905). Il fut le plus important brigand de Basilicate. Sa bande comptait
environ 60 hommes. Incarcéré pour homicide, il s'évada
vers la moitié des années 1850 et, en avril 1860 s'en prit aux
habitants de Langopesole avant de se rendre à Ripacandida. Il
encourageait le peuple à se soulever contre les notables. Des habitants
de San Fele, Muro, Ruoti, Avigliano ou encore Melfi entrèrent dans ses
rangs. S'attaquant à la milice dirigée par le capitaine Gennari,
il perdit de nombreux hommes et dut aller se réfugier dans les bois de
Monticchio et de Langopesole. N'ayant plus de succès autour de Melfi, il
passa dans la province d'Avellino mais, battu par la milice de Davide Mennuni,
il alla rejoindre les bandes de Borjès et Langlois. Plus tard, il unit
ses forces à celles du brigand Schiavone -à ne pas confondre avec
le Chiavone précédemment cité- pour infester la
vallée du fleuve Ofanto. Il alla vivre un temps à Rome puis fut
conduit dans les mains de la police italienne vers la fin de 1870. Son
procès eut lieu à la Cour d'Assises de Potenza. Condamné
à mort, sa peine fut commuée en travaux forcés à
vie. Il mourut en 1905. (Dans LA SORSA Saverio, Un quinquennio di
brigantaggio in Basilicata (1860-1864), dans «Rassegna storica del
Risorgimento», 48e année, 1961, tome III, pp. 441-443 ; dans
DONATELLI Carmine (dit CROCCO Carmine), Come divenni brigante, Piero
Lacaita editore, Bari-Roma, 1994 et dans Dizionario biografico degli
italiani... op. cit., tome XXXI, 1985, pp. 173-176.)
* 204 Nino Nanco (? -1863).
Originaire d'Avigliano, il alla offrir ses services à Garibaldi en 1860.
Il fut refusé et dut s'en retourner au pays. Il prit alors le `maquis',
comme on dirait aujourd'hui. On ne comptait plus, dans sa région, le
nombre d'incendies et d'attaques à main armée qu'il avait
perpétrés. De nombreuses fois, il fut encerclé par les
troupes piémontaises, mais toujours il parvint à fuir, perdant au
passage beaucoup de ses hommes. Un jour, un délégué
d'Avigliano, Costantino Polusella, et le capitaine du 13e
régiment, Luigi Capoduro, souhaitaient parlementer. Ils n'en eurent pas
l'occasion et furent massacrés avec le peu d'hommes qui les avaient
accompagnés. Nino Nanco fut finalement pris par la garde nationale le 13
mars 1863. (Dans LA SORSA Saverio, Un quinquennio di brigantaggio in
Basilicata... op. cit., pp. 443-444 et dans SCARPINO Salvatore, Il
brigantaggio dopo l'unità d'Italia, Piccola biblioteca di base (La
Storia), Fenice, Milano, 2000, p. 31.)
* 205 Dans Journal de
Borgès... op. cit., 19 octobre 1861, p. 205.
* 206 Idem, 25
octobre 1861, p. 208.
* 207 Augustin Marie de
Langlais (1822-1902). Né à Nantes, il était fonctionnaire
des douanes. Les siens le considéraient comme une tête
brûlée. Echappé de l'Italie du Sud, il devint chef de la
gare du Mans. (Dans GARNIER Jean-Paul, Le dernier roi de Naples... op.
cit., p. 192.)
* 208 Dans Journal de
Borgès... op. cit., 23 octobre 1861, p. 207.
* 209 Idem, 20 novembre 1861,
p. 230.
* 210 Dans SCARPINO
Salvatore, Il brigantaggio dopo l'unità d'Italia... op. cit.,
p. 62.
* 211 Dans MONNIER Marc,
Histoire du brigandage dans l'Italie méridionale... op. cit.,
p. 246.
* 212 Ludwig Richard Von
Zimmermann (mort en 1887). Né à Alstadt, en Hesse-Darmstadt, il
entra très jeune dans l'armée autrichienne. Il prit part à
la campagne de 1859 et combattit à Solferino dans le régiment
« Grand-Duc de Hesse ». Après ses aventures dans le
brigandage méridional, il revint en Autriche définitivement
où il devint journaliste. En 1864, il travaillait pour un journal
militaire. Deux ans plus tard, il était correspondant à
Böhmen lors du conflit concernant le Schleswig et le Holstein. En 1867, il
fondait à Graz le journal radical
« Freiheit », dont le mot d'ordre
était : « Guerre sans quartier à la violence,
à la duperie et à la stupidité, fidélité
immuable à la liberté, à l'honneur et à la
raison. » Ses écrits, d'une rare violence, s'en prenaient
à l'église. Ils lui valurent bon nombre de procès. Le
gouvernement autrichien finit même par perdre patience. Le 26 janvier
1861, il fut expulsé comme citoyen indésirable sur le territoire
de l'empereur ! Il se retira en Allemagne, non sans protester, et continua
à écrire des articles anticléricaux. (Dans CONSTANT VON
WURZBACH (Dr.), Biographisches lexikon des kaiserthums oesterreich,
enthaltend die lebensskizzen der denkwürdigen personen, welche zeit 1750
in den oesterreischen kronlaendern geboren wurden oder darin gelebt und gewirkt
haben, K. K. Hof- und Staatsdruckerei, Wien, tome LX, 1891, pp. 128-129 et
dans CROCE Benedetto, La strana vita di un tedesco capo di briganti
nell'Italia meridionale e giornalista anticlericale in Austria : L. R.
Zimmermann, dans «La Critica, rivista di letteratura, storia e
filosofia», tome XXXIV, 1936, pp. 305-316.)
* 213 Dans CROCE Benedetto,
La strana vita di un tedesco... op. cit., pp. 303-305.
* 214 Henri Guillaume Marie
Arnous de Rivière (1828- ?). Il entra comme sous-lieutenant au
47e de ligne en mai 1848. Il quitta ce poste l'année suivante
pour voyager en Amérique. En décembre 1852, il reprit du service
dans le 56e de ligne. L'année d'après, il demanda un
nouveau congé. Aussitôt celui-ci obtenu, il partait une fois
encore pour l'Amérique. En décembre 1853, il servait la
légion étrangère sous le commandement du colonel Bazaine.
En juin 1854, il prenait part au siège de Sébastopol, à
l'occasion du conflit en Crimée. Sa conduite exemplaire lui valut
d'être promu lieutenant. Sans autorisation, il partit ensuite pour cinq
ans en Amérique. En 1861, il rentrait en France, s'occupait
d'importantes affaires industrielles et commerciales et repartait probablement
aussitôt pour l'Italie, bien que l'auteur de sa notice biographique -le
colonel Boudot- passe sous silence cet épisode de sa vie. Sans doute
n'en était-il pas informé. En mars 1865, sa démission de
l'armée française, plusieurs fois proposée, fut finalement
acceptée. Il partit cette fois pour l'Amrérique du Sud où
on le retrouvait chercheur de guano et de chlorure d'argent en Bolivie !
Fin août 1870, il rassemblait une troupe d'éclaireurs
français et offrait ses services à l'empereur. Le
général de Cissey lui confiait le commandement de toutes les
troupes réunies à Moulins-les-Metz. Il fut cependant fait
prisonnier de guerre avec toute l'armée du Rhin. Il s'évada de
Wiesbaden et reprit du service à Tours. En janvier 1871, il conduisait
sa femme et ses enfants à l'abri à Londres lorsqu'il apprit la
découverte du filon d'argent, dit de Caracollès. Ce filon qu'il
avait lui-même découvert quelques années auparavant. Ses
collègues, qui le croyaient mort, s'étaient emparé d'une
considérable partie des bénéfices qui lui revenaient. Il
entama alors un procès international afin de récupérer ses
droits sur les concessions du groupe minier
« Descubridoras. » (Dans Dictionnaire de biographie
française... op. cit., tome III, 1939, colonnes 1016-1018.)
* 215 Dans BIANCO DI SAINT
JORIOZ Alessandro, Il brigantaggio alla frontiera pontificia... op.
cit., p. 70.
* 216 Dans Mémoires
du général comte de Cathelineau... op. cit., p. 196.
* 217 Idem, p.
197.
* 218 Idem, p.
198.
* 219 Idem, p.
199.
* 220 Idem, p.
204.
* 221 Idem, p.
205.
* 222 Idem, p.
208.
* 223 Idem, pp.
209-211.
* 224 AMAE, légation
Saint-Siège, lettre de Théodore de Bounder de Melsbroeck à
Charles Rogier, 19 juillet 1862.
* 225 Dans BARRA Francesco,
Il brigantaggio in Campania... op. cit., p. 121.
* 226 Voir à ce
sujet la publication de MOLFESE Franco, La repressione del brigantaggio nel
Mezzogiorno continentale, dans «Archivio Storico per le Province
napoletane», tome CI, 1983, pp. 33-64 ou SCARPINO Salvatore, Il
brigantaggio dopo l'unità d'Italia, Piccola biblioteca di base (La
Storia), Fenice, Milano, 2000, pp. 74-89 et enfin dans AUCIELLO F., Prime
ipotesi di studio sulle vittime del brigantaggio, dans «Archivio
Storico per le Province napoletane», tome CI, 1983, pp. 397-406.
* 227 Giuseppe Govone
(1825-1872). (Dans Dizionario biografica degli italiani... op. cit.,
tome LVIII, 2002, pp. 177-180.)
* 228 Dans ROMANO Sergio,
Il brigantaggio e l'Unità d'Italia, dans «Nuova
Antologia», février 1974, p. 235.
* 229 La Commission
d'enquête sur le brigandage était composée, en plus des
auteurs du rapport, de messieurs Saffi, Sirtori, Giovanni Bartolo Roméo
(1835-1887), Achille Argentino (1820- ?), monsieur Morelli, Cesare
Leopoldo Bixio et monsieur Ciccone. Retenons surtout les personnages de Massari
(1821-1884) et Castagnola (1825-1891). Le premier fut napolitain. Il prit part
aux mouvements de 1848 à Naples. Il fut un grand ami de Gioberti dont il
publia les oeuvres. Il se consacra beaucoup au journalisme et fut directeur,
à Turin, de la Rivista contemporanea et de la Gazzetta
officiale piemontese. Il fut même correspondant pour la bien connue
Indépendance belge lors des bouillants événements
de 1859-1860. Durant le Congrès politique tenu à Turin en mars
1849 sous la présidence de Gioberti, il alla représenter Naples
en compagnie de Silvio Spaventa et Pier Silvestro Leopardi. Elu
député au Parlement, il obtint le poste de secrétaire dans
lequel il se distingua et participa à plusieurs commissions. On lui doit
des publications variées, parmi lesquelles des travaux politiques et
historiques comme les biographies consacrées au général de
La Marmora et à Victor-Emmanuel. (Dans Indice biographico
italiano..., op. cit., fiches numéros F 630/ 210-223 ; dans VAN
NUFFEL Robert O. J., Giuseppe Massari, corrispondente
dell'Indépendance belge, dans «Atti del XXXVII congresso di
storia del Risorgimento italiano», Roma, 1961, pp. 200-214 et dans VITERBO
Michele, Giuseppe Massari e la relazione sul brigantaggio, dans
«Atti del XXXVII congresso di storia del Risorgimento italiano»,
Roma, 1961, pp. 275-284.) Le second recevait son diplôme de droit civil
et canonique à l'Université de Gênes en 1847. Il
exerça comme avocat quelques temps. En 1848, il fut dans les premiers
à se montrer favorable aux ambitions du roi Charles-Albert. Il
s'enrôla dans le corps de volontaires génois commandé par
le général Bes et prit part au siège de Peschiera. Il
passa ensuite sous les ordres du général Lyons. De retour
à Gênes, il fut élu comme membre du conseil communal et
fit, dans cette position, la promotion de l'unité nationale. Dès
1857, il représentait la ville de Gênes au Parlement. Il demeurait
député dans le nouveau Parlement du Royaume en 1861. Il fut
également conseiller provincial. Au Parlement, il fut membre
d'importantes commissions, concernant la révision des codes de
procédure en droit pénal ou encore la répression du
brigandage dans les provinces méridionales. Depuis le 14 décembre
1869 jusqu'au 10 juillet 1873, il fut ministre de l'Agriculture, de l'Industrie
et du Commerce dans le cabinet Lanza-Sella. Il passa ensuite aux
ministères de la Marine (1870) et des Travaux publics (1871). Enfin, il
se consacra au droit, traitant surtout des rapports entre l'Eglise et l'Etat.
En 1889, il était fait sénateur du royaume. Il
décédait 2 années plus tard. (Dans Indice biographico
italiano..., op. cit., fiches numéros F 268/ 124-132.)
* 230 Lettre du comte
Vimercati au Président du Conseil et ministre de l'Extérieur
Cavour datée du 22 juillet 1861, dans I documenti diplomatici
italiani, Prima serie 1861-1870, Ministero degli Affari Esteriori, La
Liberia dello Stato, Roma, 1959, volume 1, p. 269.
* 231 Chiffres reproduits
dans VIALLET Jean-Pierre, Réactions et brigandage dans le
Mezzogiorno péninsulaire (1860-1869), dans « Recherches
régionales Côte d'Azur et contrées limitrophes »,
23e année, 1982, tome IV, p. 301.
* 232 Dans BIANCO DI SAINT
JORIOZ Alessandro, Il brigantaggio alla frontiera pontificia dal 1860 al
1863. Studio storico-politico-statistico-morale-militare, Milano, Daelli,
1864 (ristampa anastica Adelmo Polla editore, Cerchio (Aq), 2001), p. 166.
* 233 Dans Biographie
nationale... op. cit., tome 25, 1930, colonnes 555-567. Pour l'histoire de
la famille durant la période médiévale, on consultera avec
intérêt : PLUMET J., Les seigneurs de Trazegnies au Moyen
âge. 1100-1550, Mont-Sainte-Geneviève, 1959 ainsi que
DEVILLERS, Trazegnies, son château, ses seigneurs et son
église, dans « Annales de l'Académie
d'Archéologie de Belgique », tome 39.
* 234 Voyez à ce
propos STROOBANT C., Notice historique et généalogique sur
les seigneurs d'Ittre et de Thibermont, dans « Bulletin et
annales de l'Académie d'archéologie de Belgique », tome
II, 1844.
* 235 Dans DE SEYN
Eugène, Dictionnaire historique et géographique des communes
belges, Etablissements Brepols s.a., Turnhout, 3e
édition, volume 1, pp. 265-266 et dans DOUXCHAMPS-LEFÈVRE
Cécile, Inventaire des archives du Fonds de
Corroy-le-Château, Ministère de l'Education nationale et de
la Culture, Bruxelles, 1962, p. 13.
* 236 Raphaëlle naquit
le 12 octobre 1804 de l'union de Charles Philippe Joseph (1760-1820) comte de
Romrée et du Saint Empire, et de Marie Antoinette Cebrian y Enriquez.
Charles de Romrée occupait une place importante dans le régiment
des Gardes royales wallonnes qui lutta, aux côtés des Espagnols,
contre l'invasion de l'Espagne par la France napoléonienne en 1808.
Charles de Romrée avait été engagé par
l'Assemblée supérieure de Valence le 28 mai 1808 en tant que
colonel du régiment de Bourbon. Il occupa les points de Ofelfa et du
Tuéjar. A partir du 07 juillet de la même année, il
rejoignit les troupes du général belge Philippe Le Clément
de Saint-Marcq pour qui il exerçait les fonctions de commandant en
second et major général de division. Il partit pour Cuenca
combattre le général Frère puis, sur une injonction de
l'Assemblée de Valence, il se porta au secours de l'Assemblée de
Saragosse. Ne remportant aucun succès, il dut se retirer au sud de
Pampelune, aux alentours de Tudela, où il reçut les renforts en
provenance de Valence. Lors de la bataille de Tudela (23 novembre), il couvrit
la retraite des troupes vaincues jusqu'à Saragosse. Il prit alors la
tête du secteur de Santa Engracia jusqu'à la reddition. Pour les
services rendus, on le fit maréchal de camp. Prisonnier en 1809, il
s'évader et alla de nouveau offrir ses services à l'armée
de Valence, dont il obtint le commandement de l'avant-garde en 1811. De nouveau
prisonnier lors de la reddition de 1812, il fut conduit en France où il
resta jusqu'au rétablissement de la paix. Il mourut à Valence,
où il était finalement revenu, le 28 janvier 1820. (Dans
POPLIMONT Charles, La Belgique héraldique... op. cit., tome 9,
1867, pp. 298-299 et dans JANSEN André, Les Gardes royales
wallonnes. Histoire d'un régiment d'élite, Editions Racine,
Bruxelles, 2003, pp. 185-186.)
* 237 Dans DE TRAZEGNIES
Olivier, Un grave incident diplomatique entre la Belgique et l'Italie en
1861 : l'assassinat d'Alfred de Trazegnies I., dans
« Bulletin du cercle art & histoire de Gembloux et environs
a.s.b.l. », IV, octobre 1980, p. 57.
* 238 Dans DE TRAZEGNIES
Olivier, Un grave incident diplomatique... I... op. cit., pp.
51-52.
* 239 Dans POPLIMONT Charles,
La Belgique héraldique... op. cit., tome 9, 1867, p. 299.
* 240 Dans HASQUIN
Hervé (sous la direction de), Communes de Belgique. Dictionnaire
d'histoire et de géographie administrative, Crédit communal
de Belgique-La Renaissance du livre, Bruxelles, 1980, volume 1, p. 340.
* 241 APT, correspondances
diverses, lettre de monseigneur de Montpellier, évêque de
Liège, au marquis Charles de Trazegnies datée du 27 novembre
1861.
* 242 APT, cahier de la
comtesse de Romrée, inscription sur la page de couverture.
* 243 APT, cahier de la
comtesse de Romrée, lettre d'Alfred de Trazegnies à sa
mère datée du 18 octobre 1861.
* 244 Dans KAUFFMANN A.
Sébastien, Chroniques de Rome... op. cit., p. 197.
* 245 APT, cahier concernant
Alfred, lettre d'Alfred de Trazegnies à son père et datée
du 30 octobre 1861.
* 246 Dans FRACCACRETA
Augusto, Un episodio della reazione borbonica a S. Giovanni Incarico
(Caserta) l'11 novembre 1861, Fratelli Palombi, Roma, 1938, p. 3. Dans une
lettre au marquis Charles de Trazegnies, Woelmont qualifie Alfred d'un de ses
meilleurs et plus anciens amis. (Dans APT, correspondances diverses, lettre du
chanoine de Woelmont au marquis Charles de Trazegnies datée du 27
novembre 1861.)
* 247 Lettre du chanoine
Edouard de Woelmont au baron Ferdinand datée du 29 décembre 1860,
citée dans LEFEBVRE Ferdinand (docteur), Vie de Monseigneur
Edouard-Antoine-Emmanuel-Ghislain baron de Woelmont d'Hambraine, H.
Goemaere libraire-éditeur, Bruxelles, 1875, p. 246.
* 248 Dans GRAINDOR Marcel,
I. L'avouerie et les anciens seigneurs de Soiron. II. La maison de
Woelmont, dans « archives verviétoises », tome
X, 1968, pp. 159-164.
* 249 L'Académie se
nomme aujourd'hui l'Académie pontificale ecclésiastique.
* 250 Dans
www.vatican.va.
* 251 Dans
www.vatican.va.
* 252 Dans BAUDRILLART
Alfred (cardinal, commencé sous la direction de), Dictionnaire
d'histoire et de géographie ecclésiastiques, Letouzey et
Ané éditeurs, Paris, tome I, 1912, p. 252.
* 253 Lettre du chanoine de
Woelmont au baron Ferdinand datée du 29 décembre 1860,
citée dans LEFEBVRE Ferdinand (docteur), Vie de Monseigneur de
Woelmont... op. cit., p. 246.
* 254 APT, correspondances
diverses, lettre de monsieur de Moreau au père d'Alfred de Trazegnies,
sans date.
* 255 APT, correspondances
diverses, lettre du chanoine Edouard de Woelmont au marquis Charles de
Trazegnies datée du 19 novembre 1861.
* 256 Dans
www.vatican.va.
* 257 Dans FRACCACRETA
Augusto, Un episodio della reazione borbonica... op. cit., p. 3.
* 258 Dans M. FERRI, D.
CELESTINO, Il brigante Chiavone, Casalvieri, 1984 ; cité dans
IZZO Fulvio, I Guerriglieri di Dio. Vandeani, Legittimisti, Briganti,
Controcorrente, Napoli, 2002, pp. 206-207.
* 259 Dans IZZO Fulvio, I
Guerriglieri di Dio... op. cit., p. 207.
* 260 Vous pouvez suivre
l'itinéraire des brigands sur les cartes placées dans les
documents annexés.
* 261 Cette date du 8
novembre correspond d'ailleurs aux dires de Zimmermann dans ses
mémoires. Celui-ci annonce l'arrivée du marquis parmi eux le 9
novembre, or ses mémoires sont décalées d'un jour. C'est
ainsi qu'il fixe la date de l'assassinat du marquis au 12 novembre 1861. (Dans
ZIMMERMANN Ludwig Richard, Erinnerungen eines ehemaligen
Briganten-Chefs, Zwediter, Berlin, 1868, reproduit dans IZZO Fulvio,
op. cit.)
* 262 APT, correspondances
diverses, lettre de monsieur de Moreau au père d'Alfred de Trazegnies,
sans date.
* 263 Dans BIANCO DI SAINT
JORIOZ Alessandro, Il brigantaggio alla frontiera pontificia... op.
cit., pp. 115.
* 264 Dans L'Opinione
datée du 20 novembre 1861.
* 265 Dans CORRADINI
Ferdinando, 11 novembre 1861... op. cit., p. 3.
* 266 Dans SBARDELLA Marco,
Un nobile europeo votato alla causa del legittimismo borbonico : Alfred de
Trazegnies, dans «Relazione tenuta al convegon su `Il brigantaggio
post-unitario' ad Aquino (Fr) il 5 aprile 2003», p. 1.
* 267 Dans BIANCO DI SAINT
JORIOZ Alessandro, Il brigantaggio alla frontiera pontificia... op.
cit., p. 115.
* 268 Dans IZZO Fulvio, I
guerriglieri di Dio... op. cit., p. 208.
* 269 Idem.
* 270 Dans CORRADINI
Ferdinando, 11 novembre 1861... op. cit., p. 3.
* 271 Dans la Gazette de
Liège du jeudi 21 novembre 1861.
* 272 APT, correspondances
diverses, lettre de l'abbé Bryan Y Livermore adressée au marquis
Charles de Trazegnies et datée du 26 novembre 1861.
* 273 Le comte Louis Michel
était soldat dans le 62e régiment de ligne du corps
d'occupation français présent à Rome. Il fut un
infatigable défenseur de la cause bourbonienne. Congédié
par le pouvoir français, il ne s'occupa bientôt plus que de
défendre la cause du roi François, menant à bien
différentes missions en tant qu'agent de liaison ou encore en tant que
préposé à l'approvisionnement des armées. Il fut
cependant arrêté, envoyé à Marseille et
définitivement tenu à l'écart du territoire italien. Il
fut un ami très proche d'Alfred de Trazegnies durant son court
séjour à Rome. Selon les dires de Stanislas de Cornulier, ils
étaient constamment ensemble. Alfred de Trazegnies avait connu ce
personnage il y avait plus de cinq ans. Il l'avait rencontré à
Tour en Touraine. Selon le membre de l'Académie pontificale
ecclésiastique, Michel était « un brave homme,
élevé par la famille du maréchal Mac-Mahon. »
(Dans IZZO Fulvio, I Guerriglieri di Dio... op. cit., pp. 229 et 237
et dans FRACCACRETA Augusto, Un episodio della reazione borbonica a S.
Giovanni Incarico (Caserta). L'11 novembre 1861, Fratelli Palombi, Roma,
1938, p. 09.)
* 274 Il s'agit
probablement du général Joseph-Jules-Eugène de
Géraudon (1803-1881). Il embrassa de bonne heure la carrière des
armes. Au sortir de ses études, il entra à Saint-Cyr d'où
il sortit, en 1820, sous-lieutenant d'infanterie. Il resta quelque 10
années avec le même grade et, suite à la révolution
de Juillet, il devint lieutenant puis passa capitaine en 1833. Nommé
chef de bataillon 7 ans plus tard, il se distingua en Algérie, ce qui
lui valut le grade de lieutenant-colonel. En 1845, il prit du galon et devint
colonel. Il atteint le grade de général de brigade en septembre
1851. Dévoué au Prince-Président, il se trouva
mêlé aux événements qui restaurèrent
l'empire. Le 12 août 1857, Louis-Napoléon le faisait
général de division tandis qu'il était fait Grand Officier
de la Légion d'honneure 5 ans plus tard. Passé cadre de
réserve en 1868, il vécut retiré à Paris où
il mourut. (Dans Dictionnaire de biographie française, op.
cit., tome 15, 1982, p. 1257 et dans Archives biographiques
françaises, microfiche numéros I. 448/411-412.)
* 275 ASNA, Archivio Borbone b
1370-488/489, lettre du comte Louis Michel datée du 24 novembre 1861.
* 276 Dans le Journal de
Bruxelles daté du samedi 30 novembre 1861
* 277 Dans le Journal de
Bruxelles daté du dimanche 1er décembre 1861.
* 278 Dans le Journal de
Bruxelles daté du samedi 14 décembre 1861.
* 279 Dans MONNIER Marc,
Histoire du brigandage dans l'Italie méridionale... op. cit.,
pp. 158-159.
* 280 Dans LÉVY
Armand, La cour de Rome... op. cit., pp. xc-xci.
* 281 Dans le
Précurseur d'Anvers, daté du samedi 30 novembre 1861.
* 282 Francesco Savini
(comte), (1818- ?). Il naquit à Viterbe. Nommé
major-général à partir du 17 décembre 1893, il
était en réserve depuis le 18 mai 1874. Il fut chevalier des
Ordres des saints Maurice et Lazare et de la couronne d'Italie. Pour
s'être distingué lors de l'incendie du palais Companari à
Bauco (Frosinone), il reçut une médaille honorifique. Il fut
également décoré de la médaille
commémorative d'argent de l'Emilie à l'occasion des combats de
1848 et de la médaille romaine pour les combats de Vicence. Il fit les
campagnes de 1848-1849, de 1859 et de 1866. (Dans NAPPO Tommaso, NOTO Paolo (a
cura di), Indice biografico italiano, K. G. Saur Verlag Gmbh,
München, 1993, fiche 891/155.)
* 283 Dans le Journal de
Bruxelles daté des jeudi et vendredi 26 et 27 décembre
1861.
* 284 Victor Joseph Mousty
(1836-1878). Officier et journaliste. Originaire de Saint-Hubert, il devint
clerc dans une étude notariale de Namur. En 1860, il répondait
à l'appel du général de Lamorcière et
s'enrôlait dans les zouaves pontificaux. Il était engagé le
6 juin, participait à la bataille de Castelfidardo et puis était
nommé sous-lieutenant (octobre 1861) et enfin lieutenant des zouaves (12
août 1862). En septembre 1862, plus chanceux que son collègue de
Limminghe, il échappait à une tentative d'assassinat. Le 31 mai
1867, Mousty est contraint de démissionner de l'armée pontificale
car il est soupçonné d'avoir favorisé l'évasion
d'un zouave américain nommé Watson, présumé
complice dans l'assassinat du président Lincoln. Il n'abandonne pas Rome
pour autant et reste actif en assurant entre autres les liaisons entre les
zouaves belges et le Comité de Bruxelles qui les soutient
financièrement. En 1870, lors de la prise de la ville par les
Piémontais, il s'occupe activement du rapatriement des zouaves Belges.
De retour en Belgique, Mousty participe notamment à la fondation de
l'abbaye de Maredsous avant de se consacrer exclusivement au journalisme
à partir de décembre 1873. Il crée un journal
destiné aux catholiques ultramontains belges et appelé La
Croix. Le succès ne semble pas au rendez-vous. Mousty est
pratiquement le seul rédacteur de son journal. Usé par sa
besogne, il meurt de manière prématurée le 04 janvier
1878. (Dans Nouvelle biographie nationale, publiée par
l'Académie royale des sciences, des lettres et des beaux-arts de
Belgique, Académie royale des sciences, des lettres et des beaux-arts de
Belgique, Bruxelles, tome IV, 1997, pp. 277-278 ; CERBELAUD-SALAGNAC,
Les zouaves pontificaux, Editions France-Empire, Paris, 1963,
pp. ; sur la tentative d'assassinat, voyez le Journal de Bruxelles
des 23 et 29 septembre 1862.) Par l'intermédiaire de la baronne de
Thysebaert, la famille de Trazegnies fit prendre des renseignements sur
monsieur Mousty. Si on voulait croire à sa version des faits, il fallait
s'assurer qu'il était digne de confiance. Euphrasie écrivit donc
à la duchesse de Chevreuse afin de savoir si son beau-fils, monsieur de
Sabran, avait connu Mousty. Celle-ci répondit en ces termes :
« Mon gendre croit, chère madame, que vous pouvez parfaitement
vous en rapporter au récit de monsieur Mousty qui a été
plus qu'un autre à même d'avoir des détails sur la mort de
monsieur votre neveu et qui l'a vengé en battant à Ceprano 160
Piémontais avec 18 hommes. Il a été décoré
pour ce fait comme il l'avait déjà été à
Castelfidardo pour sa conduite énergique. Monsieur Mousty est belge et
mon gendre se souvient parfaitement qu'à cause de cela il avait
cherché à savoir des détails sur la mort de son
compatriote. Agréez etc. Signé : Duchesse de
Chevreuse. » (APT, correspondances diverses, lettre de la duchesse de
Chevreuse à Euphrasie de Thysbaert datée du 27 mars 1866.)
* 285 APT, correspondances
diverses, extrait d'une lettre de monsieur de Mousty envoyée par le
curé de Saint-Louis, au curé de Corroy-le-Château, Brosius,
en date du 11 novembre 1862.
* 286 Dans BIANCO DI SAINT
JORIOZ Alessandro, Il brigantaggio alla frontiera pontificia... op.
cit., p. 73 ; l'Indépendance belge datée du 28
novembre 1861 ;
* 287 Dans SBARDELLA Marco,
Un nobile europeo... op. cit., p. 2.
* 288 Albert Médard
Joseph Marie Lupi Moiriano, comte de Montalto. Il naît à Acqui, en
Sardaigne le 09 juin 1808 et meurt à Bruxelles le 07 novembre
1875. C'est à la date du 7 novembre 1861 qu'il est reconnu par le
Cabinet de Bruxelles comme ministre du roi d'Italie. Sa mission essentielle
consiste évidemment à prôner la reconnaissance du nouveau
royaume auprès des autorités belges. Mission qu'il remplit avec
succès, comme nous le savons. (Dans POPLIMONT Charles, La Belgique
héraldique, recueil historique, chronologique,
généalogique et biographique complet de toutes les maisons nobles
reconnues de la Belgique, Tome X, Imprimerie Henri Carion, Paris, 1867,
pp. 471-472, dans DE STEIN D'ALTENSTEIN Isidore, Annuaire de la noblesse de
Belgique, Auguste Decq libraire-éditeur, Bruxelles, 1898, p. 2325
et dans TERLINDEN Charles, La reconnaissance du royaume d'Italie par la
Belgique, dans « Mélanges d'Histoires offerts à
Henri Pirenne par ses anciens élèves à l'occasion de sa
quarantième année d'enseignement à l'Université de
Gand 1886-1926 », Vroman & Co. imprimeurs-éditeurs,
Bruxelles, 1926, pp. 490, 497 et 502-503.)
* 289 Dans DE TRAZEGNIES
Olivier, Un grave incident diplomatique... I... op. cit., pp. 55 et
59.
* 290 Explications fournies
par le marquis Olivier de Trazegnies en date du 06 août 2005.
* 291 Dans
l'Indépendance belge datée du jeudi 28 novembre 1861.
* 292 AMAE, légation
Saint Siège, lettre du représentant belge à Rome Carolus
au ministre des Affaires Etrangères Charles Rogier datée du 21
décembre 1861.
* 293 Dans Le Monde
daté des jeudi et vendredi 26 et 27 décembre 1861.
* 294 APT, correspondances
diverses, lettre du chanoine Edouard de Woelmont au marquis Charles de
Trazegnies datée du 27 décembre 1861.
* 295 Dans le Journal de
Bruxelles daté du 04 janvier 1862 (correspondance romaine du 28
décembre 1861).
* 296 Dans le Journal de
Bruxelles daté du 20 janvier 1862.
* 297 APT, correspondances
diverses, lettre de la maréchale Eugénie de Saint-Arnaud au
marquis Charles de Trazegnies datée du 14 janvier 1862. Elle y reproduit
quelques lignes concernant Frabrizi qui sont tirées du journal Le
Pays daté du 09 janvier.
* 298 Dans le Journal de
Bruxelles daté des jeudi et vendredi 26 et 27 décembre
1861.
* 299 Dans la Gazette de
Liège datée du 26 décembre 1861 (correspondance
romaine du 21 décembre).
* 300 APT, correspondances
diverses, lettre du chanoine Edouard de Woelmont au marquis Charles de
Trazegnies datée du 12 janvier 1862.
* 301 Dans Le Monde
daté du 31 décembre 1861.
* 302 La totalité
des actes de ce procès et sa sentence sont conservées aux
Archives centrales de l'Etat à Rome sous les références
`Sacra Consulta', numéro 1351 rouge, bu. 347 et numéro 1351 noir,
bu. 276. De nombreux actes de ce procès sont reproduits dans les deux
ouvrages déjà cités, de Fraccacreta et de Fulvio.
* 303 Nous nous permettons
ici de rappeler que l'ensemble des autres sources indique qu'Alfred de
Trazegnies a été fusillé dans l'après-midi du 11
novembre, aux environs de 15 heures.
* 304 Dans FRACCACRETA
Augusto, Un episodio della reazione borbonica a S. Giovanni Incarico
(Caserta). L'11 novembre 1861, Fratelli Palombi, Roma, 1938, pp. 04-05.
* 305 Idem, p. 05.
* 306 Idem, p. 07.
* 307 APT, correspondances
diverses, lettre de monsieur de Moreau au marquis de Trazegnies (qu'il intitule
monsieur le Comte) datée du 14 novembre 1861.
* 308 APT, correspondances
diverses, télégramme de l'abbé Bryan adressé au
marquis Charles de Trazegnies daté du 18 novembre 1861.
* 309 Joseph Lupus
(1810-1888). Le chanoine Lupus était un proche collaborateur et un ami
sincère de l'évêque Théodore de Montpellier. Il fut
ordonné prêtre en 1833 et nommé vicaire à Florennes
où il obtint, l'année suivante, l'église succursale de
Saint-Aubin. C'est en 1835 que le chanoine Théodore de Montpellier
l'appela à son service. Lorsque de Montpellier devint
évêque, Lupus l'accompagna à Liège où il
s'installa également au Palais épiscopal. Toutes les circulaires
épiscopales étaient rédigées par Lupus à
partir des idées de Monseigneur de Montpellier. Lupus avait d'ailleurs
fait preuve d'un grand talent d'écrivain en participant à la
rédaction du Feuilleton belge et de l'Ami de l'ordre
à Namur. Il dirigeait l'enseignement dans les petits séminaires
et les collèges épiscopaux. Curieux de tout, Lupus
s'intéressa de près au projet de loi concernant les fabriques
d'églises, au sujet duquel la Chambre des Représentants belges ne
cesse de parler durant la session 1861-1862. Il rédigea à ce
propos des observations intéressantes que Monseigneur de Montpellier
adopta. Il étudia également l'art gothique et pris part aux
importants travaux de rénovation de la Cathédrale de
Liège. A la fin de 1869, le chanoine Lupus se rendit à Rome avec
l'évêque de Liège pour participer au Concile Vatican I
(1869-1870). Là, il recevait la distinction de docteur en
théologie. Selon Daris, Lupus « menait une vie très
simple, dans la solitude de sa chambre, ne s'occupant que d'études et de
prières. Il était très généreux envers les
bonnes oeuvres. Ayant étudié une masse de choses, il
s'était formé, sur toutes, des convictions auxquelles il tenait
avec fermeté. » (Dans DARIS Joseph, Le diocèse de
Liège sous l'épiscopat de Monseigneur de Montpellier. 1852
à 1879, Librairie Catholique Louis Demarteau, Liège, 1892,
pp. 185-188.)
* 310 APT, correspondances
diverses, télégramme adressé par le chanoine Lupus au
notaire Eloin de Namur et daté du 18 novembre 1861.
* 311 APT, correspondances
diverses, télégramme adressé par Monseigneur de Merode au
marquis Charles de Trazegnies daté du 19 novembre 1861.
* 312 APT, correspondances
diverses, lettre de Monseigneur de Merode adressée au marquis Charles de
Trazegnies et datée du 19 novembre 1861.
* 313 Idem.
* 314 APT, correspondances
diverses, lettre de monsieur de Moreau d'Andoy au marquis Charles de
Trazegnies, sans date.
* 315 L'abbé Bryan
avait appris la nouvelle par monseigneur de Cornulier. Celui-ci la tenait d'un
peintre français dénommé Picliart. Picliart en fut pour sa
part informé par une lettre d'Henri Arnous de Rivière qui
participait aux invasions d'Isola et de San Giovanni Incarico. (Dans APT,
correspondances diverses, lettre de monsieur de Moreau d'Andoy au marquis
Charles de Trazegnies, sans date et dans FRACCACRETA Augusto, Un episodio
della reazione borbonica... op. cit., p. 3.)
* 316 APT, correspondances
diverses, lettre du chanoine de Woelmont à madame la marquise de
Trazegnies d'Ittre datée du 19 novembre 1861.
* 317 APT, correspondances
diverses, lettre du chanoine de Woelmont au marquis Charles de Trazegnies et
datée du 30 novembre 1861.
* 318 APT, correspondances
diverses, lettre d'Adolphe Klitsche de Lagrange au marquis Charles de
Trazegnies datée du 09 décembre 1861.
* 319 Dans l'Ami de
l'ordre daté du 03 décembre 1861. Les personnalités
qu'on pouvait observer lors de ce service funèbre étaient les
suivantes : monseigneur Gengler, monseigneur de Moreau. Parmi les parents,
il y avait monseigneur de Romrée de Vichenet, monsieur de Saint-Arnaud,
monsieur le baron Louis de Néris, le comte de Namur d'Elzée, le
baron de Godin, le comte Charles d'Oultremont, messieurs les barons Louis,
Alexandre et Henry de Woelmont. - Dans la nef se trouvaient, messieurs les
généraux de Villiers et Berten, le marquis Ernest de Crooy, le
baron et sénateur Ferdinand de Woelmont, le baron Wyckersloth, le comte
Edmond de Baillet, les comtes de Liedekerke de Pailhe, de Liedekerke de
Saint-Fontaine, le vicomte Desmanet de Biesme et son fils, le baron de
Blommaert de Soye et son fils, le comte de Pardieu, le baron Desmanet de
Boutonville, le baron de Pasquet d'Acos, messieurs de Montpellier d'Arbre, de
Montpellier de Vedrin, du Roy de Blicky, le baron Guillaume de Coppin, le comte
d'Aspremont Lynden, le baron de Pitteurs, le baron de Rosée de Moulins,
le comte de Noidans, le baron de Gaiffier d'Hestroy, le comte Joseph de Meeus,
messieurs Van Schoor de Grandmanil, de Grimprele du Goulot, Alphonse et Ernest
de Baré de Comogne, les barons Ernest, Félicien et Anatole
Fallon, le vicomte de Cunchy, Harou de Biesme, Manderbach.
* 320 APT, cahier de la
comtesse de Romrée. Une copie de cette invitation se trouve dans les
annexes.
* 321 Dans L'Ami de
l'ordre daté du 17 décembre 1861. On rencontrait à
cette célébration : le sénateur et baron F. de
Woelmont, le sénateur et baron du Pont d'Ahérée, les
députés Moncheur, Wasseige et Charles de Montpellier ; le
président du tribunal civil Bouché, le général
Berten ainsi que son officier d'ordonnance Bertrand, le président du
conseil provincial Dury, le comte d'Oultremont de Warfusée, le comte L.
de Beaufort, le marquis de Croix de Franc-Waret, les comtes Guillaume et
Charles d'Aspremont-Lynden, le baron d'Auvin, le baron Florimond de Woelmont,
le baron Alexandre de Woelmont de Brumagne, monsieur Constant de Montpellier de
Vedrin, le comte de Gourcy de Melroy, le vicomte de Beughem, les barons Camille
et Clément de Rosée de Moulins ; Henri de Liem, le chevalier
Léopold de Moreau d'Andoy, Del Marmol, Charles Gomrée,
Manderbach, Alfred Bequet, le major de Lavallée Poussin, A. de
Lavallée Poussin, Emile et Adolphe de Séverin de Beez, Alphonse
et Frédéric de Zualart, les barons Guillaume et Eugène de
Coppin, du Roy, officier d'ordonnance de Son Altesse Royale le comte de
Flandre ; Harou de Biesme, de La Barre, juge d'instruction ; le baron
de Carlier d'Yves, les barons Ernest, Anatole et Félicien Fallon ;
E. de Baré, Edouard Wasseige, les comtes Ferdinand et Félix de
Cunchy, Charles et Jules de Montpellier d'Annevoie, le comte Arthur de
Ways-Ruart, Baude, vice-président du tribunal de Bruxelles ;
Bauchau d'Oetinghem, Victor Bodart, de Lehoye, le comte Louis de Liedekerke de
Saint-Fontaine, le baron de Gaiffier d'Hestroy, le notaire Eloin, le baron
Constant de Gerlache, le baron Théodore de Woelmont, de Thysebaert,
Adelin de Montpellier d'Arbre, Alphonse Licot de Nisme, l'avocat Capelle, le
notaire Petitjean d'Eghezée, le notaire Demarteau de Gembloux, Charles
et Eugène de Halloy de Waulsort, le baron E. d'Huart, le baron
d'Hoogavorst, le comte de Levignen, Alexandre Amand, Evrard, Bribosia, le baron
Félix d'Ahérée, Paul de Bruges, etc.
* 322 Dans l'Ami de
l'ordre daté du novembre 1861.
* 323 APT, cahier de la
comtesse de Romrée, lettre du marquis de Trazegnies à Euphrasie
datée du 26 novembre 1861.
* 324 Léon Vafflard
(1814-1887) fut d'abord directeur chez Langlé avant de devenir son
concurrent lorsqu'il fonde, en 1847, la Société Vafflard, Paris
et Cie. Elle fut éphémère puisque, l'année
suivante, les deux hommes décidèrent de fusionner leurs
activités pour une durée de 50 ans. L'Entreprise
Générale des Pompes funèbres était née. Dans
les statuts de l'entreprise, on pouvait lire qu'elle permettait
« l'éxécution dans toutes les villes de France, et
même dans les villes étrangères s'il y a lieu du service
des Pompes funèbres. » En 1862, les deux hommes
entrèrent cependant en conflit. Vafflard obtint alors de la ville de
Paris la concession des enterrements au détriment de Langlé qui
mourut quelques années plus tard (1867). Dans une lettre au prêtre
de Saint-Germain-L'Auxerrois, Vafflard présente la philosophie de sa
firme : « Une entreprise particulière dont le premier
soin doit être de veiller à sa propre conservation en satisfaisant
les familles qui ont recours à elle. Or, pour en arriver à ce
résultat, il faut que les convois, services et enterrements qu'elle est
chargée de commander, soient exécutés avec décence
et convenance, de manière enfin à ce que les familles puissent se
féliciter d'avoir eu recours à cette compagnie qui, tout en leur
évitant les démarches nombreuses et pénibles que
nécessite un décès, a su comprendre ce qu'il était
nécessaire de faire pour la pompe et l'enterrement. » (Dans
www.varu.be.)
Joseph Adolphe Fardinand de Langlé (1798-1867). Auteur
de divers ouvrages et surtout de pièces de théâtre qui lui
valurent une grande popularité auprès de ses contemporains. A la
fin de sa vie, il fut directeur de l'administration des pompes funèbres.
(Dans Dictionnaire de biographie française... op. cit., tome
19, 2001, colonnes 739 et 740.)
* 325 APT, correspondances
diverses, lettre du directeur des Pompes Funèbres de la ville de Paris,
Léon Vafflard, au marquis Charles de Trazegnies et datée du 26
décembre 1861.
* 326 Alfred-Marie-Antoine
de Limminghe (1834-1861). Ce botaniste commença ses études
à Fribourg et les termina, probablement à peu de distance
d'Alfred de Trazegnies, au collège Notre-Dame de la Paix à Namur,
où le professeur Bellynck lui donna le goût de la botanique. Il
étudia les plantes en profondeur à partir de 1855. Pour ce faire,
il rassembla une grande quantité d'ouvrages de botanistes
étrangers et se créa un musée botanique et une serre
contenant de nombreuses orchidées exotiques. En 1860, influencé
par sa famille, il partit offrir ses services au pape. Il prit part à la
bataille de Castelfidardo où il fut blessé. Il revint en Belgique
puis partit à nouveau pour Rome l'année suivante. La Ville
éternelle le fut aussi pour lui : il ne revint jamais de ce voyage.
Selon François Crépin, rédacteur dans la Biographie
nationale, Limminghe mourut deux jours après avoir reçu un
coup de revolver dans la soirée du 16 avril. Louise Colet, elle, se
rappelait qu'un avocat était venu la prévenir de l'assassinat de
Limminghe, cousin de monseigneur de Merode et capitaine des zouaves
pontificaux, d'un coup de couteau. Plus intéressant est le rapport qu'en
fit Henri Carolus. Il expliquait, à la date du 30 avril 1861, que de
Limminghe avait reçu un coup de pistolet dans la soirée du 16. Il
en était mort dans la nuit du 17 au 18. Il était revenu à
Rome porteur de la somme nécessaire pour acheter une machine à
rayer les canons dont il voulait faire don au gouvernement pontifical, mais
sans avoir l'intention de reprendre du service. Il se disposait d'ailleurs
à repartir vers la Belgique. Le hasard fait parfois mal les
choses : le premier bateau que le comte voulut prendre était
complet. Il attendit un second. Il ne le prit jamais. Les médecins
donnèrent le bulletin suivant : « Plaie par arme à
feu, pénétrant dans l'abdomen avec lésion probable du rein
correspondant et péritonite consécutive ; blessures
très graves. » Selon les dires de la victime elle-même,
elle aurait été frappée entre 9 heures et 10 heures du
soir, dans une des rues voisines de la place Trajane. Limminghe avait
passé la journée avec des amis puis les avait quittés pour
aller assister, seul, aux fêtes de la béatification de Saint Jean
du Latran. Plus tard, il se sera égaré dans les rues
désertes de ce quartier mal famé et y aura été
frappé. Selon un grand nombre de ses camarades, « il aurait
été victime d'une vengeance politique ; différentes
circonstances me portent jusqu'ici à ne point partager cette opinion,
notait le ministre belge. » Comme cela se fera pour Alfred quelques
temps plus tard, on célébra un office dans l'église de
Santa Maria Sopra Minerva. Une semaine plus tard, Carolus confirmait que les
causes de la mort restaient inconnues, tandis que le père et le
frère (Léon) de Limminghe étaient à Rome afin de
constater le décès. La famille offrit à son défunt
fils une pierre tombale au Collège des Belges. Monseigneur Sacré
s'occupa de la faire réaliser, sur les plans du chevalier Rossi, par le
sculpteur Galli. Il y a fort à parier que ces deux hommes furent
également les auteurs de la tombe d'Alfred de Trazegnies. Le jeune
Limminghe fréquentait le même monde qu'Alfred : on retrouvait
parmi ses connaissances monseigneur de Merode, le chanoine de Woelmont,
monsieur de Villefort, monsieur l'abbé de Moreau ou encore le bien connu
de Christen, qui était alors à Rome. L'étude
publiée quelques semaines après la mort du jeune homme par
Pruvost ne nous apprend rien quant au meurtrier. Certains assuraient que
Limminghe était à Rome « pour des motifs non
avouables », d'autres qu'il était là dans le seul but
de défendre l'honneur de l'église. Aujourd'hui encore, ce meurtre
demeure fort ténébreux. A sa mort, les collections du zouave
furent dispersées. (Dans Biographie nationale, publiée
par l'Académie royale des sciences, des lettres et des beaux-arts de
Belgique, H. Thiry-Van Buggenhoudt, Bruylant-Christophe, Bruxelles, 1892-1893,
tome 12, pp. 206-208 ; dans COLET Louise, L'Italie des Italiens,
E. Dentu, Paris, 1864, volume 4, pp. 279-280 ; AMAE, légation
Saint-Siège, lettres d'Henri Carolus à Adolphe de Vrière
datées du 30 avril et du 06 mai 1861 et dans PRUVOST Alexandre,
Notice sur la vie et la mort du comte Alfred de Limminghe, H. Goemaere
Imprimeur-éditeur, Bruxelles, 1861.)
* 327 Auguste Misson
(1840-1861). Issu de la branche cadette de la famille belge des Misson,
s'était engagé dans le bataillon des zouaves pontificaux
franco-belges. Il mourut le 04 juin 1861, non pas au combat mais d'une
très forte fièvre causée sans doute par
l'épuisement de la vie militaire. (Dans POPLIMONT Charles, La
Belgique héraldique, recueil historique, chronologique,
généalogique et biographique complet de toutes les maisons nobles
reconnues de la Belgique, Imprimerie Henri Carion, Paris, 1866, tome 7, p.
313 et dans PRUVOST Alexandre, Notice sur la vie et la mort du comte Alfred
de Limminghe... op. cit., pp. 89.)
* 328 APT, correspondances
diverses, lettre du chanoine de Woelmont au marquis Charles de Trazegnies
datée du 27 décembre 1861.
* 329 Au XIe siècle,
les marchands flamands se réunirent dans la Confrérie de
Saint-Julien et construisirent une petite chapelle et un hôpital pour les
pèlerins. En 1536, Charles Quint, alors qu'il visitait Rome, devint
membre de la confrérie. En 1830, la chapelle troqua son appellation
d'origine contre celle de « Saint-Julien des Belges » mais,
en 1975, le roi Baudouin lui rendit son nom original. L'église se trouve
via del Sudario au numéro 40.
* 330 APT, correspondances
diverses, lettre du chanoine Edouard de Woelmont au marquis Charles de
Trazegnies datée du 12 janvier 1861.
* 331 APT, correspondances
diverses.
* 332 APT, correspondances
diverses, lettre du chanoine Edouard de Woelmont au marquis Charles de
Trazegnies datée du 27 décembre 1861.
* 333 L'abbé Bryan
écrit sa missive depuis le château d'Andoy. On peut supposer qu'il
réside à cet endroit, résidence de la famille de Moreau
d'Andoy, et donc de son collègue et ami de l'Académie des Nobles
ecclésiastiques, l'abbé de Moreau.
* 334 APT, correspondances
diverses, lettre de l'abbé Thomas Bryan Y Livermore au marquis Charles
de Trazegnies datée du 26 septembre 1862.
* 335 AEN, fonds
Corroy-le-Château, 104, Alfred-Ghislain-Gillion de Trazegnies d'Ittre.
Déposition faite au Tribunal de première instance de Namur au
sujet de sa mort à San Giovanni Incarico, sur le territoire napolitain,
27 septembre 1862, copie authentique, 1 pièce.
* 336
Pierre-Jospeh-François Sacré (1825-1895). Il fit de brillantes
études au Séminaire de Malines. En 1849, le cardinal Sterckx
l'ordonnait prêtre et l'envoyait terminer ses études à
l'Université de Louvain d'où il sortit licencié en
théologie. Il quitta la Belgique pour Rome et suivit les cours du
Collège des Belges fondé en 1843 par monseigneur Aerts. Aerts
ayant été rappelé en Belgique, Sacré devint
président du Collège. Il n'avait pas 29 ans. Il fit son travail
de main de maître durant une quinzaine d'années. De grands
ecclésiastiques vinrent étudier auprès de lui, comme le
futur évêque de Liège Doutreloux. En 1860, Pie IX le
nommait camérier secret. Merode, à la recherche d'un
aumônier d'origine belge pour ses zouaves pontificaux, proposa le poste
à Sacré qui l'accepta. Il fut premier aumônier des
tirailleurs. Dans les combats contre le Piémont, Sacré risqua
plusieurs fois sa vie et fut fait prisonnier. Il rejoignit ensuite Rome
où il continua à s'occuper du Collège, ce qui ne
l'empêcha pas d'assister à nouveau les mourants lors de la
bataille de Mentana. Le 29 juin 1868, Sacré était de retour en
Belgique en tant que curé-doyen de Notre-Dame d'Anvers. En 1890, il
participa activement au congrès eucharistique d'Anvers. En 1893, une
fête, qui rassembla 15 000 personnes, célébrait la
vingt-cinquième année de son entrée en fonction. Il mourut
moins de deux ans plus tard. (Dans Biographie nationale, op. cit.,
tome XXI, 1911-1913, pp. 21-24 et dans CERBELAUD-SALAGNAC, Les zouaves
pontificaux... op. cit., p. 38.)
* 337 APT, correspondances
diverses, lettre du prêtre Sacré à la marquise de
Trazegnies datée du 27 septembre 1863.
* 338 APT, correspondances
diverses, lettre du prêtre Sacré à la marquise de
Trazegnies datée du 18 octobre 1864.
* 339 APT, dossier du
marquis Olivier de Trazegnies. Voici une traduction toute relative de cette
épitaphe : « En ce lieu a été
transféré depuis la terre (frugale ?) de San Giovanni, où
il fut tué le 11 novembre 1861 par les troupes subalpines qui
envahissaient le royaume de François II, Alfred Gillion Ghislain marquis
de Trazegnies et d'Ittre, fils de Charles et de Raphaëlle de
Romrée, de la ville de Namur. Trois jours auparavant à Rome, il
s'était renouvelé dans le corps sacré du Christ. Va dans
la paix du Christ. »
* 340 Les brefs sont des
lettres du pape moins importantes que les bulles. Elles ne portent pas le sceau
pontifical.
* 341 APT, correspondances
diverses, lettre du prêtre Sacré à la marquise de
Trazegnies datée du 23 septembre 1864.
* 342 Paul Le Riche.
Successeur de A. Sepinola (22 mars 1833 - 30 octobre 1860), il est d'abord
consul intérimaire en 1853 puis, en décembre de la même
année, vice-consul. Il conserve ce titre durant les deux années
qui suivent le décès de son prédécesseur. Il reste
à son poste jusqu'au 04 août 1876, date à laquelle son fils
Henry lui succède jusqu'en février 1886. (Dans BRAIVE G.,
MONDOVITS I., Le corps diplomatique... (II)..., op. cit., p. 140.)
* 343 AMAE, correspondances
consulat de Naples, lettre du vice-consul à Naples Le Riche au Ministre
des Affaires Etrangères Charles Rogier datée du 16 novembre
1861.
* 344 Charles Léon
de Baillet (1812-1884). Il fut secrétaire de légation à
Washington, puis Commissaire d'arrondissement à Malines à partir
du 25 novembre 1840. Le premier novembre 1847, il fut nommé au
même poste à Anvers. Conseiller provincial d'Anvers, il fut enfin
gouverneur de la province de Namur. Il était officier de l'Ordre de
Léopold. Le 11 mai 1841, il épousait Henriette Marie
Adélaïde Cogels née à Anvers en 1816, fille de Henri
François Xavier et d'Adélaïde Marie Joséphine Van
Havre. Pierre Joigneaux, de passage dans notre pays, notera avoir
conservé un bon souvenir de Léon de Baillet. D'après lui,
« tout jeune encore et presque à son entrée dans la
vie, il s'était nourri l'esprit, paraît-il, des écrits de
Chateaubriand, et ce grand charmeur l'avait si bien séduit qu'il ne
résista pas à la tentation d'aller, après lui, visiter les
sites sauvages de l'Amérique. Il y trouva la sauvagerie, mais absolument
dépourvue de la poésie dont Chateaubriand l'avait embellie. Il en
revint donc tout désillusionné, et à partir de ce moment,
il se fit une existence positive. (...) Je ne vous cache point que les
téméraires de cette trempe me vont ; ils ont d'ordinaire le
coeur chaud, l'intelligence ouverte, les résolutions fortes et ne
ressemblent pas à tout le monde. » (Dans Almanach royal
de Belgique, 1858 et 1866 ; dans JOIGNEAUX Pierre, Souvenirs
historiques, Marpon et Flammarion, Paris, 1891, volume 2, pp.
239-240 et dans POPLIMONT Charles, La Belgique héraldique...
op. cit., tome 1, 1863, p. 306.)
Pierre Joigneaux (1815-1892). Elu plusieurs fois
député, ce politicien et journaliste d'extrême gauche reste
célèbre pour ses articles piquants. Après le coup d'Etat
de 1851, il fut expulsé de France et vint s'établir dans les
Ardennes belges, à Saint-Hubert. Il publia de nombreuses études
agronomiques. Un an avant sa mort, il obtenait une place de sénateur.
(Dans Dictionnaire de biographie française... op. cit., 1939,
tome 3, colonnes 707-708 et dans MAITRON Jean (sous la direction de),
Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français.
Première partie : 1789-1864, de la Révolution
française à la fondation de la Première
internationale, Les Editions ouvrières, Paris, tome 2, 1965, pp.
380-382.)
* 345 AMAE, correspondances
consulat de Naples, lettre du vice-consul à Naples Le Riche
adressée au Gouverneur de la province de Namur Léon de Baillet et
datée du 16 novembre 1861.
* 346 AMAE, correspondance
consulat de Naples, lettre du vice-consul à Naples Le Riche
adressée au ministre belge des Affaires Etrangères, Charles
Rogier et datée du 23 novembre 1861.
* 347 AEN, Fonds
Corroy-le-Château, dossiers 3932-3938 : Notes du comte
François Van der Straten-Ponthoz concernant l'histoire de la famille de
Trazegnies et ses alliées, 19e siècle, 7 liasses.
* 348 Jospeh-Paul-Marie de
Cadoine de Gabriac, 1830-1903. Il fit ses études à Paris à
l'Ecole d'Administration créée en 1848 et, à l'image de
son père ambassadeur à Bern, il se destina à la
carrière diplomatique. Il commença par être attaché
aux Archives des Affaires Etrangères (1849). Deux ans plus tard, on le
trouvait parmi les secrétaires de la Commission de liquidation des
créances françaises au Mexique. Il fut ensuite attaché au
Cabinet Drouyn de Luys puis à celui du comte Walewski. Le 6 juin 1859,
il était nommé secrétaire d'ambassade à Naples
où il resta une demi-année. Il reçut la même
fonction à Rome le 10 décembre 1859, où il assista le duc
de Gramont avec efficacité. Le duc dira de lui qu'il est « un
garçon consciencieux et intelligent qui peut (...) inspirer confiance et
(...) il est fort au courant des affaires [n.d.l.a. de Rome]. » Il
quitte la ville éternelle pour devenir secrétaire à
Munich, le 29 janvier 1862. En décembre 1866, il était premier
secrétaire à Saint-Pétersbourg avant d'y être
nommé chargé d'affaires pour 1870-1871. Suite au conflit
franco-allemand, Gabriac reçut le poste de chargé d'affaires
à Berlin. Il ne resta à cette place que 8 mois. En effet, 1872
marquait sa nomination au rang de ministre plénipotentiaire. Il
exerça de son influence successivement à La Haye (1876),
Bruxelles (1876) et enfin auprès du Saint-Siège (1878) où
il demeura jusqu'au 23 janvier 1880. Dans cette dernière fonction, il
parvint à faire entrer trois nouveaux cardinaux français à
la Curie romaine. Démissionnaire en 1880, suite aux décrets Ferry
contre les congrégations religieuses, il mourut 13 ans plus tard. (Dans
THOUVENEL L., Le secret de l'empereur... op. cit., volume 2, pp. 178
et 502 et dans Dictionnaire de biographie française... op.
cit., tome 14, 1979, p. 1502.)
* 349 AMAE, correspondances
légation auprès du Saint Siège (11), lettre du
représentant belge à Rome Carolus au Ministre des Affaires
Etrangères datée du 22 novembre 1861.
* 350 Dans CARDINALI
Emidio, I briganti e la Corte Pontificia ossia la cospirazione
Borbonico-Clericale svelata, Editori L. Davitti e C., Livorno, 1862,
volume 2, p. 77.
* 351 APT, correspondances
diverses, lettre de l'abbé Bryan Y Livermore au marquis Charles de
Trazegnies en date du 26 novembre 1861.
* 352 Dans SBARDELLA Marco,
Un nobile europeo... op. cit., p. 8.
* 353 Dans BIANCO DI SAINT
JORIOZ Alessandro, Il brigantaggio alla frontiera pontificia... op.
cit., p. 74.
* 354 Dans le Journal de
Bruxelles daté du 14 décembre 1861.
* 355 Dans le Journal de
Bruxelles daté des jeudi et vendredi 26 et 27 décembre.
* 356 Dans GROSSI E.,
L'11 novembre 1861. Contributo alla storia del brigantaggio
clerico-borbonico, Fondi, 1903, p. 66, cité dans SBARDELLA Marco,
Un nobile europeo... op. cit., p. 8.
* 357 Dans le
Précurseur d'Anvers daté du 30 novembre 1861.
* 358 APT, correspondances
diverses, lettre de monsieur de Moreau d'Andoy au marquis Charles de Trazegnies
datée du 27 novembre 1861.
* 359 APT, correspondances
diverses, télégramme de Monseigneur de Merode au marquis Charles
de Trazegnies daté du 22 novembre 1861.
* 360 ASNA, Archivio Borbone,
b 1370-488/489, lettre du comte Louis Michel datée du 24 novembre
1861.
* 361 Monsieur Targioni
représenta le roi de Naples à Bruxelles. Il est bien difficile de
se renseigner sur ce représentant napolitain. Néanmoins
avons-nous pu glaner quelques informations concernant la rupture des relations
diplomatiques entre la Belgique et Naples dans la correspondance diplomatique.
Il en ressort que Targioni a eu du mal à l'admettre, de même que
la royauté belge, qui semblait réticente à mettre un point
final à leurs relations. Le nouveau ministre italien à Bruxelles,
Montalto, confiait à ce propos ses inquiétudes à Ricasoli,
alors président du Conseil et Ministre de l'Extérieur :
« M. Le Commandeur Targioni, ancien Ministre du Roi de Naples, se
trouvant encore à Bruxelles, M. Rogier se trouve un peu
embarrassé pour lui faire sentir qu'il ne lui reconnaît plus un
caractère diplomatique. » Il est à supposer que Rogier
a demandé oralement au commandeur de faire ses bagages puisque celui-ci
aurait contesté ce manque de procédure et le Ministre belge des
Affaires Etrangères aurait été contraint de lui
rédiger une note en bonne et due forme, stipulant qu'il ne pouvait plus
traiter avec lui et son gouvernement puisqu'ils ne représentaient plus
l'autorité établie de fait dans les Deux-Siciles. A cela,
Targioni aurait répondu par une lettre de six pages menaçant le
gouvernement belge de « vengeance céleste » !
Le roi Léopold lui-même aurait fait de sévères
reproches au ministre Rogier au sujet de la lettre adressée au
représentant napolitain. Toujours est-il qu'à partir de cette
date, les relations entre la Belgique et les Deux-Siciles sont
définitivement rompues. Ce qui n'empêcha pas Targioni de
s'attarder en Belgique puisqu'il s'occupait, fin novembre, d'informer son
gouvernement au sujet de la mort du marquis de Trazegnies. (Dans I
documenti diplomatici italiani, Prima serie 1861-1870, Ministero degli
Affari Esteriori, La Liberia dello Stato, Roma, volume 1, 1959, Lettres du
Ministre à Bruxelles Montalto au Président du Conseil et Ministre
de l'Extérieur Ricasoli datées des 04, 12 et 14 novembre 1861, p.
462, 482-482 et 487-488.)
* 362 ASNA, Archivio
Borbone, b 1370-484/485, lettre du comte Carbonelli au représentant
napolitain à Bruxelles Targioni et datée du 19 novembre 1861.
* 363 Dans L'Ami de
l'ordre daté du 24 novembre 1861.
* 364 Canofari (1790-1872).
Celui-ci naquit en 1790 dans la famille d'un haut magistrat au service des
Bourbons de Naples. Il fit son droit et, en 1830 et 1831, devint membre de la
Consulte générale du Royaume. Agent de légation dès
mars 1836, il devint secrétaire de seconde classe et fut envoyé
à Londres en février 1848. Chargé d'affaires à
Madrid en 1851, il acquit enfin la fonction identique mais à la cour de
Turin. Là, il fit preuve d'un sens aigu de la diplomatie et instaura un
climat relativement sain malgré la tension régnant entre Naples
et Turin. Il fut ensuite appelé, le 28 juillet 1860, à remplacer
à Paris le marquis Antonini. Destitué par un décret du 11
octobre 1860, il poursuivit cependant ses fonctions, à l'image de
Targioni en Belgique. Aux alentours de 1860, il entretint de nombreux rapports
avec le ministre des Affaires Etrangères de France et, surtout, maintint
la cohésion des émigrés napolitains présents
à Paris en les rassemblant dans de nombreux banquets au cours desquels
il prenait la parole en faveur de la restauration de François II. Peu de
temps avant son décès, il aurait été chargé
par l'ex-roi de Naples d'une mission secrète auprès des empereurs
d'Autriche, d'Allemagne et de Russie. Selon Thouvenel, il était
un hôte fidèle du salon de Monsieur Thiers. Avant cela, il
avait ses entrées dans le monde légitimiste tandis que la
Société du Second Empire l'appréciait également
beaucoup. « Il a laissé à tous ceux qui l'ont connu le
souvenir d'un caractère aussi distingué que
sûr. » (Dans Dizionario biografico degli italiani,
Instituto della Enciclopedia Italiana, Roma, tome XVIII, 1975, pp. ; dans
I documenti... op. cit., volume 1, lettre d'Uccelli au
Président du Conseil et Ministre de l'Extérieur Ricasoli
datée du 30 juillet 1861, p. 296 et dans Dans THOUVENEL L., Le
secret de l'empereur,... op. cit., volume 2, pp. 481-482.)
* 365 ASNA, Archivio
Borbone, b 1370-490, lettre de l'amiral Del Re au représentant
napolitain à Paris, Canofari, datée du 25 novembre 1861.
* 366 ASNA, Archivio
Borbone, b 1370-498, lettre du représentant napolitain à Paris
Canofari au ministre des Affaires Etrangères Del Re datée du 30
novembre 1861.
* 367 ASNA, Archivio
Borbone, b 1370-492, lettre du commandeur Targioni au représentant
napolitain à Paris Canofari datée du 28 novembre 1861.
* 368 ASNA, Archivio
Borbone, b 1370-496, lettre du commandeur Targioni au ministre des Affaires
Etrangères napolitain Del Re datée du 29 novembre 1861.
* 369 ASNA, Archivio
Borbone, b 1370-494, lettre du baron Carbonelli di Letino au
représentant napolitain à Paris Canofari datée du 29
novembre 1861.
* 370 Dans FRACCACRETA
Augusto, Un episodio della reazione... op. cit., p. 10. Cette anecdote
fut racontée à Fraccacreta par le comte Cornet d'Elzius.
* 371 Lettre du marquis
Olivier de Trazegnies à l'auteur de ce mémoire datée du 20
janvier 2005.
* 372 Dans Le
Monde datée du 03 décembre 1861.
* 373 Nothomb Alphonse
(1817-1898). Homme politique catholique, il obtint son doctorat en droit en
juillet 1835. D'abord attaché au Ministère de la Justice
(1836-1837), il fut avocat au barreau d'Arlon jusqu'en 1839. Le premier janvier
1839, il était nommé substitut du Procureur du roi au Tribunal de
Première instance d'Arlon avant de devenir lui-même procureur du
roi à Neufchâteau (1844-1853). Il fit ses premières armes
politiques en représentant le Canton d'Arlon au Conseil provincial de
1842 à 1848. Au début des années 1850 (1853-1855), Il
poursuivait sa carrière en tant que substitut du Procureur
général à la Cour d'Appel de Bruxelles. Ministre de la
Justice en 1857, il fut l'un des auteurs de la loi sur les Couvents, visant
à donner la personnification civile aux fondations charitables, qui
entraîna la chute du Cabinet De Decker. A la Chambre, il
représenta les arrondissements de Neufchâteau (1851), Turnhout
(1859-1892), Arlon (1892-1894). Il fut enfin choisi comme sénateur pour
le Sud de la Province du Luxembourg (1894-1898). A la fin de sa vie, il se
rallia à la démocratie chrétienne naissante et se
prononça en faveur du suffrage universel qui, ironie du sort, lui avait
valu de ne pas être réélu lors des élections du 18
octobre 1894... (Dans DE PAEPE Jean-Luc, RAINDROF-GÉRARD Christiane,
Le Parlement belge 1831-1894, Commission de la Biographie Nationale,
Académie royale de Belgique, Bruxelles, 1996, pp. 440-441 ;
DELZENNE Yves-William, HOUYOUX Jean, Le nouveau dictionnaire... op.
cit., tome 2, p. 138 et dans Biographie nationale..., op. cit.,
tome 37, 1971-1972, colonnes 609 à 618.)
* 374 Dans Annales
parlementaires de la Chambre des Représentants de Belgique, session
1861-1862, séance du 28 novembre 1861, p. 89.
* 375 Dans Annales
parlementaires de la Chambre... Idem, p. 91.
* 376 Dans le Journal de
Bruxelles daté du vendredi 29 novembre 1861.
* 377 Dans l'Ami de
l'ordre daté du samedi 30 novembre 1861.
* 378 Dans le Bien
Public daté du samedi 30 novembre 1861.
* 379 Dans
l'Indépendance belge datée du vendredi 29 novembre
1861.
* 380 Dans la Gazzetta
ufficiale del Regno datée du lundi 02 décembre 1861.
* 381 Dans l'Opinione
datée du lundi 09 décembre 1861.
* 382 Linati Filippo
(comte), 1816-1895. Sénateur, poète et philosophe. Né
à Barcelone, il était issu d'une très ancienne famille
parmesane. Il arriva à Parme à seulement deux ans et se
considéra toute sa vie comme issu de cette ville. En 1823, sa famille
s'y installait définitivement. Curieux de tout, il maîtrisait
parfaitement plusieurs langues et acquit un savoir encyclopédique.
Libéral, il participa de très près aux révolutions
de 1848 pour la cause nationale. Le 02 août 1859, il fut
délégué auprès de Napoléon III afin de lui
présenter une protestation contre le rétablissement des Bourbons
à Parme. Il fut nommé sénateur grâce à Farini
le 18 mars 1860. Dans ce poste, il se distingua par ses questions de
portée surtout économique, juridique et financière. Il fit
partie du Conseil d'Etat durant de nombreuses années. (Dans NAPPO
Tommaso, NOTO Paolo (a cura di), Indice biografico italiano, K. G.
Saur Verlag Gmbh, München, 1993, tome 3, p. 827 et dans Archivio
biografico italiano, fiche numéro F. 568.)
* 383 Alessandro della
Rovere (1815-1864). Il occupa un temps la lieutenance des provinces
napolitaines. Il fut nommé à la tête du ministère de
la Guerre lors du remaniement ministériel de juin 1861. Il conserva ce
poste jusqu'en 1864, successivement sous les cabinets de Ricasoli et Minghetti.
(Dans Dizionario biografico degli italiani... op. cit., tome 37, 1989,
pp. 331-333 et dans AMAE, légation à Turin, lettre du
représentant belge à Turin Lannoy à Charles Rogier, 11
juin 1861.)
* 384 Dans le Bien
public daté du vendredi 13 décembre 1861.
* 385 La Belgique est
représentée auprès du jeune royaume par Henri Solvyns
entre le 05 novembre 1861 et le 18 octobre 1872. Ses secrétaires seront
Pierre Bartholeyns, depuis le premier septembre 1860 jusqu'en février
1865 et H. Noidans-Calf (entre le 28 décembre 1863 et le 08
février 1865). Henri Orban sera dans un premier temps (05 janvier 1862 -
14 février 1863) attaché au ministre belge à Turin, avant
d'en devenir également le secrétaire jusqu'au 17 octobre 1863.
Né d'un père écrivain et d'une mère catholique
anglaise, Henri Solvyns (1817-1894) est candidat en droit à
l'Université de Gand, étudie l'économie politique, la
statistique et les langues étrangères (il parle le
français, le néerlandais, l'anglais ainsi que l'allemand).
D'abord attaché au cabinet du Roi en 1837, il entre dans la
carrière diplomatique. Il passe par divers postes d'attaché et de
délégué avant de devenir conseiller de légation
(1852-1858) puis Ministre résident à Constantinople et Lisbonne
(1858-1861) et finalement envoyé extraordinaire et ministre
plénipotentiaire à Turin et Londres (octobre 1872). (Dans BRAIVE
G., MONDOVITS I., Le corps diplomatique et consulaire belge en Italie
(I), dans « Risorgimento », XIIe année, 1969,
tome 2, p. 49.)
* 386 AMAE, légation
à Turin, lettre du représentant belge Henri Solvyns au ministre
des Affaires Etrangères Charles Rogier datée du 16 janvier
1862.
* 387 Barthélemy
Charles Joseph Dumortier (1797-1878). Homme politique catholique, avocat et
historien. Il fut très actif à Tournai durant la
Révolution belge. Il fut d'abord représentant de l'arrondissement
de Tournai (1831-1847) puis de celui de Roulers, jusqu'à sa mort. Dans
ses discours, il défendit la liberté de l'Eglise contre
l'installation d'une nonciature en Belgique et se battit en faveur de
l'autorité communale par opposition à celle de l'Etat. Il prit
une part active au Congrès catholique de Malines en 1863. Il publia beau
nombre d'ouvrages historiques concernant Tournai et fut d'ailleurs membre de la
Commission royale d'histoire (1838-1878). Il s'intéressa
également à la botanique et co-fonda la Société
royale de Botanique de Belgique dont il fut le président entre 1862 et
1875. (Dans DE PAEPE Jean-Luc, RAINDROF-GÉRARD Christiane, Le
Parlement belge 1831-1894... op. cit., pp. 286-287, dans DELZENNE
Yves-William, HOUYOUX Jean, Le nouveau dictionnaire des belges... op.
cit., tome 1, p. 209 et dans DE KONINCK A., Bibliographie
nationale. Dictionnaire des écrivains belges et catalogue de leurs
publications 1830-1880, Nendeln (Liechtenstein), Kraus Reprint, volume 1,
1974, pp. 623-624.)
* 388 Dans Annales
parlementaires de la Chambre...op. cit., session 1861-1862, séance
du 03 avril 1862, pp. 1099 et 1100.
* 389 Barthélemy de
Theux de Meylandt, (1794-1874). Homme politique catholique, il prit une part
active aux événements de 1830 et fut élu, par le disctrict
d'Hasselt, député suppléant au Congrès national. Il
représente l'arrondissement d'Hasselt entre 1831 et 1874. A la Chambre,
il joua un rôle non négligeable au sein de la commission
chargée d'élaborer les lois provinciale et communale. Il fut
ministre de l'Intérieur à plusieurs reprises dans les
années 1830 ainsi que ministre des Affaires Etrangères entre 1836
et 1837. Il fut chef du Cabinet de 1834 à 1841, avec Malou de 1846
à 1847 et, enfin, de 1871 à sa mort. Tout au long de sa
carrière, il se distingua par ses idées modérées et
se montra adepte convaincu de l'unionisme. (Dans Biographie nationale de
Belgique... op. cit., tome 24, 1960, colonnes 771-782, dans DE PAEPE
Jean-Luc, RAINDROF-GÉRARD Christiane, Le Parlement belge
1831-1894... op. cit., p. 244 et dans DELZENNE Yves-William, HOUYOUX
Jean, Le nouveau dictionnaire des belges... op. cit., tome 2,
p. 250.)
* 390 Louis François
Magloire Goblet d'Alviella (1823-1867). Politicien libéral, il
représenta l'arrondissement de Bruxelles de 1858 à 1867. En 1843,
il était attaché de légation. L'année suivante, il
gagnait le grade de secrétaire de légation de deuxième
classe. L'année suivante, il épousait Caroline Anne Charlotte,
comtesse d'Auxy de Neufvilles. Il passa ensuite au département de
l'Intérieur puis devint adjoint à la direction politique des
Affaires étrangères (1845-1853). Il fut Conseiller provincial
entre 1856 et 1858, ainsi que secrétaire provincial de Brabant en 1858.
Il présida l'association libérale et Union constitutionnelle de
Bruxelles. (Dans RAINDROF-GÉRARD Christiane, Le Parlement belge
1831-1894... op. cit., p. ? et dans POPLIMONT Charles, La
Belgique héraldique... op. cit., tome 4, p. 25.)
* 391 Dans Annales
parlementaires de la Chambre...op. cit., session 1861-1862, séance
du 03 avril 1862, p. 1101.
* 392 Votèrent
« oui » : Venderstichelen, Van Humbeeck, Van Iseghem,
Van Volxem, Allard, Braconier, Crombez, de Boe, de Breyne, de Brouckere, de
Florisone, De Fré, de Gottal, de Renesse, de Ridder, de Rongé,
Devaux, d'Hoffschmidt, Dolez, Frère-Orban, Frison, Goblet, Grandgagnage,
Hymans, Jacquemyns, Jamar, Loos, Moreau, Muller, Orban, Pirson, Rogier,
Sabatier, A. Vandenpeereboom, et Vervoort. Votèrent
« non » : Vande Woestyne, Van Overloop ;
Vermeire, Verwilghen, Coomans, Coppens, de Haerne, de Liedekerke, de Man
d'Attenrode, de Montpellier, de Naeyer, de Ruddere de Te Lokeren, Desmedt, de
Terbecq, de Theux, B. Dumortier, d'Ursel, Faignart, Kervyn de Volkaersbeke,
Magherman, Mercier, Moncheur, Nothomb, Royer de Behr, Snoy, Tacq, Thibaut,
Thienpont, Van Bockel et Vander Donckt.
* 393 Dans le Bien
public du samedi 05 avril 1862.
* 394 Dans la Gazette de
Liège du vendredi 04 avril 1862.
* 395 AMAE, correspondances
Saint Siège, lettre du représentant belge à Rome Carolus
au ministre des Affaires Etrangères Rogier datée du 25 avril
1862.
* 396 AMAE, légation
de Turin, lettre du ministre des Affaires Etrangères Charles Rogier au
représentant belge à Turin, le ministre Solvyns, datée du
28 avril 1862.
* 397 AMAE, légation
de Turin, lettre du secrétaire d'ambassade Henri Orban au ministre des
Affaires Etrangères Charles Rogier datée du 08 mai 1862.
* 398 AMAE, légation
de Turin, lettre du représentant belge à Rome, Henry Solvyns, au
ministre des Affaires Etrangères Charles Rogier datée du 07 mai
1862.
* 399 Lettre du
président du Conseil Ratazzi au ministre des Affaires Etrangères
Durando datée du 08 mai 1862, dans I documenti diplomatici... op.
cit., volume 2, p. 342.
* 400 AMAE, légation
de Turin, lettre du président du Conseil Ratazzi au représentant
belge à Turin, Henry Solvyns, datée du 08 mai 1862.
* 401 AMAE, légation
de Turin, lettre du ministre des Affaires Etrangères Charles Rogier au
représentant belge à Turin, Henry Solvyns datée du 9 mai
1862.
* 402 AMAE, légation
de Turin, lettre du représentant belge à Turin, Henry Solvyns, au
ministre des Affaires Etrangères Charles Rogier datée du 29 avril
1862.
* 403 Idem, note
ajoutée par le ministre Rogier.
* 404 Dans MASSARI
Giuseppe, CASTAGNOLA Stefano, Il brigantaggio nelle provincie napoletane.
Relazioni parlamentari, Ferrario, Milano, 1863, p. 83. Vous retrouverez la
traduction française de ce rapport dans LÉVY Armand, La cour
de Rome... op. cit., pp. 43-175.
* 405 Ubaldino Peruzzi
(1822-1891). Homme politique né à Florence, il fit ses
études au collège Cigognini di Prato, avant de partir pour Paris
étudier les mathématiques. En 1848, il fut élu
député à la Chambre toscane. Lorsque le Grand-duc de
Toscane accepta l'occupation autrichienne, il démissionna en signe de
protestation et, à partir de ce moment, conspira contre le pouvoir en
place durant dix ans. En 1859, à la fuite du Grand-duc, il entra dans le
gouvernement provisoire où il avait la charge des Affaires
étrangères et des Affaires de l'Intérieur. Il se battit
pour le rattachement de la Toscane au Piémont. Il partit ensuite en
mission en France. Son activité ne fit que croître avec la
nouvelle Italie : il fut ministre des Travaux publics sous le premier
ministère Ricasoli puis ministre de l'Intérieur pour Minghetti,
avec lequel il s'occupa de la fameuse Convention de 1864, qui transporta la
capitale à Florence. Il fut président du Conseil provincial de
1865 à 1870 et maire de Florence entre 1870 et 1878 et apporta du
dynamisme à la ville, notamment en accueillant des congrès
scientifiques. (Dans Indice biografico italiano... op. cit.,
fiches numéros 768/ 221-251 et dans MERENDONI S., MUGNAINI G. (a cura
di), La provincia di Firenze e i suoi amministratore dal 1860 a oggi,
Leo S. Olschki Editore, Firenze, 1996.)
* 406 Dans LÉVY
Armand, La cour de Rome... op. cit., pp. 28-29.
* 407 Dans DE TRAZEGNIES
Olivier (Marquis), Un grave incident diplomatique entre la Belgique et
l'Italie en 1861 : l'assassinat d'Alfred de Trazegnies I, dans
« Bulletin du cercle art & histoire de Gembloux et environs
a.s.b.l. », IV, octobre 1980, p. 50.
* 408 Dans MINOIS Georges,
Histoire du mal de vivre. De la mélancolie à la
dépression, Editions de La Martinière, Paris, 2003, p.
272.
* 409 Dans CARDINALI Emidio,
I briganti e la Corte Pontificia... op. cit., p. 75.
* 410 Dans GELLI Iacopo,
Banditi, briganti e brigantesse nell'ottocento, R. Bemporad &
Figlio Editori, Firenze, 1931, p. 114. Cet ouvrage très inspiré
de celui de Cardinali fut abondamment critiqué lors de sa parution. Gino
Doria lui reprochait notamment de répéter toutes les vieilles
erreurs, voire de les aggraver. En plus des fautes matérielles, tous les
noms y sont constamment estropiés. On y lira De Cristen ou De Crysten
pour de Christen, Kalreuth pour Kalkreuth, De Trazeignes pour de Trazegnies,
Klanzler pour Kanzler, de Contodon pour de Coataudon, etc. Le
célèbre Fra Diavolo y est présenté comme calabrais
alors que nous savons tous qu'il provenait d'Itri en Terre de Labour. (Dans
DORIA Gino, Per la Storia del birgantaggio nelle province meridionali,
dans Archivio Storico per le Province napoletane, tome LVI, 1931, p. 399.)
* 411 Dans DUMOULIN Michel,
Découvertes de l'Italie par les Belges aux 19e et
20e siècles ou la psycho-géographie d'un
malentendu, dans DUMOULIN Michel, VAN DER WEE Herman, Hommes, cultures
et capitaux dans les relations italo-belges aux XIX e et XX e
siècles, Actes du colloque organisé à l'occasion du
50e anniversaire de l'Academia Belgica sous le Haut Patronage de Sa
Majesté le Roi (Rome 20-23 novembre 1989), Institut historique belge de
Rome, Bruxelles, 1993, p. 119. Voyez aussi Dumoulin Michel, Hommes et culture
dans les relations italo-belges. 1861-1915, dans « Bulletin de
l'Institut historique belge de Rome », 1982, pp. 139-185.
* 412 Dans L'Opinione
datée du 09 décembre 1861.
* 413 Dans BIANCO DI SAINT
JORIOZ Alessandro, Il brigantaggio alla frontiera pontificia dal 1860 al
1863. Studio storico-politico-statistico-morale-militare, Milano, Daelli,
1864 (ristampa anastica Adelmo Polla editore, Cerchio (Aq), 2001, pp. 73-74.)
* 414 Dans FRACCACRETA
Augusto, Un episodio della reazione... op. cit., p. 8, voir aussi DE
TRAZEGNIES Olivier (Marquis), Un grave incident diplomatique... I... op.
cit., pp. 62-63.
* 415 Dans IZZO Fulvio,
I Guerriglieri di Dio. Vandeani, Legittimisti, Briganti,
Controcorrente, Napoli, 2002, p. 229.
* 416 Dans DE STEIN
D'ALTENSTEIN Isidore, Annuaire de la noblesse... op. cit., 1888, pp.
256-257.
* 417 Idem, p.
128.
* 418 Dans Hayward Fernand,
Pie IX et son temps, Librairie Plon, Paris, 1948, p. 285.
* 419 La mention
« néant » signifie que le périodique a
été dépouillé sans succès.
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