D- L'espace géographique cible : l'Afrique
Centrale
Quand on parle de l'Afrique Centrale, deux grands ensembles
sautent aux yeux : La Communaute Economique et Monetaire de l'Afrique Centrale
( CEMA C) dont le traite de creation a ete signe a N'djamena au Tchad le 16
Mars 1994 entre six pays limitrophes en l'occurrence le Cameroun, le Congo, le
Gabon, la Guinee Equatoriale, la Republique Centrafricaine et le Tchad. Ce
traite est entre en vigueur en Fevrier 1998. Ensuite, la Communaute Economique
des Etats de l'Afrique Centrale ( CEEA C) creee le 11 Decembre
198336. Cette communaute a sur son territoire, en plus des pays de
la CEMA C, ceux des grands lacs : Congo Democratique, Burundi, Rwanda, Sao Tome
et Principe, et l'Angola depuis le 06 Fevrier 199837.
Au niveau institutionnel, la CEMA C est constitue de deux
unions : l'Union Economique de l'Afrique Centrale (U.E.A. C.) et l'Union
Monetaire de l'Afrique Centrale (U.M.A. C.). L'U.M.A. C integre deux
institutions specialisees : la BEA C38 et la C.O.B.A. C39
tandis que l'U.E.A. C. en integre plusieurs dont l'I.E.D.40,
l'I.S.T.A.41, l'I.S.S.E.A.42, la B.D.E.A.
C.43. Ces deux institutions sont coiffees par deux institutions
traditionnelles a savoir, la Conference des Chefs d'Etats et le
34 GALIBERT (T.) : 0p. cit, p. 7.
35 LU CCHINI (L.), op, cit., p. 714.
36 SOH FOGNO (D.R.) : Developpement et protection de
l'environnement en Afrique Centrale, These de Doctorat de l'Universite de
Nantes, p. 27.
37 Ibidem, note de bas de page n°
104.
38 B.E.A. C. : Banque des Etats de l'Afrique
Centrale.
39 .O.B.A. C. : Commission Bancaire de l'Afrique Centrale.
40 E.I.E.D. : Ecole Inter Etat des Douanes.
41 I.S.T.A. : Institut Sous-regional multisectoriel
de Technologie Appliquee, de planification et d'evaluation des projets.
42 I.S.S.E.A. : Institut Sous-regional de Statistique
et d'Economie Appliquee.
43 B.D.E.A. C. : Banque de Developpement des Etats de
l'Afrique Centrale.
Conseil des Ministres de l'U.E.A. C44 et plusieurs
autres organes communautaires de decision45. Pour une delimitation
dans l'espace de notre travail, nous focaliserons notre attention sur le
premier ensemble, la C.E.M.A. C. qui est bâtie sur les ruines de
l'U.D.E.A. C. elle-même nee des cendres de l'Union Douaniere Equatoriale
(U.D.E.), fille heritiere de l'Afrique Equatoriale Française (A.E.F.)
qui fut creee par un Decret du 15 Janvier 191046.
II- Inter<t et problematique du sujet, methodologie et
plan
L'examen de l'interêt de notre sujet et de sa
problematique (A) precedera celui de la methodologie et du plan (B).
A- Intérit du sujet et problématique
Les principes de prevention et de precaution « principes
phares du droit de l'environnement », qui sont concernes dans notre
travail au même titre que la sous region Afrique Centrale constituent
dejà en eux-mêmes des elements dignes d'interêt. Si l'on y
ajoute l'abondance des textes consecrateurs de ces principes, l'interêt
de l'etude sera davantage exprime. En effet, bien avant la conference de Rio,
la Charte mondiale de la nature du 28 Octobre 1982 avait prepare les principes
de precaution et de prevention47. D'autre part, la Convention de
Bamako du 29 Janvier 1991 sur l'interdiction d'importer en Afrique des dechets
dangereux et sur le contrôle des mouvements transfrontieres et la gestion
des dechets dangereux produits en Afrique consacre egalement le principe de
precaution. En
44 DMOTENG KOUAM (E.), op. cit., p. 4.
45 Ces organes de decisions sont :
- Le comite ministeriel de l'U.M.A. C.
- Le secretariat executif de l'U.E.A. C. installe a Bangui
- La cour communautaire de justice (plus une chambre judiciaire
et une chambre des comptes) installee a N'Djamena et composee de 12
magistrats.
- La commission interministerielle mise en place en juin
2000.
- La Bourse regionale des valeurs mobilieres etablie a
Libreville.
46 SOH FOGNO (D.R.), op. cit., p. 114.
47 Les principes 11 et 19 de la Charte mondiale de la
nature concernent respectivement les principes de precaution et de
prevention.
effet en son article 4 alinea 3 f intitule « Adoption
de mesures de precaution : », ce texte regional dont la totalite des
pays de l'Afrique Centrale sont signataires, demande a chaque partie «
d'adopter et de mettre en oeuvre, pour faire face au probleme de la pollution,
des mesures de precaution... sans attendre d'avoir la preuve scientifique
» des risques encourus. L'article 1 quant a lui fait aussi allusion a la
prevention48.
D'autres textes regionaux et internationaux dont les pays de
l'Afrique Centrale sont parties, consacrent aussi ces principes. Il s'agit
notamment de la Convention africaine sur la conservation de la nature et des
ressources naturelles signee a Alger le 15 septembre 1968 et modifiee a Maputo
le 11 juillet 2003 ; de la Convention cadre de Nations Unies du 09 Mai 1992 a
New York sur les changements climatiques ou encore de la Convention de Rio du
05 Juin 1992 sur la diversite biologique. Neanmoins, pres de vingt ans apres la
signature de la Convention de Bamako, l'on peut encore s'interroger sur
l'effectivite et même sur le sens veritable de l'alinea 3 f de son
article 4 de même que sur le sens des principes 2 et 15 de la Declaration
finale issue du sommet de Rio49 tel que percu en Afrique Centrale.
L'on peut aussi s'interroger sur la pertinence des acteurs intervenant dans
l'application des mesures de prevention et de precaution des risques
environnementaux en Afrique Centrale, ainsi que sur la responsabilite qui est
leur dans cette manoeuvre. Sous cette acception, « l'Application en
Afrique Centrale des principes de prevention et de precaution » parait
davantage interessante eu egard d'ailleurs a la problematique qu'elle
comporte.
48L'article 1 de la Convention de Bamako intitule
« Article premiere. Definitions » en son point 3 dit ceci :
"Gestion", la prevention et la reduction de dechets dangereux ainsi que la
collecte, le transport, le stockage, le traitement, même en vue de
recyclage ou de reutilisation, et l'elimination des dechets dangereux, y
compris la surveillance des sites d'elimination;
49 - Le Principe 2 de la Declaration de Rio fait
indirectement allusion au principe de prevention quand il stipule : «
... les Etats ont le droit souverain d'exploiter leurs propres ressources selon
leur politique d'environnement et de developpement, et ils ont le devoir de
faire en sorte que les activites exercees dans les limites de leur juridiction
ou sous leur controle ne causent pas de dommages a l'environnement dans
d'autres Etats ou dans des zones ne relevant d'aucune juridiction
nationale »
- Le Principe 15 qui parle plus directement du principe de
precaution stipule a son tour : « Pour proteger l'environnement, des
mesures de precaution doivent etre largement appliquees par les Etats selon
leurs capacites. En cas de risque de dommages graves ou irreversibles,
l'absence de certitude scientifique absolue ne doit pas servir de pretexte pour
remettre a plus tard l'adoption de mesures effectives visant a prevenir la
degradation de l'environnement ».
Il sera question pour nous dans ce travail d'apprécier
la contribution des autorités administratives et juridictionnelles d'
Afrique Centrale et même de la société civile quant a
l'application efficace des principes de prévention et de
précaution, de nous interroger sur la réception de ces principes
ainsi que sur la valeur des mécanismes ou instruments qui permettent
leur intégration et leur mise en oeuvre dans les pays de cette
sous-région ; toutes choses qui conditionnent relativement leur novation
de « Code moral d'action » en comportement citoyen pouvant concourir
efficacement a la surveillance de l'environnement du sous-continent.
Il ne s'agira pas pour nous d'énumérer ces
principes pour les étudier séparément, mais d'en faire une
analyse groupée, mais pragmatique dans la sous région Afrique
centrale. En d'autres termes nous tenterons de répondre aux questions
suivantes :
- Comment ont été reçus les principes de
prévention et de précaution en Afrique centrale ?
- Quelle est la portée de ces principes dans les
législations des pays de l'Afrique Centrale en matiere de protection de
l'environnement ?
- Quelles sont les techniques utilisées pour
intégrer ces principes dans le droit positif des pays de la sous
région ?
- La seule ratification puis l'intégration de ces
instruments internationaux dans les lois sous-régionales et nationales
suffisent-elles a dégager un indicateur de leur application quotidienne
?
- La culture sociale est-elle favorable a cette application
ou mieux les principaux acteurs et garants de cette application se
consacrent-ils véritablement a la tache qui leur incombe ?
- Sinon, comment parer les potentielles résistances a
une mise en oeuvre effective de ces principes en Afrique Centrale et garantir
ainsi le bien être de l'Homme et son environnement, dont il est a la fois
créateur et créature ?5°
5° Voir point 1 du préambule de
Déclaration de Stockholm de Juin 1972 sur l'environnement.
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