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L'application en Afrique centrale des principes de prévention et de précaution

( Télécharger le fichier original )
par Romain Bertrand DONGMO
Université de Limoges - Master 2 en Droit International et Comparé de l'Environnement (DICE) 2009
  

Disponible en mode multipage

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UNIVERSITE DE LIMOGES
FACULTE DE DROIT ET DES SCIENCES ECONOMIQUES

PROGRAMME UNIVERSITE PAR SATELLITE
AGENCE UNIVERSITAIRE DE LA FRANCOPHONIE (AUF)

MASTER DROIT INTERNATIONAL ET COMPARE DE L'ENVIRONNEMENT
Formation a distance, Campus Numerique g ENVIDROIT p

L'APPLICATION EN AFRIQUE

CENTRALE DES PRINCIPES DE

PREVENTION ET DE PRECAUTION

Mémoire présenté par Romain Bertrand DONGMO

Sous la direction de Monsieur Emile Derlin KEMFOUET KENGNY Docteur en droit international de l'environnement de l'Université de Limoges

AOUT / 2010

La FacuCte de Droit et des Sciences Economiques de L'Universite de Limoges n'entend donner aucune approbation ni improbation aux opinions emises dans ce memoire. CeCCes-ci doivent en consequence titre consid~rees comme propres à Ceurs auteurs.

Dédicace

A

Jean-XeCy PA'ULICAN,
Ce coordonnateur universeC des causes d~sesperees

&

TSOBENG Jeanne « Ma'a Tang 0
mon inepuisabCe source d'energie renouveCabCe.

Remerciements

« Une seule main ne peut pas faire un paquet » nous enseigne l'adage camerounais, lequel a trouve un terrain fertile d'application dans le cadre de ce travail, dans la mesure ou plusieurs personnes ont contribue a la realisation de cette ceuvre dont je ne suis finalement que le maitre de l'ouvrage ! Je tiens en consequence a exprimer la sincere gratitude a :

- M. KEMFOUET KENGNY Emile Derlin, Docteur en droit international de l'environnement de l'Universite de Limoges qui aurait presque tout abandonne pour veiller au bon deroulement de ce travail ; il aurait aussi su, sans reserve, etre patient, critique et conseil en repondant a toutes mes sollicitations, meme celles qu'on aurait trouve saugrenues. Son expertise et sa rigueur scientifique qui resteront un modele pour moi, ont permis de peaufiner ce travail qu'il a accepte du fond du cceur de diriger ;

- MM. William KAMDEM et Alexis KWONTCHIE de la plateforme FOAD de l'AUF Afrique centrale dont la disponibilite a ete un atout durant le processus de preselection et d'inscription;

- MM. Jean-Marc LAVIEILLE et Francois PELISSON, respectivement responsables pedagogique et de la gestion du Master, dont les messages incessants et les relances promptes ont ete notre boussole ;

- Les responsables et enseignants de la FS JP de l'Universite de Dschang, le Pr. Francois ANOUKAHA Doyen ; les Dr DOUNKENG ZELE Champlain, METENBOU Mathias, NGUIHE KANTE Pascal, TIMTCHUENG Moise, BILONG Salomon, NGUEKEU DONGMO Pierre, KEUTCHA T. Celestin, D JOUTSOP Faustin, SOH FOGNO Denis Roger, BIPELE K. Jacques, NJEUFACK Rene, tous les enseignants de la Faculte, dont la rigueur scientifique et l'ouverture me servent toujours d'exemple depuis mon admission au sein de cette illustre institution universitaire ;

- Les responsables et enseignants de la FS JP de l'Universite de Douala, Le Pr. MODI KOKO Bebey Doyen ; les Dr MOUANGUE KOBILA, NGATSI Jean, MOMO Claude entre autres, qui m'ont inspire dans cette Faculte au sein de laquelle le passage a ete un prealable obligatoire pour la continuite de mon parcours universitaire ;

- Papa DONGMO Etienne (Revenant), Mmes DONGMO Marie, TSOBENG Jeanne et toute la grande famille TEDONTEGHO dont les epreuves recentes m'ont permis d'affronter avec plus de stoicisme et espoir, chaque seconde de cette formation ;

- Papa KEMTSUGNING Nestor et famille, dont le coup d'ceil vigilent a ameliore ce travail au plan grammatical, orthographique et du style ;

- Maman KENFACK Pauline, la mamelle nourriciere qui n'a eu de cesse de produire de delicieux plats accompagne des encouragements et des conseils divers ;

- Les familles DONMEZA, TSAMO, JAZET, BOUGO, DONGMO, KITIO, TETOUOM, YAKO, NOUATAP, NGUEZONG, TSAYO, NGOUNI ;

- S.M. Victor KANA III, Chef Superieur Bafou et S.M. Fo'o Nkong-Ni Dr Jean Pierre FOGUI dont le souci pour un environnement ecologiquement viable est palpable a grande echelle ;

- M. le Delegue ASSONKEN Benoit, dont l'expertise et l'experience au plan methodologique, ajoutee a l'esprit d'ouverture et d'initiative a inspire l'orientation ulterieure de ce travail vers une etude specifique de cas ;

- MM. Ben, Malcom, Ronny et Mme Annie ASSONKEN dont les rappels, les encouragements et les demarches a Paris, bien que lointains transpirent de chaque ligne de ce travail ;

- Lieutenant DONCHI N. Christophe, les Mes. LEKEUZEU Herve, GNIMGBIE M. Gervaise, DMOTENG K. Erve, TIOMELA T. Serge A., KEMZANG T. Ghislain, KONWO MELOU Clovis, membres actifs de l'attelage dont la contribution pour la redaction de ce memoire a commence par le choix du theme ;

- M. KONLACK Raymond et famille, pour l'assurance qui se degage de ses propos et dont je me suis tant bien que mal nourri pour surmonter certaines difficultes de la vie et pendant ce travail ;

- MM. KAMGA, Celestin, Mmes KONLACK Marcelle ; KAMGA Rosine, Carine et tous leurs collaborateurs de GIC PROBA pour les assistances diverses ;

- M. DIBEBE, administrateur provisoire de Royal Travel & Services ltd. qui m'a laisse libre et total acces aux ressources de la societe (unites informatiques, Internet, telephone), toutes choses sans lesquelles je n'aurai jamais pu rendre ce travail dans les delais ;

- Tous les proches collaborateurs ; Mmes TCHOUANGUEP KONLACK Marlene, D JOMATCHOUA Edwige, FOTIE Crescence ; MM. TAMOLA Michel (mon p"re) et NGONGANG Eric pour leur harcelement de proximite en tout temps et en tout lieu, a temps et a contre temps pour la finalisation a bonne date de ce travail ;

- Mlles. KANA Judith, NGUEFACK Judith, MAFFO Liliane, NEPEZI T. Clemence, Djeinabou, D JEYA Guylene, DONFACK Phalonne, TIOBOU Godlive, TCHINDA Sylviane, Sylviane de Denver, EKEM Julie, Audrey, Christelle, KUETE Viviane, TSAMO Natacha, DONGMO Doris, NZETE Cyrille, TEMATIO Josiane, YAWAT T. Milie dont les contributions ont ete benefiques ;

- Mmes KEMTSUGNING Marie-Claire, TSAMO Cecile, KONLACK Collette, TETOUOM Yolande, TSAYO Hortense Mirabelle ;

- MM. GNINTEDEM LOWE P. J., DJEYA Yves, NGUEFACK Andre, NJOYA Beaucaire, NOUATAP Paul, DEUGUI Vincent de Paul, TCHATAT Gaudin, JAZET Collins, DONFACK J.C., Michel. NGNINTEDEM Dieudonne, TIOMEGUIM Francois (Chef service), PANKA Paul ;

- MM. Franklin, Romuald, Patrick, Garcial, Rostant, Juslain, Appolinaire et Jores DONGMO ; NGUEZONG Alain, NGUEZONG Honore, GUIMGO Eloge, DONGMO Alain, DONGMO Paul, DTSAFACK Antoine Clovis ;

- Tous mes camarades de la promotion DICE 2010, en particulier Mlle BEN TCHINDA N. Tahitie pour tout ce que j'ai partage avec eux, aussi bien sur la plateforme « ENVIDROIT » que dans les diverses bibliotheques, au telephone et sur les messageries instantanees ;

- Mention speciale est faite a l'endroit de Monsieur Jean-Kely PAULHAN, mon ami venu d'ailleurs, et dont les sacrifices multiformes m'accompagnent depuis toujours, depuis « EDUDROIT ». Tres cher ami, trouvez en cette oeuvre scientifique un commencement qui pourrait, je l'espere, attenuer quelques uns de « nos » echecs ;

Je me felicite moi-meme en invoquant le Seigneur Tout Puissant qui m'a inspire et permis, grace a ma formation en Informatique d'editer (saisie, mise en page et en forme et impression) ce document scientifique ;

- Enfin (pas parce que c'est des moindres mais au contraire), toutes les Ames de bonne volonte qui ont facilite mes recherches a un quelconque niveau, et que je n'ai pas nommement mentionne ici, qu'ils acceptent l'expression de ma profonde gratitude, Dieu leur revaudra tout ce qu'ils ont fait.

Principales abréviations

§ : Paragraphe

A.E.F. : Afrique Equatoriale Française

AFDI : Annuaire francais de droit international

Aff. : Affaire

AUF : Agence Universitaire de la Francophonie

B.D.E.A. C. : Banque de Développement des Etats de l'Afrique Centrale. B.E.A. C. : Banque des Etats de l'Afrique Centrale.

C.E.E.A. C.: Communauté Economique des Etats de l'Afrique Centrale C.E.M.A. C.: Communauté Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale C.I.J. : Cour Internationale de Justice

C.O.B.A. C.: Commission Bancaire de l'Afrique Centrale. cf. : Confere

CJ CE : Cours de Justice des Communautés Européennes D.I.U. : Diplome Inter Universitaire

E.I.E.D. : Ecole Inter Etat des Douanes.

Ed. : Editions

EIE : Etudes d'impact environnementaux

Et alt. : Et autres

Et ss. : Et suivants

F.S.J.P. : Faculté des Sciences Juridiques et Politiques FOAD : Formations Ouvertes et a Distance

HYSA CAM : Hygiene et Salubrité du Cameroun

I.S.S.E.A. : Institut Sous-régional de Statistique et d'Economie Appliquée. I.S.T.A. : Institut Sous-régional multisectoriel de Technologie Appliquée, de planification et d'évaluation des projets.

Ibid. : Ici meme

L.G.D.J. : Librairie Générale de Droit et de Jurisprudence

MINEP : Ministre de l'environnement et de la protection de la nature

MINESUP : Ministere de l'Enseignement Supérieur n° : Numéro

O.N.G. : Organisation Non Gouvernementales

OHODA : Organisation pour l'Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires op. cit. : Cité plus haut, précité

p. : Page

P.M : Premier Ministre

P.U.A : Presses Universitaires d'Afrique

P.U.F. : Presses Universitaires de France

PNUE : Programme des Nations Unies pour l'Environnement pp. : Pages

PUA : Presses Universitaires d'Afrique

RIO : Rio de Janeiro

RJE : Revue Juridique de l'Environnement

S.M. : Sa Majesté

SMIG : Salaire minimum interprofessionnel garanti

SOPE CAM : Société de Presse et d'Editions du Cameroun U.D.E. : Union Douaniere Equatoriale

U.E.A. C. : Union Economique de l'Afrique Centrale U.M.A. C. : Union Monétaire de l'Afrique Centrale UEMOA : Union Economique et Monétaire Ouest Africain US : United States

Sommaire

INTRODUCTION GENERALE 1

PREMIERE PARTIE : L'APPLICATION DES PRINCIPES DE PREVENTION ET DE PRECAUTION PAR LES AUTORITES ADMINISTRATIVES DANS LES ETATS D'AFRIQUE CENTRALE 13

CHAPITRE I : LE CHAMP D'APPLICATION DES PRINCIPES DE PREVENTION ET DE PRECAUTION 13

SECTION I : LE DOMAINE D'APPLICATION DES PRINCIPES DE PREVENTION ET DE PRECAUTION .. 13
SECTION II : MODALITES D'APPLICATION DES PRINCIPES DE PREVENTION ET DE PRECAUTION.. 23

CHAPITRE II : LES AUTORITES EN CHARGE DE L'APPLICATION DES PRINCIPES DE PREVENTION ET DE PRECAUTION 37

SECTION 1 : LES AUTORITES POLITIQUES ET CENTRALES ............................................................ 38

SECTION 2 : LES AUTORITES LOCALES 43

PREMIERE CONCLUSION PARTIELLE 56

DEUXIEME PARTIE : L'APPLICATION DES PRINCIPES DE PREVENTION ET DE PRECAUTION PAR LES AUTORITES JURIDICTIONNELLES D'AFRIQUE CENTRALE 57

CHAPITRE 1 : L'EXISTENCE DES JURIDICTIONS COMME GAGE DE L'APPLICATION DE CES PRINCIPES 60

SECTION 1 : LA NATURE DES JURIDICTIONS EN PRESENCE ........................................................... 60

SECTION 2 : LA COMPETENCE DES JURIDICTIONS D'AFRIQUE CENTRALE EN MATIERE D'ENVIRONNEMENT 67

CHAPITRE 2 : LES ENTRAVES A L'APPLICATION EFFICACE DE CES PRINCIPES EN AFRIQUE CENTRALE 75

SECTION 1 : LES ENTRAVES INTRINSEQUES 75

SECTION 2 : LES ENTRAVES EXTRINSEQUES 84

DEUXIEME CONCLUSION PARTIELLE 91

CONCLUSION GENERALE 9

Introduction générale

Il peut, a priori, paraitre surprenant de postuler une relation conflictuelle entre le principe de prevention et le principe de precaution tous deux accueillis puis reveles au monde entier par la Declaration de Rio de Janeiro de 19921. En effet, par son objectif, « marier environnement et developpement, la Conference de Rio a contribue a stimuler la prise en compte des exigences ecologiques par l'ensemble des politiques visant au progres socio-economique. En ce sens, Rio represente a la fois la consolidation et la consecration de la double strategie suivie par la communaute internationale pour proteger au mieux l'environnement »2. A l'evidence, l'ideologie des droits de l'homme comme celle des textes environnementaux, est fortement destinee a garantir les droits fondamentaux des personnes physiques et notamment le droit a une vie saine et productive en harmonie avec la nature3. Cheval de bataille des protecteurs de l'environnement comme des associations et des citoyens, les principes de prevention et de precaution sont d'actualite ; c'est que la question environnementale est brfilante et interpelle au même titre aussi bien les pays industrialises que ceux dits en developpement. Les pays de l'Afrique centrale font malheureusement partie de cette deuxième categorie. Surmediatises, repris par les politiques, le judiciaire et les citoyens ordinaires, ces principes sont entres dans la rhetorique revendicative de multiples domaines, du reglement de differends locaux a la recherche scientifique. Le foisonnement des textes, l'abondance et la pertinence des analyses et des publications qui leur sont reserves, pourraient faire croire que tout a dejà ete dit, ecrit et compris sur ces outils d'analyse et de gestion des risques incertains pour l'environnement ou la sante humaine et animale.

1 La Conference des Nations Unies sur l'Environnement et le Developpement aussi appelee sommet "Plan'te Terre'' reunie a Rio de Janeiro (Bresil) du 03 au 14 Juin 1992 a adopte une Declaration qui a fait progresser le concept des droits et des responsabilites des pays dans le domaine de l'environnement.

2 PAYE (O.); CORTEN (O.) ; DEL COURT (B.) ; HERMAN (P.) ; KLEIN (P.); REMA CLE (E.); ROBERT (E.); SALOMON (J.): L'environnement, nouvel enjeu mondial, in Le droit international a l'epreuve, tome 1, editions Complexe, 1993, p. 192.

3 Principe 1 de la Declaration de Rio qui stipule « Les titres humains sont au centre des preoccupations relatives au developpement durable. Ils ont droit a une vie saine et productive en harmonie avec la nature ».

Force est pourtant de constater que la clarification de ces principes n'a été de pair ni avec leur popularisation ni avec leur application surtout dans les pays en développement. On se trouve ici au coeur du duo théorie-pratique ou mieux encore, consécration-application.

Comment s'aménage le passage de ces principes, de leur état de déclarations théoriques a une mise en oeuvre concrete et efficace et notamment en Afrique Centrale ? Car comme dit EINSTEIN, "rien n'est plus pratique qu'une bonne théorie''4. Cette réflexion est davantage exprimée par l'adage « La théorie sans la pratique est impuissante, mais la pratique sans théorie est aveugle ». Au demeurant, elle révele une préoccupation préalable, celle de dire si cette affirmation en ses différentes facettes peut avoir, face aux principes de prévention et précaution, un terrain fertile d'application. Plus concretement, la mise en pratique de ces principes est-elle aussi fluide ou compréhensible que leur proclamation, leur consécration théorique ?

Pour tenter de démystifier ce duel, il convient de relever la distinction essentielle entre la prévention et la précaution, mais d'ores et déjà, il faudrait préciser le contour du concept "Application'' (I). Ce qui nous permettra en m'eme temps que nous délimiterons, de dégager l'intér'et du sujet (II). Il nous sera ensuite loisible de préciser la problématique et les choix méthodologiques (III).

I- Precisions terminologiques

Nous préciserons tout d'abord le sens du concept "Application'' (A), ensuite nous examinerons les principes de prévention (B) et de précaution ( C) avant de délimiter la zone géographique concernée par notre étude, a savoir l'Afrique Centrale (D).

4 EINSTEIN (A.), cité par LAVIEILLE (J. M.) : Droit international de l'environnement, 2eme édition mise a jour, Ellipses, 2004, p. 6.

A- Qu'est ce que l'application ?

Nom feminin, le mot « application » derive du verbe "appliquer''. Dans le sens qui nous interesse « appliquer » signifie mettre en pratique, appliquer une loi, la faire executer5. Dans cette perspective, il s'agit des hypotheses telles "application d'un principe'', mettre une theorie en application6. Il ne s'agit pas de l'application immediate des lois, encore appelee effet immediat qui est un principe en vertu duquel « la loi nouvelle regit immediatement les situations juridiques constituees apres sa publication... », ni de l'effet direct qui est un principe de droit international public selon lequel « une regle adoptee par une organisation internationale ou un traite international s'applique directement dans le droit interne des Etats sans qu'il soit besoin ni possible que cet Etat transpose prealablement cette regle dans son droit interne par l'adoption d'une loi ou d'un vote reglementaire »7. C'est dire en derniere analyse que dans le cadre de notre travail, le terme "application'' renvoie a tout un processus avec ses mecanismes, qui tend a "extraire'' le droit international de l'environnement, ici les principes de prevention et de precaution de leur etat de simple « code moral d'action » sans valeur juridique contraignante pour ses destinataires8, a celui d'un veritable code de conduite sociale susceptible de controle, de sanction et surtout d'opposabilite a travers l'appropriation par les divers acteurs sociaux. Dans cette perspective, qui doit donc appliquer les principes de prevention et de precaution en Afrique Centrale ?

B- Le principe de prevention

"Mieux vaut prevenir que guerir » dit-on, c'est l'axe politique de la prevention des dommages
ecologiques. Un auteur affirme d'ailleurs que « quand on gueri, on gueri toujours mal »9. Le mot

5 Dictionnaire HACHETTE encyclopedie illustre, p. 94.

6 Ibidem.

7 Lexique des termes juridiques Dalloz, 136me edition, 2001, pp. 229 et 230.

8 LAVIEILLE (J. M.) : op. cit., p. 137.

9 DUPUY (P. M.) : « La responsabilite internationale face aux dommages a l'environnement », cours

audio-visuel de Master 2 par satellite (ENVIDROIT) en Droit international et compare de l'Environnement, Universite de Limoges, 2009 - 2010.

« prevention >> derive du verbe prévenir qui est l'action de devancer10. Ce qui signifie anticiper ou prendre des precautions pour empecher11, eviter ou au moins limiter la realisation d'un risque. Au sens juridique, la prevention est l'ensemble des mesures reglementaires ou techniques tendant a eviter les accidents et les maladies12. De ce point de vue, la prevention requiert des depenses et des investissements publics. Elle se manifeste egalement sous la forme d'incitations et d'obligations adressees aux personnes privees13. Une analyse avec Monsieur KEMFOUET permet de constater que le concept de prevention revet au moins deux formes14, une fois traduit en pratique.

La prevention peut ainsi etre offensive. A ce stade, elle revet toute sa signification, celle que recherche le droit de l'environnement. "Prevenir'', "devancer'', "aller au devant'' ou "preceder''. La prevention implique l'adoption en amont de toutes les mesures possibles pour parer la survenance d'un dommage15. De fa~on plus concrete, la prevention se traduit par la surveillance de l'environnement pour « déceler le plus tot possible toute dégradation ou menace, intervenir en temps utile et évaluer plus facilement les politiques et techniques de conservation >>16.

La prevention peut ensuite recouvrir une dimension passive. Elle traduit de ce fait
une position de defense et prend la forme d'un avertissement. Cela suppose que
les populations soient informees de la survenance ou de l'imminence d'un danger

10 Gerard CORNU, Vocabulaire juridique, PUF, 6eme ed., 1987, cite par KOMBO MATIKI (A.) : L'application du principe de prevention et l'etude d'impact sur l'environnement dans les projets de developpement, Memoire de Master 2 en Droit international et compare de l'environnement, Universite de Limoges, Aout 2008, Voir http://www.memoireonline.com/11/08/1624/m_Le-principe-de-prevention-et-letude-dimpact-sur-lenvironnement-dans-le-projet-dexploitation-

mini0.html

11 Dictionnaire HACHETTE Encyclopedie illustree, 1996, p. 1520.

12 Lexique des termes juridiques Dalloz 2001, op. cit., p. 434.

13 GODARD (O.) HENRY ( C.) ; LAGADE C (P.) ; MI CHEL-KERJAN (E.) : Traite de nouveaux risques, edition Gallimard, 2002, p. 34.

14 Non sans l'avoir releve, l'auteur fait expressement fi d'une autre approche a trois volets, soutenue par Monsieur Nicolas De SADELEER : Les principes du pollueur-payeur, de prevention et de precaution : Essai de la genese sur la portee juridique de quelques principes du droit de l'environnement, Bruxelles, Bruylant, 1998, 437 p.

15 KEMFOUET KENGNY (E. D.), Droit international de l'environnement et fonction juridictionnelle, These de Doctorat en droit international public, Universite de Limoges, 2008, p. 40.

16 Principe 19 de la Charte mondiale de la nature du 28 octobre 1982.

afin d'en contrer les risques. Cette forme de prevention correspond a la deuxieme signification a laquelle le verbe prevenir renvoie, c'est-à-dire "eviter'', "empecher'', "conjurer''. Envisagee de la sorte, la prevention perd quelque peu sa valeur, car elle n'agit pas sur les causes du probleme, mais essaie plutot de limiter les consequences negatives17. Le droit de l'environnement prefere la premiere forme qui s'est doublee d'une nouvelle approche dite de precaution18, meme s'il est evident que le principe de precaution releve d'une demarche generale de prevention19.

C- Le principe de precaution

La precaution est une disposition prise par prevoyance, pour eviter un inconvenient, un risque20. Le terme « precaution » puise son origine etymologique dans le verbe latin « pre cavere » dans lequel le prefixe « pre » marque une anteriorite dans le temps ou dans l'espace et indique une anticipation (pre = avant)21. Le verbe « cavere », qui signifie « mefier » se retrouve, lui, dans la locution latine « cave canem » (attention au chien). Il s'agit donc, etymologiquement, de se mefier avant l'occurrence d'un evenement et avant meme que le probleme ne soit reellement connu et identifie22. Le principe de precaution, de fa~on tres prosaïque, implique que l'on prenne les mesures necessaires pour prevenir les risques23. C'est l'un des principes phares issus de la Declaration de Rio de Janeiro de 1992 selon lequel « En cas de risque de dommages

17 KEMFOUET KENGNY (E. D.), op. cit., p. 40.

18 Ibidem

19 GODARD (O.) et alt., op. cit., p. 119

20 Dictionnaire Hachette encyclopedie illustree, p. 1510.

21 GRANET (M-B.) : Principe de precaution et risques d'origine nucleaire: quelle protection pour l'environnement ? Journal du Droit International, n°3-2001, Limoges, (p.758), cite par GALIBERT (T.) : Le principe de precaution : Du droit de l'environnement au droit de la securite des aliments, Memoire pour l' obtention du Diplome d' etudes approfondies d'Etudes Juridiques, Universite de la Reunion, annee universitaire 2001, note n° 2, p. 7.

22 GALIBERT (T.) : Le principe de precaution : Du droit de l'environnement au droit de la securite des aliments, Memoire pour l' obtention du Diplome d' etudes approfondies d' Etudes Juridiques, Universite de la Reunion, annee universitaire 2001 - 2002, p. 7.

23 ROMI (R.) : Droit et administration de l'environnement, 5eme edition, Montchretien, 2004, p. 97.

graves ou irréversibles, l'absence de certitude scientifique absolue ne doit pas servir de prétexte pour remettre a plus tard l'adoption de mesures effectives visant a prévenir la dégradation de l'environnement »24. Ce principe est au coeur de nombre d'autres textes internationaux traitant des questions d'environnement. Des etudes precedentes ont mis en exergue quelques uns de ces textes25. Avance pour proteger l'environnement ou se premunir de mesures ou d'innovations jugees dangereuses, le principe de precaution est generalement invoque pour conserver une situation en l'etat, ou a l'inverse obtenir le retrait ou un dedommagement face a des activites ou des produits dont les consequences, averees ou potentielles, sont jugees negatives26. Le principe de precaution s'interprete alors a juste titre comme le moyen privilegie de mettre concretement en oeuvre le droit des generations futures27. L'autre interpretation semble plus en harmonie avec le principe de prevention dont finalement la precaution semble être une forme particulierement developpee28. Donc, comme la prevention, le principe de precaution est egalement

24 Principe 15 de la Declaration de Rio de 1992 sur l'environnement et le developpement..

25 Voir KEMFOUET KENGNY (E.D.) op. cit., p. 41 qui cite en exemple :

- Convention de Vienne du 22 Mars 1985 sur la protection de la couche d'ozone. Preambule §6,

- Protocole de Montreal du 16 Septembre 1987 relatif aux substances qui appauvrissent la couche d'ozone, Preambule,

- Convention de Bamako du 30 Septembre 1991 sur l'interdiction d'importer en Afrique des dechets dangereux et sur le controle des mouvements transfrontieres et la gestion des dechets Dangereux produits en Afrique , article 4,

- Convention d'Helsinki du 17 Mars 1992 sur la protection et l'utilisation des cours d'eau transfrontieres et des lacs internationaux, article 5§, a)-Dispositions generales,

- Convention cadre sur les changements climatiques du 9 mai 1992, article 3 §3,

- Convention sur la diversite biologique du 5 juin 1992, Preambule §8 et §9, Declaration de Rio sur l'environnement et le developpement, Principe 15,

- Convention de Barcelone sur la protection du milieu marin et du littoral de la Mediterranee amendee le 10 juin 1995 ; article 4 §3, a)

26 ALLES (D.) : Le principe de precaution et la philosophie du droit - Evolution certaine, revolution en puissance, Memoire realise dans le cadre du seminaire « Etat de droit - L'individu et le droit en France, en Europe et dans le monde » le 4 juillet 2005, voir http#// www.memoireonline.com/12/O5/33/m_principe-de-precaution-philosophie-droitO.html

27 PRIEUR (M.), Droit de l'environnement, cite par DMOTENG KOUAM (E.) : Agriculture et environnement en Afrique Centrale, Memoire de Master 2 en Droit international et compare de l'environnement, Universite de Limoges, Aout 2008, p. 53.

28 KISS (A.), BEURIER (J.-P.) : Droit international de l'environnement, 3eme edition, Pedone 2004, p.137.

un principe d'application generale en tant qu'il est aisement transposable dans d'autres domaines de l'environnement29.

Il faut cependant se garder de confondre radicalement la precaution a la prevention et vice versa et se limiter ainsi a une assimilation reductrice de la realite. En effet, alors que la prevention a un caractere de generalite et doit dicter en permanence et pour toutes les circonstances le comportement des acteurs, la precaution, quant a elle necessite un renforcement de cette attitude face a un danger plus grave et preoccupant, et dont on ne sait pas, compte tenu des connaissances scientifiques du moment, les consequences qu'il pourrait entrainer s'il venait a se realiser30. Contrairement au principe de precaution, le principe de prevention existe explicitement de longue date dans tous les types d'ordre juridique. Le principe de precaution a par definition un caractere preventif ; en revanche toutes les mesures preventives ne constituent pas des mesures de precaution. Le President francais, Monsieur Nicolas SARKOZY affirmait en 2007 que « ...le principe de précaution n'est pas un principe d'inaction... », que « c'est un principe "d'action'', un principe d'//expertise'', de "vigilance'', de "transparence'' et de ,,responsabilité'' »31. Pour autant, le champ d'application de la prevention est beaucoup plus large que celui de precaution. Pour être plus precis, le principe de prevention, tout d'abord, permet de prendre des mesures necessaires afin d'eviter qu' un dommage previsible ne se produise. La previsibilite resulte principalement d'une expertise scientifique permettant de mettre en lumiere une forte probabilite de l'existence d'une relation causale entre une donnee scientifique et ces eventuelles consequences dommageables. En d'autres termes, le principe de prevention permet l'adoption des mesures visant a reduire un danger identifie32. Un tel principe est prescriptif de normes de comportement exprimant soit une obligation d'entourer l'operation a entreprendre de garanties, soit une obligation de s'abstenir33. Le principe de precaution quant a lui vise a offrir au politique des processus de reponse lui permettant de prendre des decisions de gestion immediate qui respectent les interets du futur sans compromettre les conditions de

29 KAMTO (M.) : Droit de l'environnement en Afrique, EDI CEF, 1996, p. 75

30 LU CCHINI (L.), « Le principe de precaution en droit international de l'environnement : ombres plus que lumieres ». AFDI, volume 45, 1999. p. 715.

31 Ces propos ont ete tenus lors des conclusions du Grenelle de l'environnement, cite par Pierre Le Hir, in « Le Monde » du Mercredi 23 Juin 2010, p. 4.

32 DU CROQUETZ (M. A.-L) : Le principe de precaution en matiere de securite alimentaire, Memoire de Diplome d'Etudes Approfondies de Droit communautaire et international, Universite de Lille II, annee universitaire 2000-2001, pp. 17 -18.

33 KAMTO (M.), op. cit., p. 75.

vie des generations actuelles34. La precaution apparait ainsi faite de l'ensemble de moyens concrets a mettre en oeuvre au service de ces fins35.

D- L'espace géographique cible : l'Afrique Centrale

Quand on parle de l'Afrique Centrale, deux grands ensembles sautent aux yeux : La Communaute Economique et Monetaire de l'Afrique Centrale ( CEMA C) dont le traite de creation a ete signe a N'djamena au Tchad le 16 Mars 1994 entre six pays limitrophes en l'occurrence le Cameroun, le Congo, le Gabon, la Guinee Equatoriale, la Republique Centrafricaine et le Tchad. Ce traite est entre en vigueur en Fevrier 1998. Ensuite, la Communaute Economique des Etats de l'Afrique Centrale ( CEEA C) creee le 11 Decembre 198336. Cette communaute a sur son territoire, en plus des pays de la CEMA C, ceux des grands lacs : Congo Democratique, Burundi, Rwanda, Sao Tome et Principe, et l'Angola depuis le 06 Fevrier 199837.

Au niveau institutionnel, la CEMA C est constitue de deux unions : l'Union Economique de l'Afrique Centrale (U.E.A. C.) et l'Union Monetaire de l'Afrique Centrale (U.M.A. C.). L'U.M.A. C integre deux institutions specialisees : la BEA C38 et la C.O.B.A. C39 tandis que l'U.E.A. C. en integre plusieurs dont l'I.E.D.40, l'I.S.T.A.41, l'I.S.S.E.A.42, la B.D.E.A. C.43. Ces deux institutions sont coiffees par deux institutions traditionnelles a savoir, la Conference des Chefs d'Etats et le

34 GALIBERT (T.) : 0p. cit, p. 7.

35 LU CCHINI (L.), op, cit., p. 714.

36 SOH FOGNO (D.R.) : Developpement et protection de l'environnement en Afrique Centrale, These de Doctorat de l'Universite de Nantes, p. 27.

37 Ibidem, note de bas de page n° 104.

38 B.E.A. C. : Banque des Etats de l'Afrique Centrale.

39 .O.B.A. C. : Commission Bancaire de l'Afrique Centrale.

40 E.I.E.D. : Ecole Inter Etat des Douanes.

41 I.S.T.A. : Institut Sous-regional multisectoriel de Technologie Appliquee, de planification et d'evaluation des projets.

42 I.S.S.E.A. : Institut Sous-regional de Statistique et d'Economie Appliquee.

43 B.D.E.A. C. : Banque de Developpement des Etats de l'Afrique Centrale.

Conseil des Ministres de l'U.E.A. C44 et plusieurs autres organes communautaires de decision45. Pour une delimitation dans l'espace de notre travail, nous focaliserons notre attention sur le premier ensemble, la C.E.M.A. C. qui est bâtie sur les ruines de l'U.D.E.A. C. elle-même nee des cendres de l'Union Douaniere Equatoriale (U.D.E.), fille heritiere de l'Afrique Equatoriale Française (A.E.F.) qui fut creee par un Decret du 15 Janvier 191046.

II- Inter<t et problematique du sujet, methodologie et plan

L'examen de l'interêt de notre sujet et de sa problematique (A) precedera celui de la methodologie et du plan (B).

A- Intérit du sujet et problématique

Les principes de prevention et de precaution « principes phares du droit de l'environnement », qui sont concernes dans notre travail au même titre que la sous region Afrique Centrale constituent dejà en eux-mêmes des elements dignes d'interêt. Si l'on y ajoute l'abondance des textes consecrateurs de ces principes, l'interêt de l'etude sera davantage exprime. En effet, bien avant la conference de Rio, la Charte mondiale de la nature du 28 Octobre 1982 avait prepare les principes de precaution et de prevention47. D'autre part, la Convention de Bamako du 29 Janvier 1991 sur l'interdiction d'importer en Afrique des dechets dangereux et sur le contrôle des mouvements transfrontieres et la gestion des dechets dangereux produits en Afrique consacre egalement le principe de precaution. En

44 DMOTENG KOUAM (E.), op. cit., p. 4.

45 Ces organes de decisions sont :

- Le comite ministeriel de l'U.M.A. C.

- Le secretariat executif de l'U.E.A. C. installe a Bangui

- La cour communautaire de justice (plus une chambre judiciaire et une chambre des comptes) installee a N'Djamena et composee de 12 magistrats.

- La commission interministerielle mise en place en juin 2000.

- La Bourse regionale des valeurs mobilieres etablie a Libreville.

46 SOH FOGNO (D.R.), op. cit., p. 114.

47 Les principes 11 et 19 de la Charte mondiale de la nature concernent respectivement les principes de precaution et de prevention.

effet en son article 4 alinea 3 f intitule « Adoption de mesures de precaution : », ce texte regional dont la totalite des pays de l'Afrique Centrale sont signataires, demande a chaque partie « d'adopter et de mettre en oeuvre, pour faire face au probleme de la pollution, des mesures de precaution... sans attendre d'avoir la preuve scientifique » des risques encourus. L'article 1 quant a lui fait aussi allusion a la prevention48.

D'autres textes regionaux et internationaux dont les pays de l'Afrique Centrale sont parties, consacrent aussi ces principes. Il s'agit notamment de la Convention africaine sur la conservation de la nature et des ressources naturelles signee a Alger le 15 septembre 1968 et modifiee a Maputo le 11 juillet 2003 ; de la Convention cadre de Nations Unies du 09 Mai 1992 a New York sur les changements climatiques ou encore de la Convention de Rio du 05 Juin 1992 sur la diversite biologique. Neanmoins, pres de vingt ans apres la signature de la Convention de Bamako, l'on peut encore s'interroger sur l'effectivite et même sur le sens veritable de l'alinea 3 f de son article 4 de même que sur le sens des principes 2 et 15 de la Declaration finale issue du sommet de Rio49 tel que percu en Afrique Centrale. L'on peut aussi s'interroger sur la pertinence des acteurs intervenant dans l'application des mesures de prevention et de precaution des risques environnementaux en Afrique Centrale, ainsi que sur la responsabilite qui est leur dans cette manoeuvre. Sous cette acception, « l'Application en Afrique Centrale des principes de prevention et de precaution » parait davantage interessante eu egard d'ailleurs a la problematique qu'elle comporte.

48L'article 1 de la Convention de Bamako intitule « Article premiere. Definitions » en son point 3 dit ceci : "Gestion", la prevention et la reduction de dechets dangereux ainsi que la collecte, le transport, le stockage, le traitement, même en vue de recyclage ou de reutilisation, et l'elimination des dechets dangereux, y compris la surveillance des sites d'elimination;

49 - Le Principe 2 de la Declaration de Rio fait indirectement allusion au principe de prevention quand il stipule : « ... les Etats ont le droit souverain d'exploiter leurs propres ressources selon leur politique d'environnement et de developpement, et ils ont le devoir de faire en sorte que les activites exercees dans les limites de leur juridiction ou sous leur controle ne causent pas de dommages a l'environnement dans d'autres Etats ou dans des zones ne relevant d'aucune juridiction nationale »

- Le Principe 15 qui parle plus directement du principe de precaution stipule a son tour : « Pour proteger l'environnement, des mesures de precaution doivent etre largement appliquees par les Etats selon leurs capacites. En cas de risque de dommages graves ou irreversibles, l'absence de certitude scientifique absolue ne doit pas servir de pretexte pour remettre a plus tard l'adoption de mesures effectives visant a prevenir la degradation de l'environnement ».

Il sera question pour nous dans ce travail d'apprécier la contribution des autorités administratives et juridictionnelles d' Afrique Centrale et même de la société civile quant a l'application efficace des principes de prévention et de précaution, de nous interroger sur la réception de ces principes ainsi que sur la valeur des mécanismes ou instruments qui permettent leur intégration et leur mise en oeuvre dans les pays de cette sous-région ; toutes choses qui conditionnent relativement leur novation de « Code moral d'action » en comportement citoyen pouvant concourir efficacement a la surveillance de l'environnement du sous-continent.

Il ne s'agira pas pour nous d'énumérer ces principes pour les étudier séparément, mais d'en faire une analyse groupée, mais pragmatique dans la sous région Afrique centrale. En d'autres termes nous tenterons de répondre aux questions suivantes :

- Comment ont été reçus les principes de prévention et de précaution en Afrique centrale ?

- Quelle est la portée de ces principes dans les législations des pays de l'Afrique Centrale en matiere de protection de l'environnement ?

- Quelles sont les techniques utilisées pour intégrer ces principes dans le droit positif des pays de la sous région ?

- La seule ratification puis l'intégration de ces instruments internationaux dans les lois sous-régionales et nationales suffisent-elles a dégager un indicateur de leur application quotidienne ?

- La culture sociale est-elle favorable a cette application ou mieux les principaux acteurs et garants de cette application se consacrent-ils véritablement a la tache qui leur incombe ?

- Sinon, comment parer les potentielles résistances a une mise en oeuvre effective de ces principes en Afrique Centrale et garantir ainsi le bien être de l'Homme et son environnement, dont il est a la fois créateur et créature ?5°

Voir point 1 du préambule de Déclaration de Stockholm de Juin 1972 sur l'environnement.

B- Méthodologie et plan

Dans le cadre de ce travail, notre démarche s'accommodera d'une approche comparative des evolutions juridiques que cachent ces principes. En effet comme l'écrit le Professeur Maurice KAMTO, « tout phénomène peut 'etre saisi par le droit >>51. Des lors, il n'est pas surprenant que dans l'impossibilité d'explorer dans leur plenitude tous les textes et pratiques en vigueur dans la sous region, nous nous sommes inspires pour beaucoup, des etudes théoriques antérieures.

ependant, la methodologie de cette etude montrera certainement d'une part qu' une application effective par les administrations d'Afrique Centrale des principes de prevention et precaution est le préalable nécessaire a un controle juridictionnel efficient, et d'autre part que le controle du juge est la condition d'une protection efficace de l'environnement dans le sous-continent. Ainsi, fidele a notre démarche, nous examinerons tour a tour :

Premiere partie : L'application des principes de prevention et de precaution par les autorites administratives dans les Etats d'Afrique Centrale.

Deuxieme partie : L'application des principes de prevention et de precaution par les autorites juridictionnelles d'Afrique Centrale.

51 KAMTO (M.), op. cit ., p. 55.

Premiere partie :

L'application des principes de prevention et de precaution par les autorites administratives dans les Etats d'Afrique Centrale.

Les pouvoirs de police reconnus aux administrations leurs conferent d'importantes prérogatives. Ces pouvoirs visent notamment la prévention du désordre et le maintien de l'ordre public classique. Les administrations d'Afrique Centrale ne font aucune économie de ces pouvoirs quand il s'agit d'appliquer les traités et conventions internationaux auxquels appartient aussi le droit international de l'environnement. En Afrique Centrale, les principes de prévention et de précaution posent aux administrations la question de leur champ d'application ( Chapitre I) et celle des autorités chargée de cette application ( Chapitre II).

Chapitre 1 : Le champ d'application des principes de prevention et de precaution

Ces principes ont un domaine d'application vaste (Section 1). C'est sans doute pour cette raison que des instruments précis sont consacrés a leur mise en oeuvre (Section 2).

Section I : Le domaine d'application des principes de prevention et de precaution

L'application des principes de prévention et de précaution ne s'est pas cantonnée a l'environnement mais a étendu son domaine a d'autres secteurs (Paragraphe 1). Ceci a mis en évidence des conditions précises (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : Etendue du domaine d'application de ces principes

Ces principes apparaissent comme le complement naturel d'une exigence de développement durable qui commande particulierement dans les domaines de l'environnement et de la sante publique (A) des precautions particulieres. Les catastrophes naturelles et industrielles ne méritent pas moins ces precautions (B).

A- Les risques environnementaux et la sante publique

Comme tout le droit international de l'environnement, les principes de prevention et de precaution qui en sont d'ailleurs les principes phares52 s'appliquent tout d'abord aux risques lies a l'environnement(1), expression du nécessaire respect par l'homme de son milieu de vie53. Mais l'Homme faisant partie de l'environnement et appelé a être protégé au même titre que l'environnement, sinon un peu plus, sa sante est également un terrain fertile d'application des principes soumis a notre étude(2).

1) L'imergence des principes de prevention et de precaution dans le domaine de l'environnement

Historiquement, c'est au debut des années soixante dix a l'occasion de la critique du modele technico-économique en Allemagne et aux Etats-Unis que le principe de precaution fut inscrit -sous l'appellation de Vorsorgeprinzip (principe de prudence)- dans le droit positif de l'environnement allemand avec la loi de 1974 sur les pluies acides54. Ainsi affirmé, ce principe n'apparait dans le droit international que vingt bonnes années plus tard. Il trouve dans la protection de

52 MAZOUDOUX (O), Droit international public et droit international de l'environnement, Presses Universitaires de Limoges (PULIM), Collection « les cahiers du CRIDEAU », n° 16, 2008

53 GALIBERT (T.), op. cit., p. 10.

54 GUIBERT ( C.) ; LOUKAKOS (N.) Principe de precaution et prevention, Lex Aero ( http://www.dossiersdunet.com/spip.php?article210)

l'environnement son terreau originel55. Sous des formules qui sont loin d'être uniformes, et moins encore univoques, la Convention européenne sur la protection des cours d'eau transfrontieres, la Convention Cadre sur les Changements climatiques ou la Convention sur la protection du milieu marin de l'Atlantique du Nord-Est lui ont notamment donné, en 1992, une éclatante consécration56. Depuis lors, d'autres textes se sont accumulés. Nonobstant la pertinence de ces textes notamment la Convention sur la protection du Rhin (1998), le Protocole a la Convention sur la diversité biologique relatif aux risques biotechniques (2000), le Code de conduite pour une pêche responsable adopté par la FAO (1995), il est intéressant de remarquer que la Convention de Bamako du 30/01/1991 sur l'interdiction d'importer en Afrique des déchets dangereux et sur le controle des Mouvements transfrontieres et la gestion des déchets dangereux produits en Afrique avait déjà consacré le principe de précaution notamment a son article 4, alinéa 3,f.

Le principe de prévention figure également dans cette Convention a laquelle tous les Etats d'Afrique Centrale sont parties. En effet, ce texte régional, en son article 1er, alinéa 3 reconnait le principe de prévention en ces termes : « "Gestion'', la prévention et la réduction des déchets dangereux ainsi que la collecte, le transport, le stockage, le traitement, même en vue de recyclage ou de réutilisation, et l'élimination des déchets dangereux, y compris la surveillance des sites d'élimination ». Interprété a l'extrême, ce texte laisse croire que la prévention c'est la gestion en elle-même. On ne pourrait qu'abonder dans ce sens, vu que "Prévenir c'est guérir par anticipation''.

La Convention africaine sur la conservation de la nature et des ressources naturelles signée a Alger le 15/09/1968 et modifiée a Maputo (Mozambique) le 11/07/2003 consacre elle aussi les principes de prévention et de précaution notamment en son article 4. Cette derniere s'étend un peu plus sur le principe de

55 VERHOEVEN (%.) : Principe de précaution, droit international et relations internationales : quelques remarques, http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/IMG/pdf/FD001431.pdf.

56 Ibidem

prévention qu'elle cite plusieurs fois57. Consacrés au plan africain, ces principes sont par la suite intégrés dans le droit positif des Etats d'Afrique Centrale selon les techniques propres a chaque Etat, et appelés des lors a s'appliquer aussi bien a l'environnement qu'à la santé humaine et animale.

2) L'application des principes de prevention et de precaution a la sante publique

Précisons d'emblée que la formulation des principes de prévention et de précaution en droit de l'environnement est explicitée, alors qu'en matiere de protection de la santé, elle ne l'est pas. En effet, si l'on s'en tient aux textes internationaux, communautaires ou internes, il est clair qu'en apparence, le domaine du principe de précaution notamment est la protection de l'environnement. Mais au-dela du domaine textuel, ne faut-il pas considérer que le domaine de ces principes va bien au-dela de l'environnement ? Il est évident que, dans la conscience collective, dans celle des décideurs meme, le principe a investi le droit de la santé et celui de la sécurité alimentaire58. Le champ d'application du principe de précaution est vaste, puisqu'il est pris en compte lorsque les effets potentiellement dangereux pour la santé humaine, animale ou végétale, sont incompatibles avec le niveau élevé de protection choisi par la communauté59. Pour reprendre l'expression de Monsieur Gilles Martin, Professeur a Nice, quand le dommage est imprévisible, ou non « probabilisable », on applique le principe de précaution.

Le champ d'application du principe de prévention est beaucoup plus large que celui de la précaution. En effet, la prévention permet de prendre des mesures nécessaires afin d'éviter qu'un dommage prévisible ne se produise. La prévisibilité résulte principalement d'une expertise scientifique permettant de mettre en lumiere une forte probabilité de l'existence d'une relation causale entre une donnée scientifique et ses éventuelles conséquences dommageables. Le principe

57 La Convention de Maputo cite le principe de prévention a ses articles 4, 7 et 22. ce meme texte ne cite le principe de précaution qu'une seule fois. Ce qui est quelque peu l'inverse de la Convention de Bamako qui cite la précaution trois fois et la prévention deux fois.

58 DU CROQUEZ (A. M-L.), op. cit., p. 10.

59 Ibid., p. 35

de prévention permet l'adaptation des mesures visant a réduire un danger identifié. Ce principe est d'ailleurs reconnu en droit communautaire de l'Union Européenne et trouve a s'appliquer de plus en plus en matiere de protection de la santé. On le trouve par exemple au sein de la Directive 89/397/ CEE du 14/06/1989 relative au contrôle officiel des denrées alimentaires lorsqu'elle définit ce contrôle comme permettant aux autorités nationales compétentes d'examiner la conformité des objets destinés a entrer en contact avec des denrées alimentaires, avec les dispositions ayant pour objet de prévenir les risques pour la santé publique60. S'il est plausible qu'un champ d'application trop large accordé a ces principes pourrait favoriser une certaine dérive de leur application, en revanche l'on doit noter que ces principes ayant reçu une large consécration en droit de l'environnement, sont toutefois conduits a reglementer d'autres domaines de la vie sociale.

B- Gestion des catastrophes naturelles et industrielles

L'incertitude scientifique constitue une donnée fondamentale dans l'évaluation et la gestion adéquate des risques environnementaux qui résultent de l'activité économique. Dans bien des cas, on ne connait, ou connait mal les impacts négatifs que peut produire sur l'environnement ou sur la santé humaine l'utilisation des milliers de produits chimiques.

L'incertain se révele encore plus grand s'agissant de l'effet cumulé dans le temps et dans l'espace, de ces diverses substances. A bien d'égards, l'état des connaissances scientifiques actuelles ne permet pas non plus de bien comprendre les nombreux échanges et procédés vitaux qui ont cours dans ces différents écosystemes de la planete. Ceci explique parallelement une incapacité de la science a anticiper les dommages irréversibles que peut subir la nature en raison des activités industrielles et des produits issus des avancées technologiques. Ainsi en

60 Article 1er § 2 de la Directive 89/397/ CEE du Conseil, du 14 juin 1989, relative au contrôle officiel des denrées alimentaires ( http://reflex.raadvst-consetat.be/reflex/index.reflex?page=chrono&c= detailget&d= detail&docid=8717&tab=euro

matiere environnementale, les variables s'additionnent, rendant souvent impossible une evaluation adequate des risques crees par une substance chimique ou un nouveau procede industriel ou meme agricole61. En effet, l'attrait que le principe de precaution en particulier exerce sur la population en general et dans certains cercles scientifiques, universitaires ou environnementalistes provient sans doute justement de ce qu'il semble operer un reversement de l'approche traditionnelle qui consiste essentiellement a ignorer les risques non prouves. Les principes de prevention et de precaution offrent au simple citoyen une meilleure garantie que seront prises en compte les craintes que suscitent chez lui les prouesses technologiques et industrielles auxquelles nous assistons actuellement.

C'est certainement ce qui justifie que dans la plupart des pays d'Afrique Centrale, la conduite de prevention des risques et d'intervention en cas de catastrophes est confiee a plusieurs departements ministeriels. Au Cameroun par exemple ces operations reviennent tour a tour aux Ministeres de l'Administration Territoriale, de la Sante Publique, des Mines et de la Defense, et aux municipalites. Au niveau de ces Ministeres, il existe un « plan intra sectoriel d'intervention », qui constitue un element du plan national62. Les risques industriels et naturels changent veritablement la nature des problemes de gestion de l'environnement du moment oil ils y introduisent des elements d'incertitude et de precarite. Qu'il s'agisse des pollutions accidentelles ou des emanations de gaz toxiques, les risques de catastrophe constituent a l'heure actuelle une menace directe pour l'existence de milliers de citoyens des pays d'Afrique Centrale qu'ils soient citadins ou non.

Au Cameroun, pays situe en plein cceur de l'Afrique Centrale, la gestion des risques d'origine industrielle est organisee par le Decret n° 76/372 du 02/09/1976 portant reglementation des etablissements dangereux, insalubres ou incommodes et celle des risques ou catastrophes d'origine naturelle par la loi n° 86/16 du 06

61 TRUDEAU (H.) : Du droit international au droit interne : l'emergence du principe de precaution en droit de l'environnement, p. 1 ; Consulte sur https://papyrus.bib.umontreal.ca/jspui/handle /1866/1420.

62 BOMBA ( C. M.) ; PRIEUR (M.) -sous la direction de- : « Environnement et developpement urbain au Cameroun », in Vers un droit de l'environnement urbain : actes des 2emes journees scientifiques du « reseau droit de l'environnement » de l'AUPELF-UREF a l'Universite Cheikh Anta Diop Dakar, Senegal, 29-31 octobre 1996, p. 359.

décembre 1986 portant réorganisation générale de la protection civile. Les textes de la sous région Afrique centrale procedent a une classification des industries en catégorie. La premiere catégorie qui comprend les établissements qui doivent être éloignés des habitations est réglementée en Guinée Equatoriale par l'article 72 du Code de l'environnement qui confere au Ministre chargé de l'industrie, des petites et moyennes entreprises et de l'environnement, des pouvoirs de contrôle (autorisation par exemple). Au Cameroun, cette prérogative est dévolue par l'article 3 du Décret précité au Ministre chargé des établissements dangereux, insalubres et incommodants63.

Nonobstant ces textes, rares sont les établissements dont l'ouverture a été précédée d'une enquête de commodité ou, a fortiori, d'une étude préalable d'impact sur l'environnement. Apparait tout aussi important du point de la prévention des risques industriels, la loi camerounaise n° 89/027 du 29/12/1989 relative aux déchets toxiques, qui interdit le stockage, la production, la détention, le transit et le déversement sur le territoire national des déchets toxiques et/ou dangereux sous toutes les formes. Au fond, la réorganisation de la protection civile a été rendue nécessaire a la suite de la catastrophe naturelle survenue au lac Nyos (Province du Sud-Ouest du Cameroun) en Aotit 1986. Provoquée par une émanation de gaz toxique, cette catastrophe a entrainé la mort de 1746 personnes et l'extermination de la quasi-totalité du bétail de la localité64. Pourtant, la mise en oeuvre efficiente du principe prévention aurait sans doute permis de préserver tant de vies et de biens. Peut-être le principe de précaution a-t-il été mis en mouvement a la suite de ce malheur ?

On le voit bien, il convient a présent de questionner les conditions d'application des principes de prévention et de précaution.

63 Pour plus d'amples détails, lire KAMTO (M.), op. cit., p. 339.

64 BOMBA ( C. M.), op. cit., p. 366

Paragraphe 2 : Conditions d'application des principes de pr6vention et de pr6caution

De par leurs definitions respectives, les principes de prevention et de precaution comportent implicitement chacun, des conditions de sa mise en oeuvre. En effet, le principe de precaution appelle certes a la prevention sans attendre l'acquisition de certitudes scientifiques quant a la realite des risques, mais on a pu dire et certainement a juste titre que « le domaine de validite du principe de precaution est borne par deux points limites que sont la preuve du dommage et la preuve de l'absence de dommage » (A)65. Le principe de prevention permet d'atteindre d'autres objectifs : Agir avec plus d'efficacite et a moindre cotit, c'est-A-dire de fa~on plus efficiente tant sur le risque lui-même que sur l'activite qui le gen're. Plus simplement, la prevention permet d'agir sur les facteurs de risques identifies(B).

A- L'incertitude scientifique dans l'application du principe de precaution.

La mise en oeuvre du principe de precaution presuppose d'une part une plus grande implication du public dans la prise des decisions et d'autre part un recours plus systematique a l'expertise scientifique66. Il s'agit de deux parametres importants dans l'application du principe de precaution. L'apport des experts doit cependant être envisage de fa~on un peu differente et sur une base plus soutenue que dans le cadre de la methode traditionnelle d'evaluation des risques, pour d'avantage tenir compte des facteurs d'incertitude scientifiques et de l'evolution des connaissances.

Le recours au principe de precaution necessite ainsi un difficile exercice
d'arbitrage entre les craintes du public ou sa perception du risque et les assertions
des scientifiques fondees sur les resultats des recherches empiriques ou des

65 GOGARD (O.) Le principe de precaution dans la conduite des affaires humanitaires, INRA,
Maison des sciences de l'homme, Paris, 1997, p. 5 ; cite par GUIBERT ( C.) ; LOUKAKOS (N.), op. cit.

66 TRUDEAU (H.), op. cit., p. 35.

hypotheses theoriques investies a ce jour. Tant le citoyen que l'expert doivent trouver un forum approprie pour exprimer leurs vues. Selon KOURILSKY et VINEY, l'analyse des risques doit etre effectuee par deux cercles distincts, un compose exclusivement d'experts scientifiques, l'autre comprenant quelques uns de ces experts, mais aussi des economistes, des acteurs sociaux et des representants du public. Le premier cercle rend compte de ses conclusions sur le plan scientifique, tandis que le second cercle procede a une analyse des coilts, benefices a partir des conclusions du premier cercle. Les celebres auteurs envisagent differentes options possibles. Les decideurs publics sont saisis des conclusions des deux cercles, qui peuvent tendre vers le consensualisme, mais ne l'atteignent pas necessairement67. Cette solution n'est pas moins soutenable, puisqu'elle permet d'atteindre au moins trois objectifs : d'abord l'acces a l'information, la participation du public au processus decisionnel et l'acces a la justice en matiere d'environnement tel que preconise la Convention d'Aarhus du 26/06/199868, ensuite elle donne la possibilite aux decideurs de prendre des decisions eclairees. Enfin et surtout elle permet de realiser la cooperation qui est l'un des objectifs du droit international de l'environnement, « s'unir ou perir >>69. D'ailleurs, « tout serait simple s'il appartenait au savant d'evaluer le risque et au politique de prendre la decision qui permet d'y faire face >>70.

Des garanties d'impartialite et de competence dans l'appreciation des preuves soumises doivent entourer le travail de l'autorite publique appelee a decider si elle aura ou non recours a la prevention devant un risque apprehende. Ces memes garanties apparaissent aussi essentielles devant le choix et l'eventail possible des mesures de precaution, pour tenir compte notamment des interets economiques, sociaux ou autres, qui seront affectes.

67 Cite par TRUDEAU (H.), op. cit., note de bas de page n° 95, p. 35.

68 Voir notamment les articles 6 a 8 de la Convention d'Aarhus du 25/06/1998 sur l'acces a l'information, la participation du public au processus decisionnel et l'acces a la justice en matiere d'environnement.

69 L'expression est de Monsieur Albert EINSTEIN, cite par LAVIEILLE (%. M.), op. cit., p. 12.

70 GUIBERT ( C.) ; LOUKAKOS (N.), op. cit., p. 3.

B- La preuve du dommage connu et le principe de prevention

Ainsi que nous l'avons évoqué plus haut, l'adhésion au principe de prévention implique la prise en compte par le droit des risques potentiels de fa~on a éviter que ceux-ci n'entrainent éventuellement des dommages graves ou irréversibles pour l'environnement ou la santé humaine. Le risque potentiel est ici compris comme un risque qui n'est pas encore avéré, c'est-A-dire que son existence ou sa réalité peut etre prouvée a l'issue d'une expertise scientifique. La preuve scientifique de l'existence du risque peut a l'inverse conduire l'autorité publique a décider de la poursuite du projet envisagé. Le principe de prévention est fondé ici sur une réalité completement différente. Il s'agit des « mesures de gestion d'un risque connu »71. Trop souvent en effet, quand on prévoit, on ne prévoit jamais le pire, c'est-A-dire le risque le plus dommageable, celui que l'homme a jamais ne devrait affronter parce qu'il ne s'en sortira certainement pas. Il est vrai que l'homme justement a transcendé une certaine dimension de la prise de risque que, aujourd'hui, nos fusées atteignent Vénus, meme si l'on ne sait pas guérir un rhume du cerveau72. Plus largement, des lors que l'on parle de « prévention » des risques, la question doit etre posée sur le cadre plus général de la gestion des risques, ou plut:t de la vie de l'homme dans son écosysteme.

On peut rappeler ici que dans des traités internationaux relatifs a l'information et la consultation préalable, il est prévu des techniques tendant a informer l'Etat dans lequel est projetée toute activité susceptible d'avoir des effets sensibles sur l'environnement. C'est le cas par exemple de la Convention d'Espoo du 25/02/1991 dont les alinéas 2 et 3 de l'article 3 en parlent suffisamment.

Nous dirons avec le regretté Professeur KISS et le Professeur BEURRIER que le
principe de prévention s'applique a des situations oil des réponses claires au plan
scientifique existent, démontrant qu'une activité a, ou risque d'avoir des effets

71 LAVIEILLE (J. M.), op. cit., p. 89.

72 CESBRON (G.) cite par FOGUI (J. P.), « Demain » Editions SOPECAM, 1991, p. 40.

nuisibles. Grace a cette certitude, la dégradation de l'environnement peut etre empechée ou mitigée par une intervention a la source des nuisances73.

Section II : Modalites d'application des principes de prevention et de precaution

L'action préventive est une action anticipatrice et a priori, qui est préférée aux mesures a posteriori du type réparation, restauration ou répression intervenant apres une atteinte avérée a l'environnement. On a parfois opposé les deux types de mesures. En réalité, elles ne sont pas exclusives mais complémentaires car il n'est pas toujours possible de tout prévoir74. Dans certains cas d'ailleurs, la prévision des effets néfastes d'un projet peut etre tres délicate, car certaines modifications de l'équilibre écologique ne peuvent apparaitre que tres tard, meme si l'irréversibilité des dommages peut parfois etre démontrée notamment en ce qui concerne la disparition d'especes vivantes. Mais dans d'autres cas, cette notion n'est pas claire et peut etre envisagée a différentes échelles de temps. Néanmoins, l'ignorance ou l'incertitude quant aux conséquences exactes a court ou a long terme de certaines actions ne doit pas servir de prétexte pour remettre a plus tard l'adoption de mesures visant a prévenir la dégradation de l'environnement. Autrement dit, face a l'incertitude ou a la controverse scientifique actuelle, il vaut mieux prendre des mesures de protection séveres a titre de précaution que de ne rien faire. C'est en réalité « mettre concretement en oeuvre le droit a l'environnement des générations futures »75.

Ainsi pour « concrétiser » ce droit a un environnement écologiquement viable des
générations présentes et futures, des instruments existent pour mettre en oeuvre
les principes de prévention et de précaution (Paragraphe 1). Ces instruments

73 KISS (A.) et BEURIER (J. P.), op. cit., p. 136.

74 Ibidem,

75 Ibidem, p. 98.

permettent en meme temps de mesurer les effets d'une telle mise en ceuvre(Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : Instruments de mise en oeuvre des principes de prevention et de precaution

Pour prévenir, il faut connaitre et étudier a l'avance l'impact, c'est-à-dire les effets d'une action, c'est une regle de bon sens qui exige une étude scientifique. Précaution et prévention sont deux aspects de la prudence qui s'impose dans une situation susceptible de créer un dommage. La mise en ceuvre de ces principes signifie soit ne pas agir, c'est-à-dire respecter une obligation de s'abstenir, renoncer a une action non maitrisée, soit prendre des mesures juridiques (techniques...) pour limiter les futurs effets sur l'environnement et la santé76. Ces mesures techniques notamment sont mises en ceuvre a travers la procédure d'études d'impact environnemental (A) dont l'écho dans les textes et les pratiques sous-régionaux CEMA C de l'environnement est avéré(B).

A- Les etudes d'impact environnemental ( EI E)

L'étude d'impact est assurément l'institution la plus spécifique et sans doute la plus originale du droit de l'environnement. Elle est au cceur du développement durable. Dans une perspective environnementaliste conséquente, l'étude d'impact s'entend automatiquement d'une évaluation a priori, et sa fonction est d'aider les décideurs publics ou privés a intégrer l'environnement dans leurs stratégies d'action afin d'éviter que des travaux ou ouvrages ne dégradent irrémédiablement l'environnement77. On en vient donc a définir l'étude d'impact comme étant « l'étude a laquelle il doit etre procédé avant d'entreprendre certains projets

76 LAVIEILLE (j. M.) : Les principes généraux du droit international de l'environnement et un exemple : le principe de précaution, cours polycopié de tronc commun n° 4 de Master 2 en Droit international et comparé de l'environnement, Université de Limoges, 2009 - 2010, p. 14.

77 KAMTO (M.), op. cit, p. 95.

d'ouvrages ou d'amenagements, publics ou prives dans le but d'apprecier l'incidence de ces derniers sur l'environnement78.

La procedure d'etude d'impact est recente et presque concomitante a l'emergence du droit de l'environnement. Elle apparait a la fin des annees 60 aux Etats-Unis d'Amerique. En droit francais duquel est inspire l'essentiel du droit d'Afrique Centrale, la procedure d'evaluation prealable d'impact, ebauchee par un projet de loi d'Avril 1976, sera adoptee par l'article 2 de la loi du 10 Juillet 1976 qui entrera en vigueur le 1er Janvier 197879. Bien qu'elle soit rassurante en raison de son caractere preventif, l'etude d'impact est couteuse et ne saurait donc etre engagee de maniere fantaisiste. En effet, comme l'affirme le commissaire du gouvernement BRAIBANT « Ce n'est pas seulement le cout financier de l'operation qui doit etre pris en consideration, mais aussi ce que l'on pourrait appeler d'une fa~on generale son cout social. A un moment oil il est beaucoup question et a juste titre d'environnement et de cadre de vie, il faut eviter que des projets par ailleurs utiles viennent aggraver la pollution ou detruire une partie du patrimoine naturel ou culturel du pays80.

Apres son apparition en Amerique du Nord sous l'appellation « d'impact assesment », l'etude d'impact s'est ensuite integree peu a peu dans le droit de l'environnement des pays developpes avant de se generaliser progressivement a partir des annees 80 en s'inserant dans les legislations des pays en developpement, mais aussi dans les instruments du droit international. Cette consecration internationale, aussi bien par de nombreux textes contraignants que par diverses conventions internationales a sans doute favorise sa reception explicite par les droits nationaux africains. Cette procedure d'evaluation des activites pouvant avoir des effets nocifs sur l'environnement a fait l'objet d'une convention specifique en ce qui concerne la pollution transfrontiere81. Mais l'article 14 de la

78 Cite par KAMTO (M.), ibidem.

79 DMOTENG KOUAM (E.), op. cit., p. 32.

80 Conseil d'Etat, 28/05/1971, Rec. p. 409, cite par DMOTENG, Ibidem.

81 Point 4 du preambule de la Convention d'Espoo du 25/02/1991 sur l'etude d'impact transfrontière

Convention de Kuala-Lumpur du 09/07/1985 etend l'obligation d'evaluation prealable a tous les projets d'activites qui peuvent avoir des effets sensibles sur l'environnement naturel pour prendre en compte les resultats dans la procedure de decision. La Declaration de Rio a generalise l'obligation d'etude prealable dans le cas des activites envisagees qui risquent d'avoir des effets nocifs importants sur l'environnement et dependent de la decision dRune autorite nationale competente82. Bien d'autres textes internationaux en font aussi allusion, a l'exemple de La Declaration de Stockholm qui faisait plutot implicitement allusion a l'etude d'impact83.

Au plan africain, la Convention africaine sur la conservation de la nature et des
ressources naturelles signee a Alger le 15 septembre 1968 et modifiee a Maputo
(Mozambique) le 11 juillet 2003 consacre la procedure d'impact en son article XIV,

1, b. Mais c'est la gamme des textes d'Abidjan issus de la conference des plenipotentiaires sur la cooperation en matiere de protection et de mise en valeur du milieu marin et des zones cotieres de l'Afrique de l'Ouest et du Centre convoquee a Abidjan par le Directeur executif du PNUE, du 16 au 23/03/1981 (plan d'action) qui adopta plusieurs instruments relatifs a la procedure d'impact du moins en ce qui concerne le milieu marin. Il s'agit d'une part de la Convention d'Abidjan relative a la cooperation en matiere de protection et de mise en valeur du milieu marin et des zones cotieres, et le protocole relatif a la cooperation en matiere de lutte contre la pollution en cas de situation critique. Certains pays de l'Afrique Central sont parties a cette convention et a son protocole qui sont entres en vigueur le 05/08/1984. Il s'agit du Cameroun, du Congo, de la Guinee Equatoriale et du Gabon. Ces deux textes mettent l'accent sur la cooperation regionale dans la protection et la mise en valeur de l'environnement marin et cotier, et de leurs ressources. La Convention d'Abidjan du 23/03/1981, de maniere specifique consacre l'etude d'impact en son article 13, paragraphe 1 en ces termes « Dans le cadre de leurs politiques de gestion de l'environnement, les parties contractantes élaborent des directives techniques ou autres en vue de faciliter la planification de leurs

82 Principe 17 de la Declaration de Rio de Janeiro sur l'environnement et le developpement.

83 Voir les articles 14 et 15 de la Convention de Stockholm qui fait appel a une planification rationnelle evitant les atteintes a l'environnement.

projets de developpement, de maniere a reduire au maximum l'impact n aste que ces projets pourraient avoir sur la zone d'application de la convention >>. Commentant cette disposition, on a pu estimer qu'elle est vague, imprecise et manque de clarte84.

En somme, la Convention et le protocole d'Abidjan constituent la composante juridique du plan d'action d'Abidjan (Plan d'action WA CAF), et expriment l'engagement des gouvernements de la region, leur volonté politique d'envisager, soit individuellement, soit conjointement leur probleme commun, concernant l'environnement cotier et marin85.

B- Portee des etudes d'impact dans le droit sous-regional de l'environnement

« La pratique des etudes d'impact est encore a ses balbutiements en Afrique. Pourtant, des legislations nationales de plus en plus nombreuses integrent le principe de telles etudes qui sont le principal moyen par lequel peut se réaliser le principe, si important de prevention en matiere environnementale >>86. Nombre de textes environnementaux de l'Afrique Centrale consacrent explicitement ce principe.

En Guinée, le Code sur la protection et la mise en valeur de l'environnement institue par l'Ordonnance n° 045 du 28 Mai 1987 prévoit une procedure d'étude d'impact en ses articles 82 et 83, et est complétée sur ce point par le Décret n° 199 du 08 Novembre 1989. Il resulte de ces textes que seuls les travaux figurant sur une liste sont soumis a etude d'impact dans la mesure oil ils seraient susceptibles de porter atteinte a l'équilibre ecologique de la Guinée, au cadre et a la qualité de la vie ainsi qu'aux exigences de protection en general. Une liste revele les travaux

84 ASSEMBONI-OGUNJI (A), « La protection et la mise en valeur de l'environnement marin et cotier en Afrique de l'ouest et du centre a travers le systeme juridique d'Abidjan » in Aspects contemporains du droit de l'environnement en Afrique de l'ouest et centrale, L. Ganier, coord., UICN, Gland, 2008, p.131.

85 Ibid., p. 132.

86 KAMTO (M.), op, cit., p. 99.

concernés. Il s'agit du défrichement des bois et forêts de plus de 10 ha, des installations d'aquaculture, des travaux d'adduction d'eau, des programmes d'irrigation. La procédure s'applique aussi aux projets d'urbanisme et de planification.

Au Gabon, l'article 23 du code de l'environnement87 permet au Ministre de l'environnement de soumettre a un processus d'autorisation préalable, « ...les activités susceptibles de porter atteinte a la faune et a la flore ou d'entrainer la destruction de leur milieu naturel... ». En vertu de ce texte le Ministre contrôle « l'introduction d'especes animales ou végétales exotiques (...) susceptibles de porter atteinte aux especes animales ou végétales locales... »88. L'article 27 du même code permet l'interdiction « ...d'entreprendre les activités qui peuvent mener a la dégradation ou la modification de l'aspect initial du paysage, de la structure de la faune et de la flore, ou de l'équilibre écologique ». C'est surtout le Décret du 15 juillet 2005 réglementant l'étude de l'impact sur l'environnement89 qui oblige les promoteurs de certains projets comportant des incidences directes ou indirectes sur l'équilibre écologique, la qualité et le cadre de vie des populations vivant dans sa zone d'implantation ou dans des zones adjacentes a réaliser une étude d'impact.

Au Cameroun, la législation forestiere institue désormais une procédure d'étude d'impact a travers l'article 22 du Décret n° 95/531/PM du 23 Aoftt 1995 fixant les modalités d'application de la loi n° 94/01 du 20 Janvier 1994 portant régime des forêts, de la chasse et de la pêche. Cet article dispose en substance que le déclassement d'une forêt domaniale a l'intérieur du domaine privé de l'Etat ne peut intervenir que pour cause d'utilité publique « et apres une étude d'impact sur l'environnement effectué a la diligence de l'Administration chargée de l'environnement ». Le champ d'application des études d'impact est ici tout a fait limité dans la mesure oil il est circonscrit a certaines activités menées dans le domaine forestier nationale. Le Professeur Maurice KAMTO affirme a cet

87 Loi n° 16/93 du 26 aoftt 1993 portant code de l'environnement.

88 Article 26 de la loi n° 16/93 du 26 aoftt 1993 portant code de l'environnement.

89 Décret 00539 du 15 juillet 2005 abrogeant celui N° 405 du 15 mai 2002.

égard qu'il s'agit néanmoins des toutes premières dispositions prescrivant explicitement l'étude d'impact en droit camerounais90.

Dans ce même pays, c'est la loi de 199691qui traite de l'étude d'impact. Elle soumet a cet examen tout projet dont la réalisation peut avoir des conséquences nuisibles sur l'environnement92. Mais le Décret n° 2005/0577/PM du 23/02/2005 fixant les modalités de réalisation des études d'impact environnemental et son Arrêté d'application n° 0070/MINEP du 22 avril 2005 fixant les différentes catégories d'opérations dont la réalisation est soumise a une étude d'impact environnemental définissent les bases juridiques de toute procédure d'impact. Il faut dire que ces deux textes ont été pris en application des dispositions des articles 17 et suivants de la loi n° 96/12 du 05/08/1996 portant loi-cadre relative a l'environnement. Traitant des études d'impact ou de l'audit environnemental, les articles 17 et 19 de cette loi précisent entre autre que « Le promoteur ou le maitre d'ouvrage de tout projet d'aménagement, d'ouvrage, d'équipement ou d'installation qui risque, en raison de sa dimension, de sa nature ou des incidences des activités qui y sont exercées sur le milieu naturel, de porter atteinte a l'environnement est tenu de réaliser, selon les prescriptions du cahier des charges, une études d'impact permettant d'évaluer les incidences directes ou indirectes dudit projet sur l'équilibre écologique de la zone d'implantation ou de toute autre région, le cadre et la qualité de vie des populations et des incidences sur l'environnement en général »93. Cette loi indique aussi que l'étude d'impact est insérée dans les dossiers soumis a enquête publique lorsqu'une procédure est prévue94 et que l'étude d'impact est a la charge du promoteur95. L'article 19 quant a lui énumère les indications que doit comporter « obligatoirement » l'étude d'impact96.

90 KAMTO (M.), op., cit., p. 102

91 Il s'agit du chapitre II du titre III de la loi n° 96/12 du 5 aout 1996 portant loi-cadre relative a la gestion de l'environnement au Cameroun

92 Article 17 de la loi n° 96/12 du 5 aout 1996 portant loi-cadre relative a la gestion de l'environnement.

93 Article 17 alinéa 1 de la loi n° 96/12 du 5 aout 1996.

94 Article 17 alinéa 2 de la loi n° 96/12 du 5 aout 1996.

95 Article 17 alinéa 3 de la loi n° 96/12 du 5 aout 1996.

96 Il s'agit de :

- L'analyse de l'état initial du site et son environnement - Les raisons du choix du site

En application de ces dispositions, deux textes reglementaires ont ete signes et publies par le Premier Ministre, Chef du Gouvernement et le Ministre de l'environnement et de la protection de la nature. Le premier est le Decret n° 2005/0577/PM du 23/02/2005 fixant les modalites de realisation des etudes d'impact environnemental qui prescrit diverses dispositions relatives :

- au contenu de l'etude d'impact environnemental97

- a la procedure d'elaboration et d'approbation des etudes d'impact environnemental98 ainsi que des termes de reference y relatifs99

- a la surveillance et au suivi environnemental du projet, etc.

L'arrête n° 0070/MINEP du 22 avril 2005 pris dans le sillage des dispositions visees par le Decret n° 2005/0577/PM du 23/02/2005 fixe les differentes categories d'operations dont la realisation est soumise a une etude d'impact environnementall00. Le Decret 2005/0577 quant a lui dit ceci : « (1) La liste des activites soumises a l'une ou l'autre categorie d'etudes d'impact environnemental vise aux articles 4 et 5 ci-dessus est fixee par le Ministre charge de l'environnement ; (2) En outre, le Ministre arrête le canevas type des termes de reference desdites etudes en fonction des activites et apres avis du Comite

- L'evaluation des consequences previsibles de la mise en oeuvre du projet sur le site et son environnement naturel et humain

- L'enonce des mesures envisagees par le promoteur ou maitre d'ouvrage pour supprimer, reduire et, si possible, compenser les consequences dommageables du projet sur l'environnement et l'estimation des depenses correspondantes

- La presentation des autres solutions possibles et des raisons pour lesquelles, du point de vue de la protection de l'environnement le projet presente a ete retenu.

97 Chapitre II du Decret de 2005

98 Chapitre III du Decret de 2005

99 Les chapitres II et III du Decret de 2005 font allusion aux termes de reference, mais c'est l'Arrête n° 00001/MINEP du 03 Fevrier 2007 de Monsieur le Ministre de l'environnement et de la protection de la nature parle plus en detail le contenu general des termes de reference des etudes d'impact environnemental.

100 Voir notamment les articles : 3 qui indique les operations ou activites soumises a une etude d'impact environnemental sommaire ; 4 qui indique les operations ou activites soumises a une etude d'impact environnemental detaillee ; 5 qui indique que les operations ou activites visees aux articles 3 et 4 ci-dessus et qui sont deja en fonctionnement ou en exploitation sont soumises a un Audit Environnemental, enfin 6 qui indique le contenu du rapport d'un Audit Environnemental.

Interministériel de l'environnement ; (3) Les frais relatifs a l'étude d'impact environnemental sont a la charge du promoteur »101.

De tout ce qui précede, il se dégage que la procédure d'études d'impact dans les législations nationales des Etats d'Afrique Centrale a une portée certaine, en concordance avec les effets de mise en oeuvre des principes de prévention et de précaution.

Paragraphe 2 : Effets de la mise en oeuvre des principes

Indépendamment de la question du statut juridique des principes de prévention et de précaution et du fait que ceux-ci soient ou non consacrés en droit interne et sous-régional CEMA C par des dispositions législatives explicites, c'est donc bien davantage les effets de leur mise en oeuvre qui retiennent l'attention des pouvoirs publics, mais surtout du consommateur. En effet, la réalisation d'instruments aussi importants en appelle a l'application du poids de la preuve du dommage ou de son absence (A), garantie d'une protection adéquate de l'environnement (B).

A- L'application du poids de la preuve

Selon les termes de l'article 76.1 de la loi canadienne de 1999 sur la protection de l'environnement, les Ministres de la santé et de l'environnement doivent appliquer la « méthode du poids de la preuve » (weight of evidence approach pour la version anglaise de la loi) en conjonction avec le principe de prudence lorsqu'ils procedent a l'une ou l'autre des trois opérations destinées a déterminer si une substance est toxique ou potentiellement toxique. Cette expression renvoi-t-elle au fardeau de la preuve qui doit être retenu dans la démonstration de la toxicité d'une substance ? signifie-t-elle plutot qu'il convient d'opérer un reversement du fardeau de la preuve et qu'il appartiendra dorénavant a celui qui utilise ou qui fabrique une substance visée par l'évaluation et les examens prévus a l'article 76.1

101 Voir article 6 notamment du Décret n° 2005/0577/PM du 23/02/2005

de démontrer que l'utilisation de la substance n'entrainera pas un risque significatif pour l'environnement ou la santé humaine102.

Le poids de la preuve est un point focal qui intervient pour éloigner des principes de prévention et de précaution. En effet, le principe de prévention s'applique a des situations ou des réponses claires au plan scientifique existent démontrant qu'une activité ou un produit a, ou risque d'avoir des effets nuisibles sur l'environnement ou la santé publique. L'étude d'impact qui est l'instrument phare de mise en oeuvre des principes de prévention et de précaution met, aux termes de l'article 17 alinéa 3 de la loi camerounaise n° 96/12 du 05/08/1996 portant loi cadre relative a la gestion de l'environnement son financement a la charge du promoteur ; des problemes particuliers n'existent pas pour ce qui est de la charge de la certitude scientifique de l'innocuité du projet pour l'environnement et la santé humaine. La question s'est plutôt posée de savoir si une telle certitude existe toujours et quel est le comportement a adopter lorsqu'elle fait défaut. Heureusement, le principe de précaution répond a cette interrogation, sans avoir vocation a remplacer la prévention103.

Le principe de précaution exprime en effet la crainte de voir se commettre l'irréparable et a pour portée essentielle la nécessaire anticipation du risque collectif potentiel. De fait, l'article 4 alinéa 3 f de la Convention de Bamako qui consacre le principe de précaution en Afrique et notamment en Afrique Centrale stipule « chaque partie s'efforce d'adopter et mettre en oeuvre, pour faire face au probleme de la pollution, des mesures de précaution qui comportent... des substances qui pourraient présenter des risques pour la santé de l'homme et pour l'environnement sans attendre d'avoir la preuve scientifique de ces risques... >>104. Certes peut-on véritablement parler de certitude scientifique absolue, alors que la science, en constante évolution, ne cesse de remettre en cause des résultats considérés hier comme acquis. Ainsi finalement, le principe de précaution allege la charge des scientifiques dont on n'attend pas de certitudes, et aggrave la responsabilité des

102 TRUDEAU (H.), op. cit., p. 26.

103 GALIBERT (T.), op. cit., p. 22.

104 Article 4, alinéa 3 f de la Convention de Bamako précitée.

décideurs habituels qui doivent prendre des mesures effectives mais aussi réalistes en choisissant eux-memes parmi les hypotheses qui leur sont soumises. On peut toutefois se demander si l'administration ou le politique ne va pas devoir apporter la preuve chaque fois qu'un doute subsiste, qu'il n'était pas nécessaire d'aller au dela de ce qu'elle a prescrit ou en deca de ce qu'elle a autorisé105. On a souvent affirmé a ce propos que le principe de précaution implique un renversement de la charge de la preuve, c'est-a-dire que c'est a celui qui entreprend une activité qu'il revient d'établir qu'elle est conforme au principe de précaution et non point a celui qui cherche a l'interdire d'établir qu'elle ne l'est pas106. On voit mal ce qui permet d'établir en droit une telle inversion de la regle du principe en dehors des rares secteurs ou certains Etats semblent la sanctionner explicitement. On peut juger l'idée satisfaisante. Il ne faut cependant pas se tromper. Cette distribution nouvelle de la charge de la preuve trouve sa pleine signification dans les contentieux judiciaires, oil elle déroge a la regle traditionnelle qu'exprime l'adage « actori incombit probatio »107. La Cour Internationale de Justice a également adopté une attitude réservée par rapport au principe de précaution. Dans l'affaire des essais nucléaires II108, la Nouvelle-Zélande invoquait le principe de précaution, pour sommer la France de faire la preuve de l'innocuité totale des essais pour l'environnement. Face a cette argumentation, la France soutenait que le statut du principe de précaution en droit positif est « tout a fait incertain », et que de toute fa~on il n'entraine pas un renversement total de la charge de la preuve. La Cour a rejeté la demande de la Nouvelle-Zélande en ne répondant pas aux arguments de la Nouvelle-Zélande109.

105 GALIBERT (T.), op.cit., p. 42.

106 Pour plus de détail sur la question, lire VERHOEVEN (J.), op. cit., p. 256

107 Ibidem.

108 CIJ, 22/9/1995, Affaire des essais nucléaires II, Rec 1995 p. 342-344, cité par DESSINGES (F.) : « Le principe de précaution et la libre circulation des marchandises » ; Mémoire de DEA Droit des Communautés européennes Université Robert Schuman de Strasbourg, Septembre 2000 note n° 112, p. 43.

109 Par DESSINGES (F.), ibidem.

La solution la meilleure est peut-être que la societe dans son ensemble assume en pareil cas l'obligation de reparer les dommages subis dans la perspective d'une prise en compte adequate de l'environnement.

B- La garantie d'une protection adequate de l'environnement

Le principe de precaution exprime la crainte de l'Homme de voir se commettre l'irreparable et a pour portee essentielle la necessaire anticipation. Les mesures resultant du recours au principe de precaution peuvent prendre la forme d'une decision d'agir ou de ne pas agir. Lorsque agir sans attendre plus d'informations scientifiques semble la reponse appropriee, cette action peut prendre diverses formes : Adoption d'actes juridiques susceptibles d'un contrôle juridictionnel, information du public quant aux effets nefastes d'un produit ou d'un procede. Cinq principes specifiques devraient guider le recours au principe de precaution et conduire a une protection maximale de l'environnement :

- - la proportionnalite entre les mesures prises et le niveau de protection recherche

- la non discrimination dans l'application des mesures

- la coherence des mesures avec celles dejà prises dans des situations similaires

- l'examen des charges et des avantages resultant de l'action ou de l'absence d'action

- le reexamen des mesures a la lumiere de l'evolution scientifiquell0.

A ce titre, la precaution ne signifie pas, même en matiere environnementale, l'abstention, il convient en fait de prevenir deux dangers : le premier est de prendre des mesures trop tardivement via une attitude attentiste. Le second de prendre des mesures trop tot ou trop systematiquement, inhibant ainsi tout progres de notre societe. L'application du principe suppose uniquement que la

n0 Pour plus de details sur ces principes, voir :

http://wikipedia.org/wiki/principe_de_precaution, consulte le 09/04/2010.

decision puisse preceder la connaissance scientifique complete du phenomene en cause. Il conduit a agir avant de savoir et non attendre de savoir avant d'agir. C'est le contraire du dogme : « dans le doute, abstiens-toi »111.

Certaines positions bien affirmees corroborent celle-ci, estimant que une interpretation differente des effets de l'incertitude scientifique du risque est l'inobservation quant au plus significative du principe de precaution. Pour nier le risque, ou pour affirmer l'inexistante de danger pour la sante humaine ou a l'environnement, il n'est pas exige que tous les experts soient d'accord. Le doute sur l'existence du risque appreciable doit conduire le decideur a faire immediatement preuve de prudence et prendre des mesures d'action ou d'omission112. En effet, même « les Etats doivent être plus prudents lorsque l'information est incertaine, precaire ou inadequate. L'absence d'une information scientifique adequate ne doit pas être utilisee comme raison pour ajourner ou faillir dans la prise de mesure d'amenagement ou de conservation113. D'autres hypotheses peuvent être envisagees avec le Professeur Maurice KAMTO concernant les etudes d'impact environnemental : suivant une premiere hypothese, lorsque le contrôle de l'administration de l'environnement peut conduire a un veto, il y a lieu de dire que l'effet est radical et automatique. Dans les autres hypotheses, l'etude d'impact ne sert qu'à eclairer les decideurs, etant entendu que les medications ou limitations aux atteintes portees a l'environnement peuvent ensuite être transformees en des prescriptions techniques obligatoires imposees a l'exploitant par l'administration114.

A ce stade de la demonstration, on ne saurait que trop comprendre, les principes de prevention et de precaution contribuent bel et bien a dicter le comportement habituel de tous les acteurs sociaux quand ils ont en face les questions d'environnement et de sante publique. Comment ne pas donc, de ce point de vu,

111 GALIBERT (T.), op. cit., p. 24.

112 LEME MACHADO (P.A.): Commerce international environnement et biodiversite. In vers un nouveau droit de l'environnement ? Centre International de Droit Compare de l'Environnement, Limoges, 2003, p. 65.

113 1995, UN Fish Stoks Agreement, cite par LEME MACHADO (P.A.), op. cit., ibidem.

114 PRIEUR (M.), cite par KAMTO (M.), op. cit., p. 98.

avouer qu'ils garantissent la protection de ce patrimoine indivis, toutes choses dont l'effectivité ou l'application en Afrique Centrale comme partout ailleurs est a la charge des autorités identifiées.

Chapitre 2 : Les autorites en charge de l'application des principes de prevention et de precaution.

Pour l'administration de l'environnement comme pour toutes les autres administrations, la décentralisation aurait du ou pu entrainer un partage rationnel des compétences entre toutes les collectivités qui les exerceraient en harmonie et en collaboration. Les choses sont évidemment moins simples. Les compétences respectives des diverses collectivités ne sont pas toujours clairement réparties115. En France, l'administration locale de l'environnement présente quelques particularités significatives : la décentralisation, malgré les dernieres avancées y est encore plus limitée qu'ailleurs, a quelques exceptions pres116. Il ne saurait en être autrement en Afrique Centrale oil par le jeu de la colonisation, la plupart des législations et notamment de l'environnement sont inspirées du droit francais, quand ce n'est pas un copier/coller. En effet, écrit le Professeur Maurice KAMTO, « Ce droit colonial dont les normes directrices étaient édictées en métropole et les mesures d'application dans chaque territoire s'appuie en la matiere sur des reglementations sectorielles. Ainsi en est-il en Afrique noire sous administration francaise par exemple. Le droit colonial assure une protection indirecte et essentiellement utilitariste de l'environnement, d'une part parce qu'il ne pourvoit pas en normes spécifiques de protection de l'environnement, d'autre part parce que, en fait de protection de l'environnement, il organise l'appropriation publique ou privée et une exploitation absolument libérale des ressources naturelles. En bien d'aspects, ce droit colonial est resté en vigueur dans la plupart des pays africains, même apres leur accession a la souveraineté internationale et fait encore souvent partie du droit positif >>117.

En tout état de cause, dans ces pays les compétences des autorités politiques et centrales sont préservées et définies par la constitution et la loi (Section 1). Cet état de choses, malgré ce qu'on peut penser, n'est pas pour renforcer les prérogatives ou pouvoirs des autres autorités notamment locales (Section 2).

115 ROMI (R.), Droit et administration de l'environnement, op. cit., p. 151.

116 Ibidem, cite par ROMI (R.): "Les compétences particulieres de la région Corse en matiere d'environnement : Mythe ou réalité ?'' RJE, 1-1998, pp. 5 et ss.

117 KAMTO (M.), op. cit., p. 66.

Section 1 : Les autorités politiques et centrales

Nous envisagerons ici la position des autorités constitutionnelles vis-a-vis de l'environnement (Paragraphe 1) avant d'étudier la charge de l'administration active (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : Les autorités constitutionnelles

Nous verrons ici que les chefs d'Etats d'Afrique Centrale ont un role important et constitutionnellement reconnu en ce qui concerne la ratification des traités et convention internationaux relatifs a l'environnement (A), et que les pouvoirs d'autres autorités constitutionnelles telles que le législateur et le conseil constitutionnel ne sont pas méconnus (B).

A- Le role constitutionnel des chefs d' Etats d'Afrique Centrale

Ce pouvoir des Chef d'Etats en matiere d'environnement découle de leurs prérogatives a négocier et a ratifier les traités et accords internationaux. A l'origine et par le mimétisme institutionnel et législatif, ce pouvoir découle des constitutions francaises successives dont l'article 52 stipule « Le Président de la République négocie et ratifie les traités, il est informé de toute négociation tendant a la conclusion d'un accord international non soumis a ratification >>118.

Prenant a leur compte cette disposition constitutionnelle francaise, la plupart des constitutions d'Afrique Centrale l'amplifient en conférant ainsi des pouvoirs suprêmes aux Présidents des Républiques. C'est notamment le cas du Tchad oil la Constitution du 31/03/1996, révisée en Mai 2004 reprend mutantis mutandis a son l'Article 219 les dispositions de la Constitution française119.

118 Article 52 de la Constitution de la République francaise du 04/10/1958,

119 En effet comme l'article 52 de la Constitution francaise, l'article 219 de la Constitution du Tchad
dispose « Le President de la Republique negocie et ratifie les traites. Il est informe de toute negociation

Au Congo, la Constitution du 20/01/2002 reprend presque les mêmes stipulations en ses articles 178 et 179. Evidemment, la derniere modification de la Constitution du Gabon survenue le 19/08/2003 par la loi n° 13/2003 et de la Constitution de Guinée voisine issue du vote du 28 septembre 1958120, ne sont pas loin de cette mouvance. La Constitution de la République centrafricaine, adoptée a l'issue du référendum du 05/12/2004 est en plein dans cette logique sous-régionale, et parle plus ouvertement de « l'environnement et des ressources naturelles »121. La situation n'est pas différente au Cameroun oil l'article 43 de la Constitution du 02/06/1972 modifié par la loi n° 96/06/ du 18/01/1996 confere les mêmes pouvoirs au Président de la République.

On le voit bien, les Présidents des Républiques d'Afrique Centrale peuvent, a tout moment décider du sort de l'environnement en ratifiant ou pas un traité international y relatif, en concordance avec leurs intérêts. Certes des soubresauts textuels indiquent de part et d'autre l'intervention du législateur et du conseil constitutionnel. Mais ces autorités exercent-elles effectivement leurs pouvoirs ?

B- Les pouvoirs du législateur et du conseil constitutionnel

Dans la quasi-totalité des constitutions des pays d'Afrique Centrale, des pouvoirs certains sont reconnus au législateur et au Conseil constitutionnel en ce qui concerne la ratification des traités et conventions dont l'un d'eux peut intéresser les principes du droit de l'environnement. La Constitution gabonaise par exemple, stipule a ce effet que « Le Président de la République négocie les traités et accords internationaux et les ratifie apres le vote d'une loi d'autorisation par le Parlement et la vérification de leur constitutionnalité par le Conseil constitutionnel. Le Président et les présidents des chambres du Parlement sont informés de toutes négociation tendant a la conclusion d'un accord international non soumis a

tendant a la conclusion d'un accord international nous soumis a ratification ». Il en est pratiquement de même pour les Constitution des autres pays de l'Afrique Centrale.

120 Voir les articles 113 et 114 de la Constitution gabonaise et 77 de la Constitution de Guinée Equatoriale du 28/09/1958.

121 Voir article 69 de la Constitution de la République Centrafricaine du 05/12/2004.

ratification >>122. Au Tchad, la Constitution stipule fort opportunément que « Les traités de paix, les traités de défense, les traités de commerce, les traités relatifs a l'usage du territoire national ou a l'exploitation des ressources naturelles, les accords relatifs a l'organisation internationale, ceux qui engagent les finances de l'Etat ou ceux qui sont relatifs a l'Etat des personnes, ne peuvent être approuvés ou ratifiés qu'apres autorisation du Parlement >>123.

Cette derniere phrase laisse croire que le Parlement pourrait constituer dans ce sens un bouclier ou contrepoids pour le Président de la République qui voudra ratifier un traité nuisible pour l'environnement. Or l'on sait tous dans quelles conditions sont élus les membres des parlements dans les pays d'Afrique Centrale. On sait également qui est le vrai maitre d'orchestre.

Au Cameroun, l'article 44 de la Constitution dispose : « Si le Conseil Constitutionnel a déclaré qu'un traité ou accord international comporte une clause contraire a la Constitution, l'approbation en forme législative ou la ratification de ce traité ou de cet accord ne peut intervenir qu'apres la révision de la Constitution >>. Les constitutions d'autres pays d'Afrique sont dans le même ordre d'idées124. Certaines Constitutions parlent plutot de la Cour Suprême125. La Constitution du Tchad attribue l'initiative de la saisine du Conseil constitutionnel concurremment au Président de la République, au Président de l'Assemblée Nationale ou au Président du sénat126.

122 Article 113 de la Constitution gabonaise issue de la loi n° 1/94 du 18/03/1994 modifiée successivement par la loi 18/95 du 29/09/1995, la loi n° 1/97 du 22/04/1994, les lois n° 14/2000 du 11/10/2000 et 13/2003 du 19/08/2003.

123 Voir article 220 de la Constitution modifiée en Mai 2004.

124 C'est le cas par exemple des articles 78 de la constitution de Guinée, 221 Constitution du Tchad et 183 de la Constitution du Congo.

125 C'est le cas de l'article 78 de la Constitution de Guinnée, mais il faut noter qu'au Cameroun, le conseil constitutionnel n'est pas encore effectif, et que d'ailleurs c'est la Cour Suprême qui statue en ses lieux et place, comme la plupart des institutions issues de la constitution du 02/06/1972 modifiée le 18/01/2006. Voir article 67(1) qui dit que les nouvelles institutions de la République prévues par la présente Constitution seront progressivement mises en place. (2) Pendant leur mise en place et jusqu'a cette mise en place, les institutions de la République actuelles demeurent et continuent de fonctionner.

126 Article 221 de la Constitution du Tchad 31/03/1996, révisée en Mai 2004.

Paragraphe 2 : L'administration active

La manifestation la plus évidente des principes du droit de l'environnement dans les législations d'Afrique Centrale est celle qui résulte de l'adoption par les pouvoirs publics compétents de dispositions législatives ou reglementaires pour transposer en droit interne des normes internationales souscrites par les pays. Dans son role qui est celui de mettre en application la politique de la nation telle que définie par le Président de la République127, le Gouvernement est chargé de ce fait d'appliquer les conventions et traités internationaux de protection de l'environnement. Il s'agit généralement des Ministres en charge de l'environnement (A), des Ministres de la santé et assimilés (B).

A- Les Ministres en charge de l'environnement

Le mouvement des indépendances n'a pas mis fin a cette situation qu'il a au contraire amplifié. De fait, depuis la conférence de Rio de Janeiro ouvert du 03 au 14 Juin 1992, les Etats d'Afrique centrale font bon étalage de leur bonne intention écologique. Tous ou presque ont créé des Ministeres de l'environnement128 aux compétences résiduelles. Lorsqu'ils sont ainsi reconnus en droit interne selon une technique appropriée, les principes de prévention et de précaution ont des effets précis. Le principe de précaution par exemple est appelé a jouer un role fondamental dans le processus de prise de décisions des autorités publiques. Quant au principe de prévention et grace a la certitude qui est démontrée, la dégradation de l'environnement peut être empêchée ou mitigée par une intervention a la source des nuisances. En effet, les Ministeres de l'environnement ou assimilés exercent des pouvoirs de réglementation, d'autorisation et de contrôle a l'endroit des activités susceptibles de générer des risques potentiels pour l'environnement ou la santé humaine. L'adhésion au principe de précaution oriente le processus décisionnel des pouvoirs publics vers une démarche

127 Il s'agit d'une disposition constitutionnelle. Voir notamment les articles 11(1) de la Constitution du Cameroun; 37 de la Constitution de Guinée et 8(2) de la Constitution du Gabon.

128 Pour plus de détail, voir DMOTENG KOUAM (E.), op. cit., p. 46.

d'anticipation des risques qui nécessite que soit prise en compte l'incertitude scientifique et que soient évalués les risques incertains qu'elle recouvre. Cette démarche devrait conduire l'administration publique a adopter l'une des trois options possibles : autoriser l'activité malgré les risques éventuels qu'elle comporte pour l'environnement ou la santé humaine, autoriser l'activité en l'assortissant de modalités d'exercice de fa~on a limiter et a circonscrire ces risques ou encore interdire l'activité lorsque les risques potentiels impliqués apparaissent inacceptables, étant entendu dans tous les cas que la décision prise reste révisable pour tenir compte de l'évolution des connaissances scientifiques129.

Si donc le Ministere en charge de l'environnement applique cette démarche, il ne saurait en être autrement pour le Ministere de la santé et bien d'autres, qui n'en font pas moins partie de l'administration active.

B- Le Ministre de la sante et les autres Ministres

Les préoccupations relatives a la protection de l'environnement et a la préservation de la santé des populations sont au centre du dispositif et communes a chacun de ces domaines. Un seul élément, a lui seul ne constitue pas l'environnement urbain, mais tous y participent. Il est nécessaire de situer l'ensemble au regard des enjeux réels qui sont planétaires et locaux130. Les administrations coloniales étaient critiquées pour leur concentration, leur arrogance, leur priorité pour les produits de rente, leur exploitation anarchique des ressources. L'apparition d'une administration d'Etat spécialisé dans la protection de l'environnement est récente et mal adaptée. On a pu dire que « ses moyens sont a tout prendre, plus proche de la fronde de David que de la force de Goliath >>131. Le Ministere de la santé dispose d'un comité d'évaluation des effets des catastrophes sur la santé ainsi que des besoins rendus nécessaires a cet effet.

129 TRUDEAU (H.), op. cit., p.9

130 DROBENKO (B) : Environnement urbain et union Européenne, in vers un droit de l'environnement urbain, p. 51.

131 ROMI (R.), L'administration et les acteurs du droit de l'environnement : l'exemple francais, cours polycopié de tronc commun n° 3 en Master 2, op. cit., p. 5.

Le Ministre de la défense, s'est vu confier quant a lui, la gestion du corps des sapeurs pompiers, détaché des municipalités pour des raisons d'efficacité. Au sein de l'armée de l'air existe par ailleurs une unité anti-incendie et a la police nationale plusieurs brigades anti-émeute132. C'est certainement pour cela que des prérogatives sont dévolues a d'autres ministeres.

Au Cameroun par exemple, le Décret n° 95-232 du 06/11/1995 de ce pays situé au coeur de l'Afrique Centrale et portant organisation du Ministere de l'Administration territoriale, créé au sein de ce dernier une direction de la protection civile, chargée entre autres de l'organisation de la protection civile sur l'ensemble du territoire national. Par précaution et pour prévenir toute déconvenue préjudiciable a l'environnement et a la santé publique, le Ministere des Mines a effectué a ce jour un recensement des zones a risques sur l'ensemble du territoire et a participé aux expérimentations sur le dégazage du Lac Nyos et du Lac Monoun. La cartographie des risques élaborée permet de localiser les zones susceptibles d'être affectées par les catastrophes aux fins de prévention et d'intervention.

Section 2 : Les autorités locales

La question ici est celle de savoir si, en dehors de la grande machine étatique centrale de puissance publique ayant les missions régaliennes et dotée de gigantesques moyens, d'autres entités peuvent jouer le role qui est le leur quant a l'application des principes de prévention et de précaution. Car l'Etat demeure le garant - et la derniere garantie - du respect de l'environnement en liaison avec le juge133. Cette préoccupation semble avoir été soupesée par le législateur camerounais. En effet, la loi camerounaise dispose « Le Président de la République définit la politique nationale de l'environnement. Sa mise en oeuvre incombe au gouvernement qui l'applique de concert avec les collectivités territoriales

132 BOMBA ( C-M), op. cit., p. 367

133 ROMI (R.), Droit et administration de l'environnement, op. cit., p. 240.

decentralisees, les communautes de base et les associations de defense de l'environnement »134. Faut-il se cacher derriere cette belle affirmation legislative et anesthesier le role essentiel que peuvent jouer les autres composantes de la societe ? La reponse a cet enigme ne saurait être positive s'il fallait automatiquement en produire une, eu egard notamment aux interets en presence. Ainsi, nous envisagerons d'abord les autorites decentralisees et les autorites deconcentrees (Paragraphe 1) ; ensuite les autres acteurs qui participent a l'application des principes de prevention et de precaution (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : Les autorités décentralisées et les autorités déconcentrées

Il convient pour la bonne forme, d'etudier les pouvoirs des collectivites locales decentralisees (A) avant d'envisager les pouvoirs de police du Prefet (B).

A- L'application du droit international de l'environnement par les Maires et Delegues du gouvernement

Dans les pays africains, le cadre classique de l'administration de l'environnement etait marque par une inflation institutionnelle. A l'eclatement normatif correspondait, dans presque tous les pays, une fragmentation institutionnelle qui soulevait et souleve encore, entre autres problemes, celui des conflits de competence dus aux chevauchement des missions, et celui de la coordination sectorielle135. Au niveau local, les collectivites locales avaient et ont toujours une responsabilite importante dans la gestion de l'environnement notamment en milieu urbain oil elles s'occupent en particulier de la gestion des dechets

134 Article 3 de la loi n° 96/12 du 5 aout 1996 portant loi-cadre relative a la gestion de l'environnement au Cameroun.

135 DOUMBE-BILLE (S.): « Evaluation des institutions et des moyens de mise en oeuvre du droit de l'environnement et du developpement » RJE, 1993-1 ; cite par KAMTO (M.), op. cit., p. 105.

menagers, du probleme des nuisances de toutes sortes et de l'esthetique generale des centres urbains136.

Ainsi, dans la sous region Afrique Centrale, la societe de droit camerounais denommee Hygiene et Salubrite du Cameroun (HYSA CAM), specialisee dans la gestion des dechets menagers, et qui fetait en 2009 ses quarante ans de bons et loyaux services aux collectivites locales, est la reference en son domaine au

Cameroun et, desormais, au-dela. En effet « Nous recuperons 3 000 tonnes
d'ordures par jour dans une dizaine de villes, dont 1 200 tonnes a Douala et 1 100 a

Yaounde » indique Madame Suzanne Kala-Lobe, porte-parole d'Hysacam. Depuis un an, l'entreprise exporte son savoir-faire. Elle a decroche le marche du ramassage et du traitement des ordures de Niamey, la capitale nigerienne beneficie desormais d'un systeme de collecte moderne, avec des bennes a compaction qui recuperent 500 tonnes de dechets par jour. Depuis aofit 2009, Hysacam soulage aussi quotidiennement la capitale tchadienne, N'Djamena, du meme volume d'ordures137. Les chiffres de cette structure en disent d'ailleurs long sur ses objectifs en ce qui concerne l'assainissement de l'environnement urbain en Afrique Centrale. En effet, avec plus de quarante ans d'experience, HYSA CAM desert au Cameroun les villes de Douala, Yaounde, Bafoussam, Limbe, Kribi, Maroua, Garoua, Ngaoundere, Edea, Bangante, Bangou. En Afrique Subsaharienne, elle opere dans deux villes de deux pays dont Niamey au Niger et Ndjamena, la capitale Tchadienne. Ses effectifs sont estimes en 2009 a 4000 employes avec une trentaine de cadres nationaux et internationaux (ingenieurs, specialistes d'horizon divers). Le materiel de travail est constitue de 400 camions, 30 engins, 04 balayeuses mecaniques et plus de 5 000 recipients de collecte138.

136 KAMTO (M.), op. cit., p. 106.

137 Pour plus de detail, voir http://www.jeuneafrique.com/Articles/Dossier/ARTJAJA2551p086 .xml1/ environnement-ville-dechet-hysacamhysacam-un-modele-pour-la-proprete-urbaine.html, consulte le 29/07/2010.

138 http://www.hysacam-proprete.com/index.php?mod=entreprise&vg=4, consulte le

29/07/2010.

L'amélioration du cadre de vie en zone urbaine et rurale passe nécessairement par des opérations d'assainissement du milieu notamment, l'évacuation et le traitement des eaux usées. Pour ce qui est de la lutte antivectorielle, l'hygiene de l'habitat, l'hygiene industrielle, les municipalités doivent prendre conscience de l'importance de la défense de l'environnement et se doter des moyens indispensables pour y apporter des solutions idoines139 et proposer ainsi des mesures d'amont en aval a toute dégradation du milieu. Les missions de police municipale couvraient un champ tres vaste. Or les moyens dont dispose la Commune pour assurer la protection des citoyens sont déficients. Dans la pratique, l'action municipale en matiere de police est beaucoup plus préventive, et persuasive que répressive. En effet le Maire détient personnellement, le pouvoir de police municipale et l'exerce « sous surveillance » de l'autorité administrative. Le pouvoir reglementaire s'exerce par la voie d'arrêts municipaux qui doivent être compatibles avec les reglements d'ordre supérieur140.

Le service public de l'assainissement par exemple est assuré partiellement par les Communes. On entend généralement par assainissement, la collecte et le traitement des eaux de pluies et des eaux usées. On distinguera toutefois le drainage qui consiste a collecter les eaux de pluies par l'intermédiaire d'un systeme collectif et l'assainissement qui concerne l'évacuation des eaux usées (Eaux ménageres) et des eaux vannes (excréta) par des systemes collectifs ou individuels, avec ou sans traitement avant rejet dans le milieu naturel141.

C'est dire a l'éclairage de ce qui précede que, si les autorités décentralisées en l'occurrence le Maire et le Délégué du gouvernement ont la faculté d'appliquer le droit de l'environnement, ils ne peuvent le faire qu'en cohérence de la politique générale du gouvernement qu'incarne vis-à-vis du Maire notamment, le Préfet qui, en la matiere, a un pouvoir central dans la circonscription.

139 KOM T CHUENTE (B.): Développement communal et gestion urbaine au Cameroun, les enjeux de la gestion municipale dans un systeme décentralisé, éditions CLE, Yaoundé, 1996, p. 137.

140 Ibid., p. 67.

141 Ibid., p. 142.

B- Le role central du Préfet en matiere de protection de l'environnement

D'une maniere générale, les problemes d'environnement rencontrés en milieu urbain et en milieu rural sont, la gestion des déchets, l'eau, les nuisances, la pollution, la gestion de la valorisation des for4ts et de la biodiversité, la protection des écosystemes marins et cotiers. Il est a cet effet intéressant de mesurer combien le Préfet, malgré la décentralisation détient un grand nombre de pouvoirs en matiere de protection et d'administration de l'environnement, que ne remettent que peu en cause les récentes évolutions. Soit il se voit reconnaitre -ou plut(t l'Etat possede, mais il « personnifie » l'Etat- le monopole de mise en oeuvre effective de ces procédures, soit il intervient a un titre ou a un autre dans ces procédures, qu'elles soient entamées a l'initiative des personnes privées ou de collectivités locales. Il a également des pouvoirs importants en matiere de police, qui font de lui une piece importante du dispositif francais d'administration de l'environnement142.

En France justement d'oil est calquée la quasi-totalité des législations d'environnement des pays de l'Afrique Centrale, la loi d'orientation agricole du 07/07/1999 conforte entre autres les pouvoirs de l'autorité administrative et notamment du Préfet et des vétérinaires inspecteurs en matiere de suite a donner en cas de constatation d'un manquement a la réglementation en permettant au premier de mettre en oeuvre des fermetures administratives de tout ou partie des établissements ; au second d'ordonner, sur une base législative des opérations diverses destinées a améliorer la sécurité sanitaire des aliments143.

A propos du role du Préfet en matiere d'environnement en Afrique, la loi n° 96/12 du 5 aotit 1996 portant loi-cadre relative a la gestion de l'environnement au Cameroun dispose : « En vue de limiter ou de prévenir un accroissement prévisible de la pollution atmosphérique a la suite notamment de développements industriels et humains, d'assurer une protection particuliere de l'environnement, ainsi que de préserver la santé de l'homme, des zones sensibles

142 Voir ROMI (R.), op. cit., p. 173.

143 GALIBERT (T.), op. cit., 68

peuvent etre créées et délimitées sur proposition du Préfet territorialement compétent par arreté conjoint des Ministres chargés de l'environnement, de la santé publique, de l'administration territoriale et des mines. Le Préfet peut instituer des procédures d'alerte a la pollution atmosphérique, apres avis des services techniques locaux compétents »144.

La position du Préfet est la conséquence logique de la conjonction entre l'augmentation de ses pouvoirs en 1982 en France (la décentralisation est allée de pair, on le sait, avec une clarification et une augmentation des pouvoirs de ces « Délégués du gouvernement », représentant(s) direct(s) du Premier Ministre et de chacun des Ministres, « dépositaire(s) de l'autorité de l'Etat »145 et de la traditionnelle méfiance envers les collectivités locales en matiere d'environnement. Autant dire donc qu'ils sont incontournables : tant en matiere de protection de la nature, qu'en matiere de la gestion de la faune..., quand ils interviennent en tant qu' autorités de police. Pour le reste, ils servent le plus souvent de relais, mais n'en perdent pas pour cela leur place centrale, meme s'ils ne sont pas titulaires de pouvoirs de décision.

De fa~on générale dans les Etats d'Afrique Centrale et pour ce qui est des installations classées, les établissements de premiere et deuxieme classe sont soumis a autorisation. L'autorité habilitée a délivrer cette autorisation varie suivant les pays, Ministre chargé des établissements dangereux, insalubres et incommodants au Cameroun depuis l'article 3 du Décret de 1976 ; Ministre chargé de l'industrie, des petites et moyenne entreprises et de l'environnement en Guinée (article 72 et 70)146. Ainsi érigé en « délégué du gouvernement » et par conséquent de chacun des Ministres, le Préfet est l'autorité locale centrale chargée d'appliquer le droit de l'environnement dans la circonscription. Il incarne ce role essentiel de l'Etat qui est de planifier et de coordonner ; il n'est la qu'un relais, soit en vertu

144 Article 22 alinéas 3 et 4 de la loi n° 96/12 du 5 aoftt 1996 portant loi-cadre relative a la gestion de l'environnement au Cameroun

145 Cité par ROMI (R.) : Droit et administration de l'environnement, op. cit., p. 173.

146 KAMTO (M.), op. cit., p. 339.

des textes, soit en vertu des pratiques administratives147. En effet, en fin de compte, le pouvoir hiérarchique central, soit qu'il est saisi par le Préfet, soit parce qu'il est seul compétent en vertu des textes existants, a souvent le dernier mot.

Paragraphe 2 : Les autres acteurs

Les administrations publiques et les autres institutions concernées par la conservation de la nature ont pendant longtemps considéré que la délimitation de sites protégés a l'intérieur desquels toutes les formes d'exploitation seraient interdites, suffirait a garantir une bonne conservation des ressources naturelles. Cette fa~on de procéder reste certainement le seul moyen véritablement efficace pour assurer la protection de certains sites en situation critique ou d'importance fondamentale. La réalité cependant nous conduit aujourd'hui a penser que la conservation de la nature ainsi que l'exploitation durable des ressources renouvelables ne sont possibles qu'avec la participation responsable du plus grand nombre. De cette conviction est née la notion de gestion participative, laquelle peut être définie comme un processus dynamique permettant aux populations locales de contribuer a la conception et a la mise en application des programmes d'action visant la conservation de la biodiversité148.

La mise en oeuvre de cette approche de conservation doit tenir compte des caractéristiques propres a chaque région ou groupe de population. Elle passe avant tout par la connaissance et donc par un régime d'information, postérieure ou concomitante, mais aussi et surtout préalable a la prise de décision ; elle passe ensuite par la mise en place de mécanismes de participation authentique aux choix. On a de ce point de vue estimé que les associations et les ONG sont les

147 ROMI (R.), Droit et administration de l'environnement, op. cit., pp. 176 et s.

148 FOTSO (R. C.); COMPAGNON (D.) et CONSTANTIN (F.) - Sous la direction de- : Risques écologiques, projets intégrés et préoccupations locales, in Administrer l'environnement en Afrique, Karthala - IFRA, 2000, p. 241.

institutions idoines pour répercuter a qui de droit, les opinions des citoyens149. Sur ces derniers points, en matiere de gestion et de protection de l'environnement, le role des associations et l'appel ou le recours a des personnes privées y est peut'étre plus frequent et en tout cas plus divers que dans d'autres domaines (A)150. Mais celui des Organisations Non Gouvernementales (ONG) l'est certainement encore plus (B).

A- Les associations et les personnes privées

C'est l'Agenda 21151 dont les dimensions sociales se concrétisent surtout par un appel a la mobilisation et a l'implication du plus grand nombre possible d'acteurs sociaux (des femmes aux syndicats en passant par les jeunes et les associations), qui reconnait leur place a cette categorie d'acteurs de la protection de l'environnement. Comme l'écrit opportunément un auteur : « L'opinion publique joue egalement un role de surveillance dans l'application des regles établies. Le role des associations environnementales dans l'application du droit de l'environnement ne fait pas de doute que ce soit au plan national et m'éme au plan international : il s'agit au minimum d'un travail de sensibilisation et d'information du public, servant souvent a mettre en cause les pouvoirs publics face a une carence d'information, de prevention ou m'éme d'action suite a une catastrophe »152.

Cependant continue cet auteur plus loin, Une exclusion formelle de cette categorie
serait percue par beaucoup comme "une raison majeure de l'ineffectivité de ce droit''.
En effet, conclut-il, si nombre d'instruments consacrent la protection de

149 GN'NTEDEM LOWE (P. J.): "Les ONG et la protection de l'environnement en Afrique Centrale, Memoire de Master 2 en Droit international et compare de l'environnement, Universite de Limoges, Juillet 2003, p. 8.

150 ROM' (R.) : L'administration et les acteurs du droit de l'environnement: l'exemple francais, cours polycopie de Master 2 en Droit international et compare de l'environnement, Universite de Limoges, 2009-2010, p. 5.

151 Le plan d'action "Agenda 21" (Action 21) adopte par les Chefs d'Etats lors du Sommet de Rio de Janeiro ouvert du 03 au 14 Juin 1992 consacra ses chapitres 24 a 27 a la participation des jeunes, des femmes, des associations et des ONG a un developpement durable et equitable.

152 MAZAUDOUX (O.), op. cit., p. 30.

l'environnement comme un intérêt supérieur de l'humanité, il faut bien se résoudre a accorder une place aux Etats bien stir, mais également aux populations, individus et personnes morales153. Quoi qu'on dise, l'environnement ou sa protection intéresse au premier chef, tout d'abord l'individu qui de ce fait devrait également être le premier et le meilleur protecteur de l'environnement. Ce n'est donc pas incongru quand la Déclaration de Rio stipule que « La meilleure fa~on de traiter les questions d'environnement est d'assurer la participation de tous les citoyens concernés, au niveau qui convient. Au niveau naturel, chaque individu doit avoir dument acces aux informations relatives a l'environnement que détiennent les autorités publiques, y compris aux informations relatives aux substances et activités dangereuses dans leurs collectivités, et avoir la possibilité de participer aux processus de prise de décision. Les Etats doivent faciliter et encourager la sensibilisation et la participation du public en mettant les informations a la disposition de celui-ci... »154. L'information et la participation des citoyens et des ONG en matiere d'environnementale se sont tellement généralisées ces dernieres années que le principe 10 de la Déclaration de Rio est en voie d'être codifié puisque les Etats ont décidé d'en faire, au moins a l'échelle européenne une véritable convention internationale155

La Convention africaine sur la conservation de la nature et des ressources naturelles de Juillet 2003 reconnait quant a elle des droits procéduraux notamment le role du public dans son article XVI en ces termes : « 1. Les parties contractantes adoptent les mesures législatives et reglementaires nécessaires pour assurer a temps et de maniere précise :

a) La diffusion d'informations sur l'environnement

b) L'acces du public aux informations sur l'environnement

c) La participation du public a la prise de décisions pouvant avoir un impact important sur l'environnement... ».

153 Ibidem, p. 59.

154 Principe 10 de la Déclaration de Rio précitée.

155 PRIEUR (M.) et alt., « L'information, la participation et l'évaluation environnementale », cours audio-visuel de tronc commun de Master 2 en Droit international et comparé, Université de Limoges, 2009 - 2010.

Ces dispositions sont pour l'essentiel reprises en droit national en Afrique Centrale156. On imagine bien comme d'ailleurs l'indiquent ces diverses dispositions, que ce droit d'acces a l'information, permet a chaque citoyen de demander des informations en matiere environnementale sans avoir a justifier d'un intérêt particulier157. Etant ainsi nantis des informations de derniere minute sur l'état de l'environnement, le public qui est touché, ou risque de l'être par les décisions, dispose de tous les atouts pour déclencher des processus de prévention ou de précaution selon le cas.

B- Les Organisations Non Gouvernementales (ONG)158

Les Organisations Non Gouvernementales (ONG) peuvent être entendues comme tout groupement, mouvement ou association constituée de fa~on durable par des individus ou des personnes morales appartenant a un même Etat ou a des Etats différents en vue de la poursuite de buts non lucratifs159. Ces organisations constituent la forme collective, la sensibilité collective, l'émanation collective de la société civile internationale160. Au dela de leur dénominateur commun qui est la défense de l'environnement, les ONG se caractérisent par une grande hétérogénéité161. Si ces organisations sont des acteurs relativement récents de la vie internationale, les premieres ONG de l'environnement sont des organisations militantes, tres actives et tres présentes sur le terrain. A l'origine elles sont intransigeantes et refusent toute collaboration avec l'Etat. Aujourd'hui, les ONG vertes oeuvrent dans bien des cas de concert avec les pouvoirs publics dont elles

156 Voir par exemple l'article 9 al. e de la loi camerounaise n° 96/12 du 05/08 1996 précitée.

157 MAZAUDOUX (O.), op. cit., p. 50.

158 Pour plus en details du role des ONG d'environnement en Afrique Centrale, lire GNINTEDEM LOWE (P. J.), op. cit.

159 KAMTO (M.), op, cit., p. 381

160 DOUMBE BILLE (S.) et alt.., « Les acteurs du Droit International de l'Environnement », cours vidéo de tronc commun en Master 2 par satellite (ENVIDROIT) en Droit International et Comparé de l'Environnement de l'Université de Limoges, 2009-2010.

161 MOHAMED (A.M.) et alt.., « Les acteurs du Droit International de l'Environnement », cours vidéo de tronc commun en Master 2 par satellite (ENVIDROIT) en Droit International et Comparé de l'Environnement de l'Université de Limoges, 2009-2010

prolongent ou completent l'action sur le terrain162. Une fois encore, Agenda 21 consacre tout un chapitre au phénomene ONG163. Depuis lors jusqu'a nos jours, l'influence des ONG s'est faite progressivement et dans l'application d'instruments internationaux protégeant l'environnement. De plus en plus souvent, les ONG participent activement a l'élaboration des textes internationaux, soit en soumettant aux réunions officielles des projets et des propositions, soit en assistant aux négociations a titre d'observateurs ou même parfois en tant que membres de délégations nationales, soit enfin, en surveillant l'exécution par les Etats des engagements qu'ils ont pris164. Face a cette avancée remarquable des ONG dans l'arene internationale, on a pu parler de « révolution participative » en droit international de l'environnement165.

En tout état de cause les ONG jouent plusieurs roles en ce qui concerne la protection de l'environnement, notamment un role effectif de prévention des risques environnementaux. Cette prévention se concrétise par l'alerte dont les ONG n'en font pas l'économie pour sensibiliser aussi bien les décideurs (1) que le grand public (2).

1) L'alerte vis-à-vis des décideurs

Pour que le droit de l'environnement soit « un droit de conciliation, un droit consenti plut(t qu'imposé »166, les décideurs doivent être constamment informés des besoins réels des populations en la matiere. Les ONG disposent ainsi de diverses techniques pour alerter les décideurs. Elles ont de ce point de vue développé aussi bien une capacité d'influence exceptionnelle que des milliers de données et informations primordiales sur l'état de l'environnement et sur les enjeux écologiques majeurs susceptibles d'éclairer les pouvoirs publics. Ces

162 KAMTO (M.), op. cit., p. 381 ;

163 Agenda 21 consacra tout le chapitre 27 au « renforcement du role des 0rganisations Non Gouvernementales : Partenaires pour un développement durable ».

164 KISS (A.) ; BEURIER (J.P.), op. cit., p. 100.

165 MEKOUAR (M.A.) et alt.., op. cit.

166 KAMTO (M.) , op. cit., p. 76.

informations sont communiquées aux autorités, selon la notoriété et les moyens de l'ONG par des voies diverses, comptes rendu, etc. Ce role d'alerte met également a la charge des ONG le devoir moral de dévoiler des atteintes a l'environnement ou de dénoncer des risques de dommages écologiques a savoir la disparition des especes sauvages menacées d'extinction. L'alerte peut aussi prendre la forme d'une revendication contentieuse a l'occasion d'action en justice que les ONG peuvent intenter au titre de la défense de l'environnement sans avoir nécessairement a établir l'existence d'un intérêt direct et personnel a agir167. Les ONG travaillent par ailleurs pour beaucoup d'entre elles sur le terrain et donc plus proches des populations. Elles sont de ce fait bien placées pour faire remonter des informations recueillies au niveau des décideurs sur le territoire de chaque Etat dans lequel elles interviennent.

2) L'alerte vis-à-vis du public

Le fait pour les ONG de posséder et diffuser des informations crédibles fiables et vérifiables sur l'état de l'environnement est le moyen le plus sir pour elles de faire souscrire un plus grand nombre d'adhérents possible a la cause environnementale. Ceci parce que en droit de l'environnement comme ailleurs, la démocratie participative n'a d'autre base objective que la majorité. Les ONG disposent de tous les moyens de diffusion possibles a savoir les publications d'importants documents a travers divers créneaux et surtout l'emploi judicieux des masses médias modernes168. Elles initient aussi des séminaires sur les questions d'environnement ainsi que les ateliers de formation. En outre, elles organisent de grandes campagnes de sensibilisation et de dénonciation d'atteintes portées a l'environnement. Dans l'ensemble l'on doit dire que le pouvoir d'information et de sensibilisation du public par les ONG répond a l'obligation qui pése sur les Etats de mettre a la disposition des citoyens des informations qu'ils détiennent relatives a l'environnement. Cet accés du public a l'information sur l'environnement est posé sur le plan général par l'article 10 de la Déclaration de Rio puis repris, amélioré et amplifié par

167 MEKOUAR (M. A.) et al., op cit.

168 Voir par exemple http://decouverte.wwf.fr

d'autres textes ultérieurs du Droit International de l'Environnement169. Les ONG apparaissent alors comme « le relais privilégiés »170 pour collecter les informations auprés des pouvoirs publics et pour faire remonter vers eux les renseignements recueillis auprés des administrés.

169 Voir par exemple article 2, mais surtout article 4 de la Convention d'Aarhus du 25/06/1998 precite.

170 MORAND-DEVILLER a.), Le droit de l'environnement, PUF, 5e edition, 2002, p. 24, cite par GNINTEDEM, op. cit., p. 16.

Premiere conclusion partielle

Aux termes de cette étude sur l'application par les autorités administratives dans les Etats d'Afrique Centrale des principes de prévention et de précaution, nous faisons le constat d'au moins deux choses essentielles : la Première tient a ce que la protection de l'environnement est le leitmotiv qui commande la mise en place des mesures de prévention et de précaution.

La deuxième est que l'application de ces principes constitue la chasse gardée des autorités administratives centrales qui ont la latitude de transférer certaines de leurs compétences aux autorités déconcentrées et locales, en étant en même temps arbitres de l'utilisation de ces nouveaux pouvoirs. Heureusement qu'on peut compter sur le role non négligeable des acteurs de la société civile tels que les associations, les personnes privées et les ONG. Ceux-ci servent valablement de relais entre les pouvoirs publics et les administrés et vice versa, role véritablement actif, tant et si bien qu'il permet parfois d'en appeler l'application par les autorités juridictionnelles.

Deuxième partie :

L'application des principes de prevention et de precaution par les autorités juridictionnelles d'Afrique Centrale

Si les premieres organisations d'integration africaines, dites de premiere generation171, se sont caracterisees par l'inter gouvernementalisme et la predominance du reglement politique des differends, les organisations les plus recentes se caracterisent par la supranationalite172 et la predominance du droit dans le traitement des questions relevant de la competence des Unions. Cette part de plus en plus prise par le droit dans le traitement des differends communautaires s'est accompagnee par l'institution d'organes juridictionnels communautaires charges de dire le droit grace a diverses regles d'organisation et de procedure.

L'integration ne pouvant être realisee que si le droit communautaire est respecte par ses principaux destinataires, les Etats membres de la CEMA C, creee a la suite de l'UDEA C, ont decide d'adapter la nouvelle organisation au nouvel environnement international en consacrant l'idee de limite a la souverainete

171 Au lendemain des independances, les pays africains en general et ceux de l'Afrique centrale en particulier ont tres vite manifeste leur volonte de se regrouper. Le Professeur NARCISSE MOUELLE KOMBI estime que « L'Union Douaniere Equatoriale creee le 23 juin 1959 entre les pays de l'ancienne AEF, l'Union Douaniere et Economique de l'Afrique Centrale creee par le Traite du 8 decembre 1964 revise en 1966 et 1974, la CEEAC, la Communaute Economique des pays des Grands Lacs (CEPGL), sont autant de configuration de cette realite », cf. NARCISSZE MOUELLE KOMBI, « L'integration regionale en Afrique centrale: entre interetatisme et supranationalisme », in: L'integration regionale en Afrique centrale: bilan et perspective, HAKIM BEN HAMMOUDA, BRUNO BEKOLO EBE, TOUNA MAMA, (dir.), prefaces de AMOAKO, MARTIN ARISTIDE OKOUDA, JEAN KUETE et SYLVAIN GOMA, Paris, Karthala, 2003, pp 205 et 206., cite par Gabriel Marie CHAMEGUEU : « Le controle juridictionnel des activites de la CEMAC », Memoire de DEA, Universite de Douala, -consulte sur http://www.memoireonline.com/08/09/2487/m_Le-contrle-juridictionnel-des-activites-de-laCEMA C7.html.

172 La supranationalite signifie que les Organes ou Institutions communautaires sont independants des Etats membres. Dans le cadre de la CEMA C, la Cour de Justice est l'une des institutions qui marquent sa supranationalite. Cf. JAMES MOUANGUE KOBILA, Cours polycopie de droit institutionnel de la CEMAC, cours de premiere annee de doctorat, 2005, FSJP des universites de Dschang et de Douala, disponible a la bibliotheque de recherche de l'Universite de Douala, p. 3.

étatique et d'un controle juridictionnel sur les activités communautaires des Etats membres et des Organes et Institutions de la CEMA C.

Puisque la logique de l'intégration est associée a l'idée de transfert de souveraineté a des institutions supranationales, on ne doit pas pour autant oublier qu'elle comporte d'autres aspects tout aussi importants: La soumission des décisions étatiques (individuelles ou collectives) a l'empire du droit, l'octroi des pouvoirs de controle a des organes judiciaires, la possibilité pour les personnes privées de s'immiscer dans les rapports inter étatiques en soumettant a ces organes les litiges qui affectent leurs intérêts. Ces éléments constituent le terreau politico institutionnel dans lequel a pu se développer l'intégration européenne173. Il s'agit en réalité non seulement d'assigner certaines limites a la liberté des Etats, mais aussi de prévoir la possibilité de controle destiné a assurer l'effectivité de ces principes.

L'intégration ne consistant pas a fondre les Etats dans une structure étatique commune, mais a les regrouper au sein d'une organisation dotée de la personnalité juridique internationale et bénéficiant d'un transfert de compétences de la part des Etats174, chaque organe ou institution communautaire ne reçoit qu'une compétence d'attribution. La remise en cause du primat de la souveraineté étatique étant la clé de vofite du systeme européen d'intégration régionale, la soumission des Etats au droit communautaire a pour corollaire la création des « juridictions internationales »175 chargées de veiller a la mise en oeuvre des principes supérieurs définis par les textes de base. En instituant un controle juridictionnel sur les activités de la CEMA C, son Traité institutif a jeté les bases

173 Cf. RENAUD DEHOUSSE, « Naissance d'un constitutionnalisme transnational », in: Les Cours europeennes de Luxembourg et Strasbourg, Pouvoirs n° 96, 2001, p. 19., cité par Gabriel Marie CHAMEGUEU, op. cit., ibidem.

174 Cf. JEAN CHARPENTIER, Institutions internationales, Mémentos Dalloz, 1999, 14eme édition, pp. 64 et 65., cité par Marie CHAMEGUEU, op. cit., ibidem.

175 Les juridictions communautaires, bien que pouvant etre qualifiées de juridictions internationales dans un sens large, se distinguent de ces dernieres et se rapprochent de plus en plus des juridictions étatiques. Cf. BENJAMIN BOUMAKANI, « Les juridictions communautaires en Afrique noire francophone: La Cour de Justice et d'arbitrage de l'OHODA, les Cours de Justice de l'UEMOA et de la CEMA C », Annales de la faculte des sciences juridiques et politiques(FSJP) de l'LIniversite de Dschang, Tome 3, PUA, 1999, p. 70.

d'une société nouvelle dans laquelle ce qui se passe a l'intérieur des Etats peut être controlé par des organes juridictionnels supranationaux, et oil des voies de recours sont prévues pour permettre a l'individu de se protéger contre l'arbitraire.

En effet, la finalité de toute norme juridique est de satisfaire les fins supérieures du droit via la possibilité de recourir a une institution ou mieux a une autorité chargée de controler et de sanctionner les faits sociaux. Comme les normes des autres branches du droit, celles du droit de l'environnement ne sauraient échapper A cette logique. C'est d'ailleurs dans cette mouvance qu'il existe des juridictions au niveau de la sous-région Afrique Centrale pour garantir le controle des principes du droit de l'environnement ( Chapitre 1) même si ce controle juridictionnel ne va pas sans entraves ( Chapitre 2).

Chapitre 1 : L'existence des juridictions comme gage de l'application de ces principes

Le modele référentiel de justice communautaire européenne a servi de source d'inspiration pour la mise en place des systemes juridictionnels communautaires africains176. Les traits essentiels du modele européen ont été intégrés au modele CEMA C non sans être accompagnés des adaptations locales. Si les juridictions nationales sont dans le cadre européen comme dans le cadre de la CEMA C les juridictions communautaires de droit commun, la singularité de la CEMA C se trouve au niveau de l'organisation de son Institution juridictionnelle qu'est la Cour de Justice.

Apres plusieurs décennies, l'heureuse formule de Jaan Pierre RIVERO reste difficilement réfutable. D'apres l'auteur, « la crainte du juge est un commencement de la sagesse ». Le célèbre auteur voulait certainement dire que l'existence des juridictions ou la seule présence du juge suscite la crainte. La nature des juridictions (Section 1) dotées de compétences spécifiques en matiere de protection de l'environnement (Section 2) conforte d'ailleurs cette idée.

Section 1 : La nature des juridictions en presence

Dans la sous région Afrique Centrale, il existe les juridictions internes ou nationales et une juridiction supranationale ou sous-régionale.

La juridiction sous-régionale est l'outil idéal de mise en oeuvre du principe de primauté qui signifie que la norme communautaire prévaut sur le droit national et implique qu'en cas de conflit interne entre une norme communautaire et une norme interne, l'application de la seconde soit écartée au profit de la premiere.

176 Les Cours de Justice de la CEMA C, de l'UEMOA et du COMESA sont inspirées de la CJ CE. Cette filiation au modele européen apparait tant au niveau de leur organisation interne, leurs compétences et leurs regles de procédure. Cf. Conventions et Actes additionnels régissant et organisant la Cour de justice de la CEMA C.

L'application immédiate et directe resterait lettre morte si un Etat pouvait s'y soustraire par un acte législatif opposable aux textes communautaires.

C'est la Cour de justice des Communautés Européennes qui a posé solennellement ce principe pour la premiere fois dans l'arrêt Costa en affirmant, par une formule synthétique et dense, qu' « issu d'une source autonome, le droit né d'un traité ne pourrait, en raison de sa nature spécifique originale, se voir judiciairement opposer un texte interne quel qu'il soit, sans perdre son caractere communautaire et sans que soit mise en cause la base juridique de la Communauté elle-même ».

C'est donc la logique propre au droit communautaire qui commande de consacrer sa primauté sur les droits des Etats membres : la primauté est « une condition existentielle » du droit communautaire qui ne saurait exister en tant que droit qu'à la condition de ne pas pouvoir être mis en échec par le droit des Etats membres177; elle ne vient pas d'une hiérarchie entre les autorités nationales et communautaires mais se fonde sur ce que la regle communautaire doit prévaloir sous peine de cesser d'être commune ; or a défaut d'être commune, elle cesse d'exister et il n'y a plus de communauté. Ainsi pour les besoins de la clarté de ce travail, nous examinerons les juridictions nationales des Etats (Paragraphe 1) ensuite la juridiction communautaire (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : Les juridictions nationales

Si nous nous référons au cadre camerounais, nous distinguerons deux types de juridictions susceptibles de garantir l'application des principes du droit international de l'environnement a savoir l'instance administrative et l'instance judiciaire. Cet état de chose tire sa légitimité dans le fait que la plupart des pays francophones d'Afrique Centrale ont hérité de la tradition francaise du dualisme juridictionnel, comme indiqué précédemment. Etant parties a diverses conventions et déclarations sur l'environnement, ces pays sont par la suite appelés

177 CJ CE, 15 juillet 1964. Aff. COSTA C/ ENEL aff. 6/64. Rec. 1141.

a mettre en application ces textes. De fait « une fois que ces valeurs déclaratoires et symboliques pénetrent dans l'ordre juridique communautaire, elles acquierent une force juridique incontestable et bénéficient non seulement de la primauté sur le droit interne mais jouissent aussi de l'effet direct ; les autorités nationales y compris le juge étant des principaux garants de l'application de ce droit communautaire >>178. Pour se convaincre de la réalité de l'application de ces textes par les autorités juridictionnelles, il est tout a fait indiqué, d'une part, d'analyser les conditions de recevabilité de la demande en justice (A) et d'autre part les regles de fonctionnement des juridictions nationales d'Afrique Centrale (B).

A- Conditions de recevabilite de la demande en justice en matiere environnementale

Comme pour toute demande en justice, certaines conditions de recevabilité tiennent a la personne du requérant, on parle de recevabilité subjective (1) tandis que d'autres tiennent a la requête et on dira alors qu'elles sont objectives (2).

1) La recevabilite subjective

La condition de recevabilité subjective renvoie a un certain nombre d'éléments tenant a la personne du requérant désireux de porter la cause environnementale devant un juge. L'usage qu'en font les juges internes n'est pas toujours propice et profitable au droit de l'environnement. La condition de capacité n'appelle pas de remarques particulieres. L'intérêt et la capacité sont cependant problématiques au vu de la rigueur que les juges y attachent. C'est fort de cela que Monsieur Emile Derlin KEMFOUET, analysant la question, plaide pour une relativité de ces deux notions en ces termes : « concevoir de fa~on restrictive ces deux notions exposent au risque de ne pas servir la cause de la protection de l'environnement. En effet, une des questions auxquelles les juridictions doivent répondre lorsqu'elles sont

178 KEMFOUET KENGNY (E. D.), op. cit., p. 173

sollicitées est la nécessité, voire l'urgence de prendre en considération la nature spécifique des intérêts violés. Or la vérité est que ce ne sont pas toujours les intérêts propres qui sont violés, mais des intérêts communs peu divisibles et touchent un nombre indéterminé de personnes. La prise en compte de cette spécificité devrait donc se traduire dans la pratique contentieuse par une large acception des notions de l'intérêt et de qualité pour agir >>179. Par ailleurs, devant les juridictions d'Afrique Centrale, les demandes collectives comme celles des groupements et associations ayant pour objectif la protection de l'environnement ne sont pas recevables parce qu'on ne leur reconnait pas la qualité pour agir. Sont illustratives de cette tendance subjectiviste, les traditions juridiques nationales du Cameroun (confere affaire BOUENDEU) et du Gabon.

S'il est constant que la recevabilité subjective constitue un serpent de mer, la recevabilité objective en revanche pose moins de problemes.

2) La recevabilite objective

La recevabilité objective renvoie a l'ensemble des regles concernant la requête a l'instar des délais, des regles relatives a la présentation matérielle et formelle de la requête, etc. Ces exigences légales ne créent pas toujours un rapport favorable a la cause de l'environnement. Ainsi en est-il de la notion de délai pour agir qui n'est pas toujours précis a cause du flou autour de sa computation et de ses hypotheses de prorogation. Les questions d'environnement sont une affaire de temps, celui-ci pouvant être compris dans un double sens comme « un tres long terme ou une tres breve échéance >>180. Il est donc attendu de l'autorité judiciaire l'adaptation des regles traditionnelles en matiere de recevabilité pour répondre aux exigences d'une protection efficace de l'environnement. Malheureusement, il n'en est pas toujours le cas. Les juges procédant tres souvent d'une interprétation stricte des prescriptions légales même en cas d'urgence. Du moment oil le droit international

179 Ibid., p. 175.

180 Ibid., p. 176.

de l'environnement repose sur une logique preventive et de precaution, une place de choix devrait être accordée aux procedures qui doivent surseoir a l'exécution des decisions susceptibles d'affecter l'environnement.

La lumiere sur les conditions de recevabilité de la demande en justice en matiere environnementale ayant été faite, celle sur les regles de fonctionnement des juridictions d'environnement ne sera pas en reste.

B- Les regles de fonctionnement des juridictions d'Afrique Centrale en matiere de protection de l'environnement

En general, le fonctionnement des institutions juridictionnelles d'Afrique Centrale repose sur un ensemble de regles dont l'inobservation expose le contrevenant a des surprises peu agreables. Cela etant le justiciable soucieux de voir sa cause tranchée devra observer une certaine démarche. En effet, il ne suffit pas simplement a ce dernier d'être bien fondé dans sa demande pour attendre du juge qu'il prononce et exige le respect de ses droits. Il lui faut en outre avant de soumettre sa prétention a l'examen du tribunal, accomplir un ensemble de formalités et observer une procedure en l'absence desquelles il serait irrecevable a agir. Cette exigence fait dire par exemple en droit interne que les regles de fonctionnement des juridictions sont d'ordre public et explique que le mecanisme de leur reconnaissance puisse être soulevé d'office par le juge qui, rappelons-le demeure un tiers au litige. On exige a l'appui de cette position, la necessite d'une bonne administration de la justice. Ainsi, il faut eviter d'encombrer les prétoires des recours inutiles, ce qui permettra au juge de faire l'économie du temps et de se consacrer aux affaires beaucoup plus pertinentes181. Les juridictions internationales en raison de leur caractere purement conventionnel repondent

181 Ibid.

difficilement aux memes criteres que les juridictions internes182, pareil pour les juridictions communautaires ou meme sous régionales.

Paragraphe 2 : Les juridictions sous-regionales ou supra nationales

Il est créée une Cour de justice sous-régionale dans l'espace de la Communauté Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale ( CEMA C) chargée de résoudre les litiges communautaires. Cette juridiction vient combler le vide qui existait dans la sous région Afrique Centrale. Une telle juridiction s'exprime déjà par sa nature politique (A) et la possibilité de nomination des membres non magistrats (B).

A- La nature politique des autorites de nomination des membres de la Cour de Justice de la C EMAC

Les autorités en charge de désigner les membres de la Cour de justice de la CEMA C sont des autorités élues appartenant au pouvoir exécutif des Etats membres. En effet, les treize membres de la Cour sont « présentés par les Etats et nommés par la Conférence des Chefs d'Etat >>183. Il en ressort qu'il appartient a l'autorité nationale investie qu'est le Président de la République de présenter les candidats au poste de membres de la Cour a la Conférence des Chefs d'Etats de la CEMA C, organe investi du pouvoir de nomination des membres de ladite cour. La nature politique de la Conférence des Chef d'Etats ne peut que confirmer l'aspect politique de la Cour de Justice de la CEMA C.

S'il appartient a ladite Conférence de nommer les juges de la Cour présentés par les Etats, l'on peut se demander si l'organe de nomination peut refuser de nommer un candidat présenté par son pays ? La regle de l'unanimité pour la prise de décision en vigueur au sein de la Conférence ne semble pas admettre une telle

182 SANTULLI ( C.) : Les juridictions de l'ordre international : Essai d'identification. In : Annuaire francais de droit international, volume 47, 2001. pp. 45-61.

183 Confere les articles 12 et 27 de la Convention de Libreville du 05/07/1996 régissant l'UMA C.

hypothese. Le chef de l'Etat dont le candidat n'est pas nommé exprimerait sans doute un vote défavorable pour la nomination des candidats présentés par l'Etat qui s'oppose a la nomination de son candidat. Cette situation exprime un souci fondamental, a savoir si cette composition du reste politique de la Cour de Justice de la CEMA C est de nature a favoriser un réel contrôle de l'application efficace des principes du droit de l'environnement dans les pays d'Afrique Centrale oil l'on dénonce par ailleurs la soumission fidele du pouvoir judiciaire au pouvoir politique. Or l'Etat étant l'un des prédateurs de l'environnement, ne serait-ce que parce que possédant de gigantesques entreprises agricoles dont les pratiques mettent a mal l'environnement doit-il encore être poursuivi judiciairement lorsque ses activités violent les regles protectrices de l'environnement ?184 La faculté de nomination des membres non magistrats a la Cour ne constitue-t-elle pas la goutte d'eau qui fait déborder le vase et ruine toutes les chances d'une protection de l'environnement contre les Etats ?

B- La faculté de nomination a la Cour des membres non magistrats

Une approche de droit comparé permet d'observer que le choix des membres des Cours de Justice communautaire, met en avant le plus souvent la qualité de juriste doublée des conditions de « bonne moralité » et de « grande probité », « d'expérience ou de réputation professionnelle établie »185. Treize membres de la Cour de Justice de la CEMA C sont choisis parmi les personnalités de bonne moralité présentant des garanties d'indépendance, d'intégrité et possédant une compétence notoire en droit ou en économie. Ces personnalités peuvent appartenir au corps de la magistrature, auquel cas elles devront remplir les conditions requises pour l'exercice dans leurs pays respectifs des plus hautes fonctions judiciaires. Elles peuvent aussi être issues des professions d'avocat, de professeur d'université de

184 DMOTENG KOUAM (E.), op. cit., p. 51.

185 CHAMEGUEU (G. M.) : op. cit. ibidem.

droit ou d'économie, de notaire et de conseil juridique, auquel cas elles devront avoir exercé avec compétence, pendant au moins quinze ans186.

Puisqu'il appartient aux Etats de choisir discrétionnairement les membres de la Cour, on pourrait aussi se demander si un Etat pourrait se desservir lui-meme en mettant en avant, pour des raisons de convenance politique ou administrative, des personnalités autres qu'irréprochables dont la partialité ou l'incompétence réduirait a néant toute chance d'autorité ? Un accident occasionnel ne peut etre exclu, mais la possibilité que la rationalité prévale est écrasante. Cela n'exclut pas que des considérations d'ordre politique pourraient, dans certains pays membres, etre des données pertinentes pour le choix des membres de la Cour. Cela ne présente pour la Cour aucun inconvénient des lors que ces considérations ne se substituent pas au mérite des personnes. Afin d'éviter des erreurs de jugement de la qualité des membres de la Cour, l'Organe politique compétent pour nommer les membres (la Conférence des Chefs d'Etats de la CEMA C) pourrait a l'avenir, déléguer la vérification des mérites intrinseques des candidats présentés a un organe technique composé par exemple des juristes hautement qualifiés et indépendants.

En l'état actuel des choses, la composition de la Cour de Justice de la CEMA C peut soulever aux yeux de certains, quelques interrogations quant a sa véritable nature juridictionnelle187, moins encore que des interrogations sur sa compétence.

Section 2 : La competence des juridictions d'Afrique Centrale en matiere d'environnement

La compétence est l'aptitude d'une autorité a accomplir certains actes, a prendre
certaines décisions ou a prononcer des jugements dans un domaine déterminé188.
Le lexique des termes juridiques Dalloz quant a lui la conçoit comme une aptitude

186 Confrere article 12 et 27 de la Convention régissant le Cour de justice CEMA

187 CHAMEGUEU (G. M.), op. cit., ibidem.

188 Confere Dictionnaire Encarta sur Microsoft Encarta 2008.

legale a accomplir un acte ou a instruire et juger un proces189. La competence peut prendre plusieurs variantes a savoir materielle190, territoriale191, personnelle192 ou même temporelle193. Mais en realite, si nous commençons l'analyse de la competence des juridictions d'Afrique Centrale par l'etude de la competence des juridictions nationales (Paragraphe 1), c'est pour mieux evaluer celle de la juridiction supra nationale de l'espace CEMA C en matiere de controle de l'application des principes de prevention et de precaution (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : La competence des juridictions nationales

L'etude de la competence de la juridiction administrative (A) precedera celle de la competence de la juridiction judiciaire (B).

A- La competence de la juridiction administrative en matiere de protection des principes du droit de l'environnement

En Afrique Centrale notamment au Cameroun et au Gabon, la juridiction administrative fonctionne suivant des regles derogatoires au droit commun. Ces juridictions administratives ont reçu les principes du droit international de l'environnement qu'elles appliquent d'ailleurs même en l'absence de textes de loi ou en presence des textes opaques ou de portee limitee. C'est un peu par le biais de la jurisprudence que le principe de precaution par exemple a acquis une portee effective dans ces pays comme en France. Si nous prenons le cas camerounais, nous y verrons que le juge administratif s'est en effet montre tres receptif a l'esprit porte par le principe de precaution et l'a applique dans sa jurisprudence même en

189 Lexique des termes juridiques op. cit., p. 122.

198 La competence materielle ou competence rationne materiae est aussi appelee competence d'attribution.

191 Competence territoriale ou rationne loci.

192 Competence personnelle ou rationne personae.

193 Competence temporelle ou rationne temporis.

l'absence de fondement écrit précis. Il s'est montré relativement prudent en se limitant autant que possible au contrôle de la légalité externe des actes.

Le contrôle juridictionnel de l'application des principes de précaution et de prévention trouve un terrain fertile dans des procédures d'urgence notamment dans le référé et sursis a exécution oil le juge administratif est appelé a prendre des mesures urgentes et conservatoires194 pour sauvegarder une situation susceptible de nuire a l'environnement. Et le juge administratif ne tarde pas a mettre en évidence le principe de précaution ou de prévention dans sa jurisprudence chaque fois que subsiste un doute sur la survenance éventuelle d'un fait susceptible de troubler l'équilibre de l'environnement ou la santé et la sécurité publique, répondant ainsi aux exigences de l'adage « prévenir vaut mieux que guérir », car comme nous le disions supra avec la voix autorisée du Doyen Michel PRIEUR, « l'action préventive est une action anticipatrice et a priori qui depuis fort longtemps est préférée aux mesures a posteriori du type réparation, restauration ou répression qui interviennent apres une atteinte avérée a l'environnement »195.

D'ailleurs, la responsabilité d'appliquer le principe de précaution incombe essentiellement aux juridictions administratives. En effet, l'influence du principe de précaution est nettement plus diffuse et malaisée a définir dans le droit de la responsabilité civile, enfermé dans l'idée de réparation a posteriori d'un dommage déjà survenu que dans le droit administratif oil il s'agit de poser des regles d'action a priori. Par ailleurs, la jurisprudence administrative nationale tend a faire du principe de précaution une véritable regle de droit dotée d'une portée propre, en dépit de l'absence des textes accordant a ce principe une portée juridique autonome et directe. Ce qui permet a ce principe d'acquérir une dimension beaucoup plus contraignante et de démontrer que bien que formellement reconnu dans le seul domaine du droit de l'environnement, il pourrait être appliqué a des situations beaucoup plus larges.

194 Lire a cet effet ROMI (R.), Droit et administration de l'environnement, op. cit., pp. 348 et s.

195 PRIEUR (M.), « Les principes généraux du droit de l'environnement », Cours polycopié n° 5 de tronc commun de Master 2 par Satellite en Droit international et comparé de l'environnement, Université de Limoges, année universitaire 2009-2010, p. 21.

Enfin, l'adhésion du juge administratif national dans l'espace CEMA C au principe de précaution implique la prise en compte des risques potentiels dans le jugement des litiges de fa~on a éviter que ceux-ci n'entrainent éventuellement des dommages graves ou irréversibles pour l'environnement ou la santé humaine « le risque potentiel est ici compris comme un risque qui n'est pas avéré, c'est-à-dire que son existence ou sa réalité ne peut etre prouvé compte tenu de l'état actuel des connaissances scientifiques »196. En postulant ainsi que le droit doit s'intéresser au risque incertain, le principe de précaution se présente comme un prolongement naturel de la philosophie juridique qui prédomine jusqu'ici dans les rapports entre le droit et les avancées scientifiques.

A coté de la compétence des juridictions administratives d'Afrique Centrale pour ce qui est du contrôle de l'application des principes de précaution et de prévention, se peaufine celle des juridictions judiciaires nationales.

B- La competence des juridictions judiciaires nationales d'Afrique Centrale en matiere de contrôle de l'application des principes de prevention et de precaution

La juridiction judiciaire se subdivise en deux poles : Il s'agit d'une part de la juridiction civile qui ne condamne qu'à des réparations matérielles du dommage et d'autre part de la juridiction pénale qui en plus des réparations matérielles et pécuniaires, prononce des condamnations a des peines privatives de libertés. Mais pour des besoins de la synthese de notre travail, nous ne ferons pas de développements séparés.

196 En vertu cependant de l'interprétation doctrinale majoritaire, le principe de précaution ne devrait pas trouver application a l'endroit des risques potentiels qui ne font pas au moins l'objet d'un début de preuve scientifique. Sur la distinction entre d'une part les risques certains (ou avérés) et les risques incertains (ou potentiels) et d'autre part les risques incertains et les risques résiduels (ceux qui ne font pas a tout le moins l'objet d'un début de preuve scientifique), voir DE SADELEER (N.) : « Les principes du pollueur-payeur, de prévention et de précaution », cité par TRUDEAU (H.), op. cit., note de bas de page n° 108, p. 39.

Notons que tout comme la juridiction administrative, l'adhesion au principe de precaution donne competence aux juridictions civiles d'ordonner la cessation d'une activite generant les risques potentiels de dommages graves ou irreversibles a l'environnement ou a la sante humaine, alors meme que le dommage n'est en quelque sorte, qu'une vue de l'esprit. Ainsi, d'apres le Professeur MAZEAUD, il serait question des lors d'une « responsabilite nouvelle, une responsabilite en quelque sorte sans victime, sans prejudice et sans indemnisation »197

Par application des principes de prevention et de precaution, le juge judiciaire camerounais sanctionne tout producteur ou importateur des dechets dangereux, se conformant aux prescriptions de la loi camerounaise en la matiere198. Cette loi considere comme telles « les matieres contenant des substances inflammables, explosives, toxiques presentant un danger pour la vie des personnes, des animaux, des plantes et pour l'environnement »199. Elle interdit de meme sans aucune derogation possible, « l'introduction, la production, le stockage, la detention, le transport, le transit et le deversement sur le territoire national des dechets toxiques et/ou dangereux sous toutes les formes »200. Dans le meme sens, la loi congolaise « interdit a toute personne physique ou morale, publique ou privee, d'importer ou de faire importer, de faciliter ou de tenter de faciliter l'importation des dechets nucleaires et des dechets industriels dangereux ou autres dechets de meme nature ». Il en est de meme du code de l'environnement de la Guinee notamment l'article 75.

Dans les differentes lois des pays de l'Afrique Centrale, obligation est faite au juge de sevir avec la derniere energie. On en voudra pour exemple le cas du Cameroun oil le juge saisi doit imperativement ordonner a toute personne coupable de l'une de ces infractions « de les eliminer immediatement et de restituer les lieux en leur etat anterieur ». Le cas echeant, le juge pourra ordonner la fermeture de

197 Sur la question, lire MAZEAUD (D.) : « Responsabilite civile et precaution dans la responsabilite a l'aube du XXleme siècle », bilan prospectif, responsabilite assurances, cite par TRUDEAU (H.), op. cit., p. 59.

198 Loi camerounaise n° 89/027 du 29 Decembre 1989 portant sur les dechets toxiques

199 Article 2 de la loi camerounaise de 1989 precitee.

200 Article 1 de la loi camerounaise de 1989 precitee.

l'établissement. Au Congo par contre, la loi201 prescrit au juge saisi de demander a tout producteur de ce type de déchets de mettre tout eu oeuvre pour assurer ou améliorer la gestion écologiquement rationnelle de ceux-ci, appliquer de nouvelles techniques produisant peu de déchets, veiller au stockage et a l'élimination séparée desdits déchets202.

Les juges ne lésinent pas sur les moyens quant a l'application exemplaire des dispositions légales, ils appliquent vigoureusement des sanctions prévues par le législateur. Par exemple, par application des prescriptions légales du Code de l'environnement guinéen, le juge de ce pays punit d'une amende de cent mille a un million de francs guinéens et d'une peine d'emprisonnement de deux a cinq ans ou l'une des deux peines, toute personne qui contrevient a la loi203.

Au Congo, toute personne coupable d'une telle infraction est punie d'une amende de 10.000.000 francs cfa a 50.000.000 francs cfa et d'une peine de 10 a 20 ans de réclusion meme si l'importateur en cause a été suspendue.

La loi camerounaise précitée donne compétence au juge de frapper encore plus fort, elle punit « de la peine de mort, toute personne non autorisée qui procede a l'introduction, a la production, au stockage, a la détention, au transit, au déversement sur le territoire camerounais des déchets toxiques et ou dangereux sous toutes leurs formes >>204.

Le juge judiciaire national est aussi compétent dans la lutte contre les nuisances. De fa~on générale, on entend par nuisance, toute agression d'origine humaine contre le milieu physique, ou biologique, naturel ou artificiel entourant l'homme205 et causant un simple désagrément ou un véritable dommage a ce dernier. La jurisprudence camerounaise inspirée de celle francaise integre dans cette notion entre autre, les activités d'une société de travaux publics qui entraine la stagnation

201 Il s'agit notamment de la loi congolaise de 1991.

202 Voir article 54 de la loi congolaise précitée.

203 Article 11 du Code de l'environnement de la Guinée Equatoriale.

204 Article 4, alinéa 2 de la loi camerounaise précitée.

205 CABALLERO (F), cité par KAMTO (M.), op., cit., p. 339

des eaux de pluie a l'entrée de la concession d'un particulier. Il s'agit généralement de troubles de voisinage, notion résultant d'une construction prétorienne.

Quelques décisions ne serait-ce que dans le cadre du Cameroun méritent qu'on s'y attarde. Le Tribunal de Grande Instance de Yaoundé, 12 octobre 1983, NKUENDJI YONTDA contre Société EXAR COS a propos des travaux d'aménagement effectués sur son terrain par un propriétaire et qui causent un « trouble de fait » a un voisin. Une agression matérielle entre la possession ; Cour d'Appel de Yaoundé, 03 Juin 1987, NGUEMA MBO Samuel contre ANOUKAHA François, l'évacuation par deux entreprises industrielles vers la propriété d'un voisin de toutes les eaux recueillies sur leurs terrains et qui accroissent le volume initial des eaux et leur nocivité ; Tribunal de Grande Instance de Douala, jugement du 03 Octobre 1983, DIMITE Thomas contre CI CAM et Guinness-Cameroun.

La question du contrôle de l'application des principes de prévention et de précaution revêt-elle la même pertinence au niveau de la juridiction supra nationale de l'espace géographique Afrique Centrale qu'elle l'est devant les juridictions nationales objet des développements précédents ?

Paragraphe 2 : La competence de la juridiction supra nationale dans l'espace Afrique Centrale en matière d'application des principes de prevention et de precaution

La particularité d'une juridiction communautaire est de rompre avec les solutions prévalant habituellement en droit international pour s'affirmer en de véritables pouvoirs judiciaires. Répugnant le tout étatique, leur prétoire est donc ouvert aux particuliers, ce qui est intéressant pour la protection de l'environnement, les particuliers pouvant saisir le juge communautaire afin qu'il sanctionne tout fauteur de trouble écologique206. Mais une telle affirmation ne saurait être accueillie comme une parole d'évangile car la réalité est que, a défaut d'être

206 KEMFOUET KENGNY (E. D.), op. cit., p. 106.

selectif, l'acces a la justice communautaire tant vantee se fait souvent par une porte d'une exiguIte etonnante.

La competence de la Cour de justice de la CEMA C comme juridiction communautaire est mitigee. D'abord elle est une juridiction non permanente puisqu'elle ne se reunit que sur convocation de son President qui du reste fixe en fonction du role de la Cour, les dates et durees des sessions. Ensuite, elle ne peut etre saisie que par les Etats et les Institutions de la communaute. Enfin, cette Cour comporte des lacunes majeures quant au droit des juges. Ceux-ci sont designes directement par les Etats membres, sans que les organes de l'union n'interviennent a aucun moment dans la procedure. Cela fait bien emettre des doutes sur l'aptitude a l'impartialite de ces juges presumes de droit communautaire.

Neanmoins, cette juridiction est competente pour sanctionner les comportements desagreables des Etats membres de la communaute et empecher que l'Etat initialement promoteur du droit de l'environnement n'en devienne par la suite predateur numero 1. Tout comme le contrôle effectue par le juge administratif207, le contrôle du juge communautaire porte sur l'examen de la legalite des etudes d'impact uniquement a l'occasion des recours contre les actes de la communaute soumis a etude ou notice d'impact.

Cependant, l'existence des juridictions comme gage de controle de l'application de ces principes se trouve limitee par certains goulots d'etranglement.

207 HEBRARD (S.) : Les etudes d'impact sur l'environnement et le juge administratif, RJE, 2 p. 129, « Les etudes d'impact dans la jurisprudence administrative », CJE, 1982, p. 421 ;

Chapitre 2 : Les entraves a l'application efficace de ces principes en Afrique Centrale

Le controle de l'application des principes de prévention et de précaution que garantit tant bien que mal le juge dans l'espace Afrique Centrale n'est pas parfait, avons-nous dit, a cause des goulots d'étranglement au rang desquels les entraves intrinseques (Section 1) et extrinseques (Section 2).

Section 1 : Les entraves intrinseques

Nous examinerons ici successivement, puisqu'elles sont évidentes, les entraves inhérentes aux autorités de controle (Paragraphe 1) ensuite les entraves structurelles et fonctionnelles (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : Les entraves inhérentes aux autorités de controle

Elles concernent l'approximation de la formation des autorités juridictionnelles de controle sur les questions d'environnement (A) et la dépendance du juge des autorités politiques (B).

A- L'approximation de la formation des autorites juridictionnelles sur les questions d'environnement

La question de la faible formation desdites autorités est soulevée suite au constat de la frilosité du juge dans le reglement des litiges (1). Cette attitude conduit a penser une irresponsabilité virtuelle de l'administration publique dont certains actes échappent parfois au controle du juge (2).

1) La frilosite constatee des juges dans le reglement des litiges.

En Afrique Centrale la question de la spécialisation des magistrats a fait couler beaucoup d'encre. Les justiciables l'ont subi et les spécialistes du droit n'ont pas manqué de le décrier. Telles furent les critiques avancées par la doctrine camerounaise dominante, incarnée par certains orfevres du droit tels les Professeurs Joseph OWONA et Jean Marie BIPOUM WOUM.

Dans ce pays notamment, au sein des formations juridictionnelles administratives, siegent les juges de l'ordre judiciaire. On comprend aisément quelle pourrait être la nature des décisions qu'ils prennent. Or le droit de l'environnement est un droit qui fait essentiellement appel aux notions de droit public qui plus est international, entouré de notions d'une tres forte technicité pour les non initiés. La formation essentiellement privatiste de ces derniers est-elle de nature a leur permettre de rendre une décision dénuée de toute critique ? Que non !

Même dans les pays oil il existe un dualisme juridictionnel caractérisé par l'existence des tribunaux de l'ordre judiciaire et de l'ordre administratif comme le Cameroun, le Gabon, on ne trouve pas dans la structure desdits tribunaux des chambres ou section qui soient exclusivement réservées a l'examen des litiges environnementaux.

Bien plus, la difficile adaptation du juge a des phénomenes nouveaux comme celui de l'environnement s'explique par l'évolution des conflits d'environnement présentant de plus en plus souvent un caractere international208. Qui plus est, dans un litige impliquant l'administration publique, on observe une certaine partialité du juge qui est tres souvent hésitant quant a condamner l'administration publique. On peut a partir de la, militer pour une condamnation progressive de l'administration publique dans le proces des atteintes a l'environnement.

208 HUGLO ( Ch.) : « Le juge et l'environnement, un défi ».

2) L'irresponsabilité virtuelle de l'Administration publique

L'administration disposant ou étant maitre de nombreux ouvrages dont l'étude d'impact préalable n'a pas été faite ou encore disposant de gigantesques entreprises agricoles et industrielles, doit être poursuivie judiciairement lorsque ses activités violent les regles protectrices de l'environnement. L'administration doit aussi pouvoir obtenir des autorisations nécessaires pour entreprendre des activités agricoles dans certains secteurs et se livrer a une étude d'impact minutieuse209. Les activités industrielles devraient être soumises a ces mêmes conditions. Mais ce n'est pas toujours le cas, l'administration étant tres souvent juge et partie. Il est regrettable actuellement en Afrique Centrale que l'exigence de l'autorisation n'atteigne pas les organismes publics ou parapublics alors même qu'ils sont, dans la plupart des pays, de grands « défricheurs de l'agriculture industrielle >>210. La locution latine juridique « patere legem quam ipse fecisti >> qui signifie littéralement « Tu dois souffrir de la loi que tu as faites toi-même >>211 n'est donc que tres peu exploitée en droit de l'environnement de l'Afrique centrale. Peut-être est-ce l'une des manifestations de la dépendance des autorités de controle au pouvoir politique.

B- La dépendance des autorités de controle vis-à-vis du pouvoir politique

La dépendance des autorités de controle a l'instance politique souleve ou du moins relance le débat sur la problématique de l'indépendance des juges (1) et se caractérise par ailleurs par la faculté offerte aux autorités politiques de choisir les personnalités non magistrats comme juges (2) a la cour CEMA C.

209 DMOTENG KOUAM (E.), op. cit., p. 51

210 KAMTO (M.), op. cit., p. 197

211 BILONG (S.) : Droit Administratif Général, cours polycopié de 3eme année de Licence en droit et science politiques, FSJP de l'Université de Dschang année académique 2004 - 2005.

1)

La problematique de l'independance des juges

En Afrique Centrale et plus précisément au Cameroun, la question de l'indépendance du juge est une épineuse préoccupation majeure. L'indépendance du juge y est fortement discutée pour des motifs évidents.

D'abord au niveau du parquet, l'indépendance du magistrat demeure une gageure a cause du principe de la subordination hiérarchique des membres du parquet. Ensuite au niveau des juges du siege, l'indépendance tant vantée est un leurre et l'adage selon lequel « la parole est libre et la plume serve » demeure un simple slogan. Enfin, les magistrats d'Afrique Centrale a l'instar de ceux du Cameroun sont nommés par Décret du Président de la République qui est la plus haute autorité politique du pays et par ailleurs Président du Conseil Supérieur de la Magistrature.

On mesure par la combien les décisions des différents juges peuvent etre fortement influencées, ou a tout le moins sont influençables, surtout dans une cause oil l'administration et a plus forte raison le Président de la République est partie. Le juge ne pouvant abonder que dans le sens de la préservation des intérets de l'administration meme si les agissements fautifs de ce dernier crevent l'ceil. Cette dépendance du juge se matérialise davantage lorsque le pouvoir politique dispose de la faculté de choisir des personnalités non magistrats comme juges notamment au niveau de la Cour communautaire de la CEMA C.

2) Le choix politique des juges non magistrats

La faculté est généralement reconnue au pouvoir politique de choisir les juges des juridictions supra nationales. Pour ce qui est de la Cour de Justice de la CEMA C, les juges peuvent etre choisis parmi les personnalités de bonne moralité présentant des garanties d'indépendance, d'intégrité et possédant une compétence notoire en droit ou en économie. Un tel procédé est de nature a entraver l'intégrité du vote qu' un membre peut émettre vis-à-vis de son pays. Car en l'état actuel des mentalités africaines oil la personne nommée « doit » allégeance et fidélité a

l'autorité de nomination, l'on voit mal un membre de la cour voter forcément contre l'Etat de qui il tient le mandat pour siéger a la cour.

Cette situation peut par ailleurs susciter une interrogation, celle de savoir si ces personnalités désignées pour remplir la fonction de magistrat seraient en mesure de rendre des décisions juridiquement exemptes de reproches sur un domaine aussi sensible qu'est l'environnement ?

La somme de ces entraves est impressionnante et se décompte davantage au niveau des structures et du fonctionnement des institutions de controle.

Paragraphe 2 : Les entraves structurelles et fonctionnelles

L'examen des entraves structurelles (A) précédera celui des entraves fonctionnelles (B).

A- Les entraves structurelles

Si la question de l'extrême centralité des institutions de controle constitue le premier rempart de ces entraves structurelles (1), le cotit élevé des proces et leur lenteur n'occupent pas le dernier banc (2).

1) La question de l'extreme centralite des institutions de controle

Les pays de l'Afrique Centrale sont caractérisés, du moins sur l'aspect juridictionnel par une extreme centralité des Institutions. Cette situation est due principalement au manque de moyens et politiques pouvant permettre a ces Etats de multiplier les institutions juridictionnelles de fa~on a rapprocher le juge environnemental des justiciables et faciliter ainsi l'acces de tous a cette justice. Il y a la effectivement échec a l'application de certaines Conventions internationales212.

212 Il s'agit de la Convention d'Aarhus du 25/06/1998 sur l'acces a l'information, la participation du public au processus décisionnel et l'acces a la justice en matiere d'environnement.

L'on se demande si l'egal acces de tous a la justice a encore un sens213. Cet eloignement de la justice du justiciable ne va pas toujours sans inconvenients majeurs puisqu'il a pour effet de reserver la justice uniquement aux personnes disposant des moyens suffisants pour y acceder. C'est n'est rien d'autre qu'une justice taillee sur mesures. Dans cette foulee, le justiciable indigent, et Dieu sait combien ils sont nombreux en Afrique Centrale, se trouve purement et simplement ecarte du pretoire.

Pour s'en convaincre davantage, notons que dans la majorite des pays de l'Afrique Centrale comme le Cameroun, le Tchad, le Gabon et la Republique centre africaine, la juridiction judiciaire chargee de regler les differends entre les particuliers est rarement creee dans tous les departements car on note dans ces pays que deux ou plusieurs departements partagent une meme juridiction. La goutte d'eau fait deborder le vase lorsqu'on a affaire a la juridiction administrative oil la centralite est enervante pour ne pas dire revoltante. Dans ces pays, il n'existe qu' une seule juridiction administrative generalement situee a la capitale politique, comme c'est le cas au Cameroun. Heureusement, une loi de 2006214 est venue apporter une bouffee d'oxygene aux justiciables dans ce pays en creant un tribunal administratif pour chaque region215. La oil le bat peut blesser, c'est l'ineffectivite constitutionnelle et expresse desdits tribunaux. En effet, un article constitutionnel place en pole position consacre la mise en place progressive de ces institutions216.

213 L'acces de tous a la justice est un principe de valeur constitutionnelle consacre de longues dates dans la majorite des pays d'Afrique Centrale. C'est le cas de la Constitution du Cameroun du 18/01/1996 dont le preambule dispose « La loi assure a tous les hommes le droit de se faire rendre justice ».

214 Il s'agit de la loi camerounaise n° 2006/022 du 29 Decembre 2006 portant creation des tribunaux administratifs par region dont une juridiction dans chacune des dix regions du pays.

215 L'on a tout de meme un gout de cendre dans la bouche quand on remarque que meme la loi de 2006 prise dix ans apres cette reforme constitutionnelle n'a encore rien pu faire. « Wait and see » !

216 Notons que la loi constitutionnelle du 18 Janvier 1996 portant revision de la Constitution du 02 Juin 1972 avait dejà annonce la creation de ces tribunaux dans les regions mais l'article 67 en tous ses alineas precisait for opportunement que (1) les nouvelles institutions de la Republique prevues par la presente Constitution seront progressivement mises en place. Et que (2) Pendant leur mise en place et jusqu'a cette mise en place, les institutions de la Republique actuelles demeurent et continuent de fonctionner. Voila pres de 15 ans que le justiciable camerounais attend la mise en place de cette juridiction.

Face a cette situation, le juge est-il encore en mesure de controler efficacement l'application des principes du droit de l'environnement ? Dans cette foulée, les justiciables qui parviennent quand meme a atteindre le juge se trouvent encore confrontés a deux autres problemes : le cout élevé et la lenteur du proces.

2) Les corts ~leyes des proces et leur lenteur

Suffisamment abattu par la centralité exagérée des institutions juridictionnelles, le justiciable se trouve encore pris dans le marteau pilon du cout des proces qui n'est pas de moindre importance ainsi que de celui de leur lenteur désespérante. Notons pour le déplorer que dans les pays de l'Afrique Centrale, le principe de la gratuité de la justice demeure un vain mot eu égard a la réalité quotidienne.

Pour voir sa cause tranchée, le justiciable se doit de mobiliser d'importantes sommes. La moyenne du cout d'un proces dans ces pays est estimée a 1.000.000 francs cfa pour un pays dont le SMIG mensuel s'éleve a moins de 30.000 francs cfa217. Certes, l'assistance judiciaire est consacrée dans les textes, mais encore fautil remplir toutes les conditions requises pour en bénéficier. A coté des sommes faramineuses qu'il faut débourser pour accéder a la justice, se trouve greffé l'épineux probleme de la lenteur des proces. En Afrique Centrale notamment au Cameroun et au Tchad, on assiste aux proces qui mettent en moyenne un an et demi pour que le juge vide le fond du litige. Or dans une matiere comme l'environnement oil l'urgence est parfois de mise, une telle lenteur n'est-elle pas de nature a compromettre l'équilibre écologique ? Vu sous cet angle déplorable, la décision du juge arrivera tard, trop tard pour rendre un quelconque service a l'environnement et a la santé de l'homme.

Que dire des autres entraves purement percues sous l'angle fonctionnel ?

217 Pour d'amples détail sur la question, consulter le site http://www.camerounonline.com/actualite,actu-5204.html, dans lequel on peut lire que le Premier ministre camerounais, Ephraim Inoni, a signé en fin Juin 2008 un Décret portant sur le Salaire minimum interprofessionnel garanti (SMIG) a 28.000 F CFA, en remplacement des 23.000 F CFA qui étaient en vigueur depuis mi-février 1995.

B- Les entraves fonctionnelles

Ces entraves sont de deux ordres : d'une part on note la possibilité de recourir a l'expertise (1) et d'autre part la transaction (2).

1) La possibilite de recourir a l'expertise

Le recours du juge a l'expertise s'inscrit dans la logique de la relativité du mode juridictionnel de reglement de conflit. L'expertise tout comme la transaction paralyse l'action des juges. En plus, même lorsqu'il est saisi, le juge hésite a trancher parce que, comme nous l'avons noté plus haut, sa formation de base ne lui donne pas des aptitudes particulieres dans la connaissance des problemes environnementaux « souffrant de l'éparpillement et de la technicité >>218. Le droit pénal de l'environnement nécessite la consultation des experts.

Par ailleurs, la mise en oeuvre du principe de précaution présuppose d'une part un recours plus systématique a l'expertise scientifique. L'apport des experts doit cependant être envisagé de fa~on un peu différente et sur une base plus soutenue que dans le cadre de la méthode traditionnelle d'évaluation des risques, pour davantage tenir compte des facteurs d'incertitude scientifique et de l'évolution des connaissances. Des garanties d'impartialité et de compétence dans l'appréciation des preuves soumises doivent entourer le travail de l'expert appelé a donner son point de vue sur le recours ou non a la prévention devant un risque appréhendé. Ces mêmes garanties doivent apparaitre aussi essentiellement devant le choix et l'éventail possible des mesures de précaution, pour notamment tenir compte des intérêts économiques, sociaux ou autres qui seront affectés. Pour cela, l'expert doit trouver un forum approprié pour exprimer ses vues219.

218 MORAND DEVILLER (%.) : Droit de l'environnement, édition ESTEM, Universités francophones, 1996, p. 72.

219 Voir les auteurs Kourilsky et Viney qui proposent que l'analyse des risques soit effectuée par deux cercles distincts, un composé exclusivement d'experts scientifiques, l'autre comprenant quelques-uns de ces experts, mais aussi des économistes, des acteurs sociaux et des représentants du public. Le premier cercle rend compte de ses conclusions sur le plan scientifique, tandis que le

L'intervention de la transaction ou de l'arbitrage constitue un autre moyen d'effritement des pouvoirs des juges formes.

2) L'intervention de la transaction ou de l'arbitrage

Notons a toutes fins utiles que l'institution des modes de reglement extra pretorien des litiges en droit de l'environnement tels que la transaction et l'arbitrage220 amenuisent egalement l'action des juges, puisque d'ailleurs le legislateur camerounais du 05 Aotit 1996 pose cette procedure non juridictionnelle comme la procedure par defaut en ces termes : « Dans le cas contraire, et a defaut de transaction ou d'arbitrage definitifs, l'Administration competente procede a des poursuites judiciaires conformement a la legislation en vigueur >>221. Cette competence des arbitres est consacree a l'origine par la Convention de Bamako qui stipule : « Si un differend surgit entre les Parties a propos de l'interpretation, de l'application ou du respect de la presente Convention ou de tout protocole y relatif, ces Parties s'efforcent de le regler par voie de negociation ou par tout autre moyen pacifique de leur choix222... Si les Parties en cause ne peuvent regler leur differend par les moyens mentionnes au paragraphe 1 du present article, ce differend est soumis soit a l'arbitrage d'un organe ad hoc mis sur pied par la Conference a cette fin, soit a la Cour Internationale de Justice223... L'arbitrage des differends entre Parties par l'organe ad hoc prevu au paragraphe 2 du present article s'effectue conformement aux dispositions de l'annexe V de la presente

second cercle procede a une analyse des coots/benefices a partir des conclusions du premier cercle, et envisage differentes options possibles. Les decideurs publics sont saisis des conclusions des deux cercles, qui peuvent tendre vers le consensualisme, mais ne l'atteignent pas necessairement : P. KOURILSKY et G. VINEY, note 3, pp. 69 a 72., cite par TRUDEAU (H.), op. cit., p. 35.

220 Voir les articles 91 et 92 de la loi camerounaise n° 96/12 du 05 Aout 1996 precitee.

221 Article 90 alinea 2 de la loi camerounaise n° 96/12 du 05 Aout 1996 precitee.

222 Article 20 alinea 1 de la Convention de Bamako du 30/01.1991 sur l'interdiction d'importer en Afrique Des dechets dangereux et sur le controle des Mouvements transfrontieres et la gestion des dechets Dangereux produits en Afrique.

223 Article 20 alinea 2 de la Convention de Bamako precitee.

Convention »224. De maniere complete, c'est l'annexe 4 a la Convention de Bamako qui detaille le recours a l'arbitrage225.

Cette eviction des juges peut tirer sa légitimité de la lenteur des procedures, du cout élevé des proces et des balbutiements des juges face aux questions environnementales sur lesquels ils n'ont qu'une connaissance sommaire et m'éme approximative. Surtout lorsqu'il s'agit de veiller a l'application des principes du droit de l'environnement oil ils ne comprennent certainement pas grand-chose.

Section 2 : Les entraves extrinseques

Si nous parlons des entraves extrinseques en commençant par l'aspect socioculturel (Paragraphe 1), c'est pour mieux évaluer l'impact des entraves socioeconomiques (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : Les entraves socioculturelles

Nous noterons d'emblée, d'une part la crainte du juge de la part des justiciables (A) et d'autre part le faible echo des questions environnementales chez ces derniers (B).

A- La crainte negative du juge

Dans les Etats d'Afrique Centrale, on note une certaine frilosite ou du moins une
certaine mefiance traduisant la crainte des justiciables face au juge. Or cette crainte
n'arrange pas les affaires du droit de l'environnement car les justiciables preferent

224 Article 20 alinea 3 de la Convention de Bamako.

225 L'article premier de cet annexe 4 stipule que « Sauf dispositions contraires de l'accord prevu a l'article 20 de la presente Convention (Convention de Bamako), la procedure d'arbitrage est conduite conformement aux dispositions des articles 2 a 10 ci-apres ».

eviter les sentiers du juge pour se constituer victimes resignees meme pour des causes dans lesquelles leurs droits sont foules au pied.

A cet effet, on peut valablement questionner les propos de Jann RIVERO selon lesquels « la crainte du juge est le commencement de la sagesse ». L'auteur ne voulait-il pas exprimer que la simple presence du juge entraine une bonne conduite des sujets sociaux sous peine de condamnation ? Il s'agit ici plutot d'une crainte negative pouvant entrainer la paralysie de toute action juridictionnelle : Le justiciable craintif se rendrait des lors coupable pour delit de complicite avec les predateurs ou delinquants de l'environnement.

Les pesanteurs socioculturelles s'observent davantage au niveau de la meconnaissance du droit de l'environnement de la part des populations.

B- Le faible echo des questions environnementales chez les justiciables

En Afrique en general et en Afrique Centrale en particulier, les principes de prevention et de precaution tout comme le droit de l'environnement lui-meme sont meconnus de la majeure partie de la population qui n'y voit qu'un simple slogan politique de trop ; pour ceux qui en ont entendus parler, c'est-à-dire les etudiants de deuxieme cycle des facultes de droit et les chercheurs. La consequence de cet etat de choses est que le droit de l'environnement et ses principes ne peuvent qu'etre ranges aux accessoires.

En guise d'etude comparee, le droit de l'environnement beneficie en Europe par exemple a la fois d'une forte couverture mediatique et d'un large appui populaire, d'une part en raison des debats et des passions qui ont entoure certains scandales, d'autre part depuis l'emergence de nouvelles problematiques liees a la protection de la sante humaine et de l'environnement. On se rappellera que les reactions suscitees par les affaires de la vache folle, du sang contamine, du poulet a la dioxine, et par l'utilisation d'organismes genetiquement modifies dans les semences et les produits agricoles ont entraine dans certains pays europeens et au

niveau de la Communaute europeenne plusieurs mesures d'interdiction et de reglementation, le plus souvent dans un contexte d'incertitude scientifique quant aux risques potentiels impliques226.

En Afrique Centrale, l'ignorance des populations sur les questions environnementales s'illustre aisement par la destruction anarchique des for4ts, la destruction de la faune aquatique et forestiere, la pollution de l'environnement n'etant pas en reste. Ceci est caracteristique du fait que cette population n'est pas suffisamment eduquee sur les questions de l'environnement et du danger que court l'humanite si tout le monde ne se leve pas comme un seul homme pour la defense de la nature.

Le cote socioculturel de ces entraves etant elucide, force serait de s'appesantir a present sur l'aspect socioeconomique.

Paragraphe 2 : Les entraves socioeconomiques

Deux axes gouverneront notre reflexion ici a savoir d'une part la corruption (A) et la pauvrete ou la situation d'indigence des justiciables, d'autre part (B).

A- La corruption

Definie comme un comportement penalement incrimine par lequel sont sollicites,
agrees ou revues des offres, promesses, dons ou presents, a des fins
d'accomplissement ou d'abstention d'un acte, d'obtention de faveurs ou

226 Voir en particulier : C. NOIVILLE et P.-H. GOUYON, « Annexe 2 - Principe de precaution et organismes genetiquement modifies. Le cas du maïs transgenique » dans P. KOURILSKY et G. VINEY, note 3, p. 277; M.-A. HERMITTE et D. DORMONT, « Annexe 3 - Propositions pour le principe de precaution a la lumière de l'affaire de la vache folle », dans P. KOURILSKY et G. VINEY, op. cit., note 3, p. 341; M. SETBON, « Annexe 4 - Le cas du sang contamine confronte au principe de precaution », dans P. KOURILSKY et G. VINEY, op. cit., note 3, p. 387., cite par TRUDEAU (H.), op. cit., p. 12.

d'avantages particuliers227, la corruption peut revetir deux formes : active ou passive. Dans le premier cas, elle est le fait du corrupteur, c'est-A-dire celui qui prend l'initiative tandis que dans le second cas elle est le fait du corrompu c'est-Adire celui qui reçoit ou agréé. Une vue plus globale de la notion de corruption est donnée ainsi : La corruption est la perversion ou le détournement d'un processus ou d'une interaction entre une ou plusieurs personnes dans le dessein, pour le corrupteur, d'obtenir des avantages ou des prérogatives particulieres ou, pour le corrompu, d'obtenir une rétribution en échange de sa bienveillance. Elle conduit en général a l'enrichissement personnel du corrompu ou a l'enrichissement de l'organisation corruptrice (groupe mafieux, entreprise, club, etc.). C'est une pratique qui peut-etre tenue pour illicite selon le domaine considéré (commerce, affaires, politique...). Elle peut concerner toute personne bénéficiant d'un pouvoir de décision, que ce soit une personnalité politique, un fonctionnaire, un cadre d'une entreprise privée, un médecin, un arbitre ou un sportif, un syndicaliste ou l'organisation a laquelle ils appartiennent. La corruption active consiste a proposer de l'argent ou un service a une personne qui détient un pouvoir en échange d'un avantage indu. La corruption passive consiste a accepter cet argent. Un exemple classique est celui d'un homme politique qui reçoit de l'argent a titre personnel ou pour son parti de la part d'une entreprise de travaux publics et en retour lui attribue un marché public. L'homme politique pourrait etre accusé de corruption passive : il a reçu de l'argent, alors que l'entreprise peut, elle, etre accusée de corruption active228.

Ce fléau constitue un véritable serpent de mer dans la société africaine et plus précisément en Afrique Centrale. Elle touche toutes les couches de la société. Les institutions juridictionnelles n'échappent pas a ses tentacules. D'ailleurs, les juridictions des pays d'Afrique Centrale sont considérées comme de véritables foyers de cette gangrene. En guise d'illustration, les rapports de l'ONG Transparency international229 de 2007 et 2008 au Cameroun classaient les

227 Lexique des termes juridiques Dalloz, op. cit., p. 164

228 Voir http://fr.wikipedia.org/wiki/ Corruption#cite_note-0

229 Transparency international est une ONG allemande qui lutte en dénonçant la corruption
galopante et qui a classé le Cameroun, pays situé au cceur de l'Afrique Centrale au premier rang

institutions juridictionnelles camerounaises en tete des institutions les plus corrompues du pays. « La corruption affecte meme le systeme judiciaire, un secteur "qui est cense mettre fin a la corruption'', mais qui n'en est pas capable >> expliquait en 2008, Mme Baster de l'ONG Transparency international, qui a precise auparavant que « les plus démunis sont les plus penalises... >>230

Dans ces pays, les juges véreux ont la propension a sacrifier les causes aussi nobles soient-elles comme l'environnement a l'autel de quelques francs symboliques que présentent les bourreaux de l'environnement. L'accentuation de la corruption dans cette partie du continent africain ne trouve-t-elle pas son origine dans la pauvreté ambiante dans laquelle est plongée la population depuis l'annonce de la crise economique en 1982 ? Il est vrai, les Etats africains dans leur quasi-totalité se mobilisent contre la corruption, a travers divers moyens. C'est l'exemple de « SOS corruption >> au Benin qui au sein de l'administration, doit recueillir les doléances des citoyens231. C'est egalement le cas des observatoires de la corruption dans l'administration camerounaise232. Dans ce continent, plusieurs bailleurs de fonds menent une croisade sans merci contre cette gangrene qui est l'un des obstacles de la lutte contre la pauvreté233.

B- La pauvreté ou l'indigence des justiciables

La pauvrete, notion aux « innombrables visages >>234, a longtemps ete considers dans
les pays de l'Afrique Centrale comme etant un pretexte pour justifier les assauts

des pays les plus corrompus de la planete dans ses rapports pendant plusieurs annees successives. Voir http://www1.voanews.com/french/news/a-46-2007-12-06-voa9-91955539.html.

230 A consulter sur http://www1.voanews.com/french/news/a-46-2007-12-06-voa9-

91955539.html.

231 ANOUKAHA (F.) ; POKAM (H. De P.) ; FOLEFACK (E.); NKENFACK (H.) : « La lutte contre la pauvrete et les exclusions par les institutions et les pouvoirs publics en Afrique a travers le concept de "gouvernance partagee'', Annales de la faculte des sciences juridiques et politiques (FSJP) de l'Universite de Dschang, Tome 7, PUA, 2003, p. 15.

232 C'est l'exemple de l'Arrete n° 0056/MINESUP/CAB du 21/06/2001 portant creation d'une cellule centrale de lutte contre la corruption et de promotion de l'ethique dans l'Enseignement Superieur du Cameroun.

233 ANOUKAHA (F.) et alt., op. cit., p. 14.

234 WINTER (G.) : L'impatience des pauvres, Paris, PUF, 2002, pp. 72 et s.

portes contre l'environnement235. Les pays de l'Afrique Centrale sont en effet caracterises par leur situation d'extreme pauvrete, car la moyenne de la population y vit en dessous du seuil de pauvrete236. Le dictionnaire Encarta237 definit la pauvrete de diverses manieres. En premier lieu, il la concoit comme la situation dans laquelle se trouve une personne qui a tres peu d'argent pour subsister et vivre decemment. Deuxiemement, elle l'analyse comme un manque de valeurs, d'interet ou de qualite (de quelque chose sur le plan moral ou intellectuel). Troisiemement, elle constitue un manque d'abondance ou de diversite. Quatriemement et enfin, elle s'apparente a l'apparence miserable de quelque chose qui revele le manque d'argent. De l'examen approfondi de ce qui precede, il ressort que la pauvrete peut se presenter sous deux principales formes : la forme materielle et la forme morale ou psychologique238.

La pauvrete est un frein a l'epanouissement du juge dans son action de controle. Elle place a la fois le justiciable et le juge dans une situation de dependance et est generatrice de la corruption. L'adage « ventre affame n'a point d'oreille >> ne revetil pas son sens le plus complet ici ?

La pauvrete fragilise l'action du juge et influence le comportement du consommateur (justiciable). A cause d'elle, le consommateur africain se contentera de « soupirer devant une boite de conserve avariee plutot que de faire valoir ses droits a des produits de bonne qualite et par suite, son droit a la sante >>239. Devant une telle situation, le juge est passif car c'est en vain qu'on cherche dans les pays africains une jurisprudence sur le droit essentiel du consommateur alors

235 SOH FOGNO (D. R.), op. cit., p . 220.

236 La Banque Mondiale par exemple met en avant une de ces methodes d'estimation du seuil de pauvrete, avec comme critere un seuil normatif de 1 dollar US, (soit pres de 480fcfa) par personne et par jour. Pour plus de details sur le calcul du seuil de pauvrete : consulter : http://fr.wikipedia.org/wiki/Seuil_de_pauvret% C3%A9

237 Dictionnaire Encarta 2008, op. cit.

238 Pour plus d'amples details sur les diverses facettes de la pauvrete, lire SOH FOGNO (D. R.), op. cit., pp. 221 et s.

239 KAMTO (M.), op. cit., p. 349.

meme que les cas d'intoxication alimentaire pour cause de consommation des produits avariés sont légion240.

En effet, « L'Afrique est le réservoir des rebuts et autres produits périmés ou impropres a la consommation >>241. Qui ne se souvient en effet pas de la viande irradiée a la suite de l'accident de Tchernobyl et exportée du marché européen vers certains pays africains (au Ghana par exemple), du lait, des conserves de toutes sortes, des cigarettes et de nombreux autres produits avariés et destinés a la destruction, mais que l'on retrouve sur le marché africain ? Qui ignore le phénomene de l'envahissement des marchés des pays de l'Afrique centrale a l'instar du Cameroun par les produits impropres a la consommation comme le poulet congelé et le lait frelaté pour ne citer que ceux la, et qui font l'objet de beaucoup de débats ? Mais curieusement, personne ne leve le petit doigt. Le contrôle sanitaire de ces denrées alimentaires semble inexistant, nonobstant la gamme variée des réformes des autorités en charge des questions d'environnement et de santé publique.

240 Ibidem.

241 Ibid., p. 345.

Deuxième conclusion partielle

En se placant dans une perspective chronologique, on remarque que les hesitations liees au developpement de l'application par les juges des principes du DIE en general et des principes de prevention et de precaution en particulier sont cristallisees sur plusieurs axes :

D'une part, et cela ressort de notre demonstration, les textes de la sous region Afrique Centrale ne reconnaissent le juge qu'imparfaitement comme autorite devant connaitre des differends d'environnement, ce qui n'a pas facilite l'emergence d'une jurisprudence sous regionale en matiere d'environnement. C'est donc à juste raison qu'on a pu noter « une mefiance caracteristique vis-à-vis de la procedure juridictionnelle >>242 ; d'autre part, et nous ne l'avons pas cache, l'approximation de la formation des juges sur les questions d'environnement, ce qui n'empêche pas les justiciables de se constituer victimes resignees, motif pris tres souvent de leur indigence, de leur ignorance ou tout simplement du faible echo des questions environnementales, mais surtout de la corruption rampante que ne facilite pas la pauvrete ambiante ici et la.

242 KEMFOUET KENGNY (E. D.), op., cit., p. 77.

Conclusion générale

« Line des di icultes les plus cruciales en sciences sociales est de conclure. Et ce serait meme une erreur que de vouloir conclure si on ne prend pas au prealable un certain nombre de precautions >>243. Cela suppose pour un sujet comme le nitre, qu'on ait toujours a l'esprit le point oil l'on est parti : Il etait question pour nous de demontrer qu'apres avoir acquis leurs lettres de noblesse en droit international de l'environnement, les principes de prevention et de precaution ont connu progressivement une valeur normative et une application effective en Afrique centrale. En effet, cette normativite est dejà etablie lorsque les principes sont expressement formules dans une loi, et qu'ils encadrent l'exercice d'un pouvoir decisionnel de l'administration a l'endroit d'une activite, d'une substance ou d'un produit susceptible de comporter des risques de dommage graves ou irreversibles pour l'environnement ou la sante humaine244. De cette normativite decouleront de nouvelles obligations tant pour les autorites publiques que pour les particuliers. L'exemple le plus accompli a cet egard resulte de l'integration des traites ou des conventions du droit international de l'environnement dans les textes de la sous-region. De fait, une fois que ces valeurs declaratoires et symboliques penetrent dans l'ordre juridique communautaire, elles acquierent une force juridique incontestable et beneficient non seulement de la primaute sur les droits internes, mais jouissent aussi de l'effet direct ; les autorites nationales y compris le juge etant les principaux garants de l'application de ce droit communautaire245.

S'il etait indique de degager au prealable notre problematique axee essentiellement sur les acteurs de l'application des principes du DIE en Afrique Centrale, il etait tout aussi important d'envisager le domaine et les modalites (techniques) d'application de ces instruments. Ceci devrait permettre, et nous n'en sommes pas arrives tres loin, de constater que le controle par le juge de ladite

243. KEMFOUET KENGNY (E. D.), op ; cit, p. 409.

244 TRUDEAU (H.), op., cit., p. 60.

245 KEMFOUET KENGNY (E. D.), op ; cit, p. 173.

application serait d'une contribution inestimable pour la protection efficace de l'environnement. A cet egard, nous avons note que, contrairement a ce que l'on peut penser concernant le reglement des differends, les textes sous-regionaux d'environnement consacrent pour l'essentiel l'arbitrage d'un organe ad hoc246, le reglement amiable entre les parties247, et la negociation248. C'est en dernier ressort249 et notamment en cas d'echec des autres procedures reputees plus douces25° que les parties « peuvent >> recourir a la procedure juridictionnelle, notamment a la Cour de l'Union Africaine251 ou la Cour Internationale de Justice

( C.I.J.)252 ;

Quoi qu'il en soit et nous l'avons egalement releve, les principes de prevention et de precaution ont un domaine vaste et sont mis en oeuvre par des instruments connus indiques plus haut. Certes, precaution et prevention ont en commun de situer l'action a entreprendre avant la materialisation du risque253, mais la confusion ne pourrait se radicaliser a l'extreme et confondre les deux principes. Tout au plus, nous avons releve au dela de notre analyse, que le principe de prevention implique la prise en compte par le droit des risques potentiels de fa~on a eviter que ceux-ci n'entrainent eventuellement des dommages graves ou irreversibles pour l'environnement ou la sante humaine. Pour emprunter l'heureuse expression de Monsieur Jean Marc LAVIEILLE, il s'agit des « mesures de gestion d'un risque connu >>254. Nous aurons aussi demontre que la singularite du principe de precaution reside dans l'insuffisance des connaissances qui conduit parfois a l'incertitude scientifique255. Au demeurant et il convient de le relever, si la

246 C'est le cas des articles 20 alinea 3 de la Convention de Bamako et 24 alinea 2 de la Convention d'Abidjan.

247 Article XXX alinea 1 de la Convention africaine sur la conservation de la nature et des ressources naturelles.

248 Article 24 alinea 1 de la Convention d'Abidjan et article 20 alinea 1 de la Convention de Bamako

249 KEMFOUET KENGNY (E. D.), op., cit., p. 77.

250 Ibidem

251 Article XXX alinea 1 de la Convention africaine sur la conservation de la nature et des ressources naturelles.

252 Article 20 alinea 2 de la Convention de Bamako

253 -
·-
·,.-

LUCCHIN1 (L.), op., cit., p. 714.

254 LAVIEILLE (J. M.), op. cit., p. 89.

255 -

LUCCHina (L.), op., cit., p. 715.

prévention, forme de gestion des risques, vise un objectif imparfait certes mais rationnellement fondé et économe, la précaution, basée sur l'absence de certitudes scientifiques sur la peur, promet peu ou prou un idéal de « risque zéro >>256.

Cependant que l'application des principes objet de notre travail incombe a plusieurs types d'acteurs : des autorités administratives centrales et déconcentrées en passant par les collectivités locales, les personnes privées, les associations et les ONGs.

Nous sommes donc convenus sur la base des études récentes, que le probleme de l'application de la norme internationale en droit interne est une question classique du droit des gens257. Car depuis sa reconnaissance internationale, le principe de précaution confere de nouveaux pouvoirs aux autorités publiques pour suspendre l'effet des regles économiques et commerciales ordinaires258. Il n'en va pas autrement pour ce qui est de son corollaire, le principe de prévention. Ainsi, l'application de ces principes est tout d'abord l'apanage des pouvoirs publics. Il est en effet certain que dans le domaine de l'environnement il existe des reglements de police visant a interdire et a controler certaines activités humaines perturbatrices du milieu naturel. Les autorités publiques appliquent ces principes en correspondance légale avec la nécessité d'assurer les objectifs d'ordre public que sont traditionnellement la sécurité, la tranquillité et la salubrité publique259 pour mettre en oeuvre la politique diplomatique courante des Etats qui consiste a "réagir et corriger'', laquelle semble devoir être remplacée par une politique du "prévoir et prévenir''260.

Cette application est ensuite pour les citoyens « a la fois un droit a exercer et un
devoir a respecter
>>261. Ceux-ci l'exercent comme droit quand ils dénoncent devant

256 GUIBERT ( C.) ; LOUKAKOS (N.), op., cit.,

257 KEMFOUET KENGNY (E. D.), op. cit., p. 178.

258 GODARD (O.) ; et alt., op. cit., p. 170.

259 PRIEUR (M.), « Les principes généraux du droit de l'environnement >>, op. cit., p. 7 ; Voir aussi BILONG (S.) : op. cit.

268 Environment security, International Peace Research Institute-United Nations Environnement Programme, p. 9 ; cité par PAYE (O.) et alt., op. cit., p.211.

261 LAVIEILLE (J.M.), op. cit., p. 99.

l'administration ou la juridiction compétente, les atteintes qu'un projet peut causer a l'environnement. En revanche, ils se doivent aussi de respecter les décisions administratives ou juridictionnelles prises pour la poursuite d'un projet dont la nocivité sur l'environnement n'est pas avérée. Il s'agit au sens large d'un instrument d'action pour controler la conformité de textes postérieurs et pour contester des décisions publiques ou privées qui y seraient contraires. De maniere synthétique, c'est « un devoir a respecter par les autorités politiques, administratives qui, dans leurs compétences respectives, vont ou non, autoriser la mise en oeuvre de projets, devoir a respecter également par les créateurs de risques ainsi des scientifiques, des industriels ; devoir a respecter par les générations présentes qui devraient titre "gardiennes'' des générations futures >>262. C'est ainsi que nous sommes parvenus, dans les conditions de travail qui étaient les nitres, a une conclusion a laquelle tout apprenant qui s'essaye dans la recherche n'aurait pu que adhérer, a savoir que l'application des principes de prévention et de précaution est certainement partout ailleurs et davantage en Afrique centrale, l'affaire de tous.

Cependant, d'autres recherches ultérieures plus pointues, axées par exemple sur une étude de cas spécifique nous permettraient sans doute de fixer définitivement les esprits sur la réalité de l'application de ces principes phares du droit international de l'environnement dans l'un des Etats de l'Afrique Centrale. Nous aurons peut-titre commencé a remplir notre obligation fut-elle morale ; celle de restituer a qui de droit une société écologiquement viable ; car le dommage écologique s'étalant souvent dans le temps, il faut comprendre des lors que nous sommes tous responsables vis-à-vis des générations futures. Finalement, comme le disait Antoine De Saint EXUPERY, « Nous ne léguons pas la nature a nos enfants, nous la leur empruntons >>263

262 Ibidem.

263 DUPUY (P.M.), op. cit.

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50. PR IEUR (M.) et alt., : « L'information, la participation et l'evaluation environnementale », cours audio-visuel de tronc commun de Master 2 par satellite (ENVIDROIT) en Droit international et compare de l'Environnement, Universite de Limoges, 2009 - 2010.

51. PR IEUR (M.) : « Les principes generaux du droit de l'environnement », Cours polycopie n° 5 de tronc commun de Master 2 par Satellite en Droit international et compare de l'environnement, Universite de Limoges, 2009-2010, 99 p.

52. ROM I (R.) : L'administration et les acteurs du droit de l'environnement : l'exemple francais, cours polycopie de Master 2 par satellite en Droit international et compare de l'environnement, Universite de Limoges, 2009-2010, 135 p.

E- Autres sources

53. Agenda 21 (Action 21) de Juin 1992

54. Arrete n° 00001/MINEP du 03 Fevrier 2007 sur le contenu general des termes de reference des etudes d'impact environnemental au Cameroun.

55. Arrete n° 0056/MINESUP/ CAB du 21/06/2001 portant creation d'une cellule centrale de lutte contre la corruption et de promotion de l'ethique dans l'Enseignement Superieur du Cameroun.

56. Charte mondiale de la nature du 28 octobre 1982.

57. CJ CE, 15 juillet 1964. Aff. COSTA C/ ENEL aff. 6/64. Rec. 1141.

58. Constitution de Guinee Equatoriale du 28/09/1958

59. Constitution de la Republique Centrafricaine du 05/12/2004

60. Constitution de la Republique du Cameroun du 18/01/1996

61. Constitution de la Republique du Congo

62. Constitution de la Republique du Gabon issue de la loi n° 1/94 du 18/03/1994 modifiee le 19/08/2003

63. Constitution de la Republique du Tchad du 31/03/1996, revisee en Mai 2004

64. Constitution de la Republique francaise du 04/10/1958

65. Convention cadre sur les changements climatiques du 9 mai 1992.

66. Convention d'Aarhus du 25/06/1998 sur l'acces a l'information, la participation du public au processus decisionnel et l'acces a la justice en matiere d'environnement.

67. Convention d'Espoo du 25/02/1991 sur l'etude d'impact transfrontiere

68. Convention d'Helsinki du 17 Mars 1992 sur la protection et l'utilisation des cours d'eau transfrontieres et des lacs internationaux.

69. Convention de Bamako du 30 Septembre 1991 sur l'interdiction d'importer en Afrique des dechets dangereux et sur le controle des mouvements transfrontieres et la gestion des dechets dangereux produits en Afrique

70. Convention de Barcelone sur la protection du milieu marin et du littoral de la Mediterranee amendee le 10 juin 1995.

71. Convention de Libreville du 05/07/1996 regissant l'UMA C.

72. Convention de Rio du 5 juin 1992 sur la diversite biologique.

73. Convention de Vienne du 22 Mars 1985 sur la protection de la couche d'ozone.

74. Declaration de Rio de juin 1992 sur l'environnement et le developpement.

75. Declaration de Stockholm de Juin 1972 sur l'environnement.

76. Decret 00539 du 15 juillet 2005 abrogeant celui N° 405 du 15 mai 2002.

77. Decret N° 2005/0577/PM du 23 fevrier 2005 fixant les modalites de realisation des

etudes d'impacts environnementaux au Cameroun

78. Dictionnaire Encarta sur Microsoft Encarta 2008.

79. Dictionnaire HACHETTE encyclopedie illustre, 1996, 2028 p.

80. Directive 89/397/ CEE du Conseil, du 14 juin 1989 relative au controle officiel des denrees alimentaires.

81. « Le Monde », du Mercredi 23 Juin 2010,

82. Lexique des termes juridiques Dalloz, 13eme edition, 2001, 592 p.

83. Loi camerounaise n° 2006/022 du 29 Decembre 2006 portant creation des tribunaux administratifs dans chaque region

84. Loi n° 16/93 du 26 aoilt 1993 portant code de l'environnement au Gabon.

85. Loi n° 96/12 du 5 aoilt 1996 portant loi-cadre relative a la gestion de l'environnement au Cameroun

86. Protocole de Montreal du 16 Septembre 1987 relatif aux substances qui appauvrissent la couche d'ozone.

F- Sites Internet

87. http://connetoitoimeme.blogspot.com/2010/02/theorie-et-pratique.html

88. http://decouverte.wwf.fr

89. http://fr.wilipedia.org/wili/ Corruption#cite_note-0

90. http://fr.wilipedia.org/wili/Seuil_de_pauvret% C3%A9

91. http://reflex.raadvstconsetat.be/reflex/index.reflex?page=chrono&c=detail_get&d=detail&docid=8717&ta b=euro

92. http://reflex.raadvst-consetat.be/reflex/index.reflex?page=chrono&c=detail_get&d= detail&docid=8717&tab=euro

93. http://www.cameroun-online.com/actualite,actu-5204.html

94. http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/IMG/pdf/FD001431.pdf

95. http://www.dossiersdunet.com/spip.php?article210

96. http://www.hysacam-proprete.com/index.php?mod=entreprise&vg=4, consulte le 29/07/2010.

97. http://www.jeuneafrique.com/Articles/Dossier/ARTJAJA2551p086 .xml1/
environnement-ville-dechet-hysacamhysacam-un-modele-pour-la-propreteurbaine.html, consulte le 29/07/2010.

98.

http://www.memoireonline.com/08/09/2487/m_Le-contrle-juridictionnel-desactiyites-de-la- CEMA C7.html.

99. http://www.memoireonline.com/11/08/1624/m_Le-principe-de-preyention-etletude-dimpact-sur-lenyironnement-dans-le-projet-dexploitation-mini0.html

100. http://www.memoireonline.com/12/05/33/m_principe-de-precaution-philosophiedroit0.html

101. http://www.oboulo.com/cjce-costa-c-enel-15-juillet-1964-24723.html.

102. http://www.persee.fr/web/reyues/home/prescript/article/afdi_0066- 3085_2001_num_47_1_3654,

103. http://www.persee.fr/web/reyues/home/prescript/article/afdi_00663085_1999_nu m_ 45_1_3586

104. http://www1.yoanews.com/french/news/a-46-2007-12-06-yoa9-91955539.html.

105. https://papyrus.bib.umontreal.ca/jspui/handle /1866/1420

Table des matières

DEDICACE..................................................................................................................................................... II REMERCIEMENTS.................................................................................................................................... III PRINCIPALES ABREVIATIONS ................................................................................................................ V SOMMAIRE................................................................................................................................................ VII INTRODUCTIONGENERALE .................................................................................................................... 1

I- PRECISIONS TERMINOLOGIQUES .....................................................................................................

A- QU'EST CE QUE L'APPLICATION 9 ............................................................................................................. 3

B- LE PRINCIPE DE PREVENTION ..................................................................................................................... 3

C- LE PRINCIPE DE PRECAUTION .................................................................................................................... 5

D- L'ESPACE GEOGRAPHIQUE CIBLE : L'AFRIQUE CENTRALE ........................................................................ 8

II- INTERET ET PROBLEMATIQUE DU SUJET, METHODOLOGIE ET PLAN ............................... 9

A- INTERET DU SUJET ET PROBLEMATIQUE .................................................................................................... 9

B- METHODOLOGIE ET PLAN ........................................................................................................................ 12

PREMIERE PARTIE : L'APPLICATION DES PRINCIPES DE PREVENTION ET DE PRECAUTION PAR LES AUTORITES ADMINISTRATIVES DANS LES ETATS D'AFRIQUE

CENTRALE. .................................................................................................................................................. 13

CHAPITRE 1 : LE CHAMP D'APPLICATION DES PRINCIPES DE PREVENTION ET DE

PRECAUTION.............................................................................................................................................. 13

SECTION I : LE DOMAINE D'APPLICATION DES PRINCIPES DE PREVENTION ET DE PRECAUTION .................... 13

Paragraphe 1 : Etendue du domaine d'application de ces principes 14

A- Les risques environnementaux et la sante publique 14

1) L'emergence des principes de prevention et de precaution dans le domaine de l'environnement 14

2) L'application des principes de prevention et de precaution a la sante publique 16

B- Gestion des catastrophes naturelles et industrielles 17

Paragraphe 2 : Conditions d'application des principes de prevention et de precaution 20

A- L'incertitude scientifique dans l'application du principe de precaution. 20

B- La preuve du dommage connu et le principe de prevention 22

SECTION II : MODALITES D'APPLICATION DES PRINCIPES DE PREVENTION ET DE PRECAUTION .................... 23

Paragraphe 1 : Instruments de mise en oeuvre des principes de prevention et de precaution 24

A- Les etudes d'impact environnemental (EIE) 24

B- Portée des etudes d'impact dans le droit sous-regional de l'environnement 27

Paragraphe 2 : Effets de la mise en oeuvre des principes 31

A- L'application du poids de la preuve 31

B- La garantie d'une protection adequate de l'environnement 34

CHAPITRE 2 : LES AUTORITES EN CHARGE DE L'APPLICATION DES PRINCIPES DE

PREVENTION ET DE PRECAUTION. ..................................................................................................... 37 SECTION 1 : LES AUTORITES POLITIQUES ET CENTRALES ............................................................................. 38

Paragraphe 1 : Les autorites constitutionnelles 38

A- Le role constitutionnel des chefs d'Etats d'Afrique Centrale 38

B- Les pouvoirs du legislateur et du conseil constitutionnel 39

Paragraphe 2 : L'administration active 41

A- Les Ministres en charge de l'environnement 41

B- Le Ministre de la sante et les autres Ministres 42

SECTION 2 : LES AUTORITES LOCALES ......................................................................................................... 43

Paragraphe 1 : Les autorités décentralisées et les autorités déconcentrées 44

A- L'application du droit international de l'environnement par les Maires et Délégués du gouvernement 44

B- Le role central du Préfet en matiere de protection de l'environnement 47

Paragraphe 2 : Les autres acteurs 49

A- Les associations et les personnes privées 50

B- Les Organisations Non Gouvernementales (ONG) 52

1) L'alerte vis-a-vis des décideurs 53

2) L'alerte vis-a-vis du public 54

PREMIERE CONCLUSION PARTIELLE ................................................................................................ 56

DEUXIEME PARTIE : L'APPLICATION DES PRINCIPES DE PREVENTION ET DE
PRECAUTION PAR LES AUTORITES JURIDICTIONNELLES D'AFRIQUE CENTRALE ........... 57

CHAPITRE 1 : L'EXISTENCE DES JURIDICTIONS COMME GAGE DE L'APPLICATION DE

CESPRINCIPES ........................................................................................................................................... 60

SECTION 1 : LA NATURE DES JURIDICTIONS EN PRESENCE ............................................................................ 60

Paragraphe 1 : Les juridictions nationales 61

A- Conditions de recevabilite de la demande en justice en matiere environnementale 62

1) La recevabilite subjective 62

2) La recevabilite objective 63

B- Les regles de fonctionnement des juridictions d'Afrique Centrale en matiere de protection de l'environnement 64

Paragraphe 2 : Les juridictions sous-regionales ou supra nationales 65

A- La nature politique des autorites de nomination des membres de la Cour de Justice de la CEMAC 65

B- La faculte de nomination a la Cour des membres non magistrats 66

SECTION 2 : LA COMPETENCE DES JURIDICTIONS D'AFRIQUE CENTRALE EN MATIERE D'ENVIRONNEMENT 67

Paragraphe 1 : La competence des juridictions nationales 68

A- La competence de la juridiction administrative en matiere de protection des principes du droit de l'environnement 68

B- La competence des juridictions judiciaires nationales d'Afrique Centrale en matiere de controle de l'application des principes de prevention et de precaution ................................................................................. 70

Paragraphe 2 : La competence de la juridiction supra nationale dans l'espace Afrique Centrale en matiere d'application des principes de prevention et de precaution 73

CHAPITRE 2 : LES ENTRAVES A L'APPLICATION EFFICACE DE CES PRINCIPES EN AFRIQUE CENTRALE 75

SECTION 1 : LES ENTRAVES INTRINSEQUES 75

Paragraphe 1 : Les entraves inherentes aux autorites de controle 75

A- L'approximation de la formation des autorites juridictionnelles sur les questions d'environnement 75

1) La frilosite constatee des juges dans le reglement des litiges. 76

2) L'irresponsabilite virtuelle de l'Administration publique 77

B- La dependance des autorites de controle vis-à-vis du pouvoir politique 77

1) La problematique de l'independance des juges 78

2) Le choix politique des juges non magistrats 78

Paragraphe 2 : Les entraves structurelles et fonctionnelles 79

A- Les entraves structurelles 79

1) La question de l'extreme centralite des institutions de controle 79

2) Les coots eleves des proces et leur lenteur 81

B- Les entraves fonctionnelles 82

1) La possibilite de recourir a l'expertise 82

2) L'intervention de la transaction ou de l'arbitrage 83

SECTION 2 : LES ENTRAVES EXTRINSEQUES 84

Paragraphe 1 : Les entraves socioculturelles 84

A- La crainte negative du juge 84

B- Le faible echo des questions environnementales chez les justiciables 85

Paragraphe 2 : Les entraves socioéconomiques 86

A- La corruption 86

B- La pauvreté ou l'indigence des justiciables 88

DEUXIEME CONCLUSION PARTIELLE 91

CONCLUSION GENERALE 9

BIBLIOGRAPHIE 96

A- OUVRAGES 96

B- ARTICLES DE DOCTRINE 97

C- MEMOIRES ET THESES 98

D- COURS 99

E- AUTRES SOURCES 100

F- SITES INTERNET 101

TABLE DES MATIERES 103






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"Un démenti, si pauvre qu'il soit, rassure les sots et déroute les incrédules"   Talleyrand