UNIVERSITE LIBANAISE
FACULTE DES LETTRES ET DES SCIENCES HUMAINES
DEPARTEMENT DE PHILOSOPHIE
DOYENNETE
Contre-histoire de la philosophie
Le laboratoire de la philosophie vivante
De Michel Onfray
Mémoire en vue de l'obtention du diplôme
d'études supérieures en philosophie
Préparé par Rania Nassif Kassir.
Dirigé par le Professeur Joseph Albert Maalouf.
Dekwaneh - Liban - 2009
Dédicace
A mes profs et mes amis à l'université libanaise
qui m'ont accompagnée dans mes années d'étude.
Et à Monsieur Hamid Zanaz dont l'amical soutien et la
prévenance m'ont beaucoup réconfortée.
Remerciement
Je présente au Professeur Joseph Maalouf l'expression de
ma reconnaissance et je le remercie particulièrement pour sa patience
et ses remarques précieuses qui m'étaient indispensables pour
mener à terme cette recherche.
Table des matières
Introduction générale : Quand la
côte d'Adam invente la philosophie...p.8
Première partie :
Contre-pédagogie : Principes pour la
pédagogie libertaire.............p.23
Introduction............................................................................p.23
Chapitre I : La spécificité de l'existence
humaine...........................p.24
A. Généalogie de la vie
humaine.................................p.24
B. La philosophie et la vie : deux
jumeaux.......................p.28
Chapitre II : Le naturel face à la machine
sociale............................p.31
A. Les fossoyeurs de
l'enfance..................................p.32
B. Le principe du
Panoptique.....................................p.33
C. Enseignement de la philosophie en
classe terminale......p.35
Chapitre III : Contre-institution: L'université
populaire.....................p.38
A. Qui enseigne la
philosophie ?...........................................p.40
A.1 Le Maître
socratique.....................................p.40
A.2 Le Maître
nietzschéen....................................p.41
A.3 Le Maître
nominaliste....................................p.43
A.4 Le Maître
engagé.........................................p.45
B- Qui a droit à la
philosophie ?............................................p.47
B.1 La philosophie pour tout
âge.............................p.48
B.2 La philosophie pour
tous.................................p.49
C- Quelle différence entre
élargir et avachir.....................p.51
Conclusion : Le condottiere et la machine
célibataire........................p.55
Deuxième partie :
Contre-historiographie : Exhumation d'une
historiographie
alternative.........................................................................p.57
Introduction.........................................................................p.57
Chapitre I : Les deux mouvements du
philosophe............................p.57
A. Une procédure pour sculpter sa
vie...........................p.58
B. Des exemples de la sculpture de
soi............................p.60
Chapitre II : Une autre Antiquité : Les
sagesses antiques....................p.67
A. Le
platonisme...................................................p.67
B. Les sagesses
antiques..........................................p.69
B.1 Le
matérialisme...........................................p.69
B.2
L'hédonisme...............................................p.71
B.3 Le
sensualisme.............................................p.73
C. Les mesures de
répression....................................p.75
C.1 Le mythe du Socrate
platonisé...........................p.75
C.2 Aristippe de
Cyrène,
ou portait du philosophe en
blancs.....................p.76
C.3 Le pourceau
d'Epicure....................................p.78
Chapitre III : Un autre Moyen-Âge et une autre
Renaissance : Le christianisme
hédoniste...........................................................p.81
A. L'invention du christianisme
officiel.....................p.81
A.1 Jésus, le personnage
conceptuel......................p.81
A.2 Paul,
l'histérique...........................................p.83
A.3 Constantin, le
cynique...................................p.85
B. Le christianisme
hédoniste.................................p.87
B.1 Les gnostiques
licencieux..............................p.87
B.2 Le
Libre-Esprit..........................................p.89
B.3 Le christianisme
épicurien : Montaigne.............p.92
Chapitre IV : Un autre 17ème siècle :
Le libertinage baroque français et le
spinozisme.........................................................................p.95
A. Le
cartésianisme............................................p.95
B. Les libertins baroques et
Spinoza.........................p.97
B.1 Les libertins baroques :
Pierre Charron.............p.97
B.2 Le
spinozisme..........................................p.101
Chapitre V : Un autre 18ème
siècle : Les ultras des Lumière...............p.106
A. Les Lumières
pâles............................................p.106
B. Les Lumières
radicales.......................................p.110
B.1 Meslier : Un curé
athée sous Louis XIV...............p.110
B.2 d'Holbach : théoricien
de l'« athée vertueux ».......p.113
Conclusion : L'athéisme
tranquille............................................p.117
Troisième partie :
Petite histoire de la sculpture de soi :
l'athéisme
athée..............................................................................p.123
Introduction......................................................................p.123
Chapitre I : l'Elysée : philosophie ou
religion. ?.....................................p.127
A. Les deux attitudes de
l'Elysée...............................p.127
B. La radicalisation de la
laïcité................................p.130
Chapitre II : Le nihilisme
européen..........................................p.131
A. Le moment
charnière.........................................p.131
B.Vers un athéisme
européen...................................p.134
Chapitre III : Ethique
élective................................................p.138
A. Hapax existentiel : Le lointain
amour du prochain :
L'orphelinat..........................p.138
B.Vers un utilitarisme
philosophique.......................p.140
C. La morale aristocratique et
élective.....................p.141
D. Les principes
sélectifs.....................................p.143
E. Le talent pour
l'oubli.......................................p.145
Chapitre IV : Erotique
solaire.................................................p.146
A. Hapax existentiel : des
histoires mal construites.......p.146
B. Les deux modes de l'usage
chrétien du corps.......... p.147
C. Le désir de la
fusion........................................p.148
D. Les conséquences du couple
fusionnel..................p.150
E. Le désir comme
excès......................................p.151
F. Le contrat
hédoniste........................................p.153
G. Le féminisme
libertaire....................................p.155
Chapitre V : Bioéthique
prométhéenne......................................p.157
A- Hapax existentiel :
« Tumeur raconte d'où vient
le livre qui suit »..............p.157
B- La bioéthique
française.....................................p.158
C- La bioéthique au service des
parents......................p.160
D- La chirurgie de la greffe :
vivre............................p.163
E- Une pédagogie de la
mort...................................p.166
ChapitreVI : Mort de Dieu,
suite..............................................p.169
A. L'esthétique
cynique.........................................p.169
B. La
gastronomie...............................................p.170
C. La politique
libertaire.......................................p.172
Conclusion : Afin de mourir
vivant...........................................p.174
Quatrième partie :
Examen
critique...............................................................p.182
A. La possibilité d'une
bioéthique prométhéenne.......p.182
B. L'historicité de
Jésus.....................................p.182
C. L'Occident
judéo-chrétien et l'Orient musulman.....p.190
D. Les contradictions internes du
système................p.200
Conclusion
générale..........................................................p.209
Bibliographie...................................................................p.219
Introduction générale :
Quand la côte d'Adam1(*) invente la
philosophie :
Au moment où l'athéisme constitue la bête
noire d'un bon nombre des philosophes arabes, on voit, en revanche des
philosophes occidentaux, surtout français, qui ouvrent la porte à
une élaboration vigoureuse d'une pensée athée.
Tout le monde s'accorde que l'athéisme est au centre
des débats des Occidentaux et que des figures incontournables de la
philosophie contemporaine ont largement contribué à créer
l'atmosphère intellectuelle dans laquelle la pensée athée
s'est épanouie. Nous citons à titre d'exemple : Michel
Foucault, Jacques Derrida, Alain Tête, Albert Camus, André
Comte-Sponville, Marcel Conche, etc.
Nous nous limitons dans notre approche à trois
noms : Derrida, Conche et Sponville.
Derrida s'applique à
« déconstruire » le discours métaphysique et
théologique. Il voit que dans ce discours règne le
« logocentrisme » qui est étroitement lié au
« phonocentrisme » ou ce qu'on appelle le privilège
de la voix. A ce compte, Derrida adresse des reproches sévères
aux métaphysiciens (comme Platon, Rousseau, De Saussure et
Lévi-Strauss...) qui, en privilégiant la voix, favorisent
l'intérieur, la conscience, le moi et jettent l'extérieur,
l'écriture, la matière, le signifiant.2(*) Derrida résume ce
mépris de la matière chez les métaphysiciens dans
l'expression suivante : « l'histoire de la
métaphysique est le vouloir s'entendre-parler-absolu »
3(*). En d'autres, Derrida
considère que le discours métaphysique est un discours
déphasé, qui ne tient pas compte de l'interlocuteur.
De même, Marcel Conche a rejeté toute
explication théologique du monde et a trouvé que les philosophes
qui s'y livrent (comme Descartes, Kant et Hegel) ne sont pas des philosophes
authentiques car leur raison n'applique pas pleinement sa fonction et
dépend d'autre chose, de la foi et de la croyance monothéiste qui
régissent leur société. Pour lui, la philosophie est
l'oeuvre de la raison humaine. Or, cette dernière ne peut rencontrer
Dieu. Dans cette perspective, la vraie philosophie est celle qui cherche une
spiritualité sans Dieu.4(*) Cette ignorance totale de Dieu chez Marcel Conche est
résumée dans le passage suivant : «
j'hésite cependant à me dire athée, car le mot
« Dieu » a peu à peu perdu, pour moi toute
signification, il me paraît sans objet, et je ne crois pas qu'il ait lieu
de nier ce qui n'est rien » (Marcel Conche / Le destin de
solitude5(*)).
Dans le même ordre d'idées, André
comte-Sponville développe une « fidélité sans
foi », une « sagesse sans sainteté », une
« spiritualité sans Dieu ». Pour lui, Dieu est mort
et cet Etre transcendant ne lui a jamais rien dit. Il écrit dans
A-t-on encore besoin d'une religion (2003)? :
« Avez-vous besoin de croire en Dieu pour penser que la
sincérité vaut mieux que le mensonge, que la
générosité vaut mieux que l'égoïsme, que le
courage vaut mieux que la lâcheté, que la douceur et la compassion
valent mieux que la violence et la cruauté, que l'amour vaut mieux que
la haine ? »6(*). En revanche, si Sponville veut une sagesse sans Dieu,
il ne reste pas moins qu'il chérisse la morale
judéo-chrétienne. Celle-ci est, pour lui, une pensée
immanente et non une révélation transcendante, puisque, comme
comme tout autre morale, Elle prône une échelle des valeurs
profonde. 7(*)
Dans la même mouvance, Michel Onfray, philosophe
contemporain, apporte sa contribution à ce divorce entre la philosophie
et Dieu. Mais son athéisme s'avère plus radical et plus
intransigeant que les auteurs déjà mentionnés. Onfray a
pris le parti de couper tout lien, fût-ce minime, qui nous attache au
religieux. Une alternative se pose alors : ou bien Dieu, ou bien la
philosophie.
Toutefois, si Onfray est athée, c'est parce qu'il
développe un grand intérêt pour la vie ici-bas.
« Voici à mes yeux, ce qui doit être posé au
dessus de tout : la vie. »8(*), nous dit le philosophe, dans son livre, Politique
du rebelle. Son athéisme n'est donc pas une fin en soi et il ne se
disjoint aucunement de la volonté de vivre et de survivre.
Pourtant, si Onfray s'attache à éliminer
l'idée de Dieu et à restituer la vie, il n'a jamais oublié
que la « première femme », Eve, l'a devancé
dans ce crime sauveur.
C'est ainsi, pour aborder la philosophie d'Onfray, il nous
faut évoquer le commencement de l'éveil religieux : la
Genèse.9(*)
Pour expliquer ceci, Onfray avance deux interprétations
de la Genèse.
Dans la première, il est question de
l'interprétation chrétienne de ce récit et dans la
deuxième, il s'agit de la propre interprétation de Michel
Onfray. Ces deux interprétations donnent à voir que l'oeuvre de
Michel Onfray repose, dès son aube, sur deux orientations et deux
logiques contradictoires.
Partons de la première dfinition. Onfray trouve que
les trois monothéistes coupent le temps de la façon
suivante : Le passé (le paradis céleste), le présent
(la vie ici-bas) et le futur (la vie post mortem).
Pour ce qui est du passé, ceci est
considéré comme l'âge d'or. Rien n'y manquait ni les
fruits, ni les animaux, ni le miel, ni le lait, ni le vin qui coulaient
à flots.10(*)
Dans ce paradis céleste - ou l'Eden comme on l'appelle
- le bonheur atteint alors son paroxysme. D'ailleurs, rappelle Onfray,
l'étymologie hébraïque d'Eden signifie plaisirs et
délices.11(*)
Bien que ce paradis soit céleste, il était
localisé dans un lieu géographique précis. Michel Onfray
écrit, non sans ironie, que « les géographes l'ont
situé entre le tigre et l'Euphrate, entre le Gange et le Nil. Certains
pensent que ces lieux sont l'actuel Irak et que le paradis est une ancienne
propriété de Saddam Hussein. »12(*)
Récapitulons, dans le paradis céleste, on n'y
souffre pas et on n'y meurt pas.13(*)
Or le tournant décisif est pris avec Eve. Cette
pécheresse vint enfreindre la loi divine pour lui préférer
la voix du serpent ou du diable.14(*) Elle mangea du fruit défendu et recevait sa
punition : la chute ou la naissance de la vie ici-bas.15(*)
Du passé paradisiaque, on passe alors au
présent déchu.16(*)
Ceci dit, la vie ici-bas loin d'être un bienfait, elle
s'avère, aux yeux des monothéismes, comme synonyme de supplice,
de damnation et de châtiment. Le judaïsme et le christianisme
s'emploient à établir la différence entre cette vie et le
paradis céleste : souffrance contre jouissance et mortalité
contre éternité : « Le jour où tu en
mangeras [de l'arbre défendu], tu mourras. » (2, 17). Cette
équivalence entre vie et châtiment dans la Genèse, nous la
lisons également dans le Coran : « Vous aurez la
terre pour séjour et son usage pour un temps » (Sourate II,
36).
Néanmoins pour se débarrasser de cette vie - qui
commence par la faute d'Eve et qui se résout dans le malheur et
s'achève dans la mort -, les trois religions incitent l'homme à
accepter, voire à chérir la souffrance comme si l'homme ne
souffre pas assez. Résultat : on se propose de mourir avant l'appel
de la mort, on précipite notre départ et on avance notre
heure.17(*)
Dans cet acte étrange, se lit la finalité de
toutes les religions monothéistes : gagner son passeport pour
l'au-delà.
Du présent on passe maintenant au futur.
Si la mort ou « la vie qui prend fin » a
été le « cadeau » que Dieu nous a
offert, il reste que le croyant peut triompher à la mort en
chérissant la souffrance et la mort de son vivant. Autant dire, en
éprouvant le remords et en luttant pour expier sa faute. Dans le futur,
l'âme qui est immortelle vient gagner son salut et retrouver le paradis
perdu.18(*)
En somme, pour les trois monothéismes, l'essentiel
se déroule avant la vie et après la vie. Celle-ci
n'étant qu'un sinistre passage qui pouvait ne pas être si la
première femme aurait consenti au commandement de Dieu.
Néant - vie - néant, c'est là une
triade prônée par Michel Onfray pour tenir la place de la triade
précédente ; paradis céleste - vie passagère -
vie après la mort.
Pour Michel Onfray, en effet, « le futur ne se
conjure pas, le passé ne se rachète pas, seul le présent
se vit, dans l'instant. »19(*)
Au lieu du passé, Michel Onfray parle du mouvement des
atomes dans le vide qui de leurs combinaisons naissent tous les
éléments du réel.
De même au lieu du futur, Michel Onfray parle de la
décomposition des combinaisons et de la préservation des
atomes.
Pour ce qui est du présent, Michel Onfray
déclare qu'il est le seul à mériter notre attention et ce
qui est le plus important, c'est qu'il nous invite à le vivre en
calquant l'acte d'Eve.
Rejetant les passages de la Genèse qui traitent du
paradis et du salut, Michel Onfray porte attention en particulier à
l'épisode de la faute originelle commise par Eve, car il y trouve les
germes d'une philosophie existentielle.
Ce philosophe athée, qui ne croit pas aux Livres
Saints, va, par conséquent, privilégier ce qui va contre ces
Livres (Eve) dans ces Livres.
Alors comment la philosophie, la vraie philosophie a pris
naissance avec Eve ?
Michel Onfray trouve que l'acte d'Eve loin d'être
blâmable, tel qu'il est dépeint par les monothéismes, est
fort de conséquences utiles, à savoir : le refus de
l'obéissance à Dieu et le désir de la connaissance ;
ce sont là deux qualités requises pour tout philosophe
authentique. Expliquons-nous :
- Premièrement, Eve en récusant le diktat de
Dieu, a fait preuve d'une autonomie et d'une indépendance sans
égal. Avec elle, le fait de se déterminer librement et sans
contrainte extérieure devient une vérité
inébranlable. Refuser Dieu c'est aussi élire le Diable
symbolisé par le serpent. Mais ceci loin d'être une contrainte
extérieure, voulait, au contraire, montrer à quiconque le choisit
qu'il est la voix de la révolte et de la rébellion. Dans cette
perspective, Onfray signale que : « le serpent est aussi
l'animal qui, en se mordant la queue, réalise le cercle, la finitude, le
retour sur soi, la complétude. Figure géométrique de la
perfection et de l'autosuffisance. »20(*). En un mot, grâce à ce premier
point ; le refus de l'obéissance, Eve nous montre que la vraie
philosophie n'est pas sujette à une fin extérieure, sinon elle
cesse d'être philosophie pour devenir religion.
- On doit à Eve, outre la révolte contre
Dieu, la soif de la science. Michel Onfray nous montre qu'en mangeant du fruit
défendu, on se donne également la connaissance et la science.
Toutefois, remarque Onfray, le prix de cette intelligence c'est
indiscutablement la perte du bonheur. Onfray se rallie ici à la position
des monothéistes selon laquelle Eve est la cause du malheur dans
l'ici-bas. Mais ils se démarquent d'eux dans l'interprétation du
mot « cause ».
Comme nous avons déjà vu plus haut, Eve est la
cause du malheur, signifie, chez les monothéistes, que c'est Eve qui est
responsable du malheur, comme si le bonheur était quelque chose de
réel et que le malheur pouvait ne pas être.21(*)
Or, selon Onfray, le fait qu'Eve soit la cause du malheur,
signifie qu'Eve a créé la conscience, laquelle nous permet de
voir ce qui est. Autrement dit, le malheur n'est pas la création d'Eve,
mais il est là depuis longtemps, il est inhérent à la vie.
Et c'est la première femme qui nous aidera à percevoir cette
vérité. Savoir, c'est donc prendre connaissance que dans ce monde
règne : le triomphe du temps, de la souffrance et de
l'entropie.22(*) De
même savoir, c'est s'apercevoir qu'il n'y a que cette vie et que le
bonheur était une illusion plus qu'une réalité.
A ce titre, Onfray se demande comment savoir qu'on est
malheureux s'il nous manque la faculté de discernement par
excellence : la conscience ? Dans cette perspective, il écrit
: « l'innocence vraie [synonyme d'ignorance] n'est pas
douloureuse puisque manque à l'innocent la conscience qui lui
permettrait de connaître son état, d'abord, et d'en souffrir
ensuite. Selon ces principes, le véritable innocent est interdit de
bonheur pour la raison que l'imbécillité lui tient fonds de
commerce. »23(*)
Là surgit la question fondamentale : pourquoi
accroître nos connaissances si le prix à payer sera notre
malheur ? L'inscience, l'innocence ne servent-ils plus nos
intérêts en nous plongeant dans une félicité
éternelle ?
Là-dessus, Michel Onfray répond que
« le savoir, c'est donc la douleur dans un premier
temps. »24(*).
Et « S'il faut choisir, autant prendre l'intelligence, fut-ce au
prix d'un bonheur perdu, car elle seule peut permettre de le retrouver. Sinon
elle n'est pas intelligence... »25(*). Ces deux passages sont d'une importance capitale,
puisqu'ils nous permettent de savoir que l'intelligence n'est pas un substitut
au bonheur mais elle peut elle-même conduire au bonheur.
Dès lors, on doit oeuvrer à ce que la
deuxième étape (bonheur) soit une suite nécessaire
à la première (savoir).
Ajoutons que ce bonheur requis est le vrai bonheur car, au
dire d'Onfray, seul le présent, hic et nunc, importe en
matière de bonheur.26(*)
En somme, pour Onfray le vrai philosophe est celui qui,
à l'instar d'Eve, se révolte premièrement contre
l'autorité divine (athéisme). Il s'aperçoit
deuxièmement qu'il n'y a que cette vie et que le bonheur est
réalisable ici-bas, malgré l'obscurité qui domine
(hédonisme). Eve aux yeux d'Onfray est l'antidote d'Adam, puisque ce
dernier a choisi l'obéissance à Dieu et
l'imbécillité : « Adam, l'imbécile, se
satisfait absolument d'obéir et se soumettre. »27(*)
La Genèse, avec ses deux interprétations,
constitue une bonne introduction à l'oeuvre d'Onfray, puisqu'elle nous
aidera à dégager le thème, la thèse et la
problématique de ce mémoire.
Commençons par le thème ou le titre du
mémoire.
Le but que s'est fixé Onfray est de dresser une
contre histoire de la philosophie. C'est le sujet central qui est
abordé de façon récurrente dans ses différentes
oeuvres. Et c'est également le thème que nous avons choisi pour
notre mémoire.
Mais avant de s'interroger sur ce qui a poussé Onfray
à établir cette contre-histoire, ce qui nous aidera à
trouver la thèse défendue, il est utile d'examiner ce que Onfray
entend par « histoire de la philosophie » et de se demander
s'il y a une ou plusieurs histoires de la philosophie.
Depuis longtemps, on sait que plusieurs courants ont
préoccupé les philosophes : le matérialisme, le
spiritualisme, le criticisme, l'agnosticisme, l'idéalisme, la
phénoménologie, etc.
Loin d'aborder cette idée, Onfray enseigne avec
insistance qu'une seule histoire de la philosophie a dominé de tout
temps. Il constate que « l'idéalisme, la philosophie des
vainqueurs depuis le triomphe officiel du christianisme devenu pensée
d'Etat (...) passe traditionnellement par la seule et unique philosophie digne
de ce nom. »28(*)
Les représentants de cette philosophie
dominante sont légion :
Les idéalistes de l'Antiquité29(*), ceux du
Moyen-Âge30(*), ceux
du 17ème siècle appelé Grand
Siècle31(*), les
idéalistes du 18ème siècle appelé
siècle des Lumières32(*) et enfin le fascisme de renard, le fascisme de lion
et le nihilisme européen qui dominent le 21ème
siècle.
Après avoir énonc le thème de notre
mémoire en montrant qu'il s'agit dans la contre-histoire de la
philosophie de s'opposer à la philosophie idéaliste, il nous faut
à présent examiner la thèse, c'est-à-dire montrer
pour quelle raison on doit s'opposer à cette catégorie de
philosophie.
Pour ce faire, il est intéressant de constater que la
philosophie idéaliste qui a imposé sa suprématie dans
l'histoire de la philosophie, a oeuvré en faveur du rejet de
« la philosophie vivante ».
Deux remarques s'imposent d'emblée avant de
définir ce qu'on entend par « philosophie
vivante » :
- Dans la première, nous montrons que les conseils
d'Eve demeurent sans portée sur les idéalistes alors que les
philosophes qui s'opposent à ces derniers sont, au contraire, ceux qui
emboîtent le pas à Eve. Ces philosophes sont appellés par
Onfray les philosophes existentiels ou alternatifs (alternatifs puisque
opposées à l'historiographie dominante).
- La deuxième remarque tient à montrer que ces
philosophes alternatifs doivent être exhumés par Onfray. Ce
dernier n'est donc pas seulement un philosophe mais il est également un
historien de la philosophie ou plutôt un contre historien de la
philosophie. Parmi les philosophies dont il importe d'exhumer, Onfray fait
allusion aux sagesses antiques33(*), au christianisme hédoniste34(*), aux libertins
baroques35(*) et aux
ultras des Lumières36(*).
Revenons à la définition. La philosophie vivante
ou la philosophie existentielle est celle qui part de cette existence pour
donner des solutions à ses problèmes. Ces philosophes alternatifs
qui calquent le pas d'Eve ne voient que le réel et ce réel leur
paraît en premier lieu obscur. Onfray écrit à ce sujet
: « la sagesse du philosophe suppose une algodicée, une
sapience connue par le corps douloureux et qu'il veut libérer de cet
état. Je ne crois pas d'autre fonction à la pratique de la
philosophie depuis. »37(*)
Cette philosophie vivante ou existentielle est baptisée
par Onfray du nom de l'hédonisme. Comme son étymologie l'indique,
l'hédonisme est tout simplement la recherche du plaisir sous toutes ses
formes.38(*)
« l'hédoniste dira Oui à la vie, à la
jubilation, à la jouissance, au plaisir, au bonheur (...) Puis il dira
Non à la peine, à la douleur (...)»39(*)
Michel Onfray a d'ailleurs indiqué dans La
puissance d'exister que l'hédonisme est cette vision du monde,
cette pensée totalisante qu'il s'emploie à développer dans
ses recherches.40(*) A ce
titre, nous avions l'intention de nommer la thèse ou le sous-titre de
notre mémoire l'hédonisme , mais comme ceci a
été pris dans l'historiographie dominante au sens parfaitement
trivial du terme, nous avons opté pour une autre appelation :
philosophie vivante, qui n'est qu'une expression synonyme de
l'hédonisme.
Pour éviter toute confusion sur son système
philosophique (l'hédonisme), Michel Onfray se hâte de distinguer
l'hédonisme de l'avoir et l'hédonisme de l'être.
Le premier est celui qui occupe les lieux de nos jours. Cet
hédonisme appelé encore « hédonisme
consumériste » se déploie dans les plaisirs de l'avoir,
à savoir : le plaisir à accumuler des richesses, à
consommer, à acheter et le désir de l'honneur et des puissances
sociales..
Michel Onfray s'en prend violemment à cet
hédonisme41(*). La
forme d'hédonisme qui retiendra surtout son attention est celle qui
cherche les plaisirs de l'être : le plaisir de se penser, de se
construire, de s'affirmer et de se créer une « vie
philosophique ».42(*)
Si la philosophie vivante est synonyme d'hédonisme,
il reste que cette philosophie n'est possible qu'à travers
l'athéisme, qu'à travers cet acte d'Eve qui se rebelle à
Dieu. Comme on vient de signaler plus haut, si Michel Onfray se fait le chantre
de l'athéisme c'est parce qu'il voit dans cette ligne de pensée
la seule voie ou le seul moyen qui préserve la vie ici-bas.
Ceci est indiscutablement repérable dans les extraits
suivants :
« L'athéisme est la condition de
possibilité de l'hédonisme. »43(*)
« L'athéisme réconcilie avec la
terre, l'autre nom de la vie. »44(*)
Il est indéniable que dans l'historiographie
alternative, il y en a un bon nombre de philosophes qui ne sont pas
athées. Mais il reste qu'ils posent un Dieu indifférent au monde.
L'indifférence ou l'inexistence de Dieu incarnent tous deux le triomphe
de la liberté et de l'indépendance de l'homme. Onfray signale
alors que : « l'hédonisme implique un réel
totalement dépourvu de sacré. »45(*)
Bref, les deux mots d'ordre de cette philosophie vivante
restent : l'hédonisme et le refus de Dieu. Ces deux mots
prêtent main forte pour rendre cette vie plus habitable et plus
désirable.
Après avoir expliqué ce qu'est la
philosophie vivante, on a répondu au premier volet de notre
thèse, il nous reste à examiner le deuxième volet, afin de
comprendre pour quelles raisons les philosophes idéalistes ne sont pas
des amateurs de la philosophie vivante. Michel Onfray nous fait comprendre
dans La puissance d'exister qu'il y a deux sortes de
philosophes : celui qui part de sa vie et essaye de la transfigurer :
le philosophe existentiel déjà cité. Et celui
« dont le récit semble ne laisser aucune place à la
confidence autobiographique, au détail emprunté à une
expérience personnelle. »46(*) Ce philosophe est nommé par Onfray
l'idéaliste ou le héraut c'est-à-dire celui qui
« évite sa propre personne pour mieux laisser croire qu'il
agit en médium, inspiré d'une pensée venue
d'ailleurs. »47(*)
Le philosophe idéaliste est alors celui qui lui
répugne de questionner cette vie - synonyme de saleté,
d'impureté -. Et, en refusant de voir le réel, en s'installant
dans sa côte d'ivoire, il s'empêche de donner des solutions
concrètes au problèmes concrets. Le philosophe idéaliste
tombe dans l'anti-hédonisme et la fuite dans l'autre monde
récusés par Eve.
Toutefois deux questions se font jour à ce
propos :
La soumission à Dieu et la croyance au monde d'en-haut
ne peuvent-ils pas transfigurer ma vie ? Donner un sens à la vie
est-il l'apanage de ceux qui se révoltent contre Dieu et ne voient que
l'immanence ?
Michel Onfray répond par la négative à la
première question et par l'affirmative à la seconde.
A ses yeux, en appliquant les préceptes d'en haut
à l'ici-bas, on se prive de résoudre les problèmes de
l'existence, car tout d'abord ce que veut Dieu et tous ceux qui vont avec,
c'est l'amoindrissement de soi, l'humilité, le renoncement à soi
pour la simple raison que le triomphe à la souffrance nous prive du
salut dans l'au-delà.48(*) Onfray fait la remarque
suivante : « la colère contre l'état des
choses (...) voilà aux yeux des moralisateurs qui montre trop l'homme
soucieux de son expansion et d'un empire sur soi puis sur le monde. Aussi
faut-il condamner, associer ces puissances à la faute, au
péché. Soyez tempérants, pratiquez l'humilité
(...). »49(*)
De plus, en appliquant les préceptes d'en haut à
l'ici-bas, on peut parfois se livrer à un verbiage nébuleux et
inutile pour l'instauration d'un bien vivre.50(*) Michel Onfray dit haut et clair: « la
philosophie est moins art de créer des concepts que la proposition d'une
perspective sur le réel. »51(*)
Bref, en répondant aux deux questions posées,
Onfray prouve que la philosophie idéaliste et dominante qui recourt
à Dieu ou à un monde au-dessus de ce monde se prive de
l'hédonisme ou de la jubilation dans l'affirmation. C'est pour ces
raisons que Onfray va dresser une contre histoire de la philosophe
Le thème et la thèse une fois expliqués,
il nous reste à dégager la problématique de notre
mémoire. Celle-ci est facilement repérable puisqu'elle tient aux
analyses précédentes.
En analysant l'épisode de la faute originelle chez Eve
et en expliquant ce qu'on entend par philosophie vivante, Onfray nous
prépare à la question suivante : Comment peut-on mener cette
existence qui se situe entre deux néants ?
Cette problématique essentielle - qui donne un prix
particulier à la vie ici-bas - s'avère un grand défi aux
religions monothéistes et aux philosophes idéalistes puisqu'elles
nous invitent à leur poser des questions qui restent sans
réponses : Comment peut-on philosopher notre vie si notre vie est
chassée de notre philosophie ? Cette philosophie transcendante me
concerne-t-elle en tant que vivant ? De même, cette vie
pourrait-elle être appelée vie philosophique ?
Afin de résoudre la première
problématique, et afin de montrer que les trois dernières
questions restent sans issue, il nous faut à présent dresser
l'esquisse des résultats tirés des trois parties de notre
mémoire.
Dans la première partie
intitulée « contre-pédagogie. Principes pour la
pédagogie libertaire », nous tâchons de montrer qu'avant
de réaliser la sculpture de soi, avant de bâtir une philosophie
hédoniste, il nous faut tout d'abord ranimer le naturel philosophique
chez l'homme, c'est-à-dire le questionnement des trois dimensions de la
vie (soi, autrui, monde).
Cette capacité à interroger la vie a
été bannie par une mauvaise pédagogie basée sur
l'obéissance, le dressage, les lieux communs et les idées
déjà fixées.
Néanmoins, l'université populaire fondée
par Onfray va donner à chacun les chances d'interroger sa propre vie.
Cette université est dès lors appelée « le
laboratoire de la philosophie vivante ».
Avec cette pédagogie libertaire, on pose donc la
première pierre de l'édifice de la philosophie vivante, mais
cette forme d'enseignement a besoin d'un fond précis : c'est
l'historiographie alternative.
Michel Onfray écrit à propos de cette
historiographie: « mon maître52(*) me mit un jour au courant d'une entreprise (...) qui
consistait à produire des volumes sur les rapports entre vie et
philosophie de l'Antiquité jusqu'à nos
jours. »53(*)
Dans cette partie, nous parlons essentiellement des
philosophes alternatifs de l'Antiquité jusqu'au 18ème
siècle qui peuvent servir de repère à quiconque voulait
sculpter sa vie.
Cette partie commence par l'application des deux mouvements
(questionner la vie et transfigurer la vie) à trois philosophes que
Onfray a analysés à part.
Voici deux exemples : Descartes tout d'abord va
questionner sa vie et particulièrement son corps. Il le trouve
chétif. Pour dépasser cet état, il met au point sa
philosophie du « plaisir de ne pas souffrir » qui comporte
deux choses : ne pas souffrir de l'absence du plaisir (contre le
platonisme ) ou de son excès. Par conséquent, afin de
survivre, Epicure s'est démarqué de la morale platonicienne
qui ajoute de la souffrance à la souffrance naturelle.
Etre avec Dieu (ici le platonisme) peut n'apporter aucune
solution à la souffrance mais il pouvait également être
lui-même source de souffrance.
Un autre exemple, le curé Meslier qui part, à
l'instar d'Epicure, de sa vie prend conscience de sa culpabilité envers
les gens qui les a prêchés. Cette culpabilité s'est
enracinée grâce à l'Eglise qui poursuit tout ce qui
prêche contre son enseignement (première étape). Mais pour
résoudre cette souffrance qui ne dépend pas du naturel, mais des
ministres de Dieu, Meslier met au point sa philosophie qui serait une
véritable catharsis (deuxième étape).
Dans ce premier chapitre de la deuxième partie, nous
avons mis en évidence les deux mouvements philosophiques en prenant des
exemples précis. Dans les chapitres suivants, nous nous penchons
essentiellement au deuxième mouvement puisqu'il s'avère
impossible de remonter à l'origine de la philosophie de chacun.
Toutefois, il est remarquable qu'en ce deuxième
mouvement, le premier mouvement est implicitement présent puisque si ces
philosophes n'avaient pas questionner leurs époques (celle-ci
étant une des dimensions du réel), ils n'auraient pas pu
établir leurs philosophies.
A ce compte, nous poursuivons dans ce deuxième
mouvement les deux objectifs déjà établis : comment
la philosophie alternative qui s'oppose à Dieu est
hédoniste ? Et comment la philosophie idéaliste qui va avec
Dieu est ascétique ?
Dans cette deuxième partie, nous avons posé la
deuxième pierre de l'édifice de la philosophie existentielle,
mais pour compléter le chantier, il nous faut examiner la
troisième partie intitulée « Petite histoire de la
sculpture de soi : l'athéisme athée ».
Il est question ici de la propre philosophie de Michel
Onfray. Sans pédagogie libertaire pas d'historiographie alternative et
sans cette dernière pas de sculpture de soi chez Michel Onfray, car il
est lui-même le disciple de ces sculpteurs de soi. Toutefois, comme le
répète Onfray, le vrai disciple est celui qui n'est pas esclave
mais s'attache à appliquer les acquis du maître à sa propre
expérience.
Michel Onfray va questionner tout d'abord sa vie et
particulièrement son époque. Cette époque se
caractérise par une guerre religieuse qui menace le monde tout entier et
par le nihilisme européen.
Dans le premier cas, les trois monothéismes sont
eux-mêmes source de souffrance et, en plus, ils ne font rien pour
résoudre cette souffrance car, il ne font que jeter de l'huile sur le
feu. Dans le deuxième cas, l'Europe nihiliste, qui prolonge l'agonie de
Dieu au lieu d'être franchement athée, abouti à son tour
à une impasse.
En prenant conscience de cette vie, Onfray voulait passer
à la philosophie qui lui apprend à survivre. Cette philosophie
baptisée du nom « l'athéisme athée »
va tout d'abord dévoiler le discours religieux et fasciste qui se cache
derrière la politique de l'Occident et celle de l'Orient. Nous trouvons
ici une déconstruction équitable des trois monothéismes.
Le résultat attendu : le mal et l'existence de Dieu font bon
ménage.
Dans un second lieu, Onfray va sortir de cette guerre qui
divise le monde en deux pour se consacrer longuement à l'Occident et
principalement l'Europe (surtout la France). Nous trouvons ici une
décortication minutieuse de l'épistémè
judéo-chrétienne dans tous les domaines de la
société européenne. Cette décortication prend la
forme d'une comparaison à la manière de celle dressée dans
la deuxième partie entre la philosophie alternative et la philosophie
idéaliste..
Du côté du nihilisme, nous trouvons
alors :
Une éthique fondée sur la haine de soi et
l'amour du prochain. Une morale sexuelle bâtie sur la virginité
absolue ou le couple fusionnel. Une bioéthique vouant un culte au corps
souffrant. Une philosophie récusant la philosophie du goût. Une
esthétique chérissant le Beau en soi. Et enfin une politique
fondée sur le culte du travail et la liberté.
En revanche, du côté de
l' « athéisme athée » nous lisons une
« éthique élective », une
« érotique solaire », une
« bioéthique prométhéenne », une
« gastronomie », une « esthétique
cynique » et une « politique libertaire. »
Ces analyses ont toutes montrées que dans sa propre
philosophie, Michel Onfray a de même poursuivi les deux visées de
tout philosophe alternatif : la révolte contre Dieu et
l'hédonisme.
Dans les pages qui viennent, nous cherchons une lecture
directe et sans intermédiaire de la philosophie de Michel Onfray. Cette
lecture sera une vue d'ensemble de l'oeuvre de Michel Onfray, de cette
« philosophie vivante » que le philosophe essaye de
développer.
La partie analytique sera suivie d'une partie critique dans
laquelle il est question d'une réflexion sur certains points
analysés par Onfray.
Première partie :
Contre-pédagogie : Principes pour la
pédagogie libertaire
Introduction :
Pour défricher notre sujet, il nous faut
s'arrêter, en premier lieu, sur les problèmes pédagogiques.
Dans ce cadre, nous soutenons une réflexion critique sur la
pédagogie régnante et nous érigeons en même temps
une nouvelle pédagogie.
Tourtefois, il est intérressant d'indiquer qu'avec
cette première partie, on n'entre pas effectivement dans le coeur du
débat puisque notre réflexion ici porte essentiellement sur la
forme et ne concerne pas le fond.
En revanche, il n'en reste pas moins que
la « pédagogie libertaire » forgée par
Onfray sert d'amorce à une ultérieure sculpture de soi54(*) et que la pédagogie
contestée par lui est une pierre d'achoppement et un obstacle à
tout projet d'esthétisation de son existence. Ceci dit, cette
première partie - bien qu'elle se rapporte à la forme - vient
enclencher le processus de changement qui prévaut dans l'oeuvre de
Michel Onfray.
Dans cette partie, nous lisons sa revendication quelque
peu paradoxale : « Deviens ce que tu es »55(*).
Mais là nous nous demandons : Comment pouvons-nous
devenir ce que nous sommes ? Est-ce possible de
désirer un présent qui est déjà
effectif ? Et puis : le devenir peut-il être autre
chose que la pure et simple répétition de ce qui
est ?
Afin de résoudre ce qui semble paradoxal, nous
examinerons, dans un premier chapitre ce qu'est l'existence humaine, ce qu'est
chacun de nous (un enfant philosophe). Nous nous pencherons dans le second
chapitre sur l'oubli de l'existence humaine et le triomphe de l'état
d'asservissement, de dépendance et d'aliénation. Ces deux
chapitres servirons de prolégomènes à la question du
retour de l'enfance que nous explorons ses traits dans le troisième
chapitre : Contre-institution : l'Université populaire
(U.P.)
Tournons-nous maintenant vers la question de l'être, de
l'existence ou de la vie humaine.
Chapitre I : La spécificité de
l'existence humaine :
La ligne de force autour de laquelle s'organise l'oeuvre
de Michel Onfray est de montrer comment les deux concepts philosophiques la
« vie » et la « philosophie » sont
étroitement imbriqués. Pour autant, on remarque que la
philosophie ne semble pas avoir de normes de discours et les concepts en cette
matière ne font pas l'unanimité chez tous les philosophes. Avant
Onfray, des philosophes de tout bord ont étudié la question de la
« vie » et de la
« philosophie », mais chacun sous un angle
différent. A ce propos, notre première tâche consiste
à chercher le sens de la « vie » et celui de la
« philosophie » chez Onfray lui-même. Ceci, nous
permettra par la suite de vérifier leur alliance.
A. Généalogie de la vie humaine :
Dans l'introduction à cette recherche, on a
déjà indiqué que la lecture du temps chez Onfray se fait
à travers la triade suivante : néant - vie- néant. Il
ne fait pas de doute que cette lecture du temps est en contraste avec la triade
des trois monothéismes : paradis - vie terrestre - vie post
mortem.
Pour ce philosophe matérialiste, la vie en
général commence avec l'agrégation des atomes qui tombent
dans le vide. Cette loi s'applique équitablement au
végétal, à l'animal et à l'homme. Avant cette
agrégation, c'est le néant qui règne ; le
néant étant la chute des atomes sans qu'aucune combinaison aurait
lieu. En outre, le néant ne signifie pas seulement
l'avant-agrégation mais également la désagrégation
du composé. Dès lors, le spermatozoïde qui est sorti du
néant, après avoir été élu parmi des
milliers de spermatozoïdes, revient, en revanche, au néant dont il
a été tiré.56(*)
Toutefois, Michel Onfray ne s'attarde pas dans la
description de la vie en général, il se penche essentiellement
à la vie humaine, cette vie qui sera le départ de tout projet
philosophique. Alors, qu'est-ce qui permet de signaler l'acte de naissance de
cette vie ? Cette vie serait-elle apparentée dans certaines
conditions au néant ? Pourquoi l'appellation « vie
humaine » ? Est-ce qu'il y a une différence entre la
vitalité et l'humanité ? L'humain n'est-il pas vivant ?
Réciproquement le vivant peut-il être humain ?
Afin de répondre à ces questions, nous
mentionnons tout d'abord qu'il y a deux sortes de néant qui
précèdent la vie humaine et deux autres qui s'y succèdent.
Le premier néant qui précède la « vie
humaine », c'est déjà mentionné, il est la chute
des atomes sans leurs agrégations, le second néant c'est lorsque
l'humanité d'un être ne se fait pas jour encore. Pour ce qui est
des deux néants qui succèdent à cette vie, le premier
c'est lorsque l'humanité déserte cette vie, le second c'est
lorsqu'on assiste à la décomposition des atomes. Le premier
néant qui précède la « vie humaine »
et le second néant qui lui succède font tous deux partie de la
vie en général.
Il nous faut maintenant nous concentrer uniquement sur la
vie humaine avec les deux néants qui l'entourent. Là-dessus,
Michel Onfray indique qu'« il n'existe qu'une seule vitalité
diversement modifiée ».57(*) La permanence de la vie n'exclut pas alors son
évolution, son passage par différents stades. Dès lors, on
peut repérer les modifications suivantes : le zygote ou le
pré-embryon, l'embryon, (néant) le foetus, le nourrisson,
l'enfant, l'adolescent, l'adulte (existence) , le comateux, la personne
atteinte d'une mort cérébrale.(néant)
Le zygote est constitué depuis la
fécondation ou la fusion de l'ovule (gamète femelle) et le
spermatozoïde (gamète mâle). Peu de temps après la
fécondation, la cellule oeuf ou le zygote effectue un trajet dans la
trompe : c'est la migration. A ce moment, le zygote ressemble à une
petite mûre. C'est la raison pour laquelle on
l'appelle « morula ». Le pré-embryon continue
son trajet jusqu'à l'implantation au quatorzième jour. Il mesure
alors moins de cinq millimètres. En un mot, le zygote marque le
début de la vie.58(*)
« Pour autant, et sur le terrain spécifique
de l'humain, cette forme de vie procède plus du néant que de
l'être. Dans les premières heures de rencontre entre les
gamètes, la vitalité biologique triomphe, mais nullement
l'humanité métaphysique »59(*). Ceci dit, on remarque qu'avec
le pré-embryon, la vie n'a pas encore cheminé vers l'existence.
Elle est synonyme du néant, d'agencement de cellules que d'être,
d'humanité, d'identité, de personne. Le pré-embryon est un
vivant vide de conscience, de réactions, d'émotions et de
perceptions. En un mot, il ne réagit pas au monde extérieur. Et
en cela, il est néant.60(*) Cette forme de vie ne peut attirer l'attention
d'Onfray, car pour lui « une vie présente de
l'intérêt quand elle permet la fabrication, l'émergence et
l'entretien de l'humain en l'homme. »61(*)
Peut-on dire la même chose de l'embryon ?
L'embryon effectue un progrès par rapport au
zygote : Avec lui, on passe du nomadisme, de l'errance
intra-utérine à la sédentarité et la fixité.
A partir du quatorzième jour, l'embryon s'enfonce dans
l'endomètre et on assiste à la nidation. A ce moment, il peut
recevoir les nutriments dont il a besoin par l'intermédiaire du sang
maternel dans lequel baignent ses cellules. L'embryon s'étend de la
deuxième semaine à la huitième. Durant, cette
période, on assiste à l'apparition des battements cardiaques et
à la différenciation des organes : l'embryon devient
désormais une figure identifiable.62(*) Mais malgré ces différences
repérables entre le pré-embryon et l'embryon, les deux sont en
marge de l'être humain, les deux flottent dans le néant. Alors,
l'embryon tout comme le zygote n'accède pas encore au statut de
l'humain.63(*)
« Comment procéder pour définir
l'humain (la vie humaine) pour lui donner une date de naissance, tâcher
de lui trouver une généalogie crédible ? (...) Quels
signes nets, quels signaux distincts permettent d'affirmer la sortie du
néant dont nous procédons ? »64(*)
L'apparition de l'être humain et la sortie du
néant de la matière s'effectuent peu à peu avec le foetus,
à savoir l'embryon au-delà de sa dixième semaine. De la
11ème semaine à la 25ème
semaine65(*) le
progrès est perceptible : des mouvements dans le liquide amniotique
sont ressentis par la mère, le foetus peut se retourner sur
lui-même, le sexe devient nettement visible....66(*) Mais, pour Onfray c'est la
25ème semaine de l'existence du foetus qui signale la date de
naissance de l'humain : « Voilà la date à partir
de laquelle il sort du néant pour entrer dans l'humain tout en ayant
été vivant depuis la rencontre
spermatozoïde/ovule. »67(*)
Que-ce que l'humain ?
L'humanité d'un être suppose en lui une relation
au réel : une conscience des trois dimensions du réel :
soi, autre, monde. Pour ce faire, un degré de développement du
système nerveux est requis.68(*) Durant cette phase on décèle : Une
capacité à éprouver le plaisir et à ressentir la
douleur (conscience de soi). Une sensibilité aux odeurs, parfums et
flagrances (conscience du monde). Une réaction aux paroles, inflexions
de voix et ritournelles de ses parents qui lui proviennent modulés et
filtrés par le liquide amniotique. Et une participation aux
émotions de sa mère (conscience des autres). Onfray trouve que le
foetus est un « Même » et un
« Autre ». Un Même puisqu'il partage la même
vie avec sa mère, il ne peut donc vivre sans le ventre maternel. Un
Autre puisque dans le ventre maternel, il se sépare, et se constitue en
être humain distinct.69(*) A la lumière de ces constatations, Onfray
vient affirmer que « l'être neuronal appelle l'être
tout court et le rend possible (...) l'enfant - on peut désormais parler
d'enfant - se manifeste, dynamique et exigeant. »70(*)
L'humain lui-même peut passer par différents
stades : l'enfance, l'adolescence, l'âge adulte, et il
résiste au néant tant que son cerveau fonctionne et rend possible
les trois opérations citées : conscience de soi, des autres
et du monde. Mais une fois, il ne sait pas qui il est, que l'autre et le monde
existent, il revient de nouveau au néant. Là, nous joignons le
second néant qui succède à l'humanité. Onfray
explique : « Touché par cette malédiction, un individu
retourne à ce néant dont il s'est arraché à
l'âge de la vingt-cinquième semaine. Dans ce tragique cas de
figure, la boucle se referme. L'indistinction des origines et
l'obscurité d'avant l'humain reprennent l'avantage : à
nouveau le néant, l'indistinction, les
ténèbres. »71(*)
Bref, dans ce premier temps72(*), on a appris que la vie qui
intéresse Onfray est celle qui s'étend entre deux
néants « l'humain de l'homme s'inscrit dans le vivant
entre deux néants »73(*), celle qui s'ouvre au réel pour ne pas rester
une « monade autiste ». En deçà de l'humain
et au-delà de lui, la vie humaine a déserté le corps pour
le laisser dans une vie qui ne signifie plus rien.
« L'humanité surgit dans un homme non pas avec sa forme
(humaine) mais avec sa relation (humaine) au monde. Le pur être au monde
ne suffit pas, le cancrélat lui aussi est au monde. Il faut une
connexion, un rapport interactif, une liaison avec la réalité
tangible. »74(*)
Quel rapport entretient maintenant cette vie - qui date sa
naissance avec le perfectionnement du cerveau - avec la philosophie ? La
philosophie doit être liée à la vie ou peut-elle jouer
ailleurs ?
B. La philosophie et la vie : deux
jumeaux :
On a vu dans le premier stade que l'existence humaine se
caratérise par cette communication avec le réel,
c'est-à-dire l'humain est celui qui par nature et dès le
septième mois effectue un lien avec soi, le monde et autrui. De la
même façon, l'humain est celui qui est philosophe naturellement.
Onfray énonce cet état de fait : « On naît
tous philosophe, on ne le devient pas »75(*). Et plus loin « tous
partagent un naturel philosophique de base commun au genre
humain. »76(*)
Mais qu'est-ce qu'il entend par philosophie ?
Qu'est-ce que ce naturel philosophique ?
C'est une capacité à questionner le
réel, à s'interroger sur notre relation avec autrui, le monde et
nous-mêmes et ce, afin d'enfanter, par la suite, notre
identité.77(*) Si
la vie est la relation, le lien entre les trois dimensions du réel, la
philosophie devient alors le questionnement sur ce lien, cette communication.
Dans cette perspective, la philosophie ne peut être qu'existentielle.
Elle part de la vie pour y retourner.
Pour étayer ses idées (le naturel
philosophique), Onfray nous invite à l'atelier de philosophie pour
enfants qui se déroule à l'U.P. de Caen et qui est
dirigé par Gilles Geneviève.78(*)
Dans cet atelier, nombre de questions posées par les
enfants ont longtemps inquiété les grands philosophes et
penseurs. A titre d'exemples : « Pourquoi
rêve-t-on ? » qui nous fait penser à La
clé de songes d'Artémidore, à La science
des rêves de Freud et aux Méditations de Descartes.
Cette question enfantine « Est-ce que, en ne voyant pas, on peut
voir quand même ? » a été
débattue par Diderot dans sa Lettre sur les aveugles
et Condillac dans le Traité des sensations. De
même, « Est-ce bien de toujours dire la
vérité ? », nous fait songer à Kant
qui, en répondant par l'affirmative à la question, vient, dans
Sur un prétendu droit de mentir par humanité, prendre
position contre Benjamin. Enfin, la question : « Pourquoi la
nuit fait-il noir ? » a été traitée
par Platon dans son Timée, Aristote dans
Météorologiques et tous les philosophes qui
s'interrogent sur la cause finale. Ces questions enfantines, loin d'être
superficielles et banales, comme certains le pensent, font preuve d'un
intérêt philosophique chez l'enfant.79(*)
Mais la question qui peut être soulevée
ici : L'enfant peut-il poser ces questions dignes d'intérêt
sans qu'il acquière au préalable le langage ? Et s'il en est
le cas, la philosophie et la vie demeurent-ils des jumeaux ou la vie
aurait-elle précédé la philosophie ?
Afin de lever toute ambiguité, Onfray nous relate
un évènement passé avec lui à l'Université
de Brasilia. Cet évènement nous montre un Onfray vantant les
mérites de l'enfance contre les amateurs de l'ordre social. Un
philosophe ayant choisi sa stérilité peut-il aimer les
enfants ? N'est-ce pas une contradiction ? Profitant de cette
réalité, les amateurs de l'ordre social vont prononcer les
sottises : « La question me fut posée à
l'Université de Brasilia par un individu persuadé que je n'aime
pas les enfants parce que je me refuse à la
paternité. Pensez-vous, dit-il que les enfants sont autres
chose qu'un tube digestif ? Silence dans la salle, et dans
l'instant qui, profitant du micro, il ajoute : Moi
pas. (...) Regardant cet homme, au visage lisse comme son
intelligence, je me demandais combien ils étaient de milliers, sinon de
millions à proférer pareille sottise. »80(*)
Afin de démentir cet homme et ses semblables,
Michel Onfray rappelle l'étymologie
d' « enfant » qui signifie «l'absence de
parole » ou « l'incapacité à
parler ».81(*)
L'enfant est celui qui n'a pas acquis le langage. Pour autant, l'absence des
outils linguistiques chez l'enfant ne signifie pas qu'il ne questionne pas le
réel. Les communications non verbales vont même plus loin que les
communications langagières car elles sont de même nature que le
corps. « (Les) compromis linguistiques (...) offrent toujours une occasion
de laisser une moindre place à la chair pour lui préférer
la seule âme »82(*). A ce titre, le silence de l'enfant ne peut
être assimilé à celui des bêtes, des fous et des
morts. Du silence de l'enfant, affirme Onfray, on ne doit pas déduire
son inhumanité.83(*) L'enfant est un humain et par delà même
il est un philosophe. « Et ce avant toute parole
proférée, avant tout papa ou tout maman
flattant le narcissisme des parents et permettant des satisfactions primaires
du côté des seuls adultes. Dès qu'apparaissent ces syllabes
affectives, il faut craindre que l'essentiel ait été dit, car
l'existence ne sert qu'à révéler, au sens photographique,
un cliché déjà pris depuis longtemps. »84(*)
Bref, dans cette première étape, on assiste
à la naissance de deux jumeaux indissociables : la vie et la
philosophie. A ce compte, pourquoi tous les hommes ne sont-ils pas des
philosophes ? Pour quelle raison le naturel philosophique ne perdure-t-il
pas ? Et puis, qu'est ce qui nous empêche de cultiver ce
naturel ?85(*)
Chapitre II : Le naturel face à la machine
sociale :
Dans un monde presque totalement dévoué au
grégaire, Michel Onfray vient incarner les vertus de l'insoumission, de
l'autonomie et de la pleine disposition de soi. A ce titre, dans son livre
Politique du rebelle, il s'exprime haut et
chair : « L'autorite m'est insupportable, la
dépendance invivable, la soumission impossible. »86(*) Dans la lignée de tous
les libertaires, il voulait alors s'affranchir du dieu et du maître.
Toutefois, l'objet de notre présent chapitre est de
contrecarrer essentiellement le maître (surtout l'école). La
question de dieu et du religieux sera examinée en détail
ultérieurement. Pour autant, il n'est pas douteux que le dieu et le
maître sont tous deux des entraves à l'expression de la
singularité puisque tous deux exellent dans la liaison que dans la
distinction.
Dans cette logique, Onfray se fait, à la suite de
Georges Palante87(*), le
chantre de « l'athéisme social » qui consiste
à cultiver la défiance à l'égard de toutes les
formes qui constituent le social : la Famille, l'Ecole, le Parti, l'Etat,
l'Usine, l'Eglise, etc.88(*)
Dans les pages qui suivent, nous nous penchons à
l'examen de deux figures du maître : la famille et l'école.
On mesure leur goût pour la docilité et leur aversion pour
l'étonnement, la question et l'intelligence de l'enfant dans des
questions diverses : les langues, la discipline, le civisme....
Michel Onfray est pesuadé donc que l'incapacite
d'initiative dans les questions essentielles de la vie est tributaire en grande
partie de cette docilite primitive, acquise à l'école.
A. Les fossoyeurs de l'enfance:
Onfray s'insurge, en premier lieu, contre les deux
institutions sociales par excellence : la famille et l'école
puisque toutes deux détestent la passion interrogeante des enfants et
s'appliquent à l'éteindre. Ces deux institutions sont aux yeux
d'Onfray les « deux complices de l'assassinat de
l'enfance », à savoir de la perte du questionnement et de la
philosophie chez l'enfant 89(*)
Comment la famille se comporte-t-elle face aux
interrogations des enfants ? Onfray remarque qu'il y a des parents
incapables de répondre aux questions des enfants et ceux pour les
raisons suivantes : « moyens intellectuels limités,
rapport problématique au langage, à l'expression et à la
formulation, ignorance du souci spirituel ou culturel, incapacité
à chercher les réponses qui manquent dans un livre ou
ailleurs. »90(*)
Si ces raisons dépendent plus ou moins du niveau culturel des parents,
il y en a qui relèvent de leur tranquillité : regarder la
télévision, faire une sieste sur le canapé, cultiver le
jardin...A force de constater que leurs questions restent sans réponses,
les enfants finissent par accepter le monde telle une évidence.
« On rêve parce qu'on rêve, voilà
tout. » 91(*)
A son tour, l'école vient compléter
l'échec parental. Celle-ci, au dire d'Onfray, est destinée
à fabriquer « une tête bien pleine »,
« une habitus scolaire de la réponse » qu'une
« tête bien faite » et « une culture
socratique de la question ». Pas d'intelligence à
l'école ni des enfants curieux, mais toujours de la mémoire et de
la réponse toute faite.92(*) « Pour s'en rendre compte, il suffit de
constater combien les examens exigent un cerveau en éponge,
immédiatement vidé de son contenu le diplôme obtenu. Sinon,
pourquoi autant d'élèves ayant pratiqué pendant
d'années l'anglais en première langue sont-ils incapables de
demander leur chemin à Londres ? Moi le
premier. »93(*)
L'école a pour tâche essentielle de
socialiser des individus et non de transmettre des savoirs utiles à leur
vie quotidienne. Elle apprend à obéir, à se comporter en
groupe, à se soumettre aux règles. En mot, elle vise à
produire des individus comme « des rouages destinés à
la machine sociale. »94(*)
« Pourquoi votre lycée est-il construit
comme une prison ? » « Faut-il jeter le
règlement intérieur de votre lycée à la
poubelle ? »95(*) C'est à ces questions posées par Onfray
dans son Antimanuel que nous tentons de répondre par la
suite.
B. Le principe du Panoptique :
Onfray voit qu'à l'école, les enfants se
préparent à être intégré dans la
société. A cette fin, on inculque aux élèves les
notions de docilité, de soumission et d'obéissance.
L'incandescence du naturel philosophique ? C'est fini.
A l'instar de Jeremy Bentham96(*) et de Michel Foucault, il voit
qu'à l'école préside le « principe du
Panoptique » ou le « Panopticon ». Mais
qu'est ce que le Panopticon ?
Bentham répond : « c'est un projet de
construction avec une cour centrale qui surveille toute une série de
cellules disposées circulairement, à contre jour, dans lesquelles
on enferme les individus. Du centre, on contrôle toute chose et tout
mouvement sans être vu »97(*). Par conséquent, cette construction
« serait appelée panoptique, pour exprimer d'un seul mot son
avantage essentiel, la faculté de voir d'un coup d'oeil tout ce qui s'y
passe. »98(*) Le
panoptique peut s'appliquer à des asiles psychiatriques, des circuits de
télévision, des casernes, des hôpitaux et des
écoles.C'est ainsi que Foucault citant Bentham
disait « avec son Panopticon, Bentham ne pensait pas de
manière spécifique à la prison ; son modèle
pouvait être utilisé - et l'a été - par n'importe
quelle structure de la société nouvelle. »99(*)
En jetant un regard pénétrant sur les
écoles, Onfray constate que l'architecture du Lycée est
construite de manière à repérer chaque passage ou chaque
mouvement qui se produit. La visibilité y est maximale. D'où une
installation des bureaux au point névralgiques des passages :
surveillants, responsables de sections, de groupes...D'où aussi le
recours aux sonneries pour permettre les déplacements et aux cahiers
d'appel pour signaler à l'heure dite et au lieu dit la présence
et l'absence.
Dans cet esprit, Onfray parvient à affirmer ce
qu'il a déjà dit : l'école vise moins la
connaissance, le savoir, la compétence (« sinon pourquoi
n'être pas bilingue après sept année d'apprentissage d'une
langue étrangère ? ») qu'une mesure de notre
aptitude à l'obéissance, à la soumission aux demandes du
corps enseignant, des équipes pédagogiques et de la direction.
Dans cet endroit, on n'aime pas la liberté. On tend
à la limiter au maximum pour la remplacer par la docilité. Mais
la question qui se pose : La liberté totale des enfants
revendiquée par Onfray ne serait-elle pas payée d'une moindre
sécurité sociale ? Onfray préfère-t-il
une « liberté sauvage » à une
liberté définie par la loi ?
Pour dissiper tout malentendu, Onfray vient monter que la
liberté pure, la liberté sans limite ne saurait une vraie
liberté : c'est une définition fautive de la liberté.
A ses yeux, la liberté n'est pas la licence ou le pouvoir de faire ce
que l'on veut, elle n'est pas la loi de jungle, la violence de tous contre
tous, la loi du plus fort ou du plus rusé. A ce titre, il nous invite
à appliquer cette maxime : « Tâchez de ne
jamais être ni esclaves ni tyrans ». Bien conscient des
conséquences de la « liberté sauvage »,
Onfray répond par la négative à la question «
Faut-il jeter le règlement de votre lycée à la
poubelle ? » si et seulement si ce règlement respecte les
droits et les devoirs qui sont répartis équitablement entre les
élèves et le personnel éducatif, d'encadrement et de
direction. Pour éviter le désordre et préserver la
sécurité sociale, Onfray nous invite à obéir
à la liberté définie par la loi.
Quelle loi ? Par qui doit-être écrite ?
Et pour défendre quoi ? La loi défendue n'est pas le pouvoir
d'une seule autorité : l'école, mais c'est le contrat social
établit par les deux contractants. Chacun doit contribuer à la
rédaction du texte de la loi : dire ce qu'il attend de l'autre et
accepter en contrepartie de renoncer à un pouvoir de nuisance. A cet
égard, chacun est engagé et obligé de tenir la
loi.100(*)
Bref, on a appris avec Onfray que les parents
défaillants et l'école qui ressemble à une prison ont
lutté avec acharnement pour mettre fin au naturel philosophique de
l'enfant : le questionnement, la curiosité, la liberté et la
ferveur. Dès lors, l'enfant apprend à renoncer à
soi-même pour être mieux intégré dans la
société. Avec celle-ci, « il faut tout inculquer :
l'art d'user de soi, d'employer son temps, de déplacer son corps comme
il se doit, de s'exprimer comme on l'entend. On dresse le corps et
l'âme. »101(*)
Une question s'impose enfin à notre esprit :
L'école n'est-elle pas encore l'endroit où nous découvrons
la philosophie ? A ce compte, la fin du cycle scolaire peut-elle nous
sauver de l'institution scolaire ?
C. Enseignement de la philosophie en classe
terminale :
Michel Onfray s'est appliqué à examiner si
la tâche qu'il a assignée à la philosophie est
présente ou pas dans l'institution scolaire. Ce faisant, il
établit le constat suivant : « Une fois ces deux
handicaps franchis (le filtre familial et celui de l'école), il faut
également bénéficier d'une chance : rencontrer un
être qui propose la discipline et fait savoir qu'existe une
activité nommant ce goût forcené de la question, ce
désir de savoir et de comprendre, cette envie de ne pas renoncer
à saisir les mécanismes du monde : la philosophie. Le
professeur de philosophie joue ce rôle (...) Parfois, il est le passeur
innocent d'une activité plus grande que lui, qui le dérobe (...)
D'autres fois son charisme personnel produit les meilleurs
effets. »102(*)
Onfray nous fait remarquer que l'enseignement de la
philosophie en classe terminale est à la fois une
bénédiction et une malédiction. Bénédiction
parce que la fin du cycle scolaire est une occasion de découvrir la
discipline, de travailler avec notre professeur de philosophie à un
retour à l'enfance, à la mise à l'écart de
l'aveuglement social et la promotion des questions enfantines. Mais il est
également une malédiction pour la simple raison que notre rapport
à la philosophie dépend le plus souvent d' « un
fonctionnaire de la discipline ».103(*)
On entend par « fonctionnaire de la
philosophie » celui qui se croit devant des
« élèves Idéaux » et non «des
« élèves concrets », en chair et en os. A ses
yeux, la philosophie se pratique pour soi et non pour les
élèves.104(*) Peu soucieux des préoccupations des
élèves, « le fonctionnaire de la
philosophie » ne s'écarte une seconde d'un cours
rédigé depuis des années et extrait du manuel officiel. Il
corrige les copies le plus vite possible parce qu'il devine ce qu'il doit lire.
La copie qui se démarque de son vieux cours (en invoquant le je qui est
haïssable dans la tradition académique105(*)) est directement
sanctionnée.106(*) En ce sens, il est un « envoyé de
Zeus ». Mais, qui est Zeus ?
Selon Onfray Zeus est « l'inspecteur
d'académie, le représentant de Dieu sur terre, l'incarnation du
corps mystique et sacré de la philosophie (...) ce qu'il a vraiment lu
cet homme de Zeus, ce sont les directives ministérielles, le Bulletin
officiel (...) L'inspecteur y pointera les stations auxquelles se sont
arrêtés les élèves, les travaux rendus, les auteurs
lus, les notions abordées et le respect des sacro-saintes lois de la
nation en matière d'éducation »107(*). Zeus incarne alors la
direction, l'inspection, l'administration qui ont pour tâche essentielle
de superviser l'enseignant et ses disciples et de mesurer le rapport du
professeur au programme idéal.108(*) Ce programme est fixé depuis longtemps par
Victor Cousin109(*) dans
Le Bulletin officiel110(*). On y trouve des notions, des auteurs, une
liste des questions « libres et au choix ( !) » qui ne
dérogent guère à l'histoire de la philosophie
idéaliste et dominante. Ce programme, au dire d'Onfray, fait fi de la
dimension existentielle du cours. Pas de philosophes subversifs, alternatifs et
corrosifs pour le système social, mais des philosophes officiels et qui
agissent en conformité avec l'ordre social111(*). « L'envoyé
de Zeus ne veut pas savoir s'ils (les élèves) succombent
au-delà de trois minutes de conceptualisation, s'ils développent
une allergie cutanée en présence des auteurs cardinaux ou des
textes fondateurs. Rien de tout cela ne l'intéresse, puisqu'il
n'entretient de passions qu'à l'endroit des
Idées. »112(*)
Ce « fonctionnaire de la
philosophie » qui se tient à l'écart du monde ne peut
réjouir notre « philosophe de la vie », c'est pour
cette raison que celui-ci fait l'éloge de la socratisation ou de
l'enseignant socratique. À ses élèves de Lycée
technique, il fait la promesse suivante : « bien sûr, je vous
souhaite de ne pas subir toute l'année un spécimen du genre
fonctionnaire de la philosophie (...) vous avez plutôt la chance de
passer neuf mois avec un enseignant socratique. »113(*)
Qu'en est-il de l'enseignant socratique ?
« L'enseignant socratique » est celui qui
comprend que la philosophie est faite par les élèves et pour eux.
A la manière de Socrate, il sait que les questions posées par les
élèves dans leur vie quotidienne sont à l'origine de tout
cours : la question devance le cours et les élèves devancent
le programme.114(*) De
même, il sait que toute question doit appeler sa réponse :
l'enseignant de la philosophie doit aider les élèves à
résoudre les questions. « La philosophie existe pour
ça » au dire d'Onfray, elle existe pour les
élèves.115(*)
Dans cette logique « l'enseignant
socratique » est celui qui s'engage à résoudre toutes
les questions : il n'y a pas chez lui, comme on nous a appris dans le
programme officiel, des sujets nobles et philosophiques et des sujets qui ne le
sont pas (sexualité, athéisme, gastronomie). Mais il trouve que
toute question, du fait qu'elle procède de notre vie, est philosophique,
car la vie et la philosophie sont étroitement liées.116(*)
Pour ce faire, Michel Onfray a publiée en 2001
l'Antimanuel de philosophie dans lequel il est question de trois
parties : Qu'est ce que l'homme ? Comment vivre ensemble ? Et
que peut-on savoir ?
Chacune de ces trois parties est composée de plusieurs
chapitres sous formes de questions. Au lieu des neuf notions du programme
officiel qui laissent penser à une réponse toute faite, fixe et
définitive, Onfray préfère utiliser des questions
posées par ses élèves durant vingt ans d'enseignement et
qui s'applique à les résoudre. A titre d'exemple :
« Faut-il être obligatoirement menteur pour
être président de la République ? »
« Laisserez-vous les sites pornographiques d'Internet accessibles
à vos enfants ? » et autres questions qui
témoignent du caractère existentiel de la discipline.
Malheureusement, la socratisation revendiquée par
Onfray reste relativement inapplicable à l'école, car comment
être socratique dans une institution et un programme platonicien. Michel
Onfray dit en ce sens, comment peut-on traiter un auteur non retenu (le plus
souvent subversif) dans le programme si l'institution ne nous donnera que
trente-trois semaines pour les séries littéraires (soit deux cent
cinquante heures) et une soixantaine pour les séries
technologiques ?117(*)
Sur la question du statut de l'école, nous nous
reportons à l'interview de Michel Onfray .
« Q. : Quel regard portez-vous sur les
tentatives de luttes internes concernant la transformation du système
éducatif ?
M.O. : je ne crois pas à la possibilité
pour l'école d'être autre chose que le lieu où se
fabriquent des citoyens obéissants et disponibles pour le système
et la machine sociale. Toute école agit en moule qui contraint
l'incandescence naturelle des élèves (...) »118(*)
Pour terminer, il nous faut écouter un instant
Onfray, lequel vient appuyer ce qu'on a dejà montré en formulant
une définition de la « pédagogie libertaire »
et en mettant en relief cette dissemblance entre la pédagogie
revendiquée et la pédagogie autoritaire : « Contre
cette éducation autoritaire, castratice, qui gaspille le potentiel
philosophique, pratiquons une pédagogie libertaire qui entretient cette
puissance magnifique. (...) Le pédagogue libertaire (...) cultive la
puissance interrogative de toute subjectivité »119(*)
Il nous reste maintenant à montrer que cette
pédagogie libertaire apte à fonder
une « philosophie vivante » n'est possible que dans
une institution libertaire : l'université populaire.
Chapitre III : Contre-institution :
l'université populaire :
« Où réédifierons-nous le
Jardin d'Epicure. »120(*)
Ce propos montre un Nietzsche ayant la nostalgie d'un Jardin
d'Epicure, c'est-à-dire d'une communauté philosophique construite
sur l'amitié et dans laquelle les adhérents s'engagent à
construire leur existence comme une oeuvre d'art.121(*)
A la requête de son Maître qui n'a pas
réussi à réaliser son rêve, Michel Onfray fabrique
un Jardin d'Epicure en plein 21ème siècle qui propose
de mettre la philosophie à sa place, celle de la vie. Pour ce faire, il
démissionne de l'Education nationale en 2002, après vingt ans
d'enseignement dans un lycée technique, et crée dans la
même année son université populaire à Caen.
Celle-ci est considérée comme une
communauté philosophique122(*) car il y a une communauté entre les treize
participants au cours 123(*) et le public, avant, pendant et après le
cours. Pour les membres de cette communauté « la culture y est
vécue comme un auxiliaire de la construction de soi [philosopher sa
vie], non comme une occasion de signature sociale »124(*). Au yeux d'Onfray, seule
l'université populaire de Caen peut retrouver la voie de la
« philosophie vivante ». Elle est le lieu, l'endroit ou
plutôt « le laboratoire de la philosophie
vivante »
Dans cet esprit, notre enquête vise à
répondre à trois questions essentielles qui nous permettent de
mettre en exergue la manière dont l'U.P. tisse des liens étroits
entre la vie et la philosophie :
Ces questions sont les suivantes : Qui enseigne la
philosophie ? Qui a droit à la philosophie ? Quelle
différence entre élargir et avachir ?
A. Qui enseigne la philosophie ?
Au départ se trouve « une vie
mutilée 125(*)» et aliénée par le social. Cette
vie appelle à devenir « une vie philosophique ».
Autrement dit, l'élève, l'étudiant doit transfigurer et
opérer un changement dans sa vie. C'est ce qu'on appelle la
« conversion ».
« En philosophie (...), la conversion [est] une
opération mentale par laquelle on quitte un état d'existence - la
vie mutilée - pour un autre état auquel on aspire - la vie
philosophique. »126(*)
Mais peut-on dire que la conversion s'opère
d'elle-même ou elle a besoin d'un tiers ?
Michel Onfray remarque qu'entre un sujet
aliéné et un sujet transfiguré se dresse un Maître,
un sage ou un philosophe au vrai sens du terme. Bien que naturelle, l'attitude
philosophique a besoin d'un stimulateur pour voir le jour. Au cas inverse, elle
s'anéantit.127(*)
Il est remarquable ici que le social chez Onfray ne se dresse pas, d'une
manière catégorique, contre l'humain. Son
« athéisme social » ne s'en prend pas à la
société qui vise l'émancipation individuelle.128(*)
Etant admis, il est question dans ce premier temps de
s'interroger sur les caractéristiques du Maître authentique, ce
sauveur qui lui incombe de restituer la liaison entre la vie et la philosophie.
A.1 Le Maître socratique :
Le Maître, à l'encontre du
« fonctionnaire de la philosophie » qui reproduit le
système social, est celui qui choque, perturbe et sème
volontairement le désordre. Il vient électriser tous ceux qui
l'entendent, surtout les passifs, les indolents.
Michel Onfray voit que le Maître est un «
enseignant socratique » qui prend à l'instar de Socrate, le
Taon et la Torpille comme animaux emblématiques. Le
Taon « joue, gène et pique, il stimule, agace et
énerve, il excite les attelages fatigués, il suscite les
meilleurs en vue de leur propre dépassement, il dynamise les
éléments de bonne race pour qu'ils se surpassent ». Et
la Torpille « engourdit quiconque porte la main vers elle et la
touche.»129(*) Ceci
veut dire que là où les philosophes ou maîtres officiels
s'enferment et enferment les auditeurs dans la passivité et l'inertie
intellectuelle, le Maître force ses disciples à raisonner et
à questionner le quotidien pour s'arracher au sommeil dogmatique. En un
mot, le Maître est une figure d'exception « dans le concert des
épuisés et des fatigués ».
Néanmoins, le Maître lui-même n'annonce
jamais sa maîtrise, mais celle-ci se montre à travers son public.
Alors dans une époque où l'Université, l'Etat, le Prince
et l'Eglise légitiment le Maître en le recrutant, Onfray pose que
la preuve du Maître c'est son public, ses auditeurs. Dans d'autres
termes, c'est la métamorphose du disciple ou l'action
déterminante qu'exercera le Maître sur sa vie qui fonde la
maîtrise. Onfray nous relate qu'au moment où Bergson enseignait au
Collège de France, un large public s'y presse, on s'installe parfois sur
les fenêtres, on couvre sa chaire de fleurs, au point que le philosophe
disait : « Je ne suis tout de même pas une
danseuse . »130(*)
A.2 Le Maître nietzschéen :
En revanche, cette confiance accordée au
Maître n'induit pas le disciple à idôlatrer son
maître.
Pour ne prendre qu'un exemple, l'Eglise nous contraint
à l'imitation servile du Christ. Chacun est astreint à se livrer
au jeûne, à la mortification, à la continence sexuelle et
autres actes qui vouent un culte à la pulsion de mort.
« L'imitation dont les Chrétiens vantent les mérites
jusqu'à l'abus place la barre trop haut, elle interdit la
création d'un trajet propre et condamne à la duplication. Agir
comme le Christ (..) implique d'aller au devant d'une névrose collective
monstrueuse car indexée sur la pulsion de mort et la haine de la
vie. »131(*)
Contrairement au Christ, le Maître chez Onfray est
celui qui aime l'autorité mais n'est pas autoritaire. Il lui
rébute alors de devoir commander, gouverner, tonner, pester et vouloir
pour les autres. Au yeux d'Onfray, la grandeur du Maître se mesure dans
l'usage qu'il se fait du pouvoir : « sur le principe de la
ruse de la raison hégélienne (...), il affirme en niant, il
exerce la puissance en la refusant. D'où sa méfiance à
l'endroit d'un magnétisme dont les mauvais font un mauvais
usage. »132(*)
En posant la question : Comment peut-on se
réclamer aujourd'hui de Nietzsche ? Onfray répondait :
il faut être nietzschéen comme Nietzsche - le rebelle - l'a
voulu : en ennemi de tous les pouvoirs. Il est à rappeler que
Nietzsche professait dans Ainsi parlait Zarathoustra
qu' « on rémunère mal un maître si l'on
reste toujours l'élève ».(Cf. Nietzsche, Ainsi
parlait Zarathoustra, Gallimard, 1971, De la prodigue vertu, &3,
p.103) Et dans le gai Savoir, il nous faisait cette déclaration
« il m'était odieux de suivre autant que de
guider. ». Enfin, on ne peut oublier cette phrase inscrite au dessus
de la porte de Nietzsche et qui ouvre son ouvrage le gai Savoir.
« J'habite ma propre maison.
N'ai jamais imité personnne.
Et me suis moqué de tout maître.
Qui ne s'est pas moqué de soi. » (Nietzsche,
Le gai savoir, Gallimard, 1950, p.5)
Mais la question qui se pose : Peut-on être
onfrayen en professant une foi en la religion, le libéralisme et autres
points contestés par Onfray ? Et Onfray
répond : « j'ai plutôt envie d'une
pensée qui fasse plaisir à des gens qui me
disent : Je pense autrement mon existence : je vis
autrement ma vie : je vois les choses
autrement... »133(*) A ce titre, chacun peut construire son existence en
fonction de sa propre vie, de son caractère et de son expérience
personnelle.
Mais, pouvons-nous nous passer du Maître ?
Onfray ajoute qu'être un disciple de son Maître,
c'est avant tout, pour reprendre l'expression de Nietzsche, « oser
être soi-même ». Cela signifie que si la religion nuit
à notre liberté, elle doit être condamnée.
« Du Maître, on gardera les enseignements majeurs :
excellence de l'autonomie, perfection de l'indépendance, magnificence de
la liberté, supériorité de la subjectivité,
absoluité de la singularité. (...) Là réside la
vérité de l'enseignement du Maître. Les moyens, les voies
d'accès, les techniques, les cheminements se déduisent,
s'inventent, se créent en fonction des tempéraments et des
caractères. »134(*)
En résumé, le Maître est celui qui
fournit la carte et la boussole et le disciple est celui qui trace son chemin
car, comme disait Onfray, on ne peut « habiter l'architecture d'un
autre » comme on ne vit pas et on ne meurt pas à sa
place.135(*)
A.3 Le Maître nominaliste :
Cet aller-retour entre un Maître qui cartographie et
un Disciple qui construit sa propre vie s'effectue par le truchement du
Verbe.136(*) Michel
Onfray reprend ici le problème qui a préoccupé
Montaigne : De quelle manière échapper au solipsisme et
prendre place dans le monde ? Réponse de Montaigne : en
être de langage. Alors, l'existence, la vie se saisit exclusivement avec
la parole.
Mais en bons nominalistes137(*), Onfray et Montaigne savent que le culte du Verbe
nous arrache à nouveau à l'existence puisque ce culte, cher aux
idealistes, ne permet pas au Verbe de se concrétiser. Dès lors,
le Verbe, tout comme l'autorité, n'a de valeur qu'en se niant.
« Moins, le Verbe se manifeste, plus il pèse, plus, il
agit ».138(*)
Onfray préfère les sentences, les maximes, les
aphorismes, les petits mots aux phrases enchevêtrées et aux mots
abondants. Il voit que de petits mots prononcés par le Maître
comme « Ôte-toi de mon soleil » (Diogène)
« Connaîs-toi toi-même » (Socrate),
« la mort n'est pas à craindre » (Epicure) font un
très bon effet sur l'auditoire.
Mais la question qui appelle une solution : pourquoi
les idéalistes font-ils un grand effort quand deux ou trois mots
suffisent à les classer parmi les Maîtres ?
Pour lui, les « philosophes de
profession » n'ont pas intérêt à être
clairs et précis. Parce que au moment où ils se dessaisissent des
mots obscurs qui les rangent parmi les philosophes profonds et d'élite,
« ils se retrouveraient tout bonnement nus » :
derrière cet édifice des concepts de la profession
(transcendantal, noumène, substance, intelligible...) aucune pratique
existentielle ne se laisse remarquer.139(*) A ce titre, Onfray dit dans La lueur des orages
désirés : « Les faux maîtres parlent
pour ne rien dire, du moins ils usent du langage comme d'un moyen de lancer de
la poudre aux yeux, de créer du faux-semblant et de l'apparence de
profondeur là où triomphent le brouillard et la
confusion.»140(*).
Pour ces « faux maîtres » la sophistique est une
nécessite et qu'on ne peut pas s'y échapper sous peine
d'être chassé du panthéon philosophique.141(*) Par contre, le sage n'a rien
à perdre : son succès n'est pas dû au Verbe. A ses
yeux, les mots ne sont pas une fin en soi, ne sont pas
considérés comme le but et la finalité de tout travail
philosophique. Mais ils sont plutôt un point de départ, un moyen
mis au service d'une conception du monde. Ils véhiculent un contenu
précis et servent à communiquer des informations aux
disciples.142(*)
Pour appuyer ces idées, Michel Onfray recourt aux
deux sortes de maîtres : le premier fait partie des maîtres
nominalistes, revendiqués par Onfray : c'est Epicure, et le second
est un faux maître : c'est Sartre.
« la transfiguration en poème de la doctrine
d'Epicure par Lucrèce : De la nature des choses, expose en
plusieurs milliers de vers les doctrines de son maître sur la physique,
la cosmogonie, la météorologie, l'éthique, la
géographie, l'histoire, la linguistique, et tous les domaines possibles
et imaginables qui constituent un système. Imagine-t-on Sartre, vingt
siècles plus tard, procédant de même avec la
phénoménologie allemande, puis écrivant L'Etre et le
Néant en alexandrins ? Non. Et pourquoi, sinon à cause
du parti pris d'écrire de la philosophie pour philosophes de profession,
et aucunement pour ceux qu'intéressait une pratique
existentielle. »143(*)
A.4 Le Maître engagé :
Néanmoins, le Verbe qui véhicule un contenu
mais ne se fait pas chair, ne se pratique pas dans la réalité,
reste pour autant théorique et théorétique. La preuve
même du Maître selon Onfray c'est sa vie, son engagement
réel.
A ce titre, Onfray affirme qu'à l'Antiquité,
la « vie quotidienne » et la « vie
philosophique » ne font qu'une seule et même chose. Pour savoir
à quel courant appartient un tel philosophe, il suffit d'observer ses
gestes, son vêtement, sa barbe, son allure, son régime
alimentaire... autant dire, sa vie tout court.144(*) A l'époque par
exemple, on distinguait le cynique d'après son manteau. Celui-ci
doublé d'une pièce d'étoffe peut servir pour le froid
(déplié) comme pour le chaud (plié). Ce qui est à
retenir dans cet exemple, c'est que le philosophe qui défend en
théorie l'individualité solaire et radieuse contre le
grégarisme, vient récuser dans sa vie quotidienne la mode,
l'ornement et l'uniformité de son époque. Dès lors le
manteau, loin de toute fin esthétique, est réduit à sa
fonction essentielle : protéger de la température basse ou
élevée.145(*)
Onfray ajoute que le Maître ou le sage ne
connaît pas de repos, de moments faibles, ou de moments forts. Il est
vingt-quatre heures sur vingt-quatre engagé dans le travail
philosophique.146(*) En
parlant d'Epicure le Maître, Onfray a écrit : « On
imagine mal Epicure épicurien entre neuf heures et midi, reprenant
après le déjeuner, puis s'arrêtant passé dix-huit
heures... Pour quoi faire avant ? Entre deux ? Après ?
(...) Epicure incarnant sa doctrine pendant les heures de bureau et
vivant le contraire, autre chose, une fois sorti de ses obligations au
Jardin ? Non, c'est tout le temps, dans le général et dans
le particulier, dans l'absolu des grandes idées et des doctrines, mais
également dans le relatif anecdotique - façon de vivre,
d'être, de manger, de dormir, de s'habiller, façon aussi
d'être philosophe quand il semble ne pas faire de
philosophie. Sacerdoce, donc. »147(*)
Face à cette génération de
Maîtres authentiques se dresse celle des « faux
maîtres » qui ne se soucient guère de l'application de
leur pensée. De là, ceux qui rétorquent à Onfray
que la parole des idéalistes véhicule une pensée bien
déterminée, Onfray répond à son tour que quand on
échappe au verbiage on refuse pour autant de s'engager :
séparation de la philosophie (théorie) et de la vie ( pratique).
A ce propos, Onfray parle des « Lumières
pâles »148(*) : Kant, Rousseau, Montesquieu, Diderot,
Voltaire qui tiennent à séparer entre l'usage privé et
l'usage public des idées. Elles ont pour devise
générale : « On peut se rebeller autant qu'on
veut en théorie, mais il faut consentir à l'ordre du
monde. »149(*)
Pour eux, la liberté de pensée, la critique du clergé, de
l'Eglise catholique, de la religion est « une affaire de salons
mondains ou de cours d'université » car dans leur vie
quotidienne, ils se soumettent à la monarchie ; copie de Dieu sur
terre.
Selon Onfray, Heidegger est également une figure du
« philosophe mutilé », puisque dans ses cours, ses
séminaires, ses conférences à l'université et ses
écrits, il enseigne le contraire de ce qu'il pratique dans sa vie.
Heidegger, précisément s'est attaché à aborder la
question de l'Etre. Sa philosophie montre que l'histoire de la philosophie
occidentale repose sur un oubli de l'Etre et par suite elle tend vers le
nihilisme. Mais une fois son prêche fini, il vient cotiser le Parti
national-socialiste. Heidegger était alors un membre du parti
nazi.150(*)
Bref, le Maître est celui qui est apte à
joindre le geste à la parole. Le cas inverse, il ne saurait être
un Maître, car comment peut-il incliner son disciple à s'engager
dans la vie si lui-même échoue dans l'application de ses propres
idées ? Dans cet esprit, Onfray déclare dans un
entretien : « J'essaie dans ma vie quotidienne, mais aussi dans
ma vie publique, de pratiquer mes idées. »151(*)
En somme, les quatre qualités que Michel Onfray
juge essentielles pour constituer un Maître sont les
suivantes : être socratique, nietzschéen, nominaliste et
engagé. S'il manque une de ces caractéristiques, il cesse
d'être un philosophe existentiel ou un sage pour devenir un
« fonctionnaire de la discipline ».
Abordons-nous maintenant la deuxième question.
B. Qui a droit à la philosophie ?
Si le statut du Maître a exigé un bon nombre
de caractéristiques, celui du disciple requiert une seule
condition : le désir de philosopher. Onfray s'exprime en termes
nets : « la philosophie appartient à ceux qui s'en
emparent »152(*). Dans cette perspective, Onfray s'engage tout
d'abord à appliquer le principe d'Epicure selon lequel : ce n'est
jamais ni trop tôt ni trop tard pour pratiquer la philosophie.153(*)
B.1 La philosophie pour tout âge :
Enfant, adolescent et vieux du fait qu'ils font partie de
l'existence (voir le premier chapitre) ont le droit d'entendre le message
philosophique. Il n'y a que la mort (la fin de l'existence) qui met fin au
travail philosophique.
En ce sens, Michel Onfray critique le Lycée de
Victor Cousin qui établit l'enseignement de la philosophie uniquement en
classe terminale. C'est-à-dire la philosophie doit couronner la fin du
cycle scolaire.154(*) En
professant cette idée, constate Onfray, Victor Cousin et les siens
dissocient l'être qui vit, qui apprend (la vie) et l'être qui
réfléchit (la philosophie). « Il peut paraître
étonnant qu'on ait laissé les disciplines s'enseigner sans aucune
transversalité - hors cas particulier d'expérimentations
personnelles - avant cet ultime moment de la scolarité
obligatoire ! (...) des premiers moments de socialisation de la maternelle
à la classe de philosophie, en passant par l'apprentissage de la
lecture, de l'écriture et du calcul, puis des langues
étrangères, on évite de penser et de
réfléchir, une licence accordée seulement à l'heure
du bilan. » 155(*). Dans cette logique, Onfray affirme qu'une
année dans la vie, tombée du ciel, sans avant, sans après,
ou plutôt neuf mois « le temps d'une étrange gestation
de septembre à mai » ne peuvent subitement donner un sens
à une existence riche d'évènements.156(*)
Ceci dit, la philosophie doit désormais accompagner
et non couronner le cycle scolaire. Onfray propose d'enseigner la philosophie
dès la première année scolaire.157(*) En ce sens, il
avançait que « philosopher en classe terminale c'est
bien, certes, mais beaucoup beaucoup trop tard... »158(*)
Néanmoins , la question reste de savoir comment
l'école, emblème de la docilité selon onfray, peut-elle
favoriser la passion interrogeante .
Onfray lève immédiatement
l'ambiguïté de cette question et montre que la contre-institution
(l'U.P. de Caen) vient réaliser ce qui a échappé à
l'institution officielle : l'école. C'est à
l'université populaire de Caen qu'échoit aujourd'hui la
tâche de pratiquer la philosophie, dans l'atelier avec Gilles
Geneviève. Mais cette université populaire constitue une
micro-résistance, qui à la longue peut restaurer la
liberté et métamorphoser toutes les institutions officielles, y
compris l'école.159(*)
B.2 La philosophie pour tous :
Si la philosophie n'exige aucun âge précis,
elle ne concerne de la même façon aucun être humain en
particulier : femmes, hommes, pauvres, non-diplômés,
chômeurs, femmes au foyers...Tous ceux qui appartiennent à
l'existence doivent inéluctablement avoir accès à la
philosophie.
L'université populaire de Caen, à l'encontre
de l'Université et de la Sorbonne, reçoit des
non-diplômés et des non-spécialistes en la matière.
Michel Onfray renonce à l'idée selon laquelle les diplômes
légitiment le travail philosophique. La plupart des cas, remarque t-il,
les diplômés : agrégé, licencié,
diplômé de supérieur, docteurs... ne sont pas des
philosophes pour leur propre compte, c'est-à-dire la philosophie pour
eux est affaire de cours d'université et non une affaire existentielle
qui produit ses effets dans leur vie. 1 De même, ces
diplômés sont le plus souvent obnubilés par le
marché du travail, les postes sociales qu'à la philosophie comme
vocation : séparation de la philosophie et de la vie. Dans cette
perspective, Onfray répugne à « la
schizophrénie pédagogique » pratiquée par Platon
et les Pères de l'Eglise. Dans sa République
(« qui n'en a que le nom », écrivait Onfray), Platon
s'adresse uniquement à l'élite, aux philosophes et gouvernants
prochains, voire aux semblables qui se distinguent du plus grand nombre :
ceci dit, Platon loue les mérites d'une pratique
ésotérique et aristocratique de la philosophie.
Cette rupture entre pratique ésotérique /
pratique exotérique persiste avec les Pères de l'Eglise qui dans
leur discours revendiquent la « vraie philosophie ». Celle-ci ne
se pratique que par la caste d'élus qui suit soigneusement les
enseignements de Saint Paul et empêche quiconque d'interpréter ou
de penser librement.
Pour faire face à cette pratique aristocratique de la
philosophie, Onfray récuse toute exigence de diplôme à
l'entrée et tout contrôle de connaissance à la sortie pour
s'occuper de ce qui est le plus essentiel : la vie elle-même.
De même, la philosophie, selon Onfray, concerne
aussi bien les femmes que les hommes. A ce titre, il crée son
université sur le modèle du Jardin d'Epicure. Là où
le philosophe de La République assigne à la
femme des tâches secondaires (procréer, élever des enfants
et s'occuper de la propreté du foyer), Epicure reçoit dans son
Jardin des femmes qui philosophent à un pied d'égalité
avec tous les hommes. « L'histoire de l'épicurisme conserve
les noms de Mammarion, Hédeia, Erotion et Nikidion, Leontion et
Thémisa, autant de prétendues courtisanes pour ses adversaires.
Plus probablement, elles ont philosophé avec Métrodore ou les
dédicataires des trois fameuses lettres - Phythoclès,
Hérodote et Ménécée - dans la plus parfaite
des égalités. »160(*). Michel Onfray récuse l'idée selon
laquelle « le féminin et la philosophie vivent sur deux
planètes définitivement étrangères ». Ce
philosophe féministe161(*) ne laisse aucune occasion pour manifester sa
répugnance contre le sexisme, la phallocratie et la
« réduction du féminin aux ovaires ».
Outre que les non-diplomés et les femmes, l'U.P.
reçoit les sans-grade, les miséreux, les pauvres, les sans-nom et
les négligés appelés désormais « les
déchets du système ». Elle se dresse contre
l'Université et la Sorbonne162(*) qui limitent la philosophie à la bourgeoisie.
Fidèle à ses origines modestes et à l'instar de l'auteur
de La Misère du monde (Pierre Bourdieu164(*)), Onfray invite les
philosophes à s'occuper de la « misère sale »
celle des gens du peuple. A ses yeux, seule une instruction des pauvres
empêche la destruction de leur existence et de celle de la population
toute entière. Le sang, les terrorismes, les combats, les guillotines,
les échafauds proviennent, au dire d'Onfray, d'une ignorance du peuple
et des miséreux.165(*)
Mais il reste de savoir : les universités
populaires après l'affaire Dreyfus n'ont-elles pas devancé l'U.P.
de Caen dans l'instruction des pauvres ? Et en quoi l'U.P peut être
qualifiée de novatrice ?
Laissons Michel Onfray lui-même répondre
à cette question :
« Q : Est-ce pour éviter les erreurs de
la première U.P que vous avez opté pour ce type
d'organisation ? Car l'U.P, au début du siècle dernier,
avait été un véritable flambeau, mais celui-ci avait fini
par s'éteindre.
M.O : A l'époque la principale erreur avait
été de croire que les ouvriers devaient demeurer passifs tandis
qu'on leur donner la leçon. Il n'y a eu aucun souci pédagogique.
Les professeurs venaient, faisaient leur cours et puis repartaient comme si
cela devait suffire pour raccrocher les wagons entre l'intellectuel et la
classe ouvrière. C'était une erreur (...) il faut donner les
moyens d'une intersubjectivité, d'une relation, d'une parole, d'un
échange, d'un investissement (...) c'est sans doute ce que n'ont pas
compris les fondateurs de la première U.P. malgré leur noble
ambition d'éclairer les masses, après l'affaire
Dreyfus. »166(*)
A L'U.P, le peuple y est actif et le cours se déroule
dans deux heures. La première est constituée par le cours
à proprement parler tandis que la seconde est consacrée aux
interventions du public.167(*)
Une question se fait jour suite à ce propos :
Le projet d'une démocratisation de la philosophie ne risque t-il pas
à avachir la discipline ?
Cette question nous renvoie au troisième moment de ce
chapitre.
C. Quelle difflérence entre élargir et
avachir ?
Le lecteur de La communauté
philosophique est convié ici à distinguer la
philosophie vivante qui élargit la discipline d'une toute autre forme de
philosophie qui débouche sur un avachissement de la matière
étudiée. Michel Onfray formule ce problème
ainsi : « Sortir du ghetto dans lequel se trouve la
philosophie confisquée par l'institution et l'Université oblige
à lui trouver meilleur lieu pas pire... Faire descendre la philosophie
dans la rue n'oblige pas à la mettre sur le
trottoir. »168(*). A ce compte, notre philosophe est conscient que le
retour de la philosophie à l'air libre, loin de toute atmosphère
carcérale de l'Université, peut conduire au pire comme au
meilleur. Le meilleur c'est « l'université
populaire ». Le pire c'est « le café
philosophique ». Voici quelques clarifications concernant son point
de vue.
Le but que s'est fixé Onfray est de rendre la
philosophie, longtemps confisquée par l'Université, au peuple, au
plus grand nombre possible pour être capable de philosopher leurs vies.
Cette noble mission sera investie par certains pour promouvoir en 1977 ce qu'on
appelle « la nouvelle philosophie » et « les
Nouveaux philosophes ».
La « nouvelle philosophie » propose
des petits traités sans idées, sans fond, des remèdes sans
peine et sans Prozac, des ouvrages écrits dans un non-style où
les verbes dire, être, faire et avoir sont en
quantité. ....Tout ce monde de livres constitue ce que Onfray appelle
« la bibliothèque rose en philosophie » qui flatte
le peuple et recourt à la démagogie au lieu de la
démocratie.169(*)
De même, ces « Nouveaux
philosophes » se pressent dès la première invite pour
apparaître à la télévision. Au nom de la philosophie
pour les peuples, ils ne se reconnaissent aucun devoir de penser avant de
parler. « La parole arrive a priori » au dire
d'Onfray. On assiste à des improvisations personnelles sans contenu
critique et même sans intention subversive capable de résister au
« monde comme il va ». 170(*)
Par sa lutte déclarée contre les
« Nouveaux philosophes » Onfray rejoint, comme il a souvent
mentionné, Pierre Bourdieu et Gilles Deleuze171(*) qui dénient le titre
d'intellectuel à ceux qui baptisent eux-mêmes « Nouveaux
philosophes ». A ce titre, Bourdieu les nomme les fast-
thinkers c'est-à-dire les « intellectuels
médiatiques », les « producteurs de
fast-food culturel » ou les
« faux-intellectuels ». Il trouve que le succès de
ces prétendus intellectuels dépend uniquement de leur
omniprésence médiatique et, notamment des passages
remarqués à l'émission de Bernard Pivot, le seul moyen de
les citer.172(*) Dans
cet esprit, il interroge dans Sur la
télévision : « Est-ce que la
télévision en donnant la parole à des penseurs qui sont
censés penser à vitesse accélérée, ne se
condamne pas à n'avoir jamais que des fast-thinkhers, des
penseurs qui pensent plus vite que leur ombre. »173(*)
A son tour, et dès 1980 le célèbre
Deleuze vient faire campagne contre ces philosophes autoproclamés. Ils
trouvent qu'ils sont de jeunes pressés d'utiliser la
télévision pour acquérir de la notoriété.
Leur seule oeuvre ? « Leur cirque sur le petit
écran » et une diffusion de bon sens populaire.174(*)
En résumé, Bourdieu, Deleuze et Onfray
trouvent que les « Nouveaux philosophes » font
carrière dans les médias et les éditions plus qu'à
l'université et les centres de recherches.
Est-ce à dire que plus, on se sépare des
médias plus on mérite l'épithète du
philosophe ?
En nominaliste convaincu, Michel Onfray voit qu'il n'y a
pas de télévision en soi mais des émissions, des
animateurs et des objectifs particuliers. Philosopher à la
télévision est indéniable puisque la
télévision n'est pas la Sorbonne et qu'elle puisse être
destinée à un large public. Mais si l'animateur d'un débat
télévisé ou comme on dit d' « un
café philo » n'a jamais goûté à la
philosophie et, si l'oeuvre savante des invités est quasi inexistante,
la philosophie à la télévision ne vaut une seconde de
peine. Celle-ci est possible si et seulement si elle permet d'exhausser et non
d'avachir la discipline.
Philosopher à la télévision n'est pas
seulement possible mais également nécessaire. Selon Onfray, le
Maître ou le sage doit faire entendre ses idées alternatives
à la télévision. Il doit se rendre à la
télévision pour arracher le peuple de son sommeil dogmatique et
lui restituer sa vie longtemps mutilée : c'est la tâche du
philosophe : « faire entendre un autre verbe, une voix
parallèle, une contre-parole publique. »175(*) Onfray trouve qu'il y a
beaucoup de voix alternatives, nécessaires et utiles à
entendre : Michel Foucault parlant de l'Histoire de la folie chez
Pierre Dumayet, Jacques Derrida parlant du 11 septembre sur LCI chez Edwy
Plenel. Onfray déplore de même qu'on ne voit plus Noam Chomsky
parler du terrorisme, Alain Badiou des Etats-Unis, Jacques Bouveresse des
journalistes...176(*)
Onfray lui-même a participé à de nombreuses
émissions culturelles sur diverses chaînes de radios et de
télévisions : RFI, France Inter, Radio-libertaire, Europe 1,
ARTE, France 3.
En un mot, la télévision n'est pas une fin
en soi, comme aime à l'entendre les « Nouveau
philosophes » soucieux de devenir des figures. Mais elle est avant
tout un moyen - l'étymologie de média (moyen) en témoigne.
Assez de « faux-intellectuels » créés par et
pour les médias, et avènement des médias
créées par et pour
les « vrais-intellectuels ». A ce propos, nous disons
avec Michel Onfray qu' « on évitera de considérer
le café philosophique comme le lieu de prédilection d'une
pratique à même de dépasser les impasses universitaires.
Car créer de nouvelles voies sans issue n'est pas une
solution. »177(*)
Pour terminer ce chapitre, il convient de noter qu'avec
cette contre-institution ; l'universite populaire, aucun des deux termes
la « vie » et la « philosophie » n'est
considéré comme un remède à l'autre.
L'université populaire n'est ni l'Université ni le café
philosophique. Avec l'Université, la philosophie se substitue à
la vie. On assiste à la philosophie pour philosophes et au débat
stérile. Et avec le café philosophique, la philosophie est
condamnée au profit d'une vie superficielle. On assiste à
l'avachissement de la philosophie et au n'importe quoi conceptuel.178(*)
L'université populaire n'est également ni
contre l'Université ni contre le café philosophique. Onfray avoue
qu'il retient ce qu'il y a de mieux dans l'Universite et ce qu'il y a de mieux
dans le café philosophique. De l'université populaire, il garde
l'excellence des informations et des contenus179(*)
Du café philosophique, il garde la liberté
d'entrer et de sortir, l'absence d'inscription et de contrôle de
connaissance et la gratuite intégrale.180(*)
A la lumière de ces constatations, nous assistons
à une nouvelle forme de pratiquer la philosophie :
« Le compliqué simplifié », « le
cérébral incarné »,
« l'élitisme pour tous »181(*). En un mot,
« l'université populaire ». 182(*)
Conclusion : Le Condottiere et la machine
célibataire :
Après avoir exposé brièvement les
principes de la « pédagogie libertaire », il est
intéressant, dans cette conclusion, de se demander quel disciple est
celui qui a reçu une telle pédagogie. Une seule réponse
est envisageable : ce disciple transfiguré est un être
d'exception, une figure de Condottiere.
Dans La sculpture de soi, Michel Onfray remonte
à l'étymologie du mot « Condottiere » en
s'exprimant de la sorte : « le Condottiere est un
conducteur, un artiste dans l'art de conduire. Qui ou quoi ? Non
pas les autres, sur un champ de bataille (...) que soi-même (...) il
pratiquait l'arrachement à une condition vulgaire au profit d'un
état noble (...) conduire, serait alors apparenté à (...)
mener à l'écart ou hors des sentiers
battus. »183(*). Cela signifie que le disciple qui se conduit, qui
passe d'une vie mutilée à une vie philosophique, se repère
au premier coup d'oeil car il devient une « monade sans doubles
possibles », une « monade rétive à
l'agrégation » dans un monde débordant de
duplication.184(*). Avec
ce disciple se révèle de nouvelles méthodes, de nouvelles
formes d'existence. Sa conduite heurte contre la passion égalitaire,
l'uniforme, l'homogène, la fusion....et toutes ces formes de
« servitude volontaire ».
Les termes d' « exception », de
« singularité », d' « être sans
double »...sont récurrents dans l'oeuvre de Michel Onfray,
mais c'est dans son ouvrage La sculpture de soi que Michel Onfray
avait écrit les plus belles pages sur ce thème. Nous repassons
quelques métaphores de ce disciple de Nietzsche ( Onfray) pour se
renseigner davantage sur les qualités du disciple
métamorphosé.
Pour Michel Onfray, la vie du disciple - cette figure de
Condottiere - doit s'accomplir devant un miroir. Toutefois, il s'agit
de veiller à ce que ce miroir ne devienne un miroir menteur
reflétant une autre image que soi. Pour Onfray, le disciple
Condottiere est celui qui cherche au retour du miroir, une image qui
lui est propre, alors que le disciple de la mauvaise pédagogie aime
à retrouver le reflet de l'autre. Le mimétisme s'avère son
lot, car il adapte son image pour la rendre conforme à celle d'autrui.
D'où la naissance des identités factieuses. L'homme d'exception
veut, quant à lui, se rencontrer sous ses diverses facettes pour y
puiser, personnellement, le sens de son existence.185(*)
Dans le même ordre d'idées, Michel Onfray
vient monter que le disciple Condottiere est celui qui se bat contre
« Hostilina186(*) »- cette déesse qui ferait plaisir
aux conformistes....La mythologie disait que cette déesse doit
être invoquée avant la période de récolte pour
uniformiser les épis et éliminer les importuns : les
chétifs, les malingres ou les épanouis, les
généreux. Ceci étant, le Condottiere vient
déroger à la loi imposée par cette déesse, car il
veut être un « épis particulier », une
« mutation génétique » dans ce champ, dans
cette totalité.187(*)
Jusqu'ici, on a appris que le disciple de « la
pédagogie libertaire » doit être une figure d'exception
mais le « comment » de cette exception, le mode d'emploi de
cette éminente qualité nous est quelque peu ignoré. C'est
la deuxième partie qui tient à répondre à ce
comment en découvrant le continent des philosophes subversifs et
séditieux. « L'Histoire est généreuse en figures
rebelles et singulières, en exceptions puissantes et roboratives. (...)
elle enregistre, ça et là, des pointes en marge de leur
époque. Bien sûr, je pense à Diogène (...), aux
gnostiques licencieux, aux frères et soeurs du libre esprit, aux
libertins érudits (...), à ceux qui suivront aux siècles
des Lumières. »188(*)
En lisant ce paragraphe, nous nous apercevons que la voie
d'exception est restreinte chez Onfray à celle tracée par les
philosophes réalistes. Pour tirer au clair ce premier constat, nous
allons passer de la manière dont on enseigne à ce qui est
enseigné, de la pédagogie à l'historiographie.
Deuxième partie :
Contre-historiographie : Exumation d'une
historiographie
alternative
Introduction :
Nous avons essayé, au cours des pages
précédentes, de retracer les axes essentiels de
la « pédagogie libertaire » chez Onfray.
Nous avons également montré que l'université populaire est
le lieu où s'applique cette nouvelle forme d'enseignement de la
philosophie.
Il nous faut d'ores et déjà examiner la
question de l'histoire de la philosophie, le fond de cette forme, car
comme l'a bien dit Onfray « l'historiographie est une
discipline nécessaire dans l'enseignement de la
philosophie. »189(*). A ce propos, une pédagogie, même
libertaire, sans contenu précis n'est qu'une vague idée.
Pour compléter le tableau, Michel Onfray vient
communiquer aux lecteurs ou disciples désireux de changement,
l'expérience des « sculpteurs de soi » de cette
longue histoire. Dès lors, derrière cette « sculpture
de soi 190(*)», Onfray savait voir une origine, un
commencement, une porte d'entrée. D'où les deux mouvements
exigés du philosophe : la vie qui constitue le commencement et la
philosophie qui constitue l'aboutissement.
Chapitre I : Les deux mouvements du
philosophe
A. Une procédure pour sculpter sa vie:
La sculpture de soi, ou ce qu'on appelle encore
l'avènement des formes, la transfiguration de la vie, la philosophie, la
pensée est le produit final des philosophes alternatifs.
C'est pourquoi la première question soulevée est
la suivante : La vie est-elle l'étape obligée pour passer
à la philosophie ?
Pour répondre à cette question nous serons
amenés tout d'abord à nous concentrer sur le thème
de : « L'antériorité de la vie à la
philosophie » ou ce qu'on a appelé auparavant «
questionner la vie ». L'expression peut prêter à
confusion. D'aucuns pensent que la vie existe avant la philosophie, dans le
temps. Le jugement « la philosophie et la vie : deux
jumeaux » est alors infirmé. En revanche, il nous faut
plutôt concevoir l'antériorité comme l'action qu'exerce la
vie sur la philosophie. C'est l'influence donc et non la chronologie qui est
requise ici. A ce titre, la vie se présente aux philosophes alternatifs
sous forme de « matériau » et
d' « outil »
Le
« matériau » condense la vie quotidienne du
philosophe avec ses différentes relations (soi, autrui, monde) et leurs
différentes natures (joyeuses, douloureuses, informatives,
choquantes....). Michel Onfray a d'ailleurs baptisé ce terme du nom de
«Corps ». Le Corps n'est pas uniquement le corps charnel mais il
recouvre toute l'histoire personnelle du philosophe : sa physiologie, son
caractère, ses joies, ses malheurs, ses amitiés, et surtout son
époque. L'homme est là dans toute sa vérité et sa
sincérité. En revanche, emporté par le flot de ces
expériences, le philosophe est travaillé par le
« chaos ».191(*) Rien dans sa vie ne fait preuve d'harmonie, d'ordre
et de sculpture. A ce propos, le Corps sollicite une forme bien
déterminante qui, à son tour, est tributaire d'un outil bien
précis ; « la dépense ».
La « dépense » ou la
« prodigalité » est le fait de consommer une
énergie restée jusqu'ici sans emploi. Elle est un exutoire au
débordement de force et par delà même, un signe de
vitalité et de santé.192(*) Michel Onfray avoue, à plusieurs reprises, sa
fascination pour les figures de la dépense, l'éthique
dispendieuse, la décharge, le gaspillage contre le bourgeois,
l'économie, l'avarice, la charge et l'épargne. Toutefois, il
remarque que la dépense se résout le plus souvent dans la
destruction, le ravage, les inféodations, le sang, les larmes... Elle se
marie alors à Thanatos (la mort). Dans ce cas, la
dépense est synonyme de « violence » plutôt
que de « force ». Elle est un retour à l'informe, au
désordre plutôt qu'une soif de beauté et de
structure.193(*)
Seule la philosophie est à
même de contenir cette part maudite qu'est la dépense. Alors que
la vie peut influer la philosophie, on voit réciproquement que la
philosophie peut sculpter la vie. Nous touchons ici la deuxième
question : « De la transfiguration de la vie par la
philosophie » ou ce qu'on a appelé avant
« transfigurer la vie ».
Jusqu'ici, on assiste à un Corps qui désire une
forme et à une force qui vise un exutoire. Ceci dit, la philosophie se
charge d'appliquer l'outil au matériau, la force au Corps. Deux choses
se trouvent ainsi restaurées : Le chaos s'est alors
cristallisé ou mise en forme et la force est de même
absorbée (dans des formes) sans être inhibée194(*). Ceci veut dire qu'une
volonté dispendieuse est impensable en dehors de la construction, la
positivité ou la vie. Dans cette logique, Michel Onfray
annonce : « J'ai quant à moi, plus souci d'Eros que de
Thanatos et m'inquiète d'un gaspillage qui n'a pas l'hédonisme
pour fin. »195(*)
Afin de ne pas périr, le philosophe regroupe ses forces
pour braver son destin, son histoire personnelle. Il semble qu'il faille
congédier particulièrement l'aspect brut de son histoire pour y
substituer ordre et vie. En ce sens, seule la maladie (au sens large du terme)
génère la santé. Le philosophe alternatif veut donc
soumettre le réel à sa volonté. Il aime infléchir
la courbe des moments pénibles de sa vie. Il part en combat contre tout
ce qui le diminue et l'affaiblit car il aime et chérit l'affirmation. Le
philosophe alternatif est maître donc de la dialectique car il veut
passer d'une vie travaillée par la mort à une vie qui respire la
santé196(*).
Il y a alors chez les philosophes canonisés par
Onfray,197(*) un double
mouvement qui va de la vie vers la philosophie et de la philosophie vers la
vie.198(*)
Dans ce qui suit, nous amasserons des
exemples repérés par Onfray pour mettre en exergue ce double
mouvement résumé par lui dans l'expression
suivante : « l'existentiel fournit la théorie qui
permet un retour à l'existentiel. »199(*) Nous avons choisi trois
philosophes appartenant chacun à une époque différente et
partant d'une expérience qui leur est propre : Epicure
(Antiquité), Montaigne (Renaissance) et Meslier (siècle des
Lumières).
B. Des exemples de la sculpture de soi :
Bien avant Nietzsche qui diffuse
l'idée selon laquelle le corps est une Grande raison200(*), Epicure en plein
4ème siècle av.J.-C.pose que le corps pense et que la
philosophie est d'abord une physiologie.
Que sait-on du corps d'Epicure ?
Sa constitution chétive, malade et maigre. Sa flemme
congénitale lorsqu'il éprouve la douleur ou la souffrance. A ce
que dit ses amis, il était incapable, par exemple, de quitter sa
litière, après des périodes de troubles, pendant des
années. Il était de même atteint d'une hydropisie qui le
contraignait à fuir tout excès. A ce propos, Michel Onfray se
demande : « Faut-il s'étonner qu'un pareil homme
construise un système plaçant au dessus de tout l'art de ne pas
souffrir ? D'échapper aux afflictions ? De connaître le
plaisir de l'absence de troubles ? »201(*) .Michel Onfray remarque donc
que la philosophie d'Epicure ne se pense jamais, comme Platon, en termes de
Bien et de Mal mais plutôt de bon et de mauvais. Le bon c'est la lutte
contre la douleur, l'absence de troubles, la santé du corps, la
constitution d'une harmonie. Le mauvais, au contraire, c'est le
déplaisir, la mauvaise santé et la souffrance.
L'épicurisme défend alors un
« utilitarisme hédoniste » qui se préoccupe
exclusivement du plaisir de ne pas souffrir. Ce plaisir comporte deux
choses : Tout d'abord, ne pas souffrir du manque de plaisir ou
plutôt de son absence. Epicure, le philosophe au corps chétif,
refuse le culte de la douleur tel qu'il est appréhendé par Platon
et les stoïciens. Il veut survivre et il lui répugne de faire
litière du plaisir. Deuxièmement, ne pas souffrir de
l'excès de plaisir : contre la falsification de l'oeuvre d'Epicure
par les idéalistes, (voir plus loin Le pourceau d'Epicure) Epicure est
incapable du fait de sa constitution physique, de chercher l'abandon grossier
aux désirs. Il est donc conscient que l'excès de plaisir
contraste gravement avec le plaisir car il génère le
déplaisir.
Le plaisir de ne pas souffrir s'épanouit dans cette
arithmétique des plaisirs - chercher le plaisir mais éviter le
déplaisir. Pas n'importe comment mais aussi pas n'importe quel
désir.
A cette arithmétique des plaisirs s'ajoute une
diététique des désirs. Epicure distingue donc les
désirs naturels et nécessaires qui peuvent être satisfaits
sans problème et qui aident à la survie de l'homme : la
soif, la faim, la protection contre le froid et le chaud. Les désirs
naturels mais non nécessaires comme la sexualité. Sur ces
derniers désirs, Onfray voit qu'Epicure oscille entre deux
positions : l'une dit que le désir sexuel n'est pas
nécessaire. Par conséquent, il peut ne pas être satisfait.
L'autre dit qu'il est au contraire nécessaire. Dans ce sens, Onfray
écrit « ils (les désirs sexuels) ne semblent pas
nécessaires - du moins aux yeux d'Epicure qui n'a pas lu Freud et ignore
qu'une frustration peut induire plus de dégâts et de souffrance
que de plaisirs (...) parfois Epicure lui-même, dans tel ou tel propos,
laisse penser qu'il n'est pas loin de considérer la sexualité
comme relevant des désirs qu'on peut satisfaire, pourvu que des
désagréments ne s'ensuivent pas. Naturels et presque
nécessaires, dira-t-on. »202(*). Enfin, les derniers désirs sont les
désirs non-naturels et non nécessaires qui leur absence de
satisfaction n'engendre aucune souffrance et leur satisfaction entravent la
sérénité et l'autonomie radicale : les vins
luxueux, les tables opulentes, les vêtements coûteux, la passion
amoureuse.
Bref, la quête du plaisir de ne pas souffrir
(philosophie) chez Epicure plonge ses racines dans un corps cloué par la
souffrance (vie).
Dans le même ordre d'idée, la philosophie de
Montaigne voit le jour lorsqu'il a manqué de mourir lors d'un accident
de cheval. Cet événement constitue ce que Michel Onfray appelle
« hapax existentiel »203(*)
Nous sommes donc en 1568, Montaigne décide de se
distraire en sortant en promenade avec son petit cheval. Malheureusement, l'un
de ses employés fort, résistant et chevauchant un cheval se jette
sur lui et le fait tomber en syncope. Pendant ce temps, on dirait qu'il est
mort. On l'emmène chez lui tout en régurgitant de
quantités effroyables de sang. Peu à peu, il reprend conscience.
Cette prise de conscience est suivie de douleurs intenses et aigues. Pourtant,
tout le monde connaît la fin, Montaigne survit et échappe à
la mort.204(*)
Quel sens cette histoire recèle-t-elle ?
Suite à cet événement majeur, Montaigne découvre
l'essence de l'homme qui est d'être « un être pour la
mort » et d'être conscient de cette vérité. En ce
sens, il reprend la phrase de Cicéron selon laquelle
« philosopher c'est apprendre à mourir ». Mais
celle-ci est prise, avec lui, dans une acceptation hédoniste et non
ascétique. Pour lui, être pour la mort crée la forte
nécessite d'être pour la vie. Il pose la question
suivante : « comment vivre puisqu'il faut
mourir ? » ou comment vivre pleinement sa vie en attendant sa
dernière heure. Dès lors, « philosopher c'est apprendre
à mourir » se lit « Philosopher c'est appendre
à vivre ». Réciproquement, il trouve
qu' « être pour la vie »
c'est « être pour la mort ». En ce sens, seule
une bonne vie bien remplie, bien vécue et pas ratée nous permet
d'envisager en toute tranquillité la mort, d'affirmer que la mort est
une nécessité naturelle et qu'il n'y a rien à craindre.
Tandis que le fait de mourir de son vivant ou mal vivre - comme y invitent les
philosophes idéalistes - nous pousse à penser la mort comme un
mal. Onfray remarque que chez Montaigne bien vivre et mal mourir
s'excluent tout autant que mal vivre et bien mourir.205(*)
Ces deux constations ont été couronnées
par la philosophie hédoniste de Montaigne ou l'élaboration d'un
« christianisme vivant ». A ce titre, on peut dire que la
conversion hédoniste de Montaigne (philosophie) n'aurait pu s'accomplir
sans l'accident de cheval (vie). La philosophie part de la vie et la vie
déteint inéluctablement sur la philosophie.
Si cet évènement fut le premier à
influencer la pensée de Montaigne, il est indéniable de
même que sa vie toute entière a eu d'impact sur sa philosophie.
Onfray trouve alors que la philosophie peut partir d'un évènement
majeur (hapax existentiel) ou de la vie toute entière.
A cet effet, Montaigne nous relate que son corps
(physiquement), son caractère et son tempérament (psychiquement)
lui pèsent beaucoup. Physiquement, il souffre de sa petite taille, son
petit sexe, son impuissance très tôt, sa maladie de pierre, ses
digestions difficiles, son incapacité à tailler sa plume et
à écrire206(*). Et psychiquement, il peine d'avoir la
mémoire courte, d'être mélancolique (voyant le pire partout
et pensant fréquemment au suicide), de développer des
symptômes névrotiques (l'incapacité à tuer un
père qui est exactement l'inverse de son fils)207(*). Doutant d'être
aimable, Montaigne met au point une philosophie hédoniste apte à
construire une figure digne de soi. Par l'écriture, par la
pensée, Montaigne arrive à dépasser ce déterminisme
« ce monstre par l'être », à échapper
à la haine de soi auquelle invite les idéalistes : Il
cherche une juste estime de soi, un soi qui n'est pas fâché avec
lui-même mais profitant de la vie et de ses plaisirs.
Bref, 1568 (l'accident de cheval) est un moment originaire
dans la philosophie de Montaigne : c'est la date de naissance de la
conversion hédoniste. Et 1572 jusqu'à 1592 - l'âge de sa
mort - est une mise en oeuvre de cette conversion hédoniste moyennant
une écriture de soi qui a trait à sa vie toute entière. La
vie (hapax existentiel et vie entière) influe la philosophie qui
à son tour est une condition de survie.208(*)
Ce souci d'une construction de soi, nous
le retrouvons encore chez Meslier. Michel Onfray a nommé, non sans
raison, le Testament de Meslier « les Essais d'un
athée 209(*)».
Le Testament ou l'oeuvre prend racine dans la
culpabilité accumulée de son auteur. Durant toute sa vie,
Meslier, le curé athée, a prêché des balivernes
auxquelles il ne croit pas.210(*) En effet, deux raisons empêchent
l'athée d'y renoncer de son vivant : ne pas nuire à ses
parents et ses proches et deuxièmement il voulait « vivre
tranquillement » car il savait que l'Eglise catholique a le
bûcher facile. Son comportement forcé lui pèse sur la
conscience et le Testament prend naissance au coeur de cette
atmosphère. L'oeuvre opère donc en Meslier une véritable
catharsis. Elle l'aidera à se libérer du poids des
obligations de la cure.
Michel Onfay trouvait en cette oeuvre une sorte d'un
« grand sermon athée » adressé, après
sa mort, à ses paroissiens et les gens qui les a trompés.
C'est ainsi, chaque soir après les charges de la cure,
Meslier avait rendez-vous avec son papier qui n'épargnait
personne : Dieu, les rois, les tyrans, les curés,
Jésus-Christ, les prophètes, l'Eglise, la théologie
chrétienne, la morale catholique, les christicoles, les
déicoles211(*).
Cette haine avouée de ces détenteurs de pouvoir, est
particulièrement visible dans certaines expressions. Meslier y agissait
tel un ethnologue qui analyse une tribu à laquelle il n'appartient pas.
Il dit par exemple « les Chrétiens disent
que », « les catholiques pensent que »,
« les disciples du Christ affirment que ». Il lui
répugne de devoir se mêler à leur monde.212(*)
Cette logique purificatoire de l'oeuvre est
repérable également dans la forme et le style de Meslier, pas
seulement dans ses idées. Le Testament de Meslier appartient au
style rococo.213(*)
Craignant que la mort mette à mal son projet de purification, Meslier se
hâte, se presse, il ne réclame aucun délai.214(*) Le résultat ?
Une exubérance de répétitions ; Meslier
répète deux fois, dix fois les mêmes propos. Un entassement
de démonstrations et de preuves. Une improvisation comme à l'oral
: « le texte discourt, Meslier ne s'exprime pas comme dans un
livre, mais le livre parle tel le curé Meslier. 215(*)» On peut dire donc que
dans ce monument c'est la pagaille et la danse dionysienne qui règne.
Toutefois, ajoute Onfray, ce désordre touche uniquement le style,
l'exposition des idées. Aucunement le fond ou les idées
eux-mêmes. Sinon la philosophie aurait perdu son éminent
rôle qui est de produire des formes216(*).
Bref, c'est en questionnant sa vie (la relation entre soi
et soi, et la relation entre soi, ses paroissiens et les gens.) que Meslier
aurait été amené à concevoir une théorie qui
le purifie et l'aidera à mieux vivre.217(*)
Ce double mouvement repéré par Onfray chez
ces trois alternatifs est également visible chez tous les philosophes
placés en revers de la carte postale de l'historiographie dominante.
Tous ces philosophes en questionnant le réel (les trois dimensions du
réel : soi, autrui, monde) aspirent à une affirmation de ce
dernier. Il veulent élaborer des pensées (philosophie) qui les
aident à jouir (soi), à faire jouir (autrui) et à
améliorer le monde . Le résultat : un grand oui à la
santé de soi, d'autrui et du monde qui les entoure. Autrement dit, un
grand oui à la vie.
Dès lors, le but qu'est l'amélioration de la vie
passe par deux phénomènes conjoints : la destruction et la
construction. Tous les philosophes alternatifs reprennent à leur compte
la maxime écrite sur le fronton du temple de Diogène Que nul
n'entre ici s'il n'est subversif. Pour autant, les philosophes
canonisés par Onfray ne sont pas nihilistes. On détruit, on
éclate pour créer. Dans cette logique, Onfray
écrit : « inventer et détruire sont le
revers et l'avers de la même médaille. »218(*) La construction est la mise
en scène de certaines techniques ou nouvelles formes
d'existence.
Sans se départir du souci de l'amélioration de
la vie, voire partant de ce souci, les philosophes alternatifs proposent des
techniques qui ébranlent tout ce qu'on a déjà
hérité du platonisme et du christianisme : ces deux courants
de pensée qui imposent leur suprématie dans tous les domaines.
Certes, la pensée de ces philosophes vivants
s'est développée selon une dynamique propre. Il nous faut suivre
alors sa démarche dans son ordre chronologique. Nous présentons
pour l'instant l'esquisse des résultats aboutis :
Dans l'Antiquité, nous assistons avec Onfray à
l'émergence des Sagesses antiques qui s'opposèrent au
platonisme : une vision matérialiste du monde et
libératrice de l'homme contre une vision idéaliste du monde et
méprisante du corps.
Au Moyen-Âge et à la Renaissance, nous voyons un
christianisme hédoniste se démarquant d'un
christianisme officiel : des amateurs de corps contre des disciples
de Saint Paul.
Au 17ème siècle, nous relevons un
libertinage baroque et un spinozisme qui réclament contre
les penseurs du Grand siècle une pensée
laïque anti-catholique et anti-monarchiste.
Au 18ème siècle, nous assistons
à des Lumières radicales ou des ultras des
Lumières qui s'emploient à rompre avec les
Lumières pâles : des antimonarchistes
déclarés, voire des athées contre des compagnons de routes
des rois et de Dieu.
Dans ce théâtre d'idées, la philosophie
bascule vers le pur plaisir d'exister.
Néanmoins, une telle conception de
la philosophie ne peut satisfaire les historiographes qui luttent avec
acharnement pour que la philosophie idéaliste puisse dominer la
scène philosophique.219(*) Ce qui a poussé Onfray à dire que
l'historiographie appartient à l'art de la guerre ou la
polémologie220(*). A cette fin, nous allons pointer successivement les
mesures adoptées par les tenants de la philosophie mortifière
pour asseoir leur pouvoir.
En somme, après avoir parlé dans ce chapitre
des deux mouvements du philosophe, nous allons nous concentrer dans les
chapitres suivants sur le deuxième mouvement : la sculpture de soi
et ses techniques. Pour ce faire, nous divisons cette partie en quatre
chapitres traitant chacun d'une époque de l'histoire. Dans ces quatre
divisions, nous procédons uniformément : Nous montrons tout
d'abord pourquoi les philosophes dominants vénèrent la pulsion
de mort. Nous examinons deuxièmement, en quoi les philosophes
exhumés sont novateurs. Nous parlons finalement des raisons pour
lesquelles les tenants de la philosophie vivante s'estompent de la scène
philosophique.
Ce travail a exigé d'Onfray quatre volumes :
Les Sagesses antiques et Le christianisme hédoniste
publiés en 2006. Les libertins baroques et Les ultras des
Lumières publiés en 2007.
Commençons tout d'abord par l'Antiquité.
Chapitre II : Une autre Antiquité :
les sagesses antiques
Le débat philosophique antique oppose clairement
deux courants de pensée : Les idéalistes, ayant Platon comme
chef de file, envisagent la philosophie comme une réflexion sur un monde
et un homme (soi, autrui) idéaux. Cette conception conduit à
penser le platonisme comme un antimatérialisme, un
antihédonisme et un antisensualisme. Et les sagesses
antiques qui, de leur côté, s'orientent de plus en plus vers une
philosophie existentielle qui est une réflexion sur un monde
matériel et un homme réconcilié avec son corps (plaisirs
et sens du corps).
Pour saisir la distance que Michel Onfray institue entre
ces deux courants de pensée, nous voudrions d'abord dégager le
sens de la philosophie chez Platon pour retracer, à partir, les axes
essentiels de la philosophie chez les sagesses antiques ; l'atome, le
plaisir et les sens.
A. Le platonisme :
Le Phédon présente, selon Onfray,
l'essentiel de la conception de la philosophie chez Platon 221(*). Selon Platon, le philosophe
authentique est celui qui, de son vivant, s'adonne avec entrain à la
mort. Et la vraie philosophie est celle qui s'assigne comme tâche de
chérir la mort.222(*) Mais qu'est ce que alors la mort ?
Platon, dans le Phédon, donne la
réponse suivante : La mort est la séparation de l'âme
et du corps.223(*) Cette
réponse est de taille puisqu'elle traduit la volonté du
philosophe de se dégager de cette entrave physique, de ce tombeau de
l'âme qu'est le corps.
En matière morale, le philosophe dénonce
inlassablement les plaisirs du corps comme ceux du manger, du boire, de
l'amour, des soins du corps...Le philosophe ne peut alors se conduire en cette
vie comme la plupart des hommes, appelés
« vulgaires »224(*) par Platon.
Son chemin est la tempérance ou la sagesse225(*); le chemin de l'âme.
Et leur chemin est celui des passions, des désirs et des plaisirs du
corps.226(*) Le
philosophe s'affiche profondément antihédoniste.
De même, en matière de
science, tout comme en morale, le philosophe chez Platon doit se séparer
des sens du corps qui sont illusoires, trompeurs et incertains. Son attention
se focalise sur le ciel pur des idées : le Vrai en soi, le Juste en
soi, le Beau en soi etc., en somme, toutes les essences des choses saisies par
la faculté de pensée ; l'âme. Le philosophe
platonicien est donc antisensualiste.227(*) A cet égard, on a du mal à croire que
ce philosophe ait rompu avec le corps ; plaisirs et sens sans être
lui-même dans un état proche de la mort.228(*) Socrate229(*) dit, dans cet ouvrage, la
soif qu'il avait de vouloir mourir en buvant la ciguë, car la mort va
réaliser tout ce qui a tâché d'obtenir tout au long de sa
vie, à savoir la délivrance d'un mauvais compagnon : le
corps. Socrate déclarait qu'« il serait ridicule qu'un homme
qui, de son vivant, s'entraîne à vivre dans un état aussi
voisin que possible de la mort se révolte quand la mort se
présente à lui. »230(*)
Le Socrate platonisé, à l'encontre des
non-plilosophes et des « vulgaires » n'a pas peur de la
mort car celle-ci est une libération et délivrance pour lui.
Cette conception de la philosophie débouche finalement
sur l'immortalité de l'âme (antimatérialisme).
Mieux encore, celle-ci est la condition de possibilité
de l'ensemble pour la bonne raison que l'immortalité de l'âme est
à même de générer l'espoir et le bonheur pour le
philosophe qui dédaigne le corps et d'engendrer la crainte des dieux et
de la mort pour ceux qui usent de leurs corps.231(*) Il nous faut souligner
à ce sujet que pour Platon, après la mort, l'âme se
sépare du corps et se migre vers le royaume d'Hadès. A son avis,
son existence dans l'Hadès prouve son immortalité. En revanche,
le sort de toutes les âmes n'est pas le même. Les âmes
impures qui sont souillées par le corps vont se réincarner de
nouveau dans des corps animaux ou humains selon leur degré de liaison
avec le corps.232(*)
Tandis que les âmes pures, les âmes des philosophes vont passer le
reste de leur vie avec ce qui est semblable à eux ; les dieux.
En somme, au coeur du projet de Platon se trouve donc une
figure du philosophe abhorrant le corps ; plaisirs et sens et
désirant la mort.
Tous ceux qui pensent autrement n'ont pas, selon
l'idéaliste, l'étoffe du philosophe.
Michel Onfray vient opposer à cette thèse
un refus formel. A ce titre, il va mobiliser les penseurs de cette
période de l'histoire qui se situent à contre-courant du
platonisme.
B. Les sagesses antiques :
Ces penseurs sont considérés comme les
pionniers de la philosophie vivante. Trois choses conjointes les
opposèrent à Platon - l'amateur de la philosophie
mortifière - : l'atome, le plaisir et les sens.
Par souci de concision, nous évitons de prendre chaque
philosophe à part pour entamer un dialogue avec tous ces penseurs dans
cette question particulière : leur démarcation de Platon.
B.1 le matérialisme :
Tout d'abord, les sagesses antiques et
particulièrement les matérialistes atomistes (Leucippe,
Démocrite, Antisthène, Epicure, Philodème de Gadara et
Lucrèce) avancent l'idée que tout procède du mouvement des
atomes dans le vide et de leurs agencements. Cette agrégation des atomes
produit ce qu'on appelle « les simulacres » qui existent en
nombre illimité et qui se diffèrent du point de vue de la forme,
de l'ordre et de la disposition. Les simulacres sont considérés
par les matérialistes atomistes comme la cause, la matière et la
condition du réel.
Ceci dit, la causalité y est immanente et
matérielle. Il serait absurde de vouloir chercher une raison divine dans
ce monde. Onfray trouve que les matérialistes atomistes préparent
le terrain à l'éviction du divin. Leurs dieux ne se
préoccupent aucunement de ce qui se passe avec les hommes. Ils habitent,
au contraire, dans les intermondes et mènent une vie bienheureuse qui
les épargnait des soucis.233(*) On peut considérer en s'appuyant sur ces
analyses que les atomistes cherchent à développer une forme
d' « athéisme tranquille »
Cette indifférence des dieux est manifeste
après la mort. Par contraste avec Platon, les matérialistes
atomistes décrètent que l'âme aussi bien que le corps se
corrompt après la mort. On assiste tout simplement à la fin des
agencements de la matière. Ainsi naît un « monisme
philosophique » qui s'insurge contre le corps schizophrène de
Platon : âme immatérielle, divine, incorruptible et corps
matériel, humain, et corruptible. Le « monisme »
affirme que l'âme et le corps sont tous deux matériels,et, par
suite corruptibles.
Après le trépas, l'âme matérielle
ne peut ressentir aucune émotion : Incapable d'éprouver la
joie, elle ne peut désirer le paradis et inapte à ressentir la
douleur elle ne peut craindre l'enfer. Ces deux affects exigent une conscience
qui elle-même suppose un agencement particulier de la matière et
non une dissolution de ces agencements. Michel Onfray expliquant Epicure
disait : « je meurs, donc je ne suis plus, je ne suis
plus, donc je ne souffre plus - ni ne jouis. »234(*) Fini le tribunal de
Platon ; la peine infligée ou la récompense des
dieux235(*).
La vision matérialiste et anti-platonicienne du
monde n'est pas l'apanage des matérialistes atomistes. Diogène le
cynique en professe en avançant un certain cannibalisme ou
omophagie.236(*) Pris
à la lettre, ce terme prive les universitaires platoniciens de sa
véritable connotation. En fait, comme le note fort justement Onfray,
personne n'a vu Diogène « dévorer de la chair humaine.
(...) Nul doute qu'il n'ait fait d'autre promotion de ces transgressions que
verbales et théoriques. »237(*) Ceci dit, comment procède-t-il alors pour
justifier le matérialisme à l'aide d'arguments ayant trait au
cannibalisme ?
Premièrement, en invitant à consommer de la
chair humaine, Diogène signale que tout est dans tout et que tous les
corps (les légumes, le pain, la viande...) pénètrent les
uns des autres ... Manger de la chair humaine c'est faire preuve d'un
déplacement de particules, d'une modification des formes et d'une
structuration différente de la matière.
Après avoir signalé une Physique, Diogène
se sert encore une fois du cannibalisme pour s'attaquer à la
métaphysique platonicienne. En mangeant de la chair humaine,
Diogène dit ouvertement sa moquerie du dualisme et de
l'immortalité de l'âme chez Platon.
« Pourriture » répond avec vivacité
Diogène à tous ceux qui lui parlent de salut ou de quelque issue
après la mort. En agissant de la sorte, Diogène perturbe le
social et sape ses mythologies et ses fables.238(*)
En un mot, plus que l'anecdote ou le scandale, Diogène
condense dans son cannibalisme l'essentiel de la pensée
matérialiste : « plus antiplatonicien, on ne fait
pas.»239(*), disait
Onfray.
Une vision matérialiste du monde et
des-espérée de la mort240(*) est libératrice puisqu'elle nous invite
à réintroduire le corps dans la recherche philosophique, à
s'occuper de ce qui arrive avant le trépas et non de ce qui vient
après. Elle est en fait libératrice à double sens :
d'où la nécessité d'une philosophie hédoniste et
d'une philosophie sensualiste.
Commençons par la première
B.2 L'hédonisme 241(*):
Tous les hédonistes grecs, sans exception, vont
à la recherche des plaisirs du corps puisqu'il sont conscients que les
plaisirs sont un ingrédient nécessaire au désir du
« bien vivre ». Pour ces penseurs anti-platoniciens, les
plaisirs du corps ne peuvent être perçus comme une scandaleuse
apologie de la satisfaction animale et grossière. Cette conception
platonicienne du plaisir est plutôt réductrice puisqu'elle limite
le plaisir à ce qu'il n'est pas.
Dès lors, il nous faut à présent nous
écarter du chemin de Platon pour montrer en quoi le plaisir leur est
utile. A cette fin, nous nous référons à des exemples
tirés de l'expérience des cyniques et des cyrénaïques
considérés par onfray comme les penseurs emblématiques de
l'hédonisme et nous nous limiterons principalement à
l'étude des plaisirs sexuels puisqu'ils sont la question la plus
controversée.
Tout commence, en fait, par la métaphore du
« poisson masturbateur242(*) » de Diogène. Que dit cette
métaphore ?
Diogène le cynique aperçoit que le poisson
est « plus expert en sagesse » que les êtres
humains. Pourquoi ? Cet animal marin, pour éviter d'être
tenaillé par son désir (le besoin d'éjaculer) va tout
simplement se frotter contre une pierre ou quelque chose de rude. En observant
le poisson, Diogène regrette au plus haut point que les humains ne
rassasient leurs besoins sexuels avec la même simplicité et la
même aisance que l'animal marin. Cette métaphore a donc pour
fonction essentielle de déculpabiliser la sexualité et de mettre
en lumière ce qu'il y a de plus important chez elle : la
régulation des passions et l'équilibre de l'esprit. En ce cas,
Aristippe le cyrénaïque est d'accord avec Diogène que fuir
le désir c'est être habité par lui et dominé par sa
puissance. Il trouve que Platon - le pourfendeur du corps - est le plus
hanté par le désir car il emploie toute sa vie à le
combattre.243(*)
Par conséquent, chaque fois qu'un désir surgit,
les cyniques et les cyrénaïques nous invitent à le
satisfaire dans l'immédiat. Diogène veut bien se masturber en
public s'il ressent le besoin sexuel. De même, Hippparchia, la cynique
copule avec Cratès dans les rues d'Athènes et sans faire preuve
d'aucune réticence. De son côté, Aristippe de Cyrène
ne répugne pas au bordel et aux filles de joie. Les cyniques et les
cyrénaïques montrent dans un premier temps et, à l'encontre
de Platon, que la sexualité est d'une extrême
nécessité puisqu'elle nous aidera à retrouver notre
équilibre.
Pour autant, si le plaisir nous aidera à bien vivre,
il ne peut être consommé qu'avec modération. Diogène
parle alors d' « ascèse ».
« L'ascèse » n'est pas
« l'ascétisme » des métaphysiciens mais elle
est la maîtrise de soi qui s'oppose à la faiblesse et à la
mollesse.244(*) De
même, la jouissance d'Aristippe, au dire d'Onfray
« coïncide avec celle d'un libertaire qui ne met rien au-dessus
de la liberté, y compris et surtout le plaisir. »245(*)
Comme on blâmait avec vigueur Diogène et
Aristippe qui fréquentaient le bordel, le premier rétorque que
« le soleil entre bien dans les latrines sans pour autant cesser
d'être lui-même, et surtout en ne se souillant
pas »246(*) et
le second « ce qui est mal ce n'est pas d'entrer mais c'est de ne
pas pouvoir sortir ».247(*) Onfray racontait aussi qu'Aristippe emmenait un jour
trois courtisanes dans sa chambre pour les laisser à la porte, jugeant
par cet acte que la maîtrise est supérieure à la fuite pure
et simple.248(*)
Il est notable enfin que la tempérance
prônée par Diogène et Aristippe est présente dans
les travaux de toutes les sagesses antiques. Cette idée tend à
penser que les sagesses antiques, dans la diversité de leurs
écoles, évitent les excès et l'intempérance sous
peine de mettre en péril l'ataraxie et de générer le
déplaisir ou la souffrance.
Bref, en examinant l'hédonisme, nous avons
parlé du premier volet de la libération à laquelle invite
le matérialisme.
Nous touchons maintenant le deuxième volet ; le
sensualisme.
B.3 Le sensualisme :
Le matérialisme défendu délivre
l'homme de la haine infligée au corps. L'homme, dès lors, a le
plein pouvoir de recourir au sens du corps tout comme il a poursuivi les
plaisirs du corps. En plus, on remarque le plus souvent le
« pouvoir » s'acheminer vers un «
devoir ». Le sensualisme exclu toute possibilité de choix. Il
est une suite nécessaire du matérialisme.
Expliquons. Pour les matérialistes, « les
simulacres » considérés comme la matière de
toute réalité, sont eux-mêmes composés de
« pellicules imperceptibles ». Ces dernières se
détachent des objets, circulent dans l'air et pénètrent
dans notre corps par le truchement des organes sensoriels ; le nez, la
bouche, les yeux, les oreilles et les pores. Ceci étant, la
vérité se trouve uniquement dans l'interaction des pellicules
écorchées des choses (objet)249(*) et les cinq sens (sujet). On peut lire chez
Démocrite « Le phénomène et la sensation,
voilà les prémisses de tout accès à la
vérité. »250(*) Et plus loin chez Epicure: « les
critères de la vérité résident dans les sensations
(...). Atomes du corps qui saisissent les atomes détachés de la
matière. »251(*)
Dire que la vérité coïncide avec ce que
nous apprennent les cinq sens du corps, c'est dire que la vérité
n'entretient aucun rapport avec le monde des Idées ou des Essences
élaboré par l'âme. Pour illustrer ces arguments, Onfray va
puiser dans le corpus antique les anecdotes
révélatrices252(*). Trois d'entre eux ont retenu notre attention :
une de Démocrite et deux de Diogène.
Dans L'Art de jouir253(*), Onfray nous rapporte que Démocrite
saluait le soir la jeune fille qui accompagnait Hippocrate par un
« bonsoir mademoiselle » et qu'au début du
deuxième jour il fut obligé de lui dire « bonjour
madame ». Cette fille, ayant perdue sa virginité durant la
nuit, a reçu en son corps des humeurs masculines : le liquide
séminal. Mais comme pour Démocrite, le matérialiste, les
particules sont dans un mouvement constant, le sperme en tant que particule va
subir des déplacements jusqu'à ce qu'il détache du corps
de la femme et s'évapore dans l'air. A ce point, les vapeurs du sperme
ou ces « particules imperceptibles » vont être saisi
par le flair de Démocrite qui parcourait la même rue que la dame.
Démocrite montrait à travers cet exemple que les sens, en
particulier l'odorat, sont un gage de vérité. Démocrite
est donc un fanatique du nez et un anti-idéaliste car un
idéaliste comme Platon « ne peut avoir qu'un nez
atrophié254(*) ».
Nous passons à Diogène.
La première anecdote montre le cynique marchant dans
les rues d'Athènes avec une lanterne à la main en plein jour.
Cette lanterne lui sert donc à quêter l'homme de Platon, l'Homme
majuscule, l'humanité quintessenciée. En revanche, sa quête
était infructueuse car « le philosophe à la
lanterne » ne croisent que des particuliers ; menuisier,
musicien, rhéteur... L'Homme platonicien n'existe donc pas.255(*)
De même, la deuxième anecdote vient monter que
la définition de cet Homme est erronée, voire ridicule. Platon a
défini l'homme comme un « bipède sans
plume ». Diogène préparait alors une
contre-démonstration à cette définition. C'est ainsi qu'il
plume un coq et le jette au sein d'une réunion présidée
par Platon. En agissant de la sorte, le cynique réussit à
infirmer la définition platonicienne et à montrer que le
réel ne peut être réduit au concept.256(*)
Telles idées novatrices ont mérité
les strictes sanctions. Les sagesses antiques examinent leur sort : ils
sont oubliés, falsifiés et caricaturés.
C. Les mesures de répression :
C.1 Le mythe du Socrate platonisé257(*):
Michel Onfray avance l'idée que le Socrate
platonisé, qui croit aux mondes des Idées, qui pose la
supériorité de l'âme sur le corps, qui fustige le corps et
qui attend impatiemment la mort, n'est qu'une légende inventée
par Platon et aucunement remise en question à travers les
siècles.258(*)
De ce mythe découle deux autres mythes : le
mythe des présocratiques et celui des socratiques mineurs
ou petits socratiques (Aristippe et Diogène). Le Socrate
platonisé est considéré donc comme le
Crucifié, le messie ou un genre de Jésus- Christ païen,
qui ouvre le temps en deux : Avant Socrate et après lui
(présocratique - post socratique). Ou Socrate et personne d'autre
(socratique mineur). Avant lui et autre que lui, on installe le mythos,
les « apéritifs philosophiques », la pensée
magique, mythologique et thaumaturgiques, les fables, et avec lui, on assiste
soudainement à la naissance du Logos, la dialectique, la
déduction et la raison raisonnable et raisonnante.259(*)
En ce qui concerne « les
présocratiques », cette rubrique
signifie « quiconque a pensé, écrit
travaillé avant Socrate - sa date de naissance ou sa
mort ».260(*)
Pour autant Onfray trouve que certains philosophes dépassent cette date
fixée : avant Socrate. En remontant aux dates de Socrate, il
signale 469 av. J.-C : date de naissance et 399 a.v J.-c : date de
décès. Par contre celles de Démocrite : 460-356 a.v
J.-C. On peut remarquer sans difficulté que Démocrite est moins
âgé que Socrate, mais seulement de dix ans, mais quand ce dernier
décède, Démocrite a encore trente et quarante
années à vivre. D'après ce calcul, on peut affirmer que
Démocrite est contemporain de Socrate et
qu'un « Démocrite présocratique »
relève d'une fiction ou d'une « gageure ». Pourtant, quel
intérêt pour la philosophie officielle à ranger
Démocrite dans cette rubrique ? Ces années de moins ou de
plus jouent-elles un rôle considérable ? Onfray donne la
raison de cette classification : « Contraindre un philosophe
à rentrer dans une case de l'histoire des idées contribue
à le dévitaliser voire à désamorcer son
originalité »261(*) et plus loin « perdu dans la masse il
semble facile à éviter »262(*).
De même, Onfray affirme que la rubrique
« petits socratiques » est également fausse. Pour
lui, on a tort d'attribuer un petit rôle à Diogène et
Aristippe. Les deux sont à égalité avec Socrate dans le
plan de la sagesse. A ce propos, Onfray les appelle le triangle
subversif 263(*).
Tous trois détruisent les lois de la société et s'opposent
à l'Idée platonicienne.
C.2 Aristippe de Cyrène, ou portrait du philosophe
en blancs :
Selon Onfray, la bibliographie en langue française
passe sous silence la vie et la doctrine d'Aristippe de Cyrène :
D'où « le portrait en blancs 264(*)». Elle évite
donc de gaspiller un temps fort pour un personnage qui, au dire de Hegel - la
figure emblématique de l'idéalisme -, ne peut être
classé parmi les philosophes authentiques. « La tradition
universitaire dominante se range à l'avis de Hegel pour qui Aristippe et
les cyrénaïques (...) se réduisent à de pitoyables
amuseurs, à des pitres, à des histrions sans importance, tout
juste connu pour avoir laissé des calembours, des jeux de mots
sympathiques - peut-être, souriants, un peu, mais philosophes,
sûrement pas ».265(*)
En revanche, malgré ce refus
délibéré de ne pas aborder Aristippe, les tenants de la
philosophie officielle ne cessent de répéter, avec plaisir et
à travers les siècles, ces caractères erronés et
non fondés d'Aristippe cupide, courtisan, collectionneur de
femmes, animal dépourvu de tout sens moral, grossier et
débauché. Aristippe est dès lors, connu comme
l'emblème du plaisir grossier et vulgaire.
Pourtant, une historiographie qui se veut crédible
peut-elle se passer de sources fiables ?
Ce problème a été bien formulé
par Onfray dans Les Sagesses antiques: « comment aurait-on
pu parler correctement d'Aristippe et des siens pendant des siècles
puisqu'il n'a pas existé de doxographie en langue française avant
celle que j'ai établie en 2002 dans L'invention du
plaisir ? (...) De sorte que la réputation - déplorable
bien sûr a fait obstacle au désir et à la volonté
d'honnêteté qui supposent la lecture des fragments, le mouvement
vers la source. »266(*) Michel Onfray a publié L'Invention du
plaisir dans lequel il est question d'une introduction du philosophe, de
fragments et de textes d'Aristippe et sur lui. C'est la première
édition en langue française qui traite de ce courant
Michel onfray remarque que Platon est le premier
responsable de la déconsidération de la pensée
d'Aristippe. Et comme Platon est une figure majeure de la philosophie
idéaliste, on ne peut, à défaut d'être un penseur
alternatif, que suivre aveuglement ses enseignements. Platon ne mentionne
à aucun moment dans ses dialogues - et surtout le Philèbe
qui traite du plaisir - le nom d'Aristippe, le philosophe du plaisir.
D'aucuns peuvent dire qu'il ne le connaît pas ou du moins il ne
connaît pas ses idées. En revanche, plusieurs preuves
apportées par Onfray montre bien un Platon qui connaît le
personnage et sa doctrine mais il feint de ne pas les connaître pour
mieux les combattre.
La première preuve est tirée du
Phédon de Platon, le seul dialogue à mentionner le nom
d'Aristippe, mais non pour discuter sérieusement ses idées mais
plutôt pour signaler son absence lors du procès de Socrate.
Malheureusement, remarque Onfray, la fourberie et la déloyauté de
Platon se retourne contre lui-même car il fait preuve qu'il connaissait
Aristippe. « E.CH267(*) : Mais quoi ? Auprès de lui, il y
avait bien Aristippe et Cléombrote ?
PH : Point du tout ! On les disait en effet à
Egine. »268(*). Et, dans Diogène Laërce, cette
référence majeure selon Onfray, on lit : « Platon
manifeste de l'hostilité à l'égard d'Aristippe (...). En
tout cas, dans son dialogue sur l'âme, il médit de lui en faisant
remarquer qu'il n'était pas présent à la mort de Socrate
mais qu'il se trouvait à Egine, c'est-à-dire tout
près. »269(*)
La deuxième preuve270(*) témoigne que Platon a
eu connaissance des idées d'Aristippe. Mais pour mieux dissimuler sa
connaissance et remporter la victoire, il met en scène deux
personnages : Philèbe et Protarque derrière lesquelles se
cachent Aristippe et les tenants d'une option hédoniste à
Athènes. Dans cet esprit, il construit tous ses dialogues -surtout le
Philèbe- sur le modèle d'un match de catch. Platon
écrit, agit et pense en catcheur. Dans le Philèbe271(*), il attribue le premier
rôle à Socrate qui incarne le bien, l'intelligence et la
réflexion tandis que les autres interlocuteurs passent pour des niais,
des imbéciles et des méchants. Le dialogue s'ouvre sur un
désaccord entre Socrate et Philèbe et sur le refus de ce dernier
de poursuivre le débat. Par cet acte, Platon vient monter un homme
lâche devant la compétition. Philèbe va donc être
muet et c'est Protarque qui va prendre la parole. Mais Platon va de même
minimiser ses prises de paroles. Celles-ci ne comptent qu'une dizaine de lignes
dans un dialogue de cent cinquante pages. Protarque l'hédoniste
intervient dans le dialogue seulement pour donner sans discernement son
assentiment à ce que lui dit Socrate. Il dit par
exemple : « bien sûr, certainement, à
l'évidence. ». Ses paroles provoquent aussi la moquerie
et le rire du lecteur. Ce personnage passe pour un imbécile qui ne
comprend rien, pose toujours des questions pour être certain d'avoir
compris et laissent les questions posées sans réponses.
L'objectif de Platon était donc de tourner, via Protarque, ses ennemis
en ridicule. Protarque ne défend pas ses thèses et son rôle
est égal à celui d'une « table ou une
chaise ». C'est pourquoi Onfray disait « si
l'hédonisme s'incarne dans pareilles potiches, nul doute qu'on aspire
à son contraire ».272(*)
En revanche, en donnant son interprétation du
Philèbe, Onfray trouve que ce ne sont pas les partisans de la
thèse hédoniste qui sont lâches et ridicules mais c'est
plutôt le philosophe de l'idéal ascétique, qui s'est
abstenu de dialoguer avec des personnages à la hauteur, qui fait preuve
de ces deux qualités. C'est pour cette raison qu'Onfray énonce
cette idée : « à vaincre sans péril on
triomphe sans gloire. »273(*)
C.3 Le pourceau d'Epicure :
Dans l'historiographie dominante, le nom d'Epicure est
associé au porcelet rose. Mais avant de vérifier la
validité d'un tel jugement, il s'agit tout d'abord d'examiner les
diverses connotations que revêt le porc dans l'histoire de la philosophie
officielle.
Platon, fidèle à la théorie de la
métempsychose et de la métensomatose épicurienne, voit que
les réincarnations des hommes dépendent de leurs vies
antérieures. C'est ainsi ceux qui jouissent avidement des plaisirs du
corps iront hanter l'animal antiplatonicien : le porc.
De leur côté, les Pères et Docteurs de
l'Eglise, et surtout Grégoire de Nysse, viennent compléter la
doctrine de Platon et expliquer pourquoi le porc est un animal antiplatonicien.
Selon Grégoire de Nysse, les caractéristiques physiques de
l'animal sont une entrave à la dialectique ascendante platonicienne et
à la contemplation des Idées pures ou du Ciel.274(*) Le porc ne fait que creuser
dans la terre sale, couverte de déchets, de souillures et de boue. Il ne
peut donc lever sa tête. 275(*)
Le christianisme soutient également que ce
mammifère est en relation étroite avec le diable. C'est ainsi
quand Jésus, chasse les démons du corps, ceux-ci iront s'unir aux
porcs. Cet animal élu ou possédé du démon ne peut
être consommé par les Juifs et les musulmans276(*).
On peut ajouter à ces caractéristiques, la
gourmandise, la voracité, la paresse et l'attachement de l'animal aux
passions sensuelles. Cette dernière caractéristique est commune
à tous les philosophes idéalistes. C'est ainsi certains
moralistes soulignent, non sans répugnance, sa virilité
démesurée : « Avec son sexe spirale comme sa
queue, il copule en permanence, même quand la femelle attend ses
petits. »277(*)
Si tels sont les caractéristiques du porc, selon
les idéalistes, quel rapport entretiennent-elles avec Epicure ? Le
philosophe du pot de fromage et au corps chétif peut-il être
assimilé à un porc ? 278(*)
Selon Onfray, rien n'empêche les tenants de
l'idéal ascétique à professer cette
« insanité ». Epicure a provoqué la
réprobation des stoïciens, des platoniciens et des Pères de
L'église (Clément, Lactance et Ambroise).
Voici la liste des reproches adressés à
Epicure : Epicure incite son frère à se livrer à la
débauche. C'est un ami infidèle qui vit avec la femme de
Métrodore, son ami le plus intime et son disciple le plus aimé.
Aucune de ses idées n'émanent de lui car il ne fait que copier,
et sans citer ses sources, les idées de Démocrite sur l'atomisme
et celle d'Aristippe sur le plaisir. C'est un bon courtisan qui plaît aux
puissants et aux grands. Il poursuit toutes les femmes de son jardin. Il vomit
deux fois par jour pour engloutir de nouveaux aliments. Et enfin, il
dépense des sommes considérables à la nourriture et aux
prostitués.279(*)
Tenant compte de ces propos Onfray pose la question
suivante :
« Epicure l'ascète, trahi par son corps,
contraint de faire de nécessité vertu peut-il être ce
monstre que l'on a dit ? »280(*). Que faut-il entendre derrières ces
reproches ?
Onfray fait la remarque suivante que pour bien calomnier
l'oeuvre d'un philosophe, il suffit de calomnier sa vie, surtout chez les
tenants de la « philosophie vivante » où ces termes
sont intimement liés. Il fait sien la thèse de Diogène
Laërce selon laquelle tous ces jugements défavorables
relèvent d'une jalousie fructueuse qui empêche la lecture et
l'analyse de l'oeuvre d'Epicure281(*). Onfray ajoute une deuxième raison à
cette mauvaise foi. Celle-ci met en doute la possibilité même
d'une existence d'une philosophie hédoniste. Elle trouve incompatible le
fait d'être philosophe et de parler du plaisir. Dans cet esprit, Onfray
se demande « Pourquoi négliger à ce point le contenu de
la pensée épicurienne et lui faire dire le contraire de ce
qu'elle énonce, sinon à cause d'une répulsion à
l'égard du principe même de
l'hédonisme. »282(*)
En résumé, contre la lecture dominante de la
philosophie grecque qui favorise le philosophe mourant de Platon, Michel Onfray
propose une synthèse des courants subversifs et alternatifs de cette
époque. Le résultat : un matérialisme
hédoniste et sensualiste nettement nourri par une pulsion de vie ludique
et gaie. Cette pulsion de vie revendiquée a suscité de nombreuses
protestations : d'où les mesures de restrictions.
Ce schisme philosophique va se poursuivre au siècle
suivant. Nous assistons à un autre idéalisme :
l'idéalisme chrétien et un autre alternatif : le
christianisme hédoniste.
De l'archipel préchrétien nous passons alors au
continent chrétien.
Chapitre III : Un autre Moyen-âge et une
autre Renaissance : Le christianisme hédoniste
Michel Onfray avance l'idée que l'a priori
platonicien va être refleuri par l'idéalisme chrétien.
Même vision du monde et même ennemi de toujours ; le rebelle
à la pulsion de mort. A la manière du platonisme né de la
fiction du Socrate platonisé, le christianisme voit le jour grâce
à la fiction du Jésus-Christ ravivée par Paul de Tarse.
Pour bien saisir la destinée de cette fiction, nous
abordons premièrement la question de la construction du
christianisme.
A. L'invention du christianisme officiel :
Pour Michel Onfray, l'invention du christianisme ressort de
trois personnages essentiels : Jésus le personnage
conceptuel283(*), Paul
l'hystérique et Constantin le cynique.284(*)
A.1 Jésus, le personnage conceptuel :
Si les croyants répètent depuis longtemps
qu' « au commencement était le logos », Onfray
vient de son côté mettre en cause la vérité de cette
idée. Il avance, au contraire qu'au commencement était le
mythe : le mythe de Jésus.285(*) Pour lui donc, Jésus est une simple
construction tout comme le Feu d'Héraclite, l'Amitié
d'Empédocle, l'Idée platonicienne et le Zarathoustra de
Nietzsche.
L'hypothèse Jésus est un personnage historique
n'a pas pu être étayée selon Onfray par aucune preuve.
Jésus issu d'une famille originaire de Nazareth ?
Et Onfray répond : Nazareth est un village qui
n'existe qu'au IIe siècle c'est-à-dire après le
supposé Jésus.
Les quatre évangélistes qui écrivent la
vie et l'enseignement de Jésus ?
Aucun d'eux n'a connu personnellement Jésus. De
même, leurs arguments en faveur de certaines idées
rapportées divergent radicalement. A titre d'exemple, Jean disait que le
titulus du Crucifié se situe sur le bois de la croix au dessus
de la tête, Luc trouvait qu'il est autour du cou, alors que Marc refusait
de trancher. Autres contradictions pointées : Jean rapportait que
Jésus porte sa croix seul alors que les autres
évangélistes disaient que Simon de Cyrène l'aidait...
Autres preuves : la crucifixion ?
Celle-ci concerne exclusivement ceux qui mettent en
péril l'Empire. Or ce ne fut pas le cas avec Jésus. Et même
si Jésus a été considéré comme le Roi des
juifs, cela n'inquiète pas Rome car elle se moque des histoires de
messianisme et de prophétisme. De surcroît, si Jésus avait
existé, il doit être lapidé et non crucifié car
à l'époque on menaçait les Juifs par la lapidation. S'il a
donc existé il doit être lapidé. Admettons la crucifixion,
le Crucifié à l'époque est jeté dans une fosse
commune et aucunement mise au tombeau.
Et le tombeau, le suaire et le titulus
découverts ? Ces choses sont forgées en 325 par Sainte
Hélène, la mère de Constantin. Onfray apporte la preuve du
suaire qui au dire de Sainte Hélène a recouvert jadis le corps du
Crucifié. Or disait Onfray la datation de ce linge au carbone 14 prouve
qu'il fait partie du XIIIe siècle de notre ère.
Enfin, le cas Ponce Pilate ? Ponce Pilate ne pouvait
communiquer avec Jésus car le premier parlait le latin alors que le
second l'araméen. Ajoutons qu'il est peu probable qu'un haut
fonctionnaire romain comme Pilate ait accepté de parler avec un petit
gibier. De même, Pilate ne pouvait être cet homme doux dont
parlaient les évangélistes excepté que si la
légende voulait fabriquer un christianisme abhorrant les juifs
responsables de la mort de Jésus.
En démontrant la fausseté de chacune de ces
preuves qui ont traversé les siècles, Michel Onfray
réussit à battre en brèche l'hypothèse de
l'existence historique de Jésus.
Pourtant, on se demande si Jésus était une
construction, comme prétendait Onfray, pourquoi a-t-il continué
d'exister dans le temps ? Pour quelle raison ce mythe ne s'estompe-t-il
pas comme les Annales de Tacite, l'Ulysse d'Homère,
l'Encolpe de Pétrone ? Pour Onfray le mythe de
Jésus s'est incrusté grâce à l'hystérie de
Paul et au cynisme de Constantin.
A.2 Paul, l'histérique :
En ce qui concerne Paul286(*), celui-ci était aux
yeux d'Onfray un véritable hystérique. Néanmoins, sa
névrose ne s'est apparue clairement qu'après sa conversion en 34
sur le chemin de Damas.
Comme il est bien connu, Paul de Tarse était à
l'origine un défenseur zélateur du judaïsme. Il
persécutait les chrétiens et participait à la lapidation
de Saint-Étienne. Toutefois, envoyé un jour à Damas pour
persécuter les premiers chrétiens, il voit le Christ en
apparition. Suite à cet évènement, il décida de se
convertir au christianisme.287(*) Cette scène a été mal
assimilée par Onfray. Il y voit une légende fabriquée
inconsciemment par Paul pour permettre au mythe du Christ et au christianisme
de s'imposer aussi longtemps. A ce titre Onfray vient repérer les
symptômes hystériques de cet homme.
- L'histrionisme : Paul est jeté à
terre devant le public lorsqu'il a vu une lumière intense.
- L'Amaurose transitoire : Cette lumière
l'aveugla pendant trois jours.
- Hallucinations sensorielles/ tendance
mythomaniaques : Paul de Tarse hallucine. Il entend la voix de
Jésus sans qu'aucune cause réelle la déclenche.
- Agueusie, anosmie : il est incapable de manger
et de boire pendant trois jours.
- Mythomanie, encore : il reprend sa vue
après que l'envoyé de Jésus Amanie impose ses mains sur
lui.
- Exhibitionnisme moral : Paul de Tarse commence
sa tâche de missionnaire dans le bassin méditerranéen.
En somme, conclut Onfray : « toute cette
crise ressemble à s'y méprendre à l'illustration d'un
manuel de psychiatrie, chapitre des névroses, section des
hystéries... Voilà une véritable hystérie ...de
conversion ! » 288(*)
En parlant du dernier symptôme, Onfray nous fait
remarquer que le névrosé ne peut vivre avec sa pathologie qu'en
taillant un monde à son image. Il lui est difficile de se comporter
comme tout le monde. C'est pourquoi il demande à toute l'humanité
de le singer. On assiste, dès lors, à la naissance d'un
christianisme qui ne diffère jamais du platonisme de
l 'Antiquité puisqu'il l'égale dans la
vénération de la pulsion de mort.
Nous poursuivons. Paul l'hystérique ne peut jouir d'une
libido normale car, comme disait Onfray, celui qui est atteint d'une
hystérie a une puissance sexuelle quasi nulle et une tendance à
voir le sexe partout très grande. Cette incapacité sexuelle
s'accompagne d'une haine des femmes et d'une généralisation de
son état à tout le monde.289(*) De même, l'hystérique ne peut jubiler
dans l'affirmation. C'est un être masochiste qui met au point une haine
de soi généralisée. Cette haine de soi se manifeste dans
son éloge de la mortification. Paul se réjouit de faire le bilan
de ses souffrances : cinq flagellations (trente-neuf coups chaque fois),
trois étrillages aux verges, une lapidation, deux années de
prison, le manque d'eau, de nourriture...290(*) Elle se manifeste également dans
l'éloge de l'esclavage. Paul pose la nécessité de se plier
aux ordres de l'empereur, des magistrats et des fonctionnaires romains,
même s'ils nous humilient et nous appauvrissent car pour lui tout
pouvoir vient de Dieu291(*).
Ces citations repérées prouvent que pour Paul de
Tarse cette vie ici-bas avec ses jubilations compte pour rien. Ce qui
l'intéresse c'est surtout le chemin qui mène à l'autre
vie. Onfray ajoute que l'effet paulinien a été fructueux puisque
tout le monde chrétien a été contaminé par cette
pathologie.
Nous posons brièvement quelques principes du
christianisme, ce qui nous aidera de même à les comparer avec ceux
du platonisme :
Les Pères de l'Eglise déclarent le corps
pécheur et la sexualité réprouvée. Dans L'Art
de jouir, Onfray parle d'Origène qui s'est sectionné les
génitoires pour devenir plus proche de Dieu, de Saint Augustin qui s'est
converti au christianisme après des années de débauche, et
de Saint Abélard qui s'est réjoui, après que l'oncle
d'Héloïse (son amante) l'a châtré : on assiste
à la revitalisation de l'anti-hédonisme platonicien.292(*)
Dans le même ordre d'idées, Onfray écrit
dans Les vertus de la foudre : « Nicolas
fouetté, Thomas percé par des lances, Sébastien
traversé par des flèches, Jean-Baptiste, Julienne et tant
d'autres décapités (...) »293(*) : on assiste ici
à la revitalisation du Socrate de Platon qui a bu la ciguë.
Pour Saint Augustin, la connaissance se trouve uniquement du
côté de l'âme alors que le corps est trompeur : c'est
la réhabilitation de l'antisensualisme platonicien.
De même pour tous les Pères de l'Eglise l'autre
vie nous permet de rencontrer Dieu : c'est
l' « espoir » de Platon.
Ceci étant, Michel Onfray vient confirmer que le
christianisme est un prolongement du platonisme.294(*) D'ailleurs, les Pères
de l'Eglise eux-mêmes n'ont-ils pas dit que Platon avait l'intuition du
Verbe ?
Pour autant, l'hystérie de Paul qui
calque l'image du christianisme sur celle du platonisme n'a pas pu s'imposer
sans la voie du régime totalitaire ouverte par Constantin et
achevée par ses successeurs qui réalisent un Etat totalitaire
chrétien. Avec ces dictateurs, les chrétiens peuvent
désormais dormir en paix.
A.3 Constantin, le cynique :
Par rapport à Constantin295(*), cet habile stratège
avait pour désir l'unification de l'Empire et l'obéissance
passive du peuple. Pour atteindre le but fixé, il va inventer un
signe : c'est le signe de la croix. Mais à l'encontre de Paul de
Tarse, Constantin est vu par l'oeil de Michel Onfray comme un cynique
plutôt qu'un hystérique. Onfray se demandait alors :
« croyait-il vraiment au pouvoir du signe christique ? Ou
l'a-t-il habilement utilisé et mis en scène à des fins
opportunistes ? »296(*). Peu importe, la fin est connue : on assiste au
triomphe du christianisme dans tout l'Empire.
Revenons au signe. Constantin assure avoir vu dans le ciel un
signe lumineux christique297(*). Ce signe lui annonçait qu'il triompha et
emporta son ennemi Maxence. Le même Jésus, au dire de Constantin,
lui apparaît la nuit suivante en songe pour confirmer la chose vue. Ce
signe mal interprété va être exploité 298(*) par Constantin pour
réaliser ses fins politiques.
Pour ce faire, il se voit obligé de réaliser
simultanément les fins du christianisme. Il est donc conscient que
l'unification politique de l'Empire passe par l'unification religieuse et vice
versa. A ce propos, il met en oeuvre des mesures qui favorisent la propagation
du christianisme. Comme Constantin prétendait avoir été
appelé par le Christ pour gouverner l'Empire, il réussit alors
à soumettre tout le peuple à son autorité, à lui
faire consentir sans répugnance à la misère et à la
pauvreté. Ceci va également avec l'invite paulinienne.
De même, pour unifier son Empire, il joint à la
loi romaine des textes qui conviennent aux chrétiens. Il bâtit la
basilique Saint-Pierre. Il dispense les propriétés
foncières ecclésiastiques des impôts. Il subventionne
l'Eglise Saint-Paul et Saint-Laurent. En plus, il enjoint sa mère
Hélène de partir en Palestine où elle prétendait
avoir trouvé des reliques du Crucifié : la croix et son
titulus. Celle-ci se sert des dépenses versées par son
fils pour bâtir trois églises : le Saint-sépulcre, le
Jardin des oliviers et la Nativité qui abritent aujourd'hui ces reliques
inventées.
Ce souci de diffuser le christianisme va être
complété par les successeurs de Constantin qui réalisent
ce que Michel Onfray appelle « le devenir persécuteur des
persécutés 299(*)». Onfray
écrit : « ce qui définit aujourd'hui les
régimes totalitaires correspond point par point à l'Etat
chrétien tel que le fabriquent les successeurs de Constantin :
l'usage de la contrainte, les persécutions, les tortures, les actes de
vandalisme, la destruction des bibliothèques et de lieux symboliques
(...). L'omniprésence de la propagande (..) le remodelage de toute
société selon les principes de l'idéologie de
gouvernement, l'extermination des opposants. » 300(*)
C'est en 380 que Théodose vient réaliser ce qui
a été préparé par Constantin : le
christianisme est désormais religion d'Etat. Peu d'années
après cette déclaration, on défend les non
chrétiens de pratiquer leur culte.
Toute restriction sera sévèrement
condamnable.
Telle est l'orientation fondamentale du christianisme
officiel : une pulsion de mort réhabilitée (de Platon) et un
Etat totalitaire imposé par la force. En revers de ce christianisme,
nous trouvons un christianisme hédoniste qui regroupe des penseurs
rétifs à la pulsion de mort : les gnostiques licencieux, les
frères et soeurs du Libre-Esprit et le christianisme épicurien.
Ces penseurs sont chrétiens, certes, mais ils sont de même
hétérodoxes. Hétérodoxes parce que
hédonistes. D'où la dénomination suivante : le
« christianisme hédoniste ». Ces amateurs de la vie
vont subir la colère chrétienne car le christianisme, comme on
l'a vu, s'est imposé comme un régime totalitaire.
Nous allons au fil des pages suivantes examiner ces deux
points.
B- Le christianisme hédoniste :
B.1 Les gnostiques licencieux :
Onfray, dans l'introduction à ce courant de
pensée, constatait qu'on ignore presque tout du gnosticisme licencieux.
Face aux persécutions de l'Eglise, nul n'est censé
connaître ce courant et ses partisans. Ce qu'on a déjà
appris de certains Pères de l'Eglise et de certains philosophes
appointés par le christianisme c'est seulement que ces penseurs sont des
« hérétiques », leurs thèses sont
fautives et qu'il convient de ne pas leur prêter attention. Mais qu'est
ce qui fait de ces penseurs des hérétiques ? Et en quoi ils
se démarquent des officiels du christianisme ou des amis du
platonisme ?
Selon Onfray les gnostiques licencieux, partent tout
d'abord des principes généraux du platonisme et du christianisme
pour s'en séparer par la suite. Aux platoniciens, ils empruntent les
idées suivantes : Avant la chute, l'âme connaissait la
félicité. Elle vivait dans un monde immatériel, incorporel
et éternel. Après la chute, elle s'enferme dans le corps, le
matériel et le temps. Tous les gnostiques licencieux établissent
que le salut passe par la libération de l'âme du corps. Tous
enseignent le principe de la métempsychose platonicienne selon lequel
les amers s'incarnent dans d'autres corps - humain ou animal- jusqu'à la
libération totale en s'unissant au principe premier dépourvu de
toute matérialité. Tous affirment que leur vie post
mortem dépend de leur vie ici-bas. De ce fait, le
matérialisme ou l'atomisme des antiques ne peut leur être
reproché.301(*)
Aux Pères de l'Eglise, ils empruntent l'idée suivante : Le
mal règne dans le monde et il convient de l'éliminer. Cette
idée est religieuse par excellence car la religion rappelle toujours que
le monde ici-bas est pernicieux et qu'il n'est qu'un passage pour vivre dans un
monde plein de bonheur et de béatitude.302(*) Alors, pouvons-nous dire
que les gnostiques licencieux sont des platoniciens et chrétiens
orthodoxes ?
Non, car malgré ces ressemblances entre ces divers
courants de pensée, il existe une différence et elle est de
taille. Celle-ci permet de classer les platoniciens et les chrétiens
orthodoxes dans la tradition de l'idéal ascétique et les
gnostiques licencieux dans celle de l'idéal hédoniste. Cette
différence réside dans le rapport au corps.303(*) Les gnostiques licencieux
pensent que la libido est par delà le bien et le mal. Le corps ne
peut-être un ennemi, mais il importe de composer avec lui pour des
raisons qu'on va les dire par la suite. A ce titre, les gnostiques licencieux
sont considérés comme des platoniciens et des chrétiens
hétérodoxes. Mieux, ils sont hétérodoxes parce que
hédonistes.
Une question se fait jour à ce propos : Comment
travailler simultanément à la libération de l'âme et
à la satisfaction du corps ? Peut-on professer en même temps
une chose et son contraire ?
A l'évidence, les gnostiques licencieux, loin de
toute contradiction, se servent du corps pour se libérer du corps. Le
corps est dès lors un instrument de libération. Comment ?
Seule la consommation, l'épuisement et la dépense du corps
permettent la négation du corps et la libération de l'âme.
On ne peut nier la matière qu'après l'avoir consommée
complètement. Et le salut s'obtient en épuisant la
négativité. Pas besoin donc du jeûne, de privation, de
mortifications et de continence sexuelle pour s'unir au principe
divin.304(*) De
même, ces gnostiques qui voient, à l'instar des chrétiens,
le mal partout dans le monde, trouvent pour autant que l'origine du mal n'est
pas la faute d'Adam - en l'occurrence d'Eve - mais d'un certain mauvais
démiurge. Dès lors, l'homme qui est victime ne peut assumer une
faute qu'il n'a pas commise. Il est alors totalement libre et peut user de son
corps comme il veut. L'homme use de ce « cadeau de Dieu »
qu'est le corps pour braver le mauvais démiurge.305(*) Par contre, l'homme
chrétien ne peut être libre parce qu'il est responsable. Il doit
assumer sa faute et infliger la peine à son corps.
Onfray voit que les idées gnostiques, qui exaltent
la vie et le corps contre la mort et la privation, déclenchent
« la foudre chrétienne ». C'est ainsi, suite
à la demande du Constantin, des conciles et de l'Eglise au pouvoir, on
interdit aux copistes payés par les monastères de transcrire les
textes des gnostiques. Les oeuvres complètes des gnostiques - pas
même les fragments - ne disposent d'aucune édition. On
détruit ou on incendie les bibliothèques. Dans cette haine
généralisée, les auteurs - tout comme leurs livres - ne
peuvent être sauvés. Les gnostiques licencieux, contemporains des
chrétiens, et qui attirent un bon nombre d'auditeurs sont chassés
du terrain. Certains sont livrés à une inquisition, d'autres
à des tortures ou passages à tabac.306(*) Le résultat
attendu : « les ralliements au christianisme se font en
masse (...) Dans ces conditions, la pensée gnostique
s'efface. » 307(*) Mais dans ce même paragraphe Onfray ajoute
qu'elle « ne disparaît pas. Donc la tradition hédoniste
perdure (...) la gnose passe des villes à la campagne, puis des
déserts orientaux aux climats européens. Les Frères et
Soeurs du Libre-Esprit reprennent le flambeau. »308(*) 309(*)
B.2 Le libre-Esprit :
De leur côté, les Frères et Soeurs du
Libre-Esprit viennent renforcer la conception générale selon
laquelle le christianisme doit être dissocié de sa version
mortifière. De ce fait même, la figure d'une Eglise
régnante et d'une créature pécheresse commence à
s'estomper au profit du Libre-Esprit. Mais alors, qu'est-ce au juste que le
Libre-Esprit ? Qui a forgé ce terme ? Et en quoi le
Libre-Esprit s'écarte t-il du Saint-Esprit ?
Le « Libre-Esprit » ou « Nouvel
Esprit » ou « Esprit de Liberté » ou
« Liberté par l'Eprit » revêtent la même
signification. C'est l'Eglise qui, pour bien pointer ces ennemis et les
distinguer des autres, a inventé ces termes.310(*) Le
« Libre-Esprit » est l'inverse du «
Saint-Esprit ». Ceci veut dire que si le second place Dieu au centre
du monde en révélant aux hommes ses desseins, le premier vient
annoncer la divinité de l'homme et son pouvoir sur le monde.311(*)
Alors, le Libre-Esprit est-il un athée, un
nietzschéen 312(*)?
Non, le Libre-Esprit reste pour autant un courant
chrétien malgré qu'il ne soit pas tout à fait orthodoxe.
Pour quelle raison ? En fait, le Libre-Esprit croit au Jésus qui
fut crucifié pour libérer le monde des péchés. Ceci
veut dire que comme Jésus a sauvé par sa rédemption, une
fois pour toute, tous les humains, il n'y a plus aucune raison de croire
à l'expiation de fautes durant son existence 313(*): « une vie de
pénitence ne se défend aucunement, c'est un non-sens, une
contradiction. On ne paie deux fois une dette 314(*)». Ceci dit, tout ce que
fait l'homme est voulu par Dieu car sa volonté coïncide avec la
volonté divine.315(*)
Amaury de Bène qui, au dire d'Onfray, condense les
idées des autres partisans, avance l'interprétation
suivante : « Le corps du Seigneur, par exemple, n'a pas
définitivement disparu après sa mort car il est réapparu
sous forme de réel, confondu intégralement à lui. Vivre,
c'est immanquablement vivre en lui. Impossible d'y échapper. Cette
vision du monde conduit à une totale économie du
clergé : pour quoi faire ? Nul ne doit montrer la voie,
indiquer la direction. L'existence suffit (car) être au monde, c'est
être en Dieu. »316(*)
Dans cette logique, le Libre-Esprit soutient la
nécessite de renoncer au rôle de l'Eglise. Car son irruption dans
notre vie s'oppose à l'essence de la crucifixion de Jésus et au
principe même de la « philosophie vivante ».
L'Eglise enseigne, sous peine de ne pas gagner son salut, la
haine de soi, le refus du corps, la pauvreté, les sacrements, la peur,
l'angoisse et la crainte du châtiment éternel. Autant dire, mourir
de son vivant.317(*)
Face à ces idées, nous ne sommes
guère surpris lorsque l'Eglise s'élèvent contre les
partisans du Libre-Esprit. « A l'évidence, les thèses
d'Amaury de Bène ne peuvent réjouir les catholiques apostoliques
et romains. (...)En 1204 la doctrine est condamnée par le pape. Amauy de
Bène meurt en 1207. Le secrétaire du philosophe est livré
à la justice par un délateur qui donne également une
quinzaine d'autres noms. Dix des accusés périssent sur le
bûcher dressé par les catholiques le 19 novembre 1209. Quatre
partent pour la prison où ils passeront le restant de leur existence.
Les autorités réitèrent leur critique en 1209 et 1211.
Impliqué de manière posthume, on déterre Amaury. Puis on
sort ses os du cimetière du monastère de Saint-Martin-des-Champs,
on les broie, puis on les disperse parmi les ordures. Version
médiévale de l'amour du prochain. »318(*). L'état des autres
partisans n'est pas meilleur. C'est ainsi quatre ans après la mort de
Willem Cornelisz d'Anvers (1257), les catholiques retirent le cadavre du
sépulcre et le brûlent. « Un de
plus ».319(*)
De même, Bentivenga de Gubbio a passé le reste de sa vie en
prison, Walter de Hollande est envoyé sur le bûcher en
1322.320(*)
Bref, le Libre-Esprit a été banni parce
qu'il défend un Jésus crucifié pour le triomphe de la vie
contre une Eglise régnante pour le triomphe de la mort. Avec les
gnostiques licencieux et les tenants du Libre Esprit nous achevons le
Moyen-Âge et nous entamons la Renaissance qui donne le jour à une
nouvelle forme de christianisme hédoniste : c'est le christianisme
épicurien
B.3 Le christianisme épicurien :
Montaigne321(*) :
Montaigne vient réconcilier ce qui reste depuis
longtemps irréconciliable : Le christianisme farouche ami du
platonisme et l'épicurisme farouche ennemi du platonisme. Il
développe un « christianisme épicurien » une
expression qui reste un oxymore pour la plupart des croyants.
Certes, Lorenzo Valla322(*), Marsile Ficin323(*) et Erasme324(*) l'ont devancé dans cette entreprise. Il
revient à Lorenzo Valla de mettre au point, pour la première fois
dans l'histoire de la pensée, un « christianisme
épicurien », mais c'est Montaigne qui va formuler la
première version « française » de ce
courant.325(*)
Tout d'abord, Michel Onfray remarque que notre philosophe a
mené une vie catholique. Il nous rapporte que Montaigne prête
volontiers serment de dévouement à la religion catholique au
Parlement de Paris. A trente-huit ans, il revendique la construction d'une
chapelle dans son château qui sera dédiée à Saint
Michel. Quand la maladie le maintient au lit, il opère une ouverture
pour écouter la messe célébrée au
rez-de-chaussée. A quarante-quatre ans, il est parti en
pèlerinage à Notre Dame-de-Lorette. Il célèbre les
fêtes religieuses, participe au serment de l'eucharistie, il dédie
un ex-voto à la Vierge... Enfin, à cinquante-neuf ans, il appelle
le prêtre pour recevoir l'extrême-onction.326(*) C'est ainsi Onfray
écrit : « difficile de lire les Essais
comme si cet homme n'avait pas vécu ainsi .» 327(*). Mais il
ajoute : « je tiens plutôt chez Montaigne pour un
épicurisme chrétien. Oxymore bien utile pour qualifier ce
catholicisme modéré (...) modére grâce à
l'option épicurienne, car Montaigne n'accepte pas l'idéal
ascétique de la religion. Il veut bien dire son Notre Père,
assister à la messe, déposer des ex-voto, solliciter un
prêtre pour l'extrême-onction, mais pas mourir de son
vivant. »328(*).
Ceci étant, Montaigne, le catholique, va puiser dans le
corpus de l'homme du Jardin pour élaborer un christianisme vivant. Il
est donc conscient que la morale épicurienne nous aidera à mieux
vivre plus que la morale chrétienne.
Premièrement, Montaigne pense que « le
désir est partout » et que « le plaisir est
notre but ». Cette idée est présente dans la
quasi-totalité des Essais. Mais il voit que c'est la religion,
principalement catholique, qui empêche le désir de se transformer
en plaisir. Depuis la faute donc de la première femme, l'homme
chrétien se voit obligé de renoncer à tous les plaisirs
pour expier cette faute, gagner son salut ou libérer l'âme du
corps.329(*) Montaigne
ne soutient pas ces idées mais à l'instar d'Epicure (et
également des sagesses antiques) va à la recherche de la
jubilation sous toutes ses formes : boire, manger, voir, regarder, sentir,
goûter, copuler et ne pas conserver sa virginité surtout pour les
femmes. En un mot, permettre au corps tout entier de jubiler.330(*) « Le goût
des baisers resté dans les moustaches » comme il écrit
dans les Essais, ses dédicaces à plusieurs femmes au
début de chaque chapitre dans les Essais et sa relation avec
Marie de Gourmay bien qu'il soit un père de famille, témoignent
que le héros de Michel Onfray n'a jamais renoncé à ses
désirs.331(*)
Cette jouissance revendiquée par Montaigne doit être
mesurée, Montaigne peut, tout comme Epicure, se priver d'un plaisir qui
génère un déplaisir et accepter une souffrance qui produit
une plus grande jouissance. Dans cette logique, Montaigne qui souffre d'une
maladie de pierre s'abstient d'une nourriture agréable (souffrance) mais
dangereuse pour sa santé (jouissance). De même, il affirme qu'on
peut entretenir un commerce avec les femmes sans pour autant renoncer à
sa liberté et à son autonomie.332(*)
Deuxièmement, pour ne pas mourir de son vivant,
Montaigne désapprouve l'intervention de Dieu dans les
événements du monde. A cette critique de la haine de soi et du
mépris du corps chez les chrétiens, Montaigne ajoute une critique
de la Providence. Dieu ne peut intervenir dans le cours général
des choses ou sur des évènements particuliers. Montaigne
écarte donc un certain Dieu chrétien anthropomorphe qui voit,
entend, sait et veut tout ce qui se passe dans la vie des humains. A ce compte,
qui ne voit dans l'attitude de Montaigne une réhabilitation des dieux
épicuriens333(*)
indifférents des hommes et de leurs destins ? 334(*)
Enfin, pour bien vivre, Montaigne invite à
apprivoiser la mort et ne pas semer la crainte. A l'instar d'Epicure et aux
antipodes des arguments du christianisme, Montaigne avance que la mort ne doit
pas nous faire craindre car vivants, la mort n'est pas là, et,
morts, nous n'y sommes plus. Pour Montaigne, la mort s'avère un
endormissement, un passage doux et agréable pour la simple raison que la
conscience et les cinq sens y manquaient335(*). De même, tout comme Epicure a fustigé
la métempsychose et métensomatose platoniciennes, Montaigne met
à l'écart ces deux idées et avec elle le Paradis
chrétien où séjournent les âmes des justes
après la mort.336(*)
Montaigne trouve bizarre le fait de ridiculiser le Paradis des
musulmans et de ne pas rire de celui des partisans du christ. « On
sourit au paradis tapissé, paré d'or et de pierreries,
peuplés de garces - comme on dit alors - toutes très
belles, dans lequel le vin coule à flots, la nourriture aussi ?
Certes, on a raison, car il s'agit d'histoires et de fictions destinées
à emmieller les naïfs que sont les hommes. Mais comment ne pas voir
là également une critique du paradis des chrétiens,
peuplé de promesses tout autant fictives. »337(*)
En somme, Onfray voit que Montaigne a réussi
à la fois sa vie catholique et sa vie épicurienne. A cette fin,
il nous rapporte alors cette anecdote
significative : « dans son livre, il [Montaigne]
écrit la nécessité d'appeler le prêtre pour
l'extrême-onction (...) lorsque le curé procède à
l'élévation, Montaigne rend l'âme. Belle image
d'Epinal : le philosophe quitte le monde sans renier ni la sagesse antique
ni la foi chrétienne. »
Enfin, les tenants du christianisme officiel qui
récusent l'innovation (on est épicurien ou chrétien, il
faut choisir) ne peuvent épargner l'auteur des Essais. Aussi
Michel Onfray nous rapporte que « Grégoire XIII
surélève sa mule pour que le philosophe puisse la lui baiser en
se penchant un peu moins que les autres. Les détails importent, ils
expriment les degrés de l'amour du prochain. »338(*). De même, l'Eglise
catholique apostolique et romaine, interdit la lecture des Essais qui
a été mis à l'index en 1676.
En résumé, à travers son exhumation
des penseurs alternatifs de cette période de l'histoire, Michel Onfray
réussit à infirmer le jugement commun selon lequel le
Moyen-Âge et la Renaissance sont chrétiens orthodoxes ou ne sont
pas. A côté de Paul de Tarse et des Pères de l'Eglise,
Onfray prend plaisir à mettre en scène les gnostiques licencieux,
les partisans du Libre-Esprit et le christianisme épicurien longtemps
oubliés. Il montre par là que la résistance au
christianisme est souvent chrétienne.
Notre odyssée se poursuit. Nous sommes en plein
17ème siècle.
Chapitre IV : Un autre 17ème
siècle : Le libertinage baroque français et le
spinozisme
Si le Moyen-Âge et la Renaissance
classiques339(*) se
situent dans la continuité de l'Antiquité classique. Le
17ème siècle, en revanche, témoigne d'une
rupture radicale avec les deux moments. Cette volonté de rupture est
clairement affichée par Descartes conçu communément comme
le fondateur du « rationalisme moderne » et par suite de la
philosophie moderne qui est en contraste avec la philosophie d'avant le
17ème siècle.
A- Le cartésianisme :
Le moteur de ce rationalisme fut la déception de
Descartes à sa sortie du Collège de la Flèche. Dans ce
collège dirigé par les jésuites, Descartes va apprendre
toutes les anciennes connaissances : l'histoire, la logique,
l'éloquence, la physique, les mathématiques, la morale, la
philosophie et la théologie. Mais malgré une érudition
certaine, Descartes remarque que les professeurs de la Flèche ne
remettent jamais en question les disciplines enseignées. Le principe
d'autorité, l'ancienneté du savoir et sa diffusion d'une
époque à une autre sont un gage de vérité. Pas
besoin donc de la raison et de l'attitude critique. Déçu par
cette façon d'enseigner, Descartes pose la nécessité de
penser par soi-même et d'être le juge de toute
vérité.
Avec Descartes nous sommes donc appelés à mettre
l'autorité de la raison au-dessus de toute autre
autorité340(*).
C'est le doute, cette activité de la raison, qui va être un
remède opérant à tous les préjugés
enracinés dans l'esprit. Grâce à lui, Descartes
vient « rejeter la terre mouvante et le sable pour trouver
le roc ou l'argile ».341(*) On peut dire donc que cet appel à l'autonomie
de la raison et cette promotion de l'esprit critique chez le sujet constituent
les prémisses pour une rupture avec la connaissance
médiévale et antique classiques (non alternatives). Jusqu'ici,
Descartes le rationaliste ne peut que réjouir notre philosophe (Michel
Onfray).
En revanche, cette réjouissance va être
troublée par le doute cartésien lui-même. Ceci, au dire
d'Onfray, va manquer sa fonction essentielle qui est de passer tout au crible
de la raison y compris la théologie. Le doute méthodique va
épargner la religion de sa nourrice (la religion catholique) et celle de
son roi (la monarchie). Pour reprendre la belle expression d'Onfray
« Descartes ménage la chèvre monarchiste et le chou
catholique »342(*).
La thèse d'Onfray se voit confirmée dans le
Discours de la méthode et principalement dans l'introduction
à la troisième partie où Descartes vient afficher ses
idées : « La première (des maximes de la morale)
était d'obéir aux lois et aux coutumes de mon pays, retenant
constamment la religion en laquelle Dieu m'a fait la grâce d'être
instruit » 343(*)
Dans la préface à son ouvrage Les libertins
baroques, Michel Onfray trouve que le retour à la religion
catholique se déploie clairement dans sa philosophie dualiste.
L'âme et le corps chez Platon et chez les chrétiens deviennent
« substance pensante » et « substance
étendue » avec Descartes. Changement de forme et
préservation de fonds. 344(*) Descartes sépare l'âme du corps.
Celle-ci est supérieure au corps et plus noble que lui. Elle est
immatérielle, pensante et immortelle. Alors que le corps est
matériel, étendu et mortel. Pour Descartes seules les
facultés de l'âme (entendement ou raison) sont aptes à
atteindre la vérité. Tandis que les facultés du corps (les
sens et l'imagination) qui supposent une relation à
l'extériorité sont trompeurs.
En un mot, pour Onfray, Descartes, fondateur du
rationalisme moderne, laisse intacte les deux ennemis de la raison : la
religion catholique et la monarchie.
Cette attitude de Descartes est partagée avec tous
les philosophes idéalistes du 17ème
siècle345(*).
Pour cela, le 17ème siècle a été
appelé « Grand siècle ».
« Grand » disait Voltaire dans son livre Le
siècle de Louis XIV en raison de sa religion catholique et son
régime monarchique. A cet effet, les idées des libertins baroques
n'ont plus droit de cité dans le livre de Voltaire consacré
uniquement aux penseurs pétris de conformisme, catholiques et
monarchistes. Dans ce livre on cherche en vain quelque chose sur Charron, La
Mothe le Vayer, Gassendi, Spinoza.....346(*)
Pour faire face à Voltaire et à son
« Grand siècle », Onfray met en avant une nouvelle
historiographie, un « autre Grand siècle » :
c'est celui des libertins baroques. Cette expression nécessite une
définition adéquate. Etymologiquement, le libertin est un penseur
libre et affranchi. C'est une personne qui veut s'affranchir. Il convient
dès lors de savoir de quoi il veut s'affranchir. Et Onfray
répond : le libertin est l'affranchi de Dieu. Pour autant, le
libertin n'est pas celui qui renie Dieu mais plutôt celui qui s'en
émancipe. Le libertin admet bel et bien l'existence de Dieu mais
celle-ci est traitée sur le mode épicurien où Dieu ne peut
se mêler des affaires des hommes. D'ailleurs, s'affranchir de Dieu peut
se signifier se libérer de Dieu qui influe sur les choses
terrestres.347(*) Ainsi
pensé, ce libertin est nommé « libertin
baroque ». Le baroque c'est « le pli » chez
Gilles Deleuze et « le clair-obscur » chez Michel Onfray
c'est-à-dire la lueur dans l'obscurité et la lumière dans
les ténèbres. Le « libertin baroque » ce
philosophe affranchi vient ranimer les flammes dans une époque
obscure.348(*)
C'est Pierre Charron le français qui va ouvrir ce
chantier qu'est le libertinage baroque et c'est Spinoza le juif qui va achever,
accomplir et même dépasser le libertinage baroque
français.349(*)
Nous nous limiterons à ces deux penseurs qui résument l'essentiel
du discours libertin.
B- Les libertins baroques et Spinoza :
B.1 Les libertins baroques : Pierre Charron350(*)
Tout d'abord, Pierre Charron selon Onfray, est le premier
à mettre en oeuvre la laïcité. La date
précise de ce « coup de tonnerre », pour
reprendre l'expression d'Onfray, remonte à 1601. On entend par
laïcité la séparation de la Foi et de la Raison, de la
religion catholique et de la philosophie (que ce soit une philosophie morale ou
politique).351(*)
Certes, l'idée existe avant Charron. Onfray nous
rapporte que Montaigne, l'ami de Charron, lui a offert un jour un ouvrage de
Bernadino Ochino l'Italien (1487-1564) qui s'intitule Le catéchisme
ou la véritable institution chrétienne et date de
1560.352(*) L'auteur
soutient la séparation du temporel et du spirituel, chacun peut prier
chez soi mais en matière politique on doit s'émanciper de la
religion.353(*) Onfray
remarque que Montaigne lui-même pour avoir offert un ouvrage dans lequel
s'est écrit livre interdit (interdit par l'Eglise catholique) doit
être lui-même aussi adepte de cette idée : l'autonomie
de la philosophie. De même, ajoute Onfray, Marsile de Padoue
défend cette idée en 1324 dans son ouvrage Le
Défenseur de la paix.
D'après ces différentes dates, on remarque que
les trois ont devancé Charron (1601) dans la promotion de la
laïcité.
Mais il reste pour Onfray que cette idée qui reste
implicite se déploie très nettement avec Charron. Nous lisons
sans ambiguïté au début de son livre De la sagesse
qu'il n'écrit pas pour les prêtres et l'Eglise mais pour
« la sagesse humaine et non divine. ». Dans ce sens,
Charron affirme nettement que le discours philosophique ne concerne pas les
théologiens et fait du philosophe ou du sage le roi de sa discipline. Il
crée une véritable sagesse immanente, laïque et gaie. Par
cette autonomie de la philosophie ou de la raison, Charron devient
lui-même le créateur du « rationalisme
moderne ». Onfray affirme que le doute cartésien ne se
comprend guère sans Charron.
Cette séparation de la philosophie et de la
théologie se déploie nettement dans sa conception de Dieu.
Charron avance que le sage ou le philosophe n'est pas concerné par le
Dieu judéo-chrétien ; cette puissance qui entre en
communication avec les hommes sur le mode des prières, des invocations
et des offrandes, ce Dieu qui jouit des macérations des hommes pour lui,
ce juge post mortem.
Charron le sage tient à laisser ces questions
théologiques aux théologiens, aux gens de l'Eglise et fait appel
à un autre Dieu : Dieu chez lui c'est la Raison, la Nature, et la
Nécessité. Il écrit dans De la sagesse (III,
2) « Dieu ou la Nature ». Charron se voit alors
esquisser le panthéisme354(*). Il affirme que suivre Dieu ou la Nature, c'est
travailler à l'avènement d'une morale hédoniste, d'un
prince tempérant et juste et d'un refus des souffrances post
mortem. Autant dire, le panthéisme, à l'encontre du
catholicisme, est une voie d'accès à la joie d'exister.
Ces grandes lignes tracées par Charron vont être
minutieusement développées par Spinoza.
Si dans De la Sagesse, comme on l'a
démontré, Pierre Charron défend des idées pas
très catholiques, on ne peut en dire autant de son ouvrage Les
Trois Vérités contre les athées, idolâtres
et juifs (1593). Dans cet ouvrage, on voit un certain Charron qui
défend le catholicisme et déclare sa supériorité
sur le protestantisme, le judaïsme, l'islam et
l'athéisme.355(*)
Charron est-il donc changeant dans ses idées ? Qu'est-ce qui,
dès lors, réalise l'unité du propos du
philosophe ?
Michel Onfray avance que Pierre Charron et les libertins
baroques en général ont deux mondes : le dehors, le public
dans lequel le philosophe est obligé d'agir en conformité avec
les lois de son époque et son pays ; la religion et la politique en
vigueur. Et le dedans, le privé où le philosophe peut juger en
toute liberté et en dehors de toute dépendance. Ce faisant, les
libertins baroques comme Charron se retrouvent dans les
micros-sociétés électives, dans les cabinets de
semblables356(*) qui
sont à l'égard des regards. Charron peut bien aller à la
messe et prier dans l'église de son village -soumission apparente aux
valeurs de son groupe. Mais au fond de sa conscience, il prie le Dieu de la
philosophie (le panthéisme) et non le Dieu des catholiques : un
caractère affranchi sous une apparence d'obéissance.
Deux raisons empêchent Charron de professer la
laïcité en dehors et au peuple.357(*) La France de Charron sort à peine de guerres
de religions civiles fratricides et sanguinaires 358(*): le massacre de la
Saint-Barthélemy (1572)359(*) et les trente-six années de guerres
religieuses. (1562-1598)360(*). Charron accorde donc une grande valeur à la
paix civile et sociale. Il veut la sérénité, la paix
intérieure (sa propre paix) et extérieure (fin des combats).
Ainsi Michel Onfray écrit-il : « Publiquement, le sage
ira donc apparemment contre sa raison, mais par raison361(*). »362(*)
Bref, le philosophe libertin, laïc dans son for
intérieur, pratique le « fidéisme » en
public. Le fidéisme c'est le fait d'admettre que la raison est
impuissante devant les question de foi. La France est catholique, une
royauté, une monarchie ? Admettons ceci et ne questionnons jamais
sa légitimité363(*).
Pour autant, le Charron de De la sagesse et celui
des Trois Vérités a été également
critiqué. Certes, l'Eglise et la Sorbonne n'ont pas aimé De
la sagesse. Mais ceci ne veut pas dire qu'elles ont épargné
les Trois Vérités. Pour elles, la religion est plus
qu'un instrument, qu'un moyen pour réaliser la cohésion sociale.
Elle est avant tout une révélation, une parole de Dieu. A ce
propos, la Sorbonne interdit ce livre en1603 pour motif de
fidéisme.364(*)
La tâche de l'Eglise et de la Sorbonne va être
complétée par un certain François Garasse365(*), autre idéaliste de
ce 17ème siècle. Ce prêtre est l'auteur
de La Doctrine curieuse (1623) dans laquelle il salit la
réputation de Charron pour éviter la lecture de son oeuvre.
Charron subira alors le même sort qu'Epicure. Les formules
assassinées et ordurières sont innombrables. On peut se
restreindre à quelques unes. Charron était
considéré comme un pédophile, un luxurieux, un
dispendieux, parfois même un « âne » et un
« pourceau ».366(*)
Pour finir avec les deux mondes des libertins baroques et
pour revendiquer haut et clair la séparation de la foi (religion) et de
la raison (philosophie), il fallait un philosophe qui ne fût pas
français, il s'agit bel et bien de Spinoza.
B.2 Le spinozisme :
Spinoza, ce philosophe d'origine juive367(*), met au jour un nouveau
système philosophique : le
« panthéisme » qui accorde au philosophe une totale
indépendance face au christianisme. Mais si le panthéisme incarne
selon Spinoza la séparation de la philosophie et de la théologie,
ceci n'empêche pas leur interpénétration. En elle se donne
à lire l'idée selon laquelle le triomphe de la lumière
naturelle ou l'élaboration du panthéisme ne peut se faire qu'avec
le démontage de la foi, de l'irrationnel, de la connaissance par
ouï-dire. Dans d'autres termes, la séparation de la philosophie et
de la théologie se comprend avec Spinoza moins comme l'autonomie des
deux domaines que l'autonomie de la raison aux dépens de l'autonomie de
la théologie. De ce fait même, on ne peut penser le
panthéisme qu'à la lumière de sa démarcation du
christianisme.368(*)
Tout d'abord, le Dieu de Spinoza diverge radicalement de
celui des chrétiens. Son Dieu est immanent au monde. La Nature,
l'univers, tout ce qui est, est en Dieu. Spinoza professe alors un certain
« monisme » selon lequel le monde n'est composé que
d'une seule substance, à savoir Dieu.369(*) Il exclut par le fait même, le Dieu du
christianisme ; cet être personnel, transcendant et
séparé du monde : d'où le dualisme ou la naissance de
deux mondes : un terrestre et un céleste.
Les chrétiens imaginent un Dieu séparé
du monde pour expliquer le grand fait qu'est la Genèse. Dieu pour avoir
décidé un jour de créer le monde doit être
antérieur (séparé) à ses
créatures.370(*)
La Genèse nous dit que le monde « a été
créé » du néant. De même, chez Descartes
Dieu « a créé » un monde parfait. Pour
Spinoza, Dieu ne peut être un créateur mais tout ce qui est, doit
être envisagé comme une affection, une expression, une
modification de Dieu ou de la substance.371(*) Pas de moments de création chez Spinoza car
le monde est une suite nécessaire de la nature de Dieu. Ce qui a
amené Spinoza à dire que le monde et Dieu sont une seule et
même substance diversement appréhendée. Ce qui est, est un
« mode » de la substance.
Dire que Dieu n'est pas un créateur c'est dire qu'il
n'a pas de volonté.372(*) Dès lors, la figure du Dieu agissant commence
à s'estomper au profit d'un Dieu indifférent. Dieu n'a aucune
volonté ni dans la création du monde ni dans le flux de ce monde.
Fini le Dieu-créateur et le Dieu- Providence. A ce titre, Spinoza qui
pratique « l'exégèse rationnelle » trouve que
les Ecritures ne sont pas d'une inspiration divine mais plutôt une oeuvre
humaine, très humaine, selon l'expression de Nietzsche.373(*) De même Spinoza ne
croit pas aux miracles. Il ne reconnaît aucune intervention divine dans
les faits de la nature. Le miracle c'est plutôt une énigme
épistémologique qui appelle, grâce au développement
de la science, une réponse bien adéquate.374(*)
Cette nouvelle conception de Dieu s'accompagne chez Spinoza
d'une nouvelle conception de la morale. On passe alors de la question de Dieu
à celle de la morale. Un Dieu non voulant ne peut générer
une morale moralisatrice, une morale fondée sur les interdits et
prescriptions. Nul besoin donc d'un Bien et d'un Mal en absolu. Si la morale
n'a pas un fondement transcendant comment comprendre alors qu'une
éthique soit possible ?
Pour Onfray, l'éthique spinoziste consiste à
obéir à la nécessité naturelle c'est-à-dire
à « persévérer dans son être ».
Tout comme la pierre jetée en l'air, doit tomber en vertu de la loi de
la chute du corps, l'homme doit aussi obéir à son
« désir » à son
« conatus375(*) » qui fait son essence même.
Le désir est synonyme de puissance d'exister et de
persévérance dans la vie. Dès lors, la morale est faite
par les hommes et pour les hommes. Tout se joue par de-delà le Bien et
le Mal et se dirige plutôt vers le Bon et le Mauvais. Le Bon c'est
l'augmentation de la puissance de l'homme, c'est la Joie qui est une plus
grande perfection. Son chemin est le « divertissement »
sous toutes ses formes : la musique, les jeux de gymnase, la danse, les
femmes, les repas etc.376(*) Alors que le Mauvais c'est la diminution de son
être, c'est la Tristesse qui est une perfection moindre. Sa voie :
la honte, le désespoir, la culpabilité, la pensée de la
mort .etc.
En défendant telles idées, Spinoza se
démarque de Pascal. Ce dernier ne se lassera de montrer que le
« divertissement » mettra en péril la vie
chrétienne. Il défend donc une « apologétique de
rupture »377(*) qui pose l'urgence de choisir : ou bien la vie
humaine, le divertissement et l'amour des choses terrestres, ou bien la vie
chrétienne et l'amour de Dieu378(*). Alors que chez Spinoza, comme on l'a
démontré, participer de la Nature ou du Divin c'est se distraire
et se divertir. En plus, Pascal invite les hommes à rester assis, seuls,
dans une chambre et se rappeler toujours qu'on va mourir. Il développe
donc le Mauvais, la pensée de la mort de laquelle nous avertis Spinoza
en nous incitant plutôt à méditer la vie. Conversion
philosophique contre conversion chrétienne. En un mot, la morale
spinoziste n'est qu'une abondance de vitalité et une guerre aux passions
tristes.379(*)
Cette non-intervention de Dieu et cette séparation
entre la foi et la raison en matière morale se poursuivent de même
dans le domaine politique.
Spinoza s'attaque au régime monarchique dans lequel le
roi asseoit son pouvoir sur l'autorité divine. Dès lors, personne
n'est osé mettre en question le pouvoir du roi car
désobéir au roi c'est désobéir à Dieu. Pour
Spinoza la politique tout comme la morale ne peut se régler sur la
théologie. A cette fin, il met au jour le régime
démocratique et républicain qui favorise l'égalité
de tous devant la loi.380(*) Dans le Tractus Theologico-Politicus, il
s'exprime clairement : « Dans un état et sous un
commandement où la loi suprême est le salut de tout le peuple et
non de celui qui commande, l'homme qui obéit toujours au souverain ne
doit pas être appelé esclave inutile à lui-même, mais
sujet. »381(*). De même, Spinoza voulait que le clergé
et le pape se limitaient absolument à leur pouvoir spirituel et se
dispensaient du pouvoir temporel qui n'est pas le leur.382(*)
Un Dieu non-créateur, un Dieu non-Providence, la
liste se poursuit et nous arrivons finalement au Dieu Justicier. Ces trois
moments témoignent que le Dieu de Spinoza, à l'encontre de celui
des chrétiens, est dépourvu de toute volonté. En ce qui
concerne le Dieu Justicier, Spinoza récuse toute forme
d'anthropomorphisme religieux. Pour lui, on ne peut attribuer à la
divinité des sentiments humains : colère, vengeance
etc.383(*) Pour contrer
le Dieu des chrétiens, il apporte l'idée qu'un triangle
doué de parole dirait la nature triangulaire de dieu 384(*). Ceci étant,
Spinoza repousse toute idée d'une vie post-mortem, d'un
Jugement dernier, d'un Paradis ou d'un Enfer.385(*) Rien n'est possible en dehors de la Nature, en
dehors de ce rapport entre la substance et ses modes.
Onfray trouve que la logique panthéiste de Spinoza
s'apparente quelque peu à la physique épicurienne selon
laquelle « la substance épicurienne persiste mais que ses
modes changent. Immortalité de la substance, mortalité de ses
modes. »386(*)
Ceci veut dire que l'homme en tant qu'un des modes de la substance et non la
substance elle-même, est mortel.
Si Spinoza croit à un certain monisme cosmologique (au
niveau du monde), il croit également à un monisme psychologique
(au niveau de l'homme et le rapport de son âme à son corps.) Pour
lui, contre les chrétiens et surtout contre Descartes, l'âme et le
corps ne sont pas de natures différentes, ne sont pas deux substances
hétérogènes. Spinoza ne montre pas, comme Descartes, que
l'âme est immortelle car elle est inétendue et que le corps est
mortel parce qu'il est étendue. Chez lui, corps et âme, sont deux
modalités d'une même nature et d'une même substance,
à savoir Dieu ou la Nature, et par suite ils subissent le même
sort.387(*) L'homme
(corps et âme) est corruptible. Pas d'arrière-monde et nulle
crainte de la mort alors. Si l'homme en tant que « mode
fini », qu'un être particulier est
« mortel », il est de même
« éternel » en tant qu'une partie intégrante
de la « substance infinie » et incorruptible. La substance
de l'homme résiste à sa mort.
Onfray trouve alors que Spinoza est quelque peu proche des
matérialistes abdéritains (voir le deuxième chapitre de
cette partie). Mais il précise que le monisme de Spinoza ne fait pas de
lui un penseur matérialiste au sens classique du terme car, au dire
d'Onfray on chercherait vainement chez Spinoza le vocabulaire de la philosophie
abdéritaine. Pas d' « atomes »,
de « matière », de
« particules », de « clinamen » chez le
Hollandais et nulle référence dans son ouvrage majeur
l'Ethique aux représentants du matérialisme ;
Démocrite, Epicure ou Lucrèce. Mais il reste que sa pensée
est plus proche de ces derniers que de celles des dualistes.387(*) C'est la raison pour
laquelle Michel Onfray écrit : « Etrange Spinoza !
Son matérialisme sans matière, son Dieu sans transcendance (...)
son épicurisme sans atomes (...) sa religion sans dogmes, son
éternité sans arrières-mondes. »388(*)
Enfin, nous pouvons dire que le système
panthéiste de Spinoza est tout entier falsifié puisqu'il est vu
comme un « catéchisme athée » et une
« bible maléfique »389(*). Or, disait Onfray un simple
comptage permet au moins de pointer plus de cinq cent fois le nom de Dieu dans
l'Ethique. A chaque fois, il s'agit de le nommer et de le
définir.390(*) De
même, la morale hédoniste de Spinoza a été
caricaturée par les tenants de la morale judéo-chrétienne
qui la juge comme le comble de l'immoralisme, et l'impossibilité
éthique absolue.
En somme, Michel Onfray veut mettre en valeur un autre
Grand siècle qui, à l'encontre du Grand siècle
classique invente une raison moderne à même de juger la
religion catholique et ses effets dans le quotidien. Cet autre Grand
siècle crée par là la
laïcité ; la séparation de la foi et de la
raison ou l'émancipation de la raison. Cette dernière a
été selon Onfray plus manifeste avec Spinoza - la deuxième
force qui travaille ce siècle - qu'avec le libertin baroque
français. Ceci dit, les penseurs alternatifs du 18ème
siècle vont pousser plus loin la réflexion laïque de
Spinoza. Ils vont élargir particulièrement l'émancipation
de la philosophie politique : D'où l'antimonarchisme
déclaré. En plus, on voit se développer un certain
athéisme qui surpasse le panthéisme de Spinoza. Onfray affirme
dans la conclusion à ce courant de pensée qu' « au
18ème siècle, l'athéisme n'existe pas, ni
larvé, ni en douce, ni caché, ni entre les lignes. Dieu vit ses
dernières heures, la religion s'effondre, mais on ne peut encore parler
de mort de Dieu ».391(*) Effectivement, ces deux attitudes
prônées par les penseurs alternatifs du 18ème
siècle nous permettront de les situer par rapport à ceux de la
carte postale de l'historiographie dominante.
L'odyssée arrive à ses fins : du
17ème siècle on passera au 18ème
siècle.
Chapitre V : Un autre 18ème
siècle : les ultras des Lumières.
Onfray voit que le 18ème siècle,
à l'instar des autres siècles, est profondément
divisé c'est-à-dire séparé par deux pensées
différentes, voire divergentes et opposées. Il recèle
alors des « Lumières pâles »
célébrées par l'historiographie dominante et des
« Lumières radicales » absolument
enterrées.392(*)
C'est Michel Onfray lui-même qui a baptisé ces deux
lumières du nom de « Lumières pâles »
et de « Lumières radicales » et ceci pour bien marquer
dans la dénomination même qu'en ce siècle des
Lumières, toute lumière ne fut pas radicale.393(*)
Pour commencer, Onfray se réfère tout d'abord
à Kant - appelé couramment « le parangon des
Lumières » - qui ramasse la théorie des
« Lumières pâles » dans son opuscule
publié en 1784 et intitulé Réponse à la
question : qu'est- ce que les
Lumières ?394(*)
A. Les Lumières pâles :
Pour Kant : « Les Lumières sont
la sortie de l'homme de la minorité où il est par sa propre
faute. »395(*)
Ceci veut dire que les Lumières contrastent avec la minorité car
elles poussent l'homme à disposer de son entendement sans aucune
contrainte et sans aucun recours à un tiers. La responsabilité de
cette minorité repose sur les épaules de chaque homme puisqu'il
suffit de se servir de sa raison pour mettre fin à toute
obéissance passive. Sapere aude396(*) ou Ose te servir de ton propre
entendement : Nous voilà en présence de la formule des
Lumières. Sur ce point, Kant et les Lumières radicales peuvent
bien s'accorder.397(*)
En revanche, en affinant son propos, Kant nous montre que
les femmes398(*), le
nègre ou le samoyède, le paysan, le domestique, l'employé,
en un mot, les citoyens passifs ou les « torchons
populaires » sont exclus de l'humanité. L'homme concerne
seulement la petite caste des intellectuels ou l'élite
philosophique.399(*)
Dans cette logique, les Lumières pour Kant ne peuvent être le fait
de tout un chacun.
De même les Lumières ne peuvent être
utilisées n'importe comment.
Il importe, dès lors, de saisir cette distinction entre
usage public et usage privé de la raison. L'usage public, c'est quand le
philosophe communique ses idées, le plus souvent rétives et
révolutionnaires, aux lecteurs c'est-à-dire à un large
public ou quand il désapprouve publiquement l'ordre établi,
l'Etat et ses lois. L'usage privé c'est lorsque le philosophe
écrit pour les siens, s'adresse à ses semblables dans les
cénacles, les cafés et les salons bourgeois. En ce second cas,
affirme Kant, le philosophe peut s'exprimer ouvertement et de façon
manifeste.400(*)
Critiquer le clergé, la religion et la monarchie est possible, certes,
mais uniquement en coulisse et en secret.401(*)
Cette définition des Lumières
prônée par Kant 402(*)est nettement visible chez la majorité des
idéalistes de ce 18ème siècle : Rousseau,
Montesquieu, Diderot, Voltaire, d'Alembert... tous ménagent le pouvoir
officiel ; la monarchie et se moquent des gens du commun incapables de
pensée et de philosophie.403(*) Pour ne prendre ici qu'un exemple, Onfray trouve que
Rousseau, l'auteur de Du Contrat social, prend soin de composer avec
la monarchie. Certes, il la dénomme autrement mais il reste qu'il ne
renie jamais à son principe qui est de concentrer le pouvoir dans la
main d'un seul.404(*)
Dans le livre II, chapitre 6 de son ouvrage Du Contrat Social, il dit
que le gouvernement républicain est le meilleur régime. Mais il
ajoute que la monarchie est elle-même une république puisqu'elle
est guidée par la loi.405(*)
A cet égard, Onfray constate
qu' : « avec ce genre de citoyen, la famille royale peut
dormir en paix »406(*). De même, dans son ouvrage Discours sur
les sciences et les arts, Rousseau, au dire d'Onfray, plaide pour le
maintien du peuple dans l'obéissance et il s'oppose radicalement
à tout désir révolutionnaire et rebelle.407(*)
Il est notable que l'attitude des Lumières pâles,
sur ce point, est analogue à celle des libertins baroques,
défendeurs des deux mondes. Une question se pose ici : Pour quelle
raison, Onfray reproche-t-il aux Lumières pâles leurs attitudes
alors qu'il s'est réservé de critiquer les libertins
baroques avant eux ? Nous pouvons répondre qu'il étudie,
probablement, l'histoire de la philosophie dans sa propre évolution. Les
libertins baroques sont novateurs par rapport à leurs
siècles : Descartes, Bossuet, Fénelon, Pascal... Mais les
Lumières pâles du 18ème siècle sont
dépassées par des Lumières plus radicales et plus
efficaces.
C'est à ce hiatus entre usage public et usage
privé de la raison que les Lumières radicales entreprennent de
mettre fin.408(*) Tous
ces philosophes soutiennent la nécessité d'écrire pour le
peuple, de militer pour son affranchissement, et de condamner avec vigueur la
monarchie409(*). Mais il
est tout aussi remarquable que certains d'entre eux comme Meslier et d'Holbach
vont mêmes plus loin et affichent une pensée radicalement
athée. Cette attitude novatrice ne se repère dans aucun corpus
des philosophes dominants. Onfray souligne qu'« on chercherait en vain
dans la carte postale philosophique du 18ème siècle,
des athées revendiqués : le Rousseau de La Profession de
foi du vicaire savoyard, le Voltaire du Dictionnaire
philosophique, le Montesquieu de toujours, celui des Pensées
surtout, le Kant de (...) la critique de la raison pure, Critique de
la raison pratique -, le premier Diderot des Pensées
philosophiques, l'Encyclopédie même, avec
l'abbé Yvon et son article l'« Athéisme », tous
affirment l'existence de Dieu. »410(*)
Michel Onfray s'est penché particulièrement
sur l'Encyclopédie411(*) car il voit qu'on oublie le plus souvent que ce
monument éditorial est épris de l'esprit des idéalistes et
non des alternatifs de ce siècle.
De tous temps, on a considéré à tort que
l'Encyclopédie passe pour le modèle des Lumières
et de la modernité. Pour faire l'économie de cette idée
erronée, Onfray va critiquer l'un des participants à
l'Encyclopédie ; L'abbé Yvon (1714-1791). Cet
abbé n'a dit jamais du bien des athées : ces derniers qui
nient la providence, profanent les choses sacrées, blasphèment
contre Dieu et la religion catholique méritent à ses yeux les
plus strictes sanctions. Il va jusqu'à dire qu'on doit périr les
athées et les faire mourir. Ce sont un grand danger pour une
société pacifique412(*). On trouve alors un partisan de « la peine
de mort » au sein d'une Encyclopédie
considérée communément comme l'intelligence d'un
siècle. De même, ce curé inquisiteur et exterminateur
défend absolument dans son article « Âme » les
principes de l'orthodoxie catholique en ce qui concerne l'immortalité et
l'immatérialité de l'âme.
Cette attitude de l'abbé Yvon jette le doute sur les
directeurs de l'Encyclopédie ; Diderot et d'Alembert,
autres idéalistes de ce 18ème siècle.
Michel Onfray soutient l'idée que l'abbé
bénéficiait de la confiance de ces deux pour s'être vu
attribuer les articles les plus décisifs « Âme »
« Dieu » « Athéisme ». A ce
propos, il se demande pourquoi Diderot et d'Alembert s'abstiennent de donner
ces articles à d'Holbach413(*), le curé athée à même de
diffuser l'athéisme. Au lieu de ceci, d'Holbach se voit confier des
questions pas tout à fait tranchantes : chimie, sciences
naturelles, géologie, minéralogie.414(*)
En résumé, les Lumières pâles ne
trouvent satisfaction chez notre philosophe. Il voulait des lumières
plus déterminantes qui donnèrent un coup de fouet à la
réflexion philosophique. D'où leur double
originalité : l'antimonarchisme et l'athéisme. On se propose
dans le chapitre suivant de présenter les analyses de Meslier et
d'Holbach qui, à l'encontre des autres alternatifs de ce siècle,
se consacrent simultanément, à l'examen des deux termes.
B. Les Lumières radicales :
B.1 Un curé athée sous Louis XIV :
Meslier
Selon Onfray, Jean Meslier, cette figure majeure des ultras
des Lumières, inaugure la pensée athée dans le monde
occidental.415(*) En
fait tout naît d'un seul livre : « Un seul livre mais quel
livre ! Un monstre de plus de milles pages manuscrites à la plume
d'oie (...) entre le prétendu Grand siècle et le suivant dit des
Lumières. » 416(*)
Probablement, remarque Onfray, l'athéisme est apparu
chez des gens du commun qui sont dans l'incapacité de mettre en
théorie ce qu'ils pensent. Pourtant, l'histoire des idées ne
retient que les personnes qui s'adonnent à l'étude
théorique et méthodique du monde. A savoir les
philosophes.417(*)
De plus, l'histoire des idées digne de confiance n'a
pas pour objectif de ne retenir que les noms mais de les situer
également dans le temps. De ce fait, Onfray nous rapporte que
« la date exacte est inconnue, mais elle se situe entre 1719 et 1729
[le livre prend dix années de travail], Jean Meslier
écrit : « il n'y a point de Dieu » (II,
150). Ite, missa est. »418(*) Si l'on retient maintenant les noms des
athées et l'époque dans laquelle ils élaborent leurs
pensées, on remarque les faits suivants : d'Holbach (1723-1789)
fait partie du 17ème siècle tout comme Meslier mais ce
penseur a vu le jour au moment où Meslier rédigeait son
Testament. Tout pour Feuerbach (1804-1872), Marx (1818-1883),
Nietzsche (1844-1900), Freud (1856-1939) appartiennent au
19ème siècle. De ces constats est confirmée la
thèse de Michel Onfray : Jean Meslier est le premier philosophe
athée.
Pour montrer l'inexistence de Dieu, Meslier part, à
l'encontre de Descartes plus tard, des qualités de Dieu pour prouver son
inexistence. Dieu est bon ? Alors pour quelle raison menace-t-il les
hommes de damnation éternelle et du feu de l'enfer ? Dieu est
omnipotent ? Mais alors comment expliquer l'existence du mal dans cette
planète ? Meslier se demande dans le Testament (suite
6) : « Que diriez-vous Messieurs les déicoles, d'un
père de famille qui pouvant tout bien régler et gouverner, qui
pouvait donner à ses enfants de belles perfections, voudrait
néanmoins tout abandonner à la conduite du hasard et laisser
venir les enfants beaux ou laids, sains ou malades ? Serait-ce là
un père parfaitement bon ? Le berger qui n'a pas créé
ses brebis s'efforce de les protéger contre les dangers, la maladie, ou
la dent du loup. Que diriez-vous de lui s'il prenait plaisir à les
regarder aller à leurs risques dans les marécages
pestiférés ou dans les antres des bêtes
féroces ? »419(*) Troisièment , Dieu est invulnérable,
inaccessible ? Alors à quoi bon se fâcher si l'on commet un
péché. A quoi bon l'appeler à l'aider et le prier si toute
communication avec lui est interdite ?
Meslier achève cette façon de fonder
l'inexistence de Dieu sur son essence420(*) en se demandant: « Sur quelles bases
ont-ils fondé cette prétendue certitude de l'existence de
Dieu ? Sur la beauté, l'ordre, sur les perfections des ouvrages de
la nature ? Mais pourquoi aller chercher un Dieu invisible et inconnu [en
dehors de la nature] pour créateur des êtres et des choses, alors
que les êtres et les choses existent et que, par conséquent,
il est bien plus simple d'attribuer la force créatrice, organisatrice,
à ce que nous voyons, à ce que nous touchons, c'est-à-dire
à la matière elle-même »421(*)
La spécificité de ce curé athée
- écarté de la carte postale régnante au
18ème siècle - réside mêmement dans son
refus de la monarchie. Athée matérialiste, Meslier milite de
même pour une « république vertueuse » qui se
substitue à la monarchie absolue. Louis XIV, affirme Onfray a une
mauvaise réputation auprès de Meslier : criminel
méprisable, coupable de ravages et de massacres des innocents, grand
voleur...422(*) Encore
une fois, pour donner appui aux analyses faites par Onfray et pour prouver que
le livre de Meslier n'est pas une fiction, comme aimerait à dire les
historiens de la philosophie, nous nous référons à
certains extraits du vrai Testament négligés par
Voltaire. Lisons : « il n'y a point qui aient
poussé si loin l'autorité absolue, ni qui aient rendu leurs
peuples si pauvres, si esclaves et si misérables ; il n'y a en a
point qui aient fait répandre tant de sang (...) qui aient fait tant
verser des larmes aux veuves et aux orphelins que ce dernier roi Louis XIV,
surnommé le Grand. »423(*) Mais ce qui est plus grave c'est que l'Eglise
catholique vient appuyer ce tyran et ce criminel car comme le dit Paul de Tarse
tout pouvoir vient de Dieu et par suite ne pas obéir
aux ordres du roi revient à s'opposer à Dieu et à
contredire sa volonté et à craindre sa damnation
éternelle.424(*)
Dans ce sens, Meslier poursuit : « d'un côté, les
prêtres recommandent, sous peine de malédiction et de damnation
éternelle d'obéir aux magistrats, aux princes et aux souverains,
comme étant établis de Dieu pour gouverner les autres, et les
princes de leur côté font respecter les prêtres, leur font
donner de bons appointements (...) contraignant le peuple de regarder comme
saint et sacré tout ce qu'ils font. » 425(*)
Afin d'en finir avec cet état misérable et
pour réaliser un bonheur réel non différé pour
l'autre vie, il s'agit pour Meslier de promouvoir une révolution.
Celle-ci commence sur le plan des idées : écrire, publier,
faire connaître au peuple la logique de la féodalité,
développer chez les démunis et les paysans le jugement
réfléchi. Meslier a calqué sa révolution sur
l'impératif catégorique de La Boétie dans son Discours
de la servitude volontaire : « Soyez résolus de
ne plus servir et vous voilà libres. » Il y puise alors un
constat : la monarchie n'existe que par l'approbation de ceux sur lesquels
elle s'applique, et une solution : cessez de s'y pliez, elle
s'écroule aussitôt.426(*) Il est bien clair que l'hédonisme chez
Meslier ne se réalise qu'en sauvant les travailleurs
exténués, les miséreux, les sans-culottes... En un mot, le
bonheur choisit sa demeure à côté de tout être
à qui l'on refuse le droit de vivre sereinement et
tranquillement.427(*)
Une fois ces choses accomplies, révolter les pauvres contre les riches
devient une tâche facile.
Telles idées révolutionnaires en plein
18ème siècle ne peuvent qu'attiser la haine et la
colère de l'Eglise et de Voltaire. L'Eglise en prenant connaissance du
contenu du Testament, prit le parti d'enterrer le curé sans
tombe, sans plaque, sans signe distinctif. Il lui est insupportable de voir le
nom du curé sur un registre de catholicité.428(*)
A son tour, Voltaire, peu après la mort de Meslier,
reçoit des informations de la part de son ami d'enfance, Nicolas Claude
Thiriot sur l'existence du Testament. Son ami lui rapporte
l'évènement dans une lettre datée de l'hiver 1735. Alors
il charge son correspondant de lui apporter une copie.429(*) Après avoir
achevé la lecture de cette oeuvre appellée par Onfray
« la bombe philosophique 430(*)», Voltaire s'emploie à retrancher des
parties de l'oeuvre, à modifier quelques unes et même à
ajouter quelques passages de son voeu. En somme, à éteindre cette
bombe. Tout est métamorphosé pour laisser croire que le
curé athée était voltairien ; déiste ou adepte
de la religion naturelle.431(*) A titre d'exemple, Voltaire conclut son ouvrage en
nous laissant croire que Meslier l'athée, l'anti-déicole, demanda
pardon à Dieu : « Voilà le précis
exact du Testament in-folio de Jean Meslier. Qu'on juge de quel poids est le
témoignage d'un Prêtre mourant qui demande pardon à
Dieu. »432(*)
Certes, Voltaire laisse intacts la critique de la religion, des miracles, des
prophètes et de quelques dogmes chrétiens mais il met à
l'écart l'athéisme et l'autonomie de la politique. 433(*) A ce titre, les
quatre-vingt-dix-sept chapitres rédigés par Meslier deviennent
avec Voltaire sept chapitres et les milles pages deviennent soixante
pages.434(*) Ce qui a
poussé Onfray à dire à propos de Voltaire, le principal
représentant de l'historiographie
dominante : « Voltaire n'est ni le philosophe que l'on dit
ni l'homme que l'on croit, il répugne à l'athéisme de
Meslier et encore de plus à son projet
émancipateur. »435(*) Néanmoins, Voltaire n'avait pas
été considéré communément comme le parangon
des Lumières ?
A cette question, Onfray
répond : « Voltaire aime la liberté, certes,
mais comme une occasion d'exercice de style mondain. Car quand il s'agit de la
liberté du peuple (...) il prend nettement le parti des rois et des
princes, des nobles et des évêques. » 436(*) Voltaire, le déiste
fanatique, croit en un Etre suprême vengeur et
rémunérateur. Les princes ont besoin de ce Dieu pour
« tirer les peuples par les naseaux. »437(*)
Bref, pendant bien longtemps, on ne connaît de
l'oeuvre de Meslier que ce livre fabriqué par « le
torchon voltairien »438(*). Il a fallu attendre l'an 1864, après la
Révolution française pour que les malentendus se dissipent. Cette
période signale alors l'acte de naissance du texte intégral sans
modification, retranchement et falsification. C'est grâce à Rudolf
Charles qu'est apparue la « bombe philosophique » à
Amsterdam en trois volumes.
Elle requiert comme titre : Testament de
Meslier.
Cette voie ouverte par Meslier va être accomplie par
d'Holbach.
B.2 D'Holbach : théoricien de
« l'athée vertueux »
D'Holbach s'attache tout d'abord à tracer une
généalogie de Dieu. D'où vient alors ce qu'on appelle
Dieu ? Et d'Holbach répond par déni de mort
et déni d'inscience.
Alors, bien avant Feuerbach, d'Holbach avance que les hommes
se livrent aux inventions chimériques et donnèrent libre cours
à leur imagination pour ne pas être mise en face de la
décomposition de leur corps.
A cette fin, ils conçoivent une âme pourvue de
qualités divines ; immortelle, éternelle,
immatérielle et incorruptible. Cette âme douée de ces
qualités vient attiser leur désir d'éternité et
entamer une liaison avec Dieu.439(*)
D'Holbach met en avant une autre généalogie de
Dieu le déni d'inscience ; l'orgueil de
l'homme l'empêche de se mettre en face de son ignorance. Il
préfère alors des réponses erronées à des
réponses en suspens.440(*) «A toute question philosophique (D'où
vient le monde ? Où va-t-il ? Qui sommes-nous (...) le monde
a-t-il été créé ou existe-t-il depuis
toujours ? (...) le déicole répond toujours la même
chose : désir de Dieu, pouvoir de Dieu, volonté de Dieu,
mystère de Dieu. L'ignorance de la nature et de ses lois produits
Dieu.»441(*)
L'athéisme de d'Holbach est étroitement
lié au rejet de la religion (surtout chrétienne) et de la
monarchie. C'est pourquoi à cette généalogie de Dieu
succède tout d'abord chez lui une généalogie de la
religion car pour réaliser la vie éternelle (déni de la
mort) et pour montrer le pouvoir de Dieu (déni de la science) on invente
la religion. Celle-ci constitue les lois qui menacent du purgatoire et d'enfer
ou qui promettent, au contraire, le paradis.442(*) Cette fois-ci l'obéissance à Dieu
n'est pas directe. Elle passe par les gens de l'Eglise, par le clergé
qui est le dépositaire de la parole divine. Dès lors, celui qui
n'obéit pas aux gens de l'Eglise n'achète pas son salut. La
religion, vise au dire de d'Holbach, non pas le bonheur du peuple mais son
asservissement. Elle propose, entre autres, « le
jeûne » qui affaiblit les travailleurs et les
dépouillent de toutes leurs forces, la
« charité » qui recule l'instauration de la justice
à même de rendre aux pauvres ce qu l'on doit,
l' « espérance » qui reporte l'existence
heureuse aux arrières-mondes, l' « éloge de la
pauvreté » qui fait miroiter aux pauvres l'excellence de leur
état de misère.443(*) « Toutes ces propositions (...)
généralisent la paupérisation (...) pendant que les gens
d'Eglise, les moines les premiers, se moquent de ces leçons
chrétiennes données à autrui et vivent dans le luxe, la
débauche, la dépense somptuaires (...) une morale
ascétique pour le grand nombre de sujets soumis et un immoralisme
cynique pour les prêcheurs de vertus chrétiens, voila
l'explication de l'état de misère de
l'époque. »444(*) Pour ces différentes raisons, d'Holbach
suggère que les monastères seront fermés. A quoi donc ces
endroits où des gens plongent dans l'inactivité, la prière
et la luxure au moment où les pauvres travaillent pour eux. Voilà
comment de Dieu,d'Holbach passe à la religion.
Nous allons voir maintenant comment il effectue un
déplacement de la religion à la politique, voire à la
monarchie, au despotisme et à la tyrannie. D'Holbach s'efforce de
montrer que la religion vient seconder le pouvoir en question en inculquant au
peuple que la désobéissance au roi - dont Dieu lui a
délégué le pouvoir - risque de le priver du bonheur
post-mortem445(*). A l'heure ou d'Holbach publie son
Ethocratie (1776), la monarchie absolue ignorait le bien public,
taxait les misérables et enrichissait la noblesse. Afin d'instaurer le
bonheur terrestre, d'Holbach s'emploie à mettre au point « une
monarchie éclairée » qui s'oppose à cette
monarchie absolue.446(*)
D'Holbach est donc un réformiste qui aspire à changer la
structure politique par des moyens pacifiques447(*), à savoir éduquer le plus grand nombre
et le roi en exercice : expédier l'Ethocratie à
Louis XVI en témoigne.448(*) Pour ce faire, d'Holbach exige du roi qu'il
chérisse le peuple, qu'il soit sévère avec la noblesse et
qu'il désigne des représentants du peuple en dehors de la
noblesse. Ces représentants constituent ce que d'Holbach appelle
conseil des représentants de la Nation.449(*) Ce conseil vient montrer que
la monarchie légitime n'est pas celle qui est fondée sur le droit
divin mais celle qui incarne le droit naturel, le bonheur commun et la justice
collective. Désormais, le droit émane du monde des vivants et non
de Dieu450(*).
Partant de ces trois mouvements, d'Holbach vient montrer
que l'athée peut être plus pieux que le croyant car que signifie
être pieux si ce n'est « être utile à ses
semblables et travailler à leur bien être. »451(*) En ce sens,
d'Holbach stipule que « nier l'existence de Dieu ne signifie pas
nier l'existence d'autrui : c'est même bien plutôt le fait de
croire en Dieu qui dispense la plupart du temps de ne pas croire en
l'homme ! Obsédés par Dieu et leur religion, les
dévots, les fanatiques, les superstitieux comptent l'homme pour une
quantité négligeable. L'athée, en revanche, table sur
cette richesse, car il sait que c'est la seule (...) l'athée doit agir
ici et maintenant pour un paradis ici-bas. »452(*)
Enfin, tout comme Meslier, d'Holbach craignait la
persécution de l'Eglise. C'est pourquoi, il a écrit ses livres
sous un pseudonyme. Pour autant, ces précautions prises par lui
n'épargnent pas ses livres. C'est ainsi que l'abbé Bergier met
tous ses efforts pour s'opposer au succès de son livre Le
système de la nature ou l'opus magnum qui
malgré son prix élevé a connu dix rééditions
successives. De même, cet ouvrage et bien d'autres comme La Contagion
sacrée, Le christianisme dévoilé ont
été déférés par l'Assemblée du
clergé au Parlement qui les brûle sur un bûcher.
A son tour, Voltaire qui avoue sa sympathie pour ce vers de
Robespierre « si Dieu n'existait pas il faudrait
l'inventer 453(*)» - écrit un ouvrage de
vingt-six pages intitulé Dieu, réponse au système
de la nature dans lequel il est question du soutien du déisme
contre l'athéisme de l'auteur du système de la nature.
Il est notable que d'Holbach, dans ce livre, critique le déisme
appellé par lui « cette fausse couche » puisque
cette position sur Dieu, bien qu'elle ait usé de la raison, elle n'a pas
pu s'affranchir « d'un Dieu devenu franchement
inutile »454(*)
Conclusion : L'athéisme tranquille
Après avoir déterré les philosophes
alternatifs de chaque époque et les mettre en opposition avec les
idéalistes associés, notre odyssée prend fin.
Il nous faut à présent situer les
alternatifs par rapport à celui qui les a tiré de l'oubli
c'est-à-dire par rapport à Michel Onfray. A ce sujet, Michel
Onfray nous fait remarquer que « l'athéisme
tranquille » des alternatifs s'est mué avec lui en un
« athéisme intranquille ». A lire cette phrase, on
s'aperçoit qu'avec les philosophes alternatifs exhumés, à
l'exception de Meslier et de d'Holbach455(*), l'athéisme était déjà
perçu comme un « athéisme tranquille. ». Mais
comment alors définir ce genre d'athéisme ?
Michel Onfray le définit en rejoignant le philosophe
français Gilles Deleuze, l'inventeur de ce terme : « Par
athéisme tranquille, nous entendons une philosophie pour qui Dieu n'est
pas un problème, l'inexistence ou la mort de Dieu ne sont pas des
problèmes, mais au contraire des conditions qu'il faut considérer
comme acquises pour faire surgir les vrais problèmes.»456(*)
Qu'est ce qu'à dire ?
« L'athéisme tranquille »
s'explique par deux phénomènes conjoints :
l'indifférence de Dieu et la construction d'une morale après
Dieu. L'athéisme tranquille ne veut pas nier Dieu mais il le pose comme
indifférent des affaires humaines. L'important chez lui n'est pas de
renier Dieu mais de s'en émanciper. A ce titre, il s'attache à
résoudre les vrais problèmes : à émerger des
valeurs qui dépassent le christianisme, à penser après la
morale chrétienne. C'est ce que Michel Onfray a appelé
« morale post-chrétienne ».
Certainement, Michel Onfray a salué les combats de
l'athéisme tranquille contre les idéalistes et son apport
à une morale post-chrétienne dont lui-même s'inspire. Mais
il trouve qu'en raison des deux dangers qui guettent notre époque, il
est nécessaire que s'établisse un autre athéisme, un
athéisme militant, solide et de combat. En un mot, un
« athéisme intranquille ». En publiant son ouvrage
La Sagesse tragique (2006) Michel Onfray signe ce transfert en
disant : « Quand j'écrivais ce Nietzsche
(1988)457(*), le bloc de
l'Est existait encore. Le mur de Berlin également, les Tours jumelles de
New York aussi, or ces deux chutes ontologiques modifient la donne. Le
siècle n'est plus le même. L'athéisme ne peut plus se
permettre le luxe d'être tranquille. Avant 1989, mais surtout avant 2001,
je n'aurais jamais eu l'idée d'écrire un Traité
d'athéologie. A l'heure où nous devons choisir entre le
judéo-christianisme d'un Occident (...) et l'islam d'un Orient (...),
j'opte pour un athéisme de combat qui, pour le coup, devient un
athéisme intranquille. »458(*)
Ceci veut dire qu'avec la crue de l'Amérique (qui est
en tête de l'Occident) après la décrue de l'union
soviétique, l'Amérique se veut la seule force qui impose des lois
au monde. Or vint le 11 septembre pour montrer que le monde ne doit pas
être américanisé mais plutôt islamisé. Pour
les musulmans fondamentalistes, c'est leur communauté élue, la
communauté musulmane qui doit conquérir la terre toute
entière. Cette lutte entre ces deux prétendues
supériorités se résout dans une guerre sans merci
entraînant la mort d'un grand nombres d'individus.
Fort de ce constat, Onfray est résolu que poser Dieu
à sa place n'aboutit à rien dans une époque où
chacun réclame son Dieu pour attaquer autrui. A ce propos, il pousse
plus loin la réflexion des alternatifs en plaidant pour une ère
franchement athée dans laquelle Dieu serait réduit à son
essence ( ce qui signifie montrer son inexistence) et la religion réduit
au plus privé ( celle-ci ne doit dépasser les quatre murs de la
maison). Il est temps donc, de son avis, de nettoyer les scories
laissées par Dieu et les trois monothéismes dans nos
sociétés.
A ce premier danger, la guerre religieuse qui divise le
monde s'ajoute un deuxième danger, le nihilisme européen.
L'Europe « des Lumières », avance Onfray, loin
d'appliquer les idées citées là-haut, et d'offrir une
solution bénéfique au monde en l'invitant à la
démarquer, ne fait que plonger dans un nihilisme destructeur.459(*) A l'encontre de ce que
pensent les uns, surtout les chrétiens, Michel Onfray affirme que
l'Europe d'aujourd'hui est nihiliste et non athée.460(*) Le nihilisme européen
sert sans le savoir les intérêts de la guerre car au lieu
d'achever la longue agonie de Dieu ne fait que la prolonger : « Sans
le Prêtre, ni son ombre, sans les religieux ni leurs
thuriféraires, les sujets demeurent insoumis, fabriqués,
formatés par deux milliaires d'histoire et de domination
idéologique. D'où la permanence et l'actualité d'un combat
contre cette force d'autant plus menaçante qu'elle donne l'impression
d'être caduque. »461(*)
Ce nihilisme requiert pour être
dépassé un athéisme intranquille. L'athéisme
tranquille à l'époque met en scène, à l'encontre
des idéalistes, des hommes qui sont indifférents de Dieu parce
que Dieu leur est indifférent et n'agit pas dans ce monde. Ce qui fait
qu'ils peuvent créer leur propre morale indépendamment de Dieu,
en l'occurrence du Dieu du christianisme.
L'athéisme tranquille pour instaurer son Dieu
indifférent combat un ennemi bien connu, bien visible et bien
repérable : l'Eglise, les croyants, le Vatican... Mais dans cette
période nihiliste, l'athéisme tranquille manque sa tâche
car la figure d'un ennemi connu s'estompe au profit d'un ennemi inconnu.
L'athéisme tranquille se trouve donc dans l'incapacité de
repérer facilement son ennemi car tout un chacun devient ennemi (le
croyant, l'agnostique, l'athée...). Tous se disent indifférents
de Dieu ou professent même son inexistence, mais malgré cette
déclaration ils ne font qu'appliquer les valeurs chrétiennes dans
leur vie quotidienne autant dire de faire agir Dieu dans leur monde.
Seul l'athéisme intranquille peut alors remonter
à l'origine de contradiction qui travaille la période nihiliste,
car celui-ci peut stigmatiser et dépasser
l'épistémè judéo-chrétienne qui
agit même sur le gnostique et l'athée. Il fait remonter à
la conscience claire ce qui reste inconscient pour tous ces
égarés.
C'est cette invisibilité dans le combat qui
sépare alors la morale post-chrétienne de l'athéisme
intranquille de celle de l'athéisme tranquille.
En somme, pour stigmatiser un état de fait ;
la guerre entre l'Occident judéo-chrétien et l'Orient musulman,
Michel Onfray fait appel à une solution adéquate ; la mise
au point d'un athéisme intranquille qui se bat contre le nihilisme
européen devenu obstacle plus qu'une solution.
L'athéisme intranquille conserve et dépasse
l'athéisme tranquille. Il le dépasse en posant clairement
l'inexistence de Dieu et en remontant à son essence. Il le
dépasse en luttant contre un ennemi invisible. Et le conserve en puisant
des éléments de sa morale post-chrétienne pour construire
sa vision du monde. Avant d'entamer la troisième partie, on voudrait
brièvement dégager, en s'appuyant sur quelques exemples pris, le
comment de l'indifférence de Dieu chez les alternatifs et en quoi la
morale post-chrétienne de Onfray est tributaire de celle des philosophes
exhumés.
Commençons par l'indifférence de Dieu,
Michel Onfray nous a montré qu'à l'Antiquité, Leucippe,
Lucrèce et Epicure ont mis au point des dieux indolents, bienheureux et
qui habitent dans les inter-mondes. Ces dieux se moquent absolument de la vie
des hommes ici-bas ou post mortem. Ils sont inaccessibles aux
prières et aux invocations, de même ils ne récompensent ni
ne punissent. Au Moyen-Âge, le Libre-Esprit qui croit au Jésus le
Sauveur, établit une forme de panthéisme (être au monde
c'est être au Jésus) qui laisse libre cours aux hommes et
délivre Dieu de cette action sur le monde. Cette forme de
panthéisme permet à l'homme qui incarne la volonté du fils
de Dieu de se passer de Dieu et des prescriptions de l'Eglise durant toute sa
vie. De même, au 17ème siècle, les libertins
baroques viennent à leur tour penser Dieu sur le mode épicurien.
Charron, le premier des libertins baroques, a mis au point la
laïcité et a coupé le cordon ombilical qui liait
déjà le registre temporel au registre spirituel. Ce divorce entre
la foi et la raison va être plus manifeste avec Spinoza et son
système philosophique « le panthéisme ». En
posant un Dieu immanent au monde, Spinoza pose un Dieu dépourvu de
volonté. Le Dieu indolent de Spinoza ne peut-être ni un
Dieu-Créateur ni un Dieu-Providence, ni un
Dieu-Justicier.
Nous avons jusqu'ici examiner le premier volet de
l' « athéisme tranquille », il nous faut
maintenant aborder le deuxième volet ; la mise au point d'une
morale post-chrétienne. La morale post-chrétienne selon Onfray
n'est pas celle qui dépasse dans le temps le christianisme mais celle
qui le dépasse dans ses valeurs. A ce propos, le continent
pré-chrétien peut à son tour contribuer à une
morale post-chrétienne et être d'une actualité.462(*) Pour ce
21ème siècle, Michel Onfray élabore une
éthique élective, une érotique solaire, une
bioéthique prométhéenne, une esthétique cynique,
une philosophie du goût (gastronomie) et une politique libertaire. On
pourra dire que la déchristianisation avec Onfray trouve son champ
d'application dans presque tous les domaines de la société.
Toutefois pour dépasser l'épistémè
judéo-chrétienne, Michel Onfray partage avec les alternatifs
quelques éléments de leur morale. Ce philosophe qui croit aux
effets du Maître (voir première partie) est lui-même
disciple de ses sculpteurs de soi. Pour autant, comme il a déjà
montré (voir aussi première partie), être influencé
n'est pas copier car Michel Onfray ne peut penser sa morale
post-chrétienne qu'à la lumière du 21ème
siècle. Tout projet de déchristianisation doit sourdre de
l'analyse du présent.
Ceci dit, nous nous intéressons ici à citer
quelques éléments partagés entre Michel Onfray et les
alternatifs.
Tous les philosophes alternatifs de l'Antiquite au
18ème siècle ont montré que le désir
sexuel est naturel à l'homme et ne pas le satisfaire, comme en
professent les idéalistes, c'est subir un très grand
déplaisir. Michel Onfray y reprend cette idée de la
nécessité et de l'immanence du désir mais il la
développe de plus pour fonder son « érotique
solaire ».
Certains philosophes comme Démocrite, Epicure
(Antiquité) et Gassendi463(*) (17ème siècle) ont
professé un sensualisme selon lequel la connaissance procède des
cinq sens et non du monde des Idées. Michel Onfray va souscrire à
cette idée et se restreindre à l'étude du sens de
goût, le plus discrédité aux yeux des idéalistes. Ce
faisant, il met au point « la gastronomie »464(*).
Deux penseurs du 18ème siècle
Maupertius et Helvétius ont défendu une éthique
utilitariste. Pour ces penseurs, l'homme réel, à l'opposé
de l'homme en majuscule, chérit l'amour propre. Il veut d'abord son
intérêt : c'est-à-dire jouir et ne pas souffrir. C'est
ainsi qu'il va naturellement vers celui qui lui procure le plaisir et la
satisfaction et fuit celui qui lui cause le déplaisir et la
douleur465(*). Michel
Onfray adopte ces idées qui lui permettent de forger une morale
alternative à l'amour du prochain chrétien. Cette morale fut
nommée par lui « l'éthique
élective ».
Les cyniques dont parlait Onfray ont mis en oeuvre des
anecdotes qui loin de vouer un culte à l'autisme et au solipsisme,
véhiculent un sens bien déterminé et appellent à
être déchiffrer par un tiers : disciple ou lecteur. Ce
faisant, les cyniques ont agi en philosophes anti-hégéliens. Ce
refus de l'isolement et du repli sur soi déchaîne la colère
de Hegel qui déclare que les cyniques ne sont pas des philosophes et
qu'il n'existe chez eux que des anecdotes à raconter. Michel Onfray loin
d'adopter la position hégélienne ne fait qu'éprouver sa
sympathie envers les cyniques. Ces derniers vont le pousser à forger,
dans sa lutte contre le nihilisme européen, une esthétique
appelée « esthétique cynique ». Elle est
cynique car dans l'art contemporain c'est le regardeur qui fait le tableau et
cet art est vu par les idéalistes comme non-sens, sottise,
billevesées. 466(*)
En somme, loin de faire dans cette conclusion une
étude exhaustive sur la philosophie de Michel Onfray, nous nous sommes
limités à engager un dialogue avec lui dans la question qui nous
intéresse ici : la conservation et le dépassement des
philosophes exhumés. Allons d'emblée à la troisième
partie où sont abordés les concepts fondamentaux de la sculpture
de soi chez Michel Onfray.
Troisième partie : Petite histoire de la
sculpture de soi : L'athéisme athée
Introduction
La guerre entre l'Occident judéo-chrétien et
l'Orient islamique va être, en premier lieu, le centre de la
réflexion de Michel Onfray. Là-dessus, le philosophe tranche en
disant : « Dieu revendiqué par les deux
camps. »467(*). Ceci veut dire que chacun des deux protagonistes
(les premiers : juifs et chrétiens, nouveaux croisés et les
seconds : les musulmans.) cherche à puiser dans les Livres Saints
les arguments dont il a besoin pour mener la guerre. C'est ce que Michel Onfray
appelle « la logique du prélèvement468(*) ».
Pour ce qui est de l'Occident
judéo-chrétien, Onfray nous livre que Bush établit son
humiliation des musulmans à partir de la parabole des marchands du
Temple469(*) (Cf. Jean
II -14,15). Bush est pour l'Occident judéo-chrétien
l'équivalent d'un Jésus imposant l'autorité par la
force.470(*) De
même, l'Etat d'Israël, soutenu par l'Amérique, se fonde sur
la Torah pour légitimer sa colonisation de la Palestine. Yahvé
incite les juifs à exterminer un ensemble de peuples - les Hittites, les
Amorites, les Cananéens...- qui constituent la quasi-totalité des
habitants de Palestine.471(*)
Toutefois, pour atteindre ces objectifs, l'Occident
judéo-chrétien fait appel à un certain
« fascisme de renard472(*) ». La spécificité de ce
fascisme est de camoufler les intentions réelles sous le revers d'autres
objectifs. Le fascisme de renard se concrétise tout d'abord dans le
« colonialisme économique » : Les Etats-Unis
créent dans les contrées arabes du Moyen-Orient des
misérables en nombre. Avec les Américains, disait Onfray, pas de
culture, de poètes, de philosophes à présenter mais de
Coca-Cola, de Mac-Do, de Banquiers... C'est le pouvoir de l'argent contre le
pouvoir de la raison. A ce « colonialisme
économique » s'ajoute un « colonialisme
politique » : les Etats-Unis pour mieux dompter le monde
musulman créent des fictions ronflantes : Droit de l'homme,
Justice, Amour de la liberté. Et sous l'alibi de ces grands mots,
ils font passer leurs intérêts. D'où le recours aussi au
« colonialisme militaire » : les Etats-Unis arrosent
alors de feu le peuple Irakien, Afghan...ils recrutent, pareillement, les
missiles de Tsahal473(*)
pour tuer les habitants d'un quartier de Cisjordanie474(*).475(*)
Une conception analogue se trouve chez l'Orient islamique.
Dieu est de même sollicité par cette contrée
géographique. Toutefois, le Dieu revendiqué ici n'est pas le Dieu
des juifs ou des chrétiens mais le Dieu des adeptes de Mahomet. Pour
soutenir ce Dieu, tout comme le monde occidental, le monde musulman fait appel
à un certain fascisme : c'est le « fascisme de
lion476(*) ».
Il est de lion puisqu'il se résout dans la barbarie, la violence, le
sang, l'instinct... L'originalité de ce fascisme par rapport à
l'autre fascisme, est d'appliquer à la lettre et sans dissimulation les
visées réelles du Coran.
Ce faisant, ce fascisme est vu par les yeux d'Onfray comme la
meilleure incarnation du djihad ou la guerre sainte à laquelle
invitait le Coran. Pour Onfray, rien ne distinguait le terrorisme islamiste
contemporain du djihad et les deux revêtent la même
connotation : la prétention musulmane à gouverner la terre
entière, à dominer les non-musulmans c'est-à-dire
l'Occident judéo-chrétien avec en tête les Etats-Unis et
Israël. Dans cette logique, le djihad477(*) aux yeux d'Onfray est
intrinsèquement offensif et non défensif. Pour appuyer ses
idées, Michel Onfray passe en revue certaines organisations
terroristes : Les milices de Hezbollah entourées d'explosifs. Les
partenaires de l'ayatollah Khomeyni478(*) qui voient en l'Amérique, Israël et
l'Europe, le Satan et le prince du Mal. Les adeptes de Ben Laden, chef
d'Al-Qaïda, responsables du 11 septembre et d'autres attentats. Les
musulmans qui menacent de mort l'Occident et les dessinateurs danois au motif
qu'ils caricaturent leur Prophète, etc.
Pour autant, on ne peut pas nier que les autorités
de l'Islam et les islamologues - comme Malek Chebel479(*) souvent cité par
Onfray - se sont eux-mêmes élevés contre le terrorisme et
les attentats suicides. A leurs yeux, l'islam est une religion de paix, d'amour
et de tolérance et n'a rien à faire avec les terroristes
islamistes.
Afin de mettre en cause cette déclaration, Michel
Onfray se réfère au Coran lui-même et au Fiqh.480(*)
Il y repère les noms de Dieu, la biographie du
Prophète et la hiérarchie entre les hommes. Dans certaines
sourates du Coran figurent des noms adressés à Dieu qui font
preuve de la qualité guerrière du Dieu des musulmans : Dieu
est donc : Al-Mouhil - celui qui avilit, Al-Moumit -
celui qui fait mourir, Et Al -Montaquim - celui qui se venge, Et
Al-Darr - celui qui nuit aux personnes qui l'offensent.481(*)
A ces noms de Dieu, s'ajoute la vie de son Prophète
Mahomet de Médine. Ce « chef de guerre tribale »
avec ses batailles - Nakhla, Badr, ouhoud, Médine-est, la bataille du
fossé, etc.482(*)
- vient, au dire d'Onfray, confirmer que l'islam est une religion de
l'épée et non de l'amour. Voici ce que Michel Onfray rapporte
à propos de Mahomet : « le Mahomet de Madine
pratique la razzia lors de guerres tribales, s'attribue des captives de guerre,
partage les butins, il envoie ses amis en première ligne pour les
exactions guerrières, puis, à peine atteint par une pierre,
assiste à la débandade de ses amis dissimulé dans une
tranchée, il mandate des proches pour l'élimination de tel ou tel
adversaire gênant, quand il combat, il massacre allégrement des
juifs. » 483(*)
Enfin, la communauté musulmane, tout comme les juifs
avant, divise les hommes en deux : les membres de la communauté,
l'umma, les frères en islam, dâr al-islam et
tous les non-musulmans, dâr al-harb. Les premiers sont des amis
et il est interdit de les tuer alors que les seconds sont des ennemis et il
convient de ne pas communiquer avec eux.484(*) D'autant plus que certains versets du Coran
interdisent de traiter les juifs et les chrétiens comme des
amis : « Vous qui croyez, ne prenez pas de juifs et de
chrétiens pour amis. » (Sourate V, 51), invoquent Dieu
pour qu'ils attaquent les adeptes de ozair et du
messie : « les juifs disent : ozair est fils de
Dieu. Les chrétiens disent : le messie est fils de Dieu. Paroles de
leur bouche pareilles aux paroles des incroyants antérieurs. Dieu les
combatte ! Gare à leur égarement ! »
(Sourate IX, 30), et considèrent l'islam comme la meilleure
religion : « il a envoyé son apôtre comme
guide avec la religion vraie pour la faire triompher de toute les religions
malgré les ajouteurs. » (Sourate IX, 33).
En somme, vu l'état fâcheux dans lequel
croupit notre monde, Michel Onfray réussit à renverser la
thèse de Dostoïevski selon laquelle si Dieu n'existe pas alors
tout est permis et la substituer par une thèse plus
fondée Parce que dieu existe alors tout est permis.
Désormais, et par souci de précision, il convient
d'établir avec notre philosophe athée un rapport d'analogie entre
l'existence de Dieu et le mal.485(*) Cette hostilité vis-à-vis de Dieu
s'étend chez Onfray équitablement aux trois monothéismes.
Rien n'est plus drôle à ses yeux que de considérer le
judéo-christianisme occidental comme évolué et
démocratique et l'islam oriental comme arriéré et
obscurantiste.486(*)
Néanmoins, des questions se font jour à ce
propos : « La mort de Dieu » n'a-t-elle pas
été annoncée depuis longtemps en Europe ? Michel
Onfray prêche-t-il alors dans le désert ? Admettons que la
politique extérieure de l'Occident tient-elle beaucoup au religieux
peut-on dire autant de sa politique intérieure ?
Afin de résoudre ces questions, ce philosophe
français poursuit son diagnostic de la question du religieux et les
différents problèmes associés (loi 1905, athéisme
chrétien, nihilisme...) en Europe et particulièrement dans son
pays natal. Ce faisant, Michel Onfray nous transporte prioritairement à
l'Elysée. Il voulait exposer la vision de Sarkozy sur la
laïcité avant de se pencher deuxièmement sur l'étude
de notre époque. (En Europe)
Chapitre I : L'Elysée : philosophie ou
religion ?
A. Les deux attitudes de l'Elysée :
En ce qui concerne l'Elysée, Michel Onfray se rend
compte que la République française contemporaine oscille entre
l'application de la loi de 1905 en privé et l'exigence proclamée
(officiellement et publiquement) des valeurs chrétiennes.
Pour ce qui est de la loi de 1905, celle-ci est la
séparation de l'Etat et de l'Eglise. A ce titre, la République
française contemporaine fait preuve de tolérance et applique le
premier article de la loi de 1905 selon lequel : « La
République assure la liberté de conscience. Elle garantit le
libre exercice des cultes (...) »487(*). On y respecte alors la liberté d'autrui en
matière d'opinions : le bouddhisme, le judaïsme, l'islam,
l'animisme, le polythéisme, le christianisme, l'agnosticisme, le
shintoïsme et l'athéisme.488(*) Chacun peut penser à sa guise pourvu qu'il
n'affiche publiquement son point de vue. Avec l'application de cette loi,
ajoutait Onfray, la religion est traitée au même pied
d'égalité avec la philosophie (athéisme)489(*).
Néanmoins, cette égalité entre la
religion et la raison cède le pas dans le deuxième volet au
primat de la religion, particulièrement chrétienne, sur la
philosophie. Cette laïcité veut donner l'impression qu'elle est
tolérante puisque dehors, dans le registre de la vie publique, c'est le
judéo-christianisme qui régit les diverses branches de la
société.490(*) Ceci est nettement visible dans l'entretien qu'a eu
lieu entre Nicolas Sarkozy et Michel Onfray.491(*)
Dans ce dialogue, le politique ne s'empêche de soumettre
à un examen critique la séparation de l'Eglise et de l'Etat. Il
voulait réhabiliter la question religieuse longtemps
mésestimée en France. A ce propos, il trouve que la
République ne peut se passer de la religion, car celle-ci peut organiser
seulement la vie en société mais elle est inapte à donner
un sens à la vie, cette question essentielle relève de la
responsabilité de la religion. Sarkozy confie à son interlocuteur
qu'il croit, qu'il espère et qu'il va à la messe parce que la
religion le rassure et le tranquillise. La dépendance de Nicolas Sarkozy
à l'égard du religieux est éminemment manifeste dans la
réponse donnée à son interlocuteur (Onfray) qui vient lui
poser : « Vous ne raccrochez pas les wagons entre les
situations criminogènes et les criminels, entre les situations sociales
pathogènes et les comportements
délinquants ? »492(*). A ce sujet, Sarkozy ne fait que démarquer
les premières lignes de la Genèse et le point de vue de l'Eglise
catholique, apostolique et romaine. Il trouve que l'homme est libre et qu'il
peut lui-même, indépendamment de la société, choisir
le vice. Cet homme mérite d'être puni et envoyer passer des
années en prison. En ce sens, Sarkozy écrit : « je
me suis rendu récemment à la prison pour femmes de Rennes. J'ai
demandé à rencontrer une détenue [parce qu'elle a
tué son mari]. Cette femme me paraît tout à fait
normale. » Normale donc responsable.
Ce mariage d'amour entre la
« République » de Sarkozy et l'Eglise catholique
nous le trouvons encore plus accentué dans le discours du
Latran493(*). Voici
quelques extraits de ce discours : « J'assume pleinement le
passé de la France et ce lien particulier qui a si longtemps uni notre
nation à l'Eglise. » . « Les racines de la France
sont essentiellement chrétienne. ». « Le
christianisme a beaucoup compté pour la France et la France beaucoup
compté pour le christianisme. ». « La
laïcité est également un fait incontournable dans notre
pays. Je sais les souffrances que sa mise en oeuvre a provoquées en
France chez les catholiques, chez les prêtres (...). C'est surtout par
leur (...) partage des souffrances de leurs concitoyens, que les prêtres
et les religieux de France ont désarmé l'anticléricalisme,
et c'est leur intelligence commune qui a permis à la France et au
Saint-Siège de dépasser leurs querelles et de rétablir
leurs relations. ». « La laïcité n'a pas le
pouvoir de couper la France de ses racines chrétienne. Elle a
tentée de le faire. Elle n'aurait pas dû. Comme Benoît XVI,
je considère qu'une nation qui ignore l'héritage éthique,
spirituel, religieux de son histoire commet un crime contre sa
culture. ». « Dans la transmission des valeurs et dans
l'apprentissage de la différence entre le bien et le mal, l'instituteur
ne pourra jamais remplacer le curé ou le pasteur, même s'il est
important qu'ils s'en rapproche, parce qu'il lui manque toujours la
radicalité du sacrifice de sa vie et le charisme d'un engagement
porté par l'espérance. »
Sans extraire et analyser certaines citations de ce
discours, Michel Onfray se contente d'énoncer cette
idée : « Si Barbare il y a, on ne le trouvera pas
chez Bartabas, mais chez un président de la République
flanqué de l'inventeur du `lâcher de salopes' au
Vatican. »494(*)
Dans cette deuxième étape, les
déclarations de Sarkozy ont toutes montré que cet homme de droite
essaye de tailler un Etat à la mesure des principes chrétiens.
Nous voilà en présence des deux attitudes de
l'Elysée : la philosophie est ou posée à un
même niveau de la religion ou supplantée par cette
dernière. Dans les deux cas, le rôle de la philosophie
(athéisme) en est réduit.
B. La radicalisation de la laïcité
Pour marquer sa rupture avec cette manière de
traiter la philosophie, Michel Onfray se consacre à la critique des deux
attitudes de l'Elysée.
En ce qui concerne la loi de 1905, dite aussi
« laïcité vieux style », elle induit par sa
tolérance et sa neutralité l'erreur et le faux. Elle diffuse
l'idée selon laquelle un discours mythique et irrationnel (Bible,
Coran,...) vaut un discours philosophique et rationnel.495(*) Dans ces conditions, la
neutralité loin d'incarner la liberté de conscience pour chacun,
elle ne fait que mésestimer la pensée athée. A ce propos,
Michel Onfray avoue la nécessité d'une laïcité qui
nous fait passer de l'ère religieuse à l'ère
philosophique. Ce faisant, la laïcité prônée par
Onfray réclame l'athéisme et non le relativisme comme position
officielle de la République. Ce qui n'est pas niable, c'est que Michel
Onfray a toujours salué les luttes passées de la
« laïcité vieux style » pour la
libération de l'Etat de la tutelle de la religion, mais il s'est
aperçu que la loi de 1905 a contribué à la persistance des
Eglises, des mosquées et de tous les lieux de culte. Pour lui, la vraie
« République en fait [les cultes] une affaire strictement
privée, une affaire radicalement personnelle comme la sexualité
à pratiquer chez soi dans l'intimité des quatre murs de la
maison. »496(*). La laïcité revendiquée par
Onfray plaide alors en faveur de l'éradication de la religion de la
République ou de sa réduction au plus privé.
Nous touchons à présent la deuxième
attitude de la République : la primauté des valeurs
chrétiennes. Celle-ci est fortement reprouvée par Michel Onfray
car elle ne se restreint pas à un refus systématique de la
laïcité « post moderne » revendiquée par
Onfray (ce qui est normal) mais elle contribue aussi à la mise à
l'écart d'une laïcité moins révolutionnaire que la
première : une laïcité selon l'ancien modèle.
D'où le tissu de contradiction souvent repéré et
critiqué dans le discours de Sarkozy : d'un côté une
République neutre face à la question de la religion et d'un autre
côté une République prenant parti pour le christianisme et
se contentant de rappeler que la France est « la fille
aînée de l'Eglise ».
Si avec Sarkozy et la droite en général,
l'affaire du christianisme a été rendue publique, il reste que
cette dernière échappe le plus souvent à la connaissance
consciente du peuple français et par extrapolation du peuple
européen. Afin de contester ce règne des valeurs
chrétiennes, Michel Onfray quitte l'Elysée pour entamer un examen
de l'épistémè judéo-chrétienne qui
régit les esprits français et européens de notre
siècle.
Chapitre II : Le nihilisme européen :
A. Le moment charnière :
Onfray remarque tout d'abord que ces derniers temps,
certaines voix se sont élevées pour déclarer
« la mort de Dieu » en Europe. On avance que Dieu tire
à sa fin : il est mourant ou mort. Onfray trouve que ce forfait a
été d'autant plus tonnant qu'il était erroné. A ses
yeux, on eut tôt fait de jouer du tambour car cette hypothèse n'a
pas pu être étayée par des preuves tangibles.497(*) Ceci étant
posé, il décrète, que notre époque (bien sûr
en Europe) est nihiliste et non athée.
Le nihilisme européen, disait Onfray
« suppose la fin d'un univers et la difficulté à
l'avènement d'un autre »498(*). Qu'est ce qu'à dire ?
Pour ne prendre ici que quelques exemples (car on y va
parler en détail dans les secteurs de la société), Michel
Onfray nous fait remarquer que des hommes croyants, agnostiques, vaguement
athées, se moquent des règles de conduites papales, rient de la
virginité de Marie, de la présence du Christ dans l'hostie, de
l'existence d'un Enfer ou d'un Paradis, ne vont pas à la messe les
dimanches (la fin de cet univers), mais en revanche, ils se marient et
enterrent à l'église, baptisent leur progéniture, fondent
une famille hétérosexuelle et croient à l'existence de
« quelque chose »499(*) après la mort500(*) (la difficulté
à l'avènement d'une ère franchement athée.).
On soulignera que
l'épistémè chrétienne ignorée et le
nihilisme coïncident parfaitement. Une période nihiliste c'est une
période dans laquelle les gens ne savent rien. Ils sont
égarés et agissent par réflexe et non par
réflexion. Or agir par réflexe, c'est prouver que
l'épistémè, par essence invisible, est tellement
opérante. Cette épistémè s'impose à
tous les hommes qui vivent dans cette époque et rassemble ceux qui
développent même des visions du monde différentes : Le
simple croyant, le déiste, le théiste, l'agnostique,
l'athée. Tous développent une pensée coupée du
passé et pas tout à fait en relation avec le futur. Plus
précisement, toutes ces catégories d'hommes oscillent entre les
deux visions du monde : judéo-chrétienne et
post-chrétienne. Mais la question qui peut-être soulevée
ici : pouvons-nous dire qu'un athée est un nihiliste ? Nous
n'avons pas dit que notre période est ou nihiliste ou athée et
qu'un moindre soupçon de nihilisme disqualifie la personne
concernée ?
A ces questions, Onfray nous fait remarquer que
l'athéisme peut à son tour prendre part à cette
consolidation de l'épistémè dominante. Cette
forme d'athéisme est appelée par lui
« l'athéisme chrétien » puisque ce guerrier a
emprunté à son antithèse et son adversaire (le
christianisme) la plupart de ses matériaux. Certes,
l' « athéisme chrétien » a pensé
isolement la morale et la transcendance. A ses yeux, la théologie a
passé le relais à la philosophie pour que les hommes s'accordent
entre eux sur leur propre morale. Cette dernière se suffit alors
à elle-même, elle ne descend pas du ciel mais elle est
utilitariste et pragmatique.501(*) Toutefois, remarque Michel Onfray c'est
« l'écriture immanente du monde [qui] distingue l'athée
chrétien du chrétien croyant. Mais pas les valeurs qui restent en
commun. »502(*)
Pour ce qui est d'André Comte-Sponville - l'un des
athées chrétiens selon Onfray - a lui-même écrit un
ouvrage dans lequel il explique ce qu'il entend par « athée
fidèle » (l'équivalent de
l' « athée chrétien » chez Onfray).
Il dit : « Athée, puisque je ne
crois en aucun Dieu, mais fidèle parce que je me reconnais d'une
certaine tradition, une certaine histoire, et dans ces valeurs
judéo-chrétiennes (ou
gréco-judéo-chrétiennes) qui sont les
nôtres. »503(*)
Sans entrer dans le détail de ces discussions, Michel
Onfray cite certains penseurs qu'il qualifient
d' « athées chrétiens »504(*) et précise que Luc
Ferry505(*) reprend
dans son oeuvre l'amour du prochain catholique et qu'André Comte-
Sponville défend de même cette parabole de l'autre joue et en plus
la récusation des richesses. 506(*)
En somme, la nouveauté de ce courant de pensée
réside dans cette lecture immanente et laïque du message
hérité de la Bible.
Onfray ne se limitera pas à mentionner que
l' « athéisme chrétien » reprend
à son compte les valeurs chrétiennes, mais il jettera de
même le doute sur l'inexistence de Dieu chez lui. Certes, ce dernier a
nié Dieu mais cette fiction qu'est Dieu n'a pas été
réduite à son essence, ce qui constitue aux yeux d'Onfray la
véritable mort de Dieu.
B. Vers un athéisme européen :
Pour combler les manques de cet athéisme507(*), Michel Onfray met au point
une autre forme d'athéisme ; l' « athéisme
athée ». Il voulait montrer à travers ce
pléonasme qu' « athée » ne peut
être une épithète pour tout athéisme. Seul
l'athéisme athée, militant et solide peut mettre fin au nihilisme
de notre époque. Seul cet athéisme peut accélérer
le mouvement en permettant le véritable passage de l'ère
religieuse à l'ère philosophique. Cet athéisme dit aussi
post moderne comporte deux phénomènes conjoints : une
généalogie de Dieu associée à une
déchristianisation radicale des secteurs de la
société.508(*)
Onfray remonte en premier lieu à l'essence de Dieu.
Il y repère la crainte, l'angoisse, la peur de la mort et du
néant. « Ces machines à fabriquer la
divinité » pour reprendre l'expression d'Onfray, ont
été crées par certains psychotiques et névrotiques
qui leur répugnent d'avoir mourir un jour. Pour écarter alors les
effets maléfiques de la mort, ces névrotiques se voient repousser
la mort elle-même. Au lieu de conclure, au dire d'Onfray, ce
problème de manière satisfaisante, on finit tout bonnement par le
supprimer.509(*)
Ce Dieu fabriqué par les névrotiques, les
détenteurs du pouvoir, va imposer sa présence chez le commun des
hommes chaque fois qu'ils assistent à la mort d'un être
cher.510(*) Dieu,
l'autre vie, l'espoir dans la mort sont embauchés pour calmer la douleur
de la perte. On souligne donc les deux étapes de la
généalogie de Dieu : la fabrication de cette fiction par les
détenteurs du pouvoir et son utilisation inconsciente par les croyants.
A ce titre, Onfray écrit : « Pas de haine pour
l'agenouillé, mais une certitude à ne jamais pactiser avec ceux
qui les invitent à cette position humiliante et les y entretiennent. Qui
pourrait mépriser les victimes ? Et comment ne pas combattre leurs
bourreaux ? »511(*) Si cette généalogie est restée
une affaire personnelle, aucune pensée athée ne sera
fondée mais comme la pulsion de mort des détenteurs de pouvoir
(génératrice des arrière-mondes) va infecter l'univers
tout entier, l'athéisme en tant que pensée philosophique doit et
veut dire son mot.512(*)
L'athéogie, cette contre-allée de la théologie, va se
munir ici d'un domaine précis : « la psychologie et
la psychanalyse »513(*). Elle montre que les poseurs de Dieu sont le plus
souvent des malades qui font des mauvais psychanalytiques pour soigner en se
soignant. Le faux soin étant l'admission de son immortalité.
Onfray écrit à propos de ces faux
psychanalystes : « comme bien souvent le psychanalyste
soigne autrui pour mieux éviter d'avoir à s'interroger trop
longtemps sur ses propres fragilité. »514(*) Après avoir
montré la généalogie de Dieu515(*), il nous faut passer
à la deuxième étape dans cet « athéisme
athée » : c'est la déchristianisation de tous les
domaines de la société. Ceci dit, l'athéisme pour ce
philosophe engagé (voir première partie : maître
engagé), n'est pas une fin en soi mais il exige une lutte sur le
terrain. Cette déchristianisation ne se limite pas comme la
généalogie de Dieu à quelques lignes
repérées dans quelques ouvrages mais elle exige un long travail
d'analyse c'est-à-dire un examen détaillé de l'ensemble
des secteurs sociaux : Onfray a proposé une éthique
dans La sculpture de soi (1993), une érotique dans
Théorie du corps amoureux (2000), une politique dans la
Politique du rebelle (1997), une esthétique dans
L'archéologie du présent (2004)516(*), une
épistémologie dans Féeries anatomiques (2003),
une pédagogie dans Antimanuel de philosophie (2001), La
communauté philosophique (2004) et Suite à la
Communauté philosophique (2006), une contre-histoire de la
philosophie dans les quatre tomes de la contre-histoire. (t.1 et t.2, 2006. t.3
et t.4, 2007). Et il nous confie qu'afin d'accomplir ce chantier de
déchristianisation, il travaillera encore la question de la psychologie,
de la psychanalyse et du droit.517(*)
Toutefois, deux ensembles deux questions se posent à
nous.
Premièrement, pourquoi le mot
« athéisme » se cantonne-t-il chez Onfray à
l'antichristianisme ? N'a-t-il pas écrit dans Les ultras des
Lumières que Dieu est une chose, la religion une autre, sa
formulation chrétienne une troisième518(*)? Pour quelle raison, Onfray
n'emploie-t-il pas le mot « désacralisation »
à la place de
« déchristianisation » ?
Deuxièmement, quelle liaison existe-t-il entre la
désacralisation des diverses disciplines de la société et
la déclaration de la France comme un pays athée ?
L'athéisme passe-t-il par la société ou par la loi ?
Et quel rapport y a-t-il entre la déclaration de la France comme pays
athée et la résolution de la guerre religieuse qui divise le
monde ?
Pour répondre au premier ensemble des questions, il
nous faut reprendre un passage écrit par Michel Onfray dans le
Traité d'athéologie : « la chair
occidentale est chrétienne. Y compris celle des athées, des
musulmans, des déistes, des agnostiques éduqués,
élevés ou dressés dans la zone géographique et
idéologique judéo-chrétienne. »519(*). A la lecture de ce passage,
on remarque que l'athéisme en Europe requiert qu'on connaisse,
épluche et dépasse l'épistémè
dominante ; l'épistémè
judéo-chrétienne. Dès lors, dans l'Europe
chrétienne, réduire au silence Dieu équivaut à
réduire au silence la religion chrétienne.
Le projet de la déchristianisation en Europe, pour
répondre au deuxième ensemble des questions, ne peut
s'épanouir ipso facto dans la constitution de l'Etat bien que
Michel Onfray ait exigé, comme on a vu plus haut, d'instituer
l'athéisme comme position officielle de la République. Cette
institution exige au préalable un travail éminent sur le plan
social. C'est justement ce que Michel Onfray a essayé de dire dans un
entretien :
« Q. : Pourquoi ne pas inscrire
l'athéisme dans la Constitution ?
M.O :L'inscrire dans la Constitution ajouterait
de l'encre au papier mais ne changerait pas grand-chose au réel. Je
souhaiterais que sur des combats concrets comme les sexualités
alternatives, la bioéthique libertaire, les contrats amoureux, la
pédagogie radicale, le discours pénale, etc. il y ait de
véritables propositions qui illustrent une laïcité
réellement post-chrétienne (...) » 520(*)
A la lecture d'Onfray, on s'aperçoit donc que
l'athéisme en France et en Europe doit passer par la
société pour accéder à l'Etat et pour y parvenir
enfin aux Etats du monde. Avec cet athéisme « L'Autre ne s'y
penserait pas comme un ennemi à réduire et soumettre ».
Avec lui, apparaît plutôt la nécessité de
réaliser le bonheur du plus grand nombre, le bonheur pensé sous
le regard des êtres humains et non sur celui de Dieu ou des Dieux. Et
Onfray d'ajouter à la fin « Rêvons un
peu »521(*)
Revenons pour l'instant à l'Europe pour passer en revue
l'épistémè judéo-chrétienne. Mais
avant d'y procéder, nous nous demandons selon quels critères
Onfray doit-il dépasser cette épistémè.
Quelles sont les méthodes employées pour s'écarter du
christianisme dans notre vie quotidienne ? A cette question, Michel Onfray
répond : « La guillotine ne gagne pas aux voies de
fait : les guillotines de la Terreur, les massacres de prêtres
réfractaires, les incendies d'Eglise, les pillages de monastères,
les viols de religieuses, les vandalismes avec les objets de culte ne sont
nulle part défendables et pour quelque raison que ce soit. Une
Inquisition à l'envers n'est pas plus légitime ou
défendable que celle de l'Eglise catholique en son temps. La solution
passe par d'autres voies : celle du démontage théorique et
de la reconquête gramscienne par les idées. »522(*)
Dans les pages qui suivent, nous proposons alors une
vision du monde alternative au nihilisme européen et nous montrons que
cette pensée avec ces différentes branches relève de
l'autobiographie, de la confession de Michel Onfray, de ce que Michel Onfray
appelle « la physique de la
métaphysique ».523(*)
Chapitre III : Ethique élective :524(*)
A. Hapax existentiel : Le lointain amour du
prochain : l'orphelinat :525(*)
Dans la préface à son ouvrage La
puissance d'exister intitulée Autoportrait à
l'enfant, Michel Onfray revient sur ses quatre années d'orphelinat
chez des prêtres salésiens. Grâce à certains
souvenirs amers, il atteste la vérité de son
jugement : « Je n'ai jamais vu beaucoup les
chrétiens aimer leur prochain. »526(*). Il voit donc que la devise
générale de ces prêtres salésiens
était : pour être obéis, soyons d'abord
craint. Celle-ci est tout à fait contraire à l'esprit
de Mai 68.527(*) A ce
propos, tous ceux qui ne respectent pas leurs ordres et la discipline vont
subir les tourments corporels : violents coups de pieds aux fesses,
claques qui démanchent le cou, coupes données sur les joues.
« Ces contempteurs de corps », selon l'expression de
Nietzsche, ne savent s'y adresser autrement que sur le mode brutal.
Plusieurs exemples relatés par le philosophe vont
appuyer cette haine du prochain et de son corps. Le curé qui ouvre la
vanne d'eau bouillante aux petits garçons qui s'attardent un peu dans la
salle de bain. Un autre qui mettait les coupables dehors dans la nuit noire et
froide suite à un léger chuchotement dans la chambre à
coucher. Le prêtre pédophile qui abuse des petits garçons.
Le prêtre infirmier qui déculotte et tripote ceux qui avouent un
mal de tête...
Du septembre 1969 à novembre 2005, trente-cinq
années séparent Onfray de ces quatre années d'enfer.
Durant ces années, une philosophie a vu le jour faisant passer Onfray
du « je suis mort à l'âge de dix
ans »528(*)
(vie subie) à « pour ne pas mourir des hommes et de leur
négativité, il y eut pour moi les livres (...) serein sans haine,
ignorant le mépris, loin de tout désir de vengeance (...) je ne
veux que la culture et l'expansion de cette puissance
d'exister »529(*)
Face à cet état de fait (vie), Michel Onfray
entend fonder une philosophie jubilatoire qui dit un oui à la vie. Cette
philosophie est présente dans tous les secteurs étudiés
par le philosophe (éthique, érotique, esthétique...).
Dès lors, la question qui nous préoccupe ici est d'étudier
particulièrement la possibilité d'un hédonisme sur le plan
d'une relation générale avec autrui.530(*) D'où le plaidoyer
pour une intersubjectivité joyeuse heureuse et pacifiée contre
l'amour du prochain des prêtres.531(*) Or cette intersubjectivité ne peut être
accomplie, selon Onfray, que par le truchement d'une philosophie
particulière, à savoir l « éthique
élective ».
B. Vers un utilitarisme philosophique :532(*)
Comme toute morale réelle, la morale de Michel
Onfray vient s'interroger sur l'homme que nous rencontrons tous les jours.
Qu'est-ce qu'un homme ? Comment peut-on le définir ? Et en
quoi est-il différent de l'animal ? Ces questions ont poussé
Onfray à solliciter l'anthropologie, science de l'homme réel,
pour y puiser des réponses. Il s'éloigne donc de la
métaphysique, sciences des essences fictives et des êtres
idéalisés.
Pour les anthropologues, l'homme est un « animal
qui veut l'empire ».
A ce titre, l' « amour-propre » cette
passion primitive est ce qui caractérise l'homme à merveille. Le
mode d'emploi de cette passion primitive ou de cet écho de la
préhistoire est d'anéantir tout ce qui lui fait obstacle. La
violence, l'hostilité, le combat et la domination sont ses
qualités de prédilection.
L' « amour-propre » s'accompagne toujours d'un
aveuglement sur sa propre personne qu'on imagine parfait et accompli et d'un
manque de discernement d'autrui qu'on voit le mal incarné. A ce propos,
l'homme de l' « amour-propre » ne dirige ses
flèches qu'en direction de l'extérieur, tout ce qui n'est pas
soi. Il est la mémoire de la loi de la jungle et le résidu de
l'animal en nous.
Dans ces conditions, deux questions se font jour : La
possibilité de mettre en oeuvre une morale n'est-elle pas
douteuse ? Un tel homme peut-il construire une morale ?
Michel Onfray tranche cette question en avançant
que la vraie morale, la morale réelle ne pourra jamais être
construite en dehors de ce qui est, de
l' « amour-propre ». Il entend donc dresser un pont
entre ce qui reste un oxymore pour les chrétiens : l'amour propre
et la morale. A ce qu'il voit, c'est
l' « amour-propre » et non l' « amour
du prochain » au sens chrétien (l'amour des peuples) qui est
le moteur essentiel de nos actes533(*). L'amour-propre, à son dire, est tellement
enraciné dans notre appareil nerveux qu'il est impossible de le
supprimer définitivement. Ceci dit, aucune action n'est
désintéressée et tout doit servir la personne
concernée : d'où le règne inéluctable de
l'« utilitarisme ». Ceci est évident par exemple
dans la lutte pour la conservation de soi face au danger qui nous menace.
L'amour-propre est donc principe de survie.
Cette position prônée par Onfray le pousse
à examiner de près la position opposée ; la morale
chrétienne et idéalisée. L'« amour du
prochain » invite l'homme à imposer silence à toutes
les passions en lui (déplaisir, plaisir..) c'est-à-dire à
se défaire de son « amour-propre » et de sa
substance. Dès lors, l'homme qui n'est plus qu'un cadavre et un mort
impassible, va aimer le prochain, tout prochain en dépit de ses
défauts. L'ennemi, le bourreau, le dictateur, les gens qui nous
écrasent doivent être aimés et chéris par le croyant
chrétien. A ce propos, Onfray trouve que le chrétien est un
masochiste qui n'éprouve de joie qu'en laissant les autres
jubilés de sa souffrance.534(*)
A s'interroger sur les raisons d'une telle morale
inhumaine (comment peut-on aimer l'abominable), Michel Onfray trouve qu'on aime
autrui pour l'amour de Dieu. Même si autrui ne possède aucun
mérite pour nous, il reste qu'il possède une valeur
excédant tous ses défauts ; il est une créature de
Dieu et en tant que tel il doit être aimé. Autrui n'est donc pas
aimé pour lui-même. Il est un moyen et non une fin. Peu importe,
il reste que « le faire jouir » est intact.
C. La morale aristocratique et élective :
Il est à rappeler que le but de Michel Onfray
était de fonder une intersubjectivité jubilatoire. Or cette
dernière n'est possible que dans une « éthique
élective ».
L'éthique élective, par opposition à la
morale égalitariste chrétienne et par souci hédoniste,
instaure des degrés entre les êtres humains. Elle sépare
donc entre ceux qui me procurent de jouissance et ceux qui me macèrent
dans les souffrances. Dans cette logique de séparation, les passions
(plaisir, déplaisir, jouissance, souffrance...) qui irritent les
chrétiens vont de nouveau mener le bal. Sur ce point, Michel Onfray est
fidèle à Nietzsche, ce philosophe antichrétien, pour qui
« les morales ne sont pas autre chose que le langage symbolique des
passions. »535(*)
Ce jeu entre l'éthique et la
pathétique est générateur des « cercles
éthiques » eux-mêmes responsables de
l' « arithmétique des plaisirs » c'est
à dire de l'augmentation du plaisir et de la diminution du
déplaisir. Grâce à ces « cercles
éthiques », que nous citons par la suite, chacun peut
« élire » ceux qui lui procurent de
jouissance : donc augmenter sa joie. Et
« éviter », à l'encontre de ce que
prêche le christianisme, ceux qui causent la gêne : donc il
diminue sa souffrance. Dans cette logique, Michel Onfray déclare :
« Contre la fausse bijection dans la relation triangulaire
chrétienne, je tiens pour une géométrie des cercles
éthiques qui, partant d'un point central et focal, Moi - chacun
étant le centre de son dispositif -, organise autour de lui, et de
manière concentrique, le placement de chacun en fonction des raisons
d'entretenir ou non avec l'autre une relation de
proximité. »536(*). Dans la logique aristocratique,537(*) on ne trouve plus une
relation triangulaire où l'amour du « je » pour
« autrui » passe par l'amour de
« Dieu ». Cette relation triangulaire sera
supplantée par les « cercles éthiques » qui
permettent, moyennant les passions (plus ou moins de plaisirs, plus ou moins de
déplaisirs), de déterminer la nature de la relation :
amitié, amour, tendresse, camaraderie... Ainsi l'éthique est
moins affaire de concepts éthérés (le Bien, le Juste, le
Vrai) que de passions échangées en permanence.
Deux mouvements déterminent les cercles
éthiques : élection ou force centrifuge pour les trois
premiers cercles et éviction ou force centripète pour le
quatrième cercle. Ces cercles sont les suivants : Le premier cercle
comporte les affinités supérieures comme l'amitié et
l'amour. Le second comprend ceux avec lesquels on entretient des relations de
fraternité, de camaraderie ou de sympathie. Le troisième
comporte ceux qui relèvent de la relation obligée comme le
voisinage et le travail. Le dernier cercle comporte les neutres : les
inconnus et les négatifs : les ennemis.538(*)
Michel Onfray propose, par souci hédoniste, de ne
pas saturer les premiers cercles mais de préférer les
quantités minimales et les qualités maximales. Par contre, il
suggère, en périphérie, les quantités maximales et
les qualités minimales.
Enfin, si la morale aristocratique met en jeu les passions
longtemps décréditées pour établir une relation
avec autrui, il convient dès lors de s'interroger sur le comment de ces
passions. Pour quelles raisons cette personne me suscite le dégoût
alors qu'une autre me ravit ? Qu'est-ce qui déclenche les
passions,et, par suite, le classement des hommes ?
D. Les principes sélectifs :
Pour répondre aux questions posées, Onfray
met en oeuvre deux principes sélectifs, à savoir le langage et la
politesse. Ces deux outils nous permettent de sélectionner les hommes en
fonction de « la préscience du désir de
l'autre » appelé par Onfray le premier degré de
l'éthique aristocratique. Il est notable que chacun de nous est un autre
pour autrui, c'est ainsi il faut s'enquérir du projet de notre
partenaire éthique et l'informer en contrepartie de notre projet.
Le langage539(*) tout d'abord permet ce va et vient entre les deux
interlocuteurs. Mais le langage ou les mots ou le verbe est une partie de la
parole. Celle-ci étant l'ensemble des signes verbales (langage) et non
verbales comme le sourire, le regard, le silence... Tous ces signes
transmettent des messages à autrui, font circuler des affects ou des
passions et permettent de classer les hommes. Toutefois, le plus sûr des
signes selon Onfray s'avère le langage. Celui-ci met à mal le
« nihilisme verbal » des idéalistes, comme les
chrétiens, en promettant un « matérialisme
linguistique », c'est-à-dire un lien entre le signifié
et le signifiant et deuxièmement un lien entre ce signifiant et l'acte.
A partir de ces deux mouvements du langage, on peut élire
c'est-à-dire placer plus proche de nous les hommes qui précisent
tout d'abord leur intention et évitent le langage
désincarné des chrétiens : donc ils disent ce qu'ils
vont faire. Et qui deuxièmement appliquent leurs promesses : donc
font ce qu'ils ont dit. Avec ces gens élus, on voit s'instaurer une
relation hédoniste et pacifiée. Le cas inverse, quand autrui
échange la franchise par la discrétion ou par le
mensonge540(*)
et les promesses réelles par des promesses fictives, il est de
notre droit de le jeter dans les derniers cercles. Ces individus
évincés génèrent plus de souffrance que de
plaisirs.
Le second moyen qui nous permet d'instituer un ordre entre
« les prochains » des chrétiens c'est la «
politesse »541(*). La politesse chez Onfray est la science des
distances ou l'art de la bonne distance : ni trop loin, ni trop proche.
Elle s'oppose au trop de proximité et trop de distance,
générateurs des passions négatives et de l'entropie. Il
est bien clair que trop de commerce avec autrui nous fatigue et nous
épuise, et que trop de solitude nous ennuie et nous fait souffrir du
manque de distraction. Pour réaliser une bonne arithmétique des
passions c'est-à-dire augmenter le plaisir et diminuer le
déplaisir, il s'agit d'élire les hommes qui pratiquent avec nous
la politesse et d'évincer ceux qui choisissent la fusion ou
l'éloignement.
Pour bien montrer le rôle de la politesse dans la
logique des passions et, par suite, du classement des hommes, Onfray a eu
recours à la métaphore des
« porcs-épics » mise en scène par
Schopenhauer. Cette métaphore représente des animaux en plein
hiver, la période la plus froide de l'année. Pour se
prémunir contre les méfaits du froid et pour se
réchauffer, les « porcs-épics »
décident de se rapprocher les uns des autres. Las ! Ils se heurtent
à un nouveau désagrément ; chacun d'eux va subir les
piquants des autres et les blessures consécutives. Afin d'éviter
les déplaisirs : le froid dans l'éloignement et les
piqûres dans le rapprochement, Schopenhauer opte pour la bonne
distance : un peu de froid, un peu de piqûres donc un
déplaisir minime pour éviter un plus grand déplaisir.
Cette métaphore sera extrapolée par Michel Onfray à nos
rapports avec autrui, mais il forgera une nouvelle expression pour
désigner la bonne distance ;
« l'Eumétrie ».
Bref on peut dire avec Onfray qu'« avec la
politesse et le langage, toutes les intersubjectivités peuvent se
trouver précisées. Chacun dispose des moyens de faire fonctionner
le principe des affinités électives. »542(*) Grâce à ces
deux principes, la sanction dans l'éthique immanente sera
immédiate. Pas de jugement dernier ni de justice post mortem
ici. On sanctionne l'autre selon qu'il nous procure de plaisir (rapprochement
vers soi) ou de déplaisir (éjection sur les bords).
Toutefois si l'élection est source de plaisir, il
ne saurait autant de l'éviction. Par cette dernière, on
évite certes « le délinquant relationnel » et
ses déplaisirs, mais ceci ne se fait que d'une manière
artificielle car, en aucun cas, on ne peut laver les passions morbides qui nous
travaillent de l'intérieur. Ceci posé, nous nous demandons :
Le pardon au nom de l'amour du prochain chez les chrétiens ne sera-t-il
plus hédoniste que l'éviction ? Ne purifie-t-il pas des
pesanteurs et des lourdeurs ? Afin de résoudre ces questions,
Michel Onfray nous pousse à cerner le problème de
l'éviction qui laisse jusqu'ici une impression de flou :
l'éviction est-elle hédoniste ou pas ?
E. Le talent pour l'oubli :543(*)
Michel Onfray relate tout d'abord un état de
fait : Il n'est pas d'être humain doté uniquement de
qualités et exempt de défauts. Tôt ou tard, chacun de nous
découvre les faiblesses d'autrui qui, à son tour, découvre
les nôtres.
Dans cette première étape, chacun de nous
doit faire preuve de longanimité devant les fredaines et les frasques
d'autrui. Mais au moment où la somme des déplaisirs, qui nous
provient d'autrui, de notre partenaire éthique, excède la somme
des déplaisirs, on doit réclamer la rupture ou l'oubli
définitif. Le pardon exigé du peuple par les détenteurs du
pouvoir dans le christianisme ne serait efficace car, au dire d'Onfray, il
dépouille l'homme réel de sa substance. Pour reprendre notre
souveraineté et pour éviter cette atteinte à notre
personne chère au christianisme, Michel Onfray propose un seul
remède ; l'oubli. Toutefois, il est nécessaire de
séparer entre l'oubli et le ressentiment qui tous deux participent
à l'« éviction » d'autrui.
Pour ce faire, nous soulignons les bienfaits de l'oubli et
les méfaits du ressentiment. Michel Onfray a beau jeu de montrer que
l'oubli, cette première forme d'éviction est une recherche
systématique du plaisir. Sans l'oubli, nous vivons tout le temps dans le
souvenir des douleurs et des chagrins, donc des pulsions mortifères.
Grâce à lui, on opère en nous une véritable
catharsis. Il est un talent pour la dépense (voir deuxième
partie, chapitre I) donc pour la vie tansfigurée et la force car en
visant la purification (philosophie) il nous libère des
expériences douloureuses avec autrui (vie).
Si l'oubli permet de recouvrer la santé, il en va
tout autrement avec le ressentiment ; cette autre forme
d' « éviction ». Au lieu de la dépense
philosophique, on assiste ici à la « rumination ».
L'homme du ressentiment se nourrit de mépris et de vengeance. Il est
incapable de pousser ce mal vers l'extérieur.
Néanmoins, il ne faut pas entendre par cette
expression, que l'homme du ressentiment doit se venger des autres hommes. En ce
cas, on est bien loin de la dépense positive de l'oubli, de la force qui
crée la philosophie et on est plus proche de la dépense
négative, de la violence qui détruit. La dépense
revendiquée de l'homme du ressentiment c'est la libération de
l'auto-empoisonnement de soi. D'autant que Michel Onfray nous fait remarquer
que l'homme de la rancune est un homme masochiste, qui est dans
l'incapacité de se venger ici et maintenant. Cette vengeance
différée ou cet espoir de vengeance travaille son âme et le
pousse à diriger sa violence contre soi-même, à haïr
sa personne en plus du monde.
Le jouir et le faire jouir, le langage incarné et
honnête, le triomphe des passions, du plaisir et du désir, l'art
de la bonne distance en matière d'intersubjectivité sexuée
définit « l'érotique solaire ».
Chapitre IV : Erotique solaire :
A. Hapax existentiel : des histoires mal
construites :
La trahison, l'adultère, l'abandon des enfants,
leurs mauvais traitements.... c'est là que l'arbre
généalogique de Michel Onfray plantait ses racines. Onfray dans
la préface de son ouvrage Les vertus de la foudre544(*) nous relate que
l'époux de sa grand-mère maternelle renonce à s'occuper de
ses enfants après avoir découvert que son épouse le
trahit. Las ! La mère d'Onfray et ses frères ne sont pas les
enfants du père officiel mais plutôt d'un autre homme, un ouvrier
agricole. Dès lors, sur l'instigation de son mari, l'épouse
accepte de déposer son enfant (la mère d'Onfray) dans un cageot
au pied d'une église de village en Normandie. La fille abandonnée
va être prise en charge par des familles payées par l'Assistance
sociale et où elle serait exploitée, frappée,
humiliée... Toujours est-il que cette victime émissaire devenue
mère rendra le même à son fils(Onfray).
Afin de s'écarter de ce fragment de son
identité, Michel Onfray met au point une « érotique
solaire » qui s'avère un plaidoyer pour des histoires bien
construites, raisonnables et contractuelles. Alors, suivons Onfray tout d'abord
dans sa déconstruction de la morale dominante, la morale
chrétienne pour se pencher après sur sa propre morale.
B. Les deux modes de l'usage chrétien du
corps :
Comme il est déjà bien connu, la
sexualité a depuis longtemps encouru le blâme des moralisateurs
chrétiens. Tous réclament un renoncement radical à la
chair.545(*) Cette
« virginité absolue » s'accompagne d'une misogynie
puisque depuis la faute originelle on associe la femme à la tentation et
la concupiscence. Dès lors, s'éloigner du plaisir c'est
détester les femmes. Et renoncer à celle qui provoque la faute
originelle c'est permettre à l'homme, qui a jadis obéi aux
tentations de la pécheresse, de se racheter. L'idéal serait donc
le détournement de l'énergie sexuelle vers les prières, la
méditation...toute activité sublimée.
Néanmoins, le désir sexuel surgit au milieu
de ce climat empoisonné546(*). Il montre alors que l'homme ne peut être un
ange sans matière, sans chair, sans sexe et sans phallus.547(*)
Pour restaurer cet état de fait, le christianisme
se hâte de fixer le désir et d'empêcher son nomadisme. La
libido posée comme un problème va être encagée dans
le mariage chrétien. Ce dernier est le meilleur des remèdes
puisqu'il nous délivre d'un mal plus grand que la sexualité
conjugale.548(*) Cette
codification de la libido se trouve dans la célèbre phrase de
Paul de Tarse : « Il serait bon pour vous que vous
continuerez à vivre seuls, comme moi. Mais si vous ne pouvez pas vous
maîtrisez, mariez-vous : il vaut mieux se marier que de brûler
de désirs. » (1 Corinthiens,7, 8,9)
En un mot, si la chasteté dans l'absolu
(virginité) s'avère utopique pour les uns, il reste à
pratiquer la chasteté dans le relatif (mariage).549(*) Cette dernière nous
amène à examiner la question du « désir comme
manque ».
C. Le désir de la fusion :550(*)
Afin de fonder le mariage salvateur (du
péché), les idéalistes recourent à la mythologie du
« désir comme manque ».
Dans Le Banquet de Platon,551(*) Aristophane remontait
à l'origine de la nature humaine. Il s'apercevait qu'il y avait trois
genres : un mâle qui se composait de deux moitiés masculines,
une femelle qui était formée de deux moitiés
féminines, et un genre androgyne qui participait des deux. Comme ces
trois genres étaient dotés d'une robustesse surprenante, ils
décidèrent un jour de franchir le ciel pour s'en prendre aux
dieux. A cet instar et pour les affaiblir, Zeus les coupa en deux. Le
désir ou l'amour vit le jour à la suite de cette chirurgie
divine. Chacun va dès lors quêter sa moitié perdue, ce
« tout » ou ce « un » primitif avec
lequel il vit toute sa vie sans se séparer un instant.
Cette généalogie du désir est
également visible dans le christianisme, ami théorique du
platonisme. Dans la Genèse 552(*) on raconte les mécanismes de la chirurgie
divine qui consistent à retrancher un os de l'homme et à
fabriquer, à partir, la femme. Le motif de cette énergie
était le bien-être de l'homme qui, à ce qu'on dit, s'est
ennuyé seul. La femme naît donc par défaut. Dès
lors, sentant sa totalité blessée, l'homme va combler ce manque
en quêtant la femme.553(*) Michel Onfray trouve que le récit de
Genèse est « un genre de parfum androgyne, de la coupure
platonicienne, un avant-garde du désir défini sur le principe du
manque .554(*)»
Ces deux légendes (platonicienne et
chrétienne) inspirent la conduite d'un grand nombre d'individus qui
pensent l'intersubjectivité sexuelle et amoureuse uniquement du point de
vue du « couple fusionnel ». Ce dernier requiert un bon nombre
de points : la monogamie, une répugnance pour la
sexualité et la soumission de cette dernière à la pulsion
génésique, la fidélité sexuelle, la
sédentarité amoureuse,
l'hétérosexualité555(*) et la durée dans la relation. Toute autre
forme d'agencement est condamnable.
Pour illustrer le processus de ce « couple
fusionnel », Michel Onfray fait appel dans la deuxième partie
de son « érotique solaire » à la figure de
« l'éléphant monogame ».556(*) Cet animal fut très
apprécié par les Pères de l'Eglise puisque son rapport
à la libido leur convient à merveille. On décèle
chez lui une quasi-inexistence du désir sexuel. En marchant, il prend du
plaisir à écraser le serpent, ce vil séducteur. De
même, il ne combatte pour aucune femelle. L'éléphant
incarne absolument « l'innocence des corps ». Lorsque
toutefois il se soumet à son instinct sexuel, il vise uniquement la
reproduction. Pour ce faire, il cherche un arbre isolé puis il copule en
son bas. Le couple d'éléphants se place dos à dos pour ne
pas se voir en telle situation. C'est ainsi certains naturalistes, comme le
rapporte Onfray, soulignent « la capacité de l'animal
à comprendre l'impureté de son geste puisque après l'acte
sexuel il procède à des ablutions appuyées avant de
retrouver le troupeau. »557(*). La fonction de la sexualité étant
accomplie discrètement, la femelle accouche et allaite au plus vite et
le mâle lui reste fidèle durant toute sa vie. En examinant la
figure de l'éléphant, Onfray conclut que
« l'éléphant fournit un modèle sans
aspérité au désir chrétien de formuler une logique
des plaisirs. »558(*)
Toutefois, si le désir chrétien de la fusion
a été considéré comme un havre à l'abri de
tout danger, Michel Onfray va montrer que ce havre ou cette unique solution
peut nous faire marcher sur des épines.
D. Les conséquences du couple fusionnel :
La revendication du « couple
fusionnel » ne va pas sans conséquences fâcheuses qu'on
pouvait regrouper sous deux rubriques : le deuil de la femme et le retour
violent du refoulé.
En ce qui concerne la femme, Michel Onfray a écrit
dans un article : « le poids du christianisme pèse
lourd sur les épaules des femmes. La philosophie officielle a
prêté main-forte à l'asservissement de cette moitié
sublime de l'humanité en l'invitant à renoncer à sa
féminité pour se consacrer exclusivement au mariage et à
la maternité. »559(*). A ce propos, la fusion imposée engendre le
renoncement à soi et la perte d'identité qui la plupart des cas
sont payés par la femme. Celle-ci est restreinte à deux
fonctions : épouse et mère.560(*) En tant qu'épouse,
elle doit se soumettre à son propriétaire ; l'homme.
Préparer son repas, laver ses habits, exécuter ses ordres...Cette
relation du « maître et de l'esclave » est
particulièrement visible dans les rapports sexuels. C'est ainsi, sous
prétexte du devoir conjugal formulé par Augustin et par Paul de
Tarse avant lui, l'homme chrétien voit justifier son animalité
sexuelle (l'état de nature contre l'érotique). La femme est
dès lors considérée comme sa propriété de
laquelle il peut disposer comme il l'entend.
La deuxième fonction imposée à la femme
c'est la maternité. Le phallocrate chrétien s'appuie ici sur la
physiologie du corps féminin (les organes de génération)
et concluent catégoriquement à la nécessité
d'engendrer. La femme se voit dès lors limitée à son
ventre, ses ovaires et son utérus. Cette femme mère doit prendre
soins de ses enfants, de leur nourriture et de leur éducation. Avec la
mère et l'épouse, la femelle prend le dessus sur la femme. Peu
importe, le but étant de sauver, moyennant ces deux fonctions, la
pécheresse de sa négativité.561(*)
Si dans un premier temps, on a montré que la fusion
revendiquée est le plus souvent subie par la femme, on soulignera
deuxièmement que cette fusion n'est qu'une illusion, une perfection qui
n'existe que dans le ciel de Platon et des chrétiens : d'où
le retour violent du refoulé. Michel Onfray nous invite à
regarder autour de nous pour rendre compte de l'aboutissement du mariage
bourgeois : l'adultère, la duplicité, la prostitution, les
bordels, le mensonge et même le divan des psychanalystes et la
consultation des sexologues.562(*) Avec ces histoires mal ou peu construites, on
passera, selon Onfray, du « rien, tout, rien ». De
l'inconnu on passe à l'indispensable pour revenir à l'inconnu et
au détestable.563(*)
Afin de terminer avec le « couple
fusionnel »564(*) imposé par le christianisme, Michel Onfray
met en scène une « érotique solaire » qui
part de la physiologie pour terminer avec le contrat.
E. Le désir comme excès :565(*)
A son tour, Michel Onfray vient s'interroger sur la
généalogie du désir, condition de tout agencement
envisagé. Si la théorie du « désir comme
manque » a engendré le « couple
fusionnel » comme seul agencement possible, il convient à ce
moment de penser une autre généalogie pour autre(s) agencement
(s).
Le désir selon Onfray provient d'une certaine
combinaison des atomes dans la chair. Il relève alors d'une
nécessité matérielle et atomique. Dans cette perspective,
rien ne peut justifier la mythologie de la coupure divine, des androgynes et
des os retranchés. Le réel dément le ciel des
idées platoniciennes et chrétiennes. « Dans la
constellation matérialiste, le désir s'analyse exclusivement en
terme de physiologie, non de métaphysique.»566(*). Ce désir
atomique à l'opposé des fantasmagories religieuses est nettement
repérable. Il suppose un certain écoulement séminal, une
certaine émission des liqueurs masculins et féminins. Cette
logique d'éjaculation chez la femme et l'homme a son origine dans
l'excès qui nécessite dépense et débordement.
Si le désir selon Onfray est matériel et
atomique, le plaisir est solitaire et solipsiste. Quand on désire on
assiste à la séparation des simulacres de notre corps pour gagner
celui d'un autre et réciproquement. Ces deux corps qui
s'échangent éprouvent donc du plaisir qui reste pour autant
inchangeable. Onfray voit que chacun des deux partenaires est une
« monade leibnizienne » sans portes ni fenêtres. Ceci
veut dire que rien de leurs essences ne peut leur quitter et rien ne peut y
pénétrer. A ce propos, Onfray signale
que : « dans les draps d'un lit, sous l'alcôve
amoureux, quand deux corps se prêtent, se donnent (...) Pas de
communication de substance, pas d'âmes qui se mélangent, pas de
corps qui s'identifient. » 567(*). Avec les baisers, les pénétrations,
les sueurs, les salives, les morsures, les succions... on peut jouir uniquement
« du » plaisir de l'autre mais aucunement
« le » plaisir de l'autre. Provoquer la jouissance de
l'autre prouve que l'extase est matérielle, que le désir est
atomique. Et ne pas vivre la jouissance de l'autre fait preuve que toute
fusion, toute confusion avec autrui, comme prétendent les
idéalistes, est vouée à l'échec. Sur ce point,
Onfray écrit : « cette option physiologique suppose une
conception particulière d'autrui : il n'est pas morceau
identitaire, fragment incomplet attendant la révélation de soi
par l'altérité dépassée et l'unité primitive
reconstituée, mais totalité solipsiste, entité
intégrale, monade absolue d'une manière totalement semblable
à moi. Ontologiquement l'égalité absolue triomphe entre
les hommes et les femmes. »568(*)
Toutefois, ce désir qui est excès (contre le
manque) et ce plaisir qui est solitude (contre la fusion) engendre avec Sade
« le libertinage féodal ». La formule de ce
libertinage telle qu'elle est donnée par Sade est la
suivante : « Pourvu que je sois heureux, le reste m'est
absolument égal (...) que tout ce qui nous entoure ne s'occupe que de
nous, ne pense qu'à nous, ne soigne que nous. »569(*). Pour Sade, du fait que
j'ignore le plaisir senti par autrui et du fait que le désir se
résout dans la décharge, on peut infliger à des
partenaires non consentantes les plus mauvais crimes sexuels. Sade assimile les
femmes à des « chiennes » qui doivent accorder leur
faveur à quiconque veut d'elles. Ce penseur qui a passé trente
ans de sa vie en prison oblige des femmes à faire l'amour avec lui sous
peine de menace de mort. Autrui n'a donc aucune place pour ce penseur. Il
ignore son consentement et sa résistance.570(*)
Onfray ne fait pas sien ce genre de libertinage. Il
voulait fonder un « libertinage solaire ». Est
« solaire » ce qui applique la maxime de Chamfort
« jouir et faire jouir » en matière
d'érotique. Est « solaire » ce qui s'oppose au
« nocturne » et au féodal c'est-à-dire
à la négligence d'autrui et la pulsion de mort
dirigée contre lui. A ce propos, Onfray dit que Sade est
détestable en tant que féodal. Mais il intéressant
seulement en tant que matérialiste, manifestant l'irruption du sexe dans
l'histoire de la philosophie et déclarant que le désir provient
de la physique et non de la métaphysique. Dans le quatrième tome
de sa contre-histoire de la philosophie, Onfray écrit à
propos de Sade : « en cela, il relève du continent des
ultras des Lumières - mais en cela seulement. »571(*)
Pour fonder le « libertinage
solaire » et pour empêcher que le désir matériel
ne se résolve dans le « libertinage féodal »,
Michel Onfray fait appel à la deuxième étape de son
érotique ; le « contrat
hédoniste » : « Une théorie de l'amour
appelle une physique, une physiologie, certes, mais également un art de
vouloir. Si dans un premier temps, la nature oblige, la culture reste tout de
même maîtresse du devenir des exigences primitives. (...)Seul
l'homme dispose du pouvoir de transfigurer la sexualité en
érotisme. »572(*)
F. Le contrat hédoniste :573(*)
Ce contrat est la résultante d'un désir
atomique (nature) et d'une sculpture libertaire de ce désir (culture).
Les deux utilisés en vue de dépasser la morale sexuelle
chrétienne. Etant donné que le désir n'est pas un manque,
il s'ensuit que le « couple fusionnel » ne saurait
être l'unique modèle de l'intersubjectivité amoureuse et
sexuelle. On voit ici élargir la sphère des
disponibilités.
Pour ce faire, Onfray applique la méthode de Remy
de Gourmant574(*) dans
la sculpture de nos désirs. Dans son ouvrage La culture des
idées, Gourmont se demande pour quelles raisons certains mots sont
étroitement liés. Pourquoi par exemple le mot Honneur appelle
toujours celui de Patrie, le mot Art suppose la Beauté, la Justice, le
châtiment...575(*)
Ceci dit, Gourmant met au point une méthode devenue
célèbre « la dissociation
d'idées ».
Onfray reprend à son compte cette méthode
qu'il applique dans le démontage de l'arsenal conceptuel
chrétien. Depuis le règne du christianisme, la morale sexuelle se
pensera toujours à travers les associations
suivantes : « un Homme ? Donc une Femme. Un
couple ? Donc Paternité et Maternité. Un Enfant ? Donc
une Famille, un Foyer. »576(*). Cet arsenal conceptuel régit un grand nombre
d'esprits, y compris ceux qui se réclament athées. Michel Onfray
entend penser chaque registre de façon séparée.
L'engagement n'exige pas la durée ; on peut s'engager pour un soir
ou pour la vie. L'homme n'appelle pas une femme ni la femme un homme ; les
homosexuels. Le couple (femme homme, homme homme, homme femme) n'appelle pas la
procréation 577(*). L'amour ne suppose pas l'acte sexuel, ni la
conjugalité ; l'amour libre. De même, la sexualité
peut se pratiquer sans aucun sentiment amoureux ni aucune intention de
mariage ; la sexualité libre. Avec Michel Onfray, chacun a la
possibilité d'inventer sa propre morale sexuelle. Fini l'Un de Platon et
avènement du divers, de la multiplicité.578(*)
Toutefois, cette dissociation d'idée dite aussi
« le nomadisme » n'est possible qu'à travers un
« contrat hédoniste. ». Pas de contrat sans souci
d'autrui, sans le consentement d'un tiers, sans le « jouir et le
faire jouir ». Onfray dit haut et
clair : « l'hédonisme que je propose en
matière d'intersubjectivité sexuelle et sensuelle, suppose chez
l'autre le même acquis que moi (...) chaque information par moi
donnée vaut proposition faite à autrui pour une cartographie
à son usage. »579(*). Le « jouir et le faire jouir »
prôné par ce contrat hédoniste met au point quelques
percepts qui s'opposent à la morale sexuelle et amoureuse
chrétienne.
Tout d'abord, les contractants ici ne promettent pas au
dessus de leurs capacités. Personne n'est obligé par exemple de
se sacrifier pour les enfants, comme en exige la morale chrétienne, s'il
n'en veut pas. Personne n'est obligé d'épouser la personne
aimée si telle est sa volonté. De même personne n'est
forcé de récuser le célibat s'il ne désire pas le
mariage. Chacun vit sa libido librement et non socialement. Ceci exige des
contractants une honnêteté et une franchise dans l'expression de
leurs pensées. Rien n'est plus gênant pour le contrat
hédoniste qu'un Don Juan qui ment habituellement.
Dans ce cas,
la « fidélité » dans l'érotique
solaire prend un nouveau sens. Elle est moins l'exigence de la fusion
chrétienne, (où l'autre devient notre propriété, en
l'occurrence la femme), que le respect de la parole donnée.
Deuxièmement, même engagé par cette
parole donnée ou cette histoire construite à chaque instant,
chacun des contractants doit rester « célibataire ».
Le célibataire chez Onfray n'est pas celui qui vit seul sans amant ni
compagnon ou mari. Mais il est celui qui même engagé
préserve sa liberté. Onfray entend instaurer
l'« Eumétrie » dans son érotique. Les deux
partenaires, afin d'éviter le déplaisir mutuel, doivent
être deux hérissons qui refusent autant le trop de solitude et
l'excès de fusion. La bonne distance refuse l'empiètement sur la
liberté et l'autonomie de notre partenaire (comme enseigne le
christianisme) tout que l'oubli de la parole donnée (comme les
conséquences du couple fusionnel). L'objectif serait donc
d'éviter les passions mauvaises dans le registre amoureux : ni
jalousie, ni suspicion, ni crainte, ni possession. Et, d'éviter
également les pratiques dérivées : la trahison, la
prostitution, la débauche, l'animalité sexuelle...580(*)
Ce contrat hédoniste débouche enfin sur un
« féminisme libertaire ».
G. Le féminisme libertaire :
Grâce au contrat inventé par Onfray, la femme
concourt activement à la sculpture d'une relation sexuée.
« La métaphysique de la
stérilité »581(*), l'amour libre, la durée envisagée ne
doivent pas être des suggestions d'hommes auxquelles les femmes devraient
consentir.
Dans cette logique duelle et contractuelle, Michel Onfray
s'oppose particulièrement à la réduction forcée de
la femme au statut d'épouse et de mère. Il lui répugne de
voir le phallocrate et le féodal chrétien imposer sa règle
comme un seigneur terrifiant : tu dois être mère,
cuisinière, au foyer, docile et soumise. A cet instar, Michel
Onfray reprend, non sans plaisir, la phrase de Diogène rétorquant
à un eunuque qui écrit au fronton de sa maison : Rien de
mauvais n'entre ici : « Comment donc le maître de la
maison pourra-t-il entrer ? » 582(*)
L'homme ne peut être « l'avenir de la
femme ». D'où le féminisme. De même, la femme
ne peut être « l'avenir de l'homme ». D'où le
féminisme libertaire. Le « féminisme
libertaire » s'oppose à un certain féminisme
autoritaire qui justifie le triomphe de la proie (femme) sur le
prédateur (homme). Ce féminisme autoritaire est tout entier
présent en la figure d'Omphale.583(*) Omphale ou cette femme du pouvoir peinte par
Mossa584(*) est une
femme féroce et sadique qui jubile dans la castration de l'homme. Pour
elle, la décision, l'action et la possession sont des qualités
féminines alors que l'homme se voit attribuer la passivité, la
soumission et l'obéissance. A ce que raconte la légende, Hercule
le héros qui incarne la figure de l'homme « a perdu toutes ses
qualités, il a d'ailleurs abandonn ses accessoires, la peau de lion et
la massue, à la reine qui l'a soumis [Omphale est reine de Lydie] (...)
castré, châtré, entravé, humilié,
dépouillé de sa virilité, défait de son
énergie, l'homme qui subit le désir d'Omphale n'a plus qu'a se
préparer pour le pire. »585(*) Cette femme est selon Onfray la soeur de
Salomé et la cousine de Madame Bovary586(*). Elle avertit l'homme que si elle l'aimait, qu'il
prenne garde à lui. Cette femme ou ce féminisme n'attire pas les
suffrages de Michel Onfray car ce renversement a réintroduit la guerre
sur le terrain de l'intersubjectivité sexuée et a mis à
mal la lutte permanente d'Onfray contre cette logique « d'esclave et
de maître ». Certainement, voit Onfray, ce féminisme
était utile jadis pour renverser le balancier. Mais il paraît
qu'il a fait son temps.
Toutefois, cette égalité voulue ne permet
pas de ranger Onfray du côté d'Elisabeth Badinter587(*). Cette dernière
propose la promotion de la femme virilisée et de l'homme
féminisé, donc l'abolition de la différence sexuelle, pour
mettre fin à la guerre ente les sexes.588(*) Et Onfray pris d'étonnement se
questionne : « Faut-il pour lutter contre
l'inégalité des sexes avec efficacité éradiquer
purement et simplement la différence des
sexes ? »589(*). Michel Onfray s'aperçoit que la fin de la
guerre à travers l'élimination de la différence sexuelle
est riche de conséquences néfastes : on assiste
également à la fin du désir et des passions et à la
promotion des « médiocrités de
substitution » : tendresse, amour paternel, fraternel,
maternel... A ce compte, Onfray déclare que la différence
revêt une grande valeur et que l'égalité est impensable en
dehors de la différence. Il trouve que la différence ne devient
inégalité que dans un emploi religieux ou sociologique.
Bref, Michel Onfray aspire à un
« féminisme libertaire » à mi-distance entre
la misogynie chrétienne et le féminisme autoritaire qui
plaît à un certain Aragon590(*). Avec le féminisme proposé par Onfray
chacun des deux sexes demeure le sculpteur de sa propre vie tout en collaborant
à une sculpture d'une vie en commun.
Cette pulsion de vie appliquée en matière
d'amour et de sexualité s'accompagne d'une pulsion de vie en
matière de santé. Et qui, de même, ne s'est imposée
qu'en rejetant la pulsion de mort chrétienne.
Chapitre V : Bioéthique
prométhéenne :
A. Hapax existentiel : « Tumeur raconte
d'où vient le livre qui suit. »591(*)
Tout commence avec le jour où Marie-Claude Ruel, sa
compagne, lui annonce qu'elle a une tumeur au sein. Une série de
souffrances corrélatives a gagné les deux compagnons.
Michel Onfray était en pleine
liquéfaction ; il constatait en lui des déclins progressifs
au niveau de la mémoire, de l'envie de travailler, du désir de
lire... Il a même envisagé un jour le suicide comme une solution
valable pour ne pas laisser la bien-aimée partir seule.
Quant à la compagne, elle a enduré des douleurs
intenses. Elle a connu l'épreuve de la chimiothérapie, des
vomissements, des nausées, de l'ablation du sein, de la perte des
cheveux...
Et puis, la maladie terminée, l'opération
réussie. La possibilité d'une vie après la tumeur devient
réelle.
Sous le coup de cette expérience (de ce corps qui
souffre), Michel Onfray est résolu à élaborer une
« bioéthique prométhéenne » qui donne
naissance à un « post-humain », un « homme
faustien » ou ce qu'on appelle encore un « corps
élargi ».592(*) Ces trois expressions réclament le
dépassement de la nature par son artificialisation. L'« homme
faustien » (ou le corps faustien) c'est donc l'homme de la culture.
Mais ceci ne veut pas dire qu'il est antinature puisqu'il s'éloigne de
la nature, de la nécessité biologique pour la rendre plus
subtile. De même, le « post-humain » est moins celui
qui signale la fin de l'humain (l'inhumain ou le surhumain) que celui qui
dépasse le vieux-humain longtemps soumis à l'autorité de
la nature. Le post-humain appelle l'intelligence humaine, l'artifice pour
mettre en oeuvre un corps de moins en moins objet et de plus en plus
sujet ; un « corps élargi ».593(*)
La « bioéthique
prométhéenne » voulait alors s'appuyer sur les
avancées scientifiques ; cette « substance
prométhéenne » pour réaliser le plus grand
plaisir possible pour le plus grand nombre. Gardant en mémoire le cas
Marie-Claude, Onfray revendique un élargissement du corps pour tout
malade et pour toute maladie (pas seulement la tumeur).
En revanche, cette expansion du progrès, vu par l'oeil
optimiste d'Onfray, se voit adresser les plus sévères reproches.
C'est particulièrement le cas des Comits d'éthiques
français qui ont accru le débat sur le statut de la science et
les moyens exigés pour limiter son pouvoir.
B. La bioéthique française :
Onfray nous fait remarquer que cette bioéthique
fustigeant la révolution scientifique est largement redevable de la
religion chrétienne des cadres de sa réflexion. Certes, on
cherche en vain un renvoi pur et simple à la charte des personnels de
santé édictée par le Vatican.594(*) La force de
l'épistémè, comme on a montré plus haut,
c'est de nous travailler d'une manière qui échappe à notre
connaissance consciente.
Toute tentative de penser en dehors de ces concepts
désincarnés serait condamnable.595(*) Pour maîtriser sa suprématie, cette
« bioéthique conservatrice » ferait bien de
s'inspirer du tropisme platonicien ; le Vrai, le Juste, le Bien. Les
PMA ? Un feu vert pour l'inceste grâce à
l'insémination d'une fille vierge par le sperme de son
grand-père. Le clonage reproductif ? Un risque de produire une
société uniforme qui réalise le fantasme fasciste d'Adolf
Hitler.596(*)
L'euthanasie ? Une technique employée massivement dans les camps de
concentration et à Vichy...etc.597(*)
La liste n'est pas complète car toutes « les
occasions du corps élargi » trouvent une réplique
appropriée de la part des thuriféraires du religieux dans
l'hôpital : le clonage thérapeutique, la médecine
prédictive... Avec la bioéthique française, la terreur
devient la loi suprême.
A cet instar, qui ne peut trouver dans la
bioéthique régnante un renvoi au Principe
responsabilité du philosophe allemand Hans Jonas. Ce dernier est
alors sa deuxième référence après Platon.
Aux yeux d'Onfray, Jonas est considéré comme le
père de la technophobie. Avec son « heuristique de la
peur », il diffuse l'idée selon laquelle l'hystérie, la
mort, l'effondrement des civilisations est le lot de tout un chacun si l'on
consent à cette révolution scientifique. Cet infatigable avocat
du « principe de précaution » de la crainte et de
l'angoisse réalise, au dire d'Onfray, le projet chrétien :
le triomphe du conservatisme, le recul de la science, et, par suite le triomphe
du corps souffrant.598(*)
Afin de renverser l'ordre habituel, Michel Onfray
s'emploie à examiner certaines pratiques de la science. De cet examen
découlent trois constats qui ont trait à sa bioéthique
prométhéenne :
- Premièrement, la bioéthique
prométhéenne est une bioéthique audacieuse et
anti-libérale. Avec Onfray « l'heuristique de peur »
de Jonas cède le pas à « l'heuristique de
l'audace » ; condition de tout progrès. Cette «
heuristique de l'audace » nous montre que ce n'est pas à la
science de faire cesser la marchandisation. La version libérale,
fustigée par la bioéthique élue, s'origine dans les
actions de l'homme lui-même. La science est neutre à ce sujet,
voire amorale.599(*)
- Deuxièmement, la « bioéthique
prométhéenne » s'élève contre la
« biopolitique » qui consiste à gouverner les corps
à travers les institutions médicales et « les
prêtres aux blouses blanches » (les médecins). Le
philosophe de l'U.P. entend ouvrir la porte des comités
d'éthiques, des hôpitaux, du ministère de la
santé...pour que chacun puisse fabriquer sa subjectivité
corporelle. La bioéthique prométhéenne est donc une sorte
de « biopolitique libertaire ».600(*)
- Troisièmement, nous trouvons au coeur de cette
bioéthique, comme nous l'avons dit, une exigence de grande santé
et une fustigation de la souffrance chère au christianisme.
Chacun de ces trois principes est à l'oeuvre dans les
trois points que nous allons examiner par la suite : la bioéthique
au service des parents, la chirurgie de la greffe : vivre, une
pédagogie de la mort.
Procédons à l'analyse.
C. La bioéthique au service des parents :601(*)
Dans la première partie de notre mémoire, on
a appris que l'humain apparaît approximativement dès la
vingt-cinquième semaine. Avant, c'est le triomphe du néant
ou une vie qui ne signifie plus rien.
Loin d'adopter cette position, les partisans de la
« bioéthique conservatrice » font appel au concept
de la « personne potentielle ». Que dit cette
expression ? La personne potentielle c'est le fait d'admettre que l'oeuf
ou le zygote est un humain virtuel et une vie en puissance. La vie pour eux
existe alors avant la date fixée par Onfray. Mais c'est là que
surgissent les questions fondamentales : Les idéalistes sont-ils
des défenseurs de la vie ? Onfray se contredit-il alors ? Que
cache l'expression de la personne virtuelle ?
La « personne virtuelle » défendue
par la bioéthique française ne peut aucunement être un
support à la vie dont parlait Onfray : la vie transfigurée
ou l'expansion de soi. Pour elle, cette vie a une conception
métaphysique et sociale. Elle trouve que la vie est présente
dès la conception d'un oeuf car dans la position platonicienne et
théologienne, le corps est un support de l'âme immatérielle
et c'est cette dernière, et non le cerveau (comme disait Onfray), qui
fixerait l'humanité de l'homme. Cette vie est donc sacrée parce
qu'elle provient du ciel intelligible.602(*) Elle est de même défendable puisqu'elle
permet de nourrir le système social. On se soucie de l'embryon non pas
pour lui-même, pour son émancipation personnelle mais parce qu'on
voit en lui le futur père de famille, la future épouse, le futur
citoyen engagé.603(*) A ce propos déclare
Onfray : « Justifier aujourd'hui l'humanité d'un
oeuf ou d'un embryon sous prétexte qu'il pourrait donner un jour un
être adulte vaut intellectuellement et du point de vue de raisonnement
autant que tuer ici et maintenant un vivant en vertu de la certitude qu'il est
actuellement un mort en puissance. »604(*) Mais, qu'est-ce qui justifie
le refus du présent agencement cellulaire au nom du futur être
humain ? Pour quelle raison devrait-on écarter l'immanence
biologique au profit de la transcendance théologique ?
La réponse se trouve chez Onfray : le refus du
corps élargi et la (re)christianisation de la bioéthique.
Dès lors, Michel Onfray se propose de faire le chemin inverse :
abolir la personne potentielle pour déchristianiser la
bioéthique.
Tout d'abord, en refusant la personne potentielle, Michel
Onfray trouve que la science peut en faisant des recherches sur les embryons
(intouchable pour la bioéthique conservatrice), comprendre les
mécanismes de la stérilité et y remédier sur le
terrain implantatoire ou de la P.M.A. elle peut également
dévoiler le fonctionnement des anomalies génétiques et y
remédier en posant la thérapie génétique. Par ceci,
la science affronte la bioéthique française qui suppose mauvais
en soi les recherches médicales et scientifiques.605(*)
Deuxièmement, en refusant la personne potentielle, la
science est apte à appliquer ses recherches. Elle permet au couple
stérile ou les individus gynéco-logiquement détruits par
des chimiothérapies de recourir à la fécondation in
vitro. Elle permet également à des mères
privées d'utérus d'y appliquer cette méthode en recourant
à des mères porteuses.606(*) Cette technique est favorable aussi à des
femmes monopauses ayant dépassé l'âge naturel de la
fécondation. En ce dernier point, Michel trouve que seuls ceux qui
réactivent les vieux schémas sexistes, dans lesquels le
mâle, même octogénaire et nonagénaires, peut
uniquement être père, ne peuvent que s'opposer à cette
possibilité technique.607(*)608(*)
Troisièmement, en récusant la personne
potentielle, la science permet de légitimer l'interruption volontaire de
grossesse. Chacun peut dès lors disposer de son corps comme il veut. Il
a la liberté et la volonté de mettre au jour des enfants à
l'heure voulue, choisie et décidée. De même, en utilisant
l'avortement, il pourra éliminer avant la vingt-cinquième
semaine, un embryon qui développe des tares physiques ou psychiques car
pour lui ce qui est important n'est pas de concevoir mais de mettre au jour des
enfants qui partent dans l'existence avec de moindres chances pour une vie
heureuse et épanouie.609(*)
Quatrièmement, en récusant la personne
potentielle la médecine peut mettre au terrain l'eugénisme. Pour
Onfray : « le mot ne dit rien d'autre que le souci chez les
géniteurs de produire un individu le mieux conforme possible, le moins
affecté par la maladie, le trouble, les tares susceptibles d'une
transmission par des parents à risque. »610(*). A cet instar,
l'eugénisme permet l'éviction d'un chromosome responsable d'une
maladie dans une P.M.A. On se prémunit d'avoir des enfants qui ont le
diabète, la trisomie, une malformation cardiaque.....
Enfin, dans cette première étape, Onfray pose
à la bioéthique française : « Au nom
de la personne potentielle, pourquoi ne pas fustiger la masturbation masculine
et les menstruations féminines puisque dans les deux cas se perdent des
milliards de vies potentielles chez l'homme et une vie menstruelle possible
chez la femme ? Que de spermatozoïde gâchés et d'ovules
perdus ! Que de vies en puissance destinées au néant du
plaisir solitaire, abandonnées au flux sanguin ou gâchées
dans une sexualité protégée par la contraception !
Pour quelles raisons y aurait-il plus de virtualité dans le zygote
formé, même âgé de quelques heures, que dans le
sperme répandu ou le sang des règles ? »611(*)
D. La chirurgie de la greffe : vivre612(*).
Dans la deuxième et la troisième partie,
Michel Onfray se voit sortir des questions qui concernent les parents pour se
pencher sur celles qui concernent l'humain en général, l'humain
qui se situe entre deux néants. Au nombre des sujets traités, on
compte : la chair, le corps, la greffe, la transgression,
l'identité, le cerveau... Tous ces sujets ont trait à la question
de la chirurgie de la greffe et son mauvais accueil par la bioéthique
judéo-chrétienne.
Michel Onfray commence par poser la différence
entre le « corps chrétien » et le « corps
athée ». Le premier est décharné, il aspire
à la séparation de l'âme et du corps, à
l'éviction de toute matérialité et de toute
incarnation.613(*)
Tandis que le second est un corps incarné qui jouit de la pure
immanence. Compte tenu de cette incarnation, le corps athée (ou
nominaliste ou topique) relève de l'anatomie et non de la
théologie. Or l'anatomie nous enseigne que le corps athée est un
« même » non sur le plan métaphysique
(idée de la raison), mais sur le plan physique.
« Même » puisque chaque corps incarné
ressemble aux autres corps incarnés du point de vue organes et
fonctions. Ce corps « même » est une voie
d'accès au « post-humain » puisqu'il est capable de
réparer des corps moindres et de recouvrer la santé. Autant de
crimes pour la bioéthique régnante amatrice de corps
rétréci et rabougri. Le corps athée suppose donc un
« corps nomade » et un « corps
identitaire ». Le premier est celui du donneur, il comporte coeur,
poumons, cornées... Le second est le receveur qui accueille ces nouveaux
corps sans pour autant cesser d'être lui-même.614(*) Ce corps athée nous
pousse à examiner deux choses : premièrement le jeu de la
greffe et deuxièmement la question de l'identité.
Dans le jeu de la greffe, le corps athée ne se
limite pas aux combinaisons humaines. Les corps nomades et les corps
identitaires concernent aussi bien les trois vivants (végétal,
animal et homme) et les machines. Par cette multiplicité combinatoire,
on met en brèche la hiérarchie chrétienne : homme,
animal, végétal puis minéral. Une transgression de plus. A
la greffe entre humain s'ajoute la combinaison entre trois sphères
étrangères615(*) :
Ces trois moments chirurgicaux illustrent « le
principe de Dédale » cher à Onfray puisque
anti-chrétien. La légende raconte que Dédale et son fils
Icare ont tenté d'échapper à la prison à laquelle
Minos les contraint. Ils y parviennent après avoir fixé sur leur
dos des plumes via la cire. Néanmoins, Icare désobéit
à son père et s'approche du soleil. La cire fondue le fait tomber
dans la mer Egée.
La leçon de cette chimère : Dédale
le chirurgien peut réaliser le corps posthumain s'il n'est
contrarié par Icare qui symbolise les esprits chrétiens.
Par ailleurs, cette chimère d'hier devient une
vérité scientifique aujourd'hui.616(*)
A cet égard, Michel Onfray relate les
expériences de Voronoff auquel il voue une plus grande reconnaissance.
Voronoff réussit à enfreindre par ses travaux les lois de la
bioéthique conservatrice. Au premier quart du 20ème
siècle, il travaille dans son laboratoire à la greffe des
testicules de jeunes animaux aux vieux. Et en 1920, il greffe des testicules
d'un cynocéphale (babouin) sur un prêtre castré suite
à une orchite tuberculeuse. Le curé impuissant et imberbe reprend
sa libido et sa barbe. L'opération réussit donc à
merveille. En revanche, le seul problème qui la guette c'est l'absence
du traitement antirejet. Le matériel génétique n'entre pas
en jeu car celui-ci est quasi semblable à celui de l'humain. A ce
propos, suite aux avancées scientifiques, ces greffes peuvent
êtres améliorées et raffinées.
Malgré ses différentes recherches (sur le
cancer, les greffes de pancréas...) Voronoff a été
méconnu car il incarne le refoulé du judéo-christianisme,
à savoir la lecture moniste de la nature, le rapprochement entre les
espèces617(*) et
l'avènement du posthumain.
Si le jeu de la greffe réalise un corps faustien
débarrassé de ses manques, il convient de s'interroger sur les
limites de cette transgression athée. Peut-on transgresser alors ce qui
récuse tout interdit ? Cette question nous renvoie au
deuxième volet du « corps athée » : la
question de l'identité.618(*)
Michel Onfray se pose les questions
suivantes : « l'identité d'un être, comment
la circonscrire ? Est-elle localisable. Si oui, où ? Et
comment ?619(*) ». Afin de répondre à cette
question, Michel Onfray remonte à Locke et son exemple devenu
célèbre : le cerveau du savetier greffé sur le corps
du roi. Et celui du roi greffé sur le corps du savetier. Une
série de questions suit cette transgression : Qui des deux sait
diriger l'Etat ? Le corps du savetier avec le cerveau du roi ? Ou
celui du roi avec l'encéphale du savetier ? Et lequel des deux est
capable de raccommoder les chaussures ? Si des opposants veulent
décapiter le roi, quelle tête devront-ils couper ?... Et
Onfray ajoute : A qui les deux épouses doivent accorder leurs
faveurs ? Où et quand l'adultère ? 620(*)
Deux réponses sont envisageables selon Locke. L'une
tient au « critère corporel » ou
« l'identité humaine » et l'autre met au point le
« critère psychologique » ou « l'identite
personnelle ». En privilégiant la première
réponse, on admet que nous sommes notre apparence, notre corps, notre
pur apparaître ; ce qu'on appelle dans le vocabulaire
phénoménologique
« l'être-pour-autrui ». A ce propos, les corps du
savetier et du roi constituent leur identité. Mais en favorisant la
deuxième réponse, on déclare que l'identite relève
de la mémoire, de l'intelligence, du cerveau, de
l'intériorité ; ce qu'on appelle
« l'être-en-soi », voire
« l'être-pour-soi ». Ceci dit, le savetier et le roi
sont leurs cerveaux.621(*)
En comparant ces deux réponses, Locke est
résolu à élaborer l'identité de l'homme à
partir du cerveau. Pourquoi le cerveau ? Cette réponse va
être développée par Onfray qui vient appliquer
l'aufhebung hégélienne (conservation et
dépassement en même temps) aux transferts physiologiques. Il
constante alors qu'en recevant tous les corps nomades dans mon corps, je reste
le même (conservation, l'identité est intacte). Et je deviens un
autre (dépassement, le Je est augmenté mais non banni) En
revanche, un des corps nomades, à savoir le cerveau fait exception.
Celui-ci ne pallie pas le manque chez autrui mais l'altère
complètement.622(*) De ce constat, Onfray
déclare : « je suis mon
cerveau ».623(*)
Par cette violation de la transgression qu'est la greffe,
la bioéthique conservatrice ne remporte-t-elle pas la victoire ?
Celle-ci n'a-t-elle pas toujours plaidé pour freiner la greffe ?
Pour Onfray, interdire la greffe encéphale, c'est se ranger du
côté des matérialistes et non des idéalistes. Le
cerveau avec ses synapses a été considéré depuis
longtemps comme l'antidote de l'âme immatérielle. A ce titre,
Onfray écrit : « si je pense et que, pensant, je sais et
conclus que je suis, je le lui dois. Substance étendue, il est en
même temps substance pensante. Occasion de l'esprit, de l'âme, tout
en demeurant strictement composé d'atomes, de neurones et de synapses
(...) »624(*).
Ajoutons que le cerveau pour Onfray est le lieu des souvenirs, des douleurs,
des joies...de cette ouverture à l'extérieur (voir
première partie). Ceci étant, le cerveau est la condition de
toute possibilité de la philosophie vivante.
E. Une pédagogie de la mort :625(*)
Dans la dernière partie de son ouvrage
Féeries anatomiques, Michel Onfray s'applique à saisir
la question de l'euthanasie ou la mort douce. Au premier abord, on croit que la
mort douce va mal avec l'ensemble des techniques analysées
ci-dessus : mort contre vie, souffrance contre hédonisme,
soumission contre liberté et nature contre culture. Pour autant, en
examinant bien les choses, on remarque que l'euthanasie se situe dans
l'alignement de l'ensemble. Pour y parvenir, Michel Onfray va tracer une ligne
de démarcation entre l'euthanasie (Bioéthique
prométhéenne) et son alternative les soins palliatifs
(Bioéthique conservatrice).
Il dit tout d'abord : « militer pour
les soins palliatifs consiste à voter non pas pour la vie, mais pour la
mort. Car cette technique prolonge la mort, pas la vie. »626(*). En lisant cette citation,
on s'aperçoit que l'opposé des soins palliatifs doit
inéluctablement défendre la vie. Reste à savoir le comment
de cette défense. En fait, au coeur de la revendication de la mort, se
trouve chez le malade une sympathie pour la vie ; la vie épanouie.
La vie dans laquelle seul l'emploi du temps qui compte et non le temps en soi.
L'euthanasie va donc de pair avec le bien vivre. Les Romains revendiquent le
suicide quand tout va bien. Alors que pour Onfray le suicide est
légitime uniquement quand on n'est plus qu'un mort-vivant, un vivant sur
le point de sombrer.627(*) Autrement dit, quand la pulsion de mort a
primé sur la pulsion de vie. A ce titre, donner des soins palliatifs
à ce mort-vivant c'est prolonger le triomphe de la mort au profit de la
vie. Onfray signale que : « vivre pour vivre, rien ne
paraît plus stupide. »628(*)
Outre ce primat de la mort sur la vie, les soins
palliatifs réalisent celui de la souffrance sur l'hédonisme.
Sauvegarder cette vie qui chemine vers la mort ne va pas de soi. Mais c'est une
occasion pour que le malade soit le plus consciemment en présence de sa
cruelle souffrance. D'ailleurs l'étymologie du mot palliatif
« pallium » signifie la dissimulation, la tromperie, le
déguisement, en somme, soigner en apparence.629(*) Ceci dit, le malade qui
souffre va examiner sa conscience et demander pardon à Dieu pour se
racheter. Passer à la mort sans pardon est inconcevable. La douleur
exigée de temps en temps par les soins palliatifs a donc une fonction
salvatrice ou rédemptrice.630(*) Dans le même ordre d'idée, ce
désir de salut emporte le soignant lui-même qui refuse
l'euthanasie (qui elle sauve de la souffrance) sous peine d'être
damné par Dieu : on aime autrui, on veille sur le malade, mais non
pour sa personne mais pour l'amour de Dieu.631(*) A ce propos, Onfray entend rappeler la phrase
célèbre de Kafka, sur son lit de mort, à son
médecin « si vous ne me tuez pas, vous êtes
assassin. »632(*). Les soins palliatifs formulent donc une morale de
l'indifférence au mal alors que l'euthanasie incarne selon Onfray
une « éthique de la pitié ». En faisant
son calcul hédoniste et en s'apercevant que la somme des
déplaisirs l'emporte sur celle des plaisirs, les défenseurs de
l'euthanasie trouvent qu'il est atroce de continuer à vivre quand on a
mis à notre disposition un instrument qui tue immédiatement.
633(*)
Nous arrivons maintenant au dernier point ; la
liberté contre la soumission ou la nature contre la culture. Ici, nous
posons la question suivante : En revendiquant notre mort ne trouvons-nous
pas devant notre soumission ? Autrement dit, dans de telles circonstances,
la nature ne prend-t-elle pas le pas sur la culture ? Pour résoudre
cette aporie, Onfray remonte au suicide romain qui établit son
raisonnement à partir de ce paradoxe : En voulant ce qui a
été décidé par le destin, je reprends d'une
certaine manière ma liberté. Dans cette logique, Onfray
proclame: « je veux la mort voilà la seule façon
de rester à l'épicentre de soi-même... ». La
liaison entre le suicide et la liberté (hors l'hôpital, pas
seulement l'euthanasie) a tourmenté depuis longtemps Platon et les
chrétiens. Platon dans le Phédon condamne le suicide
pour la bonne raison que nos corps ne nous appartiennent pas mais ils sont la
propriété de Dieu, de leur auteur et créateur634(*). Cette idée trouve
son équivalence dans le christianisme. L'Eglise n'interdit-elle pas les
cérémonies funéraires pour quiconque se donnait la mort
volontaire ? Cette idée trouve son fondement dans le premier
décalogue de Moïse « tu ne tueras
point »635(*)
Ce premier commandement de Moïse va être élargi par les
exégètes pour inclure son propre meurtre. La deuxième
référence est saint Augustin qui dans la Cité de
Dieu636(*)
énumère les différentes raisons de se suicider et les
fustige toutes excepté si le suicidaire répond à l'appel
de Dieu : le martyr qui se fait dévorer par les lions...637(*) Dans ce cas, on évite
de parler de suicide car la mort dépend du vouloir de Dieu et non plus
de notre bon vouloir.
« Ethique élective »,
« érotique solaire » et
« bioéthique prométhéenne » ont
commandé toutes trois la liaison entre l'hédonisme et
« l'athéisme athée » et ont signalé la
discorde entre la sculpture de soi et le nihilisme européen. A ces
trois disciplines s'ajoutent trois autres qui vont également reprendre
ce projet de déchristianisation de la société. Ces
disciplines sont les suivantes : « l'esthétique
cynique », « la gastronomie » et « la
politique libertaire ». Toutefois, nous proposons une approche
générale de ces trois disciplines sans tenir compte des points de
détail et ceci pour la raison suivante : la comparaison
établie, au sein de chacune de ces disciplines, entre
l'épistémè judéo-chrétienne
mortifière et la pensée athée hédoniste n'est pas
assez développée. Ce qui fait qu'on risque de s'écarter du
thème choisi : la déconstruction de
l'épistémè judéo-chrétienne.
Chapitre VI : Mort de Dieu, suite :
A. L'esthétique cynique :
Tout d'abord, pour achever la mort de Dieu sur le terrain
esthétique638(*),
Michel Onfray fait appel à Marcel Duchamp639(*), ce second assassin qui a
déclaré haut et clair la mort du Beau. Pour Michel Onfray, la
mort de Dieu c'est aussi la mort du Beau. « Dieu et le Beau
entretiennent une relation homothétique : la matière de
l'un, c'est souvent celle de l'autre (...) Beau et Dieu conduisent ensemble
leurs affaires. »640(*). Mais quelle définition peut-on donner au
Beau et comment Duchamp réussit-il à s'en
débarrasser ? Depuis longtemps, remarque Onfray, l'art a
été confiné tout comme la philosophie idéaliste
à un exercice autiste et solipsiste. La raison de ce solipsisme en est
le recours des spiritualistes chrétiens et des idéalistes
allemands au Beau en soi inéffable, indécible,
désincarné et loin du monde réel. Pour ces amateurs
d'Idées platoniciennes (Vrai, Beau, Bien, Juste), seule la participation
d'une oeuvre d'art au Beau en soi est garante de valeur. Afin d'asseoir l'art
sur de nouveaux principes, Duchamp met au point la révolution du
ready-made 641(*).
En considérant l'objet
« préfait » comme objet d'art, Marcel Duchamp vient
montrer que tout peut servir de support esthétique et, ce qui est le
plus important, c'est que le regardeur est celui qui fait le tableau. Ceci veut
dire que l'objet « préfait » appelle le regardeur
à déchiffrer son sens et son aspect rebus. Cet objet cesse
d'être le Beau qui vit dans un monde intelligible pour devenir ce beau
relatif qui interpelle chaque personne en fonction de ses acquis
éthiques, politiques, philosophiques... En ce sens, l'art contemporain
qui naît avec la révolution du ready-made devient
plus que jamais un « agir communicationnel »642(*), une cosa mentale
(la valeur de l'objet consiste dans son dévoilement) et une matrice pour
les révolutions existentielles (l'oeuvre d'art cesse d'être
autiste et entre dans l'histoire, dans la matière du monde.).
Le triomphe du regardeur sur le plan esthétique est
suivi du triomphe du gourmet sur le plan gastronomique.
B. La gastronomie :
Contre la tradition idéaliste, Michel Onfray entend
mettre, après Brillat-Savarin643(*), la gastronomie644(*) au rang des plus grandes sciences. A travers cette
nouvelle science, il voulait montrer que le corps en tant qu'une machine qui
goûte les aliments (autrement dit le goût) est le lieu dans lequel
se constituent les systèmes philosophiques et les visions du monde.
Depuis toujours, les idéalistes ont
récusé l'idée selon laquelle la connaissance vient des
sens du corps et de l'interaction du réel. A ce titre, ils ont
établi une hiérarchie entre les cinq sens bien qu'ils soient tous
repoussés. Cette hiérarchie dépend de leur plus ou moins
proximité avec le réel. Kant, l'un des idéalistes, a
distingué par exemple entre les trois sens externes (la vue, l'ouïe
et le toucher) et les trois sens dits subjectifs (l'olfaction et le
goût). Les premiers ne saisissent le réel ou le monde que de
l'extérieur alors que les seconds sont selon Kant « les sens
de la délectation » (l'absorption la plus intérieure)
et en tant que tels ils doivent être rejetés.645(*)
Pour déclencher la colère des idéalistes,
Onfray vient élire le goût, l'un des sens les plus
décriés, et fonder la gastronomie. Dans son ouvrage Le ventre
des philosophes, Michel Onfray a inventé, à l'instar de
Platon, un Banquet dans lequel Diogène, un personnage principal, a
convié six philosophes : Rousseau, Kant, Fourrier, Nietzsche,
Marinetti et Sartre. Chacun de ces philosophes va montrer à travers ces
choix culinaires qu'on peut « entrer en philosophie par la
bouche ». Pour ne prendre que deux exemples, nous parlons de
Rousseau646(*) et de
Sartre647(*).
Rousseau n'aurait pas à critiquer la modernité
ou la civilisation et n'aurait pas à se rappeler avec nostalgie
l'humanité primitive sans son goût pour les nourritures
lactées. Pour Rousseau, le lait est le plus simple, le plus sain et le
plus naturel des aliments. Le goût de la viande, même crue, n'est
jamais naturel. Rousseau apporte la preuve suivante : les enfants sont
indifférents à l'égard du régime carné,
tandis qu'ils sont attirés par les produits laitiers. Sur ce, Michel
Onfray remarque que la philosophie de Rousseau « la nature contre la
civilisation » est consécutive de son goût
« le lait contre le ragoût ».
Dans le même ordre d'idées, Sartre n'aurait pas
détesté l'acte sexuel et la nourriture, donc le corps et ses
plaisirs, sans son dégoût des crustacés, des huîtres
et des coquillages. Sartre rapporte la cause de son refus en
disant : « c'est de la nourriture enfuie dans un objet et
qu'il faut extirper. C'est surtout cette notion d'extirper qui me
dégoûte. »648(*). Refuser d'extirper pour Sartre c'est refuser
« le trou béant de la chair ». Cette haine des trous
en matière de gastronomie va être élargie à la
philosophie de Sartre qui dans Les carnets de la drôle de guerre
et l'Etre et le Néant établit une parenté entre
les trous, la bouche et le sexe : boucher les trous, c'est manger et
copuler. Onfray remarque que ceci a été bien relaté par
Simone de Beauvoir qui dit : « l'acte sexuel proprement dit
n'intéressait pas particulièrement Sartre. »649(*) 650(*)
Enfin, pour accomplir le dépassement de
l'épistémè judéo-chrétienne, Michel
Onfray aborde le continent politique651(*).
C. La politique libertaire :
Onfray voulait montrer que la droite religieuse qui
régit le pays ne fait que maintenir le peuple dans la
paupérisation et accumuler, en contrepartie, la richesse. Or, affirmait
Onfray : « l'épistémè de
droite est nourrie du catholicisme apostique et romain. »652(*). Quelle est cette
épistémè en matière politique ? C'est
le culte de l'argent, de la richesse pour les gouverneurs et de la
pauvreté pour le peuple. Cette corrélation entre l'argent et le
christianisme est manifeste dans l'entretien suivant :
« Q. : Quand on est un penseur comme vous,
comment s'extraire de cette omniprésence d'une pensée ou
d'un corps chrétien ?
M.O : Ma chance, c'est ma névrose. J'étais
très sensible à la douleur et la souffrance sociale de mes
parents. Je m'étais promis, enfant de ne jamais l'oublier. De rester
fidèle à cela. Je n'ai jamais trop aimé les histoires
qu'on racontait aux sans-grade pour les tenir en laisse. Les arguments
d'autorité, de force pour contraindre les gens. J'ai eu la chance de
mener une existence à côté de tout cela
(...) »653(*)
En lisant ce passage, on s'aperçoit qu'Onfray
établit un rapport de cause à effet entre le christianisme et ses
arguments d'autorité (cause) et la souffrance sociale de ses
parents654(*) et des
sans-grade (effet). Pour comprendre le comment de ce rapport et pour le
dépasser, il nous faut analyser certains arguments d'autorité,
certains concepts vus par le christianisme comme des vertus. Ces concepts sont
la Liberté et le Travail.
Michel Onfray nous rapporte que le christianisme voit en les
diverses malédictions sociales un mauvais usage d'une vertu bien
déterminée, du libre arbitre. Alors que la réussite
sociale est perçue comme une récompense pour tous ceux qui font
un bon usage de la liberté. Dans cette logique, explique Onfray, le
christianisme au lieu de repérer les conditions matérielles qui
sont derrière l'état des sans-grade et essayer de les
résoudre, il ne fait par cette cause transcendantale (Liberté)
que croupir les malchanceux dans leurs enfers terrestres. Le christianisme leur
fait penser qu'ils sont responsables de préférer le chômage
à l'emploi, la misère à la richesse... Ce qui est
erroné655(*).
La Liberté s'accompagne d'une autre catégorie
qui fait fi du réel, c'est le Travail. Dans la morale chrétienne,
le Travail est célébré et est considéré
comme un impératif. Dans la Politique du Rebelle, Michel Onfray
écrit qu'il y a « une logique qui a fait du travail une valeur
absolue, une éthique à proprement parler. Or cette morale
doloriste découle directement des schémas chrétiens selon
lesquels le labeur a pour généalogie la nature pécheresse
des hommes et qu'il en va de la souffrance consubstantielle au travail comme
d'une punition, d'une expiation, nécessaires en vertu de fautes commises
par le premier homme : le travail doit être souffrance, pour ceux
qui en ont, et malédiction pour ceux qui en sont privés. Alors
triomphe l'idéologie de l'idéal ascétique : ceux qui
le subissent n'ont pas les moyens d'y accéder. En attendant, tous
souffrent par lui, pour lui. »656(*). Dans cette perspective, on fait penser aux pauvres
qu'ils doivent travailler pour gagner leur pain quotidien. Et aux
chômeurs qu'ils sont exclus de la société.
On leur fait oublier que leur aliénation provient de
ceux qui détiennent le pouvoir, de ceux qui s'enrichissent de leur dos.
Pour se démarquer de cette conception, Michel Onfray renoue avec
l'étymologie du travail souvent répétée par
Nietzsche et les cyniques657(*). Le travail est en affinité profonde avec le
terme latin tripalium qui veut dire instrument de torture.
Dès lors, travailler c'est souffrir et se tourmenter658(*).
Aux yeux d'Onfray, seule « la gauche de
gauche » (c.à.d la gauche qui est restée de gauche et
n'a pas trahi en s'alliant à la droite) est capable de mêler sa
voix à tous les miséreux et les exploités et de
réaliser leur bonheur en protégeant leurs droits. Dans cette
perspective, Michel Onfray s'exprime
clairement : « J'associe la droite à la promotion,
en politique de l'idéal ascétique et de ce qu'il suppose de
souffrances et d'expiations nécessaires pour le bon fonctionnement de
l'ordre social. En revanche, la gauche me paraît fournir, après la
colère, son mode dynamique, l'occasion de promouvoir l'hédonisme,
son contenu. »659(*)
Conclusion : Afin de mourir vivant :
Après cette odyssée dans le monde
philosophique d'Onfray, il faut s'interroger sur le but visé par Onfray
dans ce démontage théorique de
l'épistémè judéo-chrétienne. Onfray
donne bel et bien la réponse suivante : « Afin de
mourir vivant660(*) ». Cette expression oxymore nous
emmène à nous interroger : Peut-on se considérer
comme mort si on reste vivant ? Onfray se contredit-il alors ? Ou
bien peut-on dire que le philosophe athée croit à une vie
post mortem ? La philosophie d'Onfray perd-elle alors son
unité et sa cohésion ?
Avant d'examiner ce qu'est « mourir »
et « vivant » chez Onfray, il nous faut en premier lieu
retourner à l'aube du cheminement spirituel de Michel Onfray, autant
dire à sa période de jeunesse.
Durant cette période, sa pensée s'ouvrit sur le
constat d'une vie répugnante et mauvaise. Cela se lit, en fait, dans
Les vertus de la foudre « Au sortir de mes vingt ans,
l'âge auquel on ne veut pas s'entendre dire qu'on devrait se
réjouir d'avoir toute la vie devant soi, je ne prenais plaisir à
lire que Schopenhauer ou Cioran (...). Le pire était toujours certain,
à quoi bon autre chose qu'un regard braqué sur cette
certitude ? (...) »661(*).
Pour donner une certaine consistance à cette
pensée naissante, le jeune Michel Onfray rédigeait un ouvrage
intitulé Permanence de l'apocalypse dans lequel il avait
condensé l'essentiel des acquis des penseurs pessimistes (Cioran,
Schopenhauer, Leopardi...) :
- La souffrance est le lot de tous ceux qui existent dans ce
monde.
- La consolation et le divertissement comptent pour rien.
- L'éternel mouvement du temps.
- Le cheminement de tous vers le néant.
En résumé, on pourra dire que dans le climat
intellectuel du pessimisme évoqué par Onfray, le pire emporterait
tout sur son passage.
Toutefois, le pessimisme défendu par Michel Onfray
ne peut être considéré comme l'aboutissement de la
pensée du philosophe. Il est, de l'avis d'Onfray, un état
transitoire et nullement la position philosophique adoptée car cet
état rend un culte au point le plus reprouvé par Michel
Onfray : le règne de Thanatos au quotidien. De ce fait,
une nouvelle position philosophique s'éveilla. Elle est baptisée
du nom de « l'hédonisme ».
La motivation centrale de cet infléchissement dans la
pensée du philosophe est la question qui fut posée à
lui. « Lisant ma Permanence de l'apocalypse, une belle
âme bien inspirée ce jour-là me demande pourquoi,
écrivant ce que j'écrivais, pensant, ce que je pensais, affirmant
ce que j'affirmais, je ne m'étais pas encore mis une balle dans la
tête. (...) je cherche la réponse en moi plus qu'en ma
bibliothèque. Et la trouvai. Si le réel est véritablement
tel, noir comme la plus profonde des nuits de haute mer, on peut tout de
même faire de son existence quelque chose de lumineux comme une trace de
comète dans le ciel zébré. »662(*)
Sur ce, Michel Onfray écrit un second ouvrage
Traité de consolation663(*) dans lequel il établit une distinction
entre le penseur tragique et le penseur pessimiste. Le premier voit le
réel tel qu'il est : triomphe de la souffrance, du temps et de la
mort. Il ne souscrit pas à la thèse du meilleur monde
possible.664(*)
Néanmoins, même si le réel est sombre, le penseur tragique
est à même de tirer de son fond les plus ardentes jouissances. Il
trouve que la noirceur sert seulement d'un arrière-plan pour une
histoire solaire et hédoniste. La pensée tragique se
déploie donc dans deux moments : au sus de la
réalité, on ajoute la volonté. Michel Onfray vient alors
placer son système philosophique au coeur même du tragique.
D'où « l'hédonisme tragique »665(*). Tandis que le second voit
le pire partout. Sa pensée se manifeste dans un seul temps car elle
impose silence à tout volontarisme. Pour lui, on ne peut rien contre le
réel. D'où son « pessimisme
mortifière ».
En revanche, nous remarquons que la plupart des
pessimistes donnent libre cours à la joie et à la distraction
dans leur vie quotidienne. Michel Onfray a lui-même reconnu cette
vérité quand il a fait voir que « la vie quotidienne des
grands contempteurs du monde ne cesse de fournir un réservoir de
consolations : le vin, le haschisch, la musique, la table, les femmes, la
lecture, les voyages, l'écriture, la conversation, l'amitié
(...) »666(*)
Là, nous nous demandons : Faut-il conclure que la
pensée des pessimistes se déploie dans deux moments ? Onfray
avait-t-il tort alors ?
La réponse se trouve chez Cioran667(*)- l'un des pessimistes- qui
dit : « je ne pense pas toujours, donc je ne suis pas
toujours triste. »668(*). En analysant de près cette phrase, nous
remarquons que la consolation revendiquée n'est pas de l'ordre de la
philosophie. Faire de la philosophie c'est « vendre le pire à
longueur de pages » pour reprendre l'expression de Michel Onfray669(*) : La pensée
pessimiste se déploie donc dans un moment. En revanche, ne pas faire de
la philosophie c'est vivre pleinement sa vie.
Cette façon d'affronter le réel ne trouve
pas satisfaction chez Onfray qui aborde le problème différemment.
Il pose la formule suivante : je pense donc je suis hédoniste. Il
dit en ce sens : La philosophie est « un art de
vivre, de bien vivre, de mieux vivre.670(*)» et « un art de penser et de vivre,
de vivre pour penser et de penser pour vivre.671(*) » La solution ne se trouve pas chez lui
dans le refus de penser, dans la réduction à rien de la
philosophie, dans la haine du questionnement de la vie (voir première
partie) mais dans la réduction de la négativité à
n'être qu'un temps dans un mouvement aboutissant ou conduisant à
la victoire.672(*)
Ceci étant posé, nous nous penchons sur
l'étude de l'« hédonisme tragique ». Notre
philosophe est donc conscient que pour faire obstacle au christianisme, il faut
mobiliser « l'hédonisme tragique » et non «le
pessimisme mortifière ». Car ce dernier tout comme le
christianisme, malgré quelques différences prises673(*), professent une même
haine de soi et de la vie.
Dans les pages qui suivent, nous examinons comment par le
truchement de l'hédonisme tragique, Michel Onfray brave en premier
lieu, le temps et la souffrance qui régissent la vie
(c'est-à-dire comment être vivant) et en second lieu la mort
(comment penser la mort).
Tout d'abord, pour dépasser le tragique dans la
vie, à savoir l'écoulement du temps et de la souffrance, et pour
s'écarter également de l'humilité chrétienne qui
invite au renoncement de soi, Michel Onfray nous invite à
célébrer l'instant (le temps) et à braver la
souffrance.
Pour ce qui est du temps, l'impératif
catégorique de l'hédoniste c'est l'usage du temps. Le seul qui
nous concerne quand l'écoulement et l'immobilité du temps nous
échappent. L'essentiel consiste donc à chercher la jouissance
là où elle se trouve, à vivre chaque seconde comme s'il
devait être la dernière, à extraire le suc de ce moment
unique et irrécupérable. Sinon, ça sera très tard
après car le temps perdu ne se rattrapera jamais. Onfray regrette que la
plupart imprégnés d'épistémè
judéo-chrétienne cherchent hors l'ici et le maintenant les
occasions de jubiler. A ses yeux, il faut se méfier de la lecture du
christianisme du temps : le passé, un âge d'or (avant le
péché d'Eve), le présent, un temps souillé et
lugubre auquel il faut renoncer. Et le futur, une belle rencontre avec le temps
passé. Pour Onfray, dans l'hédonisme tragique, il est un seul et
unique devoir : ne pas gâcher la vie.674(*)
Or le fait de profiter de sa vie est synonyme de la lutte
contre la souffrance laquelle le destin nous cache et à laquelle le
christianisme nous invite675(*) en nous faisant imaginer que grâce à la
souffrance on pourra gagner son passeport pour l'au-delà. La lutte
contre la souffrance chez Onfray s'est manifestée à travers
l'affirmation de soi dans chaque domaine de la société.
Il a fondé, à titre d'exemple, un
« hédonisme éthique » qui met au point une
« éthique élective » à même de
séparer, via l'amour-propre, les passions et les principes
sélectifs (langage, politesse) ceux qui me donnent de la joie et ceux
qui sont source de malaise. Cette « éthique
élective » nous protège de l'éthique
chrétienne de l'amour du prochain avec ses deux divisions : L'amour
du prochain des détenteurs du pouvoir qui humilient les autres
étant donn qu'ils sont des missionnaires de Dieu, et l'amour du prochain
du peuple qui oblige chacun à aimer l'infernal et l'abominable pour
l'amour du Dieu. Ces deux amours du prochain sont source de déplaisir
puisqu'ils sont à l'encontre d'une intersubjectivité joyeuse,
heureuse et utilitariste de part et d'autre.
Cet hédonisme au niveau des relations entre les
êtres se poursuit au niveau des relations entre les sexes. D'où
« l'hédonisme érotique ». Le but de cet
hédonisme est de permettre à chacun de construire avec joie sa
propre histoire sexuelle ou amoureuse. En élargissant la sphère
des possibilités, chacun se trouve à l'abri du couple fusionnel
et de ses conséquences fâcheuses : traiter la femme comme sa
propriété et se sentir pris dans un cercle vicieux
« rien, tout, rien ». A ce titre, seuls des bons
contractants, fidèles à la parole donnée et toujours
célibataires peuvent collaborer à réussir une histoire
bien choisie et non subie.
L'hédonisme se poursuit chez Onfray pour atteindre la
médecine. C'est l' « hédonisme
bioéthique ». Cet hédonisme se déploie dans une
bioéthique prométhéenne qui élut
Prométhée pour fabriquer la science, combattre la souffrance et
réaliser le corps élargi pour tout malade. Cette
bioéthique met en doute « la personne virtuelle »
des idéalistes chrétiens pour apporter le renfort à des
parents désireux d'enfants, elle écarte le corps chrétien
et favorise le « corps athée » et ceci pour
créer le « corps faustien » débarrassé
de ses manques, et enfin elle professe une authentique pédagogie de la
mort où la mort choisie serait de loin supérieure à une
vie subie. En ce sens, la bioéthique prométhéenne se bat
contre la bioéthique française débitrice au christianisme
mortifière de son enseignement.
Enfin, on assiste à un « hédonisme
politique » qui permet de passer d'un corps exclu et oublié
à un corps triomphant et gai. Cette politique s'est implantée
tout d'abord dans les origines modestes d'Onfray : une mère qui
fait le ménage chez des hommes riches, un père ouvrier agricole
qui subit les ordres de son patron, un frère pauvre et endetté,
et un enfant (Onfray avant) épouvanté par la fromagerie de son
village pour financer ses études.676(*) Mais, cette politique a fini par donner la parole
à tous les oubliés, les écartés et les invisibles
dans le monde des hommes de droite.
Toutefois cet hédonisme professé est
inconcevable en dehors de la question de la mort. Il faut, à l'encontre
de ce que prêche le christianisme, mourir vivant mais il faut aussi
mourir pour être vivant. C'est la fatalité de cette
dernière qui nous pousse à se consacrer entièrement
à la vie.677(*)
Puisque la mort, explique Onfray, va consumer un jour la vie,
du moins nous nous moquerons d'elle et nous la donnerons une vie qui a
été bien remplie. C'est ce qu'il a nommé
« affronter la mort ». Cette expression ne signifie plus
mettre fin à la mort, ce qui est impossible puisque pour ce philosophe
matérialiste la mort est naturelle et s'impose de manière
dictatoriale. Mais elle signifie le fait d'arriver à sa dernière
heure tout en étant debout, vivant et triomphant.678(*)
Fort de ces constats, Onfray établit que faute d'un net
affrontement de la mort, les chrétiens subissent le retour du
refoulé dans leur vie quotidienne.
A force de refuser la mort naturelle, ils ont
accéléré son avènement. Du coup, ils arrivent
à la dernière heure déjà éteints, morts et
pareils à des cadavres. Pas de meilleure façon de rendre un culte
à la mort.679(*)
Néanmoins, malgré le placement de son
système hédoniste dans le tragique
(l'inéluctabilité de la mort), bien que Michel Onfray trouve que
la mort nous donne de l'énergie plus qu'elle nous paralyse, on ne peut
pas nier que la mort ne cesse de pétrifier l'humanité toute
entière. Combien sont nombreux alors ceux qui gâchent leur vie
devant la pensée de leur propre mort ?
Pour faire l'économie de ces pensées et
défendre ses idées, Michel Onfray, après Montaigne, vient
établir une distinction entre « mourir » et
« avoir à mourir »680(*).
Le « mourir » ne nous concerne dans cette
vie que comme accélérateur de cette dernière. Toutefois,
personne ne peut rencontrer la mort de son vivant. Autant dire, personne ne
peut jamais la rencontrer puisque vivre c'est être, et mourir c'est tout
simplement ne pas être. Michel Onfray vient renouer avec la conception
épicurienne de la mort : la mort ne nous concerne ni mort, ni
vivant puisque lorsque nous sommes, elle n' y est pas et lorsqu'elle est, nous
ne sommes plus. Ceci dit, la mort ne doit pas nous épouvanter car aucun
vivant ne peut la heurter.681(*)
En revanche, si pour Onfray, comme pour Epicure, la mort ne
suscite aucune inquiétude de notre part, Onfray ne souscrit pas à
la thèse d'Epicure selon laquelle « la mort n'est rien pour
nous ». La mort pour Onfray, même absente, nous
préoccupe en tant que pensée : c'est le sens de
« avoir à mourir ».682(*) Or cette pensée fait
effectivement problème et donne du souci. A ce titre, il convient par
souci hédoniste d'agir sur cette représentation de la mort.
Là aussi, Michel Onfray reprend-t-il à son compte les
thèses d'Epicure sur la mort. Pour lui, la pensée de la mort ne
doit pas nous faire craindre et ceci pour les raisons suivantes :
La mort, tout d'abord, obéit à la loi atomique
qui régit l'univers. Tout provient du mouvement des atomes dans le vide
et tout va subir la décomposition des atomes. Les agencements qui
constituent chacun de nous se décomposent puis se recomposent pour
former une autre vie. Notre identité se perd alors dans cette
décomposition et avec elle les sensations, la conscience, la raison. De
ce fait même, personne ne doit éprouver la crainte car personne ne
peut subir la sanction et la damnation.683(*) Ces choses-ci requièrent alors une
identité bien déterminée.684(*)
Deuxièmement, la pensée de la mort ne doit pas
nous faire craindre, car tout homme est invit à être immortel. A
l'encontre de ceux qui affichent l'inutilité d'une vie qui se dirige
vers la mort, Michel Onfay vient montrer que la mort ne concerne que la
décomposition des atomes tandis que
l' « âme » survit à cette
opération physique. Qu'est-ce qu'à dire ? L'âme pour
ce philosophe athée n'a aucun rapport avec l'âme des
métaphysiciens et des religieux : l'âme immortelle qui subit
le tribunal divin. L'âme chez Onfray est ce qui demeure du mort vivant
dans la mémoire de ceux qui l'ont côtoyé, croisé,
connu, aimé. Cette âme est appelée par lui
« l'aura ». Si pour Benjamin l'« aura »
signifie l'oeuvre d'art unique. Il s'avère que pour Onfray, cette
« aura » peut être appliquée à toute
personne. D'où les impératifs catégoriques : enfanter
une identité avant de partir et éviter le ratage auquel nous
invite le christianisme.685(*)
En fin de compte, pour nous écarter de toute existence
creuse et pour nous inciter à mourir vivant, Onfray ne s'empêche
de crier : « chaque ligne de mes livres procède
d'une volonté farouche de déchristianiser la civilisation dans
laquelle nous passons furtivement, entre deux néants. Le séjour
me paraît trop bref pour qu'on le gâche par des croyances fautives
et infantiles. »686(*)
Après avoir exposé, à travers ces trois
parties, l'orientation générale de la philosophie de Michel
Onfray, notre partie analytique touche à son terme. Il est
indéniable que ce philosophe contemporain nous a ouvert de nouveaux
horizons infinément enrichissant sur le plan pédagogique,
historiographique, religieux, érotique, bioéthique... Dans ce
cadre, apparaît l'importance d'y s'arrêter un peu et de soutenir
une réfléxion critique sur certains points traités par
Onfray, avant de faire, dans la conclusion générale, le point sur
sa pensée.
Quatrième partie : Examen
critique
René Daumal687(*) considère que : « la seule chose
qu'un livre peut nous apporter est une question. »688(*). Or cette aptitude à
interroger le lecteur est aisément repérable dans l'oeuvre de
Michel Onfray. A ce propos, on pourra se rallier à son avis ou s'y
opposer activement mais dans les deux cas, on ne peut s'empêcher de lui
poser et de se poser des questions. L'originalité de ce philosophe est
donc d'inquiéter simultanément les adversaires et les
partisans.
Dans ce qui suit, nous restons fidèle à
Michel Onfray et nous nous attachons 689(*) à faire usage du premier mouvement
revendiqué par tous ceux qui désirent l'édification de
soi. Ce mouvement a été appelé par Onfray « le
questionnement de la vie » qui précède « la
sculpture de soi », l' « avènement de la
forme » ou « la transfiguration de la vie ».
Comme nous n'avons pas encore créé d'une façon
définitive notre propre philosophie, nous nous limitons à la
première étape de tout travail philosophique : le fait de
questionner la vie or cette vie est en relation étroite avec soi, autrui
(Onfray, ses adversaires et ses adeptes) et l'époque dans laquelle nous
vivons.
Quatre points méritent une attention
particulière dans le système philosophique établi par
Onfray : la possibilité d'une bioéthique
prométhéenne (voir l'introduction du mémoire et le
chapitre V de la troisième partie), Jésus, un personnage
conceptuel (voir deuxième partie, chapitre III, A), la guerre entre
l'Occident judéo-chrétien et l'Orient musulman (voir
troisième partie, préambule) et enfin les contradictions internes
du système forgé par Onfray. Nous examinons successivement chacun
de ces quatre points.
A. La possibilité d'une bioéthique
prométhéenne :
La première question que nous posons tient au
récit de la Genèse à partir duquel Onfray s'inspire pour
élaborer sa thèse : le triomphe de la vraie philosophie
à la religion et la philosophie idéaliste. Autant dire de
l'intelligence, de la rébellion, de la vie contre
l'imbécillité, la soumission et la mort.
Ce faisant, nous sommes amenés à poser avec
Mathieu Baumier690(*)
l'auteur de L'anti traité d'athéologie « la
philosophie peut-elle lire la Genèse en lui attribuant un sens
unique ? »691(*). Le paradis, le péché originel, Eve,
le fruit défendu, la mort, le rachat des fautes, etc. doivent-ils avoir
une lecture à sens unique ? Et Baumier d'ajouter :
« pour répondre par l'affirmative, il faudrait ignorer les
oeuvres de penseurs comme Paul Ricoeur ou René
Girard. »692(*) Selon ces deux penseurs693(*), la Bible de part sa
richesse impose une pluralité de lectures et d'interprétations.
A ce titre, nous privilégions une
interprétation immanente et non transcendante de la Bible. A travers
cette interprétation, nous montrons à la fois une lecture
alternative à celle de Michel Onfray et à celle des
idéalistes puisqu'elle met la vie ici-bas au centre des
préoccupations de ce récit. Néanmoins, il n'est pas
question ici de trancher si le christianisme est fondé sur la pulsion de
vie ou sur la pulsion de mort. A nos yeux, le récit de la Genèse
relève du mythe or la force du mythe c'est de nous renseigner sur
l'existant par le truchement des symboles. Dans cette logique, nous embauchons
ce mythe pour des questions existentielles. Ce questionnement vise
essentiellement la possibilité d'une bioéthique
prométhéenne.
Retournons à Baumier pour l'interprétation
de ce mythe694(*).
Baumier voit tout d'abord que « le jardin paradisiaque » ou
« le paradis » dont parle la Genèse n'est pas le
paradis céleste. Il est plutôt la nature qui nous entoure, le
monde dans lequel nous vivons, le sol, la terre. En somme, la vie ici-bas.
Cette dernière, remarque Baumier, va être
exploitée par l'homme qui considère le jardin paradisiaque comme
sa propriété et duquel il peut user à sa guise. Cet acte
nocif est ce qu'on nomme « le péché
originel ». Le péché n'est pas toutefois l'apanage
d' « Eve », la première femme de
l'humanité, puisqu'il est le fait de tout un chacun et de tout temps.
Baumier écrit alors : « il me semble que
considérer cette femme comme une victime de la haine immémoriale
parce qu'elle serait jugée responsable de la faute originelle traduit
une lecture simpliste de la Bible (...) le rôle mythique d'Eve est un
rôle essentiel. Eve est la première personne humaine
tentée. Elle n'est pas la dernière. »695(*). Dans cette logique, Eve
symbolise l'humanité toute entière qui en mangeant du jardin
(donc nuit à la terre) va travailler à sa perte, à la
perte de sa vie et à celle de l'humanité future.
Il est notable que ce qui a poussé Eve à
pécher, c'est le fait d'être tentée, or cette tentation ne
provient pas du serpent, cet animal que nous voyons parler avec Eve. Mathieu
Baumier est fidèle ici à l'interprétation de Paul
Ricoeur696(*) selon
laquelle le serpent est le mal qui loge à l'intérieur de chacun
de nous. Baumier appelle ce mal le
« Prométhée » qui met en danger la vie sur
terre.
D'où la punition qui nous attend : être
mis à la porte du paradis c'est-à-dire être mort de son
vivant. C'est le vrai sens de la « mort » selon Baumier et
c'est cette mort que chacun de nous va la combattre.
Toutefois, ajoute Baumier, chacun de nous peut triompher
sur cette punition en rachetant simplement sa faute. Le rachat y est dans cette
vie en sauvegardant le monde dans lequel nous vivons.
Finalement Mathieu Baumier constate : « c'est en
cela que certains courants écologistes contemporains, réunis sous
le terme générique d'écologie des profondeurs, relisent la
Genèse et considèrent qu'elle est un texte fondateur. »
697(*)
Parmi les plus célèbres de ces
écologistes, nous pouvons citer Hans Jonas qui dans son ouvrage, Le
Principe responsabilité a formulé un impératif sous
un quadruple mode : « Agis de façon que les effets
de ton action soient compatibles avec la permanence d'une vie authentiquement
humaine sur terre. »698(*). Dans cet impératif, se lit la volonté
de la sauvegarde de la vie chez Hans Jonas. La protection de cette vie peut
passer par l'éthique de l'environnement, par la bioéthique...
Nous nous penchons particulièrement sur la bioéthique pour la
simple raison que celle-ci a été analysée par notre
philosophe (Onfray).
Jonas s'emploie à mettre en oeuvre une éthique
nouvelle qui dépasse l'éthique traditionnelle formulée par
Kant. L'éthique traditionnelle avait condamnée le contenu au
profit de la forme or, remarque Jonas, les changements de l'agir humain dans
nos jours réclament une nouvelle éthique.699(*) Ceci a été
bien dit par Jonas dans la préface de son ouvrage Le Principe
responsabilité : « Le Prométhée
définitivement déchaîné, auquel la science
confère des forces jamais encore connues et l'économie son
impulsion effrénée, réclame une éthique qui, par
des entraves librement consenties, empêche le pouvoir de l'homme de
devenir une malédiction pour lui. La thèse liminaire de ce livre
est que la technique moderne s'est inversée en
menace. »700(*)
Il est nécessaire ici de séparer entre la vision
de Prométhée chez Michel Onfray et chez Hans Jonas bien que nous
trouvions que ces deux penseurs peuvent bien s'accorder dans la défense
de la vie.
Notre lecture de la bioéthique
prométhéenne de Michel Onfray montre cette équivalence
établie entre Prométhée et le chirurgien.
Prométhée est donc celui qui élit la science et jette la
croyance.
L'élection de la science chez Onfray fait preuve que la
science est amorale. Celle-ci vise un domaine où il n'y a ni bien ni mal
mais plutôt santé et souffrance. Dans ces conditions, la science
n'a besoin d'aucune éthique et la bioéthique proposée par
Onfray n'est qu'un encouragement pur et simple de tout ce qui est scientifique.
Ainsi posée, cette bioéthique prométhéenne peut
basculer vers un positivisme scientiste ou un scientisme.701(*)
A l'inverse de cette position, Jonas trouve que
Prométhée n'est pas la science mais ses effets pervers sur la vie
humaine. A ce compte, la bioéthique, pour lui, ne doit pas rester
neutre devant les graves mutations de l'agir humain. Elle doit poser sa
responsabilité (d'où le titre de son ouvrage le principe
responsabilité), dire son mot, préciser ce qui est
légal et ce qui ne l'est pas..
En s'appuyant sur les analyses de Jonas, Jacqueline Russ a
défini la bioéthique de la façon
suivant : « Bioéthique vient, en effet, du mot
éthique et de bios (vie, en grec). Elle peut désigner,
dès lors, ou bien une réflexion sur les valeurs
subordonnées à Bios, la vie, ou bien une métamorale
s'intéressant aux enjeux et aux retombées de la biologie et de la
médecine. »702(*) A ce titre, si le discours scientifique
s'intéresse au comment de la bios, de la vie, de son évolution et
de son amélioration. Le discours éthique s'intéresse au
pourquoi de cette vie, à sa fin, à sa valeur. Sans ce dernier
discours, on est dans l'incapacité de fonder la bioéthique sur la
responsabilité, et cette perte de responsabilité équivaut
corrélativement à une perte de la bioéthique
elle-même. Peut-on dès lors imaginer une éthique de la
biologie et de la médecine qui s'attache à se libérer du
poids des débats éthiques ?
Cette revendication de la responsabilité, nous la
trouvons encore chez un scientifique et non un théologien : il
s'agit de Jean Bernard. Dans l'avant-propos de son ouvrage La
bioéthique, Jean Bernard avait posé dans un premier temps la
nécessite de la science, de la connaissance et dans un deuxième
temps la nécessite de la réflexion éthique. Nous lisons
alors : « La médecine a évolué (...)
l'homme d'autrefois était vieux à quarante ans (...).
L'espérance de vie est aujourd'hui, en France de soixante et onze ans
pour le sexe masculin, quatre-vingt-un ans pour le sexe féminin. Deux
révolutions se sont succédées. La première, la
révolution thérapeutique (...). La seconde, la révolution
biologique (...). Ces deux révolutions ont transformé le destin
des hommes. »703(*) Néanmoins, ajoute Jean Bernard
« Mais elles ont posé des questions morales nouvelles
ignorées de nos devanciers. »704(*)
En lisant ces deux passages, on remarque que la science offre
sans contredit un terrain favorable à l'expansion de la vie. Et si l'on
a prêté l'oreille à certains adversaires de la science,
nous restons toujours exposés à endurer les douleurs des
septicémies, de la diphtérie, de la tuberculose.705(*) Jusqu'ici, Jean Bernard et
Michel Onfray peuvent bien s'entendre.
Toutefois, Jean-Bernard dépasse Onfray en ajoutant que
Prométhée pourra nuire à la vie si l'on n'a pas rendu
active la réflexion éthique. D'où la
nécessité, pour ce scientifique, des comités
d'éthique qui comportent aussi bien les philosophes, les sociologues,
les juristes que les médecins et les biologistes. Ces comits exigent que
toute recherche scientifique acquière avant d'être
appliquée l'approbation des divers membres du Comité. Fini alors
les chercheurs ou les Ponce Pilate qui se contentent de
dire : « j'ai fait une découverte. Les
conséquences ne me concernent pas. Que les sociétés
humaines se débrouillent. Je m'en lave les mains. »706(*) Il est notable aussi
qu'à l'encontre de ce qu'avancent les uns, Jean Bernard trouve que ce ne
sont pas les spiritualistes qui doivent s'attribuer le monopole de la
décision. Ces comits sont ouvertes à ceux qui croient et à
ce qui n'y croient pas, aux spiritualistes et aux matérialistes
puisqu'il y a un but commun unissant les deux : dresser un
réquisitoire contre les mauvais effets du secteur médical afin
que tout homme et tout l'homme soit respecté.707(*)
Pour mettre en exergue le rôle de la réflexion
éthique dans l'application des nouvelles techniques, nous examinons
principalement certains exemples donnés par Onfray et nous essayons de
les faire passer au crible de la raison critique.
Afin de favoriser la vie, Michel Onfray a soutenu sans
restriction la P.M.A, la greffe, le clonage, la médecine
prédictive et l'euthanasie. Par rapport à l'euthanasie, nous
sommes sans conteste favorables à cette pratique si et seulement si le
patient n'est qu'un mort-vivant. Dans ce contexte, il fallait séparer
entre la maladie incurable et l'état végétatif chronique.
Jean Bernard définit cet état de la façon
suivante : « l'état végétatif
chronique survient parfois après une maladie (...) De très
nombreuses fonctions du cerveau ont disparu. D'autres fonctions persistent
(...) le retour à une santé normale, à une conscience
normale est exceptionnel, mais n'est pas tout à fait
impossible. »708(*) A ce compte, la mort douce est légitime
uniquement dans le cas des maladies incurables. Néanmoins, pour les
autres pratiques nous trouvons qu'il fallait dans certains cas émettre
des réserves sur leur application. Cette restriction devient urgente
lorsque ces pratiques s'acheminent vers la pulsion de mort plus que vers la
pulsion de vie.
Tout d'abord, dans le cadre de la P.M.A, nous pouvons
critiquer la pratique des mères porteuses qui déforme le
rôle éminent de la mère plus qu'elle ne résout le
problème de la stérilité. L'épithète
« porteuse », nous dit Jean-François
Mattei709(*), confine la
mère à son simple rôle d'incubateur qui consiste à
abriter l'enfant jusqu'à l'accouchement. Dans cette perspective, Mattei
voit qu'on pourra un jour recourir à l'utérus d'une guenon ou
d'un autre mammifère pour porter l'enfant.710(*) Cette pratique des
mères porteuses fait abstraction du dialogue et des échanges qui
se déroulent entre la mère et l'enfant. Ce qui est paradoxal,
c'est que Onfray lui-même a parlé de ce dialogue entre la
mère et son fils quand il a abordé la question de la naissance de
l'humain (voir première patrie). L'enfant, à son dire,
réagit aux parfums, aux vibrations de la voix, aux jouissances et aux
angoisses de sa mère.711(*) La position de Michel Onfray se trouve dans une
position critique face à la technique des mères porteuses. En
plus, ce qui donne consistance à cette position, c'est que certaines
mères porteuses refusent de donner l'enfant à ses parents sociaux
ou biologiques.712(*)
Dans le cadre de la procréation médicalement
assistée, nous pouvons critiquer également la conception
après la ménopause défendue par Michel Onfray. Mattei
avance que l'inégalité de l'homme et de la femme vis-à-vis
de l'âge de la procréation n'est pas une malédiction mais
elle est due à cette inégalité de participation dans la
conception de l'enfant. Le rôle du père y est
éphémère alors que la gestation revendiquée de la
mère exige d'elle des efforts physiques et des tensions psychologiques
considérables. Mattei fait la remarque suivante : « la
grossesse est, en effet, une épreuve pour l'organisme féminin, et
les risques cardio-vasculaires, ostéo-articulaires,
musculo-ligamentaires augmentent avec l'âge et ne sont pas sans
conséquence sur l'enfant. (...) Pour toutes ces raisons, les grossesses
après la ménopause me semblent un contresens
naturel. »713(*)
De la P.M.A, on passe à la greffe toujours avec cette
intention d'interroger la moralité de ces pratiques. Là nous-nous
demandons : Peut-on concevoir un être humain dans le dessein de
guérir un autre atteint d'une maladie ? Ce problème
éthique a été évoqué simultanément
par les deux médecins français Jean Bernard et
Jean-François Mattei. Les deux avouent qu'ils se confrontent souvent
à des demandes étranges : Les parents d'un enfant
leucémique veulent concevoir un autre enfant pour greffer sa moelle sur
le corps de son frère. Et si le problème d'incompatibilité
des deux enfants se posait, ces parents ne récusent aucune interruption
de grossesse qui sera sans cesse renouvelée jusqu'à ce que
l'enfant « prothèse » soit compatible avec l'enfant
voulu. De même, ajoutait Mattei, on fabrique parfois des clones
destinés uniquement à fournir des organes à des sujets
adultes nécessitant un foie, un coeur ou un rein. A ce compte nous
posons à Onfray : ces êtres à dispositions des autres
ne sont-ils pas limités au statut des pièces
détachées ? La greffe qui sauve la vie des uns ne peut-elle
réduire à rien la dignité humaine des autres ?
La troisième pratique critiquée est la
médecine prédictive. Michel Onfray a avancé que
grâce à la médecine prédictive qui consiste à
identifier certains gènes, on pourra prédire l'avenir de chacun.
A son tour, Mattei trouve que la boule de cristal ou le jeu de tarot vient
céder la place à l'analyse biologique des molécules d'ADN.
Grâce à l'identification des gènes
délétères, on pourra prévenir vite les patients des
maladies qu'ils risquent de développer au cours de leur vie et
travailler par la suite à empêcher la maladie de survenir à
travers la prescription d'un traitement préventif. Ceci est vrai
uniquement pour certaines maladies cardio-vasculaires, rénales,
oculaires, neurologiques, psychiatriques et diabétiques. Toutefois, la
médecine prédictive perd toute sa valeur lorsque tout traitement
préventif ou curatif fait défaut. C est ainsi, depuis
l'identification du gène de la chorée, de la myopathie et de la
maladie d'Alzheimer, on est dans l'incapacité de triompher à
ces pathologies qui conduisent inéluctablement à la mort de la
personne concernée. La prédiction dans ce cas mène
à la pulsion de mort. Certains malades, pour se dérober à
la fatalité du destin, prennent le parti de se suicider. Ils
préfèrent mourir immédiatement au lieu d'attendre avec
souffrance l'inéluctabilité de leur mort durant quelques
années. (vingt ans pour la myopathie, quarante ans pour la chorée
et soixante ans pour la maladie d'Alzheimer.). De même, certaines femmes
ayant connaissance qu'elles sont porteuses du gène du cancer de sein, ne
voient leur guérison qu'à travers l'amputation de leurs seins et
de leurs ovaires. A travers le diagnostic de cet oncogène (gène
responsable du développement d'une tumeur), le médecin se trouve
face à un dilemme : accepter la demande de la patiente ou renoncer
aux connaissances qui ne sont pas toujours souhaitées.714(*)
Enfin, nous parlons de la dernière pratique :
le clonage reproductif. Par rapport au clonage, celui-ci met à mal tous
les liens de parenté entre les hommes. Avec cette pratique, l'être
clonal devient un jumeau à sa mère et un fils à sa
grand-mère. Cette disparition des liens de parenté
dénature à son tour tous les liens d'affectivités et les
sentiments chez l'homme. On peut dire également que le clonage
reproductif constitue une menace pour la dignité de l'être clonal.
Certes, comme l'a montré Onfray, l'interaction avec le monde est
indéniable, mais on se demande : quel être humain peut-il
imaginé, sans aucun risque psychique, qu'il est un clone provenant d'un
autre ?
Bref, en appliquant la métaphore de la Genèse
à l'existant, on pourra se prémunir dans le domaine
biomédical du Prométhée sans pour autant récuser le
progrès scientifique. D'où les deux écueils à
éviter : le laisser-faire où le médecin qui
maîtrise la technique se voit comme un prestataire de service et le
malade comme un consommateur. Et le pur-renoncement où se déploie
la tentation du refus catégorique de la recherche.715(*) Ce sont d'ailleurs, les deux
objectifs fixés par Joseph Maalouf dans son ouvrage : Que la
nécessité d'un débat éthique du progrès
scientifique soit plus pressante. Et que les religions regardent ce
progrès d'un esprit ouvert et objectif.716(*)
B. L'historicité de Jésus :
Le deuxième point dans le système d'Onfray qui
suscite notre questionnement c'est l'historicité de Jésus.
Jésus est-il un personnage mythique ou historique ?
Là encore, nous nous référons à
Baumier Mathieu mais pour citer un autre penseur c'est John P. Meier.717(*) Ce penseur a écrit
dans son ouvrage consacré à Jésus Un certain juif,
Jésus : « le plus étonnant, c'est qu'il soit
des juifs ou des païens cultivés pour connaître son existence
[Jésus] ou y faire allusion au cours du I e siècle ou au
début du II e siècle »718(*). Partant de ce passage
écrit par Meier, nous nous proposons de s'écarter des sources
chrétiennes qui attestent l'historicité de Jésus et nous
nous penchons, en revanche, sur des sources païennes et juives donc
non-chrétiennes voire opposées au christianisme, pour
résoudre la problématique de l'historicité. Pour ce faire,
nous citons des passages qui mentionnent le nom du
« Christ » ou « Jésus » sans
prendre ceux qui mentionnent « chrétiens » ou
« christianisme ». La raison en est que Michel Onfray,
profondément anti-chrétien, parle aussi du christianisme
inventé par l'hystérique Paul de Tarse mais il pose, pour autant,
Jésus comme fiction. Dans les pages qui viennent, nous citons, des
historiens romains, païens et juifs.
Tout d'abord, en 112 ap. J.C, Pline Le Jeune719(*) a écrit une lettre
à l'Empereur romain, Trajan dans la quelle il est question des
chrétiens : « Les chrétiens arrêtés
affirment que leur culpabilité ou leur erreur sont limitées
à se réunir en un jour fixe, avant le jour, pour chanter des
hymnes à Christ comme à un dieu, et se lier par un voeu
solennel non pour quelque mauvaise action, mais à ne jamais commettre de
fraudes, de vols, d'adultère, à ne pas trahir leur parole, et
à ne pas renier leur foi si on leur demandait. »
(Epîtres X, 96) 720(*)
A son tour, Tacite721(*) vers 115 évoque dans ses Annales le
nom du Christ en parlant de l'Empereur romain Néron qui accusa les
chrétiens d'avoir incendié Rome : « Néron
a infligé les tortures les plus recherchées à ces hommes
qui sous le nom commun de chrétiens, étaient déjà
marqués par la plus mérite des infamies. Leur nom tire son
origine de Christ qui, sous le règne de Tibère avait
subi la peine de mort part un décret du procurateur Ponce
Pilate. » (Annales 1 XV& 44)722(*)
De son côté, Flavius Josèphe723(*) écrit dans les
Antiquités juives deux passages dans lequel il figure le nom du
Christ : « Maintenant il y avait, en ce temps-là, un
certain Jésus, un homme sage, s'il est permis de l'appeler un
homme, parce que c'était un faiseur de miracles et un enseignant qui
enseignait de telle manière que les hommes l'écoutaient avec
plaisir. Il s'attirait après lui, à la fois beaucoup de Juifs, et
beaucoup de Gentils. C'était le Christ, et lorsque Pilate le
condamna à être crucifié, à la suggestion des
principales personnalités parmi nous, ceux qui l'aimèrent depuis
le début ne l'abandonnèrent pas ; parce ce qu'il leur
apparut de nouveau le troisième jour, comme le leur avaient
annoncé les prophètes, ainsi que disent milles autres merveilles
à son sujet. Et la tribu des chrétiens, ainsi nommée
d'après son nom, n'est pas encore éteinte à ce
jour. » (Antiquités, Livre XVIII chap.3
&3)724(*). Et il
ajoute : « Anan (...) convoqua un Sanhédrin des
juges et fit comparaître le frère de Jésus
-appelé-Messie et quelques autres. Il les accusa d'avoir transgresser la
Loi et les livra pour être lapider. » (
Antiquités XX, 9 &1)725(*).
Autre preuve de la présence réelle de
Jésus ce fut la crucifixion. Michel Onfray est résolu à
mettre en cause la crucifixion de Jésus car, à son avis, montrer
qu'une preuve de l'existence de Jésus est hypothétique c'est
équivalent à prouver que l'existence de Jésus
elle-même est contestable. Or nous allons, moyennant les analyses de
Mathieu Baumier, suivre un cheminement inverse : établir la
vérité de la crucifixion pour fonder l'historicité de
Jésus.726(*)
Baumier va montrer tout d'abord qu'à
l'Antiquité romaine, la croyance en la divinité de l'empereur au
pouvoir mais aussi en celle du panthéon des empereurs
décédés est un devoir imposé à tous ceux qui
vivent dans l'Empire. Ceci se montre à travers l'offrande des sacrifices
dans les cultes privés et publics pour rendre hommage aux empereurs
romains. Dès lors, toute infraction à ce devoir sacré est
susceptible d'encourir la peine capitale. A ce que nous rapporte Mathieu
Baumier, cette méthode fut employée fréquemment par les
représentants politiques des empereurs romains, du II au début du
IV siècle, pour distinguer les chrétiens hostiles aux sacrifices
de ceux qui sont favorables aux lois romaines. Cette méthode fut, en
effet, à l'origine des persécutions subies par les
premières communautés chrétiennes.
Or Jésus le Juif bien avant les communautés
chrétiennes, a mis en question la loi romaine car il croit comme tout le
peuple juif à l'époque en l'existence d'un Dieu unique, un Dieu
qui est tout à fait différent des divinités romaines.
Là-dessus, Baumier trouve que le raisonnement de Michel Onfray
était contradictoire. D'un côté, il affirme que la
crucifixion de Jésus est réfutable. Cette « crucifixion
suppose une mise en cause du pouvoir impérial, ce que le crucifié
ne fait jamais explicitement. »727(*). Et, d'un autre côté, il écrit
que Jésus « fournit le patronyme emblématique de tous
les juifs qui refusent l'armée d'occupation romaine et disposent pour
seule arme de leur bonne foi soutenue par la croyance que leur Dieu peut
accomplir des miracles et les libérer du joug
colonial. »728(*). A en croire Baumier, la cause qui était
implicite dans le premier paragraphe devint explicite dans le second.
Jusqu'ici on a appris que Jésus, le rebelle,
méritait une peine capitale mais rien ne fait preuve de la nature de
cette peine ? Jésus a-t-il été crucifié ou
lapidé ?
Pour répondre à cette question, Baumier rapporte
que la crucifixion est une peine capitale qui appartient au droit romain et
elle concerne tous ceux qui ne sont pas citoyens romains. Tandis que la
lapidation est une peine capitale appartenant au droit juif. Au dire de
Baumier, Jésus est mis à mort selon le droit romain et non selon
le droit juif. Cette idée trouve sa justification dans le but
visé par le préfet romain : ce que veut Ponce Pilate
était le maintien de son autorité et le règne de l'ordre
en Rome. Il trouve alors dans les autorités juives de bonnes
alliées car en tuant leur véritable ennemi (le prétendu
Messie), il peut obtenir, en contrepartie la soumission des autorités
juives et l'exercice de son pouvoir sur tout l'Empire. Faveur contre faveur. Le
résultat : la crucifixion d'un Jésus réfractaire
à l'autorité romaine.729(*)
Bref, d'après ces différentes citations
repérées, on pourra dire que la thèse de Jésus,
personnage historique prend le dessus sur celle de Jésus, personnage
mythique, car un ennemi à l'encontre de l'ami n'à aucun
intérêt dans cette histoire d'idées.
Il est notable à la fin que le fait de prouver
l'existence historique de Jésus n'a aucun rapport à la croyance
au Jésus. Meslier, cet alternatif exhumé par Onfray, a
lui-même cru à l'existence de Jésus tout en le
considérant comme fou, vil, méprisable et homme de
néant.730(*)
De même, les Pères de l'Eglise croient à
l'existence de Jésus tout en le trouvant le fils de Dieu. Il est donc
nécessaire de séparer le Jésus historique du Jésus
de la foi.
C. L'Occident judéo-chrétien et l'Orient
musulman :
En observateur de la guerre religieuse qui a menacé
et qui menace le monde, Michel Onfray, comme nous l'avons déjà
montré, a dit son projet d'instituer par la philosophie et non par la
force « l'athéisme athée » qui s'avère
le seul remède propice.
Certainement, la solution donnée par Onfray est
considérable car, à notre avis, seul l'athée permet de
lancer des ponts entre les hommes, alors que les croyants qui portent des
étiquettes lourdes (en tant que sunnite, en tant que maronite, en tant
que druze....) ne font qu'élever des murs et s'abstenir de voir l'homme
en tant qu'homme.731(*)
Dans ces conditions, il est tort de croire que seule la perte d'identité
(c'est -à-dire la religion pour les uns) permet de rencontrer l'autre
car, à notre avis, la religion n'est pas ce qui fait ce que l'homme est
ce qu'il est. L'essence de l'homme réside, en revanche, dans sa nature
humaine et athée. Nous naissons athées, mais nous devenons
croyants. A ce titre, nous reprenons à notre compte la phrase de Ghazali
selon laquelle les fils des chrétiens sont dirigés
spirituellement vers le christianisme, ceux des musulmans vers l'islam, ceux
des juifs vers le judaïsme.732(*)
Cependant, bien que nous soyons favorables à la
résolution d'Onfray, il reste que deux remarques peuvent s'imposer
à la façon dont Michel Onfray sépare le monde. Pour lui,
ce monde est divisé entre un Occident, avec en tête les
Etats-Unis, judéo-chrétien et un Orient musulman. Or cette
idée mérite d'être discutée, car d'une part Michel
Onfray ne traite pas à fond la conjonction entre le christianisme et le
judaïsme. Quel est le sens conféré au
judéo-christianisme ? Y a-t-il des chrétiens qui se
dégagent de la liaison avec le judaïsme ? Ou bien toutes les
sectes au sein du christianisme se valent-elles à ce propos ? Et
d'autre part, Michel Onfray laisse penser que les Etats-Unis mettent tout le
monde musulman dans le même panier en faisant abstraction de la
diversité qui régit ce monde. A cet instar, nous nous
demandons : les Etats-Unis n'ont-il pas séparé entre une
secte et une autre au sein de l'islam ? Les Etats-Unis ne sont-ils pas
parvenus à une entente avec l'une des sectes qui servira leurs
intérêts ?
C'est afin de résoudre ces questions que nous
montrons dans un premier lieu en quoi les évangéliques se
séparent des autres chrétiens et en un second lieu nous montrons
comment les Etats-Unis ne tiennent aucune attitude unilatérale à
l'égard d'aucune secte de l'islam mais que ses visées varient en
fonction des circonstances et des évènements produits.
Commençons par le premier point. Les
évangéliques, à l'encontre des autres chrétiens,
sont ceux qui croient au deuxième retour du Messie. Dès lors,
pour accélérer ce retour, ils soutiennent la fondation de l'Etat
d'Israël en Palestine et le rassemblement du peuple juif dans la Terre
sainte car, à leurs yeux, le Christ ne reviendra en terre promise
qu'après le retour de tout le peuple juif. Ces
évangéliques trouvent que le Moyen-Orient va entrer dans une
série de guerres jusqu'à la guerre d'Armageddon ou la
bataille finale dans laquelle Israël (l'axe du Bien) va triompher au monde
arabe (l'axe du Mal). Sur ce, le Messie descendra pour bâtir le royaume
de Dieu en Israël. Ce royaume va durer mille années.733(*) Pour parfaire la
prophétie biblique, les évangéliques et l'Etat
d'Israël devraient donc se prêter main forte. On se propose alors de
parler de trois mesures adoptées pour imposer leur suprématie.
Tout d'abord, les évangéliques mettent à
disposition des juifs qui s'installent à Rome les capitaux
nécessaires pour les faire immigrer en Israël :
« selon le rabbin Yechiel Eckstein qui dirige une des principales
agences de collecte de fonds pour Israël auprès des
évangéliques états-uniens, son association a receuilli, en
l'espace de sept ans plus de 100 millions de dollars
états-uniens »734(*)
Deuxièmement, les évangéliques
s'emploient à gagner un grand nombre des chrétiens arabes et
à imposer par la suite leurs idées favorables à
Israël. Au Liban, nous lisons dans ce même article que des
missionnaires évangéliques en contact avec l'ambassade des
Etats-Unis, sont chargés chaque été d'organiser des
sorties (concerts, festivals, rencontres sur les plages) dans lesquels ils
exhortent les jeunes, surtout maronites, à se rallier à leur
secte. Ces sorties sont associées à plusieurs avantages offerts
aux chrétiens : promettre un visa pour les Etats-Unis, apporter
l'aide nécessaire pour leurs études et leurs emplois. Cette
procédure de conversion des chrétiens
non-évangéliques, nous la trouvons mêmement en Iraq, en
Syrie (mais d'une manière discrète) et en Palestine.735(*) Toutefois, la plus grande
conversion se déroule en Iraq car pendant la guerre, les Irakiens se
sont appauvris et un certain nombre d'entre eux trouvent dans les
facilités offertes par les missionnaires évangéliques un
havre longtemps revendiqué. Mazen, un ingénieur civil de Mossoul
décrit hardiment son état qui coïncidera avec l'état
d'un grand nombre d'Irakiens. « Le christ est le même dans
toutes les Eglises. Si je quitte l'Eglise syriaque-orthodoxe pour
adhérer à l'Eglise évangéliste, je m'assurerais un
emploi, des allocations pour mes enfants.... »736(*)
Troisièmement, Israël - l'alliée des
évangéliques - se bat avec détermination pour l'exode des
chrétiens d'Israël et de Palestine. Seulement les
évangéliques sont très bien accueillis par les dirigeants
israéliens. Selon les médias israéliens, le nombre des
chrétiens des territoires occupés qui représentaient, il y
a quelques années, 15% ne représentaient aujourd'hui que 2 ou 3%.
De même, les chrétiens d'Israël qui constituaient en 1948 le
cinquième de la population israélienne ne
représentaient aujourd'hui que 10%. Le départ des
chrétiens relève de la responsabilité des dirigeants
israéliens qui imposent des actions coercitives aux Palestiniens. Mais
comme les Palestiniens chrétiens sont plus aisés que les
musulmans, ils choisissent le départ plutôt que vivre
étrangers dans leurs pays. Parmi ces mesures abusives, on cite la
difficulté d'accès aux études universitaires pour les
Palestiniens tant en Israël que dans les territoires occupés. En
Israël, par exemple, les Palestiniens qui ont la citoyenneté
israélienne trouvent beaucoup de difficulté à faire des
études universitaires et encore plus à se spécialiser en
médecine et en architecture, ces deux formations les plus
désirées. De même, dans les terres occupées il est
impossible de préparer un Doctorat et Israël refuse
catégoriquement de recevoir des citoyens non israéliens dans ses
propres universités. Le seul moyen pour les étudiants de suivre
leur étude était de partir à l'étranger. Or les
chrétiens ont une relation étroite avec les Églises
étrangères, ce qui facilite également leur départ
par rapport aux musulmans. L'oppression de l'Etat d'Israël ne se limite
pas à l'exode mais s'étend également au retour des
émigrés. En dépit du droit international, Israël ne
permet pas aux Palestiniens de retourner aux terres occupés et d'y
résider qu'un temps limité.737(*) Elle leur donne tout d'abord des visas touristiques
à renouveler chaque deux ou trois mois pour finir à refuser leurs
visas et les pousser hors Palestine.
Ces trois mesures prises nous montrent que tous les
chrétiens ne sont pas avec le judaïsme, comme prétend
Onfray, sinon pourquoi employer toutes ces forces inutilement. Pour consolider
cette opinion, nous nous appuyons sur quelques témoignages soulignant la
répugnance des chrétiens eux-mêmes à l'égard
des évangéliques.
Notre référence, à ce propos, est le
père Raphaël Benyamin, curé du village chrétien de
Ain-Kawa près de Mossoul.738(*) Ce père témoigne que les Eglises
traditionnelles se défient des Eglises évangélistes et de
ses missionnaires. Il s'exprime ainsi : « lors de
cérémonies religieuses, nous expliquons aux fidèles que
ces missionnaires sont en réalité des agents américains
qui cherchent à soudoyer les Irakiens avec leur argent. (...) nous
répétons aux fidèles qu'il faut interdire à ces
gens l'accès à leurs résidences et aux lieux de
rassemblement de leurs enfants. ». De même, ajoute le
père Benyamin, ces missionnaires ne se limitent pas à convertir
les chrétiens mais ils attisent également la haine entre les
chrétiens et les musulmans d'Iraq en poussant certains musulmans
démunis à adhérer à leur secte. Benyamin explique
que depuis longtemps les chrétiens et les musulmans vivaient ensemble
sans que chacun cherchait à se mêler dans la croyance de l'autre.
Leur relation se restreint au commerce et aux visites de courtoisie.
Subitement, le prêche appliqué par les évangélistes
perturbe le calme qui régit dans le pays et pousse les
extrémistes musulmans à massacrer les chrétiens innocents
du pays. Face à ce paysage désastreux, le père Benyamin
poursuit : « Nous tentons en toute occasion d'expliquer aux
chefs religieux musulmans les divisions qui existent au sein de l'Eglise. Nous
leur disons que ces gens ne dépendent d'aucune autorité
religieuse connue. Mais parfois, il nous semble que nos paroles tombent dans de
sourdes oreilles. ». Et il ajoute : « qu'ils
soient soldats ou évangélistes, les Américains cherchent
à nous anéantir. Mais des milliers de martyrs chrétiens
sont morts sur cette terre. Nous leur devons ce combat. »
De son côté, le pape Benoît XVI vient
développer une conception analogue à celle du père
Benyamin. L'événement le plus marquant l'été
passé était le refus du pape de recevoir la secrétaire
d'Etat américaine Condoleeza Rice. Sous l'alibi d'un besoin de vacances,
Benoît XVI cache sa vraie intention qui est sa désapprobation de
la politique des Etats-Unis qui s'abstient de protéger les
minorités chrétiennes en Irak. 739(*)
Si en Irak, la plupart des chrétiens sont hostiles
aux chrétiens évangéliques, de même, pour revenir en
Palestine, la plupart des intellectuels qui critique durement Israël sont
des chrétiens. Azmi Bishara740(*), bien que chrétien, critique L'Etat
d'Israël qui, à ses yeux, est un Etat pour les juifs seulement et
non pour tous les citoyens. Cet Etat, à ce qu'il dit, reconnaît
les droits et les privilèges de tous les juifs, tandis qu'il refuse de
les attribuer aux non juifs. Azmi milite pour faire régner la
laïcité en Israël et la transformer en un Etat binational
judéo-arabe. Il trouve que si les juifs immigrés ont
créé un Etat au sein d'un Etat qui n'est pas le leur, ils devront
au moins atténuer leur acte et accepter la vie commune741(*).
Il nous faut traiter maintenant le deuxième volet
de la question et montrer que tous les musulmans ne sont pas traités sur
le même pied d'égalité par les Etats-Unis. Pour montrer que
les Etats-Unis sont tantôt avec une secte de l'islam tantôt avec
une autre, nous nous penchons sur l'analyse faite par Seymour Hersh742(*) de la politique
adoptée par son pays au Moyen-Orient.743(*) Toutefois, il peut y avoir un désaccord sur
la position que prendra Seymour Hersh sur certains détails mais il est
important de rappeler que notre but ici est de contrecarrer l'hypothèse
totalisante d'Onfray plus que d'adopter un ton polémique. Comment alors
l'hypothèse de Seymour enveloppe et dépasse-t-elle celle de
Michel Onfray ?
Seymour Hersh remonte tout d'abord à la
révolution iranienne qui a eu lieu en 1979. Il trouve que cette
révolution en mettant en place un gouvernement religieux a incité
les Etats-Unis à briser les liens avec l'Iran (majoritairement chiite)
et à entretenir, en revanche, des relations étroites avec les
chefs d'Etat sunnites comme la Jordanie, l'Arabie saoudite et l'Egypte. Dans
cette première étape, les Etats-Unis se rangent alors du
côté des sunnites.
Néanmoins ces relations entre les deux vont
être dénouées suite aux assauts du 11 septembre accompli
par Al Qaeda dont le chef est Ben Laden ; un extrémiste sunnite
saoudien. L'hostilité naissante vis-à-vis des sunnites se
déploie en Iraq par le renversement du gouvernement de Saddam Hussein et
par la remontée des chiites longtemps opprimés par ce dictateur.
Jusqu'ici les Etats-Unis et les chiites peuvent bien se mettre d'accord.
Subitement, les Etats-Unis se heurtent à la
politique nucléaire de l'Iran. Leur inquiétude de son programme
nucléaire a été clairement rapporté par
Seymour : « Le 14 janvier, Cheyne a alerté Fox
news de l'éventualité de voir, dans quelque
années, « un Iran nucléaire, a cheval sur
l'offre mondiale du pétrole, capable d'affecter défavorablement
l'économie globale et prêt à utiliser des organisations
terroristes et /ou ses armes nucléaires pour menacer ses voisins et
d'autres dans le monde. ». Il [Cheyne] a également dit,
« si vous allez voir les Etats du Golfe et que vous parlez avec eux
ou si vous parlez avec les Saoudiens ou les Israéliens ou les
Jordaniens, vous trouverez toute une région inquiète. ...La
menace que représente l'Iran grandit chaque jour. ». Sur ce,
disait Seymour, « l'Administration Bush » opère une
transformation dans sa stratégie au Moyen-Orient. Cette nouvelle
stratégie conduit les Etats-Unis à s'affronter à l'Iran et
ses alliés dans la région, le Hezbollah et la Syrie. Ceci,
remarque Seymour, est manifeste dans le discours de la secrétaire d'Etat
Condoleeza Rice qui établit dans ce « nouvel alignement
stratégique » une distinction entre les
« réformateurs » et les
« extrémistes ». Les premiers pour Rice sont les
Etats sunnites modérés et les seconds sont l'Iran, le Hezbollah
et la Syrie (qui est gouvernée par la minorité alaouite).
Dans ce contexte et pour réduire ces trois forces de la
région, les Etats-Unis, ajoute Seymour, trouve un allié
favorable ; c'est le prince Bandar ben Sultan.744(*) En 2006, rapporte Seymour,
les Saoudiens, les Israéliens et l'Administration Bush se sont parvenus
à un accord Israélo-arabes selon lequel ils s'engagent à
assurer la sécurité d'Israël et de la protéger de
l'invasion des terroristes. Cette sécurité étant un feu
rouge pour les Etats-Unis. Deuxièmement, les Etats-Unis et l'Arabie
saoudite collaborent ensemble pour affaiblir leur ennemi commun : les
chiites.
Ceci étant posé, l'Arabie Saoudite avec
l'appui des Etats-Unis s'accordent à affaiblir le Hezbollah ;
l'organisation chiite et alliée de l'Iran au Liban. Pour ce faire,
l'Arabie saoudite finance des écoles qui diffusent l'extrémisme
et les envoient au Liban.744(*)
Cette pression contre le Hezbollah libanais se manifeste
également contre la Syrie qui auparavant était l'excellente
alliée des Etats-Unis notamment en ce qui concerne la politique
libanaise. Ici nous quittons Seymour pour rejoindre un autre journaliste qui
décrit à merveille cette attitude contradictoire des
Etats-Unis 745(*): « l'ironie ultime, peut
être, dans la crise actuelle c'est que la Syrie est mise en joue par
l'impérialisme américain pour une occupation qui a
été cautionnée a l'origine par Washington comme un pas
pour garantir la stabilité et étouffer le
« terrorisme » au Liban. » Et plus
loin : « la campagne américaine actuelle contre
Damas n'a rien voir avec de la sympathie pour le sort du peuple libanais sous
occupation syrienne. »
Subséquemment à ces analyses, on parvient
à prouver que tous les chrétiens ne sont pas avec le
judaïsme et que tous les musulmans ne sont pas contre les Etats-Unis.
D. Les contradictions internes du système :
Ces contradictions se rapportent à trois points
essentiels : le rejet de l'historiographie anti-hédoniste,
l'intrusion de certains philosophes dans l'historiographie alternative et enfin
l'érotique solaire de Michel Onfray.
Commençons par le premier point. A la
lumière de nos analyses précédentes, nous avons
remarqué que l'objectif de Michel Onfray était de déterrer
et de construire une « contre-histoire de la philosophie ».
Cette contre-histoire s'opposait à toute philosophie hostile à
l'hédonisme. Or nous remarquons que Michel Onfray fait parfois
crédit à l'historiographie combattue pour transmettre certaines
idées ou pour se battre contre l'historiographie idéaliste
elle-même.
Ceci est manifeste premièrement dans le cas
Socrate.746(*) Dans
l'érotique solaire, on a vu un certain Onfray repoussant Le
Banquet de Platon au motif qu'il plaide en faveur du désir comme
manque. Or cet ouvrage de l'historiographie idéaliste a
été consulté pour décrire Socrate, ce Maître
éminent. Onfray dans La lueur des orages désirés
ne fait que démarquer son adversaire théorique Platon et son
oeuvre. Il écrit à propos de Socrate : «Ainsi, au
banquet pendant que tout le monde boit, il demeure lucide, intact, net et
disponible intellectuellement quand tous sont ivres morts ; lorsque tous
s'effondrent, terrassés par une nuit blanche, puis dorment à
poings fermes, il veille, dispos, détendu, ignorant la fatigue ;
tous crèvent de froid dans l'hiver de la bataille de Potidée, lui
ne ressent pas la morsure du gel. »747(*). Là, nous nous demandons : pour quelle
raison Onfray adopte un passage et rejette un autre bien qu'ils relèvent
tous deux du même ouvrage ? En plus, le passage adopté par
Onfray n'est-il pas celui d'Alcibiade (l'admirateur de Socrate selon Platon) et
le passage rejeté celui d'Aristophane (un responsable du procès
de Socrate selon Platon) ?748(*) A ce compte, Onfray - l'ennemi théorique de
Platon - se range-t-il du côté des amis de Platon et
s'écarte-t-il de ses ennemis ?
Le stoïcisme, de son côté, offre un second
exemple de ce manque de cohérence chez Onfray. Ce mouvement
philosophique a été considéré à plusieurs
reprises par Onfray comme l'ami théorique du platonisme et du
christianisme. A ce sujet, on lit, dans Les ultras des
lumières : « Dans son dégoût de la
vie, le stoïcisme ressemble à s'y méprendre au
christianisme. L'éloge de l'idéal ascétique [est] commun
aux deux visions du monde.»749(*)
Or, les stoïciens qui défendent le
dégoût de la vie glisseront dans l'amour de cette dernière
quand Michel Onfray abordera dans son ouvrage Féeries
anatomiques la question du suicide. Michel Onfray fait appel à
la pensée des stoïciens - ces penseurs ascétiques- pour
combattre d'autres ascétiques, à savoir les chrétiens.
Dans la partie réservée à la bioéthique et
particulièrement dans la pédagogie de la mort, nous avons appris
que la mort volontaire défendue par Onfray nous aide à se
dégager de la morale chrétienne car elle élit la vie
contre la mort, l'hédonisme contre la souffrance et la liberté
contre la soumission. Or ces trois points pour dépasser le christianisme
se rencontrent chez les stoïciens et particulièrement chez
Sénèque.
Dans ses Lettres à Lucilius750(*) - cette
référence majeure sur la mort volontaire - Sénèque
a en fait condensé l'essentiel de la pédagogie de la mort chez
Onfray. Dans la lettre 12 nous lisons : « C'est une souffrance
de vivre dans la nécessité, mais il n'y a nulle
nécessité d'y vivre ! » : Michel Onfray en
emprunte le triomphe de la liberté à la soumission. Dans la
lettre 70, nous lisons : « ce n'est pas de vivre qui est
désirable, c'est de vivre bien » : Michel Onfray en puise
l'élection de l'hédonisme et l'éviction de la souffrance.
De même, dans la lettre 93, nous lisons : « Voici mon
voeu, Lucilius : tâchons qu'à l'instar des métaux
précieux notre vie gagne non en volume, mais en valeur. Mesurons la par
ses oeuvres, non par sa durée. » Michel Onfray en tire le
rejet de la mort au profit de la vie.
Ces constats retrouvent leur consistance lorsque Michel
Onfray confie lui-même que le stoïcisme est incontournable dans la
question du suicide. Il constate dans Féeries
anatomiques que : « La pensée stoïcienne
formule la théorie la plus achevée dans et hors
l'Antiquité sur la question du suicide. Si aujourd'hui on cherche les
moyens de justifier philosophiquement la mort volontaire, on les trouve dans
une poignée de Lettres à Lucilius de
Sénèque, un sommet sur le sujet, une somme impossible
à dépasser. »751(*) Ceci étant posé, nous nous
demandons : un philosophe ascétique peut-il défendre la
vie ? Ne serait-elle pas une contradiction ? Les stoïciens
relèvent-ils alors de l'histoire de la philosophie ou de la
contre-histoire de cette philosophie ?
La troisième référence rejetée
et reprise à la fois par Michel Onfray est le
« pessimisme ». Certes, ce mouvement philosophique
n'appartient pas à la philosophie idéaliste mais les deux sont
renvoyés dos à dos par Onfray puisqu'ils participent à une
philosophie anti-hédoniste. Dans la conclusion à la
troisième partie, on s'est aperçu que le pessimisme pour Onfray
est une étape transitoire destinée à être
remplacée par « l'hédonisme tragique ». Or
cette option est mise en doute lorsque le philosophe justifie dans La
puissance d'exister752(*) sa « métaphysique de la
stérilité ».
Ce faisant, il endosse l'habit d'un pessimiste et pose en
premier lieu « l'inconvénient d'être
né » . Nous lisons à ce sujet : « Quelle
légitimité a-t-on pour faire surgir du néant un être
auquel on ne propose, in fine, qu'un bref passage sur cette planète
avant retour vers le néant dont il provient ? »753(*) Et « Seul le
célibataire aimant supérieurement les enfants plus loin que le
bout de son nez et mesure les conséquences à infliger la peine de
vie à un non-être. »754(*). A la lecture de ces deux passages, nous nous sommes
déterminés à poser un ensemble de questions : Michel
Onfray est-il devenu un Cioran qui déclare la folie des géniteurs
et récuse le « croisez et multipliez » ?
755(*) Ou bien est-il un
disciple de Schopenhauer qui trouve qu'en perpétuant l'espèce on
perpétue la souffrance, donc la vie ? Est-il quelqu'un qui
préfère le néant, le non-être à la vie ?
Est-ce que lui pèse d'être éloigné de son
véritable lieu (le néant) comme Cioran756(*)? Ces différentes
questions posées permet de ranger Onfray dans la rubrique de ceux qui
posent l'illégitimité d'une vie considérée comme
une peine plutôt dans celle de ceux qui déclarent le
caractère exceptionnel de la vie, donc la valeur de celle qui se
déroule entre deux néants.
La seconde raison qui détermine Onfray à
retomber dans le pessimisme est « la fiction de toute sculpture de
soi ». Onfray s'interroge dans le même ouvrage :
« Est-elle si extraordinaire, joyeuse, heureuse, ludique,
désirable, facile la vie qu'on en fasse cadeau à des petits
d'homme » ? Faut-il aimer l'entropie, la souffrance, la douleur,
la mort qu'on offre ? »757(*) Et « Il faut beaucoup d'innocence et
d'inconséquence pour s'engager dans l'édification d'un être
quand souvent, très souvent, on ne dispose pas même des moyens
d'une sculpture de soi ou d'une construction de son propre couple dans la forme
appropriée à son tempérament. Freud a pourtant
prévenu : quoi qu'on fasse, une éducation est toujours
ratée. Un regard sur la biographie de sa fille Anna lui donne ô
combien raison ! »758(*) Là encore, nous nous demandons : Le
philosophe qui plaide pour réaliser « l'intellectuel
collectif » de Bourdieu et fait fonctionner l'esprit critique de ses
disciples peut-il craindre l'atrocité de la vie ? Onfray a-il
oublié qu'il invite les hommes à employer leur
« énergie » pour sculpter « le
chaos » et pour plier le réel à leur
volonté ? Et même si cette sculpture de soi est vouée
parfois à l'échec, la réussite n'est-elle pas dans la
tentative et l'essai759(*) ?
Bref, on a remarqué dans le premier point que des
pensées anti-hédonistes : le platonisme, le stoïcisme
et le pessimisme ont été reprises par le philosophe du
« pur plaisir d'exister ».
Nous examinons à présent le second point ou
l'introduction mal fondée de certains penseurs de la contre-histoire.
Nous nous nous penchons principalement sur Gassendi 760(*)- l'un des penseurs
placés à tort par Michel Onfray dans la case des libertins
baroques. Ces penseurs ont été présentés par Onfray
comme développant une pensée anti-catholique et anti-monarchiste.
C'est ce qui fait leur mérite par rapport au cartésianisme. Pour
autant, on remarque qu'un soi-disant alternatif vient réclamer en plein
17ème siècle un catholicisme pur et simple ; ce
qui fait reculer la pensée des libertins baroques.
Certainement, la contre-histoire de la philosophie doit
beaucoup à Gassendi la réhabilitation de la pensée
d'Epicure - l'une des figures de l'atomisme de l'Antiquité - et
l'identification des responsables de la mauvaise réputation
d'Epicure : les stoïciens (Chrysippe, Zénon, Cléanthe,
Cicéron et Plutarque) et quelques Pères de l'Eglise
(Clément, Lactance et Ambroise).761(*) Pourtant, cette réhabilitation de l'atomisme
ne fait pas de Gassendi un véritable alternatif et un bon penseur
matérialiste car Onfray a dit de lui : «Gassendi
précise qu'il réhabilite son héros [Epicure],certes, mais
dans la mesure du convenable chrétien ; si d'aventure, il doit
choisir entre une pensée d'Epicure et un dogme de l'Eglise catholique,
sans aucun état d'esprit, il optera pour sa
religion. »762(*). Ce catholique qui ne fait aucune concession en ce
qui concerne sa religion est incapable de relever le défi et de
triompher de son rival (Descartes).
Dans les pages qui viennent, nous montrons que Descartes a
été plus raisonnable que Gassendi. Descartes a montré dans
la troisième méditation (De Dieu qu'il existe) de ses
Méditations métaphysiques,763(*) l'existence de Dieu par le
truchement de la raison. Il part tout d'abord de l'idée de perfection
qui est en lui. Mais lui étant imparfait, il ne peut être la
source de la perfection. D'où l'existence d'un Dieu qui sera à
l'origine de cette perfection. Descartes se
demande : « Comment serait-il possible que je puisse
connaître que je doute et que je désire, c'est-à-dire qu'il
me manque quelque chose et que je ne suis pas tout parfait, si je n'avais pas
en moi aucune idée d'un être plus parfait que le mien, par la
comparaison duquel je connaîtrais les défauts de ma
nature ? »764(*). Deuxièmement, Descartes part de la
bonté de Dieu pour affirmer son existence. Dieu est bon. Il ne me trompe
pas dans les vérités scientifiques (véracité
divine) donc Dieu existe. « Cette même idée
[l'idée de Dieu ]est aussi fort claire et fort distincte, puisque tout
ce que mon esprit conçoit clairement et distinctement du réel et
de vrai, et qui contient en soi quelque perfection, est contenu et
renfermé tout entier dans cette idée. »765(*) Troisièmement,
Descartes part de Dieu le créateur à son existence. Si dans la
première preuve, on a montré que l'homme n'a pu produire
l'idée de perfection puisque il est un être imparfait, on va
montrer maintenant que cet homme qui a l'idée de perfection en lui ne
peut être crée par autre chose que par cet être parfait dont
il a l'idée. Descartes posait que si l'homme était
créateur de lui-même, certes il serait capable de donner à
lui-même tout ce qui lui manquait. Par conséquent, il ne
désirerais et ne douterais plus jamais. Comme ceci n'est pas vrai, il
s'ensuit que Dieu est l'auteur de son être766(*).
Cette manière de prouver l'existence de Dieu n'attire
pas les suffrages de Gassendi, car il trouve que la raison est un instrument
dont la certitude et la véracité ne sont pas assurées. La
raison aux yeux de Gassendi a une vision assez restreinte des choses. De
là, il trouve que Descartes - le rationaliste - ne fait qu'incarner
l'arrogance humaine et que blesser la modestie du croyant. Pour Gassendi,
seulement celui qui est touché par la grâce peut connaître
Dieu. A ce titre, rien ne sépare Gassendi des simples croyants puisque
leurs manières de pensée se croisent : Prier, dire la messe,
se soumettre aux dogmes de l'Eglise, croire à l'immortalité de
l'âme, à un Dieu bienfaisant et créateur du monde,
respecter la monarchie.767(*)
Sur ce, Michel Onfray décrète : «
le plus libertin des deux, c'est Descartes ! L'Eglise d'ailleurs ne s'y
trompe pas. Très vite et très tôt, elle envoie la troupe
jésuite combattre Descartes et sa philosophie avant de mettre l'oeuvre
complète à l'index le 20 novembre 1663 ! Quand à
Gassendi, matérialiste, atomiste et épicurien, il n'eut jamais
cet honneur - preuve de l'orthodoxie de son christianisme malgré ses
incursions dans le domaine du Jardin. »768(*). Et, dans la conclusion,
ajoute-t-il : « L'Eglise lui rend la politesse, et on la
comprend : elle n'inquiète jamais de son vivant, ni même
après, l'homme ou l'oeuvre, épargnés par l'index et les
critiques. »769(*) .
Subséquemment à ces analyses, ne peut-on
affirmer, en fin de compte, que la figure du fervent croyant l'emporte avec
Gassendi sur celle du philosophe alternatif et que Michel Onfray a tort de le
placer parmi les philosophes réalistes ?
Cette rupture marquée dans les idées de
Michel Onfray est finalment manifeste dans le dernier point examiné par
nous : l'érotique solaire.
Il n'y a pas de doute que l'érotique proposée
par Onfray a le mérite de sauver la liberté individuelle,
d'élargir le champ d'action de chacun (le nomadisme contre le couple
fusionnel) tout en prémunissant contre la débauche, le mensonge,
la misogynie, la négligence d'autrui et le libertinage féodal.
Cette érotique solaire ne se pratique donc qu'entre des contractants
à la hauteur, à savoir honnêtes, francs, libres et qui se
plaident pour la réalisation d'un objectif commun « jouir et
faire jouir sans faire du mal ni à toi, ni à personne,
voilà je crois toute la morale. »770(*). Jusqu'ici, nous sommes dans
le meilleur des mondes possibles pour reprendre l'expression de Leibniz, car
chacun tout en faisant partie d'une société donnée a le
pouvoir d'agir selon sa propre détermination et sans aucune
dépendance.
Néanmoins, en poursuivant Onfray dans son
odyssée dans la terre des philosophes alternatifs, on se heurte à
des pensées qui contrastent gravement avec l'érotique solaire
proposée par lui. A examiner certains philosophes alternatifs, on se
trouve confronter à des passages qui légifèrent la
misogynie, la réduction des femmes aux ovaires et l'attaque de tout
« féminisme libertaire » dans lequel la femme est un
agent actif dans le contrat. En somme, le contraire de ce que propose
Onfray.
Ce dernier nous rapporte que Simon le magicien - un des
gnostiques licencieux - a entrepris d'interpréter certains versets de
Paul de Tarse. Il voit, à titre d'exemple, dans l'invitation de Paul
dans le proverbe (I, 14) à mettre en commun tout ce qu'on
possède, une exhortation à mettre aussi les femmes. «
Dont acte, précise Simon : les femmes faisant partie du patrimoine,
elles doivent être communes à toutes et à
tous ! »771(*). Cette défense de la communauté des
femmes, comme nous le montre Michel Onfray, est commune à tous les
gnostiques licencieux, pas seulement le premier d'entre eux Simon.772(*) Certes, Michel Onfray peut
ne pas faire sienne les idées des gnostiques licencieux, toutefois, le
silence sur ces idées est une sorte d'approbation. Portant un jugement
sur les gnostiques licencieux, Michel Onfray affirme que « si les
deux se trompent, car il n'existe aucun endroit au bout de la route, l'un des
deux chemins paraît tout de même plus réjouissant à
emprunter. »773(*). Dans ce passage, nous voyons un Onfray qui se
contente de reprocher aux gnostiques licencieux leur croyance au salut de
l'âme mais le philosophe s'abstient de discuter ce qui est blâmable
chez eux, à savoir la communauté des femmes. Ceci est bien
exprimée par l'adjectif suivant « plus
réjouissant ».
La misogynie prônée par les gnostiques
licencieux se trouve de même chez un autre auteur
« baptisé » par Onfray. Cette fois, c'est un auteur
du 17ème siècle, à savoir Cyrano. Dans Les
libertins baroques, Michel Onfray a vu que la république libertaire
de Cyrano , à l'opposé des thuriféraires de l'idéal
ascétiquevient donner une grande place au corps. « Ainsi
quand, dans le Royaume des Amoureux, on organise la sexualité. Les
mâles vigoureux disposent de vingt, trente ou quarante filles, chacun a
droit à deux femmes dans le même lit pas
plus. »774(*).
Et, Onfray ne se limite pas à une description passive mais il dit ce
qu'il pense sur ce sujet : « Quel individu refuserait de
vivre en pareille cité ? »775(*)
La misogynie n'est pas bien le seul reproche qu'on puisse
faire à certains philosophes alternatifs. Mais il faut également
examiné le comment du « nomadisme » chez eux. Nous
avons appris avec Onfray qu'il existe différents agencements pour
sculpter nos désirs et que le couple fusionnel prôné par le
christianisme est loin d'être le seul agencement possible. Toutefois, la
seule limite au nomadisme s'avère chez Onfray la faillite du
« jouir et faire jouir », autant dire le fait de porter
préjudice à la raison. Or, quelques passages
repérés dans cette histoire alternative prouvent que le nomadisme
s'achemine parfois vers une licence sans mesure. Michel Onfray
répétant Clément d'Alexandrie racontent
comment : « les gnostiques se retrouvent dans des banquets
où ils consomment de nourriture aphrodisiaques avant d'éteindre
les lumières et s'unir de toutes les façons possibles avec tous
les partenaires pensables, au gré des hasards de l'obscurité. Un
genre de communisme réalisé. »776(*). Sans donner son avis,
Michel Onfray se contente d'exposer celui du Père de l'Eglise
: « pratique de chiens, de porcs et de
boucs. ».777(*) cette phrase laisse la position de Michel Onfray
floue : notre philosophe se range-t-il alors du côté du
Père de l'Eglise ou des gnostiques licencieux ?
Dans le même ordre d'idées, Onfray nous a
écrit la façon dont les adeptes du Libre-Esprit pensent leur
« nomadisme » sans pour autant manifester son approbation
ou son réprobation. Il relate dans l'Art de jouir que les
frères et soeurs du Libre-Esprit voient que tout ce que «
l'homme fait au-dessous de la ceinture » est bienvenue. De là,
ils pratiquent l'inceste, copulent avec leurs mères ou leurs soeurs dans
n'importe quel endroit et de préférence dans un lieu sacré
comme l'autel de l'Eglise.778(*) Plusieurs questions émergent de ces analyses
: Qu'est ce qui empêche ce défenseur d'une érotique solaire
et non féodale de s'abstenir à reprouver publiquement ces
pratiques perverses ? Et, même si ces alternatifs défendent
le corps, notre philosophe n'a-t-il pas dit que la culture doit succéder
à la nature ? De même, n'a-t-il pas confessé dans
Le désir d'être un volcan qu'il a attisé la haine
d'une jeune vierge par fidélité amoureuse et par respect de la
parole donnée ou du nomadisme raisonnable ?779(*)
Conclusion générale :
Après ce bref parcours dans le sillage de la
philosophie de Michel Onfray, le moment est venu de dresser un bilan des
réflexions déjà abordées au fil du
mémoire.
Pour y parvenir, on remonte au grand principe autour
duquel s'est articulée la philosophie de Michel Onfray : le respect
et l'exaltation de la vie ici-bas. Ce principe s'avère le seul
critère d'évaluation des deux positions qui condensent les
réflexions déjà examinées, à savoir :
l'histoire de la philosophie et la contre-histoire de la philosophie. Cela
signifie que pour juger de la valeur de chacune des deux positions et pour
parvenir à retracer cette ligne de démarcation que Michel Onfray
l'a voulue établir tout au long de son oeuvre, il nous faut soumettre
les deux concurrentes à un examen bien déterminé :
Quelles peuvent être leurs rapports avec la vie ici-bas ? Ces
pensées oeuvrent-elles en faveur d'une émancipation ou d'un
amoindrissement de la vie ?
Deux problématiques posées par nous dans
l'introduction à ce mémoire, sont en rapport direct avec cet
examen exigé des deux protagonistes. La première
problématique s'applique à l'histoire de la philosophie :
Comment philosopher notre vie si notre vie est chassée de notre
philosophie ? Alors que la seconde concerne la contre-histoire de la
philosophie : Comment conduire cette vie qui se situe entre deux
néants ?
La première problématique touche un point
central dans l'examen critique de l'« histoire de la
philosophie » car en décortiquant cette problématique,
Michel Onfray met en évidence l'impasse et la contradiction dans
lesquelles nous place « l'histoire de la
philosophie » : La philosophie sans la vie concerne-t-elle les
vivants ? Et la vie sans la philosophie pourra-t-elle être
nommée une vie transfigurée, hédoniste, et
philosophique ? Cette problématique est donc un défi majeur
lancé à la philosophie dominante.
La seconde problématique appelle, de sa part,
à être épluchée par Michel Onfray. Ce faisant,
Michel Onfray prend acte de la bonne conduite de la vie (deuxième
étape) chez tous les philosophes qui focalisent leur attention à
cette vie qui « se joue entre deux néants »
(première étape). Cette problématique est
indéniablement couronnée de succès et c'est grâce
à elle que notre philosophe réussit à relever le
défi et à remporter la victoire.
Ces deux problématiques trouvaient confirmation de
leur aboutissement dans les trois parties autour desquelles pivote notre
mémoire :
Contre-pédagogie : Principes pour une
pédagogie libertaire. Contre-historiographie : Exhumation d'une
historiographie alternative. Petite histoire de la sculpture de soi :
L'athéisme athée. Mais, afin de tirer au clair ce à quoi
aboutit chaque problématique, nous évitons de suivre le
cheminement tracé et dans lequel sont mêlées l'histoire et
la contre-histoire de la philosophie pour examiner à part la
façon dont chacune des deux positions s'organise autour des trois
notions fondamentales : pédagogie, historiographie et le
21ème siècle.
Commençons par la première
problématique. Celle-ci repose sur une prémisse (première
étape) « notre vie est chassée de notre
philosophie » dont il convient de tirer la conclusion
appropriée : l'impossibilité d'une vie philosophique ou bien
l'absence d'une vie transfigurée (deuxième étape).
Avant d'examiner la façon dont l'histoire de la philosophie escamote la
vie réelle, nous rappelons en premier lieu que l'histoire de la
philosophie repose sur trois piliers : une pédagogie
anti-libertaire, une historiographie idéaliste et un
21ème siècle pétri de religieux.
Premièrement, la pédagogie anti-libertaire
se conforme au point de départ déjà posé : la
vie ici-bas se voit chassée de son terrain. L'école - une des
formes qui constituent le social - s'attache à étouffer chez
l'enfant tout besoin d'interrogation sur les trois dimensions de la vie :
soi, autrui et le monde. Toutefois, il faut faire remarquer qu'Onfray n'examine
pas ici si l'école fournit un appui au religieux ou pas. La question du
religieux sera traitée plus tard.
L'objectif d'Onfray ici était de braquer le projecteur
sur l'obéissance, la soumission, la docilité et le renoncement
à soi commandés par l'école. Ce qui n'est pas niable c'est
que l'élève qui obéit ne tente jamais de questionner sa
vie pour en tirer le sens de son existence. L'école lui impose, dans le
moindre détail, un sens préfabriqué auquel il doit se
soumettre sans broncher. Or cette construction préconstruite
reste-t-elle une construction ?
Bien que nous ne traitions pas du religieux dans cette
première étape, Michel Onfray voit que le maître (ici
l'école) et la religion sont en parfaite harmonie parce que toutes les
deux, sont des « anthropophages », toutes les deux aiment
ce qui relie, associe et mélange et pourfendent ce qui divise, fragmente
et éclate.780(*)
L'école, cette forme du social, est en affinité
profonde avec le « fonctionnaire de la philosophie » car
elle va lui préparer le terrain. Ce fonctionnaire a intérêt
à ce que les élèves arrivent chez lui éteints,
dociles et soumis. Ceci l'aidera à diriger leur questionnement vers un
monde qui transcende la « vie qui se situe entre deux
néants », et à les faire oublier que la philosophie est
faite par eux et pour eux.
Si l'on se réfère maintenant aux qualités
du fonctionnaire de la philosophie, on s'aperçoit que toute sa fonction
était de congédier la vie. Ce fonctionnaire de la philosophie est
absolument passif puisqu'il agit en accord avec le système social
régnant.781(*) Ce
fonctionnaire de la philosophie, comme tout disciple du Christ, invite à
une servile imitation, or imiter l'autre, c'est éviter d'être
soi-même car toute sculpture de soi doit sourdre du vécu de
l'individu. Ce fonctionnaire recourant, troisièmement, au langage
désincarné, considère la philosophie comme une
pensée de nuées et fait fi de la dimension existentielle de la
discipline. Finalement, ce faux-maître passe pour un maître non
engagé car la théorie chez lui prend le dessus sur la vie
quotidienne.
Cette mauvaise pédagogie, pour examiner les
conséquences (c'est-à-dire la conclusion appropriée ou la
deuxième étape), ne fait qu'entraver tout projet de sculpture de
soi ou d'hédonisme. Le disciple reste un matériau brut, un pur
objet, une personne sans unicité et sans identité. Ce disciple
manufacturé par son entourage ne peut user de la prodigalité et
de la dépense pour produire une mise en forme de soi et montrer un
style. Il reste amateur d'humilité et d'extinction chrétiennes,
et travaille par suite à sa propre déchéance. Voilà
comment la mauvaise pédagogie échoue dans le domaine de l'art, de
l'édification, de la structuration et par suite de l'affirmation et de
l'exception.
A son tour, l'historiographie idéaliste qui
s'étend de l'Antiquité au 18ème siècle
vient se greffer sur cette mauvaise pédagogie. Elle consolide la
proposition de départ qui est cette répulsion à
l'égard de la vie et se retrouve par conséquent dans
l'incapacité de transfigurer cette vie.
Le platonisme tout d'abord favorise l'âme (cette
instance métaphysique) au préjudice du corps (cette entrave
physique), se convainc de l'immortalité de l'âme et du tribunal
divin. Cette vision transcendante du monde qui ne laisse aucune place à
l'ici-bas se répercute sur tout un chacun. D'où la
déduction tirée : abandonner involontairement les plaisirs
du corps, endurer sa séparation des sens du corps et redouter la
sanction divine. Rien donc qui provoque la joie et le rire.
Ce platonisme vient nourrir au Moyen-Âge classique
la pensée des partisans du christianisme officiel. C'est pour cette
raison que Michel Onfray voyait, après Nietzsche, que le christianisme
fait figure de « platonisme pour le peuple ». Michel Onfray
ne s'est pas adonné à une étude développée
du christianisme au Moyen-Âge puisqu'il va formuler une analyse
très critique du christianisme au 21ème siècle,
en perçant à jour l'épistémè
chrétienne qui régit le nihilisme européen. Toutefois, on
peut repérer les informations suivantes. Le christianisme officiel prend
comme point de départ : la fiction de Jésus-Christ, la
légende de la conversion de Paul l'hystérique, le signe
christique inventé par Constantin. Or, on sait l'issue de ces mythes qui
transcendent le réel : L'aversion tirée par les Pères
de l'Eglise pour la sexualité. La maltraitance et la souffrance que les
Pères de l'Eglise s'infligent à leurs corps. La
prééminence de la vie post mortem sur l'ici et le
maintenant et la croyance en une mort qui nous délivre du corps. Le
totalitarisme de l'Etat chrétien qui contrent la liberté des non-
chrétiens.
Cette ligne de pensée adoptée par le
platonisme et le christianisme officiel va se poursuivre au
17ème siècle, appelé couramment le
« Grand siècle ». Dans ce siècle, on
rencontre des philosophes comme Descartes, Pascal, Bossuet, Fénelon,
etc. qui se proclament en faveur de la religion catholique et de sa copie sur
terre ; la monarchie. Or, agir ici-bas en conformité avec ce qui
transcende l'ici et le maintenant conduit indiscutablement à de
mauvaises conséquences : Louis XIV ne connaît pas de limite
à son pouvoir car il échappe totalement au contrôle. Et le
divertissement cher à Spinoza est catégoriquement
dénoncé de peur qu'il trouble l'amour de Dieu et l'
« apologétique de rupture » forgée par
Pascal.
Ceci dit, on conclut que le 17ème
siècle classique c'est-à-dire idéaliste n'offre aucune
voie d'accès au bonheur.
Après les idéalistes du
17ème siècle, les Lumières pâles viennent
avancer cette vision transcendante du monde. En ce sens, ils attribuent un
rôle capital à la monarchie et au déisme782(*). Rappelons que l'abbé
Yvon était propice à la liquidation des athées et que
Voltaire voyait en Dieu le besoin primordial des princes pour pouvoir tirer
« le peuple par les naseaux ». Car aux yeux de Voltaire, la
crainte de DErreur ! Aucun nom n'a été donné
au signet.ieu et la punition qui en procède dans
l'au-delà l'emportent sur les lois civiles dans la rétention des
criminels et des délinquants.783(*) La répercussion de cette pensée
idéaliste sur la vie ici-bas se déploie dans le maintien du
peuple dans l'asservissement et l'oppression. Toute ébauche de
résistance est immédiatement bloquée.
Si avec la mauvaise pédagogie et l'historiographie
idéaliste, on en ressort avec une totale négligence de la vie, il
en va de même avec les deux fascismes et le nihilisme européen qui
dominent le 21ème siècle.
Le fascisme de renard et de lion qui se reportent aux
Livres Saints juifs, chrétiens et musulmans (donc s'appuient sur un
critère transcendant) laissent derrière eux un monde
saturé de ruines, de morts, de blessés et de victimes
innombrables.
De même, le nihilisme répandu en Europe a
plongé les hommes dans un grand égarement. On s'affronte alors
à un « nihilisme européen » qui fait acte de
la présence de l'héritage chrétien dans notre vision du
monde bien que les Eglises se trouvent vidées les Dimanches. Cet ancrage
du nihilisme dans le quotidien, expose Onfray, relève de la
responsabilité des politiciens et des penseurs de droite qui sont
à la solde du christianisme. Ces gens de droite (Sarkozy, Luc Ferry,
Raymond Aron...) qui détiennent le pouvoir en France viennent prendre le
contre-pied des idées de Mai 68. Tous veulent saboter cet
héritage culturel que l'on considère comme
« mère de tous les vices ». Dans leur perspective,
avec Mai 68 toutes les valeurs tributaires de l'héritage
chrétien se sont écroulées : l'ordre,
l'autorité, la hiérarchie, la morale, le bien, le mal, la loi. On
y sombre alors dans la décadence et l'anarchie.784(*) A côté des
hommes de droite, Onfray vient placer les « faux penseurs de
gauche » ou les « vraies penseurs de droite ».
Ces penseurs malgré leur dispositif de dissimulation, ne font que
raviver le nihilisme européen. Onfray dit à ce
propos : « les français sont des veaux qui croient
aux étiquettes dont les hypocrites et les fourbes se servent pour
maquiller leurs programmes toxiques et frelatés (...). Ainsi quand
Ségolène Royal défend des idées de droite, mais se
dit de gauche, il y a encore une majorité de gogos pour croire
plutôt le faux performatif « je suis de gauche »
(...) »785(*)
Voyons maintenant comment les valeurs du nihilisme
européen oeuvrent contre les valeurs de la terre. L'éthique
chrétienne, en premier lieu, a congédié la vie qui se
situe entre deux néants puisqu'elle a imposé silence à
tout ce qui constitue l'homme en minuscule. : Désirs, passions,
amour-propre. Cet être qui se défait de sa substance et se
sacrifie à une idole en majuscule l'« Amour du
Prochain » va subir les mauvais traitements. Il sera alors
écrasés par l'ennemi, le bourreau et les prêtres
salésiens. Cette soumission de la vie à tout ce qui la
digère se poursuit avec la morale sexuelle chrétienne qui vient
imposer un monde saturé de mythologie : le mythe de la coupure
divine, des androgynes et des os retranchés, la mythologie du
« désir comme manque » et la figure de
« l'éléphant monogame ». Ceci n'est pas sans
conséquences fâcheuses pour les amoureux imprégnés
de l'épistémè chrétienne :
l'empiétement de la liberté du partenaire, l'éruption de
l'animalité sexuelle, la prostitution, la trahison, la haine et le deuil
de la femme786(*). Cet
anti-hédonisme triomphant dans la « sexualité
chrétienne » fraye son chemin pour atteindre également
la bioéthique régnante. Celle-ci en se réclamant des
idées pures comme « la personne potentielle », le
« corps chrétien » et les « soins
palliatifs » a contré les aspirations hédonistes des
parents, des malades et des agonisants.
Vu l'état des choses, Michel Onfray décide
de percer une voie pour la contre-histoire de la philosophie dans cette zone
dominée par l'histoire de la philosophie.787(*)
Si l'on considère maintenant la problématique
à laquelle répond la contre-histoire, on voit que celle-ci est
mêmement composée de deux éléments : la
prémisse et la conclusion. La prémisse s'énonce comme
suit : « la vie se situe entre deux néants. ».
Ceci veut dire qu'il ne doit y avoir dans la vie ici-bas qu'un centre de
décision : la vie elle-même et tout ce qui va avec. Avec la
contre-histoire s'ouvre donc une nouvelle page dans la philosophie qui consiste
à restreindre le champ de la recherche au monde dans lequel nous vivons,
et à l'homme que nous le rencontrons tous les jours. Cette
prémisse, à l'inverse de la prémisse de l'histoire de la
philosophie, a prodigué de nombreux fruits sur plus d'un terrain.
Pour commencer, il nous faut examiner tout d'abord la
pédagogie libertaire. Pour cette pédagogie, la vie (qui est
conscience de soi, d'autrui et du monde ici-bas) était le sein maternel
dans lequel tout projet philosophique se développait. C'est cette vie
donc et non une vie idéalisée qui est au commencement de la
sculpture de soi. Pour cette raison, tout maître digne de ce nom doit
s'atteler à cette tâche énorme. Il doit oeuvrer à ce
que chacun de ses disciples se pose des questions sur lui-même, sur
autrui et le monde qui l'entoure. Il doit galvaniser son public, montrer un
chemin différent. Or comme il est déjà bien connu, ce
chemin autre n'est qu'une voie royale menant à l'émancipation de
la vie. Ce maître tout en stimulant les épuisés ne doit
nullement se substituer à eux et sculpter leur vie, puisque comme disait
Onfray dans cette belle formule : « on assiste à un
hapax existentiel dont la spécificité réside dans
l'impossibilité d'une duplication. »788(*). Il doit seulement mettre en
pratique sa philosophie existentielle pour pouvoir influé sur les
élèves et les animer d'un souffle créateur.
Le disciple qui a reçu cette pédagogie
libertaire est capable enfin de mettre en scène son énergie, sa
force, sa puissance, sa part maudite pour obtenir de la cohérence, de
l'ordre et de la forme. Cette forme n'est donc que la métamorphose de
son moi, l'obtention d'une identité, d'un style et l'affirmation de soi
comme une figure unique et rebelle. Voilà comment l'artiste dispendieux
qu'est le disciple a réussi à faire la jonction entre la vie et
la philosophie, à fuir les vertus chrétiennes de
l'humilité et à fonder une vision hédoniste du monde.
A la suite de la pédagogie libertaire, tous les
philosophes alternatifs qui constituent le revers de la philosophie
idéaliste, vont participer largement à cette esthétisation
de l'existence.
Michel Onfray se reporte en premier lieu aux sagesses
antiques qui viennent donner le branle à ce projet
d'esthétisation. A l'inverse du platonisme, on voit se profiler ici des
éléments pour une vision immanente du monde, à
savoir : l'agrégation des atomes comme seule cause du réel,
l'insouciance des dieux qui habitent dans les intermondes et la corruption de
l'âme après la mort. Congédier tout ce qui
s'élève au-dessus de la vie, génère l'idéal
hédoniste : On cesse alors d'appréhender une punition dans
la vie post mortem. On se procure tout ce qui nous fait plaisir, y
compris les plaisirs sexuels. On se libère de la quête d'une
vérité inexistante (le monde des Idées platoniciennes)
pour se pencher volontiers sur les sens du corps.
De leur côté, les partisans du
« christianisme hédoniste » au Moyen-Âge et
à la Renaissance viennent apporter leur contribution à ce sujet.
Tous ces penseurs sont enclins à une vision hédoniste du monde.
Toutefois, ces penseurs - hormis Montaigne - sont les seuls qui partent d'une
vision transcendante, c'est-à-dire renversent la proposition de
départ des alternatifs, mais pour satisfaire les intérêts
de l'immanence. Les gnostiques licencieux récusent les deux
néants qui encerclent la vie et trouvent à l'instar du platonisme
et du christianisme que l'âme a connu la béatitude avant sa chute
et que cette âme peut se libérer du corps après la mort. De
même, les partisans du Libre-Esprit croyaient à la figure du
Crucifié qui par sa rédemption a racheté les
péchés du monde. Pour autant, les deux ont oeuvré en
faveur d'une conclusion qui sert l'ici-bas : les gnostiques licencieux
prêchent une consommation totale de la matière et du corps. Et les
tenants du Libre Esprit établissent la divinité de l'homme et
déclinent impunément les enseignements de l'Eglise. Pour ce qui
est de Montaigne, celui-ci part d'une vision immanente du monde qui fonde un
christianisme hors des sentiers battus : « un christianisme
vivant », un « christianisme
modéré », en un mot, un « christianisme
épicurien. ». L'incidence de cette jonction entre le
christianisme et l'épicurisme sur le réel se montre dans les
trois éléments suivants : Montaigne trouve que
« le désir est partout » et que « le
plaisir est notre but ». Il réprouve un certain Dieu
omniprésent. Et il apprend à apprivoiser la mort.
Ce combat pour le triomphe de la vie va être de
même présent au 17ème siècle où
l'on voit des penseurs comme Charron et Spinoza partant d'une vision du monde
empreinte de panthéisme pour parvenir deuxièmement à une
philosophe véritablement hédoniste. La proposition de
départ ou le panthéisme écarte toute possibilité
d'un Dieu transcendant créateur et agissant au monde. Elle élit
plutôt un Dieu immanent et dépourvu de volonté. En
conséquence directe de cette vision immanente du monde, la morale
s'acquitte d'un fondement transcendant pour se baser sur une
nécessité naturelle qui consiste à chercher le Bon, la
joie, la persévérance dans la vie et à fuir le Mauvais, la
tristesse ou l'amoindrissement de l'être. De même, le pouvoir
politique se dégage de l'emprise du roi (qui tire son pouvoir d'un Dieu
transcendant) pour réaliser un régime démocratique et
républicain favorisant le bonheur de tous. Enfin, la croyance à
ce rapport entre la substance (Dieu) et ses modes (tout ce qui est) nous
délivre du Jugement dernier et de la crainte puisque le mode (corps et
âme) est nécessairement mortel.
Nous passons maintenant au 18ème
siècle dans lequel se meut une autre théorie hédoniste.
Dans ce siècle, nous assistons à deux penseurs (d'Holbach et
Meslier) qui ne croient pas à l'existence d'un Dieu et qui condamnent la
monarchie absolue soutenue par le clergé catholique. Cette
prémisse a pour corollaire l'émancipation de toute
créature à qui l'on dénie le droit de vivre avec
dignité. Cette créature opprimée regroupent les gens du
peuple, les paysans, les exploités, les travailleurs
épuisés..., tout ce qui est en face des rois, des tyrans, des
curés et des déistes.
Enfin, la pédagogie libertaire et l'historiographie
alternative vont être couronnées et achevées au
21ème siècle par un athéisme militant. Dans ce
siècle, l'on retrouve alors un « athéisme
athée » qui vient mener à terme tout ce qui a
été posé et sous-tendre la conception onfrayiennne de
l'hédonisme. Bien évidemment, « l'athéisme
athée » forgé par Michel Onfray relève de
l'héritage culturel de Mai 68. Selon Onfray, le
« réanchantement » de la vie, prend son
départ de Mai 68. A ce titre, Michel Onfray nous incite à achever
Mai 68. Dès lors, ce chantier d'achèvement, à l'inverse
des ce que pensent les pourfendeurs de Mai 68, n'est aucunement synonyme
d'anéantissement et de destruction totale. Il s'agit d'achever Mai 68 en
entreprenant son parachèvement, son accomplissement qui, à
l'évidence, a été obstrué par l'arrivée de
la droite au pouvoir. Pour Onfray donc, l'histoire de Mai 68 reste à
écrire puisque elle seule est responsable d'atténuer les dommages
occasionnés par la droite. Les idéaux de Mai 68 sont
d'éminents inspirateurs de cette déchristianisation de la
société voulue par Onfray.789(*) Le principe de base de ces idéaux se
résume ainsi: « la cité terrestre ne
procède pas du démarquage de la cité
céleste. »790(*). Or, Michel Onfray ce fanatique de l'immanence et de
la déchristianisation, a été de même animé
par de principe. Nous essayons maintenant de voir brièvement comment les
diverses disciplines qui lisent le monde selon un principe horizontal (et non
vertical) vont primer, à la fin, la vie contre la mort et
l'hédonisme contre l'ascétisme.
Tout d'abord, l' « éthique
élective » qui part de ce qui est, de l'homme réel et
non idéalisé, d'un homme qui a des passions, des plaisirs et des
déplaisirs, est capable de forger une intersubjectivité gaie
où chacun élisent, grâce au jeu des passions, ceux qui lui
donnent la jouissance et évincent ceux qui sont source de mal. Avec
cette éthique, on apprend que le bonheur ne réside pas dans
l'Amour du Prochain mais dans les preuves d'amour.
Deuxièmement, l' « érotique
solaire » qui s'appuie sur un désir matériel et
atomique, qui complète la nature par une culture immanente, par un
vouloir humain791(*), ne
fait que promouvoir un féminisme libertaire, des partenaires
célibataires, des fidèles à la parole donnée et une
variété de sculpture érotique de soi.
Dans la continuité des autres, la
« bioéthique prométhéenne » vient se
libérer du joug du ciel des idées pour se consacrer à
l'immanent. Pour Michel Onfray, c'est la science qui incarne l'immanence en
matière bioéthique. Ceci est manifeste dans le placement du
chirurgien en face de Dieu. Le chirurgien met en application la puissance
démiurgique de l'humain. Il se moque de Dieu, participe à la
création et la résurrection. Avec lui, Dieu se trouve
congédié et dépouillé de ses fonctions car le
chirurgien devient lui-même le Démiurge, le prêtre, le
guerrier et le magicien. D'ailleurs, Michel Onfray nous reporte que
« la chirurgie sonne comme liturgie, démiurgie,
théurgie. ». Cette chirurgie s'effectue dans un monde
abhorré par Platon et le chrétien, un monde qui n'est pas du tout
intelligible mais appartient au monde de la matière la plus
ignoble : les excréments humains, les bols digestifs, le sang, les
graisses jaunes, les chairs putrides, le muscle corrompu, la matière
grise tumorale...792(*)
Cette bioéthique qui part de l'immanence conduit immanquablement
à un corps faustien et élargi, un corps profitant de l'IVG et de
l'eugénisme, un corps recourant au corps athée et la technique de
la greffe, un corps choisissant l'euthanasie pour faire triompher une vie
épanouie.
En définitive, en faisant le point sur la pensée
de Michel Onfray et en s'appuyant sur sa propre argumentation, on scande que
l'« histoire de la philosophie » ne repose, en
dernière instance, que sur l'oubli de la vie et la foi totale à
tout ce qui empêche l'hédonisme. Hélas, on doit bien
convenir que notre philosophe - qui a mené cette lutte à outrance
-, a effectivement raison : Seule la contre-histoire de la philosophie
offre un terrain favorable à l'émancipation d'une vie gaie et
réussie.
BIBILOGRAPHIE:
I- OEuvres de Michel Onfray
1) ONFRAY Michel, Le Ventre des philosophes - Critique de
la raison diététique - , Paris, Grasset & Fasquelle,
Livre de poche, 1989.
2) - Cynismes - Portait du philosophe en
chien -, Paris, Grasset & Fasquelle, Livre de poche,
1990.
3) - L'Art de jouir - Pour un matérialisme
hédoniste -, Paris, Grasset & Fasquelle, Livre de poche,
1991.
4) - La sculpture de soi - La morale
esthétique -, Paris, Grasset & Fasquelle, Livre de poche,
1993.
5) - La Raison gourmande - Philosophie du goût
-, Paris, Grasset & Fasquelle, Livre de poche, 1995.
6) - Le désir d'être un volcan - Journal
hédoniste -, Paris, Grasset & Fasquelle, Livre de poche,
1996.
7) - Politique du rebelle - Traité de
résistance et d'insoumission -, Paris, Grasset & Fasquelle,
Livre de poche, 1997.
8) - Les vertus de la foudre - Journal hédoniste
-, Paris, Grasset & Fasquelle, Livre de poche, 1998.
9) - Théorie du corps amoureux - Pour une
érotique solaire -, Paris, Grasset & Fasquelle, Livre de
poche, 2000.
10) - Antimanuel de philosophie -
Leçons socratiques et alternatives, Bral, 2001
11) L'Invention du plaisir - Fragments
cyrénaïques -, Paris, Grasset & Fasquelle, Livre
de poche, 2002.
12) - Physiologie de Georges
Palante - Pour un nietzschéisme de gauche - , Grasset &
Fasquelle, Livre de poche, 2002.
13) - Célébration du génie
colérique - Tombeau de Pierre Bourdieu -, Paris, Galilée,
2002
14) - Féeries anatomiques -
Généalogie du corps faustien -, Paris, Grasset &
Fasquelle, Livre de poche, 2003.
15) - La communauté philosophique - Manifeste pour
l'Université populaire - , Galilée, 2004.
16) - La philosophie féroce -
Exercices anarchistes - , Paris, Galilée, 2004.
17) - Traité d'athéologie -
Physique de la métaphysique - , Paris, Grasset & Fasquelle,
Livre de poche, 2005.
18) - La philosophie féroce - Traces de
feux furieux - , Paris, Galilée, 2006.
19) - La Sagesse tragique - Du bon usage de
Nietzsche - , Paris, Grasset & Fasquelle, Livre de poche, 2006.
20) - La puissance d'exister - Manifeste hédoniste
-, Paris, Grasset & Fasquelle, 2006.
21) - Les Sagesses antiques - Contre-histoire de la
philosophie I - , Paris, Grasset & Fasquelle, Livre de poche,
2006.
22) - Suite à la communauté philosophique -
une machine à porter la voix - , Paris, Galilée, 2006.
23) - Le christianisme hédoniste -
Contre-histoire de la philosophie II-, Grasset & Fasquelle, 2006
24) - Les libertins baroques - Contre-histoire de la
philosophie III- , Paris, Grasset & Fasquelle, 2007.
25) - Les ultras des Lumières - Contre-histoire de
la philosophie IV-, Paris, Grasset & Fasquelle, 2007.
26) -
La lueur des orages désirés - Journal
hédoniste IV, Paris, Grasset & Fasquelle, Livre de poche,
2007
II-Entretiens avec Michel Onfray diffusés sur le
réseau Internet :
1)
evene.fr/.../interview-onfray-atheologie-puissance-exister-558.php.
2) libertaire.free.fr/MOnfray01.html
3)
fen.fr/modules.php?name=News&file=article&sid=188
4) regards.fr/article/?id=117&q=author.86
5)
leflambeau.com/michel%20onfray/entretien%20michel%onfray.htm
6)
chrysalide44free.fr/dotclear/index.php?2005/04/16/2007-michel-onfray
7)
endehors.org/news/pour-une-laicite-post-chretienne
8)
humanite.fr/2006-04-01_cultures_onfray-bonheur-et-violence-de-la-presse
9)
lexpress.fr/style/questions-style/michel-onfray-486613.html
10)
voir.ca/publishing/article.aspx ?article=38139&=11
III- Ouvrages cités :
1) PLATON, apologie de Socrate-Criton-Phédon,
trad.Emile Chambry, Flammarion, 1965
2) JONAS Hans, Le principe responsabilité - une
éthique pour la civilisation technologique, trad. Jean Greisch,
Paris,Cerf, 1997
3) PLATON, Le Banquet, Paris, Nathan, 1998.
4) Saint Augustin, La cité de Dieu, Gallimard,
2000
5) SÉNÈQUE, Lettres à Lucilius,
Mille et une nuits, 2002
6) MESLIER Jean, extraits du Testament de Jean
Meslier, version électronique : http :
meslier.monsite.wanadoo.fr/index.jhtml ( version de Meslier ou la version
intouchée)
7) MESLIER Jean, Testament de Meslier, édition
électronique :
http :classiques.uqac.ca/collection_documents/meslier_jeantestament/Testament_tdm.html
( version de Voltaire).
IV- Ouvrages consultés :
1) CHEVALIER Jean-Jacques, Histoire de la pensée -
La pensée chrétienne - Des origines à la fin du XVI e
siècle - , tome II, Paris, Flammarion, 1956.
2) GRESSON et DHUROUT, Epicure, sa vie, son oeuvre,
Paris, P.U.F, 1958.
3) FINK Eugène, La philosophie de Nietzsche,
Paris, les Éditions de Minuit, 1965.
4) Millet Louis, Pour connaître la pensée de
Spinoza, Paris, Bordas, 1970.
5) KHODOSS Florence, Profil textes philosophiques -
ROUSSEAU Jean-Jacques, Du contrat social (Livres I et II), Hatier, 1990.
6) BERNARD Sève, Profil textes philosophiques
- Pensées sur la religion - Pascal, Hatier, Paris, 1992
7) RUSS Jacqueline, La pensée éthique
contemporaine, Q.S.J, Paris, P.U.F, 1994.
8) BERNARD Jean, La bioéthique, France,
Flammarion, 1994.
9) PLATON, Philèbe, oeuvres complètes
tome IX, trad.Auguste Diès, Les Belles Lettres, 1996
10) MATTEI Jean-François, Les droits de la
vie, Paris, Éditions Odile Jacob, 1996
11) BREHIER Emile, Histoire de la philosophie -
Antiquité et Moyen Âge - tome I, Paris, P.U.F, 1997
12) COLLECTF, Philosophie des Lumières- Leibniz,
Hume, Kant, Volume VII, Paris, éditions France Loisirs, 2001
14) RAFFIN Françoise, Descartes et le
rationalisme, Paris, Armand Colin, 2001.
15) DESCARTES René, Discours de la
méthode, Nathan, 2002.
16) Olivier Christin et Patrick Champagne, Mouvements
d'une pensée- Pierre Bourdieu, Paris, Bordas, 2004.
17) FERRY Luc et GAUCHET Marcel, Le Religieux après
la religion, Grasset & Fasquelle, livre de poche, 2004.
18) DESCARTES René, Méditations
métaphysiques 1, 2 et 3, Gallimard, 2006.
19) ZANAZ Hamid, la Mélancolie Joyeuse- Excursions
dans la philosophie de Cioran, Editlivre, Editions aparis, 2008.
V- Ouvrages critiques sur
Onfray :
1) BAUMIER Mathieu, L'Anti-traité
d'athéologie - le système d'Onfray mis à nu -,
Presses de la Renaissance, 2005.
2) FERNANDEZ Irène, Dieu avec esprit -
Réponse à Michel Onfray -, Philippe Rey, 2005.
VI - Entretiens tirés du réseau
internet :
1) Entretien avec Marcel Conche .
2) Entretien avec André comte-Sponville .
3) Entretien avec Sarkozy.
VII - Articles consultés :
1) L'historicité de Jésus
2) La loi de 1905 sur Wikisource.
3) Le discours de Sarkozy à Latran
4) La Chronique : Union des athées.
5) SAINT-PROT Charles, « Les Eglises
évangélistes et le jeu des Etats-Unis dans le monde
arabe. »
6) COOK Jonathan, « l'épuration des
Palestiniens chrétiens en Irak »
7) HERSH Seymour, « Iran-Irak la volte face des
Etats-Unis »
VIII - Livres Saints :
1) Le Talmud, trad. Jacques Marty, Éditions Payot &
Rivages, Paris, 1986.
2) La Bible, société biblique française,
Corée, 1997.
3) Le Coran, trad. Jean Grosjean, Éditions Philippe
Lebaud, 1979
IX - Magazine :
1) La Vangardia, le 24 mai 2007 : Georges Corm
2) philosophie magazine N8- Quelles idées pour
l'Elyseee ? - Dialogues exclusif : Nicolas Sarkozy et Michel
Onfray
3) Libération, 16 Janvier, 2007 : Onfray
X- Ouvrages de Nietzsche :
1) NIETZSCHE Friedrich, Humain trop humain, tome I,
II, trad.Desrousseaux, Mercure de France, 1910.
2) - La naissance de la tragédie,
trad.Geneviève Blanquis, Gallimard, 1949
3) - Le gai savoir, trad. Alexandre
Vialatte, Gallimard, 1950
4) - Par delà le bien et le mal
trad. Henri Albert, Mercure de France, 1963
5) - L'Antéchrist, trad. Dominique
Tassel,Paris, Union générale d'Éditions, 1967
6) - Crépuscule des idoles, trad.Jean-Claude
Hemery, Gallimard, 1974
7) - Ecce homo, trad.Jean-Claude Hemery, Gallimard,
1974
8) - Aurore, trad.Julier Hervier, Paris, Gallimard,
1980
9) - Ainsi parlait Zarathoustra, trad.Maurice de
Gandillac, Paris, Gallimard,
1971
10) - La Généalogie de la morale, trad.
Patrick Wolting, Livre de poche, 2000
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A. L'Antiquité
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B. Le Moyen-Âge et la
Renaissance
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C. Le 17 ème
siècle :
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D. Le 18ème
siècle
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* 1 Eve
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ÇáÈíÖÇÁ 1991 Õ.5-19
* 3 Jacques DERRIDA, La
voix et le phénomène, Presses Universitaires de France,
1967, p.115.
* 4 Voir l'entretien avec Conche
sur le site suivant :
philomag.com/article, entretien,
marcel-conche-la-mort-ne-peut-m-enlever-ma-vie,56.php
* 5 Voir le dictionnaire des
citations sur le site suivant : atheisme.free.fr
* 6 Voir le dictionnaire de
citations sur le site déjà cité :
atheisme.free.fr.
* 7 Voir l'interview avec
Sponville sur le site suivant :
evene.fr/.../interview-andre-comte-sponville-esprit-atheisme-613.php
* 8 Michel ONFRAY,
Politique du rebelle- Traité de résistance et d'insoumission- ,
Paris, Grasset &Fasquelle, Livre de poche, 1997, p.48.
* 9 Pour le Coran, voir (
sourate II, 29-36) Et pour la Torah et la Bible chrétienne voir
Genèse II et III.
* 10 Cf. Michel ONFRAY, La
lueur des orages désirés - Journal hédoniste IV,
Grasset & Fasquelle, 2007, p.14 ; p.15
* 11 Cf. Michel ONFRAY, Le
désir d'être un volcan - Journal hédoniste I, Grasset
& Fasquelle, Livre de poche, 1996, p.276.
* 12 Idem
* 13 Ibid., p.277
* 14 Ibid., p.278
* 15 Il est notable que
Michel Onfray est un philosophe nietzschéen puisqu'il avoue que cette
Figure éminente l'accompagne depuis l'âge de quinze ans et que
Ainsi parlait Zarathoustra est son livre de chevet. ( Cf.
l'introduction à son ouvrage sur Nietzshe La Sagesse tragique
et son entretien sur le site suivant :
www.lexpress.fr/styles/questions-style/michel-onfray-486613.html.)
La pensée de Nietzsche est, à l'avis de notre philosophe
contemporain, plus que jamais d'actualité.
D'ailleurs, il ne faut pas oublier que Nietzsche
lui-même avait écrit: « Moi non plus, je ne suis
pas encore à l'ordre du jour : il en est qui naissent
posthumes. » ( Nietzsche, Ecce Homo, Gallimard, 1974,
Pourquoi j'écris de si bons livres, § 1, p.61).
Ceci dit, nous allons, au fil des pages, mettre en exergue
la façon dont la pensée de Nietzsche a nourri celle de Onfray.
Commençons alors par le premier point de
ressemblance.
L'interprétation du commencement de la Bible comme
l'histoire de la colère de Dieu contre Eve a été surtout
esquissée par Nietzsche dans L'Antéchrist. Ce dernier a
montré que pour le christianisme, c'est Eve qui a poussé l'homme
à manger de l'arbre de la connaissance et c'est elle qui a
créé la science, rivale historique de Dieu.
Par ce mauvais acte, Eve sera donc à l'origine du
péché originel et du mal qui régit notre monde car
l'impératif moral « Tu ne connaîtra point » ne doit
pas être violé.
(Cf. Nietzsche, L'Antéchrist, Union
générale d'éditions, 1967, § 48-49, pp.78-81)
* 16 Le
désir d'être un volcan, op.cit., p.91
* 17 Cf. La lueur des
orages désirés, op.cit., p.15. Et Le désir
d'être un volcan, op.cit., p.281 ; p.282
* 18 Cf. La lueur des
orages désirés, op.cit., p.14.
* 19 Ibid., p.15
* 20 Michel ONFRAY, L'Art
de jouir - Pour un matérialisme hédoniste - , Grasset &
Fasquelle, Livre de poche, 1991, p.220.
* 21 Cf. Michel ONFRAY,
Traité d'athéologie - Physique de la métaphysique -,
Grasset & Fasquelle, Livre de poche, 2005, p.15
* 22 Cf. Le désir
d'être un volcan, op.cit., p.280. Et Les vertus de la foudre -
Journal hédoniste II, Grasset, 1998, p.450
* 23 Cf. Le désir
d'être un volcan, op.cit., p.280.
* 24 Idem
* 25 Idem
* 26 Ibid., p.282 ; p. 283
* 27 Traité
d'athélogie, op.cit., p.142
* 28 Michel ONFRAY, Les
Sagesses antiques, Contre histoire de la philosophie, t.1, Grasset, 2006,
p.18 ; p.19
* 29 Le socrate
platonisé, Platon, Hippias, Protagoras, Sénèque,
Epictète...L'étude de Michel Onfray s'est limitée au
platonisme.
* 30 Paul de Tarse ou saint
Paul, Tertullien, Origène, Porphyre, Constantin, saint Augustin, saint
Thomas d'Aquin...
* 31 Descartes, François
de Sales, Blaise Pascal, Bossuet, Garasse, Leibniz, Malebranche, Berkeley,
Fénelon...
* 32 Volataire, Kant, Rousseau,
Hegel...
* 33 Les Sagesses
antiques : (VIe av.J.-C - IIe apr.J.-C) regroupent : Leucippe,
Démocrite, Hipparque, Anaxarque, Antiphon, Aristippe, Diogène,
Philèbe, Eudoxe, Prodicos, Epicure, Philodème de Gadara,
Lucrèce et Diogène D'Oenanda.
* 34 Le christianisme
hédoniste (IIe siècle - XVIe siècle) est composé
des gnostiques licencieux : Simon, Basilide, Valentin, Carpocrate,
Epiphane, Cerinthe, Marc, Nicolas. Et des frères et soeurs du
Libre-Esprit, Amaury de Bène, Cornelisz d'Anvers, Bentivenga de Gubbio,
Walter de Hollande, Jean de Brno, Heilwige de Bratislava, Willem Van
Hildervissem, Eloi de Pruynstich. Et du christianisme épicurien :
Lorenzo Valla, Marsile Ficin, Erasme, Michel de Montaigne et Marie de
Gournay.
* 35 Les libertins baroques
et le spinozisme (XVIIe siècle) regroupent : Pierre Charron, La
Mothe Le Vayer, Charles de Saint-Evremond, Pierre Gassendi, Cyrano de Bergerac,
Baruch de Spinoza.
* 36 Les ultras des
Lumières (XIIIe siècle) comportent : Jean Meslier, La
Mettrie, Maupertius, Helvetius, d'Holbach, Sade
* 37 Les vertus de la
foudre, op.cit., p.440
* 38 Ibid., p.450
* 39 L'Art de jouir,
op.cit., p.211
* 40 Cf. La puissance
d'exister, op.cit., p.83.
* 41 Ce refus de
l'hédonisme consumériste chez Michel Onfray a été
manifeste dans le prologue de son ouvrage La Raison goumande où
il vient d'avouer qu'il préfère une fraise dans le jardin de son
père à Yquem.
* 42 Voir l'interview de
Michel Onfray sur le site suivant :
evene.fr/.../interview-onfray-atheologie-puissance-exister-558.php.
Et :
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* 43 L'Art de
jouir, op.cit., p.233
* 44 Traité
d'athéologie, op.cit., p.23
* 45 Les ultras des
Lumières, op.cit., p.210
* 46 La puissance
d'exister, op.cit., p.65
* 47 Idem
* 48 Cf. Les ultras des
lumières, op.cit., p.39 ; p.69
* 49 Les vertus de la
foudre, op.cit., p.69.
* 50 Cf. Michel ONFRAY,
Cynismes - Portrait du philosophe en chien - , Grasset &
Fasquelle, Livre de poche, 1990, p.12
* 51 Les vertus de la
foudre, op.cit., p.81.
* 52 Le maître de Onfray
s'appelle Lucien Jerphagon qui est un célèbre philosophe et
historien français.
* 53 Cynismes,
op.cit., p.17
* 54 C'est dans la
deuxième et la troisième partie que nous examinerons des figures
éminentes de sculpture de soi.
* 55 La paternité de
cette maxime «Deviens ce que tu es» remonte à Nietzsche qui
vient affirmer, en premier lieu, que personne ne décide de sa maladie,
sa santé, ses parents, son environnement, etc., mais que ces choses lui
ont été imposées d'une façon inéluctable. Ce
qu'il est chacun de nous dépend alors pour la plus grande partie de la
nécessité.
Toutefois, ajoute Nietzsche, seul l'authentique philosophe
peut vouloir ce qui lui advient, peut user de sa liberté pour consentir
à son destin. Cette liberté quelque peu contradictoire pousse le
philosophe à construire «la philosophie de sa personne», la
philosophie qui remonte au Corps et ne s'échappe pas dans un endroit
où l'on vit reclus et retiré du monde. La conséquence qui
découle de cette « philosophie de sa personne» de ce «
Deviens ce que tu es» est le fait de donner un sens à sa vie, de la
transfigurer et de ne pas mourir de son vivant. (Cf., Michel ONFRAY,
Physiologie de Georges Palante - Pour un nietzschéisme de
gauche, Paris, Grasset & Fasquelle, Livre de poche, 2002,
pp.9-25)
Cette production d'une vie philosophique ou
transfigurée est un thème récurrent dans l'oeuvre de
Michel Onfray et notre philosophe contemporain le répète à
plusieurs endroits.
Toutefois, Onfray vient donner ici un tout autre sens à
la maxime citée. =
= « Deviens ce que tu es» sinterprète comme
une incitation à devenir des enfants philosophes. Or cette
première étape sert à déblayer le terrain à
toute sculpture ultérieure de notre existence.
Voyons pour l'instant comment se déroule la
pédagogie de Onfray à partir de cette maxime «Deviens ce que
tu es.»
* 56 Cf. Michel ONFRAY,
Féeries anatomiques - Généalogie du corps
faustien - , Paris, Grasset & Fasquelle, Livre de poche, 2003,
p.384 ; p.387 ; p.388
* 57 Ibid., p.132
* 58 Ibid., pp.132-136
* 59 Ibid., p.135
* 60 Ibid., p.136 ; p.
137.
* 61 Ibid., p.370
* 62 Ibid., p.139.
* 63 Ibid., p.126 ;
p.129 ; p.142 ; p.143
* 64 Ibid., p.123
* 65 En fait, les
interprétations scientifiques divergent sur la date exacte de la
naissance de l'humain.
Michel Onfray, de sa part, vient apporter plusieurs
réponses à cette question : vingtième semaine
(Féeries anatomiques, p.128), dixième semaine (Ibid.,
p.141), seizième semaine (Ibid., p.146), vingt-cinquième semaine
(Ibid., p.148 et La puissance d'exister, p.193).
Néanmoins, dans tous les cas l'essentiel
demeure le même : la généalogie de
l'humanité est corrélative au développement du cerveau.
* 66 Ibid., p.146
* 67 La puissance
d'exister, op.cit., p.193
* 68 Ibid., p.192 ;
p.193.
* 69 Cf. Féeries
anatomiques, op.cit., p.147 ; p.148
* 70 Ibid., p.148. Il est
à noter que l'enfance chez Onfray débute au septième mois
dans le ventre maternel et non avec l'apprentissage du langage plus tard. Nous
reviendrons plus bas sur cette question.
* 71 Ibid., p.150
* 72 Le second temps c'est
l'examen de la philosophie.
* 73 Cf. La puissance
d'exister, op.cit., p.192.
* 74 Idem
* 75 Michel ONFRAY, La
communauté philosophique - Manifeste pour l'université
populaire - , Paris, Galilée, 2004, p.109. Cette idée est
de Kant.
* 76 Idem
* 77 Idem
* 78 Né à
Trouville-sur-mer en 1957. Il est considéré comme l'un des
pionniers de la philosophie avec les enfants en France. Il anime un atelier de
discussion philosophique destiné aux enfants de plus de sept ans dans
l'U.P. de Caen. Il a écrit un ouvrage préfacé par
Onfray : La raison puérile - Philosopher avec des enfants-
, Labor, 2006.
* 79 Cf. Les vertus de
la foudre, op.cit., p.213 et La communauté philosophique,
op.cit, pp.109-111
* 80 Les vertus de la
foudre, op.cit, p.200
* 81 Idem
* 82 Idem
* 83 Idem
* 84 Ibid., p.201
* 85 Cultiver ce naturel est
d'une grande importance parce qu'il nous permet de passer du questionnement de
la vie ( première partie) à la transfiguration de cette vie
(deuxième étape).
La philosophie qui est une attitude naturelle part de la vie,
certes (questionne la vie) mais pour y retourner.
Dès lors, la transfiguration ou le fait de donner plus
de vie à notre vie est consécutive au questionnement.
Mais il est très tôt de pouvoir parler de
changement chez l'enfant et ceci pour les raisons suivantes :
Premièrement, les éléments constitutifs de sa vie sont peu
nombreux. Le vécu de l'enfant avec ses couleurs noirs et vives n'est pas
tout à fait riche.
Deuxièmement, ce qu est le plus important, c'est que
l'instrument du changement de ce vécu qu'est le questionnement a
été fortement réprouvé par la
société.
Dans les pages qui viennent, nous nous concentrons sur cette
réprobation du questionnement. Ce qui nous permettra par la suite de le
reprendre.
* 86 Politique du
rebelle, op.cit., p.9
* 87 Georges Palante
(1862-1925) est un philosophe et sociologue français. Il a écrit
une dizaine d'ouvrages dont Combat pour l'individu et Les
Antinomies entre l'individu et la société
* 88 Physiologie de Georges
Palantes, op.cit, p.108 ; p.110
* 89 Cf. La lueur des
orages désirés, op.cit., p.153 et La communauté
philosophique, op.cit., p.111
* 90 La
communauté philosophique, op.cit., p.112
* 91 Idem
* 92 Ibid., p.113
* 93 Idem
* 94 Ibid., p.113 ;
p.115
* 95 Michel ONFRAY,
Antimanuel de philosophie - Leçons socratiques et alternatives
- , Bréal, 2001, p.124 ; p.170
* 96 Jeremy Bentham
(1748-1832) est un philosophe, jurisconsulte et réformateur Britannique.
Parmi ses ouvrages on pouura citer : Panoptique ou Maison
d'inspection et Déontologie ou science de la morale.
Bentham a souhaité que son cadavre fût disséqué
pour être utile à la science.
* 97 « La prison
vue par un philosophe français » in Dits et Ecrits, tome II,
Gallimard, 1975, in Ibid., p.131
* 98 Panoptique
(1839), trad.F. - E. Morin et M.Perrot, Belfond, 1977 in Idem
* 99 Idem.
* 100 Cf. Antimanuel de
philosophie, op.cit., pp.170-174
* 101 Les vertus de la
foudre, op.cit., p.204
* 102 La
communauté philosophique, op.cit., p.114
* 103 Cf. La lueur des
orages désirés, op.cit., p.61
* 104 Ibid., p.155
* 105 Dans la
deuxième et la troisième partie, nous allons assister à
des philosophes qui brisent les cadres et libèrent leur
« je » pour fonder leur propre philosophie.
* 106 Cf. Antimanuel de
philosophie, op.cit., p.17 ; p.18
* 107 Le désir
d'être un volcan, op.cit., p.59 ; p. 60
* 108 Cf. La
communauté philosophique, op.cit., p.67
* 109 Victor Cousin
(1792-1867) est un philosophe français. Il était ministre de
l'instruction publique en 1840. Ce penseur trouve qu'aucun système
philosophique n'était parfait, c'est pourquoi il a pris l'initiative de
mettre en scène son systeme médiateur
« l'électivisme » qui unit l'idéalisme, le
matérialisme, le scepticisme et le mysticisme.
Toutefois, Onfray va faire l'économie de
l'électivisme et affirmer que c'est grâce à Victor Cousin
que la philosophie idéaliste s'attribue le monopole de la scène
philosophique.
* 110 Le bulletin officiel
ou le journal officiel du ministère de l'éducation publie des
actes administratifs : décrets, notes de services...
* 111 Cf. Antimanuel de
philosophie, op.cit., p.20
* 112 Ibid.,p.60
* 113 Ibid.,p.19
* 114 Cf. La lueur des
orages désirés, op.cit., p.62 ; p.152
* 115 Cf. Antimanuel de
philosophie, op.cit., p.17
* 116 Ibid., p.19. La
communauté philosophique, op.cit., p.91. La lueur des orages
désirés, op.cit., p.155.
* 117 Cf. La
communauté philosophique, op.cit., p.62
* 118 Entretien avec Onfray
diffusé sur l'Internet.
Site :www//libertaire.free.fr/MOnfray01.html
* 119 La
communauté philosophique, op.cit, p.115
* 120 F.NIETZSCHE,
Lettre à Peter Gast, 26 mars 1879 in Ibid., p.11
* 121 Cf. La
communauté philosophique, op.cit., p.21
* 122 D'où le titre
de son ouvrage La communauté philosophique.
* 123 Ces treize
participants enseignent les matières suivantes : contre-histoire de
la philosophie (Onfray), jazz et économie, l'érotisme
littéraire féminin au 20ème siècle,
histoire, bioéthique, littérature contemporaine, psychanalyse,
philosophie des sciences, histoire de l'art contemporain, cinéma,
idées politiques, philosophie pour enfants, découvrir des
personnalités.
* 124 Propos recueillis par
Jérôme Crozat.
Site :
www.fen.fr/modules.php?name=News&file=article&sid=188
* 125 La vie
mutilée, comme l'a définie Michel Onfray, est une « vie
brute qu'aucune construction ni aucun projet n'informent.»
(Traité d'athéologie, op.cit, p.25).
L'école qui tue la question empêche
forcément la construction.
De leur côté, les philosophes idéalistes,
comme on verra plus tard, qui sollicitent un monde idéal se rangent du
côté de l'institution scolaire dans le refus de
l'édification personnelle.
* 126 La
communauté philosophique, op.cit., p.34
* 127 Ibid., p.34 ;
p.35
* 128 Ibid., p.22 ;
p.35
* 129 La lueur des
orages désirés, op.cit., p.187.
* 130 Cf. La
communauté philosophique, op.cit, p.33 ; p.41 ; p.42.
Michel Onfray nous rapporte à son tour que sa
philosophie influence bel et bien un bon nombre d'écouteurs. Voir
l'entretien qui s'est déroulé avec Onfray sur le site
suivant :
http://www.fen.fr/modules.php?name=News&file=article&sid=188,
op.cit
* 131 La lueur des
orages désirés, op.cit., p.194
* 132 Ibid., p.191 ;
p.192
* 133 Interview de Michel
Onfray intitulé Pour un libertinage politique:
site :www.regards.fr/article/?id=117&q=author:86
* 134 La Lueur des
orages désirés, op.cit, p.194 ; p.195
* 135 Cf. La
communauté philosophique, op.cit., p.101 et Antimanuel de
philosophie, op.cit., p.20
* 136 Cf. La lueur des
orages désirés, op.cit, p.192
* 137 Le nominalisme
défendu par Michel Onfray nous évoque nécessairement celui
de Guillaume d'Occam, bien que notre philosophe n'en fasse aucune allusion dans
son oeuvre.
Guillaume d'Occam (1285-1349) a été
considéré comme la figure la plus éminente de
l'école nominaliste. On l'appele le « véritable
initiateur » du nominalisme et le « monarque ou
porte-étentard » des nominaux. (Cf., Emile BREHIER,
Histoire de la philosophie- Antiquité et Moyen Age- , tome 1,
Paris, P.U.F, 1997, p.640)
Guillaume d'Occam établit une distinction entre
« la connaisance intutive » et « la connaissance
abstractive ». La première peut-être sensible ou
intellectuelle suivant qu'elle se papporte aux choses sensibles ou aux
intelligibles expérimentés en nous (joie, tistesse, actes de
volonté, etc.). Cette connaissance avec ces deux volets est, de l'avis
d'Occam, la seule connaissance certaine et vraie puisqu'le est la seule qui
atteigne le réel ; et determine les qualités qui lui sont
inhérentes. Quant à la connaissance abstractive, celle-ci porte
essentiellement sur les universaux et les entités
métaphysiques.Or, remarque Occam, cette connaissance est fausse, absurde
et impensable pour la simple raison que l'universel, au lieu d'expliquer le
singulier, ne fait que doubler les êtres individuels. (Cf. Jean-Jacques
CHEVALIER, Histoire de la pensée - La pensée
chrétienne - Des origines à la fin du XVI e siècle,
tome II, Paris , Flammarion, 1956, p.190 ; p.191)
De ce constat découle le fameux pincipe, dit du
« rasoir d'Occam », selon lequel « il ne faut
pas multiplier les entités sans nécessité »
(Ibid., p.488). Ceci veut dire qu'il est superflu de recouir à des
explications compliquées, solllicitant des principes hors du champ de
l'expérience, quand des explications simples, provenant de l'exprience,
sont plus aptes à rendre compte des objets qui se manifestent à
nos sens.
Ce principe d' « économie ou de
parcimomie de la pensée » est formulé de diverses
façons :
« La pluralité (des notions) ne devrait pas
être posée sans ncessité ».
« C'est en vain que l'on fait avec plusieurs ce que
l'on fait avec un petit nombre ».
« Lorsqu'une explication simple suffit à
expliquer une situation donnée, il est inutile de chercher une
explication compliquée. » (Voir le rasoir d'Occam, le rasoir
qui « coupe tout ce qui dépasse » sur le site
suivant : atheisme.free.fr/Religions/Rasoir_occam.htm.
* 138 La lueur des
orages désirés, p.192
* 139 Cf. La
communauté philosophique, op.cit, p.105
* 140 Ibid., p192 ;
p.193
* 141 En prenant position
contre les «faux maîtres», Onfray agit à l'imitation de
Nietzsche.
Ce dernier a pris le parti de se dérober des voies
traditionnelles des concepts métaphysiques et des abstractions vides
pour se pencher sur les images poétiques et les innombrables
métaphores à même de traduire la réalité.
Dans Crépuscule des idoles, il avoue sa
sympathie pour Salluste et Horace et confesse que son sens du style s'est
éveillé à leur contact. De ce fait, il reproche à
Platon sa négligence des formes du style. Cet idéaliste sera donc
jugé par Nietzsche comme le premier décadent du style.( Cf.
Nietzsche, Crépuscule des idoles, Gallimard, 1974, Ce que je
dois aux Anciens, § 2, pp.144-147)
* 142 Cf. La
communauté philosophique, op.cit., p.106 ;
* 143 Ibid.,
p.107
* 144 Ibid., p.35 ; p.36 ;
p.104
* 145 Cf.Cynismes, op.cit.,
p.36.
* 146 Cf. La
communauté philosophique, op.cit., p.103
* 147 Idem
* 148 Nous revenons sur ces
Lumières dans la deuxième partie.
* 149 Les ultras des
Lumières, op.cit., p.27
* 150 Cf. La
communauté philosophique, op.cit., p.103 ; p.104
* 151
L'entretien :www.libertaire.free/MOnfray01.html ,op.cit
Pour l'effet produit sur les disciples, Cf. Suite à
la communauté philosophique, Galilée, 2006, p.37 ;
p.38
* 152 La
communauté philosophique, op.cit., p.101
* 153 Ibid., p.117
Nous lisons dans la Lettre à
Ménécée d'Epicure la revendication suivante :
« Quand on est jeune, il ne faut pas hésiter à
philosopher, et quand on est vieux, il ne faut pas se lasser de philosopher
(...) Celui qui dit qu'il n'est pas encore ou qu'il n'est plus temps de
philosopher, ressemble à celui qui dit qu'il n'est pas encore ou qu'il
n'est plus temps d'atteindre le bonheur. » (Lettre à
Ménécée, in GRESSON et DHUROUT, Épicure, sa
vie, son oeuvre, Paris, P.U.F, 1958.
* 154 Cf. La
communauté philosophique, op.cit., p.60
* 155 Ibid., p.61
* 156 Idem
* 157 Cf. La lueur des
orages désirés, op.cit., p.153. La communauté
philosophique, op.cit., p.116. Les vertus de la foudre, op.cit.,
p.213
* 158 Cf. La
communauté philosophique, op.cit., p.61
* 159 Ibid., p.27. La
lueur des orages désirés, op.cit, p.64
* 160 Les Sagesses
antiques, op.cit., p.227
* 161 On revient au
féminisme prôné par Onfray dans la troisième
partie.
* 162 La Sorbonne est vue
par les yeux de Michel Onfray comme « l'habituelle servante de
l'Eglise catholique ». 163( Cf. Michel ONFRAY, Les
libertins baroques - Contre-histoire de la philosophie III - Paris,
Grasset & Fasquelle, 2007, p.174 )
* 164 Pierre Bourdieu (
1930- 2002), est un sociologue français. Sa carrière de
sociologue se décide à partir de de la période
algérienne. Parmi ses principales oeuvres on peut citer :
Sociologie de l'Algérie (1958), Travail et travailleurs en
Algérie (1964), Questions de sociologie ( 1981),
Misère du monde (1993).
* 165 Cf. La lueur des
orages désirés, op.cit, pp.79-87. Michel ONFRAY, Traces
de feux furieux - La philosophie féroce II - , Paris,
Galilée, 2006, p.97 ; p.98 ; p.99.
* 166 Propos recueillis par
Le Flambeau le 13/12/04.
Site :
www.leflambeau.com/michel%20onfray/entretien%20michel%onfray.htm
* 167 Cf. La
communauté philosophique, op.cit, p.127 ; p.128
* 168 Ibid., p.71
* 169 Ibid., p.46 ; p.71;
pp.77-79
* 170 Ibid., p.74 ; p.75 ;
p.76
* 171 Gilles Deleuze ( 1925
- 1995) est un philosophe français. Son nom est associé au
« post-structarisme. » Il a écrit de nombreuses
oeuvres philosophiques parmi lesquelles on peut citer : Nietzsche et
la philosophie (1962), Foucault (1986), Critique et
clinique (1993).
* 172 P.champagne et
O.christin, Mouvements d'une pensée - Pierre Bourdieu -, Paris,
Bordas, 2004, pp.186 -196.
* 173 Pierre BOURDIEU,
Sur la télévision, éditions Raison d'agir, 1996
in Ibid., p.186 ; p.187
* 174 Cf. La
communauté philosophique, op.cit, p.44 ; p.45
* 175 Ibid., p.81
* 176 Ibid., p.80 ; p.85
* 177 Ibid., p.73
* 178 Ibid., p.99
* 179 Le contenu ne
signifie pas l'application de sa philosophie dans la vie mais la qualité
du travail de préparation de son cours.
* 180 Ibid. p.119 ;
p.121
* 181 Onfray propose
d'appliquer le principe d'Antoine Vitez « l'élitisme pour
tous » à l'enseignement de la philosophie. Elitisme contre
l'avachissement du café philosophique et pour tous contre
l'Université des élites.
* 182 Ibid., p.72
* 183 Michel ONFRAY,
La Sculpture de soi - La morale esthétique -, Paris, Grasset
& Fasquelle, Livre de poche, p.45
* 184 Voir les deux
premières parties de La sculpture de soi.
* 185 Ibid., pp.58-61
* 186 Cette déesse
apparaît chez Saint Augustin, dans la Cité de Dieu,
IV.8
* 187 Ibid., p.51
* 188 Ibid., p.53
* 189 Les Sagesses
antiques, op.cit , p.22
* 190 La
« sculpture de soi » a son représentant illustre en
Nietzsche qui, dans le gai Savoir vient nous donner cette
règle de conduite : « Soyons les poètes de
notre vie et tout d'abord dans le menu détail et dans le plus
banal. » (Nietzsche, Le gai savoir, op.cit.,§ 289).
Cette maxime se voit attestée par les deux constations
faites par Nietzsche : « l'homme n'est plus artiste, il est
lui-même oeuvre d'art. » (Nietzsche, La naissance de la
tragédie, Gallimard, 1949, §1, p.26) et
« l'existence et le monde ne sont justifiables qu'en tant que
phénomènes esthétiques. » (Idem., p.160)
* 191 Cf. La sculpture
de soi, op.cit, p.76.
* 192 Ibid., p.107 ;
p.112
* 193 Ibid., p.34 ;
p.117
* 194 Avec les philosophes
idéalistes, la force est inhibée. Au lieu de domestiquer, comme
les alternatifs, la part maudite qu'est la dépense, ils
préfèrent l'abattre une fois pour toute. Ibid., pp.120-132.
* 195 Ibid., p.117
* 196 Les idées
d'Onfray évoquent la fameuse formule de Zarathoustra:»
Vois, m'a-t-elle dit, je suis ce qui doit toujours se surmonter
soi-même.» ( Ainsi parlait Zarathoustra, p.117 in
Eugène Fink, La philosophie de Nietzsche, Les Editions de
Minuit, 1965, p.100).
Eugène Fink, l'auteur de La philosophie de
Nietzsche, explique cette phrase de la façon suivante:
La transcendance de soi ne signifie aucunement
l'ascétisme mais le fait de créer sans relâches de
nouvelles formes d'existence et de nouvelles victoires. Le triomphe sur soi- =
= même ressemble donc à un énorme tour qui ne cesse
d'augmenter et à un nouvel étage s'ajoutant constamment aux
anciens.( Cf, La philosophie de Nietzsche, op.cit, pp.93-96)
Cette idée du créateur qui se dépasse, de
l'homme qui se surmonte a été de même
répétée dans Ainsi parlait Zarathoustra »
oui il faut qu'il y ait dans votre vie beaucoup de mortes amères,
ô créateurs. Ainsi vous serez les défenseurs et les
justificateurs de tout ce qui est périssable.»( Ainsi parlait
Zarathoustra, p.94 in Ibid., p.95)
* 197 Ces philosophes sont
appelés par Onfray hédonistes. L'hédonisme étant un
système philosophique qui place le Corps au centre de la vision du
monde. Il part du Corps pour le sculpter. Il y a un hédonisme politique,
éthique, épistémologique etc. l'hédonisme
érotique communément connu étant une partie
intégrante de ce grand hédonisme.
* 198 Cf. La sculpture
de soi, op.cit., p.31 ; p. 32, ; p. 33
* 199 La puissance
d'exister, op.cit., p.66
* 200 Dans Ainsi
parlait Zarathoustra, Nietzsche s'est adressée aux
«contempteurs du corps» en montrant que leur esprit ou leur petite
raison, leurs pensées et leurs sentiments ne sont que les rejetons du
corps nommé « la Grande raison ». ( Cf. Ainsi
parlait Zarathoustra, op.cit, pp.45-47)
Dans le même registre, il vient montrer dans la
préface de son ouvrage le gai savoir que la santé et la
philosophie sont étroitement liées. Ce qui fait que chacun a
indiscutablement « la philosophie de sa personne». Toutefois, ajoute
Nietzsche, cette philosophie qui jaillit du corps a été
cachée par le voile de l'idéal, de l'idée pure et de ce
qui est lointain.
( Cf. Nietzsche, Le gai savoir, op.cit., pp.7-15)
* 201 Les Sagesses
antiques, op.cit., p.183
* 202 Ibid., p.207
* 203 Cette expression est
inventée par Onfray pour signifier un évènement produit
une seule fois dans la vie et qui influe sur le cheminement de la pensée
du philosophe. (Cf. L'Art de jouir, op.cit, pp.23-77)
* 204 Le christianisme
hédoniste - Contre-histoire de la philosophie II - , Paris, Grasset
& Fasquelle, p.248 ; p.249
* 205 Ibid., p.260 ;
p.261 ; p.262.
* 206 Il demande à
un tiers de l'écrire.
* 207 Ibid.,
pp.199-204 ; p.247
* 208 Ibid., p.200 ;
p.260
* 209 Les ultras des
Lumières, op.cit., p.50
* 210 Meslier écrit
dans le Testament : « Mes chers amis, puisqu'il ne
m'aurait pas été permis et qu'il aurait été d'une
trop dangereuse et trop fâcheuse conséquence de dire ouvertement
pendant ma vie, ce que je pensais de la conduite et du gouvernement des hommes,
de leurs religions et de leurs moeurs, j'ai résolu de vous le dire
après ma mort. » Extraits du Testament de Jean
Meslier, version électronique :
meslier.monsite.wanadoo.fr/index.jhtml (version de Meslier ou la version
intouchée), (suite 1)
* 211 Partisans du Christ
et partisans de Dieu selon Meslier
* 212 Ibid., p.47 ;
p.48 ; p.50
* 213 Le rococo,
comme l'expliquait Onfray, se caractérise par les lignes brisées
et ondulantes, la profusion, l'asymétrie et la dissymétrie.(Cf.
Les ultras des Lumières, op.cit, p.54)
Or le style rococo ne s'applique pas seulement dans
la littérature mais il recouvre également la peinture,
l'architecture, la musique, l'orfèvrerie, la ferronerie, le mobilier,
l'ébénisterie. La principale caractéristique qui unissait
tous ces beaux-arts est l'éclatement de toutes formes de structures.
De ce fait, le terme rococo qui est apparu en
France en 1930 est le résultat d'une combinaison entre deux
termes : rocaille en francais qui désigne une
ornementation imitant les rochers et les pierres naturelles et les formes
incurvées de certains =
= coquillages, et baroco (baroque) en italien qui
signifie la rupture avec l'ordre, la logique et l'esthétique habituels.
(Cf., encyclopédie Wikipédia)
* 214 Le christianisme
hédoniste, op.cit., p.54
* 215 Ibid., p.59
* 216 Ibid., p.54 ;
p.55
* 217 Meslier se purifie en
révoltant les pauvres contre les détenteurs du pouvoir. Le jouir
débouche donc sur le faire jouir.
* 218 Cynismes,
op.cit., p.72
* 219 Nietzsche, le
« maître de Michel Onfray » a constaté
également que chez presque tous les peuples, le nom du philosophe reste
associé au type sacerdotal et à l'héritage du
prêtre. Cf. l'Antéchrist §12
* 220 Cf. Les Sagesses
antiques, op.cit., p.13
* 221 Cf. Platon,
Apologie de Socrate-criton-Phédon, Paris, G-F Flammarion, 1965,
trad., notices et notes. Emile Chambry, I-LXVII, pp.103-180 (partie
Phédon seulement)
* 222 Ibid., IX, p.112 ;
XI, p.115 ; XII, p.116 ; p.117
* 223 Ibid., IX, p.112
* 224 Platon utilise cette
expression dans IX
* 225 La tempérance
chez Platon, c'est l'abstinence de tout plaisir alors que chez les sagesses
antiques c'est la recherché du plaisir modéré.
* 226 Ibid., pp.117-119
* 227 Ibid., pp.113-115 ;
XXVII, p.133
* 228 Ibid., p.113
* 229 Le Socrate
platonisé
* 230 Ibid., XII, p.116
* 231 Ibid., XIII, p.118-;
p.119
* 232 Ibid., XXIX ; XXX ;
XXXI, pp.104-137
* 233 Cf. Les Sagesses
antiques, op.cit., pp.44-47 ; p.66 ; p.67 ; p.200 ;
p.203 ; p.250 ; pp.275-278
* 234 Ibid., p.288
* 235 Ibid., p.198 ; p.200
; p.249 ; p. 250 ; pp.285-289
* 236 Cf.
Cynismes, op.cit., pp.95-107
* 237 Ibid.,
p.106
* 238 Platon s'accorde avec la
société grecque dans le refus du cannibalisme associé
à la régression et la barbarie. Ibid., p.99
* 239 Les Sagesses
antiques, op.cit., p.144
* 240 Le désespoir
est pris ici dans un sens métaphysique selon lequel on ne doit rien
attendre de la mort pour se réjouir ici et maintenant. Cioran l'auteur
de la célèbre phrase « l'espoir est une vertu
d'esclave » s'en souviendra.
* 241 Il est
nécessaire de remarquer ici que l'hédonisme ici est pris dans le
sens restreint du terme, car il concerne une branche de l'hédonisme en
général : la morale sexuelle.
* 242 Ibid., p.48 ;
p.49
* 243 Cf. Michel ONFRAY,
L'invention du plaisir - Fragments cyrénaïques - , Paris,
Grasset & Fasquelle, Livre de poche, 2002, p.42 ; p.43.
* 244 Cf. Les Sagesses
antiques, op.cit., p.143.
* 245 Ibid.,p.128
* 246 Ibid.,p.147
* 247 Citation d'Aristippe
in LAËRCE Diogène, II, 69 in Michel ONFRAY, L'invention du
plaisir, op.cit., P.91
* 248 Cf. Les Sagesses
antiques, op.cit., p.124
* 249 L'objet ne se limite
pas à l'objet matériel. L'homme aussi peut être objet en
tant qu'il est perçu par un autre sujet
* 250 Ibid., p.71
* 251 Ibid., p.195
* 252 Celles-ci jouent un
rôle pédagogique et philosophique.
* 253 Cf. L'Art de
jouir, op.cit., pp.97-99
* 254 Ibid., p.99
* 255 Cf. La puissance
d'exister, op.cit., p.166
* 256 Cf.
Cynismes, op.cit., p.46
* 257 Cf. Les Sagesses
antiques, op.cit, pp.52-57
* 258 A travers cette
distinction entre le Socrate de Platon et le vrai Socrate, Michel Onfray s'est
démarqué de son maître Nietzsche.
Dans Crépuscule des idoles, le philosophe du
19ème siècle a jugé tout pour Socrate et Platon
comme des types de décadence (de la vie), des pseudo-grecs, des
fossoyeurs des instincts, de la santé et du bonheur. A ce titre,
Nietzsche les a retirés l'épithète de «sages».(
Cf. Nietzsche, Crépuscule des idoles, op.cit., Le
problème de Socrate, pp.23-32) =
Pour ce qui est de Socrate, Nietzsche a avancé que sa
résistance contre la vie s'est manifestée dans son courage devant
la mort : « Socrate voulait mourir: - ce n'est pas
Athènes, c'est lui-même qui s'est tendu la coupe de
ciguë: (...) Socrate n'est pas un médecin, s'est-il murmuré
à lui-même : la mort seule est médecin... Socrate,
lui, n'a fait qu'être longtemps malade... » ( Ibid. §12,
p.31 ; p.32)
* 259 Cf. Les Sagesses
antiques, op.cit, p.16 ; pp.52-56 ; p.113
* 260 Ibid.,p.53
* 261 Ibid.,p.52
* 262 Ibid.,p.54
* 263 Ibid.,p.112
* 264 Ibid.,p.26
* 265 L'Invention du
plaisir, op.cit., p.12 ; p.13.
* 266 Les Sagesses
antiques, op.cit., p.110
* 267
Échécrate.
* 268 Platon,
Phédon, 59 c, p.767 in Michel ONFRAY, L'invention du
plaisir, op.cit., p.89
* 269 Diogène Laerce,
III, 36 in Ibid, p.90
* 270 Cf. Les Sagesses
antiques, op.cit., pp.151-161. (partie Philèbe)
* 271 Cf. Platon,
Philèbe, ouvres complètes tome IX, trad.Maurice de
Gandillac, Les Belles lettres, 1996.
* 272 Les Sagesses
tragiques, op.cit, p.154
* 273 Ibid.,p.161
* 274 Ibid.,p.187
* 275 Ibid., p. 140 ;
p.187
* 276 Cf. Michel ONFRAY,
Théorie du corps amoureux - Pour une érotique solaire -
, Paris, Grasset & Fasquelle, Livre de poche, 2000, p.139
* 277 Ibid., p.140
* 278 « A l'un de
ses disciples qui lui propose des provisions pour faire la fête, il
demande - on connaît l'anecdote - un petit pot de fromage. Le jour venu,
le festin se construit autour du présent modeste. » Les
Sagesses antiques, op.cit., p.184
* 279 Théorie du
corps amoureux, op.cit, p. 142 ; p.143 ; Les Sagesses
antiques, op.cit, p.189 ; p.190
* 280 Les Sagesses
antiques, op.cit., p.188
* 281 Théorie du
corps amoureux, op.cit, p.44
* 282 Ibid., p.211
* 283 La notion du
personnage conceptuel a été créée par Gilles
Deleuze. Elle désigne des personnages fictifs, créés par
certains penseurs, pour véhiculer un contenu précis.
Le Zarathoustra de Nietzsche et le Socrate
de Platon sont des exemples de personnages conceptuels.
Voir à ce sujet le livre suivant: Gilles DELEUZE,
Qu'est ce que la philosophie?, en collaboration avec Félix
Guattari, les éditions de Minuit (coll «critique»), Paris,
1991.
* 284 Cf. Traité
d'athéologie, op.cit., pp.157-199.
Le cynique ici a le sens d'opportuniste et n'a rien à
voir avec les cyniques grecs.
* 285 Ibid., pp.157-174.(la
construction de Jésus)
Voir aussi le séminaire de Michel Onfray qui a eu lieu
le mardi 4 novembre 2003 sur le site officiel de Michel Onfray
* 286 Ibid., pp.175-185 (la
contamination paulinienne)
Voir également le séminaire de Michel Onfray du
mardi 18 novembre (l'invention du christianisme) sur le site officiel de Michel
Onfray
* 287 L'histoire de sa
conversion est raconté dans (Act IX, 3-9) et ( Ga I ,17)
* 288 Traité
d'athéologie, op.cit., p.176.
* 289 Pour appuyer les
propos de Michel Onfray sur cet hystérique sexiste nous avons
dégagé des extraits de ses lettres aux Corinthiens.
Nous lisons : « en réalité,
je préférais que tout le monde soit célibataire comme moi
(...).mais si vous ne pouvez pas vous maîtriser, mariez-vous : il
vaut mieux se marier que de brûler de désir. » (1 Cor.
VII, 7-9).
Ensuite : « il faut que les femmes gardent
le silence dans les assemblées : il ne leur est permis d'y parler.
Comme le dit la loi de Dieu, elles doivent être soumises. Si elles
désirent un renseignement, qu'elles interrogent leur mari à la
maison. Il n'est convenable pour une femme de parler dans une
assemblée. » (1 Cor XIV, 34).
De même, « cependant, je veux que vous
compreniez ceci : le Christ est le chef de tout homme, le mari est le chef
de sa femme, et Dieu est le chef du Christ. »
* 290 Onfray repère
ces déclarations de la première et de la deuxième
épître aux Corinthiens : « je me complais dans
les faiblesses, les insultes, les contraintes, les persécutions, les
angoisses pour le Christ ! Car lorsque je suis faible, c'est alors que je
suis fort. » (2 Cor XII, 2-10). Et « je meurtris mon corps
et le traîne en esclavage » (1 Cor. IX, 27)
* 291 Voir St Paul ( Rom.XIII,
1-2)
* 292 Cf. L'Art de
jouir, op.cit., p.141 ; p.142 ; p.156 ; p.157,
pp.200-204
* 293 Cf. Les vertus de la
foudre, op.cit, p.414
* 294 Cette idée a
été certifiée avant par Nietzsche qui dans l'Avant-propos
de son ouvrage Par delà le bien et le mal a
écrit : « le christianisme est du platonisme
à l'usage du peuple. »( Nietzsche, Par delà le bien
et le mal, Mercure de France, 1963, p.8)
Dans le même sens, il trouve dans le
Crépuscule des idoles (chapitre : ce que je dois aux anciens,
§ 2, p.145) que Platon est « si
pré-chrétien »
* 295 Cf. Traité
d'athéologie, op.cit, pp.187-199 (l'Etat totalitaire
chrétien)
Voir aussi le même séminaire qui traite de
Paul de Tarse
* 296 Ibid., p.189
* 297 C'est-à-dire
composé de deux lettres grecques Khi (X) ET Rhô (P) ; les
premières lettres du mot christ. C.f wikipedia...
* 298 Onfray fait sien
l'hypothèse des scientifiques contemporains ultras-rationalistes selon
laquelle ce signe est une configuration des planètes Mars, Jupiter et
Vénus le 10 octobre 312 c'est-à-dire dix-huit jours avant la
victoire de Constantin. Astronomie contre astrologie.
* 299 Ibid., p.193
* 300 Traité
d'athéologie, op.cit., p.193 ; p.194
* 301 Le christianisme
hédoniste, op.cit., p.38 ; p.43
* 302 Ibid., p.41 ;
p.42
* 303 Ibid., p.38
* 304 Ibid., p.44 ;
p.73
* 305 Ibid., p.42 ;
p.43 ; p.68
* 306 Ibid., p.24 ; p.76
* 307 Ibid., p.76
* 308 Ibid., p. 76 ;
p.77
* 309 Michel Onfray nous
rapporte qu'une découverte en 1945, à Nag Hamadi, en Egypte d'une
jarre contenant des rouleaux gnostiques, a rendu possible l'accès
directe aux textes gnostiques. Ibid., p.25.
* 310 Ibid., p.87
* 311 Ibid., p.88
* 312 La divinité de
l'homme chez Nietzsche diffère de celle des tenants du Libre-Esprit car
pour ces derniers, comme on verra par la suite, la divinité de l'homme
tire son fondement d'une croyance religieuse, d'une croyance au Jésus le
sauveur qui a donné aux hommes le salut éternel.
Mais pour Nietzsche, l'homme ne peut être
créateur de ses propres valeurs, ne peut se diriger vers le surhomme qui
est maître de lui-même qu'après avoir tuer Dieu.
Ce faisant, il doit passer par trois
métamorphoses :
« Le chameau » qui symbolise l'homme de
l'idéalisme rampant devant l'hégémonie de Dieu et
obéissant docilement au « Tu dois ».
Ce chameau se métamorphose en un lion quand il se
hâte vers le désert.
Avec ce dernier, le « Tu dois »
cède le pas au « je veux ».
Mais sa volonté reste, pour autant, négative.
Elle dit non. Elle détruit les valeurs qui aliènent mais elle
n'est pas encore volonté créatrice.
Le lion doit devenir alors un « enfant ».
Seul l'enfant qui est innocence et oubli peut être créateur de
nouvelles valeurs.
Donc, à partir du moment où l'homme assassine
Dieu, il reprend sa volonté, sa liberté et devient un homme
authentique, un homme créateur. ( Cf. Ainsi Parlait Zarathoustra,
op.cit., pp.35-37)
Nietzsche conclut Ainsi parlait Zarathoustra par un
conseil que Zarathoustra adresse à ses
disciples : « Tous les dieux sont morts : nous voulons
maintenant que le surhomme vive ! » (Ainsi parlait
Zarathoustra, p.87 in La philosophie de Nietzsche, op.cit,
p.93)
* 313 Cf. Le
christianisme hédoniste, op.cit, p.91 ; p.92 ;
p.95 ; p.96
* 314 Ibid., p.92
* 315 Ibid., p.85
* 316 Ibid., p.93
* 317 Ibid., p.89 ;
p.90 ; p.92
* 318 Ibid., p.97 ;
p.98
* 319 Ibid., p.101
* 320 Ibid., p.105
* 321 Nous nous limiterons
à l'étude du Montaigne qui occupera le tiers du livre d'Onfray
(Le christianisme hédoniste).
* 322 Lorenzo Valla ou Laurent
Valla en français (1433-1499) est un philosophe et polémiste
italien
* 323 Marsile Ficin
(1433-1499) est un poète et astrologue italien
* 324 Erasme (1466-1563) est
un humaniste et théologien néerlandais.
* 325 Ibid., p.231
* 326 Ibid., p.234 ;
p.235
* 327 Ibid., p.235
* 328 Ibid., p.237
* 329 Ibid., p.264 ;
p.265 ; p.269
* 330 Ibid., p.237 ;
p.267 ; p.285
* 331 Ibid., p.283
* 332 Ibid., p.264 ;
p.271 ; p.272 ; p.287
* 333 Avec une seule
différence, puisque Montaigne est monothéiste
* 334 Ibid., p.237 ;
p.238
* 335 Ibid., p.231 ;
p.262
* 336 Ibid., p.225
* 337 Ibid., p.239
* 338 Ibid., p.240
* 339 Classiques est
synonyme d'officiels, d'idéalistes et de dominants.
* 340 Cf. Françoise
RAFFIN, Descartes et le cartésianisme, Paris, Armand colin,
2001 et Descartes, Discours de la méthode, Nathan, 1998,
pp.5-36 (commentaires de D.Huisman)
* 341 Discours de la
méthode, op.cit., p.57
* 342 Les libertins
baroques, op.cit., p.281
* 343 Discours
de la méthode, op.cit., p.53
* 344 Cf. Les libertins
baroques, op.cit., p.14
* 345 A titre d'exemple
Pascal milite pour la conversion des hommes à moitié
chrétiens à moitié indifférents au christianisme.
Il nous invite à vivre en chrétien ; à savoir
s'anéantir devant Dieu et s'écarter des choses terrestres. La
religion chrétienne peut donc trouver en Pascal un défenseur
zélé. Nous y reviendrons quand nous parlons de Spinoza.
Un autre exemple : en ce qui concerne la monarchie, nous
trouvons Bossuet et Fénelon accordant un plein pouvoir au roi qui n'a de
compte à rendre que devant Dieu.
* 346 Ibid., p.15 ;
p.16
* 347 Ibid., p.18 ; p.
19 ; p.33
* 348 Ibid., p.21
* 349 Ibid., p.36
* 350 Malgré
quelques diversités repérées, les libertins baroques
s'accordent sur la croyance aux deux mondes du libertin ; inaugurée
et développée par Charron.
* 351 Ibid., p.71
* 352 Ibid., p.54
* 353 Ibid., p.55
* 354 Les libertins
baroques partagent tous les deux mondes mais ils divergent dans leur
façon de concevoir Dieu. Si Charron défend en privé le
panthéisme, La Mothe le Vayer défend, de son
côté, le christianisme sceptique ou le scepticisme
chrétien. Il fait un mélange de Pyrrhon et de Jésus.
A leur tour, Saint-Everemond et Gassendi professent un christianisme
épicurien ou un épicurisme chrétien. Enfin,
Cyrano de Bergerac croit à un panthéisme enchanté
c'est-à-dire proche des fées.
* 355 Ibid., p.60
* 356 Ces cabinets
regroupent : la Tétrade, L'Académie, Puétane,
les salons parisiens, l'hôtel particulier de Luillier, les balades de la
Provence de Gassendi, les réunions dans la maison philosophique de
Charron.
* 357 Ibid., p.63 ;
p.72
* 358 Ibid., p.60
* 359 Dans la nuit de 23 ou
24 août 1572 - jour de la Saint-Barthélemy, 3000 huguenots
(protestants calvinistes) ont été massacrés. Ce massacre a
été organisé par Catherine de Médicis, reine de
France et veuve du roi Henri II.
* 360 Entre 1562-1598, huit
guerres ont eu lieu en France, interrompues de brèves périodes de
paix (1564-1566-1581-1584). Ces guerres civiles opposèrent 36
années les catholiques et les protestants calvinistes jusqu'à la
promulgation de l'édit de Nantes le 13 avril 1598 dans lequel on
reconnaît enfin la liberté de culte aux protestants.
* 361 Ibid., p.72
* 362 Nous pouvons
remarquer sans peine qu'en dressant un abîme entre la vie et la
philosophie, les libertins baroques ne font que porter atteinte à
l'image du philosophe engagé exigée par Onfray (voir la
première partie). C'est là un point faible dans l'exhumation
faite par Onfray.
* 363 On peut dire que la
spécificité des libertins baroques consiste dans leur
défense de la laïcité au moins en privé. Tandis que
les idéalistes du 17ème siècle s'y opposent
catégoriquement. En privé et en public, ils approuvent la
religion catholique et la monarchie. Cette idée de Michel Onfray se
trouve confirmée dans la phrase suivante : « Dans la
langue de Pascal, la conversion désigne le passage d'une vie de
« croyant sociologique », de « chrétien du
dimanche » à une vie structurée par les exigences du
christianisme ». Cf. Bernard SEVE, Profil textes philosophiques -
Pensées sur la religion - Pascal, Paris, Hatier, 1992, p.8
* 364 Cf. Les libertins
baroques, op.cit., p.61
* 365 Un prêtre
jésuite né à Angoulême en 1585 et mort à
Poitiers en 1631.
* 366 Ibid., p.40 ;
p.44 ;
* 367 Ceci ne veut pas dire
que Spinoza a adhéré au judaïsme. Sa judéité
est d'ailleurs problématique. Le coup de couteau qui déchire son
manteau, la communauté juive qui enjambe son corps pour sortir de la
synagogue, l'excommunication, l'interdiction de l'approcher à moins de
deux mètres... en témoignent. Ibid., p.242 ; p.243
* 368 Idem
* 369 Ibid., p.261
* 370 Ibid., p.260
* 371 Ibid., p.262
* 372 Cette idée
revêt une importance considérable car l'un des piliers de la
laïcité chez Spinoza c'est de poser un dieu dépourvu de
volonté.
* 373 Ibid., p.249
* 374 Ibid., p.250
* 375 Etymologiquement, le
conatus signifie l'effort de l'être. Cet effort permet à chaque
chose de persévérer dans son être, de réaliser sa
conservation.
Nous allons voir que le Bon réalise cette fin alors que
le Mauvais s'y oppose.
Cf. Spinoza MILLET, Pour connaître la pensée
de Spinoza, Paris, Bordas, p.79 ; p.80
* 376 Ibid., pp.262-265
* 377 Ibid., p.14
* 378 Nietzsche avant
Onfray a décrié Pascal qui a fondé la perversion de la
raison sur le péché originel.
Le philosophe athée trouve, pour sa part, que c'est le
christianisme lui-même qui est à l'origine de la
dénaturation de la raison chez Pascal. (Cf., l'Antéchrist,
op.cit §5, p.12).
* 379 Cf. Les libertins
baroques, op.cit, pp.149-151
* 380 Ibid., p.252
* 381 Spinoza, Tractus
theologico-Politicus, chap.16 ; S.P.B., in 74 in Pour
connaître la pensée de Spinoza, op.cit., p.112
* 382 Les libertins
baroques, op.cit., p.252
* 383 Ibid., p.250
* 384 Ibid., p.251
* 385 Ibid., p.253 ;
p.265 ; p.270 ; p.271
* 386
Ibid., p.251
5 Ibid., p.266
* 387 Ibid., p.267
* 388 Ibid., p.269
* 389 Ibid., p.256
* 390 Ibid., p.261
* 391 Ibid.,
p.280
* 392 Cf. Les ultras
des Lumières, op.cit., p.23
* 393 Ibid., p.25
* 394 Ibid., p.21
* 395 Collectif,
Philosophie des Lumières - Leibniz Hume Kant, France Loisirs, 2001,
(chapitre : Réponse à la question : Qu'est-ce que les
Lumières) pp.971-979.
* 396 Sapere
aude ou « ose savoir ! » est une maxime de
l'Aufklärung empruntée à un poète Latin
Horace (Epître I 2, 40). Ibid., p.979
* 397 Cf. Les ultras
des Lumières, op.cit., p.25
* 398 Kant disait à
propos des femmes qu'elles ne peuvent faire un pas hors du parc.
Le parc est pris ici dans un sens figuré et
signifie : comme les enfants ne savent marcher sans le parc roulant, sans
soutien, de même les femmes ont besoin d'un tuteur.
Ibid., p. 972 ; p.979
* 399 Cf. Les ultras
des Lumières, op.cit., p.26
* 400 Mais il ne professe
jamais l'athéisme
* 401 Ibid, p.26 ;
p.27.
* 402 Plusieurs expressions
utilisées par Nietzsche fournissent l`attestation de l'idée
établie par Onfray, à savoir que Kant n'est pas le philosophe des
Lumières que l'on croyait.
Dans l'Antéchrist §10, Nietzsche avait
écrit : « le succès de Kant n'est qu'un
succès de théologien » et dans l'aphorisme §
11 nous lisons : « seul l'instinct théologique
le prit sous sa protection ! (...) Kant s'idiotisa. » . De
même, dans le Crépuscule des idoles, Nietzsche a
considéré Kant comme un « chrétien
perfide ».
* 403 Cf. Les ultras
des Lumières, op.cit., p. 23
* 404 Ibid., p.30
* 405 Cf Florence
KHODOSS, Profil textes philosophiques - Du contrat social Rousseau -,
Paris, Hatier, 1990, p.68
* 406 Les ultras des
Lumières, op.cit., p.30
* 407 Ibid., p.22
* 408 Ibid., p.26
* 409 Certes, Meslier a
écrit le Testament dans la clandestinité pour des
raisons qu'on a déjà citées ( voir deuxième partie,
chapitre I ). Pour autant, son livre s'adresse au public, aux pauvres pour
qu'ils se révoltent. Le Testament est donc une bombe
à retardement.
* 410 Ibid., p.33
* 411
L'Encyclopédie ou le dictionnaire raisonné des
sciences, des arts et des métiers est la première
encyclopédie française. Celle-ci est dirigée par Diderot
et d'Alembert. Elle est éditée de 1751 à 1772 et
totalisera 35 volumes
* 412 La Chronique - Union
des athées soutient les idées d'Onfray en cette question.
Cf. atunionfree.fr/chro007.html
* 413 Il est lui-même
collaborateur de dix-sept volumes.
* 414 Cf. Les ultras
des Lumières, op.cit, p.33 ; p.34 ; p.35 ; p.36
* 415 Ibid., p.58
* 416 Ibid., p.44
* 417 Ibid., p.58
* 418 Ibid., p.59
* 419 Extraits du
Testament de Jean Meslier, version
électronique,op.cit : meslier.monsite.wanadoo.fr/index.jhtml.
(Version de Meslier , suite 6)
* 420 Cf. Les ultras
des Lumières, op.cit, p.59 ; p.60
* 421 Extraits du
Testament de Jean Meslier, op.cit., suite 5
* 422 Cf. Les ultras
des Lumières, op.cit., p.86
* 423 Extraits du
Testament, op.cit, suite 2
* 424 Cf. Les ultras
des Lumières, op.cit., p.88
* 425 Extraits du
Testament, op.cit., suite 1
* 426 Cf. Les ultras
des Lumières, op.cit., p.91
* 427 Ibid., p.48 ;
p.49
* 428 Ibid., p.52
* 429 Ibid., p.94
* 430 Ibid., p.48
* 431 Ibid., p.96
* 432 MESLIER Jean,
Testament de Meslier, version électronique :
classiques.uqac.ca/collection_documents/meslier_jeantestament/Testament_tdm.html.
(Version de Voltaire) p.60
* 433 Cf. Les ultras
des Lumières, op.cit., p.96
* 434 Ibid., p.50 ; p.
53
Voir également la version de Voltaire
* 435 Ibid., p.94
Voir également la version de Voltaire.
* 436 Ibid., p.95
* 437 Ibid., p.21 ;
p.34
* 438 Voltaire écrit
ce livre en 1742 en signalant Meslier
* 439 Ibid., p.235 ;
p.236
* 440 Ibid., p.236
* 441 Idem
* 442 Idem
* 443 Ibid., p.243 ;
p.244
* 444 Ibid., p.244
* 445 Ibid., p.237
* 446 Ibid., p.260
* 447 Le changement brutal
et violent de la monarchie, les actions criminelles menées contre le
monarque et la noblesse. En un mot, la révolution par les armes ne lui
convient plus.
* 448 Idem
* 449 Ibid., p.261 ;
p.262
* 450 Ibid., p.261
* 451 Citation de d'Holbach
dans Ibid., p.266
* 452 Ibid., p.265
* 453 Cette phrase a
été utilisée par Robespierre dans le Discours au club
des Jacobins du 21 novembre 1793.
* 454 Ibid., p.230 ;
p.231
* 455 Meslier et d'Holbach
nient l'existence de Dieu. Leur athéisme ne peut être alors
tranquille.
Néanmoins, leur morale post-chrétienne vise ce
qui est connu. Leur athéisme n'est donc pas intranquille.
Nous y reviendrons plus à ces deux formes
d'athéisme.
* 456 Gilles DELEUZE,
De Périclès à Verdi, éd. De Minuit, p.7 in
Michel ONFRAY, La Sagesse tragique - Du bon usage de Nietzsche - ,
Grasset & Fasquelle, Livre de poche, 2006, p.22
* 457 Onfray a
écrit son ouvrage en 1988 mais il l'a publié en 2006.
* 458 Ibid., p.22 ;
p.23
* 459 Nous y reviendrons
sur ce problème dans la troisième partie.
* 460 Voir l'entretien avec
Onfray sur le site suivant:
http://chrysalide44.free.fr/dotclear/index.php?2005/04/16/207-michel-onfray
* 461 Traité
d'athéologie, op.cit., p.77 ; p.78
* 462 Cf. La puissance
d'exister, op.cit., p.92
* 463 On n'a pas
parlé de Gassendi puisque nous trouvons que ce penseur ne mérite
pas d'être classé dans la case des libertins baroques. Voir plus
loin la conclusion critique.
* 464 En
réhabilitant le sens du goût, Onfray ne fait que suivre les traces
de Nietzsche qui, à maintes reprises, s'est penché sur le
problème de la question alimentaire.
Dans Le gai Savoir, il s'interroge sur les efffets
moraux des aliments et se demande s'il y en a une philosophie de la nutrition.(
Cf. Nietzsche, Le gai savoir, op.cit., Livre premier, § 7,
p.47)
De même, dans Aurore, il déplore que la
diététique ne fasse pas partie des matières obligatoires
dans les écoles primaires et supérieures.( Cf. Nietzsche,
Aurore, Gallimard, 1980, Livre troisième, § 202,
pp.155-157)
Dans le même ordre d'idées, Nietzsche vient
estimer, dans Ecce homo la question alimentaire plus que les
subtilités de la théologie. Cela tient à ce que la
diététique se propose de réaliser le salut de
l'humanité.( Cf. Nietszche, Ecce Homo, op.cit., Pourquoi je
suis si avisé, § 1, p.37).
* 465 Cf., Les ultras
des lumières, op.cit, pp.139-219 (parties Helvétius et
Maupertius)
* 466 Cf. La puissance
d'exister, op.cit, p.166 ; p.167
* 467 Cf. Traité
d'athéologie, p.275
* 468 Cette expression est
utilisée par Onfray dans Ibid., p. 210.
* 469 Irène
Fernandez, l'auteur d'un ouvrage critique sur Michel Onfray Dieu avec
esprit, trouve que Michel Onfray a donné une interprétation
fautive de l'épisode des marchands du Temple.
Loin de signifier la violence, cet épisode est en
rapport direct avec l'argent et le commerce qu'il convient de les
éloigner du Temple sous peine de profaner la « maison du
Père de Jésus »).( Cf. Irène FERNANDEZ, Dieu
avec esprit - Réponse à Michel
Onfray, Paris, Philippe Rey, 2005, p.41)
* 470 Voir l'entretien de
Michel Onfray sur le site suivanbt:
www.voir.ca/publishing/article.aspx?article=38139§ion=11
* 471 Ibid.,
pp.210-213 ; pp.230-233
* 472 Cette expression est
utilisée par Onfray dans Ibid., p.274.
* 473 Tsahal
désigne l'armée de défense d'Israël. Elle est
fondée le 31 mai 1948, deux semaines après la proclamation de
l'Etat d'Israël.
Cette armée israélienne possède de
matériels de guerre très sophistiqués et ceci grâce
à l'aide financière et matérielle des Etats-Unis.
* 474 La Cisjordanie est
une région du Proche-Orient qui se situe entre Israël et la
Jordanie.
* 475 Cf Michel ONFRAY,
La Philosophie féroce - Exercices anarchistes - , Paris,
Galilée, 2005, pp.69-83
* 476 Cette expression est
utilisée par Onfray dans Ibid., p.210.
* 477 Le jihad,
jihâd, djihad ou djihâd est un mot arabe qui
signifie « exercer une force » ou
« combattre ».
Il est divisé en jihâd majeur et
jihâd mineur.
Le jihâd majeur est l'effort que doit faire
tout croyant pour lutter contre les penchants de son âme :
l'orgueil, l'envie, l'égoïsme, la domination de l'autre, le
mensonge....et tout ce qui peut l'égarer, l'éloigner de son
Créateur et le rapprocher du Diable. =
= Le jihâd mineur appellé aussi
jihâd social est mené contre les
Infidèles (Kafir) (il reste de savoir ici qui sont les
Infidèles ?!) ou contre ceux qui veulent usurper les territoires
musulmans, offenser l'islam et les musulmans. Dans ce dernier sens, le
djihâd est défensif et n'a aucune prétention
à conquérir la terre entière.
* 478 Michel Onfray
reproche à Michel Foucault de voir dans la révolution iranienne
une « spiritualité politique » inexistante en
Occident.
Pour Onfray, la révolution iranienne est une sorte
de « fascisme islamique » et l'auteur de
Surveiller et punir, de l'histoire de la sexualité, de
l'archéologie du savoir - ne connaît rien de l'islam
puisqu'il défend un gouvernement islamique qui s'oppose point par point
à son système philosophique: la domination du religieux sur
toutes les sphères de la société, la discrimination
sociale, le biopouvoir généralisé, l'effacement de
l'individu au profit de la communauté, le système
carcéral, l'absolutisme politique, la ranimation de la superstition, le
refus de la liberté de pensée, la société
close...
Cf. Traité d'athéologie, op.cit.,
pp.265-275.
ÑÇÌÚ íÖÇ
ãÞÇá áÍãíÏ
ÒäÇÒ:
ÇáÑæÍÇäíÉ
ÇáÓíÇÓíÉ
åá åí åæÉ
ãíÔÇá æßæ
ÇáßÈÑì Úáì
ãæÞÚ ÇáæÇä :
www. alawan. org
* 479 Malek Chebel est un
anthropologue des religions, psychanalyste et historien algérien.
Né en 1953 à Shikda en Algérie. Il a créé en
2004 l'expression devenu célèbre « l'islam des
Lumières». A ses yeux, l'islam originel, l'islam authentique est
absolument en accord avec la philosophie, la science, le progrès, le
droit de la femme (le port du voile n'est pas édicté dans le
Coran), le respect de l'autre et la liberté d'opinion. C'est un islam
moderne, positif et susceptible de favoriser la modernité d'aujourd'hui
et de demain.
Malek Chebel s'inquiète de l'état de l'islam
dans nos jours et trouve que ce sont les intégristes islamistes qui ont
dénaturé le vrai islam. Ces islamistes fondamentalistes
instrumentalisent le Coran à des fins politiques et imposent silence
à l'esprit de progrès revendiqué par le Coran
* 480 Le fiqh est la
science du mujtahid.
* 481 Cf. Traité
d'athéologie, op.cit., p.219
* 482 Pour plus de
détails sur les batailles de Mahomet voir l'ouvrage suivant :
René MARCHAND, Mahomet :
Contre-enquête, éditions de l'Echiquier, 2006
* 483 Traité
d'athéologie, op.cit., p.220
* 484 Ibid., p. 260
* 485 Ibid., pp.73-76
* 486 Ibid., p.70 ;
p.71.
Si avec Michel Onfray, les trois monothéismes
n'affichent aucune différence hiérarchique, il ne serait autant
avec Nietzsche qui dans L'Antéchrist § 18 vint
déclarer que «la conception chrétienne de Dieu (...) est une
des notions de Dieu les plus infectées auxquelles on soit parvenu
sur la terre. »
* 487 Cf. Loi du 9
décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l'Etat -
Wikisource.
* 488 Cf.
Traité d'athéologie, op.cit., p.278 ; p.279
* 489 On a souligné
l'équivalence entre philosophie et athéisme ici, puisque pour
Onfray, dans ce 21ème siècle, la seule philosophie
digne d'intérêt est l'athéisme.
* 490 Ibid., p.278 ;
p.279
* 491 L'entretien s'est
passé durant les semaines précédant le premier tour de
l'élection présidentielle. Nicolas Sarkozy était encore
un candidat à la présidentielle.
Voir philosophie magazine N 8 - Quelles idées pour
l'Elysée ? - Dialogue exclusif : Nicolas Sarkozy et Michel
Onfray
* 492 Onfray de sa part ne
soutient pas ces idées qui tiennent beaucoup au religieux. Il trouve
qu'il y a des cas où le social construit notre identité. Un
pédophile par exemple n'a pas choisi sa sexualité et s'il avait
le choix, il aurait dû choisir une sexualité qui serait moins= =
traumatisante pour ses victimes. Pourquoi alors se contenter de cette vie
sexuelle s'il a les moyens de la changer?
* 493 Vous pouvez voir le
discours intégral sur le site suivant:
http://
www.france-catholique.fr/Discours-de-Nicolas-Sarkozy-au.html.
* 494
Libération, 16 Janvier, 2007
* 495 Voir l'entretien
avec Onfray sur le site suivant:
endehors.org/news/pour-une-laicite-post-chretienne
* 496
endehors.org/news/pour-une-laicite-post-chretienne, op.cit
* 497 Cf.
Traité d'athéologie, op.cit., p.39 ; p.40
* 498 La puissance
d'exister, op.cit., p.87
* 499 La revendication de
« quelque chose » fait preuve que les Européens ne
sont pas parvenus à une phase franchement athée sinon ils croient
à la décomposition de la matière, et ne sont pas tout
à fait croyants sinon ils croient à l'Enfer et au Paradis.
Néanmoins, remarque Onfray, ce « quelque
chose » les amènera de nouveau à la morale
chrétienne, car à défaut de saisir
ce « quelque chose » qui reste infranchissable, chacun
obéit à la religion dominante de son pays. La phrase de Montaigne
reprise par Onfray retrouve ici toute sa valeur : « on est
chrétien comme Picard ou Breton. » Cf Traité
d'athéologie, p.79
* 500 Cf. La puissance
d'exister p.89 ; p.90 ; p.91 et. Traité
d'athéologie p.77 ; p.78 ; p.79.
* 501 Cf. Traité
d'athéologie, op.cit, p.91 ; p.92
* 502 Ibid.,
p.87
* 503 André
COMTE-SPONVILLE, A-t-on encore besoin d'une religion ? , Les
Editions de l'Atelier, 2003, p.58 in Ibid., p.292.
Il n'est pas douteux qu'en adoptant cette position, Sponville
s'est démarqué de Nietzsche et d'Onfray qui veulent renverser la
religion chrétienne. D'ailleurs, Sponville a lui-même parlé
de cette différence dans l'entretien déjà
cité :
evene.fr/.../interview-andre-comte-sponville-esprit-atheisme-613.php
* 504 Luc Ferry,
André Comte-Sponville, Michel Serres, Jacques Derrida, Marcel Gauchet,
Regis Debray, Giovanni Vatimo, Michel Henry. Cf. La Sagesse tragique,
op.cit., p25 ; p.26
* 505 Luc Ferry ( né
le premier janvier 1951) est un philosophe français. Il fut un ministre
de l'Education nationale en France entre 2002 et 2004.
Il est l'auteur d'une oeuvre assez riche : La
pensée 68 (1985), Le nouvel ordre écologique
(1992), L'Homme-Dieu ou le sens de la vie (1996), Le
Religieux après la religion, avec Marcel Gauchet. ( 2004), etc.
Dans ce dernier ouvrage, il a débattu avec Marcel
Gauchet la question du rapport entre la philosophie et la religion. Deux
paragraphes tirés de cet ouvrage viennent renforcer l'avis de Michel
Onfray selon lequel on assiste avec Ferry à la prédominance du
christianisme à la philosophie.
Nous lisons alors : « Il y a une autre raison
pour laquelle je n'ai pas envie d'abandonner le vocabulaire religieux,
historique et presque mythlogique, c'est que les textes religieux sont souvent
plus riches et plus intéressants par leur contenu que les textes
philosophiques. » et plus loin : « Les grands textes,
la Bible, les Évangiles. Franchement, l'Évangile de Jean c'est
plus beau que la Déclaration des droits de l'homme. »
( Luc FERRY et Marcel GAUCHET, Le Religieux après
la religion, Paris, Grasset & Fasquelle, 2004, p.75 ; p.76).
* 506 Pour ce qui est de
l'amour du prochain ou de la parabole de l'autre joue, nous la
développons dans l'« éthique
élective ». Et la récusation des richesses chez le
peuple, nous la traitons dans « la politique
libertaire ».
* 507 Et bien sûr
pour lutter contre le nihilisme européen dans sa totalité car
l'athée chrétien n'est qu'une figure de ce nihilisme
* 508 Cf. Traité
d'athéologie, op.cit, p.91
* 509 Ibid., p. 28 ; p.41 ;
p.42 ; p.102
* 510 Ibid., p.43
* 511 Ibid., p.27.
* 512 Ibid., p.29
* 513 Pour voir tous les
domaines de l'athéologie Cf. Traité d'athéologie,
op.cit., p34 ; p.35
* 514 Ibid., p.29
* 515 La quête de
l'origine de Dieu ou du monde idéal a été menée
également par Nietzsche.
Dans son ouvrage La philosophie de Nietzsche,
Eugène Fink expliquait la généalogie de Dieu chez
Nietzsche en disant que l'idée de Dieu jaillit de l'homme
lui-même. Ce dernier s'est emparé alors des biens de la terre pour
remplir l'au-delà. Seul le surhomme qui pose la mort de Dieu vient
s'éveiller à lui-même et reconnaître que Dieu
n'était jusqu'ici qu'un reflet utopique de l'ici-bas. (Eugène
Fink, La philosophie de Nietzsche,op.cit., pp.85-86)
Ce Dieu inventé va causer la scission de l'homme,
l'élaboration d'un fossé entre soi et soi car ce Dieu va
s'élever contre la vie, la force et la puissance, en un mot, contre
tout ce qui constitue l'homme.
Pour expliquer ce mécanisme ou ce qu'on appelle encore
l'aliénation, Nietzsche publie la Généalogie de la
morale dans laquelle il remonte aux origines pulsionnelles du monde
idéal.
Dans le premier traité («Bon et
méchant», « Bon et mauvais») du livre cité,
Nietzsche nous fait connaître que le «ressentiment «du faible
ou de l'esclave a été fécond et créateur. Ce
faible, ce déshérité de la vie, à qui toute
véritable action était impossible, se livre à une autre
action, à une « réaction» ou une « contre-
création».Toute sa logique consiste à dire non au
maître, au fort, au type affirmateur, à un « non pas
soi-même». Dès lors, on assiste au renversement des valeurs
nobles et au «soulèvement d'esclaves en morale»: le fort sera
le méchant et le faible devient le bon. On invente alors un autre monde
qui s'installe contre le mouvement ascendant de la vie.
A cette première généalogie de Dieu ou du
monde idéal (la haine ou le ressentiment) s'ajoute une autre. Dans
L'Antéchrist § 39, Nietzsche a déclaré que
« réduire le chrétien, la vie chrétienne à une
simple phénoménalité de conscience, c'est nier le fait
chrétien.»
Cette phénoménalité de la conscience
consiste à voir dans la «foi» un voile, un manteau qui cache
un malentendu psychologique, un jeu des instincts.
Dans cette perspective, Nietzsche vient établir dans le
deuxième traité («faute», «mauvaise
conscience») de sa Généalogie que la
«volonté de puissance» déclinante génère
la mauvaise conscience qui crée à son tour le monde des
idéaux ascétiques.
En fait, les instincts qui ne se dirigent pas vers
l'extérieur se retournent vers l'homme lui-même (dans ce second
cas l'homme n'a pas à faire avec les autres hommes mais avec
lui-même, avec son moi animal.)
L'homme se torture, se maltraite se culpabilise...c'est la
naissance de l'âme, de la mauvaise conscience qui bâtissent tous
les idéaux transcendants et négatifs.( Cf. Nietzsche, La
Généalogie de la morale, Le livre de poche, 2000)
Enfin, on pourra dire que l'outil dont se sert Nietzsche pour
expliquer le ressentiment et la mauvaise conscience, c'est la psychologie.
Ceci dit, Michel Onfray voit dans la Sagesse tragique
que le Refoulement et le retour du Refoulé freudiens sont tributaires de
l'analyse de Nietzsche.(Cf. La Sagesse tragique, op.cit., p. 78 ;
p.79)
Si Nietzsche a influencé Freud, il est lui-même
influencé par Feuerbach, l'auteur de L'Essence de la religion.
Ceci amène Onfray à voir dans l'aphorisme 95 d'Aurore
un salut à Feuerbach. : « Autrefois on cherchait
à prouver qu'il n'y avait pas de Dieu, -aujourd'hui on montre comment la
croyance en un dieu a pu naître. (...) Autrefois, lorsque l'on avait
réfuté les preuves de l'existence de Dieu qui étaient
avancées, le doute persistait encore (...) (Nietzsche, Aurore,
op.cit., §95, p.76)
* 516 Cet ouvrage est
épuisé.
* 517 Voir l'entretien
déjà cité :
endehors.org/news/pour-une-laicite-post-chretienne
* 518 Les ultras des
Lumières, op.cit., p.62
Ce problème a été formulé par
Irène Fernandez de la façon suivante : « Loin
de défendre l'athéisme d'une manière philosophiquement
solide, il se livre en effet à une attaque contre la religion en
général, ce qui n'est pas du tout la même chose. Il se
déchaîne en particulier contre le judaïsme, l'islam et
surtout le christianisme (...). » (Irène FERNANDEZ, Dieu
avec esprit, op.cit, p.9 ; p.10)
* 519 Traité
d'athéologie, op.cit., p.80
* 520 Voir l'interview
avec Michel Onfray sur le site suivant :
www.humanite.fr/2006-04-01_cultures_onfray-bonheur-et-violence-de-la-presse
* 521 Cf. Traité
d'athéologie, op.cit, p.98
* 522 La puissance
d'exister, op.cit, p. 91 ; p.92
* 523 Cette expression a
été utilisée par Onfray dans La puissance
d'exister, p.72. Elle est l'équivalent de la « Grande
raison » chez Nietzsche.
Onfray , comme on a déjà expliqué, voit
que tout individu doit partir de soi, de sa propre vie pour survivre mais il
ajoute dans La sculpture de soi qu' « il n'est pas
hors du propos qu'une belle individualité serve de modèle et
inspire. » (La sculpture de soi, op.cit., p.45)
* 524 Cf, La sculpture
de soi, op.cit., pp.136-190
* 525 Cf, La puissance
d'exister, op.cit., pp.15-49
* 526 La philosophie
féroce, op.cit., p.113
* 527 Mai 68 est un
évènement historique qui s'est développé en France
en mai et juin 1968. Ce mouvement de contestation politique, sociale et
culturelle luttait pour : la libération sexuelle, la montée
du féminisme, la transformation des relations entre parents et enfants,
entre hommes et femmes, entre Noirs et Blancs et entre classes sociales.
Pour plus d'information sur Mai 68, consultez l'ouvrage
suivant :
Serge DAVID, Jean QUELLIEM, Caen 68, Editions du bout
de Monde, 2008, 200p.
* 528 La puissance
d'exister, op.cit., p.15
* 529 Ibid., p.49
* 530 La question de
l'intersubjectivité sexuée est une partie de
l'intersubjectivité générale. Elle sera
étudiée dans le second chapitre intitulé :
« l'érotique solaire. »
* 531 Pour Onfray, il y a
deux sortes d'amour du prochain au sein du christianisme : l'amour du
prochain des prêtres qui est sadique, et l'amour du prochain des gens du
commun qui est masochiste.
* 532 Cf. La sculpture
de soi, op.cit., pp.147-158
* 533 Cette idée de
l'« amour propre » est facilement repérable dans
l'oeuvre de Nietzsche.
Comme l'avait déjà mentionné
Onfray : « En lecteur de La Rochefoucault - très
tôt lu - Nietzsche sait l'amour-propre moteur du monde. »
(La Sagesse tragique, op.cit, p.63).
Nietzsche dans Humain, trop humain, vient nier la
possibilité d'un être exempte de tout égoïsme et de
tout intérêt. Un tel humain, à ses yeux, sera plus
chimérique encore que l'oiseau phénix.( Cf. Nietzsche,
Humain, trop humain, Mercure de France, 1910, Pour servir à
l'histoire, §107, pp.106-109)
De ce fait, il écrit dans l'aphorisme § 101 du
même ouvrage : « l'idée du prochain (...)est
en nous très faible. »
Ceci veut dire que même dans l'altruisme et la
bonté, Nietzsche y voyait le triomphe de l'égoïsme, de cette
figure tragique de l'humain.
* 534 Mathieu Baumier, dans
son ouvrage L'anti traité d'athéologie vient donner une
tout autre signification à l'amour du prochain ou la parabole de l'autre
joue.
Pris à la lettre, remarque Baumier, ces deux
expresssions nous privent de leur vrai sens.
De ce fait, « tendre l'autre joue » ne
signifie aucunement, au yeux de Baumier, l'éloge de la faiblesse et
l'acceptation d'un coup physique supplémentaire.
Mais il trouve plutôt que cette expression connote
l'ouverture à l'altérité, l'accueil d'une position
différente de la sienne et le dépassement de la tension. C'est ce
qu'on appelle la tolérance.
(Cf. Mathieu BAUMIER, L'anti traité
d'athéologie - Le système Onfray mis à nu -, Paris
Presses de la Renaissance, 2005, p.20 ; p.127 ; p.128)
* 535 Nietzsche,
Fragments posthumes, in Michel ONFRAY, La sculpture de soi,
op.cit., p.145
* 536 La puissance
d'exister, op.cit., p.111
* 537 L'aristocrate contre
le croyant chrétien est celui qui admet la différence entre les
êtres humains.
* 538 Cf. La sculpture
de soi,op.cit., p.170
* 539 Ibid., p.182 ;
p.188
* 540 Ces catégories
de personnes ressemblent, aux yeux d'Onfray à la figure de Don Juan qui
s'amuse à dire aux paysannes des paroles enjôleuses. Il promet ici
le mariage, là-bas l'argent, ailleurs les fiançailles, etc. mais
il ne tenait jamais.
Cf. Le désir d'être un volcan,op.cit,
p.167 ; p.168
* 541 Ibid., pp.173-177
* 542 La sculpture de
soi, op.cit., p.188
* 543 Ibid., pp.136-143
* 544 Cf. Les vertus de
la foudre, pp.9-19. Plus voir les premières pages de la
préface de son ouvrage La puissance d'exister.
* 545 Ce rejet hic et
nunc de la sexualité a été abordé de
façon récurrente dans l'oeuvre de Nietzsche.
A titre d'exemple, dans Crépuscule des idoles,
Nietzsche avait dressé un portrait ironique de la sexualité telle
qu'elle est vue par le christianisme. A cet effet, il avait mis en relief la
célèbre formule qu'on y lit dans le Nouveau testament :
« Si ton oeil est pour toi une occasion de faute
arrache-le ». Cela signifie que pour empêcher que des faits
fâcheux ne se produisent, il suffit de réduire à
néant tous les passions et les désirs.
Nietzsche voit en cette attitude une « forme
aiguë de la bêtise » car les dentistes ne sont pas
autorisés à arracher les dents pour empêcher qu'elles ne
nous fassent plus mal.
Dans cette logique, Nietzsche avant Onfray a repoussé
l'extirpation radicale ou le castrisme soutenu par l'Eglise. (Cf.
Crépuscule des idoles, op.cit., La morale une anti-nature,
pp.43-50)
* 546 Cet incident nous
rappelle la phrase de Nietzsche : « le christianisme a
donné du poison à boire à Eros : il n'est pas mort,
mais il a dégénéré en vice, » (Cf.,
Nietzsche, Par delà le bien et le mal, chapitre IV :
Maximes et intermèdes §168, p.108)
* 547 Onfray décrit
l'ange dans la partie « la machine à faire des
anges » de son ouvrage L'Art de jouir, op.,cit.,
pp.145-153.
* 548 Cf.
Théorie du corps amoureux, op.cit p.114 ; p.124 ;
p.125 et La puissance d'exister, op.cit., p.127
* 549 Cf. La puissance
d'exister, op.cit., p.127
* 550 Cf.
Théorie du corps amoureux,op.cit., pp.43-68
* 551 Pour plus de
détail sur cette généalogie du désir, consultez le
discours d'Aristophane dans Le Banquet de Platon. Et
Théorie du corps amoureux,op.cit., pp.50-55
* 552 Voir (Gen II,
18-24)
* 553 Cf.
Théorie du corps amoureux, op.cit, p.111 ; p.112
* 554 Ibid., p.112
* 555 On peut avancer
qu'Aristophane, à l'encontre chrétiens, n'était pas contre
l'homosexualité.
Il dit par exemple : « si un homme
rencontrait un homme, leur union leur procurerait la satiété et
les apaiserait. » Platon, Le Banquet, op.cit, p.63 (discours
d'Aristophane)
Et plus loin : « toutes celles qui sont
une coupure de femme ne s'intéressent du tout aux hommes ; elles
ont plutôt au contraire du penchant pour les femmes (...) enfin, tous
ceux qui sont une coupure de mâle poursuivent le mâle
(...) ». Ibid., p.64
En s'appuyant sur ces exemples, on peut dire que le nouveau
qu'a apporté Onfray était de critiquer la théorie du
« couple fusionnel » et de la supplanter par celle des
« célibataires » qu'on va développer par la
suite.
* 556 Pour
l'éléphant monogame, Cf. Théorie du corps
amoureux, pp.105-133
* 557 Ibid., p.108
* 558 Ibid., p.109
* 559 Voir l'article
écrit par Onfray sur le site suivant :
hebdo.nouvelobs.com /hebdo/.../a352383
-halte_%C3%AO_la_philo_macho.html
* 560 Cf. La puissance
d'exister, op.cit, p.128
* 561 Cf. Théorie
du corps amoureux, op.cit., p.67 ; p.68
* 562 Cf. Le désir
d'être un volcan, op.cit, p.56
* 563 Cf. La puissance
d'exister, op.cit., p.132 ; p.133
* 564 Ce refus du
« couple fusionnel » trouve son équivalent chez
Nietzsche qui s'en prononce de la façon
suivante : « Ne s'attacher à aucune personne,
fût-elle la plus chère, toute personne est une prison et aussi un
recoin (...) Il faut savoir se conserver : c'est la meilleure preuve
d'indépendance. » ( Cf. Par delà le bien et le
mal, op.cit, chapitre II : L'esprit libre § 41, p.59)
* 565 Cf.
Théorie du corps amoureux, op.cit., pp.71-100
* 566 Ibid., p.77
* 567 Ibid., p.95
* 568 Ibid., p.93 ; p.94
* 569 Sade, La
philosophie dans le boudoir, Folio, p.259 in Michel ONFRAY, L'Art
de jouir, op.cit., p. 249
* 570 Pour Sade Cf. Les
ultras des lumières, op.cit., pp.271-300 et L'Art de
jouir, op.cit, pp.244-255
* 571 Les ultras des
Lumières, op.cit., p.299
* 572 Ibid., p.214 ;
p.215
* 573 Ibid., pp.201-208
* 574 Remy Gourmont ( 1858
- 1915) est un écrivain français, journaliste et critique
d'art.
* 575 Cf. Les vertus de
la foudre, op.cit., p.171 ; p.172
* 576 Ibid., p.172 ;
p.173
* 577 Onfray trouve
qu'avoir des enfants relève le plus souvent d'un impératif social
ou religieux : augmenter les adhérents ou les adeptes.
Lui-même a choisi de ne pas procréer car il voit que l'entreprise
de paternité et maternité relève uniquement du vouloir des
personnes concernées. De même, il trouve étrange
l'idée selon laquelle la conception d'un enfant sera étroitement
liée à l'amour qu'on développe à l'égard
d'autrui. Avec onfray, il est temps de dissocier entre l'amour envers un
être et avoir des enfants de lui.
Dans cette logique, Michel Onfray répète
volontiers les propos de Nietzsche sur l'engendrement :
« Es-tu quelqu'un qui de vouloir un enfant ait le
droit ? Es-tu le victorieux, le dominateur de soi, le maître des
sens, le seigneur de tes vertus ? Ainsi je t'interroge. Ou ce qui parle
en ton désir est-il la bête ou le besoin ? Ou bien la
solitude ? Ou l'insatisfaction de soi ? » (Citation de
Zarathoustra p. 92 in La Sagesse tragique, op.cit, p.103)
Cela signifie que Zarathoustra a posé cette alternative
à son interlocuteur imaginaire : penser et refuser d'engendrer ou
bien ne pas réfléchir et céder à l'instinct et
à l'espèce.
Cf. Les vertus de la foudre, op.cit., pp.199-214
* 578 Cf. Les vertus de la
foudre, p.173 ; p.174
* 579 Ibid., p.182
* 580 Cf. La puissance
d'exister, op.cit, p.131 ; p.132 . Théorie du corps
amoureux,op.cit., p.208 ; p.209.
* 581 Cette expression est
utilisée par Onfray dans La puissance d'exister p.133.
* 582 Cynisme,
op.cit., p.124
* 583 Cf. Le
désir d'être un volcan,op.cit., pp.414-427 ;
pp..443-447.
* 584 Gustav-Adolg Mossa (
1883 - 1971 ) est un peintre symboliste français.
* 585 Le désir
d'être un volcan, op.cit., p.419.
* 586 Madame Bovary est un
roman de Gustave Flaubert paru en 1857. Madame Bovary était une veuve
de quarante-cinq ans, riche, laide et tyrannique. Charles Bovary ce «gars
de la campagne» l'a epousé sous l'influence de sa mère.
Depuis, sa vie se ressemblait à un cauchemar car Madame Bovary qui
l'aimait avec passion était excessivement despotique à son
égard.
* 587 Elisabeth Badinter
est un philosophe féministe française. Né le 5 mars 1944
et auteur de vingtaine d'ouvrages.
* 588 Pour Elisabeth
Badinter, Cf. Les vertus de la foudre, op.cit, pp.178-181
* 589 Ibid., p.178
* 590 Louis Aragon
(1897-1982) est un poète, écrivain, romancier et essayiste
français.
Il est l'auteur de la célèbre maxime : la
femme est l'avenir de l'homme.
* 591 Cf.
Féeries anatomiques, op.cit., pp.23-75
* 592 Ibid., p.81
* 593 Cf. La puissance
d'exister, op.cit., p.183 ; p.184
* 594 Ibid., p.177
* 595 Ibid., p.324
* 596 Pour Onfray, le
clonage reproductif reproduit seulement un capital génétique
identique mais l'homme ne peut être réduit à son capital
génétique car il est avant tout le produit de son interaction
avec le monde. Ibid., p.184
* 597 Cf.
Féeries anatomiques, op.cit., p.89.
* 598 Cf. La puissance
d'exister, op.cit, p.177 ; p.178
* 599 Cf.
Féeries anatomiques, op.cit, p.91 ; p. 98 ;
p.99 ; p.138
* 600 Ibid., p.96 ;
p. 97
* 601 Ibid., pp.105-150
* 602 Ibid., p.131
* 603 Ibid., p.125
* 604 Ibid., p.128
* 605 Ibid., p.137
* 606 Ibid., p.90
* 607 Ibid., p.208 ;
p.209
* 608 Toutefois certaines
restrictions s'imposent à la P.M.A : Pas d'insémination avec
le sperme d'un grand-père ou arrière-grand-père,
frère ou fils...Pas d'inceste génétique donc.
Pas de fécondation des vierges qui accouchent sans
avoir composer avec un homme.
Pas de préservation des embryons congelés
après la disparition de la donneuse d'ovules ou du donneur de sperme.
Pour Onfray, l'enfant a le droit de naître des parents
qui ne sont pas des délinquants relationnels, des
névrosés. Ibid., p.206 ; p.207
* 609 Ibid., p.163
* 610 Ibid., p.188 ;
p.189
* 611 Ibid., p129 ;
p.130
* 612 Ibid., pp.153-294
* 613 Ibid., p.233 ; p.
234
* 614 Cf.
Féeries anatomiques, op.cit., p.237 ; p.238.
* 615 Du vivant
greffé sur des machines, exemple : un ordinateur sur lequel
fonctionne des neurones prélevés sur le cerveau d'un homme.
Des machines sur du vivant, exemple : les lentilles de
contact en verre, les jambes de bois.
Du vivant sur du vivant, exemple :un chrétien
augmenté des cellules d'un rat. Un musulman sauvé d'une truie. La
peau d'un cochon greffé sur un homme brûlé au
troisième degré.
Du vivant mort à un vivant en vie, exemple :
greffe d'un poumon, de foie, d'un coeur, d'une cornée d'un cadavre
à un receveur en attente. Autant de transgression pour le
christianisme.
* 616 Ibid., p.258 ;
p.259
* 617 Pour
Voronoff : « le mouton n'est pas inférieur à
l'homme, mais son semblable au regard des tissus, des os et des
cellules. » Ibid., p.270
* 618 Ibid., pp.278-294
* 619 Ibid., p.281
* 620 Ibid., p.282.
* 621 Ibid., p.283 ;
p.285
* 622 Ibid., p.286
* 623 Ibid., p.291.
* 624 Ibid., p.291 ;
p.292
* 625 Ibid., p.295 ; p.305
; pp.339-373.
* 626 Ibid., p.367.
* 627 Ibid., pp.340-343
* 628 Ibid., p.340
* 629 Ibid., p.351
* 630 Ibid., p.298 ;
p.304
* 631 Ibid., p.361.
* 632 Ibid., p.368.
* 633 Jean-François
Mattei, un médecin français, décrit dans son ouvrage de
bioéthique Les droits de la vie la machine à
donner la mort :
« Cet appareil dispose d'un ordinateur à
clavier muni d'un écran qui indique la marche à suivre :
Voulez-vous passer à l'acte ? Si oui, pressez la touche
Yes. La seringue de l'aiguille enfoncée dans le bras du malade est
alors automatiquement activée. C'est donc le patient et non le
médecin qui déclenchera l'injection mortelle ».
Le Figaro, 2 juillet 1996 in Jean-François
MATTEI, Les droits de la vie, Paris, Odile Jacob, 1996, p.118.
* 634 Cf.
Phédon, op.cit, VI, p.110
* 635 Toutefois, ajoute
Onfray, que l'histoire a montré que les chrétiens ont tué
les autres.
* 636 Voici quelques
extraits du livre premier de La Cité de Dieu qui traitent du
suicide.
« Il y a bien une raison si l'on échoue à
trouver dans le canon des Ecritures un précepte divin ou une permission
sur quoi l'on appuierait pour se donner la mort, que ce soit pour gagner la vie
éternelle, ou pour prévenir ou écarter un mal. Nous devons
nous le tenir pour interdit ce précepte de la Loi « Tu ne
tueras point » (Ex 20, 13) (Saint Augustin, La Cité de
Dieu, livre premier, chapitre XX : Qu'il n'est jamais permis de se
donner la mort, Gallimard, 2000).
« Mieux vaut garder la qualification de grand pour
un courage capable d'assumer une vie difficile au lieu de la fuir. »
(Ibid., Livre premier, chapitre XXII, p.33)
* 637 Peut être tel
est le cas du Socrate platonisé qui désire le contact avec
l'intelligible.
* 638 L'ouvrage de Michel
Onfray qui traite d'esthétique s'intitule L'archéologie du
présent mais cet ouvrage est épuisé. Dès lors,
on a abordé ce thème en se référant aux deux
ouvrages suivants: La lueur des orages désirés,
op.cit, pp.62-78. et La puissance d'exister, op.cit, pp.147-172.
* 639 Duchamp (1887-1968)
est un peintre et sculpteur franco-américain. Il est l'inventeur du
ready-made.
* 640 La puissance
d'exister, op.cit., p.150.
* 641 Ready made
est un objet manufacturé, donc non fabriqué par l'artiste mais
qui serait utilisé comme oeuvre d'art. Exemple de ready
made : roue de bicyclette (1913), le célèbre
Urinoir-Fontaine ( 1917)
* 642 Ce terme est
inventé par le philosophe allemand Jürgen Habermas. Pour ce
philosophe, on doit faire notre deuil de la métaphysique car elle
développe des concepts désintégrés.
Rejetant la métaphysique, Habermas se dirige vers le
langage et les signes linguistiques.
Il fonde alors « l'activité
communicationnelle » dans laquelle les sujets agissent en vue de
l'intercompréhension.
Cf Jacqueline RUSS, La pensée éthique
contemporaine, Que sais-je ?, P.U.F, 1994, pp.62-67.
* 643 Jean Anthelme
Savarin (1755 - 1826) est un illustre gastronome français. Il
étudie le droit, la chimie et la médecine et il publie plusieurs
travaux de droit et d'économie politique. Mais sa publication la plus
célèbre reste un ouvrage de gastronomie intitulé La
physiologie du goût (1825).
Le fromage français
« brillat-savarin » a été crée en 1890
en son honneur.
* 644 La gastonomie est
traitée dans les deux ouvrages suivants: ONFRAY Michel, Le Ventre
des philosophes - Critique de la raison diététique -, Paris,
Grasset & Fasquelle, Livre de poche,1989. Et La Raison gourmande -
Philosophie du goût-, Paris, Grasset & Fasquelle, Livre de
poche, 1995.
* 645 Cf. L'Art de
jouir, op.cit, pp.100-111
* 646 Pour Rousseau, Cf.
Le Ventre des philosophes, op.cit., pp.45-59.
* 647 Pour Sartre, voir
Ibid., pp.133-146
* 648 Simone de Beauvoir,
La cérémonie des adieux, suivie de Entretiens avec
J.-P. Sartre, août-septembre, 1974. Gallimard., 1981, p.422 ;
p.423 in Le Ventre des philosophes, op.cit., p.133.
* 649 Alice Schwarzer,
Simone de Beauvoir aujourd'hui- six entretiens, Mercure de France,
1984, p.113 in Le ventre des philosophes, op.cit., p.135.
* 650 Sur ce point, on se
demande si on pourra excuser les philosophes idéalistes puisque, comme
venait de montrer Onfray, l'orientation de n'importe quelle philosophie
provient du corps.
* 651 Voir Politique
du rebelle de Michel Onfray
* 652 Ibid.,
p.142
* 653 Voir l'entretien
avec Onfray déjà cité :
http://chrysalide44.free.fr/dotclear/index.php?2005/04/16/207-michel-onfray
* 654 Sa mère
était une femme de ménage et son père un ouvrier
agricole.
* 655 Cf. Michel ONFRAY,
Célébration du génie colérique - Tombeau de
Pierre Bourdieu - Paris, Galilée, 2002, pp.26-30
* 656 Politique du
rebelle, op.cit., p.83 ; p.84.
* 657 Cf.
Cynismes, op.cit, pp.134-137 et La Sagesse tragique,
op.cit., pp.98-102
* 658 Nietzsche dans
Aurore a porté un jugement négatif sur le travail
défini comme « le dur labeur du matin au soi ». Pour
lui, le travail a considérablement contribué à la
défaite de la raison, de la réflexion, des désirs et du
goût de l'indépendance.( Cf. Nietzsche, Aurore, op.cit, Livre
premier,§42, p.45 ; p.46)
Dans ce contexte, il ne faut pas oublier aussi la
célèbre phrase de Nietzsche selon
laquelle : « celui qui n'a pas les deux tiers de sa
journée pour lui-même est un esclave. (...) »
(Nietzsche, Humain, trop humain, op.cit., §283, p.55)
* 659 Traité
d'athéologie, op.cit., p.136 ; p.137
* 660 Cette expression est
utilisée par Michel Onfray dans son ouvrage Les vertus de la
foudre, op.cit., p.73.
Elle nous fait penser à la célèbre phrase
de Nietzsche : « ce qui ne me tue pas me
fortifie. »
* 661 Ibid., p.74
* 662 Ibid., p.75 ;
p.76
* 663 Permanence de
l'apocalypse et Traité de consolation ne figurent pas dans
la liste des oeuvres écrites par Onfray. Ce qui nous laisse entendre
qu'Onfray les conservait chez lui et n'a pas pris la décision de les
publier.
* 664 Celle de Leibniz
l'optimiste par exemple.
* 665 Si Onfray a
opté pour une pensée tragique, il n'a pas oublié que
Nietzsche l'a devancé dans la mise en place de cette pensée. Son
ouvrage La Sagesse tragique- Du bon usage de Nietzsche qui s'ouvre sur
cette citation de Nietzsche en témoigne : « Je suis
en droit de me considérer comme le premier philosophe tragique -
c'est-à-dire l'extrême opposé et l'antipode exact d'un
philosophe pessimiste. (...) ».
(Nietzsche, Ecce homo,
« Idées » Gallimard, pp.79-80, in Michel ONFRAY,
La Sagesse tragique, op.cit, p.7)
* 666 Ibid., p.76 ;
p.77
* 667 Emile Cioran (1911-1995)
est un philosophe et écrivain roumain, d'expression roumaine et
française. Le pessimisme est son caractère le plus marquant. Son
principal ouvrage est De L'inconvénient d'être né
(1973)
* 668 La lueur des
orages désirés, op.cit., p.270.
* 669 Les Vertus de la
foudre, op.cit., p.77
* 670 La lueur des orages
désirés, op.cit., p.23
* 671 Ibid., p.151
* 672 Cf. Les vertus de la
foudre, op.cit, p.78 ; p.79
* 673 Cioran par exemple -
un des pessimistes- trouve, à l'encontre du christianisme, que la chute
ne peut être compensée par la mort. Cette dernière n'offre
aucune solution et il n'y a ici aucune reprise du Paradis perdu. Cf. Hamid
ZANAZ, La Mélancolie Joyeuse - Excursions dans la philosophie de
Cioran - , Editlivre , Editions aparis, 2008
* 674 Cet impérative
de l'hédonisme tragique s'avère un écho de la phrase
écrite par Nietzsche dans Ainsi parlait Zarathoustra, De la libre
mort p.95:
«(...) A la bonne heure sache mourir! (...) c'est ce
qu'enseigne Zarathoustra. Certes celui qui à la bonne heure jamais ne
vit, comment devrait-il jamais à la bonne heure mourir?» ,
(Cf. Ainsi parlait Zarathoustra, op.cit, De la libre
mort p.95)
* 675 En avançant
que le christianisme attache de la valeur à la souffrance, Michel Onfray
ne fait que reprendre des idées déjà établies par
Nietzsche.
C'est ainsi dans L'Antéchrist § 52,
Nietzsche voit que cette souffrance tire son origine du Christ qui est mort sur
la croix. Cet instrument de supplice de Jésus-Christ, loin d'être
un moyen pur sauver les hommes, il s'avère, pour Nietzsche, un
exemplaire pour mener la vie ici-bas. Le Christ a laissé aux hommes la
leçon suivante: ne pas se soulever contre ses bourreaux, ne point se
défendre et ne point revendiquer son droit. Il faut alors souffrir,
aimer le mal et même le provoquer.
Cet éloge de la souffrance se déploie dans
L'Antéchrist § 9 par l'inversement du sens des concepts
«vrai» et «faux». « Vrai » sera aux
yeux des chrétiens synonyme de tout ce qui est malsain, du mal-portant,
de tout ce qui porte atteinte à la vie. Alors que
« faux » sera l'équivalent de tout ce qui est sain,
de tout ce qui exhausse la vie et la fait triompher.
* 676 Cf. Le désir
d'être un volcan, op.cit., p.51 ; Politique du
rebelle, op.cit., pp.9-26.
* 677 Cf. Les Vertus de la
foudre, op.cit, p.12 ; p.78 ; p.79
* 678 Cf. Les Vertus de
la foudre, op.cit., p.79 ; p.80. Féeries anatomiques,
op.cit., p.377 ; p.379. La lueur des orages
désirés, op.cit, p.12 ; p.13 ; p.14.
Le chemin de la grandeur revendiqué par Onfray
suggère la célèbre maxime écrite par Nietzsche dans
L'Antéchrist
« Qu'est-ce qui est bon? - Tout ce qui
élève dans l'homme le sentiment de la puissance, la
volonté de puissance, la puissance elle-même.
Qu'est-ce qui est mauvais? - Tout ce qui naît de la
faiblesse.
Qu'est-ce que le bonheur? - Le sentiment que la puissance
croît - qu'une résistance est surmontée (...)
Qu'est-ce qui est plus pernicieux que n'importe quel vice? -
la compassion active pour tous les débiles et tous les malvenus - le
christianisme. » (Nietzsche, L'Antéchrist, op.cit,
§ 2, p.10)
Dans la même perspective, Nietzsche s'est attaqué
aux tarentules - ces prédicateurs de l'égalité - qui
méprisent les puissants et les affirmateurs de soi.
Les tarentules, à l'avis de Nietzsche, incarnent
à merveille la vengeance et l'humilité chrétiennes. (Cf.,
Ainsi parlait Zarathoustra, op.cit, Des tarentules, pp129-130-131.)
* 679 Cf.
Féeries anatomiques, op.cit., p.379 ; p.380
* 680 Ibid., p.382 ;
p.383
* 681 Ibid., p.382
* 682 Cf. Les Vertus de la
foudre, op.cit., p.211
* 683 Ce refus de la
sanction chère aux chrétiens a été de même
manifeste dans l'oeuvre de Nietzsche qui vient tourner en dérision le
Jugement dernier. Pour Nietzsche, ce jugement a été
inventé par les faibles pour se dédommager de leur vie terrestre
perdue.
Le Jugement dernier, le paradis chrétien n'est donc que
la venue du royaume des faibles.
La phrase de Thomas d'Aquin, répétée par
Nietzsche, est révélatrice de ses
intentions : « Les bienheureux au royaume céleste,
verront les peines des damnés pour = = en recevoir un surcroît de
béatitude (Commentaires sur le livre de Sentences, IV, l, 2, 4;
indication de source fournie par la KSA. In La Généalogie de
la morale, op.cit, p.104)
A ce royaume fictif, Nietzsche (tout comme Onfray aujourd'hui)
vient opposer un royaume réel : le royaume de la terre.
« Mais nous, en ce royaume des Cieux, d'aucune manière ne
voulons entrer, hommes virils sommes devenus : - ainsi c'est le
royaume de la terre que nous voulons. » (Ainsi parlait
Zarathoustra, op.cit, La Fête de l'âne,
p.380.)
* 684 Cf. Féeries
anatomiques, op.cit., p.382. Les Vertus de la foudre, op.cit.,
p.234. La lueur des orages désirés, op.cit., p.12.
* 685 Cf. Féeries
anatomiques, op.cit, p.389 ; p.390
* 686 Ibid.,p.101
* 687 René Daumal
(1908 - 1944) est un poète, essayiste et écrivain
français.
* 688 René DAUMAL,
La revue- Le Grand jeu-, 1930 in Mathieu BAUMIER, L'anti
traité d'athéologie, op.cit., p.58
* 689 Voir le premier
chapitre de la deuxième partie : les deux mouvements du
philosophe
* 690 Mathieu Baumier est
un essayiste et romancier français âgé de trentaine
d'années. Il est l'auteur d'une dizaine d'ouvrages et l'animateur de la
revue intellectuelle et littéraire La Soeur de l'Ange.
* 691 L'anti
traité d'athéologie, op.cit., p.54
* 692 Idem.
Paul Ricoeur (1913-2005) est un philosophe français. Il
s'est intéressé à la phénoménologie de
Husserl et à l'étude de la Bible (voir par exemple
l'Herméneutique biblique). Il est l'auteur d'une trentaine
d'ouvrages.
René Girard, né à Avignon en 1923. Il est
prof émérite de littérature comparée à
l'université Stamford et à l'université Duke aux
Etats-Unis et membre de l'académie française. Auteur d'une
vingtaine d'ouvrages.
* 693 Cf. Paul RICOEUR,
Penser la Bible, Seuil, 1998 ; René Girard, La Violence et
le sacré, Grasset, ou encore Le Bouc émissaire,
Grasset, 1982.
* 694 Cf. L'anti
traité d'athéologie, op.cit., pp.33-41 ; p.68
* 695 Ibid., p.38 ;
p.39
* 696 Paul Ricoeur est
l'auteur d'un ouvrage sur le mal. Voir, Paul Ricoeur, Le mal - Un
défi à la philosophie et à la théologie, Labor
et fides, 2004
* 697 Ibid., p.37
* 698 Hans JONAS, Le
principe responsabilité - une éthique pour la civilisation
technologique - , Paris, Cerf, 1997, p.30. Voir les trois autres formules
à la page 31.
* 699 Cf. La
pensée éthique contemporaine, op.cit., p.71 ; p.72.
* 700 Le principe
responsabilité, op.cit., p.13
* 701 Jacqueline Russ dans
La pensée éthique contemporaine définit le
scientisme de la façon suivante : « le scientisme, qui
prétend résoudre tous les problèmes philosophiques et
humaines par la science, qui idolâtre cette dernière en y voyant
une matrice à résoudre toute question, représente
l'obstacle décisif à la constitution d'une authentique
bioéthique, soucieuse de dégager la base axiologique de toutes
les données. (La pensée éthique
contemporaine, op.cit., p.107)
* 702 Ibid., p.98
* 703 La
bioéthique, op.cit., p.7 ; p.8.
* 704 Ibid., p.8
* 705 Ibid., p.85
* 706 Ibid., p.91 ; p.92
* 707 Ibid., p.84 ;
p.85
* 708 Ibid., p.80 ;
p.81
* 709 Jean-François
Mattei est un médecin et homme politique français né le 14
janvier 1943 à Lyon. Il est professeur de pédiatrie et de
génétique médicale. Il est l'auteur d'une dizaine
d'ouvrages traitant de bioéthique et de politique.
* 710 Cf. MATTEI
Jean-François, Les droits de la vie, Odile Jacob, 1996, p.28
* 711 Cf. Les vertus de
la foudre, op.cit., p.201
* 712 Les droits de la
vie, op.cit, p.29
* 713 Ibid., p.32
* 714 Ibid., pp.71-74
* 715 Cf. Les droits de
la vie, op.cit, pp.158-164.
* 716
ÑÇÌÚ. ÌæÒ.
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12.
* 717 John Paul Meier est
un prêtre catholique américain, spécialiste en
exégèse.
Son oeuvre principale est A Marginal Jew :
Rethinking the Historical Jesus . (3 vol).
Cette oeuvre est traduite en français aux
éditions du Cerf et a pour titre Un certain juif :
Jésus.
* 718 John MEIER, Un
certain juif, Cerf, 2004, p.47 in L'Anti-Traité
d'athéologie, op.cit., p.115
* 719 Pline le Jeune (61
ap.J.-C. , 120 ap.J.-C) est un écrivain, orateur et homme politique
romain.
* 720 Voir Jésus
historique sur le site
suivant : foibiblique.com/articles/jesus-christ/.../Jésus_historique.htm.
* 721 Tacite ( 55 ap.
J.-C. , 120 ap. J.-C ) est un historien et philosophe romain. Il a écrit
un immense livre d'histoire qui couvre le règne de certains empereurs
romains dont l'empereur Néron. Ce livre a été
appelé Annales mais le titre original donné par Tacite
fut Après la mort du divin Auguste.
* 722 Voir aussi :
foibiblique.com/articles/jesus-christ/.../Jésus_historique.htm. ,
op.cit
Et L'Anti-Traité d'athéologie,
op.cit., p.116.
* 723 Flavius
josèphe ( 37 ap. J.-C , 100 ap. J.-C ) est un historien juif
romanisé.
* 724 Voir le site
précédent :
foibibilque.com/articles/jesus-christ/.../Jésus_historique.htm.
* 725
L'Anti-Traité d'athéologie, op.cit., p.117
* 726 Ibid., pp.121-132
* 727 Traité
d'athéologie, op.cit., p.173
* 728 Ibid., p.163
* 729 Il est notable ici
que ce ne sont pas les juifs en tant que peuple qui ont collaboré au
procès et à la condamnation du Jésus. Durant son
procès et sa crucifixion, précise Baumier, Jésus
était un juif et non un chrétien. De même ses disciples
sont tous juifs. Cette distinction entre le peuple juif et les autorités
juives est requise pour ne pas justifier un certain antisémitisme.
* 730 Cf. Les ultras
des lumières, op.cit, p.65 ; p.66 ; p.67
* 731 La guerre libanaise
en témoigne.
* 732 traduction
personnelle.
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ÇáÑæÇÆÚ 1969 Õ.11
* 733
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ÇáÇÓÊÔÇÑÇÊ
áÈäÇä2007 Õ. 47 147?141
* 734 Charles Saint-Prote,
«Les Eglises évangélistes et le jeu des Etats-Unis dans le
monde arabe»:
www.voltairenet.org/article130687.html.
* 735
Cf.« Les Eglises évangéliques et le jeu des
Etats-Unis dans le monde arabe », op.cit.
* 736 Cf. Charles
Saint-Prot: « Evangélistes américains contre
chrétiens irakiens » sur le site suivant:
fsa.ulaval.ca/personnel/VernaG/EH/.../lectures
/Irak_chr%C3%a9tiens.htm
* 737 Cf. Jonathan Cook
« L'épuration des Palestiniens chrétiens par
Israël » :
www.tlaxsala.es/pp.asp?reference=1896&lag=fr
* 738 Cf.
« Evangélistes américains contre chrétiens
irakiens ». op.cit
* 739 Voir :
Madame Condoleeza Rice n'a pas été reçue par le Pape
début août sur le site suivant :
http//fr.rian.ru/world/20070919/79662785.html
* 740 C'est un Palestinien
chrétien. Il est l'un des membres fondateurs du parti Balad. Il
devient membre de la Knesset en 1996. Il a publié des ouvrages en
langues arabe, anglaise, allemande et hébraïque.
* 741 Cf. Azmi Bishara,
« Les raisons pour lesquelles Israël m'en
veut » : voltairenet.org
* 742 Seymour M. Hersh est
un journaliste américain spécialisé dans la politique
américaine et les services secrets. Il écrit pour The New
Yorker.
* 743 Voir l'article de
Seymour M.Hersh : The Redirection. Is the Administration's new
politicy benefiting our enemies in the war on terrorism?. Cet article a
été publié le 5 mars dans The New Yorker. Vous
pouvez le consultez sur le site suivant :
http://www.newyorker.com/printables/fact/070305fa_fact_hersh.
Il est traduit de l'anglais par D.Hachilif sur le site suivant :
http://www.info-palestine.net/article.php3?id_article
* 744 Georges Corm a
écrit le 24 mai 2007 un article dans le quotidien La Vanguardia
dans lequel il soutient la thèse de Seymour .il dit
alors : « on n'oubliera pas aussi que le très
sérieux journaliste américain Seymour Hersh nous a averti depuis
mars passé, que certains branches de l'administration américaine
et un membre très influent de la famille royale saoudienne (le prince
Bandar ben Sultan, ancien ambassadeur à Washington) ont = =
décidé de faciliter l'entrée au Liban et le financement de
groupes sunnites jihadistes terroristes, notamment le Fath el Islam, hostiles
aux chiites et ceci pour embarrasser le Hezbollah.»
* 745 Voir l'article :
Les Etats-Unis rejettent les concessions d'Assad et multiplient les menaces
contre la Syrie, par Patrick Martin sur le site suivant :
http://www.wsws.org/
* 746 Le désir de
s'écarter du Socrate platonisé est bien exprimé par cette
déclaration de Michel Onfray : « Socrate,
bien-sûr, ne peut-être que fascinant pour qui cherche sa
consistance en dehors des perspectives de Platon. » Cf.
Cynismes, op.cit, p.19
* 747 La lueur des
orages désirés, op.cit., p.188.
Platon a parlé des qualités ci-dessus de Socrate
dans Le Banquet p.97 ; p.98
* 748 Cf. Platon, Le
Banquet, op.cit., p.29.(notes et commentaires de B.Piethe.)
* 749 Les ultras des
lumières,op.cit., p.134
* 750 Cf.
SÉNÈQUE, Lettre à Lucilius, Mille et une nuits,
2002
* 751Féeries
anatomiques, op.cit., p.345
* 752 Ce livre est
publié en 2006 et ne fait pas partie de la période de
jeunesse.
* 753 La puissance
d'exister, op.cit., p.134
* 754 Idem
* 755 Cf. La
Mélancolie Joyeuse, op.cit., p.26
* 756 Ibid.,p.43
* 757 La puissance
d'exister, op.cit, p.134
* 758 Ibid, p.135
* 759 La sculpture de
soi, op.cit, pp.37-40
* 760 Cf. Les
libertins baroques, pp.157-197 (partie Gassendi)
* 761 Onfray
lui-même est tributaire de Gassendi dans sa critique du «
pourceau d'Epicure », voir la deuxième partie du
mémoire.
* 762 Les libertins
baroques, op.cit., p.186
* 763 Cf. René
DESCARTES, Méditations métaphysiques 1, 2 et 3,
Gallimard, 2006, pp.31-56
* 764 Ibid., p.47
* 765 Idem.
* 766 Ibid., pp.50-53
* 767 Les libertins
baroques, op.cit., p.178 ; p.179 ; p.180
* 768 Ibid., p.181
* 769 Ibid., p.197
* 770 Maximes de Chamfort
in L'Art de jouir, op.cit., p.199
* 771 Le christianisme
hédoniste, op.cit., p.51
* 772 Ibid., p.78
* 773 Ibid., p.62
* 774 Les libertines
baroques, op.cit., p.233
* 775 Idem
* 776 Le christianisme
hédoniste,op.cit., p.65
* 777 Idem
* 778 Cf. L'Art de
jouir, op.cit., p.225
* 779 Cf. Le désir
d'être un volcan, op.cit., p.134.
* 780 Cf. Politique du
rebelle, op.cit, pp.41 ; 43 ; La sculpture de soi,
op.cit, pp.53-90
* 781 Il est
intéressant ici de remarquer que les voies dominantes sont nettement
colorées d'« idéalisme » et en tant que
telles, elles doivent être prônées pour faire obstacle aux
voies alternatives qui élèvent la vie.
* 782 Il n'est pas douteux que
l'historiographie alternative comporte des philosophes déistes.
Néanmoins, ces philosophes ne sont pas hostiles à
l'athéisme et ne luttent pas comme Voltaire et d'autres idealistes pour
bannir la pensée athée. Michel Onfray trouvait alors qu'il y
a des degrés dans le déisme. Cf. Les ultras des
Lumières, op.cit, p.180
* 783 Ibid., p.21 ;
p.34
* 784 Voir l'article de
Michel Onfray : « Achevons Mai 68 »
diffusé sur Internet : www.prs12.com/spip.php?article3062.
Voir également l'interview de Sarkosy : Quand Nicolas Sarkozy
veut liquider l'héritage de Mai 68 sur le site suivant :
prs12.com/.
* 785
« Achevons Mai 68 », op.cit
* 786 Pour ce dernier point
Onfray dit haut et clair : « Que les femmes cessent de
croire que leur épanouissement passe par la maternité ou le
mariage, car il suppose l'exacerbation de leur subjectivité, alors elles
seront l'avenir d'elles-mêmes, le seul qui importe vraiment. »
(La philosophie féroce, op.cit., p.23)
* 787 Nous rappelons que
Nietzsche lui-même a bâti son oeuvre sur deux bords
différents : le premier est négateur et destructeur. Il
constitue « la philosophie à coup de marteau » et
les « orages négateurs ». Tandis que le second est
positif et constructeur. Il constitue la « grande
santé » et « le gai savoir ».
Dans l'Avant-propos de son livre Le gai
savoir, Nietzsche explique l'expression Gai savoir de la
façon suivante : « « Gai
savoir » : cela signifie les saturnales d'un esprit qui a
résisté patiemment à une terrible et longue pression (...)
et qui se voit soudain assailli par l'espoir, par l'espoir de guérir,
par l'ivresse de guérir. » ( Nietzsche, Le gai
savoir, op.cit, p.7)
* 788 La sculpture de
soi, op.cit, p.63
* 789 Voir l'article de
Michel Onfray dans La philosophie féroce : Qu'il faut
achever Mai 68 p.53 ; p.54 ; p.55. Et l'article
précédent : Achevons Mai 68
* 790 Politique
du rebelle, op.cit., p.142.
* 791 La culture chez
Michel Onfray a transcendé la nature, mais cette culture tire son
origine du vouloir humain. Ce qui fait qu'on assiste à un idéal
qui déroge au monde idéal.
* 792 Cf.
Féeries anatomiques, op.cit., pp.248-256
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