ESARTS Ecole supérieur de gestion et de mediation des
Arts (Filière du Groupe EAC)
APPROCHE DES REPRESENTATIONS DU « PARTICIPATIF
~ DE JOURNALISTES DES SITES INDEPENDANTS D'INFORMATION
: ®RRETSURIMAGES ET MEDIAPART
Mémoire présenté et soutenu
publiquement par :
CLAIRE PHILI
Directeur de Recherche : annee de formation 2008/2009
M. Laurent Gago
JURY DE S0UTENANCE DU MEM0IRE DE :
CLAIRE PHILI PP
Promotion 2008-2009
3 Approche des représentations du . participatif . de
journalistes des sites indépendants d'information : @rretsurimages et
Médiapart. .
Président(e) du Jury : M. Nicolas Becqueret Coordinateur
des études
Directeur de recherche :
Laurent Gago
Professeur de sociologie de la culture au groupe EAC,
Sociologue. Enseignant a l'Université Paris 3, Sorbonne
Nouvelle, UFR Communication,
Chercheur au CREDAM, Centre de Recherches sur l'éducation
aux Médias.
Membre du Jury
M. Vincent Truffy, Journaliste a Médiapart.fr
Mémoire soutenu vendredi 3 juillet 2009, 16h.
~ L'EAC n'entend donner aucune approbation ni
improbation aux opinions emises dans les memoires de fin d'etudes. Elles
sont propres a leurs auteurs. .
REMERCIEMENTS
J'adresse tous mes remerciements aux nombreuses personnes qui
m'ont aidé et conseillé pour la rédaction de mon
mémoire.
En particulier a Monsieur Laurent Gago, mon directeur de
mémoire, pour m'avoir soutenue et guidée tout au long de
l'année, ainsi qu'à Monsieur Nicolas Becqueret pour ses conseils
méthodologiques.
A Monsieur Vincent Truffy, pour avoir accepté de
parrainer ma recherche et pour m'avoir permis de mieux comprendre le
fonctionnement de la rédaction de Médiapart.
Aux professionnels qui ont accepté m'accorder de leur
temps pour s'entretenir avec moi et qui m'ont permis de mieux
appréhender les enjeux de l'information sur Internet.
Je souhaiterais aussi remercier toutes les personnes
(bloggeurs, forumeurs...) qui contribuent bénévolement sur
Internet a la traduction et a la circulation d'information et de données
au sujet d'Internet et du web 2.0, sans qui je n'aurais pas pu illustrer de la
même manière mon mémoire.
On fait parfois comme si les gens ne pouvaient pas
s'exprimer. Mais, en fait, ils n'arrêtent pas de s'exprimer. 1...] Si
bien que le problème n'est plus de faire que les gens s'expriment,
mais de leur m énager des vacuoles de solitude et de silence a partir
desquelles ils auraient enfin quelque chose a dire. Les forces de
répression n'empêchent pas les gens de s'exprimer, elles les
forcent au contraire a s'exprimer. Douceur de n'avoir rien a dire, droit ne
n'avoir rien a dire, puisque c'est la condition pour que se forme quelque
chose de rare ou de raréfi é qui m ériterait un peu
d'être dit. Ce dont on crave actuellement, ce n'est pas du brouillage,
c'est des propositions.
Gilles Deleuze, . Les Intercesseurs ., in
Multitudes, 27.05.2004.
AVANT PR0P0S
Ce travail consistant a appréhender les
représentations véhiculées dans les discours de
journalistes de sites indépendants d'information, nous avons choisi
d'analyser de deux sites en particulier. Cette recherche n'a pas
prétention a constituer un travail représentatif de la
réalité des sites . collaboratifs .1 dans leur
ensemble. Si nous avons choisi arrêtsurimages et médiapart pour
des raisons méthodologiques dans le cadre de cette recherche, il ne
s'agit pas pour autant de les isoler des autres sites.
Les . noeuds . récurrents (points
problématiques) que nous avons dégagés du discours de
leurs représentants ont une certaine résonance parmi les autres
web journalistes, mais il s'agissait surtout pour nous de ne pas tomber dans un
discours généralisant. Notre approche demeure avant tout
exploratoire. Les thèses prospectivistes ont cette tendance et
s'avèrent très attractives, car elles parviennent en apparence a
surmonter la complexité d'une situation avec une solution . clé
en main >.
Nous avons essayé de ne pas oublier qu'à chaque
situation participative correspondait un modèle propre, mais qu'il
fallait également comprendre le contexte plus général dans
lequel celui-ci venait s'inscrire avant d'en observer les particularismes. Sans
pour autant établir des déterminismes, retracer brièvement
la . généalogie . du participatif au travers de
l'évolution des valeurs de la culture web, nous semblait être un
élément essentiel pour mieux appréhender les
représentations que ce concept peut véhiculer aujourd'hui. Cela
permet également de tracer les contours de logiques différentes
(amateur/professionnelle), de déterminer la proximité ou au
contraire la distance existant entre elles et donc de voir en quoi une
congruence est possible.
Par ailleurs, notre démarche ne consiste pas a
établir des projections quant a l'avenir des interfaces .
collaboratives . étudiées, dans la mesure oil
nous considérons l'Internet comme un média jeune sur lequel
nous manquons encore de
1 De nombreux néologismes et anglicismes (termes entre
guillemets) sont employés par nécessité dans ce travail du
fait de la nature même du sujet, leurs définitions se trouvent en
annexe dans le lexique.
recul. Nous pouvons juste ébaucher des pistes de
réflexion quant aux mesures envisageables pour un nouveau partage des
roles au sein des espaces participatifs. De plus, nous ne disposons pas des
connaissances techniques en matière d'info graphisme ou de web design,
qui nous permettraient de proposer de nouvelles interfaces interactives ou
d'optimiser la maquette de ces sites. Cette phase de mise en place concrete ne
découlera que d'une réflexion quant a la conception de la
production de l'information qu'il appartient aux web journalistes
d'investir.
En effet, l'évolution du « participatif » ne
releve pas uniquement de la stratégie de développement des sites
indépendants d'information, mais également de la
renégociation permanente des roles (entre internautes et journalistes)
qui s'y joue. Dans une seconde partie, notre démarche releve d'une
proposition faite aux représentants de ces sites pour penser autrement
leurs relations aux internautes dans le cadre de la production
d'informations.
Enfin, si nous nommons les web journalistes interrogés
« représentants », nous avons bien conscience que ces derniers
ne constituent pas des portes-paroles représentatifs de l'ensemble de
leurs rédactions récemment formée de journalistes de
divers horizons. Cependant, nous considérons leurs propos comme
révélateurs d'une démarche éditoriale
collective.
LAN SYNTHETIQUE
1. Presentation du sujet : les sites indépendants
d'information et le 3 participatif .
2. Definition de la notion de . sites indépendants
d'information . par rapport a celle de . media .
3. Approche socio-historique du web : les filiations d'une
tradition de partage, de participation et d'innovation collective
4. Presentation de la problematique et des hypothèse de
travail
5. Enquête sur les representations des web journalistes des
sites 3 participatifs . Arrêt sur images et Médiapart
6. Conclusion
7. Annexes
ABLE DES MA TIERES détaillée en fin de
mémoire
INTRODUCTION
En 2000, se déroule ce que l'on nomme
l'éclatement de la . bulle Internet . (dot corn
buble)2. 0n considère communément cette
date comme le passage du web 1.0, a savoir un web linéaire sur lequel
les internautes n'ont aucun pouvoir avec des services médiocres et peu
adaptés a leurs besoins, au web 2.0. Cette appellation définit le
réseau comme un web participatif et interactif, continuellement a
l'écoute des attentes des consommateurs et qui sait s'adapter
rapidement. Cette transition a été favorisée par
l'arrivée du haut débit (2002 en France), qui a permis le
développement de nouveaux services et de pratiques participatives telles
que le partage de fichiers (peer to peer).
Les chantres du web 2.03 voient dans cette nouvelle
phase d'Internet le passage d'un média . horizontal ., oil les
internautes sont cantonnés a un role de récepteurs, a un
média plus . vertical ., oil les internautes sont a la fois
récepteurs et émetteurs. Il s'agirait ainsi d'une
révolution du schéma de communication, qui ferait d'Internet une
agora démocratique oil tout un chacun aurait la possibilité
d'exprimer son point de vue et de partager ses connaissances grace a des
interfaces simplifiées.
De ce concept est née la vision du . tous journalistes
., dans la mesure oil les internautes pairs se substituent en partie aux
intermédiaires médiatiques traditionnels aussi bien pour la
production de contenus que leur hiérarchisation (sélection par
recommandations et réactions critiques). Internet est alors
considéré comme un média offrant une possibilité de
constituer une nouvelle structure de production de l'information. Des lors le
« participatif » devient un « buzz word », autrement dit un
concept a la mode, qu'il s'agit, pour les entreprises ou les médias de
masse, de décliner au travers de nouveaux services (tels que les «
wikis », chats en direct), afin de s'engouffrer dans la bréche de
ce nouveau dispositif.
2 ,4 Quand Internet fait des bulles ., reportage
réalisé par Benjamin Rassat, produit par La
Générale de production et 13eme rue, diffusé
sur cette chaine le 13 juin 2007,
http://www.youtube.com/watch?gl=FREhl=frav=Hj7KoLITX0k
3 « 2.0 . correspond a la seconde version
améliorée d'un logiciel.
0r, avec un peu de recul historique, on peut avancer que la
notion de participation pré-existait au web grand public, même si
ce dernier a pu lui conférer une visibilité a grande
échelle du fait de son réseau mondial. En effet, on observe
notamment dans les mouvements activistes dès la fin des années
1970 une volonté de construire les bases d'un système
d'information alternatif aux grands médias via
des procédés recombinants et
décentralisés qui permettraient une réappropriation des
médias par le public. L'objectif n'est pas alors de modifier le contenu
véhiculé, mais également la structure médiumnique
en elle-même pour permettre l'émergence de « points de fuite
» au système panoptique des médias de masse4. Se
joue dans les mouvements militants une volonté de mettre en place des
dispositifs communicationnels a la fois collectifs et atomisés, qui ne
prévalent pas d'une destruction du système en place, mais comme
une alternative dissidente a ce dernier.
Par ailleurs, les premiers pas d'Internet aux Etats-Unis sont
fortement marqués par une culture « collaborative . des
universitaires et des premiers hackers. Ces développeurs de la
première heure étaient animés par une éthique de
travail reposant sur le libre échange de données, ainsi qu'un
mouvement d'innovation émulé par la reconnaissance et la
compétition entre pairs.
C'est dans ce contexte que s'origine la culture participative,
voire militante, du web, notamment basée sur une forte aversion de tout
pouvoir central, en particulier de l'état. De la se serait
opéré selon Franck Rebillard un glissement entre la philosophie
libertaire du Web (liberté d'expression) et libérale des grandes
entreprises des NTIC (libre échange). Les propos de cet auteur sont en
ce sens éclairants :
« Il faut bien comprendre ici qu'a la triade
Etat / Prive / internaute, se superpose une acception triple de la liberte :
liberte d'expression, libreechange et libre circulation de l'information.
L'ideologie liberale promue par certains entrepreneurs prives et l'ideologie
libertaire des premiers internautes se rejoignent dans une meme aversion pour
l'Etat, accuse de faillir a sa mission de garant de la liberte
d'expression. >>5
4 H0LMES Brian, QUERRIEN Anne, VIDEC0Q Emmanuel,
« Les trois plis du média activisme .,
Multitudes, dossier « Majeure. Subjectivation du
Net : post-média, réseaux, mise en commun ., n°21,
été 2005,
http://multitudes.samizdat.net/Les-trois-plis-du-media-activisme,
mis en ligne le 31 mai 2005.
5 REBILLARD Franck, Le Web 2.0 en
perspective, une analyse socio-économique de l'Internet,
Paris, L'Harmattan, 2008, p. 94.
Des lors, le web 2.0 est concu comme un marché
auto-régulé et sans frictions dans la mesure oil l'Etat
n'intervient que de maniere minimale. Ainsi, Mark Deuze et Joël de Rosnay
parlent d'un « écosystème informationnel » ou d'une
société de l'information dans laquelle, la fluidité des
échanges entre les utilisateurs et les producteurs de contenus ont bien
plus que la valeur des informations en ellesmeme6. Cette utopie
organisationnelle moderniste, que Rebillard nomme le « nouvel esprit du
capitalisme », allie les valeurs d'autonomie, d'horizontalité et de
liberté du mouvement libertaire et se confond avec lui dans le discours
de la « révolution 2.0 ». Ce faisant, elle fait entrer ce
dernier dans une ere oil les différents niveaux de médiation, a
l'instar des journalistes, sont peu ou prou évacués au profit
d'une organisation mécanisée.
0n peut rapprocher ces propos des agrégateurs de
contenus des grandes « plates-formes d'audience »7, tels
que Google news/iGoogle/Google headlines8, Msn
actualités9 ou Yahoo
actualités10/11. Ces taches de tri et de
hiérarchisation de l'information, traditionnellement assimilées
au travail journalistique, peuvent désormais etre faites
individuellement grace a ces interfaces. D'oil la crainte d'un certain nombre
de journalistes que le web 2.0, et ses services personnalisés et
interactifs, n'entralnent la « mort » de leur profession. L'avenir
promis a l'information étant de devenir une matière premiere a
base de dépêches d'agence de presse dont chacun pourrait disposer
tel qu'il en a envie. Cependant, il s'agit de ne pas évacuer les aspects
communautaires et inter relationnels du réseau, qui vont de pair avec
les nouveaux outils « web 2.0 ».
6 « For journalism, all of thie
means, in part, that value attributed to media content will be increasingly
determined by the interactions between users and producers rather than the
product (cf. News) itself." Extrait de: DEUZE Mark,
Liquid journalism, Political Communication Report, 2006,
http://frank.mtsu.edu/-pcr/1601_2005_winter/roundtable_Deuze.htm
7 Cette catégorie comprends les moteurs de recherche,
les portails de services de messagerie et les sites des journaux traditionnels,
qui valorisent une audience captive a la fois quantitative et qualitative en la
mettant a la disposition des annonceurs. EVANS Et SCHMALENSEE, "The Industrial
organization of markets with two-sided platforms", in NBER Working
Papers, n°11603, National Bureau of Economic Research Inc.,
2005.
8 http://news.google.fr/
9 http://news.fr.msn.com/
10 http://fr.news.yahoo.com/
11 Ces sites compilent des flux RSS, voire proposent
un journal personnalisé en enregistrant les préférences de
lecture de l'utilisateur comme parametres de sélection de
sa Une.
Selon Bruno Patino : . Si tout le monde devient
journaliste, il n'y a plus de journalisme >. Cette
réaction de l'ancien Directeur du Monde Interactive résume bien
l'ambivalence des représentations que peuvent avoir des web journalistes
: ils officient sur le . web 2.0 . et peuvent aller jusqu'à le
considérer comme l'avenir de l'information, tout en considérant
le . participatif . comme une menace par certains aspects.
Certains professionnels, inquiets de la remise en question de
leur profession ont quant a eux fait le pari de migrer totalement sur le web.
Ils ont créé des sites d'information, qui, tout en surfant sur la
vague du . participatif ., remettent le travail d'enquete du journaliste au
centre. Ainsi on peut lire dans la note d'intention présentant le projet
de Médiapart :
3 ce projet est ne d'un
double constat partage par une equipe de journalistes experimentes
: la crise de la presse papier qui est une crise de l'offre editoriale ; la
crise de croissance du web, dont les potentialites au service des citoyens
eclaires ne sont pas exploitees au mieux et qui appelle l'invention d'un
nouveau modele d'information de presse. [...] Elle [l'information
de référence] suppose de remettre a l'honneur un
genre trop delaisse et injustement decrie : l'enquete, avec ses decouvertes,
ses surprises, ses revelations inedites..12
Ces nouveaux web journalistes mettent également en
avant l'implication de leur communauté d'abonnés dans le
fonctionnement de leurs sites13, faisant en partie le jeu de
l'idéologie web 2.0, tout en affirmant que le role du journaliste n'en
est que plus essentiel. Ces pure players reprennent a leur compte la tradition
de l'enquête en partie délaissée par les médias
traditionnels, ainsi que la logique des réseaux qui s'impose dans les
circuits de l'information. Ce parti pris part du principe qu'il n'y a peut etre
pas assez de travail journalistique de fonds dans les médias de masse,
qui tentent de courir après le rythme imposé par les nouvelles
technologies, et pas non plus assez du « participatif » de ces
dernières.
En somme, ils essaient d'ouvrir empiriquement une
troisième voie, un modèle mixte alliant les meilleurs aspects des
anciens et des nouveaux médias. Cependant, ces tentatives semblent
créer une situation d'entre-deux, qui placent les web
12,4 Le Projet Médiapart ., Déclaration
d'intention mise en ligne le 07.12.07.
13 Dans l'interview de Pierre Haski
précédemment citée, il déclare au sujet de la
participation des internautes (en l'occurrence via des témoignages) :
<4 C'est aussi ce qui contribue au bon developpement de notre
audience. .
journalistes a la jonction de deux conceptions de leur
activité partiellement antagonistes, notamment quant a leur role et a
celui de leurs lecteurs.
Au dela du contexte technologique induit par le fait que les
sites indépendants d'information concentrent leur activité sur la
Toile (« pure players .), il est intéressant d'analyser le discours
de ces web journalistes et leurs représentations du « participatif
». En effet, comment les journalistes des sites « pure players
», dont la production suscite des commentaires et dont la structure
comprend des contenus générés par les utilisateurs
(UGC14), concoivent le role et la place des internautes participants
? Comment l'intègrent-ils aujourd'hui a leur démarche
professionnelle et quels sont les schémas de fonctionnement qui en
découlent ?
Enfin, quelles sont les évolutions possibles en terme
d'intégration accrue des usages interactifs dans l'offre de ces sites
indépendants d'information ?
Notre intuition de départ est que ces nouveaux sites
« pure players » ne sont pas « au clair . avec le concept du
participatif dont ils se réclament. Etant donné leur statut de
journalistes professionnels, développant une offre payante et issus de
médias traditionnels, ils semblent vouloir se distinguer de ces derniers
via une collaboration active avec les internautes, tout en conservant certaines
réticences a cet égard.
Nous cherchons a mettre a l'épreuve cette
hypothèse en recueillant le discours développé par les
sujets quant au role et a la place des internautes sur leurs sites, et dans une
moindre mesure leur positionnement sur ce point par rapport aux médias
traditionnels. La finalité de ce travail est de mettre en perspective
ces discours avec les analyses théoriques développées a ce
sujet, ainsi qu'en les confrontant aux formes concrètes que prend le
participatif sur ces sites par le biais d'une observation de leurs
pratiques.
14 cf. définition du terme « User Generated Content
., annexe 7.2 (lexique), p. 105.
PREMIERE PARTIE :
APPROCHE DE LA NOTION DE « PARTICIPATIF »
DANS LE CADRE DE L'INFORMATION SUR INTERNET
1. Presentation du sujet : les sites independants
d'information et le
« par
ticipa
tif «
Notre réflexion porte sur la définition des
nouveaux sites indépendants d'information français par rapport
aux internautes participants et sur leurs représentations du .
collaboratif >. Leur création bien que très récente
(notamment 16/04/08 pour Médiapart, 07/01/08 pour Asi...), nous
proposons de dresser un premier bilan sur leur démarche
éditoriale incluant la problématique de la gestion de leurs
espaces participatifs, dont dépendra par ricochet leur nombre
d'abonnés et donc leur viabilité financière.
1.1. Motivations a l'origine du choix du theme et proximite
par rappor tau sujet
Etant nous-même abonnée a
arrêtsurimages.net et
Médiapart (respectivement depuis février et aolit 2008), nous
suivons journellement leurs publications ainsi que les forums et espaces de
commentaires ad hoc. Ces espaces de . friction . (terme employé par
Vincent Truffy, cf. entretien) entre publications de la rédaction et
réactions des abonnés constituent selon nous un lieu de
réflexion sur les nouveaux enjeux du journalisme professionnel sur
internet.
Notre réflexion quant aux roles de chacun au sein de
ces sites a notamment germé suite au vif débat qu'a
suscité la publication du témoignage de Dannette 0'choc au sujet
de son voyage aux Etats-Unis pendant la campagne électorale de 2008 dans
l'espace (bleu ciel) dédié aux articles de la rédaction
d'@si15. 0utre la polémique faisant référence
aux qualités rédactionnelles du post, les critiques portaient
surtout sur le fait que celui-ci ne correspondait en rien aux critères
d'objectivité que les internautes attendaient d'un article en ligne. 0r,
cette publication n'en était pas une, mais relevait du . billet d'humeur
. comme l'a précisé Daniel Schneidermann dans un édito
postérieur16.
Nous avions alors nous-même réagi sur le forum de la
manière suivante :
15
http://www.arretsurimages.net/contenu.php?id=1361
16
http://www.arretsurimages.net/contenu.php?id=1366
<au-dela de la question de la "qualite", la
ligne de demarcation a bouge exceptionnellement et c'est donc davantage la
cohabitation des contenus journalistiques et amateurs qui semble en jeu.
L'espace journalistique est donne a un temoignage "brut" juge a priori digne
d'interet par la redaction et ce sont les abonnes qui interviennent de l'autre
cote de la "barriere" dans le cadre du forum. Une meme source, deux espaces.
[...] On en revient a la meme question: les abonnes, premiers a vouloir reagir
dans les forums sont parfois choques de lire du contenu redige par l'un d'entre
nous dans un espace qu'ils estiment comme devant rester
"professionnel". >17
La réponse de la rédaction pour justifier son
choix de mettre en lumiere ce contenu reflétait bien ce débat
entre la légitimité et le role de chaque entité
(journalistes professionnels et abonnés commentateurs) :
<
Certains d'entre vous s'en etonnent, s'en
emeuvent, trouvent que nous melangeons torchons et serviettes, chacun chez soi,
les journalistes sur le pont, les forumeurs18 dans les forums, et ca
ira mieux. C'est un debat legitime, mais j'avoue que je ne partage pas ces
reserves. Un des charmes de notre aventure commune, n'est-ce pas de faire
bouger les lignes ? Et faire bouger les lignes ne signifie evidemment pas les
faire disparattre ! >
Daniel Schneidermann rappelait que la distinction était
clairement faite dans l'esprit de l'équipe rédactionnelle (<
Mais chacun a sa place. >), mais qu'elle était du fait des
interactions permanentes avec les abonnés une ligne en
perpétuelle définition. La démarche initiale du site
voulant s'enrichir des apports des internautes sans etre dans le < fantasme
du participatif > a été confrontée, a l'occasion de cet
épisode, a un débat collectif.
Cela nous a amenée a réfléchir sur des
notions telles que la coproduction de l'information, la modération des
UGC, les éditions participatives, le web 2.0 ou la cohabitation des
contenus professionnels et amateurs sur les sites d'information. Force est de
constater que la signification de ces concepts est ardue en raison de leur
nature plutot abstraite, du fait qu'ils tentent de décrire une situation
interactionnelle actuelle.
Par ailleurs, participant nous-meme a ces sites en tant
qu'abonnée, notre proximité avec le sujet de cette
étude a rendu difficile la mise a distance nécessaire a leur
observation objective et constitue en cela une limite non
17
http://www.arretsurimages.net/forum/read.php?3,52483,52483,
(acces payant)
18 Internautes intervenant sur un forum en publiant
un post en réaction a un billet ou une question initiale soumis a la
communauté (exemple : les forums d'utilisateurs d'un produit
fonctionnant sur la base de l'entre aide, a l'intersection entre les FAQ et les
aides personnalisées).
négligeable a notre analyse. L'ouvrage de Franck
Rebillard19 a été une lecture essentielle dans le
processus de déconstruction de nos idées préconcues sur la
nature « révolutionnaire » du web 2.0.
Le fait que nous nous informions quasi
exclusivement via des communautés de partage
de liens (digg, delicious, aaaliens), flux RSS et abonnements a des news
letters ou podcasts, renvoyant a des blogs, forums, hébergeurs de
vidéos et des sites d'information, institue déjà un
certain a priori sur les pratiques sociales en la
matière.
Cette manière de naviguer relève notamment d'une
volonté de nous informer « autrement ». Nous sommes
conscientes du fait qu'il existe des approches théoriques
prospectivistes (voire technicistes) sur le « nouveau journalisme » a
travers les penseurs du web (Clay Shirky, Narvic, Frédéric
Filloux...). Une remise en contexte historique par la lecture de chiffres et de
dates clés nous a cependant permise de questionner le caractère
de nouveauté de la dimension participative d'Internet, qui lui est en
général attribué par défaut.
Si les rapports entre les journalistes et leurs lecteurs sont
par définition bouleversés du fait qu'ils prennent place sur un
nouveau média, notre démarche consiste a interroger la
construction des représentations que ce processus suscite et l'influence
de celles-ci sur la réalité en retour. Cette conception du web
comme eldorado d'un nouveau type de journalisme « web 2.0 » est
largement véhiculée (en partie dans le discours de certains
fondateurs de sites indépendants d'information comme nous le verrons) et
participe a la construction d'un contexte de réception du média
Internet.
C'est en ce sens qu'il nous parait intéressant
d'analyser les discours de journalistes de ces sites, afin d'appréhender
la manière dont ils concoivent la notion de collaboration sur leurs
sites et comment celle-ci affectait selon eux leur pratique du journalisme.
19 Cf. Annexe 2, p.105 : GAG0 Laurent, «
Recension Franck Rebillard : Web 2.0 en perspective. Une analyse
socio-économique de l'internet », Le Temps des
médias, n°12, printemps 2009, éditions du
Nouveau Monde.
2. Definition : entre « sites independants
d'information » et
« media d'information 0
2.1. Definition de la notion de media
Dans le cadre de cette recherche nous seront amene a utiliser
le terme . media .. 0r, ce terme est polysemique. En effet, il est communement
accorde aux medias plusieurs fonctions et cela depuis les origines des ces
derniers (par exemple, techniques, esthetiques, phatiques, culturelles,
politiques...). Nous utiliserons ainsi le terme dans son acception
informationnelle et communicationnelle, dans le but de determiner les
caracteristiques d'usages qui definissent un media. Nous serons des lors en
accord avec les definitions posees par Marc Raboy, qui avance qu'un media est
un moyen de communication pouvant avoir plusieurs dimensions (publique, privee
ou communautaire). Selon lui :
- ils proposent des mecanismes qui permettent la
dissemination massive d'informations, facilitant la construction de consensus
sociaux, la construction et la reproduction du discours public et certains
niveaux d'interaction, notamment dans le cas des nouveaux medias independants,
alternatifs et communautaires. . (p. 507)20
Comme defini ci-dessus, nous nous attacherons a la definition
des medias dits « de masse » et, non pas, a leur acception
etymologique plus large de moyens de transmission de messages.
Avec l'emergence du numerique, les medias semblent se
developper selon des logiques contraires, entralnant a la fois a leur
concentration et leur nuclearisation. Marc Raboy note que :
« d'un cote les medias de masse (presse,
radio, television) connaissent un processus de concentration de la propriete et
une integration horizontale et verticale dans les domaines du son et de l'image
grace a l'arrivee du support numerique. D'un autre cote, Internet, et les
supports numeriques en general, individualisent et democratisent l'acces a la
communication et a l'interaction, permettant le developpement inedit de
nouveaux moyens alternatifs ou cooperatifs qui affectent, dans le meme
mouvement, les medias de masse traditionnels >.
20 RAB0Y Marc, . Medias . (p.505 a 525),
in Enjeux de mots, regard multiculturels sur les societes de
l'information, CEtF editions, Caen, 2005, 649 p.
0n peut ainsi dire que la définition même de la
notion de « média » a évolué avec
l'arrivée des Nouvelles Technologies de l'Information et de la
Communication (NTIC), entralnant un effet de concentration des médias de
masses multisupports et, au contraire, un effet d'éclatement a
l'échelle individuelle de l'accès a la communication
d'information grace a Internet notamment ; mouvement qui affecte les usages des
médias « traditionnels »21. Marc Raboy n'emploie
pas indistinctement la notion de média pour les deux dimensions
précitées, mais distingue les médias de masse (organes
établis émettant un message a destination du public) et la
société de l'information (assimilée a Internet oil
l'émission du message est rendue accessible au public).
En effet, Internet semble avoir fait évoluer la notion
de média de communication dans le sens oil on l'entendait
précédemment avec les médias de masse (one to
many), puisqu'il constitue pour certains un média
horizontal (many to many) permettant de nouveaux
usages allant du bilatéral22 au global en passant par le
communautaire (réseaux sociaux...).
Nous reviendrons23 sur les origines et implications
de cette thèse opposant le consommateur passif du système mass
médiatique au « consomm'acteur » de l'Internet. Cela nous
permet de pointer ici l'importance des discours dans la construction des
perceptions sociales des médias et les postures d'usage qu'y en
découlent. Comme le souligne Franck Rebillard : « Si
l'imaginaire constitue a n'en point douter la composante la plus
immatérielle de la technique, elle n'en est pas moins partie prenante de
son devenir social.24 » La naissance d'un
média est donc en partie constituée de projections
imaginées, ne correspondants pas forcément a des
prévisions qui se réaliseront, mais avant tout a des ressources
collectives.
Le média Internet suscite ainsi beaucoup de prospectives
sur les futures pratiques qui s'y développeront. Mais comme nous le
rappelle Francis Balle :
« Les médias sont des techniques [qui]
valent seulement par l'usage qui en
est fait. [...] Ainsi les médias nous
surprennent-ils toujours : leur usage
21 Nous entendrons par médias «
traditionnels » des dispositifs communicationnels et d'information
préexistants au web, qui peuvent avoir transférés une
partie de leur offre sur Internet mais dont le cceur d'activité demeure
« analogique », comme par exemple des organes de presse
possédant aujourd'hui des sites internet.
22 Certains usages d'Internet, tels que le courriel ou
la messagerie instantanée, peuvent cependant le faire considérer
également comme un média dans son acception privée (one to
one).
23 Cf. partie 4.1. p. 35
24 p. 83 REBILLARD Franck, Le Web 2.0 en
perspective, Paris, L'Harmattan, coll. Questions contemporaines,
2008.
correspond tres rarement a ce que leurs
inventeurs [ou futurologues] avaient
imagine.25 »
Un média ne se définit donc pas uniquement par
ses possibilités techniques mais également par ses usages. Marc
Raboy nous rappelle, que le cadre historique et sociétal dans lequel le
médium prend place, va influencer le role et a la place des
médias selon le type de régulation mis en place par
l'état via un encadrement législatif,
un modèle économique, des infrastructures... Nous gardons,
dès lors, a l'esprit les dimensions multiples que prennent les
médias, ainsi que leur caractère mouvant du fait de
l'évolution que connaissent leurs usages et le cadre dans lequel elles
prennent place.
Nous retiendrons ici le terme de média en tant qu'il
répond aux trois critères de définition suivants : un
support rendant possible la transmission d'informations a de nombreux individus
épars26 et permettant ainsi, la constitution d'une opinion
publique ; un dispositif triangulaire (émetteur, médiateur,
récepteur) de communication prenant place dans l'espace public et qui
fonctionne traditionnellement selon une certaine périodicité
(contenus de . flux » ou de 3 stock »).
25 p. 5, BALLE Francis, Les
Medias, Paris, PUF, coll. Que sais-je ?, 2009.
26 Dictionnaire Culturel, Le Robert,
Alain Rey, 2005, Tome 3, p. 484.
2.2. Internet : un media « nouveau « ?
Quelles specificites mediumniques ?
La périodicité (production de l'information en
flux tendu et discontinu), le champ d'application (a l'échelle
internationale, a la sphere aussi bien privée que professionnelle ou
publique) et les roles d'émetteur et de récepteur sur Internet
évoluent et different des autres médias. En effet, selon Eric
Maigret27 le terme de 3 média de masse . fait
référence a une mise en relation distanciée de(s)
l'émetteur(s) et du[es] récepteur(s) sans possibilité
poussée d'interaction entre ces deux entités.
C'est ce critere qui permet de distinguer la communication
interindividuelle de la communication organisationnelle, or avec les nouvelles
applications qu'offre Internet, la donne change quelque peu. C'est la tout le
propos de notre étude : les espaces d'interaction entre les tenants d'un
web journal et ses abonnés. Cependant, si les échanges
s'intensifient et que les roles peuvent, dans une certaine mesure,
s'interchanger ou se cumuler (cf. User Generated
Content28), Internet répond aux autres criteres
de définition d'un média, bien qu'il soit doté de
caractéristiques propres.
Internet demeure un dispositif communicationnel s'inscrivant
dans le champ public, favorisant l'émergence d'une opinion publique par
le débat qu'il permet via la publication de
contenus datés en ligne. Cependant, selon Bernard Miège le Net
est un média ambivalent dans sa structure même dans la mesure oil,
il peut etre un moyen de : communication interpersonnel, d'expression
participative, de transmission pour tous les autres médias. Il est donc
difficile de définir Internet, dans la mesure oil il constitue un
médium qui . déborde . les autres médias. Comme l'expose
Serge Proulx, il permet . l'adjonction de potentialités
supplémentaires ., qui ne s'excluent pas les unes les autres. Ainsi
Internet cumule :
- une production atomisée et non-marchande
des contenus (blogs, sites associatifs...) en sus des produits diffusés
[...] par les groupes industriels de communication ; modèle dialogique
(courriels, forums, messageries instantanées...) complétant la
relation linéaire entre production et réception ;
exhaustivité et disponibilité des informations [...]
suppléant la
27 MAIGRET, Eric. Sociologie de la
communication et des médias. Paris : Armand Collin, 2003,
p. 29.
28 Cf. Lexique, annexe 7.2. p. 110.
rigidite de la programmation et de l'edition ;
espaces de debats et de selection entre internautes combines aux scenes plus
mediatiques de la representation politique. .
La multiplicité des dimensions d'Internet rend
difficile sa définition en tant que média, en raison de la
convergence des services qu'il permet. Par ailleurs, nous avons retenu la
notion de média dans son acception . de masse . or, Internet correspond
également a un médium d'usage privé et dialogique, mais
c'est ce paradoxe même qui en fait un média . nouveau >.
Souvent qualifiée de . révolution ., sa
nouveauté ne relève ainsi pas tant de son rythme rapide de
diffusion de l'innovation ou de la décentralisation de la publication de
contenus, qui constituent des phénomènes déjà
rencontrés par d'autres médias comme le souligne Franck
Rebillard, que du fait qu'il soit un 3 dispositif de communication total et
universel >. Internet regroupe une grande diversité de
modalités d'échange, de secteurs d'activité et d'espaces
d'utilisation. Pour Patrice Flichy29, c'est dans cette .
pluralité d'activités sociales . et de registres
communicationnels, qu'il faut voir la spécificité d'Internet en
tant que média.
Enfin, il ne faut pas oublier que l'Internet grand public est
tres récent (le taux de pénétration en terme d'acces a
Internet en France n'a dépassé les 50% qu'en 200530)
et qu'il est donc actuellement une phase transitoire d'hybridation des
différentes filiations et logiques qui le composent. Selon Rick Altman
:
3 L'intermedialite proprement dite ne consisterait
pas en un simple melange de medias, mais designerait plutot une periode pendant
laquelle une forme destinee a devenir un media a part entiere se trouve encore
a tel point tiraillee entre plusieurs medias que son identite reste encore en
suspens. >>31
L'Internet ne peut se réduire aux médias qui le
composent, mais, encore des logiques propres a ces derniers, il semble
aujourd'hui difficile de cerner son identité propre.
29 FLICHY Patrice, L'imaginaire
d'Internet, Paris, La Découverte, 2001, 272 p.
30 GREFFE Xavier et S0NNAC Nathalie (sous la direction
de), Culture Web. Creation, contenus, economie
numerique, Paris, Dalloz, 2008, 886 p.
31 ALTMAN Rick, . Technologie et textualité de
l'intermédialité ., Societe et
representations n°9, 2000, p. 11.
2.3. Les « sites indépendants d'information
« ?
Les sites indépendants d'information, qui constituent
l'objet de notre étude, s'inscrivent dans le média Internet et
ont des dénominateurs communs bien que leurs objets puissent
différer.
Nous avons considéré dans ce travail
l'information au sens journalistique du terme, c'est-à-dire toute
actualité se déroulant dans le champ public portée a la
connaissance de tous par une organisation via un
support médiatique. Nous comprenons par . organisation ., un organe de
presse constitué d'une équipe éditoriale de
professionnels, possédant ou non la carte de presse, mais
exerçant leur activité selon des r~gles de déontologie
journalistique établies (recoupement des sources...).
Cela exclut donc de notre enquête la blogosphère
(même si certains blogs peuvent être tenus par des journalistes),
les réseaux sociaux (Facebook32, Twitter33...) et
l'ensemble des sites a usage privé (pages personnelles...), associatif
ou purement marchand (a visée promotionnelle et/ou commerciale) de notre
champ de recherche. Bien qu'Internet soit par définition un dispositif
de portée internationale, nous avons également réduit ce
dernier a des sites d'information 3 de production française . pour des
raisons méthodologiques (temps, possibilité de rencontrer les
journalistes...) et afin de pouvoir observer des offres s'inscrivant dans un
même contexte social (lois, pratiques culturelles...).
Le theme de notre étude porte sur les sites
indépendants d'information que la Direction du développement des
médias (DDM) a défini ainsi :
. service de communication au public en ligne
fourni a titre professionnel par un prestataire qui en assume la responsabilite
editoriale, consistant en la production et la mise a disposition du public, de
faFon periodique et reguliere, d'un contenu original, compose d'informations
ayant fait l'objet d'un traitement journalistique et presentant un lien avec
l'actualite, qui ne constitue pas, en lui-meme, un outil de promotion ou un
accessoire d'une activite industrielle ou commerciale
».34
32 http://www.facebook.com/
33 http://twitter.com/
34 Le Livre vert des Etats généraux de
la presse, propositions du pMle 3 dirigé par Bruno Patino, . Le Choc
d'Internet. Quels modeles pour la presse écrite ? ., p. 40,
http://www.culture.gouv.fr/culture/actualites/conferen/albanel/livrevert1.pdf
Cependant, cette definition generique ne correspond que
partiellement a l'acception des sites d'information que nous avons retenus dans
cette etude, dans la mesure oil elle ne fait pas intervenir les notions
d'independance et de « pure player », qui constituent pour nous les
criteres constitutifs de notre selection.
Nous avons caracterise ces derniers comme suit : sites
Internet non-adosses a une marque ou un groupe de presse/audiovisuel/FAI/moteur
de recherche (sites dits « pure players »), tirant tout ou partie de
ses revenus de la publicite, de la revente de ses contenus a d'autres medias ou
des abonnements de ses utilisateurs. Leur modele d'affaires peut donc etre
mixte, mais ne permet pas pour le moment d'assurer la perennite de leurs sites,
ces derniers ayant ete crees recemment (2007/2008 en ce qui nous concerne).
Ces sites sont constitues d'une redaction de journalistes
professionnels ayant construit leur propre outil de travail, mais pouvant
collaborer en parallele a d'autres media et/ou avoir leur propre blog. Leur
offre en matiere d'informations, generalistes ou specialisees, s'appuie
egalement sur les contributions des internautes, qui s'expriment sous la forme
de commentaires, blogs, ou courriels. Les contenus co-produits sont multimedias
et inter-connectes (liens avec d'autres sites de meme nature, liens pour les
partager sur les reseaux sociaux ou les envoyer par courriel...). Ces sites
donnent donc acces des differents espaces dedies, soit a des publications
propres a la redaction, soit a des liens ou breves d'autres sites, soit a des
contenus amateurs d'Internautes.
Ils correspondent en cela a ce que l'on appelle des « sites
participatifs » et que Franck Rebillard definit comme etant des :
« sites agregeant des contenus deposes par
des internautes n'appartenant pas a l'organisation editrice du site. [...] Ces
sites s'inscrivent davantage [en opposition aux sites de partage de contenus]
dans la filiation de l'~crit, possedent a ce titre une maquette plus
hierarchisee et un rubricage plus contraignant pour l'insertion des contenus,
et presentant une visee intellectuelle (ex : l'encyclopedie
Wikipedia ou le site de journalisme participatif
AgoraVox). 35 »
La visee intellectuelle citee evoque les notions de collaboration
et de « foules Intelligentes » cheres a Howard
Reingold36.
35 P. 1J8, RE9ILLARD Franck, Le web 2.0 en
perspective. Une analyse socio-économique de l'Internet,
L'Harmattan, Paris, 2007, 158 p.
36 RHEING0LD Howard, Foules
intelligentes, Pais, M2 Ed, 2005, 300 p.
Le terme de sites d'information « pure players . renvoie
a l'une des caractéristiques que donne également Franck Rebillard
du webzine : « journal publié exclusivement sur
Internet, sans déclinaison dans l'imprimé ou
l'audiovisuel..37.
Nous assimilons les sites indépendants d'information
sur lesquels notre étude se porte aux webzines, mais nous n'emploierons
pas ce terme afin, de les distinguer des dimensions amateurs et alternatives
des webzines utilisé par Franck Rebillard. Nous nous pencherons
cependant dans notre partie consacrée a l'approche sociohistorique de
l'information sur le web sur les liens, que l'on peut établir entre la
tradition d'auto publication collective des webzines et les espaces
participatifs présents aujourd'hui sur ces sites.
Nous considérons les sites observés comme
indépendants davantage en raison de la nature de leur structure
financière (n'appartenant pas a un groupe de presse et ayant un capital
appartenant en grande partie a leurs fondateurs), que du fait de la distinction
amateur/professionnel comme c'est en partie le cas dans la tradition du
web/fan-zinat.
Nous ne traiterons pas des sites indépendants
d'information sous le terme de « médias ., en raison de la
confusion possible entre l'acception d' « organe de presse en ligne . et
le médium Internet comme « dispositif communicationnel . tel que
nous l'avons défini.
Cela évitera également une possible confusion
avec les médias dits « de masse ., que nous évoquerons
davantage sous le terme de « médias traditionnels >. Cette
terminologie ne doit pas etre entendue dans le sens oil l'on recréerait
une querelle des anciens et des modernes ou reposant sur une barrière
technologique (factice dans la mesure ou la radio ou la télé ont
également recours a la technologie numérique et sont aussi
présents sur le web), mais dans la mesure oil leur activité
repose principalement sur des supports classiques (papier, ondes
hertziennes...) et répond a des procédés industriels de
production et de diffusion.
Par ailleurs, le projet de loi sur le statut d'éditeur
en ligne n'accorde a ces sites un statut équivalent aux médias
d'information que dans la mesure oil ils proposent des
37 Rebillard, op. Cit., p. 149.
contenus éditoriaux de professionnels. En ce sens, les
espaces de publications participatives de ces sites ne sont pas directement
compris dans la notion de 3 média ., mais plutMt vu comme une
activité annexe d'hébergeur-modérateur des
user generated contents (UGC). 0r comme nous l'avons
évoqué, le terme de média appliqué dans son sens
large a Internet comprend également les activités de publication
amateur. Comme l'évoque Rebillard : . avec l'Internet,
pratiques amateurs et professionnelles se retrouvent ainsi sur un même
dispositif de communication.38 »
Autrement dit, ces deux formes d'expression peuvent coexister
(de manière non antinomique sans pour autant être forcément
sur un pied d'égalité) sur un même site d'information et
constituent la spécificité même d'Internet en tant que .
nouveau . média. Du fait que ce statut légal de média en
ligne ne comprenne pas l'une des caractéristiques d'Internet, nous
éviterons de nommer ces sites d'information indépendants de la
sorte.
38 Rebillard, op.cit., p. 109.
3. Approche socio-historique du web: les filiations
d'une tradition de partage, de participation et d'innovation collective.
L'enthousiasme de certains commentateurs du web 2.0 pourrait
laisser a penser que le concept du « participatif . est né avec
l'Internet grand public. Ainsi, peuton lire Francis Balle s'émerveiller
:
« mais le numerique va plus loin, avec le web
2.0, que cette interactivite : avec ses blogs le web franchit un seuil
supplementaire, realisant le reve du Do-it-yourself, permettant a chacun de
s'exprimer comme il l'entend et d'offrir une alternative aux medias
traditionnels.39 .
De meme, certains journalistes attribuent au web 2.0. un
caractere révolutionnaire du fait de son « horizontalité
» et de sa capacité a accomplir le slogan « tous journalistes
>. Le blogger John Paul Lepers40 affirme ainsi :
« Internet est par essence un media democratique. [...] Tu
peux devenir toi-meme reporter. »41
0r, cette notion constitutive du web s'origine dans des
filiations philosophiques et des pratiques qui lui sont antérieures.
Tout en étant davantage que la somme de ces dernieres, le web est
animé par l'influence de ces logiques diverses. Ainsi Franck Rebillard
avance que :
« Si nouveautes il y a, ce ne sont pas de
totales originalites partant de rien, mais plutot des ajouts, des
reorientations, des changements d'echelle et de vitesse, au sein de dynamiques
sociales presentant une certaines continuite
>>42.
Par ailleurs, les pratiques que nous avons
étudiées sont intimement liées aux évolutions
techniques, mais cette démarche ne releve aucunement d'une
volonté de retracer la genese et du web en tant que nouvelle
technologie. Il s'agissait davantage pour nous de saisir l'évolution des
usages coopératifs, afin d'en percevoir une certaine philosophie
commune. L'Internet étant un média né a la fin des
années 1970 et toujours en pleine ébullition, nous disposons de
peu de recul quant a son « histoire .. La tentation est grande de vouloir
« tirer des lecons . de cette dernière. Nous avons essayé de
nous garder de réécrire le cours de l'évolution de ce
jeune média ou de s'y appuyer pour établir des projections par
trop affirmatives.
39 BALLE Francis, Les
Medias, Paris, PUF, coll. Que sais-je ?, 2009, p. 46-47.
40 http://johnpaullepers.blogs.com/
41 Citation d'un article du
Monde du 19.06.06 dans : « Les nombrils électroniques
., Le Plan B, n°6, février-mars 2007,
http://www.leplanb.org/medias/nombrils-electroniques-2.html
42 Ibid, p. 141.
Nous avons tenté d'interroger les permanences
historiques des différents mouvements de pensée dont le principe
de la participation est issu et de les mettre en relation avec la tradition
libertaire du web. Cela nous permettra notamment de mieux saisir les enjeux
sous-jacents au développement des espaces participatifs sur les sites
indépendants d'information. Les représentations que suscite
aujourd'hui le 3 participatif . découlent d'une culture alternative aux
médias traditionnels et sont également a mettre en relations avec
les origines . collaboratives . de l'Internet.
3.1. Felix et l'esprit des radios pirates
Nous reviendrons ici sur un épisode marquant de la
contestation du système mass médiatique en Europe : radio Alice
et les téléstreets italiennes. La
théorisation dont ces initiatives ont fait l'objet dans les travaux de
Félix Guattari nous apporte un éclairage sur les motivations qui
peuvent pousser des militants a s'approprier le statut d'émetteur pour
reconquérir un médium. Même si cette recherche de nouvelles
potentialités s'est appliquée a des dispositifs communicationnels
traditionnels (radio, télé, magazine...), elle a durablement
marqué les esprits et la philosophie libertaire.
Sans aller jusqu'à dire que tout internaute a
conscience ou connalt cet héritage indirect, le principe de
participation de la « base . dans le processus médiatique
procède, a ses origines, d'un engagement volontariste. Aujourd'hui, la
pratique participative sur Internet s'est généralisée et
n'est plus forcément considérée comme un acte de
résistance a un système d'information « main
stream »43. Cependant, cela renvoie a
une volonté de s'informer autrement en contribuant a cette ressource.
L'appropriation par les citoyens de la parole
médiatique permet, selon Guattari, non pas d'abattre le système
panoptique des médias, mais d'ouvrir des « points de fuite .. 0n
peut ici établir un parallèle avec la volonté de
Médiapart et d'Arrêt sur images de faire un journalisme a contre
courant de ce qui se fait dans les médias traditionnels. Le fait que ces
« pure players . aient choisi de s'établir sur l'Internet (outre
les coats moindres) et d'ouvrir leurs sites a la participation des internautes,
fait ainsi partie de cette ambition alternative.
Nous considérons donc, a l'instar de Franck Rebillard
que toute pratique sociale s'ancre dans un cadre socio-historique avec des
permanences en termes de valeurs et d'usages. Nous essayons donc dans cette
partie de dégager les filiations existantes entre les différentes
dimensions actuelles du « participatif . avec la tradition contestataire
des médias de masse, ainsi qu'avec les valeurs constitutives de
l'Internet. Ce travail de contextualisation nous paralt important dans le cadre
de notre approche des différentes dimensions actuelles du «
participatif . et donc pour l'analyse des représentations
affiliées.
43 Expression traduisant le courant de pensée
dominant.
Les annees 1960 et 1970 ont vu naltre l'idee que les nouveaux
outils techniques et leur acces plus aise menaient potentiellement l'individu
au centre du dispositif communicationnel dont les industries mediatiques, telle
que la television, les avaient depossedes. Cette critique
adornienne44 des appareils de production de l'information a entre
autres ete portee par Felix Guattari et son concept d' . ere post-mediatique
>.
Selon lui, les possibilites qu'offrira la technique en terme
de d'acces a d'innombrables contenus et sources, permettront l'entree dans une
. ere post media ., qui consisterait en une reappropriation, a l'echelle
individuelle et collective, des moyens de communication
via leur usage interactif45. Pour lui, la
proliferation des dispositifs atomises, donnant a nouveau aux citoyens l'acces
a l'expression publique, ouvrirait la voie a un demantelement du systeme mass
mediatique, de maniere plus efficace qu'un contre-modele a proprement
parler.
Ainsi, Guattari avance-t-il que :
3 les nouvelles technologies secretent, dans le
meme mouvement, de l'efficience et de la folie. Le pouvoir grandissant de
l'ingenierie logicielle ne debouche pas necessairement sur celui de Big
Brother. Il est beaucoup plus fissure qu'il n'y paratt. Il peut exploser comme
un pare-brise sous l'impact de pratiques moleculaires
alternatives. >46
Ses ecrits, comme
L'Anti-CEdipe47, ont inspire les partisans du
mouvement
d' . autonomie creatrice . en Italie (Bologne) et notamment
l'idee que les marges de la societe etaient plus importantes que son
centre48. Après la creation de la revue
A-traverso, Radio Alice nait le 9 fevrier 1976 avec l'idee
<< rhizomatique > de donner la parole aux gens qui ne l'avaient jamais
eue. Le pullulement des
44 Theodor Adorno avance par exemple que la musique
dite . populaire . concue pour une consommation de masse ne repond pas a des
gouts, mais procede d'une alienation et d'un ecrasement de l'individualite,
opere par l' . industrie culturelle .. cf. Max Horkheimer/Theodor W. Adorno,
Dialektik der Aufklarung (1944). Frankfurt am M., S. Fischer Verlag, 1969.
Trad. franc. par E. Kaufholz, La dialectique de la Raison, Paris, Gallimard,
1974. Dans la presente traduction du texte de S. Weigel, . Raison . (avec la
majuscule initiale) rend . Aufklarung .. Par opposition a 3 raison ., pour .
Vernunft . (N.d.t.)
45 GUATTARI Felix, . Vers une ere post-media .,
Terminal n°51,
http://multitudes.samizdat.net/Vers-une-ere-postmedia,
mis en ligne le 23 octobre 2004.
46 Ibid
47 GUATTARI Felix, Ecrits pour
l'anti-cedipe, Paris, ed. Leo Scheer, coll. . Lignes Et Manifeste
., 2004, 509 p.
48 Interview de BIF0, l'un des fondateurs de Radio
Alice,
http://sebastien.schifres.free.fr/bifo.htm
initiatives, basées sur l'expérimentation et le
partage en réseaux, construit de nouveaux usages . non-utiles . et
gratuits aux technologies49.
Selon Franco Berardi, l'un des principaux protagoniste du
mouvement des radios pirates aux te(estreet des
années 2000 :
. ce qui nous interessait dans (e mouvement des
radios qui a commence dans (es annees 1970, c'etait ('anticipation d'une
tendance post-mediatique qui se profi(ait a ('horizon : une sociabi(ite dans
(aque((e (es f(ux de communication ne sont p(us diriges d'en haut vers un
pub(ic passif, mais fonctionnent comme un mai((age tres serre d'echanges
rhizomatiques entre des emetteurs qui se trouvent sur (e meme
p(an.50 4
Franco Berardi ne considère pas les dispositifs
techniques comme structurellement porteurs de . modalités
sémiotiques . différentes. Autrement dit, le média est un
dispositif qui fonctionne selon des finalités et un agencement
incorporé au cours de son histoire social et qu'il s'agit de faire
éclater par l'application d'un . reverse engineering >. 0livier
Blondeau décrit ce processus par . ('inversion de rA(es
sociaux entre producteurs et consommateurs d'information et [(a redefinition
de] (eur attitude par rapport a (a technique en
genera(51 ..
Il s'agit donc non seulement de proposer un autre type de
contenu, mais également de reconstruire le média en
définissant des codes et un cadre d'action nouveaux. Cette vision
recombinante du dispositif communicationnel s'oppose a la vision d'un
média dont la fonction détermine forcément l'agencement du
message et sa réception. Le dispositif est percu comme une
possibilité de produire des situations d'énonciation permettant a
une parole alternative d'émerger.
Si l'esprit critique s'exerce lors de la réception de
tout message médiatique comme l'avance Franck Rebillard face a ceux qui
opposent les mass médias verticaux a l'Internet horizontal, le courant
de pensée Guattarien avance que la question se pose moins en termes de
média qu'en terme de modalités sémiotiques. Emanuel Vidocq
et Bernard Prince52 précisent que
le mouvement guattarien relève
49 VIDEC0Q Emmanuel, H0LMES Brian, QUERRIEN Anne, .
Les Trois Plis du média-activisme .,
Mu(titudes, n°11, Février 2005,
p.11-14.
50 BERARDI Franco, (Bifo), . Les radios libres et
l'émergence d'une sensibilité postmédiatique ., in
Mu(titudes, n°21, Paris, juin 2005.
51 BL0NDEAU 0livier, Devenir Media.
L'activisme sur Internet, entre defection et experimentation,
Paris, Edition Amsterdam, 2007, p. 84.
52 VID0CQ Emmanuel et PRINCE Bernard, . Félix
Guattari et les agencements post-média. L'expérience de radio
Tomate et du Minitel Alter ., in Mu(titudes,
n°21, 2té 2005, p. 23-30.
moins d'une critique de l'aliénation médiatique,
qu'une remise en cause de leur mode d'organisation sociale et une
volonté de créer grace aux nouvelles technologies des dispositifs
inédits.
Il s'agit de faire émerger des lignes de fuite par une
expression alternative 3 mineure des minorités ., organisée dans
un mouvement éclaté en réseau, au lieu d'une
contre-culture monolithique, afin de fissurer le système
médiatique a ses marges. Nous pouvons ici opérer un rapprochement
avec la structure . en toile . de l'Internet a la fois atomisée et
interconnectée, qui offre un moyen d'information et d'expression aux
personnes n'ayant pas forcément voix au chapitre dans les médias
traditionnels. Le réseau permet ainsi un découpage a la fois plus
fin, plus dense et alternatif de l'information. Ce sont ainsi des actions
réalisées a l'échelle d'individus, qui définissent
l'ensemble, tout en le rendant d'autant plus insaisissable selon le principe d'
. éclatement de l'action . conceptualisé par Hakim Bey.
3.2. « Frappez et fuyez « : la philosophie
libertaire d'Hakim Bey
Le web indépendant n'est pas considéré
par Hakim Bey comme un contre-pouvoir ou un concurrent aux médias de
masse, mais le Net les influence dans le sens oil il change les rapports
habituels des récepteurs aux contenus. L'organisation non
hiérarchique permet un échange libre des données et vient
combler les manques du système informationnel dominant. L'interaction
entre les membres de la . tribu . évoque ici l'esprit communautaire du
Net nous permet de mieux saisir la nature mouvante du réseau.
Cette conceptualisation libertaire du web indépendant
nous éclaire par ailleurs en ce qui concerne certaines de ses valeurs
historiques, dont découle la volonté de participer au
réseau. La mobilisation anti institutionnelle et le libre accès,
sont toujours très prégnants sur le Net, comme nous avons pu le
constater a l'occasion des manifestations contre la loi Hadopi53.
Cette tradition pousse les internautes a s'auto-organiser et a collaborer sur
le web pour proposer des alternatives, notamment en termes d'information.
La logique d'éclatement de l'action (cependant
collective car en réseau, mais mouvante) renvoie au concept des TAZ
(zones d'autonomie temporaire) développé par Hakim Bay. Sa
pensée libertaire demeure une référence du web
indépendant notamment en ce qui concerne le . soulèvement .,
autrement dit l'énergie préexistante a une révolution,
mais qui ne vient pas s'inscrire dans l'Histoire (assimilée a la notion
de pérennité donc d'Etat), car invisible et en perpétuel
mouvement.
3 La TAZ est comme une insurrection sans
engagement direct contre l'Etat, une operation de guerilla qui libere une zone
(de terrain, de temps, d'imagination) puis se dissout, avant que l'Etat ne
l'ecrase, pour se reformer ailleurs dans le temps ou
l'espace.54 4
Le mot d'ordre est « frappez et fuyez.
Deplacez la tribu entiere, meme s'il ne s'agit que de donnees sur le
Reseau. . Le concept de la disparition et du
53 Exemple : une . flash mob artichaut . était
organisée par . Internet mon amour . dans les jardin du Palais Royal le
1er avril 2009 pour dénoncer l'absurdité de la loi
Hadopi, http://www.internetmonamour.fr/
54 BEY Hakim, Zone Autonome
Temporaire, Paris, L'Eclat, 1997,
file:///c:/Users/Claire/Desktop/articles%20m%C3%A9moire/TAZHakimBey.html
mouvement sur le réseau est donc vu comme une
stratégie de guérilla pour éviter la violence de l'Etat
tout en exploitant ses failles en s'attaquant avant tout aux idées. La
bande ou tribu (dont les membres sont unis par des liens d'affinités
collectives non excluant) applique la tactique du « nomadisme psychique
» afin de déplacer « le paradoxe d'un mode passif a un mode
actif » notamment sur le Net. Ce dernier se définit comme
« la totalité des transferts d'information et de
communication » au sein duquel vient se greffer le web
(« structure d'échange d'information horizontale et
ouverte, le réseau non hiérarchique ») et le
contreNet (« usage clandestin, illégal et rebelle du
web, piratage de données et autres formes de parasitage.
»)
Si le web non officiel a peu d'influence sur les grands
médias, selon Hakim Bey, il instaure de nouveaux rapports entre les
sujets et les données, et est par la-même propice
au développement de TAZ, cela malgré le
fait que le support demeure une médiation (la TAZ repose sur
la rencontre en face a face festive). L'intéret repose
en effet moins sur la technologie a l'oeuvre que sur la nature amplifiée
et horizontale des rapports que sa structure permet.
« Le langage parlé, le courrier, les
fanzines marginaux, les «liens téléphoniques» suffisent
déjà au développement d'un travail d'information en
réseau. La clé n'est pas le niveau ou la nouveauté
technologique, mais l'ouverture et l'horizontalité de la
structure. »
La TAZ est une notion floue, qui se
définit avant tout dans l'action et
s'inscrit dans les failles du systeme, ainsi le chaos du Net ne peut que
nourrir le web selon cette logique. Des piratages de données au
bricolage d'information forment des connections alternatives qui permettront
des « dérivations de pouvoir servant l'émergence
de la TAZ elle-meme ». ll s'agit moins de détruire le
systeme des industries culturelles dominantes sur le réseau que d'en
exploiter les espaces laissés vides.
Bien que le concept de web 2.0 n'était pas encore
employé couramment au moment oil Félix Guattari ou Hakim Bey ont
développé leur vision du réseau, les notions
d'horizontalité des échanges et de dispositif alternatif y sont
déjà très présents. Et leur vision vient quelque
peu contredire l'affirmation de Franck Rebillard au sujet des partisans des
échanges peer-to-peer notamment lorsqu'il
avance que « Le web 2.0 est en effet
présenté par ses partisans les plus acharnés comme une
alternative ne se contentant pas de se juxtaposer aux industries de la culture
et de l'information, mais allant jusqu'à évincer
celles-ci.55 . En effet, il ne s'agit pas de
détruire les systèmes dominants, mais d'en changer les
caractéristiques « sémiotiques », afin de permettre
l'émergence d'un dispositif communicationnel alternatif, allant pour
Hakim Bey jusqu'à se nourrir des failles du premier.
Au dela de l'aspect parasitaire de cette philosophie
libertaire, se manifeste donc la volonté de faire émerger une
réalité différente via le Net,
qui porte en lui la promesse d'une AI intégrale au
potentiel augmenté, grace a la mise en réseau non
hiérarchique et non contrôlée de l'information.
Hakim Bey conclut son chapitre « Le Net et le web »
ainsi : « Maintenant j'attends que les hackers me prouvent que
j'ai raison, que mon intuition est bonne.. Les idées de
prise de contrôle des flux d'information, quitte a ce que cela passe par
leur détournement invisible et mouvant, ainsi que d'échanges
horizontaux de données rejoignent les préceptes des hackers et
des premiers concepteurs du réseau.
55 !bid, p.104.
3.3. L'esprit de collaboration des premiers hackers,
fondateurs du réseau
Les premiers développeurs du web sont a l'origine d'une
tradition de collaboration basée sur le libre échange des
données et des connaissances. Les valeurs des hackers ont durablement
marqué l'évolution de l'Internet et instiller une tradition
participative. L'émulation entre développeurs motivés par
la reconnaissance de leurs pairs et une bonne réputation sur le web
constituent en outre des caractéristiques similaires aux situations que
l'on retrouve sur les espaces participatifs (forums, blogosphère...).
C'est en ce sens que l'analyse de la tradition qu'ils ont instaurée
constitue une référence importante pour comprendre les
interactions des internautes.
L'incubation d'Internet dans le milieu universitaire
américain a contribué a ce que Franck Rebillard nomme des .
sédimentations sociales consistantes ., autrement dit une . culture . du
Net.
3 Unes des valeurs fondamentales du monde
academique est le libre acces aux resultats des recherches. C'est le principe
d'une circulation libre et gratuite de l'information qui fut adopte par
Arpanet56. La seule recompense que pouvait esperer l'auteur d'un
logiciel etait la reconnaissance de ses pairs.57
»
Avant que le terme de « hacker » soit employé
pour désigner des personnes s'introduisant par effraction dans les
systèmes informatiques (c'est ainsi que les premiers créateurs de
logiciels se nommaient eux-memes). Ces derniers répondaient a une
éthique reposant sur quatre principes fondamentaux, que Steven Levy
résume ainsi :
3 toute information est par nature libre. Si vous
rencontrez un probleme, n'attendez pas qu'on le resolve pour vous. Toute
information devrait etre gratuite. Mefiez-vous de l'autorite, faites avancer la
decentralisation.58 .
56 . '
I- Agence des Projets de Recherche Avancée a
été crée en 1957 par le Ministère américain
de la Défense afin de contrer les avancées technologiques des
soviétiques suite a la mise en orbite de Spoutnik. Sous la direction du
professeur Licklider du MIT et reliant quatre universités entre elles,
cette agence permis la lecture a l'écran des codes de programmation
auparavant imprimés et développa les premiers logiciels de
système d'exploitation permettant aux programmateurs aussi bien qu'aux
utilisateurs de l'améliorer directement sur l'ordinateur.
57 FLICHY Patrice, . Utopies et innovations. Le cas
Internet ., in Sciences Humaines, Hors série
n°16, 1997, p.66.
58 LEVY Steven, Hackers : Heroes of the
Computer Revolution, New York, DoubleDay, 1984.
Le développement des premier systèmes
d'exploitation (permettant la coordination des logiciels et de la machine) a
été développé par les « hackers ., des
étudiants américains en informatique. En effet, au début
de l'informatique, la communauté des utilisateurs était la
même que celle des programmateurs ; elle collaborait pour
développer une ressource qui leur serait utile, mais ces derniers
concevaient déjà l'Internet comme un espace public et un
laboratoire d'innovation.
Howard Rheingold résume l'esprit d'émulation et
d'innovation régnant a la fin des années 1960 et au début
des années 1970 en témoignant du processus collectif de
conception des programmes59. Selon Rheingold, c'est grace a ces
origines que les programmes les plus essentiels a l'utilisation d'Internet sont
encore « 0pen source », c'est-à-dire « free » (le
terme anglais est ici employé dans son acception de « libre
accès).
Les hackers n'étaient pas purement altruistes rappelle
l'auteur, ils étaient mus par la volonté de créer la
« killer app . (littéralement l' « application qui tue .,
autrement le programme qui révolutionnerait et augmenterait
l'utilisation d'une technologie, car devenue incontournable. 0n peut citer les
exemples de l'email pour Internet ou du G PS pour les
PDA) et d'obtenir la reconnaissance de leur pairs en matière de
programmation. La réputation est ainsi un facteur très important
d'émulation a l'origine de l'innovation et du partage de contenus
libres, ainsi qu'en matière d'autorégulation d'une
communauté.
La réputation exerce donc un effet de carotte et de
baton très puissant auprès des internautes les plus investis sur
les sites participatifs, que ce soient des communautés de partage de
liens (« slashdot ., « aaaliens ., « delicious
»60
...), de ventes aux enchères (« eBay
»61) ou dans la blogosphère. Nous reviendrons plus
loin62 sur les effets qu'exerce la réputation (malgré
le pseudonymat) en termes de régulation des communautés
d'information.
59 « Au MIT [...] inventer des
programmes d'ordinateurs était une entreprise collective : des
programmes capitaux étaient conservés dans des placards sans
verrous sur des feuilles perforées ; n'importe quel hacker pouvait
utiliser le programme et, s'il trouvait un meilleur moyen de faire ce que le
programme était censé faire, il le corrigeait et le remettait
dans le placard. Cf. RHEING0LD Howard, Foules
intelligentes. La Révolution commence, Paris, M2 Editions,
2005, p. 84.
60 Sites de « social bookmarking . :
http://slashdot.org/,
http://aaaliens.com/,
http://delicious.com/
61 http://www.ebay.fr/
62 Cf. partie 4.2.2 (cf. p.38) : la réputation
agit comme un facteur de régulation au sein de la communauté.
Ce lien d'intérêt mutuel fonde ce que Rheingold
nomme les . foules intelligentes ., autrement dit des . individus
capables d'agir ensemble sans se connattre63 ., car
associés via de nouvelles formes de . contrats sociaux . permises par
une technologie.
Ainsi, des communautés s'organisent en France au milieu
des années 1990 pour construire collectivement un réseau de sites
proposant une information alternative. Ces webzines constituent la premiere
étape de l'appropriation amateur de l'expression médiatique par
les internautes.
63 !bid, p. 16.
3.5. Des webzines aux sites d'informations pure players :
evolution des pratiques participatives en matiere d'information sur le web.
Les premieres formes d'implication d'internautes dans
l'information en France datent du milieu des annees 1990. Ces initiatives
individuelles et communautaires sont fortement empreintes, selon leurs auteurs
eux-meme, de la tradition libertaire que nous avons evoque plus
haut64. Cette dimension politique fait partie de la genese du web
grand public. Avant que n'apparaissent les « start ups » et que les
journaux papiers ne developpent reellement une offre sur la toile, des groupes
de passionnes et de militants se sont collectivement saisis du web pour
informer et s'exprimer.
Les premiers webzines francais, comme la « Cybersphere
», sont apparus apres 1995, animes par un fort esprit d'independance.
Comme le resume David Dufresne (le createur de « La Rafale ., aujourd'hui
journaliste a Mediapart) :
« l'idee diffuse etait d'utiliser le nouveau
reseau a disposition pour inventer de nouveau modes de relations que ceux
presents dans la societe (mettre en commun les savoirs, partager, sortir de la
dependance marchande).65 4
A l'epoque, bien qu'Internet commence a devenir accessible au
plus grand nombre, la toile reste encore le terrain de jeu de « gardiens
du temple > : les informaticiens-programmateurs, les chercheurs, les
techos66, les gamers67... Ces derniers defendent une
certaine vision du Net comme le resume Valantin Lacambre (fondateur d'un des
premiers hebergeurs francais «
altern.org >) :
« l'etat d'esprit etait politise puisque
cette demarche s'inscrivait dans un heritage culturel des mouvements
alternatifs des annees 1980 (radios libres, fanzines punks etc...) puisque la
plupart des precurseurs d'Internet etaient deja des trentenaires
militants.68 .
Meme si la plupart des webzines de l'epoque ne durent pas, un
mouvement collectif est amorce dans ces annees la comme le montre la
naissance du minirezo,
64 Infra parties 3. a 3.4
(p. 19 a 29).
65 Emission La Place de la
toile presentee par Caroline Broue, France Culture, vendredi
09/01/09 de 11 a 12h. Volet 1 de la serie Une Histoire du net
(1995-2001) : que reste-t-il du Web independant ?
http://www.radiofrance.fr/chaines/france-culture2/emissions/place~toile/
66 Fans de nouvelles technologies.
67 Amateurs de jeux video, notamment de « MM0G .
(massive multiplayers online games, jeux multijoueurs en ligne).
68 Ibid.
association informelle de passionnés du web. Ils
résument l'impulsion a l'origine de leur site ainsi : 44
Entre discours consuméristes, cyber-conneries et volontés de
regulation, nous voulions faire entendre notre voix, celle de
l'autopublication. C'est pourquoi nous avons fonde le
mini-rezo.69 »
Le Minirézo est notamment a
l'origine en 1997 du Manifeste de web indépendant
qui avait pour but de faire prendre conscience aux internautes,
qui commencaient alors a affluer vers la toile :
44 de leur rôle primordial sur l'Internet :
lorsqu'ils montent leur propre site, lorsqu'ils envoient des commentaires,
critiques et encouragements aux webmestres, lorsqu'ils s'entraident dans les
forums et par courrier électronique, ils offrent une information libre
et gratuite que d'autres voudraient vendre et
contrôler.7° »
Mais a l'heure des premiers bilans, les premiers webzines se
sont faits phagocytés par les sites d'information des journaux papiers
et n'ont pas trouvé de pérennité face aux offres
marchandes. L'esprit de collaboration qui animait ces sites amateurs ne
semblaient pas suffisant et l'utopie d'interaction du média Internet des
débuts s'est heurté au principe de réalité. Cyril
Fievet (fondateur du webzine le Cybermonde) conclut
une interview accordée a Chronik'art en 1997
ainsi :
- au bout de deux ans d'experimentation, je finis
par etre un peu sceptique quant a l'interactivite. Nos tentatives
sur Cybersphère se sont toujours soldees par
des echecs, que ce soit de l'animation de debat sur forum ou le principe du
roman interacti[. Ceci dit, ce type d'interactivite devrait etre plus efficace
aujourd'hui. »77
Alors qu'actuellement la notion d'interactivité est
régulièrement invoquée par les sites pure players
d'information, on peut effectivement se demander comment elle fonctionne dans
ce nouveau contexte.
**********************************
69 44 Le Minirézo », par le
Minirézo, 29.07.2000, consulté le 22.04.09,
http://uzine.net/article22.html
70 44 Le Manifeste du Webindépendant », le
Minirézo, 02.02.1997, consulté le 14.03.09,
http://www.uzine.net/article60.html
71 44 La Presse en ligne », interview de Cyril
Fievet par Cyril de Graeve, in Chronicart, rubrique
44 Futur proche », 01.09.1997,
http://www.chronicart.com/webmag/article.php?id=27
Les sites d'information de notre enquête prennent place
dans ce contexte oil les valeurs d'indépendance, de coopération,
de partage et de libre accès aux connaissances sont très
prégnantes. De part la composition et de leurs parcours professionnels,
ces équipes rédactionnelles sont issues des médias
traditionnels, mais officient désormais sur le réseau
Internet.
Médiapart et Arrêt sur images n'ont pas
émergé ex nihilo. Leur création
procède d'une évolution dans la conception de l'information,
c'est pourquoi nous avons tout d'abord adopté une approche
socio-historique, des mouvements contestant les médias de masse
jusqu'aux webzines. Si ces derniers relèvent de l'initiative de simples
internautes, les sites de notre corpus s'inscrivent dans des dynamiques
interactives. Il nous a donc paru important de dégager leurs filiations
et leur évolution dans le temps, afin de mieux comprendre leurs
différents enjeux et dimensions actuels.
Ces sites sont un mélange entre deux traditions et deux
cultures différentes de l'information et les lieux les plus
significatifs de cette friction (pas forcément au sens conflictuel du
terme, mais premier) sont leurs espaces participatifs.
La problématique de la collaboration avec les
internautes s'y pose avec force et renvoie elle-même a celle du role et
de la place de chaque partie. Reste a savoir pour nous comment les journalistes
exercant au sein de ces rédactions abordent, percoivent et
réagissent a ces interactions.
4. Problématique et hypotheses
4.1. Présentation de la problématique
Notre réflexion sur les sites « pure players
» d'information est née au départ d'un questionnement quant
a leurs motivations a impliquer les internautes dans leur démarche
éditoriale et leur manière d'aborder le concept du «
participatif ». Cette notion indéterminée, apparue avec
celle du web 2.0, s'est imposée comme un « buzz word », qui
nous semblait etre un argumentaire tantot commercial, tantot
démagogique. Si on en croit l'influent blogger américain Jeff
Jarvis, l'alternative qui s'offre aux médias est la suivante :
« Donnez aux Bens le contrôle de votre media, ils
l'utiliseront ; ne le donnez pas, ils vous quitteront.
»72
Dans le cadre de notre étude, nous nous sommes
demandé si l'expression « impliquer les internautes »,
employée par les fondateurs des sites indépendants d'information,
relevait d'une volonté de se distinguer des médias traditionnels
dont ils sont ssus, ou bien, d'une volonté d'innover dans la production
de l'information.
Le concept d'une horizontalité révolutionnaire
sur Internet est en vogue chez les chantres du web 2.0., instillant
l'idée que les nouveaux usages numériques appellent dans leurs
théories prospectivistes (voire « technology optimist », cf.
les « évangélisateurs » de Google) la fin de
l'ère analogique. Par une sorte de contamination, certains journalistes
et bloggers, citant l'exemple des vidéos du Tsunami en 2004 ou des
attentats de Londres en 2005, s'interrogent sur la mort des journaux
papiers73 a l'hégémonie de plus en plus
contestée par les « pro-ams ».
Cela nous a fait nous interroger, moins sur les raisons ou la
légitimité d'un tel questionnement (pourcentages des internautes
contributeurs, principe d'innovation destructrice, danger pour la
démocratie, destruction du lien social par les nouvelles pratiques
d'information individualistes...), que sur ses fondements, a savoir les
représentations que les web journalistes professionnels avaient de la
72 Ces propos de Jeff Jarvis (
http://www.buzzmachine.com/)
ont été cité par Rupert Murdoch a l'occasion de son
discours devant l'American Society of Newspapers Editors, le 13 avril 2005,
http://www.newscorp.com/news/news~247.html
73 P0ULET Bernard, La Fin des journaux et
l'avenir de l'information, Paris, Gallimard, 2008, 217 p.
place et le role des internautes contributeurs. Comment
concoivent-ils la notion de participatif ? Comment celle-ci se
concretise-t-elle sur leur site en terme d'interactions avec les internautes ?
Ce questionnement resume notre problematique et le fil logique de notre
enquête.
4.2. Presentation des hypotheses de travail
N.B. : Nous tenons a préciser que les termes web et
Internet ne sont pas interchangeables, dans la mesure oil le premier ne
constitue qu'une des applications du second. Cependant, l'usage courant les
ayant consacrés comme synonymes, nous les avons ici employés
indistinctement pour plus de simplicité.
Le but de cette étude étant de mieux
appréhender les représentations du 3 participatif .
qu'entretiennent les web journalistes a l'égard de certains sites
indépendants d'information, nous avons dans un premier temps
estimé qu'il était important de cerner le contexte
socio-historique dans lequel ce concept s'inscrit. Il s'agissait donc de
dégager les valeurs de la . web culture» s'organisant autour des
notions de coopération, de libre accès, de partage des
connaissances, d'engagement activiste et d'indépendance. Remonter les
filiations théoriques de la notion du . participatif ., et leurs
évolutions, nous a permis de mieux cerner les différentes
dimensions qu'elle pouvait avoir aujourd'hui aux yeux des web journalistes
notamment.
A partir de l'observation liminaire de leurs discours publics
et des différentes écoles de pensée ayant cours au sujet
du web 2.0., nous avons développé plusieurs hypotheses qui
expliqueraient l'ambivalence des représentation de nos sujets a
l'égard du . participatif >. Celles-ci s'articulent autour du partage
des roles entre les journalistes et les internautes et de la distinction de
statut opérée.
4.2.1. En quoi les journalistes percoivent leur role comme
indispensable même au sein d'une organisation distribuée de
production d'information
Sur le web beaucoup d'internautes ne contribuent que
ponctuellement a l'élaboration de contenus, néanmoins doit-on
s'en priver ? D'aucuns pensent que ces participations hiératiques, qui
font masse, contribuent a brouiller l'offre en matière d'information par
le foisonnement suscité. Selon le concept de la . longue traine ., ces
internautes contribuent a la pluralité de contenus, qui prend la forme
d'une organisation distribuée. Nous faisons ici l'hypothèse que,
l'un des points expliquant l'ambivalence des représentations des
journalistes a l'égard des contributions amateurs, est qu'ils les
perçoivent paradoxalement, a la fois comme non pertinentes, et comme
menaçantes pour leur profession. Ce tiraillement les entralnerait alors
a réaffirmer l'importance de leur role dans le processus d'information
en décrédibilisant ou en relativisant l'apport des UGC en termes
d'information.
Cette production, comme l'a soulignée Clay Shirky (TED,
Institution VS. Cooperation74), ne pourrait etre envisageable dans
une structure de presse traditionnelle, qui doit par définition faire en
sorte que chacun de ses journalistes soit le plus productif possible, parce
qu'un organe professionnel hiérarchique a des coats de structure
importants (coats d'encadrement permettant de diffuser l'information du haut
vers le bas après validation).
0r dans un système coopératif, oil chacun peut
contribuer a son rythme a la mise en commun des . connaissances ., les 80% des
opérateurs les moins productifs peuvent également partager de la
. valeur . qui, par définition, est trop . fine . pour etre atteinte par
une institution dans le sens oil elle n'a pas les moyens de ratisser ces 80% de
connaissances infimes individuellement. Si on regarde ces contributions, on
constate qu'elles élargissent le champ spatial et temporel des points de
vue et le système coopératif ne considère pas
a priori ces dernières comme moins importantes que les
premières dans la mesure oil elles ne sont pas considérées
sous l'angle d'un coat.
74
http://www.ted.comitalksilangiengiclay_shirky_on_institutions_versus_collaboration.html
En effet, le partage des connaissances s'auto structure
puisque les contributeurs ne sont pas intégrés a la structure
mais y participent en tant qu'individus (renvoie a la notion des . foules
intelligentes . d'Howard Rheingold). L'organisation stratégique de
l'ensemble par le sommet est remplacée par une coordination
spontanée de chaque acteur qui fait que le classement a laissé
place au tagging, la
hiérarchisation a priori au . ranking
.75/vote a posteriori, la communication
interne aux citations-hyperliens sur les réseaux sociaux...
Cette nouvelle structuration peut être assimilée au
concept de . long tail . développé par Chris Andersen sur le
site Wired77. Cette théorie veut
que des :
. produits qui sont l'objet d'une faible demande,
ou qui n'ont qu'un faible volume de vente, pourraient pris ensemble representer
une part de marche egale ou superieure a celle des best-sellers si les canaux
de distribution peuvent proposer assez de choix » comme a
réussi a le faire «
Amazon.com »
(Mediamorphose, n°21, p.23).
Bien que cette théorie prenne place dans une logique
marchande, on peut la transposer au « marché . de l'information.
En effet, si les coats d'organisation de la structure sont
minimes, pourquoi délaisserait-on 80% des contributions même si
elles n'apportent ne serait-ce qu'une seule information et ne concernent qu'un
très faible nombre de lecteurs ? Dans leur ensemble elles font masse et
permettent d'avoir un balisage de
75 En français : Classement.
76 CABANIS Alexandre, . Médias traditionnels
et acteurs du web 2.0 : vers la cohabitation ou la convergence des acteurs de
l'information et du divertissement ? ., Directeur de these Julien Levy,
HEC,décembre 2006 p.23.
77 http://www.wired.com/
l'information beaucoup plus fin que ne pourrait le faire une
équipe rédactionnelle professionnelle.
Ce a quoi certains professionnels pourraient rétorquer
qu'elles . brouillent . l'information par trop d'information et qu'elles ne
sont pas pertinentes du fait même qu'elles ne sont pas professionnelles,
raison pour laquelle elles doivent être modérées,
sélectionnées et hiérarchisées par une
équipe de journalistes qui a pour mission d'être un
intermédiaire facilitant et une garantie pour le lecteur.
Beaucoup de journalistes pensent ainsi que leur role est plus
important que jamais et est même amené a se développer,
dans la mesure oil il répond selon eux a un besoin de repères en
terme de légitimité des sources et d'analyse parmi le
foisonnement d'informations qu'offre la toile. Ainsi, suite a la question . 0il
va la presse a votre avis ? ., le journaliste Jérome Bouvier rejette
l'idée d'une autosuffisance de chacun en termes de consommation
d'information. Pour lui, au contraire les agrégateurs de contenus
appellent a un renouveau de la
demande.78
Pierre Haski, l'un des fondateurs de Rue 89, site qui voulait a
l'origine faire de l'information . a trois voix ., déclare :
3 Nous travaillons avec nos internautes sur leurs
propositions de contenus, et, parfois, lorsque nous reperons un commentaire,
nous incitons son auteur a developper. C'est ce que nous appelons le
"participatif encadre". Dans ce cas, le journaliste est essentiel, il s'efface,
mais cette contribution n'existerait pas sans lui. Cela nous amene a recueillir
de tres beaux temoignages [...] *79.
Ces propos renvoient a la thèse de Clay Shirky, qui
évoque que les membres de
l' . Institution . rappellent toujours que leur role est
indispensable a l'organisation de l'ensemble qu'elle soit hiérarchique,
décentralisée ou distribuée. 0r, il s'avère que de
nouveaux outils ont accompagnés cette transformation de l'organisation
du web, dont la possibilité pour les internautes de tagger eux
même les contenus qu'ils mettent en ligne.
Ce phénomène génère une nouvelle
taxinomie du web qui permet une meilleure compréhension mutuelle dans
la mesure oil, les codes de référencement ne sont
78 ,4 L'ame d'un journal, ce bien précieux
., Liberation, 20 janvier 2009, interview par
Frédérique Roussel de Jérome Bouvier, initiateur de
l'édition spéciale des assises internationales du journalisme
(Maison des Métallos, 20/01/09), journaliste et ancien rédacteur
des RFI.
79 "Nous sommes les numéros 1 des pure
players", interview de Pierre Haski, Electron libre,
10.02.09,
http://electronlibre.info/Nous-sommes-Numero-1-des-pure,257
plus élaborés par un seul (le
webmaster80), mais adoptés collectivement.
Selon Tim 0'Reilly, . Le tagging se prete a des associations
multiples et redondantes, plus semblables a celles que notre cerveau
réalise, qu'a des catégories rigides ..
Contrairement a une hiérarchisation et une structuration
constituées a priori par une rédaction
par exemple, la progression de l'internaute sur une . plate-forme
d'intelligence collective . va être propre en fonction de la navigation
de tag en tag, qu'il va opérer par préférence. Ce qui fait
que, l'offre s'adapte a l'internaute et non l'inverse selon une structuration
de sens . auto-générée ., qui appelle de plus en plus au
web sémantique81.
Cette structuration distribuée inquiète Bertrand
Pecquerie au sujet du devenir des journalistes, menacés
d'automatisation. Cela serait un véritable danger pour la
démocratie selon lui82. La crainte latente est de se faire
concurrencer par des multitudes d'internautes amateurs, se réduisant a
des agrégateurs de contenus, sans qu'il y n'ait de contrôle final
par le journaliste. 0r, ce processus de référencement et de
navigation par lien procède d'une intelligence collective. La
capacité de coordination de la communauté est
évincée, celle-ci étant percue comme une entité
floue puisque distribuée. C'est oublier que ce phénomène
ne procède pas uniquement en un calcul d'algorithmes, mais
également de facteurs inter-relationnels qui, a grande échelle,
ont plus de chances de donner lieu a une hiérarchisation plus objective,
que si cette dernière n'était que le fait d'une rédaction.
Ainsi, la communauté est un espaces régit par des règles
implicites, qui permettent a ses membres de valider ou non une information,
même si ces codes ne sont pas reconnues par les journalistes.
80 Définition : administrateur de site
(Cf. Petit Larousse 2009).
81 Cf. Définition du <4 web. 3.0 »,
lexique, annexe 7.2.
82 Extraits choisis de : <4 Et si les
journalistes disparaissaient ? .,
Télérama.fr, 14/01/09, Interview de Rick Edmonds
(analyste au Poynter Institute, observatoire des
médias américains) et Bertrand Pecquerie (Directeur du World
editors forum, observatoire réunissant des rédacteurs en chefs du
monde entier). Propos recueillis par Emmanuelle Anizon et 0livier
Pascal-Moussellard.
4.2.2. La dynamique rela tionnelle e t la reputation, de
nouveaux criteres de legitimite mal compris par les journalis tes.
Dans le cadre d'une plate-forme de publications, des sortes de
communautés se créent autour de thématiques ; les
internautes suivent l'évolution des autres membres au fil de leurs
publications (en l'inscrivant par exemple dans « mes contacts ») et
jugent leur contribution sur le long terme. Les appréciations rentrent
donc également dans le cadre d'interactions interpersonnelles (option
« envoyer un message privé ») au long terme pour les membres
les plus réguliers. Dès lors, nous avons observé que
même si le nom ou le statut de la personne n'est pas
précisé, la validité de la source est reconnue selon un
large processus de cooptation entre abonnés.
Nous faisons donc l'hypothèse que la communauté
des internautes s'auto-régule selon des critères implicites de
légitimité, basée sur une reconnaissance des pairs, qui
peut etre comparée a la confiance d'un journaliste a sa source. Etablis
dans la durée et par un recoupement d'avis a grande échelle, ces
nouveaux critères de fiabilité ne sont pourtant pas reconnus par
les journalistes. Ces derniers ne reconnaissent par les UGC comme pouvant etre
des sources fiables, car nonofficielles et difficilement identifiables.
Pourtant, le pseudonymat n'est pas en soit un problème
dans une communauté d'abonnés oil le compte est nominatif et ne
peut etre recréé en modifiant uniquement son adresse courriel. La
fréquentation régulièrement du site par les utilisateurs
entralne un processus d'identification des abonnés les plus actifs oil
dont les posts sont les plus notés. De la
découle un phénomène régulateur de
réputation, qui fait que la charte éditoriale est largement
respectée alors qu'elle n'est souvent pas lue par les internautes. La
réputation est alors a double détente, a la fois carotte et baton
dans la mesure oil s'effectue une sorte de contrôle (par exemple signaler
un abus, ou réagir a un commentaire qui semble excessif) et
d'émulation mutuelle (enrichir le débat). Cela prémunit
peu ou prou contre la tentation du
freerider83 et des
trolls84 dans la mesure oil ces interactions prennent
place dans une « communauté ».
83 Cf. Lexique, annexe 2.
Comme l'indique Dominique Cardon :
3
la reputation et la notoriete sur Internet se
construisent sur la base de
l'audience et sont mesurees par l'ensemble des
reseaux de contributeurs,
commentateurs, evaluateurs et diffuseurs, qui se
greffent a tel ou tel site,
de sorte que la notoriete n'est jamais donn~e (par
un statut) mais acquise
par un travail de conviction et d'interessement.
Enfin, l'Internet ne connatt
pas les silencieux. Pour y etre present et reconnu,
bref legitime, il faut agir,
contribuer, ecrire, recommander, repondre. L'espace
public de l'Internet
offre toujours une prime aux agissants sur les
internautes passifs. »85
Sur Internet la légitimité s'acquière par
une contribution a l'activité du réseau et la reconnaissance par
ses pairs (peers). Ce système de cooptation a
grande échelle témoigne de l'importance du facteur
inter-relationnel sur Internet que l'on soit une institution ou un
particulier.
Barry Wellmann rappelle que même si les réseaux
sociaux ont toujours existé, les nouvelles technologies leur donnent une
nouvelle ampleur notamment du fait qu'elles émergent comme . forme
sociale d'organisation dominante ., davantage médiatisées
désormais (une personne peu plus facilement participer a plusieurs
communautés, elle n'est pas restreinte a sa sphere géographique
ou son entourage). Il définit la communauté comme .
un réseau de liens interpersonnels amenant de la sociabilité, de
l'aide, de l'information, une idée d'appartenance et une identité
sociale ». Dans le cadre du web la dimension
interpersonnelle, ou l'« individualisme réticulaire86 .
comme la nomme Barry Wellmann, est donc prépondérante.
Autrement dit, la logique de la communauté repose sur
le principe de la mise en relation des contenus, mais aussi des individus,
rejoignant ainsi les principes fondamentaux du web, a savoir le lien (web 0.1),
puis le flux (web 2.0). Et cette mise en relation au sein de la
communauté virtuelle repose sur le principe de réputation,
c'est-à-dire la confiance collective que l'internaute aura su susciter
au long terme par la qualité de ses contributions. Selon Howard
Rheingold, la
84 Cf. Lexique, annexe 2.
85 Dominique Cardon, . La Blogosphere est elle un
espace public comme les autres ? ., in Transversales,
26.04.06,
http://grit-transversales.org/article.php3?id_article=100
86 ,,,, , A "" n
VYCLUVIRIIII Barry, "The Rise of Networked Individualism",
in Community Networks Online, 2001
edited by Leigh Keeble. London: Taylor Et Francis.
réputation agit comme un régulateur permettant de
trouver collectivement un équilibre entre bien public et
intérêt personnel8P.
La plate-forme de partage de liens « Digg .
(référence en matière de communauté de liens)
fonctionne selon un système de notation oil tout un chacun peut
participer pour mettre en lumière des liens qui lui semblent
particulièrement pertinents et qu'il voudrait accessibles a une plus
large audience. Le site dit s'être constitué "to
provide a place where people can collectively determine the value of content
and we're changing the way people consume information
online.88" Ici l'intérêt individuel
(référencement par copinage...) est pondéré par la
quantité d'avis et la reconnaissance vient du fait que la
communauté a entériné le choix en votant pour le lien
soumis jusqu'à lui donner une visibilité accrue (top 10 en home
page). Etre actif permet d'avoir une certaine réputation, d'être
plus écouté, voire de devenir modérateur.
Selon Tristan Mendès France, appliquée au
domaine de l'information en ligne, la réputation semble être un
bon complément au crédit que l'on attribue aux professionnels ou
aux organes de presse établis. L'objectif, pour le web journaliste comme
pour le blogger (et dans une moindre mesure le contributeur au sein d'un
forum), est alors de gagner la confiance des autres internautes en
« leur montrant qu'on ne fait pas trop d'erreurs, ou en tout
cas qu'on arrive a les gérer [...] et que l'on
sait modérer un réseau social .89. Au
dela du crédit accordé a priori aux
détenteurs de la carte de presse ou garant de la réputation de
leur journal en vertu de l'éthique journalistique, la capacité a
gérer une communauté constitue une qualité importante aux
yeux de ce journaliste et blogger.
La culture du « sourcing »90 est sur le
web un gage de crédibilité valorisant ainsi la recherche
d'information. En évitant d'attribuer des contenus ou de ne pas
renvoyer vers la source originelle, la réputation est alors
renforcée. Par ailleurs, ces
87 RHEING0LD Howard, Foules intelligentes,
La Révolution commence, Paris, M2 éditions, 2005,
p.71.
88
http://digg.com/about/,
Traduction personnelle : «pour offrir un endroit ou les gens
peuvent collectivement déterminer la valeur de contenus et nous
changeons leur manière de consommer l'information en ligne. .
89 Entretien Skype avec Tristan Mendès France,
samedi 11 avril 2009.
90 Pratique qui consiste a mettre en avant ses sources
en les citant selon des codes bien établis.
pratiques de reprise permettent de ne pas casser le . cercle
vertueux >> des contributions de la communaute, mais de les faire
connaltre au plus grand nombre. 0r, les medias traditionnels ayant migre une
partie de leur offre sur Internet ne semblent pas a l'aise avec les pratiques
de citations qui y ont cours. Ainsi, après a peine trois mois
d'existence, Mediapart deplorait dejà quatre manquements de l'Agence
France Presse suite a des reprises non . sourcees >> d'informations
sorties a l'origine par Mediapart91. D'autres cas de reprises
intempestives de videos amateurs ou d'informations emises depuis des blogs ont
ete recenses.
Cependant, Eric Dupin pondère sur son blog Presse-citron
l'idee selon laquelle la citation des sources est la principale difference
entre les blogs et les journaux :
3 de faFon un peu caricaturale : les journalistes ne
citent jamais leurs
sources, et les blogs citent toujours leurs sources.
La &érité n'est peut-titre pas aussi simple que
cela. >>92
En effet, il existe une tradition de la citation differente en
matière de source sur le web et dans les medias, notamment due a une
culture de la communaute permise par l'hyperlien.
0n peut supposer que cela est del au fait que, n'ayant pas de
legitimite a priori, du fait qu'ils ne
possèdent pas de carte de presse, la reconnaissance se construit de
manière empirique en prouvant que l'on s'appuie et que l'on recoupe des
sources fiables. Ces pratiques ne semblent cependant pas constituer un
critère pertinent pour legitimer une information aux yeux de certains
journalistes, qui les considèrent davantage comme un processus de
referencement mutuel base sur le copinage. Nous avancons que cet argument est
directement lie a celui du professionnalisme et donc de la remuneration comme
gage de credibilite aux yeux des journalistes.
91 La Redaction de Mediapart, . Mediapart, le mur du
silence et le marche aux voleurs >>, in
Médiapart, 25.06.08.
92
http://www.presse-citron.net/un-blog-doit-toujours-citer-ses-sources-ou-pas
4.2.3. Critere de la legitimite e t de professionnalisme
par la valeur (qualitative et pecuniaire) : le cas des blogs
Un autre point, qui a attiré notre attention et sur lequel
nous avons basé nos entretiens, est l'opposition
répétée qu'opère les journalistes entre
médias professionnels et non professionnels comme critère de
fiabilité de l'information. L'une des critiques souvent adressée
par les journalistes aux internautes concernant la qualité et la
fiabilité de leurs contributions est qu'elles sont issues d'un travail
amateur. Leur statut remet par la-même en cause leur
légitimité a vouloir contribuer a la production de l'information,
comme le font notamment les bloggers. Même si notre étude ne porte
pas directement sur la blogosphère, le Club de Médiapart est
constitué de blogs. Par ailleurs, ces derniers incarnent de
manière exacerbée ce point de friction entre journalistes
professionnels et internautes.
Viviane Serfaty, qui a étudié le role des blogs
politiques lors de la campagne présidentielles de 2004 aux Etats-Unis,
note que :
3 le contenu politique des blogs etudies, de meme
que leur frequence de publication, semblent indiquer que c'est par rapport aux
medias, et notamment a la presse ~crite, que se definissent les redacteurs de
blogs. Pourtant, aucun des auteurs evoques dans cette etude ne cherche a
supplanter les medias traditionnels ; tous reconnaissent le caractere limite de
leur activite de collecte et de verification de l'information
*93.
0r, l'audience des blogs politiques étudiés par
Serfaty, si elle demeure modeste comparée a celle des médias
traditionnels, oscille tout de même entre 30 000 et 170 000 visites
quotidiennes pour les plus populaires d'entre eux.
Elle explique ce phénomène par le fait que les
bloggers se sont donné pour objet la surveillance attentive des
médias traditionnels et constitués en tant que contreexpertise.
Cette veille remet en cause l'autorité << naturelle > des
médias de masse et une concurrence s'instaure entre les journalistes et
les bloggers au profit de ces derniers94. Constat qu'elle appuie sur l'exemple
désormais célèbre du journaliste de CBS, Dan Rather,
concernant l'intervention de Georges Bush père pour couvrir la
désobéissance de son fils lors de son service militaire.
L'authenticité des
93 SERFATY Viviane, . Les Blogs et leurs usages
politiques lors de la campagne présidentielle aux Etats-Unis en 2004 .,
in Mots. Les langages du politique, n°80, mars
2006, p. 31.
94 !bib, p. 32.
documents avancés avait été mise en
question sur un forum, ce qui avait amené le journaliste a avouer son
impossibilité de vérifier leur véracité, puis a
démissionner deux semaines plus tard.
0n pouvait par ailleurs lire dans l'enquête du journaliste
du Monde, Xavier Tiernisen :
3 Pourtant, la plupart des blogueurs ne se
considèrent pas comme
journalistes. Leur pratique inclut même
souvent une critique implicite de la
presse. "L'espace public
numérique joue un role de complément, il est donc
assez logique qu'il soit en réaction et en
correction, explique Nicolas
Vanbremeersh, alias Versac, qui a tenu un blog
politique de 2003 a 2008. >>95 Ainsi, si les
bloggers ne s'affirment pas dans ce cas en tant que concurrents directs des
journalistes dans la mesure oil ils reconnaissent eux même ne pas en
être, ils se constituent en contradicteurs et en entité . de
complément >. A ce titre, la réaction de Narvic (suite a un
article publié dans Le Monde au sujet des
bloggers96) est éclairante. Ce blogger estime que les
rectifications apportées par la blogosphère constituent une .
bonne lecon . pour Yves Eudes. Selon Narvic, contrairement a ce que continuent
de penser les journalistes, ils n'ont plus le monopole de l'accès a la
parole publique et leurs erreurs ne restent plus sans
réaction97.
Basant une majeure partie de leur travail sur les mêmes
sources officielles (agences de presse...) que les journalistes, les bloggers
viennent cependant apporter un autre éclairage a l'actualité. En
effet, alors que les médias traditionnels cherchent le consensus
(tribunes accordées a des << personnalités contenues .,
sélection et formatages des courriers des lecteurs...), Viviane Serfaty
estime que la radicalité des prises de position des bloggers revivifient
la notion de débat publique. Ils suscitent l'intérêt aussi
bien pour la forme (approche hétérogène et ludique,
oralité de l'écrit...), que pour le fonds de leurs propos, moins
lisses et qui intègrent la participation des internautes. Serfaty
conclut en disant :
3
il semblerait plutAt qu'ils fonctionnent comme un
niveau de médiation supplémentaire, qui élabore un
schéma d'interprétation de l'actualité
95 TIERNISEN Xavier, . Les blogs : info ou influence ?
., in Le Monde, 06.03.09.
96 EUDES Yves, . Profession blogueur ., in
Le Monde, 11.11.08.
97 Narvic, . La Lecon des bloggers au grand
journaliste du Monde ., Növovision, 13.11.08,
http://novovision.fr/?La-lecon-des-blogueurs-au-grand
partisan et polémique et participe de faFon
ponctuelle a la mise en agenda de certains themes.
.98
Ainsi, les journalistes ne sont pas directement
concurrencés par les internautes émetteurs de contenus, mais leur
role de « watchdog » entre ici en friction avec l'activité de
ces derniers. Les internautes contributeurs constituent un intermédiaire
supplémentaire a l'information et au débat publique, voire
parfois un niveau de vérification supplémentaire.
Cependant, nous avons constaté un
phénomène, encore marginal, de va-et-vient entre les
médias et les internautes dans la mesure oil les premiers viennent a
leur tour puiser des informations sur des sites de partage de contenus. Les
images amateurs des attentats de Londres ou du Tsunami sont par exemple souvent
citées pour l'impact qu'elles auraient eu sur la conception même
du métier de journaliste Ces cas restent rares, peut être en
raison du fait que les UGC (outre leur mauvaise qualité d'image dans le
cas de la vidéo) ne sont pas considérés comme des sources
légitimes par les journalistes, qui ne semblent les invoquer que faute
de mieux, c'est-à-dire d'une source journalistique.
Comme le note le journaliste Xavier Tiernisen du
journal Le Monde99, les bloggers sont
souvent appelés des « journalistes en pyjama », ce qui
souligne le fait qu'ils n'ont pas la culture de l'enquête de terrain et
les confine a un role de commentateur ou de « leader d'opinion ., plutot
que d'informateur. L'article se poursuit en mettant en avant la nouvelle donne
en matière de relations publiques et de communication que les blogs ont
suscité, notamment en raison de leur caractère d'électrons
libres. Ils ne possèdent pas la carte de presse et n'obéissent
pas a la même déontologie que les journalistes professionnels.
Le fait que ces « pro-ams . soient non
rémunérés pose ainsi problème, dans la mesure oil
les anciens critères, qui permettaient de distinguer les « vrais
» journalistes des amateurs, semblent s'atténuer. Eric Marquis,
vice-président de la Commission de la carte d'identité des
journalistes avance :
- A force de dire que tout le monde peut être
journaliste, on dévalorise ce métier et on occulte le fait que
la bonne information a un coOt. Apres tout, on ne parle pas de "chirurgien
citoyen". Le terme de "citoyen" ne sert qu@~
98 Ibid, p. 33 et 34.
99 TIERNISEN Xavier, « Les blogs : info ou
influence ? ., in Le Monde, 06.03.09.
habi((er une deva(orisation de ('information et
une precarisation de (a profession. Nous sommes déjà descendus
tres bas dans (es criteres d'attribution de (a carte de presse, jusqu'd (a
moitie d'un smic pour (es revenus tires du journa(isme.1
.
0n constate donc ici que la remuneration est percue comme un
critere discriminant essentiel, dans la mesure oil sont lies la qualite du
travail, la notion de metier et la remuneration. A
contrario, le fait que l'information soit gratuite, sur les blogs
par exemple, discredite le travail dont elle est issue, puisque ce dernier
n'est pas reconnu par une valeur pecuniaire. La legitimite d'une information
est donc ici intimement liee au fait que l'on appartienne a un corps de metier
avec ses r~gles, donnant acces a une remuneration.
Par ailleurs, la concurrence entre information payante fournie
par des journalistes et gratuite fournie par des « journalistes citoyens
» est clairement etablie par Eric Marquis. En effet, ces derniers «
precarisent . les journalistes professionnels en « devalorisant . leur
travail. Les bloggers voient alors leur production attaquee a la fois
parcequ'ils ne demandent pas de remuneration (representant en quelque sorte des
« jaunes >) et au sens oil leur travail de moins bonne qualite. Leurs
publications, en etant assimilees par le public a la production journalistique,
viendrait degrader l'image de celle-ci. Greffe et Sonnac expliquent :
« que ce soit pour exp(iquer (es crises du
Monde ou de Liberation, (es mecomptes de (a Fnac ou de Virgin, un mode(e
s'accredite, re(aye evidemment par (e medias c(assiques : (a mauvaise monnaie
chasse (a bonne, dans une (oi de Gresham101 cu(ture((e. Des monceaux
de contenus sans qua(ite, mais gratuits, font concurrence aux contenus
professionne(s, payants certes, mais de qua(ite. .102
0r, nous pouvons nous demander dans quelle mesure cette
confusion existe dans la mesure oil, les bloggers eux-mêmes ne se
considèrent pas comme etant des journalistes. Bien au contraire, ces
derniers ont tendance paradoxalement a s'en defendre, comme si etre assimiles
aux journalistes signifiait avoir perdu de son independance. Un billet de
Narvic sur son blog « Növovision . disant que, Laurent
100
Ibid.
101 Reference a la theorie du financier britannique Thomas
Gresham, qui etabli au 16eme siècle que, lorsque deux
monnaies en circulation, les agents economiques thesaurisent la « bonne .
monnaie, et privilegient l'utilisation courante de la « mauvaise ..
102 GREFFE Xavier et S0NNAC Nathalie (sous la
direction de), Cu(ture Web. Creation, contenus, économie
numérique, Paris, Dalloz, 2008, p. 56.
Gloaguen (« Embruns »103) et Guy
Birenbaum (« Sarfoff »104) font « un excellent
journalisme », a cree une polemique. Les bloggers concernes ont virulament
reagit en se defendant de faire du « gonzo journalisme » 105. Si on
suit son argumentaire, Guy Birenbaum semble s'appuyer sur le fait qu'il dise ce
qu'il pense106 pour prouver qu'il n'est pas journaliste. Il balaye
egalement la question du type de traitement, qui correspond a une nomenclature
rigide, alors que ce dernier revendique une liberte de ton. Versac quanta lui
« defend » Laurent Gloaguen en avancant qu' « il ne
blogue pas pour gagner sa vie ».
0n constate ici, que l'argument disant que le journalisme
n'est concevable que comme un metier avance par les journalistes, l'est
egalement par les bloggers. Cette conception emane peut etre de loi de 1935
cette derniere confere le statut de journaliste professionnel aux personnes
employees par une entreprise de presse comme journaliste professionnel.
Autrement dit, ne sont journalistes professionnels que ceux qui peuvent tirer
de cette activite au moins 50% de leurs revenus, independants ou non.
A l'instar de Denis Ruellan, on peut toutefois se demander si le
journalisme ne peut etre envisage que depuis le prisme du professionnalisme.
Ruellan avance que des :
« que l'on prefere s'attacher aux qualites
reellement dynamiques propres au groupe (que sont l'imprecision de ses
frontieres et la creativite des modes de production), le journalisme apparatt
dans toute sa riche specificite : un metier dont l'original inter.t est sa
capacite a produire rapidement un discours attractif, ephemere et imprecis par
necessite sur ce qui a ete, avec les moyens qu'il juge utiles et des procedures
que lui seul apprecie. »107
Si l'on reprend la definition du terme « metier »
que donne Ruellan, l'activite journalistique englobe davantage de pratiques que
la production purement professionnelle.
0n observe donc une tension entre une definition formelle et
une definition davantage basee sur l'observation des pratiques sociales
suscitant un discours
103
http://embruns.net/logbook/2008/07/04.html#c65479
104
http://www.lepost.fr/article/2008/07/01/1216898_sarkoff.html
105 Traitement journalistique ultra-subjectif d'un
sujet, invente par Bill Cardoso et popularise par Hunter S. Thompson dans les
annees 1970 aux Etats-Unis.
106 Na ·
rvic, «Les blogueurs sont dejà des journalistes
», Növovision, 08.07.08,
http://novovision.fr/?Les-blogueurs-sont-deja-des
107 RUELLAN Denis, Le journalisme, ou le
professionnalisme du flou, Grenoble, PUG, 2007, 230p.
ambivalent aussi bien du coté des journalistes que des
internautes émetteurs de contenus. Denis Ruellan note ainsi:
3 nouveaux venus aux marges du journalisme, les
blogueurs dont une fraction (...) commence a frapper a la porte du groupe pour
faire reconnaitre cette activite qu'ils presentent encore (fin 2006) dans un
discours de double pretention a la professionnalisation et a l'autonomie,
dialectique caracteristique des impetrants. .108
Par ailleurs, si les bloggers incarnent spécifiquement
cette problématique et cristallisent le débat du fait qu'ils
constituent des individualités plus aisément désignables ;
a une plus large échelle, l'ensemble des UGC pose la question de savoir
si la production de l'information ne peut être concue comme
légitime qu'en tant que profession. Selon la tradition du Net,
l'autonomie a au moins autant de valeur, sinon plus, que le professionnalisme
de ce point de vue.
A fortiori, nous pouvons nous
demander si la production amateur constitue un réel danger pour la
profession des journalistes, qui est ici représentée comme un
ordre, au même titre que celui des médecins. Il paralt
contradictoire d'avancer qu'il existe une concurrence directe entre ces deux
offres dans la mesure oil la définition même de cette notion
marketing signifie : un même produit pour une même cible a un
même prix. En poussant ce raisonnement jusqu'au bout, au risque
d'être quelque peu caricatural, on peut se demander : pourquoi avoir peur
de l'offre amateur si celle-ci n'a pas les qualités pour constituer une
concurrence ?
Par ailleurs, ce raisonnement suppose que les pratiques de
lecture ne sont pas complémentaires et ne se cumulent pas. Cela revient
a considérer l'arrivée du participatif en quelque sorte comme une
. innovation destructrice ., qui viendrait mettre en cause l'ancien
modèle d'information. 0r, le lien entre les nouvelles pratiques
numériques d'information et la crise économique des journaux
papiers n'est pas prouvé. Pierre Haski déclare d'ailleurs :
3 La plus part des gens ont lu le même
quotidien toute leur vie et rares sont les gens, sauf pour des raisons
professionnelles, qui en lisent trois, quatre. Sur Internet, c'est exactement
l'inverse. C'est-a-dire que le mot navigation veut dire ce qu'il veut dire, on
passe d'un site a l'autre. .109
108 Ibid.
109
http://www.observatoiredesmedias.com/2009/04/28/les-sites-dinfos-pureplayers-en-francedebat-sur-les-modeles-economiques/
Les chantres du web 2.0, tel que Joël de Rosnay,
s'appuient en outre sur les même chiffres de précarisation de la
profession pour prouver le désamour du lectorat pour leur offre au
profit de celle participative. Pierre Haski semble sous-entendre que c'est la
concurrence de cette dernière qui est a l'origine de la situation. Si la
cause est sensiblement différente, cela revient paradoxalement dans les
deux cas a reconnaitre aux UGC une capacité a concurrencer les
médias traditionnels et ainsi a les légitimer. Cette concurrence
non assumée, mais latente, entre les journalistes et les contributeurs,
pose la question de la nouvelle répartition des roles qui est en train
de se jouer.
4.2.4. De la difficulté pour les journalistes de
partager les roles
Les internautes contributeurs sont percus par certains
journalistes comme étant un contre pouvoir stimulant, mais non
suffisant. Notre hypothèse est donc que les professionnels de
l'information, tel que Ricks
Edmonds11°, justifient le fait que
leur role d'intermédiaire est toujours indispensable sur la Toile en
avancant que le regard extérieur qu'apportent les internautes se nourrit
avant tout de leur production.
Mais d''autres, a l'instar de Clay Shirky pensent au contraire
que réside la une crainte « corporatiste », qui figurerait les
journalistes comme des « watchdogs » garants irremplacables de la
démocratie. Il déclare a ce sujet :
"There are people in stage right now [...] trying
to figure out wether or not bloggers are journalists and the answer of that
question is : it does not matter, because that is not the right question !
Journalism was an answer to an even more important question, which is : how the
society will be informed? How will they share ideas and opinions? And if there
is an answer to that, that happens outside the professional framework of
journalism, it makes no sens to take a professional metaphore and apply it to
this distributive class. "111
Ainsi, la question serait moins de savoir si ces contributions
émanent de journalistes professionnels ou d'amateurs, mais de savoir si
celles de ces derniers constituent un moyen de s'informer (la tendance a
s'informer sur Internet et donc des pages personnelles, des forums et des
blogs, tend a prouver qu'elle répondent a un besoin112) et
répondent ainsi a la question a l'origine du projet journalistique.
110 - Faute d'un regard
extérieur sur notre travail, nous étions devenus un peu
paresseux. Ce contre-pouvoir est donc un plus... mais il ne résout pas
notre problématique : comment améliorer nos pratiques, utiliser
au mieux les nouvelles facons d'informer et enrichir les conversations du Net ?
Les blogs, les forums ont besoin de se nourrir de nos infos de terrain. Ce
travail est irremplacable.. Cf. . Et si les journalistes
disparaissaient ? ., Télérama.fr,
14/01/09, Interview de Rick Edmonds (analyste au Poynter Institute,
observatoire des médias américains) et Bertrand Pecquerie
(Directeur du World editors forum, observatoire réunissant des
rédacteurs en chefs du monde entier). Propos recueillis par Emmanuelle
Anizon et 0livier Pascal-Moussellard.
111 Ibid. . Il y a des personnes en activité
actuellement qui tentent de déterminer si les bloggers sont ou non des
journalistes et la réponse a cette question est : ca n'a pas
d'importance, parce que la n'est pas la question ! Le journalisme était
une réponse a une question plus importance encore, a savoir : comment la
société peut-elle s'informer ? Comment vont-on partager ses
idées et ses opinions ? Et si une réponse a cette question existe
en dehors du spectre du journalisme professionnel, cela n'a aucun sens
d'appliquer cette métaphore professionnelle a ce système
distribué. .
112 En terme de temps passer en ligne, 71% des
internautes français pensent délaisser les
autres médias aux bénéfices du Web. 51% estiment moins
regarder la télévision, 39% moins lire la presse papier et 30%
moins écouter la radio selon l'étude Médiascope Europe
publiée en décembre 2007
Si la structure de coopération en place sur Internet
est un nouveau moyen de répondre a cette problématique,
même en dehors d'un cadre institutionnel classique, est-il alors
judicieux de s'en priver ?
Le fait que ces moyens d'expression soient a la disposition de
tout le monde, car ils sont intégrés a la structure même de
la production d'informations, implique que des personnes dont on n'approuve pas
forcément l'amateurisme des méthodes par exemple, les utilisent
sans que l'on puisse réellement avoir d'emprise sur elles.
Cela peut être comparé selon Howard Rheingold a
la révolution de l'imprimé au 15eme siècle. La
production physique de textes n'étant alors plus aux mains de l'Eglise,
mais étant une technique accessible a un nombre croissant de personnes,
le contrôle dogmatique de l'institution sur les contenus diffusés
ne pouvait plus s'opérer comme auparavant. Mais cela a mené a un
accroissement des connaissances et par la-même a des innovations ou
bouleversements dans tous les domaines de la connaissance (politique,
philosophie...), notamment par un phénomène
d'intertextualité, qui peut être assimilé a une
coopération selon les principes de . smart mobs . et de l'intelligence
collective développés par Pierre Levy113. Ce concept
revient a dire la chose suivante :
3 aucun d'entre nous ne sait tout, [que] chacun
d'entre nous sait quelque chose et si nous mettons nos ressources en commun et
réunissons nos compétences, nous pourront rassembler tous ces
éléments. L'intelligence
collective peut 'etre considérée comme
une source alternative au pouvoir des médias 114..
Selon Jenkins, ce nouveau mode de fonctionnement (.
convergence >) ne constitue pas une révolution dans la mesure oil il
est progressif et que les incertitudes le concernant ne s'effaceront qu'au fur
et a mesure que les différentes options envisagées seront
écartées suite a des luttes de pouvoir entre le public et les
institutions. Ces compromis redéfiniront alors ce qu'il nomme la .
culture publique du futur >.
pour le compte de l'European Interactive Advertising
Association). A savoir que 57% des Européens ont acces a Internet soit
169 millions de personnes. GREFFE Xavier et S0NNAC Nathalie,
Culture Web, Paris, Dalloz, 2008, p. 2.
113 LEVY Pierre, L'Intelligence
collective, Paris, La Découverte, 1994,
http://www.archipress.org/levy/aql.htm
(extraits) Et . L'Intelligence collective, notre plus grand richesse »,
Interview de Pierre Levy réalisée par Michel Alberganti,
in Le Monde, 24.06.07.
114 JENKINS Henry, . La Culture de la convergence .,
in Médiamorphoses, n°21, p.31-36.
Jenkins conclut en disant :
3ceux qui font les médias ne pourront
résoudre leur crise actuelle qu'en renégociant leur relation avec
leurs utilisateurs. Le public a qui on a donné
le pouvoir grace a ces nouvelles technologies et qui occupe désormais un
espace a l'intersection des anciens et des nouveaux médias exige de
participer a cette culture *115.
Nous voyons donc la l'enjeu qui se pose aujourd'hui aux
nouveaux sites d'information se trouvant a mi chemin des médias
traditionnels et de ceux liés aux NTIC : renégocier le pouvoir et
la manière d'informer et d'être informer.
Nous l'avons dit, les journalistes réticents avancent
systématiquement la différence de statut qui les sépare
des internautes émetteurs de contenus. Cela montre bien que s'ils sont
prêts a considérer cette prise de parole comme 3 stimulante ., ils
sont beaucoup moins enclins a l'envisager comme une . plus value . en soi en
terme d'information. L'interaction avec les internautes serait donc avant tout
concue comme un moyen de reconsidérer l'approche de l'information. Le .
participatif . serait ainsi plus relié a la réflexion du
journalisme qu'à la question de l'information du public, ce qui
révèle leur difficulté a . passer le crayon » au
public, pour reprendre une expression de Jenkins.
Nous avons articulé nos grilles d'entretien autour des
hypothèses formuler dans cette première partie, dans le but de
vérifier si les représentations des web journalistes des sites
indépendants d'information de notre corpus a l'égard des UGC sont
biens ambivalentes. Les points soulevés ici constituent les
critères sur lesquelles nous avons basé nos résultats.
115 Ibid.
Dans cette premiere partie nous avons posé les bases de
notre enquête. Ce travail liminaire de recherche a tout d'abord
consisté a définir les termes clé de notre
intitulé, afin de délimiter avec plus de précision le
champ théorique de notre étude. Les notions de média,
d'Internet comme média et de sites indépendants d'information
sont souvent employés comme allant de soi. 0r, les cerner a
constitué une premiere étape fondatrice dans l'affinage du choix
de notre angle d'approche et la constitution de nos axes de réflexion.
Ces termes ayant plusieurs acceptions et dimensions, cela nous a permis de
mieux en saisir les diverses interprétations pour situer notre
démarche. Caractériser les spécificités
médiumniques d'Internet revient également a prendre en compte la
part d'imaginaire collectif, notamment quant a son aspect horizontal
révolutionnaire, qui constitue en partie les représentations
sociales du . participatif ..
Ces dernières sont également issues du contexte
socio-historique de la mouvance libertaire et la tradition de collaboration du
web. Ce travail de recherche nous a permis de mieux saisir les tenants et les
aboutissants de l'objet de notre enquête et de définir les
criteres de vérification de nos hypotheses, afin d'aboutir a des
résultats quant a la problématique posée. Cette
étape constitue la deuxième partie de notre étude.
DEUXIEME PARTIE :
ENQUETE SUR LES REPRESENTATIONS DU
« PARTICIPATIF » AUPRES DE WEB
JOURNALISTES
D'@RRET SUR IMAGES ET MEDIAPART
5. Enquête
5.1. Méthodologie et déroulemen t de
l'enquê te
Bien que ces sites s'inscrivent peu ou proue dans la
lignée de l'indépendance du web, ils ne découlent pas
directement de sa tradition activiste ni par nature (militant, participatif,
libre d'accès et interconnecté), ni par intention (ces acteurs se
sont repliés sur le web après conflit avec les organes de presse
qui les employaient, possibilité d'une adoption de ce média . par
défaut >). Dégager ce contexte permet cependant de mieux
cerner l'origine du principe de la participation sur Internet, appliqué
notamment a l'information (webzines). L'analyse des motivations et les discours
suscités par le participatif constituent la seconde étape de
notre démarche.
L'enquête que nous avons menée repose sur
l'étude des discours des différentes écoles de
pensée (nombreuses en ce qui concerne le « web 2.0 »), afin de
les mettre en perspective de manière critique et pondérée.
Nous sommes ainsi aussi bien référés a des blogs
thématiques amateurs et des sites militants, qu'à des ouvrages de
sociologie des médias ou de science de la communication.
La méthode des entretiens qualitatifs et individuels,
ainsi que l'analyse de discours, se sont naturellement imposés a nous.
Nous avons en effet considéré leurs paroles publiques comme
insuffisamment axées sur l'objet de notre étude. Nous avons
basé notre travail sur des ouvrages d'initiation
méthodologique116, ainsi que sur les travaux de Denise
Jodelet117 portant sur les représentations sociales. Cette
notion appartient au champs de la psychologie sociale et désigne le
« processus de construction de la réalité *118
auquel tout un chacun a recours pour donner du sens a son environnement en
fonction de ses propres valeurs, idées et connaissances.
116 BLANCHET Alain Et G0TMAN Anne,
L'Entretien. L'Enquête et ses méthodes, coll. 128,
Paris, Armand Colin, 2007, 125 p.
117 J0DELET Denise (sous la direction de),
Les Representations sociales, Paris, PUF, 1999, 447 p.,
http://66.102.1.104/scholar?hl=frEtlr=Etq=cache:bS1BmmtbyskJ:classiques.uqac.ca/contemporains/j
odelet_denise/folies_representations_soc/folies_representations_soc.doc+author:%22Jodelet%22+in
title:%22Les+repr%C3%A9sentations+sociales%22+
118 RATEAU Patrick, . Les Représentations
sociales ., extrait de : Psychologie sociale, Paris,
Bréal, 2007, p. 162,
http://books.google.fr/books?id=4mAg3nKFcAYCEtpg=
PA173Etlpg= PA173Etdq=denise+jodelet+%2B+re
pr%C3%A9sentations+sociales+%2B+r%C3%A9sum%C3%A9Etsource=blEtots=Yh6iUltoWbEtsig=5H14BuXZu
CmZcW3vsLELeZluu54Ethl=frEtei=
P-lASs-iJtGNjAek6p2iCCIEtsa=XEtoi=book_resultEtct=resultEtresnum=7
Nous nous sommes ainsi appuyé sur un travail de
contextualisation socio-historique (appréhension de l'environnement
libertaire et numérique) pour mieux comprendre ce sur quoi se fondaient
les représentions que pouvaient entretenir les sujets interrogés
a l'égard du . participatif >.
Nous avons donc principalement mené nos deux entretiens
(avec Daniel Schneidemann, puis avec Vincent Truffy) en axant nos questions de
manière a pouvoir recueillir leurs discours, nous permettant de
répondre a notre question d'origine. Nous avons posé des
questions ouvertes et non directives, afin de pousser les sujets a
définir eux même leur démarche et la manière dont
ils percevaient leurs rapports aux internautes.
Cet exercice a permis de révéler des points
saillants autour desquels se joue le participatif aux yeux des web journalistes
interrogés. Nous avons ainsi dégagé des 3 noeuds .
critiques significatifs autour des notions suivantes :
- le professionnalisme,
- la légitimité,
- la qualité,
- le prix,
- la rémunération,
- la modération,
- la profusion,
- et l'indépendance.
De même le recoupement des problématiques
récurrentes au sein des publications abordant le sujet du participatif
nous a guidé dans ce repérage. Ces noeuds sont tous liés
entre eux et fonctionnent souvent par tandem dans la construction des
théories des analystes et des professionnels du web. Ainsi, le prix est
souvent relié a la recherche d'indépendance, la profusion a la
modération, la qualité au professionnalisme... Cette connexion
entre les différents sujets constitue une chalne logique constituant des
argumentaires souvent très persuasifs bien que frontalement
antagonistes. ll est alors difficile de se positionner . au dessus . du
débat afin de dégager des lignes de force pouvant constituer les
critères d'une grille d'entretien et par la suite d'analyse et
d'interprétation.
Notre démarche dans ce cadre a consisté a donner
une empreinte personnelle a l'interprétation des résultats et de
force de propositions. Nous référer aux critères d'analyse
que nous avons prédéfinis, permet cependant de demeurer centrer
sur des éléments de réponse.
Nous avons également fondé notre enquête
sur l'observation participante119 aux sites d'Arrêt sur images
et de Médiapart, afin de pouvoir remettre en contexte les propos de nos
sujets et les vérifier empiriquement nos hypotheses.
Nous avons sélectionné principalement deux sites
indépendants d'information afin d'assoire notre étude (non
exhaustive). Notre sélection de sites ne constitue pas une photographie
exacte de l'offre existante en matière de sites pure players
d'information. Notre choix repose en partie sur des raisons arbitraires
(affinités et pratiques personnelles d'information sur le web), mais il
s'est plus largement porté sur des sites qui répondaient a la
définition de . sites indépendants d'information . telle que nous
l'avons établie (cf. partie 1.2.3).
A ce titre, certains sites comme : . Causeur . (site
d'opinion), . Bakchich . (faible aspect participatif) ou . Slate . (faisant
parti du groupe du Washington Post),
Agoravox .120 n'entrent pas dans le cadre que nous
avons prédéfini pour notre enquête. Cependant, leur
modèle de fonctionnement constitue une base de réflexion, voire
d'inspiration, importante pour la seconde partie de notre travail en termes de
propositions concretes.
Les sites de notre corpus proposent une offre d'information
généraliste (Médiapart) ou thématique (@si). En
effet,
arretsurimages.net se concentre
principalement sur l'analyse critique du traitement de l'information par les
différents médias francais. Cependant, depuis la migration d'@si
sur Internet, le choix des themes abordés,
119 44 On appelle observation
participante en usine le fait, pour un sociologue, de participer, en tant que
salarié, a la production dans l'entreprise pour en tirer l'information
et la documentation la plus proche des faits et du travail concret. Cette
participation se déroule généralement sur une longue
période [...] de maniere a s'intégrer
dans le collectif de travail, a se familiariser avec la forme spécifique
de l'activité et a contrôler sur un grand nombre de cas les
analyses dégagées ., cf. PENEFF Jean, . Les
débuts de l'observation participante ou les premiers sociologues en
usine ., in Sociologie du travail, vol. 38, n°1,
p. 1-25.
120 Fondation basée a Bruxelles a vocation
européenne dont les contenus sont rédigés et en partie
modérés par des usagers du site.
aussi bien dans ses articles que ses émissions. Sa ligne
éditoriale a évolué, rendant @si plus difficile a
cerner.
Cependant, plusieurs points sont communs a ces deux sites, de
manière essentielle pour notre étude, a savoir le fait : que leur
rédaction soit constituée de web journalistes professionnels, que
la majorité du contenu éditoriale soit réalisé par
cette équipe, que leur positionnement et leur site (dans le discours et
dans la pratique) inclus une part importante de . participatif ., qu'ils ne
soient pas adossés a un grand groupe de presse ou d'investissement et
qu'ils aient a leur tête d'anciens journalistes renommés des
médias . traditionnels >. Ces critères n'ont pas uniquement
été établi a posteriori par
recoupement empirique, mais ils constituent également un contexte
d'observation permettant a priori de répondre
a la problématique posée.
Nous avons jugé le choix du modèle
économique (payant en l'occurrence) comme un facteur discriminant
malgré les incertitudes qui subsistent en la matière et
même si notre étude ne porte pas sur la viabilité de ces
sites. Nous avons conscience que le statut d'abonné/adhérent
détermine en partie les représentations, les attentes, les
rapports et les pratiques de l'internaute au site, aussi bien que l'approche
d'une rédaction a ses visiteurs. Même s'il nous semble assez
complexe de mesurer comparativement l'influence de ce facteur sur l'objet qui
nous intéresse. Ces éléments constituent en ce sens des
variables qu'il convient de souligner.
Au contraire, nous avons considéré qu'il
était utile de mettre ces diverses démarches en perspective, afin
de mieux percevoir les origines en terme de vision du . participatif . et
incidences des ces alternatives sur la relation aux internautes.
5.1.1. Les démarches entreprises e t les personnes
sollicitées
Ces bases theoriques posees (delimitant le champ de notre
etude), nous avons selectionne les sites de notre corpus selon les
caracteristiques degagees dans notre definition des sites independants
d'information. Nous avons ainsi retenu 3
arrêtsurimages.net . ainsi
que .
mediapart.fr.com . et tente de
recueillir le discours de leurs representants par le biais d'entretiens.
Nous avons donc interroge Daniel Schneidermann (@si) et
Vincent Truffy (charge de la moderation et de l'animation du . Club . et de la
rubrique . Revue du web . a Mediapart). Nous nous sommes par ailleurs entretenu
avec David Dufresne (Mediapart) en tant que fondateur d'un des premiers
webzines francais (La Rafale) et Tristan Mendès-France (. Egoblog
*121, Place de la Toile) pour son experience de la moderation des
commentaires en tant que blogger et expertise sur les nouveaux usages
numeriques dans le domaine de l'information.
Les discours tenus publiquement (principalement par Pierre )
ne nous ont pas parus suffisamment axes sur l'objet de notre etude et pour
cause la redaction de . Rue 89 > dit être < revenue > de
l'information < a trois voix >. En effet, Pierre Haski declare notamment
:
3 Nous avons invente notre modele participatif au
jour le jour, de maniere
empirique. [...] Mais nous
avons pu constater que l~id~e du "tous journalistes" ne tient
pas. >122
Par ailleurs, les representants des sites d'information pure
players ont ete invite a de nombreuses reprises par les medias traditionnels
(sauf pour
Arrêtsurimages.net), mais
principalement dans le but de debattre de leurs modèles economiques ou a
des fins promotionnelles (anniversaire, lancement d'un livre...)
Et même si ces modèles economiques
reflètent des conceptions differentes de la production de l'information
sur Internet et ont donc des implications indirectes sur le rapport que ces
sites entretiennent avec les internautes (abonnes, inscrits, simples
lecteurs...), notre analyse ne porte pas directement sur cette question.
121 http://egoblog.net/
122 "Nous sommes les numeros 1 des pure players",
interview de Pierre Haski, Electron libre,
10.02.09,
http://electronlibre.info/Nous-sommes-Numero-1-des-pure,257
Ayant lu nombre d'interventions publiques de
représentants de leurs sites, nous avions conscience d'attendre un
certain discours de leur part. Nous avons cependant tenté de
déjouer ce biais en essayant d'adopter un regard neuf. Par ailleurs,
nous n'avons pas appliqué exactement la même grille de questions
lors de nos deux entretiens en raison de la différence de
démarche des représentants (cela pour éviter un discours
trop généraliste tel que nous avons pu par certains égard
susciter lors de notre premier entretien avec Daniel Schneidermann). Ce dernier
ayant un caractère exploratoire, nous avons tenté pour le second
de rattacher nos questions a des exemples concrets. Cela a notamment eu pour
effet de recueillir les réactions de Vincent Truffy par rapport a des
situations concretes et significatives du rapport aux internautes de
Médiapart et d'éveiller notre réflexion quant aux
possibilités d'évolution, voire d'amélioration des espaces
participatifs.
Une réticence était perceptible lors de cette
premiere prise de contact, non pas a se faire interviewer, mais quant a la
légitimité même de notre démarche (. Toutes les
informations dont vous avez besoin sont sur le site. ») Est-ce du au fait
que notre démarche sociologique relevait plus de l'écoute et du
recueil de discours plutot que de la recherche d'information factuelles
précises que mènent les journalistes ? Cela nous a poussé
a anticiper les résistances et les inégalités du rapport
qui pourraient éventuellement se mettre en place, ainsi qu'à
prévoir d'éventuelles relances ciblées.
L'entretien avec Vincent Truffy s'est quant a lui
déroulé dans un lieu public et a davantage pris la forme d'une
discussion informelle. Tous les themes afférents au participatif ont
été abordées sous un jour plus concret et fouillé,
mais dans un ordre plus dispersé. L'échange a duré trois
heures et s'est structuré autour de relances et de rebonds, le sujet
orientant de lui-même sa réflexion vers du theme de notre
enquête.
5.2. Resultats : confrontation des discours publiques e t
lors d'en tre tiens avec les hypotheses de recherche d'apres les criteres
predefinis.
5.2.1. Reticences de la part des web journalistes face au
systeme d'autoregulation de la communaute
Nous avons recensé les blogs du Club de
Médiapart ainsi que le nombre de billets que chacun d'eux comptabilisait
(en les classant par tranche de 25), afin de voire si le concept de la «
longue tralne » pouvait s'appliquer dans ce cas. Nous avons fait cela dans
le but d'observer comment la communauté d'abonnés
s'auto-organisait et dans quelle mesure l'intervention de la rédaction
de Médiapart était nécessaire comme l'avance Vincent
Truffy.
Répartition du nombre de blogs rapporté a leur
nombre de billets sur le Club de Médiapart (mars 2009) :
= 1 : 311 bloggers
>= 1 < 25 billets : 787 bloggers >= 25 < 50
billets : 43 bloggers >= 50 < 100 billets : 20 bloggers > 100 < 150
billets : 8 bloggers > 150 < 175 billets : 2 bloggers Total du nombre de
blogs (recensement personnel) = 860123
0n observe que 36% des bloggers n'ont contribué au club
Médiapart que d'un seul billet alors que les 3,5% les plus actifs ont
publié plus de 50 billets. Si on applique la loi des 20/80 (20% des
bloggers constituent 80% de la production éditoriale) traditionnellement
appliquée dans les entreprises, on constate que 20% des blogs (les 172
blogs les plus actifs) ont ainsi publié au moins 10 billets chacun alors
que les 80% restant on publié moins de 2 billets. Ce cas de figure
illustre le concept de la « long tail » et constitue un ensemble
assez hétérogène. ll se structure selon le principe de la
coordination, qui veut que l'organisation se fasse d'elle même.
123 833 au 06.04.09 selon Francois Bonnet,
http://www.mediapart.fr/club/blog/francoisbonnet/060309/une-impatience-partagee-avec-nos-abonnes
Par un effet « naturel », les blogs les plus
visités sont ceux aux quels les internautes s'abonnent selon une logique
de « rendez-vous », les plus cités et les plus notés,
ce qui les fait apparaitre dans les premiers rangs du « classement »
éventuels des blogs (exemple : « commentaires d'utilité
publique » sur la home page d'arretsurimages.net sont les plus
pointés par les asinautes, onglets « les nouveaux billets »,
les « nouveaux blogs » ou « les + recommandés » sur
le club de Médiapart). Il y a donc une sélection par la
nouveauté/régularité des contributions et une
sélection qualitative, par le vote ou le classement des plus
lus/visités/envoyés, qui s'effectue d'elle-même entre
internautes via les différentes applications mises a leur disposition
par le site.
0n note que sur les 20 premiers blogs les plus
recommandés sur Médiapart, 14 d'entre eux sont des blogs qui ont
moins de 10 billets (limite établie ci dessus au dela de laquelle on
fait parti des 20% de blogs les plus actifs) et 7 ayant un seul post a leur
actif. Ce qui nous amène a dire qu'un peu plus d'un tiers des blogs
plébiscités par les abonnés de médiapart font
partis de cette longue traine de contributeurs ponctuels pouvant etre percus
comme faisant de l'obstruction par le brouillage entrainé par leur
nombre. Ils sont donc remarqués du fait du fait de leur apparition dans
les listes de nouveautés ou du fait d'une recherche par mot clé
(tags).
En effet, les algorithmes opèrent sur la home page du
« Club » une sélection par obsolescence et par recommandation.
La nature automatique (quantitative et qualitative) de ces classements mettant
en avant les choix des abonnés. Vincent Truffy rappelle a la suite de
posts controversés sur le VIH et les attentats du 11 septembre que la
rédaction a fait le choix d'une modération a posteriori et de
rendre accessible une sélection, qui ne correspond pas toujours a ses
propres critères.
« Cette intrusion du quantitatif dans un
ensemble très editorialise fonctionne néanmoins comme un rappel -
modeste certes, puisque place en bas de page d'accueil ou dans des pages moins
accessibles - de la popularité de ce qui ne correspond pas au choix de
la redaction de Mediapart. C'est l'irruption de l'incongru, de l'insolite, de
l'inapercu, c'est l'accident dans un ensemble qui pourrait parattre trop bien
réglé au risque parfois de l'inacceptable.
»124.
124 TRUFFY Vincent, « Le Club en chantier
», Medipart, Edition « Découvrir
Médiapart, 12 septembre 2008.
A noter que cette sélection autorégulée
n'est pas celle qui est la plus visible sur la 3 home page . du site, mais sur
celle du Club. C'est le responsable de la Une qui sélectionne, en accord
avec le chargé du Club, les billets figurant dans la zone bleue de la
page d'accueil du journal. Un choix rédactionnel supplante donc celui
opéré par les internautes eux-même pour les parties les
plus accessibles du sites afin de garantir la cohérence
éditoriale de Médiapart.
0n peut alors se demander si ce parti pris relève du
fait que les outils mis a la disposition des internautes ne sont pas
satisfaisants (pas d'échelle de notation, d'élection de
modérateurs parmi les abonnés...) ou d'une résistance a
abandonner aux abonnés la sélection de leurs propres
publications, car jugée non pertinente. L'intervention d'un
professionnel est la encore présentée comme essentielle pour une
meilleure sélection, ce qui révèle la volonté de la
rédaction de conserver un certain . contrôle . sur le . Club
>.
Un panachage semble etre tenté entre une
modération a posteriori (qui relève
d'une démarche d'hébergeur de contenus) et une mise en avant des
billets correspondant a la ligne du journal (qui correspond a ce qui ce fait
dans la rubrique 3 courrier des lecteurs . d'une média papier).
Selon Vincent Truffy, journaliste a Médiapart, la
raison pour laquelle l'équipe rédactionnelle n'a pas
souhaité mettre en avant le classement par vote sur la home page du site
est que celui n'est pas pertinent. Si la confiance que l'on place dans les
posts de certains contributeurs vient du fait qu'on suit leurs publication sur
le long terme, ce phénomène entralne également un biais.
En raison du nombre restreint d'abonnés actifs (difficilement
quantifiables), la . dynamique relationnelle . fait que bien souvent les votes
sont le fruit d'un phénomène de cooptation mutuelle, voire de
copinage.
Par ailleurs, le vote relève souvent moins selon lui
d'un jugement quant aux qualités intrinsèques du billet que du
fait de savoir si l'internaute partage ou non le point de vue exprimé.
Cela marque la différence entre l'amateur et le professionnel, dont
l'intervention a alors un role de pondération essentiel.
5.2.2. Professionnalisme e t légi timi té :
une question non résolue
Lors de notre entretien avec Daniel Schneidermann, le
présentateur d'@si refusait de comparer qualitativement et explicitement
les publications amateurs avec les contenus journalistiques125.
Cependant, ce dernier précisait bien qu'une information n'était
pas de qualité du fait qu'elle soit payante, mais était payante
du fait qu'elle soit de qualité, c'est-à-dire professionnelle
(forte présence du champ lexical du « métier >).
Autrement dit, le lien de causalité entre la
qualité, le professionnalisme et la rémunération semble
évident pour le sujet, bien qu'il se garde que reformuler la logique en
sens inverse, a savoir : contenu non-payant, amateurisme et donc contenu de
mauvaise qualité. Le lien entre valeur au sens de la qualité (une
information vraie) et au sens monétaire (payée) est implicitement
établi pour que s'opère une distinction entre la production
d'informations en tant que travail et en tant qu'activité. ll y a donc
une logique de différenciation de l'offre entre les « univers
» des journalistes web (« Nous, on vérifie. ») et les
autres (« gens qui font des pages personnelles ne vérifient rien
>).
Le sujet dit également qu' « on ne
leur [aux rédacteurs amateurs] demande pas
d'ailleurs ., sous entendu de vérifier, de faire une
information au sens journalistique du terme. Les rédacteurs amateurs
sont ici percus comme faisant parti d'un autre « univers . (le terme est
répété 5 fois), celui « de l'expression
personnelle, [...] du témoignage
>.
L'établissement de cette limite est ici clairement
défini selon une perspective classique de la profession de journaliste
qui ne réfère a la parole de son public qu'en tant que valeur
marginale, qui ne fait sens que si elle reflète a titre individuel une
opinion plus large, l' « opinion publique . (micro trottoir, courrier des
lecteurs...).
En effet, les journalistes réfèrent souvent
aux User Generated Contents a de l' «
information brute ., qui resterait a vérifier, retravailler et
éditorialiser, car
125 Cf. retranscription (enregistrement
autorisé) de l'entretien avec Daniel Schneidermann dans les locaux
d'arrêtsurimages.net, le 30.01.09. « Non, je dirais pas
plus ou moins de valeur, parce que ca ce serait dévalorisant pour les
autres.[les blogs] .
n'ayant que peu de valeur en soi (métaphore de la
pierre brute, puis taillée), or ils l'intègre plus ou moins a
leur offre payante (la participation au Club est gratuite sur Médiapart,
mais ce dernier est mis en avant dans la promotion de son offre payante
globale).
Vincent Truffy soulève indirectement la question
du crowd sourcing en disant :
« Si les gens temoignent, si les gens analysent,
moi je suis content. S'ils font un travail - pseudo journalistique ., je suis
content aussi, mais a la limite
ca me derange plus parce qu'a ce moment la on devrait
etre dans une relation contractuelle. On devrait les piger. .
La encore qualité et valeur sont intimement liée
de manière problématique dans la mesure oil il n'est pas
forcément souhaitable que les abonnés soient auteurs d'UGC de
nature quasi journalistique dans la mesure oil ce sont eux les
abonnés.
C'est un problème que Tristan Mendès France au
sujet de la récupération de la hiérarchisation collective
des liens réalisée par la communauté . Digg
>126 par exemple : « Il faut reconnaitre que
c'est la communauté et non pas la redaction qui le fait, sinon cela
revient a faire crowd sourcing abusif.
. En effet, si la rémunération est une conséquence logique
d'un travail de qualité comme l'entend Daniel Schneidermann, se pose
alors la question éthique de l'appel a contribution et de la reprise
libre d'UGC de qualité par des sites d'information marchands. Ces
pratiques de collaboration des débuts du web sont aujourd'hui courantes
sur ces derniers. Ils justifient cette démarche du fait que la
réelle . valeur ajoutée . de leurs sites relève davantage
des contenus journalistiques que des UGC. La possibilité de participer
constitue alors davantage d'un service mis a la disposition des Internautes
qu'une contribution servant le journal.
Toutefois, les journalistes de ces sites avancent que
l'interactivité permet une production alternative de l'information qui
les distingue des sites des journaux papiers. Daniel Schneidermann affirme lors
de notre entretien :
3 La troisieme chose que permet Internet par rapport
aux medias traditionnels c'est d'avoir un rapport different avec son public.
C'est-a-dire [...] de ne plus etre tout a fait dans un rapport vertical, mais
d'être dans un rapport d'echange horizontal. Ca, je dirais que c'est
completement, enfin c'est la principale difference. .
126 http://digg.com/
Le rapport aux contributions des internautes se
révèle donc ambigu6 dans le discours des protagonistes des sites
indépendants d'information mêlant étroitement production
journalistique et espaces participatifs.
Tristan Mendès France déclare ainsi que la
notion de participatif relève en partie de la rhétorique dans la
mesure oil rares sont les commentaires amateurs réellement
enrichissants. La plus part du trafic des plates-formes est
généré par des bloggers renommés comme Versac sur
« Slate >.
La relation des pure players participatifs est donc
ambivalente, puisqu'ils mettent en avant cet aspect interactif de leurs sites,
mais qu'ils n'en attendent pas grand chose en termes d'information. Si ils leur
attribuent une « plus value . notamment en l'intégrant au discours
de positionnement face aux médias traditionnels (argument commecial),
les UGC représentent avant tout quelque chose que la rédaction ne
maltrise pas.
Vincent Truffy établi une nomenclature des
différents types de contributions amateurs sur Médiapart. ll y a
selon lui celles qui relève de la « vie souterraine » du Club.
Ces contenus très hétéroclites n'entrent pas dans le
projet du journal, mais animent le Club. Le constat fait entre la ligne
éditoriale et certains UGC est paradoxale dans la mesure oil, même
si la nature des blogs va être grandement déterminée par la
démarche de la plate-forme, tout comme le sujet des commentaires vont
l'être par celui de l'article au quel ils réagissent, du fait
même que les contributeurs ne sont pas des professionnels on ne peut
attendre d'eux de se conformer a une ligne éditoriale.
Contrairement a certains bloggers amateurs
sélectionnés par des sites de grands journaux (c'est
également le cas de Slate.fr) en tant qu'experts (exemple : le blog
« Les Cuisines de l'Assemblée . de l'assistant parlementaire Samuel
Le Goff sur le site de l'Express, « Famille je vous haime » du
Psychiatre Psychanaliste Serge Hefez sur Libération.fr...), qui se font
parfois relire par le journal qui les héberge (c'est par exemple la
politique de Liberation, mais pas de
L'Express), les abonnés n'ont que l'obligation de
respecter la Charte éditoriale127. C'est ce que Vincent
Truffy appelle « la vie souterraine de Médiapart . et que l'on peut
rapprocher de la
127
http://www.mediapart.fr/charte-editoriale
notion de dynamique relationnelle évoquée en amont
de part son aspect non formaté.
Puis, il y a des contributions amateurs telles qu'elles sont
attendues de la part de la rédaction, a savoir qui respectent clairement
la distinction avec le traitement journalistique, mais également la
ligne éditoriale du site.
« [D]es choses qui viennent eclairer, il y a du
contenu produit par les abonnes qui ne sont pas du contenu journalistique
classique, parce que ca ne correspond pas aux normes de redaction, de
verification etc., mais qui sont interessants quand meme parce qu'ils viennent
eclairer l'actualite.
C'est de l'analyse, c'est du temoignage, c'est des
choses comme ca. »
Enfin, de manière plus problématique, des
contenus « pseudo-journalistiques » viennent brouiller les pistes.
Vincent Truffy donne l'exemple d'un abonné ayant mis en ligne
l'interview du réalisateur chinois Jia Zhangke alors que la
rédaction l'avait également interviewé.
« On est dans un cas de figure ou le journal
et le Club produisent la meme chose eventuellement la meme qualite. La
difference est que l'un est dans une demarche d'explication, l'autre est dans
une demarche de promotion. Mais eventuellement le contenu est le meme. C'est
simplement la finalite qui fait la difference. »
Ici, la distinction se fait sur la démarche et non pas
la qualité intrinsèque du résultat. La contribution de
l'internaute est une information, mais le statut de produit journalistique ne
lui ait pas pleinement attribué du fait qu'elle ne procède pas
d'une recherche d'objectivité. De meme que la distinction établie
entre le vote subjectif des internautes et la sélection qualitative des
billets réalisée par la rédaction, le sujet
considère que les internautes relèvent, contrairement au travail
de l'équipe, de la sphère de l'opinion.
Ainsi a la question « vous considérez-vous comme
un site militant ? » Vincent Truffy répond que le travail du
journal est dans les faits infléchi par le contact avec ses
abonnés qu'il percoit comme majoritairement militant. La encore
Médiapart est considéré comme un site « de »
militants et non pas un site militant en lui-meme. Toutefois, travailler a leur
contact est percu comme une interaction qui va finalement influer et faire
évoluer sur la démarche journalistique.
Bien que les abonnés contribuent a faire le site, ils
ne contribuent pas a coproduire l'information (. Non, pas
l'information. Je pense qu'on co-produit un journal, un site d'information avec
les abonnés. .), ils agissent . a coté . et 3 avec
>. Ils peuvent contribuer en partageant des contenus . de qualité .
journalistique, mais pas journalistiques. Ils sont considérés
comme partie intégrante du site, toutefois, ils viennent agir en annexe
des journalistes.
Le caractère aléatoire de ces contributions
modérées a posteriori peuvent cependant constituer une valeur
ajoutée en terme d'image. Elles contribuent en effet a donner un cachet
d'indépendance au site qui les héberge, dans la mesure oil ils
constituent la preuve de la liberté d'expression des internautes. Ainsi,
au dela de leur expertise, les bloggers confèrent par . concomitance .
une indépendance de ton au site du média qui les héberge
(exemple : le blog de Jean-Michel Aphatie sur RTL.fr128).
Tristan Mendès France place quant a lui davantage le
curseur distinguant publications amateurs des publications professionnelles,
non pas sur la finalité de la démarche, mais en fonction de la
crédibilité du statut de journaliste dont jouissent ces
derniers.
- Maintenant, le grand public a acces aux legos qui
constituent la base de la construction journalistique (le lien twit du NYT, le
fil AFP...) et c'est la que
les journalistes doivent s'appliquer a -
editorialiser . davantage leur travail. La plus value journalistique reside
donc dans un style redactionnel et un sens de l'analyse propre. Les
journalistes sont maintenant tous nus, descendus de leur pieds
d'Estal..
Cependant, le style des bloggers et des journalistes se
rapprochant de plus en plus en tout cas du point de vue de leur qualité
informative selon lui, . il est a priori impossible de tracer une
ligne rouge nette en terme de qualité entre les travaux amateurs et
professionnels >. La distinction en terme de qualité
entre contenus amateurs et journalistique semble donc difficile a tracer de
manière claire comme le montre l'amalgame qui a donné lui a
l'appellation . pro-am . (professionnelamateur).
128
http://blogs.rtl.fr/aphatie/
Le participatif est un concept qui se défini en creux
ou en réaction au journalisme, alors même qu'on lui reconnait par
ailleurs une certaine autonomie. Certains contenus, . électrons libres
>, n'entrent pas dans la ligne du site et ne s'inscrivent pas dans un sillon
journalistique pré-établi. Dans ce cas, ces expressions
personnelles spontanées sont percues comme un envers inévitable,
mais pas vraiment souhaitées. Cela constitue la part d'incongru avec
laquelle il faut composer lorsque l'on souhaite faire du . participatif >.
Le journaliste doit alors toléré certains corollaires qu'il ne
peut totalement contrôler dans la mesure oil ils respectent la Charte
éditoriale et les règles de modération.
Dans un sens, les contenus amateurs peuvent être percus
comme des contributions problématiques, car trop proches du journalisme
(crowd sourcing non rémunéré de
contributeurs qui payent même un service), ou car trop
éloignés (caractères anecdotiques, foisonnant, personnel,
polémique...). Dans tous les cas, cela révèle le
problème de ces sites a allier a la fois une activité de
modération propre a des hébergeurs de contenus et
d'éditeur de presse devant avoir la maitrise de sa publication.
Ainsi se pose également la question des rapports de
force qui se jouent au sein de ces espaces participatifs entre la
rédaction modératrice et ses abonnés et de la place qui
est laissée a ces derniers. Cela est en partie déterminé
par les représentations que les web journalistes entretiennent quant au
role de ces derniers.
5.2.3. Entre projection e t desillusion des atten tes
journalistiques : le role marginal des internautes.
Daniel Schneidermann dit en general employer le terme d'
« abonnes » pour designer les Internautes. 0r cette notion renvoie a
deux significations, celle de client puisqu'il avance de lui meme
« Apres, ca veut pas dire que ca nous place dans une situation
totale d'independance. On est dependant de nos abonnes. ., mais
aussi la signification d'adhesion a un groupe que vehicule encore davantage
l'appellation specifiquement cree d'asinautes129. De meme en
reaction aux annonces de certains abonnes de quitter le Club, son animateur
ecrit :
« un compliment, puisque dire que l'on quitte
Mediapart, c'est en parler comme d'une identite affective (un parti, un
mouvement, une association,
un couple, etc.) dont les liens depassent ce qu'offre
ordinairement un media, la simple consommation d'informations. Cela signifie
que notre pari d'inventer un media participatif et contributif, d'un genre
inedit, a mobilise et attire une partie de ceux qui nous ont permis, jusqu'ici,
de durer. .130
Ce dernier point renvoie quelque part a une idee de communaute
federee autour d'un organe central dont on reconnalt l'autorite puisqu'on
accepte de la payer. Alors que D.S. dit avoir ete entre autre attire par
l'aspect « horizontal . et non plus vertical des rapports du journaliste
au public, il rappelle avec force qu'au bout du compte cette egalite dans
l'echange a une limite très claire quant aux orientations du projet et a
la ligne editoriale du site.
Daniel Schneidermann signale que certains ont essaye de faire
du « chantage au desabonnement ., « Ce qui [l']a amene a un moment a
mettre les choses au point avec eux. », comme suit :
- et a leur dire vous etes bien gentils, mais les
patrons c'est nous ! Ceux qui font le site c'est nous ! On est dans une
demarche de... de dialogue avec vous, de discussion avec vous dans les forums,
d'appel a vos suggestions etc. mais en dernier ressort, ceux qui decident de ce
qu'on met en ligne et de ce
129 Appellation courante des abonnes
d'arretsurimages.net, utilisee par la redaction et les internautes
eux-meme.
130 « Les Regles de notre Club ., Animateur du
Club, Mediapart, 28.04.09,
http://www.mediapart.fr/club/blog/animateur-du-club/280409/les-regles-de-notre-club
qu'on met pas en ligne c'est pas vous. Ceux qui
choisissent les sujets c'est nous, c'est pas vous. »
Plus loin dans notre entretien il ajoute suite a une question sur
l'eventuelle dimension militante d'arretsurimages.net :
3 si militant veut dire qui milite pour que les
consommateurs de medias puissent acquerir une certaine mattrise sur la maniere
dont ils consomment les medias. Ca oui, on milite pour ca, on milite pour
rendre du pouvoir au public sur les medias. .
La encore on bute sur la volonte d'investir Internet pour que
le public ne soit plus uniquement cantonne a ce role, mais puisse egalement
interagir dans la production d'information, contribution percue comme
enrichissante par les journalistes. 0r le paradoxe est maintenu puisque la
dimension reellement participative d'Internet ne semble avoir ete integree
qu'en contre-point a la publication journalistique professionnelle comme le
montre les rapports de domination qui se dessinent dans son processus de
production au sein du site Asi.
Lorsqu'a l'occasion d'une emission . making off .
d'arretsurimages.net, Daniel Schneidermann exprime sa deception quant au peu de
participation des internautes sur les forums
3 Ca participe pas des masses, ca vote pas des
masses, je sais pas pourquoi. Je pensais que cela voterait plus [...] Toute la
dimension communautaire est une dimension a laquelle les internautes n'ont pas
tellement mordu. On
pensait vraiment que vous alliez vous precipiter
davantage sur l'aspect communautaire et par exemple sur ces votes. Et en fait,
vous vous etes [...] revelez beaucoup plus consommateurs et beaucoup moins
« participatifs » si j'ose dire, que l'on ne pensait.
*131
Hurluberlu, un asinaute « temoin . invite sur le plateau,
se demande alors si cela n'est tout simplement du au fait que l' «
irrigation . du site n'est pas suffisamment developpee. Autrement dit, si
l'equipe redactionnelle intervient parfois dans les forums, ces derniers
constituent plutot une face cachee qui n'est la qu'en reaction des contenus,
mais qui n'interagissent pas reellement avec le reste du site. Cet exemple
montre a quel point la question de la cooperation des internautes depend de
multiples facteurs, dont celui de leur integration a la demarche d'ensemble du
site par la redaction.
131 Extrait de l'emission . Nous cherchons un canal de
diffusion pour nos emissions ., du 18.07.08, 22eme minutes,
http.//
www.arretsurimages.net/contenu.php?id-1000
De même, Pascal Riche de Rue 89 affirme dans l'emission
Masse critique132 : « quand on s'est lance il y a
deux ans, on pensait que le journalisme citoyen, ca pouvait effectivement
exister . ; sur quoi Frederic Martel intervient pour dire que
desormais il n'a plus que deux voix desormais contrairement a ce qu'annocait
l'ambition initiale de Rue 89. Le web journaliste retorque :
« Non, non, ce n'est pas vrai, on utilise les
ressources des internautes, mais on se rend compte que les internautes n'ont
pas envie d'être journalistes. [...] Ils ont
envie de participer, de nous donner de informations, des expertises, des
temoignages, mais ils n'ont pas forcement envie d'être des journalistes
citoyens. Donc, on se rend compte que c'est un peu une tarte a la crème
qui a vecu cette histoire de « citizen journalism » et cette id~e que
l'on peut se passer de journalistes >.
L'autre invite de cette emission est l'un des jeunes
fondateurs du site Street Reporters133, un site participatif qui se
veut le journal « de [sa] generation . en aidant techniquement et
theoriquement les internautes a monter leur reportage (venant ensuite alimenter
le site).
La confrontation de ces deux demarches differentes pose la
question de savoir si la participation des internautes ne serait pas dans une
certaine mesure freinee par la barrière du savoir-faire technique
(montage video, traitement post production du son, mise en ligne d'un
article...). Le fait d'être internaute, et donc d'être equipe,
n'implique ni d'être capable de publier un contenu, ni par ailleurs de se
sentir legitime pour le faire134.
La participation sur un site au modèle « mixte .
(professionnel et amateur) est vue par Pascal Riche comme une source
d'information pour les journalistes et de reaction aux publications de ces
derniers. ll n'y a pas de reelle collaboration au sens de « travail en
commun . et d'accompagnement des internautes. 0n attend de ces derniers qu'ils
soient autonomes dans leur production, realisee en parallèle,
132 Chronique de Pascal Riche, « Masse critique
., 23.05.09, France Culture,
http://sites.radiofrance.fr/chaines/france-culture2/emissions/masse~critique/index.php
133 http://www.streetreporters.net/
134 Cela relevant d'une etude des pratiques et des
representations des internautes participants, nous n'aborderons pas plus avant
cette idee de « fracture numerique ..
mais non . avec . la rédaction. Cela pose la question
de savoir jusqu'à quel point on peut intégrer les contenus
amateurs a un site, sans pour autant comprendre le processus de travail dans sa
démarche et son fonctionnement.
Le journaliste constate que les internautes ne . veulent pas .
etre journalistes au sens professionnel du terme, ce qui justifie le fait que
l'on n'intègre leur production qu'à titre de complément
accessoire ou de matière première. Il n'est pas envisagé,
non pas de les . former . pour qu'ils deviennent des . petits soldats
>135, mais d'accompagner les internautes dans leur démarche de
participation afin de rendre celle-ci pleinement possible. 0r, si on part du
principe que le journalisme est un métier qui requiert des
compétences, comment prétendre a une information . a trois voix
., la troisième voix devant etre assurée par des amateurs
quasiment au même titre que les journalistes et les experts.
Ce débat reflète bien l'ambivalence que suscite
la projection des représentations que les web journalistes ont des
attentes des internautes en matière de participation au processus de
production de l'information. 0n peut supposer que ce relatif
désenchantement des sites . pure players . vient peut etre du fait
qu'ils ont en partie adhéré a l'utopie web 2.0 et preter de ce
fait des intentions d'imitation journalistique aux internautes. En effet, comme
nous l'avons vu pour le cas des bloggers, ces derniers n'aspirent pas a etre
reconnus en tant que journalistes et refusent de présenter leurs
publications comme une production appartenant a ce champ.
L'intuition initiale de ces sites était que les
internautes voulaient s'inscrire dans une démarche similaire a leur
propre travail de production de l'information sans réellement analyser
les pratiques et la culture ayant court sur le web. Et si, finalement cet
engouement, puis cette désillusion, de la profession quant a
l'implication des internautes tenaient plus a leur volonté de
.réformer . le journalisme et de trancher avec leur pratique de la
presse papier.
Au dela de la possible influence du discours techniciste
ambiant, les initiateurs des sites indépendants d'information
semblent avoir accentué exagérément ce mouvement comme
pour mieux marquer leur . virage au numérique . a titre
135 En référence a : RUFFIN
Francois, Les Petits Soldats du journalisme, Paris,
éd. Des Arènes, 2003, 250 p.
personnel et appuyer ainsi leur rupture avec les médias
traditionnels dont ils sont issus. La passage au numérique, avec toutes
les possibilités d'interaction que cela comporte, impliquait que soit
faite une nouvelle . promesse . (au sens marketing du terme), comme pour
justifier un positionnement de rupture (Média-part) et une forte
adhésion du public via un esprit communautaire.
Par ailleurs, si on extrapole ces cas, on peut se demander
dans quelle mesure la collaboration est freinée, consciemment ou non,
par les web journalistes. Car si les journalistes ont beaucoup attendu des
internautes en matière de fréquence de production et de type de
contenus, leur choix de mode d'intervention et la place des internautes
semblent en même temps susciter des inquiétudes.
Tristan Mendès France avance au sujet de la
réaction des professionnels face aux publications amateurs que les
journalistes . se sentent plus dépassés que
menacés . par les UGC et que leur inhabilité a
gérer ces derniers provient davantage d'un retard en terme de culture
web qu'une véritable hostilité. Ces moyens de s'informer peuvent
même être percus comme stimulant au point de vue journalistique,
mais cette approche de la participation des internautes renvoie la encore a
leur caractère accessoire au travail du journaliste qui reste quant a
lui prédominant.
Daniel Schneidermann pense ainsi que le role attendu par les
internautes a l'égard du journaliste est de trier et hiérarchiser
l'information pour le guider dans l'offre pléthorique a laquelle
Internet lui permet d'accéder pour une question d'économie de
temps notamment, mais aussi de savoir-faire et de fiabilité. Il se
positionne ainsi comme un médiateur nécessaire entre les
internautes et l'information sur le web. Ce cas de figure confirme ici la
thèse de Clay Shirky qui avance que les membres d'une institution
hiérarchisée vont toujours rappeler le caractère essentiel
de leur role même au sein d'une organisation distribuée, ne
reconnaissant pas la validité de cette organisation.
Si les internautes sont peu enclins a fournir du contenu
journalistique comme l'avance certains web journalistes, on peut toutefois se
demander si ce constat ne vient pas davantage du fait de la mixité du
modèle de leurs sites. Ces derniers font peut être
prédominer la production des journalistes du fait même de son
organisation preetablie par ces derniers et qui vient s'imposer
comme un cadre a des internautes qui s'impliquent alors moins.
Cela revient la encore a revenir a l'impossible fusion de
structures organisationnelles qui relèvent de cultures et de processus
differents. Les journalistes en tant que membres d'une organisation
hierarchisee « attendent . une certaine production des internautes. Ces
derniers agissent quant a eux de manière assez hieratique et forment
ainsi un ensemble de productions heterogènes se structurant de
manière informelle selon la logique de l' « interaction
interpersonnelle . (billet > commentaire/vote/trackback > reponse...)
propre a la logique de cooperation volontaire du web. Ce qui forme un mouvement
perpetuel de va et vient aleatoire qui peut donc sembler peu maitrisable, voire
insatisfaisant, mais qui n'apporte pas « rien » a l'ecosystème
informationnel.
La question est de savoir dans quelle mesure le système
journalistique peut integrer ce mode de fonctionnement dans sa propre
conception, car le simple fait d'être sur Internet et de mettre en place
des outils n'implique pas forcement un changement de paradigme mediatique.
Le terme de « maniere
[de] consommer les medias . que Daniel Schneidermann
utilise lorsqu'il evoque la dimension militante d'arretsurimages renvoie bien
au fait qu'Internet est percu comme un canal permettant la diffusion
d'informations contre-hegemonique aux medias de masse. Internet ne semble pas
constituer de pas pour autant un veritable lieux d'experimentation quant aux
procedes et de remise en question de ses finalites.
Si on se refère a l'analyse d'0livier Blondeau, le site
d'Asi serait assimilee aux : « tenants de la « critique des medias
. [... qui] s'inscrivent dans une
demarche de contre-information passant par la conquete d'espaces
et d'outils de prise de parole et de diffusion au sein meme du système
mediatique tel qu'il existe136 ..
Demarche qui s'oppose a celle des tenants de la critique
communicationnelle qui :
136 BL0NDEAU 0livier, Devenir media,
l'activisme sur Internet, entre defection et experimentation,
aris, editions Amsterdam, 2007, p. 95.
3tentent de repenser a (a fois (es dispositifs
socio-techniques ou techno- po(itiques de production et de diffusion de
('information et (a nature même de ('information, son statut et ses
fina(ités dans une société marquée par (a
prédominance des médias de masse et (eur soumission au
pouvoir
dominant.137 »
Cela rejoint la logique de . Don't hate the media.
Be the media »138 selon laquelle devenir
soi-même le média que l'on critique est le seul moyen de
constituer . une source crédible et audible d'information ». 0r, le
fait que le site d'Asi soit né suite a l'éviction de Daniel
Schneidermann de l'antenne de France 5 et sa volonté de poursuivre son
projet ailleurs pour en découvrir les nouvelles possibilités
multimédia, de format et d'outils d'interaction au public (« Ca
m'excitait intellectuellement de continuer sur un support nouveau qui soit un
site Internet ») correspond bien a ce qu'0livier Blondeau appelle une
. différenciation sectorie((e, p(us qu'une recherche de
singu(arité novatrice de formation, de création de nouveaux
médias139 ».
*****************************
Il semblerait que preter aux web journalistes comme ambition
initiale de faire du « citizen journalism » et du « web 2.0
» serait trop hfitif, bien qu'ils leur arrivent d'évoquer Internet
comme un média horizontal. Au contraire, leurs discours
témoignent davantage d'une sorte de réticence et d'une
volonté de garder la production journalistique au cceur du site en le
séparant distinctement des interfaces participatives. Les contenus
générés par les utilisateurs (UGC) viennent alors en
réaction (contre-point, complément, correction, expression
d'opinions ou d'expériences personnelles...) et mettent ainsi en valeur
l'information en permettant une implication et une proximité du lecteur.
Cela a l'avantage de fédérer une communauté d'internautes
qui soutiennent le journal et valide par son
137 Ibid.
138 44 Ne détestez pas les médias.
Devenez les médias », cf. Jello Biafra et actuel slogan
d'Indymedia,
http://www.indymedia.org/fr/
139 Ibid.
adhésion la qualité des informations mises a sa
disposition la plus part du temps par l'abonnement et le vote de
recommandation.
Mais, cette participation que l'on peut qualifier de . douce .
(dans la mesure oil il ne s'agit pas a proprement d'une production de contenus)
constitue une majorité silencieuse qui interpelle les
représentants de ces sites. Comme l'a fait remarquer Daniel
Schneidermann, une grande partie des abonnés d'Arrêt sur images ne
viennent que sporadiquement sur le site et ne participent . pas des masses .
selon ses propres termes.
Le Directeur d'Arrêt sur images semble attribuer cette
passivité a la migration de son émission sur Internet et au fait
que beaucoup d'anciens asinautes ne sont pas coutumiers de l'utilisation de ce
médium, d'oil une stratégie de . délinéarisation .
(Canal 94 de la Freebox). 0r, si on retourne la question, on peut
s'étonner que l'émission n'ait pas davantage attiré un
nouveau public du fait même de son médium, a savoir les
internautes, et que ce journaliste s'inquiète davantage de la 3
transhumance numérique . de ses anciens
téléspectateurs.
De même, Médiapart s'inquiète du fait que
le Club commence a être accaparé par un petit nombre de
contributeurs, qui le . squattent ., voire le . trollent ., ce qui remet en
cause l'hétérogénéité représentative
du journal notamment d'un point de vue politique. La crainte sous jacente est
que le Club ne devienne un lieu oil celui qui criera le plus fort sera le plus
entendu et la rédaction est donc la pour modérer.
0n peut toutefois supposer que cela vient davantage du fait
que le Club n'a pas atteint une masse critique qui permette qu'une
autorégulation s'installe grace a une
hétérogénéité plus grande. En effet, si
l'accès aux publications du Club est libre, la participation constitue
un . plus produit . et n'est possible que pour les abonnés. La encore
cela révèle un paradoxe dans la mesure oil, si les contenus ne
font pas partis de l'offre payante, c'est qu'on ne leur accorde pas la
même 3 valeur informative » que le journal, mais participer est un
service que l'on paye au même titre que ce dernier. La production amateur
valorise le site, mais pas le journal. C'est en quelque sorte du
crowd sourcing indirect, dans la mesure oil si la plus value des
UGC en terme informationnel est accessoire au journal, ils
constituent tout de même un argument promotionnel («
Profitez des services du Club >).
0r, si l'on revient a la définition du
crowd sourcing, il s'agit de faire appel au travail d'internautes
pour ensuite valoriser de manière marchande le trafic
généré, en général par la vente d'espaces
publicitaire, en l'occurrence par la vente d'abonnements. Et si l'on argue que
le Club représente un facteur minime dans la « décision
d'achat . et que c'est bien le contenu du journal qui est déterminant,
pourquoi ne pas le laisser libre d'accès ? Parce que cela permet de
fédérer une communauté d'internautes « captifs >.
Mais en même temps, celle-ci ne constitue un réel soutient au site
que si elle atteint une certaine visibilité. De plus, la fermer
restreint la possibilité d'augmenter cette dernière et rend son
contenu moins attractif, ce qui a tendance a nuire a son principe
même.
Par ailleurs, permettre que l'on puisse y participer
gratuitement impliquerait en partie une autonomisation du Club. Cependant, les
blogs doivent entrer plus ou moins dans la ligne éditoriale du journal
et doivent en quelque sorte agir en réaction de ses articles. Cependant,
on pourrait imaginer que, si le fait d'avoir un blog soit payant, le fait de
les commenter ne le soit pas, mais ce sont souvent les bloggers qui
réagissent aux posts de leurs pairs et cela ne résoudrait pas le
syndrome du vase clos.
Dans ce cas, soit la modération se fait plus stricte
(ce qui n'est pas le parti pris de Médiapart jusqu'à
présent), soit la participation au Club devient libre et on
élargi la vocation du Club a une réelle fonction de plate-forme
de blogs. Cela aurait le mérite de pousser le concept de la double
fonction du site (journal et hébergeur d'UGC) jusqu'au bout.
A contrario, on pourrait penser
qu'il s'agirait plutot d'« irriguer . davantage ces sites selon les termes
d'un asinaute (cf. Hurluberlu). Autrement dit de les associer plus
étroitement a la démarche du journal en les impliquant davantage
dans les décisions et en les accompagnant dans la production commune de
l'information. Cela reviendrait a creuser l'idée des Editions
participatives de Médiapart, sortes de blogs animés en
collaboration avec des abonnés et chapeautés par un journaliste
de la rédaction autour d'un thème. Permettre aux internautes de
s'associer au
travail de la rédaction constitue un risque sur
plusieurs plan, notamment celui de la légitimité journalistique
et nécessite de fait un parti pris prononcé comme c'est le cas
d'Agora Vox.
Cela implique aussi que les journalistes acceptent de
collaborer avec des amateurs et un travail de proximité sans pour autant
avoir un parti pris pédagogique aussi fort que celui de l' .
école du Bondy Blog >140 par exemple. Les rencontres et
les journées portes-ouvertes qui ont eu lieu a Médiapart semblent
aller dans le sens d'un dialogue plus prononcé entre la rédaction
et les bloggers, mais davantage en ce qui concerne l'optimisation du Club
qu'une réelle association. Mais ce type propositions pourrait etre
percue par les bloggers comme un volonté de main mise sur le Club et
pose la question de l'échelle de ce genre d'initiatives. La
rédaction étant restreinte, cela impliquerait un réel
investissement de la part de l'équipe. 0r, comme l'a souligné
Tristan Mendès-France les sites d'information sont souvent
dépassés et n'accordent pas assez d'importance a la
modération. La gestion des espaces d'interaction ne semble pas percue
comme faisant partie intégrante du travail journalistique, mais comme
une activité ad hoc empiétant sur celle-ci.
0n pourrait davantage penser a une implication accrue du
lecteur dans le processus de construction de l'information en terme d'ouverture
quant aux dessous du travail des web journalistes. A l'instar des
émissions de . making off . d'Arrêt sur images, on peut
évoquer : les conférences de presse en direct sur Rue 89, les
chats en Direct avec des journalistes suite a l'un de ses . papiers ., des
propositions de sujets, ou de questions a poser a des invités
interviewés. Cela impliquerait que le site fasse une plus grande place
au role de l'internaute dans son propre travail non seulement en aval comme
cela se fait déjà (commentaires, votes...), mais également
en amont.
Cette interaction accrue est par définition chronophage
et pose la question de la vocation et la stratégie de positionnement que
se fixe le site, mais constituerait une véritable initiation au
décryptage de l'information, qui constitue précisément
l'objet d'arrêtsurimages.net. En outre, beaucoup de journalistes veulent
se constituer en vigie pour guider l'internaute dans sa recherche
d'informations fiables en opérant une sélection et
hiérarchisation sur leur site. 0r, cette initiation a la production de
l'information, sans etre trop didactique (via la curiosité de la
140
http://20minutes.bondyblog.fr/texts/zbb-ecole-du-blog
3cuisine . de la rédaction), pourrait constituer un
premier pas vers l' . éducation aux médias et a l'image . que les
chercheurs en sciences sociales appellent de leurs voeux. Avec pour corollaire
de peut-être rendre le regard des internautes dans le travail
journalistique par trop invasif pour les professionnels, voire une surveillance
critique telles des souris de laboratoires.
Les internautes, que ce soit sur Médiapart ou
Arrêt sur images, ne participent peutêtre pas autant
qu'espéré, du fait même qu'ils ne se sentent pas investis
de la production collective de leurs contenus et agissent donc davantage en
lecteurs qu'en internautes actifs141. Les modèles actuels
n'ont pas pleinement réussi a intégrer leur participation et a
changer l'approche de l'information du fait d'une certaine permanence dans la
manière d'envisager sa production.
Les différentes possibilités d'évolution
proposées appellent dans tous les cas une certaine renégociation
de la place de chacun sur le site et pose la question des différentes
formes possibles de participation que les internautes souhaitent. ll s'agirait
d'étudier non seulement leurs pratiques de navigation et des outils
d'interaction mis a leur disposition, mais également la manière
dont ils se représentent leur role sur le site et leurs attentes en la
matière. Au dela des représentations des web journalistes et sans
pour autant tomber dans une logique 3 de la demande ., ces sites
dépendant de leurs abonnés non seulement sur le plan
pécuniaire, mais également quant a leur . animation ., un
étude approfondie de leurs attentes ouvrirait peut être de
nouvelles brèches dans la structure même des dispositifs
informationnels.
141 Comme le note Franck Rebillard, cela ne
signifie pas pour autant qu'ils soient passifs dans la mesure oil, même
l'exercice de son esprit critique a la lecture d'un article constitue le signe
d'une posture active.
6. Conclusion
Médiapart et Arret sur images sont des sites
indépendants d'information qui ont récemment fait le pari du .
participatif >. Autrement dit, de constituer un site alliant a la fois du
contenu journalistique et des contributions amateurs, par
l'intermédiaire de commentaires, de forums, de blogs, ou de votes.
Après un peu plus d'un an d'existence, pour beaucoup, c'est l'heure du
premier bilan en matière de viabilité économique. Mais, du
fait qu'ils aient opté pour un modèle payant basé sur
l'abonnement, cette question est également liée a celle de
l'adhésion des internautes a leur offre. Cette dernière comprend
non seulement la qualité intrinsèque des contenus
rédactionnels, mais aussi leur capacité a modérer et
animer une communauté d'internautes.
La participation de ces derniers est l'une des raisons
avancées par les représentants de ces sites pour expliquer leur
migration sur le web et constitue un élément souvent mis en avant
dans leur positionnement vis-à-vis des médias dits traditionnels
(liberté d'expression, indépendance, proximité avec le
lecteur...). Le 3 participatif . est donc une composante essentielle de leur
démarche initiale. 0r, les discours de ces web journalistes issus de
médias classiques révèlent une certaine ambivalence a
l'égard des contenus générés par leurs
abonnés actifs, ce qui pose la question de savoir qu'elles
représentations ils entretiennent au sujet de la place et du role de ces
derniers sur leurs sites.
Cette notion soulève plusieurs points de crispation
comme les questions du professionnalisme, de la qualité, de la
gratuité ou de l'organisation, qui sont sujettes a débat dans
la profession et de fait chez ces journalistes qui sont a cheval
entre deux modèles de fonctionnement. Celui des
contributions amateurs est basé sur la valeur de partage et de libre
accès des connaissances sur des plates-formes d'UGC marchands ou
bénévoles et auto-organisés. Celui des contenus
journalistiques émane d'une structure hiérarchisée et
professionnelle. Sur les sites indépendants d'information, une
rédaction est « aux commandes . (construction du site, production
d'articles et modération), mais certaines de ses publications sont
amateurs. 0il se situe le curseur des attentes des web journalistes a
l'égard des internautes : cohabitation, échange, collaboration
?
Comme nous l'avons vu au travers de l'analyse des entretiens
menés, les web journalistes officiant sur ces sites développent
par certains cotés un discours enthousiaste quant a la participation des
internautes (même s'ils ont conscience que la part d'abonnés
« actifs . demeure marginale). Ce présupposé fait parti du
postulat de départ ayant initié leur démarche sur
Internet.
Cependant, que ce soit du a leur parcours dans les
médias traditionnels ou a leur expérience empirique du «
participatif ., ils ont d'un autre coté tendance a relativiser la valeur
et l'importance qu'il revet sur leurs sites. Cette demidéception est
révélatrice de représentations du concept du « web
2.0 » ambivalentes. La participation est a la fois « trop .
(virulente, foisonnante, ne correspondant parfois pas a la lige
éditoriale du journal...) et « pas assez » (importante,
vérifiée, éditorialisée...).
Nos résultats tendent a confirmer nos hypothèses
au sujet de l'ambivalence des représentations des web journalistes
d'Arret sur images et Médiapart au sujet de la place et du role des
internautes contributeurs.
De fait, une sorte de statut quo s'instaure sur ces sites et
invite a interroger ces attentes si l'on ne veut pas que ces tentatives
d'intégrer le « participatif . a un site d'information ne
deviennent un voau pieu mort-né. Cette situation appellerait maintenant
a se tourner vers les attentes des internautes afin de cerner les points de
jonction avec celles des web journalistes. Cela permettrait de mieux
définir les enjeux collectifs, qui définiront l'évolution
de ces sites participatifs.
SYNTHESE
Depuis 2007, de nouveaux acteurs de l'information sont apparus
en ligne. Des journalistes tels qu'Edwy Plenel ou Daniel Schneidermann ont
migré des médias traditionnels vers le « web 2.0 . pour
fonder des sites indépendants d'information. Au dela de leur recherche
de modèles économiques viables, se pose la question du rapport
que ces équipes rédactionnelles entretiennent avec les
internautes et de leur manière d'appréhender les nouveaux moyens
d'interaction et de co-production de l'information qu'offre Internet.
Les rapports entre journalistes professionnels et «
pro-amateurs . sont en permanente redéfinition sur Internet et
constituent l'un des enjeux de ces nouveaux sites pure
players. La conception du métier de journaliste est en
débat et ses pratiques évoluent au contact du « participatif
». Ce « buzz word » est une notion clé de la
démarche de ces sites notamment en tant que positionnement
différentiel par rapport aux médias traditionnels.
La question du « participatif . s'articule autour d'un
ensemble de « noeuds . (au sens ou ces problématiques sont
étroitement entremelées) tels que celui du professionnalisme, de
la valeur (qualité et prix) et de l'organisation des contributions des
internautes. Le modèle mixte que propose les sites indépendants
d'information, en tant qu'ils relèvent a la fois d'une structure
professionnelle avec des espaces participatifs, cristallise ce débat.
Issue de la tradition de collaboration de la web culture, la
notion de participation s'inscrit par ailleurs dans une logique d'auto
structuration, d'indépendance et de légitimation
différente de celle d'un média. Valeurs que les journalistes non
« digital natives . semblent avoir du mal a intégrer dans leur
propre schème de organisationnel tout en tentant de l'y
intégrer.
Le « participatif » est un concept qui n'est pas
né avec le « web 2.0 », mais qui résulte d'une
tradition activiste (Félix Guattari, Hakim Bey...). Cependant, Internet
de part sa taille et sa nouveauté technologique lui a
conféré une ampleur trompeusement révolutionnaire. Pariant
sur l'intervention des internautes comme
facteurs de développement de nouveaux services web plus
adaptés, les zélateurs 2.0 lui attribuent l'accession du Net a
une nouvelle phase de son évolution. En terme d'information, c'est la
rhétorique du . tous journalistes ., apparu notamment avec les blogs,
qui prime. Cela influe (par adhésion, ou par résistance, en tout
cas par contamination contextuelle) sur la réflexion quant au role des
internautes dans la chaine de production de l'information et de fait sur le
métier de journaliste. 0r, le fait que la participation tire ses
origines dans les mouvements activistes montre qu'il s'agit de ne pas
négliger l'interrogation plus profonde qu'elle pose quant a la structure
même de l'information et les attentes profondes des internautes au sujet
de la nature de sa production. Au dela du phénomène de mode et de
l'argument marketing, c'est bien une alternative via le . participatif . qui
est recherchée et qui questionne l'organisation traditionnelle des
médias ayant migré sur le web.
Concrètement, les discours des représentants des
sites étudiés révèlent une certaine ambivalence
dans leurs rapports aux internautes, notamment en matière d'attentes et
de postures vis-à-vis de leurs contributions. Ces dernières sont
a la fois percues comme quelque chose de souhaité, voire de
révolutionnaire, car permettant la constitution d'un média plus .
horizontal . et en même temps parfois percues comme une menace ou comme
quelque chose de décevant. Les représentations qu'ont les web
journalistes du . participatif . sont donc dans une certaine mesure paradoxales
et tend a montrer qu'ils ne sont pas encore . au clair . avec ce concept et
donc leur propre démarche.
Ce qui se joue sur les espaces d'interaction entre les
journalistes et les internautes est a cheval entre deux conceptions de
production de l'information, dont ces sites indépendants essaient peu ou
prou de faire la synthèse pour tirer parti d'un nouveau modèle
mélangeant le meilleur des deux. A la fois basés sur la logique
de production spontanée de la communauté (davantage au sens d'un
forum que d'un réseau social) et professionnelle de la rédaction,
ces sites ont toujours une jambe beaucoup plus développée que
l'autre a savoir celle des journalistes.
Même si le but recherché n'est pas la .
parité ., ces sites sont créés, dirigés
et animés par des professionnels de l'information qui souhaitent
offrir un cadre favorable a l'expression des internautes. 0r les
critères qui ont prévalus a la
constitution de cet espace commun ont été
prédéfinis par la seule partie initiatrice du projet, alors
même qu'à l'instar de la pétition de soutien a Arrêt
sur images ayant circulé sur Internet, les abonnés ont
joué un role important dans la constitution de ces sites. Ces
critères relèvent en partie les préconcus
théoriques et les attentes que les journalistes entretiennent au sujet
du participatif.
Si ces espaces évoluent de manière empirique au
contact des internautes, il s'avère cependant que les journalistes ne
sont pas enclins a leur accorder le statut de collaborateurs et ne les
intègrent pas pleinement au processus de production du l'information,
voire du site. TantMt voulant ne pas céder aux sirènes du tout
participatif, tantot décus qu'il n'y en ait pas davantage, les web
journalistes n'ont pas encore pris le parti ni de rendre autonome ce pan de
leur activité ni de l'intégrer complètement a cette
dernière.
0r si cela n'est pas fait, il est a craindre que ces espaces
d'échange perdent de leur sens et que l'on attribue cela a un
échec du . participatif ., davantage qu'à ce modèle mixte.
Il s'agit analyser les attentes des internautes en la matière, les
attentes projetées des journalistes et de fait les raisons de son
évolution actuelle.
APPROCHE DES REPRESENTATIONS DU
« PARTICIPATIF » DES REPRESENTANTS DES
SITES
INDEPENDANTS D'INFORMATION :
@RRETSURIMAGES ET MEDIAPART
*********************
ANNEXES
7. Annexes
TABLE DES MATIERES DES ANNEXES
7.1. Retranscription de l'entretien avec Daniel Schneidermann
(apres autorisation), vendredi 30/01/09, 15h15 dans les locaux d'Asi 93
7.2. Lexique 110
7.3. Présentation des sites du corpus
7.3.1. ArrFt sur images 114
7.3.2. Médiapart 116
7.4. Index des noms propres 118
7.5. Index analytique 122
7.6. Bibliographie 124
7.1. Retranscrip tion de l'entretien avec Daniel
Schneidermann (apres autorisation), vendredi 30/01/09, 15h15 dans les locaux
d'Asi
Durée approximative de l'enregistrement : 30 minutes.
Durée totale de l'entretien : 1 heure.
Pour une question de lisibilité, mes consignes et
relances sont signifiées en gras et les hésitations sont
remplacées par la mention ...... Certaines formulations parlées
ont cependant été conservées.
Alors en guise d'introduction je voulais juste vous
demander de me resumer en fait l'ambition du site Asi pour vous
?
Etre un site de réflexion en tant que tel et de critique
sur les médias.
Et o] en etes vous selon vous par rapport a ce projet
la ? Est-ce qu'il evolue ? Nous le poursuivons tous les jours.
Et est-ce que vous pouvez me parler des rapports que
vous avez avec les médias traditionnels ? Comment est-ce qu'ils ont
accueilli votre site ?
0n a des rapports d'informateurs a... enfin comment dire, de
journalistes a source. Les médias traditionnels sont notre objet,
d'enquête, d'investigation, d'analyse. Donc on enquête sur eux, on
les analyse, on les critique et cette démarche détermine la
totalité de nos rapports.
Par « determiner » vous entendez quoi ?
C'est-à-dire qu'elle régit la totalité de
nos rapports.
Et comment vous qualifieriez ces rapports
?
Comme je vous l'ai dit, des rapports de journalistes a source...a
objet.
Est-ce que vous les qualifieriez de rapports de
domination, conflictuels, amicaux... Si vous deviez donner un
adjectif.
[soupirs] Et bien, je dirais que si je devais donner un
adjectif je ne saurais pas lequel donner, parce que si vous voulez c'est des
rapports traditionnels du
journaliste a l'objet de son enquête. Nos rapports avec
les médias traditionnels sont les même que ceux d'un journaliste
politique avec le milieu politique, sont les même que ceux d'un
journaliste économique avec les entreprises, sont les même que
ceux d'un journaliste sportif avec Amélie Mauresmo, voila donc c'est des
rapports de journalistes a son objet, c'est des rapports professionnels.
Professionnels, d'accord. Que pensez-vous qu'ils
pensent de votre site ? Je pense pas qu'on puisse
généraliser.
Sans faire une regle générale, sans
citer forcément de nom non plus, a votre avis comme ca
?
Si vous me demandez comme ca, vous me demandez une loi
générale.
Si vous voulez citer des exemples vous
pouvez.
Si vous me demandez comme ca vous me demandez de
généraliser. Par « comme ca » j'entendais un avis
spontané, de...
D'être général !
Vous pouvez détailler des exemples si vous
voulez ne pas tomber dans la généralité.
... Pour m'en tenir a leur expression publique, on a des gens
des médias traditionnels qui nous sont extrêmement hostiles comme
Morandini, on a des gens de médias traditionnels qui sont bienveillants
envers notre travail, je pense notamment a Nicolas Demorand, qui a fait un
édito sur France Inter il y a quelques semaines au moment du premier
anniversaire du site pour expliquer a quel point il pensait que ce site
était nécessaire et intéressant. Donc vous voyez, le panel
va d'un extrême a l'autre et entre les deux il y a toute la gamme. De .
ouai c'est des cons, donc ils nous emmerdent, c'est des empêcheurs de
tourner en rond, c'est des redresseurs de tord etc.. a voila, toute la
gamme.
D'accord, donc la vous me parlez sur le plan
professionnel. [hochement de tête]
D'accord.
Pouvez vous me dire ce qui vous a motivé a
poursuivre le projet Asi sur Internet ? ... 1) que je croyais a
l'utilité du travail et que j'avais envie de le continuer. 2) Ca
m'excitait intellectuellement de continuer sur un support nouveau qui soit un
site Internet et 3) la mobilisation des internautes qui s'est manifestée
par la pétition de soutien et par le succès de
[incompréhensible] préalable.
En quoi le support Internet vous - excitait .
?
Parce que ca permet de faire des choses que je n'avais jamais
faites. ...Ca permet d'abord de manier a la fois l'écriture, l'audio et
la vidéo, ce que j'avais jamais fait nul part. Et ca permet surtout de
ne pas formater ses interventions, ce que ne permettent pas les médias
traditionnels. Ma chronique, du Monde et
de Libé, elle doit avoir un certain nombre de
signes et pas plus ni moins. Sur France 5 elle devait faire 52 minutes. 0n
pouvait déborder de 52min30 et elle devait pas déborder de son
petit couloir. Donc... ca permettait de ne pas formater.
La troisième chose que permet Internet par rapport aux
médias traditionnels c'est d'avoir un rapport différent avec son
public. C'est-à-dire, d'être moins, de ne plus être enfin
d'être, enfin de ne plus être tout a fait dans un rapport vertical,
mais d'être dans un rapport d'échange horizontal. Ca je dirais que
c'est complètement, enfin c'est la principale différence, c'est
la principale différence.
Et comment vous définiriez la place des
internautes sur votre site ?
... D'abord, je veux dire en dehors des espaces a disposition
dans lesquels ils peuvent réagir aux contenus... dialoguer avec nous et
on va beaucoup sur le site, on a tous les gens de l'équipe qui vont sur
le site, c'est presque en permanence fourré sur le site en train de
discuter avec les, sur les forums avec les internautes, et ensuite ils sont
apporteurs d'idées. Il sont un apport d'idées extrêmement
important. Eux-même nous signalent des choses dans les médias
qu'on a pas forcément vu, parce qu'on peut pas tout regarder, tout
lire.
Et parce qu'ils nous apportent parfois des idées qui
sont liées a leur vie a eux. Il y a quelques jours, une de nos
abonnée, qui est marocaine et qui avait en septembre, interpellé
sur France Inter Hortefeux sur la difficulté qu'elle avait pour obtenir
des papiers, nous a écrit pour dire voila ca fait depuis septembre que
j'ai interpellé
Hortefeux, voila ce qui s'est passé depuis, ou plutot ce
qui ne s'est pas passé. Voila on a fait un papier, je sais pas si vous
l'avez lu_
Et bien ca c'est typiquement si vous voulez, nous ont a fait
un papier et la discussion s'est poursuivie dans le forum entre elle et les
lecteurs. C'est typiquement ce que permet de faire Internet et c'est
typiquement la richesse d'Internet.
Et la est-ce que vous considérez que vous
êtes encore dans la critique des médias ? 0ui. 0n
est dans le, quand on, parce que si vous voulez le, « Les Auditeurs ont la
parole » [« Inter-active »] la petite tranche de France Inter
entre 8h40 et 9h oil les auditeurs peuvent appeler et interpeller les
invités c'est une séquence médiatique. Avoir quelqu'un qui
interpelle Hortefeux, Hortefeux qui répond : « Mais ca va
s'arranger, écrivez-moi et je vais arranger le coup etc. » 0n est
typiquement dans un projet médiatique. Le dialogue direct entre un
citoyen et un Ministre sur une radio, on est typiquement dans ce produit
médiatique. Quelles sont les suites donc de ce produit médiatique
? Quelles sont les suites de ce moment médiatique ? 0n est
complètement chez nous là_ Vous ne pensez pas ?
Vous me répondez par une
question...
Joker. Vous deviez etre très forte a Ni oui Ni non quand
vous étiez petite.
C'est-a-dire que vous êtes journaliste, donc je
comprends la difficulté pour vous de répondre a des questions
sans en poser mais...
[rires] Vous deviez etre très très forte au Ni oui
Ni non.
Effectivement. Donc, pour vous les internautes c'est
: des sources, des coproducteurs, des récepteurs... Quel nom vous leur
donneriez ?
Arf, des abonnés ! Quand je les appelle sur le plateau
je dis les abonnés. Des fois, il y a un « les
téléspectateurs » qui m'échappe, les internautes, les
« asinautes », on les appelle « asinautes ». Voila, on
utilise un peu indifféremment tous ces mots. Parfois sur le plateau j'en
emploie un plutot qu'un autre parce que c'est celui qui me vient a ce moment
la. Si vous me demandez la a froid comment je les appelle, le rapport qui nous
lie a eux c'est celui d'abonnés !
D'accord. Mais le role en tant que tel que cette
appellation entend ? Ben je vous l'ai dit réagir et
suggérer !
D'accord.
Et bien d'abord lire ! Bien sur [rires]. D'abord lire, regarder,
écouter. Et ensuite réagir et proposer.
Dans les forums... Et est-ce que vous pensez
élargir leur espace d'intervention ? De quelle maniere
?
Par exemple, Dannette O'Choc ?
Ah oui, ca c'est pas qu'on pense le faire !
Ou par rapport a la
ménagère...
Ca on le fait déjà, effectivement. Alors, je ne
sais pas si vous le savez, vous l'avez sans doute remarqué, mais on a
mis sur pied un système de vote sur les commentaires, ils peuvent voter
et...
Une fois toute les 24h...
Et les 5 commentaires qui obtiennent le plus de votes tournent
en permanence sur la home page. Ca c'est une maniere de leur donner plus de
visibilité. Ca j'ai pas pensé a vous le dire, mais ca, c'est a
mon sens tres important. Ca leur permet entre eux de décider lesquels
des commentaires qu'ils font, doivent avoir une visibilité sur la Home,
et quand moi ou quelqu'un de l'équipe trouve qu'il y a un commentaire
qui mérite encore davantage, parce qu'il est spécialement
éclairant, spécialement talentueux, spécialement bien
écrit, spécialement interpellant, spécialement tout ce que
vous voulez. En plus, on crée un contenu avec ce commentaire et on en
fait un... Ca arrive rarement hein... Pas plus d'une ou deux fois par mois.
Mais ca, je trouve ca important aussi, quand il y a un commentaire que je lis
et que vraiment faudrait que tout le monde puisse lire ca, c'est dommage que ce
soit paumé dans les profondeurs du forum. Donc voila, l'outil est
vraiment indispensable.
Donc vous mettez du contenu d'un internaute dans un
cadre reserve aux journalistes.
0ui, mais avec une petite signalisation quand même
puisqu'on a crée une petite catégorie qui s'appelle . Dans les
Forums >. 0n a une catégorie enquête, une catégorie
observatoire, on a des catégories machin bidule et on a une
catégorie 3 Dans les forums >. Donc voila je pense pas qu'il y ait
d'ambiguïté, les abonnés savent bien qu'il s'agit d'un texte
d'un abonné, qui vient d'un abonné.
Et vous citez le nom de l'abonne, enfin, son pseudo.
0ui.
D'accord. Par rapport aux autres sites comme
Médiapart, Rue 89, tous les sites d'information qui se sont crées
ces deux dernières années, quels sont les rapports que vous
entretenez avec eux cette fois ci ?
Personnels ?
Au titre au quel vous l'entendez.
En fait, on traite les nouveaux médias comme les
anciens, c'est-à-dire qu'on les considère comme des sources,
comme d'habitude. C'est-à-dire aussi bien quand ils produisent un
contenu qui nous paralt intéressant et quand ils leur arrivent des
choses dans leur vie interne et qu'ils les communiquent, on les traite aussi,
exactement comme s'agissant d'anciens médias.
A la fois ça, en même temps on les traite pas
exactement comme d'anciens médias parce qu'il est clair qu'on se sent
une parenté. 0n se sent avec eux une parenté d'aventure.
De part le media...
0ui. Peut-être qu'on regarde avec une intensité
peut-être plus intense que les autres ce qui arrive a Rue89, a
Médiapart, a Bakchich, ce qui arrive aux sites d'information. Bah, c'est
humain ! En même temps bien que nous sentant cette parenté avec
eux, on essaie de les traiter comme des objets d'étude, d'investigation,
comme Le Figaro, France 2, France Inter.
Et qu'est-ce qui vous différencie ou au
contraire vous rapproche d'eux ?
Ce qui nous rapproche c'est le média ! [rires] C'est
des gens qui font de l'information sur Internet ! Et ce qui nous
différencie c'est l'objet. C'est-à-dire que nous on n'est pas un
site généraliste, on est un site sur les médias.
Et par rapport a leur modèle, leur structure
?
Bah, ce qui nous différencie des sites gratuits, c'est
qu'on n'est pas gratuit. Ce qui nous différencie des sites qui font de
la pub, c'est qu'on ne fait pas de pub. Ce qui nous différencie de
Médiapart, c'est qu'on est moins cher.
[...] Et une autre chose qui nous différencie fortement
par rapport a eux c'est, un de nos contenus les plus (...) vedettes, c'est
l'émission hebdomadaire, personne ne fait ca.
D'accord. Avez vous déjà pensé a
vous associer a eux autour d'un projet ou par rapport a un engagement ou
quelque chose comme ca ?
... Rédactionnellement je ne le souhaite pas, je pense
pas que ce serait bien. Il faut que chacun garde sa pleine indépendance.
En revanche, professionnellement si vous voulez, pour défendre les
intérêts économiques de nos médias en
matières de charges sociales, tout ce qui concerne les
intérêts proprement économiques de nos médias, je
pense que ce serait envisageable et même souhaitable. De la même
manière que si vous voulez, pour prendre l'exemple
extrême, Le Figaro et L'Huma
appartienne au même syndicat professionnel et quand il
s'agit de discuter avec les pouvoirs publics les mesures d'aides a la presse
par exemple, c'est le syndicat professionnel qui y va et qui négocie au
nom du Figaro et au nom de
L'Huma. Voila, même si Le Figaro
et L'Huma : ok... Ils sont tous les deux des
entreprises d'un même secteur, ils ont des intérêts communs
a défendre si vous voulez et voila. De la même manière que
dans le syndicat des télévisions privées on retrouve TF1,
Canal+ et M6, qui par ailleurs se tirent la bourre en permanence. Dans le
syndicat des banques on retrouve des banques concurrentes, voila. Ca me
paraltrait pas choquant que les sites d'information est le même type de
structure. Et si on me propose d'y participer, je dirais oui et peut être
même qu'un jour oil l'autre on en prendra l'initiative.
Et par rapport aux Etats généraux de la
presse, quelle position avez vous eu ? Et bien ca on l'a
expliqué sur le site, on y est pas allé.
Vous avez été invité
?
[rires] Si déjà... Non mais je pense qu'on a pas
été invité parce que dès le début,
dès que le truc a été lancé, on avait clamé
haut et fort qu'on trouvait ca insensé que ce soit le pouvoir politique
qui se mette en tête de sauver la presse. Le pouvoir politique n'a pas a
sauver la presse. ll n'a pas, si vous voulez a impulser une démarche qui
mélange l'économique et le rédactionnel, comme c'est le
cas de cette initiative. Et donc non nous, de toute facon non, on nous a pas
demandé, mais si on nous avait demandé, on n'y serait pas
allé.
Et par rapport a l'indépendance dont vous
parliez tout a l'heure, comment la définiriez vous ? Quels sont les
critères d'indépendance pour votre site ?
Et bien les critères c'est qu'on est indépendant
par rapports a la pub, puisqu'on a pas de pub et on est indépendant par
rapport a des complexes d'investisseurs, puisqu'on a pas d'investisseurs,
puisqu'on tourne uniquement avec l'argent de nos abonnés. Donc... ca
c'est deux formes d'indépendance importantes.
Après, ca ne veut pas dire que ca nous place dans une
situation totale d'indépendance. 0n est dépendant de nos
abonnés. Et au début d'ailleurs, certains ne se privaient pas de
nous le faire savoir en nous laissant des messages [incompréhensible]
quand ils étaient pas contents, ce qui arrive toujours, parce qu'il y a
toujours des lecteurs qui ne sont pas contents d'un média. Et quand ils
étaient pas contents, ils laissaient des messages : . Si c'est comme ca
je me désabonne. Je regrette de m'être abonné. Je ne
renouvellerai pas. Je veux me désabonner . etc. Ce qui m'a amené
a un moment a mettre les choses au point avec eux. Et a leur dire vous
êtes bien gentils, mais les patrons les nous ! Ceux qui font le site
c'est nous ! 0n est dans une démarche de... de dialogue avec vous, de
discussion avec vous dans les forums, d'appel a vos suggestions etc. mais en
dernier ressort, ceux qui décident de ce qu'on met en ligne et de ce
qu'on met pas en ligne c'est pas vous. Ceux qui choisissent les sujets c'est
nous, c'est pas vous. Et, d'une part, et d'autre part, nous serons
imperméables au chantage au
désabonnement, donc si on considère qu'on doit
traiter un sujet ou pas le traiter, c'est pas parce qu'on aura 50 ou 100
messages dans le forums qui nous dirons . si vous faites ca je me
désabonne ., c'est pas pour ca qu'on ne le fera pas. Et, je sais pas si
ca a marché, mais je constate qu'effectivement passé quelques
semaines le chantage a disparu. Bon, alors après si vous voulez, il y a
des gens qui se réabonnent, il y a des gens qui ne se réabonnent
pas, c'est leur choix d'abonnes. Voila.
Donc vous avez en quelque sorte posé les
limites que de votre collaboration avec les internautes ?
0ui, on peut le dire comme ca.
(...)
A un moment vous aviez parler de fonder une
association, est-ce que vous pouvez m'en parler ?
0ui... l'idee m'avait traversee en juin, on voyait le pouvoir
multiplier les initiatives de taxation contre tout ce qui touchait aux sites
Internet, les entreprises de l'Internet si vous voulez. Et a un moment j'avais
dit bon, ca aurait ete une idee un peu voisine de constituer un syndicat
professionnel avec les sites d'info. C'est de se dire...le pouvoir pourrait
etre tente pour des mauvaises raisons, c'est-à-dire pour des raisons
redactionnelles, de penaliser un certain nombre d'entreprises Internet. Ce
serait peut-etre pas mal que ces entreprises se regroupent et cherchent un mode
de reaction commune. Voila, bon ca n'a pas eu de suites, on a pas poursuivi a
la rentree, parce que, parce que vous voyez on est tout petit, on est 8 donc on
peut pas tout faire a la fois, il faut bien choisir oil est ce qu'on choisit
d'investir notre energie. Et en meme temps, un certain nombre de ces projets du
pouvoir n'ont pas eu de suites, donc l'urgence elle etait moins grande.
Et est-ce que vous vous considéré comme
un site, le mot est un peu provocant, mais c'est choisi exprès, «
militant » ?
Non, non.
Et dans quel sens avez-vous compris mon usage du mot
« militant » ?
[réponse immédiate] Politique ! Et c'est pour ca
que j'ai répondu non. En revanche si vous voulez, si militant veut dire
qui milite pour que les consommateurs de médias puissent acquérir
une certaine maitrise sur la manière dont ils consomment les
médias. Ca oui, on milite pour ca, on milite pour rendre du pouvoir au
public sur les médias. La on est un site militant, je sais pas si c'est
comme ca que vous l'entendiez.
D'accord, est-ce que vous avez un médiateur,
ou chaque rédacteur intervient directement.
[hochement de tête négatif, sourire]
D'accord. Non, je ne sais pas, on pourrait penser
qu'il y a des reunions pendant les quelles vous trancheriez des
questions...
Mais sur quoi ?
Par exemple sur la moderation du forum, les
idées a retenir dans les suggestions de sujets...
Ah ben ca si vous voulez, oui c'est moi qui tranche comme dans
toutes les rédactions. 0n débat, on discute, après sur les
décisions a prendre quand il y a un désaccord dans
l'équipe c'est moi qui tranche bien sur.
Et par rapport a votre deuxième interpretation
du mot militant, est-ce qu'on pourrait la rapprocher de ce que fait par
ailleurs Acrimed ou...
La différence entre eux et nous, c'est que eux sont
militants et se revendiquent militants. Nous, on est des journalistes. Alors on
est des journalistes avec des opinions et des sensibilités si vous
voulez. C'est pour cette raison qu'on a crée des zones très
distinctes sur le site : la zone des enquêtes et des reportages qui est
la zone bleue et la zone des chroniques, qui est la zone rose. Pour bien dire,
pour bien signifier aux abonnés : bleu c'est de l'enquête, c'est
du fait, dans la zone rose les chroniqueurs du site alors la, les chroniqueurs
ont toute liberté pour exprimer leurs opinions, leurs
sensibilités, la manière dont ils voient personnellement les
choses etc. mais finalement comme un peu dans n'importe quel média.
Dans Le
Monde aussi vous avez des faits et des
commentaires, et partout. Donc, on reproduit la meme chose.
Une certaine liberté de ton comme peuvent
l'avoir les internautes dans le forum. Non, je ne dirais pas ca
comme ca, parce que même dans le... ca voudrait dire que dans la zone
bleue il n'y a pas de liberté de ton. Alors que si, il y a aussi une
liberté de ton dans la zone bleue. Et comme disent les journalistes, on
sépare les faits des commentaires, enfin, on essaie.
Et quelle distinction faites vous entre les
informateurs professionnels et d'autres qui peuvent ne pas 'etre professionnels
dans le sens de la remuneration mais qui... Alors, allez-y, posez
votre question, je sens que ca pourrait etre un peu long.
Oui et pas preparee.
Mais je sais bien, c'est pour ca.
Dans le sens ou, en quoi vous, vous placez en tant
que journaliste professionnel ? Du fait de votre carrière, de votre
formation ? En quoi, finalement, votre information a plus de valeur qu'une
information fournie sur des blogs etc. ?
Non, je ne dirais pas plus ou moins de valeur, parce que ca ce
serait dévalorisant pour les autres. Elle est produit selon des
critères journalistiques, c'est-à-dire que ce qu'on fait nous, on
l'a vérifié, recoupé autant que possible auprès de
sources contradictoires et on publie uniquement une fois que ce travail est
fait. C'est la base pour moi de la production journalistique. Les pages
personnelles etc. on est dans un autre univers, on est dans l'univers de
l'expression personnelle, dans l'univers du témoignage, on est pas dans
un univers qui impose par exemple de vérifier quoi que ce soit. Les gens
qui font des pages personnelles ne vérifient rien, on ne leur demande
pas d'ailleurs. Nous, on vérifie. C'est ce qui fait, si vous voulez je
pense que, c'est ce qui fait la gosse différence entre l'expression des
journalistes professionnels sur le Web ou ailleurs et puis les sites
personnels, les blogs, les pages perso.
Vous ne placez donc pas le curseur par rapport au
fait que ce soit payant ou non.
Que ce soit payant c'est une conséquence. Que ce soit
payant c'est une conséquence, puisque vérifier c'est un travail,
donc ca suppose des professionnels pour faire ce travail a plein temps. Tous
les jours, du matin au soir si vous voulez. Et a partir du moment oil c'est un
métier il faut payer les gens. Donc, c'est, comment dire, c'est pas
parce que c'est payant que c'est professionnel, c'est parce que c'est
professionnel que c'est payant.
Et par rapport aux vérifications qui
s'opèrent de la part les internautes par rapport a votre offre
d'information, comment vous voyez ca ?
C'est l'un des avantages d'Internet, c'est que quand on se
plante, ce qui peut nous arriver en dépit de toutes nos
précautions et de tout notre professionnalisme qui est immense. Quand on
se plante, et que les internautes nous rectifient, ce qui arrive a peu
près tous les jours, sur des dates, sur des orthographes, sur des
coquilles, parfois sur des faits, ben on rectifie. D'abord, on vérifie
la rectification, parce qu'il peut arriver que la rectification ne soit pas
pertinente. Et si la rectification est pertinente, et bien on rectifie le
contenu. Ben ca c'est Internet, je vous apprends rien.
Donc en la matiere c'est un peu des collaborateurs ?
Ponctuels.
Ok. Je pensais que vous parleriez tellement plus donc
euh, je suis un peu prise au dépourvu.
Et oui, je suis un gros gibier, résistant. Et très
occupé.
Dans ce cas la le - format . vous convient ?
J'allais le dire.
Remerciements et fin de l'entretien enregistré.
7.2. Lexique
Agrégateur : site Internet permettant a un
internaute de consulter de maniere synthétique et regroupée les
informations des sites qu'il aura au préalable syndiqués.
Blog : espace personnel de publication Web
présentant de maniere antechronologique les
posts, ouverts ou non aux commentaires. Simples d'utilisation et
hébergés sur une plate-forme de publication (exemple : skyblogs,
blogspot...), les blogs sont souvent assimilés a des « pages
personnelles », mais leurs sujets couvrent tous les domaines et ils
peuvent etre tenus collectivement.
« Le mot - blog . est de creation recente.
Faisant echo a la pratique du journal de bord traditionnellement tenu par les
capitaines de navires (ship's log), la forme a d'abord ete designee par le mot
- weblog ., rapidement transforme en - blog .. Cette abreviation a elle-meme
ete particulierement feconde, produisant une forme verbale reguliere (to blog)
et de nombreuses formes nominales, dont le neologisme blogosphere qui fait
reference non seulement a l'ensemble des textes publies sous ce format, mais
encore aux liens dynamiques crees entre differents blogs par la pratique du
referencement reciproque a l'aide de liens hypertextes.
»142
Buzz : (onomatopée anglais signifiant «
faire du bruit ») Principe marketing reposant sur la transmission virale
d'un message suite a sa diffusion sur plusieurs canaux. Ce « bruit .
attire l'attention de quelques uns, volontairement ou non, et va se propager
comme une rumeur a une vitesse exponentielle (plus on en parle, plus on en
parle), jusqu'à l'adoption d'un terme, d'un message, d'un usage par le
plus grand nombre.
Buzzword : mot « a la mode ., notamment dans le
domaine des NTIC, qui n'a pas forcément d'origine ou de
définition précise et renvoyant au phénomene
du buzz. Crowdsourcing (pouvant etre traduit
par « approvisionnement par la foule) :
néologisme inventé en 2006 par Jeff Howe et Mark
Robinson de Wired Magazine. Ce concept désigne
le phénomene d' « outsourcing . (sous-traitance) de tfiches ne
142 SERFATY Viviane, "Les blogs et leurs usages
politiques lors de la campagne présidentielle de 2004 aux Etats-Unis .,
in Mots, les langages du politique, n°80, mars
2006,
http://mots.revues.org/index501.html?file=1
constituant pas le coeur de l'activité de l'entité
faisant appel au travail mutualisé de nombreux internautes dans le but
de les réutiliser a moindre coat.
Digital native : néologisme (to be
a native from signifie en anglais . etre originaire de »)
relatif a la génération ayant grandie avec les nouvelles
technologies numériques, qui lui sont familières et qu'elle
utilise avec facilité et de manière privilégiée.
Foules intelligentes : Concept développé
par Pierre Levy et Howard Rheingold. . individus capables d'agir ensemble sans
se connaltre143 », car associés via de nouvelles formes
de contrats sociaux permises par une technologie.
Flux RSS : RSS signifie . Really Simple Syndication
». Il s'agit d'un outil de flux de données basé sur le
langage XML, qui permet de syndiquer et de diffuser très facilement du
contenu sur Internet.
Freerider : A rapprocher de la notion de . passager
clandestin » du socioéconomiste américain Mancur 0lson dans
son ouvrage de 1965, Logique de l'action collective.
Cela correspond a la tentation de ne pas participer tout en profitant des
contributions des autres en misant sur le fait que le reste de la
communauté continuera de le faire.
Home page : page d'accueil d'un site.
Long tail (longue tralne) : 0n appelle . longue tralne
» la partie a droite de la courbe de Pareto qui tend vers l'infini. La
longue tralne des produits culturels désigne tous les biens qui ne font
pas partis des meilleures ventes, mais qui trouvent néanmoins des
acheteurs.
NTIC (ou TIC) : abréviation de . Nouvelles
technologies de l'information et de la communication » regroupant
communément les télécommunications, l'informatique et
l'Internet.
143 Ibid, p. 16.
Peer to Peer : le . pair a pair > désigne une
classe d'applications informatiques dédiées a la mutualisation de
ressources et l'échange de fichiers.
Podcast : fichiers musicaux qui présentent
l'avantage de pouvoir être agrégés facilement sur d'autres
sites Internet ou téléchargeables (en général
gratuitement) dans un lecteur (Itunes...) et sur un baladeur numérique
en format mp3.
ost : terme anglais désignant une publication
web, un billet de blog par exemple.
Pure player : entreprise concentrant son activité
et son expertise sur un seul secteur spécifique (pas forcément
celui de l'Internet).
Syndication : mise a disposition de tout ou partie du
contenu d'un site a d'autres sites de maniere payante ou non.
Tag (. étiquette >) : procédé
qui permet aux Internautes de choisir les mots clés désignant
leur publication, facilitant ainsi leur archivage et leur recherche. Cette
méthode releve de l'indexation des contenus par les auteurs
eux-mêmes.
Troll : Personne cherchant a créer la
polémique dans un espace participatif (wiki...), afin de l'enrayer en
tenant des propos provocants, caricaturaux, non reliés au sujet ou
répétitifs.
UGC (User Generated Content) : désigne les
contenus publiés sur le web par les Internautes eux-mêmes. Ces
publications amateurs sont en général d'acces libre et gratuites,
mais leur utilisation est souvent protégée par le label Creative
Commons. Le terme englobe les publications de toute nature (multimédia)
publiables sur les blogs, sites participatifs et plates-formes de partage.
Web 2.0 : concept attribué a Dale Daugherty
(fondateur d'une maison d'édition informatique 0'Reilly Media) lors
d'un conférence en 2004. Ce concept n'est pas clairement
défini, mais se base sur l'évolution d'Internet, depuis un
modèle
statique de base de donnees (web 0.1) a un reseau plus
interactif centre sur l'utilisateur et permettant sa participation active. Ce
phenomène brouille donc la limite entre le statut d'emetteur et de
recepteur (read-write web, crowdsourcing...) et le
rapport hierarchique qu'il implique. Cela comprend aussi davantage
d'inter-connections entre les sites selon une structure en reseaux et un
principe confiance mutuelle entre internautes. Le web etant en evolution
constante, la definition de web 2.0 est mouvante et d'aucuns pensent qu'il
s'agit uniquement la d'un concept depasse, voir creux. « Wikipedia »
(site participatif par excellence) en donne la definition suivante :
« L'evolution ainsi qualifiee concerne aussi
bien les technologies employees que les usages. En particulier, on qualifie de
web 2.0 les interfaces permettant aux internautes d'interagir a la fois avec le
contenu des pages, mais aussi entre eux, faisant du web 2.0 le web
communautaire et interactif. >>144
Web 3.0 : notion sans definition exacte, qui se confond
avec celle de « web semantique » et du « web contextuel »,
c'est-à-dire que le navigateur aurait suffisamment d'informations
(contenu du site visite, sur l'historique de navigation, les flux RSS...) sur
les intentions sous-jacentes de la navigation de l'internaute pour lui proposer
des donnees plus adaptees et eviter une recherche extensive. Cela se base sur
le principe de savoir ce que l'internaute fait reellement plutot que la
recherche qu'il opère pour la personnaliser et lui permettre
d'être ainsi plus efficace. Cette phase est basee sur le sens de l'action
davantage que sur la masse de contenus, en structurant la navigation a partir
d'inferences entre les sites.
Webzine (definition de Franck Rebillard) :
« journal publie exclusivement sur Internet,
sans declinaison dans l'imprime ou l'audiovisuel. Contraction possible des
termes web et fanzine comme des termes web et magazine, le webzine s'inscrit
corollairement soit dans les logiques de l'information - alternative >>
et amateur, soit plutot dans le modele mass-mediatique.
>>145
144
http://fr.wikipedia.org/wiki/Web_2.0
145 - REBILLARD Franck, Web 2.0 en perspective. Une
analyse socio-économique de l'internet, Paris,
L'Harmattan, coll. Questions contemporaines, serie Les Industries de la culture
et de la communication, 2008, p. 149.
7.3. Presentation des sites du corpus
7.3.1. Arretsurimages
Arretsurimages.net prolonge
l'émission animée par Daniel Scheidermann et produite par Carrere
group entre 1995 et 2007 sur France 5. Date a laquelle la Direction de la
chalne annonce ne pas reconduire cette émission de relecture des images
télévisées a la rentrée. Claude-Yves Robin
(Directeur Général de France 5) justifie cette décision
par le vieillissement de l'émission et l'érosion de son audience
qui est passée de 7,3% en 2003 a 5,9% en 2007. Puis, le 30 juin 2007,
Daniel Schneidemann est licencié pour faute grave, a savoir : pour avoir
mené 3 une campagne de dénigrement a l'encontre des
dirigeants de la chaine et du groupe (France télévisions) allant
jusqu'a des attaques personnelles envers son président Monsieur Patrick
de Carolis dans le but de faire pression . et sousentendu que
l'arret de son émission résultait d'une . vengeance >. ll
avait notamment affirmé dans une interview accordée le 17 juin
2007 au Journal du
dimanche : « Pour tout dire, la
direction est nulle, c'est tout.146 » Des pétitions
(« Pour préserver la diversité du paysage
audiovisuel français147 », 185 000
signatures) et des appels a soutien de la part d'organisations syndicales,
associatives (ATTAC, FSU...) et de personnalités politiques sont
lancées et décident l'équipe éditoriale a continuer
son émission sur le web avec le lancement d'un site provisoire en
septembre 2007 appelant au pré-abonnement.
La version définitive du site Arret sur images,
également évoqué sous l'abréviation « @si
», est lancée en le 7 janvier 2008. Le site est exploité par
la société par actions simplifiées, dirigée par
Daniel Schneidermann (actionnaire unique), et a pour but de mener une analyse
critique du traitement médiatique de l'actualité
s'étendant désormais a tous les types de
supports148.
Son équipe est composée de la manière
suivante : Daniel Schneidermann (producteur et animateur), Francois Rose
(réalisateur), Julie Guilbault (chef de projet), Thomas Scotto
(webmaster), Sophie Gidensberger, Dan Israel, Gilles Klein (journalistes),
David Abiker, Gilles Klein, Judith Bernard, Alain Korkos, Anne-Sophie Jacques,
Sébastien Bohler, Daniel Schneidermann et Gilles Klein (chroniqueurs),
Justine Brabant et Aurélie Windels.
Le contenu du site est réservé a ses
abonnés (30 euros par an), a l'exception de sa zone orange « Vite
dit et gratuit ». Le site propose des chroniques, dossiers
d'actualité , un forum et des émissions. Ces dernières (La
ligne jaune, présentée par Guy Birenbaum et Dans le Texte
présenté par Judith Bernard, chroniquée par
Frédéric Ferney et Eric Naulleau) se sont
développées a partir de l'émission de débat
hebdomadaire et de la création d'Arrêtsurimages.tv (Canal 94 de la
Freebox) lancée le 1er décembre 2008149
(2,50 euros par mois et accessible en clair de 21h30 a 23h30). La chalne
compterait environ 1,200 abonnés et 11,000 des 24,000 clients du site
avaient renouvelé leur abonnement. L'émission est accessible sur
podcast depuis septembre 2008 et une version pour i Phone de l'émission
sera lancée courrant 2009. Selon Daniel Schneidermann :
« la chaine ne remplacera pas le site, il
s'agit de deux offres distinctes.
Arretsurimages.net
reste le noyau de l'entreprise. Avec Internet, on n'est
146
http://www.lejdd.fr/cmc/media/200724/schneidermann-pas-du-bluff_29382.html
147
http://www.arretsurimages.eu/index.php
148
http://www.arretsurimages.net/a-propos.php
149 GR0NDIN Anaëlle, "Daniel Schneidermann :
0n va développer l'outil en fonction de la demande »,
L'Humanité, 23 janvier 2009,
http://www.humanite.fr/2009-01-23_Medias_DanielSchneidermann-0n-va-developper-l-outil-en-fonction-de-la
plus dans un rapport vertical o] le journaliste
ecrit et le lecteur lit. Une grande partie du contenu est suggeree par les
internautes. Ils l'enrichissent, ils nous signalent des videos, des
informations, des intox. On est la pour faire le tri et pour enquêter. Je
pense que ce mode de production de l'information, c'est l'avenir. Internet a
definitivement casse le rapport traditionnel entre le journaliste et son
public.15° 4
Le développement des différents supports
d'accessibilité aux contenu d'@si relèverait d'une
stratégie de . délinéarisation *151 afin de les
rendre plus visible. Dans l'extrême, Daniel Schneidermann affirme
même dans la même interview que :
3 Si demain TF1 - je prends un cas extrême -
vient me voir et dit : je veux reprendre Arrêt sur images, j'y
réfléchirai. Le noyau de l'entreprise resterait tout de
même le site. Mais a priori je ne peux pas refuser. .
150 Ibid.
151 Stratégie de déclinaison, visant a
proposer son produit sur différents supports afin de permettre une
consommation différée (exemple les . catch up tv . sur Internet
pour les chaines de télévision).
7.3.2. Médiapart.fr
7.3.3. Le site de Médiapart a été
fondé le 16 mars 2008 par : Edwy Plenel (ancien directeur de la
rédaction du journal Le Monde, actuel
Président de la SAS Société éditrice de Madiapart),
Francois Bonnet (ancien chef du service international du
Monde, Directeur éditorial de
Médiapart), Gérard Desportes (ancien notamment de
Libération et de La
Vie, journaliste politique a Médiapart), Laurent Mauduit
(ancien rédacteur en chef au Monde,
journaliste économique a Médiapart), Godefroy Beauvallet
(chercheur a l'école des télécommunication de Paris) et
Marie-Hélène Smiéjan (gestionnaire, Directrice
Générale de Médiapart).152 Les six fondateurs
détiennent la majorité de capital de départ de 4 millions
d'euros, complétée par des < investisseurs partenaires [...]
sans lien avec les puissances financières en place . et une
Société des amis de Médiapart (46 membres).
Selon . Le Projet ., mis en ligne le 2 décembre 2007 en
guise de note d'intention sur le site temporaire de Médiapart,
l'ambition du futur journal est de fournir une information de
référence répondant aux critères de .
[...] qualité,
[d]'indépendance, [de]
pertinence, [d]'exclusivité.
>153 Est ainsi prévu de faire la part belle
a l'enquête et l'investigation sur la base d'une équipe de 26
journalistes professionnels et référencer le « Meilleur du
web». Parallèlement a cela, le pré-
152
http://electronlibre.info/Mediapart-crie-victoire-bien-tot,153
153
http://www.mediapart.fr/files/u1/LeProjet.pdf
site (ayant pour but d'enregistrer des abonnements par
anticipation et de faire connaitre le projet Médiapart)
expose :
3 Media participatif de qualite, notre journal
ambitionne de construire un public de lecteurs contributeurs, dessinant les
contours d'une communaute intellectuelle qui, avec ses interventions et ses
echanges, proposera "le meilleur du debat? >.
Le réseau Internet est présenté comme un
espace médiatique permettant de fonder un journal
d'information généraliste indépendant grace a de faibles
coats de structure, de séduire les 20/30 ans,
d'être . mobile . et interactif. D'oil le nom du site
qui relève aussi bien de la fusion entre les mots médias et
participation, que média et a part (sa marque avait
d'ailleurs été source d'un litige avec le groupe
d'édition Média Participation en raison de la proximité du
nom des deux sociétés). Médiapart se
revendique ainsi :
. Ni sous-produit numerique de la presse papier,
ni media de complement des titres existants, le reve que nous caressons est la
creation d'un journal en ligne, de qualite et de reference, qui se suffise et
vous suffise. .
Le contenu rédactionnel du site est accessible pour 9
euros par mois, mais l'accès au . Club . est libre
(bien que la participation a la plate-forme interactive requière
un abonnement). L'équilibre économique serait atteint
avec environ 65000 abonnés, or le site en comptait
moins de 15 000 en décembre 2008 alors que son ambition
était d'en atteindre 25 000 a la même
période154. Le parti était pris
d'être le premier site . pure player . d'information
généraliste, afin de conserver une
indépendance vis-à-vis de la publicité et pouvoir
constituer une identité éditoriale forte
permettant l'émergence d'un lectorat . fidélisé et investi
>. Cette démarche s'inscrit contre la . fausse
gratuité . d'Internet, mais ne se déclare pas en
opposition avec la culture du libre (Médiapart utilise un protocole
libre) et le journalisme citoyen représente de «
formidables apports », sans valoir un travail
journalistique d'enquête.
L'équipe d'une trentaine de personnes est
composée de 26 journalistes professionnels, qui
s'occupent des trois éditions quotidiennes (9h, 13h et 19h)
ainsi que de la modération et l'animation du Club et
des éditions participatives. Ce dernier compte plus de
300 blogs tenus par des journalistes et des abonnés.
154
http://serge-briere.over-blog.com/article-26148409.html
7.4. Index des noms propres
ABIKER David, p. 108, 119, ALTMAN Rick, p.14,
ANDERSEN Chris, p. 39,
BALLE Francis, p. 11, 20, BEAUVALLET Godefroy, p. 110, 119,
BERARDI Franco, p. 24,
BERNARD Judith, p.108, 119,
BEY Hakim, p. 25, 26, 27, 28, 29, 86, BIRENBAUM Guy, p. 50, 108,
BL0NDEAU 0livier, p. 24, 78, 79, B0HLER Sébastien, p. 108,
B0UVIER Jerome, p. 40,
BRABANT Justine, p. 108, BUSH Georges, p. 46,
DEM0RAND Nicolas, p. 92 DUFRESNE David, p. 32, 62, DU PIN Eric,
p. 45,
EDM0NDS Rick, p. 53,
FERNEY Frederic, p. 108
FIEVET Cyril, p. 33,
FILL0UX Frederic, p. 9,
FLICHY Patrice, p. 14, 29, GIDENSBERGER Sophie, p. 108, GL0AGUEN
Laurent, p. 50, GUATTARI Felix, p. 22, 24, 27, 86,, HASKI Pierre, p. 40, 51,
52,
HEFEZ Serge, p. 69,
H0RTEFEUX Brice, p. 93, 94, Hurluberlu, p. 74, 81,
JACQUES Anne-Sophie, p. 108, JENKINS Henry, p. 54, 55,
KLEIN Gilles, p.108,
K0RK0S Alain, p. 108, LACAMBRE Valentin, p. 32, LEVY Pierre, p.
54, 104 LEVY Steven, p. 29
LE G0FF Samuel, p. 69 LEPERS John Paul, p. 20 MARQUIS Eric, p.
48,49 MAUDUIT Laurent, p. 110, MAURESM0 Amélie, p. 92,
MENDES-FRANCE Tristan, p. 44, 62, 68, 69, 71, 77,
MIEGE Bernard, p. 13, M0RANDINI Jean-Marc, p.92, NARVIC, p. 9,
42, 47, 50, NAULLEAU Eric, p. 108, 0'REILLY Tim, p. 41, 105, PECQUERIE
Bertrand, p. 41, PLENEL Edwy, p. 86, 110, PRINCE Bernard, p. 24, PR0ULX Serge,
p. 13,
RAB0Y Marc, p. 10, 11, RATHER Dan, p. 46,
RHEING0LD Howard, p. 30, 31, 39, 41, 104,
RICHE Pascal, p. 75,
R0BIN Claude-Yves, p. 107, R0SE François, p. 108, RUELLAN
Denis, p. 50, 51,
SCHNEIDERMANN Daniel, p. 7, 8, 62, 63, 67, 68, 73, 74, 77, 78,
79, 86, 91, 108, 109,
SC0TT0 Thomas, p. 108, SERFATY Viviane, p. 46, 47, SHIRKY Clay,
p. 9, 38, 40, 53, 77,
SMIEJAN Marie-Hélène, p. 110,
TRUFFY Vincent, p. 7, 59, 62, 63, 64, 65, 66, 68, 69, 70, 71,
REBILLARD Franck, p. 2, 3, 9, 11, 17, 18, 19, 20, 22, 24, 27, 29, 106,
VANBREMEERSH Nicolas (Versac), p. 47, 50, 69,
VID0CQ Emmanuel, p. 24,
WELLMANN Barry, p. 43,
WINDELS Aurelie, p. 108.
7.4. Index analytique
activiste, p. 2, 37, 58, 86, 87,
agrégateur, p. 3, 40, 41, 103,
Arret sur images / Asi, p 7, 22, 34, 60, 74, 78, 79, 80, 82, 84,
85, 88, 90, 91, 93, 94, 109,
Blog / blogger / blogosphère, p. 9, 13, 16, 17, 20, 29,
30, 35, 44, 45, 46, 47, 50,
53, 58, 62, 64, 68, 69, 71, 76, 81, 82, 84, 87, 101, 103, 105,
111,
Collaboration, p. 5, 9, 17, 29, 33, 34, 56, 68, 75, 77, 81, 84,
86, 99,
Communaute, p. 4, 9, 30, 31, 41, 42, 43, 44, 45, 64, 68, 73, 79,
81, 84, 87, 104, 107, 111,
crowd sourcing, p. 68, 72, 80,
Daniel Schneidermann, p. 7, 8, 62, 63, 67, 68, 73, 74, 77, 78,
79, 86, 91, 108, 109, 120
dispositif communicationnel, p. 13, 18, 23, 24, 28
Felix Guattari, p. 22, 23, 27, 86
Franck Rebillard, p. 2, 9, 11, 14, 17, 18, 20, 22, 24, 27, 29,
106,
Howard Rheingold, p. 30, 39, 43, 54, 104
médias de masse, p. 1, 2, 4, 10, 11, 22, 26, 34, 46, 78
médias traditionnels, p. 4, 5, 18, 20, 21, 22, 25, 34, 35,
45, 46, 47, 52, 55, 62, 69, 76, 85, 86, 91, 92, 93,
Médiapart, p. 4, 7, 22, 32, 34, 45, 46, 57, 60, 62, 63,
64, 65, 66, 68, 69, 70, 80, 81, 82, 84, 85, 89, 96, 97, 110, 111
Moderation, p. 8, 59, 62, 65, 66, 72, 81, 84, 100, 111
0rganisation, p. 3, 13, 16, 17, 25, 26, 38, 39, 40, 43, 64, 77,
78, 84, 86, 87, 108,
3 participatif ., p. 1, 4, 5, 6, 7, 8, 17, 18, 20, 21, 22, 29,
30, 34, 35, 36, 37, 40, 51,
55, 56, 57, 58, 59, 60, 61, 62, 63, 69, 72, 73, 74, 75, 84, 85,
86, 87, 88, 89, 105, 106, 111
pure players, p. 4, 5, 17, 18, 22, 32, 33, 35, 60, 62, 69, 76,
86
representation, p. 4, 5, 7, 9, 14, 21, 22, 35, 37, 38, 55, 56,
57, 58, 61, 72, 76, 83, 84, 85, 87, 89,
reputation, p. 29, 30, 42, 43, 44
réseau, p. 1, 2, 3, 4, 11, 16, 17, 24, 25, 26, 27, 28, 29,
31, 32, 34, 39, 43, 44, 87, 106, 111
sites indépendants d'information, p. 5, 7, 9, 10, 16, 18,
21, 35, 37, 55, 56, 60, 62, 69, 76, 84, 116
UGC (User Generated Content), p. 5, 8,
13, 19, 38, 42, 48, 51, 52, 55, 67, 68, 69, 77, 79, 80, 81, 84, 105
Vincent Truffy, p. 7, 59, 62, 63, 64, 65, 66, 68, 69, 70, 71,
web 2.0, p. 1, 3, 4, 8, 9, 20, 27, 28, 35, 37, 43, 52, 58, 76,
79, 85, 86, 105, 106 web journaliste, p. 4, 5, 35, 37, 44, 55, 57, 59, 61, 64,
72, 75, 76, 77, 79, 82, 83, 84, 85, 87, 88
webzine, p. 18, 31, 32, 33, 34, 58, 62, 106
7.5. Bibliographie
Livres :
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e/dossier~programmes/utls~au~lycee~2007/l~avenir~de~l~internet~~1/l~avenir~de
~l~internet~jacques~francois~marchandise
http://www.ted.com/
http://atelier.rfi.fr/
http://www.internetactu.net/
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http://www.causeur.fr/
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http://pisani.blog.lemonde.fr/ (transnet, Francis Pisani)
http://www.presse-citron.net/ (Eric Dupin)
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http://affordance.typepad.com/ (0livier Ertzscheid, maitre
de conférence en sciences de l'information).
http://www.bigbangblog.net/ (blog fondé en 2005
par Daniel Schneidermann, Judith Bernard et David Abiker, progressivement
abandonné a partir de septembre 2007 au profit du site d'@si).
http://ic.fing.org/texts/niveaux-d-implication
(Fondation Internet Nouvelle
Génération, Groupe de réflexion sur
l'intelligence collective animé par Godefroy Beauvallet et Philippe
Durance. Quels aspects influencent le développement de l'intelligence
collective, interaction entre le groupe, les individus qui la composent et son
environnement).
http://fr.wikipedia.org/wiki/Web_2.0
(la auto-définition du Webparticipatif par les internautes contributeurs
eux-même des termes qu' . ils . concoivent).
http://www.nowhereelse.fr/
http://www.themediatrend.com/wordpress/,
Marc Mentre
http://www.shirky.com/weblog/,
Clay Shirky
http://egoblog.net/, Tristan
Mendès France
http://www.davduf.net/, David
Dufresne
http://novovision.fr/, Narvic
http://www.mondaynote.com/,
Jean-Louis Gassée et Frédéric Filloux
http://www.mikiane.com/user/575/edit
Communautés de partage de liens et agrégateurs
de contenus : http://aaaliens.com/
http://digg.com/
http://delicious.com/popular/
http://www.metafilter.com/
http://cozop.com/
Ressources multimédias :
- Chronique d'Amaury de Rochegonde, . Médias grand
angle ., France Info, 28/12/08, . Les Sites
indépendants de plus en plus référents .,
http://www.france-info.com/spip.php?article230755Ettheme=36Etsous_theme=178
(cas dans lesquels Médiapart et Rue89 ont su se distinguer ayant
révélant des informations exclusives).
- < La bataille de l'information sur Internet ., 14/03/08,
http://www.france-info.com/spip.php?article185208Ettheme=81Etsous_theme=178
( Portails Internet/agrégateurs de contenu = sorte de .
média des médias ., versus l'offre 360° des médias
traditionnels)
- LEVY-PROVENCAL Michel (Mikiane), . Les contenus a l'heure de
l'abondance . (Vidéo),
http://mikiane.com/node/2009/05/18/les-contenus-lheure-de-labondance
- . Les sites d'infos pure players - débat sur les
modèles économiques ., Les Grands débats de BFM (podcast),
animé par Nicolas Doze, BFM radio, 28.04.09,
http://www.observatoiredesmedias.com/2009/04/28/les-sites-dinfos-pureplayersen-france-debat-sur-les-modeles-economiques/
- Chronique de Pascal Riché, . Masse critique ., 23.05.09,
France Culture,
http://sites.radiofrance.fr/chaines/franceculture2/emissions/masse~critique/index.php
TABLE DES MATIERES
Introduction 1
PREMIERE PARTIE :
..............................................................................
14
APPROCHE DE LA NOTION DE « PARTICIPATIF 0 DANS LE
CADRE DE L'INFORMATION SUR INTERNET
..................................................................................................
14
1. Présen ta tion du suje t : les sites
indépendan ts d'informa tion e t le
« participa tif 0 15 1.1.
Motivations a l'origine du choix du theme e t proximi té par rapport au
suje t 15
2. Défini tion : entre « sites
indépendan ts d'informa tion 0 e t
« média d'informa tion 0 18
2.1. Défini tion de la notion de
média ............ 18
2.2. Internet : un média « nouveau 0 7
Quelles spécifici tés
médiumniques 7 21
2.3. Les « sites indépendan ts d'informa
tion 0 7 23
3. Approche socio-his torique du web: les filia tions
d'une tradition de
par tage, de participation e t d'innova tion collective.
27
3.1. Félix Gua ttari e t l'espri t des radios
pirates 29
3.2. « Frappez e t fuyez 0 : la philosophie liber
taire d'Hakim Bey 33
3.3. L'espri t de collaboration des premiers hackers,
fonda teurs du réseau
,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,
36
3.5. Des webzines aux sites d'informa tions pure
players : évolu tion des
pra tiques participa tives en matière d'informa
tion sur le web. ,,,,,,,,,,,,, 39
4. Probléma tique e t hypotheses 42
4.1. Présen ta tion de la probléma
tique ............. 42
4.2. Présen ta tion des hypotheses de
travail ...... 44
4.2.1. En quoi les journalis tes percoivent leur role
comme indispensable même au sein d'une organisation dis tribuée de
production d'informa tion 45 4.2.2. La dynamique rela
tionnelle e t la répu ta tion, de nouveaux criteres de légi timi
té mal compris par les journalis tes. 49
4.2.3. Critere de la légi timi té e t de
professionnalisme par la valeur
(qualitative e t pécuniaire) : le cas des
blogs ... 53
4.2.4. De la difficul té pour les journalis tes de
partager les roles 60
DEUXIEME PARTIE : ENQUETE SUR LES REPRESENTATIONS DU
« PARTICIPATIF ~
AUPRES DE WEB JOURNALISTES D'@RRET SUR IMAGES ET
MEDIAPART ............................ 64
5. Enquê te 65
5.1. Mé thodologie e t déroulemen t de
l'enquê te 65
5.2. Résul ta ts : confrontation des discours
publiques e t lors d'en tre tiens avec les hypotheses de recherche d'apres les
criteres prédéfinis. 71
5.2.1. Ré ticences de la part des web journalis
tes face au système
d'au torégula tion de la communau
té ............. 71
5.2.2. Professionnalisme e t légi timi té :
une question non résolue 74
5.2.3. Entre projection e t désillusion des a
tten tes journalis tiques : le
role marginal des in ternau tes. 80
6. Conclusion 91
Synthese 94
APPROCHE DES REPRESENTATIONS DU « PARTICIPATIF *
DES REPRESENTANTS DES SITES
INDEPENDANTS D'INFORMATION : @RRETSURIMAGES ET MEDIAPART
.............................. 97 ********************* 97
ANNEXES......................................................................................
97
7. Annexes 98 7.1. Re transcrip
tion de l'en tre tien avec Daniel Schneidermann (apres au torisa tion),
vendredi 30/01/09, 15h15 dans les locaux d'Asi 99
7.2. Lexique
........................................................................
111
7.3. Présen ta tion des sites du corpus
......................................... 115
7.3.1. Arre tsurimages.ne t
.....................................................
115 7.3.2. Médiapar t.fr
.............................................................
118 7.4. Index analytique
.............................................................
123 7.5. Bibliographie
..................................................................
125 TABLE DES MATIERES
...................................................................
131
|