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L'infraction politique en droit pénal camerounais

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par Thomas OJONG
Université de Douala - DEA de droit privé fondamental 2005
  

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Section II: Le régime particulier de l'infraction politique

En l'absence d'un critère légal universel de définition de l'infraction politique, l'intérêt essentiel de la notion s'est déplacé du plan de la définition à celui de la pénalité, et plus largement à celui du régime applicable aux infracteurs politiques. Il en ressort que le droit positif d'antan offrait l'aspect d'un certain nombre de solutions écrites favorables aux délinquants politiques dont les plus importantes concernant le régime des détentionnaires politiques (par.1er) et des textes nationaux et internationaux dont la plupart concerne la reconnaissance d'un droit d'asile et l'exclusion de l'extradition en matière de criminalité politique (par.2e).

Paragraphe 1 : Le régime des détentionnaires politiques.

La particularité de ce régime est perçue, en ce qui concerne les règles de droit pénal de fond, à travers l'application de la détention (A) peine politique par excellence, et concernant les règles de droit pénal de forme, à travers certaines faveurs procédurales attachées à ce type de délinquance (B).

A- L'APPLICATION DE LA PEINE DE DETENTION POLITIQUE

La définition (1) et le régime d'exécution (2) de la détention nous permettrons d'avoir une vue générale du traitement « infligé » aux délinquants politiques.

1- Définition de la détention politique

La détention est une peine privative de liberté prononcée à raison d'un crime ou d'un délit politique pendant laquelle les condamnés ne sont pas astreints au travail et subissent leur peine dans des établissements spéciaux. A défaut, ils sont séparés des condamnés de droit commun32(*). Avant les amendements législatifs survenus en 1990, la détention faisait partie de l'arsenal des peines principales au côté de la peine de mort, l'emprisonnement et l'amende33(*). Elle était retenue et appliquée quasiment toutes les fois que l'infraction commise était l'une de celles prévues aux chapitres I, II et IV du titre I, livre II du Code Pénal.

Encore applicable en France, la détention criminelle est une peine criminelle, politique, principale, temporaire et perpétuelle. Elle constitue avec la réclusion la seule peine criminelle par nature puisque les autres peines sont soit tombées en désuétude, soit supprimées34(*). Elle sanctionne quelques crimes portant atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation : livraison de tout ou partie du territoire national, de forces armées ou de matériel à une puissance étrangère ; intelligences avec une puissance étrangère ; livraison d'informations à une puissance étrangère ; sabotage ; attentat et complot ; mouvement insurrectionnel ; usurpation de commandement, levée de forces armées et provocation à s'armer illégalement35(*). Sa durée peut être à perpétuité, de trente ans au plus, de vingt ans, quinze ans, dix ans ou de cinq ans au moins. L'innovation la plus importante consiste dans la création d'une peine de trente ans, afin de rétablir une cohérence dans la hiérarchie des peines à la suite de l'abolition de la peine de mort dans le système répressif français.

La détention est une peine favorable au condamné, car son régime d'exécution est plus libéral que celui de la réclusion ou de l'emprisonnement selon qu'il s'agisse du contexte français ou camerounais. Le condamné à la détention criminelle bénéficie en effet de plein droit du régime pénitentiaire dit « spécial ». Au Cameroun, la détention est retenue qu'il s'agisse d'un délit ou d'un crime. En France, si en matière correctionnelle les peines ne diffèrent pas selon la nature de l'infraction, le régime pénitentiaire reste adouci en faveur du délinquant politique.

2- Les faveurs pénitentiaires du détenu politique.

Le délinquant politique bénéficie d'un régime spécial de détention. Ce régime favorable vise le type d'incarcération et s'applique aux personnes poursuivies et condamnées soit pour crime ou délit contre la nation, l'Etat et la paix publique, et dans une certaine mesure pour infraction de presse36(*). Les condamnations politiques n'entraînaient pas les mêmes conséquences que les condamnations de droit commun, notamment par certains avantages : le condamné politique subissait sa peine dans un quartier spécial37(*) et confortable, n'était pas astreint au travail obligatoire, la contrainte par corps ne lui était donc pas applicable38(*). Il lui était permis de porter des vêtements personnels distincts des uniformes habituels des autres prisonniers, de recevoir des visites à tout moment de la journée dans un parloir sans dispositif de séparation, et un accès sans limitation à l'information. Cette faveur est d'ailleurs étendue au cas où le prévenu a été déclaré coupable à la fois d'un délit de droit commun et d'un délit politique, à la condition que ce dernier soit le plus sévèrement réprimé des deux par la loi39(*).

En outre, les condamnations politiques ne font pas obstacle, au cas de condamnation ultérieure, à l'octroi du sursis simple ; de même, elles n'entraînent pas la révocation d'un sursis déjà obtenu. Elles ne peuvent pas être prononcées avec sursis d'épreuve. Les condamnations pour crimes ou délits politiques ou pour infractions connexes ne comptent pas pour la relégation40(*), ni pour l'application de la tutelle pénale41(*), et ne font en principe encourir aucune incapacité ni déchéance professionnelle, comme notamment l'exclusion de l'armée, l'interdiction de l'exercice de certaines professions telles que médecine, banque, barreau...

Il existe souvent des dispositions spéciales en matière d'amnistie42(*), et une pratique particulière de la grâce en matière politique. Ces lois définissent en général les critères retenus qui sont en rapport avec des événements déterminés. Ils sont en tout cas différents de ceux qui constituent le fond quasi permanent des lois d'amnistie de droit commun, encore que les effets de l'amnistie soient identiques.

Outre ces faveurs en droit pénal de fond en ce qui concerne la peine et son exécution, le délinquant politique bénéficiait également de faveurs procédurales.

B- LES FAVEURS PROCEDURALES ATTACHEES A LA SANCTION DE LA DELINQUANCE POLITIQUE

S'agissant des règles de procédures proprement dites, les législateurs optent assez nettement en faveur de la conception libérale. On peut relever trois séries de dispositions favorables aux auteurs d'infractions politiques : d'une part, l'exclusion de la procédure rapide de comparution immédiate (1), d'autre part, l'impossibilité pour le tribunal correctionnel de décerner un mandat de dépôt ou d'arrêt (2), par ailleurs, les garanties de la défense sont en principe aussi fortes en matière politique (3).

1- L'exclusion de la comparution immédiate

En matière correctionnelle, après avoir constaté l'identité de la personne qui lui est déférée, lui avoir fait connaître les faits qui lui sont reprochés et avoir recueilli ses déclarations si elle en fait la demande, le procureur de la République peut, s'il estime qu'une information n'est pas nécessaire, inviter la personne déférée à comparaître devant le tribunal dans un délai qui ne peut être inférieur à dix jours ni supérieur à deux mois, sauf renonciation expresse de l'intéressé en présence de son avocat. Il lui notifie les faits retenus à son encontre ainsi que le lieu, la date et l'heure de l'audience. Cette notification, mentionnée au procès-verbal dont copie est remise sur-le-champ au prévenu, vaut citation à personne.

L'avocat choisi ou le bâtonnier est informé, par tout moyen et sans délai, de la date et de l'heure de l'audience ; mention de cet avis est portée au procès-verbal. L'avocat peut, à tout moment, consulter le dossier.
Si le procureur de la République estime nécessaire de soumettre le prévenu jusqu'à sa comparution devant le tribunal à une ou plusieurs obligations du contrôle judiciaire, il le traduit sur-le-champ devant le président du tribunal ou le juge délégué par lui, statuant en chambre du conseil avec l'assistance d'un greffier. le procureur de la République, lorsqu'il lui apparaît que les charges réunies sont suffisantes et que l'affaire est en l'état d'être jugée, peut, s'il estime que les éléments de l'espèce justifient une comparution immédiate, traduire le prévenu sur-le-champ devant le tribunal. En cas de délit flagrant, si le maximum de l'emprisonnement prévu par la loi est au moins égal à six mois, le procureur de la République, s'il estime que les éléments de l'espèce justifient une comparution immédiate, peut traduire le prévenu sur-le-champ devant le tribunal.

Le prévenu est retenu jusqu'à sa comparution qui doit avoir lieu le jour même ; il est conduit sous escorte devant le tribunal.    Les dispositions relatives à la comparution immédiate43(*) telles que ci-dessus évoquées sont exclues en matière de criminalité politique ou d'infractions dont la procédure de poursuite est prévue par une loi spéciale. Pareillement, il est interdit au tribunal correctionnel de décerner mandat.

2- L'impossibilité pour le tribunal correctionnel de décerner un mandat d'arrêt ou de dépôt44(*)

Le mandat d'arrêt est l'ordre donné à un officier de police judiciaire de rechercher un inculpé, un prévenu, un accusé ou un condamné et de le conduire devant le procureur de la République ou le juge d'instruction45(*). Lorsque l'inculpé, l'accusé ou le condamné est en fuite, le juge d'instruction ou la juridiction de jugement peut décerner contre lui mandat d'arrêt, si l'infraction visée est passible d'une peine privative de liberté, ou en cas de condamnation à une telle peine . la personne arrêtée en vertu d'un mandat d'arrêt est conduite sans délai devant le juge d'instruction ou le président de la juridiction qui l'a décerné, lequel peut en donner sur-le-champ mainlevée, si cette personne respecte les consignes du juge46(*). Dans le cas contraire, elle est conduite immédiatement à la prison indiquée sur le mandat. Le mandat de dépôt contient quant à lui l'ordre donné par le juge au chef de l'établissement pénitentiaire de recevoir et de détenir la personne. Ce mandat permet également de rechercher et de transférer la personne lorsqu'il lui a été précédemment notifié. L'agent chargé de l'exécution du mandat de dépôt remet l'intéressé au chef de l'établissement pénitentiaire, lequel lui délivre une reconnaissance de cette remise.

Si ces deux mandats ressortissent de la compétence des juges correctionnels de droit commun, interdiction leur est faite de les décerner lorsque l'infraction a une nature politique.

3- Les garanties de la défense en criminalité politique

Elles sont aussi fortes en matière politique qu'en droit commun. Celui qui est accusé de trahison47(*), d'espionnage, de fraudes électorales, de délits d'association, de presse, de grève et de réunions politiques, a le droit de recevoir communication de l'acte d'accusation, d'être assisté d'un avocat, de proposer et de faire citer des témoins pour sa défense, de ne pas être condamné sans un minimum de preuves concernant sa culpabilité. Ainsi, qu'il s'agisse d'un délinquant politique ou de droit commun, nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit et légalement appliquée48(*). Seules font exception, d'une part la garde à vue et la détention provisoire dont les délais sont plus longs lorsqu'il s'agit d'atteintes à la sûreté de l'Etat, et d'autre part, la possibilité pour les préfets de faire des actes de police judiciaire, sous certaines conditions, en matière de crimes et de délits contre la sûreté de l'Etat49(*).

Le particularisme des règles applicables aux infractions politiques peut paraître limité sur le plan interne, mais il ne faut pas négliger au-delà des conséquences juridiques qui viennent d'être évoquées, l'avantage d'ordre moral que peut revêtir pour un militant la reconnaissance du caractère politique de son action, même quand elle prend des formes illicites. De plus, sur le plan international, des dispositions sur l'extradition et le droit d'asile sont favorables aux infracteurs politiques.

* 32 Ahmadou Oumarou : Code de lois pénales, Collection textes usuels du Cameroun, P.U.A, 1998, article 26.

* 33 V° article 18 ancien du Code Pénal.

* 34 La dégradation civique et la peine accessoire de l'interdiction légale ont été supprimées.

* 35 Encyclopédie juridique Dalloz, Répertoire de droit pénal et de procédure pénale, 35e année, Tome III, 2002 mise à jour : Détention criminelle, p.1.

* 36 Minkoa She (A): Droits de l'homme et droit pénal au Cameroun, Economica, paris, 1999, pp.219 et sq.

* 37 V° article 26 ancien C.P.C ; article 18 et 24 du C.P. nigérien.

* 38 Crim. 12 décembre 1963 : D. 1964, 185 ; Crim. 28 septembre 1970 : D. 1971, 36, note Chabas.

* 39 Crim. 25 octobre 1966 : B.C., n°238 ; Crim. 23 mars 1971 : D. 1971, Somm. 96.

* 40 L'article 39 C.P.C vise les infractions politiques lorsqu'il organise les conditions de la relégation.

* 41 Article 58(1) C.P. français.

* 42 V° infra, loi n° 91/002 du 23 avril 1991.

* 43Code de procédure pénale français, paragraphe 3 : De la convocation par procès-verbal et de la comparution immédiate, articles 393 - 397(6).

* 44 Article 465, al.1er du C.P.P.F.

* 45 Article 18 C.P.P.C.

* 46 Article 246, op.cit.

* 47 La trahison implique un manquement au devoir de fidélité d'un citoyen.

* 48 Article 8 de la Déclaration des Droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789.

* 49 Article 30 C.P.P.F.

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"Tu supportes des injustices; Consoles-toi, le vrai malheur est d'en faire"   Démocrite