DEDICACE :
Je dédie ce travail à tous les membres de ma
famille qui n'ont jamais lésiné sur les moyens et m'ont soutenu
tout au long des difficiles années académiques. Je pense
particulièrement :
A MON PERE+, monsieur Ojong Peter
A MA MERE, madame Ndip épse Ojong Christine
Mon infinie reconnaissance.
A tous mes frères et soeurs, Mbu David, Achale Elias, Ndip
Salomon, Alice Ebot, Besson Agathe, Nkongho Hélène.
Puisse chacun de vous réaliser son rêve.
REMERCIEMENTS
Je voudrais exprimer ma sincère gratitude ici à
mon Directeur et Superviseur, le Professeur Nicole-Claire
Ndoko, pour l'enrichissant et indéfectible encadrement.
Egalement, toute ma reconnaissance à l'endroit du Doyen
de la faculté le Professeur H. Désiré Modi
Koko et le Docteur James Mouangue
Kobila pour tous leurs conseils qui nous ont insufflé le culte
de l'effort.
Je ne saurais oublier tous les enseignants de la
faculté des sciences juridiques et politiques de l'université de
Douala qui n'ont ménagé aucun effort au fil des ans pour nous
dispenser les précieux enseignements des sciences juridiques et
politiques. Je manifeste un attachement particulier envers le Docteur
Roger Sockeng pour son inqualifiable contribution.
Ma gratitude va aussi en direction de l'Abbé
Mouaha Marc-Désiré, pour ses
prières et encouragements, en reconnaissance de l'affection qu'il nous
porte ; le magistrat Kiam Jean Paul, substitut n°1
du procureur de la République près le TPI de Ndokoti, qui a
toujours été présent par ses judicieux conseils ; aux
aînés académiques messieurs Djongoué
Gérard, Mbandji Etienne et madame
Deuffi Virginie pour leurs encouragements.
Je m'en voudrais de ne pas dire mes sincères
remerciements à mes amis notamment, Nlem Daniel,
Tietcheu Eric Bruno et la famille
Mongoué, Kenneth et Elisabeth Nnamani,
Bangya Paul, Zogo Alain et Bédiga
Véronique, Tamnou Jean-Marie, Bébo Michel, Ndong Elong
Corine, madame Elong Berthe, la famille
Essomè particulièrement à Ndong
Essomè Josiane, Essoungou Mbango
Philomène, Ngo Bissé Marcelle,
Mahop Landry, Leuga Carine, Akem
Clarisse pour leur soutien moral permanent.
Toute ma sympathie à l'endroit de tous les autres
lauréats de cette 3e promotion de DEA de la FSJP de
l'université de Douala (2005-2006) et spécialement aux membres de
l'association des juristes doctorants (AJD) de l'université de
Douala.
Pour tous ceux que j'aurais omis de mentionner, je leur suis
grandement reconnaissant pour la compréhension.
AVERTISSEMENT :
Les opinions émises dans ce mémoire sont propres
à leurs auteurs. A celles-ci, la faculté des sciences juridiques
et politiques de l'université de Douala n'entend donner aucune
approbation ni improbation
« Si je peux à la manière des anciens
jurisconsultes, interroger les voix des peuples qui ne sont plus, je puis,
à plus forte raison, consulter quelques fois les législateurs
[...] Serions-nous humiliés d'imiter nos voisins dans les choses qui
sont mieux pour nous, et qui peuvent d'ailleurs s'allier avec nos moeurs et
notre constitution ? »
Prost de Royer, Dictionnaire de jurisprudence et des
arrêts, ou nouvelle édition du dictionnaire de Brillon, Lyon,
D'Aimé de la Roche, 1781, t. I, p. LXXXI. Sur cet auteur, M. Boulet -
Sautel, « un traité de science administrative à la fin
de l'ancien régime », Hommages à Robert Besnier,
Société d'histoire du droit, 1980, pp.57-66.
LISTE DES PRINCIPALES
ABREVIATIONS :
Al : alinéa
Art : article
Cf. : confère
Chr : chronique
Coll. : Collection
c.p : code pénal
c.p.f : code pénal français
c.p.p.c : code de procédure pénale
camerounais
c.p.p.f : code de procédure pénale
français
Crim : criminelle
C.S : cour suprême
C.S.E : cour de sûreté de l'Etat
D. : recueil Dalloz
Dalloz : Librairie Dalloz
Ed. / édt. : édition
Gaz. Pal. : Gazette du Palais
H.C.J. : Haute Cour de Justice
Ibid. : ibidem
Idem : de même
Infra : ci-après
J.C.P : Jurisclasseur Périodique
L.G.D.J. : Librairie Générale de Droit et de
Jurisprudence
Op.cit. : ouvrage cité
Ord. : Ordonnance
p. /pp. : Page ou pages
R.I.E.J : revue interdisciplinaire d'études
juridiques
R.L.J.C : revue de législation et de jurisprudence
camerounaises
R.S.C : revue de sciences criminelles
S. : Sirey
Somm. : Sommaire
Ss / sq. : suivant
Supra : ci-haut
T.P.I : tribunal de première instance
T.M : tribunal militaire
V° / vr : voir
SOMMAIRE
Dédicace....................................................................................I
Remerciements............................................................................II
Avertissement
............................................................................III
Liste des principales
abréviations.......................................................V
Sommaire
.................................................................................VI
Résumé
..................................................................................VII
Abstract
................................................................................VIII
Introduction
Générale......................................................................1
Première partie : L'infraction
politique avant la bourrasque législative de
1990..........................................................................................9
Chap. I : Les critères de détermination de
l'infraction politique...................11
Sect. I : Les critères classiques de
définition de la criminalité politique.........12
Sect. II : Le régime particulier de l'infraction
politique.............................21
Chap. II : La répression de l'infraction
politique : le particularisme procédural
d'antan.....................................................................................37
Sect. I : L'existence des juridictions
d'exception....................................37
Sect. II : Les critiques du système répressif
d'antan.................................50
Conclusion de la première
partie........................................................66
Deuxième partie : Le paradoxe sur
l'existence de l'infraction politique depuis la réforme
pénale de
1990....................................................67
Chap. I : La disparition de la notion
générique d'infraction politique en droit pénal
camerounais........................................................................70
Sect. I : L'abrogation de la législation
anti-subversion et l'amnistie des condamnations
politiques................................................................71
Sect. II : La suppression de la peine de
détention....................................86
Chap. II : La persistance du particularisme
procédural..............................98
Sect. I : Le maintien des juridictions
exceptionnelles...............................98
Sect. II : L'appréciation critique du régime
procédural actuel....................111
Conclusion de la deuxième
partie.....................................................123
Conclusion
générale....................................................................124
Bibliographie
...........................................................................131
Annexes
.................................................................................134
Table des
matières......................................................................144
RESUME :
L'infraction politique est définie selon une conception
objective comme tous agissements qui portent directement atteinte à un
intérêt ou à une prérogative de nature politique,
telle une atteinte à l'existence ou à l'organisation de l'Etat,
autrement dit lorsque la valeur sociale protégée par la
qualification pénale est politique. Selon une autre conception,
subjective, toute infraction peut être qualifiée de politique
dès lors que les mobiles qui l'inspirent menacent les mêmes
intérêts et prérogatives. Un examen des différents
systèmes pénaux des Etats du monde fait apparaître de
manière évidente qu'aucune de ces définitions n'est
définitivement satisfaisante et admise, mais qu'il existe un
régime propre à cette infraction. Cette existence est reconnue
par tous à travers l'application de certains privilèges relatifs
à la répression des auteurs de telle infraction. Il s'agit entre
autres de la compétence des juridictions particulières et de
l'application de la peine de détention, peine politique par excellence.
Le Cameroun a pendant longtemps respecté ces signes extérieurs.
Or, en 1990, sans toute autre précision sur le statut des prisonniers
politiques, le législateur national va supprimer et la peine de
détention et l'infraction politique. Cette situation amène
à se demander si l'on doit confondre l'existence des prisonniers
politiques et de l'infraction politique. Car, au moment où est
supprimée cette infraction, sciemment ou par manque de lucidité,
le législateur crée une juridiction qui n'est compétente
qu'en matière de répression d'infraction politique par nature.
D'où l'interrogation à l'heure actuelle au Cameroun sur
l'existence ou non de cette infraction.
ABSTRACT
Political offence is defined according to an objective
conception as actions that directly strike a blow at an interest or a privilege
of political nature, such an infringement on the existence or the organization
of the state, otherwise when the social value protected by the penal
qualification is political. According to another conception, subjective, any
offence can be qualified of politics ever since then the aims those inspire it
threat the same interests and prerogatives. Although none of these definitions
satisfies the criminologists of the world, the existence of this offence is
still recognised and accepted through the application of a different treatment
to his authors which distinguishes them from so-called common law infractions.
They enjoy certain privileges among which, the exemption from common law courts
and the application of a particular sentence called detention, political
penalty in excellence. Cameroon has a long while respected these external
signs. But, in 1990, without any other precision on the political prisoners'
status, the national lawgiver will do away with the detention sentence and the
political offence. This situation lead one's up to ask if confusion must be
made between the existence of political prisoners and political offence.
Because, while this infraction is suppressed, the legislator knowingly or by
lack of lucidity, was at the same moment creating a new jurisdiction competent
only in repression of political offences by nature. Whence the query actually
in Cameroon about the existence or not of political offence.
INTRODUCTION GENERALE
La classification des infractions fondée sur leur
nature amène à distinguer généralement les
infractions de droit commun des infractions politiques et militaires.
L'infraction de droit commun n'ayant pas de définition propre, on en est
réduit à la qualifier de celle qui n'est ni politique ni
militaire. La reconnaissance à côté des infractions
ordinaires d'infractions politiques soumises à un régime
particulier spécifique peut être inspirée par des raisons
très variables.
Le grand juriste Guizot écrit :
« l'immoralité des délits politiques n'est pas aussi
claire ni aussi immuable que celle des délits de droit commun ;
continuellement modifiée et observée par les vicissitudes des
choses humaines, elle varie en suivant le temps, les événements,
les droits et les mérites du pouvoir et vacille à tout instant,
sous les coups de la force, qui prétend donner une forme selon ses
besoins. Difficilement, dans la sphère de la politique, on trouve des
actes innocents ou méritoires qui n'ont pas reçu en quelque
partie du monde une inculpation légale... Or, tandis que personne ne
veut légitimer les crimes contre les personnes ou la
propriété, il se trouve toujours une fraction, plus ou moins
grande de la population qui donne une certaine approbation aux délits
politiques »1(*).
De cette présentation faite par Guizot, on comprend que l'infraction
politique est une notion contingente. En effet, certains groupes, certains
individus, qui furent accusés de « saper les fondements de
l'ordre établi », ont fini par représenter l'ordre
établi : Dans bien des pays, les monarchistes furent
remplacés par les républicains, les libéraux par les
socialistes ou les colonisateurs par les colonisés, et leur propre
pouvoir (est) menacé déjà par d'autres groupements qui
préparent l'assaut du pouvoir...
De même, Me Lachaud, dans sa plaidoirie en
défense du maréchal Bazaine disait : « les
procès politiques ont cela de particulier que le criminel politique
d'aujourd'hui peut devenir le héros de demain, et que, sur le lieu du
supplice, on fait plus tard une apothéose et on dresse une
statue ».
Quel est cependant le contenu de l'infraction politique ?
Au coeur de cette notion se trouvent l'idée de l'infraction et
l'idée de politique.
L'infraction d'abord, d'après Raymond Guillien et Jean
Vincent, est une action ou omission définie par la loi pénale et
punie de certaines peines également fixées strictement par
celle-ci2(*).
Le concept politique quant à lui, disait Voltaire
« ...porteur de nombreux sens différents, est l'un des plus
ambigus du vocabulaire français s'employant au masculin tantôt au
féminin »3(*). Au masculin, le politique est « l'espace
social dans lequel les individus choisissent de soumettre leur conflit
d'intérêts à la régulation d'un pouvoir qui
détient le monopole de la coercition légitime »4(*). Au féminin, la politique
est « la science du gouvernement des Etats »5(*) ; elle est encore
« l'art et la pratique des gouvernements des sociétés
humaines »6(*).
La qualification de politique attribuée à un
fait social est variable, et rend difficile voire impossible une
définition claire du fait qu'elle qualifie. Raison pour laquelle il
n'existe pas à proprement parler une définition satisfaisante de
cette infraction. Le législateur camerounais à l'instar de son
homologue français ayant préféré le mutisme, nous
pouvons néanmoins, avec Henri Lévy-Brühl, résumer
quelques observations permettant de la définir :
a) Le mot politique est mal choisi pour le (délit)
désigner : il est en effet trop étroit. De nombreuses
infractions aux législations religieuses sont dénuées de
motifs égoïstes : sacrilège, hérésie,
blasphème..., ont longtemps figuré parmi les délits d'une
grande gravité. Il existe des délits politico-sociaux qui
appartiennent à la même catégorie : luttes syndicales
et manifestations politiques, par exemple. Par conséquent, il n'y a pas
que les délits qui concernent le gouvernement des Etats qui
appartiennent à cette catégorie. En effet, ces derniers, comme
les délits religieux et sociaux sont inspirés par le même
genre de motivation. C'est pour cela que Lévy-Brühl suggère
le terme « délit idéologique ».
b) plus que toutes les autres, la catégorie qui nous
intéresse est liée aux courants d'opinion et aux principes
dominants dans la société.
Au 20e siècle, deux espèces d'Etats
sont à distinguer, car on y envisage les infractions politiques d'une
façon fort différente : les Etats démocratiques d'une
part et les Etats autoritaires d'autre part. dans ces derniers, les infractions
politiques sont considérées avec une extrême
sévérité et la notion même du droit de l'individu
est pratiquement inexistante, le pouvoir cherchant alors à
éliminer systématiquement toute forme de contestation de son
ordre établi, de sa politique par
« l'écrasement » des opposants réels ou
supposés. Tel était le cas dans bon nombre d'Etats et
particulièrement du Cameroun à travers la diabolisation de
l'adversaire politique qui était promu au rang
d' « ennemi de la nation », c'est le subversif de
l'ordonnance n° 62/OF/18 du 12 mars 1962 portant répression de la
subversion. Ces Etats procèdent ainsi à la création de
délits aux contours délibérément vagues, la
subversion devenant une faute extensible mieux une faute à
cordéon, pour laquelle le pouvoir en fait ce qu'il veut selon ce qui lui
paraît bon en fonction des cas et des circonstances. Le jugement sera
confié à des juridictions d'exception - qui ne sont parfois que
des machines à condamner- le cas de l'URSS de Staline est une parfaite
illustration, dont le droit pénal avait pour but annoncé, selon
les termes du code pénal de 1926, « de protéger par la
répression les rapports sociaux correspondant aux intérêts
des masses travailleuses qui se sont organisées en classe dominante
pendant la période de passage du capitalisme au
communisme »7(*).
c) Au contraire, dans les contextes démocratiques,
comme les délinquants politiques sont mus la plupart du temps par des
motifs désintéressés, ils bénéficient
souvent de régimes de faveur. Leur situation y demeure cependant
compliquée au regard de la loi. L'indulgence dont
bénéficient dans les pays démocratiques, les
délinquants politiques, est cependant toute relative car dès que
l'acte blesse tant soit peu profondément la sensibilité du
public, leur auteur perd sa situation privilégiée.
En définitive, nous pouvons reprendre à notre
compte les définitions de Lévy-Brühl : « sont
des délits politiques, les infractions commises en vue d'un
intérêt qui dépasse celui de l'auteur et qui tendent
à réaliser une réforme de l'ordre politique, social,
religieux... Toutefois, elles sont privées des avantages qui les
caractérisent et sont assimilées aux délits de droit
commun si elles heurtent, par les moyens utilisés, l'opinion
publique »8(*).
Autrement dit, l'infraction politique repose dans notre contexte sur un acte
que l'auteur a dirigé contre la forme ou contre l'action du
gouvernement, dans le but de faire triompher sa propre conception de
l'organisation sociale : nous aurons l'occasion de préciser ce
point .
Le droit pénal camerounais constitue notre espace
thématique. Il est pris ici au sens large et désigne la branche
du droit positif qui détermine les actes punissables, les sanctions qui
frappent leurs auteurs et les autorités et formes qui président
à l'application de ces sanctions. Entendu en ce sens, le droit
pénal comprend : le droit pénal général, le
droit pénal spécial, la procédure pénale et le
droit pénitentiaire ou pénologie.
Mais pourquoi mener une réflexion sur le thème
« l'infraction politique en droit pénal
camerounais » ? C'est que une étape a été
franchie sur le plan des réformes législatives qu'on voudrait
propitiatoires à la consolidation d'un processus démocratique
dont on situe l'accélération au début des années
1990. En effet, dans le cadre de la libéralisation de la vie publique,
on peut lire de l'exposé des motifs de la loi n°90/061 du 19
décembre 19909(*)
qu' « il a paru nécessaire de supprimer du code
pénal toute allusion au caractère politique des infractions...
c'est pourquoi l'article 1er du présent projet de loi modifie
l'article 18 c.p. qui prévoyait la peine de détention, pour la
supprimer... ». Il s'agit donc de voir si cette suppression de
l'infraction politique est vraiment effective dans notre droit positif. Ou au
contraire si en dépit de cette disposition législative la
supprimant cette infraction persiste toujours.
En bref, le problème posé par notre sujet est
celui de savoir si l'infraction politique existe toujours au Cameroun à
l'heure actuelle.
A la vérité, la déception guette
l'observateur attentif à l'édiction des lois par le
législateur camerounais. Ce dernier ayant fait des imprécisions
textuelles un de ses principes. En effet, comment peut-on supprimer une
infraction de son système pénal et conserver ou créer les
juridictions compétentes pour en avoir connaissance.
Cette situation, pour le moins paradoxale, mérite alors
une attention particulière. Comment comprendre ce manque de
lucidité du législateur ? Quels sont les
éléments qui militent en faveur de la thèse de la
disparition de l'infraction politique d'une part et en faveur de sa persistance
en droit camerounais d'autre part ? Quels sont les pas à franchir
par le législateur pour expurger complètement au Cameroun toute
référence à une prétendue nature politique de
l'infraction ? Toutes ces questions révèlent l'importance
d'une analyse sur le thème de notre étude.
En effet, cette étude permettra en plus
d'éclaircir la notion d'infraction politique, de résoudre
l'épineux problème de sa suppression ou de sa persistance en
droit camerounais. Et par conséquent, invitera le faiseur de lois
à conduire l'évolution à son terme en prenant les
dispositions manquantes.
Mener une réflexion en science juridique
nécessite que soit explicitée une méthode. En ce qui
concerne le thème sur « l'infraction politique en droit
pénal camerounais », nous adopterons les méthodes
juridique et dialectique.
La méthode juridique selon le professeur Charles
Eisenmann, a deux composantes : la dogmatique et la casuistique10(*).
La dogmatique consiste à analyser les textes et les
conditions de leur édiction. Il s'agit de l'étude du droit
écrit, de la norme juridique au sens strict, et plus
spécifiquement du droit positif tel qu'il ressort de l'armature
législative. Elle permettra de nous appesantir sur le sens des lois et
le contexte de leur édiction. En d'autres termes, il s'agira d'une
prospection pour découvrir les progrès et les incohérences
des textes législatifs.
Cependant, la méthode juridique, dans cette seule
composante se confondrait à une spéculation philosophique.
Pourtant, « la recherche juridique échappe au danger de la
spéculation abstraite »11(*). La norme juridique nécessite une
confrontation aux réalités sociales, car la fonction essentielle
du droit est de régenter l'ordre social. C'est à ce moment
qu'interviendra la casuistique.
Cette seconde composante nous permettra d'apprécier la
démarche du juge, lorsqu'il est confronté à une situation
où il doit donner une solution précise prévue par la norme
juridique.
Par ailleurs, le Cameroun ayant connu deux phases
évolutives, il serait important de voir comment l'infraction politique
était perçue à l'ère du parti unique et depuis
l'ère démocratique. D'où la méthode dialectique,
qui pour Madeleine Grawitz « est la plus complète, la plus
riche et semble-t-il la plus achevée des méthodes conduisant
à l'explication en sociologie »12(*). Celle-ci donnera à
notre étude de présenter l'attitude du droit pénal
camerounais vis-à-vis du délinquant politique pendant le
régime autoritaire et depuis la libéralisation. Cette
méthode nous permettra d'affirmer avec Hegel que « chaque
étape de l'histoire des sociétés contient toutes les
étapes précédentes. Mais aucune de ces étapes n'est
entièrement supprimée ou conservée. Chacune d'entre elles
reçoit la place qui lui est propre comme un élément
constitutif de la totalité historique ».
C'est donc pour cette raison que notre étude se
construira autour de deux pôles :
Le premier consistera à présenter l'infraction
politique avant la réforme pénale du 19 décembre 1990.
Cette période marquée par une utilisation "tous azimuts" du droit
pénal en vue de l'instauration et du maintien d'un pouvoir fort.
Dans le second pôle, nous verrons comment l'ère
démocratique pressant la législation à suivre
l'évolution voulue par les gouvernants, le législateur national
commettra des textes qui malheureusement s'avèreront paradoxaux. En
fait, toute la difficulté de notre sujet provient curieusement de la
législation démocratique de 1990 en matière des
libertés.
Ces analyses seront ainsi constituées :
Première partie : L'infraction politique
avant la bourrasque législative de 1990.
Deuxième partie : Le paradoxe sur
l'existence de l'infraction politique depuis la réforme pénale de
1990.
PREMIERE PARTIE
L'INFRACTION POLITIQUE AVANT LA BOURRASQUE LEGISLATIVE
DE 1990.
Incontestablement, le système politique mis en place
pendant cette période visée était sans n'en point douter
un régime présidentialiste « fort »13(*)avec un président de la
République dont l'importance des prérogatives conduisait à
l'instrumentalisation du droit pénal à des fins politiques.
Le code pénal camerounais n'ayant prévu aucune
définition de l'infraction politique, l'on a assisté à un
élargissement du carcan répressif par la criminalisation de la
simple contestation politique ; plusieurs interrogations sous-tendent
cette partie qui du reste est d'importance capitale. En effet l'on est curieux
de savoir sur quelle base partait le juge pour réprimer les
délinquants dits politiques, puisque le législateur ne
définissait nulle part cette infraction. Comment dès lors se
conformer au principe de la légalité si une infraction n'est pas
prévue, définie, mais est réprimée ?
Raison pour laquelle avant d'évoquer le régime
répressif procédural d'antan de cette infraction (chap. 2) qui
est sujet à équivoque, il serait capital que nous ressortions les
éléments d'identification de la délinquance politique
à travers les critères de détermination de l'infraction
politique. (Chap. 1)
CHAPITRE I : LES CRITERES DE DETERMINATION
DE
L'INFRACTION POLITIQUE.
A l'inverse de certains codes étrangers,
comme le code italien14(*), notre code pénal ne comporte aucune
définition de l'infraction politique. Ce silence singulier, qui n'a pas
été levé à l'occasion des multiples réformes
pénales, s'explique pour partie par la difficulté de
définir cette infraction.
Il importe dès lors, afin de cerner la
notion d'infraction politique, de s'attacher à toutes les conceptions
théoriques possibles et aux efforts fournis par la jurisprudence.
Tout d'abord, il faudrait écarter le
critère tenant à la qualité du coupable. Les infractions
commises par un responsable politique (chef d'Etat ou de gouvernement,
ministre, parlementaire, élu local...) dans l'exercice de ses fonctions
ne sont pas nécessairement des infractions politiques. La
précision paraît nécessaire car la multiplication
récente « d'affaires » mettant en cause des hommes
politiques pourrait susciter une confusion sur ce point. Il reste cependant que
les infractions commises par ces personnes sont parfois soumises à des
règles dérogatoires.
Dans l'optique de faciliter l'identification et la
détermination de cette infraction, ce chapitre traitera dans sa
première subdivision des critères classiques de définition
de la criminalité politique (sect. 1). La deuxième subdivision
quant à elle sera consacrée au régime particulier assorti
à ce type de délinquance (sect.2).
SECTION I : LES CRITERES CLASSIQUES DE DEFINITION
DE LA
CRIMINALITE
POLITIQUE.
Ces critères tirent leur essence de la
doctrine et de la jurisprudence. Deux tendances se sont opposées. Une
première conception, objective, fondée sur la
considération de l'objet : c'est le critère matériel
(par.1).
Une seconde conception, subjective, s'attache non
plus au résultat matériel de l'infraction, mais au mobile animant
son auteur et non au dessein du législateur15(*) : c'est le critère
psychologique (par.2).
Paragraphe I : La conception objective : le
critère matériel
Ce critère tient compte de l'objectif de
l'action. C'est une première manière d'appréhender
matériellement le criminel que de déterminer objectivement
l'infraction. Dans cette conception, le droit lésé devient la
réalité fondamentale à partir de laquelle se construit la
notion d'infraction. C'est par cette méthode, et en l'absence de toute
définition légale, que la doctrine (A) et la jurisprudence (B)
ont largement contribué à une approche définitionnelle
acceptable de l'infraction politique.
A- LA DOCTRINE SUR LA NOTION D'INFRACTION
OBJECTIVEMENT POLITIQUE
De nombreux auteurs (1) ont individuellement
contribué à cette conception de l'infraction politique
fondée sur la considération de l'objet. Tout comme de multiples
travaux communs de congressistes à travers des conventions
internationales (2) ont joué un rôle non négligeable
tendant à rendre universelle la définition de cette notion.
1- Ils sont nombreux, des auteurs, qui ont
contribué à une définition de l'infraction politique
objective. Mais, malheureusement nous ne saurons tous les retenir.
En effet, en 1886, Ortolan donnait la définition
suivante : « Répondez à ces trois questions :
quelle est la personne directement lésée par ce
délit ? L'Etat ; dans quelle sorte de droit l'Etat se
trouve-t-il lésé ? Dans un droit touchant à son
organisation sociale et politique ; quel genre d'intérêt
a-t-il à la répression ? Un intérêt touchant
à cette organisation sociale et politique. Le délit est
politique »16(*).
Si cette définition d'Ortolan paraît restreinte,
elle va gagner en extension à travers l'apport du jurisconsulte allemand
Von Liszt. Pour ce dernier, « sont politiques, les délits
commis intentionnellement contre l'existence de la sûreté de
l'Etat ou d'un Etat étranger, de même que ceux qui sont
dirigés contre le chef du gouvernement et les droits politiques des
citoyens »17(*).
Ces deux définitions de l'infraction politique
constituent en fait le socle à partir duquel d'autres auteurs partiront
pour améliorer davantage la conception objective. Et même, lors de
rencontres internationales visant l'harmonisation de cette définition,
c'est la même optique qui sera retenue.
2- Dans le même esprit, la
conférence internationale pour l'unification du droit pénal,
tenue à Copenhague en août 1935, proposait de qualifier comme
politiques, « les infractions dirigées contre l'organisation
et le fonctionnement de l'Etat, ainsi que celles qui sont dirigées
contre les droits qui en résultent pour les
citoyens »18(*).
Dans cette théorie, l'Etat constitue le sujet passif de
toute infraction politique bien que cette dernière porte atteinte aux
intérêts, aux droits de l'Etat considéré comme
puissance publique. Sont donc par conséquent exclus de cette
qualification d'infraction politique, les délits contre l'Administration
ainsi que contre les droits et autres prérogatives de l'Etat. Une simple
violation de l'ordre politique n'est cependant pas suffisante pour constituer
une infraction politique et il faut qu'il y ait une intention de destruction
totale ou partielle de l'ordre politique.
Outre la doctrine, la jurisprudence a largement
contribué à une définition de la criminalité
politique.
B- LE CRITERE JURISPRUDENTIEL TIRE DE LA NATURE DES
FAITS
Dans l'ensemble, la jurisprudence adopte le critère
objectif en matière politique. Et c'est très souvent à
propos de la contrainte par corps qu'elle se prononce sur le caractère
politique des infractions : elle se rappelle alors que cette mesure
d'exécution est exclue en matière politique. La qualification
politique est ainsi limitée par elle aux infractions politiques par
nature (1) auxquelles sont toutefois assimilées les infractions
connexes19(*), mais ce
choix n'est pas admis à l'unanimité (2).
1- Les infractions politiques par nature
Il n'est pas nécessaire qu'une infraction soit
prévue dans le titre I du code pénal20(*) consacré aux crimes et
délits contre la chose publique pour être qualifiée de
politique : sont donc politiques par nature, les atteintes aux
intérêts fondamentaux de la nation : trahison, espionnage,
attentats, complots, mouvements insurrectionnels... on peut ajouter les fraudes
électorales, l'offense au président de la République, et
les infractions portant atteinte aux diverses libertés politiques (de
réunion, de presse, de l'enseignement, du travail, d'un culte...).
A l'inverse, il est certain qu'il ne suffit pas, loin s'en
faut, qu'une infraction soit prévue dans ce titre du code pénal
pour que la jurisprudence lui confère un caractère politique. La
plupart des infractions prévues au titre sus-évoqué, tels
la non-dénonciation de crime, le faux ou la fausse monnaie, ne sont pas
politiques par leur nature. Seules sont susceptibles d'être
qualifiées comme telles, les infractions créées en vue de
garantir le respect des libertés publiques, le bon fonctionnement des
institutions de la République, ainsi que les infractions dont la
commission consiste en l'exercice abusif d'une liberté publique. Ainsi,
revêt un caractère politique, la participation délictueuse
à un attroupement réprimée.
Toutefois, l'hésitation est permise dans certains cas,
ce qui est la pierre d'achoppement de l'acceptation totale de cette
conception.
2- Les limites de l'identification objective de
l'infraction politique
Bien qu'elle soit largement acceptée dans le droit
positif contemporain, on peut avec Papadatos, lui adresser certaines critiques.
En effet, elle ne tient pas compte du sens qu'ont attribué aux
infractions politiques la conscience populaire et la tradition libérale
à l'aube de l'époque contemporaine. L'intention noble et
désintéressée du délinquant n'est nullement prise
en considération.
La référence exclusive au résultat
sociologique de l'acte incriminé conduit théoriquement à
négliger l'élément moral de l'infraction et plus largement
la personnalité de l'individu poursuivi21(*). Que le droit lésé soit le
critère qui permette de déterminer l'infraction n'est pas, en
soi, condamnable, bien au contraire, mais appliqué sans mesure, ce mode
de détermination risque de mener à des extrémités
pernicieuses : le danger est d'abord que le coupable, occulté en
quelque sorte par son acte passe au second plan des préoccupations des
juristes, voire qu'il soit purement et simplement oublié ; ensuite,
que le procès pénal consiste à juger l'acte plus que
l'homme qui l'a commis22(*), une telle conception du droit pénal, si elle
était unique, ne serait pas seulement inopportune, mais également
inexacte. Aussi, parallèlement, la jurisprudence consacre le
critère subjectif dans certaines conditions.
Paragraphe II : La conception subjective : le
critère psychologique.
Les théories subjectives de l'infraction politique ont
leur origine dans la pensée des libéraux pour qui : le
révolutionnaire aux idées nobles et aux intentions
désintéressées constitue le modèle du
délinquant politique. Mais comme le fait remarquer Papadatos, si le
mobile est un élément important pour apprécier le
degré de culpabilité et surtout de criminalité d'un
accusé, il ne peut suffire d'aucune façon à servir comme
seul critère de l'infraction. Si l'on considère les mobiles ou le
but poursuivis par les délinquants politiques, dans les
éléments subjectifs du crime, on peut constater que ceux-ci sont,
en général, mus par des mobiles qui dépassent leur
intérêt personnel. Ceux qui tiennent toutefois compte de cet
élément subjectif prennent soin de distinguer la nature des
infractions (A), ce qui en principe rend indifférent le mobile du
coupable lorsque son acte s'est avéré odieux et barbare (B).
A- LA NATURE DES INFRACTIONS
Une distinction est faite selon que l'infraction est complexe
(1) ou connexe (2) à l'infraction politique principale.
1- Les infractions complexes
Les infractions complexes sont celles qui, tout en
lésant directement un intérêt privé, sont commises
dans un but politique. Pour savoir si elles peuvent être
considérées comme des infractions politiques, il faut distinguer
entre les infractions de terrorisme et les autres.
Devant l'inquiétante montée du terrorisme depuis
quelques années, les législateurs se trouvent placés
devant un choix de politique criminelle : ou bien considérer les
actes de terrorisme comme des infractions politiques, ou bien considérer
ces actes comme des infractions de droit commun au motif que l'auteur23(*) se conduit de manière
odieuse.
Naguère, la doctrine s'est efforcée de
définir l'infraction de terrorisme. H. Donnedieu de Vabres
écrivait en 1947 : « l'originalité de cette
infraction réside dans la réunion des caractères
suivants : a) elle est le fait de bandes, souvent internationales, ce qui
la rend particulièrement efficace ; b) les procédés
dont use le délinquant sont de nature à provoquer la
terreur : explosion, destructions de chemins de fer ou d'édifices,
ruptures de digues, empoisonnement d'eau potable, propagation de maladies
contagieuses...c) elle crée un danger commun24(*).
Le législateur adopte une voie un peu
différente. Ainsi, sont complexes et assurément pas politiques,
les infractions en relation avec une entreprise individuelle ou collective
ayant pour but de troubler gravement l'ordre public par l'intimidation ou la
terreur. Il s'agit donc d'infractions de droit commun, et qui plus est
d'infractions sévèrement traitées. On est là aux
antipodes de l'infraction dont l'auteur est animé d'un mobile noble.
L'importance du terrorisme occulte un peu aujourd'hui
certaines autres infractions complexes qui ont pourtant naguère retenu
beaucoup l'attention. L'idée générale est que ces
infractions se voient presque systématiquement refuser la qualification
politique. Ces infractions, par leur nature et quels qu'en aient
été les motifs, constituent des infractions de droit commun. Il
en est ainsi notamment de l'attentat à la vie d'un chef d'Etat, d'un
membre de sa famille25(*),
de l'attentat à la vie des personnes ayant droit à une protection
internationale, y compris les agents diplomatiques, de même que des coups
et blessures volontaires commis sur les agents de la force publique.
Si la qualification politique n'est pas admise lorsque
l'infraction se présente sur les formes sus-évoquées, tel
n'est pas le cas lorsque l'infraction est située dans la sphère
du connexe.
2- Les infractions connexes
Ce sont des infractions de droit commun commises à
l'occasion d'événements politiques, et liées d'une
façon plus ou moins étroite à ces
événements. Il s'agit d'une infraction qui se rattache par un
rapport de causalité à une infraction politique. A titre
illustratif, des insurgés, criminels politiques, pillent une armurerie
pour pouvoir s'introduire de force dans un palais gouvernemental. Ce pillage
doit-il être considéré comme une infraction de droit commun
ou comme une infraction politique ? La réponse doit être
nuancée. Au siècle d'avant, la jurisprudence retenait la
qualification de droit commun26(*). Mais tout récemment il a été
retenu que « ces infractions présentent dans leur ensemble un
caractère politique27(*) ».
Malgré cette tentative de différenciation de
l'infraction subjectivement politique, la part d'arbitraire est, et demeurera
sans doute bien importante, en ce qui a trait notamment au sort que les
diverses législations et pouvoirs étatiques réserveront
aux délinquants politiques.
Toutefois, la jurisprudence a limité le critère
subjectif. Le conseil d'Etat a déclaré que le fait que les crimes
reprochés auraient eu pour but de renverser l'ordre établi en
Allemagne ne suffit pas, compte tenu de leur gravité à leur
conférer un caractère politique. Juridiquement, cette formule
implique que hormis le cas de l'infraction connexe, la jurisprudence est en
principe indifférente aux mobiles allégués par le
coupable.
B- L'INDIFFERENCE DE PRINCIPE DU MOBILE DU
COUPABLE
En dehors de l'hypothèse de la connexité (2), la
jurisprudence refuse en principe de reconnaître le caractère
politique à des infractions qui ne seraient pas politiques par leur
nature (1).
1- L'absence de prise en considération du
mobile du coupable par la jurisprudence
On peut affirmer que la jurisprudence se refuse totalement
à prendre en compte les mobiles du coupable pour conférer un
caractère politique à une infraction qui, par sa nature
intrinsèque, ne présente pas a priori un tel caractère. Le
principe a été tout d'abord affirmé à propos des
atteintes à la vie dans un arrêt de la chambre criminelle rendu le
20 août 1932 dans la célèbre affaire Gorguloff, assassin du
président de la République Paul Doumer. Le geste de Gorguloff
avait été incontestablement inspiré par des motifs
politiques et revêtait donc un caractère politique d'un point de
vue subjectif. La cour de cassation refusa cependant de prendre en compte cet
élément et considéra l'assassinat du chef de l'Etat comme
une infraction de droit commun28(*). Gorguloff fut donc condamné à la peine
capitale29(*).
La solution ainsi dégagée a été
par la suite appliquée en matière de violences contre les
personnes. La chambre criminelle considère que les mobiles politiques de
ceux qui exercent de telles violences, en particulier sur des agents de la
force publique, ne retirent pas à l'infraction son caractère de
droit commun, sauf s'il s'agit d'une infraction connexe.
2- L'assimilation des infractions connexes à
l'infraction politique
Aux infractions politiques par nature doivent être
assimilées les infractions connexes qui, bien que constituant, par leur
nature, des infractions de droit commun, prennent la qualification politique
attachée à l'infraction principale à laquelle elles sont
liées. S'agissant de l'application des règles du droit
pénal interne, l'assimilation était écartée par la
jurisprudence, celle-ci retenait la qualification de droit commun. Mais, dans
un temps pas très lointain, la jurisprudence a déclaré
lors d'un jugement concernant la tentative d'assassinat et l'association de
malfaiteurs connexes à un crime d'atteinte à la
sûreté extérieure de l'Etat que « ces infractions
présentaient dans leur ensemble un caractère
politique ».
Ainsi, lors de la « guerre
d'Algérie », des algériens condamnés pour divers
crimes et délits de droit commun ont été dispensés
de la contrainte par corps parce que ces infractions étaient connexes
à l'infraction politique principale d'insurrection pour laquelle ils
avaient également été condamnés30(*). Par ailleurs, la solution est
identique en matière d'extradition31(*) et se trouve en outre fondée sur de nombreuses
conventions d'extradition, comme la convention européenne du 13
décembre 1957 dont l'article 3 exclut expressément l'extradition
pour des « faits connexes » à une infraction
politique. L'infraction connexe sera donc considérée comme
politique pour l'extradition, si trois conditions sont réunies : le
mobile doit être politique, l'infraction doit avoir été
commise dans un Etat de guerre ou d'insurrection, l'acte
répréhensible ne doit pas être contraire au droit des
gens.
Ainsi, lorsque l'infraction est naturellement politique, ou
connexe, ou encore remplit les conditions ci-dessus évoquées pour
l'extradition, un régime particulier doit lui être
appliqué.
Section II: Le régime particulier de l'infraction
politique
En l'absence d'un critère légal universel de
définition de l'infraction politique, l'intérêt essentiel
de la notion s'est déplacé du plan de la définition
à celui de la pénalité, et plus largement à celui
du régime applicable aux infracteurs politiques. Il en ressort que le
droit positif d'antan offrait l'aspect d'un certain nombre de solutions
écrites favorables aux délinquants politiques dont les plus
importantes concernant le régime des détentionnaires politiques
(par.1er) et des textes nationaux et internationaux dont la plupart
concerne la reconnaissance d'un droit d'asile et l'exclusion de l'extradition
en matière de criminalité politique (par.2e).
Paragraphe 1 : Le régime des
détentionnaires politiques.
La particularité de ce régime est perçue,
en ce qui concerne les règles de droit pénal de fond, à
travers l'application de la détention (A) peine politique par
excellence, et concernant les règles de droit pénal de forme,
à travers certaines faveurs procédurales attachées
à ce type de délinquance (B).
A- L'APPLICATION DE LA PEINE DE DETENTION
POLITIQUE
La définition (1) et le régime
d'exécution (2) de la détention nous permettrons d'avoir une vue
générale du traitement « infligé » aux
délinquants politiques.
1- Définition de la détention
politique
La détention est une peine privative de liberté
prononcée à raison d'un crime ou d'un délit politique
pendant laquelle les condamnés ne sont pas astreints au travail et
subissent leur peine dans des établissements spéciaux. A
défaut, ils sont séparés des condamnés de droit
commun32(*). Avant les
amendements législatifs survenus en 1990, la détention faisait
partie de l'arsenal des peines principales au côté de la peine de
mort, l'emprisonnement et l'amende33(*). Elle était retenue et appliquée
quasiment toutes les fois que l'infraction commise était l'une de celles
prévues aux chapitres I, II et IV du titre I, livre II du Code
Pénal.
Encore applicable en France, la détention criminelle
est une peine criminelle, politique, principale, temporaire et
perpétuelle. Elle constitue avec la réclusion la seule peine
criminelle par nature puisque les autres peines sont soit tombées en
désuétude, soit supprimées34(*). Elle sanctionne quelques crimes portant atteinte aux
intérêts fondamentaux de la nation : livraison de tout ou
partie du territoire national, de forces armées ou de matériel
à une puissance étrangère ; intelligences avec une
puissance étrangère ; livraison d'informations à une
puissance étrangère ; sabotage ; attentat et
complot ; mouvement insurrectionnel ; usurpation de commandement,
levée de forces armées et provocation à s'armer
illégalement35(*).
Sa durée peut être à perpétuité, de trente
ans au plus, de vingt ans, quinze ans, dix ans ou de cinq ans au moins.
L'innovation la plus importante consiste dans la création d'une peine de
trente ans, afin de rétablir une cohérence dans la
hiérarchie des peines à la suite de l'abolition de la peine de
mort dans le système répressif français.
La détention est une peine favorable au
condamné, car son régime d'exécution est plus
libéral que celui de la réclusion ou de l'emprisonnement selon
qu'il s'agisse du contexte français ou camerounais. Le condamné
à la détention criminelle bénéficie en effet de
plein droit du régime pénitentiaire dit
« spécial ». Au Cameroun, la détention est
retenue qu'il s'agisse d'un délit ou d'un crime. En France, si en
matière correctionnelle les peines ne diffèrent pas selon la
nature de l'infraction, le régime pénitentiaire reste adouci en
faveur du délinquant politique.
2- Les faveurs pénitentiaires du détenu
politique.
Le délinquant politique bénéficie d'un
régime spécial de détention. Ce régime favorable
vise le type d'incarcération et s'applique aux personnes poursuivies et
condamnées soit pour crime ou délit contre la nation, l'Etat et
la paix publique, et dans une certaine mesure pour infraction de
presse36(*). Les
condamnations politiques n'entraînaient pas les mêmes
conséquences que les condamnations de droit commun, notamment par
certains avantages : le condamné politique subissait sa peine dans
un quartier spécial37(*) et confortable, n'était pas astreint au
travail obligatoire, la contrainte par corps ne lui était donc pas
applicable38(*). Il lui
était permis de porter des vêtements personnels distincts des
uniformes habituels des autres prisonniers, de recevoir des visites à
tout moment de la journée dans un parloir sans dispositif de
séparation, et un accès sans limitation à l'information.
Cette faveur est d'ailleurs étendue au cas où le prévenu a
été déclaré coupable à la fois d'un
délit de droit commun et d'un délit politique, à la
condition que ce dernier soit le plus sévèrement
réprimé des deux par la loi39(*).
En outre, les condamnations politiques ne font pas obstacle,
au cas de condamnation ultérieure, à l'octroi du sursis
simple ; de même, elles n'entraînent pas la révocation
d'un sursis déjà obtenu. Elles ne peuvent pas être
prononcées avec sursis d'épreuve. Les condamnations pour crimes
ou délits politiques ou pour infractions connexes ne comptent pas pour
la relégation40(*),
ni pour l'application de la tutelle pénale41(*), et ne font en principe
encourir aucune incapacité ni déchéance professionnelle,
comme notamment l'exclusion de l'armée, l'interdiction de l'exercice de
certaines professions telles que médecine, banque, barreau...
Il existe souvent des dispositions spéciales en
matière d'amnistie42(*), et une pratique particulière de la
grâce en matière politique. Ces lois définissent en
général les critères retenus qui sont en rapport avec des
événements déterminés. Ils sont en tout cas
différents de ceux qui constituent le fond quasi permanent des lois
d'amnistie de droit commun, encore que les effets de l'amnistie soient
identiques.
Outre ces faveurs en droit pénal de fond en ce qui
concerne la peine et son exécution, le délinquant politique
bénéficiait également de faveurs procédurales.
B- LES FAVEURS PROCEDURALES ATTACHEES A LA SANCTION DE
LA DELINQUANCE POLITIQUE
S'agissant des règles de procédures proprement
dites, les législateurs optent assez nettement en faveur de la
conception libérale. On peut relever trois séries de dispositions
favorables aux auteurs d'infractions politiques : d'une part, l'exclusion
de la procédure rapide de comparution immédiate (1), d'autre
part, l'impossibilité pour le tribunal correctionnel de décerner
un mandat de dépôt ou d'arrêt (2), par ailleurs, les
garanties de la défense sont en principe aussi fortes en matière
politique (3).
1- L'exclusion de la comparution
immédiate
En matière correctionnelle, après avoir
constaté l'identité de la personne qui lui est
déférée, lui avoir fait connaître les faits qui lui
sont reprochés et avoir recueilli ses déclarations si elle en
fait la demande, le procureur de la République peut, s'il estime qu'une
information n'est pas nécessaire, inviter la personne
déférée à comparaître devant le tribunal dans
un délai qui ne peut être inférieur à dix jours ni
supérieur à deux mois, sauf renonciation expresse de
l'intéressé en présence de son avocat. Il lui notifie les
faits retenus à son encontre ainsi que le lieu, la date et l'heure de
l'audience. Cette notification, mentionnée au procès-verbal dont
copie est remise sur-le-champ au prévenu, vaut citation à
personne.
L'avocat choisi ou le bâtonnier est informé, par
tout moyen et sans délai, de la date et de l'heure de l'audience ;
mention de cet avis est portée au procès-verbal. L'avocat peut,
à tout moment, consulter le dossier. Si le procureur de la
République estime nécessaire de soumettre le prévenu
jusqu'à sa comparution devant le tribunal à une ou plusieurs
obligations du contrôle judiciaire, il le traduit sur-le-champ devant le
président du tribunal ou le juge délégué par lui,
statuant en chambre du conseil avec l'assistance d'un greffier. le procureur de
la République, lorsqu'il lui apparaît que les charges
réunies sont suffisantes et que l'affaire est en l'état
d'être jugée, peut, s'il estime que les éléments de
l'espèce justifient une comparution immédiate, traduire le
prévenu sur-le-champ devant le tribunal. En cas de délit
flagrant, si le maximum de l'emprisonnement prévu par la loi est au
moins égal à six mois, le procureur de la République, s'il
estime que les éléments de l'espèce justifient une
comparution immédiate, peut traduire le prévenu sur-le-champ
devant le tribunal.
Le prévenu est retenu jusqu'à sa comparution qui
doit avoir lieu le jour même ; il est conduit sous escorte devant le
tribunal. Les dispositions relatives à la comparution
immédiate43(*)
telles que ci-dessus évoquées sont exclues en matière de
criminalité politique ou d'infractions dont la procédure de
poursuite est prévue par une loi spéciale. Pareillement, il est
interdit au tribunal correctionnel de décerner mandat.
2- L'impossibilité pour le tribunal
correctionnel de décerner un mandat d'arrêt ou de
dépôt44(*)
Le mandat d'arrêt est l'ordre donné à un
officier de police judiciaire de rechercher un inculpé, un
prévenu, un accusé ou un condamné et de le conduire devant
le procureur de la République ou le juge d'instruction45(*). Lorsque l'inculpé,
l'accusé ou le condamné est en fuite, le juge d'instruction ou la
juridiction de jugement peut décerner contre lui mandat d'arrêt,
si l'infraction visée est passible d'une peine privative de
liberté, ou en cas de condamnation à une telle peine . la
personne arrêtée en vertu d'un mandat d'arrêt est conduite
sans délai devant le juge d'instruction ou le président de la
juridiction qui l'a décerné, lequel peut en donner sur-le-champ
mainlevée, si cette personne respecte les consignes du juge46(*). Dans le cas contraire, elle
est conduite immédiatement à la prison indiquée sur le
mandat. Le mandat de dépôt contient quant à lui l'ordre
donné par le juge au chef de l'établissement pénitentiaire
de recevoir et de détenir la personne. Ce mandat permet également
de rechercher et de transférer la personne lorsqu'il lui a
été précédemment notifié. L'agent
chargé de l'exécution du mandat de dépôt remet
l'intéressé au chef de l'établissement
pénitentiaire, lequel lui délivre une reconnaissance de cette
remise.
Si ces deux mandats ressortissent de la compétence des
juges correctionnels de droit commun, interdiction leur est faite de les
décerner lorsque l'infraction a une nature politique.
3- Les garanties de la défense en
criminalité politique
Elles sont aussi fortes en matière politique qu'en
droit commun. Celui qui est accusé de trahison47(*), d'espionnage, de fraudes
électorales, de délits d'association, de presse, de grève
et de réunions politiques, a le droit de recevoir communication de
l'acte d'accusation, d'être assisté d'un avocat, de proposer et de
faire citer des témoins pour sa défense, de ne pas être
condamné sans un minimum de preuves concernant sa culpabilité.
Ainsi, qu'il s'agisse d'un délinquant politique ou de droit commun, nul
ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et
promulguée antérieurement au délit et légalement
appliquée48(*).
Seules font exception, d'une part la garde à vue et la détention
provisoire dont les délais sont plus longs lorsqu'il s'agit d'atteintes
à la sûreté de l'Etat, et d'autre part, la
possibilité pour les préfets de faire des actes de police
judiciaire, sous certaines conditions, en matière de crimes et de
délits contre la sûreté de l'Etat49(*).
Le particularisme des règles applicables aux
infractions politiques peut paraître limité sur le plan interne,
mais il ne faut pas négliger au-delà des conséquences
juridiques qui viennent d'être évoquées, l'avantage d'ordre
moral que peut revêtir pour un militant la reconnaissance du
caractère politique de son action, même quand elle prend des
formes illicites. De plus, sur le plan international, des dispositions sur
l'extradition et le droit d'asile sont favorables aux infracteurs
politiques.
Paragraphe II : La reconnaissance d'un droit
d'asile et l'exclusion de
l'extradition en
criminalité politique.
Il s'agit de deux mesures qui sans nul doute rehaussent les
intérêts pratiques de la particularité de l'infraction
politique, donc de son régime. En effet, la plupart des pays du monde
ont reconnu un droit d'asile politique (B) et exclu de l'extradition des faits
s'inscrivant dans un contexte politique (A).
A- LE REFUS D'EXTRADITION DES DELINQUANTS
POLITIQUES.
L'extradition est le mécanisme juridique par lequel un
Etat (l'Etat requis) sur le territoire duquel se trouve un individu remet ce
dernier à un autre Etat (Etat requérant) afin qu'il le juge
(extradition à fin de jugement) ou lui fasse exécuter sa peine
(extradition à fin d'exécution). L'extradition reflète
l'esprit de coopération entre les divers Etats du monde.
Elle se distingue
§ De l'expulsion qui intervient pour des raisons (souvent
administratives) internes à l'Etat qui expulse.
§ Du refoulement qui consiste à refuser à
un individu d'entrer à la frontière.
§ Du rapatriement qui se situe dans un contexte non
pénal.
§ Du transfert qui est une notion issue du statut du
tribunal international chargé de juger les personnes
présumées responsables de violations graves du droit
international humanitaires commises sur le territoire de l'ex Yougoslavie
depuis 1991 ou autres ; il s'agit de transférer au tribunal une personne
poursuivie initialement par une juridiction nationale, en vertu du principe de
la primauté du tribunal sur les juridictions nationales pour la
poursuite des crimes entrant dans sa compétence.
· De la remise telle que
développée par l'union européenne dans le cadre du mandat
d'arrêt européen, qui vise à supprimer les
procédures formelles de l'extradition en adoptant le principe de la
reconnaissance mutuelle des décisions pénales.
L'extradition suppose un acte de poursuite à l'encontre
d'un individu ; s'il est simplement recherché pour être entendu
comme témoin, la question doit être réglée par une
commission rogatoire et non par l'extradition.
Elle est régie au Cameroun par la loi n°64/LF/13
du 26 juin 1964 fixant le régime de l'extradition qui en son article 11
in fine exclut l'extradition lorsqu'il résulte des circonstances qu'elle
est demandée dans un but politique. Cette exclusion date dans le cadre
international de la loi française du 10 mars 192750(*) :
« l'extradition n'est pas accordée lorsque le crime ou
délit a un caractère politique ». Cette position sera
confortée davantage par de nombreuses autres dispositions nationales
qu'internationales. Après avoir présenté la notion
d'infraction politique en droit extraditionnel (1), nous évoquerons
l'exclusion de l'extradition pour des faits s'inscrivant dans un contexte
politique lato sensu (2).
1- La notion d'infraction politique en droit
extraditionnel
L'infraction politique susceptible de fonder le refus de
l'extradition est non seulement l'infraction objectivement politique (a), mais
aussi subjectivement politique (b).
a- L'infraction objectivement politique
Elle est encore appelée infraction politique par
nature. Dans cette catégorie, rentrent toutes les atteintes à la
sûreté de l'Etat ou plus largement toutes les infractions qui
portent atteinte à l'ordre politique, qui sont dirigées contre la
constitution, contre le Gouvernement et la souveraineté, et qui
troublent l'ordre établi par les lois fondamentales de l'Etat et de la
distribution des pouvoirs.
b- Les infractions subjectivement
politiques
La qualification politique de l'infraction découle ici
du mobile qui anime le délinquant. Il y a lieu de distinguer toujours
l'infraction connexe, de l'infraction complexe.
L'infraction connexe à une infraction politique est
celle qui est commise pour préparer une infraction politique,
l'exécuter, en assurer le profit ou l'impunité. C'est aussi
l'infraction commise en vue de s'opposer à la perpétration d'une
infraction politique. Toutes les conventions conclues par le Cameroun excluent
l'extradition pour ce type d'infraction51(*)
La question de l'infraction complexe est plus délicate
et retient beaucoup d'attention. L'idée générale est que
cette infraction se voit presque systématiquement refuser la
qualification de politique. L'infraction complexe est celle dont l'auteur est
animé par la passion politique mais qui porte atteinte à des
intérêts privés. Suivant une clause de style, ces
infractions « par leur nature et quels qu'en aient été
les motifs, constituent des infractions de droit commun »52(*). En droit extraditionnel
camerounais, une restriction est apportée à la conception
subjective de l'infraction politique par le biais de la clause d'attentat ou
« clause belge », dont on a dit qu'elle « avait
grignoté progressivement le domaine de l'immunité des infractions
politiques en matière d'extradition »53(*). Cette clause dénie la
qualification de politique au meurtre du souverain étranger, à
l'attentat à la vie du chef d'Etat54(*) ou d'un membre de sa famille. De même, et de
manière extensive, ne sont pas considérés comme infraction
politique, des attentats à la vie des personnes ayant droit à une
protection internationale, y compris les agents diplomatiques55(*). Des coups et blessures
volontaires restent des infractions de droit commun s'ils atteignent des agents
de la force publique. Sont identiquement qualifiés, les actes de
terrorisme.
Ainsi, à l'exception de l'infraction complexe, il
est admis dans la quasi-totalité des Etats d'exclure le
délinquant politique de toute extradition.
2- L'exclusion de l'extradition pour des faits
s'inscrivant dans un contexte politique lato sensu
Deux situations doivent être soigneusement
distinguées à savoir d'une part celle tenant à la
criminalité politique au sens strict (a), et d'autre part celle de
l'individu qui officiellement réclamé pour une infraction de
droit commun, ne l'est que pour des raisons politiques inavouées, la
prise en considération de l'élément idéologique
entraîne parfois aussi le refus d'extradition (b).
a- L'exclusion de l'extradition de l'infraction
politique stricto sensu.
La loi de 1964 n'énonce pas clairement la non
extradition s'agissant des infractions politiques alors que ce principe est
clairement prévu par la loi française de 1927. Néanmoins,
une lecture profonde de cette loi camerounaise permet en se fondant sur deux
arguments, l'un a contrario, l'autre a fortiori de conclure à
l'exclusion de l'extradition en matière d'infraction politique.
Le premier argument, a contrario, découle du fait
que « l'infraction servant de base à la demande d'extradition
doit être une infraction de droit commun56(*) ». Ce qui signifie a contrario que les
infractions qui ne sont pas de droit commun à l'exemple de l'infraction
politique échappent à l'extradition.
Quant au second argument, a fortiori, il découle
de deux textes : le premier, l'article 111, exclut l'extradition lorsqu'il
résulte des circonstances qu'elle est demandée dans un but
politique. Si donc l'extradition doit être refusée lorsqu'elle est
demandée dans un but politique, à plus forte raison doit-elle
l'être lorsqu'il s'agit d'une infraction politique. Le second texte,
l'article 98(1) de la loi de 1964 qui parle du transit dispose que
« le transit sur un aéronef camerounais d'un individu
quelconque extradé par un Etat tiers à un autre Etat tiers peut
être autorisé par le ministre des affaires
étrangères sur simple demande par voie diplomatique assortie de
pièces justifiant qu'il ne s'agit ni d'une infraction politique, ni
d'une infraction purement militaire ». Si donc la loi camerounaise
refuse qu'on traverse son territoire avec un délinquant politique, il
est logique qu'elle proscrive de manière manifeste l'extradition en
matière politique ; précision apportée par l'article
643(1)a) du CPP : sont « considérés comme
infractions politiques et ne peuvent justifier l'extradition, les crimes ou
délits dirigés contre la constitution, la souveraineté
d'un Etat ou les pouvoirs publics ».
Il faut cependant souligner que si l'exclusion d'extradition
en matière politique ne fait pas de doute, cette exclusion n'a pas
toujours un caractère absolu57(*) car les juges se montrent plus libéraux
lorsque l'extradition suscite la prise en considération
d'éléments idéologiques.
b- La prise en compte de l'élément
idéologique pour le refus de l'extradition
La divergence des systèmes idéologiques
influence largement les rapports d'extradition entre Etats. Pour
apprécier le caractère politique d'une infraction commise
à l'étranger, les chambres d'accusation, chargées de
donner leur avis sur les demandes d'extradition formées par les Etats
étrangers, ont tendance à conférer au critère
subjectif une place qui ne lui est pas reconnue dans le domaine interne. Ainsi,
de nombreuses extraditions ont été refusées pour des
infractions de droit commun en raison « des buts poursuivis et des
intentions exprimées par les coupables » ou du contexte
politique de l'infraction.
Toutefois, cette tendance est de plus en plus
contrariée. La jurisprudence refuse de reconnaître un
caractère politique aux infractions de droit commun lorsqu'elles
excèdent un certain seuil de gravité. En réalité,
il paraît logique, lorsqu'une infraction de droit commun a
été commise à l'étranger pour des mobiles
politiques, d'apprécier la qualification à retenir en
considérant tout à la fois la gravité intrinsèque
de l'acte et les pratiques politiques de l'Etat requérant. Ainsi, un
même type d'infraction connexe ou complexe, inspiré par des
mobiles politiques peut être reconnu comme une infraction politique
faisant obstacle à l'extradition s'il est commis dans un Etat
méprisant les droits et libertés des citoyens, et aboutir
à l'octroi d'un droit d'asile politique au délinquant. Il doit en
revanche être traité comme une infraction de droit commun s'il a
été perpétré dans un pays tolérant la libre
expression des idées.
B- LA RECONNAISSANCE D'UN DROIT D'ASILE POLITIQUE.
Après avoir défini le droit d'asile afin de
cerner ses contours (1), nous ressortirons les conditions requises pour
l'obtention d'un droit d'asile politique (2).
1- Définition du droit d'asile
politique
Le droit d'asile (ou asile politique) est une ancienne notion
juridique, selon laquelle une personne persécutée pour ses
opinions politiques ou ses croyances religieuses dans son pays peut être
protégée par une autre autorité souveraine, un pays
étranger, ou des autorités religieuses. L'asile politique ne doit
pas être confondu avec le droit des réfugiés politiques,
qui concerne des flux importants de population, tandis que le droit d'asile
concerne des individus, et est généralement délivré
au cas par cas. Toutefois, les deux notions peuvent se rejoindre, comme chaque
réfugié peut demander à titre individuel l'asile
politique.
Ce droit trouve ses origines dans une longue tradition
occidentale, mais il avait déjà été reconnu par la
civilisation égyptienne, grecque et hébraïque, sous des
formes différentes.
Cependant, le développement des traités
d'extradition durant le XXe siècle a remis en cause le droit
d'asile, bien que le droit international considère qu'un Etat n'a aucune
obligation de remettre des criminels allégués à un Etat
étranger : il s'agit là d'une conséquence de la
souveraineté de chaque Etat, qui veut que chacun ait une autorité
juridique sur les personnes sur son territoire.
Le législateur français a prévu un droit
d'asile politique en ces termes : « Tout homme
persécuté à raison de son action en faveur de la
liberté a droit d'asile sur les territoires de la
République ». On comparera, certes, cette rédaction
mesurée à celle utilisée naguère par l'article 120
de la constitution française de 1793 « le peuple
français donne asile aux étrangers bannis de leur patrie pour la
cause de la liberté. Il le refuse aux tyrans » ; certains
pourront regretter que l'on ait restreint le droit d'asile à ceux qui
font- ou ont fait - en faveur de la liberté, ce qui est vague. Il
eût été préférable que pussent
bénéficier de ce droit tous ceux qui sont victimes d'une
injustice58(*).
Il semble que la France ait faite sienne une conception
ouverte du droit d'asile si l'on en juge par le nombre de personnes au Cameroun
en particulier qui ont demandé à s'en voir accorder le
bénéfice... mais diverses restrictions sont apportées
à l'entrée de certains étrangers qui, fuyant leur pays
pour des raisons économiques, demandent à
bénéficier des avantages du statut de réfugié
politique. Il est bien évident qu'au risque de voir mourir cette autre
particularité de l'infraction politique, des dispositions doivent
être prises afin de ne pas détourner le droit d'asile de sa
destination première.
2- Les conditions d'obtention du droit d'asile
politique
S'agissant plus particulièrement de l'asile politique,
des conditions précises pour son obtention ont été
prévues. Il faut distinguer 2 cas :
a- en cas d'opinions politiques exprimées dans votre
pays d'origine :
Il peut s'agir d'engagement politique, quelle qu'en soit la
forme : distribution de tracts, collage d'affiches, organisation de
manifestations, discours... La seule participation à une manifestation
ou l'appartenance à un syndicat autorisé ne suffisent pas
à prouver des opinions politiques justifiant des craintes de
persécution. Par contre l'appartenance au pouvoir politique
déchu peut suffire. Il faut en outre que les autorités de votre
pays aient connaissance de vos agissements et ne les tolèrent pas.
b- En cas d'opinions politiques exprimées sur le
territoire français : On admet les réfugiés sur place,
c'est-à-dire les étrangers qui, présents en France lors
d'un changement de régime dans leurs pays d'origine, encourent des
persécutions en cas de retour dans ce pays pour les opinions qu'ils
auront fait connaître contre le nouveau régime.
Mais il faut réunir 2 conditions :
- vous devez avoir mené une action ayant pour objet de
dénoncer les agissements des autorités de votre pays
(grève de la faim, manifestations,...).
Elle ne doit pas être dirigée contre la politique
de la France, c'est-à-dire qu'elle ne doit pas avoir pour but de faire
pression sur les autorités françaises pour faire infléchir
leur politique59(*).
- La seconde condition est la nécessité que
cette action soit connue des autorités de votre pays d'origine et que
votre identification soit possible.
On voit donc, en définitive, la grande
difficulté de donner une réponse satisfaisante, sur le plan du
droit strict, aux problèmes que pose l'identification des infractions
politiques. Si les doctrine et jurisprudence ont paru louvoyer en ce qui
concerne la définition et les caractéristiques véritables
à retenir, La part d'arbitraire demeure davantage en ce qui a trait
à la répression.
CHAPITRE II: LA REPRESSION DE
L'INFRACTION
POLITIQUE : LE PARTICULARISME
PROCEDURAL D'ANTAN
La répression est une des armes que s'est
réservé le pouvoir pour répondre à certaines formes
d'attaques contre les intérêts dont il assure la charge et contre
sa propre organisation. Avant la réforme pénale de
décembre 1990, la justice était rendue en matière de
criminalité politique sur toute l'étendue du territoire national,
au nom du peuple camerounais, par des juridictions exceptionnelles (sect.
1er). Ce régime emportait manifestement de nombreuses
critiques (sect. 2e), car il y avait des abus. Les
établissements de détention politiques étaient de
véritables lieux de géhenne, à l'instar du CRC60(*) de Tcholléré. Le
détenu politique, comme c'est souvent le cas dans les régimes
autoritaires, était gardé comme un individu dangereux qu'il
fallait éliminer.
Section I : L'EXISTENCE DES JURIDICTIONS
D'EXCEPTION
A l'époque des présents développements,
deux juridictions existaient pour prononcer des sanctions à
l'égard des délinquants politiques : il s'agit de la Haute
Cour de Justice (par. 1) pour le président de la République et
les membres du gouvernement ; et du tribunal militaire (par. 2) pour les
atteintes à la sûreté de l'Etat et les infractions en
matière d'armes.
Paragraphe I : La Haute Cour de Justice61(*)
Créée par l'article 34 de la Constitution du 2
juin 1972, modifiée par la loi n°84/1 du 4 janvier 1984
elle-même modifiant l'ordonnance 72/7 du 26 août 1972, la Haute
Cour de Justice a une compétence, une composition et une
procédure spéciales.
Paradoxalement, ni l'ordonnance n°72/4 du 26 août
1972 portant organisation judiciaire au Cameroun, ni la loi n°90/058
modifiant la loi n°89/01 du 29 décembre 1989 ne la cite comme
juridiction rendant justice.
A- LA COMPOSITION ET LA COMPETENCE DE LA HAUTE COUR DE
JUSTICE
Il ne fait aucun doute qu'à juridiction
spéciale, composition (1) et compétence (2)
particulières.
1- La composition de la Haute Cour de Justice
Le Président de la République n'est
responsable des actes accomplis dans l'exercice de ses fonctions qu'en cas de
haute trahison62(*). En ce
cas, il est mis en accusation devant la Haute Cour de Justice par le Parlement
statuant à la majorité des deux tiers de ses membres.
D'après l'article 1 de l'ordonnance 72/7 du 26
août 1972, elle se compose de neuf juges titulaires et six
suppléants. Au début de chaque législature et dans les
vingt jours de la première session, l'Assemblée Nationale
élit des juges de la Haute Cour.
Six juges titulaires, ainsi que trois juges
suppléants sont choisis par l'Assemblée Nationale hors de son
sein : les candidatures sont présentées par les membres de
l'Assemblée. Les candidats doivent remplir les conditions prévues
pour l'éligibilité à l'Assemblée Nationale.
Le ministère public près la Haute Cour de
Justice est exercé par le procureur général près la
Cour Suprême, assisté de l'Avocat Général
près la même Cour Suprême et le cas échéant,
d'un Avocat Général près d'une cour d'appel. Le greffier
en chef de la Cour Suprême est de droit greffier de la Haute Cour de
Justice. Il prête serment en cette qualité à l'audience
publique de la Haute Cour.
Le président et le vice-président de la Haute
Cour de Justice sont élus parmi les juges titulaires, membres de
l'Assemblée Nationale.
Il est également institué une commission
d'instruction près la Haute Cour de Justice comprenant trois membres
dont le président est élu au sein de l'Assemblée Nationale
et les deux autres membres désignés par la Cour Suprême
parmi les magistrats de cette Cour.
Lors de leur entrée en fonction, dans les dix jours
suivant leur élection, les juges de la Haute Cour de Justice, titulaires
et suppléants, le président de la Commission d'instruction
prêtent devant le Parlement le serment suivant :
« Je jure et promets de bien et fidèlement remplir
mes fonctions, de garder le secret des délibérations et des votes
et de me conduire en tout comme un digne et loyal membre de la Haute Cour de
Justice ».
Le serment est reçu par le Parlement. Acte est
donné à la prestation par le Président du Parlement qui
les renvoie à l'exercice de leurs fonctions.
En cas de décès, de maladie prolongée,
de démission ou de condamnation à une peine afflictive et
infamante d'un membre de la Haute Cour de Justice, il est pourvu
immédiatement au siège vacant par l'élection d'un nouveau
membre parmi les suppléants de l'organe qui a procédé au
choix précédent.
2- La compétence de la Haute Cour de
Justice.
La Haute Cour de Justice est compétente pour
connaître :
- des actes de haute trahison commis par le président
de la République
- des complots contre la sûreté de l'Etat (crimes
et délits contre la sûreté intérieure et
extérieure de l'Etat tels que définis par le Code Pénal),
commis par des Ministres, secrétaires d'Etat et leurs complices.
En plus de cette compétence spéciale, la
procédure devant cette juridiction est atypique.
B- LA PROCEDURE DEVANT LA HAUTE COUR DE
JUSTICE
La procédure de mise en accusation et de l'instruction
(1), ainsi que la procédure proprement dite devant la Haute Cour de
Justice (2) nous permettrons d'avoir une vue d'ensemble procédurale
devant cette juridiction spéciale.
1- De la mise en accusation et de
l'instruction.
Le Président du Parlement saisit la Haute Cour
de Justice par une réquisition notifiée tant au Président
de la Haute Cour de Justice qu'au procureur général près
cette Cour.
La réquisition contient le texte de la motion
d'accusation63(*).
Le Président du Parlement fait dresser procès -
verbaux des notifications.
Dans les vingt-quatre heures de la notification, le
procureur général requiert l'ouverture de l'information et en
saisit immédiatement la commission d'instruction.
Jusqu'à la réunion de la commission
d'instruction, le Président de celle-ci a personnellement pouvoir de
faire tous les actes d'instruction nécessaires à la recherche de
la vérité et à la mise sous main de justice des
accusés en se conformant aux règles ordinaires en matière
d'instruction criminelle64(*).
Dès que l'instruction est ouverte, ou en cas de
nouvelle inculpation, le Président de la commission d'instruction invite
chacun des inculpés à faire assurer sa défense par un ou
plusieurs avocats de son choix, inscrits au barreau.
Sur sa demande ou en cas de nécessité
constatée par décision de la commission d'instruction, le
Président de la commission d'instruction peut se faire assister d'un ou
de plusieurs magistrats qui reçoivent délégation pour
instruire une ou plusieurs affaires ou procéder à des commissions
rogatoires.
Ces magistrats siègent à la commission
d'instruction avec voix consultative.
La commission d'instruction recherche si les faits
reprochés sont établis. Elle statue sur les incidents de
procédure et, notamment, sur les nullités d'instruction qui
doivent être soulevées, à peine de forclusion, par
déclaration au greffe dans les vingt-quatre heures.
La commission d'instruction confirme, ou non, les mandats
délivrés avant sa réunion par son Président.
Elle délivre les mandats de dépôt,
d'arrêt ou d'amener et se prononce sur la liberté provisoire.
La commission d'instruction se saisit d'office de tous faits
nouveaux concernant l'inculpé.
Elle statue éventuellement sur les nouvelles
inculpations dont l'instruction ferait apparaître la
nécessité.
Au cours de la procédure d'instruction, le
ministère public et la défense peuvent faire citer tous
témoins et demander toutes confrontations.
Ils peuvent assister à tous les actes d'instruction.
Lorsque la procédure paraît complète et
après le réquisitoire définitif du procureur
général, le dossier est déposé dix jours au greffe
où les défenseurs des inculpés dûment avertis,
peuvent en prendre connaissance.
Avant la décision de renvoi ou de non lieu, la
commission entend le représentant du ministère public et la
défense au cours d'un débat public. Elle se retire pour
délibérer et statue pour chaque inculpé sur chaque chef
d'inculpation. Elle rend son arrêt en audience publique.
Au cas de renvoi, la commission dit qu'il résulte
charge suffisante de crimes ou de délits, qualifie lesdits crimes et
délits et indique les textes applicables.
Le dossier est alors transmis sans délai au parquet de
la Haute Cour de Justice et le Président de la commission d'instruction
en informe son président.
L'arrêt de renvoi est notifié par le parquet
à l'accusé. La notification contient ajournement devant la Haute
Cour de Justice dans un délai minimum de quinze jours.
En ce qui concerne les ministres et assimilés, la
poursuite est exercée par le procureur Général près
la Cour Suprême dès sa saisine par décret du
président de la République. Ce décret contient le nom des
accusés, énonce sommairement les faits qui leur sont
reprochés en visant les dispositions de la loi pénale. Le
procureur Général requiert l'ouverture d'une information et
transmet les dossiers y afférents au président de la Commission.
Et comme dans le cas du président de la République, la
procédure suit son cours dans les mêmes délais et
formes.
Dans tous les cas, la commission d'instruction statue à
la majorité et sans appel.
2- De la procédure proprement dite devant la
Haute Cour de Justice65(*)
Les membres de la Haute Cour de Justice sont convoqués
par le Président, huit jours avant l'ouverture de la session.
Ceux qui ne répondent pas à la convocation et ne
s'exécutent pas pour motif grave, jugé valable par la Haute Cour
de Justice, sont traduits devant elle sur la requête du ministère
public dans un délai de huit jours. S'ils ne se justifient pas, ils sont
déclarés déchus de leur qualité de membres de la
Haute Cour de Justice. L'organe d'où ils émanent en est
avisé et fait immédiatement procéder à leur
remplacement dans les mêmes conditions que pour l'élection.
Tout membre de la Haute Cour de Justice doit s'abstenir de
siéger :
- S'il est parent ou allié d'un accusé jusqu'au
degré de cousin issu de germain inclusivement
- S'il a été entendu ou s'il est cité
comme témoin pour ou contre. Toutefois, le ministère public ou un
accusé ne peut citer comme témoin un membre de la Haute Cour de
Justice qu'après autorisation de la commission d'instruction.
- S'il a existé entre lui et un accusé un motif
d'inimitié particulier, le membre de la Haute Cour de Justice tenu de
s'abstenir doit le faire connaître au Président de la Haute Cour
de Justice dès réception de sa convocation.
Tout juge de la Haute Cour de Justice, qui ne peut
siéger pour quelque cause que ce soit, est remplacé par un juge
suppléant. Celui-ci est tiré au sort dans la catégorie
à laquelle appartient le juge empêché.
Les débats sont publics, sauf si le huis clos est
ordonné par la Haute Cour de Justice. Ils sont présidés
par le Président ou, à défaut, par l'un des
vice-présidents. Ils suivent la procédure prévue par le
code de procédure pénale pour les affaires criminelles ou
correctionnelles, suivant les cas.
Après la lecture de l'arrêt de renvoi et
la vérification de l'identité des accusés, le
Président donne, à la Haute Cour de Justice, connaissance du
dossier. Des témoins de l'accusation, puis de la défense sont
entendus et le président procède à l'interrogatoire de
l'accusé. Les juges, le ministère public et les défenseurs
peuvent poser des questions tant aux témoins qu'à
l'accusé.
Le greffier tient note des déclarations des
témoins et des réponses des prévenus ou des
accusés.
La Haute Cour de Justice entend, s'il y a lieu, les
observations des parties civiles, le réquisitoire du ministère
public, les plaidoiries des défenseurs et les observations des
accusés, qui auront les derniers la parole.
Toutes les exceptions, sauf celle de prescription qui est
jugée par arrêt spécial, sont examinées et
jugées, soit séparément du fond, soit en même temps,
suivant ce que la Haute Cour de Justice ordonne.
La Haute Cour de Justice ne peut que statuer sur les faits
dont elle est saisie par arrêt de renvoi.
Elle peut en modifier la qualification dans les limites du
Code pénal.
Les débats publics étant clos, la Haute
Cour de Justice se retire en chambre du conseil. La discussion est alors
ouverte ; après quoi l'on procède au vote sur la
culpabilité. Il est voté séparément, pour chaque
accusé, sur chaque chef d'accusation et sur la question de savoir s'il y
a des circonstances atténuantes. Le vote a lieu par bulletins secrets.
La décision est prise à la majorité absolue.
Si l'accusé est déclaré coupable, il est
voté sans désemparer sur l'application de la peine.
Toutefois, après deux votes dans lesquels aucune peine
n'aura obtenu la majorité des voix, la peine la plus forte
proposée dans ces votes sera écartée pour le vote suivant
et ainsi de suite, en écartant chaque fois la peine la plus forte
jusqu'à ce qu'une peine soit prononcée par la majorité des
votants.
L'arrêt définitif est motivé. Il est
rédigé par le Président, adopté par la Haute Cour
en chambre du conseil, signé par le Président et le greffier. Il
fait mention des membres de la Haute Cour de Justice qui y ont concouru. Il est
lu en audience publique par le Président.
La constitution de partie civile est recevable devant la Haute
Cour de Justice. Les arrêts intervenus ne peuvent être
attaqués ni par voie d'appel, ni par pourvoi de cassation.
Si la HCJ était compétente pour connaître
des violations politiques commises par de hautes autorités, une autre
juridiction spéciale, le tribunal militaire sanctionnait les
comportements répréhensifs du même ordre commis par les
autres membres de la population.
Paragraphe II : Le tribunal militaire
Avant la proclamation de l'indépendance, une loi du 22
mai 1959 avait donné au gouvernement le pouvoir d'établir par
décret là où il le jugeait nécessaire, des Cours
criminelles spéciales en cas de « troubles
répétés portant atteinte à l'ordre
public ».
Mais le législateur va surtout mettre l'accent sur
une justice militaire d'exception dont l'importance ne va cesser de
s'accroître au fil des ans.
Créé par l'ordonnance n° 72/5 du 26
août 1972 portant organisation judiciaire militaire, modifié par
la loi n° 87/9 du 15 juillet 1987 elle-même modifiant l'ordonnance
n° 72/20 du 28 septembre 1972, le tribunal militaire a une
compétence et une composition particulières. Cependant, depuis la
loi n° 90/048 du 19 décembre 1990, sa compétence a largement
été élaguée.
A- LA COMPOSITION DU TRIBUNAL MILITAIRE
De manière classique, nous examinerons sa composition
au Siège (1) et au Parquet (2) ; le Greffe étant
composé d'un greffier en chef et d'un ou plusieurs greffiers civils ou
militaires.
1- Au Siège
Le tribunal militaire comprend :
Un président et un ou plusieurs vice-présidents
qui peuvent être soit des magistrats militaires, soit des magistrats de
l'ordre judiciaire, soit des officiers supérieurs des forces
armées.
Deux assesseurs titulaires et leurs suppléants, ayant
voix délibérative qui peuvent être soit des magistrats de
l'ordre judiciaire, soit des officiers ou sous-officiers des forces
armées. Toutefois, l'un des assesseurs titulaires sera toujours un
membre des forces armées66(*).
Un ou plusieurs juges chargés d'instruire les affaires
nécessitant une information préalable.
Toute affaire soumise au tribunal militaire est jugée
par le président ou un vice-président assisté de deux
assesseurs. En cas d'empêchement, le président est remplacé
par le magistrat de l'ordre judiciaire ou l'officier des forces armées
le plus ancien dans le grade le plus élevé. Pour connaître
d'une affaire, le juge militaire doit avoir au moins le grade de
l'inculpé le plus gradé. Un juge militaire ayant le grade de
capitaine dans l'armée ne peut pas valablement connaître d'une
cause dans laquelle l'inculpé a le grade de colonel, compte tenu de la
subordination hiérarchique rigide dans l'armée, l'inculpé
haut gradé pourrait donner des ordres au juge militaire moins
gradé, et ce dernier obligé d'obéir quelque soit la
circonstance67(*).
2- Au Parquet
Cette section du tribunal militaire comprend un Commissaire du
gouvernement et un ou plusieurs substituts, magistrats de l'ordre judiciaire ou
magistrats militaires ou le cas échéant officiers des forces
armées chargés de soutenir l'action publique.
Le Commissaire du gouvernement a un rôle identique
à celui du procureur de la République près les tribunaux
de droit commun.
Les membres du tribunal militaire sont nommés par
décret, et sa compétence est bien définie.
B- DOMAINE DE COMPETENCE DU TRIBUNAL MILITAIRE
Nous verrons ses compétences matérielle,
personnelle et territoriale.
1- Compétence « ratione
loci »
Le tribunal militaire de Yaoundé est territorialement
compétent dans toute la République du Cameroun
conformément à l'article premier de l'ordonnance n° 72/5 du
26 août 1972 ; toutefois, il l'est aussi spécialement dans
les provinces du Centre, du Sud et de l'Est68(*). Le tribunal militaire de Douala couvre la province
du Littoral69(*). Le
tribunal militaire de Buéa couvre la province du Sud-ouest70(*). Le tribunal militaire de
Bafoussam couvre les provinces de l'Ouest et du Nord-ouest71(*). Le tribunal militaire de
Garoua couvre les provinces du Nord, de l'Extrême-nord et de
l'Adamaoua72(*).
2- Compétences « ratione personae et
materiae »
Sauf convention internationale prévoyant un
privilège de juridiction et sous réserve des règles de
l'immunité diplomatique, les camerounais et étrangers auteurs ou
complices des comportements répréhensifs visés à
l'article 5 de la loi n°72/5 du 26 août 1972 sont justiciables des
tribunaux militaires . les mineurs de quatorze à dix-huit ans, auteurs
ou complices des faits visés à cet article relèvent de la
compétence des juridictions de droit commun
Le tribunal militaire est compétent pour
connaître à l'égard des militaires ou assimilés, des
infractions spécifiquement militaires73(*)et de toutes natures commises par les militaires, soit
à l'intérieur d'un établissement militaire, soit dans le
service ; A l'égard de tous les justiciables, des infractions
commises avec coaction ou complicité des militaires ou assimilés,
perpétrés dans une région soumise à l'état
d'urgence ou d'exception. De toutes les infractions connexes à celles
citées ci-dessus.
Toutefois, avant le 19 décembre 1990, le tribunal
militaire connaissait également des crimes et délits contre la
sûreté de l'Etat et de la subversion74(*). On a prétendu, pour
justifier ce transfert de compétence aux juridictions militaires, qu'
« il est évident que les militaires savent mieux
apprécier que quiconque, en fonction des impératifs de la
défense nationale, la gravité des actes en cause et la
responsabilité de leurs auteurs. Qu'ainsi, le recours à la
justice militaire, institution normale permanente permet de concilier les
impératifs de la sauvegarde de l'Etat et de la Nation avec les garanties
essentielles des justiciables75(*) ».
Ce régime emportait de vigoureuses protestations, car
aucune voie de recours n'était admise en matière d'atteinte
à la sûreté de l'Etat et de subversion, contrairement aux
autres infractions que connaissait cette juridiction. C'est ainsi qu'est
consacrée l'ambivalence des tribunaux militaires : d'une part,
juridictions simplement extraordinaires, compétentes pour les
infractions militaires et les infractions commises par les militaires, mais
appliquant les règles de procédure de droit commun ; et
d'autre part, juridictions véritablement exceptionnelles, mettant en
oeuvre des règles de procédure exorbitantes du droit commun.
Section II : LES CRITIQUES DU SYSTEME REPRESSIF
D'ANTAN
Parlant du système politique mis en place pendant cette
période, un auteur a relevé les caractéristiques
suivantes : « Le régime est autoritaire. L'Etat est fort
en ce sens qu'il a tous les pouvoirs, et que ces pouvoirs sont
concentrés dans les mains d'un monarque absolu. C'est pourquoi les
libertés, qui constituent la base de toute vie démocratique, sont
absentes : la vie politique est monopolisée par le parti unique...
quant à la sûreté, il n'existe aucune garantie contre les
excès de la police et la torture est pratiquée de
notoriété publique. Un nombre difficile à évaluer
des prisonniers politiques est enfermé dans plusieurs camps de
concentration. En bref Amnesty International aurait du pain sur la
planche76(*) ».
A bien des égards, le système répressif
camerounais était une illustration concrète de ce point de vue.
Cette volonté d'instrumentalisation du droit pénal à des
fins politiques est perceptible à travers d'exorbitantes règles
procédurales du droit commun (par.1er) qui pendant cette
période sont apparues comme une constante du droit camerounais en
matière de criminalité politique, et la violation de principes
essentiels de la procédure pénale (par.2è).
Paragraphe I : le recours excessif aux
règles procédurales
exorbitantes de droit
commun
Constante du droit camerounais pendant la période objet
des présents développements, à cause d'un
aménagement contestable des règles de compétence (A), le
recours aux règles de procédure exorbitantes de droit commun
s'est également traduit par l'institution de la procédure de
revendication (B).
A- UN AMENAGEMENT CONTESTABLE DES REGLES DE
COMPETENCE
Il s'est traduit par le rôle envahissant joué par
les juridictions d'exception (1), et l'ambivalence des tribunaux militaires
(2).
1- Le rôle envahissant joué par les
juridictions d'exception.
A l'instar de nombreux pays, le Cameroun possède des
juridictions extraordinaires réservées à des
catégories particulières de citoyens ou à certaines formes
de criminalité. Mais, des différences fondamentales existent
entre les différents types de juridictions extraordinaires, dont
certaines conservent des règles de procédure assez proches sinon
identiques à celles du droit commun, contrairement aux juridictions que
peut par exemple instituer un gouvernement autoritaire pour assurer une justice
politique expéditive.
En plus de ces juridictions simplement extraordinaires,
l'organisation judiciaire camerounaise va se caractériser par
l'existence de juridictions véritablement exceptionnelles, fonctionnant
selon les règles exorbitantes du droit commun. Le régime
légal est ainsi compromis si les intéressés ne peuvent
plus compter sur la justice pour assurer le respect des règles
juridiques. La force et l'indépendance du pouvoir judiciaire sont la
garantie du droit et par suite de la liberté. Or le droit moderne
crée de nouveau des juridictions d'exception et cette création
est singulièrement inquiétante77(*).
Cette multiplication des juridictions répressives a
été dénoncée à juste titre comme une
soumission coupable au régime de terreur créé par le
gouvernement. Mais ceux-là même qui l'ont dénoncée
ont créé une Haute Cour de Justice élue à la
représentation proportionnelle par les membres de l'Assemblée. Il
y a quelque chose de plus grave, c'est l'idée que certaines causes
doivent être confiées à des juridictions d'exception qui
seront plus aptes à juger que les tribunaux de droit commun. Pour les
instituer, on donne comme motifs qu'elles rendront une justice plus rapide et
plus économique. Mais on dit aussi que cette justice sera "plus
humaine". Qu'est-ce à dire sinon que ces juridictions substitueront une
décision d'équité à celle qui résulterait de
l'exacte application des lois78(*). Tous ceux qui ont vu fonctionner ces tribunaux ont
émis la même accablante appréciation. Ces juridictions
d'exception donnent la désolante impression que les juges sont
désignés pour défendre les intérêts d'une
catégorie de coupables. Si elles se multiplient, elles créent des
conflits de compétence et surtout elles enlèvent au pouvoir
judiciaire le prestige qu'il doit avoir dans une démocratie. De telles
institutions sont une cause nouvelle de désordre et contribuent à
l'impression générale d'insécurité79(*).
2- L'ambivalence des tribunaux militaires.
Dès la mise en place des institutions
fédérales, le président de la République a pris
l'ordonnance fédérale n°61/0F/4 du 4 octobre 1961, qui a
créé un certain nombre de tribunaux militaires permanents.
Ensuite, est adoptée la loi fédérale n°63/30 du 25
octobre 1963, complétant l'ordonnance n°61/0F/4 et modifiant
l'ordonnance fédérale n°62/0F/18 du 12 mars 1962 portant
répression de la subversion. L'esprit de cette loi est de
transférer aux tribunaux militaires la connaissance de "toute affaire
qui a une teinte parapolitique80(*)"et de donner à ces tribunaux les moyens
d'exercer une répression exceptionnelle rapide et rigoureuse81(*).
En tout état de cause, cette loi dispose notamment
qu'outre les tribunaux militaires permanents créés par
l'ordonnance du 4 octobre 1961, le gouvernement peut créer les tribunaux
militaires temporaires par un simple décret, qui en fixe en même
temps le ressort ; la compétence des tribunaux militaires
s'étend à toutes les infractions touchant à la
sûreté intérieure de l'Etat et à la
réglementation sur les armes ; en outre elle s'étend
à toutes les infractions visées par l'ordonnance anti-subversion
de 1962, qui relevaient précédemment des tribunaux ordinaires.
Les dispositions de la loi sont immédiatement applicables aux poursuites
en cours, et les instances dont sont saisis les tribunaux de droit commun "sont
déférées de plein droit et en l'état aux tribunaux
militaires." C'est ainsi que sera maintenue l'ambivalence des tribunaux
militaires82(*) :
juridictions simplement extraordinaires mais appliquant les règles de
procédure de droit commun, et juridictions véritablement
exceptionnelles recourant à des règles de procédure
exorbitantes du droit commun, cause nouvelle d'insécurité et de
désordre.
B- L'INSTITUTION DE LA PROCEDURE DE
REVENDICATION83(*)
Elle résulte des dispositions de l'ordonnance
n°61/0F/04 du 4 octobre 1961 fixant l'organisation judiciaire militaire de
l'Etat, reprises par l'article 1er de l'ordonnance 72/20 du 19
octobre 1972, qui disposait : "Sur revendication expresse du ministre des
forces armées, la juridiction militaire connaît même en
temps de paix, des crimes d'homicide volontaires, de coups et blessures
volontaires ayant entraînés la mort et de vol aggravé,
lorsque ces infractions ont été commises à l'aide d'une
arme à feu. "
En instituant cette procédure exceptionnelle, le
législateur a perdu de vue l'exigence de la garantie des droits de la
défense qui suppose que les citoyens connaissent au préalable
leur juge afin d'organiser leur défense en conséquence. L'analyse
du régime (1) et de la nature (2) juridiques de la revendication nous
permettra davantage de nous rendre à l'évidence.
1- Le régime juridique de la
revendication
Aux termes de l'article 2 de l'ordonnance n°72/20, "la
revendication peut intervenir en tout état de la procédure avant
intervention d'une décision définitive ; elle dessaisit
immédiatement et de plein droit la juridiction de droit commun." Lorsque
le ministre chargé des forces armées décidait de
revendiquer une affaire, il adressait une lettre de revendication au ministre
de la justice. Cette lettre spécifiait éventuellement si
l'affaire devait être jugée directement ou après une
information judiciaire. Elle tenait lieu d'ordre d'informer ou de mise en
jugement direct.
2- La nature juridique de la
revendication.
De ce qui précède, il ressort que la
revendication était moins une voie de recours qu'une exception de
compétence, et ce pour deux principales raisons :
- En premier lieu, du fait qu'elle devait intervenir avant le
jugement, la revendication ne pouvait être une voie de recours, cette
dernière visant à attaquer ou à critiquer une
décision rendue. Or, on ne revendique pas une décision.
- En second lieu, on sait que toutes les parties au
procès peuvent exercer les voies de recours. Or, seul le ministre des
forces armées avait le droit de revendiquer une affaire.
En revanche, la revendication était bien une exception,
non seulement à cause du moment où elle intervenait, mais aussi
de par son effet : la suspension de l'instance.
Le recours à des règles procédurales
exorbitantes du droit commun, cause de désordre, de terreur et
d'insécurité va davantage s'illustrer à travers la
violation des principes essentiels de la procédure pénale.
Paragraphe II : La violation de principes
essentiels de la procédure
pénale
Elle s'illustre principalement par l'exclusion des voies de
recours (A) et la politisation de la procédure (B).
A- L'EXCLUSION DES VOIES DE RECOURS
Cette mesure a été consacrée très
tôt par la loi n°63/30 du 25 octobre 1963 et maintenue par les
textes subséquents (1) malgré les vives protestations qu'elle a
suscitées à la fois sur le plan international84(*)et sur le plan national (2).
1- Les textes excluant les voies de recours en
criminalité politique
Aux termes de l'article 12 al.4 de la loi n°63/30 du 25
octobre 1963, « les jugements rendus par les tribunaux militaires
permanents et temporaires en matière de sûreté
intérieure et extérieure de l'Etat, de "subversion"et de
réglementation sur les armes, ne peuvent faire l'objet d'aucun
recours ; il n'y a ni appel, ni pourvoi en cassation ».
Dans le même ordre d'idée, aux termes de
l'article 29 de l'ordonnance n°72/5 du 26 août 1972 relative
à l'organisation judiciaire : « (1) les jugements du
tribunal militaire sont susceptibles d'appel devant la cour d'appel de
Yaoundé ou lorsqu'il existe plusieurs tribunaux militaires, devant toute
cour d'appel compétente. (2) Toutefois, les décisions rendues en
matière d'atteinte à la sûreté de l'Etat, de
subversion et de législation sur les armes ne pourront faire l'objet
d'aucune voie de recours ».
La clarté des termes de ces textes ne va cependant pas
empêcher que de nombreux recours soient formés, aussi bien par les
condamnés que, curieusement, par le commissaire du gouvernement85(*). En particulier, des pourvois
en cassation sont formés, les uns et les autres estimaient que
même si les tribunaux militaires se prononcent en premier et dernier
ressort, les pourvois en cassation devraient être admis. Autant
d'occasions pour la Cour Suprême de s'affirmer comme gardienne des
libertés individuelles, en faisant valoir un principe fondamental du
droit de la défense, même contra legem. Mais la haute juridiction
va se débiner devant ses responsabilités, se contentant de
rappeler avec constance la lettre de la loi comme c'est le cas dans les
arrêts "C.S. n°275/P du 25 mai 1982 et C.S. n°219/P du 5 mai
1983"86(*).
D'autres auteurs ont parfois choisi la voie de l'appel, non
sans succès quelque fois. Dans ce sens, on peut citer l'arrêt
rendu par la cour d'appel de Bafoussam dans l'affaire Richard Konganou87(*). En l'espèce le sieur
Konganou avait été condamné par le tribunal militaire de
Bafoussam à quinze mois d'emprisonnement ferme et à 50000 francs
d'amende, pour outrage au président de la République et
subversion88(*).
L'intéressé avait interjeté appel et la cour, après
avoir jugé l'appel recevable, a confirmé le jugement entrepris
par le tribunal militaire sur la culpabilité, mais,
« considérant que les faits reprochés au prévenu
ne présentent pas une gravité telle qu'il mérite la peine
qui lui a été infligée », l'a condamné
à 100000 francs d'amende seulement.
Ce type de dissonance, exprimé courageusement par
certaines cours d'appel va avoir pour conséquence une réaction
des pouvoirs publics, dans le sens de la radicalisation. C'est ainsi qu'une
modification va être apportée à l'article 29 al.2 de
l'ordonnance n°72/5 du 26 août 1972 par la loi n°87/09 du 15
juillet 1987. Désormais ce texte va disposer : "Toutefois, les
décisions en matière d'atteinte à la sûreté
de l'Etat, de subversion et de législation sur les armes à feu et
leurs munitions ne pourront faire l'objet d'aucun recours. Dans ce cas, nul ne
peut ni enregistrer, ni transmettre un tel recours."
L'exposé des motifs de la loi du 15 juillet 1987 en ce
qui concerne l'article 29 al.2 de l'ordonnance n°72/5 du 26 août
1972 est particulièrement significatif de la volonté des pouvoirs
publics de persister dans la voie prise depuis la loi n°63/30 du 25
octobre 1963, voire même d'aller plus loin. Raison pour laquelle on peut
lire : "L'exercice des voies de recours est interdit à toutes les
parties dans les affaires en matière d'atteinte à la
sûreté de l'Etat et de subversion. La volonté du
législateur sur l'exclusion des voies de recours dans ces
matières a été clarifiée par l'article 3 de
l'ordonnance n°72/20 qui offre au ministre de la justice, Garde des
Sceaux, la possibilité lorsqu'il l'estime opportun, d'ordonner
après avis conforme du ministre chargé des forces armées,
qu'il soit statué à nouveau sur toutes procédures en ces
matières. Ce pouvoir, reconnu au ministre de la justice, tend au
renforcement de l'élimination de toute voie de recours.
L'exclusion des voies de recours ici découle non
seulement de l'intérêt supérieur de la Nation, mais aussi
de la gravité des infractions concernées, susceptibles de
provoquer à la moindre faiblesse, des effets irréparables. En
conséquence, une décision intervenue dans ces matières est
nécessairement définitive à l'égard de toutes les
parties. Tout recours de leur part qui s'y rapporte ne pourra être ni
enregistré, ni transmis."
La promulgation de ces textes et la persistance des pouvoirs
publics dans la voie prise de l'interdiction de tous moyens de recours vont
susciter de vigoureuses protestations d'éminents hommes de droit qui
prendront des positions particulièrement courageuses au vue du contexte
de l'époque.
2- Les protestations contre l'exclusion des voies de
recours
Outre l'opposition politique, des juristes ont tenu à
marquer leur désapprobation. Tel a notamment été le cas de
deux hauts magistrats, dont il est opportun de rapporter ici de larges extraits
de leurs prises de positions.
Le premier, Marcel Nguini, a été le premier
camerounais à accéder à la fonction de président de
la Cour Suprême. A l'époque, conseiller référendaire
à ladite Cour, ce magistrat, informé de la substance de la loi
n°63/30 du 25 octobre 1963, va attirer l'attention du président de
la République, inspirateur de cette loi, sur le caractère inique
de la législation d'exception progressivement mise en place depuis
1962.
Dans sa lettre en date du 30 octobre 1963, Marcel Nguini va
d'abord rappeler "(...) la fonction des Cours suprêmes (...) en tant
qu'elles constituent, en raison même de la qualité des magistrats
qui les composent, le plus sûr garant des libertés individuelles
et de la protection des biens des citoyens. On ne saurait donc la minimiser,
sous aucun prétexte, dans aucun domaine, au risque d'instaurer
l'injustice et l'arbitraire, qui sont des instruments faciles de la dictature,
surtout dans les pays jeunes".
"Or, poursuit le haut magistrat, la loi n°63/30 du 25
octobre 1963 a perdu de vue ces considérations et ces craintes
légitimes, lorsque d'une part, dans l'article 12 nouveau, alinéa
4, elle écarte le contrôle des Cours suprêmes dans les
matières aussi délicates que la sûreté de l'Etat, la
subversion, la législation sur les armes (...)"
" Il y a plus. A ma connaissance, je ne sache pas, dans aucun
pays civilisé au monde, qu'il existe des juridictions du fond qui
échappent, même pour quelques unes des matières de leurs
compétences, à la censure de la cassation. Le jeune Etat du
Cameroun, qui entre pour la première fois dans la voie tracée par
la loi ci-dessus rappelée, joue son prestige de pays civilisé,
moderne, démocratique, il s'achemine vers la dictature et donc, vers
une civilisation décadente. Il est temps d'y parer (...). Autrement dit,
on livre, par ces dispositions, les justiciables à la discrétion
de l'exécutif que l'on transforme sur ce point en Cour de cassation ou
organe similaire de révision des procès, sans garantie d'aucune
sorte, si ce n'est la tête du justiciable et le bon vouloir de
l'autorité commandante, et ce qui est très grave, au
mépris le plus désinvolte des règles de procédure
et des voies de recours telles que, tout au moins au Cameroun oriental,
l'ordonnance du 17 décembre les a instituées (...)"
"Oh ! Cette loi exagère et fait absolument fi des
principes de la légalité et de la primauté du droit tels
qu'on les entend généralement dans les pays civilisés qui
ont maintenu la règle de la séparation des trois pouvoirs
(...)"
"En résumé, c'est la constitution du
1er septembre 1961 qui est violée, puisque les deux
ordonnances de base fixant l'organisation judiciaire et créant des Cours
suprêmes ont été prises en application de cette
constitution89(*)
(...)"
Le second magistrat, Louis-Marie Pouka-Mbangue, était
à l'époque vice-président de la Cour d'appel de
Yaoundé. Ce dernier va adresser une lettre de protestation en date du 31
octobre 1963 au président de la Cour d'appel et au procureur
Général près ladite Cour, pour faire observer que la loi
du 25 octobre 1963 "contredit toutes les déclarations faites au Cameroun
et ailleurs par le président de la République du Cameroun". Le
haut magistrat poursuit :
"En effet, le président de la République du
Cameroun n'a jamais cessé d'insister sur l'application des principes
posés par la Déclaration universelle des droits de l'homme, le 10
décembre 1948, et sur le respect de la personne humaine. Or
l'application de la loi du 25 octobre 1963, quels que soient les crimes commis,
méconnaît au coupable le droit à réclamer une
censure juridique de la procédure et par voie de conséquence les
expose à la merci d'un magistrat qui peut, soit par intimidation, soit
par souci d'une promotion, prononcer des condamnations irrévocables mais
injustes.
La distribution de la justice est un sacerdoce laïc dont
les magistrats sont des ministres assermentés, tout comme les
prêtres et les pasteurs sont ministres d'un sacerdoce religieux. Les uns
et les autres sont liés à leur ministère par le serment
qu'ils prononcent devant Dieu et devant les hommes. Renier son serment c'est
devenir parjure. Aussi, je me sens obligé, en conscience, de donner
adhésion entière et totale aux pertinentes observations de M.
Nguini.
Dans l'opinion internationale, la République
Fédérale du Cameroun est classée dans la catégorie
des Etats de droit. Or la publication de la loi Fédérale
n°63/30 du 25 octobre 1963 contredit ostensiblement cette opinion, car
même dans les Etats de police, une pareille loi n'a jamais, à ma
connaissance, été publiée. L'Etat dispose d'autres moyens
de répression qu'il peut mettre en oeuvre. Mais il est dangereux, voire
malhonnête de prétendre au libéralisme et au respect de la
primauté du droit, quand les principes les plus millénaires sont
bafoués.
L'avenir d'une nation dépend de la façon dont
les magistrats distribuent la justice (...). Si donc la République prive
ses ressortissants de la garantie de faire réviser les procès
quant à l'application rationnelle de la loi -- non pas
particulièrement à l'examen des faits -- il faut vraiment
admettre que la liberté républicaine n'existe qu'à titre
décoratif. Nous les premiers magistrats camerounais, nous devons, en
notre âme et conscience, contre vents et marées, nous
élever contre une législation qui nous empêcherait de
remplir notre mission. Si les pouvoirs publics veulent se passer des
magistrats, qu'ils le disent. Mais, de grâce, qu'ils ne nous obligent pas
à appliquer des lois visiblement contraires à tous les principes
humains90(*)."
En dépit de ces protestations solidement
argumentées, les pouvoirs publics n'ont pas reculé. Au contraire,
toutes les réformes relatives à la justice militaire d'exception
vont reprendre les dispositions excluant toute voie de recours. Ainsi donc, le
point de vue des pouvoirs publics semble définitivement
être : "mieux vaut une injustice qu'un subversif en liberté".
Et leur refus de toute voie de recours pour les parties91(*) est d'autant plus ferme que,
comme l'indique l'exposé des motifs, ces pouvoirs publics se sont
aménagé la possibilité de décider de la suite des
procès à travers la politisation de la procédure.
B- LA POLITISATION DE LA PROCEDURE
Elle s'illustre principalement par l'institution du rejugement
(1), voie de recours exceptionnelle au profit des pouvoirs publics, et
l'immixtion du président de la République dans le
déroulement du procès (2).
1- La procédure de rejugement.
Bien qu'excluant toute voie de recours, en principe à
l'égard de toutes les parties au procès, l'article 12 al.4 de la
loi n°63/30 du 25 octobre 1963 prévoit une procédure
inédite en faveur du gouvernement, qui peut déclarer non avenue
une décision rendue par un tribunal militaire et faire rejuger l'affaire
par un autre tribunal militaire.
Ce texte dispose clairement : "S'il l'estime opportun, le
garde des sceaux, ministre de la justice peut, après avis conforme du
ministre chargé des forces armées, ordonner qu'il soit
statué à nouveau par un autre tribunal militaire, ou par le
même tribunal militaire autrement composé si le jugement a
été rendu par le tribunal militaire permanent de Buéa."
L'ordonnance n°72/5 du 26 août 1972 portant
organisation judiciaire militaire va oublier de reconduire la procédure
de rejugement, mais très rapidement l'oubli sera rectifié avec
l'article 3 de l'ordonnance n°72/20 du 19 décembre 1972, qui va
reprendre les dispositions de l'article 12 de la loi du 25 octobre 1963 :
"Nonobstant les dispositions de l'article 29, al.2 de l'ordonnance portant
organisation judiciaire militaire, le ministre de la justice peut s'il l'estime
opportun, après avis conforme du ministre des forces armées,
ordonner qu'il soit statué à nouveau sur toutes les
procédures en matière d'atteinte à la sûreté
de l'Etat, de subversion et de législation sur les armes."
Le rejugement ne concerne que les affaires relevant du
tribunal militaire et relatives à l'atteinte à la
sûreté de l'Etat, la subversion et la législation sur les
armes à feu. Il intervient à la suite d'une décision
rendue en premier et dernier ressort et insusceptible de pourvoi en cassation,
donc une décision définitive. En cela, le rejugement heurte de
front le principe "non bis in idem" ou principe de l'autorité de la
chose jugée au criminel sur le criminel.92(*) La loi n'a pas limité le nombre de rejugement
dont une affaire peut faire l'objet. En théorie donc, une succession de
rejugements est possible jusqu'à satisfaction complète des
pouvoirs publics ; aucun délai n'a été prévu,
ce qui en ajoute à l'insécurité créée par
cette procédure pour la personne poursuivie ; ainsi, le rejugement
peut être ordonné un an après la décision93(*) ou quelques jours seulement
après la première décision94(*).
Il ressort que le rejugement est en fait une exception
à l'interdiction des voies de recours pour les matières
visées par l'article 29, al.2 de l'ordonnance n°72/5 du 26
août 1972. On peut déduire que le rejugement est lui-même
une voie de recours. Mais, il s'agit d'une voie de recours sui generis, qui
n'est assimilable ni à l'appel (a), ni à l'opposition (b).
a) Le rejugement n'est pas un appel.
On sait que l'appel est une voie de recours ordinaire et de
reformation qui permet un nouvel examen de l'affaire au fond devant une
juridiction supérieure et traduit la règle du double degré
de juridiction. Cette voie de recours diffère totalement du rejugement,
s'agissant aussi bien des conditions que des effets.
Sur le premier point, l'appel concerne des décisions
rendues en premier ressort et est ouvert à toutes les parties. En
revanche, le rejugement concerne les décisions rendues en premier et
dernier ressort et n'est pas ouvert à toutes les parties au
procès. De même, l'appel est soumis à un délai, ce
qui n'est pas le cas du rejugement. S'agissant des effets, on sait que l'appel
a un effet suspensif et un effet dévolutif, alors que le rejugement ne
comporte aucun des deux.
b) Le rejugement n'est pas une opposition
On sait que l'opposition est une voie de recours de
rétractation contre les jugements ou arrêts rendus par
défaut en matière correctionnelle et de police en empêchant
ceux-ci d'acquérir l'autorité de chose jugée. En ce qui
concerne ses conditions d'exercice, l'opposition est, en outre, ouverte
à toutes les parties au procès, à l'exception du
ministère public, qui est nécessairement présent. Elle est
soumise à un délai.
S'agissant des effets, le délai de l'opposition produit
un effet suspensif. Quant à l'acte d'opposition lui-même, il
produit d'abord un effet extinctif ; il produit en outre un effet de
saisine de la juridiction qui avait déjà statué une
première fois. La confrontation de ces conditions et effets de
l'opposition avec ceux du rejugement fait apparaître des
différences notables entre les deux procédures, qui ne sauraient
donc être assimilées l'une à l'autre.
2- L'immixtion du président de la
République dans le déroulement du
procès.
C'est une autre marque du durcissement de l'attitude des
pouvoirs publics. Elle est l'oeuvre de la loi du 15 juillet 1987 qui va ajouter
à l'article 11 de l'ordonnance n°72/5 du 26 août 1972, un
alinéa 5, qui comporte une disposition inédite et bien curieuse.
Ce texte qui, incontestablement, tend à accroître l'influence de
l'exécutif sur le judiciaire, énonce : "Sur prescription du
président de la République, le ministre chargé des forces
armées peut arrêter à tout moment le prononcé du
jugement, toute poursuite pénale devant le tribunal militaire. Cet
arrêt n'empêche pas la reprise des poursuites lorsque cela se
révèle nécessaire."
Le texte est muet sur les règles de prescription
auxquelles doit obéir ce nouveau droit régalien. Autrement dit,
on ne sait pas pendant combien de temps le bénéficiaire de
l'interruption sera soumis à la menace de la reprise du procès,
ou alors ce qu'il doit faire pour échapper définitivement
à la menace d'une subite reprise des poursuites à son
encontre.
De même, l'exposé des motifs de la loi est muet
sur cette disposition. On n'a donc aucune indication sur le point de savoir si
cette prérogative du chef de l'Etat concerne toutes les infractions
relevant de la compétence de la juridiction militaire95(*) , mais on devine
aisément que cette disposition visait surtout les infractions d'atteinte
à la sûreté de l'Etat et la subversion.
CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE
A la fin de cette première partie, nous pouvons dire
que l'examen de l'infraction politique avant 1990 est instructif à plus
d'un titre.
En premier lieu, on constate qu'il est malaisé
d'établir une théorie générale de cette infraction,
les solutions positives variant selon les intérêts en jeu et les
circonstances du moment. Dans un Etat libéral à l'abri des
menaces, les infractions politiques sont plus circonscrites et le
délinquant politique mieux considéré que le
délinquant de droit commun. Au contraire, dans un Etat autoritaire ou
menacé dans son existence, la répression est renforcée, le
pouvoir cherchant à éliminer systématiquement les
opposants réels au supposés.
En second lieu et surtout, cet examen permet de prendre la
mesure du régime répressif mis en place par le législateur
Camerounais pendant cette période. Un régime dur, en violation
des droits de l'homme, et sujet à plusieurs critiques. C'est
sûrement pourquoi le législateur interne va préférer
lors des réformes qu'il s'apprête à prendre se diriger vers
une suppression de l'infraction politique. Mais alors, cette suppression
est-elle effective ?
DEUXIEME PARTIE :
LE PARADOXE SUR L'EXISTENCE DE L'INFRACTION POLITIQUE
DEPUIS LA
REFORME PENALE DE 1990.
Depuis la fin des années quatre-vingts,
l'évolution de l'Etat au Cameroun est marquée par des
revendications pressantes tendant à la libéralisation de la vie
politique et par l'instauration progressive du règne du droit. Ce
« mouvement insurrectionnel pro-démocratique96(*) » a eu pour
conséquence l'adoption d'un important train de mesures
législatives et réglementaires relatives aux infractions
politiques et à l'administration de la justice.
S'il est un truisme que l'infraction politique au
Cameroun a toujours été un sujet à équivoque tant
en ce qui concernait les règles de fond, que les règles
procédurales et même pénitentiaires, il reste que la
présence de ces infractions et leur répression étaient
intériorisées par tous les citoyens avant les amendements
législatifs survenus en 1990. Il est Cependant, depuis cette
période, qui est pour le Cameroun fort heureusement celle de la
libéralisation, l'ère démocratique, devenu difficile
d'affirmer qu'elles existent toujours sans se voir opposer la thèse
contraire, car, les réformes entreprises relativement à cette
infraction se distinguent malheureusement par leur caractère ambigu.
En effet, les modifications législatives prises
depuis la date du 19 décembre 1990 et suivantes soulèvent un
paradoxe portant sur l'existence ou non de l'infraction politique ; tout
le problème étant de savoir si l'infraction politique existe
toujours au Cameroun.
En vue d'apporter des éléments de
réponse à cette question, cette partie traitera dans son premier
chapitre de la disparition de la notion générique de l'infraction
politique en droit pénal camerounais. Parce que de nombreuses lois,
mesures et dispositions ont été prises par le législateur
faisant montre de la volonté de ce dernier de dissoudre, de supprimer,
d'abroger, mieux de mettre fin à l'existence de l'infraction dite
politique au Cameroun par leur assimilation aux infractions de droit commun. Le
second chapitre sera quant à lui consacré à la persistance
du particularisme procédural ayant trait à cette infraction. Car
moult éléments permettent malgré la volonté
affirmée du législateur de supprimer l'infraction politique du
champ infractionnel camerounais, de réaffirmer son existence dans notre
droit.
CHAPITRE I :
LA DISPARITION DE LA NOTION GENERIQUE D'INFRACTION
POLITIQUE EN DROIT PENAL CAMEROUNAIS
On admet, de longue date, que l'infraction de droit commun
doit être distinguée de l'infraction politique, parce que le
délinquant politique, considéré comme un
« aristocrate de la criminalité »97(*), diffère du vulgaire
malfaiteur. Celui -ci menace la société quelle qu'elle soit et
est profondément asocial, celui-là, en revanche s'attaque moins
à l'organisation sociale en elle-même qu'à une certaine
forme ou à certains aspects de la société dans sa
structure politique ou civique.
La notion d'infraction politique est donc ancienne ; ce
qui ne l'empêche pas de poser encore des problèmes quant à
sa définition précise. C'est d'ailleurs pour contourner cette
difficulté que les auteurs de l'avant projet de code pénal
français de 1978 avaient renoncé à maintenir des peines
politiques spéciales. De manière assez peu satisfaisante, le
législateur français a préféré, dans le
droit fil des textes antérieurs, conserver de telles peines dans le
nouveau code sans pour autant définir, ni même nommer les
infractions auxquelles elles s'appliquent98(*).
Tel est également le cas en droit pénal
camerounais où le législateur, faisant face à cette
même difficulté définitionnelle, a plutôt
procédé différemment ; ainsi donc, le
législateur camerounais, contrairement à son homologue
français, va prendre des mesures "abolitionnistes" de cette
infraction. Il va notamment y procéder au moyen de trois mesures :
l'abrogation de la législation anti-subversion (la loi n°90/046 du
19 décembre 1990) et l'amnistie des condamnations politiques (la loi
n°91/002 du 23 avril 1991) (sect. 1ère) et enfin par la
suppression de la peine de détention (la loi n°90/061 du 19
décembre 1990 portant modification de certaines dispositions du code
pénal, modifiée par la loi n°91/007 du 30 juillet 1991)
(sect. 2), que l'article 26 du code pénal définissait comme
étant une peine privative de liberté prononcée à
raison d'un crime ou d'un délit politique.
Section 1 : L'ABROGATION DE
LA LEGISLATION ANTI-SUBVERSION ET L'AMNISTIE DES CONDAMNATIONS
POLITIQUES
La période du présent développement
est marquée par un reflux de l'orientation autoritariste de l'Etat du
Cameroun auquel va se substituer un régime libéral avec un
rétrécissement du carcan répressif d'antan. Le
législateur va, de ce fait, prendre deux mesures importantes :
l'abrogation de la législation anti-subversion (par 1) et l'amnistie des
condamnations politiques (par 2).
Paragraphe 1 : L'abrogation de la
législation anti-subversion.
Avant de présenter la portée que revêt
l'abrogation de cette législation (B), il importe véritablement
de donner, dans une large mesure, la consistance de la législation
anti-subversion (A).
A- LA LEGISLATION ANTI-SUBVERSION99(*)
Dans son acception courante, la subversion s'entend comme
l'action de troubler, de renverser l'ordre politique établi ... Mais,
dans l'ordre politique camerounais, la subversion va plus
précisément désigner l'action de s'opposer à
l'émergence d'une sorte de dynamique de substitution de l'ordre de la
volonté à l'ordre de l'histoire. L'adversaire politique,
diabolisé et promu au rang d'"ennemi de la nation" parce que
s'opposant au projet politique de celui que certains ont appelé le
"père de la nation": c'est le subversif de la
législation d'exception mise sur pied en 1962-1963100(*), dite législation
anti-subversive. Il s'agit d'un instrument répressif redoutable, qui
aura marqué d'une manière presque indélébile la vie
politique camerounaise.
En effet, avec cette législation anti-subversive, on
sera parvenu à l'inhibition quasi-totale de toute velléité
de contestation politique (tout au moins à l'intérieur du pays) ;
car, la législation anti-subversive va fonctionner comme une
véritable épée de Damoclès, dont les citoyens vont
intérioriser la présence pour s'autocensurer sur le plan de
l'exercice des libertés. C'est également cette législation
qui va contribuer, dans une large mesure, à donner une
réalité juridique au "mythe de l'ennemi" excellemment
analysé par le Professeur Pierre-François Gonidec101(*).
Une analyse du contexte de l'intervention de cette ordonnance
(1) et de son contenu (2) permettra de prendre la mesure de la marque
imprimée par cette législation.
1- Le contexte de l'intervention de l'ordonnance
anti-subversion
L'ordonnance n°62/OF/18 du 12 mars 1962, portant
répression de la subversion, intervient à un moment particulier
de l'histoire politique du Cameroun, où le pouvoir fait front à
la lutte armée menée par l'Union des Populations du Cameroun
(U.P.C.), mais également à de vives protestations politiques
orchestrées par certains partis politiques de l'opposition
légale102(*).
Elle a été prise par le président de la
République en application de l'article 50 de la loi constitutionnelle du
1er septembre 1961, qui l'autorisait à titre exceptionnel
à prendre sous forme d'ordonnances ayant force de loi pendant une
période de six mois à compter du 1er octobre 1961,
"...les textes législatifs nécessaires à la mise en place,
au fonctionnement des pouvoirs publics et à la vie de l'Etat
fédéral103(*)".
Rarement, une législation aura soulevé un
tollé de protestations comme la législation anti-subversive. Au
plan international, on peut souligner entre autres la réaction de la
Commission Internationale de Juristes qui, très tôt, s'est
émue de l'émergence d'une législation d'exception, dont
elle pressentait déjà qu'elle constituerait "un des
principaux moyens par lesquels le Président A. AHIDJO comptait
réussir, dans le cadre d'institutions apparemment démocratiques,
à éliminer toute opposition et à soumettre les organes
gouvernementaux et législatifs (...) au contrôle exclusif d'un
parti"104(*)
Au plan interne, de vives protestations se sont
également levées. Outre l'opposition politique, d'éminents
juristes avaient tenu à marquer leur désapprobation. Ce fut
notamment le cas de deux hauts magistrats : le premier, Marcel NGUINI, va, dans
une lettre datée du 30 Octobre 1963, attirer l'attention du chef de
l'Etat sur le caractère inique de la législation anti-subversive
dont il était l'inspirateur ; le second, M. Louis-Marie POUKA MBANGUE va
adresser au Président de la Cour d'appel de Yaoundé et au
Procureur Général près ladite Cour, une lettre de
protestation pour faire observer que la législation anti-subversive
"contredit toutes les déclarations faites au Cameroun et ailleurs
par le Président de la République" sur l'attachement du
Cameroun aux principes posés par la Déclaration Universelle des
Droits de l'homme105(*).
De fait, les inquiétudes exprimées
par les uns et les autres étaient confortées par les premiers cas
d'application de la législation anti-subversive, qui étaient
suffisamment indicateurs de l'orientation politique qui se dessinait
déjà. Les premières personnes poursuivies et
condamnées sur la base de cette législation sont en effet des
leaders de partis politiques de l'opposition. Le 11 Juillet 1962, le tribunal
correctionnel de Yaoundé condamnait à trente mois
d'emprisonnement et à 250.000 francs d'amende MM. André Marie
MBIDA, ancien Premier ministre et chef du parti démocrate camerounais
(P.D.C.), Charles René-Guy OKALA, ancien ministre des affaires
étrangères et chef du parti socialiste camerounais (P.S.C.), et
Benjamin MAYI MATIP, alors président du Groupe parlementaire de ce qu'il
était convenu d'appeler l'"U.P.C. l égale". Ces
responsables politiques avaient commis la faute de co-signer et de distribuer
un document dans lequel, tout en "exprimant leur enthousiasme" à
l'idée de former le front de l'unité nationale proposée
par le parti de l'union camerounaise (U.C.) et le Kamerun National Democratic
Party (K.N.D.P.), ils reprochaient aux leaders de l'U.C. de rechercher
l'absorption pure et simple des autres formations politiques106(*).
En tout état de cause, les premiers cas d'application
de la législation anti-subversive "annoncent en quelque sorte la
couleur" sur l'identité de subversif, dont le statut est largement
laissé à la sagacité des gouvernants par une
législation imprécise à souhait.
2- Le contenu de la législation anti-subversion
du 12 mars 1962.
L'existence de la législation anti-subversive rendait
véritablement impossible toute vie politique démocratique au
Cameroun, parce qu'en fin de compte, elle vidait de toute substance l'exercice
des libertés et droits fondamentaux reconnus par la Constitution. La
démonstration peut être faite au regard du champ d'application de
cette législation et de la technique d'incrimination utilisée par
le législateur.
a) S'agissant d'abord du domaine
d'application de la législation anti-subversive,
On soulignera qu'aux termes des
dispositions de l'ordonnance du 12 Mars 1962, la subversion est le fait :
- d'avoir par quelque moyen que ce soit, incité
à résister à l'application des lois, décrets,
règlements ou ordres de l'autorité publique (article
1er) ;
- d'avoir porté atteinte au respect dû aux
autorités publiques ou incité à la haine contre le
gouvernement de la République, ou de participer à une entreprise
de subversion dirigée contre les autorités et les lois de ladite
République, ou d'encourager cette subversion (article 2);
- et, surtout, d'avoir émis ou propagé des
bruits, nouvelles ou rumeurs mensongers, soit assorti de commentaires
tendancieux des nouvelles exactes, lorsque ces bruits, nouvelles et
commentaires sont susceptibles de nuire aux autorités publiques
(articles 3).
b-) S'agissant ensuite de la technique
d'incrimination utilisée par le législateur,
force est de constater à la lecture des
dispositions ci-dessus évoquées, qu'au mépris du principe
de légalité pourtant prévu au fronton de l'édifice
juridique camerounais, le législateur s'est abstenu de définir de
manière précise l'infraction de subversion. Il a
procédé par le biais de la technique des "incriminations-cadres"
ou incriminations de type ouvert, véritables fourre-tout permettant
d'attraire dans la sphère pénale toutes sortes de comportements
à caractère politique, dès lors qu'ils contrarient peu ou
prou les gouvernants. Comme le fait remarquer M. Solers, les infractions telles
la subversion sont vagues car « en pratique, on peut y faire entrer
n'importe quels actes ».
A la lecture des dispositions sus-évoquées, il
apparaît en effet, que le législateur s'est gardé, au
mépris du principe de légalité criminelle, de
définir d'une manière précise l'infraction de subversion.
Il en résulte que le subversif, c'est potentiellement tout le monde, du
leader politique au citoyen ordinaire. Quelques exemples pour s'en convaincre
:
- Nous avons déjà noté qu'en 1962, pour
avoir exprimé, par une "lettre ouverte" le refus de saborder leurs
partis politiques respectifs au profit d'un parti unique, des leaders
politiques ont été lourdement condamnés pour
subversion107(*);
- Une décision du tribunal militaire de Yaoundé
du 25 Juin 1963, parlant des manoeuvres subversives reprochées aux
accusés, met l'accent sur "l'attentat dont le but sera, soit
d'exciter (sic) à la guerre civile en armant ou en poussant les citoyens
ou habitants à s'armer les uns contre les autres, soit de porter la
dévastation, le massacre et le pillage dans une ou plusieurs
communes". On soulignera qu'ici, la notion de subversion est
littéralement confondue avec celle d'atteinte à la
sûreté intérieure de l'Etat;
- Dans une autre décision, du 26 Juin 1967108(*), les accusés ont
été condamnés pour subversion, pour avoir "émis
des bruits, nouvelles ou rumeurs mensongers, assortis de commentaires
tendancieux, susceptibles de nuire aux autorités publiques". Ici,
les juges se contentent de reprendre purement et simplement les termes de la
loi, et il n'est pas rare que dans certaines décisions, on parle de
subversion tout simplement, sans prendre la peine de préciser ce que
recouvre cette notion109(*) .
- dans une autre affaire, plusieurs personnes ont
été condamnées sur la base de l'ordonnance du 12 mars 1962
pour s'être livrées "à des manoeuvres de nature à
compromettre la sécurité publique, à enfreindre les lois
du pays, à nuire aux autorités et à l'unité
nationale en refusant de participer aux élections110(*)".
- une autre personne est condamnée pour subversion pour
avoir déclaré publiquement : "Le gouvernement Ahidjo tombera
bientôt car il maltraite les témoins de Jéhovah. Dieu ne
manquera pas de venger ses chrétiens actuellement en souffrance et
arrivera d'ailleurs à leur confier le pouvoir de commander la Nation
camerounaise.111(*) "
Des exemples de ce type sont multiples et faisaient
légion à l'époque du présent
développement ; dès lors, comment s'étonner que sous
l'empire de l'ordonnance du 12 mars 1962, la vie des citoyens camerounais se
résumât en un mot : la peur112(*) ? En tout état de cause, il
apparaît que les tribunaux n'ont fait aucun effort pour corriger les
imperfections de l'ordonnance de 1962 sur le plan de la technique
d'incrimination, en essayant de préciser les contours de la subversion,
qui est par conséquent demeurée une infraction de type ouvert.
Par conséquent, on comprend que l'abrogation ou le
maintien de la législation anti-subversive soit considéré
comme un indicateur de la volonté de démocratisation du
système politique par les gouvernants. C'est ainsi, par exemple, que,
dans un article paru dans le Journal (quotidien français) "La
Croix" du Mardi 5 Mai 1987, M. J. F. BAYART pouvait écrire :
"En ce qui concerne la situation politique interne, le Président de
la République du Cameroun affirme le maintien de la volonté de
démocratisation du pays. Mais, simultanément, il a admis que des
"dérapages" avaient conforté les réticences de certains
à l'égard de la politique d'ouverture et leurs craintes de voir
s'instaurer à terme une situation incontrôlable (...) Il semble
écarter l'éventualité d'une levée de la
législation anti-subversive héritée de M. A AHIDJO, encore
qu'il entend en modérer l'application par rapport à
l'époque de son prédécesseur".
Pareille attitude a pu être considérée
comme une manière pour le Président de la République, de
"louvoyer" avec la démocratisation du pays. Mais,
l'accélération du processus démocratique observée
au début des années 1990 va s'illustrer entre autres, par
l'adoption de la loi n°90/46 du 19 Décembre 1990 abrogeant
l'ordonnance anti-subversive du 12 mars 1962.
B- LA PORTEE DE L'ABROGATION DE LA LEGISLATION
ANTI-SUBVERSION.
La loi n°90/046 du 19 décembre 1990 a
abrogé l'ordonnance n°62/OF/18 du 12 mars 1962 portant
répression de la subversion. Cependant, les analystes ne sont pas
toujours d'accord sur la signification et la portée de cette
législation. Pour certains, il s'agit d'un
"non-événement", alors que pour d'autres, il s'agit d'un
événement qui marque la fin de la diabolisation de l'adversaire
politique par les gouvernants.
Les choses sont certainement plus nuancées. Il y a lieu
de distinguer ici tout d'abord la symbolique de cette mesure abrogative (1), et
enfin sa portée réelle (2).
1- La portée symbolique de la mesure abrogative
du 19 décembre 1990.
Il est indubitablement un truisme que l'abrogation de la
législation anti-subversive est significative d'une volonté de
rompre avec le passé, d'une volonté de s'orienter vers la
primauté du droit dans notre système socio-politique, d'une
volonté de libéralisation de la vie politique. En tout cas, elle
marque incontestablement la fin d'une période sombre qui n'a que trop
duré113(*), et
elle rend notre cadre institutionnel plus conforme aux instruments juridiques
internationaux de protection des droits de l'homme, que le Cameroun a
ratifiés notamment le pacte international relatif aux droits civils et
politiques.
Il est clair, en effet, que la législation
anti-subversive était en contradiction flagrante avec ces instruments,
principalement le pacte international relatif aux droits civils et politiques
de 1966, comme il a été souligné à l'occasion de
l'affaire MUKONG contre Etat du Cameroun devant le Comité des droits de
l'homme des Nations Unies114(*). En effet, du fait de la force inhibitrice de
l'ordonnance portant répression de la subversion au plan de l'exercice
des libertés publiques, son abrogation apparaît comme un fort
indicateur de la volonté de démocratisation du système
politique et du régime répressif par les gouvernants.
Cependant, si la charge symbolique de cette mesure
légale de 1990 constitue à n'en point douter un soulagement pour
les citoyens sur le plan psychologique, sa portée réelle en
revanche invite à plus de circonspection.
2- La portée réelle de la mesure
abrogative du 19 décembre 1990115(*).
Peut-on déduire de la loi N° 90/46 du 19
Décembre 1990 la fin de la subversion, comportement
réprimé? Deux circonstances incitent à mitiger la
portée réelle de l'abrogation de l'ordonnance du 12 mars 1962.
a) En premier lieu, il faut avoir
présent à l'esprit le fait que l'ordonnance du 12 Mars 1962
était souvent en quelque sorte, "doublée" par
d'autres dispositions qui, elles, demeurent en vigueur.
Mais, surtout, la mesure abrogative du 19
décembre 1990 apparaît à bien des égards comme une
mesure de dupes. En effet, la plupart des infractions prévues par
l'ordonnance du 12 mars 1962 ont tout simplement été
transférées dans le code pénal par la loi n°90/061 du
19 décembre 1990 portant modification de certaines dispositions du code
pénal, ce qui " révèle au grand jour le véritable
tour de passe-passe auquel s'est livré le législateur116(*) ". Ainsi, l'article
1er de l'ordonnance a été transféré
à l'article 157 a) nouveau du code pénal117(*) ; quant à
l'article 2 de l'ordonnance, il a été transféré
à l'article 154 al.2 nouveau du code pénal118(*) ; enfin, l'article 3 de
l'ordonnance a été transféré à l'article 113
nouveau du code pénal119(*).
b-) En second lieu, il convient de
souligner qu'en dépit du caractère ouvert de l'incrimination de
subversion, circonstance qui facilitait les choses aux gouvernants, ces
derniers ont pour l'essentiel opté pour la "gestion" de la
subversion en dehors du circuit juridictionnel. C'est bien connu, le subversif
était plus souvent ce citoyen détenu arbitrairement sans
jugement, ni même inculpation, dans des centres spécialisés
(B.M.M120(*). de
Yaoundé; Tcholléré, Mantoum, ...). Dès lors, il
convient d'apprécier la disparition ou non du subversif, à l'aune
de la pratique politique quotidienne et non exclusivement au regard de
l'abrogation de la législation anti-subversive. De ce point de vue, le
subversif a-t-il disparu ? L'avenir nous en dira plus sur la suite
réservée à l'option dont l'abrogation de la
législation anti-subversive est un indicateur au même titre que
l'amnistie des détenus politiques.
Paragraphe 2 : L'amnistie des condamnations
politiques.
Etymologiquement, le mot amnistie provient du grec "amnaomai"
qui signifie "la perte de la mémoire." Elle émane de la
volonté de la société de faire tomber dans l'oubli la
commission de certains faits et ses conséquences pénales.
L'amnistie est par essence une mesure exceptionnelle. Elle ne devrait
être prise que lorsque les exigences d'un retour à la paix civile
s'avèrent capitales, ce qui conduirait, en fait, à restreindre
le recours à cette mesure.
La mesure d'amnistie établie par la loi n°91/002
du 23 avril 1991 intervient à une période cruciale de l'histoire
politique du Cameroun ; elle traduit incontestablement la volonté
des gouvernants d'apaiser le climat socio-politique. Le bien-fondé de
cette mesure peut être apprécié à la lumière
de ses caractères (A) et de ses effets (B).
A- LES CARACTERES DE LA MESURE D'AMNISTIE DU 23
AVRIL 1991.
La loi n°91/002 du 23 avril 1991 dispose :
- "Est amnistiée, toute infraction punie de la peine de
détention ou qualifiée de subversion à la date de sa
commission. " (Article 1er)
L'article 2 dispose quant à lui qu'est
amnistiée :
- toute personne condamnée pour subversion à la
peine d'emprisonnement et/ou d'amende ;
- toute personne condamnée à une peine de
détention ou purgeant une peine de détention ;
- toute personne, auteur d'une infraction à
caractère politique, condamnée à la peine de mort."
De l'analyse de ces dispositions, apparaît l'aspect
large de cette mesure. En effet une observation mure de cette
législation fait apparaître le caractère à la fois
réel (1) et purement législatif (2) de cette mesure
d'amnistie.
1- Le caractère réel de
l'amnistie121(*)
Lorsqu'on s'attache à l'objet de l'amnistie, on
distingue traditionnellement l'amnistie réelle de l'amnistie
personnelle. Cette dernière est attachée à des
particularités ou à des qualités personnelles que la loi
prend en considération dans le délinquant, et s'applique à
ceux des délinquants qui peuvent en faire état
indépendamment de la nature des faits qu'ils ont commis.
L'amnistie réelle est attachée à des
faits délictueux que la loi énumère, et s'applique aux
auteurs de ces faits, sans tenir compte de leur personnalité. Elle
opère in rem, au sens où, décidant de l'oubli des faits en
tant qu'infraction, elle bénéficie à l'auteur comme au
complice.
Au regard de cette typologie, la mesure d'amnistie du 23 avril
1991 est une amnistie réelle, en dépit du recours, dans son
article 2 à l'expression « toute personne » (cette
expression indiquant, nettement, le caractère impersonnel de cette
mesure purement législative).
2- Le caractère purement législatif de
l'amnistie122(*)
Dans la pureté des principes, le législateur
amnistiant doit faire bénéficier de ses faveurs toutes les
personnes ayant commis tel ou tel type d'infraction ou, à la rigueur,
toutes les personnes présentant telle ou telle qualité.
Mais la volonté du législateur de permettre
l'adaptation de la loi d'amnistie à la personnalité des
délinquants le conduit parfois à une délégation
directe au pouvoir exécutif ou indirecte à l'autorité
judiciaire du pouvoir de décider à qui bénéficiera
l'amnistie qu'il a votée. Dans le premier cas, il s'agira, soit d'une
grâce amnistiante, soit d'une grâce
décrétée ; et dans le second, il s'agira d'une
amnistie judiciaire. En l'absence de toute délégation, on dit que
l'amnistie est purement législative.
La mesure d'amnistie n°91/002 du 23 avril 1991, qui
émane du législateur, et n'accorde aucunement
délégation pour son application, ni au président de la
République, ni au pouvoir judiciaire, est par conséquent et sans
n'en point douter une amnistie purement législative.
Il en reste que, cette mesure étant la seconde du genre
depuis l'accession du Cameroun à l'indépendance, surtout que la
première mesure123(*)s'étant confrontée à
d'énormes difficultés124(*)pour sa mise en application, il importe
véritablement de s'interroger en profondeur sur les effets de cette
seconde mesure d'amnistie que connaît notre ordonnancement juridique.
B- LES EFFETS DE LA MESURE D'AMNISTIE DU 23 AVIL 1991125(*)
L'article 3 de la loi n°91/002 du 23 avril 1991
dispose :
"L'amnistie prévue par la présente loi produit
les effets de l'article 73 du code pénal.
Toutefois, les condamnés amnistiés ayant
occupé des emplois publics seront réintégrés et les
biens confisqués seront restitués à toutes les personnes
amnistiées selon les modalités fixées par voie
réglementaire."
C'est dire qu'outre les effets classiques de l'amnistie (1),
cette mesure présente quelques particularités (2).
1- Les effets classiques de l'amnistie.
Les effets classiques de l'amnistie sont prévus par
l'article 73 du code pénal, auquel renvoie expressément l'article
3 de la loi du 23 avril 1991. Deux types d'effets sont nécessairement
attachés à l'amnistie. Ils ont trait à la
responsabilité pénale (a) et à la responsabilité
civile (b).
a) sur le plan de la responsabilité
pénale.
L'effet principal de l'amnistie est qu'elle "efface la
condamnation et met fin à toute peine principale et accessoire, et
à toute mesure de sûreté, à l'exception de
l'internement dans une maison de santé et de la fermeture de
l'établissement126(*) ".
Mesure d'effacement du passé, d'oubli, affectant le
fond du droit, l'amnistie se manifeste donc par des conséquences
essentiellement procédurales. Ainsi, selon le moment de la
procédure où elle intervient, elle fait obstacle tantôt aux
poursuites, tantôt à la condamnation pénale. Elle
empêche ou arrête les poursuites intentées ou
déjà en cours.
b) sur le plan de la responsabilité
civile.
L'amnistie sauvegarde les droits des tiers. En effet, la
société peut renoncer, dans un intérêt
général qu'elle est seule à apprécier, à la
poursuite pénale de certains faits, mais elle n'a pas le droit de porter
atteinte aux droits subjectifs que les particuliers pourraient puiser dans
l'infraction. Les faits délictueux demeurent tels à
l'égard de tous les effets civils qu'ils conditionnent.
L'amnistie ne fait donc pas obstacle à l'action civile par laquelle la
victime chercherait à obtenir la réparation de son
préjudice. La juridiction compétente pour connaître de
cette action civile varie selon le moment où intervient la loi
d'amnistie. Si, à cette époque, le juge répressif n'a pas
été saisi, seul le juge civil est compétent. En revanche,
le juge répressif demeure saisi de l'action civile dès lors qu'il
a eu à connaître de l'action publique avant la loi d'amnistie.
La mesure d'amnistie du 23 avril 1991 n'a pas non plus
dérogé au principe de la sauvegarde des droits des tiers
délinquants politiques, et même, elle a prévu certaines
particularités attachées à l'amnistie qui découlent
du pouvoir discrétionnaire reconnu au législateur dans l'article
73 du code pénal.
2- Les particularités de la mesure d'amnistie
n°91/002 du 23 avril
1991.
Outre les effets classiques ci-dessus, qui sont
nécessairement attachés à l'amnistie, l'article 73, al. 2
à 6 c.p. laisse à la discrétion du législateur une
gamme d'effets qu'il peut faire produire, en totalité ou en partie
à la loi d'amnistie. La loi du 23 avril 1991 a retenu deux de ces
actes : la réintégration dans les emplois publics (a) et la
restitution des biens confisqués (b).
a) la réintégration dans les
emplois publics.
Aux termes de l'article 73, al. 6 c.p."Sauf disposition
contraire, elle ne réintègre pas de plein droit dans les
fonctions ou emplois publics...".
Suite à la mesure d'amnistie du 23 avril 1991, est pris
le décret n°92/091 du 04 mai 1992, qui va fixer dans son article 3,
al. 2, les modalités de réintégration dans les emplois
publics.
Le législateur n'a visé que les emplois publics,
à l'exclusion des emplois privés. Cette discrimination127(*) a été
vilipendée, mais elle se justifie par le fait que l'Etat ne saurait
imposer aux entreprises privées la réintégration de
personnels dont la cessation d'activité ne leur est pas imputable, et
qui ont certainement déjà été remplacés.
Ceci étant, la réintégration englobe tous les
fonctionnaires, y compris ceux en détachement dans les
sociétés d'économie mixtes. Relativement à ces
derniers, ils ne sont pas intégrés dans celles-ci, mais
appartiennent toujours à leur corps d'origine128(*), et par conséquent ne
peuvent réclamer leur réintégration que dans leur corps
d'origine. Mais qu'en est-il de leurs biens confisqués ?
b) La restitution des biens
confisqués.
Aux termes de l'article 73, al. 4 c.p."Sauf disposition
contraire, les frais, amendes et confiscations déjà versés
par le condamné restent acquis au trésor."
L'article 3 du décret n°92/092 du 04 mai 1992
fixant les modalités de restitution des biens confisqués reprend
l'essentiel de ces dispositions en déclarant insusceptibles de
restitution :
- les frais et amendes déjà versés au
trésor public ;
- les confiscations déjà exécutées
dont les produits ont été versés au trésor ;
- les biens aliénés ou inexistants ;
- les fruits et produits des biens confisqués
déjà versés au trésor.
Ces dispositions consacrent le principe établi
en la matière, de la restitution en l'état des biens
confisqués. On s'accorde en effet pour admettre qu'il ne saurait
être question de remettre en cause l'exécution déjà
entamée de la sanction : cette exécution est
régulière et la fiction de l'oubli ne peut sans excès
aller jusqu'à l'effacer. "L'amnistie est une mesure de faveur, non une
mesure réparatrice. Elle impose d'oublier le passé, non de le
revisiter129(*) ".
Toutes ces actions du législateur doivent être
appréciées à leur juste valeur. Les efforts faits en vue
de mettre fin à une période sombre de notre histoire politique en
général et de la politique répressive en particulier, par
l'effacement du passé ténébreux de traitements
infligés aux délinquants politiques sont louables. Mais, pour
marquer davantage son option130(*) dont les deux premières mesures
sus-évoquées sont fort indicatrices, le législateur va
procéder à des mesures suppressives de la peine de
détention, peine politique par excellence.
Section 2 : LA SUPPRESSION DE LA PEINE DE
DETENTION
Depuis l'indépendance, le régime des infractions
politiques au Cameroun offre l'image de mouvements de flux et de reflux
largement influencés par les événements historiques et
imprégnés d'un certain pragmatisme131(*). La notion d'infraction
politique ayant posé des problèmes quant à sa
définition précise, les choses se sont compliquées
davantage avec les lois n°90/061 du 19 décembre 1990 portant
modification de certaines dispositions du code pénal et n°91/007 du
30 juillet 1991 qui viennent supprimer l'une des peines principales de
l'article 18(ancien)132(*) du code pénal et abroger complètement
l'article 26 intitulé "la détention" ; ainsi le
nouvel article 26 dispose que : « la peine de
détention est remplacée par la peine d'emprisonnement dans tous
les cas où elle est prévue par la loi ».
Que veut signifier le législateur par cet acte (par
1er) et quelles en sont les conséquences (par
2e) ?
Paragraphe 1 : La signifiance de la suppression de
la peine de détention.
La suppression de la peine de détention, peine
politique par excellence, l'abrogation de la subversion, infraction politique
autonome, ainsi que l'amnistie des infractions et condamnations politiques sont
autant de choses qui ont pu amener à affirmer la suppression de toute
allusion au caractère politique des infractions (A), cependant,
l'éclectisme du champ des peines applicables aux dites infractions (B)
amène à revisiter ce raisonnement.
A- LA SUPPRESSION DE TOUTE ALLUSION AU CARACTERE
POLITIQUE DES INFRACTIONS.
L'exposé de cette vue abolitionniste (1) et son impact
(2) nous permettrons de prendre la mesure de la marque imprégnée
par cette suppression de la peine de détention.
1- l'exposé de cette vue
abolitionniste.
Lors de l'émission radiodiffusée « Le
verdict », le Secrétaire Général du
ministère de la justice de l'époque affirmait « qu'il
n'y a plus de détenus politiques, ni d'infractions politiques au
cameroun. L'infraction politique se définit par rapport à la
peine. On veut qu'on ne parle plus d'infraction politique au
Cameroun »133(*). Le ministre de l'administration territoriale va
affirmer la même chose dans une interview télévisée
au mois de mai 1991.
Ce point de vue abolitionniste pouvait, du reste, se
prévaloir de l'exposé des motifs de la loi n°90/061 du 19
décembre 1990134(*)dans lequel on peut lire : « Dans le
cadre de la libéralisation de la vie publique, il a paru
nécessaire de supprimer du code pénal toute allusion au
caractère politique des infractions... c'est pourquoi l'article
1er du présent projet de loi modifie l'article 18 c.p. qui
prévoyait la peine de détention, pour la
supprimer ».
Plus précis encore est l'article 2 de la loi
n°90/061 qui dispose que : « la peine de détention
prévue aux articles 111, 114, 115, 116, 122, 123, 124, 125, 126, 127 du
présent code est remplacée par la peine
d'emprisonnement ».
Et pour marquer davantage ou de manière
définitive l'option qui est la sienne, le législateur va modifier
cette dernière loi par la loi n°91/007 du 30 juillet 1991 qui
dispose en son article 2 que : « (1) sont abrogées les
dispositions des articles 26135(*) et 156. (2) la peine de détention est
remplacée par la peine d'emprisonnement dans tous les cas où elle
est prévue par la loi ». Cette dernière
législation a une étendue plus vaste, dans la mesure où le
législateur ne procède plus par simple énumération
d'articles, au risque que ses oublis ne puissent en aucun cas remettre en cause
l'option qu'il a choisie qui sans aucun doute est celle de faire taire toute
allusion au caractère politique des infractions.
Cette volonté affirmée et
réaffirmée du législateur de résorber l'infraction
politique aura dès lors un impact déterminant sur tout le champ
infractionnel camerounais.
2- L'impact de la suppression de la peine de
détention
La distinction entre infractions politiques et infractions de
droit commun étant malaisée, car la loi ne fournissant que des
indications partielles, c'est de la nature de la peine que l'on reconnaissait
l'infraction politique au Cameroun ; il est sûr que si la peine est
politique, l'infraction est elle-même politique136(*). Le législateur ayant
pris la résolution de supprimer la peine de détention,
véritable critère de distinction des infractions politiques de
celles de droit commun dans notre droit positif, l'on est amené à
conclure à la résorption totale de l'infraction dite politique
dans notre pays. C'est dire que toutes ces infractions que l'on qualifiait
jadis "d'infractions politiques" du fait de la peine de détention qui
les sanctionnait, et qui étaient contenues dans le c.p, sont par cette
simple décision du législateur devenues des infractions de droit
commun, et par conséquent ne bénéficient plus d'un
régime de faveur.
En France, les atteintes aux intérêts
fondamentaux de la nation commises en tant de guerre, auparavant
réprimées par le Code pénal et passibles de la
détention criminelle lorsqu'elles constituaient des crimes, ont
été transférées, à l'occasion de la
réforme, dans le titre III du Livre III du Code de justice militaire,
où elles se trouvent désormais sanctionnées de la
réclusion criminelle. En modifiant ainsi la nature de la peine
applicable, le législateur français a manifesté,
semble-t-il, sa volonté de retirer à ces infractions le
caractère politique qui leur était auparavant automatiquement
attaché à raison de la peine encourue. On signalera par ailleurs
que, de manière surprenante, le caractère politique de la
détention criminelle n'est affirmé par aucune disposition du Code
pénal français. Il faut, pour le mettre en lumière, se
reporter à l'histoire du droit pénal, aux travaux
préparatoires et à la doctrine. En l'état du texte, rien
ne permet au lecteur non averti - pour lequel le nouveau code a pourtant
été conçu137(*) - de comprendre le sens de la distinction entre la
réclusion et la détention criminelle. Encore qu'il existait dans
l'ancien Code pénal d'autres peines politiques également
applicables en matière criminelle : le bannissement et la
dégradation civique. Ces deux peines ont été
supprimées en raison de leur caractère archaïque.
Au Cameroun, certes est-il vrai que la peine de
détention à elle seule facilitait l'identification d'une
infraction politique, mais, si ce critère était suffisant pour
qualifier une infraction comme étant politique, il n'a jamais
été exclusif, le droit camerounais se caractérisant du
reste par son éclectisme, s'agissant des peines applicables aux
infractions politiques.
B- L'ECLECTISME DU CHAMP DES PEINES APPLICABLES AUX
INFRACTIONS POLITIQUES.
S'il est évident que la peine de détention
permettait aisément de reconnaître une infraction politique,
l'existence au Cameroun d'une variété de peines applicables aux
infractions à caractère politique rendait cependant
compliqué une distinction générale de ces infractions. De
cette attitude éclectique du champ des peines, l'on ne saurait parler de
la détention comme étant un critère décisif de
distinction des infractions politiques de celles de droit commun. C'est ainsi
qu'outre la peine de détention, on appliquait à ces infractions
tantôt la peine de mort (1), tantôt l'emprisonnement (2).
1- Les infractions politiques sanctionnées de la
peine de mort.
Le droit positif camerounais s'est fixé sur le
caractère politique d'un certain nombre d'infractions, sans que l'on ait
à choisir entre le système objectif et le système
subjectif. Il s'agit d'infractions qui, par leur nature propre, ont paru
politiques à la fois objectivement et subjectivement ; le
législateur ayant estimé que ces infracteurs méritaient
d'être punis de mort.
Tel est notamment le cas des hostilités contre la
patrie prévues et réprimées par l'article 102
c.p.138(*) :
« Est coupable de trahison et puni de mort tout citoyen qui : a)
Partipe à des hostilités contre la République ;
b) Favorise ou offre de favoriser lesdites
hostilités. »
Cet article est complété par l'article 103
c.p.139(*)réprimant l'espionnage et la trahison,
ainsi : « Est coupable de trahison et puni de mort tout citoyen
et est coupable d'espionnage et également puni de mort tout
étranger qui : a) Incite une puissance
étrangère à des hostilités contre la
République ;
b) Livre ou offre de livrer à une puissance
étrangère ou à ses agents des troupes, des territoires,
des installations ou du matériel affectés à la
défense nationale ou des secrets de la défense ou s'assure par
quelque moyen que ce soit la possession d'un secret de la défense
nationale en vue de le livrer à une puissance
étrangère ;
c) En vue de nuire à la
défense nationale détériore les constructions, des
installations ou matériels ou pratique soit avant, soit après
leur achèvement des malfaçons de nature à les
empêcher de fonctionner normalement ou à provoquer un
accident. »
Outre la peine de mort, la peine d'emprisonnement était
également retenue dans certains.
2- Les infractions politiques sanctionnées de la
peine d'emprisonnement.
Si certaines infractions pouvaient en outre recevoir la
qualification politique du fait de la peine de détention qui y
était attachée, il n'en va pas de même de la subversion,
infraction politique autonome, dont on a vu qu'elle était
réprimée par la peine d'emprisonnement, peine de droit commun.
Par ailleurs, il ressort de l'article 104 c.p.140(*) qu'en cas de
réduction de la peine prévue par les articles 102 et 103 c.p., la
peine privative de liberté est celle de l'emprisonnement.
De tout ce qui précède, on constate qu'on ne
saurait déduire de la seule suppression de la peine de détention
la disparition de la notion générique d'infraction politique en
droit camerounais. Au contraire, les infractions politiques par nature que la
jurisprudence avait dégagées demeurent dans le code pénal,
bien que punies de peines de droit commun.
Ceci étant, la suppression de la peine de
détention a des conséquences concrètes que l'on ne saurait
méconnaître.
Paragraphe 2 : Les conséquences de la
suppression de la peine de détention
La suppression de la peine de détention a
entraîné d'énormes implications sur le plan normatif (A) et
apparaît à cet égard comme une régression au regard
de l'acquis libéral que représente l'infraction politique (B).
A- LES CONSEQUENCES NORMATIVES DE LA SUPPRESSION DE LA
PEINE DE DETENTION.
Les lois n°90/061 du 19 décembre 1990 et
n°91/007 du 30 juillet 1991 qui viennent supprimer la peine de
détention ont entraîné inéluctablement une refonte
du Code Pénal141(*). Il s'imposait d'expurger le C.P. de toute
référence à une prétendue nature politique d'une
infraction ; ceci se présente comme la conséquence apparente
de la suppression de la peine de détention (1). Cependant, la
conséquence réelle (2) invite à plus de retenue.
1- La conséquence apparente de la suppression de
la peine de détention.
Pour les pouvoirs publics, la suppression de la peine de
détention signifie la disparition de la notion générique
d'infraction politique. Et dans les textes répressifs, ce point de vue
s'est traduit par la refonte du code pénal à travers le
remplacement de la peine de détention par l'emprisonnement dans tous les
cas où elle était prévue. Il s'agit notamment des
infractions suivantes : Sécession142(*) ; propagation de fausses nouvelles143(*) ;
révolution144(*) ; bande armée145(*) ;
insurrection146(*) ; fraudes électorales147(*) ; corruptions et
violences148(*) ;
coalition149(*) ;
empiètements150(*) ; outrage au président de la
République151(*) ; outrage aux corps constitués152(*) ; non
publicité153(*) ; rébellion154(*) ; rébellion en
groupe155(*) ;
réunion et manifestation156(*) ; attroupement157(*) ; attroupement
armé158(*).
Outre la peine d'emprisonnement qui les sanctionne
désormais, les peines de mort et d'amende peuvent être retenues.
Il est également reconnu au juge le pouvoir de prononcer contre ces
infracteurs, en plus des peines susmentionnées, la confiscation
spéciale159(*),
la confiscation générale160(*), la confiscation des biens
illégitimes161(*)
ou des déchéances162(*).
2- La conséquence réelle de la suppression
de la peine de détention
Selon le législateur, la suppression de la peine de
détention n'est qu'une réforme du droit pénal camerounais
inspirée par une conception libérale de l'Etat. Même si
cette tendance reflète plus une attitude politique que proprement
juridique, on ne peut s'empêcher de remarquer qu'elle va dans le sens de
la banalisation de l'infraction politique. Cette dernière est d'autant
plus regrettable qu'en réalité, l'infraction politique est un
indice permettant de jauger le niveau d'avancement démocratique d'un
pays.
En effet, une chose est de reconnaître le délit
politique comme un type délictueux autonome et de lui appliquer une
répression adéquate, une autre est de le nier au plan normatif
pour ensuite, affaire par affaire, comme on le ferait pour toute autre
infraction, se demander si le mobile de son auteur ou les circonstances de sa
réalisation méritent indulgence ou rigueur163(*). Dans le premier cas de
figure, un pouvoir démocratique avoue la confiance relative qu'il a en
sa supériorité sans se dissimuler les limites de son entreprise.
Comme tel, il supporte voire souhaite la contradiction et, si celle-ci vient
à se placer hors-la-loi, il la reconnaît ostensiblement pour ce
qu'elle est et lui apporte une réponse appropriée. Dans l'autre
cas, une démocratie qui se croit infaillible et invincible faute de
pouvoir imaginer qu'il y ait meilleur régime que celui qu'elle
représente, dénie à ses adversaires le droit à la
lutte et à une répression adaptée ; en
conséquence, elle se contente de fonder leur comportement dans la
délinquance de droit commun, quitte seulement à demander à
ses juges de tenir compte presque clandestinement dans le choix de la peine du
profil particulier de leur auteur.
D'une manière générale, que l'on sorte
d'un régime autoritaire dans lequel le délinquant politique
pouvait apparaître comme un paria, et que l'on veuille modifier cet
état de choses est louable en soi ; mais que l'on veuille banaliser
l'infraction et le délinquant politique ne se justifie pas. Le
résultat est que le système actuel dans un contexte
démocratique apparaît moins favorable, donc plus
sévère que le système ancien. Cette
sévérité est davantage visible à travers la
régression du régime particulier applicable aux
délinquants politiques.
B- LA REGRESSION DU REGIME CARCERAL PARTICULIER DU
DELINQUANT POLITIQUE
Au regard de l'acquis libéral que représente
l'infraction politique, la suppression de la peine de détention
n'apparaît pas comme un progrès, mais un recul, qui ne saurait se
justifier. Les pouvoirs publics reconnaissant à cette suppression la
signification de la disparition de la notion générique
d'infraction politique et donc celle de détenu politique ; ce point
de vue s'est traduit dans les faits par la désaffectation des centres de
détention réservés aux délinquants politiques (1)
et la fin du régime de faveur assorti à cette infraction (2).
1- La désaffectation des centres de
détention réservés aux délinquants
politiques.
Dans le contexte d'antan, les délinquants politiques
subissaient leur peine dans des établissements spéciaux164(*), à défaut, ils
étaient séparés des délinquants de droit commun.
Depuis le 23 avril 1991, à la faveur de la mise en
oeuvre de la mesure d'amnistie décidée par la loi n°91/002,
l'on a assisté à la désaffectation des centres de
détention pour délinquants politiques. Ainsi, ont
été amnistiées toutes les infractions punies de la peine
de détention et toutes les personnes condamnées à une
peine de détention ou purgeant une peine de détention165(*).
2- La fin du régime de faveur assorti à
cette infraction.
Comme nous l'avons déjà vu, le détenu
politique bénéficiait d'un régime de faveur particulier
dans le système répressif d'antan. Avec la suppression de la
peine de détention, l'originalité de ce régime
spécial tend à s'estomper en raison de la libéralisation
du régime général. Pire encore, l'on se dirige vers une
véritable et irrévocable banalisation de la criminalité
politique par l'emploi de la procédure de flagrant
délit166(*). En
bref, le régime spécial de détention tient aujourd'hui
pour l'essentiel à la possibilité pour ces condamnés de
recevoir des visites tous les jours et d'être réunis entre eux
à certaines heures de la journée167(*).
Bien avancée déjà, l'assimilation des
infractions politiques aux infractions de droit commun n'est pas totale en
droit camerounais. En dépit de cette conjonction
d'éléments militant en faveur de la thèse de la
disparition de l'infraction politique, force est de défendre la
thèse opposée et de réaffirmer l'existence de l'infraction
politique dans notre droit positif ; Car des îlots de
résistance persistent, dont il faut examiner la quintessence. Parmi ces
points de résistance, on pourrait évoquer celui qui tient au
refus d'extradition (sur lequel nous ne reviendrons pas) et surtout à
l'existence de juridictions politiques spéciales.
CHAPITRE II : LA PERSISTANCE DU
PARTICULARISME
PROCEDURAL
La réforme pénale entreprise depuis
décembre 1990 se caractérise , s'agissant de la procédure
pénale, par une préférence marquée pour le maintien
du statut quo ante , c'est-à-dire le maintien des juridictions
exceptionnelles(section 1).
Par ailleurs, l'appréciation critique du régime
procédural actuel (section 2) met en lumière le caractère
ambigu des mesures prises en la matière tant elles comportent à
la fois des éléments de progrès et des
éléments de régression.
Section 1 : LE MAINTIEN DES JURIDICTIONS
EXCEPTIONNELLES
Avant la réforme de 1990, seules les juridictions
d'exception (tribunal militaire et Haute Cour de Justice) étaient
compétentes pour connaître des infractions politiques ; le
législateur va décider lors des réformes de reconduire ce
particularisme procédural à travers le maintien de la Haute Cour
de Justice (par.1er) et la création de la Cour de
Sûreté de l'Etat (par.2) qui va largement élaguer la
compétence du tribunal militaire en la matière.
Paragraphe 1 : Le maintien de la Haute Cour de
Justice
A qui s'étonnerait que nous ne présentions plus
la composition et la compétence de la Haute Cour de Justice dans cette
subdivision, nous répondrons qu'aucune modification n'a
été apportée malgré toutes les réformes
entreprises. L'article 53168(*) de la loi constitutionnelle du 18 janvier 1996
pourrait à ce titre corroborer nos dires.
Toutefois, nous nous proposons ici de faire une étude
critique de cette juridiction spéciale devant laquelle une
procédure de saisine n'a jamais été enclenchée. Sa
radioscopie montre qu'elle est sous l'emprise de l'exécutif qui est
pourtant son premier justiciable, ce qui ne pourrait qu'entraver à sa
saisine et à la justiciabilité de sa compétence ; ce
défaut est dû à l'origine professionnelle des membres de la
Haute Cour de Justice (A) et à la prépondérance de
l'exécutif (B).
A- LA QUALITE DES MEMBRES FORMANT LA HAUTE COUR DE
JUSTICE
La composition de la Haute Cour de Justice laisse
transparaître un doute sur son efficacité réelle. Que ce
soit au niveau du siège, du parquet ou du greffe, l'on trouve
généralement des fidèles au chef de l'exécutif. Ces
magistrats viennent de l'ordre judiciaire (1) et des milieux politiques (2).
1- Les magistrats de l'ordre judiciaire.
La Haute Cour de Justice compte en son sein des magistrats de
l'ordre judiciaire. Six des neuf juges titulaires et trois des six juges
suppléants membres du siège de la Haute Cour de Justice sont
plébiscités parmi les magistrats des différents tribunaux
de l'ordre judiciaire par les membres de l'Assemblée Nationale.
Le ministère public près la Haute Cour de
Justice est exercé par le procureur Général près la
Cour suprême, assisté de l'Avocat Général
près la même Cour suprême et le cas échéant,
un Avocat Général près d'une Cour d'appel.
La commission d'instruction près la Haute Cour de
Justice comprend trois membres dont deux, à l'exception du
président de ladite commission, sont désignés par la Cour
suprême parmi les magistrats de ladite Cour.
Le greffier en chef de la Cour suprême est de droit
greffier de la Haute Cour de Justice.
En cas d'empêchement survenu en cours de session d'un de
ces membres de la Haute Cour de Justice, il est pourvu immédiatement au
siège vacant par l'élection d'un nouveau membre parmi les
suppléants de l'organe qui a procédé au choix
précédent.
2- Les juges issus des milieux politiques.
Le président et le vice-président de la Haute
Cour de Justice sont élus parmi les neuf juges titulaires dont trois
sont membres de l'Assemblée Nationale.
Le président de la commission d'instruction près
la Haute Cour de Justice est élu au sein de l'Assemblée
Nationale.
Ce qui schématiquement nous donne la procédure
suivante : La poursuite ne commence qu'après notification au
procureur général (organe nommé par le président de
la République) près la Cour suprême de la résolution
de l'Assemblée Nationale (députés en majorité
fidèles au chef de l'exécutif) mettant en accusation le
président de la République. Cette notification est faite par le
président de l'Assemblée Nationale ; la résolution de
mise en accusation contient les faits reprochés au chef de l'Etat :
elle est également notifiée au président de la commission
d'instruction (autre fidèle de l'exécutif) qui doit faire tous
les actes d'instruction nécessaires à la « recherche de
la vérité » et à la mise sous main de justice de
l'accusé ; cette commission statuant à la majorité et
sans appel.
Les développements précédents montrent
que le pôle politique de la Haute Cour de Justice est constitué
d'un personnel de l'ordre judiciaire et d'un personnel purement politique. Les
magistrats de l'ordre judiciaire sont considérés comme des
personnalités manifestement soumises à l'exécutif parce
que leurs promotions dépendent de ce dernier. Ils ne sont de ce fait pas
indépendants ; leur indépendance suppose
l'indépendance vis-à-vis d'eux-mêmes (les passions
personnelles et le laxisme étant les obstacles à cette
dernière)169(*)et
leur autonomie vis-à-vis de l'exécutif tant sur le plan organique
que sur le plan matériel et moral.
Sur le plan organique, le judiciaire devrait cesser
d'être influencé par l'exécutif ; il est
influencé parce que cet exécutif y nomme les juges, les avance et
les sanctionne au conseil supérieur de la magistrature170(*). Sur le plan matériel
et moral, il est souhaitable que le judiciaire dépende le moins possible
de l'exécutif ; ceci suppose qu'il soit, comme l'Assemblée
Nationale, doté d'une autonomie financière ; une telle
autonomie permet de mieux assurer le traitement des magistrats et le
fonctionnement des juridictions ; cela permettra d'éviter de
geler171(*) les grades
des magistrats lorsqu'ils sont réticents aux sollicitations de
l'exécutif172(*).
Cela permettra également d'éviter que les victimes du gèle
ne cherchent pas à réparer le tort qui leur est causé par
les voies de corruption. Pour qu'un Etat ainsi défini soit un Etat de
droit173(*), il faut
qu'il adjoigne à son judiciaire au moins un barreau
indépendant174(*). Malheureusement, bon nombre de pays du tiers-monde
se déclarent Etats de droit mais cherchent en même temps à
étrangler leur barreau175(*). C'est dire qu'en fait, l'indépendance dont
les magistrats judiciaires se targuent si souvent, ne peut se manifester que
dans les cas qui ne présentent pas d'intérêt pour
l'exécutif. Toute résistance, de leur part, vis-à-vis de
l'exécutif, peut compromettre leur avenir malgré leur
inamovibilité.
B- LA PREPONDERANCE DE L'EXECUTIF.
L'exécutif peut à travers son pouvoir de
remaniement (1) évincer la saisine de la Haute Cour de Justice, ou
à travers son pouvoir de nomination (2) rechercher la mansuétude
de la procédure.
1- Le pouvoir de remaniement de
l'exécutif.
En ce qui concerne les ministres et assimilés, la
poursuite est exercée par le procureur général près
la Cour suprême dès sa saisine par décret du
président de la République. Or, la solidarité du
Gouvernement empêche implicitement le chef de l'Etat d'en arriver
là : Il a une arme plus facile contre un membre du gouvernement
opiniâtre et rebelle : l'éjecter par un simple
remaniement ; ce simple acte empêche dès lors la saisine de
la Haute Cour de Justice car le ministre ou l'assimilé ayant perdu son
statut redevient un citoyen commun, et par voie de conséquence doit
répondre de ses actes devant les juridictions de droit commun.
2- Le pouvoir de nomination de
l'exécutif.
Le procureur général près la Cour
suprême qui intervient intensément à la Haute Cour de
Justice est nommé par décret du président de la
République. Il n'est donc pas toujours libre de ses actions. Car
à tout moment, il peut être remplacé avant le
déclenchement de la procédure, laissant place à un autre
magistrat plus docile et prêt à satisfaire aux sollicitations de
l'exécutif.
En effet, l'exécutif peut y faire varier les débats
non seulement par le biais des injonctions adressées aux membres de la
Haute Cour ou à certains d'entre eux, mais aussi par des nominations et
des suppléances pour empêchements plus ou moins
provoqués.
Que dire alors de la Haute Cour de Justice ? Un
éminent magistrat pense « qu'il y a lieu de douter de son
efficacité réelle. Le président de la République ne
peut être mis en accusation que par un vote de l'Assemblée
Nationale émis au scrutin secret à la majorité absolue des
membres la composant ; ce qui en pratique nous semble difficile à
réaliser. L'Assemblée Nationale étant dominée par
les députés fidèles (généralement) au chef
de l'exécutif, ils sont donc juges et parties176(*) ». Par
conséquent, la Haute Cour de Justice nous semble être plus un luxe
législatif qu'une structure rassurante quant au rôle qu'elle peut
être appelée à jouer dans l'histoire et la vie de l'Etat.
Qu'en est-il donc de la Cour de Sûreté de l'Etat ?
Paragraphe 2 : La création de la Cour de
Sûreté de l'Etat
Créée par la loi n°90/060 du 19
décembre 1990, la Cour de Sûreté de l'Etat est une
juridiction permanente et unique pour tout le cameroun. Selon l'article
1er, al.1 de la loi qui la crée, son ressort s'étend
sur l'ensemble du territoire de la République. Son siège est
à Yaoundé. Toutefois, elle peut tenir des audiences dans toute
autre localité, sur décision du président de la
République ou, par délégation, du ministre chargé
de la justice. Nous examinerons sa composition, ses attributions (A) et la
procédure suivie devant elle (B).
A- COMPOSITION ET ATTRIBUTIONS DE LA COUR DE SURETE DE
L'ETAT.
Juridiction exceptionnelle, la Cour de Sûreté de
l'Etat a une composition (1) et une compétence (2) spéciales.
1- La composition de la Cour de Sûreté de
l'Etat.
D'après l'article 2 de la loi n°90/060 du 19
décembre 1990, elle se compose :
- d'un président, magistrat de l'ordre
judiciaire ;
- de six assesseurs titulaires, ayant voix
délibératives dont :
· Deux magistrats de l'ordre judiciaire
· Deux magistrats militaires
· Deux personnalités
désignées par le président de la République.
- Un procureur général assisté
d'un ou de plusieurs substituts, nommés par
décret ;
- Un ou plusieurs greffiers ; le greffe de la Cour
de Sûreté de l'Etat est le
greffe de la Cour d'appel du centre, à
Yaoundé.
- Six assesseurs suppléants remplissant les mêmes
conditions, appelés à
remplacer les assesseurs titulaires en cas
d'empêchement.
Le président et les assesseurs de la Cour de
Sûreté de l'Etat et leurs suppléants sont nommés par
décret. En cas d'empêchement survenu en cours de session, le
président est remplacé de plein droit par l'assesseur magistrat
de l'ordre judiciaire le plus ancien dans le grade le plus élevé.
En cas d'empêchement d'un assesseur titulaire, il est pourvu au
siège vacant par l'élection d'un nouveau membre parmi les
assesseurs suppléants de l'organe défaillant.
2- La compétence de la Cour de Sûreté
de l'Etat.
A la Cour de Sûreté, la loi n°90/060
attribue, à l'article 4, au détriment du tribunal
militaire177(*), la
connaissance des atteintes à la sûreté intérieure et
extérieure de l'Etat, ainsi que celle des infractions connexes. Les
atteintes ainsi visées sont cataloguées dans le chapitre I du
code pénal ci-dessus déterminé.
Les infractions contre la sûreté
extérieure de l'Etat y sont définies dans la section
première de ce chapitre :
- l'espionnage et la trahison178(*)
- les actes autres que l'espionnage et la trahison accomplis en
temps de paix, de nature à nuire à la défense nationale et
à la nation179(*).
- L'enrôlement ou le recrutement, sans autorisation, des
individus sur le territoire national, pour le compte des forces armées
étrangères180(*).
- L'imprudence, la négligence et l'inobservation des
règlements préjudiciables à la défense nationale,
la non dénonciation181(*).
- Le commerce et la correspondance, en temps de guerre, avec les
sujets ou agents d'une puissance ennemie182(*).
- La participation, en temps de guerre, à une entreprise
de démoralisation de l'armée ou de la nation.
En ce qui concerne les atteintes à la
sûreté intérieure de l'Etat, le Code Pénal les
réprime dans la section II du chapitre susindiqué. Ces
infractions sont :
- la sécession183(*) ;
- la guerre civile ;
- la révolution ;
- l'insurrection ;
- la bande armée184(*).
Toutefois, les mineurs de 14 ans ne sont pas justiciables de
la Cour de Sûreté de l'Etat185(*). Le président de la République au cas
où il commet des atteintes à la sûreté de l'Etat
dans l'exercice de ses fonctions, les membres du gouvernement en cas de complot
ourdi contre la sûreté de l'Etat dans l'exercice de leurs
fonctions186(*)et
certains étrangers ne sont pas également justiciables de cette
juridiction unique.
S'agissant de ces derniers, la loi n°90/060 ne fait nulle
part mention à eux, sur ce point, on doit recourir à l'ordonnance
n°72/5 qui, avant la loi, régissait aussi les poursuites contre les
auteurs des atteintes à la sûreté de l'Etat. Suivant
l'article 7 de cette ordonnance, les étrangers jouissant des
immunités diplomatiques ou du privilège de juridiction sur la
base des conventions internationales ne pouvaient pas être traduits
devant le tribunal militaire. La connaissance des atteintes à la
sûreté de l'Etat ne relevant plus de la compétence du
tribunal militaire, aux termes de l'article 31 nouveau187(*) de la loi n°72/5 du 26
août 1972, mais de celle de la Cour de Sûreté de l'Etat, ces
étrangers ne peuvent pas être traduits devant celle-ci en cas de
consommation de ces infractions. Au demeurant, cette omission dans la loi
90/060 fait partie de beaucoup de carences et d'imprécisions qu'on y
rencontre et qui sont dues à son extrême concision et à la
précipitation qui a présidé à son
élaboration.
Il y a lieu de relever que cette technique de déterminer
la compétence de manière générale risque de poser
des difficultés ; car il n'est pas toujours aisé de dire si
tel fait porte atteinte à la sûreté de l'Etat ou pas.
Cependant, qu'en est-il de la procédure devant cette
juridiction ?
B- LA PROCEDURE DEVANT LA COUR DE SÛRETE DE
L'ETAT.
La procédure de mise en accusation et de l'instruction
(1), ainsi que la procédure proprement dite devant la C.S.E. (2) nous
permettrons d'avoir un aperçu procédural global de la Cour.
1- De la mise en accusation et de
l'instruction.
La procédure devant la Cour de Sûreté de
l'Etat se distingue par l'absence de l'information judiciaire et l'institution
de la procédure de flagrant délit. Ainsi, le procureur
général procède ou fait procéder par tous officiers
de police judiciaire à tous actes nécessaires à la
recherche, à la constatation et à la poursuite des crimes et
délits de la compétence de la Cour de Sûreté de
l'Etat, dans les affaires de sa compétence, et a les mêmes
attributions que le procureur de la République.
Aux termes de l'article 6 de la loi n°90/060, les
auteurs, coauteurs, complices des infractions à la sûreté
de l'Etat sont traduits devant la Cour de Sûreté de l'Etat par la
voie de flagrant délit. Toutefois, lorsqu'un mineur de plus de 14 ans
est impliqué dans une affaire ou que l'auteur est en fuite, le procureur
général ouvre une information.
La question de savoir pourquoi l'information n'a
été prévue que dans ces deux cas s'est posée. Les
raisons avancées étaient que le jugement des mineurs posait
à la fois des problèmes sociologiques, psychologiques,
pédagogiques et psychiatriques. C'est pour cela qu'en France, il existe
des juridictions spéciales pour les mineurs délinquants188(*). Ce n'est pas le cas au
Cameroun ; il n'y a pas de tribunal spécial pour enfants, il y a
plutôt des formations spéciales des juridictions ordinaires en cas
de délinquance juvénile.
Sur la base de la loi de 1990, un mineur de plus de 14 ans
peut-il être attrait à la Cour de Sûreté de l'Etat
lorsqu'il a commis tout seul une infraction relevant de sa
compétence ? Peut-il l'être lorsqu'il a pour coauteurs ou
complices d'autres mineurs pénalement responsables ? La loi n'en
dit expressément rien. Mais comme elle parle d'un mineur
"impliqué dans une affaire", elle ne vise que les cas où les
mineurs se sont mêlés d'actes infractionnels consommés par
les majeurs. Au cas où les adultes n'y sont pas impliqués, ils
doivent normalement répondre de leurs actes devant les juges des
enfants. Le législateur français avait résolu ce
problème dans l'article 699 du code de procédure pénale.
En effet, en France, lorsque les atteintes à la sûreté de
l'Etat se trouvaient perpétrées uniquement par des mineurs de
plus de 16 ans et de moins de 18 ans, ils répondaient de leurs actes
devant les juridictions pour mineurs délinquants189(*).
Le mineur de plus de 14 ans pénalement responsable
va-t-il, conformément à l'article 80 (3) du code pénal,
bénéficier de l'excuse atténuante à la Cour de
Sûreté de l'Etat ? Est-il plutôt pleinement responsable
dans le sens de l'article 80(4) de ce code qui ne rend pleinement responsable
que les mineurs de 18 ans ? La loi ne fait nulle part allusion à la
législation sur les enfants. Il est à craindre que la Cour ne le
rende pleinement responsable en vertu du principe selon lequel le
spécial déroge au général.
En ce qui concerne le criminel en fuite, la réponse
à la question de savoir pourquoi il y a ouverture d'une information
n'est pas évidente. La loi ne vise nullement le cas où, en droit
commun, on est obligé d'ouvrir une information parce que l'auteur de
l'infraction qu'on veut réprimer est inconnu. Ici il peut être
connu ; l'ouverture de l'information et donc la temporisation de la
procédure viennent tout simplement du fait que la justice ne dispose pas
du délinquant. C'est tout à fait logique, mais seulement, cela
crée un paradoxe : le suspect en fuite se trouve mieux
traité que celui qui est présent. Il s'ensuit qu'un innocent
visé par la Cour pour une infraction relevant de sa compétence a
intérêt à s'enfuir, sinon il pourra faire l'objet d'un
jugement expéditif et être emprisonné ou tué alors
que sa fuite aurait permis d'instruire l'affaire et de découvrir son
innocence.
2- Procédure proprement dite devant la Cour de
Sûreté de L'Etat190(*)
La procédure en ce qui concerne les débats et le
jugement devant la C.S.E. est celle prévue devant le tribunal de
première instance statuant en matière correctionnelle.
La Cour de Sûreté peut décerner mandat de
dépôt, quelle que soit l'infraction retenue. Elle peut
également décerner mandat d'arrêt si la peine
prononcée est une peine d'emprisonnement ferme.
La Cour statue par arrêt en premier et dernier ressort.
Ses décisions ne sont pas susceptibles d'appel, mais de pourvoi en
cassation dans les dix jours, à compter du lendemain de leur
prononcé, si elles sont contradictoires, ou du lendemain du jour
où l'opposition n'est plus recevable.
Les décisions rendues par défaut sont
susceptibles d'opposition dans les cinq jours de leur notification ou
signification à personne ou à domicile.
Toute déclaration d'appel faite au greffe ne peut ni
être enregistrée, ni faire l'objet d'une transmission.
Il convient de relever que la procédure devant la
C.S.E. ignore le "rejugement191(*)", celui-ci ayant du reste été
supprimé fort opportunément et de manière expresse par
l'article 2 de la loi n°90/048 du 19 décembre 1990 relative
à l'organisation judiciaire militaire, qui a abrogé l'ordonnance
n°72/20 du 19 octobre 1972 complétant les dispositions relatives
à la compétence de la juridiction militaire.
Les constitutions de partie civile ne sont pas recevables
devant la Cour de Sûreté de l'Etat192(*). Cette mesure n'est pas
constante en procédure pénale du pays. En effet, à la
veille de l'indépendance, la loi n°59/31 du 22 mai 1959 admettait
les constitutions de partie civile devant les cours criminelles
spéciales. Celles-ci connaissaient entre autres des infractions contre
la sûreté de l'Etat. La loi renvoyait au code d'instruction
criminelle193(*) pour la
procédure à suivre devant ces cours et permettait par là
les constitutions de partie civile. Quelques mois après cette loi,
l'ordonnance n°59/91 du 31 décembre 1959 créa des tribunaux
militaires et leur attribua entre autres la connaissance des atteintes à
la sûreté de l'Etat. Sur la procédure à suivre
devant ces tribunaux, l'ordonnance renvoyait à celle suivie devant les
cours criminelles spéciales, donc au code d'instruction
criminelle194(*). Elle
admettait alors les constitutions de partie civile, mais uniquement devant les
tribunaux militaires permanents. Elles étaient interdites devant les
tribunaux militaires temporaires. Cependant ceux-ci pouvaient ordonner des
restitutions195(*). Avec
l'ordonnance n°61/OF/4 du 10 octobre 1961, les constitutions de partie
civile étaient formellement interdites devant les tribunaux militaires
en temps de paix comme en temps de guerre, mais les restitutions y
étaient aussi admises196(*).
L'ordonnance n°72/5 du 26 août 1972 admettait,
sans restriction, ces constitutions de partie civile devant le tribunal
militaire197(*). Elles y
sont encore admises, mais ce tribunal a perdu sa compétence sur les
atteintes à la sûreté de l'Etat. La Cour de
Sûreté de l'Etat qui en est aujourd'hui compétente ne peut
connaître de ces constitutions ; la loi n°90/060 le lui
interdit formellement. Ce caractère erratique consistant en des
atermoiements en procédure pénale d'exception dans notre pays ne
pourrait échapper à une appréciation critique.
Section 2 : L'APPRECIATION CRITIQUE DU
REGIME PROCEDURAL ACTUEL
L'analyse des dispositions législatives prises en
matière de criminalité politique met en lumière leur
caractère ambigu. Dans la procédure à suivre devant la
C.S.E., on dénote un déséquilibre grave entre la
protection des intérêts des particuliers et ceux de la
société ou, dans une large mesure, du régime au pouvoir.
La notion d'atteinte à la sûreté est, en
général, subjective et relative dans bon nombre de pays du
tiers-monde ; les régimes au pouvoir y font poursuivre les auteurs
de ces infractions au nom du peuple ; ceux-ci implorent, dans leur
défense sous l'étiquette de « sauveurs de la
nation », le secours de ce même peuple, de leurs adeptes et
fanatiques.
L'imputation de responsabilité, dans ce domaine,
dépend souvent du côté où on se trouve. Cette
relativité et cette subjectivité de la notion expliquent que dans
certains pays les peuples s'insurgent contre le pouvoir lorsque certains
auteurs ou instigateurs des atteintes sont arrêtés et attraits
devant les juridictions. Cependant, si le régime de la détention
jadis applicable était un régime différent de celui de
l'emprisonnement parce que favorable au délinquant politique, le
système actuel dans un contexte démocratique paraît plus
rigide. Pour preuve, l'on assiste à une banalisation de l'infraction et
du délinquant politique (par.1er), ce qui a le malheureux
inconvénient de conduire à la fragilisation de la protection de
l'individu (par.2è).
Paragraphe 1 : La banalisation de l'infraction et
du délinquant politique.
Elle s'illustre par la soumission de certaines infractions
politiques aux juridictions de droit commun (A) et au caractère
expéditif de la procédure devant la Cour de Sûreté
de l'Etat (B).
A- LA SOUMISSION DE CERTAINES INFRACTIONS POLITIQUES AUX
JURIDICTIONS DE DROIT COMMUN.
S'il est établi comme un principe que seules les
juridictions d'exception sont compétentes pour connaître des
infractions politiques, il est exceptionnellement reconnu aux juridictions de
droit commun le pouvoir d'en avoir également connaissance dans certains
cas bien spécifiés. Cette soumission des infractions politiques
à la compétence des juridictions de droit commun date d'avant la
réforme pénale de 1990 (1) et n'a pas été
abrogée par ladite réforme (2), au contraire.
1- Avant la réforme pénale de
1990.
Avant la loi n°63/30 du 25 octobre 1963, les infractions
de subversion relevaient des tribunaux de droit commun. A titre d'illustration,
les premières personnes poursuivies et condamnées sur la base de
l'ordonnance du 12 mars 1962198(*) ont été des leaders de partis
politiques.
Le tribunal correctionnel de Yaoundé199(*), en date du 11 juillet 1962,
condamnait André Marie Mbida, Charles René-Guy Okala, Benjamin
Mayi Matip à trente mois d'emprisonnement et 250.000 francs CFA
d'amende.200(*)
Cette compétence des juridictions de droit commun a
été maintenue en matière politique malgré les
amendements législatifs intervenus en 1990.
2- Depuis la réforme pénale de
1990.
En supprimant la peine de détention qui sanctionnait la
plupart des infractions politiques pour la remplacer par la peine
d'emprisonnement, la réforme pénale de 1990 a par la même
occasion soumis ces infractions politiques par nature à la
compétence des juridictions de droit commun. Il s'agit des délits
électoraux prévus aux articles 122 c.p. (fraudes
électorales) et 123 c.p. (corruption), de la coalition contre les lois
et le fonctionnement d'un service et la sûreté de l'Etat201(*), de l'empiètement sur
le législatif202(*), de l'empiètement de l'exécutif sur le
judiciaire203(*), des
empiètements du judiciaire sur certaines immunités204(*).
Par ailleurs, certaines infractions politiques
précédemment prévues et réprimées par
l'ordonnance du 12 mars 1962 portant répression de la subversion qui ont
été transférées dans le code pénal205(*), relèvent
désormais elles aussi de la compétence des juridictions de droit
commun. La procédure qui leur est applicable sera fonction de la
gravité de l'infraction. Tandis que la procédure devant la C.S.E
est en principe sommaire.
B- LE CARACTERE EXPEDITIF DE LA PROCEDURE DEVANT LA
C.S.E.
Une justice démocratique recherche constamment le
compromis entre l'intérêt de la société et la
sauvegarde des libertés individuelles206(*). La bonne garantie de ce compromis suppose que les
preuves des actes à réprimer soient réunies par un juge
d'instruction, qu'un second juge puisse réexaminer l'affaire en cas de
contestation contre la décision du premier juge. Toutes les
étapes de l'examen de l'affaire doivent en outre être sur un fond
de procédure calme et réfléchie.
A bien des égards, ces garanties minimales de la
manifestation de la vérité manquent dans l'ensemble dans la
procédure organisée par la loi n°90/060 du 19
décembre 1990. Cette procédure est en effet marquée par
deux innovations contestables en la matière : l'usage de la
procédure du flagrant délit (1) et l'absence de principe d'une
information judiciaire (2).
1- L'institution de la procédure de flagrant
délit
Aux termes de l'article 6 al.1 de la loi n°90/060
précitée, les auteurs, coauteurs et complices des infractions
contre la sûreté de l'Etat sont traduits à la C.S.E. par
voie de flagrant délit. Cette extension critiquable de la
procédure de flagrance avait toujours épargné la
criminalité politique. Ces prescriptions de la loi de 1990
dérogent à la procédure pénale militaire.
En effet, l'article 8 (1) de l'ordonnance n°72/5 du 26
août 1972 relative à l'organisation judiciaire militaire disposait
expressément : « La procédure de flagrant
délit est inapplicable devant le tribunal militaire ». Cette
procédure est ainsi, par hérésie, transposée
à la juridiction politique qu'est la Cour de Sûreté de
l'Etat. Hérétique, elle l'est parce qu'elle est contraire aux
exigences démocratiques que fait respecter la loi du 20 mai
1863207(*).
Hérétique, elle l'est aussi parce que les infractions pour
lesquelles la loi fait appliquer la procédure de flagrance ne sont pas
nécessairement celles que le droit commun indique pour cette
procédure spéciale208(*).
La procédure appliquée devant la C.S.E. est
ainsi, en principe unique, que l'infraction soit flagrante ou non. En droit
commun, la procédure exigée est lente et calme lorsque
l'infraction n'est pas flagrante, accélérée et nerveuse
lorsqu'elle l'est. En réalité, la loi a créé de
nouveaux cas de flagrance dans la mesure où elle ne respecte pas
uniquement les conditions de la flagrance de droit commun.
En droit commun, l'infraction est flagrante lorsque :
- le crime ou le délit se commet actuellement ou vient de
se commettre209(*)
- dans un temps voisin d'un acte criminel, le suspect est
poursuivi par la clameur publique ;
- le suspect est trouvé muni des pièces
présentant des traces ou des indices prouvant qu'il a participé
à un acte criminel ;
- une personne requiert le procureur de la République ou
un officier de police judiciaire de constater une infraction qui a
été commise dans une maison qu'elle occupe ou dont elle assure la
surveillance.
L'extension de la procédure de flagrant
délit210(*)à des infractions non flagrantes laisse
conclure que le droit répressif camerounais se caractérise par un
recours excessif aux procédures sommaires avec pour conséquence
la limitation des cas où l'information judiciaire est admise.
2- L'absence de principe d'une information judiciaire.
C'est le corollaire de l'institution de la procédure de
flagrance en la matière.
Aux termes de l'article 5 de la loi n°90/060
précitée, le procureur général procède ou
fait procéder par tous officiers de police judiciaire à tous
actes nécessaires à la recherche, à la constatation et
à la poursuite des crimes et délits de la compétence de la
C.S.E, dans les affaires de sa compétence, et a les mêmes
attributions que le procureur de la République. Cette Cour ne respecte
pas le principe de la séparation des fonctions de poursuite,
d'instruction et de jugement. La loi de 1990 réitère
l'accélération de la procédure instituée à
une époque où l'on conseille de plus en plus la césure du
procès pénal.
Mais, cette loi a elle-même prévue des cas
exceptionnels où le procureur général doit ouvrir une
information judiciaire. Aux termes de l'article 6 al.2, « toutefois,
lorsqu'un mineur de plus de 14 ans est impliqué dans une affaire ou que
l'auteur est en fuite, le procureur général ouvre une
information ».
La loi 90 /060 n'a fait que respecter la tradition dans
ce domaine ; car, l'information est toujours ouverte lorsqu'un mineur est
impliqué dans une infraction211(*). Cependant, elle a innové dans la mesure
où elle a fixé la minorité pénale à 14 ans
en matière de poursuites contre la sûreté de l'Etat, alors
que le code pénal fixe à 18 ans la minorité pénale.
La réduction de cette minorité par la loi n°90/060
témoigne de la sévérité de la répression
politique dans notre pays. C'est un recul regrettable au moins par rapport
à l'ordonnance n°59/91 qui ne permettait de juger les mineurs de 18
ans coupables d'atteintes à la sûreté de l'Etat212(*)qu'à la condition
qu'ils fussent séparés des majeurs de plus de cet âge et
jugés en chambre de conseil.
La loi de 1990 marque le recul et la relativité
excessifs de la répression dans un même pays. La conception
camerounaise du procès en matière de criminalité politique
est aujourd'hui aux antipodes de toutes ces tendances modernes qui
prônent la séparation des trois fonctions. Pourtant, avec
l'ordonnance n°72/20 du 19 octobre 1972213(*), le législateur camerounais n'était
pas loin de cette césure moderne. En effet, en instituant le
"rejugement", il consacrait à sa façon, sans le savoir
peut-être, cette césure. Malheureusement, cette mesure si
salutaire pour le délinquant avait été prise plutôt
dans un but beaucoup plus répressif qu'humanitaire214(*). L'abrogation entière
de cette ordonnance n'est pas judicieuse. Elle marque également un recul
regrettable de la politique criminelle du pays. Elle méritait
plutôt des modifications dans le sens de la protection à la fois
des intérêts du délinquant et de la société.
Mais, c'est malencontreusement à la fragilisation de la protection du
délinquant politique que l'on a assisté.
Paragraphe 2 : La fragilisation de la protection
de l'individu.
Elle se déduit de l'atteinte à la règle du
double degré de juridiction (A) et de l'exclusion de la constitution de
partie civile (B).
A- L'ATTEINTE A LA REGLE DU DOUBLE DEGRE DE
JURIDICTION
Elle n'est pas nouvelle en matière de
délinquance politique, car les décisions du tribunal militaire en
la matière n'étaient susceptibles d'aucune voie de recours ;
cependant, la loi portant création et organisation de la Cour de
Sûreté de l'Etat ne revient que partiellement sur cette situation
regrettable. Elle interdit l'appel (1), mais autorise le pourvoi en cassation
(2).
1- L'interdiction de l'appel.
La loi n°90/060 du 19 décembre 1990 interdit
l'appel contre les décisions rendues par la C.S.E. Elle indique que la
Cour statue par arrêt en premier et dernier ressort215(*). Et, pour éviter que
certains "dérapages"constatés sous l'empire de l'ordonnance
n°72/5 du 26 août 1972 ne se reproduisent216(*), elle insiste sur cette
interdiction en prescrivant que toute déclaration d'appel faite au
greffe ne peut ni être enregistrée, ni faire l'objet d'une
transmission217(*).
Cependant, elle se montre moins rigoureuse que l'ordonnance de 1972 dans la
mesure où elle permet à la Cour suprême de sanctionner les
arrêts de la C.S.E.
2- L'autorisation du pourvoi en cassation.
On aurait pu croire qu'avec l'admission du pourvoi en
cassation contre les décisions d'une juridiction statuant sur les
atteintes à la sûreté de l'Etat, la répression
serait démocratisée dans le domaine. Au fond, il n'en
était presque rien, car la Cour suprême était juge du droit
et jamais des faits. Pour cela, si le prévenu ou sa défense
oubliait de faire apprécier, par la sûreté de l'Etat, des
faits de nature à établir son innocence, il ne pouvait plus s'en
prévaloir devant la Cour suprême. Celle-ci rejettera sa
prétention en soutenant qu'elle n'est pas juge des faits. Le
condamné purgera sa peine malgré son innocence qu'une juridiction
du second degré aurait pu faire éclater au grand jour.
Cependant, une interrogation subsiste aujourd'hui avec la
récente loi n°2006/016 du 29 décembre 2006 fixant
l'organisation et le fonctionnement de la Cour suprême qui fait de cette
Cour un troisième degré de juridiction ; c'est-à-dire
qu'elle est désormais juge non seulement du droit, mais aussi des faits.
Ceci aboutirait à une démocratisation de la répression si
le législateur de la Cour de Sûreté de l'Etat ne retombe
pas dans l'hérésie en supprimant le pourvoi en cassation auquel
sont soumises les décisions rendues par la C.S.E.
Autre remarque déconcertante, c'est l'exclusion de la
constitution de partie civile devant la C.S.E.
B- L'EXCLUSION DE LA CONSTITUTION DE PARTIE CIVILE
Contrairement à l'ordonnance n°72/5 du 26
août 1972218(*)
relative au tribunal militaire, les constitutions de partie civile ne sont pas
recevables devant la Cour de Sûreté de l'Etat219(*).
La spécificité des faits à
réprimer et la gravité des peines à prononcer rendent
difficile la mise en mouvement de l'action publique. Regretter que les
constitutions de partie civile soient interdites devant la C.S.E. ne revient
nullement à se plaindre de ce que la victime ne puisse mettre en
mouvement cette action, mais de ce que les réparations civiles n'y
soient pas admises. Car au bout du compte, on s'aperçoit que
l'interdiction de constitution de partie civile défavorise celle-ci (1),
et profite à la société et dans une certaine mesure au
délinquant (2).
1- L'exclusion de la constitution de partie civile
défavorise celle-ci.
Lorsque l'infraction a entraîné, en plus d'un
trouble à l'ordre social un préjudice corporel, matériel
ou moral à un citoyen, ce dernier, qui l'a éprouvé, a
droit d'en demander réparation en exerçant une action en
dommages-intérêts. L'action civile est alors l'activité
procédurale exercée par la victime d'une infraction pour faire
constater par le juge compétent la réalité du
préjudice né de cette infraction, établir la
responsabilité du délinquant dans la production du
préjudice et obtenir indemnisation ou les restitutions
nécessaires.
Bien qu'elles aient comme cible l'Etat, les infractions contre
la sûreté de l'Etat peuvent, par ricochet, faire des victimes
privées. Ces dernières ont le droit d'être
indemnisées. Malheureusement, ce droit est refusé aux victimes de
l'infraction par l'article 10 de la loi n°90/060 aux termes duquel :
« les constitutions de partie civile ne sont pas recevables devant la
Cour de Sûreté de l'Etat ».
Ce texte marque incontestablement, une régression par
rapport au droit antérieur, et rompt l'égalité devant la
loi entre les victimes d'infractions pénales.
L'interdiction des constitutions de partie civile est par
elle-même la reconnaissance de la possibilité pour une personne de
subir un préjudice du fait des atteintes à la sûreté
de l'Etat, car on ne peut interdire que ce qui est possible ou existe.
Le tort que l'interdiction cause à la partie civile
ressort mieux quand on examine les avantages que la société et
paradoxalement les délinquants tirent de cette mesure.
2- L'exclusion de constitution de partie civile profite
à la société et au délinquant220(*)
L'interdiction de constitution de partie civile a
créé un déséquilibre entre la sauvegarde des
intérêts du délinquant et celle des intérêts
de la partie civile, surtout lorsque le délinquant en est sorti indemne
c'est-à-dire sans condamnation. La condamnation d'un délinquant
à la réparation du préjudice subi par la partie civile
renforcerait le caractère affligeant de la peine. Par contre, interdire
les constitutions de partie civile devant la C.S.E revient à dispenser
les auteurs des atteintes à la sûreté de l'Etat de cette
peine complémentaire221(*).
La mesure cause un double tort à la partie civile. Tout
d'abord, au cas où le délinquant est condamné à une
peine d'amende, la société risque de l'expolier avant que la
victime n'ait saisi le juge civil ou n'ait eu gain de cause devant
celui-ci ; d'ailleurs elle ne l'aura presque jamais avant la
décision de la cour de sûreté de l'Etat parce que le
criminel tient le civil en état. Si le délinquant est
condamné à la peine capitale, les chances de la partie civile
sur la réparation du préjudice qu'elle a subi se réduisent
davantage. Ensuite, à l'égard de la partie civile, la
société est fautive pour n'avoir pas tenu son engagement ;
elle s'est engagée à garantir la sécurité Publique
et a failli à son devoir. C'est cette défaillance qui est
à l'origine du tort qu'elle refuse de faire apprécier devant la
cour.222(*)
Le profit que le délinquant tire de l'interdiction n'a
pas été recherché par le législateur ; il
n'est que l'effet pervers de l'interdiction. En outre, le législateur ne
semble pas s'être particulièrement
intéressé à la condition du délinquant.
Pourtant, les procédures pénales modernes cherchent à
substituer aux châtiments purement rétributifs des sanctions
favorables à la réhabilitation ultérieure des
délinquants.223(*) Ce qui suppose que les juges s'efforcent,
préalablement à sa condamnation, à le connaître. Or
ceux de la C.S.E doivent, selon la loi, être très
pressés, le but que le législateur a visé dans la loi
étant la rapidité de la répression, la protection des
institutions nationales contre "les démons " de l'irrédentisme et
des forces "centrifuges"224(*)
L'histoire tend à démontrer que les
constitutions de partie civile sont interdites devant les juridictions
répressives d'exception appelées à connaître des
infractions contre la sûreté de l'Etat chaque fois que le Cameroun
se prépare à affronter des difficultés politiques. Elle a
été interdite, pour la première fois, lorsque le
régime au pouvoir à l'époque se préparait à
unifier les parties politiques,225(*) lorsque le Cameroun rêvait de son unification.
Le parti unique constitué le 1er septembre 1966 et le
Cameroun uni le 20 Mai 1972, les constitutions de partie civile ont
été de nouveau autorisées le 26 Août 1972. Elles ont
été une fois de plus interdites le 19 décembre 1990.
Le parquet général de la C.S.E n'a
été saisi qu'une seule fois depuis la création de celle-ci
jusqu'aujourd'hui ; la raison de cela est que l'exécutif aurait
estimé que les procès politiques, pendant cette
période226(*),
créeraient plus de problèmes qu'ils n'en résoudraient, car
ce ne sont pas les infractions politiques qui manquent ; aujourd'hui les
infractions de bandes armées sont légion dans le pays, et
pourtant elles sont jugées devant les juridictions ordinaires et
assimilées aux infractions de droit commun.
CONCLUSION DE LA DEUXIEME PARTIE
Depuis le 19 Décembre 1990, le législateur
national a entrepris des réformes visant la disparition de la notion
générique d'infraction politique en droit pénal
camerounais. Habitué à l'imprécision de ses textes, il va
également procéder par la loi n°90/060 à la
création de la Cour de Sûreté de l'Etat, juridiction
spéciale, compétente pour la connaissance de telles infractions,
tout en maintenant la Haute Cour de Justice.
Ce manque de lucidité du législateur rend
paradoxal la suppression de cette infraction dans notre système
pénal.
Pareille situation appelle la mise en chantier d'une
réforme systématique qui marquera la rupture définitive
d'avec cette législation imprécise.
CONCLUSION GENERALE
Nous avons, dans nos développements, abordé un
certain nombre d'aspects théoriques et pratiques de la
criminalité politique au Cameroun et ailleurs. Il est apparu que la
distinction entre infraction politique et infraction de droit commun est en
voie de perdre de sa netteté et qu'un mouvement très fort tend
à résorber l'infraction politique dans la catégorie des
infractions de droit commun. Dans une étude consacrée, il y a
vingt cinq ans, à la violence politique en général,
envisagée à la fois en droit international et en droit interne,
Mme le professeur Koering-Joulin démontrait d'une façon
convaincante l'existence de cette tendance puissante, dont elle hésitait
toutefois à admettre qu'elle dût être poussée
jusqu'à son terme227(*).
Mais la question se pose maintenant avec acuité de
savoir si le moment n'est pas venu d'abandonner purement et simplement la
distinction, au profit d'une conception unitaire de l'infraction. De nombreux
facteurs, tel que nous l'avons vu, jouent le rôle
d'accélérateurs dans ce mouvement vers une assimilation
totale228(*). Mais,
cette assimilation va en s'affaiblissant au Cameroun ; la
différence entre infraction politique et de droit commun demeure pour
l'application de quelques règles libérales - Certains îlots
de résistance perdurent ici ou là - Raison pour laquelle il
paraît souhaitable de conduire l'évolution à son
achèvement ; il faudrait alors tirer les conséquences qui
découlent de la suppression effective de l'infraction politique telle
que entamée par le législateur camerounais en 1990 et son
assimilation à l'infraction de droit commun.
Parmi ces points de résistance, on pourrait
évoquer celui qui tient à l'existence de juridictions
spéciales (notamment à la Cour de Sûreté de l'Etat),
créées par la loi n° 90/060 du 19 décembre 1990,
à l'effet de juger toute une série d'infractions portant atteinte
à la sûreté de l'Etat229(*).
Dans un second temps, on pourrait évoquer le droit
extraditionnel. En effet, comme de nombreuses conventions internationales sur
l'extradition, le droit positif camerounais, par le truchement de l'article 643
du code de procédure pénale, interdit la livraison de l'individu
recherché lorsque le crime ou le délit a un caractère
politique, ou, selon une formulation différente et plus précise,
« si l'infraction pour laquelle elle est demandée est
considérée par la partie requise comme une infraction politique
ou un fait connexe à une telle infraction »230(*).
Cependant, un pas a été franchi en
matière d'extradition vers l'unification de ces infractions. Dans le
cheminement vers l'assimilation complète des deux types d'infractions
contre la vie humaine, l'élément le plus efficace tient à
l'élargissement du contenu de la fameuse clause d'attentat ou
« clause belge », qui a grignoté progressivement le
domaine de l'immunité des infractions politiques en matière
d'extradition231(*).
De même, l'article 1er de la convention
européenne pour la répression du terrorisme de 1977, affirme le
caractère non politique des attentats à la vie « des
personnes ayant droit à une protection internationale, y compris les
agents diplomatiques », ou des infractions comportant l'utilisation
des moyens particulièrement dangereux pour les personnes.
Il appartient donc au législateur national de
s'inspirer de ces évolutions et partant, d'aboutir à
l'achèvement de l'unification qu'il avait commencée. En guise de
rappel, il avait déjà expurgé le code pénal de
toute référence à une prétendue nature politique de
l'infraction en supprimant la peine de détention. Il lui reste donc sur
le plan interne à abroger les lois portant création des
juridictions spéciales compétentes en la matière. Ainsi
sera complète l'assimilation en matière de compétence
juridictionnelle232(*).
De même, lors d'une refonte devenue nécessaire,
de remodeler en ce qui concerne l'extradition, l'article 643 CPP de
façon à faire apparaître que l'extradition pourrait
être accordée, même s'il s'agit d'infraction politique
(alors que le texte actuel exclut, sans aucune nuance, toute extradition
demandée pour un crime ou un délit politique).
Dans l'ordre conventionnel, la solution satisfaisante serait
la généralisation, dans les traités, d'une formulation
laissant l'Etat requis libre d'accorder ou de refuser l'extradition en cas
d'infraction, comme l'ont déjà fait les conventions
passées par la France avec certains pays d'Afrique francophone233(*).
En ce qui concerne notamment la disposition créatrice
d'une immunité extraditionnelle, il faut noter qu'elle est beaucoup
moins protectrice qu'il n'y paraît pour le délinquant se
réclamant d'idéologies ou de mobiles politiques. Car, faute
d'avoir voulu ou, plutôt, d'avoir pu définir la notion
d'infraction politique, les rédacteurs des textes cités laissent
une marge de manoeuvre importante aux juridictions des pays requis pour
apprécier le caractère politique ou non politique des crimes,
objets des extraditions sollicitées. Les divers critères
d'appréciation (objectif, subjectif ou mixte pour la France)
utilisés à cette fin réduisent ordinairement à bien
peu de chose l'immunité extraditionnelle lorsque l'infraction
reprochée est d'une gravité extrême. Le défaut de
proportionnalité ou d'adéquation des faits commis au but
poursuivi par le coupable, le contexte socio-politique dans lequel ces faits se
situent, constituent autant d'éléments qui permettent de refuser
à un acte la qualification de politique
En effet, dans une société libérale et
démocratique, l'expression de convictions politiques ne peut bien
entendu constituer une infraction pénale. Elle ne devient
répréhensible que si l'acte est accompagné de violences,
de destructions, ou d'incitation à la haine. Mais alors c'est une
infraction de droit commun consistant en une atteinte aux personnes et aux
biens qui est sanctionnée, et non une infraction politique. Quant aux
infractions dirigées contre l'organisation politique de l'Etat, telle la
fraude électorale, on ne voit pas en quoi elles seraient plus estimables
que la falsification d'un acte authentique ou le détournement de fonds
publics. On pourrait même soutenir que, dans la mesure
précisément où la démocratie tolère les
modes pacifiques d'expression des opinions, le recours à la violence
pour imposer ses convictions y est moins justifié qu'ailleurs et
constitue donc davantage une cause d'aggravation de la répression.
Or, en élargissant sans fin l'éventail de ses
victimes, le meurtrier politique se rapproche inéluctablement du
délinquant de droit commun : plus rien ne distingue le geste du
terroriste agissant au nom d'un « idéal » plus ou moins
confus, et celui du criminel professionnel qui tue au cours d'un hold-up, ou du
membre d'un groupe maffieux qui assassine le ressortissant d'une bande
concurrente. Dans tous les cas, le meurtrier fait bon marché de la vie
d'autrui ; on découvre une même psychologie fruste, l'ivresse de
vivre une vie dangereuse et hors du commun, l'adhésion à des
thèmes semblables et vagues (lutte contre
« l'injustice », pour un « monde
libre », sans contrainte...).
Dans ces conditions, il devient très difficile, voire
impossible, d'appliquer au criminel politique et au criminel de droit commun
des règles de droit interne ou de droit extraditionnel
différentes.
Ainsi, tout se conjuguerait pour résorber l'infraction
politique dans la catégorie plus générale d'infraction de
droit commun. Les conséquences de cette prise de position se situeraient
sur divers plans, où les objections qui pourraient naître doivent
être examinées et écartées.
Sur le plan judiciaire, l'examen des dossiers par les chambres
d'accusation, en matière d'extradition, serait sensiblement
simplifié. Les juges n'auraient pas à scruter les mobiles
(tâche toujours délicate), la gravité des faits, le
contexte socio-politique dans lequel ils se sont développés.
Ces circonstances ne sauraient, en effet, avoir d'influence
sur la nature juridique de l'infraction. Il suffirait donc aux juges de
l'extradition de vérifier si les éléments constitutifs de
l'infraction (élément légal, acte matériel,
intention) sont réunis, étant rappelé que l'intention ne
se confond nullement avec les mobiles234(*).
On objectera sans doute qu'en droit commun les juges du fond
prennent en considération les mobiles qui ont animé
l'accusé ou le prévenu, ainsi que les circonstances qui
soulignent la gravité des faits, et qu'ils se servent de cette
appréciation pour mesurer la peine qui leur apparaît être la
juste sanction de l'infraction commise : pourquoi retirer aux juges de
l'extradition le pouvoir de pousser leur examen dans ces directions ?
Nous répondrons qu'à la différence du
juge pénal interne, la chambre d'accusation n'apprécie ni la
vraisemblance et la gravité des charges, ni la culpabilité de
l'individu recherché, pas plus qu'elle n'est habilitée à
scruter le bien-fondé des poursuites exercées par l'Etat
requérant ou l'opportunité de l'extradition. Ainsi, un examen
objectif, limité à la seule vérification des
éléments constitutifs de l'infraction, suffirait à fournir
un avis, négatif ou positif au gouvernement.
En définitive, la reconnaissance de la
spécificité des infractions politiques apparaît surtout
justifiée en matière d'extradition, lorsqu'il s'agit de
soustraire à la répression des citoyens persécutés
dans leur pays en raison de leur engagement politique, ou des femmes
contraintes à l'excision. Telle devrait donc être en
réalité l'orientation du droit camerounais.
Les conclusions qui viennent d'être exposées
paraîtront peut-être utopiques aux yeux de certains, mais au moins
la situation serait claire. Cette clarté pourrait s'étendre et,
qui sait, par contagion, aboutir dans le cadre du droit international, à
une dépolitisation progressive de tous les crimes et délits dits
politiques. Ainsi disparaîtrait un apport du romantisme juridique du XIXe
siècle235(*), qui
n'a plus guère sa place à l'aube du XXIe siècle, alors que
triomphent des conceptions juridiques moins généreuses, mais plus
logiques.
BIBLIOGRAPHIE :
I - OUVRAGES GENERAUX
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- Ripert (Georges), Le déclin du droit, études
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3e édit., Collection « LEBORD », 242
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II- OUVRAGES SPECIAUX ET ARTICLES
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pénal, in les problèmes contemporains de la procédure
pénale, Paris, Sirey, 1964.
- Anatole (A) et Alii, La pathologie législative,
comment en sortir ? actes de collogues du 23 mai 1977 organisé par
l'association des juristes namurois, Bruxelles, la charte, 1998.
- Bayart (Jean-François), L'union nationale
camerounaise, R.F.S.P, V.xx, n°4, août 1970, pp. 581 - 618.
- Cumaraswani (Param), L'indépendance de la profession
juridique, Bulletin du CIMA, n°23, pp. 45 - 64.
- Escande (Pierre), La Cour de Sûreté de l'Etat,
jurisclasseur, procédure pénale, V.4, Fasc. C., n°s 57 et
58.
- Etchéberry (Alfrédo), Remarques introductives
concernant les « pressions sur et les obstacles à
l'indépendance de la magistrature », Bulletin du CIMA,
n°23, 1989, pp. 64-68.
- Foyer (Jean), Droit pénal et procédure
pénale, v° H.C.J.
- Légal (Alfred), Les garanties d'indemnisation de la
victime d'une infraction, in les problèmes contemporains de la
procédure pénale, Sirey, 1964, pp. 35 - 54.
- Koering-Joulin (R), Infraction politique et violence, J.C.P,
1982, I, 3066.
- Szabo (Denis), « Les délits politiques et
leurs modes de répression législative », un article
publié dans l'ouvrage de Jean-Louis Beaudoin, Jacques Fortin et Denis
Szabo, « Terrorisme et justice. Entre la liberté et
l'ordre : le crime politique », Montréal, les
éditions du jour, 1970, 175 p.
- Schaeffer (Eugène), Procédure pénale et
développement. Libre propos sur la procédure pénale des
Etats d'Afrique d'expression française, Annales africaines, n°1,
1962, pp. 246 - 249.
- Tchokomakoua (Venant), Les particularités de la
procédure de flagrant délit en droit camerounais depuis 1972,
R.C.D., n°30, pp. 5 -20.
- Tunc (André), Réflexions sur les juridictions
pour les mineurs délinquants, in les problèmes contemporains de
la procédure pénale, Paris, Sirey, 1964, pp. 239 - 256.
- Vitu (A), Le meurtre politique en droit international et
extraditionnel, étude figurant dans les « mélanges
offerts à Georges Levasseur », édt. Gazette du Palais,
Litec, Paris, 1992.
III- THESES, MEMOIRES ET COURS
- Anoukaha (François), « Le magistrat
instructeur », Thèse de 3e cycle en droit
privé, université de Yaoundé, 1982, 527 p.
- Goudem (Jules), « L'organisation
juridictionnelle du Cameroun, Thèse de 3e cycle en droit
privé, université de Yaoundé, 1985, 574 p.
- Kameni Djongue (Jean-Désiré), « Le
domaine de la procédure de flagrant délit en droit camerounais
depuis la réforme du 19/12/1990 », Mémoire de
maîtrise en droit privé, université de Yaoundé,
1992.
- Tékamdjo Djate (H.B), « Le terroriste en
droit international », Mémoire de DEA, université de
Douala, 2003-2004.
IV- RECUEILS DE TEXTES ET
LEGISLATION
- Ahmadou Oumarou, Code de lois pénales, collection
textes usuels du Cameroun, P.U.A., 1998.
- Youché (J.M), La justice au Cameroun, recueil de
textes, Yaoundé, 1986.
- Code pénal de la république du Cameroun, les
éditions de l'Imprimerie Nationale, 2001
- Code pénal français
- Code de procédure pénale camerounais
- Code de procédure pénale français
- Constitution camerounaise du 2 juin portant création
de la H.C.J.
- La loi constitutionnelle du 18 janvier 1996.
- Ordonnance n°62/OF/18 du 12 mars 1962
- Loi n°64/LF/13 du 2 juin 1964 fixant le régime
de l'extradition au Cameroun.
- Loi n° 72/20 du 19 octobre 1972 complétant les
dispositions relatives à la compétence des juridictions
militaires.
- Ordonnance n°72/5 du 26 août 1972 relative
à l'organisation judiciaire militaire, modifiée par l'ordonnance
n°72/20 du 28 août 1972 et la loi n°87/09 du 15 juillet
1987.
- Loi n°90/046 du 19 décembre 1990 portant
abrogation de la législation anti-subversion.
- Loi n°90/060 portant création et organisation de
la C.S.E
- Loi n°90/061 portant modification de certaines
dispositions du code pénal modifiée par la loi n°91/007 du
30 juillet 1991.
- Loi n°91/002 du 23 avril 1991 portant amnistie des
condamnations politiques.
V- JURISPRUDENCE
- T.M. de Yaoundé, jugement n°4/71 du 15 mars
1971, affaire Mengué Damaris Régine, Tolo Minette et Autres c/
M.P.
- T.M. de Yaoundé, n°05/71 du 16 mars 1971,
affaire Anoge Tor.
- T.M. de Yaoundé, jugement n°119/79 du 26 avril
1979, affaire Mbinkar Kpunsa Sébastien.
- C.A. de Bafoussam, n°000/M du 12 octobre 1982, affaire
Richard Konganou
- C.S., n°275/P du 25 mai 1982, affaire Mfegue Akoa et
autres
- C.S., n°219/P du 5 mai 1983.
- T.M. de Bafoussam, n°32/84 du 24 avril 1984
- Cass.Crim. 20 août 1932, affaire Gorguloff, (Gazette
du Palais, 1932, II, 431)
- Crim., 9 mars 1849, affaire Bréhat, (Sommaire, 1849,
I, 200)
* 1 Szabo (D.) :
« Les délits politiques et leurs modes de
répression », un article publié dans l'ouvrage de
Jean-Louis Beaudoin, Jacques Fortin et Dénis Szabo,
« Terrorisme et justice. Entre la liberté et l'ordre : Le
crime politique », Montréal, les éditions du jour,
1970, première partie, pp. 15 - 74.
* 2 Lexique des termes
juridiques, 13e édt., paris, Dalloz, 2001, p. 303.
* 3 Voltaire : Le
dictionnaire philosophique, cité par Mbomè François, cours
magistral d' « initiation à la science
politique », niv 1, 2001-2002.
* 4 Max Weber : Economie et
Société, 1952, ibid.
* 5 Lexique des termes
juridiques, op.cit., p. 420.
* 6 Dictionnaire Robert, 1962,
cité par Mbomè (F), op.cit.
* 7 Desportes (F) ; Le
Gunehec (F) : Droit pénal général, 10e
éd., Economica, p.97.
* 8
Lévy-Brühl : Sociologie du droit, paris, PUF, 1961 cité
par Dénis Szabo, op.cit.
* 9 Projet de loi
n°471/PJL/AN portant modification de certaines dispositions du code
pénal.
* 10 Eisenmann (Ch.) :
Cours de droit administratif, cité par Nach Back Charles,
Démocratisation et décentralisation, « genèse et
dynamiques comparées des processus de décentralisation en Afrique
subsaharienne », paris, karthala-PDM, 2003, p.45.
* 11 Battifol (H) :
Aspects philosophiques du droit international privé, paris, Dalloz,
2002, p.6.
* 12 Grawitz (M) :
Méthode des sciences sociales, paris, Dalloz, 1981, p. 463.
* 13 Kontchou kouomegni, le
droit public camerounais, instrument de construction de l'unité
nationale, R.J.P.I.C., 1979, pg 440
* 14 L'article 8 du code
pénal italien de 1930 dispose que « est un délit
politique tout délit qui porte atteinte à un intérêt
politique de l'Etat ou à un droit politique du citoyen. Est aussi
réputé délit politique, le délit de droit commun
déterminé, en tout ou en partie, par des motifs
politiques »
* 15 Pradel (J), Manuel de
droit pénal général, ed. 2002-2003 pg. 250
* 16 Ortolan :
Eléments de droit pénal, 1886, I, n° 718.
* 17 Szabo (D) : Les
délits politiques et leurs modes de répression
législative, Montréal, 1970, op.cit.
* 18 Pradel (J.) : Manuel
de droit pénal général, Cujas, 2002-2003, p.250.
* 19 V° infra,
l'assimilation des infractions connexes aux infractions politiques
* 20 Livre II du code
pénal
* 21 Conte (P.), Du Chambon
(P.M.) : Droit pénal général, 3e
édt., Armand Collin, 1998, p. 215
* 22 ibidem
* 23 V° Tekamdjo Djate H.
Bethel : Le terroriste en droit international, Mémoire de DEA,
université de Douala, 2003-2004
* 24 Donnedieu de Vabres (H.),
Traité de droit criminel, n°208.
* 25 Convention
franco-camerounaise de 1974 sur l'extradition.
* 26 Crim., 9 mars 1849,
affaire du général Bréhat, sommaire, 1849, I, 200.
* 27 Crim., 18 novembre 1959,
J.C.P., 1960, II, 11475, note A. Légal.
* 28 Desportes (F.) ; Le
Gunehec (F.) : op.cit, pp. 105-106.
* 29 Peine qui n'était
pas applicable aux infractions politiques ; Crim. 20 août 1932, DP,
1932, I, 121, conclusion Matter
* 30 Crim., 18 novembre 1959,
JCP, 1960, II, 11475, RSC, 1960, p.276, note Légal
* 31 Paris, 22 avril 1953,
Gazette du Palais, 1953, II, 113.
* 32 Ahmadou Oumarou :
Code de lois pénales, Collection textes usuels du Cameroun, P.U.A, 1998,
article 26.
* 33 V° article 18 ancien
du Code Pénal.
* 34 La dégradation
civique et la peine accessoire de l'interdiction légale ont
été supprimées.
* 35 Encyclopédie
juridique Dalloz, Répertoire de droit pénal et de
procédure pénale, 35e année, Tome III, 2002
mise à jour : Détention criminelle, p.1.
* 36 Minkoa She (A):
Droits de l'homme et droit pénal au Cameroun, Economica, paris, 1999,
pp.219 et sq.
* 37 V° article 26 ancien
C.P.C ; article 18 et 24 du C.P. nigérien.
* 38 Crim. 12 décembre
1963 : D. 1964, 185 ; Crim. 28 septembre 1970 : D. 1971, 36,
note Chabas.
* 39 Crim. 25 octobre
1966 : B.C., n°238 ; Crim. 23 mars 1971 : D. 1971, Somm.
96.
* 40 L'article 39 C.P.C vise
les infractions politiques lorsqu'il organise les conditions de la
relégation.
* 41 Article 58(1) C.P.
français.
* 42 V° infra, loi n°
91/002 du 23 avril 1991.
* 43Code de procédure
pénale français, paragraphe 3 : De la convocation par
procès-verbal et de la comparution immédiate, articles 393 -
397(6).
* 44 Article 465,
al.1er du C.P.P.F.
* 45 Article 18 C.P.P.C.
* 46 Article 246, op.cit.
* 47 La trahison implique un
manquement au devoir de fidélité d'un citoyen.
* 48 Article 8 de la
Déclaration des Droits de l'homme et du citoyen du 26 août
1789.
* 49 Article 30 C.P.P.F.
* 50 V° article 5,2°
loi du 10 mars 1927 réglant les conditions et les effets de
l'extradition.
* 51 Qu'il s'agisse de la
convention générale de coopération en matière de
justice avec la République du Mali (ratifiée le 15 juillet 1964),
de l'accord de coopération de justice avec la France (ratifié le
29 juin 1974) ou de l'accord de coopération avec l'ex-zaÏre
(ratifié le 23 juin 1977).
* 52 Sur la question, voir J.
Pradel et A. Varinard, n° 27.
* 53 Vitu (A.) : Le
meurtre politique en droit international et extraditionnel, étude
figurant dans les « Mélanges offerts à Georges
Levasseur » édt. Gazette du palais - Litec, Paris 1992.
* 54 Cass. Crim. 20 août
1932 (Gazette du palais, 1932, II, 431) Affaire Gorguloff.
* 55 Article 1er de
la convention européenne pour la répression du terrorisme de
1977.
* 56 Article 118(2) al.2, loi
n° 64/LF/13 du 26 juin 1964 fixant le régime de l'extradition au
Cameroun.
* 57 La convention de
Tananarive et la convention camerouno-malienne respectivement aux articles 44
et 42 se contentent d'accorder à l'Etat requis la faculté de
refuser l'extradition. Ce qui n'est pas le cas de la loi de 1964 tout comme les
conventions franco-camerounaise et congolo-camerounaise qui posent une
exclusion absolue de l'extradition.
* 58 Jacque Robert ; Jean
Duffar : Droits de l'homme et Libertés Fondamentales, 7e
édt. Montchrestien, p.59.
* 59 Ainsi, des demandes
d'asile de Kurdes ayant réagi contre des exactions en Turquie, ont
parfois été rejetées au motif que leur action avait pour
but que les autorités françaises infléchissent leur
politique à l'égard de la Turquie.
* 60 Centre de
réimprégnation civique.
* 61 YOUCHE, la justice au
Cameroun, avec préface de François Xavier MBOUYOM. (Recueil de
textes). Pp. 207 et sq. Cité par Roger Sockeng, les institutions
judiciaires au Cameroun, 3è éd., collection
« LEBORD » p.53
* 62 Une polémique
s'est développée sur l'étendue de la responsabilité
pénale du chef de l'Etat : peut-on la mettre en cause, en cours de
mandat, pour des crimes et délits antérieurs à
l'entrée en fonction du président ? Le soumettre au droit
commun mettrait le président dans une situation moins favorable que les
parlementaires ou les ministres, l'empêcherait d'assumer son rôle
constitutionnel de gardien des institutions, et donc romprait avec le principe
de la séparation des pouvoirs. A l'inverse, préserver le chef de
l'Etat par l'immunité absolue dont il bénéficie peut
retarder jusqu'à la fin du mandat présidentiel des
procédures judiciaires en cours. La solution retenue est que le chef de
l'Etat n'est responsable des actes commis avant son mandat qu'à l'issue
de celui-ci et devant les juridictions ordinaires. Il n'est cependant
pénalement responsable que devant la Haute Cour de Justice pour crime de
haute trahison.
* 63 Il s'agit de
l'énoncé sommaire des faits reprochés en visant les
dispositions de la loi pénale applicable.
* 64 L'instruction se
déroule comme en droit commun ; les garanties de la défense
sont respectées.
* 65 V° Association des
Hautes juridictions de cassation des pays ayant en partage l'usage du
français (AHJUCAF) : recherche Internet, sur la Haute Cour de
Justice.
* 66 Cela permet
d'émettre un avis averti sur les questions militaires.
* 67 Sockeng (R) ; cours
magistral des « institutions judiciaires »,
université de Dla, fsjp, niv.I, 2001-2002
* 68 Décision n°9
du 25 avril 1984.
* 69 Décret
n°76/346 du 14 août 1976
* 70 Décret
n°76/468 du 3 octobre 1983
* 71 Décret
n°76/468 du 3 octobre 1983
* 72 Décret
n°83/469 du 3 octobre1983
* 73 V° Code de justice
militaire
* 74 T.M. de Yaoundé,
jugement n°4/71 du 15 mars 1971, affaire Mengué Damaris
Régine, Tolo Minette et autres c/ Ministère public
T.M. de Yaoundé, n°5/71 du 16 mars 1971, affaire
Anoge Bernard Tor.
T.M. Bafoussam, n°32/84 du 24 avril 1984 ...
* 75 Resnikov (Cl)., La justice
militaire, cours polycopié, Ecole Nationale d'Administration et de
Magistrature (E.N.A.M), p.7
* 76 Médard (J.F) ;
« l'Etat sous-développé au Cameroun », in
l'année africaine 1977, p.35
* 77 Nersen : Les
développements des juridictions civiles d'exception et ses dangers, D.
1947, chronique, p.121.
* 78 Ripert (G) ; Le
déclin du droit, études sur la législation contemporaine,
L.G.D.J., 1949, p.185.
* 79 idem, p.188
* 80 Marticou Riou A.,
l'organisation judiciaire du Cameroun, penant 1969, p.56
* 81 Minkoa She (A) :
op.cit., p.223
* 82 Cf. ord. n°72/5 du 26
août 1972 relative à l'organisation judiciaire militaire,
modifiée par l'ordonnance n°72/20 du 28 août 1972 et la loi
n°87/09 du 15 juillet 1987.
* 83 Minkoa She (A): op.cit.
p.224 et ss
* 84 V° supra
* 85 Qui fait office du
ministère public près le tribunal militaire.
* 86 C.S. n°275/P du 25
mai 1982, "Mfegue Akoa et autres" : " Doit être rejeté comme
irrecevable, le pourvoi par le Commissaire du gouvernement contre une
décision du tribunal militaire, une telle décision, aux termes de
l'article 29 de l'ordonnance n°72/5 du 26 août 1972, rendue en
matière d'atteinte à la sûreté de l'Etat, de
subversion et de législation sur les armes n'étant susceptibles
d'aucune voie de recours."
- C.S. n°219/P du 5 mai 1983 : "Les décisions du
tribunal militaire en matière d'atteinte à la sûreté
de l'Etat, de subversion et de législation sur les armes ne peuvent
faire l'objet d'aucun recours."
* 87 C.A. de Bafoussam,
n°000/M du 12 octobre 1982.
* 88 T.M. de Bafoussam,
jugement n°32/84 du 24 avril 1984
* 89 Bandolo (H); La flamme et
la fumée, Yaoundé, SOPECAM, 1985, pp.362 et sq. Cité par
Adolphe M.S : op.cit., pp.227 et 228
* 90 Ibid.
* 91 Il s'agit en fait
uniquement pour la personne poursuivie
* 92 L'autorité de la
chose jugée au criminel sur le criminel est une règle qui ne
bénéficie qu'à la personne poursuivie, en sorte qu'il faut
non seulement que les faits qu'on veut poursuivre une seconde fois soient les
mêmes, mais encore que la personne poursuivie soit également la
même.
* 93 Dans l'affaire Mbinkar
Kpunsa, le tribunal militaire de Buéa avait rendu son jugement le 14
mars 1978 et la dépêche ministérielle ordonnant le
rejugement a été envoyé le 16 janvier 1979.
* 94 Cf. jugement n°104
du 22 novembre 1963, rendu par le tribunal militaire de Yaoundé, affaire
Mpouma Kilama Théodore alias Makanda Pouth.
* 95 Il s'agit des infractions
purement militaires, infractions commises par des militaires et des infractions
politiques.
* 96 Mouangué Kobila
(J.), « le préambule du texte constitutionnel du 18 janvier
1996 : de l'enseigne décorative à l'étalage
utilitaire », lex. Lata, n°23-24, fév. - mars 1996, pg.
33.
* 97 Graven (J.),
préface à la thèse de papadatos-contribution à
l'étude des crimes contre l'Etat, Genève, droz, 1955
* 98 Desportes (F.) ; le
Gunehec (F.) ; op.cit, p. 101
NOTONS qu'en France, il existait trois peines pour les
infractions politiques ; il s'agissait de la détention criminelle,
le bannissement et la dégradation civique. Le nouveau code ne retient
que la détention criminelle. Ibid. P. 103
* 99 Minkoa She (A) ;
droits de l'homme et droit pénal au Cameroun, économica, pp
215-217
* 100 Il s'agit de
l'ordonnance n°62/OF/18 du 12 mars 1962 et la loi n°63/30 du 25
octobre 1963 "complétant l'ord. N°61/OF/14 du 04 octobre 1961
fixant l'organisation judiciaire militaire de l'Etat et modifiant l'ord.
N°62/OF/18 portant répression de la subversion."
* 101Gonidec (P.F) ; In
les systèmes politiques africains, L. G.D.J., paris, 1978, p.164 et sq.
* 102 Minkoa She (A) ,
op. cit.,p.216
* 103 Ibid.
* 104 "Les lois d'exception
dans la République Fédérale du Cameroun", in bulletin de
la commission internationale des juristes, n°20, 1964, pp.5-12
* 105 Bandolo (H) ;
op.cit, pp.362 et s.
* 106 Minkoa She (A) ;
Ruptures et permanences de l'identité de subversif au Cameroun : le
droit pénal au secours de la science politique ? Inédit
* 107 V° supra
* 108 Jugement n°956,
affaire Ministère public c/ K.V., J.P., F.F., N.P., E.C., N.S.
inédit
* 109 V°, par exemple,
l'affaire MBINKAR KPUNSA Sébastien, Jugement N° 119/79 du 26 Avril
1979, tribunal militaire de Yaoundé.
* 110 T.M de Yaoundé,
jugement n°4/71 du 15 mars 1971, affaire Mengué Damaris
Régine, Tolo Minette et autres c/Ministère public.
* 111 T.M. de Yaoundé,
n°5/71 du 16 mars 1971, affaire Anoge Bernard Tor.
* 112 Cf. par exemple les
articles parus dans certains journaux de la presse confessionnelle :
"Muets comme des carpes ou psychose de la peur", in L'effort camerounais,
n°351, 19 août 1962.
* 113 A l'origine,
l'ordonnance anti-subversion est apparue comme un texte de circonstance. Son
article 5 disposait à cet effet :"la présente ordonnance
recevra application jusqu'à une date qui sera fixée par
décret fédéral." Cette date n'avait jamais
été fixée.
* 114 Minkoa She (A) ;
op. cit. note infra-paginale, p.244
* 115 Op. Cit. Ibid.
* 116 Anoukaha (F) ;
Droit pénal et démocratie en Afrique Noire francophone :
l'expérience camerounaise, Archives de politique criminelle, 1995,
n°17, p.142, cité par Adolphe M. S. : op. Cit. p.245.
* 117 L'article 1er
de l'ordonnance de 1962 réprimait "quiconque aura, par quelque moyen que
ce soit incité à résister à l'application des lois,
décrets, règlements ou ordres de l'autorité
publique..." ; l'article 157 a) du code pénal réprime quant
à lui "celui qui : a) par quelque moyen que ce soit, incite
à résister à l'application des lois, règlements ou
ordres légitimes de l'autorité publique..."
* 118 L'ordonnance
réprimait"quiconque aura, par quelque moyen que ce soit porté
atteinte au respect dû aux autorités publiques ou incite à
la haine contre le gouvernement de la république
fédérale...", l'article 154 al.2 du code pénal
réprime "celui qui, par des paroles ou écrits au public, incite
à la révolte contre le gouvernement et les institutions de la
République".
* 119 L'article 3 de
l'ordonnance réprimait "quiconque aura émis ou propagé
des bruits, nouvelles ou rumeurs mensongers, soit assorti de commentaires
tendancieux des nouvelles exactes, lorsque ces bruits, nouvelles, rumeurs ou
commentaires sont susceptibles de nuire aux autorités de la
République...". L'article 113 du c.p. réprime"celui qui
émet ou propage des nouvelles mensongères, lorsque ces nouvelles
sont susceptibles de nuire aux autorités publiques ou à la
cohésion nationale".
* 120 Brigade mixte mobile de
Yaoundé
* 121 Minkoa She (A) ;
op. cit. pp.239-240
* 122 Ibid. p.240
* 123 V° l'article
1er de l'ordonnance n°60/47 du 08 mai 1960 : cet article
accordait une amnistie générale, totale et inconditionnelle "pour
tous crimes, délits et contraventions à caractère
politique ou en rapport direct avec des incidents d'origine politique commis
antérieurement à la publication de l'ordonnance".
* 124 Pour les
problèmes posés par la mise en oeuvre de cette première
mesure amnistiante, cf. :
-C.S., n°247 du 13 juin 1961, B., p.162 ;
-C.S.C.O, n°78 du 19 janvier 1963, B., p.430
* 125 Minkoa She (A); op.cit.,
pp.240-243
* 126 Article 73, al.
1er c.p.
* 127 V° Anoukaha
(F) ; "Droit pénal et démocratie en Afrique Noire
francophone : l'expérience camerounaise", Archives de politique
criminelle, 1995, n°17, p.133.
* 128 Cf. Pougoué (P.G)
et Tchokomakoua (V) ;"Le fonctionnaire en détachement (à
propos de l'arrêt n°17/5 du 26 décembre 1985 de la Cour
Suprême) ", in jurisprudence sociale, annotée tome I, 1995, pp.9
et sq.
* 129 Desportes (F) et Le
Gunehec (F) ; Le nouveau code pénal. Tome I, Droit pénal
général, paris, Economica, 1994, n°1102, p. 758.
* 130 On constate que l'option
choisie par le législateur est de supprimer toute allusion au
caractère politique des infractions.
* 131 Ce pragmatisme
consistait à traiter une infraction à certains égards
comme politique et à d'autres comme une infraction de droit commun.
* 132 L'article 18
(ancien) : les peines principales sont : la peine de mort -
l'emprisonnement - la détention - l'amende. Cette loi supprime la peine
de détention.
* 133 Minkoa She (A) ;
op.cit. Note infrapaginale, p.246
* 134 Projet de loi
n°471/PJL/AN portant modification de certaines dispositions du c.p.
* 135 V° supra
* 136 Pradel (J) : Manuel
de Droit Pénal Général, ed. 2002-2003, p.250
* 137 Desportes (F) ; Le
Gunehec (F) : op.cit. p.102.
* 138 Code Pénal de la
République du Cameroun, les éditions de l'Imprimerie Nationale
2001, p.184
* 139 Ibid.
* 140 Ibid.
* 141 V°. C.P., Livre II,
Titre I, Chapitres I, II et IV.
* 142 Art. 111, C.P ; loi
n°91/007 du 30-7-1991 : emprisonnement à vie en temps de
paix ; peine de mort en temps de guerre, en période d'état
d'urgence et d'exception.
* 143 Art. 113, C.P., loi
n°90/061 du 19-12-1990 : emprisonnement de 3mois à 3 ans et
amende de 100.000 à 2.000.000 de francs.
* 144 Art. 114, C.P., loi
91/007 précitée : emprisonnement à vie.
* 145 Art. 115, C.P., loi
91/007 : emprisonnement à vie ; emprisonnement de dix à
vingt ans.
* 146 Art. 116, C.P., loi
91/007 : emprisonnement de 10 à 20 ans
* 147 Art. 122, C.P., loi
op.cit. : emprisonnement de un mois à deux ans et amende de 10.000
à 100.000 francs
* 148 Art. 123, C.P.,
idem : emprisonnement de trois mois à deux ans et amende op.cit.
* 149 Art. 124, C.P.,
idem : emprisonnement de six mois à trois ans.
* 150Art. 125, 126, 127, C.P.,
idem : emprisonnement de six mois à cinq ans ; emprisonnement
de un an à cinq ans.
* 151 Art. 153, idem :
emprisonnement de un à cinq ans ; emprisonnement de six mois
à deux ans et amende de 20.000 à 20 millions de francs.
* 152 Art. 154, C.P., loi
90/061 précitée : emprisonnement de trois mois à
trois ans et amende.
* 153 Art. 155, C.P., loi
91/007 : emprisonnement et amende.
* 154 Art. 157, C.P., loi
90-061 : emprisonnement de 3 mois à 4 ans ; ou un an à
cinq ans.
* 155 Art. 158, idem :
emprisonnement de un à trois ans ; ou de cinq à quinze
ans.
* 156 Art. 231, C.P., loi
91-007 : emprisonnement de quinze jours à six mois et amende.
* 157 Art. 232, idem :
emprisonnement de quinze jours à six mois ; ou peine
doublée.
* 158 Art. 233, idem :
emprisonnement de trois mois à deux ans ; deux à cinq
ans ; cinq à dix ans ; ou peines doublées.
* 159 Art. 118, C.P.
* 160 Art. 120, C.P.
* 161 Art. 119, C.P.
* 162 Art. 121, C.P.
* 163 Cf. Boulan (F) ;
"violence et société", R.I.E.J. 1981, n°3, pp. 342 et sq.,
spéc. P. 350 ; Adde, Szabo D., "Agression, violence et
système socio-culturel : essai de typologie", R.S.C., 1976, pp. 377
et sq.
* 164 C'est notamment le cas
de la Brigade Mixte Mobile (B.M.M.) de Yaoundé.
* 165 V° supra, la mesure
d'amnistie n°91/002 du 23 avril 1991
* 166 V° art. 6 al. 1 de
la loi n°90/060 du 19 décembre 1990 portant création et
organisation de la Cour de Sûreté de l'Etat.
* 167 Desportes (F) ; Le
Gunehec (F) ; op.cit p.100.
* 168 Article 53 de la loi
constitutionnelle du 18-01-1996 : « La Haute Cour de Justice est
compétente pour juger les actes accomplis dans l'exercice de leurs
fonctions par le président de la République, le premier ministre,
les autres membres du gouvernement et assimilés, les hauts responsables
de l'Administration ayant reçu délégation de pouvoirs en
application des articles 10 et 12, en cas de complot contre la
sûreté de l'Etat »
* 169 Bayona-ba-Meya Kimvimba,
Civilisation noire et justice, R.J.P.I.C., 1978, n°3, pp.855 et 856.
* 170 Goudem (J) ;
L'organisation juridictionnelle du Cameroun, thèse de troisième
cycle en droit privé, université de Yaoundé, 1985, pp.
422-489
* 171Op.cit., pp. 471-484
* 172 Telford (G. P) ;
Mise en oeuvre des principes fondamentaux de l'ONU relatifs à la
magistrature et adoption du projet de l'ONU sur les principes fondamentaux pour
les avocats, Bulletin du CIMA, n°23, 1989, p.79 ; Alfredo Etcheberry,
Remarques introductives concernant les pressions et les obstacles à
l'indépendance de la magistrature, Bulletin du CIMA, op.cit., pp.
64-68.
* 173 L'Etat de droit est
l'Etat qui, étant à la fois esclave et protecteur des droits
fondamentaux, tire sa légitimité de son aptitude à les
développer, et à s'y soumettre. Pour que cette
« mission-soumission » caractéristique de l'Etat de
droit soit menée à bien, deux conditions doivent être
réunies. Il faut d'une part que l'action des gouvernants soit
enserrée dans une hiérarchie des normes et, d'autre part, que les
juges soient suffisamment indépendants pour en sanctionner la
méconnaissance. Chevallier J., L'Etat de droit, paris, Montchrestien,
coll. Clefs-politiques, 2è ed. 1995 ; L'Etat de droit,
Mélanges G. Braibant, paris, D., 1996.
* 174 Param Cumaraswamy,
L'indépendance de la profession juridique, Bulletin du CIMA, op.cit.,
pp. 45-63
* 175 F.S. Nariman,
L'indépendance de la profession juridique-problème, pressions et
atteintes, Bulletin du CIMA, n°23, 1989, p.87. Vers la mort du barreau
camerounais, Dossier in Le Messager, n° 191 du 17/07/1990, pp. 7-11.
* 176 Sockeng (R) ; Les
institutions judiciaires au Cameroun, 3è ed., mise à jour
année 2000, coll. « LEBORD », p.55
* 177 Art.5 de l'ord.
N°72/5 du 26 août 1972.
* 178 Op.cit.
* 179 Art.105 et 106 (1-4)
C.P.
* 180 Art.106 (2) et
(9) ; art.108 (2) b, C.P.
* 181 Art.106 (5) et 107 C.P.;
art.108 (2) b C.P.
* 182 Art.108 (1) (a et b)
C.P.
* 183 Op.cit.
* 184 Op.cit.
* 185 Art.4 al.2, loi
90/060
* 186 En matière
d'atteintes à la sûreté de l'Etat, le président de
la République et les membres du gouvernement, respectivement en cas de
haute trahison et en cas d'infractions commises dans l'exercice de leurs
fonctions, sont justiciables de la Haute Cour de Justice, art.53 de la loi
constitutionnelle du 18/01/1996 ; Jules Goudem, op.cit., pp.250-253 ;
Jean Foyer, Haute Cour de Justice, in Répertoire de droit pénal
et de procédure pénale, 2è Ed., Dalloz, V.II, 1979,
n°s 34-37.
* 187 Article 31
nouveau : « les crimes et délits contre la
sûreté de l'Etat relèvent de la compétence de la
C.S.E. dont l'organisation fera l'objet d'un texte particulier ».
* 188 Tunc
(André) ; Réflexions sur les juridictions pour mineurs
délinquants, in Les problèmes contemporains de procédure
pénale, Sirey, 1964, pp. 239-256.
* 189 Herzog (J.B.) :
Répertoire de droit et de procédure pénale, Verbis.
Atteintes à la sûreté de l'Etat n°s 332-336, Pierre
Escande : La Cour de Sûreté de l'Etat, Jurisclasseur de
procédure pénale, V. 4, Fasc. C., n°s 57 et 58.
* 190 Journal Officiel de la
République du Cameroun, 1er janvier 1991, Loi n°90/060
portant création et organisation de la Cour de Sûreté de
l'Etat, titre II, chapitre II, pp.53-54.
* 191 Op.cit.
* 192 Art. 10, loi
n°90/060.
* 193 Art. 5, loi n°59/31
précitée.
* 194 Art. 8, ord.
n°59/91 précitée.
* 195 Art. 7, ord.
n°59/91 précitée.
* 196 Art. 4 al. 3, ord.
n°61/OF/4 précitée.
* 197 Art. 17, ord.
n°72/5.
* 198 Portant
répression de la subversion
* 199 Juridiction de droit
commun.
* 200 Op.cit.
* 201 Art. 124 c.p.
* 202 Art. 125 c.p.
* 203 Art. 126 c.p.
* 204 Art. 127 c.p.
* 205 Il s'agit des articles
157 a) ; 154 al.2 et 113 c.p.
* 206 Eugène Schaeffer,
procédure pénale et développement (...), Annales
africaines, n°1, 1962, p.247.
* 207 Loi du 20 mai 1863 sur
l'instruction des flagrants délits devant les tribunaux correctionnels,
art. 7 :"exclut expressément la procédure de flagrance en
cas d'infraction politique."
* 208 Sur l'ensemble de la
question, v° Tchokomakoua (V) ; « Les particularités
de la procédure de flagrant délit en droit camerounais depuis
1972 », R.C.D, n°30, 1985, pp.5 et sq.
* 209 Art. 103 (1) c.p.p.
* 210 Kameni Djongue (J -
D) ; Le domaine de la procédure de flagrant délit en droit
camerounais depuis la réforme du 19/12/1990, Mémoire de
maîtrise en droit privé, université de Yaoundé
1992.
* 211 Anoukaha (F) ; Le
magistrat instructeur, Thèse de doctorat de 3è cycle en droit
privé, Yaoundé, 1982, pp.82 et 83.
* 212 Ils n'étaient
justiciables devant le tribunal militaire qu'en temps de guerre ; les
atteintes à la sûreté de l'Etat faisaient partie des
infractions qui relevaient de la compétence du tribunal militaire.
* 213 Loi n°72/20 du 19
octobre 1972 complétant les dispositions relatives à la
compétence de la juridiction militaire.
* 214 Goudem (J) ;
op.cit., pp. 509-517.
* 215 Art.8 (1), loi
n°90/060.
* 216 Certaines cours d'appel
avaient admis l'appel, en dépit de l'interdiction de recours
clairement prévue par l'ordonnance de 1972.
* 217 Art.9, loi
n°90/060.
* 218 Art.17, ord.
n°72/5
* 219 Art.10, loi
n°90/060.
* 220 Juridis info n°19,
juillet-août- septembre 1994, point de vue III.3- La Cour de
Sûreté de l'Etat (Etude critique de la loi n°90/060 du 19
décembre 1990), pp.70-71, Jules Goudem.
* 221 Légal (A) ;
Les garanties d'indemnisation de la victime d'une infraction, in les
problèmes contemporains de la procédure pénale, SIREY,
1964, p.36.
* 222 Idem ; P.35
* 223 Ancel M., la
césure du procès pénal, in les problèmes
contemporains de procédure pénale, Paris, Sirey, 1964, P. 44.
* 224 Biya (P) ; pour le
libéralisme Communautaire, Pierre Marcel Favre/ABC, Suisse, 1986, P.
44
* 225 En 1961
* 226 Le pays a connu une
longue période de violence bilatérale, d'inégale
intensité, émaillée de "villes mortes", de "pieds morts",
de "désobéissance civique", d'"incivisme fiscal", d'arrestations,
d'état d'urgence...
* 227 Koering-Joulin :
Infraction politique et violence, JCP, 82, I, 3066
* 228 C'est le cas de la
suppression de la peine de détention et son remplacement par la peine
d'emprisonnement dans tous les cas où elle était prévue
* 229 L'atteinte portée
à la sûreté de l'Etat est soit extérieure ou
intérieure. La première est lorsqu'il s'agit d'une atteinte
contre l'Etat, dans son existence et dans ses droits. La seconde, l'atteinte
à la sûreté intérieure de l'Etat englobe les crimes
contre les organes de l'Etat, son gouvernement et ses institutions
politiques.
* 230 Art.3, ch.1, convention
européenne d'extradition
* 231 Initialement
limitée au meurtre d'un souverain étranger (traité
franco-belge de 1856 et traités conclus par la France avant 1939
notamment), la clause a été étendue à la famille du
chef de l'Etat (conventions franco-camerounaise de 1974 ;
franco-tunisienne de 1971, et avec l'Egypte en 1982), ailleurs aux membres du
gouvernement (convention franco-RFA de 1951)
* 232 Cette assimilation est
complète en France (cours d'assises mises en place par la loi
n°86/1020 du 9 septembre 1986) articles 706-16 à 706-25 CPPF.
* 233 Il s'agit du
Bénin, Burkina-Faso, République centrafricaine, Congo, Gabon,
Madagascar, Mauritanie, Niger et Sénégal.
* 234 L'intention est la
conscience et la volonté d'accomplir ou de s'abstenir d'accomplir un
acte. Le mobile tente de justifier sa commission, d'y apporter une raison, un
motif. Le mobile n'est pas un élément constitutif de
l'infraction. Par contre, il peut influer sur la décision de justice et
peut même devenir une circonstance aggravante par décision du
législateur.
* 235 Ce romantisme
révolutionnaire, imbu des idées qui triomphèrent à
la révolution française, et qui a conduit à une
considérable libéralisation de la répression des crimes
d'Etat
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