MEMOIRE DE FIN D'ETUDES
Le Sound Design musical des lieux
publics Haut de Camme
Ou comment faire porter attention à la
musique dans un endroit dans lequel on vient
pour tout autre chose...
iiis Juin 2007
Préface
«La musique pénètre à
l'intérieur du corps et s'empare de l'âme. (É) La musique
capte, elle captive dans le lieu oü elle résonne et oü
l'humanité piétine vers son rythme, elle hypnotise et fait
déserter l'homme de l'exprimable.» Platon, Republique
III, 401 d.
La raison première d'écrire mon mémoire
de fin d'études sur le «sound design musical des lieux publics haut
de gamme» est pour conna»tre au mieux l'un des métier du son
vers lequel je m'oriente à l'issue de ma formation à l'iiis.
L'orientation de mon sujet fait naturellement suite au travail de
sélection musicale que j'exerce déjà dans divers lieux
haut de gamme parisiens (Costes et Hilton notamment), j'ai donc
désiré étudier cette tâche le plus loin possible
afin d'avoir les armes nécessaires pour continuer dans cette voie et
m'ouvrir à d'autres endroits, au niveau international. De plus, ce sujet
est assez inédit dans la mesure oü le peu d'ouvrages publiés
traitaient d'un côté le rapport entre la musique et son impact sur
la clientele en des termes trés «marketing» d'un autre, sur le
design pur et simple des lieux haut de gamme. L'idée est donc de
concilier ces deux univers en un.
Ma démarche est d'aborder de défnir ce qu'est le
sound design, puis plus particuliérement le sound design musical. Puis
je traiterai la question de maniére théorique dans un premier
temps en étudiant la musicologie, la sociologie et la
psychoacoustique.
Ensuite, il s'agira d'établir un état des lieux
de ce qui se fait actuellement en matiére de musique dans des lieux haut
de gamme aussi bien par le contenu que par les techniques de diffusion. Il
s'agira ici d'écouter avant tout. Cette écoute se fera
également par le biais d'interviews de personnes influantes dans le
milieu comme Gregory Cauzot, music manager des Galeries Lafayette Paris,
Guillaume Huret et sa société Strategic Sound qui travaille en
coréllation étroite avec la musique et les marques, le duo
RadioMentale composé de Jean-Yves Leloup et Eric Pajot qui se dit
«concu comme un systéme d'interventions sonores
réalisées dans des cadres aussi divers que manifestations
artistiques, espaces urbains, stations radios, centres d'art...». Michael
Canitrot, DJ/Sound Designer de la montée des marches du Festival de
Cannes et d'autres personnalités évoluant dans des univers
proches liés à mon sujet.
Enfin, il s'agira de proposer une solution complete en
matiére de sound design de l'installation au contenu.
Remerciements : Guiom Huret pour son expertise
avisée, Gregory Cauzot pour sa grande sympathie, Thomas Toulemonde pour
ces récits d'acousticien, Thomas Arroyo, Romain Caillard, Léo
Caillard pour m'avoir donné accés au Georges, Gilles Chantemerle
et Robert Caplain pour m'avoir ouvert aux spheres du son, Stéphane Lamy,
mais aussi Michael Canitrot, Jean-Yves Leloup, Eric Pajot et
Frédérique-Victor Sieuzac pour tout le reste !
Directeur de mémoire :
Frédérique-Victor SIEUZAC.
PLAN DE MEMOIRE
1. Le Sound Design
1.1 Définition
|
1
|
1.2 Restrictions
|
4
|
1.3 Motivations
|
.6
|
2. Recherches théoriques
|
|
2.1 Musicologie
|
10
|
2.2 Sociologie
|
15
|
2.3 Psychoacoustique
|
|
2.3.1 Définition
|
.23
|
2.3.2 Perception de l'intensité sonore
|
..23
|
2.3.3 Perception de la hauteur tonale
|
..27
|
2.3.4 Audition binaurale et localisation auditive
|
.31
|
2.3.5 Perception de la musique
|
.33
|
|
3. Application actuelle en situation (constatations et
propositions) 3.1 Etat des lieux (visites, écoutes, rencontres) ..37
3.2 Costes, Hilton, Maison Blanche 44
3.3 Acoustique des lieux ..47
4. Création et développement d'un outil de Sound
Design musical 4.1 Plat du Jour
4.1.1 Quésako ? 62
4.1.2 Fred Viktor 63
4.1.3 RTMle et valeur ajoutée personnelle 65
4.2 Consulting, refreshing, programmation 67
4.3 Lieux cibles 69
Conclusion 70
Annexes
Interviews
Extraits de journaux/magazines Phonographie
Index Bibliographie
Livres
Journaux
Sites Internet
Emissions TV/Radio
1. Le Sound Design
1.1 Definition
Le sound design est une notion liée à la
sonorité propre d'un objet. Par exemple, décide du son produit
par la fermuture d'une porte de voiture est du sound design à proprement
parler. J'emploi le mot «décider» car il s'agit bien ici d'un
choix de création au même titre que l'aspect physique de cette
porte qu'un «designer» - au sens dessinateur - aura produit.
Mon intérêt ici se porte sur le sound design
musical, c'est à dire la musique adaptée à un endroit, un
produit, une marque voir une personne à un temps donné, dans un
contexte précis. Ainsi le sound design musical se décline sous
différents aspects trés différents comme dans le
cinéma, la publicité, les jeux vidéos, et d'une
maniére générale dans les produits audiovisuels.
Le sound design de marque s'étend à tous les
domaines commerciaux comme la mode, l'automobile, la parfumerie etc. Dans la
composante musique et marque, il intervient des notions trés
précises liées à l'entreprise pour laquelle on travaill,
un environnement plus proche du marketing que du strict milieu audiovisuel.
Cependant, nous verrons qu'en créant un univers musical pour un lieu,
quelques conceptions nécessitent un champ de connaissance relativement
proche du marketing également.
Le sound design de lieux est le sujet qui nous
intéresse particuliérement ici. En ce qui concerne la
sonorité d'un objet commun, tout le monde s'accorde plus ou moins sur
une référence que l'on a l'habitude d'entendre dans la vie de
tous les jours. Je fais référence ici au travail des bruiteurs
qui, en studio, recréés les sons faisant défauts dans une
production audiovisuelle. Leur démarche consiste donc à
reproduire des sons communs à l'oreille mais dont l'origine n'est pas
forcément l'objet que l'on cherche à bruiter ! C'est là
toute la difficultée de ce métier. Ce n'est pas forcément
avec des feuilles mortes que l'on va bruiter le souffle du vent dans un arbre
par exemple. J'ai déjà vu des bruiteurs réaliser ce
trucage en remuant de la péliculle 8mmÉ tout cela pour dire que
le domaine dans lequel je souhaite articuler ma recherche n'est
également pas «conventionnel» dans la mesure ou pratiquement
aucun écrit n'a été produit sur la question,
récente, du sound design musical de lieux, qui plus est, haut de gamme.
Sa définition en est donc infiniement plus complexe.
Cependant, comme point de départ, nous pouvons citer la
démarche de la Muzak qui, en 1922 créée la musique
fonctionnelle (background music). On est donc véritablement
dans la musique d'ambiance, au sens péjoratif du terme. La muzak est
plus proche de la musique d'ascenceur que d'une réelle volonté de
créer une quelque ambiance que ce soit. Leur seul but est de ne pas
attirer l'oreille ni de la distraire mais de détendre, ou de motiver les
personnes qui la percoive.
En effet, cette muzak est destinée aux travailleurs,
notamment en usine, pour les accompagner dans leur tâche. Les dirigeants
de la Muzak sont clairs ; Ç la musique diffusée doit
être percue et non entendue, ou pire encore, écoutée !
È
Elle est sensée créer Ç un sentiment
de confort dans le travail È.
Bilheust la décrit comme : Ç n'importe
quelle musique, de préférence des airs connus et reconnaissables
; c'est une musique qui ne comporte ni cuivres, ni instruments à
percussion, ni émission vocale et constitue ainsi un véritable
tranquillisant ; des airs connus ou à la mode (de Carmen aux
comédies musicales) sont sélectionnés et
réorchestrés en fonction de certains critères (tels que la
nature suave, tonique ou émotionnelle du son, le tempo, le rythme et le
timbre du morceau) È.
D'aprés Sophie Rieunier1, Ç
Cette réorchestration des morceaux permet de créer une musique
qui ne distrait pas et qui n'attire pas l'attention È :
Ç On l'entend sans l'écouter
È2
Des les années 70, on diffuse de la Muzak dans les
commerces. La muzak est désormais partout, on la critique de trop
empiéter sur la paysage sonore. Chion (1994), Fould (1966), Jarno (1997)
détestent la Muzak. A l'époque, elle se veut en avance sur son
temps puisqu'elle rabaisse la musique à un objet de consommation
courante au lieu d'une véritable Ïuvre artistique. Cette soupe
indigeste avait peut-être la seul contrainte technique de sonorisation
pour elle, dans la mesure oü dans les années 70, les hautsparleurs
étaient trés sommaires et possédaient une bande passante
trés réduite ce qui pourrait expliquer Ð en partie Ð
l'abscence de cuivres et autres percussions.
1 Sophie Rieunier Le Marketing sensoriel du point de vente,
Dunod, 2006 (p. 56)
2 Bilheust, 1978 (p.225)
Voilà pour ce qui est de la Muzak, maintenant voyons ce
que l'on peut faire d'autre avec de la musique et un espace. Nous pouvons
affirmer que la musique d'un lieu, à plus forte raison celle d'un lieu
haut de gamme, doit se fondre parfaitement dans son décor, comme un
camoufflage. Quand j'évoque l'idée du décor, je veux
parler de l'architecture même du lieu, de sa décoration, de
l'esprit qui s'en dégage, voir même de son implantation dans la
ville, dans le pays, sur le continent dans lequel il se trouve et la place
qu'il occupe dans le monde. Il s'agit là d'une question de dimension
internationale.
Pour définir cet aspect particulier, et à
fortiori, particuliérement intéressant du sound design, ma
démarche sera d'extraire des notions plus ou moins directement
liées à mon sujet dans des domaines aussi vastes que la
sociologie, la musicologie, la psychoacoustique mais aussi l'architecture, les
sciences cognitivesÉ le tout afin d'établir une vision à
360° et en trois dimensions de la question, car l'interrogation que
suscite le son, et par extention la musique, est trés fortement
liée à l'espace.
On peut même presque dire que c'est Charlemagne qui
invente, sans le savoir, le sound design musical en associant un son à
une place dans l'espace : Ç Charlemagne soumet à l'Empire
une notation des sept notes selon l'ordre alphabetique à partir du
la. Pour la première fois, on associe un son à une place
dans l'espace (aigu en haut, grave en bas). È3
1. 4
Sophie Rieunier Le marketing sensoriel du point de vente, Dunod,
2006
Le Sound Design
1.2 Restrictions
Dans le but d'approfondir au maximum le sujet du sound design
musical de lieux, nous limiterons notre démarche, et non nos recherches,
au secteur du haut de gamme dans la mesure ou le secteur du grand public a
déjà été étudié.4
Il s'agira donc ici de ne traiter que les lieux prestigieux,
haut de gamme voir trés haut de gamme que ce soit dans les domaines de
l'hôtelerie, de la restauration ou des clubs. Le fait de resteindre ce
sujet de cette maniére nous ferme les portes de l'attendu et de la
banalité du grand public comme le fait de diffuser des ambiances sonores
de port de pêche au rayon poissonnerie du supermarché du coin. Il
convient plutôt ici, d'ouvrir les portes du raffinement, du gout, de la
culture et par conséquent de la recherche extrême. Entre alors en
ligne de compte des notions beaucoup plus larges et completes que la musique et
le son pur comme, l'architecture, le design ou encore la peinture. C'est
précisément pour ces caractéristiques que j'ai choisi
d'étudier ce secteur et non pour des raisons puériles de
fascination pour l'univers du luxe et ce qu'il représente.
Je pense simplement que les personnes évoluant dans ce
contexte, sont plus à même de comprendre et cerner
l'intérêt d'une telle démarche pour mettre en valeur leurs
produits, leur identité, leur positionnement, leur marque. Il est aussi
certain que les investissements engendrés par ce type d'étude et
de travail sont plus à la portée du groupe multinational que de
la marque locale qui fait du «prêt à consommer».
D'ailleurs cette restriction se fait d'elle-même
lorsqu'à la suite d'une écoute de la musique que je joue dans ces
lieux haut de gamme, par des clients fortunés, ils me demandent de jouer
pour eux, dans leur soirée privée. Ce fait est à mettre
étrangement en correspondance avec ceci :
«(NDLR, au Moyen Age) Les riches
marchands commencent aussi à louer en privé des orchestres,
à acheter des partitions de danses pour les fêtes qu'ils donnent.
D'abord ils commandent des musiques pour nobles : psaumes, messes, madrigaux,
etc. Puis le bourgeois entend avoir sa propre musique ; s'invente pour cela un
nouveau style sous le nom - justement - de «style
représentatifÓÓ.5
Dans mon cas, ce nouveau style est la marque d'un gout musical
certain et surtout d'un gage de qualité correspondant à leur
image.
Le but final de cette démarche étant
peut-être à terme, la démocratisation de ce type de
pratique afin d'enrayer la «régression de l'écoute»,
chére à Adorno : «Les auditeurs en régression
se comportent comme des enfants. Ils demandent toujours à nouveau et
avec une malice obstinée le même plat qu'on leur a
déjà servi.» 6
1. Le Sound Design 1.3 Motivations
Il suffit de rentrer dans le premier magasin venu pour
constater que de la musique y est jouée. On s'apercoit alors que cette
musique est diffusée à un volume plus ou moins important suivant
l'endroit et donc déjà, le contexte dans lequel elle se propage.
Combien de fois sommes-nous Ç agressés È par le choc
auditif que provoque l'intensité sonore d'un magasin.
Alain Médam a ces quelques mots à propos de
l'agression permanente que provoquent les bruits : «Que vaut la
musique, encore, lorsque les bruits du monde sont si assourdissants, si
angoissants, qu'ils rendent dérisoires ce qui ne relève pas de la
discorde ? Que vaut tel accord en un monde oü le désaccord
règne en maître ?» 7
Dans le volume sonore général d'un magasin, il y
a cependant celui de la musique. La question du contenu musical se pose
dès lors. Ceci dit, un fort volume peut s'avérer tout à
fait cohérent et donc moins nous choquer. En effet, allez chez Ç
Pimkie È et vous constaterez que la musique est objectivement forte mais
subjectivement, sans plus, puisque nous sommes dans un endroit
fréquenté par des adolescents qui aiment être dans cette
ambiance un peu bruyante. L'aménagement intérieur rappel
d'ailleurs quelque part celui d'une discothèque (promiscuité avec
les autres, rampe de spots au plafondÉ). Encore une fois, cet exemple
est clairement celui que l'on met de côté ici, car bien trop
facile à réaliser, prenez le premier Ç hit des clubs
È de province et vous avez le track listing de ce genre d'endroit.
A l'inverse, chez Ç H&M È un samedi
après-midi, la musique est démesurément forte car
l'endroit ne rappel pas dutout une discothèque ou une salle de concert,
mais évoque plutôt un style classique et pas tape à
l'Ïil (étagères en bois, murs blancs, parquet au
solÉ). Dans ce cas, on est vraiment choqué par l'importance que
prend alors la musique. Il est convenu qu'un samedi après-midi à
l'heure de la plus importante fréquentation de la semaine, le client
doit être maintenu dans un état d'excitation
frénétique pour acheter toujours plus, et ce conditionnement
passe bien évidemment par la musique. Nous verrons plus loin, comment la
musique déclenche des réactions internes chez le visiteur - et
non pas consommateur, puisque mon propos n'est pas de l'ordre du marketing -,
à nouveau, ceci est un exemple de ce dont je cherche à
m'éloigner en évoluant dans l'univers du haut de gamme. En
attendant, voici un schéma décrivant les influence
déclenchées chez le consommateur dans un environnement de ce type
d'après Sophie Rieunier.
Dans une seconde approche, on remarque que la programmation
musicale varie d'un endroit à l'autre. La plupart du temps, les
cha»nes de magasins se contentent de se caler sur la fréquence
radio qui joue de tout et n'importe quoi à tout heure de la
journée : NRJ. Ainsi ils sont sur qu'au moins un morceau diffusé
touchera au moins un de leur client, tellement la rotation interne de la
programmation de la radio et du magasin est grande et disparate. Adorno est
d'ailleurs trés clair par rapport à ce genre de pratique :
«Avec leur liberté de choix et leur
responsabilité, les sujets écoutants perdent non seulement la
possibilité d'une connaissance pleinement consciente de la musique,
capacité qui a de fait toujours été limité à
des groupes restreints, mais, dans leur réticence, c'est la
possibilité même d'une telle connaissance qu'ils nient. (É)
Leur écoute est atomisée. (...) Le rTMle que joue la musique de
masse actuelle en contribuant à faire le ménage dans la
tête de ses victimes est lui aussi régressif. On ne
détourne pas seulement les masses des choses plus essentielles, on les
confirme aussi dans leur bêtise
névrotique.»8
Agir ainsi, c'est ne pas prendre en compte l'environnement
sonore de son magasin, les produits que l'on y vend et surtout son image
même de marque. Cette démarche est aux antipodes de celle que je
me propose d'effectuer dans mon mémoire. C'est pourquoi je m'oriente
vers l'étude de lieux trés précis, ceux dans lesquels
à priori la musique est étudiée de maniére plus
approfondie et sophistiquée étant donné la qualité
des produits que l'on y trouve, la clientele qui les fréquentent et
surtout le lieu en soit qui peut s'avérer être une unique
création architecturale.
Georges // Paris
Il faut bien comprendre ici que je ne dénigre pas la
Ç programmation musicale de masse È, je me rappelle d'un
débat que nous avions eu avec mes futurs associés et les
personnes de la SCPP9, concernant le talent des programmateurs
musicaux. Lorsque nous essayions de mettre en valeur nos talents de
sélecteurs musicaux gr%oce aux enseignes pour lesquelles nous
travaillons (Costes et Hilton notamment), on nous répondait que la
personne qui choisissait la musique des hypermarchés revendiquait aussi
son talent, seulement, de mon point de vue, cette musique là demande
tout de même moins de recherche en termes de contenu et de
cohérence que celle que nous nous efforcons à dénicher
pour nos employeurs. La musique de supermarché est bien plus accesible
dans la mesure oü ceux sont la plupart du temps des classiques pop/rock
entendus et réentendus des centaines de fois par des milliers de
gens.
Cette musique n'a d'autre but que d'enfermer son auditeur dans
une espéce d'auto-satisfaction qui ne pousse en rien à la
découverte d'autres musiques et donc d'autres artistes.
Si je ne choisi pas cette voie c'est justement pour ouvrir les
auditeurs à autre chose que cela. Je suis convaincu qu'installer la
personne qui écoute, ou du moins vous «entend», dans un
confort d'écoute cohérent avec le lieu et la marque pour laquelle
il se déplace puis l'ouvrir à d'autres spheres musicales sans
pour autant le choquer et donc le faire fuir, est grandement favorable à
tous.
Suivant l'effet que la musique choisie de manière
globale provoque chez l'auditeur, on peut imaginer qu'il restera plus longtemps
dans l'endroit, profitant de cet instant d'intérêt musical jusque
là insoupconné - même si il ne le cherchait pas
forcément, quand il est dedans, il prend conscience d'avoir
découvert quelque chose - je suis intimement persuadé que ce
travail est d'autant plus valorisable lorsqu'il s'applique à des lieux
prestigieux qui exigent une prestation d'exception à tous les niveaux,
et donc musicalement. Les personnes qui gèrent ce types d'endroits ont
conscience que chaque composante de leur image joue un rTMle déterminant
dans la perception globale qu'on leurs clients de leur marque, mes choix
musicaux et à plus forte raison ma conscience de l'envergure de la
question est là pour la valoriser.
Attali a cette définition de la musique qui
véhicule bien les idées que j'essaie d'y faire passer :
«La musique est à la fois théorie
pure, mode d'expression sociale, et durée, dépassement et
distraction, prière et commerce. Information (insaisissable),
matière (échangeable), et temps (énigmatique). Elle
renvoie par là à la triple dimension de toute oeuvre humaine :
jouissance du créateur, jubilation du spectateur, source de pouvoir du
messager.» 10
10 Jacques Attali Bruits, Fayard, 2001 (p.19)
2. Recherches théoriques
2.1 Musicologie (perception de la musique à travers
les âges)
La musicologie n'est bien évidemment pas une notion qui
s'aborde en un chapitre de mémoire. Elle se définit comme une
discipline scientifique étudiant les phénomènes en
relation avec la musique à travers le temps et en rapport avec
l'être humain et la société. La musicologie est ainsi
fondée sur l'interrogation. En tant que science, elle englobe une
multitude de matières comme l'histoire, la linguistique, la psychologie,
les sciences humaines et les sciences physiques. Il est certain que l'on va pas
tout aborder ici, mais plutôt en retirer ce qui nous intéresse, au
fil de notre raisonnement.
Avant toute chose, il serait intéressant de se rendre
compte de ce que représente la musique à travers l'histoire et de
part le monde. Comprendre l'intérêt universel que l'on porte
à la musique dans tous les domaines, de la littérature à
la peinture et bien évidemment en musicologie. Pourquoi la musique
passionne tant ? Pourquoi la musique est étudiée de fond en
comble sous des aspects aussi bien théorique que pratique ? A quoi
sert-elle ? Voici quelques éléments de réponse :
«L'écriture comme l'auditon de la musique
entra»ne un désir des choses inexistantes» Gabriel
Fauré
«Religieuse et la ·que, politique et
économique, individuelle et collective, érotique et puritaine,
faite de jouissance et de haine de soi, omniprésente en même temps
qu'artificielle, elle (NDLR, la musique) est, comme tous les autres arts, au
centre du monde parce que justement hors de lui : «l'art est partout
puisque l'artifice est au coeur de la réalité»11
»12
«Le sens de la musique, c'est la nostalgie de
Dieu.» Schoenberg
«A quoi sert la musique ? Non pas à
conna»tre ni à croire. Non pas à percevoir. A rien,
finalement. Rien, si ce n'est m'introduire à l'entendement de ce qu'en
fin de compte on ne peut vraiment entendre : la présence de ce rien, de
ce rient qui nous tient.» 13
«La musique parle le langage général
qui agite l'âme de facon libre et indéterminée.»
Robert Schumann
11 Jean Beaudrillard L'Echange symbolique et la mort,
Gallimard, 1976
12 Jacques Attali Bruits, Fayard, 2001 (p.19)
13 Alain Médam Ce que la musique donne à
entendre, Liber Quebec, 2006 (p.
9) 14
«Plotin, Ennéades v, 8, 30 dit que la
«musique sensible est engendrée par une musique antérieure
au sensible». La musique est liée à l'autre monde.»
14
«La musique est une mathématique de
l'âme.» Pythagore
«La musique est au-delà de la parole
écrite qui est limitée parce que les mots ont un sens tellement
précis. On les assemble d'une facon ou d'une autre, on peut leur faire
dire toutes sortes de choses très variées, exprimer des nuances
à l'infini, mais l'indicible appartient à la musique. Son langage
à elle est intraduisible»15
«Le silence éternel des espaces infinis
m'effraie.» Pascal «La musique, je suis presque
capable d'en jouir.» Freud
Dans un contexte historique la musique trouve tristement sa
place, notamment durant la Seconde Guerre mondiale, Primo Levi en füt un
de ses témoins :
«La musique était ressentie comme un
maléfice. Elle était une hypnose du rythme continu qui annihile
la pensée et endort la douleur. La musique devient «l'expression
sensible» de la détermination avec laquelle des hommes entreprirent
d'anéantir des hommes.»
Quignard en déduit la pensée suivante, à la
fois dure et criante de vérité :
«Depuis ce que les historiens appellent la
«Seconde Guerre Mondiale», depuis les camps d'extermination du IIIe
Reich, nous sommes entrés dans un temps oü les séquences
mélodiques exaspèrent. Sur la totalité de l'espace de la
terre, et pour la première fois depuis que furent inventés les
premiers instruments, l'usage de la musique est devenu à la fois
prégnant et répugnant. Amplifiée d'une facon soudain
infinie par l'invention de l'électricité et la multiplication de
sa technologie, elle est devenue incessante, agressant de nuit comme de jour,
dans les rues marchandes des centres-villes, dans les galeries, dans les
passages, dans les grands magasins, dans les librairies, dans les
édicules des banques étrangères oü l'on retire de
l'argent, même dans les piscines, même sur le bord des plages, dans
les appartements privés, dans les restaurants, dans les taxis, dans le
métro, dans les aéroports.
Même dans les avions au moment du décollage
et de l'atterrissage.
Même dans les camps de la mort.
L'expression Haine de la musique veut exprimer
à quel point la musique peut devenir ha ·ssable pour celui qui
l'a le plus aimée.
La musique attire à elle les corps
humains.
Il faut entendre ceci en tremblant : c'est en musique
que ces corps nus entraient dans la chambre. (É) La musique viole le
corps humain. Elle met debout. Les rythmes musicaux fascinent les rythmes
corporels. A la rencontre de la musique l'oreille ne peut se fermer. La
musique, étant un pouvoir, s'associe de ce fait à tout
pouvoir.»16
Cette réflexion est une bonne raison pour arrêter
là les justification de l'intérêt porté à la
musique en tout temps, et de terminer par un questionnement sur
l'après-musique :
«Cependant, cette musique s'arrête : le
disque est fini. Le silence se recompose. Tu demeures là. Tu n'entends
rien, mais tu entends encore. Musique rémanente : ombre furtive de ce
qui n'est plus, mais dont l'ombre perdure, précisément, inscrite
dans ta propre durée. (É) S'il t'arrive d'affirmer : «J'aime
la musique», tu ne songes pas, disant cela, à toutes les musiques
que tu écoutes, que tu entendis et écouteras. Tu penses à
cette musique-ci : cette musique qui poursuit, qui prolonge en toi
l'écoute de ces musiques auxquelles tu reviens et reviendras
encore.»17
A présent, rebondissons sur l'histoire de la musique.
L'histoire de la musique, il est indispensable de la conna»tre, mais
là encore il s'agit d'une chose non exhaustive et qui nécessite
une attention de tout instant, dont je m'imprègne chaque jour, toujours
en quête d'oeuvres nouvelles et d'artistes inconnus. Pour illustrer
l'infini de la connaisance musicale, Alain Médam nous dit cela :
«Ainsi en viendrons-nous à ne même
plus avoir conscience de toutes les musiques que nous n'aurons pas
rencontrées. Celles qui nous resterons étrangeres parce que trop
lointaines de nous : par la distance ou la culture. Celles auxquelles,
nous-mêmes - bien qu'elles nous soient proches -, nous resterons
étrangers. Celles qui se refuseront ou que nous refuserons. Qui nous
éviterons et que nous éviterons. Qui nous sembleront inabordables
ou qu'il nous répugnera d'aborder. (É) Nous aurons beau vouloir
découvrir de nouvelles partitions, d'autres interprétations, des
folklores inou ·s pour nous, d'inédites expérimentations
musicales..., nous ne pourrons ignorer que ce que nous n'aurons pas entendu
dépassera de beaucoup, nécessairement, ce que nous aurons
été en mesure de conna»tre. (É) C'est parce que
tout ne peut être entendu que ce qui s'entend nous
satisfait.»18
16 Pascal Quignard La Haine de la musique, Gallimard,
1997 (p.199)
17 Alain Médam Ce que la musique donne à
entendre, Liber Quebec, 2006 (p. 45)
18 idem (p.47) 16
Je retiens cette derniére phrase pour dire qu'en tant
que défricheur musical, il ne faut jamais se contenter d'une quelconque
satisfaction, il faut constamment rester dans un état de
«vigilence» et d'ouverture, ce qui nous offrira encore
quantité d'heureuses surprises.
C'est ainsi qu'en lisant la presse spécialisée,
Le Monde, une encyclopédie trés fournie ou encore une
émission de radio, que j'acquiért un nombre d'informations tout
azumut pour finalement recouper celles dont j'ai déjà entendu
parler, celles que j'ai pu écouter par hasard. Ce qui est important dans
cette recherche, ce n'est pas de tout conna»tre, et par coeur, comme une
lecon que l'on apprendrait à l'école, mais plutôt d'en
tirer des éléments de compréhension de la musique actuelle
et ainsi, tenter de comprendre l'attente des gens.
Ce qui est compliqué dans l'accumulation et la
stimulation quotidienne, c'est de se dégager de cette effervescence pour
prendre du recul et savoir ce qu'on va faire de tout cela. Médam
toujours, à ce point de vue :
«Comment nous défaire, donc, de ce que
nous savons, de ce que nous aimons, afin de nous dénuder,
disposés à l'écoute, désormais, d'une
préhistoire des sons ; de leur émergence fondatrice.
Difficile, bien entendu, car il y surimpression. Tous
ces rythmes qui nous habitent Ð et que nous habitons Ð nous
empêchent, par leur emprise, de retrouver cette innocence : cette mise
à nu du sens des sons. Ces musiques d'aujourd'hui Ð en leurs
exigeantes aridités -, nous ne savons les rejoindre qu'au travers de nos
complaisances aux musique «qui nous font du bien». Est-ce un mal,
qu'il en soit ainsi ?» 19
Et quand bien même nous arrivons à nous en
écarter et que l'on manifeste des préférences pour
certaines musiques, le cercle vicieu - s'il en est un - consiste en le fait
qu'«Il y a dans toute musique préférée un peu
de son ancien ajouté à la musique même.»
20 et encore que «l'obsession sonore ne
parvient pas à départager dans ce qu'elle entend ce qu'elle ne
cesse de vouloir entendre et ce qu'elle ne peut pas avoir entendu.»
21
L'évocation de «préférences»
implique une notion de gout qui est propre à celui qui les exprime,
aussi, Adorno a son idée sur le gout :
«Le concept de gout lui-même est
démodé. L'art responsable obéit désormais à
des critères qui sont proches de ceux de la connaissance : celui de
l'harmonieux et du désharmonieux, celui du vrai et du faux. (É)
Le comportement qui consiste à évaluer est devenu une fiction
pour celui qui est assailli de tous côtés par les marchandises
musicales standardisées. Il ne peut ni se dérober à leur
supériorité, ni choisir parmis celles qui lui sont
présentées : elles se ressemblent toutes si parfaitement qu'on ne
peut finalement plus rendre raison d'une préférence qu'en
invocant une circonstance biographique personnelle ou en rappelant le contexte
dans lequel on a entendu cette marchandise musicale standardisée.»
22
Cette réflexion porte étrangement sur le concept
de sound design car Adorno nous dit que l'auditeur valorise une musique plus
qu'une autre en fonction de son vécu donc, de son expérience. Or,
l'intérêt de travailler la cohérence musicale d'un lieu est
avant tout dans le but de faire vivre une expérience au visiteur.
Ainsi, une personne conquise par la musique qui l'a entendue
dans un endroit précis, sera forcément rattachée à
l'expérience qui l'en a faite, ce qui forge désormais sa
préférence pour cette musique là. Quelle satisfaction de
participer à l'élaboration du gout des gens !
Pour revenir à des notions plus historiques de la
musique, et de s'interroger quant à son évolution. Il est
important de ne pas oublier comment était faite la musique avant
l'ère du numérique ? De quelle manière est-ce que les
compositeurs des siècles derniers faisaient de la musique ? Pourquoi et
comment la musique a-t-elle évolué de l'acoustique à
l'électronique ? Comment en est-t'on venu à autre chose que des
notes sur une partition interprétées par des musiciens sachant
les déchiffrer et les jouant sur des instruments acoustiques ? La
technologie bien sur, mais pas seulement, encore faut-il avoir eu l'idée
de s'en servir pour faire de la musique. On pourrait se demander qu'est-ce qui
a poussé Robert Moog a inventer le synthétiseur de légende
qui porte son nom ? Et encore avant lui, Lev Segeivitch Termen, inventeur du
plus ancien instrument de musique électronique, le
thérémine.
Ces inventions sont évidemment le reflet d'une
évolution globale de la société d'oü
l'intérêt de si référer. Ce qui est
intéressant quand on étudie la facon dont les gens vivent c'est
que l'on peut en déduire leur besoin de musique. Je m'explique; une
personne qui travaille huit heures par jour, six jours sur sept n'est pas en
contact direct avec la musique, ou alors lorsqu'elle l'entend dans un
supermaché, dans un restaurant ou sur son lieu de travail. Cette
écoute est dite «passive» dans la mesure oü l'auditeur ne
choisit pas ce qu'il écoute. Il l'entend simplement car il n'a pas le
choix ! Notre société moderne est en contact quasi permanent avec
la musique. Justement par le biais de ces voies indirectes, la musique est
présente partout aujourd'hui. D'une manière plus
générale, l'oreille du XXIè siècle est beaucoup
plus sollicitée qu'il y a deux cents ans et à contrario, l'homme
s'en sert moins ou mal.
Nous approfondirons cette notion de surcharge sonore dans la
partie sociologique de la musique.
2. Recherches théoriques
2.2 Sociologie (éthique musicale, quelle musique
pour qui ?)
La prolifération massive d'appareils
électroniques pouvant diffuser de la musique est plus que
conséquente (la barre des 100 millions d'iPod vendus dans le monde a
été franchie en avril 2007)23. Sans compter les
téléphones portables qui lisent eux aussi le mp3 depuis longtemps
maintenant et qui polluent véritablement le paysage sonore moderne que
ce soit dans les transports en commun ou au restaurant...
«Dans les rues des villes, on n'entend presque
plus de voix humaines, si ce n'est en conversation solitaire avec un portable.
Dans l'océan d'artifices de la société marchande, l'objet
sonore lui-même devient un métissage vidé de
sens.»24
De cette surcharge sonore, il découle une
véritable confusion générale accompagnée d'un fou
total autour de la musique. Monsieur Tout Le Monde ne comprend pas bien ce
qu'il entend vaguement aujourd'hui et peut-être même bien depuis
quelques années déjà, alors par mesure de
«sécurité», il s'enferme dans les quelques
références solides qu'il posséde pour se conforter et
véritablement, se rassurer devant cette attaque massive d'une musique
qui l'agresse à proprement parler.
«A chaque fois qu'on leur en laisse l'occasion,
(NDLR, de développer leurs connaissances musicales) ils
manifestent la haine qu'ils ont accumulée à l'égard de
celui qui ressent vraiment les choses autrement mais finissent toujours par la
refouler afin de pouvoir continuer à vivre
tranquilles.»25
Au mieux, si cela l'est, Monsieur Tout Le Monde finit par
réfuterer toute musique devant ce trop plein qui le submerge et en
revient à «l'avantmusique» qui se caractérise par le
silence.
«Quand la convocation est incessante, la musique
devient repoussante et c'est le silence qui vient héler et devient
solennel. Le silence est devenu le vertige moderne. De la même facon
qu'il constitue un luxe exceptionnel dans les
mégalopoles.»26
Seul probléme, le silence aujourd'hui n'existe plus, il
est perturbé par toutes les nuissances sonores des grandes villes.
Comment alors vivre ainsi ?
23 Source :
http://www.zdnet.fr/actualites/informatique/
0,39040745,39368555,00.htm
«La musique, par sa multiplication non de son
usage (son usage au contraire s'est raréfié) mais de sa
reproduction comme de son audience, a désormais franchi la
frontière qui l'opposait au bruit. (É) A la campagne, la
rareté des agressions permet parfois de recomposer peu à peu la
musique comme un non-bruit. C'est à la campagne qu'il m'arrive de
rejouer avec plaisir, quelques instants, de cette chose ancienne,
exceptionnelle, convocative, dépossédante, fascinante, qui avait
nom la «musique».»27
Si la musique d'aujourd'hui violente les esprits, c'est parce
que son évolution est permanente, sa diversité grandissante mais
en même temps son inquiétante répétition ! Combien
de fois dans une journée on se retrouve à entendre le
même morceau du même artiste
simplement en sortant de chez soit ?
«La répétition ouvre, annonce,
prédit le retour de la réciprocité violente, d'une
jeunesse meutrière. Non pas la violence qui oppose des hommes que tout
sépare, mais, au contraire, l'ultime affrontement de copies d'un
même moule, qui, animées de désirs identiques, ne peuvent
les satisfaire qu'en s'exterminant les unes les
autres.»28
Prenons l'exemple au pied de la lettre; comptabilisons le
nombre d'écoutes identiques possibles dans une journée : une fois
en passant devant la terrasse d'un café dont, au passage, le volume
sonore est déjà trop fort puisqu'il pollu le trottoirÉ
ensuite plongez dans le métro, votre voisin écoute la même
chanson qu'il fait d'ailleurs partager à tout le monde sans que personne
ne lui demande rien, autre signe «d'agression». Troisième
répétition, la radio du magasin dans lequel vous avez le courage
d'entrer, diffusée sur un système de sonorisation
excécrable, passe à nouveau le morceau qui vous poursuit depuis
que vous êtes tranquillement sortit de chez vous. Sans comptez qu'il est
sans doute très probable que cette radio repasse cette soupe infamme
dans les heures qui suiventÉ et ainsi de suite... encore et toujours les
mêmes morceaux !! Ce constat est juste terrifiant tant
il reflète la stagnation ambiante qui règne dans le milieu
«grand public» de la musique, c'est-à-dire dans la
périphérie la plus lointaine en terme d'investissement personnel
de recherche et d'effort. Profitons-en pour définir cinq degrés
liés à l'intérêt que les gens portent à la
musique.
Le degré 5 correspond aux personnes pour qui la
musique est juste un accompagnement sonore qu'ils percoivent de temps à
autre sans aller plus loin, toutes catégories socio/professionnelles
confondues. En aucun cas elle dépend de leur vie de tous les jours. A
propos de ce type de gens, Adorno à ses quelques mots féroces
:
«Le déplacement des affects vers la valeur
d'échange fait que l'on exige plus rien de la musique. (É) des
oreilles qui ne sont plus capables d'entendre dans ce qui leur est offert que
ce qu'on leur demande d'y entendre, et qui enregistrent un charme abstrait au
lieu d'opérer une synthèse concrète des moments de ce
charme, sont de mauvaise oreilles (É) De fait, il existe aussi un
mécanisme névrotique de la bêtise dans l'écoute : le
rejet présomptueusement ignorant de tout ce qui est inhabituel en est la
marque certaine. Les auditeurs en régression se comportent comme des
enfants. Ils demandent toujours à nouveau et avec une malice
obstinée le même plat qu'on leur a déjà
servi.»29
Degré 4, il concerne les 30-50 ans qui ont les
moyens de s'offrir de la musique que ce soit par le biais d'achat de CD ou bien
de place de concert dans une mesure raisonnable. La musique fait donc partie
intégrante d'une démarche de choix d'écoute. Ils se
déplacent au moins à la fnac, et assistent à des concerts
occasionnelement.
Degré 3, même cible d'%oge, 30-50 ans mais
ayant des moyens suffisant pour pouvoir consommer la musique de maniére
trés confortable, mais qui a en plus l'intention de le faire et le fait.
Ils évoluent dans un milieu professionnel oü la musique est plus ou
moins liée à leur sphere, et ou il est bon ton de se tenir au
courant, ou du moins d'avoir une certaine connaissance de la musique. Disons
tous ces métiers qui concerne les médias, le marketing, la
publicité, le cinéma, la communication mais aussi l'architecture,
le design, la mode... Ces personnes sont sensibles à l'environnement
musical qui les entoure et portent des jugements sur ce qui s'y passe. C'est
typiquement les gens que l'on retrouve dans les endroits branchés;
restaurants, concept stores, musées d'art moderneÉ
Degré 2, les jeunes de 16 à 25 ans. Cette
cible est particuliére dans la mesure oü trés souvent
à cet %oge, les trois centres d'intérêt majeurs sont le
sexe opposé, les voyages et bien sur la musique. Dans ce cas là,
il est délicat de parler musique car il y a alors des genres trés
distincts qui ne se mélangent que trés peu comme le rock, le hip
hop et l'electro. Quoiqu'il en soit, les jeunes consomment leur style de
musique de maniére obsessionnelle en ce sens qu'elle importe pour eux.
Cependant, les limites se situent par rapport à l'ouverture d'esprit et
la curiosité pour les autres musiques existantes.
Degré 1, tous les fous de musique ! J'entend
par-là, les musiciens, les compositeurs, les mélomanes, les
collectionneurs qui fouillent dans les caves de St-Michel à la recherche
de LA perle rare. Les ingénieurs du son qui travaillents en studio pour
produire la musique de demain. Les DJ qui passent des heures chez les
disquaires du monde entier ou sur des sites internet de communauté
musicale comme myspace ou
last.fm. La musique est pour eux
vitale, il ne se passe pas un jour sans qu'ils découvrent un artiste,
réécoutent un classique, s'abonnent à un nouveau podcast,
lisent la presse spécialisée, se visent le casque de l'ipod
rempli à ras bord à la moindre occasion, écoutent la radio
avec leur téléphone portable pendant qu'ils se brossent les dents
à l'affut du morceau magique qu'ils s'empressent de noter sur un calepin
et qui attérira sur une compilation des années plus tard ou au
beau milieu du set qu'ils vont faire le soir-même. Le tout se comptant en
dizaines d'heures hebdomadaires, sans inclure les moments oü ils jouent la
musique qu'ils digérent au quotidien lors de prestations live, et les
milliers de kilométres qu'ils parcourent à pieds, en
métro, en voiture, en TGV, en avion chargés de centaines de
disques uniquement pour un festival, une soirée, une heureÉ
En fait, vous l'aurez peut-être compris, mais ce dernier
degré que je décris avec tant de ferveur et d'énergie,
c'est le mien.
Tout cet investissement personnel dans un seul et unique but
traduit ici :
«Entre le chant des premiers hommes appelant les
oiseaux, la flute des premiers bergers, l'arc des premiers chasseurs, l'esprit
des dieux entendus dans les premiers grondements du ciel, la polyphonie
primitive, le contre-point classique, l'harmonie tonale, le
dodécaphonisme sériel, le jazz, le rap, la musique
électronique et le sampling aujourd'hui, il n'y a de commun qu'un
même rêve de mise en forme des bruits, d'extraction du beau hors du
chaos.»30
Justement, face à cette horde musicale, Médam porte
un espoir dans la volonté «d'extraction du beau hors du chaos»
:
«Vient un moment oü la musique se meurt.
Oü sons sens n'a plus de sens. Oü il n'est même plus question
de se réfugier, ne serait-ce qu'un instant, dans l'écoute d'une
oeuvre. Tout sanctuaire est mort. Le sublime se délite en l'absurde qui
le cerne. On aurait presque honte de vouloir préserver quelque sens
là oü le non-sens, semble t-il, emporte tout sur son passage. Et
pourtant ! N'est-ce pas là, précisément, qu'il faut tenir
? Tenir en s'en tenant à la beauté. Par ce geste,
l'esthétique n'est rien d'autre qu'une éthique du refus de la
débandade.»31
30 Jacques Attali Bruits, Fayard, 2001 (p.24)
31 Alain Médam Ce que la musique donne à
entendre, Liber Quebec, 2006 (p.
Pour mieux saisir cet extrêmisme du comportement des
personnes face à la musique, placons-nous du côté de ceux
qui refusent d'y porter plus d'intérêt que cela, étudions
la facon dont les gens «consomment» la musique dans leur vie de tous
les jours en partant d'un esprit de bon sens.
Il faut réussir à se détacher de ses
idées propres concernant l'emploi de la musique. Tout le monde n'en est
pas fanatique, et ne peut y passer par conséquent des heures
entiéres chaque jour. Nous commencerons donc par dire que la valeur de
la musique dépend de l'importance que chaque personne veut bien y
accorder. Les morceaux qui me rendent fous, si je les fait écouter
à ma grand-mere elle ne va probablement pas sauter au plafond ! En
revanche, si je les partage avec des personnes aussi sensibles et demandeuses
que moi, ils risquent de mieux saisir la valeur intrinséque de ce que je
leur fais écouter.
Partant de cela, une étude à été
faite sur les circonstances dans lesquelles les gens écoutent de la
musique, et l'influence qu'elle procure sur eux.32 Il est certain
qu'une personne qui entend une chanson qui lui rappelle des souvenirs tristes,
ne va pas les laisser transpara»tre lors d'un diner entre amis. Le fait de
sortir de leur contexte des musiques avec lesquelles on a eu une relation
«d'écoute particuliére», j'entend par là le
contexte, la période et l'esprit dans lequel on l'a
écouté, nous lie de telle maniére que l'on s'approprie
certaines musiques. Lorsque l'on est à nouveau en contact avec ces
sonorités précises, et qu'en plus on n'a pas nous-même
décidé de les écouter, donc de choisir ou, quand, comment
et avec qui, la situation devient étrange. Il se peut alors que l'on ne
soit pas dutout réceptif à ce que l'on entend parce que justement
pas dans le même contexte qui avait déclenché une
réaction trés personnelle lors de l'écoute
précédente.
Il s'avére donc que d'une maniére
générale, les 346 personnes interrogées dans cette
étude disent être en état d'attention maximal le soir entre
22h et 23h ainsi que le week-end. Difficile donc, en ce qui concerne notre
problématique, d'attirer un quelconque intérêt à la
musique diffusée dans un magasin en pleine semaine, aprés l'heure
du déjeuner ! Qu'importe, cela signifie au contraire qu'il faut
conceptualiser la programmation musicale de maniére assez intelligente
pour éveiller, positivement, la curiosité de l'auditeur.
J'insiste bien sur le fait de ne pas déranger celui qui
écoute, car à ce moment-là, il suffirait de diffuser une
musique aggressive et bruyante pour que l'on remarque qu'il y ait de la musique
! Tout le défi réside donc dans le fait de trouver la bonne
alchimie pour juste aviver une flamme d'écoute qui va faire en sorte que
le client se souvienne qu'à l'endroit précis oü il est
allé d»ner, il y avait en plus de la trés bonne cuisine, en
plus du service irréprochable, en plus du design du lieu, une musique
incroyable à laquelle il ne s'attendait pas en réservant sa
table.
32 Adrian C. North, David J. Hargreaves, and Jon J. Hargreaves
The Uses of Music in Everyday Life, 2004
A propos de la question complexe des différents sens
que prend la musique suivant les individu, je crois que l'explication majeure
est le vécu des gens :
«La musique est (É), un chemin de vertige,
un moyen de dépassement, une invation au voyage, une source d'extase.
Elle est intuition, sacrifice, voie de la connaissance, chemin
initiatique.»33
On comprend alors que l'expérientiel est
définitivement la composante essentielle de la force d'évocation
d'une musique particulière, et de la musique en générale.
Que l'on soit musicien ou simplement le fait d'avoir étudier le
solfège enfant, bouleverse totalement la manière dont vous
percevez la musique. Pour les non «pratiquants», les explications
sont multiples mais en aucun cas, un musicien de formation peut justifier d'une
sensibilité plus ou moins grande par rapport à une personne
n'étant pas issue du conservatoire. La sensibilité est une
affaire de gout, de culture et de caractère.
De nos jours, il y a une autre raison importante qui fait que
la musique touche beaucoup moins les gens, c'est la facilité
d'accès à la musique. Depuis deux siècle, il s'est produit
un changement dramatiquement significatif par rapport à l'importance que
l'on veut bien accorder à la musique.
«Quand la musique était rare, sa convocation
était bouleversante comme sa séduction
vertigineuse.»34
Au XIXè siècle, le seul moyen d'écouter
de la musique était en «live», avec des musiciens, dans le
cadre d'un concert ou d'un évènement particulier.
L'expérience musicale s'établissait dans un contexte
précis et c'est ce qui la rendait appréciable sans être
attendue pour autant. L'écoute était alors plus que
limitée dans le sens oü on ne pouvait exiger la musique à la
moindre envie. Ecouter de la musique était un réel processus !
C'est pourquoi avant, on désirait et appréciait
véritablement la musique. Aujourd'hui, on est lassé d'en entendre
en rentrant dans le premier établissement venu, il n'y a plus cette
étincelle du rare.
Dans une moindre mesure, c'est un peu comme le manque d'eau en
Afrique. En Europe on gaspille cette denrée parce que son accès
est instantanné tandis que dans les pays sous développés,
le simple fait de boire demande toute une logistique. Il en va de même
pour la musique aujourd'hui, comme l'eau, il suffit d'ouvrir le robinet et ce,
ironie du sort, dans tous les pays du monde développés ou pas,
gr%oce à l'Internet. Au cause du virus mp3, de la superproduction
d'iPod, la musique a perdu son «aura» de valeur esthétique
pour ne devenir qu'un vulguaire produit de consommation courant au même
titre que du café par exemple.
La musique est devenue une commodité plus qu'une
ressource à part entière.
La hierarchie ancienne du
compositeur/interprète/arrangeur/ingénieur du son/auditeur est
pratiquement obsolète, c'est une autre explication de ce bouleversement
de l'écoute musicale . Aujourd'hui, cette gradation des rTMles dans la
musique a disparu avec la démocratisation de la création
musicale, notamment avec l'informatique et les logiciels de programmation
virtuelle.
Un bon technicien du son, peut tout à fait produire sa
musique avec son ordinateur, un micro et quelques machines externes. Encore une
fois, la musique est devenue au-delà de la matière, un produit
commun à tout le monde. Le seul domaine musical oü cette hierarchie
de valeur tient toujours est probablement en classique. Dans le
répertoire classique, les oeuvres sont figées dans des
partitions, déchiffrées par des musiciens qu'un chef d'orchestre
ordonne, qu'un ingénieur du son enregistre en concert ou en studio et
qu'un auditeur Ð mélomane Ð écoute.
Pour revenir à la notion de ressource, nous pouvons
dire qu'elle prend sens chez les gens qui restent sensibles à la musique
et qui font la démarche, une fois rentrés chez eux, après
avoir été abasourdi par cette charge musicale globale
érintante et passive, de choisir LA musique qui va leur permettre de
changer leur état d'esprit de manière active. C'est en ca que la
musique reprend sa vraie valeur, c'est quand elle est consommée comme
une ressource et non comme une obligation.
Ainsi, c'est l'idée de choix qui dicte le comportement de
l'écoute musicale quotidienne dans le monde moderne.
Firth (1996) va dans ce sens en découvrant que
l'attitude de consommation de la musique reflète la personnalité
propre de l'individu. Ainsi, une personne ayant recu des valeurs strictes
d'éducation conservera peutêtre plus un état
d'honnêté et de légitimité par rapport à la
musique qu'un jeune qui a grandi dans la rue, pour qui la musique ne
représente pas forcément des siècles de création
engendrée par de véritables génies.
D'après DeNora (2000), la musique est plus qu'une
activité diverse parmis tant d'autres, la musique permet de lier toutes
les autres activités. La musique est alors plus considérée
comme un processus que comme un objet.
En société, toujours d'après cette
étude de consommation musicale quotidienne, les gens ont plus de mal
à aimer la musique qu'ils entendent parce qu'ils n'en ont pas
décidé la programmation. Ils n'ont alors pas le contrTMle de
choisir ce qu'ils écoutent.
La question se pose alors de savoir si la musique est vraiment
utile à l'auditeur si il n'en a pas le choix ? Tout le défi pour
moi, sélecteur sonore, est donc de les faire adhérer à une
musique que j'ai choisi pour eux. Cette tâche est loin d'être
facile dans la mesure ou lorsque les gens sortent, ils viennent avec un certain
à priori quant à leurs intention d'écoute (to achieve
ends). Sortis du «alone at home», les gens ne savent pas à
quoi s'attendre, ou alors avec des idées plus ou moins préconcues
liées à leur peur de déception.
35 Gilbert Rouget La musique et la transe,
Gallimard, 1990 (p.143)
27
Cependant, je considere que les gens restent libres de choisir
lÕendroit dans lequel ils vont sortir et o0 à forciori il y aura
de la musique. Tout comme ils sont libres le soir venu, de porter un
interêt ou non à la musique, tout
comme dans une moindre mesure lÕindividu ui sÕa
rête à entrer en transe :
2. Recherches théoriques
2.3 Psychoacoustique
2.3.1 Définition
La psycoacoustique est l'étude des rapports entre les
paramètres de la stimulation acoustique, d'une part, et la
qualité de la sensation auditive, d'autre part. La psychophysique, dont
la psychoacoustique est une branche, est née avec Fechner au XIXe
siècle. Elle traitait alors des relations entre les timulations
physiques et les sensations comme états psychiques correspondants, en
négligeant tous les intermédiaires phisiologiques.
Aujourd'hui, un nouveau paramètre entre en ligne de jeu
gr%oce aux avancées technologiques, les psyacousticiens étudient
la représentation des stimulus acoustiques dans le système
nerveux. Ils se soucient également de conna»tre le type et les
règles de fonctionnement mis en jeu par le système auditif pour
structurer la perception, y compris les mécanismes d'ordre
supérieur, souvent appelés «processus cognitifs».
2.3.2 Perception de l'intensité sonore36
La sensibilité du système auditif humain
à la dimension intensive des stimulations acoustiques est
étonnante à plus d'un titre. En premier lieu, les performances de
détection de l'oreille sont très grandes : le système
auditif est sensible à des déplacements du tympan parfois
inférieurs au diamètre d'une molécule d'hydrogène.
En outre, il est sensible à une marge d'intensités très
étendue et il permet la discrimination de différences très
faibles d'intensité entre deux sons.
Enfin, il est capable d'analyser la facon dont l'énergie
est répartie parmi les différentes composantes
fréquentielles d'un son complexe.
L'intensité subjective des sons, appelée
«sonie», est presque exclusivement déterminée par leur
intensité physique.
Pression acoustique
En psychoacoustique, pour exprimer l'intensité physique
des sons, on mesure généralement l'amplitude des variations de
pression associées au passage d'une onde acoustique. En effet, depuis le
tympan jusqu'à la membrane basilaire, les différentes structures
de l'oreille effectuent des déplacements sous l'effet des vibrations
acoustiques. L'amplitude de ces mouvements dépend de l'amplitude des
variations de la pression acoustique, c'est-à-dire des variations de
pression par rapport à la valeur moyenne de la pression régnant
dans le milieu (généralement celle de la pression
atmosphérique).
Nous n'irons pas plus loin dans le détail des
unités de mesure et autre équivalence, car ce mémoire n'en
est pas l'objet. Il s'agit simplement ici de comprendre globalement comment
l'oreille percoit le son. Voyons donc en revanche :
L'échelle des phones ou d'isosonie.
On appelle sonie l'intensité subjective des sons. Cette
notion est particulièrement importante car elle conditionne la
compréhension de l'acoustique des lieux qui sera vue par la suite.
Depuis Fletcher et Munson (1933), on dispose d'un ensemble de courbes
appelées ligne d'isosonie. Chacune des courbes relie les
coordonnées (niveau de pression acoustique et fréquence) des sons
purs qui donnent à l'oreille humaine une égale sensation
d'intensité. Les lignes isosoniques ont été
établies par Fletcher et Munson pour l'écoute binaurale par
écouteurs.
On constate, par exemple, que pour para»tre aussi intense
qu'un son de 1 000 Hz à 43 dB SPL, un son de 100 Hz ou un son de 10 000
Hz doivent avoir un niveau de 63 dB SPL. On dit que ces trois sons ont un
même niveau d'isosonie («loudness level»).
De plus, on a normalisé (ISO, 1962) une version des lignes
d'isosoniques pour l'écoute binaurale en champ libre due à
Robinson et Dadson (1956).
Cette représentation nous concerne plus car le but de
cette étude, est de comprendre la perception du son dans le cadre d'une
diffusion via un système de sonorisation, donc en champ libre.
Par rapport aux lignes isosoniques mesurées sous
écouteurs, celles obtenues en champ libre sont plus basse, autour de 4
000 Hz, et présentent une remontée vers 8 000 Hz. Ces
différences sont dues aux diffractions sur la tête du sujet et sur
les pavillons de ses oreilles. Imaginons alors la différence entre la
théorie et la pratique lorsque l'on diffuse autre chose que des sons
purs (de la musique par exemple), et que le sujet se déplace dans un
espaceÉ
Zwislocki (1965) a montré que la forme
générale de la courbe des seuils en fonction de la
fréquence s'explique presque totalement par le jeu des fonctions de
transfert de l'oreille externe et de l'oreille moyenne, ainsi que par les
diffractions dues au corps et aux pavillons. Il reste que le seuil diminue plus
que prévu - selon tous ces facteurs - quand la fréquence
augmente. Zwislocki attribue ce phénomène à une
intégration temporelle par le système nerveux. Dans ce processus,
les hautes fréquences seraient avantagées puisqu'elles
comportent, par unité de temps, plus de cycles que les basses
fréquences.
Un certain nombre de données psychoacoustiques prouvent
que le système auditif est un véritable analyseur de spectre et
incitent à penser qu'un système qui analyse la répartition
de l'énergie dans la gamme des fréquences audibles et qui suit
l'évolution de cette répartitions au cours du temps
simultanément pour l'ensemble du spectre , est un système qui
combine, à un niveau nécessairement central, des informations
multiples en provenance de l'ensemble des fibres
périphériques.
La confirmation des indices codant l'intensité dans le
nerf auditif ne dispensera donc pas de développer les recherches sur les
traitements opérés dans les centre supérieurs ; il est
ainsi fort probable que les activités enregistrées au niveau du
nerf auditif ne renseigneront jamais totalement sur les processus nerveux qui
sous-tendent la perception de l'intensité. Remarquons enfin que les
problèmes que pose encore la perception de l'intensité sonore,
comme la plupart de ceux qui concernent les autres dimensions de la perception
auditive, requièrent plus que jamais des interactions entre la
psychoacoustique et la neurophysiologie.
2.3 Psychoacoustique
2.3.3 Perception de la hauteur tonale37
Ce qu'on appelle couramment la «hauteur tonale» (HT)
d'un son est conceptuellement difficile à définir d'une
manière explicite, générale, et tout à fait
rigoureuse. Selon l'AFNOR38 (1977), c'est «le caractère
de la sensation auditive lié à la fréquence d'un son
périodique, qui fait dire que le son est aigu ou grave selon que cette
fréquence est plus ou moins élevée».
Il est connu depuis le XIXe siècle que la HT d'un son
pur de fréquence donnée est suceptible de varier lorsqu'on
modifie son niveau d'intensité. La «règle de Stevens»
(1935), veut qu'une élévation de niveau élève
(rende plus aigu`) la HT des sons de fréquence élevée,
laisse à peu près inchangée la HT des sons de
fréquence moyenne et diminue la HT des sons de basse fréquence.
Les résultats de Walliser (1969) confirment la validité de cette
règle.
La règle de Stevens n'a toutefois qu'une portée
statistique : l'effet de l'intensité sur la HT d'un son pur peut
différer fortement d'un auditeur à l'autre et il appara»t
même que, pour un auditeur donné, la variation de la HT avec le
niveau, à une fréquence donnée, peut être non
monotone (Verschuure et van Meeteren, 1975). En outre, Burns (1982) a
établi que cette variation peut différer systématiquement
Ð et même en direction Ð d'une oreille à l'autre du
même auditeur, ce qui suggère que l'influence du niveau sur la HT
est, au moins en partie, d'origine cochléaire.
Un son pur de fréquence et de niveau d'intensité
donnés n'a généralement pas exactement la même HT
lorsqu'on écoute par l'oreille gauche et par l'oreille droite. C'est ce
phénomène qu'on appelle la «diplacousie binaurale». Il
peut être extrêmement prononcé chez des sujets à
l'audition pathologique ; il existe cependant à un certain degré
chez tout individu. Pour un auditeur audiométriquement normal, la
différence entre les HT qu'évoque un son pur donné aux
deux oreilles peut atteindre un quart de ton musical, ce qui correspond
à un écart de fréquence de 3%.
Lorsqu'un son pur donné parvient simultanément
aux deux oreilles d'un auditeur audiométriquement normal, celui-ci
percoit toujours comme un son pur, pourvu d'une HT unique. Ceci
implique que le système nerveux central est capable de fusionner en une
HT unique deux HT monaurales légèrement différentes.
On peut alors se demander comment la HT d'un son pur Ð
dimension subjective de de ce son Ð varie-t-elle avec ce qui en est le
principal déterminant physique, la fréquence du son ?
Il existe une échelle «institutionnelle» de
la HT : c'est l'échelle de la muisique occidentale, selon laquelle la HT
est une fonction simplement logarithmique de la fréquence : du point de
vue des musiciens, deux sons purs a et b forment le
même intervalle de HT que deux sons purs c et d lorsque
les fréquences de a et b sont dans un rapport
égal à celui des fréquences de c et
d.
Cependant, Attneave et Olson (1971) ont clairement
démontré que, dans la majeure partie du domaine des
fréquences audibles, cette règle «institutionnelle» a
une réalité perceptive même pour des auditeurs qui ne
pratiquent pas la musique.
La HT d'un son pur varie sur une dimension
«grave/aigu» lorsque l'on varie sa fréquence. Cependant, cette
dimension grave/aigu représente-t-elle toute la HT d'un son pur
? Certains auteurs soutiennent qu'un son pur a, en fait, deux qualités
de HT : une qualité grave/aigu et une qualité de
«chroma». Le chroma serait une qualité selon laquelle deux
sons purs dont le rapport de fréquences est 2 Ð et qui forment donc
un intervalle d'octave Ð sont similaires ou identique (Bachem, 1950).
Corrélats neuronnaux de la hauteur tonale des sons purs
:
De la membrane basilaire de la cochlée (von
Békésy, 1960 ; Khanna et Leonard, 1982) jusqu'au cortex auditif
(Romani et coll., 1982), tout le système auditif des mammifères
manifeste un mode de fonctionnement tonotopique. Cela siginifie
qu'à chaque étage de ce système, passée l'oreille
moyenne, l'emplacement de l'activité mécanique ou
électrique évoquée par un son pur varie
systématiquement et régulièrement avec la fréquence
de ce son.
Chaque fibre du nerf auditif fonctionne essentiellement comme
un filtre passebande : sa cadence moyenne de décharge (nombre de
potentiels d'action par seconde) à un niveau d'intensité
donné est maximale pour une certaine fréquence de stimulation,
dite «caractéristique», et de moins en moins
élevée pour des fréquences de plus en plus distantes.
Codage temporel de la fréquence :
A l'émission d'un son pur de fréquence
f, le mouvement oscillatoire qui s'observe à différents
points de la membrane basilaire a la même fréquence (f)
que le son, et l'oscillation observable en chaque point se traduit par une
action périodique (de fréquence f) sur les cellules
transductrices associées à ce point. Les propriétés
du mécanisme de transduction sont telles que le départ d'un
potentiel d'action dans une fibre du nerf auditif tend à
co ·ncider temporellement avec une certaine phase du mouvement de la
membrane basilaire au point correspondant. Il en résulte que les
intervalles de temps entre les potentiels d'action qu'induit un son dans une
fibre sont liés à la période du son (1/f).
A la question «Comment la HT d'un son pur est-elle
codée physiologiquement ?», on a souvent considéré,
dans le passé qu'il n'y avait que deux réponses possibles,
l'hypothèse d'un codage exclusivement tonotopique ou l'hypothèse
d'un codage exclusivement temporel.
L'information temporelle que fournit le nerf auditif sur la
fréquence d'un son pur (lorsque la fréquence n'est pas trop
élevée) joue probablement un rTMle direct dans la perception de
sa HT ; la preuve la plus forte en est que deux sons purs peuvent être
percus comme appariés en HT alors que les emplacements de leurs patterns
d'excitation cochléaire diffèrent. Une sensation de HT semble
tout de même évoquable en l'absence d'une telle information,
puisque même les sons de plus de 5 000 Hz se différencient par la
HT. Ainsi nous pouvons en déduire qu'au niveau du nerf auditif, la HT
d'un son pur de fréquence inférieure à 5 000 Hz est
codée à la fois (et indépendamment) de facon
tonotopique et de facon temporelle.
2.3.4 Audition binaurale et localisation auditive39
Pour construire notre espace sonore subjectif, il nous faut
tout d'abord repérer la position des sources acoustiques qui nous
entourent. Cette opération est désignée sous le nom de
«localisation». Localiser une source, c'est d'abord identifier son
azimut et sa hauteur, donc sa direction, puis déterminer la distance
à laquelle elle se trouve dans cette direction. L'environnement
acoustique résulte en général de l'action
simultanée de plusieurs sources. La combinaison de leurs rayonnements
produit un champ acoustique complexe que le système auditif doit traiter
pour reconna»tre séparément chaque source. Nous examinerons
ce problème à partir des exemples de la
stéréophonie, de l'effet de Haas et de la localisation dans le
bruit. Ce dernier point nous permettra de définir ce que l'on appelle le
démasquage binaural et de préciser les facultés de
discrimination auditive spatiale qui en découlent.
Niveau de pression acoustique dans le conduit auditif,
rapporté à la pression sur un plan réfléchissant,
en fonction de la fréquence, pour diverses incidences.
( - ) au voisinage du tympan ; (---) à l'entrée
(2cm) du conduit auditif «obturé». (Shaw et Teranishi,
1968)
2.3.5 Perception de la musique
40
Parmi tous les sons don't le système auditif humain est
capable d'extraire une sensation de HT, les plus importants
écologiquement sont complexes et périodiques. Tel est le cas des
voyelles et des sons que produisent la plupart des instruments de musique. En
vertu de théorème de Fourier, tout son complexe périodique
(SCP) de période p = 1/f peut être décrit
comme une somme de sons purs qui diffèrents par la fréquence et
dont chacun a une fréquence de la forme n.f, ou n est
un nombre entier ; la fréquence f est appelée
«fréquence fondamentale» du SCP. Les SCP typiques de
l'environnement sonore humain sont des SCP «harmoniques». Un SCP de
fréquence fondamentale f est dit «harmonique» lorsque
les sons purs constituant ses composantes spectrales ont des fréquences
qui sont des multiples entiers successifs de f : dans son spectre,
chaque composante de fréquence n.f (sauf la dernière)
est suivie d'une composante de fréquence (n + 1).f.
Tout autre SCP est «inharmonique».
41
La musique a une emprise constante sur notre activité.
Le fait que l'oreille fonctionne en permanence, offre la possibilité au
stimuleur d'attirer l'attention de l'auditeur par une source quelconque. Ici,
elle n'est pas quelconque puisqu'il s'agit de musique, immédiatement
l'auditeur y prête attention avec un degré de conscience plus ou
moins grand. Cette intensité d'attention de l'auditeur par rapport
à ce qu'il écoute varie suivant si la musique qu'il percoit lui
évoque un intérêt quelconque ou pas dutout.
La musique a trois fonctions : affective, cognitive,
comportementale.
L'affectif est l'effet plus ou moins produit
directement sur l'auditeur. La musique doit correspondre aux gouts musicaux du
client afin de leur procurer du plaisir.
Le cognitif traduit des faits propre à
la musique, comme l»%oge, la classe socio/professionnelle, la
géographie... Ainsi, suivant la musique que l'on décide de
programmer, celle-ci évoquera des repéres assez clairs sur un
certain positionnement, à savoir à qui s'adresse cette musique et
qui est suceptible d'y être sensible et de l'interpréter comme une
composante logique du lieu. L'exemple des magasins pour adolescentes Pimkie est
encore une fois trés parlant, il est en effet totalement hors sujet de
diffuser de la musique classique dans ce genre d'endroit tant les jeunes gens
ne se retrouveront pas dans cette musique associée à leur
magasin.
Le comportemental est l'action physique produite
par la musique. La musique peut alors ralentir le rythme de la visite
du magasin, détendre en installant une ambiance confortable
ou au contraire donner du dynamisme et une
énergie au client.
Malgré tout, la littérature entretient
l'infériorité de l'ou ·e par rapport aux autres sens.
A propos du mépris de l'oreille :
«Citation d'Horace traduit par le père
Sanadon : Ce qui ne frappe que les oreilles fait moins d'impression que ce qui
frappe les yeux. Quignard poursuit Théophraste soutenait au contraire
que le sens qui ouvrait la porte le plus largement aux passions était la
perception acoustique.»42
«Tout son est l'invisible sous la forme du
perceur d'enveloppes. (É) Immatériel, il franchit toutes les
barrières. Le son ignore la peau, ne sait pas ce qu'est une limite : il
n'est ni interne, ni externe. Illimitant, il est inlocalisable. Il ne peut
être touché : il est l'insaisissable. L'audition n'est pas comme
la vision. Ce qui est vu peut être aboli par les paupières, peut
être arrêté par la cloison ou la tenture, peut être
rendu aussitôt inaccessible par la muraille. Ce qui est entendu ne
conna»t ni paupières, ni cloisons, ni tentures, ni murailles.
Indélimitable, nul ne peut s'en protéger. (É) Le son
s'engouffre. Il est le violeur. L'ou ·e est la perception la plus
archa ·que au cours de l'histoire personnelle, avant même
l'odeur, bien avant la vision, et s'allie à la nuit.
Il se trouve que l'infini de la passivité (la
réception contrainte invisible) se fonde dans l'audition humaine.
(É) Entendre, c'est être touché à distance. Le
rythme est lié à la vibration. C'est en quoi la musique rend
involontairement intime des corps
juxtaposés.»43
«Les découvertes récentes de la
neurologie confirment bien cette différence entre musique et langage en
localisant le traitement de la musique dans le cerveau dans un tout autre lieu.
Alors que le traitement du langage est nettement localisé dans
l'hémisphère cérébral gauche, celui de la musique
est beaucoup plus complexe. Une vibration sonore pénètre par le
pavillon de l'oreille sous forme d'onde ; quand elle atteint le tympan, elle se
transforme en oscillations de la membrane fermant le conduit auditif,
transmises par des osselets à l'oreille interne, jusqu'à une
cavité emplie de liquide oü se trouvent quelque deux cent mille
cellules cillées qui transforment les vibrations en substances
chimiques. Celles-ci exitent à leur tour les terminaisons du nerf
auditif qui les transforment en signaux électriques circulant alors
jusqu'au cortex oü s'opèrent l'analyse et la reconnaissance.
Là se distingue musique et langage : il semble que l
l'appréhension de la courbe mélodique se fasse tout
entière dans l'hémisphère droit, alors que la localisation
de celle du rhythme reste encore mystérieuse. Les sensations musicales
sont ensuite regroupées, analysées, comparées à un
lexique sonore gardé quelque part en mémoire, lequel les
reconna»t s'il les a déjà entendues, ou du moins les
confrontes à des sons, des timbres, des rhythmes, des mélodies
déjà mémorisés. On peut réentendre
virtuellement un son en mémoire rien qu'en y pensant ; on peut en
quelque sorte le fredonner dans son esprit : phénomnèse.
Lorsqu'on réentend une oeuvre mémorisée, on n'entend pas
l'oeuvre, mais aussi tout le contexte dans lequel on l'a déjà
entendue, réellement et virtuellement. Un climat sonore, un
environnement musical, une mélodie peuvent alors être
associés à une ambiance, une signification, un discours, pour
suggérer des sentiments, manifester des intentions, des ordres,
compléter ce que disent les images, inciter à une
chorégraphie.
La mémoire des sons, essentielle à
l'intelligence de la musique, s'organise dès la prime enfance. Elle
varie considérablement d'un individu à l'autre. Certains n'en ont
aucune et sont même incapables d'associer le nom d'une note à un
son entendu mille fois tandis que d'autres peuvent rejouer de mémoire
des oeuvres d'une très grande longueur.»44
3. Application actuelle en situation (constatations et
propositions)
3.1 Etat des lieux (visites, écoutes,
rencontres)
Rapport de visite de plusieurs boutique de
luxe Saint-Germain-Des-Prés/Saint-Sulpice, Paris Jeudi 07.12.2006
// 14h
Ces visites ont été l'une de mes
premières démarches lorsque j'ai entammé ce
mémoire. J'ai voulu me rendre dans des magasins de «luxe» du
quartier de Saint-Germains-Des-Prés avec une oreille candide, en
quasi-innocence de toutes notions liées à la socio/musicologie
détaillées précedemment.
Première boutique ; Yves Saint-Laurent. L'espace me
revient d'abord en mémoire, divisé en deux parties sur la gauche
et sur la droite, la musique que je percoit me heurte de part son volume de
diffusion, trés fort à mon gout, en tout cas trop par rapport
à l'ambiance calme qui régne en de début
d'aprés-midi. Autre constat qui va rapidement se
généraliser à l'ensemble des magasins que je visite dans
la demie-journée, la qualité excécrable des enceintes !!
Leur implantation est partielle, vaguement étudiée, pas
franchement optimisée.
Idem chez Christian Lacroix, Burberry, Kenzo, ArmaniÉ
aucune de ces marques, pourtant des références «haut de
gamme» dans la mode, ne m'ont satisfaite en terme d'audition pure. Le
contenu étant difficilement qualifiable dans la mesure ou il est
délicat et laborieu de rester plus d'une heure dans chaque magasin pour
en juger la programmation. Mais qu'importe, le peu de temps ou je suis
resté, je n'ai pas spécialement été attiré,
ni intéressé par un seul morceau, c'est dire si, avec la
médiocrité de la sonorisation, la sensation de confort m'a
gagnéÉ
Je crois que sans aller plus loin dans les arguments, il y a
déjà là énormément à faire. Si cela
ne tenait qu'à moi, je ferai réaménager toute
l'installation sonore de ces magasins. Seulement voilà, je ne connais
pas les conditions dans lesquelles ces boutiques ont été
construites, quels budgets ont été alloués, avec quels
partenaires les ma»tres d'oeuvre ont travailléÉ toutes ces
composantes diverses justifient peut-être finalement trés
simplement les constats basiques que j'ai réalisé. Cela
n'empêche que je ne comprend pas comment est-ce que des marques d'une
telle dimension peuvent se satisfaire de ci peu.
Je considère qu'à partir du moment oü la
musique est traitée avec le même investissement que le premier
magasin H&M venu, une marque ne peut tout bonnement pas prétendre se
positionner dans le «haut de gamme». Pour moi, ce secteur
représente bien plus que de beaux produits sur de belles
étagères, encore une fois, le luxe est un état d'esprit,
au-delà la qualité intrinsèque des produits. Je dirai que
la valeur ajoutée qu'est la marque de fabrique n'est que l'accès
«minimum» au haut de gamme. Seulement cela ne suffit pas pour y
être vraiment, comme peut l'être Vuitton par exemple.
Vuitton a une vraie conception globale du luxe. Le
«vaisseau amiral» de l'avenue des Champs-Elysées le prouve
à lui seul. L'architecture est incroyable, le design est
travaillé par des icônes du genre, la sonorisation
développée par des spécialistes, on y trouve même
une gallerie d'art au 7è étage auquel on accède par un
ascenceur conceptuel signé Olafur Eliasson ! Tout est cohérent.
C'est une philosophie.
Flagship Louis Vuitton, Champs Elysées //
Paris
Rencontre avec Gregory Cauzot
Music Manager des Galeries Lafayette, Paris Mardi
19.12.2006 // 12h
En me rendant déjeuner avec Gregory Cauzot aux Galeries
Lafayette, je traverse d'abord l'espace Lafayette VO réservé aux
jeunes. J'ôte alors le casque que j'ai sur les oreilles, comme un
réflexe pour écouter la musique qui y est diffusée.
Première constatation, le volume est assez fort mais nous sommes bien
là dans un étage exclusivement réservé à la
mode pour les jeunes donc le volume correspond bien au contexte de diffusion.
Quant à la sélection musicale, on passe d'une house
«soulful», à des rhythmes beaucoup plus calme en quelques
secondes autant dire qu'à fort niveau on percoit trés nettement
le changement ! Il faut savoir qu'aux Galeries Lafayette le logiciel de gestion
de la musique est aléatoire. Il fonctionne comme une énorme base
de donnée répartie en fonction des magasins et des étages
(Lafayette Homme, Lafayette Femme, Lafayette Maison...) mais au sein de ces
différents espace, la musique s'enchaine de maniére totalement
aléatoire. Cela signifie donc qu'un même artiste voir un
même morceau peut passer plusieurs fois dans la journée. Autre
probléme, malgré un enrichissement fréquent de la base de
donnée musicale, il se peut qu'un morceau récemment ajouté
ne passe pas dans le magasin avant plusieurs jours ! Enfin, nous venons de le
voir, il se pose un probléme de cohérence flagrant d'un morceau
à l'autre. Cependant Gregory me confiera par la suite que sa
sélection est cohérente d'une maniére globale, les styles
de musique sont liés, il est simplement victime du hasard lors du
passage des morceaux.
La coupole
Passons à un autre espace, le rez-de-chaussé de
la coupole qui abrite, en ce mois de décembre un énorme sapin de
no`l et toute la décoration qui va avec. Là encore on se heurte
à un probléme de niveau sonore mais il est majoritairement
dü à la foule qui se presse aux rayons parfumerie et autres sac
à mains de luxe. Sur le plan de la musique, je trouve que la diffusion
est relativement bien gérée compte tenu du brouhaha
général des visiteurs. La programmation nous met
immédiatement dans le bain, c'est du 100% no`l ! Gregory défendra
son point de vue par rapport à cela. Malheureusement, ces directeurs
voulaient cette ambiance, il est donc obligé de s'y plier. Cependant ce
n'est pas pour autant que la sélection est mauvaise, loin de là.
Tous les crooners sont au rendez-vous et le tout dégage une atmosphere
féérique. Je me met alors à la place du touriste japonais
qui se retrouve dans ce bain de no`l, je pense que c'est exactement ce à
quoi il rêvait inconsciemment de trouver dans un lieu comme les Galeries
Lafayette à la veille de Noël. Nous reviendrons sur la notion de
recul par rapport avec qui l'on travaille, et en cela, les Galeries sont un
exemple assez frappant. Ce magasin est quand même une, si ce n'est,
l'icône du shopping à Paris avec tout ce que cela comporte;
visiteurs internationaux, événements ponctuels (soldes, les
3J...), espaces multiples et singuliers. Les paramétres de sound design
dans un lieu comme celui-ci sont infiniment nombreux et complexes.
Lors de mon entretient avec Gregory, il m'explique qu'à
ses débuts aux Galeries, (été 2005) il pensait trop par
rapport à son background personnel c'est à dire la musique
soulful. Cette musique est rhythmée et s'inspire de la musique soul et
de musique électronique house. Ainsi, ces playlists regorgeaient de
perles soulful, cependant, sur une journée entiére cela devenait
abrutissant et la qualité même des morceaux choisis empatissait.
Il a donc repensé son approche pour ouvrir sa programmation aux
influences même de la soulful, à savoir donc la musique noire
américaine des années 70. La résultante de cette ouverture
d'esprit est un mélange subtil d'une musique à la fois
trés chaleureuse et rhythmée. Aujourd'hui, il comprend pourquoi
c'est lui qui fait la musique aux Galeries et non pas le premier
mélomane venu. Il a réussi à véritablement
personnaliser l'identité musicale du lieu gr%oce à sa patte. En
effet, il me semble fondamental qu'un sound designer apporte sa touche propre
lors d'une étude d'identité de quelque marque que ce soit au
même titre qu'un architecte va dessiner sur sa planche une idée de
base qu'on lui demande tout en ajoutant le brin de génie pour lequel on
le solicite. C'est ce qui s'appelle avoir un nom.
Sonorisation
La diffusion sonore aux Galeries Lafayette est assez
disparâtre car encore une fois, il existe de multiples espaces de tailles
et d'architectures trés différentes. Il est évident que
l'on n'a pas sonorisé la coupole du «main store» de la
même maniére que l'espace Lafayette VO qui est bas de plafond. Il
est donc facile de comprendre ici que la configuration technique du son est
à nouveau trés complexe. Gregory Cauzot m'a d'ailleurs
montré un aperçu des plans techniques de différents
étages à réajuster. Les budgets 2007 étant
bouclés, Gregory Cauzot est en charge de combler les manques de
présence sonore qu'il a remarqué. Par exemple, au rayon des
chaussures pour femmes, il souhaite ajouter des caissons de basses sur tout
l'étage, le devis s'éléve à environ 40 000 euros!
Immédiatement, on comprend que la moindre retouche coüte une
fortune compte-tenu des proportions du magasin.
L'état des lieux que je dresse à ce propos est
correct puisqu'encore une fois, c'est un chantier trés compliqué.
Evidemment j'aimerai encore plus de chaleur et de précision, car dans
certains espaces la musique est vraiment diffusée de façon
grossiére. Le probléme étant que la fréquentation
du magasin est tellement importante en terme de volume qu'elle
génére un bruit de fond insupportable. D'un autre point de vue,
on ne vient pas aux Galeries Lafayette pour écouter de la musique dans
des conditions audiophiles c'est évident !
C'est pourquoi, lorsque je me projéte dans ce que je
veux faire moi, je pense que je m'attaquerai à des lieux plus petits,
plus cosy dans lesquels il y aurait un paysage sonore général
adapté pour diffuser de la musique afin que le travail de programmation
soit légitimement apprécié. Ma volonté absolue
étant de prendre en charge de A à Z un chantier, depuis sa
conception jusqu'à sa construction et être responsable de la
musique qui y sera diffusée. C'est pourquoi je pense qu'il serait bon de
travailler en association avec des bureaux d'études d'architecture. Les
architectes étant à l'origine de projets de construction que ce
soit dans le cadre de magasins, de restaurants ou encore d'hôtels. Il
serait d'ailleurs trés profitable de pouvoir entrer en contact avec des
cabinets prestigieux tels que Peter Marinos Architects et Carbondale (Louis
Vuitton, Champs Elysées), Studio Sofield Inc. (Gucci, Milan), Matteo
Thun (Porsche Design Store, Londres), Massimiliano Fuksas et Doriana O.
Mandrelli (Emporio Armani, Hong Kong), Emmanuelle Duplay (LaBulleKenzo, Paris)
etcÉ Malheureusement toutes ces personnes sont trés
occupées et donc peu accessibles.
Rencontre avec Guiom Huret (Strategic Sound) Samedi 27
janvier 2007 // 23h
Purple Bar, HTMtel Hilton Arc de Triomphe,
Paris
Après six mois de recherche intense je retrouve enfin
la trace de Guiom Huret ! J'avais appris l'existence de cet homme au mois de
juillet 2006 lors d'un mariage célébré à la maison
blanche auquel je me produisais.
La Maison Blanche, vue de l'avenue Montaigne //
Paris
Une dame d'un certain %oge nous avait alors complimenté
(avec Léo Caillard, ancien iiis) à propos de la musique que nous
diffusions en première partie de soirée. Elle avait ressentie
quelque chose d'assez fort pour nous transmettre ces émotions quant
à l'intérêt de la sélection, de la qualité et
surtout du niveau sonore de la musique. Nous lui expliquons alors que
nous sommes DJ résidents du restaurant «GEORGES» au
sixième étage de Beaubourg, ce qui justifie en soit notre
volonté de bien faire les choses.
Terrasse du Georges // Paris
Nous lui exposons ensuite notre intérêt pour le
sound design et elle nous dit que son fils évolu dans ce milieu et
aurait travaillé pour les plus grands (Armani, Vuitton...). Elle prend
donc nos coordonnées et promet de les transmettre à son fils.
Peut-être un mois se passe sans aucune nouvelle malgré une veille
attentive de la boite mail... et un beau midi du mois d'aoüt Guiom Huret
me contacte et se présente sommairement proposant une rencontre
prochaine. Le temps passe encore et nous nous oublions un peu jusqu'à ce
que je finisse par égarer son numéro... J'essai alors de
retrouver sa trace via les mariés de la soirée à la
«Maison Blanche» et j'apprend le nom de la plateforme qu'il a
développé : Strategic Sound. Au même moment, Frederic
Victor Sieuzac, mon directeur de mémoire, me dit qu'il vient justement
d'entrer en contact avec cette société... coincidence !
Un rendez-vous est alors organisé samedi 27 janvier au
bar de l'hôtel Hilton Arc de Triomphe oü nous nous produisons avec
Frederic. Aprés m'être imprégné de l'univers de cet
homme et de sa vision des choses quant à la musique, je vais à sa
rencontre. Il commence trés rapidement à m'exposer sa
démarche actuelle aprés avoir trés succintement
évoqué son travail au sein de diverses majors multinationales aux
Etats-Unis (EMI - New York) puis en France (BMG et SONY). Mais aujourd'hui tout
ca est du passé et ne fait que justifier son désir d'aller plus
loin, de véritablement penser le futur de la consommation de la musique.
Il se dit passionné par la musique mais au-delà de ca, il se pose
de vraies questions quant à l'importance qu'occupe la musique dans la
vie de tous les jours.
Il constate que l'écoute musicale dépasse
véritablement l'aspect loisir tel que pouvait-être classée
la musique avant la révolution dans laquelle nous nous trouvons en ce
moment même. Guiom Huret affirme que d'ici à 2009 il y a tout
à faire. En 2009 les formats de diffusion numérique seront fixes,
la compatibilité entre appareil et plateforme de vente digitale
assurée, une nouvelle logique de consommation de la musique va alors se
mettre en place. Et nous, acteur au sens propre du terme de cette
révolution musicale, quasieindustrielle, puisqu'elle remet en cause
énorméments de notions différentes, comme la
qualité de l'écoute qui se dégrade pour masquer la
pauvreté du mp3, le support de stockage
dématérialisé que représente internet, le support
d'écoute également qui ne se résume désormais plus
qu'à un vulguaire téléphone portable.
3. Application actuelle en situation (constatations et
propositions) 3.2 Georges, Hilton, Maison Blanche...
Ici, je vais exposer une partie plus personnelle dans le sens
oü ces lignes racontent mon expérience grandissante en tant que Dj
dans divers lieux parisiens. Mon activité de dj est à mettre en
étroite corrélation avec le sound design. En effet, le fait de se
produire en direct devant un public, dans un endroit et un contexte
précis induit une notion de sound design.
Tout d'abord, je désirerai expliquer les
«différents mondes» du djing. Normalement, la tâche d'un
Dj renommé qui mixe à travers les clubs du monde entier est la
suivante : faire venir du monde avec son nom et satisfaire l'attente des
«fans». A partir de là, le Dj se rend dans l'endroit dans
lequel il est booké, puis il joue la musique pour laquelle il est
reconnu sans réellement se soucier de l'environnement qui l'entoure.
D'ailleurs ce n'est, à priori pas ce que l'on lui demande puisque si on
le fait se déplacer c'est pour avoir ici ce qu'il fait ailleurs. On est
alors dans une logique assez fermée. Maintenant si vous prenez un Dj de
restaurants et bars dit «lounge», sa démarche est tout
à fait différente. Il sait que l'on fait appel à lui parce
qu'il a fait plus ou moins ses preuves ailleurs, et qu'il sait aussi que ses
preuves sont basées sur d'autres critéres que d'attirer du monde
uniquement avec son nom et de les faire danser.
Le fait est que dans ce milieu, aucun Dj n'a
véritablement de «nom». Seuls peut-être, Stéphane
Pompougnac, Dj à l'origine de la renommée mondiale des
compilations COSTES, vendues à des millions exemplaires aujourd'hui (9
volumes sortis) et Michael Canitrot, Dj de la «Mezzanine de
l'Alcazar» qui a lui aussi vendu des centaines de milliers de compilations
(5 volumes sortis). A l'heure actuelle, ces «noms» ne se produisent
quasiment plus dans les lieux qui ont fait leur réputation, un comble !
Ils sont trop occupés à voyager pour répondre aux demandes
de bookings extérieurs, déclenchés par la vente de leur
CD.
Revenons donc aux autres Dj, ceux qui attendent encore - ou
pas -, leur heure de gloire. Que font-ils pour être invités
à mixer toutes les semaines, voir tous les jours, si ils ne font pas
danser les gens ?? Et bien, leur art repose justement sur cette notion
d'adaptation qu'est le sound design. Cette situation est la mienne. J'ai eu la
grande opportunité de jouer dans l'un des trois meilleurs restaurants
Costes, à savoir le «Georges». Il est intéressant de
comprendre ce que cet endroit à déclencher en moi. A la base je
n'étais pas plus penché que ca sur le sound design, j'aspirai
même plus à me produire en «club», là oü les
gens dansent. Il a alors bel et bien fallut une rencontre forte pour que je
prenne conscience du travail à fournir dans ce type d'endroits.
Cette rencontre c'est le «Georges». J'ai
faconné ma programmation musicale au fur et à mesure de mes
dates, et aujourd'hui encore. Un lieu pareil ne s'appréhende pas en une
visite, il faut le regarder de prés, le vivre, comprendre son rhythme,
ses acteurs.
Si l'on commence à parler de musique, nous entrons dans
un territoire vierge qu'il s'agit d'appréhender délicatement et
de maniére plus ou moins raisonnée. La notion de programmation
musicale, de «mix» ou encore de «set» fait intervenir
à la fois des qualités d'écoute, de concentration, de
culture et bien sur, de temps. Evidemment plus les jours passent et plus ces
facteurs deviennent complexes. Je ne me suis pas amusé à compter
le nombre d'heures passées les oreilles rivées sur un casque
à découvrir, déchiffrer, triturer la musique, mais tout ce
temps commence à devenir assez important et d'ailleurs il paye puisque
je me produis maintenant presque toutes les semaines.
Je me retrouve ainsi dans un espéce de cercle vicieux
du plaisir de la musique qui me pousse à plus forte raison
d'écouter encore et toujours plus de choses, car un DJ doit aussi se
renouveler pour rester dans la course.
Pour décrire un peu ce mode de vie, je pourrais vous
faire part de mon angoisse avant chaque date qui frole parfois la
parano ·a, en me demandant si j'ai assez de disques, assez de musique
fraichement débusquée avec moi ? Si je vous laissais jeter un
oeil dans mon sac, je pense que vous me feriez immédiatement interner,
puisque j'ai de quoi jouer non-stop durant une semaine entiére si je
voulais ! Mais le fait est que je n'ai que 4 heures à tenir et ces 4
heures doivent être à la hauteur du lieu dans lequel je me
produis, des personnes pour lesquelles je travaille et enfin pour ma
réputation même. Et c'est d'autant plus dur qu'un set de 4 heures
signifie une progression certaine de l'état général du
lieu, des personnes qui m'écoutent et de moi même.
En général, je suis plutôt bon dans la
première heure et demie suivant mon arrivée car j'ai l'esprit
clair, les idées fixes, bref je me sens bien ! J'arrive alors à
créer une véritable atmosphere en mélangeant uniquement
mes derniéres trouvailles comme pour rafraichir un peu ma
sélection. Je fais alors évoluer la musique d'une
proximité extrême, trés intime, chaleureuse à
quelque chose de plus aéré, prenant plus d'ampleur. Ensuite je me
repose un peu en jouant des choses qui sortent un peu de la logique du set et
qui correspondent plus ou moins aux attentes du lieu, même si cela est
trés cliché disons que je prend moins de risque comme pour me
racheter de ma première partie un peu moins facile d'accés.
Pendant une demie-heure je change un peu la tendance comme si l'on entrait dans
une nouvelle piece, dans une nouvelle ville, dans un nouveau pays ou bien dans
un nouveau chapitre de roman, puisque c'est bien une histoire que l'on raconte
à travers la musique, cette notion trés chére à
Laurent Garnier, meilleur DJ du monde pour certains en tout cas reconnu comme
l'initiateur des musiques électroniques depuis 20 ans.
«La musique serait une facon de raconter une
histoire autrement que par des mots.»45
Perceptions
Une des valeurs fondamentale de la musique est le partage et
l'échange. En tant que DJ, je dirai que c'est l'une des raisons
premières de notre activité et à plus forte raison, en ce
qui me concerne. Si je me tracasse autant, si je suis aussi consciencieu c'est
d'abord parce que j'ai envie de faire plaisir aux gens qui sont contraint de
m'écouter - en tout cas pour l'instant car je ne peux pas vraiment me
vanter d'avoir un fan club prêt à se déplacer à
chacun de mes sets! - Les conditions dans lesquelles je me produis la plupart
du temps sont trés particuliéres. En effet, nous ne sommes pas
dans une situation oü les gens viennent écouter de la musique mais
bel et bien celle oü des personnes viennent d»ner ou prendre un verre
dans un bel endroit. Bien sur ils se doutent qu'il y aura de la musique, mais
quelle musiqueÉ?
Il y a donc dans ce contexte une part importante de
réflexion quant au rTMle que l'on a, au milieu de tout ca. Trés
vite des complexes peuvent apparaitre. Complexes d'infériorité
par rapport au prestige du lieu, aux gens qui le fréquente, bref vais-je
être à la hauteur musicalement ?
Pour y répondre, je vais relater plusieurs histoires,
commentaires, compliments... commencons par celle qui me tient le plus à
coeur. Cet été, un américain de la Nouvelle-Orléans
d'un certain %oge vient me voir une aprésmidi ou il faisait
particuliérement beau. Il a l'air plutTMt content de Paris, du
«Georges» et de l'ambiance que j'ai créée. Je lui
demande d'oü est-ce qu'il vient et il me raconte un peu son histoire d'un
ton à la fois enjoué et ironique. Il est en fait professeur dans
une université de la Nouvelle-Orléans, sa maison a
été détruite par Katrina, en compensation, l'Etat
Américain lui a offert un an de salaire. Il est donc à Paris pour
un tour d'Europe qu'il s'est offert aprés la catastrophe. On parle un
peu musique locale, et je sens qu'il a trés envie de me faire
conna»tre un groupe d'amis musiciens à lui dont j'ai oublié
le nom. A sa grande surprise j'accepte et branche son ipod. C'est un big band
assez festif. Sa musique se propage alors dans le restaurant et sur la
terrasse, il réalise et est ravi : «Si je leur dit oü est-ce
que leur musique est passée à Paris ils ne me croiront pas
!», me confie-t-il.
3. Application actuelle en situation (constatations et
propositions)
3.3 Acoustique des lieux
L'univers sonore se définit dans le cadre
général d'une trilogie permanente.46
Cette trilogie associe en un ensemble inésaparable : un
émetteur, un milieu de transfert, un récepteur.
Le rTMle de l'émetteur est d'organiser un message
codé dans des termes qui lui appartiennent en propre (fréquence,
intensité, séquence) avant de l'émettre dnas le milieu de
transfert.
Le rTMle du milieu de transfert est d'accueillir ce message et de
la transporter sans en conna»tre a priori le destinataire.
Le rTMle du récepteur est de capter le message (souvent
mélangé à beaucoup d'autres), de l'extraire des messages
indésirables par un filtrage et de se l'approprier.
Comme le milieu de transfert est ouvert à toute
sollicitation, il porte une quantité de codes dont il n'a pas à
assurer la mise en cohérence ni à se soucier de leur sens. De
plus il fonctionne à «guichets ouverts» oü les
récepteurs viennent chercher les messages qui les concernent.
Tous les codes d'acoustique sont liés au degré
d'organisation de l'émetteur et du récepteur. L'émetteur
peut être passif ou actif, suivant sa capacité à organiser
son code au premier degré de décision. De même le
récepteur a la possibilité de recevoir le message qui lui est
destiné en l'acceptant sans nuance ou portant sur lui un jugement de
valeur qui le raméne vers l'émetteur.
L'émetteur émet donc un code dans un notation
fréquentielle donnée. Si le milieu de transfert est capable de le
porter, ce code peut se présenter devant plusieurs récepteurs.
Certains ne sont pas intéressés par cet envoi et ne
réagissent pas. D'autres vont s'approprier tout ou partie du code selon
leur pouvoir discriminant : tous les milieux parcoururs par une onde font du
«tri sélectif» acoustique.
Dans l'exemple d'un espace clos, il y a appropriation du code
sur ses fréquences spatiales propres, aux conditions imposées par
la nature de son isolement (autre milieu de transfert : autre filtre), il y a
alors maintient éventuel de ce code aux conditions de
stationnarité imposées par la jonction des modes spatiaux et
pariétaux du volume clos.
46 Marcel Val Acoustique architecturale, Dunod, 2002
52
La mise en harmonie de ces deux types de
géométries, celle de l'onde et celle du milieu de propagation,
s'appelle résonance. Une disharmonie entra»ne une opposition entre
ces géométries et a tendance à annuler leur
énergie : c'est l'anti-résonance.
Un seul élément codé peut atteindre
plusieurs cibles à la fois. Le lien de parenté entre un
émetteur, un milieu de transfert et un récepteur tient dans leurs
communes particularités : les fréquences. Tous les
éléments de structure qui nous entourent dans notre vie
quotidienne ont une vie acoustique latente. Cette vie acoustique se manifeste
des qu'il existe une possibilité de rencontre entre deux
fréquences de la même famille, l'une appartenant à la
source provocante, l'autre appartenant à l'élément
provoqué.
Fréquence et résonance
La perception de la fréquence et la notion qu'on peut
en avoir sont résumées en général sous l'appelation
de son ou de bruit. Celui-ci est chargé de porter globalement à
l'attention de chacun l'existence d'une manifestation sonore ou vibratoire dont
l'origine et le sens peuvent avoir un intérêt. Un jugement de
valeur suit cette phase et l'on estime le son ou le bruit de nature musicale,
désagréable, harmonieuse, faible, forte, stridente, etc.
La propagation naturelle du son dans l'espace est
modifiées par la présence d'obstacles construits qui imposent des
conditions à la forme de l'onde et ses limites. Celle-ci, qui traduit
dans l'espace la géométrie de la fréquence, va devoir se
conformer à d'autres géométries.
Les sons complexes (la musique par exemple), passent
nécessairement par des réseaux stationnaires quand ils sont
enclos dans un espace. Si un son comple émis dans une salle trouve une
correspondance modale spatiale, il le signale par des
«résonances».
Le son doit parfois quitter un milieu pour entrer dans un
autre : l'impédance de chacun des milieux concernés (ou leur
résistance) régle cet échange au cours duquel un
élément de la plus haute importance appara»t : la phase. La
phase régle la rencontre d'une onde avec n'importe qu'elle autre. Ainsi,
la mise en vis-à-vis de deux milieux d'impédance trés
éloignée l'une de l'autre (le béton et l'air, par exemple)
va être à l'origine de réseaux stationnaires bien
marqués. A la coupure de la source excitatrice, la durée de
décharge de l'énergie présente dans ces réseaux est
plus ou moins longue : on voit alors appara»tre le temps sous une autre
forme, continue et non périodique : c'est le temps de
réverbération.
Théoriquement une surface totalement
réfléchissante «renvoie» un niveau sonore
supérieur au niveau sonore incident, pour une fréquence pure.
(Si Pi la pression incidente est égale à
Pr la pression réfléchie, la pression totale Pt
sera égale à Pi + Pr. D'oü Pt =
2Pi donc Pt + 20 x (log2) = Pt + 6dB)
D'aprés cette équation, la membrane renverra
tout niveau sonore incident majoré «seulement» de 2 à 3
décibels pour des sons complexes (voix, musiqueÉ). Mais elle peut
restituer un niveau sonore réfléchi majoré de 5 à 6
décibels chaque fois qu'un son de fréquence pure lui parvient
(sons musicaux isolés et accords sur modes).
Cette capacité à renvoyer dans l'espace
d'oü ils viennent les niveaux sonores incidents «regarnis» d'une
énergie sonore pouvant atteindre 3 à 6 décibels devient
indispensable pour créer les conditions d'une acoustique
«claire» (taux de compréhension de tout message, en tout
point, égal ou supérieur à 95%).
Un espace clos, dans lequel le temps de
réverbération Trm atteint des valeurs trés basses
(inférieur ou égal à 0,5»), risque de devenir
«sourd» par excés d'absorption quand il est traité avec
un systéme absorbant couvrant tout le spectre fréquentiel.
D'oü l'intérêt des panneaux
absorbants/diffusants qui d'abord prêtent main forte à
l'absorption des fréquences basses (toujours difficiles à
ma»triser) et libérent ensuite le «spectre utile» des
fréquences moyennes et aigu`s. Des lors ils deviennent capables, par
leur membrane, d'agir avec la qualité de directivité
propre à la diffusion sans la confusion à la
réverbération.
Conception et correction d'acoustique
Il est rare qu'un projet d'acoustique soit
entiérement concu sur la base des calculs et des modélisations
qui s'imposent pour le bâtir et qui permettent d'en garder la
ma»trise permanente jusqu'à son point d'aboutissement.
Il est courant d'aborder un projet de lieu de musique
en état d'élaboration avancé (voire même en phase de
construction) et de devoir imposer en cours de route les contraintes
inhérentes à la finalité même de l'ouvrage.
Contraintes qui, ensuite, sont plus ou moins bien intégrées ou
même comprises.
Il est habituel de faire face à des situations
de fait c'est-à-dire figées dans une fonction et un usage
précis auxquelles on désire ajouter d'autres fonctions et
d'autres usages qui appartiennent à l'expression de la musique ou
à des activités qui demandent des qualités
spécifiques à l'acoustique (isolement, absorption, protection aux
vibrations, etc.)
Dans ce cas il est indispensable de prendre possession des
lieux par des séries de mesures et de sondages du bâti existant
pour établir un diagnostic des choses en l'état aussi
précis que possible. Ce à fin d'indiquer les limites de
l'intervention et donc des résultats espérés compte tenu
des hérédités diverses appartenant à l'ouvrage
à aménager. Il existe des états antérieurs qui
restent immuables quoiqu'on fasse.
S'il est toujours possible d'apporter dans un espace clos des
modifications sensibles à l'aide de produits ou de systémes
absorbants, il est utile de se demander si l'on doit changer le comportement
acoustique d'un espace ou suggérer aux utilisateurs de cet espace de
modifier l'exploitation qu'ils comptent en faire. Dans notre cas, il est
délicat de poser ce genre d'interrogation puisque nous somme clairement
dans un lieu qui ne se prête à priori pas à la musique
puisque c'est un restaurant, un hTMtel, un concept-store... toutefois, il y a
quand même des possibilités d'optimisation de ces espaces pour y
diffuser de la musique. On en vient donc à une précaution
esthétique : l'espace choisi convient-il au programme proposé
?
Une autre précaution préalable, d'harmonie,
s'impose aussi : un espace clos majestueux demande de lui-même
l'équilibre de l'oeil et de l'oreille. La réverbération
naturelle des lieux doit pouvoir apporter à l'ou ·e la
même sensation d'espace quà la vue.
Aménagement d'un lieu d'écoute
On a tendance à compliquer une situation, trés
simple en soi, qui consiste à assurer la propagation d'un signal sonore
issu d'un point d'un espace clos pour qu'il atteigne tout autre point de ce
même espace sans perdre de sa substance (intégrité
énergétique) et de son sens (intégrité
spectrale).
L'air occlu dans cet espace est le vecteur porteur du signal.
Les limites qui le circonscrivent lui retirent sa neutralité habituelle
par l'ajout de résonances diverses ou par la manifestation d'une sorte
d'inhibition créée par la mise en situation fréquente de
matériaux absorbants de bonne qualité certes mais de
quantité surabondante.
Le premier soucis de l'acousticien est de réduire la
réverbération naturelle de l'espace clos en retirant tout ou
partie du contact que l'air entretient en permanence avec ses limites.
Si l'on devait décrire le lieu de musique
«idéal» on commencerait par tracer, sur la coupe longitudinale
du projet, une parabole pour profiler correctement le plafond. Cette vaste
paroi libre représente la piecce ma»tresse dans l'ensemble
des dispositifs prévus pour une bonne écoute. A une condition :
que cette parabole parte du lieu d'émission et atteigne le point
d'écoute le plus éloigné sans interruption et que lui
soient associées des parois verticales de qualités diffusantes au
moins égales.
On part en général d'un volume de forme
rectangle dont les rapports dimensionnels sont environ les suivants : longueur
Lx, largeur Ly = 0,8 à 1 Lx et hauteur
maximum Lz = moitié de la largeur Ly.
Le premier problème consiste à
régler la réverbération naturelle du lieu.
Le deuxième problème consiste à
régler la diffusion. Elle doit être comprise non comme un
rapport réverbérant particulier mais comme un système de
réémission local sur une bande de fréquences
privilégiées (400 à 8 000 Hz).
Pour mettre en place ces solutions, le travail se partage
entre l'acousticien et l'architecte. L'acousticien va imposer un dispositif
d'absorbeurs (ou de résonateurs, parfois) dont le volume doit faire
partie intégrante de l'ouvrage.
Il y a quelquefois des situations de conflit entre le projet
d'architecture et les propositions apportées pour résoudre des
problémes d'acoustique inhérents à la conception ou
à la réalisation de ce projet. La mise en situation des
principaux systémes absorbants demande un travail de synergie
préalable associant l'architecte et l'acousticien.
Le secteur qui pose véritablement problème est
celui de la correction acoustique. Car il fait appel en général
à des solutions rapportées, visibles et peut-être
envahissantes, qui se tiennent à distance de l'ouvrage et offrent
souvent un degré d'intégration nul.
Voici quelques exemples :
Applications : le projet d'architecture et la correction
acoustique
Il est vivement recommandé de faire au préalable
à tout projet d'architecture une liste aussi détaillée que
possible des moyens nécessaires à la réduction des temps
de réverbération d'un espace clos. Il est particulièrement
navrant de se trouver devant la situation suivante : à la
réception d'un ouvrage on
demande la mise en oeuvre de corrections acoustiques
«oubliées». Que de belles architectures camouflées par
quelques faux plafond, efficace certes, mais rarement intégrable.
Il faut bien se dire que choisir une paroi c'est choisir une
voix qui ne manquera pas de se manifester à la première
sollicitation fréquentielle. Il est des voix très sonores et
très indiscrètes !
Les quelques exemples qui vont suivre ont donné lieu
à des réalisations. Ils n'ont que la prétention d'ouvrir
une porte sur les possibilités infinies de création. C'est
à l'architecture d'inventer et de réinventer les formes dont se
pare l'acoustique et non l'inverse.
Rencontre avec Thomas TOULEMONDE (Impedance) Lundi
14.03.2007 // 20h
Montparnasse
Thomas TOULEMONDE est ingénieur chef de projet dans la
société Impédance, qui est spécialisée dans
l'acoustique. L'objet de cette rencontre était d'en apprendre un peu
plus sur la relation entre un acousticien et un architecte. Comment
travaillent-ils ensemble ? Comment l'acousticien trouve t-il sa place sur un
chantier ? Quel est son droit de regard sur le projet global ?
Avant cela, on peut déjà se poser la question de
savoir comment et pourquoi l'on fait appel à un acousticien. Un cabinet
spécialisé répond à la demande du maître
d'oeuvre qui doit intégrer de maniére plus ou moins
conséquente le travail du traitement acoustique d'un lieu, en ce qui
concerne le bâtiment. Nous n'évoquerons pas les autres domaines
d'application liés à l'acoustique comme les machines,
l'environnement ou l'industrie. Nous ne parlerons également pas des
bâtiments du type logement car ici, on applique des recettes
quasi-systématiquement, par conséquent ce genre de travaux n'est
pas trés intéressant sur le plan du défi technique
à réaliser.
En revanche lorsque Thomas TOULEMONDE me parle du travail que
l'agence Impédance à réaliser au Flagship Louis Vuitton,
il en parle avec passion ! Thomas est intervenu sur deux types de projets au
sein du magasin, le traitement acoustique de l'Atrium, espace unique
dédié aux malles qui ont fait la réputation de Vuitton et
l'ascenceur Ç Your Loss of Senses È, oeuvre signée Olafur
Eliasson éliminant tout stimulus sonore et lumineux.
Le défi de l'Atrium consistait à élaborer
une acoustique se prêtant à la diffusion d'une composition de
percussions aléatoires (élaborée par Guiom Huret), tout en
paliant aux problémes liés à l'architecture
particuliére. L'Atrium est en fait un puit de lumiére de 25
metres de haut débouchant sur une petite piece en demi-cercle. Le
«puit» est constitué de centaines de tiges d'aluminium
trés esthétique mais pouvant causer certains
phénoménes de réflexion peu appréciables.
Impédance a de plus élaboré des mini-caisses de
résonnances recouvertes par des toiles peintes, doublées de laine
de verre pour amortir ces résonances. Une entreprise périlleuse
et complexe pour un résultat stupéfiant qui à
l'écoute provoque des réactions inattendues chez le
visiteur/auditeur qui n'arrive pas à distinguer l'origine de ces
stimulis semblant «tomber» du ciel véritablement. Le second
travail avec l'ascenceur Ç Your Loss of Senses È d'Olafur
Eliasson, était d'isoler complétement l'environnement
sonore extérieur tout en respectant les multiples
règlementations de sécurité des ascenceurs.
Là encore, le résultat est impressionnant, on
pénètre dans cette pièce exigu` et on ressent
instantanément un grand confort de quiétude de part l'aspect
contonneu des matières nous entourant, y compris sous les pieds.
Plongés dans le noir, la montée peut devenir rapidement
engoissante mais l'esprit n'étant pas distrait, perturbé ou
inquiété par des sons externes, on passe un moment
étrangement agréable.
Tout cela pour montrer à quel point le métier
d'acousticien est passionnant et nécessite des connaissances
complètes et variées dans le domaine du bâtiment mais
également dans celui du son et des sciences. Le facteur humain est
également primordial dans la mesure ou l'on obtient ce que l'on
désire faire, uniquement en imposant son point de vue, parfois de
manière assez brutale, notamment lorsque le maître d'oeuvre ne
veut pas entendre les recommandations élaborées. Problème
rare mais existant auquel s'est retrouvé confronté plusieurs fois
Thomas TOULEMONDE. Dans ce cas, il est obligé de faire signer une
attestation le dégageant de toute responsabilité quant au
résultat final de l'acoustique. Evidemment, une fois le lieu
inauguré, les problèmes liés à l'acoustique
ressurgisse vite et on doit alors travailler en s'adaptant fortement aux
contraintes du chantier entamé.
Pour revenir à des magasins toujours haut de gamme,
mais moins conventionnels, l'acoustique est bien moins élaborée
dans la mesure ou aucun problème majeur n'est engendré par des
avancées aussi poussées en matière de design. Dans la
majorité des cas, l'acoustique est plutôt standard voire mauvaise
puisque traitée selon le minimum acceptable. Encore une fois, les
concept store, restaurants et autres hôtels, ne sont pas implicitement
des lieux se prêtant à la diffusion de musique. Le fait est qu'on
en trouve pourtant dans tous ces endroits précis ! Je pense donc qu'il
est primordial de penser l'acoustique d'un lieu haut de gamme quel qu'il soit,
à partir du moment oü de la musique va s'y propagée. Encore
faut-il bien sur que la sonorisation soit digne de ce nom et qu'encore plus
loin, le contenu soit intéressant. A défaut, la
problématique globale de l'éthique musicale et technique du
milieu haut de gamme ne sera respectée.
Dans l'absolu, en tant que sound designer, il faudrait avoir
un regard entier sur la conception même du lieu. Un créateur
d'atmosphère sonore ne peut se permettre d'arriver en dernier lieu,
parce que l'on avait oublié de penser à la musique. Comme bien
trop souvent, cette dimension est négligée et donc
bâclée alors qu'elle est essentielle à la perception
globale de l'image de marque d'une signature.
fait que les orateurs, comédiens ou e
Depuis, l'acoustique est devenue une pratique beaucoup plus
complexe, faconnée par des mathématiciens, physiciens,
informaticien et ingénieurs du son. En ce qui me concerne, j'aimerai
exposer ici une problèmatique appliquée à la musique et sa
diffusion d'un point de vue tout à fait pragmatique et moins
scientifique, de l'ordre du ressenti et moins de la théorie
rébarbative. L'idée étant de se mettre à la
place d'un client se rendant dans un restaurant, magasin ou hTMtel haut de
gamme ceci afin de relier cette réflexion avec le sujet de mon
mémoire à savoir Ç le sound design musical de lieux
publics haut de gamme È.
47 Decibel Consultants INC.
en toute place de l'amphithéâtre sans bien
évidemment avoir recours à un quelconque moyen de diffusion
électrifié. Pour résoudre ce problème, les
ingénieurs imaginèrent des vases disposés sous les gradins
posés à l'horizontal rempli d'un volume d'eau plus ou moins
important créant de véritables enceintes acoustiques, au sens
propre du terme.
Ç Différents paramètres tels que
le niveau de bruit ambiant (NC), l'index d'intelligibilité de la parole
(STI et RASTI), la définition (D 50), la réverbération
(RT) permettent de quantifier ces exigences. L'atteinte de ces objectifs peut
être assurée par un choix judicieux de matériaux de
construction et de matériaux acoustiques sélectionnés en
fonction du type de salle et de l'utilisation qui en est faite
»47
Quand on vient à parler d'acoustique, il est bon de se
rappeler que cette science est vieille de IV siècle avant J.C. Le
théâtre d'Epidaure étant l'une des premières
réalisation en la matière. En construisant les premières
Ç salles de spectacles È antiques, les architectes de
l'époque prenaient déjà en compte la notion d'acoustique.
Leur problème à l'époque résidait dans le
Lorsque l'on concoit un bâtiment, la qualité
acoustique est l'un des critères les plus importants pour des
logements, mais en ce qui concerne des établissement moins portés
sur la question, comme un concept store par exemple, cette phase de
développement est effectuée avec moins d'attention. Pourtant les
espaces de vente sont des endroits stratégiques pour les marques et leur
clients, c'est l'endroit même ou ils commercent, il me semble donc
important que le consommateur se sente bien et cela passe par la conception
d'une acoustique particulière.
Notions basiques
ncore musiciens devaient être entendu
Voilà comment, moi j'aborde la question de l'acoustique
des lieux :
Etat des lieux
Partant d'un constat rapide en visitant les magasins de mode
du quartier de Saint-Germain-Des-Prés à Paris, je m'apercois que
l'acoustique de ces lieux ne se prête pas à la diffusion de
musique amplifiée. La diffusion aurait pu rattraper ce défaut, ou
tout du moins le prendre en compte, mais malgré le certain
positionnement haut de gamme prétendu de ces points de vente, la musique
passe clairement au second plan avec un mode de diffusion médiocre. Quel
dommage !! Je suis pourtant pertinemment convaincu que la qualité de
diffusion de la musique (et je ne parle même pas de son contenu), est une
composante essentielle dans la maniére dont le client percoit la
marque. Partant du principe que la communication d'une entité
commerciale passe par l'image, le texte et le son, pourquoi une marque de luxe
investirait des milliers d'euros dans une prise de vue photographique et si peu
dans le son ? Si l'on comparait l'investissement d'une marque dans l'image par
rapport au son, c'est un peu comme si elle faisait ses shootings de
présentation de produits avec un vulguaire appareil photo jetable
manipulé par une secrétaire qui passait par là !
Propositions
Ainsi je pense qu'il y a un réel travail de
sensibilisation à faire auprés des marques dites Ç haut de
gamme È quant à cet aspect de leur communication. Il suffirait
simplement d'intégrer une cellule spécialisée en
acoustique musicale et architecturale qui travaillerait avec des concepteurs
d'atmosphéres et d'ambiances qui auront été
réfléchies, pensées, étudiées pour la marque
en fonction de son crédo, de sa philosophie et de ses clients. De telle
sorte que lorsque le client pénétre dans un des points de ventes,
il sente une réelle différence en terme d'environnement sonore
qui rompt nettement avec l'ambiance habituelle. Seulement alors, on pourra
parler de véritable confort auditif propice à
l'établissement d'une certaine sérénité, de bien
être et de détente chez le client suggérant un meilleur
potentiel d'envie d'achat.
Evidemment cette étude serait plus ou moins approfondie
en fonction du prestige de la marque, de son budget et de l'importance qu'elle
veut bien y accorder ! On peut imaginer aller d'un simple consulting jusqu'au
développement d'un concept trés abouti pour un magasin unique.
Exemple : le flagship de Louis Vuitton sur les Champs Elysées. Un espace
hors norme a été créé au sein même du magasin
dénommé Ç Atrium È. Il s'agit d'un puit de
lumiére de 25 metres de haut composé de 1900 tiges d'inox poli se
reflétant dans un mur miroir évoquant un onirisme certain. Dans
cet endroit il est clair que l'on ne va pas bêtement disposer deux
enceintes et diffuser une musique Ç lounge È insipide qui ne
différencierait alors en rien cet espace d'un autre. C'est pourquoi
Guillaume Huret a développé via sa société
Strategic Sound une véritable bande sonore unique, à
base de bruitages acousmatiques aléatoires travaillant sur les silences
et les temps de pause. Le visiteur est alors subjugué par une telle
installation qui évoque pratiquement une Ïuvre de musée
d'art contemporain. Evidemment il s'agit là d'une intégration
quasiultime, mais la démarche est trés intéressante.
Une réflexion profonde est à envisager
également sur l'intégration des supports de diffusion dans les
points de ventes haut de gamme. La problématique est pourtant simple en
apparence : quelles enceintes ? combien d'enceintes ? A quel endroit ? L'un des
premiers barrages à ce travail d'intégration est le lieu en
lui-même. En effet, on doit souvent faire façe à des
endroits trés singuliers parfois protégés patrimoine
historique ou alors trés fragile car d'une architecture trés
travaillée. Dans ce cas, il est trés délicat d'intervenir,
c'est d'ailleurs pour cela que dans ces endroits la diffusion sonore est
souvent mauvaise.
Sans aller jusque là, je vais prendre l'exemple du
Purple Bar, le bar de l'hôtel Hilton Arc de Triomphe ou je me produis
réguliérement en tant que DJ. La première chose est que la
diffusion fixe existante est insuffisante pour une prestation live, il s'agit
d'enceintes encastrées de type 100 volts. Alors pour les soirs ou il y a
un dj, la direction a décidé de louer un systéme de
diffusion L.U.C.A.S HK Audio pas dutout adapté à l'usage
d'écoute de musique dans un lieu cosy. La puissance disponible
étant 100 fois trop importante pour ce type de soirée, le
résultat est un son trés mal réparti car la diffusion ne
se fait qu'en façade alors que le bar est tout en longueur (!) de plus,
il y a un excés de basses fréquences désagréables
pour les clients qui sont simplement venus boire un verre et pas danser
jusqu'au bout de la nuit la tête martelée par un caisson de basse.
Le second probléme est que l'on ne peut pas trouver de compromis dans la
mesure ou les murs n'appartiennent pas à l'hôtel donc toute
intervention de pose d'enceintes plus élaborée est proscrite.
Voilà le genre d'inconvénient auquel on est confronté en
travaillant avec des lieux prestigieux.
Pour revenir à la conception même d'espace
acoustique, disons que dans le cas d'une marque qui communique sur des tons
chaleureux, sombres et envoutants, on pourrait penser l'acoustique de leur
espace de vente comme celle d'un studio d'enregistrement, c'est-à-dire
complétement mat et trés peu réverbérante. En
pénétrant dans le magasin et une fois la porte refermée,
on se sentirait alors dans un cocon ou il fait bon vivre, dans un environnement
à part dans lequel on oublierait ce qu'il se passe dehorsÉ dans
ce cas précis l'acoustique serait loin d'être anodine et pourrait
réellement servir le lieu en traduisant un univers propre et
caractéristique appliqué à un esprit spécifique. Il
suffirait ensuite d'intégrer un systéme d'enceintes de
qualité quasi-studio pour pousser jusqu'au bout cette expérience
sonore. Un gros travail est alors à effectuer en collaboration avec les
architectes et décorateurs pour faire cohabiter tous ces esprits
novateurs !
Relativisons
Après avoir évoqué les quelques
idées du travail réalisable sur l'acoustique des lieux de
commerce, il est important de relativiser mon point de vue par rapport à
l'activité première des hôteliers, restaurateurs ou
magasins de mode. Il est certain que mes convictions restent assez personnelles
et ne posent aucunement problème à la majorité des
clients, cependant je suis intimement persuadé que lorsque l'on est dans
l'univers du luxe et du haut de gamme, ces notions peuvent trouver leur place
car elles sont développées dans un esprit de confort pour le
client. Si il y a bien une clientèle difficile à séduire
et à surprendre c'est bien celle de ce domaine là, or le
traitement de l'acoustique du point de vente entre dans les même
composantes de séduction que le travail des lumières ou de la
décoration. La limite de cette philosophie étant qu'en France, on
se heurtre à un problème de culture fondamental qui n'accorde
qu'une place infime à l'oreille et à l'écoute.
4. Création et développement d'un outil de
Sound Design musical
4.1 Plat du Jour
4.1.1 Quésako ?
Communiqué de presse : agenda culturel, clubbing
Plat du jour | Atelier de création
sensoriel 2007 | Nuitée
Ç Un repas est réussi quand on en sort avec l'envie
de baiser(s). È
Jean-Pierre COFFE
La sensation actuelle pour noctambules gourmets s'apostrophe
PLAT DU JOUR.
Derrière cette appellation franchouillarde,
PLAT DU JOUR est un atelier de création
dédié à l'Entertainment digital (contenus et services de
l'univers digital et des nouveaux médias actuels et à venir ).
L'atelier rassemble les futurs ténors des disciplines
suivantes : SON - IMAGES - VIDEO , soit une expertise dans l'habillage et le
design sonore (partenariat avec
www.strategicsound.com),
voyage vidéo, exploration visuelle photo/graphique, créateur
d'ambiance et ultime solution festive.
Mission récurrente : une approche innovante des
territoires banalisés, une capacité à surprendre, une
justesse et une originalité dans les sons et les musiques
sélectionnées.
Résultat : le bouche à oreille sur leur
réputation et leurs apparitions commencent à faire disjoncter les
compteurs Myspace et autres réseaux viraux.
Basé à Paris, PLAT DU JOUR doit
son efficacité à des résolutions aussi nobles qu'un grand
cru millésimé : distinction et caractère, grand sens du
décoinçage, épicurisme et altruisme.
Au menu :
~ Julien Plaisir, le plat de
résistance, invité spécial : DJ producteur, musicien,
militant depuis 15 ans en France et à l'étranger, offre une
avalanche de grooves particulièrement couillus. Ce pionnier de la tek
assouvira nos envies d'électro, de rock, de minimal et de pop
suédoise : aussi stupide que jouissif, pour public averti.
~ Fred Viktor dit l'OMNI (M pour musical), DJ
producteur nourri à la pop, au rock, au hip
hop et à l'électro, propose un mix
élaboré façon expérimentation gastronomique.
~ Tim Tonic, mélomane, DJ résident
des palaces parisiens (Costes, Hilton, Alcazar), en
charge d'un warm up soulfull, classieux, chaleureux et
entra»nant.
~ Pasolini's my home-boy, room designer,
photographe cinéphile obsédé par l'image, vidéo Jay
à l'humour onirique et captivant, espoir de sa catégorie.
Soutenu par la profession Entertainment séduite par
autant de spontanéité et de savoir-faire, PLAT DU
JOUR sera servi en France, à commencer par Bordeaux, ville
d'accueil résolument gourmande. Tous à table !
Lancement du collectif global Plat du jour:
printemps 2007. A suivreÉ
4. Création et développement d'un outil de Sound
Design musical
4.1 Plat du Jour
4.1.2 Fred Viktor
Inconnu de la sphere professionnelle il y a encore peu, ce
jeune homme (2? ans) diplômé en économie, s'est fait
remarquer et adopter en l'espace de 9 mois par l'avant garde parisienne
(restaurants KONG BAR (designé par P. Stark), puis COSTES, puis
hôtel HILTON International) qui l'a remarquée pour son approche
différenciante et particuliére de l'univers du son et de la
musique.
Alors que son originalité commence a marquer les
esprits et forcer l'admiration de ses pairs, FREDVIKTOR reste low profile et
trés concentré sur le contenu de ses sets.
Loin des simples "passeurs de disques", wannabe DJ, poseurs et
suiveurs, diffusant ca et là de la musique interchangeable et
branchée, FREDVIKTOR navigue dans un univers trés personnel et se
définit plutôt comme "alchimiste musical" plutôt que DJ,
d'oü l'expression "MixMaster" qu'il utilise pour définir son
métier. Il innove et construit un univers sonore facon bootleg
(chaque morceau étant composé de plusieurs extraits d'autres
morceaux); technique qui requiert une connaissance encyclopédique de la
musique, une vision 3D de chaque titre et une dextérité forcant
l'admiration devant cette alchimie savante et complexes des sons.
Nommé Music Manager du Hilton Arc De Triomphe
Paris, l'hôtel flagship du groupe Hilton en Europe FREDVIKTOR
revendique cependant une liberté totale, accordée par le Hilton
group, en tant que DJ ce qui lui permet de répondre à une demande
croissante de soirées plus VIP et prestigieuses tous les jours et
surtout un appel du pied pressant de l'international.
S'il supervise une garde rapprochée de DJ
testés, sélectionnés et aujourd'hui associés
artistiquement au sein d'une jeune structure qu'il vient de monter "Plat du
Jour", sorte de laboratoire-atelier création lié à la
musique et à l'image, il officie cependant en personne tous les jeudis
au Purple bar du Hilton Arc De Triomphe et en profite pour inviter des
artistes pointus et rares qui partagent ses envies de recettes
détonantes (Julien Plaisir De.., Eva Peel, Mr Pitiful, tim tonic,
Collectifs Girls 3NON-AND-A-BLONDE...) oü les auditeurs voyagent
émotionnellement gr%oce à sa sélection musicale
appropriée et renouvelée.
Plusieurs concept-store, hôtels, restaurants, bars ou
club francais et internationaux lui ont confié le soin de créer
ou de recréer l'ambiance musicale de leur lieu. Il agit en
véritable révélateur et créé des atmospheres
sonores, musicales et festives à travers des espaces revisités
par ses "visions musicales", alchimie d'influences, de références
et de contrées sonores mystérieuses.
Fou de musique, il n'en reste pas moins déjà
businessman à ses heures. Enfant de la génération
digitale, celle de l'hyper-connectivité, du never-rest et du
do-it-yourself, FREDVIKTOR est un garcon déjà mature, ambitieux
et aussi pressé que son époque l'exige.
En 2006 il repére et contacte Guiom HURET, qui,
aprés 15 ans au sein de l'industrie musicale, créa des 2001 la
première agence de stratégie sonore en France (
www.strategicsound.com /
Hermes, Louis Vuitton, Kenzo, Orange, Renault, L'Oréal, etc.) et se
spécialise aujourd'hui sur les nouveaux services à venir
liés au digital dans le secteur Média / Entertainment / Design.
Ensemble, ils réfléchissent aujourd'hui aux nouveaux services
et demandes émergentes liés à l'évolution de
l'univers digital et à toutes les opportunités que cette
révolution laisse entrevoir, dans l'univers de la musique mais aussi de
ses univers périphériques (hôtellerie, spas, mode,
entertainment, culinaire, design, architecture, etc.).
A suivre de trés prés avant que l'international
nous l'enléve
Références:
Restaurant ï de l'Hâ à Bordeaux 2002/2004
Kong Bar Restaurant 2004/2005
Hilton Arc De Triomphe Paris depuis 2005 (Music Manager)
Actualité:
Production Team (Remix/Synchro/Sound Design) avec Julien Plaisir
De (Turbo Rec.)
Plat Du Jour, le Tour(Plat du
Jour) des tables, arrive: tournée des tables & salles de
concerts/clubs du terroir... (Bordeaux le 9 mars/ Toulouse/
Monptellier/Aix/Nice/Lyon/Grenoble/Reims/Lille/Paris/Luxembourg Chamonix/
Geneve/Bruxelles...)
Re-Tour du Venezuela+Mexique (Edition 2006)
Préparation : Moscou / Londres/ NY City (ac Inflagranti)/
Montreal/ Toronto
4. Création et développement d'un outil de Sound
Design musical 4.1 Plat du Jour
4.1.3 RTMle et valeur ajoutée personnelle
Après une présentation des multiples facettes de
Plat Du Jour, je vais détailler mon rTMle et ma valeur
ajoutée personnelle au sein de cet atelier de création.
Tout d'abord, mon background d'ingénieur du son de
formation me permet d'être compétent dans un domaine qui est moins
développé par Fred Viktor, celui de la production studio. En fait
mon intéret pour la science du studio, c'est à dire la
connaissance rigoureuse des micros, la recherche de documentation sur le
matériel analogique qui "a" le son, les notions d'acoustique..., tout ca
dans le but de tirer le meilleur parti d'une prise de son au service
d'idées qui sont les miennes et non dans un but strictement "technique"
comme l'aurait tout bon prestataire. La manière dont j'envisage mon
travail sur le son est donc bien de donner une réalité
qualitative à un projet.
Ces projets prendront la forme de ce qui se déclenchera
en moi au fur et à mesure de mon contact avec le monde de l'art qu'il
soit pictural, photographique, cinématographique ou encore
architectural.
C'est donc bien ma curiosité naturelle et ma
réflexion intérieure qui me pousse à tendre vers
l'ingénierie sonore. Il en va de même lorsque je mixe en tant que
DJ, ma pratique du son me permet de switcher entre les "trois types"
d'écoutes dites causale, sémantique et réduite.
L'écoute causale étant celle des auditeurs "basiques" : on voit
une personne devant des platines, on entend de la musique on en déduit
que c'est lui qui la joue. Ensuite, l'écoute sémantique permet de
"décrypter" ce que je joue le DJ, en fonction de sa culture et de ses
gouts. Enfin l'écoute réduite porte sur l'aspect technique du son
(sa fréquence, son rhythme, son volume...). Ma valeur ajoutée se
situe dans l'écoute réduite bien sur, mais surtout dans
l'écoute sémantique car je joue avec les "codes " de mon
auditeur. D'abors je fais en sorte qu'il comprenne ce dont je lui parle, puis
progressivement, je le perd, ou tout du moins je l'invite à se perdre
dans mon discours. Cette écoute sémantique est LE truc qui me
permet de me distinguer des autres et d'aller plus loin dans ma démarche
de DJ au-delà de la connaissance musicale qu'il me reste encore et
toujours à approfondir.
L'écoute sémantique me permet aussi d'arriver,
pratiquement à chaque fois, à cerner l'esprit de la musique
à jouer afin qu'elle soit adaptée le mieux possible à
l'instant. J'en profite pour faire une analogie avec Gilbert Rouget qui
constate que chaque «tarentule aime sa propre mélodie. Il
existe donc une série traditionnalisée d'airs musicaux et de
chants parmis lesquels il faut choisir le mieux adapté à chaque
cas particulier. C'est la musique «juste», autrement dit l'air
adéquat, qui fera s'agiter la tarentule».48
Il est certain que je ne me prend pas pour un
guérisseur et je n'ai pas de malade à guérir par la
musique, quoique, je prend mon rTMle de sélecteur musical comme une
tâche tout à fait sérieuse, qui permet d'ouvrir les gens
à d'autres horizons musicaux et pourquoi pas, les mettre en transe !
Ce qui m'excite donc est ce défi permanent de remise en
question à propos de ma musique par ce que je découvre, les
personnes que je rencontre, ce que je vis tout simplement. Il serait donc
trés probable que je sois amener à travailler aussi bien sur une
séance en studio, que sur l'élaboration d'une acoustique pour un
lieu, que sur l'implantation de son systéme de diffusion au-delà,
encore une fois, de la performance DJ stricte.
Références:
2007 :
Avril : Amaze Party @ Favela Chic (Paris)
Mars : Plat du Jour release party avec Sweetlight &
Fred Viktor // BT59 (Bordeaux)
Janvier : Parc des expos (Reims)
2006 :
Depuis Avril : Résidence au GEORGES
(Groupe COSTES) (Paris, 4é)
Decembre : 31 @ Café Marly (Paris, 1er)
Novembre : Purple Bar @ Hilton Arc de Triomphe (Paris,
8é)
Octobre : Café Etienne Marcel (Paris, 2é)
Septembre : Warm Up MYST @ WAGG (Paris, 6é) AoUt :
Carré Coast (Biarritz)
Juillet : Maison Blanche (Paris, 8é)
Mai : 50 ans de l'UEFA au Trocadéro (Paris,
16é) Mars : Mezzanine de l'Alcazar (Paris, 6é)
4. Création et développement d'un outil de Sound
Design musical 4.2 Consulting, refreshing, programmation
Lors de mes premières visites, j'ai pu m'apercevoir en
discutant avec les responsables de magasin que la mise à jour de la
musique était trés diverse suivant les enseignes. Ainsi chez Yves
Saint-Laurent, la fréquence est de un CD par mois pour tous les
magasins. Chez Christian Lacroix, place Saint-Sulpice, c'est la directrice
elle-même qui alimentait le renouveau musical. Chez Burberry rue de
Rennes, ils recoivent six CD par saison de même que chez Kenzo. Quant
à Armani, ceux sont les CD «officiels» de la marque qui sont
en importation directe des Etats-Unis et d'Italie.
Ce qui est évident, c'est que chaque cas est unique,
dans le haut de gamme, c'est du cas par cas. C'est plutôt rassurant d'un
côté puisque cela prouve qu'il n'y a pas une seul entité
qui aurait la main mise sur tous ces magasins. En revanche, cela ne garantie
pas un résultat homogéne sur l'ensemble du secteur. Est-ce un mal
?
Pour ce qui est de savoir qui s'en occupe, «il faut voir
avec la maison mere». Cela signifie que les directeurs locaux ne savent
même pas qui programme la musique de leur magasinÉ! Encore une
fois, la musique n'est pas la priorité de tous les managers. A ce
propos, un d'entre eux m'accorde un peu plus de temps que les autres et m'avoue
que chaque nouveau directeur aime bien mettre sa touche personnelle. Dans la
mesure ou ces personnes passent presque dix heures par jour dans un même
endroit, il est compréhensible qu'elle le personnalise un tant soit
peu.
Cette notion est trés importante car, je me suis
aperçu aussi lors de mes prestations musicales en direct, que les
serveurs et autre personnel du lieu avait besoin de changement et
étaient fatigués «d'entendre la même musique toute la
journée et ce, tous les jours». J'ai alors pris conscience que le
fait de programmer une sélection musicale impliquait forcément
une certaine lassitude à force d'écoute, y compris pour la
meilleure qui soit. Ce n'était pas la chose à laquelle j'ai
pensé immédiatement parce que je ne me projetais pas suffisament
dans le contexte de diffusion de la musique choisie. Le fait est
également que je pensais d'abord comme un visiteur, donc une personne ne
restant pas plus d'une heure ou deux dans l'endroit pour lequel j'avais
programmé une liste musicale.
Mais pour aboutir une sélection musicale
cohérente au-delà de tous les problèmes
«humains» qui en découleront après de toute facon, il
faut d'abord s'empreigner de l'endroit.
Pour cela, ma méthode de travail serait multiple :
En premier lieu, je visiterai l'endroit comme un simple
visiteur en prenant plus ou moins compte de tous les paramètres qui
conditionnent la musique dans un lieu. J'entend par là, le design,
l'architecture, l'odeur, les produits, l'agencement, en bref
l'atmosphère globale. Ensuite, je m'arrêterai sur chacun des
éléments de manière précise et profonde. Comme Sven
Nykvist, le chefopérateur d'Ingmar Bergman sur Cris et
Chuchotements (1972) qui ne tournèrent qu'avec la seule
lumière du jour, je pourrai agencer ma programmation rien qu'en
observant le mouvement de la lumière et son influence sur le rhythme, la
couleur et l'ambiance du lieu.
Cris et Chuchotements (1972)
Il en va de même pour tous les autres paramètres
à caractère fluctuant comme l'afluence globale du magasin, la
température ambianteÉ
L'idée est donc de faire un travail de fond pour cerner
l'endroit au maximum et pouvoir intéragir avec lui via la musique, le
tout sans que l'on soit présent dans le lieu. Pour que cela soit
vraiment effectif, nous aborderons en dernier lieu les différentes
possibilités de stockage et de lecture de la musique.
4. Création et développement d'un outil de Sound
Design musical 4.3 Lieux cibles
Ici, nous allons décrire les endroits qui sont
suceptibles de se prêter à la philosophie musicale que j'ai
tenté d'exprimer tout au long de ce mémoire. Il ne s'agit pas de
discriminer des lieux basiques ou standard, je crois que ceux-là ne
correspondent tout simplement pas à genre de pratique trop originale et
unique. Nous sommes bien là dans une démarche originale, qui se
prête à un seul et unique endroit. De fait, les
«cha»nes» de magasins et de restaurants n'entrent pas dans ces
critères. Ainsi, ils s'auto-excluent de manière assez
naturelle.
Les lieux à retenir - et non pas retenus -
sont donc des lieux qui n'ont pas leur pareil dans le monde, des lieux
extra-ordinaires, insolites, dont la situation géographique ou la
conception diffère par leur approche. Nous sommes ici dans le domaine de
l'ineffable, du ressenti pur, de l'impression. A ce propos,
Jankélévitch livre de rares instants littéraires dans
La Musique et l'ineffable49.
Les endroits pour lesquels je veux travailler doivent
être le fruit d'une collaboration riche et protéisforme entre
designers, architectes, acousticiens, décorateurs. Je ne veux surtout
pas d'un «modèle» que l'on appliquerait sans
réfléchir. Ces lieux seront l'oeuvre unique de créatifs
survitaminés !
Ainsi, plus le résultat sera abouti, plus il y aura de
fortes sources d'inspiration pour la mise en onde que j'en ferai. Les textures
employées, les univers retranscrits, les formes abstraites, tout cela
créé la matière première de ma recherche sonore.
A partir de là, on peut imaginer que ces lieux
prendront la tournure d'un restaurant, d'un musée, d'un hTMtel, d'un
b%oteau, d'un avion ! L'utilité finale du lieu, n'est qu'un
prétexte à l'imagination. Aujourd'hui tout est transformable. Qui
pourrait dire à première vue que le Centre Pompidou est un
musée ? C'est dans ce genre de contexte précis que la question de
la musique se pose. Avant de pénétrer dans Beaubourg, on ne sait
tout simplement pas ce que l'on va y trouver, ceci est valable aussi pour la
musique. D'oü le potentiel de programmation de ce type de lieu !
Pour des exemples concrèts existants, nous nous
reporterons à l'annexe photographique.
49 Seuil, 1983
CONCLUSION
Le sound design musical est donc une notion complexe nourrie
de domaines trés variés allant de la psychoacoustique à
l'architecture, en passant par la musicologie et l'étude du comportement
humain.
Nous avons également vu qu'à partir de sa
définition pure et simple, le sound design musical engendrait bien
d'autres explications, faits, arguments que le «sound design»
conventionnel. Aussi, j'espére avoir réussit à faire
comprendre quels étaient les enjeux d'une telle préoccupation, et
à fiorci dans les lieux haut de gamme. L'objet de ce mémoire est
donc bien d'ouvrir les personnes plus ou directement concernées,
à prendre cette particularité essentielle qu'est la musique. Trop
souvent encore aujourd'hui, j'entend dire à propos de la musique dans ce
genre d'endroit que «ce n'est pas l'urgence», ou que «on le fait
nous-même»É et ce dans des endroits parfois prestigieux - je
pense notamment à un certain restaurant de la place du carrousel du
Louvre - je ne crois vraiment pas que ce soit l'attitude à avoir
vis-à-vis de ce que représente la musique, et de son pouvoir sur
les âmes.
Une contradiction majeure régne dans l'univers de la
programmation musicale des lieux haut de gamme, dans le sens ou les
responsables de ces endroits savent pertinemment que la musique est un
élément capital pour leur établissement, mais ils sont si
désarmés dans la concrétisation de leurs idées
qu'ils font ca à la «va-vite». Le fait est que les relations
jouent beaucoup de ce genre d'endroit, donc trés souvent, la personne
qui «s'occupe» de la musique est plus ou moins une connaissance d'un
des dirigeants. En effet, comment faire confiance pour une telle tâche
à une personne que l'on ne conna»t pas ? Ils se disent
peut-être que c'est trop risqué, quà l'heure actuelle tout
le monde s'improvise «DJ» ou «sélecteur musical»,
dans un contexte phonographique oü l'on trouve tout et n'importe quoi en
rien de temps. Je pense que leur peur est justifiée.
De nos jour, il faut revenir à une
réalité de la musique. Une réalité des personnes.
Une réalité de l'esprit musical. Arrêtons de laisser faire
des imposteurs qui négligent la matiére première qui leur
permet de gagner parfois beaucoup d'argent. Comme tout commerce, la musique
doit être un marché de l'honnêteté, surtout lorsque
l'on a le pouvoir de jouer avec les sentiments des gens à qui l'on
s'adresse.
L'étude de la musicologie et de la sociologie nous aura
au moins définit et apprit le rTMle que «joue» la musique dans
notre société moderne. Tout le monde a saisit l'enjeu qu'il y
avait derrière chaque titre sélectionné, chaque
orientation musicale. Chacun de ces choix conditionne un univers sonore que
l'on peut appliquer avec un peu d'expérience et de talent - aussi humble
qu'il soit - à un lieu, un environnement, un espace.
Dans tout ca, la psychoacoustique n'était qu'un
élément de compréhension à l'échelle
microscopique afin d'éclairer un peu comment est-ce que l'on percoit
toutes les information liées au son et plus particulièrement,
à la musique. On se rend alors compte là aussi que la
faculté de nos oreilles combinée au vécu musical et
expérientiel de chaque individu est infini. Cela prouve donc que les
recherches en la matière sont en développement constant et
surtout que l'on veut savoir ce qui nous rend aussi sensibles à
la musique.
«La raison pour laquelle on attache tant
d'importance à la musique, surtout quand le monde qui nous entoure
para»t si fermé et les utopies perdues, c'est parce qu'elle est
«intérieurement si utopique et ainsi dépasse tout ce qui est
au-delà de ce qu'on peut fonder empiriquement» ; « le son nous
accompagne et finit, en fin de parcours, par se retirer allégoriquement
dans la patrie, lointaine ou défendue»50
Les quelques pages à propos de ma confrontation direct
avec différents auditeurs, renforcent cette valorisation de la musique.
Ces expériences concrètes montrent à quel point une
sélection musicale cohérente peut crééer une
réelle atmosphère, suceptible de toucher les gens.
La partie «sur le terrain» nous a fourni
quantité d'informations nourrissant une réflexion et des
interrogations à propos de ce qui se fait aujourd'hui Ð et aussi ce
qui, à mon sens, ne devrait plus se faire ! Ð Mes visites candides
suivies de mes rencontres m'ont énormément éclairci sur le
milieu et le métier. J'ai pu ainsi me convaincre de certaines pratiques
dérisoires qui pouvaient se justifier par un manque de coordination et
de communication entre les différents corps de métiers
réunis autour d'un projet commun. J'ai alors conscience de l'importance
du travail à valider en amont avec chacune des personnes pour qu'un
projet aille là ou veut qu'il aille et de ne surtout pas le laisser
dériver par certains qui ne prendraient pas en compte l'importance du
choix des matériaux dans l'élaboration d'une acoustique, ou bien
qui ne poseraient pas la question du choix du sonorisateur. Ce genre
d'éléments sont pourtant déterminants dans la facon dont
j'aborde la musique pour un lieu.
Le dernier chapitre propose un «outil» de sound
design musical. Sur la base d'une conjuguaison de talents et d'univers,
Plat du Jour est un atelier de création sensoriel
disposé à travailler la musique avec des marques, des lieux, des
personnes. J'en ai profité pour décrire ma «valeur
ajoutée» personnelle au sein de ce pTMle. Ma pensée globale
rejoint celle des autres artistes réunis autour de Plat du
Jour, mais il est aussi important que je me démarque par mon
approche plus esthétique, théorique et technique du son.
Ainsi, à l'issue d'un tel projet de rédaction,
j'ai désormais une idée trés précise de ce que je
veux faire pour le sound design musical des lieux haut de gamme. Je souhaite
moins participer en «fin de parcours» juste pour sélectionner
des morceaux, mais plus pour concevoir tout ce qui se rapporte à la
musique de maniére globale dans un espace, de A à Z. Je
travaillerai en amont avec les architectes et designers afin de cerner, des le
dessin, l'univers musical à retranscrire. Je rencontrerai alors un
acousticien avec qui je concevrai la sonorité propre du lieu. Enfin,
j'étudierai le meilleur compromis en terme de sonorisation pour parrer
au mieux, le lieu d'un systéme de diffusion sonore digne de ce nom. A ce
propos, j'ai l'intention utopique de faire sortir du secteur des particuliers,
la société Divatech et leur systéme unique
Biosonic. (cf. annexe)
Nous finirons par une ultime citation de Pascal Quignard à
propos du chant des Sirénes :
«Ce que dit Ulysse après que les
Sirènes ont chanté et après qu'il a hurlé pour
qu'on lui défasse, par pitié, les liens qui le retiennent au m%ot
d'emplanture, afin qu'il puisse rejoindre sur-le-champ la musique bouleversante
qui le fascine : - Autar emon kèr èthel akouemenai. Ulysse n'a
jamais dit que le chant des sirènes était beau. Ulysse - qui est
le seul humain qui ait entendu le chant qui fait mourir sans l'avoir fait
mourir - dit, pour caractériser le chant des Sirènes, que ce
chant «remplit le coeur du désir
d'écouter.»51
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