2. Les conséquences
2.1. La méfiance
Il existe un climat de méfiance entre les populations
et les gestionnaires du Parc. Ceci découle d'une incompréhension
dans le projet de conservation. Les populations estiment que ce projet ne les
concerne pas, et qu'il est du ressort de l'Etat. Les populations se sentent
trompées, et elles sont persuadées que cela dissimule beaucoup
d'intérêts, bien que ne gagnant rien. Elles ressentent le projet
comme une expulsion, et une déposition de leurs droits. De ce point de
vue, toute action entreprise doit rapporter des bénéfices,
même si on ne comprend pas vraiment de quoi il s'agit. C'est dans cette
logique qu'aucune crédibilité n'est donnée à
l'explication, par des gens venant de si loin, garder les animaux, les plantes
et autres richesses du sous-sol. La participation de la communauté dans
la gestion des ressources forestières est désormais
considérée comme une partie essentielle de tout projet de
conservation des forêts. Néanmoins, les communautés sont
encore insuffisamment consultées et leur participation demeure
insuffisante. Le manque d'attention pour les caractéristiques sociales
et économiques des individus, institutions et villages qui composent la
communauté qui utilise les ressources de la forêt, est en partie
à l'origine de cette méfiance.
Les projets de conservation des forêts ont aussi
souvent oublié de prendre en considération le contexte historique
des utilisateurs. Les populations se trouvent souvent exclues des discussions
concernant l'aménagement des forêts bien qu'elles aient
été impliquées dans certaines interventions liées
au développement du projet. Cela les empêche de prendre part aux
enjeux liés à l'aménagement des forêts de nuage des
Monts de Cristal.
« Il est peu probable que ceux qui
dépendent des ressources forestières soient tentés de les
gérer de façon durable si leur accès à ces
ressources, ainsi que la valeur de celles-ci, continue à diminuer. Il
faut en effet que leur maintien présente de réels avantages
économiques » (Mosse, 1996). Pour assurer
l'aménagement durable des ressources forestières, il est crucial
d'impliquer davantage les habitants de la forêt des Monts de Cristal dans
les décisions concernant la forêt et ses ressources. Sans
l'engagement et le pouvoir de décision de ces personnes
étroitement liées à la forêt, le projet de
conservation a peu de chance d'atteindre ses objectifs, et le climat de
méfiance perdura.
La participation des communautés locales, premiers
utilisateurs des terres, est la clé du succès. Ce sont ces
dernières qui font qu'un programme réussit ou échoue. Si
elles sont correctement motivées, elles ont la capacité
d'apporter des changements dans l'utilisation des terres. Si la participation
des populations est donc une nécessité, son application n'est pas
toujours évidente dans la politique du Parc des Monts de Cristal. Il
existe à l'heure actuelle une documentation abondante témoignant
que les communautés villageoises subissent une forte discrimination dans
les sociétés où elles habitent, qu'elles sont
exploitées par d'autres secteurs, et que leurs droits aux ressources
dont elles dépendent pour leur subsistance n'ont pratiquement aucune
protection. Beaucoup de ces groupes habitent des régions où les
organisations de conservation locales, nationales et internationales ont des
intérêts puissants.
Dans presque tous les cas, la plainte qui revient chez les
communautés locales concerne l'absence de consultation à propos
des projets de conservation. Très souvent, leurs problèmes
découlent de la non-reconnaissance de l'accès dont ils
disposaient traditionnellement et de leurs droits d'utilisation sur des terres
qui sont maintenant délimitées en tant qu'aires
protégées. Par rapport à cela, Ruth Malhesou dira :
« Le plan de gestion des territoires dont dépendent les
populations villageoises est accompagné de restrictions imposées
aux chasseurs, cueilleurs et agriculteurs, sans leur consentement. En revanche,
il n'existe encore aucun mécanisme permettant de demander aux
communautés locales quels sont leurs projets »
(2002 : 2-10). Il n'existe pas de gestion du site et aucune
politique générale de conservation cohérente n'a
été mise au point disent-elles.
Entretien 29: ANDEME
NGOUA Félicité, 42 ans, ethnie fang, mariée, mère
de huit enfants, lignage Ossan Mbot Zam, village Avang, département du
Haut-Kango, clan Efak, sur L'aménagement du territoire. Cet
entretien a eu lieu le 12 avril 2007 à 10h4, dans sa boutique et il a
duré 48mn.
Texte en fang
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Traduction française
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Bia tôbe nkele ye bot bat è mame Yo Parc. Ave
be sum bisen, bâ sile edzam bia siman. Bia ning avoldâ. Ba fonane
na'a ébe ba dang yeme bale mefan ye lot bia. Ve bia yeme bale afan ye
lot be. Ede mefan mâ menguene dzomase. Ba yeme dzome dâ ve kil bot
mefan ke bi ve ne bia bebo'o bi yén. Gue bitô yen ye be
« maye kam beyeng na'a be ni mefan ma'a ; ma miéne
médzeng ne me yeme baglé mefan ye dzo ébot bevo'o ne be
bô ane ma'a.
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Nous sommes méfiants et retissants envers les
gestionnaires du Parc. Depuis qu'ils ont commencé leurs travaux, ils ne
nous consultent pas comme on veut. Nos vies n'ont pas changé. Ils
pensent qu'ils savent conserver les forêts plus que nous. Cependant, nous
gardons mieux les forêts qu'eux. La preuve est que nos forêts sont
toujours intactes. Tout ce qu'ils savent c'est nous interdire l'accès
à la forêt sans nous impliquer dans leur travail. Si on nous
implique, « je peux surveiller et interdire aux étrangers
d'accéder à notre forêt. Moi-même je vais
réguler ma conduite sur mes activités forestières et le
demander aux autres.
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Ce récit dénonce les raisons qui incitent les
populations à la méfiance et à la réticence. En
effet, les populations pensent que les gestionnaires abusent de leur
générosité et de leur tranquillité. Ces
dernières ne tiennent pas compte du sort qu'ils leur infligent. Les
projets les marginalisent alors qu'ils sont aussi aptes à faire leurs
preuves. Face à ce problème, les autorités doivent
être conscientes de la nécessité d'un plan de gestion
intégré et complet. Il ne semble pas y avoir de consensus en ce
qui concerne la conservation, la restauration et le développement. Les
acteurs opèrent dans le site selon leurs règles ou leurs
intérêts spécifiques. La situation de l'infrastructure
n'est pas résolue. Le mauvais état des routes, le manque et le
vieillissement des infrastructures, le manque d'établissements
scolaires, de dispensaires, de média, de médecin sont à
l'origine de l'indifférence manifestée par les populations dans
le projet de conservation. En dehors de ces problèmes, aucune
construction d'ordre commercial ou résidentiel n'a été
effectuée dans la région des Monts de Cristal.
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