La notion de «performativité»
de John Langshaw Austin
"Le phénomène à discuter est en effet
très répandu, évident, et l'on ne peut manquer de l'avoir
remarqué, à tout le moins ici ou là. Il me semble
toutefois qu'on ne lui a pas accordé spécifiquement attention.
"(Première Conférence, p.37).
Philosophe britannique, John Langshaw Austin (1911-1960) a
été professeur de Morale à Oxford. Sa figure irradie la
philosophie analytique et linguistique. Son oeuvre, constituée d'un
ensemble d'article réunis et publiés à titre posthume, est
fusionnée en trois volumes : Ecrits philosophiques1(*) ; Langage de la
perception2(*) ; et
Quand dire, c'est faire3(*). Il est à l'origine de l'émergence
du paradigme pragmatique.
Dans cet ouvrage Quand dire, c'est faire qui l'a
rendu célèbre en France, J. L. Austin réunit douze
conférences prononcées à Harvard en 1955. Insatisfait du
manque de clarté des philosophes, et particulièrement des
métaphysiciens, Austin a concentré son attention de toujours au
«langage ordinaire». Il se captive ici pour les «actes de
discours» (speech acts), découvrant l'immensité que
nous pouvons accomplir par la parole. La notion de performativité se
trouve dans la première philosophie, les actes illocutoires dans la
seconde.
Après la présentation synthétique de son
ouvrage (I), nous étudierons, appuyés sur la description qu'en
fait O. Ducrot et M. Carel, plus particulièrement la Première
philosophie d'Austin contenant la notion-clé de
« performativité » (II), pour finir, enfin, par une
ouverture vers cette notion abordée au sein des sciences sociales
(III).
I. Synthèse
Conférences 1 à 4 : Enonciations
constatatives et énonciations performatives
John Austin est convaincu du manque de pertinence de la
philosophie considérant l' « affirmation »
(statement) classique comme proposition invariablement vraie ou
fausse. Il va donc prouver, lors des premières conférences, qu'au
sein des énonciations considérés traditionnellement comme
affirmations, toutes ne se reconnaissent pas suivant leur caractère de
vérité ou fausseté (énonciations
«constatatives»), pouvant viser l'accomplissement de certains actes
(se marier, parier, baptiser un bateau, etc.) Ces affirmations qui n'en sont
pas, au sens classique du terme, et qui visent en réalité
à «faire» quelque chose, Austin se propose de les appeler des
«énonciations performatives» (ou plus brièvement des
«performatifs»). Bien entendu, l'accomplissement visé par
l'énonciation performative exige souvent le concours d'autres
éléments que les paroles elles-mêmes. Le contexte de
l'énonciation, particulièrement, est primordial, tout autant que
la personne de l'énonciateur. Cela étant, si les
«circonstances» se présentent de façon
inadéquate, autrement dit si le performatif ne délivre pas ses
effets ou ne les délivre pas comme voulu, il n'en devient pas
«faux» pour autant : il est seulement inefficace - on dit alors qu'il
a été affecté d'«Echecs»
(Infelicities).
Conférences 5 à 7 : La déconvenue de
la distinction
Pour autant, John Austin, de ces analyses, parvient à
un résultat contradictoire : le caractère de
vérité ou de fausseté des affirmations classiques (ou
«énonciations constatatives») dépend lui-même de
nombreuses «circonstances» ne semblant pas tant
éloignées de celles déterminant le «bon
fonctionnement» des performatifs. J. Austin est amené, alors,
à reconsidérer la distinction première dichotomique entre
énonciations constatatives et énonciations performatives.
Dès lors, il faut reprendre le problème à neuf ; un
nouveau point de départ s'impose.
Conférences 8 à 12 : Actes de
discours
L'auteur démontre que nous accomplissons une action
«en disant» quelque chose et «par le fait» de dire quelque
chose. C'est la théorie des «actes de langage» ou «actes
de discours» (speech acts). Il va différencier au sein de
l'énonciation trois grands types d'actes visant à «faire
quelque chose» en parlant. - L'acte premier de simple
«locution», consistant en l'émission d'une suite de sons
auxquels est attachée une signification dans une langue donnée.
Cet acte est celui de «dire quelque chose». - L'acte second
d'«illocution» consistant, par son énonciation même,
à indiquer comment il doit être reçu par son destinataire.
Par exemple, en prononçant «Sors !», on accomplit, selon la
situation, un ordre, une menace, une requête...L'acte d'illocution est
donc l'acte effectué simultanément «en disant quelque
chose». - L'acte dernier de «perlocution», est
l'accomplissement réel d'un acte illocutoire. Il consiste en l'obtention
de certains effets concrets ou conséquences au moyen de la
parole. Après ce retour aux éléments plus primordiaux
des réalisations de la parole (c'est-à-dire à la
production d'actes de locution, d'illocution et de perlocution), la distinction
initiale entre énonciations constatatives et performatives ne peut plus
être maintenue. John Austin démontre ainsi que le constatif
accomplit, en plus de simplement dire quelque chose, une action, constituant,
tout autant que les actes performatifs, un acte d'illocution. Se contenter de
dire : «Il fait chaud», c'est déjà et
parallèlement constater, affirmer, informer qu'il fait chaud. Pour le
dire autrement, lorsque nous «disons» quelque chose, nous
«faisons» également quelque chose. Ainsi, dans ce contexte
pour accorder une position spéciale aux énonciations
constatatives, nous pouvons dire qu'elles peuvent constituer des actes
d'illocution dénués d'objectif. Nous pourrions presque les
considérer tel que des actes gratuits d'illocution.
Ouvrage-clé de la philosophie linguistique, Quand
dire, c'est faire a représenté une progression remarquable
dans la science du langage, constituant l'acte de naissance de la
«pragmatique linguistique», qui place la parole et l'intention de
communication du locuteur au centre de l'analyse du langage.
Etudions de plus près la notion de
« performativité », vue notamment, par les
héritiers de J. Austin que sont O. Ducrot et M. Carel.
II. Etude plus approfondie de la performativité,
première philosophie (O. Ducrot, M. Carel)
J. Austin modifie ses théories dans son livre, et cela
le rend quelque peu difficile à suivre. Ainsi, il débute sa
première conférence en affirmant que ce qu'il dit est vrai, ce
qui est rarement soutenu par les philosophes, ajoutant « au moins en
partie », et cela enlève toute la confiance que nous
accordions aux philosophes. Son oeuvre traduit sa volonté de mettre sous
forme systématique, une pensée qui en manquait.
Par « quand dire c'est faire », il nous
présente « comment agir avec des mots ».
Il est un philosophe linguistique mais il ne souhaite pas
être systématique, ainsi, son oeuvre est une suite de
conférences présentées à l'Université
d'Harvard, transcrites fidèlement par ses étudiants à
titre posthume.
J. Austin est remarquable en ce qu'il a fait
pénétrer la philosophie du langage en France contra les
philosophes français, hostiles à la philosophie du langage
britannique, ne considérant que les philosophes classiques tel que
Descartes ou E. Kant4(*).
La notion de performativité est au fondement de sa
réflexion philosophico-linguistique. Il reprend la réflexion
Aristotélicienne selon laquelle un nombre notable
d'énoncés sont tout autant légitimes que d'autres sans
pour autant apporter d'informations sur le monde. Celles-ci supposant des
conditions de vérité. En effet, les énoncés
considérés comme fondamentaux étaient ceux apportant des
informations sur le monde et respectant donc des conditions de
vérité. Pour Aristote, il en existe d'autres, notamment des
énoncés qui tout en ne nous disant rien sur le monde, sont utiles
et raisonnables, pourvus de sens. Austin va les reprendre.
Ainsi, il existe deux types d'énoncés ; les
« constatifs » qui s'attribuent à eux-mêmes
les conditions de vérité posant une correspondance étroite
entre celles-ci et le monde. Pour autant, l'énoncé
« Marie et adorable », dit-il quelque chose sur le
monde ? Cela semble peu clair. En l'énonçant, il semble que
nous donnions une description de Marie ou que nous répondions à
une question, donc que ces énoncés s'attribuaient eux-mêmes
cette fonction.
Sont appelés « performatifs » tous
les autres énoncés, ayant pour objectif, non de dire comment est
le monde, mais d'agir sur lui, de produire une action. Ces
énoncés présentent ainsi comme leur propre objectif de
chercher à transformer les choses.
Il n'est pas évident qu'Austin ait avancé
d'autres énoncés. L'exemple d'énoncés traduisant
les états d'âme, émotions du locuteur est frappant en
ce qu'ils ne se présentent ni comme constatifs ni comme performatifs.
Dans quelle catégorie alors placer ce type
d'énoncés ? Dans quelle mesure les considérer comme
un type d'énoncé performatif ou constatif ? Prenons
l'exemple de Monsieur Ducrot : « Je suis triste »,
celui-ci considéré comme un constatif dirait une
vérité sur le monde tandis que considéré comme un
performatif, viserait à une modification du comportement chez
l'interlocuteur (apporter de l'aide au locuteur, du soutient, de la
consolation...). Un autre exemple pris par O. Ducrot est l'énoncé
« Dieu est meilleur que ces créatures » ; ne
semblant ni performatif, ni constatif mais en un entre-deux.
Les linguistes n'ont pas trouvé dans ses oeuvres ce que
l'auteur pensait de ces difficultés.
Ainsi, les énoncés philosophiques, entrent
difficilement dans cette dichotomie « constatif versus
performatif ».
Les énoncés constatifs,
caractérisés par les conditions de vérité sont
parallèles aux énoncés performatifs,
caractérisés quant à eux, par des conditions de
« félicité » devant être satisfaits
afin que l'énoncé satisfasse effectivement l'acte auquel il s'est
destiné. Ainsi, l'ordre « sors » se
présentant comme accomplissant un ordre, ne le fera effectivement que si
_et seulement si_ certaines conditions sont satisfaites : afin qu'un
énoncé soit « heureux », accomplisse l'acte,
il faut que certaines conditions soit réalisées sous peine de
prétendre viser à en faire un ordre, sans que celui-ci ne soit
réalisé. C'est ainsi qu'elles sont parallèles aux
conditions de vérité.
L'originalité principale de cet auteur est de
s'être intéressé à ce type d'énoncés,
puisque bien qu'Aristote se soit tourné vers les conditions de
vérité disant comment est le monde, il n'a pas mené plus
loin son investigation en développant une théorie. Ce que J.
Austin a accompli.
Les énoncés performatifs se scindent en ceux
dits « primaires » et ceux dits
« secondaires ».
Les premiers n'ont pas la prétention d'avoir une forme
assertive, à contrario des seconds qui endossent de ce fait le titre de
« masqueraders ». L'exemple typique des premiers est
l'impératif , l'interrogatif, caractérisés par le fait
qu'ils ne sont pas affirmatifs.
Les seconds sont assertifs, affirmatifs et endossent de
surcroît un troisième caractère en ce qu'ils
prétendent viser un effet et n'asserteraient la réalisation de
l'effet qu'ils visent « que s'ils sont lus de façon
assertive » (O. Ducrot).
Si des énoncés répondent à ces
trois conditions suscitées, ils pourront être implicites _la
nature de l'effet qu'ils visent n'est pas un acte du locuteur, mais un
évènement du monde_ ou explicites _l'effet est alors un acte du
locuteur. L'exemple typique des premiers est celui de N. Bonaparte disant
à son Commandant « la cavalerie attaquera à
l'aube » qui vise l'effet de faire attaquer la cavalerie à
l'aube. Celui, typique également, des seconds est celui où, lors
de l'entrevue de licenciement, un chef d'entreprise énonce :
« vous êtes licencié ». Puisqu'il
répond à la définition syntaxique de l'affirmation, il est
bien un performatif secondaire. Ce performatif vise un certain effet, celui de
renvoyer l'employé, mais il n'est pas annoncé que c'est le
Dirigeant qui exclut. Si nous le lisions de façon affirmative, cela
signifierait que l'effet qu'il vise est effectivement réalisé.
A contrario les performatifs explicites visent un effet qui
est l'acte du locuteur. Les actes de promesse en sont phénotypiques et
diffèrent des implicites en ce que l'effet du locuteur est cet acte de
promesse.
Ceux-ci sont considérés comme implicites
puisque, pour reprendre l'exemple du licenciement, l'important pour ce
dirigeant n'est pas tant qu'il est celui qui exclut l'employé mais que
ce dernier le soit.
Il semble, pourtant, que le caractère implicite ou
explicite de l'acte puisse dépendre de la psychologie de
l'interlocuteur. Une affiche présentant une interdiction, autre exemple
typique de performatif explicite, crée l'interdiction et non pas
simplement de constater celle-ci. Cet effet visé est encore plus
évident concernant le panneau d'interdiction de dépassement de
vitesse qui crée non seulement l'interdiction, mais autorise de
surcroît les représentants de l'ordre de prévenir (par des
radars) et de sévir (par des amendes). En cela, elle fabrique
l'interdiction et est donc un explicite...cependant nous pourrions
considérer que cette affiche est un performatif implicite en ce que ceux
qui ont déposé cette affiche ne sont pas les créateurs de
l'interdiction, qui n'est donc pas l'oeuvre du locuteur, et lui permet
d'échapper à la responsabilité de l'interdiction,
renvoyant au véritable producteur de l'affiche, à savoir l'Etat
Français.
Ainsi, cette notion est difficilement applicable de
façon systématique, il est des cas nombreux
intermédiaires. L'interdiction engendrée par un panneau
interdisant l'usage d'un parking est un exemple supplémentaire de
performatif ambigu : s'il a bien pour objectif de produire une
interdiction _puisque sans l'indication portée par le panneau,
l'interdiction ne serait pas, d'où le droit de pénétrer en
ce parking_ pour autant, cette indication est-elle implicite ou
explicite ? En effet, si je puis placer une affiche interdisant le
stationnement devant mon domicile, je ne suis pas habilitée à
interdire (puisque seuls les représentants de la Loi disposent de cette
prérogative...) et cet acte n'est donc pas de moi _locuteur_ mais de
l'Etat _producteur de la Loi porteuse de l'interdiction et
matérialisée par cette affiche. La traduction est un autre cas
source de difficulté de catégorisation. Le traducteur, en
traduisant le discours d'un Chef d'Etat, n'en est pas l'auteur puisqu'il ne
crée pas ces paroles.
Plus encore, il semble que ce soit le notion même de
locuteur qui ne soit pas claire et rejoint la difficulté de savoir qui
interdit lorsqu'est déposée une affiche d'interdiction :
même en en étant le locuteur, je ne dispose pas du droit
d'interdire et n'en suis donc pas la source première. Cet acte est donc
un performatif secondaire implicite et non pas explicite : l'importance
est portée sur l'interdiction, le discours...non sur celui qui interdit
ou traduit.
Ainsi, la notion de contexte est fondamentale. La situation
à considérer est-elle celle réelle _telle que
considérée par un observateur extérieur objectif_ ou bien
est-elle celle que l'énoncé se donne à
lui-même ? Pour reprendre nos exemples vus supra, quel sera le
locuteur de ce que dit le traducteur qui, pour autant, n'a pas la
prétention de se considérer comme l'étant, mais
d'être seulement celui qui traduit ? Quel sera le locuteur du
panneau porteur d'une interdiction ?
La distinction entre acte du locuteur implicite _où la
difficulté porte sur la question de savoir qui en est le locuteur_ et
acte du locuteur explicite n'est pas parfaite. Cette difficulté renvoie
à la distinction entre situation réelle et situation
créée. L'ensemble de ces communications linguistiques n'ont pas
été traitées par Austin.
Les performatifs secondaires, comme vu supra, sont
désignés par le terme de « masqueradeurs »,
des imposteurs, puisque, s'ils possèdent une allure affirmative, si
syntaxiquement ils sont des affirmations, n'en sont pas sémantiquement
et sont donc de ce fait des « masques », des
déguisements.
Dans notre exemple : « la cavalerie attaquera
à l'aube », cet énoncé est une affirmation mais
sans servir à effectuer une assertion sur le monde. En effet, ils jouent
une comédie qui trompe sur la réalité car ils supposent
des présupposés notamment ceux, soutenus par J. Austin et
Aristote, selon lesquels l'affirmation syntaxique sert à effectuer des
affirmations sur le monde. Pour J. Austin ce sont donc des déguisements
sachant que cette « accusation » se fonde sur une
idée qui n'est pas si évidente. Pour autant, Austin la prendra
comme telle, considérant ces énoncés comme trompeurs.
Cependant nous pouvons admettre que les énoncés grammaticalement,
syntaxicalement, affirmatifs ne sont pas destinés à exprimer une
vérité sur le monde, n'en ont pas automatiquement la fonction et
dépend du locuteur. Car, en effet, cela n'est pas si évident
découlant d'une tradition philosophique occidentale pouvant
différer au sein d'autres sociétés.
Pour autant, il s'agit de noter le progrès
réalisé par Austin dans cette séparation entre
syntactiquement affirmatifs car pour lui, ils en existent qui n'agissent pas
sur le monde, mais il les considèrent comme des masques. Pour aller plus
loin, nous pouvons avancer qu'il n'est pas de lien entre énoncé
affirmatif et action sur le monde. Terminant le chemin qu'avait ouvert
Austin...
Comme nous avons vu, les énoncés performatifs
secondaires explicites affirment que l'ordre (qui en est l'exemple
paradigmatique) qu'ils visaient s'est réalisé effectivement. Ils
sont toujours à la première personne du Présent de
l'indicatif puisque l'action ne peut-être que présente car
accomplie par l'énonciation même et c'est le locuteur qui
prétend l'accomplir à travers son énonciation. Dans la
littérature, les énoncés performatifs sont
généralement des énoncés performatifs secondaires
explicites ou considérés comme tel ce qui dévoile un
mauvais usage de cette notion.
Pourquoi ces énoncés performatifs explicites
ont-ils revêtus un rôle si important ?
Tout d'abord, ce type d'énoncés n'a jamais
été pensé, nous sommes face à une innovation de
marque. De plus, ils revêtent un statut particulier.
Les quatre raisons principales soulevées par les
linguistes (notamment O. Ducrot et M. Carel) sont, premièrement qu'ils
semblent permettre une paraphrase de l'ensemble des énoncés
performatifs. Nous pouvons ainsi paraphraser notre énoncé
exemplaire « la cavalerie attaquera demain à
l'aube », par « je vous ordonne de faire attaquer la
cavalerie demain à l'aube » ; « vous êtes
licencié » par « je vous licencie »
etc....Cette possibilité de paraphraser tous les énoncés
performatifs par des énoncés explicites a amené la
naissance d'une théorie linguistique,
l' « hypothèse performative » de Lakoff5(*), selon laquelle la structure
syntaxique profonde de tout énoncé performatif est un
énoncé performatif explicite. Ainsi, l'ordre
« viens » peut-être décliné en
« je t'ordonne de venir ». Nous débutons donc par
former l'énoncé syntaxique « je t'ordonne de
venir » et cette hypothèse nous montre comment le transformer
en l'ordre « viens ».
L'intérêt de cette hypothèse réside
dans le fait qu'elle permet une unification de tous les énoncés
en classant les énoncés performatifs derrière tous les
énoncés (impératifs, interrogatifs, performatifs). Ainsi
tous les énoncés viennent d'un énoncé performatif
qui constitue leur « structure profonde »
_l'affirmation devient alors le type fondamental de l'énonciation et
permet de réaliser l'un des objectifs des linguistes : celui de
trouver une structure fondamentale des énoncés.
Elle permet, de surcroît, une compréhension
simplifiée des adverbes d'énonciations (les adverbes se
déclinent en adverbes de constituant, d'énoncé et
d'énonciation _qui porte sur l'énonciation du reste de la
phrase).Ceux-ci qualifiant non pas « je suis en
colère » dans la phrase « franchement, je suis en
colère », mais le fait même que je sois en
colère, l'énonciation de ce qui suit cet adverbe. Cet adverbe
porte non sur des mots mais sur des actes de paroles. Ce type d'adverbe sort de
la structure, sauf si l'on admet l'hypothèse performative, nous
permettant de le réduire au concept d'adverbe d'énoncé,
qualifiant le reste de la phrase et nous permettant de parvenir à une
unification qui, cependant, reste imparfaite car elle ne s'applique toujours
pas à tous les cas, notamment à celui du segment suivant
l'adverbe d'énonciation lorsqu'il est un verbe assertif (exemple :
« franchement, ton travail est excellent » où le
dernier segment est un constatif) nous obligeant à traiter les adverbes
relatifs à des constatifs par rapport aux performatifs. Afin de parvenir
à traiter ce constatif comme possédant une structure profonde
d'acte de langage, il faudrait étendre l'hypothèse performative
aux énoncés constatifs (« Franchement, je te dis que
ton travail est excellent ») nous permettant d'obtenir, enfin, une
unification complète des adverbes d'énonciation. Pour l'instant,
dans la première philosophie, il nous est impossible d'effectuer ce
travail complet d'unification : nous ne savons traiter que les constatifs
distingués des performatifs ; il faudrait supprimer cette
distinction. C'est ce à quoi s'attèlera Austin dans la seconde
philosophie intitulée « les actes de langage », d'un
intérêt majeur car en gardant cette distinction, elle nous conduit
à se trouver face à nombre majeur de cas
intermédiaires.
Deuxièmement, ils semblent montrer la
possibilité que le locuteur se désigne lui-même vu dans son
activité de parole (« sub-référence).
La troisième raison est un « addendum
à la performativité » (O. Ducrot), postulant que les
performatifs secondaires explicites présentent une particularité
lorsqu'ils font partie d'un discours rapporté en style direct. Supposons
que X a dit : « je + verbe » où V est un
« perfomatif », un verbe susceptible de servir de verbe
principal à un énoncé performatif secondaire explicite au
présent). Il peut être paraphrasé par une phrase simple du
type : « X + W » (où W est un verbe identique
à V mais au passé) : X m'a ordonné de venir en lieu
de « je te permets de venir ». Ce type de paraphrase est
typique des performatifs secondaires explicites et ne peux s'effectuer avec des
verbes non performatifs. O. Ducrot présente l'exemple de « se
promener ». Peut-on le paraphraser en « X s'est
promené » ? Certainement pas puisque le verbe
« dire » ne peut-être supprimé lorsqu'il
s'agit d'un verbe non performatif. Nous sommes face à une
propriété étonnante qui nous pousse à
présenter un autre exemple. « Il m'a dit : « je
te promets » », le verbe « dire » se
trouve inclut dans l'acte de promesse devenant « il m'a
promit ». Nous pouvons appeler cette propriété
« le rapport libre », façon de rapporter le
discours d'autrui, dans laquelle nous pouvons nous libérer du verbe
introducteur du discours rapporté. Supposons, un énoncé E
rapporté en style direct, cela donnera X a dit : « je te
déteste » ; en style indirect, cela donnera X a dit
à Y qu'il le détestait ; enfin en style indirect libre, cela
va poser un problème important car le verbe « dire »
va être supprimé, E va devenir simplement : « il me
détestait ». Ce rapport indirect libre possible dans les
performatifs explicites peut-il être étendu aux performatifs
implicites ? Pour O. Ducrot, il semble que nous le pouvons ; Nous
pouvons ainsi paraphraser « mon directeur m'a dit : je vous
renvoie » par « mon directeur était en
colère. J'étais renvoyé ». Ce problème
philosophiquement et linguistiquement est d'une importance majeure, il suppose
la possibilité de laisser le verbe « dire »
sous-entendu dans le style indirect libre appliqué à des
performatifs secondaires implicites.
Enfin, ils soulèvent la question de savoir si les
performatives explicites sont naturels ou conventionnels. C'est le
problème ancestral courant à travers l'histoire du langage
postulant que le langage est naturel ou conventionnel (Provenant de la
tradition Platonicienne). Si les mots sont considérés comme
étant naturels, il y aura alors un rapport entre mot et
élément désigné ; s'ils sont conventionnels,
c'est en vertu d'une convention qu'a été assigné le mot au
signifié. Ainsi, la signification sera naturellement liée
à la forme des mots (« cratylisme ») dans le premier
cas, arbitraire dans le second. Cette question peut se poser également
pour les mots isolés : nous pouvons en effet nous interroger si
c'est naturellement que tel énoncé se présente comme
obtenant un effet ou bien arbitrairement ? Les énoncés
performatifs explicites nous amènent à pendre position de leur
caractère soit arbitraire soit conventionnel.
Pour les Conventionnalistes tel que J. Austin ou O. Ducrot, le
rapport entre l'acte accompli au moyen d'un performatif explicite et la formule
utilisée est aussi arbitraire que celui existant entre l'acte accompli
au moyen d'un performatif primaire et la formule utilisée. La
difficulté de cette position est que, dans le cas d'un performatif
explicite, nous sentons une relation particulière entre le sens de
l'acte et le sens du verbe de la formule. O. Ducrot tente d'en rendre compte
dans la théorie de « l'illusion performative » en
recourant notamment à la notion de
« délocutivité »6(*).
Pour les Cratylistes7(*), il existe un rapport nécessaire entre l'acte
accompli au moyen d'un performatif explicite et la formule utilisée
(l'acte d'ordre par exemple). Toute une littéraire va tenter
d'expliciter ce rapport nécessaire. Nous pouvons considérer que
trois hypothèses ont été avancées par cette
position : L'hypothèse première Si
« je+verbe » (je te permets) est un performatif explicite,
son locuteur dit accomplir un acte V', celui-ci étant un synonyme et
généralement un homonyme de V relevant cependant d'un
métalangage scientifique. Supposons F : X a dit :
« Jean est intelligent ». C'est un fait observable.
Supposons un linguiste assistant à la scène et décrivant
ce fait F en disant : « X a dit que Jean est
intelligent ». La difficulté réside dans le fait de
savoir si le mot « intelligent » est identique dans le fait
F et dans le fait F rapporté par le linguiste. En effet, dans le fait F,
le terme « intelligent » appartient au langage de X tandis
que, lorsque le linguiste décrit ce fait F, le terme
« intelligent » n'appartient plus au langage de X mais
à celui de l'observateur, langage métacognitif scientifique. Il
n'est pas donc tout à fait sûr que ce rapport soit exact ;
pour ce faire, il faudrait que ce terme ait le même sens dans les deux
langages. Or, il se peut que X avait en tête une autre définition
que celle des psychologues (Quotient intellectuel...). Bien que Le linguiste
n'ajoute aucune hypothèse, pour autant ce rapport est
hypothétique car le mot rapporté n'appartient pas au langage tel
qu'employé par X. Afin de rapporter des faits de parole, nous utilisons
des mots appartenant à ce fait mais il appartient à un langage
métacognitif d'observateur, et, alors, nous ne sommes pas certains qu'il
ait le même sens dans les deux cas. Car, en quel sens X a pris ce
mot ? Ce sens peut différer du sens qu'il a dans le rapport
métacognitif. Le linguiste peut rapporter que X a dit que Jean est
intelligent argumentant que X aime Jean ; pour autant dans le discours de
X, le terme « intelligent » était-il
favorable ? Ne pouvait-il pas constituer une critique (ironie,
antithèse...et toute figure de style imaginable pour exprimer le
contraire de ce que nous disons) ? Ainsi, lors du rapport du sens
effectué par le linguiste par le biais de son langage
métacognitif, il pose une hypothèse, celle que le mot qu'il
utilise revêt le même sens que celui utilisé dans le
discours de Jean. Si nous admettons que ce rapport est fidèle,
nécessairement honnête, cela n'est pas sûr. Etant
contestable, il ne peut constituer qu'une hypothèse.
Les deux hypothèses suivantes découlent de la
première : dans la seconde, « je +verbe »
qualifie son énonciation de V' (à la différence de
« je mens » et de la plupart des énoncés dont
le sujet est « je »). Cette hypothèse est forte, car
elle stipule que lorsque quelqu'un dit : « je te
permets », il qualifie sa propre énonciation. Or, cela n'est
pas certain, et constitue de fait une hypothèse car nous rencontrons des
difficultés par exemple dans le « paradoxe8(*) du menteur9(*) » : supposons
E : « je mens », si E est vrai, alors E est faux car
lorsque je dis « je mens », je ne mens pas, je dis la
vérité. Si E est faux, que je mens au moment où je parle,
alors E est vrai : je mens...Cela suppose que la phrase E signifie que je
mens lorsque je le dis sous peine de ne plus être un paradoxe. E est
difficile à annoncer en langage naturel car il signifie que ce que je
vais dire est un mensonge et ne qualifie donc pas sa propre énonciation,
l'acte que « Je » est en train d'accomplir. Il est
difficile de trouver une expression qui qualifie sa propre énonciation.
Afin d'énoncer le paradoxe du menteur, il faudrait dire que ce que nous
sommes en train de dire est un mensonge. Or il est difficile de trouver une
formule disant ce que fait le locuteur lorsqu'il parle. Et l'hypothèse
deux avance que malgré cette difficulté, l'énonciation est
qualifiée par « je + verbe » ; c'est une
supposition, certes forte, mais incertaine que celle de postuler que les
performatifs qualifient l'acte accompli par leur propre énonciation
(assimilant le verbe indiquant l'acte avec le verbe utilisé par le
rapporteur).
Les déductions de ces deux hypothèses s'ajoutent
à la troisième, hypothèse philosophique concernant V',
actes de parole (promesse, permission, ordre...), postulant qu'il suffit pour
accomplir V' à l'égard d'un destinataire D, d'adresser à D
une communication se présentant comme destinée à accomplir
V'. Si cela est admis, il est nécessaire que l'énoncé
« je t'ordonne de venir » serve à accomplir l'ordre
puisqu'il part de sa propre énonciation comme servant à accomplir
l'ordre alors il est évident que les performatifs secondaires explicites
servent à cela. Or cela n'est pas si évident...
La première philosophie présentant la notion de
« performativité » et la seconde présentant
la notion « des actes de langage » sont
présentées au sein de la même oeuvre ce qui est dramatique
car la seconde contredit la première. Les actes de langage seront
présentés d'après « la théorie des speech
acts » telle qu'Austin la construit dans sa seconde philosophie
amendée de compléments dus à Searle10(*). J. Austin va abandonner la
distinction constatif versus performatif, puisque cette dichotomie portait sur
les conditions de vérité et de félicité, et puisque
les uns et les autres servent de façon essentielle et constitutive
à accomplir des actes et disposent de ce fait toutes deux de conditions
de félicité et de vérité, alors le terme
« performatif » devient libre ne rentrant plus dans cette
scission, n'étant plus considéré comme performatif
secondaire explicite. J. Austin insiste particulièrement sur les
conditions de félicité des énoncés constatifs
nécessaires à l'accomplissement d'une assertion. En philosophie,
littérature, tout devient un énoncé performatif...
Aujourd'hui, cette notion fondamentale n'a rien perdu de sa
force...en linguistique, c'est certain, mais plus encore, elle trouve un regain
de nouveauté plus généralement en sciences humaines.
III. La notion de performativité et les sciences
sociales11(*)
Les sciences sociales voient la naissance d'un
intérêt vif envers la notion brillante de
« performativité ». Certains parlent de la
participation de cette notion à un « double tournant
épistémologique » : linguistique _découlant
de la naissance d'une passion pour les pratiques langagières, et la
communication au sein de disciplines qui, jusque-là, s'en
désintéressaient_ et pratique _ centré sur la
compréhension et description de l'action composant l'objet de ces
disciplines. La question cruciale fut alors de connaitre le pourcentage
langagier constitutif de l'action, ainsi que sa nature pragmatique,
c'est-à-dire les actes de langage. Les disciplines nourricières
de la notion de « performativité »_philosophie,
linguistique_ , l'ont vue épousée par des traditions
disciplinaires étrangères à son milieu initial. Ces
disciplines en ont dévoilées certains aspects concrets, allant
au-delà du simple « perform », et en ont
accusé les limites. Désormais, elle est centrale, point de
rattachement de multiples disciplines inquiètes de sa portée
heuristique, obnubilées par ses modifications, attentives à
permettre sa préservation en tant qu'instrument à la base d'une
problématique de communication et de l'action à un niveau
multidisciplinaire12(*).
Si J. Austin abandonne ces premières intuitions dès les
premières conférences, elles donnent lieu à
réappropriation par des propositions semblant antagonistes. La notion
Austinienne de Performativité semble constituer une régression
pour qui s'arrêterait à ses conclusions. Tel n'est plus le cas
lorsque nous nous penchons sur sa reconquête théorique, culminant
en une profonde redéfinition. Elle voyage depuis sa création
à travers les espaces disciplinaires, les esprits d'auteurs la
reconsidérant sans cesse, l'érigeant en objet de recherche
exclusif. Si J. Austin l'a délaissée, dépassée,
certains vont se dresser, contra lui, la réhabiliter dans toute
sa splendeur, fut-ce au prix d'une critique de la philosophie ordinaire de son
créateur. Notamment, elle constituera la centralité d'un vif
débat entre linguistique et sciences sociales, culminant à
l'extrême en une nouvelle vision du langage, de l'action et de leurs
interrelations.
J. Austin souhaitait définir
la caractère performatif de certains énoncés afin de
spécifier les différentes occasions où
l'énonciation ne faisait pas simplement que
« constater » une action, une situation, mais constituait
en elle-même une action à part entière. Il rompait avec
toute une tradition philosophique tandis qu'il considérait les cas
où dire, c'est faire. Tout au long de son oeuvre, J. Austin est
confronté à des complications l'amenant à abandonner sa
créature initiale à l'issue de la septième
conférence : c'est un constat d'échec de la distinction
performatif versus constatif pour de multiples raisons13(*). La notion comprise comme
qualité parfaite des énonciations spécifiques, sera
délaissée après cet aveu d'échec afin de «
reprendre le problème à neuf » et travailler à la
mise en lumière de l'épaisseur pragmatique de toute
énonciation, qu'il décompose en actes locutoires (qui ont une
signification), illocutoires (qui ont une force) et
perlocutoires (qui ont des effets). Il dévoile alors la
mutation d'une problématique visant à scinder performatifs et
constatifs en celle d'une théorie des actes de discours (p. 152),
devenant mature en fin d'ouvrage _dernière conférence_ via le
compte-rendu des valeurs qu'il peaufine en dressant une liste des valeurs
illocutoires de l'énonciation.
Les sciences sociales ont été habitées
par un même choc pragmatique que la philosophie, fondé en grande
partie sur la réflexion Austinienne. Tous ceux qui s'en
réclament, le font avec une force variable : certains
fidèles, d'autres originaux, voire contradicteurs. E.
Benveniste14(*) et J. R.
Searle15(*) vont soutenir
une vision d'un usage restreint de cette notion. A contrario, le concept de
force illocutoire ne sera pas confondu avec la notion de performativité
pour d'autres auteurs de sciences sociales se réclamant d'elle, et
refusant pour elle, afin de la parer à nouveau d'une force heuristique,
de suivre le mouvement analytique initié par J. Austin. Afin de
préserver les pratiques ordinaires, les situations concrètes,
réelles. Pour eux, il s'agit de trouver un équilibre entre
langage, action, situation refusant que toute énonciation supposant un
acte illocutoire soit performative, devenant attentifs à son analyse
via les conditions de sa réalisation. Face à ce
renouveau de la notion, nous trouvons des critiques adressées au
créateur, ses conclusions ne considèrent pas à leur juste
valeur la part située du discours (les conventions, les institutions,
les « conditions de félicité », enfin), nous
dirigeant vers un absolu linguistique. P. Bourdieu16(*) sera l'une des figures
premières critiquant J. Austin en mettant en lumière, dans
l'analyse des performatifs, la position des énonciateurs dans l'espace
social et la force du pouvoir dont ils sont possesseurs. Actuellement, la
notion de performativité est prise en un dynamisme sociolinguistique
l'enrichissant en la fusionnant à des objets constitutifs de situations
sociales vivantes, nous permettant de la considérer sous un nouveau
regard multidisciplinaire, multiculturel...telle qu'elle est.
* 1 Philosophical
Papers, 1961 - 1994 pour la traduction française
* 2 Sense and
Sensibilia, 1962 - traduit en français en 1971
* 3John Langshaw Austin, How
to Do Things with Words, 1962 - traduit en 1970, Quand dire, c'est
faire, traduction de l'anglais par Gilles Lane, Editions du Seuil, "Points
Essais", 1970 (207 p.)
* 4 Pour J. Austin, E. Kant
constitue un pionnier dans la démonstration systématique du
non-sens de beaucoup d' « affirmations », en
dépit d'une structure grammaticale « très
courante » ; tout comme il le fut dans celle dévoilant le
fait que nombre d « utterances »
(énonciations), ressemblant à des affirmations, « ne
sont pas du tout destinées à rapporter ou à communiquer
d'information pure et simple sur les faits, ou encore ne le sont que
partiellement ». Kant proposera que les « propositions
éthiques (...) pourraient bien avoir pour but, unique ou non, de
manifester une émotion, ou de prescrire un mode de conduite, ou
d'influencer le comportement de quelque façon » (P. 38)
* 5 Ce sémanticien
générativiste a développé une hypothèse,
l'hypothèse performative, dont l'origine est la théorie des actes
de langage,
Lakoff, G. (1972), « Linguistics and natural logic
», in Davidson, D. & Harman, G. (eds.),
Semantics of Natural Language, Dordrecht, 545-665.
Ross, J.R. (1970), « On declarative sentences », in
Jacob, R.A. & Rosenbaum, P.S. (eds.),
Readings in English Transformational Grammar,
Waltham, Ginn, 222-272.
* 6 La notion de
dérivation délocutive a été introduite par Emile
Benveniste (1902-1976) dans un article paru en 1958. Elle ne semble pas avoir
été remarquée lors de sa sortie. Mais, l'article repris
entre temps dans Problèmes de linguistique
générale (1966), tout changea de face quand, en 1972, O.
Ducrot fit un lien entre délocutivité et performativité
(promettre = dire je promets), ramenant la
délocutivité du côté de la
réinterprétation sémantique (1975). A sa suite, Cornulier
(1976) introduisit le concept d'autodélocutivité et Anscombre,
dans une série d'articles datant de la fin des années 1970 et de
la première moitié des années 1980, tenta une
théorisation de la notion. Voir Ducrot, O., 1975: "Je trouve que".
Semantikos 1: 62-88. Anscombre, J.-C., 1979: "La
délocutivité généralisée". Recherches
Linguistiques 8: 5-43. Cornulier, B. de, 1976: "La notion de
dérivation délocutive". Revue de linguistique romane 40:
116-144. Benveniste, E., 1958: "Les verbes délocutifs". Repris dans ses
Problèmes de linguistique générale 1 (Gallimard
1966) pp. 277-285.
* 7 Platon, dans son dialogue
appelé le Cratyle, met en scène un personnage du
même nom, qui défend l'idée qu'au moins à l'origine,
les mots, dans leur forme, ont un rapport avec les choses qu'ils
représentent. Si au contraire les mots ne prennent leur sens qu'en
fonction de l'ensemble de la structure, ils n'ont aucun rapport
privilégié avec la chose à quoi ils
réfèrent. Si "mouton" avait, dans sa forme, quelque rapport avec
l'animal en question, on comprendrait que l'anglais se serve du terme "mutton",
mais on ne comprendrait pas qu'il se serve du terme "sheep", qui n'a plus rien
à voir.
* 8 Le paradoxe pour un
logicien est une phrase qui n'est ni vraie ni fausse. Si elle est vraie, est
fausse et vice-versa.
* 9 Paradoxe découvert
dans l'antiquité grecque.
* 10 Searle, Speech
acts, 1969 traduit sous le titre « les actes de
langage », 1972 sous le conseil de O. Ducrot _bien que Searle aurait
préféré « les actes de parole »_
considérant que le terme « parole » revêt en
français une connotation négative.
Searle, J.R. (1972), les actes de langage, paris,
Hermann.
* 11 Voir l'article de
Jérôme Denis, 2006, Performativité : usages et
relectures d'une notion frontière, Études de
Communication (n°29), qui en présente un véritable
engouement interdisciplinaire.
* 12 C'est, entre autres, le
cas de l'anthropologie/ethnologie, la sociologie, les sciences de la
communication et de l'information, bien entendu, s'ajoutant au
disciplines-berceau de la notion.
* 13 Confer les
première et seconde partie de ce document : Les « malheurs
» d'abord ne sont pas totalement réservés aux
énonciations performatives, tout comme l'exigence de conformité
factuelle n'est pas exclusive aux constatifs. Aucun critère grammatical
ne lui a par ailleurs permis de distinguer les énonciations
performatives. Enfin, le caractère « explicite » de certaines
énonciations qui se montrent performatives ne suffit pas pour les
classer à coup sûr dans les performatifs. Qui plus est, il les
fait finalement tomber sous le coup d'une épreuve que l'on croyait
définitivement éloignée : celle tranchant entre vrai et
faux.
* 14Benveniste, E. (1976),
problèmes de linguistique générale, paris,
Gallimard
* 15 Searle, J.R. (1972),
les actes de langage. Op. Cit.
* 16 Bourdieu, P. (1982),
Ce que parler veut dire. L'économie des échanges
linguistiques, Paris, Fayard. Pour une présentation de la
théorie de l' « espace social », voir La
distinction. Critique sociale du jugement, Minuit, 1979.
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