Investissement direct étranger et croissance économique en RDCongo (de 1990 à 2006)( Télécharger le fichier original )par Salvatores Yoshua Université de Goma - Licence 2007 |
I.2.2. Les travaux empiriquesDe nombreuses études empiriques ont analysé l'impact des IDE sur les PVD avec des résultats divergents. Alors que certaines études soutiennent que l'IDE a des effets positifs sur la croissance économique des pays d'accueil, d'autres par contre pensent que l'IDE n'est pas une condition nécessaire ni suffisante. Dans la littérature sur les effets des IDE dans les pays d'accueil, on distingue d'une manière générale deux grands courants d'analyse : une étude de causalité entre les IDE et la croissance (premier paragraphe), une étude des effets d'entraînement des IDE et des « spillovers » engendrés dans les pays d'accueil (deuxième paragraphe). Il convient aussi de mettre l'accent sur les problèmes souvent rencontrés dans ces études concernant l'utilisation des méthodes statistiques. 1.2.2.1 - Les analyses de causalité IDE-croissance Plusieurs études ont tenté une analyse causale entre l'IDE et la croissance avec des résultats divergents. Une étude publiée par la Banque mondiale en 1999 dans le but de trouver une relation entre les IDE et la croissance des pays en développement montre que les flux d'IDE augmentent l'investissement total et partant, la croissance des PVD. Borensztein, de Gregorio et Lee (1998) utilisant un modèle de croissance endogène vont dans le même sens : les IDE facilitent le transfert de technologie, élèvent le niveau de qualification des travailleurs et tendent à augmenter les exportations et la compétitivité dans les PVD. Leur étude de panel sur 69 pays en développement montre qu'une augmentation d'un point de pourcentage du ratio des IDE sur le PIB accroît le taux de croissance du PIB par tête du pays hôte de 0,8 pour cent. Pour Wacziarg, à chaque point de pourcentage de ratio des IDE sur le PIB est associée une élévation du taux de croissance du PIB par tête de 0,3 à 0,4 pour cent. Ces résultats sont identiques à ceux de Blomstrom, Lipsey et Zejan dont l'étude porte sur des pays en développement à revenu élevé. Loesse dans la recherche d'une relation entre l'IDE et la croissance économique en Côte d'Ivoire trouve qu'entre la période 1970-2001, les investissements directs étrangers ont été une source importante pour la croissance. Toutes choses égales par ailleurs, un point de pourcentage d'IDE supplémentaire entrant en Côte d'Ivoire engendre une augmentation de la croissance du produit intérieur brut par tête de 0,01 pour cent. L'auteur soutient que les politiques d'incitation à l'investissement mises en oeuvre ont contribué à accroître les flux d'IDE donc la capacité productive de l'économie, ce qui a eu pour conséquence une augmentation du produit intérieur brut. Par contre, une étude menée sur les effets des IDE dans 73 pays en développement par Singh ne fait pas apparaître d'effet significatif. Hein de son côté ne trouve pas d'effet significatif entre l'IDE et la croissance du PIB par tête d'habitant dans un échantillon de 40 pays en développement. Dans le même ordre d'idées, une étude économétrique menée par Nair-Reichert et Weinhold utilisant le test de causalité de Holtz-Eakin sur un panel de 24 pays en développement entre 1971 et 1995 ne trouvent aucune relation causale entre les IDE et la croissance5(*). Dans la même lignée et en utilisant une fonction de production néoclassique, Saltz trouve une corrélation négative entre l'IDE et la croissance économique. Selon lui, l'IDE augmente le niveau global de l'investissement, améliore la productivité dans certains cas, mais a tendance dans beaucoup d'autres à réduire le taux de croissance. Pour confirmer ses conclusions, l'auteur étudie la relation IDE-croissance dans un échantillon de pays divisé en deux groupes distincts, selon qu'ils reçoivent plus ou moins d'IDE. L'auteur trouve que dans les pays en développement qui acceptent le rapatriement des profits sans aucune contrainte, l'IDE n'a pas d'effet positif sur la croissance6(*). En particulier, l'auteur soutient que si l'IDE se traduit par une levée des capitaux sur le marché du pays hôte, il en résulte une redistribution des industries intensives en travail vers les industries intensives en capital, créant ainsi une perte d'emploi nette et par la suite une baisse de la demande de consommation. Un autre effet négatif peut résulter de l'extraction excessive de minerais ou de la spécialisation excessive de la production sur un bien particulier qui engendrerait une baisse des prix à l'exportation et une détérioration des termes de l'échange du pays hôte. De même, Carkovic et Levine ne trouvent aucun lien entre l'IDE et la croissance dans un échantillon de pays de la Banque mondiale (BM). Abordant dans le même sens, Chowdhury et Mavrotas trouvent que « l'IDE ne cause pas la croissance » au sens de Granger au Chili, alors que cette relation de causalité est bidirectionnelle dans le cas de la Malaisie et de la Thaïlande. D'autres études dans la recherche d'un lien entre l'IDE et la croissance ont donné des résultats ambigus et notamment une large étude menée par la CNUCED. Dans le but d'éviter les problèmes de corrélation fréquemment rencontrés, les auteurs ont utilisé des données de panel et des variables avec retard sur un ensemble de 100 pays sur une période de cinq ans. De toutes les variables explicatives retenues, seules les variables représentant le niveau d'éducation étaient significatives. Dans cet ordre d'idées, Zhang fait des investigations dans le but de déterminer le sens de la relation entre l'IDE et la croissance dans 11 pays d'Asie et d'Amérique Latine. Il utilise les séries temporelles propres pour chacun des pays et conduit des tests de causalité de longue période basés sur le modèle de correction d'erreur. Les résultats montrent qu'il n'existe pas de relation entre l'IDE et la croissance en Argentine dans le court et le long terme alors qu'il existe bien une relation de la croissance vers l'IDE au Brésil dans le court terme et dans le long terme en Colombie. Pour les pays d'Asie, l'auteur trouve une relation de court terme de la croissance vers l'IDE en Corée, en Malaisie et en Thaïlande. Au total dans 5 des 11 pays étudiés, la croissance est accélérée par l'IDE. Pour six pays, il n'existe pas de relation de co-intégration entre l'IDE et la croissance ; seul un pays montre une relation de causalité de la croissance vers l'IDE. De Melo tente de corriger les insuffisances économétriques soulevées dans les premières études en faisant à la fois un test des séries temporelles et un test des données de panel. L'objectif ici est toujours le même, à savoir trouver une relation de causalité entre les IDE et la croissance économique dans le pays d'accueil au moyen d'un test de causalité. Pour ce faire, il choisit un échantillon composé des pays de l'OCDE et des pays non OCDE. Dans le premier cas, de Melo commence son test de causalité à la Granger par un test de stationnarité, et vérifie ensuite les relations à court et à long terme entre les deux variables par un test usuel (cointégration), et enfin finit son analyse par un test sur les données de panel. Il fait apparaître que si les IDE sont en mesure de favoriser la croissance économique, cette relation dépend du degré de complémentarité et de substitution entre l'IDE et l'investissement interne. Young et Brewer abordent dans le même sens et se demandent comment comparer l'Inde dont le taux de croissance est supérieur à 10% avec une faible présence d'IDE, l'Angola, où l'importance des IDE va de pair avec une croissance négative, la Malaisie et la Chine où les IDE s'accompagnent d'une forte croissance. L'impact des IDE sur la croissance sera donc fonction du type d'IDE, des structures du pays d'accueil et des interactions qui se développeront ou non entre les variables telles que le capital humain, l'investissement domestique, le commerce extérieur, etc. 1.2.2.2 - Les retombées des IDE dans les pays d'accueil Les retombées des IDE dans les pays d'accueil ont fait l'objet d'une littérature abondante. Les études mettent particulièrement l'accent sur les effets des IDE sur l'emploi et la réduction de la pauvreté, le transfert de technologies et la formation d'un capital humain capable de les maîtriser, l'évolution de l'investissement domestique, les exportations et le commerce extérieur. 1° - Effets sur l'emploi Deux tendances s'affrontent en ce qui concerne les effets d'entraînement des IDE sur l'emploi dans les pays d'accueil, les unes vantant leurs mérites, d'autres les dénonçant. Pour ce qui est de la première tendance, une contribution empirique des effets des IDE sur l'emploi est apportée par le modèle de Mickiewicz, Radocevics et Varblane. Ce modèle s'appuie sur des faits observés en Europe centrale durant la période de transition de ces économies. D'après ce modèle, il existe à la fois des investissements en quête de marchés et attirés par la faiblesse du coût des facteurs. Le modèle développé comprend trios étapes principales. Dans la première étape, l'intention des investisseurs est de gagner des parts de marchés locaux et d'utiliser une main d'oeuvre à bon marché. Les IDE se limitent aux travaux d'assemblage des produits à faible intensité capitalistique et à faible valeur ajoutée. Le capital investi est faible et l'innovation technologique ne fait pas partie des objectifs essentiels des investisseurs. Comme résultat, l'impact des IDE sur l'emploi est limité, mais à travers le phénomène d'apprentissage, les firmes locales vont gagner en organisation et qualité managériale. Dans la deuxième étape, les conditions des firmes transnationales s'améliorent au fur et à mesure que la transition évolue. A ce stade, ces firmes profitent de la faiblesse des coûts du travail mais aussi de la qualité de la main-d'oeuvre. C'est ainsi que les flux d'IDE vont augmenter et commencer à transférer leur technologie. Les investissements étrangers ont alors un impact certain sur l'emploi dans le pays d'accueil. Dans une troisième étape enfin, les investisseurs locaux deviennent à leur tour des fournisseurs au niveau régional, et le renforcement des liens de coopération avec les sous-traitants locaux conduit à la création d'emplois. L'introduction des nouvelles technologies, les investissements dans la formation et la maîtrise des techniques de pointe en étroite collaboration avec les institutions éducatives locales, ainsi que l'accès aux marchés et à la production mondiale, augmentent le rendement industriel. En général à ce stade les firmes étrangères ont des salaires supérieurs à ceux des firmes locales ; mais au fur et à mesure que la part des IDE dans l'emploi augmente, les entrepreneurs locaux commencent à mieux payer les employés. Ainsi, la situation de l'emploi s'améliore au fur et à mesure que l'économie en transition se développe. Gries et Jungblut tentent de montrer l'impact positif des IDE sur l'emploi dans les PVD. A l'aide d'un modèle théorique ils démontrent que l'ouverture aux capitaux étrangers a un effet positif sur la création d'emploi dans le pays hôte. Ils notent cependant que la structure des emplois créés reste ambiguë : ce sont surtout les travailleurs qualifiés qui bénéficient des emplois offerts par les firmes étrangères. Les auteurs estiment néanmoins que cette lacune pourrait être résorbée par l'envoi d'experts pour former la main-d'oeuvre locale ou par l'investissement massif dans l'éducation dans le pays hôte. Hunya et Geishecker dans la recherche des effets des IDE sur l'emploi dans les pays d'Europe de l'Est après la décentralisation, constatent que les pertes d'emplois dues à la privatisation des entreprises d'Etat ont entraîné une restructuration de ces entreprises qui s'avèrent être plus efficientes et plus efficaces. Le test économétrique effectué à l'aide d'un modèle de gravité confirme que les multinationales privilégient les employés bien formés à qui elles offrent des salaires supérieurs par rapport aux firmes locales qui offrent des salaries peu élevés à des travailleurs disposant d'un faible niveau de formation. 2° - Effets sur la distribution des revenus Les effets des IDE sur la répartition des revenus dans les pays d'accueil ont été diversement interprétés dans la littérature. Certains auteurs soutiennent que ces effets sont positifs dans la répartition et l'amélioration des revenus des travailleurs, d'autres pas. Les effets positifs des IDE ont été vérifiés dans le domaine de la redistribution des revenus et de la richesse dans certains pays en développement tels le Botswana contrairement à d'autres pays tels le Zaïre (de Mobutu) et l'Angola (de Dos Santos) où l'argent des multinationales a servi soit à corrompre les politiciens, soit à acheter les armes. Aux dires de Jalilian et Weiss et soutenus par Klein, Aaron et Hadjimichael les IDE ont un effet direct sur la réduction de la pauvreté. Dollar et Kraay soutiennent que les IDE sont bons pour la croissance, laquelle croissance est bonne pour réduire la pauvreté. D'après différents rapports de la Banque mondiale et Mainguy, la diminution de la pauvreté en Asie serait associée à une croissance rapide laquelle est véhiculée par les IDE, en Chine certes mais aussi au Vietnam où la pauvreté aurait chuté de 58% à 37% entre 1993 et 1998. Bussman et al. en prenant comme indicateurs le coefficient de Gini, trouvent que les IDE tout comme les investissements domestiques ont un impact sur les revenus moyens dans les PVD. Il faut noter que ces résultats ne sont valables qu'en coupe transversale et doivent être pris avec réserve. En effet, dans une étude empirique basée sur 88 pays en développement, Milanovic n'a trouvé aucune relation entre les IDE et les inégalités de revenus. En conclusion, on peut dire avec Lipsey qu'il faut tenir compte aussi bien des spécificités et des politiques des pays que des caractéristiques des firmes et des industries pour évaluer les retombées des IDE sur les revenus et la pauvreté7(*). 3° - Effets sur le transfert de technologies La littérature sur les transferts de technologies montre que les effets des IDE sur l'économie des pays d'accueil sont divers.Dans une importante revue de la littérature dans le domaine, de Mello ressort deux voies principales par lesquelles les IDE encouragent la croissance. Les IDE permettent la diffusion du progrès technique par des effets d'entraînement et par le transfert des connaissances, notamment par l'acquisition de nouvelles techniques managerielles et organisationnelles. Nelson et Phelps, Jovanovic et Rob , Grossman et Helman, Segerstrom et Barro et Sala-i-Martin et plus récemment Borensztein, de Gregorio et Lee, utilisant un modèle de croissance endogène soutiennent que les IDE aident à promouvoir la croissance dans les PVD en facilitant le transfert de technologie, en accroissant le niveau de qualification des travailleurs et surtout par l'augmentation des exportations et de la compétitivité. Pour eux, les IDE jouent un rôle central dans le processus de développement, contrairement aux théories traditionnelles où l'innovation technologique était laissée aux oubliettes. Dans le même ordre d'idées, les résultats des travaux de Barrel et Pain et Borensztein et al. ainsi que les travaux de Brooks et Hill suggèrent que le transfert des technologies est un canal à travers lequel la croissance peut être favorisée. Blomström et Kokko soutiennent que le « transfert de technologie entre les multinationales et leurs filiales ne s'opère pas seulement via les machines, le matériel, les brevets et l'expatriation des gestionnaires et des techniciens, mais également grâce à la formation des employés locaux des filiales. Cette formation touche la plupart des niveaux d'emploi, depuis les simples manoeuvres jusqu'aux techniciens et gestionnaires supérieurs en passant par les contremaîtres». Abwona relève les autres retombées des IDE comme étant l'octroi aux pays hôtes des compétences dans le domaine de la gestion, l'accès aux marchés extérieurs et la fourniture des biens manufacturés aux pays d'accueil. De plus, les IDE peuvent avoir des effets d'entraînement dans le domaine des infrastructures. Coe et Helman, Engelbrecht, Griffith, Redding et Van Reenen dans la même lignée affirment que les activités de recherche et de développement menées par les firmes multinationales étrangères exercent un effet de contagion sur les firmes locales que ce soit au niveau de la formation de la main-d'oeuvre ou au niveau du rendement des inputs. De Mello trouve que, selon les cas, l'entrée des flux d'investissements directs étrangers n'est pas nécessairement bénéfique à l'égard du pays d'accueil. L'auteur divise son échantillon de pays en deux parties, le groupe des pays « leaders » qui initient les innovations technologiques (pays développés) et le groupe des pays suiveurs (pays en développement) qui importent les technologies depuis les pays développés. Les effets des investissements directs étrangers sont généralement positifs sur la production dans les deux groupes de pays. Les effets sont aussi positifs sur la productivité totale des facteurs des pays développés mais en revanche négatifs sur la productivité des pays en développement8(*). Ce résultat est expliqué par le fait que les pays suiveurs ne font qu'utiliser la nouvelle technologie sans une absorption réelle. Les pays développés connaissent en revanche un effet de substitution et de diffusion des nouvelles technologies par rapport à celles existantes, ce qui occasionne une production plus efficace. On peut d'ailleurs interpréter autrement ces résultats. Le transfert technologique accompagné des flux entrants d'investissements directs étrangers ne sera bénéfique au pays d'accueil que si celui-ci dispose déjà d'un niveau d'appropriation assez avancé de la technologie ou si ce dernier a un niveau important de croissance économique. 4° - Effets sur le capital humain Au cours de la décennie écoulée, des études conséquentes sur le rôle des IDE comme vecteurs de la croissance économique à travers l'amélioration du capital humain ont été menées par Markusen, Kinoshita et Sjholm. Ces auteurs soutiennent qu'un changement technologique introduit par les firmes multinationales peut provoquer des effets d'imitation et d'entraînement dans le secteur industriel. Blomström et Kokko insistent sur l'importance relative des FMN sur l'enseignement. Pour eux, si le rôle des FMN est assez marginal sur l'enseignement primaire et secondaire, la demande de travail qualifiée par les FMN peut encourager les gouvernements à investir davantage dans l'enseignement supérieur. Pour l'OCDE, la présence des FMN dans un pays d'accueil pourrait être un élément clé du développement des compétences d'autant que certains savoirs sont impossibles à transmettre par écrit. En effet, les compétences acquises en travaillant pour une entreprise étrangère peuvent prendre une forme non quantifiable, il s'agit bien évidemment des saviors tacites, c'est-à-dire difficiles à codifier et à formuler. La meilleure façon de les transmettre étant d'en faire la démonstration et l'expérience. « De plus, le savoir tacite s'échange difficilement sur de longues distances. Le meilleur moyen, pour les pays en développement, d'acquérir le savoir contenu dans le processus de production des économies les plus développés pourrait donc être la présence d'entreprises étrangères dans l'économie nationale9(*) ». Ritchie reconnaît que les multinationales ont joué un rôle important dans la croissance de l'Asie du Sud-Est, mais il se montre plus critique sur l'impact de leurs activités sur la formation de ce qu'il appelle le « capital technique intellectuel », c'est-à-dire la connaissance et les qualifications des managers, ingénieurs, scientifiques et techniciens dans l'économie locale. Il admet que les multinationales peuvent indirectement affecter l'offre de travail en influençant les institutions éducatives des pays hôtes. Même si les multinationals investissent davantage dans la formation que les entreprises locales, le savoir-faire créé au sein de la multinationale ne se diffuse pas nécessairement au sein des entreprises locales. Les qualifications qui se transmettent sont en général confinées à des processus de production bas de gamme, et les développements technologiques sont limités à des segments étroits de production (exemple de l'emballage en Malaisie). Ainsi, Ritchie pense que l'IDE peut fournir un savoir explicite, mais le savoir tacite doit être développé au préalable de manière endogène avant qu'une technologie étrangère puisse être transférée dans l'économie locale. Des pays comme la Corée du Sud et Taiwan peuvent davantage bénéficier des retombées de l'IDE sur le capital humain dans la mesure où ils se sont ouverts de manière sélective à l'IDE, notamment après avoir développé un capital intellectuel significatif. Les effets néfastes du transfert de technologies et surtout les agissements de certaines FMN dans les PVD ont été mis en exergue également dans la littérature. Tsaï, Ross, Hertz, Stiglitz, Mold, Gries et Jungblut ont attiré l'attention sur les agissements des FMN et les conséquences d'une trop grande dépendance envers ces firmes. Les reproches à l'endroit des IDE relevés dans la littérature font état essentiellement des influences que ces firmes exercent sur les gouvernements locaux dans le but de preserver leurs intérêts et des inégalités dans la répartition des richesses qu'elles génèrent. En résumé, on peut estimer avec Blomström et Kokko que les pays relativement bien dotés en capital humain ont la capacité d'attirer des investissements étrangers intensifs en technologie, lesquels peuvent contribuer à accroître la qualification du travail local. En revanche, dans les pays dont les conditions initiales sont moins favorables, les multinationales qui y investissent auront tendance à utiliser des technologies plus simples qui contribueront marginalement à l'apprentissage et au développement d'une qualification locale. Les recherches sur la relation entre IDE et formation du capital humain doivent encore être approfondies et posent la question des politiques publiques à mettre en oeuvre pour améliorer la capacité d'absorption des pays hôtes10(*). 5° - Effets sur les investissements domestiques Dans les études empiriques sur les effets des IDE, une question centrale revient régulièrement à savoir, dans quelle mesure l'IDE exerce un effet d'éviction ou un effet d'entraînement sur les investissements domestiques. Cette question a été largement traitée par Borenstein. D'autres études théoriques considèrent qu'il existe également des effets possibles de complémentarité entre les IDE et les entreprises domestiques . Dans le World Development Report de 2001, la CNUCED avance que l'effet positif des IDE sur l'investissement domestique se manifeste à travers plusieurs canaux tels que : (1) l'accroissement de la concurrence et de l'efficacité, (2) la transmission des techniques de contrôle de qualité à leurs fournisseurs et (3) l'introduction d'un nouveau savoir-faire (effet de démonstration des nouvelles technologies). Les FMN peuvent aussi pousser les entreprises locales à améliorer leur gestion ou à adopter les techniques de commercialisation employées par les multinationales sur le marché local ou mondial11(*). De Gregorio et Lee montrent une relation positive entre les IDE et les investissements domestiques, même si cet impact n'est pas très significatif. De même, De Soya et Oneal affirment que les IDE encouragent les investissements locaux au lieu de leur nuire. Bosworth et Collins estiment les effets des IDE et des flux de capitaux sur l'investissement intérieur pour un panel de 58 pays en développement entre 1978 et 1995.L'échantillon assure une bonne couverture de l'Asie de l'Est et du Sud, de l'Amérique latine, du Moyen-Orient, de l'Afrique du Nord et de l'Afrique subsaharienne. Trois types de flux sont considérés (IDE, investissements de portefeuille, prêts bancaires) qui n'apparaissent pas corrélés entre eux. Les auteurs trouvent qu'à chaque dollar d'entrée de capitaux correspond une augmentation de 50 cents des investissements intérieurs pour l'ensemble de l'échantillon. Ce résultat général cache toutefois des différences marquées selon le type de flux. En effet, l'IDE a l'impact le plus important : un dollar d'IDE augmente l'investissement intérieur de 80 cents; les investissements de portefeuille n'ont pratiquement pas d'incidence et les prêts bancaires ont un effet intermédiaire. Dans le même sens, Agosin et Mayer étudient justement l'impact des IDE sur l'investissement intérieur par région en retenant un échantillon moins étendu que celui de Bosworth et Collins (32 pays) mais une période plus longue (1970-1996). Ces auteurs montrent que l'IDE a stimulé l'investissement intérieur en Asie (c'est-à-dire que 1 dollar supplémentaire d'IDE entraîne une augmentation de plus d'un dollar d'investissement total (crowding in)), qu'il a eu par contre un effet d'éviction (crowding out) en Amérique latine et que son incidence est plutôt neutre en Afrique, où néanmoins quelques pays semblent tirer parti des investissements étrangers. Dans le but d'analyser les effets des FMN dans le pays d'accueil, Markusen et Venables (1999) construisent un modèle théorique dans lequel ils montrent que l'effet d'entraînement dépend de la stratégie suivie par les multinationales (production pour le marché local ou exportation à l'étranger) et du volume des liens en amont générés par elles. Pour ces auteurs, plus ces liens sont importants plus la probabilité de l'effet d'éviction sera faible. Sinon, du fait qu'elles disposent d'un pouvoir de marché en termes d'avantages technologiques, de produits de marques ainsi que des techniques de marketing, l'entrée des firmes multinationales peut affecter négativement l'existence des firmes locales12(*). Bouklia et Zatla soutiennent qu'un effet d'éviction de l'investissement domestique par les IDE dans les PSEM réduit nécessairement leur contribution à la croissance économique. Les auteurs pensent qu' « à côté d'éventuels effets de seuil ou d'une insuffisante capacité d'absorption technologique des entreprises locales, c'est, tout autant, l'absence de complémentarité entre le capital étranger et local qui expliquerait le faible impact de l'IDE sur la croissance des économies sud et est-méditerranéennes». Dans le même ordre d'idées, une étude de Harrison et McMillan sur l'impact des IDE sur les marchés financiers de la Côte d'Ivoire entre 1974 et 1987 montre que les FMN, grâce à la supériorité de leurs garanties et de leur rentabilité, bénéficient d'un accès plus facile aux banques locales, au détriment des entreprises locales. Cela étant, une des limites de ces analyses tient au cadre de statique comparée adopté, alors qu'il semble plus réaliste de supposer que l'incidence de l'IDE sur l'investissement intérieur est par nature dynamique et peut se dérouler en deux temps : (i) un effet initial négatif dû à l'entrée de la multinationale qui, du fait de ses avantages compétitifs, gagne des parts de marché au détriment des entreprises locales ; (ii) un effet à long terme plus favorable sur les entreprises locales, qui bénéficient des externalités liées aux activités des multinationales, par « effet de démonstration » ou diffusion du savoir-faire. 6° - Effets sur les exportations et le commerce extérieur Dunning est l'un des premiers économistes à avoir parlé d'un lien direct entre les IDE et la politique économique à travers les échanges commerciaux. Les IDE peuvent être d'un apport considérable en devises étrangères pour les pays en développement. Il explique ce phénomène par la présence simultanée de trois avantages pour les FMN : 1) « ownership-spécific advantage », 2) « location advantage », et 3) « internationalization advantage », c'est-à-dire les avantages spécifiques liés à la propriété, à la localisation et à l'internationalisation du commerce (OLI). Rhee et Belot mettent en évidence à travers des études de cas, le rôle catalyseur des exportations des investisseurs étrangers, lesquels contribuent à la genèse d'une industrie d'exportation dans certains pays en développement. Par exemple, l'industrie de l'habillement au Bangladesh, qui constitue la première source de devises du pays, trouve sa source dans la présence d'investisseurs coréens qui ont favorisé la création de centaines de petites entreprises locales tournées vers l'exportation. La prépondérance des multinationales américaines dans les exportations de l'industrie électronique de certains pays d'Asie à la fin des années 70 suggère également que l'IDE a pu lancer cette industrie dans la région avec le succès que l'on connaît. La part des filiales américaines dans les exportations était comprise entre 97 % aux Philippines et 75 % en Malaisie et en Thaïlande en 1982 ; elle dépassait 50 % à Singapour et atteignait 30 % à HongKong et Taiwan en 1977. Jun et Sing trouvent un lien direct entre les exportations d'un pays en général et les IDE mais pensent que les exportations devraient être considérés comme une variable de contrôle à cause de la propension à exporter qui est on ne peut plus élevée chez les investisseurs étrangers. Une analyse plus critique de la contribution de l'IDE au succès à l'exportation des économies asiatiques est développée dans une étude de l'OCDE. Selon les auteurs, les performances commerciales des quatre principaux pays de l'ASEAN (Singapour, Malaisie, Indonésie, Thaïlande) qui reposent sur l'IDE sont en réalité cantonnées à un faible nombre de produits, en majorité intermédiaires. Les secteurs de production sous contrôle étranger seraient en réalité des « enclaves étrangères virtuelles » à l'intérieur du pays d'accueil, caractérisées le plus souvent par un faible potentiel à augmenter la valeur ajoutée avec des transferts de technologie réduits. Les ratios élevés de dépendance à l'importation des exportations des multinationales sont considérés comme symptomatiques de la faible intégration des filiales étrangères dans l'économie locale. L'exemple de l'industrie du matériel de traitement automatique des données, où les importations représentent respectivement 80 % et 95 % de la valeur des exportations des biens finals en Thaïlande et en Malaisie, illustre bien ce problème. Les auteurs en concluent un peu rapidement que ces pays n'ont pas réussi à améliorer leur appareil de production pour faire face à la montée en puissance de la Chine et du Vietnam, ce qui expliquerait en partie leurs problèmes structurels croissants qui ont débouché sur la crise financière asiatique. La CNUCED a testé cette relation dans un modèle simple couvrant 33 pays en développement en 1995. L'intérêt de leur analyse est de décomposer les exportations selon leur intensité technologique. Les régressions mettent en évidence une relation positive et significative : une augmentation de 1 % de l'IDE par habitant dans un pays est associée à une hausse de 0,45 % des exportations manufacturières totales du pays. L'élasticité apparaît plus élevée (0,78) pour les exportations les plus intensives en technologie. Parmi les autres variables explicatives, les dépenses de R&D et la valeur ajoutée manufacturière par tête sont également significatives13(*). Ces résultats peuvent être critiqués dans la mesure où ils n'établissent pas une causalité directe; ils suggèrent néanmoins que l'IDE peut être un facteur de soutien des exportations. · La République démocratique du Congo : une logique à part L'image donnée par les analyses qui ont été effectuées pour le compte des pays en développement nous laisse davantage perplexes. Les propos de Giovannetti et Ricchiuti, ne peuvent que conforter un tel avis : « L'IDE est généralement associé à une augmentation de la productivité et de la croissance. Il représente aussi un important facteur du transfert de la technologie, stimule l'innovation et contribue à l'amélioration de la compétitivité ». Ainsi, théoriquement, l'IDE a un impact positif sur la croissance. Cependant, ceci n'a pas été toujours confirmé par les résultats empiriques. Pour la République démocratique du Congo il n'y a pas une évidence empirique pour soutenir l'hypothèse de l'effet positif de l'IDE sur la croissance. Ce manque de certitude s'explique d'un coté par la faiblesse de la part de ces pays en IDE aussi bien en terme absolue que relatif (en % du PIB), et d'autre part par le caractère instable du taux de croissance dans ces pays ». Les résultats mitigés sous-tendent l'idée que l'effet de l'IDE dépend étroitement des caractéristiques propres du pays d'accueil et de la nature de l'IDE en question. Un effet plus favorable de l'IDE sur une économie d'accueil est intimement lié à la diffusion des externalités ou spillovers aux firmes locales par les firmes multinationales. Toutefois, de telles externalités, peuvent ne pas avoir lieu, en raison de faibles liens avec les firmes locales ou une faible capacité d'absorption. * 5 Singt R.D., La pénétration éonomique des marchés des pays en dévéloppements par les multinationales, journal de dévéloppement économique, Londres, 1998 * 6 Saltz M., Corrélation négative entre l'investissement direct étranger et la croissance économique dans le tiers-monde, Rivista, Italie, 2000 * 7 Lipsey, Effets de l'industrialisation des pays du tiers-monde, bratila, Ottawa, 1997 * 8 De Mello, L'investissement direct étranger dans les pays en dévéloppement, journal de dévéloppement, journal de dévéloppement économique, Londres, 1999 * 9 Op.cit ,OCDE, p.2 * 10 Kumar N., Les IDE, les externalités et la croissance dans les pays en dévéloppement, RIS, Ottawa, 1998 * 11 CNUCED, World Development Report 2001, New York, 2001 * 12 Markusen et Venable, La stratégie des firmes multinationales, Harmattan, Paris, 1992 * 13 Op.cit CNUCED p.20 |
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