La protection des investissements en algerie( Télécharger le fichier original )par Mourad HAFHOUF Université de Perpignan - D.E.A 2007 |
SECTION II : le règlement des différents :Parmi les garanties données aux investisseurs étrangers, on a le recours à l'arbitrage, en cas d'existence des différents. Pour régler ces litiges, les parties peuvent soumettre leur litige, soit à l'arbitrage international, en faisant recours aux institutions internationales pour le règlement des différents CIRDI (sous section 1) ; soit aux juridictions algériennes territorialement compétentes, c'est-à-dire l'arbitrage interne (sous section 2). Sous section 1 : L'arbitrage institutionnel :A) Le Centre international pour le règlement des différents relatifs aux investissements (CIRDI) : 1) Origine, buts et structure : Dans le but de promouvoir le développement économique des pays moins développés et de renforcer le rôle joué dans ce domaine par les investissements privés internationaux, les gouverneurs de la Banque mondiale invitèrent en 1962 leurs administrateurs à examiner l'utilité et la possibilité de créer, sous les auspices de la Banque, un mécanisme devant permettre le règlement, par voie de conciliation et d'arbitrage, des différends s'élevant entre les Etats et investisseurs étrangers. Le 18 mars 1965 fut la signature de la Convention pour le Règlement des différents relatifs aux investissements par les Etats membres de la Banques et aussi entre Etats et ressortissants d'autres Etats48(*), connue sous formes abrégées « Convention de W Washington » ou « Convention de 1965 ». Elle entre en vigueur le 14 octobre 1966. La convention institue un nouvel organisme, le Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements, doté de la personnalité juridique et dont le siège a été fixé à Washington. Le Centre a pour objet d'offrir aux Etats et aux investisseurs étrangers des moyens de conciliation et d'arbitrage entièrement régi par la Convention et les règles adoptées pour son application, y compris la reconnaissance et l'exécution des sentences. La convention institue un système juridictionnel complet. Il se compose d'un conseil administratif, qui comprend un représentant nommé par chaque Etat membre et dont la présidence appartient au Président de la Banque mondiale et d'un secrétariat. Le centre tient à jour une liste de conciliateurs et une liste des arbitres et met à disposition des parties des règles de procédure et une infrastructure qui doit leur permettre de constituer une commission de conciliation ou un tribunal arbitral en vue de vider leurs différends. 2) La compétence du Centre : L'article 25 de la Convention précise que la compétence du Centre repose sur trois éléments, à savoir le consentement des parties, le statut des parties et la nature du différend. a) le consentement des parties : Selon le rapport des administrateurs de la Banque concernant la convention : Le consentement des parties est la pierre angulaire de la compétence du Centre. Le consentement doit être donné par écrit ; une fois donné, il ne peut plus être retiré unilatéralement. La ratification de la Convention ne vaut toutefois pas consentement d'un Etat. De point de vue formel, la convention exige uniquement la forme écrite, sans autres conditions, en particulier quant à la nature juridique de l'acte qui contient le consentement. Celui- ci peut être donné par les parties dans un acte unique en vue du règlement d'un différend spécifique ou déjà émané d'actes antérieurs comme un contrat d'investissement, une loi du pays d'accueil ou un accord bilatéral de protection et de promotion des investissements. b) Le statut des parties : La Convention de Washington entend régler les différends entre « Etats et ressortissants d'autres Etats ». Sont exclus de la compétence du Centre tous les litiges opposants des Etats, y compris par voie de subrogation, des particuliers uniquement ou un Etat et ses propres ressortissants. En matière d'investissement l'Etat délègue souvent le pouvoir de négocier, et de consentir un recours au CIRDI, à des entités ou collectivités publiques distinctes dotées parfois de la personnalité juridique, la Convention de Washington précise qu'un tel consentement ne pouvait être donné qu'après approbation par l'Etat, sauf si celui-ci indique au Centre que cette approbation n'est pas nécessaire. En ce qui concerne la notion de « ressortissant d'un autre Etat contractant », la Convention distingue entre les personnes physiques et les personnes morales. Ont la qualité pour agir, toutes les personnes physiques qui, largement au moment du consentement qu'à la date d'enregistrement de la requête en conciliation ou en arbitrage, possèdent la nationalité, déterminée en fonction des règles généralement reconnues en droit international, d'un Etat autre que l'Etat partie au différend. Quant à la qualité pour agir des personnes morales, la Convention précise d'abord qu'elle repose sur la nationalité, définie conformément aux critères généraux de rattachement des sociétés à un Etat, soit le lieu d'incorporation ou du siège social, au moment où les parties ont consenti à soumettre le différend au Centre, avant d'introduire une exception en faveur des personnes morales constituées dans l'Etat d'accueil mais que les parties conviennent de considérer comme des ressortissants d'un Etat en raison du contrôle exercé sur elles par des intérêts étrangers. Un investissement prend souvent la forme d'une société, en particulier d'une entreprise conjointe, de droit national tout en étant traitée, par ce même droit, comme un investissement étranger. Le recours aux procédures CIRDI doit être garanti à ces sociétés contrôlées par des étrangers. c) la nature du différend : Aux termes de l'article 25 alinéa 1, la compétence du Centre s'étend aux différends « d'ordre juridique » qui sont « en relation directe avec un investissement ». Selon le rapport des administrateurs, l'expression « différends d'ordre juridique » a été utilisée pour : [...] montrer clairement que si les conflits de droit relèvent de la compétence du Centre, il n'en est pas de même des simples conflits d'intérêts. Le différend doit concerner soit l'existence ou l'étendue d'un droit ou d'une obligation juridique, soit la nature ou l'étendue des réparations dues pour rupture d'une obligation. Précisant encore que chaque Etat jouit de la faculté de soustraire certaine catégories de différends à la compétence du Centre. La notification des exclusions ne vaut pas consentement au sens de l'article 25 alinéa 1 pour les autres différends et ne saurait pas non plus déployer un effet récapitulatif sur les clauses d'arbitrage conclues antérieurement. Quant à la notion d'investissement, on a renoncé à en donner une définition, estimant qu'il appartenait aux parties de délimiter l'objet de leurs différends éventuels. La jurisprudence du Centre montre qu'en plus de formes traditionnelles d'investissement, des formes contractuelles modernes d'investissement (contrats de service, de gestion, d'assistance technique et de licence, etc.) tombent dans la compétence du CIRDI. En cas de doute, les parties, en particulier l'investisseur, seront bien conseillés de préciser qu'ils entendent soumettre leur transaction à la compétence du Centre, d'autant plus d'importants coûts sont généralement liés à la détermination de la notion d'investissement. d) Des effets des consentements à l'arbitrage : Lorsque les parties consentent à soumettre un litige à l'arbitrage du CIRDI, et non à la conciliation, cela implique qu'elles renoncent d'une part à l'exercice de tout autre recours, l'article 26 pose ainsi une présomption de non-épuisement des instances nationales, et d'autre part à l'exercice de la protection diplomatique49(*), les deux dispositions s'équilibrant mutuellement. 3) Conciliation ou arbitrage : La convention de Washington institue deux procédures distinctes. Alors que la conciliation50(*) rend à rapprocher les parties en vue d'une solution acceptable pour tous, l'arbitrage51(*) entraine la décision d'un tribunal arbitral qui revêt un caractère obligatoire pour les parties. Conformément à sa nature consensuelle, la convention réserve toujours la volonté des parties. Ce n'est qu'à défaut d'accord entre les parties ; ou lorsque leur volonté ne peut être clairement établie, que les règles conventionnelles trouvent application : par exemple les règles sur la composition du tribunal52(*), le droit applicable53(*), la procédure à suivre54(*), etc. En matière d'arbitrage, le tribunal est juge de sa propre compétence55(*), ce qui correspond par ailleurs à un principe bien établi du droit international de l'arbitrage. Il peut en plus trancher toute question de procédure non prévue par la Convention. L'article 42 qui traite du droit applicable, souligne une fois encore le principe de l'autonomie de la volonté, prévoit qu'à défaut d'accord : [...] le tribunal applique le droit de l'Etat contractant au différend, y compris les règles relatives aux confis de loi, ainsi que les principes de droit international en la matière. Le rapport des administrateurs indique que cette dernière disposition se réfère au droit international au sens de l'article 38 paragraphe 1 du statut de la cour internationale de justice. 4) CIRDI, sentence, reconnaissance et exécution : A l'égard des parties, la sentence est obligatoire56(*) et ne peut faire l'objet d'aucun appel ou autre recours, à l'exception des cas d'interprétations, de révision et d'annulation prévus dans la Convention57(*). Selon l'article 54, chaque Etat membre est tenu de reconnaître le caractère obligatoire de la sentence et d'assurer l'exécution sur son territoire des obligations pécuniaires que la sentence impose comme s'il s'agissait d'un jugement définitif de sa plus haute autorité judiciaire. Aucune exception d'ordre public n'est admise. Ainsi, la sentence CRDI a la force d'obliger chaque Etat à assurer l'exécution des obligations pécuniaires sur son territoire. Quoique L'article 55, de la Convention introduit un déséquilibre entre les parties dans la mesure où il réserve le droit en vigueur dans l'Etat dans lequel la sentence doit être exécutée concernant l'immunité d'exécution dont jouissent les Etats. Selon l'article 54 et 55, on peut comprendre que : · A l'égard d'un investisseur reconnu responsable d'une violation de contrat, la sentence CIRDI possède tant force de chose jugée que force exécutoire ; · A l'égard d'un Etat reconnu responsable d'une violation de l'un de ses engagements, l'article 54 lève tous les cas l'immunité de juridiction dont jouit cet Etat, mais l'article 55 fait dépendre l'exécution de la sentence de la pratique suivie en matière d'exécution par l'Etat dans lequel l'investisseur cherche à obtenir satisfaction. B) L'arbitrage du Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI) : Depuis que l'Algérie s'est dotée d'un nouveau droit de l'arbitrage international, qu'elle a ratifié la Convention CIRID de la Banque Mondiale 1965 sur le règlement des différends relatifs aux investissements et la convention de Séoul sur l'Agence multilatérale pour la garantie des investissements , déjà citée, le recours à l'arbitrage international est devenu le mode privilégié de règlement des litiges naissant entre les entreprises algériennes et les entreprises étrangères, les unes et les autres privilégiant l'arbitrage de type institutionnel (Chambre de Commerce Internationale ou CIRD) et sollicitent très rarement l'arbitrage ad hoc.58(*) La mise en oeuvre de l'arbitrage peut trouver sa source au droit conventionnel algérien d'arbitrage. 1) Le droit conventionnel de l'arbitrage : Les garanties conventionnelles conférées aux investisseurs en matière d'arbitrage puisent leur source dans les conventions bilatérales de protection des investissements. Toutefois la portée de ces conventions est limitée puisque leur caractère bilatéral limite leur champ aux seuls investisseurs ressortissants des deux Etats contractants. Mais une multiplication des accords en matière des investissements peut résoudre cette difficulté. Toutefois, pour assurer une protection généralisée des investisseurs par des règles d'origine internationale, on peut recourir à une convention multilatérale de protection des investissements, qui répond à cet objectif. En effet, les conventions bilatérales, en renvoyant au règlement CIRDI s'alignent sur la procédure découlant directement de la convention de Washington. a) Les conventions bilatérales et l'arbitrage CIRDI : Le caractère fondamental de l'institution de l'arbitrage en matière d'investissements internationaux est confirmé par les conventions bilatérales 59(*)qui, du moins pour celles liant l'Algérie, prévoient systématiquement ce mode de règlement des différends. Ces accords suivent tous une logique similaire selon laquelle, les parties soumettront leur litige à l'arbitrage du Centre International pour le règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI). La convention franco-algérienne60(*) déjà citée, n'échappe pas à cette règle. b) La mise en oeuvre de l'arbitrage : L'article 8-2 de la convention bilatérale ne confère qu'aux seuls investisseurs le droit de soumettre le différend à la juridiction compétente de l'Etat Hôte ou à l'arbitrage CIRDI, à l'issu du délai de 6 mois pendant lequel aucune solution amiable n'aura été trouvée. La convention algéro-belgo-luxembourgeoise61(*) ne fait pas référence qu'à l'arbitrage CIRDI et non à la possibilité de soumettre le différend soit à cette institution, soit à la juridiction de l'Etat d'accueil, c'est-à-dire elle vise l'une ou l'autre. Par contre dans la convention algéro-française ou algéro italienne, on fait référence à une option entre la compétence de la juridiction de l'Etat d'accueil et celle du CIRDI. On pourrait donc conférer, dans ce cas, à l'Etat la faculté de soumettre un différend à ses propres juridictions. Une faculté qui ne se comprend que pour l'arbitrage CIRDI. Le fait de référer ce droit à l'état d'accueil, par contre pose problème, car dans le cas ou l'Etat hôte serait le demandeur, il lui suffirait de soumettre le différend à ses propres juridictions dès l'instant suivant l'expiration du délai de six mois. L'article 8-2 alinéa 2 de la convention franco-algérienne fait de ce choix, un choix définitif. Le fait que seul l'investisseur soit visé, ne pose pas de problème. Cela est conforme à la structure de l'article 8-2, et aussi à l'esprit de la convention qui est d'assurer la promotion de l'investissement, et qui s'adresse donc, aux investisseurs beaucoup plus qu'à l'Etat d'accueil. c) Le droit applicable au fond : Dans certaines conventions, on se pose quelques interrogations, sur le droit applicable au différend. Et dans la convention franco-algérienne, on trouve une solution classique, en négligeant de préciser la hiérarchie des normes susceptibles d'être appliquées, puisque l'article 8-4 dit que : « Pour le règlement du différend, il sera tenu compte des principes du droit international, des dispositions du présent accord, des termes de l'engagement particulier qui aura pu être accordé à un investissement et du droit national de la partie contractante impliquée dans le différend, y compris des règles relatives aux conflits de loi ». L'arbitrage CIRDI auquel renvoient toutes les conventions bilatérales de protection des investissements conclues par l'Algérie, permet d'assurer une homogénéité du régime de protection des investissements, puisque les ressortissants de pays non liés à l'Algérie par une convention bilatérale de protection des investissements bénéficieront, s'agissant du règlement du litige, de la même protection que les investisseurs ressortissants d'un Etat partie à une convention bilatérale, en vertu de l'adhésion de l'Algérie à la convention de Washington. 2) La convention multilatérale relative à l'arbitrage CIRDI : Le règlement de conciliation et d'arbitrage CIRDI permet à chaque Etat contractant ou aux ressortissants de chaque Etat contractant d'introduire devant le Centre, une procédure de conciliation ou d'arbitrage. L'Algérie a adopté à cette convention. Sa mise en oeuvre ne se limite pas aux différends entre investisseurs ressortissants d'un Etat contractant et un Etat membre, mais couvre également les différends qui peuvent surgir d'un investissement entre un Etat membre et l'Agence Multilatérale de Garantie des investissements (AMGI), instituée par la convention de Séoul qui opère un renvoi à l'arbitrage CIRDI, convention également adoptée par L'Algérie. Le Centre n'est compétant que pour le règlement « des différends d'ordre juridique qui sont en relation directe avec un investissement »62(*), suivi par des conventions bilatérales qui font référence à « tout différend relatif à un investissement », sans exigence de lien direct entre les litiges et l'investissement. Il est possible qu'un différend relatif à un investissement, aux termes de la convention bilatérale, ne soit pas considéré par le Centre comme ayant un lien direct avec l'investissement, aux termes de la convention de Washington. La garantie d'un arbitrage CIRDI n'étant qu'une possibilité parmi d'autres, l'investisseur pourra assortir son opération d'investissement d'une classe d'arbitrage institutionnel ou d'arbitrage ad hoc. En plus le consentement de l'Etat d'accueil à recourir à la procédure CIRDI résulte de son adhésion à la convention de Washington. Il suffira donc que l'investisseur parti à un différend avec l'Etat d'accueil exprime son propre consentement dans un acte séparé, pour que celui-ci suffise à introduire l'instance. Il s'agit d'une garantie certaine accordée aux investisseurs en matière de règlement de litiges relatifs à leurs investissements. Ainsi, le droit conventionnel de l'arbitrage assure aux investisseurs une sécurité. Cette dernière est complétée par des règles d'origine interne, leur accordant une protection identique à celle existante dans le droit des pays exportateurs de capitaux. * 48 M. TABARINE Rachid, L'encouragement et protections des investissements directes Européens au Maroc, DEA en droit privé, université de Perpignan, 2004, p.99 * 49 Article 27de la Convention pour le règlement des différends relatifs aux investissements entre Etats et ressortissants d'autres Etats, signée à Washington le 18 mars 1965. * 50 Article 28ss de la même convention. * 51 Article 36ss de la convention. * 52 Article 37 al. 3 de la convention. * 53 Article 42.de la convention * 54 Article 44.de la convention * 55 Article 44 al.1 de la convention * 56 Mr Ould Mohamed Tomy Moussa, La protection des investissements privés étrangers en Mauritanie à la lueur de la réforme de 2002, mémoire de master II recherche en droit, mention droit comparé, spécialité droit public, université de Perpignan, faculté internationale des droits d'Afrique Francophone,2006,p.113. * 57 Article 50ss. * 58 Mr Ould Mohamed Tomy Moussa, La protection des investissements privés étrangers en Mauritanie à la lueur de la réforme de 2002, mémoire de master II recherche en droit, mention droit comparé, spécialité droit public, université de Perpignan, faculté internationale des droits d'Afrique Francophone,2006,p.109 * 59 DIALLO SAMBA FALL, Le régime des investissements étrangers en Afrique de l'ouest : cas de la Mauritanie, mémoire d'un master 2 recherche, faculté internationale de droit comparé des Etats francophones, université de perpignan, 2006. * 60 Accord d'investissement avec la France, signé le 13 février 1993, entré en vigueur le 27 juin 2000. * 61 Cette convention prévoit expressément qu'à l'issue d'un délai de six mois et en l'absence de règlement amiable, « le différent est soumis, à la demande de l'une ou de l'autre des parties au différent, à l'arbitrage CIRDI ». * 62 Article 25 de la convention. |
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