Université catholique de Lille
Institut social Lille Vauban
MSc European Social Work
Master du Travail Social en Europe
Année universitaire 2004-2005
Session d'octobre 2005
La place des services sociaux dans les politiques
d'intégration en Europe
L'impact du contexte socio-historique
Irmela de Haas
sous la direction de Faïza Guelamine
Remerciements
· à Faïza Guelamine, qui a dirigé mon
mémoire,
· aux assistants sociaux et délégués
régionaux du SSAE et aux auditeurs sociaux de l'OMI qui ont bien voulu
m'accorder des entretiens,
· aux assistants sociaux allemands et néerlandais
pour leurs réponses au questionnaire,
· à Hedwige Moreau pour son aide technique, sans
laquelle je n'aurais pas pu terminer mon travail,
· aux collègues du SSAE de l'Essonne pour leur
soutien moral et leurs encouragements.
Table des matières
Introduction
1
1. Bref historique de l'accueil des primo-arrivants
2
2. Une nouvelle politique d'intégration
4
3. Problématique de recherche : vers
une redéfinition du rôle de l'assistant social
spécialisé dans le dispositif d'accueil des nouveaux arrivants
6
4. Déontologie et valeurs professionnelles
8
5. L'hypothèse de recherche - le rôle de
l'encadrement
10
6. La dimension européenne de la recherche
12
7. La méthodologie de recherche
14
Première partie :
Immigration et
intégration
Chapitre 1 :
Immigration - contexte historique et politique
17
1. Les grandes périodes de l'immigration en
France
17
1.1. La révolution industrielle
17
1.2. La guerre de 1914-1918
18
1.3. Entre les deux guerres
18
1.4. La reprise de l'immigration de main d'oeuvre
19
1.5. L'immigration de peuplement
20
2. Les mouvements migratoires en Allemagne
21
2.1. Après la Seconde Guerre mondiale
22
2.2. La crise économique
23
2.3. L'Allemagne unifiée
24
3. L'histoire de l'immigration dans les Pays Bas
25
3.1. Entre 1848 et 1918
25
3.2. Entre les deux guerres
26
3.3. Après la Seconde Guerre mondiale
26
3.4. L'arrêt du recrutement des travailleurs
immigrés
27
4. Conclusion
29
Chapitre 2 :
Intégration et politiques publiques
30
1. Les différents modèles
d'intégration en sciences sociales
30
1.1. L'approche assimilationniste
31
1.2. L'approche communautariste
32
1.3. L'approche intégrationniste
33
1.4. L'approche multiculturaliste raisonnable
34
1.5. L'approche transversale interculturelle
35
2. Les trois grands modèles
d'intégration nationale - des logiques politiques
35
2.1. Le modèle républicain
d'intégration nationale
36
2.2. Le modèle ethnique d'intégration
nationale
38
2.3. Le modèle multiculturel
d'intégration nationale
39
3. Les politiques d'accueil et d'intégration
39
3.1. La France : d'une politique
d'intégration républicaine à une politique d'accueil
volontariste
41
3.2. L'Allemagne : d'une politique des
étrangers à une politique d'intégration
43
3.3. Les Pays Bas : d'une politique des
minorités à une politique de
« citoyennisation »
46
4. Conclusion
49
Deuxième partie :
L'action sociale en direction des nouveaux arrivants
Chapitre 1 :
Les origines du travail social
50
1. Fondements du travail social - les traditions
d'aide
50
1.1. La tradition d'aide chrétienne du moyen
âge
50
1.2. La tradition d'aide luthérienne et
calviniste
50
1.3. La tradition d'aide catholique de la
Contre-Réforme
51
1.4. Les traditions d'aide laïques
51
1.5. Les traditions d'aide nées des mouvements
sociaux et politiques
52
2. Les différentes conceptions du travail
social en Europe
53
2.1. La naissance du service social en France
54
2.2. Les origines du service social en Allemagne
55
2.3. Le travail social aux Pays Bas
57
3. Conclusion
58
Chapitre 2 :
Analyse des entretiens
59
1. Les profils des professionnels rencontrés
60
2. Le rôle du service social
spécialisé dans le dispositif d'accueil des nouveaux arrivants
60
2.1. Le point de vue des travailleurs sociaux
60
2.2. Le point de vue des auditeurs sociaux
63
2.3. Le sens du travail social et la motivation des
professionnels
65
3. L'action sociale mise en oeuvre
67
3.1. Le pré-accueil
68
3.2. L'accueil sur la plate-forme
69
3.3. Le suivi
70
3.4. Le dispositif d'accueil vu par les travailleurs
sociaux
72
4. La place du service social spécialisé
dans le dispositif d'accueil
73
5. Le rôle de l'encadrement technique
74
6. Retour sur l'hypothèse de recherche
76
6.1. La cohésion de l'équipe
77
6.2. L'implantation départementale
77
7. Conclusion
78
Chapitre 3 :
Analyse des questionnaires
80
1. Les profils des travailleurs sociaux allemands et
néerlandais interrogés
80
2. La place et le rôle des services sociaux dans
le programme d'accueil des nouveaux arrivants en Allemagne et aux Pays Bas
80
3. L'action sociale mise en oeuvre
82
4. Le rôle de l'encadrement technique
84
5. Conclusion
85
Conclusion et perspectives
86
Bibliographie
91
Annexes
Annexe I : Guide d'entretien
Annexe II : Questionnaire en direction des travailleurs
sociaux allemands
Annexe III : Questionnaire en direction des travailleurs
sociaux néerlandais
Introduction
Introduction
Mon activité professionnelle au service social d'aide
aux émigrants (SSAE) me conduit à réfléchir sur un
de ses axes de travail : l'accueil des « nouveaux
arrivants », ou « étrangers autorisés
à s'installer durablement en France ». Le SSAE est un service
social spécialisé qui intervient auprès des personnes, des
familles et des groupes qui rencontrent des difficultés liées
à leurs migrations. Ses autres domaines d'intervention sont l'accueil
des demandeurs d'asile et des réfugiés, l'accueil et
l'accompagnement des mineurs isolés étrangers et la participation
au service social international à travers un réseau de services
sociaux dans le monde.
Le SSAE agit sur tout le territoire national à partir
de 47 bureaux départementaux. Les équipes départementales
sont composées d'assistants sociaux, qui disposent d'une
« délégation » pour mener une action sociale
spécialisée à l'échelle du département, et
d'agents administratifs, qui assurent le premier accueil des usagers. Les
équipes sont encadrées, à distance, par des
« délégués régionaux », des
encadrant techniques, qui ont pour rôle de garantir la cohérence
de l'intervention en lien avec les principes méthodologiques et les
missions de l'association.
Depuis quelques années le domaine de l'accueil des
primo-arrivants a gagné en importance avant de devenir la
priorité du service. Les publics visés se sont de plus en plus
diversifiés et les modes d'intervention ont changé. Ceci
m'amène à m'interroger sur la place qu'occupe le service social
spécialisé dans cet accueil.
Les services sociaux spécialisés SSAE (Service
social d'aide aux émigrants) et ASSFAM (Association service social
familial migrants) possèdent une longue expérience dans le
domaine de l'accueil des primo-arrivants et dans leur accompagnement durant
leur installation en France. Mais c'est seulement depuis 1986 que leur mode
d'intervention est précisée par des circulaires
ministérielles successives.
1. Bref historique de l'accueil des
primo-arrivants
Dès 1924, l'année de sa création, le SSAE
venait surtout en aide aux familles migrantes dont l'expatriation
entraînait des séparations de famille et des difficultés
particulières qui ne pouvaient trouver leur solution que dans la mise en
oeuvre d'une action de service social à caractère
international.
En 1946, le SSAE est agréé par le
Ministère de la Population pour apporter son concours à la
nouvelle politique familiale d'immigration dans les cas de regroupement de
famille. En 1960, le Ministère de la santé publique et de la
population demande également sa collaboration dans le cadre des
régularisations des familles entrées en France en dehors de la
procédure régulière. Les assistantes sociales du SSAE
réalisaient des enquêtes logement, préalable à
l'introduction de la famille du travailleur, qui permettaient en même
temps de préparer la venue de la famille en amont par une
sensibilisation du chef de famille. A l'arrivée de la famille, les
assistantes sociales du SSAE envoyaient une « lettre de
bienvenue » et proposaient leur aide ; des visites d'accueil
étaient alors effectuées avec l'accord de la famille.
Quant aux familles à régulariser, seuls les cas
nécessitant l'intervention du service social spécialisé
étaient signalés au SSAE : des problèmes de santé,
de scolarité des enfants, d'isolement de la mère, d'accès
aux droits sociaux, etc. Le service social spécialisé avait une
action directe auprès des familles migrantes, mais aussi auprès
de l'environnement social.
En 1976, par une circulaire du Ministère du travail, le
SSAE est déchargé des enquêtes logement et se consacre
désormais au développement de l'accueil des familles dans les
premiers mois de leur arrivée en France. En effet, la circulaire
prévoit que la Direction de l'Action Sanitaire et Sociale est
avisée par l'Office National de l'Immigration (ONI) de l'arrivée
de la famille et « saisit de façon systématique le
service social qu'elle aura désigné pour prendre contact par une
visite à domicile avec la famille en vue de lui apporter les conseils et
l'aide les plus appropriés pour faciliter son adaptation à la vie
en France ».1(*)
Cette action était individualisée et globale. Elle était
effectuée en concertation avec les services sociaux et les
équipements locaux et en collaboration avec des interprètes.
Le 11 mars 1986, la Direction de la population et des
migrations (DPM) du Ministère des affaires sociales fait paraître
une première circulaire sur les modes d'intervention du travail social
dans l'accueil des familles rejoignantes. Elle demande que les services sociaux
polyvalents accueillent les familles étrangères, avec l'appui des
services sociaux spécialisés. Mais, avec la
décentralisation et la montée de la précarité, les
Conseils Généraux redéfinissent les tâches de leurs
services sociaux et se consacrent à la lutte contre l'exclusion
notamment. Ainsi, les services sociaux polyvalents n'ont pas pu prendre en
charge cet accueil. A cette époque, les introductions de familles
rejoignantes ont connu un fort accroissement et les services sociaux
spécialisés n'étaient plus en mesure de toutes les
accueillir. Ils menaient donc surtout des actions de pré-accueil,
individuel ou collectif, pour préparer l'arrivée de la famille
avec les demandeurs du regroupement familial. Lorsque la famille était
arrivée, une mise à disposition était envoyée
proposant une visite d'accueil.
Le 12 mars 1993 et le 7 novembre 1994 des nouvelles
circulaires paraissent. Celles-ci définissent les acteurs de l'accueil
des familles rejoignantes : le service social spécialisé
dans les questions de migration (SSAE ou ASSFAM) est chargé d'organiser
un premier accueil, d'établir un diagnostic des familles et d'être
garant de leur accueil. Il doit intervenir à domicile et procéder
à des bilans familiaux. Par ailleurs, les Préfets, par
l'intermédiaire de leurs Directions départementales des affaires
sanitaires et sociales (DDASS), sont invités à se doter d'un plan
départemental d'accueil (PDA), lieu de coordination de tous les acteurs
impliqués dans l'accueil des familles rejoignantes. Sur les
départements où les regroupements familiaux sont les plus
nombreux, le dispositif est renforcé par une convention entre l'Office
des migrations internationales (OMI)2(*) et les services sociaux spécialisés.
Elle définit leurs modalités de collaboration. L'OMI communique
la copie de la décision préfectorale autorisant le regroupement
familial et l'avis d'introduction de la famille, le service social
spécialisé perçoit une contribution financière par
acte d'accueil (visite à domicile).
2. Une nouvelle politique
d'intégration
Puis, le 22 octobre 1998, Martine Aubry, alors ministre de
l'emploi et de la solidarité, annonce dans un discours au Conseil des
ministres une nouvelle politique d'intégration qui contient deux volets
: d'une part, la mise en place de plates-formes d'accueil pour les nouveaux
arrivants, d'autre part la lutte contre les discriminations. Pour la
première fois, l'Etat devient l'acteur central de la politique
d'intégration, alors qu'auparavant l'action en faveur de
l'intégration était mise en oeuvre par des associations et
financée par des fonds publics. Le discours de la Ministre est suivi le
1er juin 1999 par une circulaire qui définit le public et
l'organisation des plates-formes d'accueil. On passe de la notion de
regroupement familial à celle d'accueil de primo-arrivants : toutes les
catégories d'étrangers autorisés à venir
s'installer en France pour rejoindre un membre de famille doivent
bénéficier d'un accueil.
La plate-forme d'accueil, d'abord expérimentale, a pour
objectif d'accueillir et d'orienter les étrangers primo-arrivants. Le
dispositif est géré par l'OMI. La prestation d'accueil
débute par une séance d'information collective à partir du
film « Vivre en France ». Puis, les étrangers
passent la visite médicale obligatoire pour l'obtention d'un titre de
séjour et sont reçus individuellement par un « auditeur
social » de l'OMI. L'entretien est basé sur un questionnaire
qui porte principalement sur le niveau de formation, les démarches
administratives effectuées et le logement. A cette occasion, l'auditeur
social remet au nouvel arrivant un livret d'accueil, ainsi qu'un document
personnalisé avec des adresses dans sa commune. Si nécessaire, un
bilan de compétence linguistique est effectué et/ ou un entretien
avec un assistant social du service social spécialisé
proposé. Le service social spécialisé ne reçoit
plus que les primo-arrivants qui lui sont orientés par l'auditeur
social.
En amont de la plate-forme d'accueil, les étrangers qui
ont reçu une réponse favorable à leur demande de
regroupement familial sont convoqués par l'OMI à une
réunion de pré-accueil, une séance d'information
collective. Le service social spécialisé y participe, ainsi que
parfois d'autres partenaires locaux comme le CASNAV (Centre académique
pour la scolarisation des nouveaux arrivants et des enfants du voyage).
Le 10 avril 2003, dans le cadre du comité
interministériel à l'intégration, une série de
mesures est présentée afin de « marquer un tournant en
matière de politique d'intégration dans la République
». Mesure clé du dispositif d'accueil, le contrat d'accueil et
d'intégration (CAI) est défini comme un « contrat
républicain, inscrit dans une logique d'intérêts
réciproques, une logique de droits et de devoirs ».3(*)
Les signataires du CAI s'engagent à suivre des cours de
français si nécessaires, à participer à une
journée de « formation civique » et peuvent, sur la base du
volontariat, s'inscrire pour une journée d'information « Vivre en
France ».
Le gouvernement annonce également la mise en place d'un
véritable service public de l'accueil, qui touchera désormais
tous les étrangers bénéficiaires de titres de
séjour de plus de 3 mois avec un projet d'installation durable. A cette
fin, la création début 2004 d'une « agence française
de l'accueil et des migrations internationales » par l'intégration
des moyens de l'OMI et du SSAE est décidée.
Une circulaire en date du 24 novembre 2003 finalise «
l'extension et la généralisation du service public de l'accueil
des nouveaux arrivants » en mettant l'accent sur le plan
départemental d'accueil.4(*)
Le 20 décembre 2004 la loi sur la cohésion
sociale, qui confirme la création de l'agence nationale pour l'accueil
des étrangers et des migrations (ANAEM) et la
généralisation du contrat d'accueil et d'intégration
à partir du 1er janvier 2006, est adoptée par
l'Assemblée nationale.
Une dernière circulaire du 13 janvier 2005
précise les modalités d'extension du service public de l'accueil
des primo-arrivants, dont la mise en oeuvre est confiée à un
nouvel opérateur public : l'ANAEM, « établissement
public (...) créé par rapprochement de l'Office des migrations
internationales (OMI) et du Service social d'aide aux émigrants (SSAE),
association dont les missions et les moyens seront transférés
à l'Agence dans le courant du premier semestre 2005 ».5(*) Le SSAE, en tant
qu'association organisant un service social spécialisé,
disparaîtra donc et son personnel intégrera l'établissement
public ANAEM.
3. Problématique de
recherche : vers une redéfinition du rôle de l'assistant
social spécialisé dans le dispositif d'accueil des nouveaux
arrivants
Dans le cadre du dispositif d'accueil, le contact et
l'intervention du service social spécialisé s'effectuent dans la
sphère facultative et sur volontariat des personnes concernées.
Dans la phase de pré-accueil les assistants sociaux prennent part aux
séances d'information collectives ; dans la phase d'accueil sur la
plate-forme ces professionnels participent à la présentation
collective et reçoivent en entretien individuel les personnes
orientées par les auditeurs sociaux ; dans la phase de suivi, individuel
ou collectif, ils traitent des problématiques particulières.
L'intervention du service social spécialisé est cadrée par
des circulaires et une convention entre le SSAE et l'OMI. La fusion
prochaine6(*) entre le SSAE
et l'OMI, établissement public à caractère administratif
chargé du contrôle de l'immigration, fait craindre aux
professionnels du SSAE la perte de la marge de manoeuvre déjà
très réduite qu'ils ont actuellement au sein du dispositif
d'accueil. Dans ce contexte, qu'en est-il du sens de l'action sociale ?
Au SSAE, dans le domaine de l'accueil des étrangers
primo-arrivants, les modes d'intervention du service social
spécialisé changent en fonction des différentes politiques
publiques. Depuis la mise en place des plates-formes d'accueil, nous assistons
à un malaise profond des assistants sociaux, à une
démobilisation d'un certain nombre d'entre eux et à leur
recherche de sens dans leur action. En effet, la plate-forme d'accueil induit
un travail normé, qui ne relève pas clairement du service
social spécialisé : les assistants sociaux
répètent surtout des informations déjà
données par les auditeurs sociaux de l'OMI et orientent sur des
organismes compétents dans le domaine du logement et de l'emploi. Le
cadre administratif dans lequel les plates-formes se déroulent et la
participation « obligatoire » du service social
spécialisé au dispositif sont ressentis comme un frein à
l'appropriation de la relation avec les nouveaux arrivants par les assistants
sociaux du SSAE. Le service social spécialisé n'est plus pour le
nouvel arrivant le référent de son parcours d'intégration
mais un participant à la plate-forme d'accueil parmi d'autres. Beaucoup
d'assistants sociaux « subissent » le dispositif d'accueil
dont ils n'ont aucune maîtrise et la présence sur les
plates-formes est une « corvée » pour eux.
D'autres assistants sociaux, en revanche, se
« retrouvent » dans le rôle qui leur est
attribué ou encore essayent de sortir du cadre imposé et
proposent des actions innovantes, comme par exemple des informations
collectives et interactives lors des plates-formes d'accueil, ou des
réunions à thèmes après la plate-forme. Dans des
groupes de travail internes au service, ainsi que dans des rencontres
interinstitutionnelles avec l'ASSFAM, des réflexions ont
été menées sur l'accueil des primo-arrivants, les
pratiques professionnelles, des notions comme l'accompagnement social, le suivi
social, le suivi de l'accueil, ou plus largement sur le rôle du service
social spécialisé dans l'accueil des primo-arrivants. Pour
redonner du sens à l'action sociale spécialisée, des notes
de service tentent de préciser les modes d'action et la place du service
social spécialisé dans le cadre de la politique publique
d'accueil et d'intégration : soutien des demandeurs du regroupement
familial pendant la procédure; sensibilisation des demandeurs
à la recomposition familiale et à la démarche
d'intégration de la famille lors des séances de
pré-accueil ; identification et diagnostic des situations qui vont
nécessiter la mise en place d'un accompagnement individuel sur la
plate-forme d'accueil ; suivi individualisé par une prise en charge
directe de l'usager ou par l'intermédiaire des structures de droit
commun ; actions globales à partir de l'analyse des
problématiques rencontrées par les primo-arrivants.7(*) Plus qu'une réponse
à la demande, l'intervention du service social spécialisé
est définie plutôt comme une offre de service.
Nous pouvons donc constater que les différentes
politiques d'intégration et la création des plates-formes
d'accueil ont affecté sensiblement l'action menée par les
services sociaux spécialisés. Ces derniers sont passés
d'un rôle de maître d'oeuvre de l'organisation de l'accueil des
nouveaux arrivants à un rôle de participant. La
responsabilité du dispositif, et avec elle leur marge de manoeuvre, leur
a été enlevée. Alors que les assistants sociaux des
services sociaux spécialisés avaient l'habitude de mettre en
place des interventions sociales en conformité avec leurs valeurs
professionnelles et adaptées aux besoins du public rencontré, ces
professionnels ont maintenant le sentiment d'être relégués
à la marge du dispositif d'accueil.
Sur « le terrain », dans les
départements, en revanche, le service social spécialisé
reste un acteur avec un partenariat institutionnel et associatif
considérable et diversifié, qu'il est en mesure de mobiliser pour
faciliter l'intégration des nouveaux arrivants. Or, il semble que cette
compétence n'est pas exploitée dans le cadre du dispositif
d'accueil des nouveaux arrivants.
L'interrogation sur le rôle de l'assistant social
spécialisé dans le dispositif public d'accueil et sur le sens de
l'action sociale qu'il peut mettre en oeuvre renvoie aux questions
d'éthique et de valeurs professionnelles.
4. Déontologie et valeurs
professionnelles
Le travail social s'inscrit « à
l'intérieur des politiques sociales en contribuant à leur mise en
oeuvre dans une dimension relationnelle et personnalisée
».8(*) Selon la
Division des Affaires sociales des Nations Unies, la définition du
service social, sous-ensemble du travail social, est la suivante :
« Le service social est une activité
organisée, visant à aider l'adaptation réciproque des
individus et de leur milieu social. Cet objectif est atteint par l'utilisation
de techniques et de méthodes destinées à permettre aux
individus, aux groupes et aux collectivités, de faire face aux besoins,
de résoudre les problèmes que pose leur adaptation à une
société en évolution et, grâce à une action
coopérative, d'améliorer les conditions économiques et
sociales ».
Comme tous les champs professionnels, le service social
possède ses propres valeurs et références qui lui
permettent de composer un espace bien identifié et un partage de notions
communes. Celles-ci sont consignées dans des codes de déontologie
établis par les associations professionnelles. Le plus ancien et le plus
connu est celui de l'ANAS. La référence aux préconisations
contenues dans le code de déontologie permet non seulement d'assurer une
fonction de régulation des pratiques mais aussi de caractériser
le sens et la place que la profession souhaite tenir au sein de la
société.
La profession d'assistant de service social y est
définie comme suit : « L'assistant de service social
est au service de la personne humaine dans la société. Son
intervention vise : à l'épanouissement et à
l'autonomie des personnes, groupes ou communautés ; au
développement des potentialités de chacun en le rendant acteur de
son propre changement ; à l'adaptation réciproque individus
/ société en évolution ».9(*) L'usager est donc au centre
de l'intervention du service social.
Par ailleurs, l'assistant social dispose d'une autonomie qui
se situe sur le plan technique. « L'assistant de service social
ne peut accepter d'exercer sa profession dans des conditions qui
compromettraient la qualité de ses interventions. Il doit donc
être attentif aux formes et conditions de travail qui lui sont
proposées et aux modifications qui pourraient survenir. Tenant compte de
la nature et des objectifs de l'organisme employeur, il s'assure qu'il peut
disposer de l'autonomie nécessaire :
- pour choisir la forme de ses interventions et les moyens
à employer ;
- pour décider de la poursuite ou de l'arrêt
de son action ».10(*)
Les missions et objectifs d'action sont donc définis
par l'organisme employeur selon les compétences qui lui incombent. En
revanche, les méthodes à mettre en oeuvre par le service social
pour les atteindre relèvent de la seule compétence des
professionnels et de leur encadrement spécifique.
C'est à ce niveau que le malaise des assistants sociaux
spécialisés se situe : dans quelle mesure ont-ils encore la
maîtrise des méthodes à mettre en oeuvre pour accompagner
les nouveaux arrivants vers l'intégration ? De ce fait, l'usager
est-il vraiment au centre de l'intervention du service social ?
L'intervention du service social spécialisé dans
l'accueil et l'intégration des nouveaux arrivants renvoie donc à
une double problématique : d'abord celle de l'évolution du
dispositif et des politiques d'accueil et d'intégration, ensuite celle
de la spécificité de l'intervention du service social
spécialisé dans le cadre du dispositif d'accueil des
primo-arrivants.
· Que propose le service social spécialisé
aujourd'hui pour faciliter l'installation des nouveaux résidents ?
Quels moyens les assistants sociaux mettent-ils en oeuvre pour adapter leur
action sociale spécialisée au dispositif d'accueil des nouveaux
arrivants ?
· Quelle place le service social spécialisé
occupe-t-il dans ce dispositif ? De quelle marge de manoeuvre
dispose-t-il ? Quel rôle joue le contexte local dans la marge
de manoeuvre que possède le service social spécialisé ?
· Qu'est-ce qui fait que certains assistants sociaux
semblent avoir perdu le sens de leur travail, alors que d'autres sont en accord
avec leur conscience professionnelle ? Quel rôle l'encadrement joue-t-il
dans la (re)mobilisation des équipes d'assistants sociaux et
l'élaboration d'une offre de service de service social
spécialisé ?
Ces interrogations nous amènent à la question de
départ suivante :
Quelles stratégies les assistants de service
social adoptent-ils pour garder le sens du travail social
spécialisé dans leur intervention dans le cadre du dispositif
d'accueil des nouveaux arrivants ?
5. L'hypothèse de recherche - le
rôle de l'encadrement
A travers les textes et les discours politiques récents
nous pouvons constater que la politique d'accueil et d'intégration
actuelle se construit autour de l'idée de l'intervention active. Les
difficultés d'intégration sont perçues par l'Etat comme
des difficultés d'accès à l'information. Ainsi,
l'étranger est considéré comme détenteur de
handicaps dus notamment à l'ignorance de la langue et du fonctionnement
du système administratif.
Les services sociaux spécialisés, en revanche,
conçoivent l'intégration comme un parcours complexe inscrit dans
la durée qui respecte le rythme des personnes et s'appuie sur une
dynamique. L'accueil est considéré comme la première
étape de l'intégration. Les actions, individuelles comme
collectives, « menées par le service social
spécialisé placent les individus concernés comme sujets et
acteurs de leur propre intégration. Elles se situent à
l'interface entre le(s) public(s) et les structures de la société
d'accueil ».11(*)
L'évolution du dispositif d'accueil demande donc de
repenser la place et les modalités d'intervention du service social
spécialisé dans l'accueil et l'intégration des nouveaux
arrivants. On peut penser que les assistants sociaux qui trouvent toujours un
sens dans leur action, malgré un cadre très rigide et
réglementé, sont ceux qui ont pu garder une certaine
maîtrise du dispositif, ou ont pu développer des actions
innovantes. Les possibilités d'action des assistants sociaux
dépendent de plusieurs facteurs : de la place qui est
accordée par le délégué régional de l'OMI au
service social spécialisé, du partenariat local, du parcours
professionnel et des motivations personnelles des assistants sociaux
spécialisés et, enfin, de la compétence de l'encadrement
technique à soutenir les équipes d'assistants sociaux, à
leur apporter un regard extérieur sur leur activité et à
impulser des actions nouvelles.
Vu la problématique évoquée, nous
formulons l'hypothèse que le rôle de l'encadrement
technique est primordial pour assurer le maintien et le développement
d'une action sociale spécialisée et l'affirmation de la place du
service social spécialisé dans le dispositif d'accueil des
nouveaux arrivants. En effet, il est de sa responsabilité
d'aider les équipes d'assistants sociaux à prendre du recul en
apportant un regard extérieur, à cheminer dans la
réflexion sur le sens de l'action sociale spécialisée et
d'appuyer et défendre les choix d'action auprès du maître
d'oeuvre du dispositif.
La politique d'accueil et d'intégration se situe dans
un contexte historique et politique particulier à la France. Il en est
de même du rôle des services sociaux spécialisés.
Pour comprendre dans quelle mesure l'action de ces derniers est
influencée par ce cadre national, il nous semble important de faire un
détour par l'histoire de l'immigration en France de la fin du
19ème siècle à nos jours et d'examiner les
différentes politiques d'immigration et d'intégration mises en
place successivement par les pouvoirs publics. Ensuite, nous aborderons
l'action des services sociaux spécialisés dans le cadre de la
politique d'accueil et d'intégration des nouveaux arrivants.
6. La dimension européenne de la
recherche
La question de la place du service social dans les politiques
d'accueil et d'intégration se pose également au niveau
européen. En effet, la politique publique française s'inscrit
dans un contexte européen de plus en plus directif. L'immigration est
considérée comme un sujet d'intérêt commun et une
véritable politique européenne a pris forme, notamment sur
l'admission au territoire et le retour.
Déjà au cours des années 1970, dès
les premiers signes de l'augmentation du chômage, les Etats membres
prennent conscience que les problèmes de l'immigration ne pourraient
être résolus sans des mesures communes. C'est dans cet esprit que,
sur proposition de la Commission européenne, le Conseil des Ministres
propose en 1985 une résolution sur la politique migratoire.
Par cette résolution, le Conseil «
reconnaît que, dans le domaine de la réglementation communautaire
relative à la libre circulation des travailleurs des Etats membres, la
priorité doit être donnée aux mesures suivantes :
- amélioration de l'application de la
réglementation en vigueur en ce qui concerne certaines catégories
de travailleurs migrants;
- poursuite de l'analyse des droits et modalités
d'insertion ou de participation, soit individuels, soit collectifs, des
migrants aux différents aspects de la vie dans l'Etat membre d'accueil
».
Le traité de Maastricht est signé en
février 1992 et est entré en vigueur le 1er novembre
1993. Il traite des questions d'immigration en considérant que les
domaines suivants font partie des questions d'intérêts
communs : la politique d'asile, les règles régissant le
franchissement des frontières extérieures, la politique
d'immigration et la politique à l'égard des ressortissants des
pays tiers.
Signé le 2 octobre 1997 et entré en vigueur le
1er mai1999, le Traité d'Amsterdam vient
compléter ces dispositions. Les décisions en matière
d'immigration et d'asile prises par l'Union européenne auront alors
force obligatoire et un effet direct.
En matière d'intégration, la Commission
européenne a présenté le 10 novembre 2004 la
première édition du « manuel européen
d'intégration » qui présente les enseignements
tirés des programmes et réalisations dans les 25 Etats membres.
Ce manuel entend favoriser l'échange d'informations et
d'expériences entre les Etats et promouvoir les bonnes pratiques, car
des dispositifs d'accueil des nouveaux arrivants existent dans plusieurs Etats
membres de l'Union européenne avec une tendance à planifier le
parcours d'intégration.
Le 19 novembre 2004, le Conseil des ministres adopte une
série de « principes communs pour l'intégration des
immigrés ». Il s'agit là d'orientations que chaque Etat
membre devrait privilégier.
Pour interroger l'action des services sociaux
spécialisés dans le dispositif d'accueil des nouveaux arrivants
en France, il me semble donc intéressant d'examiner également le
rôle des services sociaux dans l'accueil et l'intégration des
nouveaux arrivants dans d'autres Etats membres de l'Union européenne,
qui ont une histoire différente de celle de la France, ainsi qu'une
conception différente de l'intégration, même si les
orientations de l'Union européenne tendent à une certaine
harmonisation :
· En Allemagne, l'intégration est fondée
sur le modèle ethnique. Jusqu'à récemment, ce pays ne se
considérait pas comme pays d'immigration, contrairement à la
France. Il s'est doté d'une nouvelle loi sur l'immigration et
l'intégration12(*)
entrée en vigueur le 1er janvier 2005.
· Aux Pays Bas, l'intégration est basée
sur le modèle multiculturel. La France, tout comme l'Allemagne, se sont
inspirées de la politique néerlandaise en matière
d'accueil et d'intégration pour mettre en place leurs dispositifs
d'accueil respectifs. Les Pays Bas étaient le premier pays
européen à voter une loi sur l'intégration en
1998.13(*)
Plusieurs questions se posent : Comment les travailleurs
sociaux14(*)
néerlandais et allemands se situent-ils dans le dispositif d'accueil
imposé par les pouvoirs publics ? Leurs pratiques professionnelles
ont-elles été modifiées par la mise en place de cette
nouvelle politique ?
L'idée est donc de faire un tour d'horizon sur
l'histoire et la politique d'intégration de ces deux pays, ainsi que sur
les fondements du travail social. Nous étudierons l'impact des
politiques publiques et des contextes historiques de l'immigration sur le
rôle et la place des services sociaux spécialisés dans les
dispositifs d'accueil des nouveaux arrivants. Ceci permettra de dégager
les éléments favorisant le maintien ou le développement
d'une action sociale spécialisée et l'affirmation de la place des
services sociaux spécialisés dans les dispositifs d'accueil.
Par ailleurs, la comparaison des rôles des services
sociaux dans les politiques d'accueil et d'intégration dans les
différents pays permettra d'interroger le modèle mis en place en
France et de mettre en évidence l'influence du contexte historique et
politique sur les pratiques professionnelles des travailleurs sociaux.
En effet, les expériences des travailleurs sociaux dans
d'autres pays d'Europe, travaillant dans un contexte semblable, en ce qui
concerne le dispositif, et en même temps différent, en ce qui
concerne le contexte historique et le fondement du travail social, ne peuvent
qu'enrichir la réflexion autour du positionnement du service social dans
un cadre réglementé et imposé qu'est le dispositif
d'accueil des nouveaux arrivants.
Enfin, il sera nécessaire de clarifier le concept
d'intégration, qui est directement en rapport avec le sujet de cette
recherche.
7. La méthodologie de recherche
Après une première partie théorique, ce
travail est basé sur l'analyse de 15 entretiens semi-directifs
menés auprès de 10 assistants sociaux spécialisés
intervenant dans l'accueil des nouveaux arrivants, 2 encadrants techniques du
service social spécialisé (délégués
régionaux) et 3 auditeurs sociaux de l'OMI.
La recherche a été effectuée dans deux
régions qui reçoivent un grand nombre de nouveaux arrivants
et dont les départements étaient parmi les premiers à
expérimenter le nouveau dispositif d'accueil.
Les données recueillies lors des entretiens
semi-directifs avec les assistants sociaux et les délégués
régionaux du SSAE m'ont permis de comprendre leur positionnement
professionnel, la place que le service social spécialisé occupe
dans le dispositif d'accueil des nouveaux arrivants, ainsi que le sens que ces
professionnels donnent à leur travail. Le fait d'avoir interviewé
aussi des encadrants techniques a facilité la compréhension de
leur rôle dans le développement d'une action sociale
spécialisée en direction des nouveaux arrivants.
Sur les plates-formes d'accueil l'accès au service
social spécialisé est « filtré » par
les auditeurs sociaux de l'OMI, qui orientent les nouveaux arrivants vers
l'assistant social présent chaque fois qu'ils repèrent un besoin
« social ». C'est pourquoi, il m'a semblé
intéressant de comprendre comment ces professionnels administratifs
percevaient le rôle du service social spécialisé. J'ai donc
rencontré trois auditeurs, dont les contributions ont fourni de
précieux éléments pour la recherche.
Mon travail comme assistante sociale au SSAE a facilité
la prise de contact avec tous ces professionnels. Cette recherche est donc
effectuée par une professionnelle familière de l'objet
étudié, issue du même milieu professionnel que les
personnes interviewés. Si mon expérience a favorisé la
compréhension des éléments évoqués lors des
entretiens et mon statut de « collègue » a permis
d'avoir accès à des informations qu'une personne
extérieure n'aurait pas obtenues, il a fallu cependant prendre de la
distance pour que la neutralité du chercheur soit maintenue. La
distanciation a été possible par la réflexion
théorique sur le sujet étudié.
Enfin, pour élargir la recherche au niveau
européen, j'ai établi un questionnaire, basé sur les
réponses données par les travailleurs sociaux français
lors des entretiens, afin de connaître les pratiques professionnelles des
travailleurs sociaux allemands et néerlandais qui accueillent des
étrangers primo-arrivants et le rôle qu'ils jouent dans la
politique d'accueil de leur pays. J'ai envoyé ce questionnaire par email
en allemand à 170 services sociaux impliqués dans le nouveau
programme d'accueil des nouveaux arrivants en Allemagne. Leurs adresses ont
été obtenues par le site internet de l'Office
fédéral pour la migration et les réfugiés15(*), qui assure la coordination du
dispositif. 30 travailleurs sociaux allemands ont répondu à mes
questions.
J'ai adressé ce même questionnaire en anglais
à des organismes impliqués dans le dispositif d'accueil des
nouveaux arrivants aux Pays Bas. Sur 36 questionnaires envoyés par
email, j'ai obtenu six réponses de travailleurs sociaux. En effet, comme
au Pays Bas l'accueil est organisé de façon
décentralisée par les communes, il était difficile
d'obtenir les coordonnées de ces organismes.
Première
partie
Immigration et
intégration
Chapitre 1
Immigration - contexte
historique et politique
1. Les grandes périodes de
l'immigration en France
La France est un pays d'immigration depuis toujours. Les
mouvements migratoires ont marqué l'histoire de ce pays. C'est dans la
première partie du 19ème siècle que les
mouvements de population, liés directement aux nécessités
économiques, vont devenir de plus en plus importants.
1.1. La révolution industrielle
Pendant la première moitié du
19ème siècle, sous la monarchie de Juillet, des
cheminots anglais arrivent pour construire les premières lignes de
chemin de fer, des Belges pour travailler dans des filatures dans le Nord, des
Allemands et des Suisses dans l'industrie mécanique et des Italiens dans
le bâtiment.
Avec le développement de la révolution
industrielle la France a besoin de main-d'oeuvre ouvrière. En effet, la
faiblesse démographique après les guerres napoléoniennes,
la résistance des paysans à l'exode rural et les revendications
du prolétariat ouvrier hypothèquent le développement
industriel. Dès 1851, plus de 378i000 étrangers sont
recensés en France. En 1876 ils sont 655 000 et à la fin du
siècle, la France est le premier pays d'immigration en Europe, un
« pays d'immigrants dans un continent
d'émigrants ».16(*) Les communautés les plus nombreuses sont les
Belges et les Italiens.
Ces immigrés effectuent au départ surtout les
travaux les plus pénibles et les plus mal
rémunérés. Pendant des périodes de chômage,
ils ne peuvent bénéficier des aides des bureaux de bienfaisance
qui sont dispensées sous condition d'un certain nombre d'années
de résidence dans la ville.
On trouve les Belges surtout dans le nord de la France,
où ils se regroupent dans les quartiers dégradés des
villes. Les Italiens sont surtout présents dans le sud-est de la France
et plus tard en Lorraine dans la sidérurgie et les mines de fer et de
charbon et dans le nord de la France. Leurs conditions de vie sont souvent
misérables. Dans beaucoup d'endroits, les Italiens mènent une vie
en communauté à la marge de la société
d'accueil.
Pendant la période de récession de 1882 à
1889, des actes xénophobes et la tension sur le marché du travail
obligent les pouvoirs publics à légiférer pour la
première fois en matière d'immigration. Il s'agit d'une
réglementation essentiellement restrictive : les étrangers
seront soumis à une déclaration de résidence à la
mairie, des quotas d'ouvriers dans l'industrie et les travaux publics seront
fixés. En matière d'accès à la nationalité,
les naturalisations seront facilitées. La nationalité
française est attribuée systématiquement, dès leur
majorité, aux enfants étrangers nés en France, un droit du
sol « fondé non plus sur l'allégeance mais sur la
socialisation ».17(*)
1.2. La guerre de 1914-1918
Pendant la guerre de 1914-1918, la France a besoin de
combattants et de main-d'oeuvre pour soutenir l'économie de guerre et
pour remplacer les Français dans les usines et les champs, après
la guerre, pour reconstruire le pays et redresser son économie.
Près de 600 000 hommes venus notamment d'Algérie, du Maroc,
de Tunisie, de l'Afrique occidentale et centrale sont recrutés par
l'armée dans des territoires sous administration française. Par
ailleurs, des conventions signées avec des gouvernements
étrangers permettent la venue de travailleurs portugais et chinois. Si
la plupart des soldats et des travailleurs recrutés pendant la guerre
furent renvoyés vers leurs pays, des petits groupes se
maintiennent.
1.3. Entre les deux guerres
Entre les deux guerres, l'immigration se diversifie. Des
travailleurs recrutés dans le cadre d'accords bilatéraux
provenant de la Pologne, de la Yougoslavie et de l'Italie, des travailleurs des
territoires coloniaux d'Afrique du Nord et d'Asie arrivent en France. En 1931,
avec une population étrangère de près de 3 millions de
personnes constituant 7 % de la population totale, la France,
« par rapport au nombre de ses habitants, était devenue le
premier pays d'immigration du monde ».18(*)
Mais l'immigration n'est plus uniquement économique,
elle a aussi des causes politiques. Les réfugiés de l'Europe
centrale et orientale, les Arméniens fuyant l'Empire ottoman, les
Italiens antifascistes et les Espagnoles républicains
représentent des flux très importants. Parmi ces
réfugiés on trouve nombreux artistes et intellectuels.
La grande crise des années 1930 conduit à des
mesures législatives entraînant des restrictions en matière
de délivrance de cartes de séjour et de liberté de
circulation des étrangers et permettant des expulsions arbitraires. En
1936, il n'y avait plus qu'un peu plus que 2 millions d'étrangers en
France.
1.4. La reprise de l'immigration de main d'oeuvre
Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, deux
ordonnances19(*) sont
publiées. Jusqu'à aujourd'hui, ces textes constituent les bases
de la législation sur l'immigration et l'accès à la
nationalité française. L'Office national d'immigration (ONI) est
créé par lequel l'Etat tente de contrôler l'immigration
issue des pays non européens.20(*) L'ONI a le statut d'un établissement public
administratif et a comme principales missions l'introduction des travailleurs
étrangers et leur contrôle sanitaire. Or, la reprise de
l'immigration est difficile du fait de la concurrence nouvelle exercée
par le Royaume Uni, la Belgique et l'Allemagne. Dans les faits, l'immigration
n'a pas pu être contrôlée comme souhaitée et l'ONI
procède à des dizaines de milliers de
régularisations. 21(*)
L'immigration reprend de façon plus intensive à
partir du début des années 1960. Entre 1961 et 1965, des accords
sont passés avec l'Espagne, le Portugal, la Yougoslavie et la Turquie.
Si jusqu'au début des années 1960 l'immigration était
surtout composée d'Italiens et d'Espagnols, les années 60 et le
début des années 70 se sont caractérisés par des
flux importants en provenance du Portugal et de l'Algérie, mais aussi
des anciennes colonies africaines. Au recensement de 1975, la France compte
près de 3,5 millions d'étrangers ; avec 710 000
personnes, les Algériens représentent numériquement le
second groupe étranger après les Portugais (760 000).
1.5. L'immigration de peuplement
La suspension de l'immigration de main d'oeuvre en juillet
1974, suite à la crise économique, a profondément
changé la nature de l'immigration : d'une immigration de
main-d'oeuvre on passe à une immigration de peuplement. Les nouvelles
entrées sont surtout liées aux regroupements familiaux et aux
demandes d'asile. Ces dernières augmentent, liées à la
multiplication des conflits dans le monde. Des réfugiés du
sud-est asiatique arrivent massivement en France entre 1975 et 1980. Lors du
recensement de 1982 la présence étrangère en France
s'élève à 3,6 millions, soit 6,5 % de la population
totale.
Les regroupements familiaux ont été nombreux
pendant les années 1980 et au début des années 1990. Ils
concernent au départ surtout des travailleurs qui se faisaient rejoindre
par leurs épouses et enfants, ensuite des enfants d'immigrés
nés en France ou venus eux-mêmes par regroupement familial qui
faisaient venir un conjoint épousé au pays d'origine.
Les entrées de travailleurs permanents concernent
essentiellement des ressortissants de la Communauté européenne,
qui bénéficient de la libre circulation.
Un autre flux important pendant les années 1980 et 1990
a été celui des demandeurs d'asile. Après les
arrivées des réfugiés du Sud-Est asiatique après
1975, des demandeurs d'asile venant d'Afrique Centrale et des pays africains
lusophones en guerre arrivent en France à partir du début des
années 1980. Les demandeurs d'asile tamouls du Sri-Lanka, ainsi que des
minorités en provenance du Proche et Moyen Orient, comme les Kurdes ou
les Assyro-Chaldéens, puis les demandeurs d'asile des Balkans et
d'Europe de l'Est constituent des flux importants au courant des années
1990. Ces flux ont progressé pendant les années 1980 passant de
19 770 en 1981 à 61 372 en 1989, ont baissé de 1989 à 1996
(17 405), puis ont remonté progressivement. En 2001 on enregistre 47 300
demandes d'asile en France.
Dans son 31ème rapport sur la situation
démographique de la France, l'Institut national d'études
démographiques (INED) constate « que c'est l'immigration
à caractère familial qui enregistre la plus forte hausse, avec un
doublement depuis 1996 pour les étrangers ressortissants des pays tiers
(de 17 700 à 35 400) : la présence d'une famille en France et les
mariages mixtes facilitent l'admission au séjour d'étrangers,
parmi lesquels un certain nombre se présentent ensuite sur le
marché du travail. Ainsi s'explique sans doute la progression somme
toute modérée du nombre d'étrangers des pays tiers
entrés comme « travailleurs » : 6 000 en 1996, 9 200 en
1999, après un bond en 1997 et 1998, l'essentiel des
régularisations ayant été accordées pour ce
motif».22(*)
L'immigration à caractère familial vient principalement des pays
du Maghreb et de Turquie.
Après avoir étudié le fait migratoire en
France, nous allons explorer l'histoire de l'immigration en Allemagne et aux
Pays Bas.
2. Les mouvements migratoires en
Allemagne
L'Allemagne, pays d'émigration, devient un pays
d'immigration à partir du 19ème siècle. Des
millions d'Allemands ont quitté leur pays au cours des
18ème et 19ème siècles et jusqu'aux
années 1920, notamment pour les Etats-Unis. La misère
économique, mais aussi des raisons politiques, les poussaient à
émigrer. Mais, déjà pendant l'Allemagne impériale,
avant la Première Guerre mondiale, l'immigration commence à jouer
un rôle important.
En 1910, le nombre de « travailleurs migrants
étrangers » est estimé à environ 1,2
millions.23(*) Des
Polonais travaillent dans l'agriculture, des Italiens et des Russes sont
employés comme main-d'oeuvre non-qualifiée dans le
bâtiment, des carrières et des briqueteries, ainsi que dans les
mines.24(*)
« ... ce changement ne signifiait cependant pas la transformation
d'un pays d'émigration en un pays d'immigration : l'Allemagne
restait, mais dans une bien moindre mesure, un pays
d'émigration ».25(*) En effet, l'émigration reste encore
relativement élevée jusqu'au milieu des années 50.
2.1. Après la Seconde Guerre mondiale
La première vague migratoire importante vers
l'Allemagne est formée par des Allemands expulsés de l'Europe de
l'Est, et le retour de prisonniers de guerre et de travailleurs forcés.
Entre 1945 et 1949 environ 12 millions d'« Allemands de
souche »26(*)
fuient les anciens territoires allemands de l'est, la Pologne, la
Tchécoslovaquie, la Hongrie et la Yougoslavie ou en sont
expulsés. 8 millions de personnes s'installent en Allemagne de l'Ouest,
essentiellement dans les zones sous administration américaine et
britannique, 3,6 millions dans la zone sous administration soviétique,
la future République démocratique allemande (RDA).
Pendant la période du « miracle
économique », la République fédérale
d'Allemagne manque de main d'oeuvre et commence à recruter des
« Gastarbeiter » (travailleurs invités). Un
premier accord de recrutement de main-d'oeuvre étrangère est
passé en 1955 avec l'Italie. Mais les
« Gastarbeiter » commencent à arriver de
façon plus importante seulement entre 1959 et 1965, quand le plein
emploi est presque atteint et la construction du mur en 1961 met un terme aux
arrivées massives des citoyens de la RDA.27(*) Entre 1960 et 1968, d'autres
accords sont passés avec l'Espagne, la Grèce, la Turquie, le
Portugal, la Tunisie, le Maroc et la Yougoslavie. A cette époque, les
communautés étrangères les plus importantes en
République fédérale d'Allemagne (RFA) sont les Italiens et
les Grecs.
Entre 1955 et 1973, 5,1 millions de travailleurs arrivent en
RFA. Depuis les années 1980, les Turcs sont les plus nombreux, suivis de
loin des Yougoslaves, Italiens et Grecs.
La politique de recrutement de main-d'oeuvre
étrangère en RFA concevait l'immigration comme temporaire. Les
travailleurs ne pouvaient venir en Allemagne que s'ils disposaient d'un contrat
de travail. Les autorisations de travail étaient très
restrictives : elles n'étaient valables que pour un Land donné et
pour un emploi bien défini. L'autorisation couvrait une période
précise, maximale de cinq ans. Si la conduite était bonne, le
travailleur pouvait ensuite obtenir un permis de séjour.
Ainsi, lors de la récession de 1966/67, le nombre de
travailleurs immigrés baissait considérablement, avant de
remonter jusqu'en 1973 : d'environ 2,3 millions en 1968, la population
étrangère en Allemagne monte à 4,1 millions en 1973, soit
6,4 % de la population totale.28(*)
2.2. La crise économique
En 1973, avec la crise économique, l'Allemagne mit fin
au recrutement de la main-d'oeuvre étrangère et incite les
« Gastarbeiter » au retour dans le pays d'origine
par l'instauration d'aides au retour. Malgré ces mesures, le nombre
d'étrangers ne cesse de croître, principalement par le biais du
regroupement familial. Ainsi, l'immigration temporaire de main-d'oeuvre se
transforme en immigration familiale et se féminise.
A partir de 1982, avec l'arrivée au pouvoir des partis
conservateur et libéral, deux priorités déterminent la
politique migratoire : l'intégration des immigrants légalement
installés en République fédérale d'une part, la
limitation des nouvelles arrivées d'autre part. La loi sur le retour
aidé de 1983 laisse entrevoir que l'accent est mis principalement sur la
réduction du nombre de résidents étrangers.29(*)
En outre, pendant les années 1980, le débat sur
l'immigration se confond de plus en plus avec celui sur l'asile. Les demandeurs
d'asile sont assimilés à des « réfugiés
économiques ».30(*) Klaus J. Bade résume la politique migratoire
ouest-allemande des années 1980 ainsi : « Le
changement radical, plus tempéré plus tard, du climat politique
au tournant des années 1970/80 était caractérisé
par la transformation d'une société d'accueil en une sorte de
société de rejet et touchait finalement « les
étrangers » en
général ».31(*)
La RDA procède également, à compter du
milieu des années 70, au recrutement d'une main-d'oeuvre
étrangère en provenance des pays socialistes, mais le nombre de
travailleurs étrangers n'a jamais dépassé 200 000
personnes.32(*) Ces
travailleurs étaient recrutés par des contrats collectifs pour
des périodes limitées de quatre à cinq ans et
étaient hébergés par les entreprises dans des logements
collectifs. Le regroupement familial n'était pas permis. En 1989,
à l'aube de la réunification allemande, 90 000 travailleurs sous
contrat vivaient en Allemagne de l'Est, dont environ un tiers étaient
originaires du Vietnam.33(*)
2.3. L'Allemagne unifiée
Suite à l'effondrement du bloc soviétique et la
chute du mur de Berlin, la République fédérale d'Allemagne
connaît une nouvelle vague d'immigration imprévue. Alors que les
politiques ouest-allemands proclament toujours que la RFA n'est pas un pays
d'immigration, à partir de 1989/90 des centaines de milliers de migrants
arrivent chaque année en Allemagne, principalement des
« Allemands de souche » en provenance de la Roumanie, de la
Pologne et de l'Union soviétique et des demandeurs d'asile.
Comme l'Allemagne ne se conçoit pas elle-même
comme un pays d'immigration, l'augmentation du nombre de demandeurs d'asile
dans les années quatre-vingt a provoqué un vif débat
politique sur cette question. La modification du droit d'asile de 1993,
appelé aussi « compromis » (Asylkompromiss), a eu
pour conséquence un net recul du nombre de demandeurs d'asile.
3. L'histoire de
l'immigration dans les Pays Bas
Les Pays Bas ont toujours accueilli de nombreux migrants.
L'époque de 1585 à 1670 est dénommée le
« siècle d'or » dans l'histoire néerlandaise.
Grâce à sa marine marchande le pays développe un commerce
et une industrie de transformation florissants. Ainsi, les Pays Bas sont au
17ème siècle le pays le plus riche d'Europe et
attirent des immigrants. En même temps, la mobilisation d'une main
d'oeuvre étrangère est une des conditions de la croissance
économique.
Pendant le 17ème siècle, des groupes
persécutés dans leurs pays d'origine en raison de leurs opinions
politiques ou religieuses, ainsi que des intellectuels trouvent
également refuge aux Pays Bas, connu comme un pays
tolérant.34(*)
3.1. Entre 1848 et 1918
Des tensions politiques internationales des années 1848
et 1914/1918 sont à l'origine de l'introduction d'une nouvelle politique
d'admission. On constate le premier grand changement dans la loi relative aux
étrangers de 1849 : la différenciation des étrangers
admis et des étrangers non admis.35(*) Les premiers se voient attribuer un document de
circulation et de séjour de trois mois. Certains groupes, comme les
musiciens itinérants, ne reçoivent pas de document de circulation
et de séjour. Ils sont considérés comme étrangers
non admis et peuvent être expulsés sans aucun jugement.
Dans la loi relative aux étrangers de 1849 on met
l'accent sur le nouveau rôle du gouvernement central36(*), mais dans la pratique, dans
la deuxième moitié du 19ème siècle, son
influence est encore très limitée. Pour séjourner ou
travailler aux Pays Bas, aucune autorisation n'est exigée. Les
étrangers sans moyens de subsistance ou qui représentent un
danger pour l'ordre public, en revanche, peuvent être expulsés.
Les autorités locales ont une grande marge de manoeuvre dans
l'application de la politique nationale et les pratiques peuvent être
très différentes d'une commune à l'autre.
3.2. Entre les deux guerres
A partir de 1918, avec l'introduction d'une nouvelle loi
relative aux étrangers, l'intervention directe du gouvernement central
s'amplifie. La mise en oeuvre de la politique est uniformisée et les
étrangers sont considérés comme une catégorie qui
doit être encadrée, plus que d'autres, et enregistrée. En
1919, le renforcement de l'intervention gouvernementale se concrétise
également par le fait de lier l'admission des étrangers à
la situation du marché du travail : désormais, les nouveaux
arrivants sont obligés de présenter des documents prouvant qu'ils
peuvent trouver du travail aux Pays Bas. En 1924, sous l'influence de la crise
économique en Allemagne, ce lien est renforcée par l'obligation
des étrangers de présenter au bureau du séjour une
promesse d'embauche et une déclaration de la bourse de travail du
district indiquant qu'il n'y a pas de candidat néerlandais pour l'emploi
en question.37(*)
3.3. Après la Seconde Guerre mondiale
Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, le gouvernement
voit les Pays Bas surtout comme un pays d'émigration. Le pays se
considère comme surpeuplé, l'immigration est donc jugée
indésirable, mais elle continue tout de même d'exister.
En effet, la première vague d'immigration après
la Seconde Guerre mondiale vient des anciennes colonies. Environ 300 000
personnes arrivent d'Indonésie après la guerre
d'indépendance de 1945-1949. Il s'agit des colons néerlandais,
mais aussi de Moluquois. Une autre partie de l'immigration post-coloniale est
composée de quelques milliers de Chinois d'Indonésie.
Un autre flux important d'immigrants post-coloniaux vient du
Surinam. En effet, les Surinamiens deviennent citoyens néerlandais
à part entière en 1954. Avec l'indépendance du Surinam en
1975, environ un tiers de sa population émigre et s'installe aux Pays
Bas. Leur nombre est de 300 000 aujourd'hui.
La population des territoires autonomes du Royaume (Antilles
néerlandaises, Aruba et Saint Martin) possède la
nationalité néerlandaise et peut circuler librement. Environ
100.000 vivent aux Pays Bas.38(*)
Dans les années 1960, l'expansion économique a
pour conséquence un manque de main d'oeuvre et les entreprises
néerlandaises commencent à recruter des travailleurs dans les
pays du sud de l'Europe, en Turquie, au Maroc et en Tunisie. Cette immigration
était prévue comme provisoire. En 1973, au début de la
crise économique, on compte 180 000 travailleurs immigrés aux
Pays Bas.
3.4. L'arrêt du recrutement des travailleurs
immigrés
Après l'arrêt du recrutement en 1973, les
travailleurs immigrés, surtout ceux de Turquie et du Maroc, font venir
leurs familles. Le regroupement familial atteint son point culminant en 1980.
Par la suite, l'immigration familiale de Turquie et du Maroc baisse, avant de
reprendre dans la deuxième moitié des années 1980, quand
la deuxième génération de migrants arrive à
l'âge de fonder une famille. En effet, beaucoup de jeunes turcs et
marocains se marient au pays d'origine et font venir l'époux ou
l'épouse par regroupement familial. Aujourd'hui, 300 000
résidents d'origine turque, ainsi que environ 260 000 d'origine
marocaine vivent aux Pays Bas.39(*)
Les demandeurs d'asile et les réfugiés
constituent une autre catégorie de migrants. Entre 1945 et 1975 environ,
des flux limités de réfugiés d'Europe de l'Est arrivaient
aux Pays Bas. Dans les années 1970 s'y rajoute des
réfugiés originaires de pays sous régime totalitaire. A
partir de la moitié des années 1980, le nombre de demandes
d'asile augmente de façon importante pour atteindre 40 000 à
50 000 par an dans les années 1990.40(*)
En raison du taux élevé de naturalisations dans
les années 1990, le nombre de résidents étrangers diminue
de 800 000 en 1994 à 670 000 en 2001. Par ailleurs, dans les
statistiques néerlandaises, les personnes dont au moins un parent est
né en dehors des frontières du Royaume sont
désignées comme « allochtones ». Ainsi, en
2001, 2,9 millions d' « allochtones » vivent aux Pays
Bas, dont 1,5 millions sont nés à l'étranger.
Malgré sa vieille tradition de pays d'immigration, au
20ème siècle, les Pays Bas commencent à
être également un pays d'émigration : même
durant les années 1960 et 1970, alors que des nombres
considérables de travailleurs immigrés arrivent, le gouvernement
néerlandais incite ses ressortissants à émigrer dans des
pays comme le Canada, les Etats Unis, l'Australie et la Nouvelle
Zélande. En effet, des pronostics démographiques font craindre un
« manque de place » pour tous ; en termes d'espace
géographique, mais aussi en matière de besoins du marché
du travail. Il semble qu'à cette époque les pouvoirs publics
n'aient pas remarqué le paradoxe de la situation.41(*)
4. Conclusion
La France est un ancien pays d'immigration qui a toujours
reçu des flux migratoires, d'abord composés de migrants
économiques, plus tard aussi de demandeurs d'asile. Les mouvements
migratoires vers l'Allemagne, traditionnellement un pays d'émigration,
commencent seulement au 19ème siècle. Les Pays Bas,
comme la France, ont connu l'arrivée de flux migratoires depuis
plusieurs siècles.
Dans les années 1973/1974 les trois pays arrêtent
l'immigration de main d'oeuvre et les mouvements migratoires prennent
désormais un caractère familial. Aujourd'hui, de nombreuses
personnes issues des vagues migratoires successives sont installées dans
ces pays. La France, l'Allemagne et les Pays Bas continuent toujours à
recevoir de nombreux migrants qui viennent rejoindre des membres de leur
famille ou qui demandent l'asile.
Chapitre 2
Intégration et
politiques publiques
Au cour de leur histoire, les différents pays
européens se sont forgés des valeurs qui leur sont propres.
Aussi, le contexte historique et politique de l'immigration singulier de chaque
pays est déterminant pour la construction des différents
modèles d'intégration. Ainsi, en France, en Allemagne et aux Pays
Bas, le mot « intégration » n'a pas la même
signification.
1. Les différents modèles d'intégration
en sciences sociales
L'intégration est une notion fondatrice en sociologie.
La thématique de l'intégration apparaît avec M. Weber et E.
Durkheim au 19ème siècle, alors que la
société est déstabilisée par les
conséquences de la révolution industrielle et de la
révolution démocratique et politique.
Durkheim définit l'intégration comme un
processus par lequel l'individu participe à la vie sociale. Cette
participation s'opère grâce à l'intégration des
individus dans plusieurs instances : familiale, religieuse, groupes
professionnels. Ces instances prédisposent l'individu à vivre en
société. L'intégration est donc le résultat de la
socialisation.
A l'époque contemporaine, le Haut Conseil à
l'intégration propose la définition suivante de
l'intégration : « L'intégration consiste à
susciter la participation active à la société tout
entière de l'ensemble des femmes et des hommes appelés à
vivre durablement sur notre sol en acceptant sans arrière pensée
que subsistent des spécificités notamment culturelles, mais en
mettant l'accent sur les ressemblances et les convergences dans
l'égalité des droits et des devoirs, afin d'assurer la
cohésion de notre tissu social ».42(*)
Dans le sens courant, comme dans la littérature
sociologique, le terme « intégration » a donc deux
sens :
D'une part, l'intégration désigne un état
du système social. Une société sera
considérée comme intégrée si elle est
caractérisée par un degré élevé de
cohésion sociale. Pour Durkheim, par exemple, le taux de suicide varie
en raison inverse du degré d'intégration des groupes sociaux dont
fait partie l'individu (Le suicide, 1897). A l'intégration on
oppose donc l'anomie (absence ou insuffisance de règles sociales
permettant d'assurer la coopération des différents
éléments constituant la société) ou la
désorganisation sociale.
D'autre part, l'intégration désigne la situation
d'un individu ou d'un groupe qui est en interaction avec les autres groupes ou
individus (sociabilité), qui partage les valeurs et les normes de la
société à laquelle il appartient. A l'intégration
on oppose donc la marginalité, la déviance, l'exclusion.
Ces dernières années, en France, les
débats politiques et médiatiques ont mis l'accent sur
« l'intégration des immigrés », mais il ne
s'agit là que d'un aspect de l'intégration sociale.
« Intégration » et
« immigration » sont certes des notions liées, mais
la question de l'intégration ne se pose pas seulement ni
systématiquement à propos des immigrés.
Dans le débat actuel sur l'intégration des
immigrés, Manuel Boucher relève l'existence de quatre
modèles d'intégration distincts : le modèle
assimilationniste, le modèle communautariste, le modèle
intégrationniste et le modèle multiculturaliste
raisonnable.43(*)
1.1. L'approche assimilationniste
Selon l'auteur, l'approche assimilationniste est
représentée par E.Todd, M.Tribalat et A.Taguieff. Les
assimilationnistes réfutent l'idée de la décomposition de
la société. Ils considèrent que certains
éléments culturels sont incompatibles et la cohabitation de
groupes culturels différents ne peut se vivre concrètement dans
la réalité. L'existence de groupes minoritaires au sein de la
société d'accueil, par le biais de revendications identitaires et
religieuses, devient alors un facteur de désordre social, d'anomie et
représente donc une menace.
La volonté de construire le contrat jacobin universel,
un nationalisme républicain, est réaffirmée. Ce qui est
à défendre, c'est l'identité culturelle française
fondée sur un idéal civique de type républicain,
c'est-à-dire « une volonté de synthèse entre
l'exigence d'universalité et le respect des identités, des
particularismes culturels à condition qu'ils restent dans la
sphère du privé ».44(*) Ce modèle trouve son sens au sein d'un
Etat-nation dans lequel peut s'exprimer le sens civique. Pour ces auteurs, il
s'agit donc d'éduquer les personnes aux valeurs de la République
afin de former un corps de citoyens sans référence aux notions de
race ou de sang.
1.2. L'approche communautariste
L'approche communautariste se développe au travers
d'une vision « culturaliste » du monde par laquelle on ne
peut penser le migrant en dehors de son groupe d'appartenance d'origine. Une
grande importance est donc donnée à la culture d'origine des
migrants.
Les adeptes de ce courant thérapeutique sont peu
nombreux en France. Son principal représentant est Tobie Nathan. Il part
du préalable d'une dissymétrie entre la pensée occidentale
universelle et rationnelle et des pensées traditionnelles des migrants,
reliées à des mythes, des croyances ancestrales très
riches de diversité.
Selon l'approche communautariste, la civilisation occidentale
moderne conduit les migrants vers une grande souffrance psychique causée
par les bouleversements qu'ils vivent lors du processus
d'acculturation45(*),
étant donné que leur culture de référence est
niée par la culture dominante. Les migrants exilés, coupés
de leurs repères traditionnels, peuvent vivre alors une véritable
déchirure.
Pour Tobie Nathan, l'intégration implique alors un
processus de transformation culturelle qui, pour réussir, doit ouvrir un
espace de négociation interculturelle où chaque appartenance
culturelle a la possibilité de s'exprimer et de créer pour
elle-même ses chemins par rapport aux autres. Elle implique de ce fait
l'indispensable prise en compte de la culture particulière
d'appartenance des migrants. Il faut donc parler le même langage,
utiliser les codes connus du migrant, prendre en considération ses
manières de faire, alors même que trop souvent les professionnels
intervenant auprès des migrants, qu'ils soient thérapeutes ou
travailleurs sociaux, apportent des réponses inadaptées en
référence à leurs propres codes culturels.
1.3. L'approche
intégrationniste
L'approche la plus répandue en France est l'approche
intégrationniste, représentée notamment par D.Schnapper et
J.Costa-Lascoux. Les intégrationnistes refusent l'idée d'une
dérégulation politique et insistent sur la
nécessité de construire une citoyenneté pour tous.
L'approche intégrationniste s'appuie sur les principes
du modèle français d'intégration républicaine mais
elle va au-delà. Il s'agit, dans une France devenue composite, où
les personnes sont en recherche d'identité, de construire un
« contrat de citoyenneté », nouveau contrat social,
dans le prolongement et au-delà de certaines définitions
historiques imposées par la Révolution française. Ce
contrat, grâce à une pédagogie du civisme qui repousserait
la logique des origines et des appartenances, serait défini sur la base
des valeurs communes des droits de l'homme et de la solidarité.
Le processus d'intégration est confondu avec la
citoyenneté. L'intégration signifie l'articulation entre trois
types de citoyenneté : la citoyenneté civile (droits et
libertés), la citoyenneté politique (droits politiques) et la
citoyenneté sociale (droits sociaux, éducation, travail).
Pour J.Costa-Lascoux, « l'intégration est
un processus qui doit permettre l'octroi de la citoyenneté aux
résidants étrangers. Chaque personne vivant durablement sur le
sol national doit avoir « son mot à dire » et
pouvoir l'exprimer démocratiquement »46(*).
Cinq moyens doivent être employés au niveau
institutionnel pour construire l'égalité et la citoyenneté
:
· l'égalité de traitement avec les
nationaux,
· l'acquisition de la nationalité,
· les politiques sociales (logement, formation,
emploi),
· la lutte contre les discriminations,
· les droits politiques au niveau local.
D'après J.Costa-Lascoux, jusqu'à présent,
la France a recouru aux quatre premiers moyens mais n'a pas encore eu le
courage politique de mettre en oeuvre le cinquième.
1.4. L'approche multiculturaliste
raisonnable
L'approche multiculturaliste, défendue par les
sociologues M.Wieviorka et A.Touraine, part du constat que, lors du passage
d'une société industrielle à une société
post-industrielle, nous assistons à la construction de nouvelles formes
de mobilisation sociale, qui prennent la place des grandes mobilisations dans
le cadre du mouvement ouvrier. Il s'agit de construire des espaces d'autonomie
et de réaffirmer l'indépendance de formes de sociabilité
privées contre l'emprise de l'Etat (luttes étudiantes, mouvements
régionalistes, féministes, mouvements de sans-papiers,...). Ces
mobilisations valorisent les questions identitaires et affirment l'estime de
soi. L'identité devient alors un enjeu majeur, d'autant plus dans un
contexte d'érosion de l'Etat-providence, de mondialisation, de flux
migratoires, de désintégration de l'identité nationale.
La France vit ainsi « une disjonction croissante
entre son modèle d'intégration républicaine, hostile
à toute intrusion des différences identitaires dans l'espace
public, et sa réalité sociale, qui dément quotidiennement
et de plus en plus ce modèle théorique et son universalisme
abstrait »47(*).
Mais l'approche multiculturaliste veut montrer que la crise du
modèle français d'intégration et l'affirmation
d'identités culturelles ne mène pas nécessairement vers le
chaos ; les revendications identitaires ne sont pas forcément en
opposition avec la démocratie républicaine. Pour cela, l'Etat
doit se moderniser, par un traitement plus démocratique et ouvert des
différences culturelles, en ne confondant pas revendications
identitaires et communautarisme, ainsi que par la mise en place d'une politique
alliant le social (lutte contre l'exclusion et les inégalités
sociales) et le culturel (nécessité d'une reconnaissance des
différences culturelles).48(*)
1.5. L'approche transversale
interculturelle
Lors du séminaire international « Travail
social et diversité culturelle »49(*), Manuel Boucher
développe une cinquième approche, l'approche interculturelle. Il
s'agit d'un courant socio-politique, adoptée par M.Cohen-Emerique et
C.Camillieri, qui prône le développement de la pédagogie
interculturelle. Elle est fondée sur le respect de la différence,
l'ouverture à l'autre et la diversité culturelle.
La démarche interculturelle passe par trois
étapes :
· La décentration (prendre conscience de ses
propres cadres de référence),
· La pénétration du système de
références de l'autre (tenter de se placer du point de vue de
l'autre et de le comprendre),
· La négociation ou médiation (identifier
l'espace de négociation possible afin de trouver des solutions que
chaque partie admettra en conscience, impliquant souvent un minimum de
compromis).
Pour Manuel Boucher, cette approche est liée au courant
essentialiste relativiste, qui définit l'individu par son appartenance
culturelle uniquement.
2. Les trois grands modèles
d'intégration nationale - des logiques politiques
De nombreuses recherches dans les domaines des politiques
d'immigration et de l'analyse des politiques d'intégration ont conduit
à la construction de plusieurs modèles d'intégration en
Europe. Ainsi, les politiques d'immigration et d'intégration sont
fréquemment évaluées à l'aune de la Pensée
d'Etat des pays d'immigration.50(*)
Emmanuel Peignard,51(*) comme Axel Schulte,52(*) distinguent trois grands modèles
d'intégration : le modèle républicain ou politique,
dont la France est l'exemple type, où la
nationalité-citoyenneté se fonde sur l'adhésion
individuelle au contrat social (droit du sol - ius soli). Les
identités ethniques53(*) sont gommées et refoulées dans la
sphère du privé, au nom de la laïcité ; le
modèle ethnique, comme en Allemagne, où la
nationalité repose sur la filiation (droit du sang - ius
sanguinis), la culture, la langue, la religion ; et puis le
modèle communautaire ou multiculturel anglo-saxon et aussi
néerlandais, où les minorités sont reconnues comme des
acteurs politiques et leurs droits culturels garantis. Les communautés
peuvent se développer de façons séparées et
autonomes.
Les différentes conceptions politiques de
l'intégration transparaissent également dans la terminologie
utilisée pour désigner les migrants : en France on parle
d'immigrés, en Allemagne d'étrangers et aux Pays Bas de membres
des minorités ethniques.
Selon Schulte, ces différents modèles ont leurs
origines dans l'histoire nationale et dans la conception de l'appartenance
nationale.54(*)
2.1. Le modèle républicain
d'intégration nationale
La France a construit son unité pendant des
siècles en rejetant les différences régionales. La vision
politique et universaliste de la nation est née des lumières et
de la révolution, mais sa construction a débuté bien des
siècles avant avec la volonté d'unification du pouvoir royal.
L'unification de la France s'est achevée à la veille de la
Première guerre mondiale.55(*) L'école primaire a joué un rôle
important pour unifier linguistiquement la France : l'union nationale a
besoin d'une communauté des citoyens. Cette communauté doit
être essentiellement une communauté linguistique ; cela se traduit
par la scolarisation des Français à la fin du 19ème
siècle et l'interdiction de parler les langues régionales dans
les établissements d'enseignement (public ou privé).
Le modèle français a été fortement
influencé par Rousseau : par le « contrat
social », les individus passent un pacte avec la collectivité
dont ils vont devenir membres et acceptent de troquer leur liberté
« naturelle » pour une liberté
« civile ». La liberté est conçue comme une
liberté-participation, qui conduit les individus à s'abstraire de
leurs besoins et intérêts individuels pour se fondre dans la
volonté générale.56(*) L'appartenance à la nation s'inscrit donc dans
une conception contractuelle du lien national.
L'attitude de la France envers les immigrés trouve son
origine dans les idées de Renan : l'appartenance à la nation
se fonde sur l'adhésion quotidienne, adhésion volontaire, et sur
un patrimoine commun susceptible de devenir celui des nouveaux arrivants. Il
s'agit de réduire les particularismes culturels et d'aboutir à
l'unicité de la société pensée comme un creuset et
à l'universalisme de la citoyenneté.57(*)
Le modèle d'intégration français est
l'assimilation par la vie publique. La visée du processus
d'intégration est de circonscrire les particularismes à la
sphère privée. Ceci vaut pour la religion, mais également
pour les particularismes ethniques, culturels ou sexuels. Le droit
français reconnaît l'individu et protège sa liberté
sans prendre en considération son appartenance à un groupe ou
à une communauté. La notion même de minorité n'est
pas reconnue, la République est « une et
indivisible ».
Le modèle français d'intégration est donc
lié à une certaine conception de la République et de la
nation définie par l'ensemble des personnes qui acceptent de partager un
projet commun. Ce modèle se veut et s'affirme universaliste car ses
valeurs de référence sont considérées comme
valables pour toutes les personnes, faisant abstraction de toutes les
différences sociales et culturelles. Ainsi, l'intégration
concerne des individus qui adhèrent aux valeurs de la République,
quelles que soient par ailleurs leurs spécificités. Elle doit
être le fruit d'une démarche personnelle.
Le Haut Conseil à l'intégration définit
« (...) le concept d'intégration comme appartenance non
aliénante à la République, celui-ci fait en effet place
à la diversité culturelle sans miner l'unité de la
communauté nationale ».58(*)
A l'instar de la France, l'Allemagne et les Pays Bas ont
également développé leurs propres modèles
d'intégration.
2.2. Le modèle ethnique
d'intégration nationale
L'Allemagne se constitue en nation après les
défaites de 1806/1807 (Iéna). Le modèle allemand
relève d'une conception ethnique de la nation. Dès l'Empire
allemand (1871) la nation est conçue comme une entité originale :
font partie de la nation allemande ceux qui ont du « sang
allemand », ceux qui appartiennent à un même peuple. Le
peuple renvoie à une conception généalogique de la
communauté nationale : tous ceux qui ont du sang allemand de part
le monde font partie de la nation allemande. L'idée allemande de nation
n'est pas politique ; c'est celle d'une communauté culturelle et
linguistique.
Cette conception allemande de la nation débouche
à terme sur une constitution fédérale qui regroupe et
permet de regrouper toutes les communautés de langue allemande. La
nationalité allemande déborde le cadre strict de l'Etat.
Le code de la nationalité a été
dominé pendant longtemps par le droit du sang. La loi sur la
nationalité allemande adoptée par le Bundestag en 1999, en
revanche, consacre le droit du sol, pour la première fois dans
l'histoire de l'Allemagne. Dorénavant, les enfants nés en
Allemagne de parents étrangers se voient attribuer la nationalité
allemande dès leur naissance, à condition que l'un des parents
réside légalement en Allemagne depuis huit ans. Or, cette
nouvelle loi ne fait pas l'unanimité parmi la population allemande.
2.3. Le modèle multiculturel
d'intégration nationale
Dans les années 1980, les Pays Bas sont devenus le
modèle européen du multiculturalisme en instaurant une politique
des minorités. Que le multiculturalisme ait pu se développer aux
Pays Bas est en lien avec la culture politique de ce pays. En effet, les Pays
Bas sont un pays de minorités. Historiquement, sa société
s'est bâtie sur des « piliers » : les
catholiques et les protestants d'abord, puis plus tard les libéraux et
les socialistes aussi, formaient des communautés fermées avec
leurs propres écoles, associations, journaux... Cette tradition
nommée « émancipation collective » permettait
de penser et d'agir dans des termes de pluralité culturelle. Au courant
des années 1980, l'apparition de communautés ethniques, qui
s'ajoutaient aux « piliers » traditionnels de la
société néerlandaise, ne semblait pas incohérente,
alors que, en même temps, le système des
« piliers » existants était bouleversé suite
à la progression constante de la sécularisation et de
l'individualisation. A la place d'une assimilation, la sauvegarde et le
développement des cultures des « minorités
ethniques » étaient encouragés. Des écoles
musulmanes et hindoues, comparables aux nombreuses écoles
confessionnelles catholiques et protestantes, voyaient le jour et l'Etat
subventionnait généreusement les organisations et associations
communautaires qui s'étaient créées.59(*)
3. Les politiques d'accueil et
d'intégration
Dans les pays d'Europe, nous trouvons donc des politiques
d'accueil et d'intégration différentes. Celles-ci ont leur
origine dans le modèle d'intégration que chaque pays s'est
construit dans son histoire. Ainsi, en France, on met l'accent sur
l'intégration républicaine et la citoyenneté, en Allemagne
on constate une absence de politique d'intégration (jusqu'à
récemment) et aux Pays Bas la politique d'intégration vise
l'égalité des droits des minorités ethniques.
Par ailleurs, la mise en oeuvre de la politique
d'intégration diffère en fonction de l'organisation politique du
pays. A l'inverse de la France, l'Allemagne et les Pays Bas ne sont pas des
Etats centralisés :
La République fédérale d'Allemagne est,
comme son nom l'indique, une fédération qui se compose de seize
Etats (Länder) possédant leur propre souveraineté. Chaque
Land a sa propre constitution qui s'appuie sur la Loi fondamentale
(constitution de l'Allemagne), son corps législatif et son gouvernement.
Il a le pouvoir de promulguer des lois, sauf dans les domaines de la
défense, des affaires étrangères et des finances, qui
restent du ressort du gouvernement fédéral.
Les communes allemandes bénéficient d'une
autonomie de gestion. Sous la surveillance des Länder, elles exercent leur
compétences concernant les transports, la construction des routes
locales, l'approvisionnement énergétique, l'urbanisme, la
construction des écoles, les sports, la culture, la formation des
adultes et la protection de l'enfance.
Le royaume des Pays Bas, une monarchie constitutionnelle, est
un Etat décentralisé découpé en douze provinces et
478 communes. Chaque province possède un conseil provincial et un organe
exécutif élus, présidés tous les deux par un
représentant de la Reine nommé par le gouvernement. Chaque
commune est dirigée par un conseil municipal élu,
présidé par le « bourgmestre » nommé
par le gouvernement sur proposition du commissaire de la Reine.
Tant au niveau de la province qu'à celui de la commune,
la législation et l'administration sont régies par les deux
principes de l'autonomie et de la cogestion. Cela veut dire que les provinces,
comme les communes, réglementent librement les domaines de leur ressort,
à condition de respecter la législation nationale (et la
réglementation provinciale pour la commune) ; en même temps,
la province et la commune doivent collaborer à l'application des mesures
décidées au niveau national, et la commune également
à celles prises par sa province.
Les provinces sont responsables des questions de
l'environnement, de l'aménagement du territoire, de l'approvisionnement
énergétique, de l'action sociale, des sports et de la culture.
Les communes ont des compétences en matière de logement, de
transport, de l'administration des écoles publiques, de la santé,
de la culture, des sports et des loisirs.
Les étrangers habitants depuis au moins cinq ans
légalement aux Pays Bas peuvent participer aux élections
municipales.
Dans ces contextes différentes, comment les
politiques d'intégration se sont-elles
développées ?
3.1. La France : d'une politique d'intégration
républicaine à une politique d'accueil volontariste
Le national-républicanisme français60(*) nie l'existence de la
différence culturelle et les discriminations raciales en vantant le
mérite de l'intégration par le droit (ius soli) et
l'école. En principe, les étrangers bénéficient des
mêmes droits civils, sociaux et économiques que les
nationaux ; les droits politiques sont réservés aux citoyens
français.
Officiellement, il n'existe pas de mesures de discrimination
positive en faveur des immigrés. Ainsi, les dispositifs et mesures de
lutte contre le chômage ou d'insertion professionnelle et les dispositifs
de développement social urbain ne visent pas les immigrés en
particulier. Ceux-ci peuvent être concernés au même titre
que d'autres publics
« défavorisés » comme les chômeurs
de longue durée, les parents isolés, les handicapés ou les
jeunes sans qualification.
Toutefois, ce type de discours cache de nombreuses politiques
de discriminations positives qui ne disent pas leur nom en visant à
répondre aux problèmes qu'engendre la diversité
culturelle.61(*)
Ainsi, le Fonds d'action sociale (FAS) pour les
travailleurs immigrés et leurs familles, créé en
1958, a pour mission de favoriser l'intégration sociale des
immigrés grâce au subventionnement des actions en direction des
familles, de l'enfance et de la jeunesse, dans les domaines du logement (foyers
des travailleurs migrants), de la formation (dont la formation linguistique) et
de l'emploi. Depuis 2001, la lutte contre les discriminations fait
également partie des attributions du FAS, renommé Fonds
d'action et de soutien pour l'intégration et la lutte contre les
discriminations (FASILD).
En 1998, le gouvernement Jospin arrête de nouvelles
orientations pour la politique d'intégration. Celle-ci comprend
désormais deux volets : la politique de lutte contre les
discriminations et la politique d'accueil des étrangers primo-arrivants.
En effet, l'accueil devient un axe prioritaire de la politique
d'intégration et ses moyens sont accrus par la mise en place de
« plates-formes d'accueil » et des plans
départementaux d'accueil rendus obligatoires.
Les plans départementaux d'accueil ont
« pour objectif de définir les modalités de prise
en charge des nouveaux arrivants et le rôle de chacun des acteurs dans le
dispositif, d'évaluer les besoins, de recenser les moyens existants
ainsi que de définir et de programmer les actions complémentaires
nécessaires».62(*)
Les plates-formes d'accueil consistent en une
demi-journée d'accueil organisée dans les locaux de l'OMI.
Celle-ci comporte une présentation collective des institutions
françaises, un entretien avec un « auditeur social »
(agent de l'OMI) et, en option, un entretien avec un assistant social
spécialisé et un bilan linguistique.
Jusqu'en 1998, la politique d'accueil ne concernait que les
familles arrivant dans le cadre de la procédure du regroupement familial
et sa réalisation était confiée aux DDASS et aux services
sociaux spécialisés. Depuis 1999, elle s'adresse également
aux familles de réfugiés et aux membres étrangers de
familles de Français, depuis 2003 à tous les nouveaux arrivants
qui ont vocation à séjourner durablement en France. La politique
d'accueil est mise en oeuvre par l'Office des migrations internationales
(OMI), établissement public. La France a donc pour objectif
d'instaurer un véritable service public d'accueil et
d'intégration des primo-arrivants.
Depuis 2003, la politique d'accueil et d'intégration
s'articule autour du contrat d'accueil et d'intégration (CAI).
Ce dispositif, actuellement en cours de déploiement, est un contrat
républicain inscrit dans une logique de droits et d'obligations
réciproques passé entre l'Etat, représenté par le
préfet, et le primo-arrivant.63(*) Il ouvre droit à la formation linguistique,
obligatoire si considérée comme nécessaire (entre 200 et
500 heures), à l'accès à un service social
spécifique et à la participation à une journée
d'information sur la vie en France (8 heures). Il prévoit
également une journée de formation civique obligatoire (8
heures). La signature du contrat n'est pas obligatoire, mais l'accès
à un titre de séjour de longue durée et à la
nationalité française par naturalisation sont
facilités.64(*) En
effet, « la délivrance d'une première carte de
résident (de dix ans) est subordonnée à
l'intégration républicaine de l'étranger dans la
société française ».65(*) (Cette condition
d'intégration ne s'applique pas aux conjoints de français, ni aux
ressortissants de certains pays avec lesquels la France a conclu des accords
différents). Pour l'appréciation de la condition
d'intégration, le contrat d'accueil et d'intégration fait partie
du faisceau d'indices dont dispose l'autorité. Pour l'acquisition de la
nationalité française par naturalisation, le même principe
est appliqué.
3.2. L'Allemagne : d'une politique des étrangers
à une politique d'intégration
L'Allemagne ne connaît une véritable politique
d'intégration que depuis très peu de temps. En effet,
l'intégration des « travailleurs invités »
(Gastarbeiter) se faisait par le marché du travail.
Le recrutement de la main d'oeuvre étrangère
était accompagné, dès le début, par la mise en
place de services sociaux organisés par les grandes oeuvres caritatives.
Tandis que celles-ci agissaient au départ d'une manière
plutôt paternaliste, les syndicats se chargeaient de l'organisation des
travailleurs étrangers. Depuis 1972, les salariés
étrangers disposent du droit de vote et du droit d'être
élus dans les entreprises, ce qui a conduit à une participation
très forte des étrangers aux instances de décision au sein
des entreprises et à un taux élevé de
syndicalisation.66(*) En
2003, on note un taux de syndicalisation de 50 % parmi les Turcs et de 43 %
pour les autres étrangers. Celui des Allemands est de 36 %.67(*)
La notion d'intégration fait son apparition au tournant
des années 1970/80. En 1978, un poste de
« délégué pour le soutien à
l'intégration des salariés étrangers et de leurs
familles » (Ausländerbeauftragter), chargé des
questions d'intégration, est créé au niveau
fédéral. Il est rattaché au Ministre du travail et des
affaires sociales et a un rôle de conseil. Quelques années
après, les premiers postes de délégués pour les
étrangers sont créés par les Länder. Au niveau
communal, il existe dans de nombreuses villes un « conseil des
étrangers » (Ausländerbeirat) élu par les
habitants étrangers. Celui-ci a des compétences purement
consultatives.68(*)
Le développement de l'intégration autour des
services sociaux et de la participation consultative relève d'une vision
paternaliste. Même la deuxième et la troisième
génération des migrants sont vues comme des groupes
fragilisés, au même titre que d'autres usagers des services
sociaux.69(*)
A partir de 1998, nous assistons à un changement de
paradigme : d'une politique des étrangers on passe à une
politique d'intégration. L'immigration commence à être
reconnue comme processus irréversible. L'introduction du droit du sol
dans le droit de la nationalité allemande en témoigne, ainsi que
la reconnaissance qu'une politique d'intégration systématique
doit être nécessairement mise en place en même temps que le
contrôle des migrations. En octobre 2002, le changement de l'appellation
du délégué aux étrangers en
« délégué du gouvernement fédéral
pour les migrations, les réfugiés et
l'intégration » confirme cette tendance.70(*)
En 2001, la controverse sur la nouvelle loi sur l'immigration
conduit à un changement radical de position avec le rejet de la
posture antérieure : « L'Allemagne n'est pas un pays
d'immigration ». Désormais, le gouvernement allemand
reconnaît clairement que « l'Allemagne a besoin
d'immigration ».
La nouvelle loi sur l'immigration et l'intégration
entrée en vigueur au 1er janvier 2005 reconnaît pour la
première fois en Allemagne un droit à l'intégration aux
étrangers s'installant durablement en Allemagne. Le programme
d'intégration est composé d'une formation linguistique de base de
300 heures, d'une formation linguistique complémentaire de 300 heures
suivis d'un cours d'orientation sur la société allemande, sa
culture et son histoire, de 30 heures.71(*) Le dispositif prévoit également un
accompagnement social et des possibilités de garde d'enfant pendant les
cours. Le suivi du programme est validé par la délivrance d'un
certificat.
Le suivi du programme d'intégration est obligatoire
pour les nouveaux arrivants non communautaires, à l'exception des
mineurs et jeunes adultes qui sont en situation de scolarité ou de
formation professionnelle et des étrangers qui ont déjà
suivi un programme de formation comparable en Allemagne.72(*) La formation linguistique est
obligatoire en fonction du niveau d'allemand atteint.
En cas de non respect de ces obligations, le renouvellement du
titre de séjour temporaire peut être refusé à
l'étranger qui n'y a pas déjà un droit reconnu.73(*) La participation au programme
d'intégration conditionne également, pour les étrangers
soumis à l'obligation de participation, l'obtention du titre de
séjour à validité permanente, acquis après cinq
années de séjour et de travail en Allemagne.74(*)
Les étrangers communautaires, ainsi que les
étrangers installés en Allemagne, peuvent participer au programme
dans la mesure des places disponibles.
L'office fédéral pour la migration et les
réfugiés, chargé de la reconnaissance du statut de
réfugié et des aides au retour, s'est vu attribué la
responsabilité pour le développement et la coordination du
dispositif d'intégration et la distribution de l'information sur l'offre
d'intégration de l'Etat et des Länder. Le dispositif est mis en
place en collaboration avec les communes, les agences pour l'emploi et les
services pour migrants des grands oeuvres. L'office subventionne des organismes
publics ou privés pour la réalisation du programme.
3.3. Les Pays Bas : d'une politique des minorités
à une politique de « citoyennisation »
Les premières tentatives d'une politique
d'intégration aux Pays Bas datent des années 1970. Elles ont pour
objectif d'amener les travailleurs immigrés à une position
socio-économique égale aux nationaux et la conservation de leur
propre culture pour faciliter leur retour.
Dans les années 1980, le gouvernement
néerlandais accepte l'idée que les travailleurs immigrés
s'installent aux Pays Bas et ne rentrent pas au pays d'origine. La politique
d'intégration vise alors l'intégration des étrangers dans
leur propre groupe ethnique.75(*)
A la fin des années 1980, quand le taux de
chômage des membres des minorités ethniques atteignait 26 %, on
commençait aux Pays Bas d'incriminer le multiculturalisme de cette
situation : la politique des minorités aurait mis l'accent sur les
différences culturelles et stigmatisé les minorités
ethniques, ce qui aurait provoqué l'isolement des
communautés.76(*)
Après quinze ans d'une politique multiculturelle, dans
les années 1990, les Pays Bas ont mis en place une politique d'accueil
en favorisant la citoyennisation (inburgering) et l'intégration
par la naturalisation.77(*) Même si inburgering signifie en
néerlandais aussi « naturalisation » au sens
juridique, ce terme est utilisé ici au sens de s'accoutumer, se
familiariser. Inburgering est compris comme la première
étape de l'intégration.78(*)
Les nouveaux arrivants (nieuwkomers) sont
considérés comme des individus avec une identité
culturelle. Ce n'est pas l'émancipation collective, selon le principe de
la société fondée sur des « piliers »,
mais l'émancipation par l'insertion professionnelle, qui est au centre
de la politique d'accueil et la compétence linguistique est
considérée comme la clé de l'intégration.
Déjà depuis 1990, une politique d'accueil
systématique en faveur des immigrés primo-arrivants a
été expérimentée dans un certain nombre de
communes. Depuis septembre 1998, une loi sur l'intégration des nouveaux
arrivants (WIN) est en vigueur. En vertu de cette loi, les nouveaux arrivants
sont tenus de s'inscrire à une évaluation d'intégration.
Durant cette évaluation, leurs besoins en matière de cours de
langue, d'information, d'orientation et de soutien sont
déterminés et un programme d'intégration est
défini. Celui-ci comprend des cours de néerlandais de 600 heures,
des cours d'orientation sur la société néerlandaise et des
cours d'orientation professionnelle. La participation au programme est
sanctionnée par l'obtention d'un certificat. Celui-ci peut-être
utile pour l'obtention de la nationalité néerlandaise : il
dispense de l'épreuve d'intégration prévue pour la
naturalisation.
La loi WIN prévoit aussi de diriger les nouveaux
arrivants vers des organismes chargés de la recherche d'emploi ou de
l'orientation vers un enseignement supérieur. Le dispositif est mis en
oeuvre par les municipalités. Si le nouvel arrivant ne s'inscrit pas au
programme d'intégration ou ne respecte pas ses engagements par la suite,
la loi prévoit des sanctions pécuniaires prononcées par la
commune.
Tous les immigrés non-communautaires de plus de 16 ans
qui s'installent durablement aux Pays Bas et qui ont obtenu un titre de
séjour temporaire ou permanent sont concernés par cette loi, tout
comme les Néerlandais des Antilles et d'Aruba, qui ne sont pas
nés aux Pays Bas. Les immigrés entrés aux Pays Bas avant
1998 et bénéficiaires de l'aide sociale sont également
obligés de participer à ce programme.
Le dispositif d'inburgering est aussi accessible aux
autres « anciens » immigrés (oudkomers),
notamment aux femmes avec enfants en bas âge et aux chômeurs, dans
la mesure des places disponibles.
Outre les cours décrits ci-dessus, un accompagnement
durant le parcours à suivre (trajectbegeleiding) ainsi qu'un
accompagnement social sont prévus par la loi. L'accompagnement de
parcours consiste à établir un plan de parcours individuel durant
toute la durée du programme d'intégration. L'accompagnement
social est obligatoire et comprend, selon les besoins du nouveau venu, une
aide, sur le plan pratique, à l'adaptation à son nouvel
environnement. Suivant la façon dont la municipalité a
organisé cette partie, aussi bien des professionnels que des volontaires
peuvent intervenir.
Les premières évaluations du programme
d'intégration démontrent que seulement 10 à 15 % des
participants arrivent à un niveau linguistique suffisant pour
accéder au marché du travail.79(*)
Avec la montée en charge de l'extrême droite et
l'augmentation importante d'actes de violence raciste depuis 2001, certaines
voix parlent d'un échec de la politique d'intégration
néerlandaise. Après l'analyse des résultats de la
politique néerlandaise en matière d'accès au marché
de l'emploi, de réussite scolaire, d'intégration sociale et de
délinquance, le sociologue néerlandais Ruud Koopmans écrit
que l'Allemagne, avec sa politique d'intégration inexistante, a eu plus
de succès que les Pays Bas avec leur politique d'intégration
poussée.80(*) En
effet, Ruud Koopmans constate un taux de chômage et de
délinquance beaucoup moins élevé et une plus grande
réussite scolaire parmi les résidents étrangers en
Allemagne que parmi les « allochtones » aux Pays Bas.
Malgré ce bilan, le programme d'intégration
néerlandais est pris comme exemple pour la construction des dispositifs
d'accueil et d'intégration en France comme en Allemagne. En 2001 en
France, dans son rapport au premier ministre, le Haut Conseil à
l'intégration (HCI) avait en effet relevé également des
difficultés dans la mise en oeuvre du dispositif d'accueil
néerlandais, mais a considéré qu'il répondait
« à un objectif précis : permettre aux
primo-arrivants de devenir rapidement autonomes dans la société
d'accueil. Ce type de considérations conduit le HCI à souligner
la nécessité d'un suivi global des primo-arrivants en
France ».81(*)
4. Conclusion
Même si aujourd'hui les politiques d'intégration
tendent à converger, nous pouvons constater des particularités
nationales :
En France, le contrat républicain vise à
responsabiliser le nouvel arrivant. En cas de signature et de respect du
contrat d'accueil et d'intégration des sanctions positives au niveau du
droit au séjour sont prévues.
En Allemagne, on met l'accent sur l'enseignement de la culture
et de l'histoire allemandes et on prononce des sanctions négatives en
matière de droit au séjour en cas de non-suivi du programme
d'intégration. Il s'agit donc ici d'une approche plutôt
paternaliste.
Au Pays Bas, lors de l'évaluation d'intégration,
l'identité culturelle est toujours prise en compte, mais au niveau
individuel et non plus collectif comme auparavant.
Par ailleurs, les politiques antérieures en
matière d'intégration n'ont pas été
abandonnées, elles coexistent avec les dispositifs d'accueil, qui se
sont ajoutés, et l'accent a été mis sur des interventions
au plus près de l'arrivée du migrant sur le territoire.
L'action sociale étant un des
« instruments » des politiques d'accueil et
d'intégration, nous allons étudier dans la partie suivante ses
origines, avant de procéder à l'analyse des données
recueillis auprès des professionnels du travail social.
Deuxième partie
L'action sociale en direction des nouveaux
arrivants
Chapitre 1
Les origines du travail
social
Le travail social, et donc l'action des services sociaux
spécialisés, est le produit d'une évolution. Les
fondements du travail social déterminent le point de départ de la
construction de l'action sociale et des discours politiques, qui se sont
transformés au fil du temps dans l'ensemble des
sociétés.
1. Fondements du travail social - les
traditions d'aide
Les différentes cultures de travail social qui se sont
développées en Europe ont leur origine dans les traditions
d'aide chrétiennes du moyen âge et de l'époque de la
Réforme, des traditions d'aide laïques issues du siècle des
lumières et des traditions d'aide nées des mouvements sociaux et
politiques des 19ème et 20ème
siècles.
1.1. La tradition d'aide chrétienne du moyen
âge
Au moyen âge, la charité était
considérée comme une vertu de la miséricorde
chrétienne et de l'amour du prochain. Faire l'aumône était
l'expression de la foi des riches qui croyaient qu'ils allaient être
généreusement récompensés dans la vie future pour
ce qu'ils avaient accompli dans la vie présente.
Selon Rudolph Bauer82(*), la charité médiévale se fonde
sur la thèse théologique que la pauvreté comme la
prospérité sont des manifestations de la volonté divine.
De la vertu de la charité théologiquement légitimée
et religieusement motivée est née la tradition d'aide
corporatiste des « bonnes oeuvres » pour les pauvres.
1.2. La tradition d'aide luthérienne et calviniste
Au courant de l'époque de la Réforme, le
précepte de la vertu, qui avait contraint les riches du moyen âge
à la charité, s'applique désormais aux pauvres : la
tradition d'aide protestante et calviniste qui se développe fait la
différence entre les pauvres vertueux « pudiques »
et les pauvres « impudiques ».
La tradition d'aide prenait alors deux formes : celle du
contrôle social paternaliste et éducatif et celle de la
stigmatisation répressive. La forme paternaliste de cette tradition
d'aide agissait sur le principe de l'inclusion et soumettait les pauvres
« pudiques » à une surveillance éducative.
Les pauvres devaient manifester de la pudeur, c'est-à-dire avoir honte
de leur condition. La forme répressive agissait sur le principe de
l'exclusion sociale : elle se servait, d'une part, du refus d'aide aux
pauvres « impudiques », d'autre part de la
pénalisation de la mendicité. La pauvreté des mendiants
était interprétée comme conséquence du
péché et d'une vie immorale.
1.3. La tradition d'aide catholique de la
Contre-Réforme
La subordination des pauvres était un objectif
essentiel des traditions d'aide qui se sont développées au cours
de la Contre-Réforme catholique. La coutume médiévale de
la charité se maintenait dans les régions catholiques, mais
était également institutionnalisée : les religieux
collectaient des aumônes pour eux-mêmes et pour les
nécessiteux et les distribuaient aux portes des couvents. Les pauvres
âgés ou malades étaient accueillis dans des hospices, les
enfants abandonnés dans des orphelinats.
La tradition d'aide de cette époque conservait des
traits de la charité médiévale, mais la limitait aux
abords des couvents et aux institutions et menait ainsi à l'exclusion
sociale des pauvres.
1.4. Les traditions d'aide laïques
Au 18ème siècle, des traditions
d'aide laïques gagnent en importance. Les approches nées de cette
époque sont l'expression du processus de modernisation
(industrialisation et urbanisation), ainsi que de l'émergence des Etats
nation. Les nouveaux concepts d'aide contrebalancent les traditions d'aide
chrétiennes et se sont développés de façons
très différentes d'un pays à l'autre.
Ainsi, en France, la tradition d'aide citoyenne a son origine
dans la Révolution de 1789. Dans l'idéologie républicaine
égalitaire et universelle l'appartenance à la nation est le
premier principe. Elle inclut tous les citoyens, riches et pauvres, et renie
les différences. La pauvreté comme la prospérité
sont vues comme des défis pour la société, qui demandent
des réponses politiques. La tradition d'aide citoyenne rejette tout
fondement religieux de la charité et donne naissance à la
philanthropie. Il ne s'agit plus d'assurer le salut de l'homme, mais de l'amour
pour l'homme.
En Allemagne, en revanche, la tradition d'aide absolutiste se
manifeste historiquement par la notion d'« Etat policier »
prussien, responsable du bien-être de tous les sujets. Cette approche
d'aide régalienne, basée sur le contrôle et des sanctions,
s'est maintenue après 1871 et s'est élargie sous Bismarck
à tout l'Empire allemand. A l'inverse de la tradition d'aide citoyenne
en France, qui inclut tous les citoyens et renie les différences, la
tradition d'aide allemande mène à l'exclusion sociale des
non-nationaux et à la division de la société en mettant
l'accent sur les différences et l'appartenance nationale du
sujet.83(*)
1.5. Les traditions d'aide nées des mouvements sociaux
et politiques
Depuis le 19ème siècle, de nouveaux
concepts d'aide ancrés dans des mouvements sociaux et politiques se sont
développés. Ainsi, la tradition d'aide socialiste ou solidaire a
vu le jour dans les mouvements ouvriers. Elle était fondée sur le
principe de solidarité basée sur l'expérience de classe
commune du prolétariat.
Le précurseur de la tradition d'aide anti-autoritaire
est le mouvement de la jeunesse de la fin du 19ème
siècle. Celui-ci a ressuscité dans la plupart des pays
européens à la fin des années 1960 à travers les
mouvements étudiants. Le concept d'aide indépendante de ces
mouvements se comprenait comme critique pratique de l'existant. Des projets et
initiatives en autogestion sont issus de cette approche.
Des mouvements féminines du début du
siècle dernier sont nées des traditions d'aide féministes
qui ont gagné en importance dans les années 1960 /1970. La
conception féministe de l'aide consiste en un rejet du patriarcat et
l'encouragement de l'émancipation de la femme.
2. Les différentes conceptions du
travail social en Europe
Actuellement, en Europe, le travail social répond aux
processus sociétaux et aux problèmes sociaux par des approches
conceptuelles et institutionnelles diverses. La comparaison des conceptions du
travail social sur la base des différentes traditions d'aide permet de
découvrir comment le travail social et ses pratiques professionnelles
sont liés au contexte socio-historique spécifique et aide
à comprendre ses objectifs et méthodes dans des limites
nationales.
Se pose également la question du destinataire de
l'aide : est-ce l'individu, indépendamment du groupe ou de
l'environnement social dans lequel il est placé, ou est-ce le groupe ou
l'environnement qui est le motif de l'intervention social ? Dans ce
dernier cas, il convient de différencier sur quelles critères se
détermine l'appartenance au groupe : le pays d'origine, l'origine
ethnique, la religion, le sexe, la couche sociale...
Malgré l'existence de différences au sein de
l'espace européen, le travail social se base sur des valeurs communes
qui sont consignées dans les codes de déontologie nationaux, mais
aussi définies à l'échelle internationale. Ainsi, la
Fédération internationale des travailleurs sociaux (FITS)
définit la profession d'assistant social ou de travailleur social comme
suit :
« La profession d'assistant social ou de
travailleur social cherche à promouvoir le changement social, la
résolution de problèmes dans le contexte des relations humaines
et la capacité et la libération des personnes afin
d'améliorer le bien-être général. Grâce
à l'utilisation des théories du comportement et des
systèmes sociaux, le travail social intervient au point de rencontre
entre les personnes et leur environnement. Les principes des droits de l'homme
et de la justice sociale sont fondamentaux pour la
profession. »
(Définition adoptée par l'assemblée
générale de la FITS, Montréal, Québec, Canada,
juillet 2000)
Si la définition du travail social est universelle, la
pratique des professionnels peut varier d'un pays à l'autre en fonction
du contexte historique, politique et socio-économique.
2.1. La naissance du service social en France
En France, les services sociaux sont apparus vers la fin du
19ème siècle. Ils trouvent leurs origines dans trois
traditions d'aide : dans celle issue de la Révolution de 1789, dans la
charité chrétienne et dans le principe de solidarité. La
nature du système d'assistance sociale en France découle de la
relation et de la responsabilité particulières de l'Etat envers
ceux qui sont dans le besoin : par la Constitution de 1793, l'accès
à l'aide sociale publique est établi comme un droit des
citoyens.84(*)
A l'époque de la révolution industrielle, quand
la classe ouvrière commençait à se constituer, le
« mouvement social » est né. A cette époque,
le travail social était d'abord une réponse à la
pauvreté des classes ouvrières et était associé
à des notions comme l'assistance et le contrôle social. En effet,
la classe ouvrière était perçue comme dangereuse par la
bourgeoisie. Ainsi, des églises et des usines mettaient en place des
actions pour intégrer les ouvriers dans la société ;
des associations caritatives et des mouvements d'assistance sociale se
préoccupaient également de leurs problèmes.85(*) L'intervention de travail
social était individualisée et ne prenait pas en compte les
conditions de travail des ouvriers. Elle était focalisée sur la
vie privée et la vie en société. Au début du
20ème siècle, par contre, ces mouvements
étaient concurrencés par des partis politiques et des syndicats,
plutôt militants, qui commençaient à s'intéresser
à la classe ouvrière et ses conditions de travail.
Au 20ème siècle, nous assistons
à la professionnalisation du travail social. La première
école catholique de service social ouvre en 1911, en 1932 le
diplôme d'état d'assistant de service social est
créé. En 1946, une loi formalise les domaines d'intervention des
assistants sociaux et en 1950 un code de déontologie est
élaboré. A la même époque, la distinction entre
trois catégories de services sociaux est établie :
· des services sociaux polyvalents de secteur
(intervenant sur un secteur géographique déterminé),
· des services sociaux polyvalents de catégorie
(s'adressant à une certaine catégorie de population) et
· des services sociaux spécialisés
(intervenant en complémentarité des services de droit commun sur
des questions spécifiques à un groupe de population).
Pendant les années 1950, la pratique du service social
était influencée par des méthodes venus des Etats Unis et
basés sur l'approche individualisée avec une orientation
psychanalytique. Les problèmes sociaux des années 1980 et 1990
avec la montée du chômage et de la précarité ont
donné naissance à des nouvelles formes de travail social,
notamment dans le cadre de la politique de la ville avec le
développement de projets locaux en collaboration avec d'autres
partenaires.
Depuis la loi relative à la décentralisation de
l'action sociale de 1986, l'organisation des services sociaux polyvalents de
secteur relève de la compétence des conseils
généraux.
2.2. Les origines du service social en Allemagne
En Allemagne, la pratique du travail social est
influencée par les traditions d'aide du temps de la Réforme et de
la Contre-Réforme, mais a aussi par l'approche absolutiste de l'Empire.
L'aide aux nécessiteux était d'abord dispensée par
l'Eglise, puis par les autorités locales avec la création de la
police des pauvres. Les attributions de celle-ci n'étaient pas seulement
l'aide financière aux marginaux et leur contrôle, mais aussi leur
éducation.
Avec l'introduction de l'économie capitaliste depuis le
début du 19ème siècle, survient la
paupérisation de larges couches de la population. La
« question sociale » de cette époque reçoit
plusieurs réponses : l'Etat créé le système de
sécurité sociale, les Eglises la « Mission
intérieure »86(*) et la Caritas, la bourgeoisie des associations
d'assistance et les socialistes les syndicats. Comme la subsistance
était assurée par le système d'assurances
créé par Bismarck, le travail social se consacrait
désormais au soutien psychologique, social et éducatif.87(*)
En 1908, la première école de service social
pour femmes est créée par Alice Salomon. A partir de 1927, la
formation a été ouverte aux hommes dans certaines
écoles.
Après la Seconde Guerre mondiale, la RFA s'est
construite comme « Etat constitutionnel démocratique et
social ». La notion « social » renvoie à
l'obligation de l'Etat d'assurer de l'assistance publique à toutes les
parties de la population, mais spécialement aux groupes dans le besoin.
Cette obligation découle des trois principes : subsidiarité,
solidarité et justice, chers aux « pères » de
la Loi fondamentale (Constitution de la République
Fédérale d'Allemagne).88(*)
Un élément central du système de travail
social en Allemagne est justement le principe de subsidiarité. Cette
notion définie l'action de l'Etat et des autorités locales, ainsi
que les relations entre l'Etat et la société, les services
publics, le secteur associatif et les individus. L'application de ce principe
signifie que, quand la mise en place d'un service d'aide est nécessaire,
les autorités locales interviennent seulement en second lieu,
après les oeuvres caritatives et les initiatives d'habitants. Les
premiers subventionnent le service mis en place par les seconds.
La plupart des services sociaux en Allemagne (75 %)89(*) sont assurés par les
grandes oeuvres caritatives.90(*) Les autorités locales assurent les services
suivants : le service de l'aide social, le service de la protection de
l'enfance, le service du logement. Ceux-ci sont chargés de l'attribution
d'aides légales et le travail social y a, au-delà de son
rôle social, une fonction de contrôle.
Le travail social en Allemagne est donc lié au concept
d'Etat social. Subventionné par les autorités locales ou l'Etat,
il a une mission de service public pour accompagner des individus, familles et
groupes et se situe avec son « double mandat » entre
aide et contrôle.
2.3. Le travail social aux Pays Bas
Le travail social aux Pays Bas est historiquement lié
aux traditions d'aide de la Réforme. En effet, jusqu'en 1800,
l'époque du règne français, les liens entre l'Etat et
l'église calviniste étaient encore très étroits et
le travail social était surtout réalisé par des religieux
et des prêtres, mais aussi par des femmes des classes moyennes
engagées dans des actions charitables.
En 1899, la première école de service social a
été fondée par Marie Muller-Lulofs, mais les
pionnières du travail social avaient beaucoup de difficultés
à s'imposer contre le monde masculin de l'Eglise.91(*) Le travail social de cette
époque tendait à l'amélioration de la condition
matérielle et morale des pauvres. Les principes moraux étaient
liés aux divers mouvements religieux et idéologiques qui
constituaient les « piliers » de la société
néerlandaise. Cette organisation en piliers avait une influence sur la
formation des travailleurs sociaux et était à l'origine de la
création d'écoles de service social catholiques, protestantes et
socialistes dans les années 1920.92(*)
Après la Seconde Guerre mondiale, Marie Kamphuis
initiait une professionnalisation à l'américaine. Dans les
années 1950, la coalition social et chrétien démocrate
augmentait la responsabilité de l'Etat pour la protection sociale, ce
qui a conduit au développement de l'Etat Providence. Même si le
travail social restait dans les mains des églises et des initiatives
privées, l'Etat les subventionnait généreusement.
Aujourd'hui, la réalisation des politiques sociales est
une responsabilité partagée entre les autorités locales et
provinciales, les employeurs, syndicats, associations et organismes
privés. Elle est mise en oeuvre surtout par les associations caritatives
avec des financements publics.
Traditionnellement, le travail social néerlandais vise
la prévention, ainsi que l'émancipation des populations exclues.
Il s'exerce dans l'environnement de l'usager, sous forme de travail social
communautaire, socioculturel ou psychosocial. Aujourd'hui, on met l'accent sur
« l'activation » des usagers, c'est-à-dire leur
responsabilisation en tant que citoyens. Et on n'hésite pas à
recourir à des moyens de pression pour obliger les individus
« à problèmes » à assumer une certaine
responsabilité. Willibrord de Graaf et Robert Maier désignent
cette attitude de « paternalisme post-moderne ».93(*)
3. Conclusion
Après avoir étudié les origines du
travail social en France, en Allemagne et aux Pays Bas, nous pouvons constater
des différences, mais aussi des similitudes, dans l'évolution de
la profession et dans la pratique des professionnels. Ainsi, dans ces trois
pays européens, le travail social a été longtemps une
profession exclusivement féminine.
En Allemagne et aux Pays Bas, le rôle des Eglises a
été important dans l'apparition du travail social et l'est encore
aujourd'hui dans la mise en oeuvre de l'action sociale. Le travail social est
surtout réalisé par des associations caritatives liées aux
Eglises et aux syndicats et subventionnées par l'Etat. En France, en
revanche, l'Etat, avec ses principes laïques et républicains, a
toujours joué un rôle prépondérant dans la
construction et la mise en oeuvre du travail social.
En France, l'action sociale se base surtout sur l'approche
individualisée avec une orientation psychanalytique, tandis que
l'approche éducative est plus importante en Allemagne et aux Pays
Bas.
Ces différentes approches ont un impact sur le
rôle du travail social dans les dispositifs d'accueil des nouveaux
arrivants dans les trois pays étudiés.
Chapitre 2
Analyse des entretiens
Dans un premier temps, nous avons orienté notre
recherche sur le rôle des services sociaux spécialisés dans
le dispositif d'accueil des nouveaux arrivants en France. Dans un
deuxième temps, nous allons étudier la place que les services
sociaux allemands et néerlandais occupent dans les dispositifs d'accueil
dans leurs pays respectifs.
Pour vérifier notre hypothèse de
recherche : « Le rôle de l'encadrement technique est
primordial pour assurer le maintien et le développement d'une action
sociale spécialisée et l'affirmation de la place du service
social spécialisé dans le dispositif d'accueil des nouveaux
arrivants », nous avons posé aux assistants sociaux et aux
délégués régionaux des questions
· sur la manière dont les travailleurs sociaux
conçoivent le rôle du service social spécialisé dans
le dispositif d'accueil des nouveaux arrivants,
· sur l'action sociale mise effectivement en oeuvre par
le service social spécialisé dans le cadre du dispositif,
· sur la place qui est occupée par le service
social spécialisé dans le dispositif,
· sur le rôle de l'encadrement technique dans le
développement de l'action sociale spécialisée dans le
cadre de l'accueil des nouveaux arrivants.
Nous allons analyser les discours des travailleurs sociaux
interrogés à la lumière de ces quatre thèmes et
classer les réponses en deux catégories : 1) celles
données par les travailleurs sociaux qui déclarent avoir
bénéficié, par leur encadrant technique, d'un
accompagnement dans la construction de leur place et de l'action sociale
spécialisée dans le dispositif d'accueil et 2) celles
données par les professionnels qui disent ne pas avoir été
aidés.
1. Les profils des professionnels
rencontrés
Tous les professionnels rencontrés lors de la recherche
étaient des femmes. Il ne s'agissait pas d'un choix, mais d'une
réalité de terrain : le pourcentage d'assistants sociaux
hommes travaillant dans les bureaux du SSAE dans les deux régions
enquêtées est infime et les professionnels qui ont accepté
de m'accorder un entretien étaient uniquement des femmes. Parmi les
délégués régionaux de ces deux régions il
n'y a aucun homme.
Les assistantes sociales et déléguées
régionales rencontrées ont en grande majorité une longue
expérience professionnelle qui va de 15 à 38 ans ; seul deux
jeunes professionnelles, qui exercent depuis deux ans, font partie de
l'échantillon. La moitié des assistantes sociales, ainsi que les
déléguées régionales, ont une ancienneté de
plus de 10 ans au service social spécialisé ; elle varie
entre 13 et 28 ans. Trois assistantes sociales travaillent au service social
spécialisé depuis seulement 1 an.
Les auditrices sociales interviewées ont des
trajectoires très diverses, mais aucune ne vient du secteur social.
Elles sont embauchées comme auditrices sociales à l'OMI depuis un
à six ans.
2. Le rôle du service social
spécialisé dans le dispositif d'accueil des nouveaux
arrivants
D'une façon générale, le service social
rempli plusieurs fonctions : une fonction opérationnelle, une
fonction d'observation et une fonction de proposition. C'est-à-dire,
qu'il doit être en capacité d'agir et d'intervenir, observer les
effets de l'application de certaines mesures ou dispositifs et, à partir
de l'action menée et de l'analyse des effets, établir des
propositions argumentées et réalistes aux décideurs.
2.1. Le point de vue des travailleurs sociaux
Tous les professionnels interrogés s'accordent sur le
fait que le service social spécialisé a un rôle à
jouer dans l'accueil des nouveaux arrivants, mais la manière de
concevoir et de tenir ce rôle varie d'un travailleur social à
l'autre. A travers leurs discours, nous pouvons constater que la
majorité des travailleurs sociaux perçoivent effectivement leur
rôle à l'intérieur du dispositif d'accueil sous l'angle des
trois dimensions du service social. Pour les professionnels, le rôle du
service social spécialisé se situe
· dans l'accompagnement social des usagers, au niveau
individuel ou collectif, de manière directe ou indirecte,
· dans la création d'un partenariat et de
réseaux autours des nouveaux arrivants,
· dans le repérage des difficultés et
« blocages » liés à la société
d'accueil,
· dans la participation active au Plan
départemental d'accueil (PDA - instance de coordination qui
réunit les services et institutions du département sous
l'égide de la DDASS), basée sur l'analyse des difficultés
rencontrées.
« Parce que le boulot du service social
spécialisé, c'était d'abord repérer ce qui
n'allaient pas, ce qui posait problème et puis après essayer de
trouver des solutions ..., c'est un des rôles du service social. Il y a
le travail à faire avec la famille dans le contexte dans lequel elle
est, bon et puis, oui, moi je crois beaucoup qu'il y a [...] à
faire bouger les choses pour simplifier la vie des gens au maximum et surtout,
ce que tu fais à partir de ce que tu as repéré pour 10
personnes, 15 personnes, 20 personnes, ça servira à 300 ou 500
des gens que tu ne verras pas, que personne ne verra » (une
assistante sociale).
Une autre assistante sociale ajoute : « On
ramenait tout ce qu'on avait pu voir qui n'était pas
spécialisé mais qui était des adaptations
nécessaires de la société d'accueil puisque ... là
c'était intéressant, c'était déjà savoir ce
qui se passe. C'est que, à travers le PDA, si tu veux, on voit bien que
la société d'accueil a la volonté d'accueillir et de
comprendre qui elle accueille et de s'adapter, tu vois ... pour nous,
c'était assez intéressant parce que on n'avait pas besoin de voir
tout le monde, ça faisait rien si on ne voyait pas tout le monde mais on
avait quand même un échantillon de toutes les....des obstacles mis
à l'adaptation des familles, quoi, en France ! »
Selon l'avis d'une déléguée
régionale, « Notre rôle c'est vraiment d'analyser,
d'évaluer pour qu'on voit, réfléchir là-dessus pour
que les gens aient leur place dans la société [...] pour
moi, c'est ça, c'est pas les gens à problème comme on les
voit dans d'autres services sociaux c'est vraiment des gens qui rencontrent une
difficulté ».
Mais, à travers les propos recueillis on observe aussi
un certain désarroi parmi ces professionnels, qui témoignent
d'une limitation de leur action liée au contexte de la plate-forme,
où tout va très vite, où une masse d'informations,
difficilement assimilable, est diffusée aux primo-arrivants, où
ces derniers sont préoccupés par la délivrance du
certificat médical qui permet l'obtention du titre de séjour et
où l'accès des usagers au service social spécialisé
est « filtré » par les auditeurs sociaux. En ce qui
concerne le temps sur la plate-forme, certains travailleurs sociaux voient leur
action limitée à l'accès aux droits sociaux.
« [...] le travail de l'assistante sociale a
été pour moi par rapport à avant un peu réduit
quand même, un peu réduit sur vraiment l'accès aux droits
globalement, le droit au logement, droits sociaux, droit au séjour,
droit à la nationalité. Et, en fait, toute la dimension du lien
social, l'isolement, il est beaucoup plus difficile à pouvoir engager
dans le contexte actuel parce que on est dans la prévention
là... » (une déléguée
régionale).
« L'action du service spécialisé
n'est pas sur la plate-forme, elle n'est pas sur l'immédiat, l'action du
service social spécialisé est sur le parcours
d'intégration de la personne, une fois que la personne est sur son
département. L'accueil sur plate-forme, ça reste quelque chose de
complètement administratif et on se pose vraiment la question de la
place du service social spécialisé, sur ce temps de
plate-forme » (une assistante sociale).
D'autres travailleurs sociaux perçoivent leur
rôle dans le dispositif réduit à la fonction
opérationnelle uniquement. Ceux-ci se disent
démoralisés.
« Disons que le SSAE a le rôle d'accueil
et d'information. On accueille les primo-arrivants. Oui effectivement,
l'accueil, c'est l'information des primo-arrivants qui est nécessaire et
je vais dire en amont et en aval de la plate-forme » (une
assistante sociale).
« C'est une perception de l'usager, moi, qui ne
me va pas trop, dans le sens où lui n'est pas capable, lui, de s'adapter
à l'endroit où il est, et que, donc, on met un service
spécialisé pour faire le lien, quoi ! Mais en se disant, de
toute façon, ces personnes auront forcément une difficulté
d'adaptation et une difficulté d'intégration [...] Mais
concrètement le service social ne peut pas travailler dans ces
conditions [...] le service social spécialisé, il faudrait qu'il
travaille tout autant avec la société d'accueil qu'avec les
primo-arrivants et pour l'instant le service social ne travaille qu'avec les
primo-arrivants [...] nous, on ne va pas bien. Franchement, nous, on n'a
pas la pêche » (une assistante sociale).
Une déléguée régionale rapporte la
question du rôle du service social spécialisé dans le
dispositif à l'image que les usagers, mais aussi les autres acteurs du
dispositif d'accueil, en ont : « Le seul problème,
j'ai envie de dire ... c'est à la fois de la part de l'OMI, des services
publics mais aussi de la part des primo-arrivants, quelle image on a du service
social, quelle image on a du travailleur social et quand est-ce qu'on sollicite
le travailleur social ».
2.2. Le point de vue des auditeurs sociaux
Les discours des trois auditeurs sociaux concordent quant au
rôle qu'ils s'attribuent eux-mêmes, ainsi que concernant le
rôle qu'ils pensent être celui du service social
spécialisé dans le dispositif d'accueil. En effet, ils se
perçoivent eux-mêmes
· dans un rôle d'information sur des questions
administratives simples : « Nous, c'est des informations en
général » ; « on fait le point sur la
sécurité sociale [...] on parle de l'emploi [...] on parle du
permis de conduire : échange ou pas du permis... »,
lors d'une information ponctuelle « [...] on fait en fait un
état des lieux d'une situation et nous ne sommes plus compétents
pour la suite » ;
· dans un rôle d'orientation :
« On répond à des questions basiques et ensuite
c'est vraiment de l'orientation sur des partenaires » ;
· dans un rôle d'information sur la
procédure du regroupement familial pour les migrants qui ont des enfants
au pays d'origine ;
· dans un rôle de détection des situations
d'urgence.
Pour les auditeurs sociaux, le service social
spécialisé a de multiples rôles dans le dispositif
d'accueil, mais qui se limitent, pour eux, à la fonction
opérationnelle. Dans un premier temps, tous les trois auditeurs
interrogés ont abordé le rôle du service social
spécialisé sous l'angle de l'accès aux droits sociaux
uniquement, en complémentarité de leur propre intervention sur la
plate-forme, mais s'inscrivant dans le temps. Dans un deuxième temps
seulement ils ont parlé également de la prise en charge globale
des situations individuelles, de l'écoute, du soutien, de
l'accompagnement des usagers et de la mobilisation des partenaires. On peut
résumer le rôle du service social spécialisé, du
point de vu des auditeurs sociaux, comme suit :
· aider les primo-arrivants dans l'accès aux
droits sociaux, information et accompagnement,
· accompagner les réfugiés dans leur
demande de regroupement familial,
· apporter une aide dans le parcours migratoire,
· apporter des réponses sur le droit des
étrangers,
· organiser des réunions d'information.
L'écoute, le fait de prendre le temps pour instaurer
une relation de confiance sont indiqués comme éléments
importants du rôle du travailleur social dans le dispositif.
A travers les discours des auditeurs sociaux nous voyons
qu'ils ont une vision très partielle du rôle du service social
spécialisé. Tout le volet de la prévention des
difficultés, la fonction d'observation, d'analyse et de propositions
sont méconnus : « Le service social intervient sur
demande, en fait. Mais il n'y a pas de travail en amont [...] le rôle
d'un service social [...] c'est d'agir quand un besoin ou une difficulté
est repérée » (un auditeur social).
2.3. Le sens du travail social et la motivation des
professionnels
L'analyse de ces discours montre que les travailleurs sociaux
pensent effectivement avoir un rôle à jouer dans l'accueil des
nouveaux arrivants, les auditeurs sociaux en sont convaincus aussi, mais que
celui-ci n'est pas toujours précisé, exprimé,
discuté. La connaissance très partielle des auditeurs sociaux du
fonctionnement et du rôle du service social spécialisé en
est la preuve. Par ailleurs, presque tous les travailleurs sociaux expriment le
sentiment d'être limités dans l'action sociale
spécialisée qu'ils peuvent mettre en place.
Au niveau théorique, les discours des différents
acteurs interrogés renvoient au sens du travail social. En faisant
référence à Yves Barel, Brigitte Bouquet explique la
production du sens de la manière suivante : « [...]
la production du sens est fonction du maintien d'un passage aisé entre
trois grandes formes : l'action et son environnement
« physique » ; la finalisation de ce qui se dit et se
passe ; la mise en forme, plus ou moins « noble », du
sens, à l'aide du langage et de la
pensée ».94(*) Ici, certains travailleurs sociaux ont l'impression
que leur action est trop normée, qu'ils ne possèdent pas la marge
de manoeuvre nécessaire pour agir dans l'intérêt des
primo-arrivants. Or, « à chaque situation
singulière correspond une réponse personnalisée,
comprenant à la fois une finalité donnée par
l'éthique, un objectif assigné par le droit et l'institution, une
technique provenant des connaissances et de
l'expérience ».95(*)
Si les professionnels ne peuvent pas jouer pleinement leur
rôle de travailleurs sociaux dans le dispositif d'accueil, s'ils ne
remplissent pas les trois fonctions (opérationnelle, d'observation et de
proposition) de leur rôle, qu'en est-il du sens de l'action
menée ?
Comme le souligne Lucienne Chibrac, « pour les
organisations, réduire l'action du service social à une seule de
ces fonctions et plus particulièrement à la première,
c'est amoindrir une réelle capacité d'intervention dans un champ
caractérisé par la complexité et le
changement».96(*) Pour le travailleur social, se priver de l'exercice
d'une partie de ses compétences professionnelles est frustrant et peut
mener à la démotivation.
En effet, dans sa théorie de la motivation, le
psychologue Abraham Maslow définit une hiérarchisation des
besoins humains. Son raisonnement est qu'un besoin supérieur ne peut
apparaître que quand les besoins inférieurs sont comblés.
Après avoir satisfait les besoins physiologiques, les besoins de
sécurité et les besoins sociaux, le besoin d'estime doit
être comblé avant d'arriver au sommet de l'hiérarchie des
besoins : la réalisation de soi. La personne qui s'est
réalisée tire satisfaction du travail accompli.
Avec Maslow, nous pouvons donc expliquer la
démotivation de certains travailleurs sociaux par le fait que leur
besoin d'estime de soi n'est pas satisfait. Ce besoin est rattaché au
désir de force, de réussite, de mérite, de maîtrise
et de compétence. Sa satisfaction demande de la considération de
la part des autres, ainsi que de la confiance en soi. Or, certains travailleurs
sociaux pensent que dans la construction du dispositif, on n'a pas tenu compte
des réelles compétences du service social
spécialisé et ont le sentiment que celles-ci ne sont pas
(re)connues non plus par les autres acteurs du dispositif d'accueil des
nouveaux arrivants.
Au niveau des théories de la motivation,
Herzberg97(*) va
au-delà de la recherche d'une typologie idéale de besoins
à satisfaire, telle celle de Maslow. Pour cet auteur, un détour
par la situation de travail est indispensable. Selon Herzberg, ce sont
certaines des caractéristiques de la situation de travail qui stimulent
des facteurs de motivation procurant satisfaction ou au contraire
insatisfaction. Il distingue les facteurs de motivation
« intrinsèques » (la satisfaction procurée
provient du travail lui-même) et les facteurs de motivation
« extrinsèques » (la satisfaction provient de
l'obtention d'une rétribution).
Selon Herzberg, dans sa situation de travail, chaque membre
d'une organisation peut se voir confronté à des enjeux relatifs
à l'exécution du travail, à l'organisation du travail, aux
relations au travail, à l'entreprise, au salaire.
Concernant l'exécution du travail,
l'intérêt technique, la maîtrise des moyens à mettre
en oeuvre ou l'acquisition d'une compétence sont des exemples d'enjeux
ressentis plutôt comme positifs. Des conditions matérielles de
travail difficiles ou la routine sont généralement perçues
comme négatifs.
Quant à l'organisation du travail, les enjeux positifs
les plus fréquents concernent l'autonomie, l'auto-organisation, des
horaires variables, des procédures souples. Les enjeux négatifs
sont habituellement des contraintes horaires, des contrôles minutieux,
des procédures bureaucratiques. Une même activité peut
être passionnante ou au contraire sans intérêt, selon la
manière dont elle est organisée.
Or, les travailleurs sociaux intervenant dans le dispositif
d'accueil agissent dans un cadre rigide qu'ils ne maîtrisent pas, avec
des méthodes de travail imposés, et que la plupart ressentent
comme enfermant. Ce sentiment est plus accentué parmi les professionnels
qui ont connu le dispositif précédent dans lequel le service
social spécialisé était maître d'oeuvre de l'accueil
des nouveaux arrivants.
3. L'action sociale mise en oeuvre
Avant la mise en place du dispositif d'accueil des nouveaux
arrivants, géré par l'OMI, les services sociaux
spécialisés étaient maîtres d'oeuvre de l'accueil
des primo-arrivants. Ils organisaient des réunions de pré-accueil
regroupant des migrants en demande de regroupement familial afin
d'échanger sur la préparation de l'arrivée des membres de
famille ; ils procédaient à des visites d'accueil à
domicile pour effectuer un diagnostique familial approfondi ; ils
mettaient en place des suivis sociaux individualisés et des actions sur
l'environnement en fonction des difficultés
repérées ; ils participaient au plans départementaux
d'accueil dirigés par les DDASS.
Aujourd'hui, le dispositif d'accueil des nouveaux arrivants
prévoit la participation du service social spécialisé
à plusieurs niveaux : au pré-accueil, sur la plate-forme
d'accueil, au suivi social des nouveaux arrivants. L'OMI est le maître
d'oeuvre du dispositif et la marge de manoeuvre du service social
spécialisé est très limitée au pré-accueil
et sur la plate-forme, car il doit disposer avec les autres acteurs de
l'accueil et, en ce qui concerne la plate-forme, intervient dans les locaux de
l'OMI. En revanche, le suivi social des nouveaux arrivants est de la seule
compétence du service social spécialisé. Même si son
action est évaluée au regard du nombre de suivis individuels
engagés, il a la maîtrise des méthodes et du contenu du
travail qu'il engage avec les primo-arrivants.
3.1. Le pré-accueil
Lors du pré-accueil, l'assistant social
spécialisé participe aux réunions organisées par
l'OMI en direction des migrants qui ont obtenu un accord à leur demande
de regroupement familial. Lors de ces réunions il répond aux
différentes questions que se pose le demandeur quant à
l'installation de sa famille.
Les professionnels du SSAE apprécient
généralement les réunions de pré-accueil, qui leurs
semblent correspondre à un vrai besoin des intéressés et
où un travail de prévention est possible.
Nous pouvons constater que l'intervention du service social
spécialisé dans ces réunions est axée sur
l'accès aux droits sociaux. Une assistante sociale regrette l'absence de
pré-accueil, qui lui semblait être une étape
importante : « [...] les agents OMI qui organisent les
plates-formes d'accueil n'ont plus le temps à consacrer pour ces
réunions de pré-accueil, ce qui est fort
dommage ».
Pour d'autres professionnels, qui avaient mis en place un
pré-accueil collectif dans leurs départements avant la mise en
place du dispositif d'accueil en 1998, sa forme actuelle correspond moins
à la conception qu'ils ont du travail social.
« [...] on misait beaucoup sur le
pré-accueil, collectivement là, au niveau du bureau, et là
il y avait en général une dynamique assez intéressante et
il y avait beaucoup d'échanges » (une assistante
sociale).
« [...] maintenant je fais un peu...un
pré-accueil administratif plus qu'un pré-accueil
social [...] on a un quart d'heure pour expliquer un petit peu ce qui se
passera à l'arrivée en terme de sécurité
sociale, les droits sociaux, la scolarité, le travail et on leur dit de
toute façon, vous reverrez tout ça à la plate-forme
d'accueil, donc on va pas s'étendre sur le sujet puis, puis les gens au
bout de trois quarts d'heure, ils sont partis quoi ! »
Ici, l'assistante sociale nous parle d'une réunion de
pré-accueil qui dure trois quarts d'heure. Cependant, d'autres
assistants sociaux nous ont indiqué qu'ils disposaient de suffisamment
de temps pour aborder tous les sujets qui intéressaient les chefs de
famille et pour répondre à leurs questions. Dans certains
départements, des partenaires comme le Centre académique pour la
scolarisation des nouveaux arrivants et des enfants du voyage (CASNAV), un
service de l'Education nationale, participent également aux
réunions de pré-accueil. Aussi, nous pouvons constater que la
place du service social spécialisé dans le pré-accueil
n'est pas la même dans tous les départements.
3.2. L'accueil sur la plate-forme
Sur la plate-forme d'accueil, l'assistant social
spécialisé se présente lors d'une information collective
en début de séance. Il reçoit les personnes
orientées par l'auditeur social, leur apporte des informations et
assure, si besoin, des orientations vers des partenaires. Il identifie les
situations qui vont nécessiter la mise en place d'un accompagnement
social.
Les « anciens » du service social
spécialisé regrettent l'époque où ils faisaient des
visites d'accueil à domicile, qui leur permettaient de voir les familles
rejoignantes dans leur environnement : « On voit les gens,
certaines personnes dans un contexte pas facile, ça n'a strictement rien
à voir avec la visite à domicile que tu faisais, tu étais
accueillie chez les gens, ils te recevaient, ils t'accueillait etc. Et puis tu
voyais là, le degré d'isolement.......oui, je trouve que
c'était tout à fait différent même la façon
dont on parlait c'est tout à fait différent, c'est rare sur la
plate-forme, que moi, en tout cas, j'ai le temps d'aborder tout ce qui est le
parcours d'immigration, depuis quand l'autre est là, oui, on peut mais
arriver à parler du propre cheminement des parents, comment on en arrive
là, où est-ce que le mariage s'est fait, comment ça s'est
joué, qu'on est content de venir ou pas ? Bon, tout ça,
ça devient un peu difficile à aborder dans le contexte
plate-forme, moi, je trouve. Donc, c'est pas la même qualité
d'échange avec les gens » (une assistante sociale).
« Je pense que, en qualité de travail, on
y a...à mon avis on y a perdu pour les gens » nous dit
une autre « ancienne ».
Selon plusieurs travailleurs sociaux interrogés, les
entretiens de service social menés sur la plate-forme sont souvent
incomplets, faute de temps, et des rendez-vous sont donnés au bureau
départemental.
Plusieurs assistants sociaux contestent même
l'utilité de leur présence sur la plate-forme. C'est pourquoi,
dans un département, une organisation différente a
été négociée entre le service social
spécialisé et la déléguée régionale
de l'OMI : à la place des assistants sociaux, les agents d'accueil
du bureau départemental du SSAE sont présents sur la plate-forme,
présentent les activités du service social
spécialisé lors de la réunion collective en début
de séance, restent ensuite dans la salle d'attente pour répondre
aux questions des nouveaux arrivants, repèrent les situations qui
nécessitent un diagnostic social et font le lien avec l'assistant social
en cas de besoin. « L'assistante sociale étant sur la
plate-forme parce qu'elle est exigée dans la convention passée
avec l'OMI, n'étant là finalement que pour un appui technique au
cas où » nous dit une assistante sociale de ce
département. Elle explique la pertinence de cette forme d'intervention
par le type de problèmes soumis au service social
spécialisé lors de la plate-forme : « Moi, je
pense enfin que ce n'est pas la place d'une assistante sociale sur la
plate-forme étant donné que les questions sont des questions
d'ordre général et puis des accès aux droits que les
agents d'accueil peuvent répondre parce que elles le font aussi sur
place [au bureau départemental] ».
L'équipe de ce bureau départemental a
renforcé son offre de service en direction des nouveaux arrivants sur le
département.
3.3. Le suivi
Les problèmes rencontrés lors de l'entretien de
diagnostic sur la plate-forme d'accueil peuvent être traités en
suivi social direct de l'usager ou par l'intermédiaire de partenaires
locaux.
Seulement quatre des dix assistants sociaux interrogés,
représentant trois bureaux départementaux, nous ont parlé
d'une offre de service, dans le cadre du dispositif d'accueil des nouveaux
arrivants, mise en place dans leurs départements respectifs. Les autres
se contentent d'un suivi individuel « classique »,
plutôt rare, des primo-arrivants reçus sur la plate-forme.
Dans un département, des nouveaux
réfugiés en demande de regroupement familial se rencontrent une
fois par mois pour échanger sur l'avancement de la procédure et
sur la préparation de l'arrivée de leur famille. Des intervenants
extérieurs sont invités en fonction des thèmes
demandés par les réfugiés. Ce groupe de parole est
animé par deux assistantes sociales à tour de rôle.
Un autre bureau départemental a mis en place des cycles
d'ateliers sur la vie en France, qui s'adressent à tous les nouveaux
arrivants passés par une plate-forme d'accueil ou connus autrement par
le service. Lors de ces ateliers, animés à tour de rôle par
tous les assistants sociaux du bureau, un même groupe de primo-arrivants
se retrouve sept fois pendant un mois pour aborder et échanger sur des
thèmes autour de la vie locale, de l'éducation, du logement, de
la santé... Des partenaires locaux interviennent en fonction des
thèmes abordés.
Dans ces deux actions les savoirs et les acquis des nouveaux
arrivants sont valorisés et ceux-ci sont reconnus comme acteurs de leur
propre intégration. Cette approche nous renvoie à la notion de
« nouvelle citoyenneté » défendue par
Danièle Lochak : il s'agit de la participation active, la
responsabilisation des personnes dans l'édification de leur cadre de
vie. La citoyenneté serait donc un processus plutôt qu'un concept,
tendant à aller vers plus de liberté et plus
d'égalité.98(*)
Dans un troisième département, avant la mise en
place du nouveau dispositif d'accueil, une assistante sociale avait
engagé un travail important en partenariat avec une technicienne
d'intervention sociale et familiale (TISF) pour l'accompagnement des familles
rejoignantes les plus vulnérables. Après l'arrêt du
financement des interventions des TISF dans le cadre de l'accueil des
primo-arrivants, elle a obtenu le subventionnement d'un poste d'agent de
développement local et d'insertion (ADLI) pour que la même TISF
puisse continuer son action.
Dans deux départements, une sensibilisation des
partenaires locaux par le service social spécialisé a abouti
à une amélioration des services pour les nouveaux arrivants par
certains services publics.
Toutes ces actions s'inscrivent dans le registre de la
prévention des difficultés d'adaptation. En effet, pour A.
Dramé et M. Poinsot, « l'adaptation est un processus qui
engage les compétences individuelles des personnes et la mobilisation de
leurs ressources affectives, cognitives, sociales et culturelles en vue de
trouver une adéquation entre leurs représentations, les attitudes
qui les constituent et les exigences de la société dans laquelle
elles s'installent ».99(*) En construisant une offre de service conjuguant la
valorisation des acquis des primo-arrivants et l'information sur la
société d'accueil, le service social spécialisé
s'inscrit, dans ces trois départements, dans cette approche.
3.4. Le dispositif d'accueil vu par les travailleurs
sociaux
La majorité des travailleurs sociaux interrogés
ont une vision négative du dispositif d'accueil, qui est perçu
par les uns comme trop rigide, par les autres comme un instrument de
contrôle et d'intégration « forcée ».
Pourquoi cette image négative ?
En effet, deux approches se heurtent au sein du
dispositif d'accueil :
· le modèle d'intégration assimilationniste
avec ses valeurs de citoyenneté tel que l'intérêt
général et le principe d'égalité, sur lequel se
base la politique d'intégration de l'Etat français ; elle
donne la priorité à l'intérêt général
contre les intérêts particuliers ;
· l'éthique des travailleurs sociaux, basée
sur des valeurs humanistes, républicaines et démocratiques ;
elle met l'usager au centre de l'action sociale, un usager reconnu comme acteur
autonome de son intégration.
Pour certains assistants sociaux, cette vision négative
du dispositif auquel ils sont obligés de participer conduit à des
blocages et les paralyse dans leur action. Suzanne Roux écrit :
« La mise en place d'un programme d'action présente aussi
l'inconvénient de la rigidité, car il est construit sur une
réalité figée et laisse peu de place aux imprévus,
à la modification des évènements. Les organisateurs
proposent des programmes préétablis, alors que les travailleurs
sociaux travaillent essentiellement avec des personnes autonomes, porteuses de
projet ».100(*)
« Programme et stratégie s'opposent en
général. Et pourtant, dans l'action les deux démarches
sont nécessaires, car l'action a besoin d'ordre et de repères que
lui donne un programme, mais aussi d'innovation et de stratégies pour
intégrer les éléments nouveaux dans une démarche
concrète correspondant à une réalité
».101(*) C'est
aussi l'avis d'une des déléguées régionales
interrogées : « Un dispositif, on doit s'appuyer
dessus. C'est un cadrage et je trouve que c'est intéressant qu'il y ait
un cadrage et à partir de ce cadrage, chaque assistant social peut
être créatif [...] C'est un cadrage sur lequel tu peux t'appuyer,
c'est intéressant. Mais après, au niveau des pratiques
professionnelles, de la méthodologie de travail, personne ne peut
t'enchaîner ».
4. La place du service social
spécialisé dans le dispositif d'accueil
Concernant la place que le service social
spécialisé occupe au sein du dispositif d'accueil, beaucoup
d'interrogations sont formulées par les travailleurs sociaux :
« Ben, moi, depuis ces derniers temps, franchement, je vois pas
trop, personnellement, je ne vois pas trop vraiment ma
place ! » ; « Est-ce qu'on re-deviendra un
service social de catégorie, puisque ça va être une
catégorie particulière, ces primo-arrivants accédant
à un titre de séjour ? »
Les « anciens » vivent une perte
d'autonomie, une perte de reconnaissance de leurs compétences par les
autorités : d'un statut de maître d'oeuvre, le service social
spécialisé est passé à un statut de participant
parmi d'autres. Mais est-il aussi reconnu comme partenaire à part
entière ? Rien n'est moins sûr, si on peut croire les
discours des travailleurs sociaux. En effet, interrogés sur leur place
dans le dispositif, on sent une grande résignation et un certain
fatalisme chez certains professionnels. Ainsi, une assistante sociale nous dit
que le service social spécialisé « [...] a sa place
sur la plate-forme, ça me paraît évident mais pas la place
que l'Etat décide de lui donner ».
Or, une place, on la prend, on l'affirme, on l'investit en
fonction de ses propres compétences. Comment se fait-il qu'un service
social, qui a comme objectif de rendre ses usagers acteurs de leur propre
intégration, ne se voit pas lui-même acteur pour prendre sa place
au sein du dispositif d'accueil ? Comme cette
déléguée régionale nous dit :
« Bien voilà, d'être vraiment offensive,
d'être dans une démarche créative, dans une démarche
de dire : on a une place, on la prend et on s'en saisit pleinement, tu
vois, au lieu d'attendre qu'on nous dise ce qu'on a à faire. Mais bon
après, je te dis, c'est chacun, c'est individuel. Alors, bon, le travail
social, c'est très particulier ».
S'agit-il vraiment d'un positionnement individuel du
travailleur social ? N'est-il pas aussi du devoir de l'institution de
prévoir des instances qui permettent un soutien et un encadrement de
l'intervention sociale ? C'est en tout cas ce que pensent les travailleurs
sociaux : « Je pense qu'on a, le service aura à
travailler sur sa place ».
Ces propos nous renvoient au rôle de l'encadrement
technique des travailleurs sociaux du service social
spécialisé.
5. Le rôle de l'encadrement
technique
Les délégués régionaux du service
social spécialisé voient leur rôle d'accompagnement des
équipes dans le dispositif d'accueil à plusieurs
niveaux :
· lever les blocages dus aux craintes des travailleurs
sociaux concernant leur place dans le dispositif ;
· faciliter la collaboration entre des intervenants qui
n'ont pas l'habitude de travailler ensemble ;
· aider les travailleurs sociaux à prendre la
distance par rapport aux problématiques repérées ;
· accompagner les travailleurs sociaux dans l'analyse des
besoins des nouveaux arrivants et dans la construction de projets ;
· faire le lien entre le niveau local et le niveau
national en vue d'échanges d'expériences et de pratiques.
Au regard des discours des assistants sociaux, ceux-ci
comptent beaucoup sur l'encadrement technique pour cheminer dans leur
positionnement : « Il faudrait que l'encadrement technique
impulse quelque chose, on attend quelque chose de l'encadrement
technique » (une assistante sociale). En effet, les assistants
sociaux attendent de leur délégué régional
· une réflexion sur le positionnement des
travailleurs sociaux dans le dispositif d'accueil en définissant les
limites par rapport à leur profession ;
· la levée des blocages au changement ;
· l'analyse du dispositif et une réflexion sur le
sens de l'action sociale ;
· la stimulation d'échanges sur l'adaptation de
l'action sociale au contexte du dispositif d'accueil.
Le rôle de l'encadrement technique est d'autant plus
important que « Un programme national vient parasiter l'action
sociale menée entre travailleurs sociaux et usagers. Il engendre des
blocages, une perte d'autonomie, voire de créativité chez les
travailleurs sociaux. La démarche à engager bouscule les
habitudes et la façon de concevoir son travail. L'origine de l'action
n'est plus la demande (ou le besoin) de l'usager, mais celle de l'institution.
Un travail d'analyse et de concertation entre les différents
protagonistes permet une réappropriation et une compréhension de
la construction du projet ».102(*)
Or, ce travail d'analyse ne semble pas toujours avoir eu lieu.
En effet, 4 sur 10 assistants sociaux interrogés déclarent qu'ils
n'échangent jamais sur leurs pratiques professionnelles, ni entre eux en
réunion d'équipe, ni avec l'encadrement technique.
8 disent ne pas bénéficier d'un soutien
technique, ni dans la mise en place de l'action sociale
spécialisée en direction des nouveaux arrivants, ni dans
l'affirmation de la place du service social spécialisé dans le
dispositif.
Ces discours recueillis sur le rôle de l'encadrement
technique nous amènent à un retour sur l'hypothèse de
recherche : « Le rôle de l'encadrement technique est
primordial pour assurer le maintien et le développement d'une action
sociale spécialisée et l'affirmation de la place du service
social spécialisé dans le dispositif d'accueil des nouveaux
arrivants ».
6. Retour sur l'hypothèse de
recherche
Pour vérifier notre hypothèse, nous avons
classé les discours des travailleurs sociaux en deux catégories
en fonction de la présence ou de l'absence d'encadrement technique. Nous
pouvons alors faire trois constats :
(1) Les professionnels qui se limitent au cadre obligatoire du
dispositif d'accueil et n'ont engagé aucune autre action en direction du
public primo-arrivant souffrent d'une absence d'encadrement technique. Ces
derniers ont également des difficultés à percevoir le sens
de leur travail dans le cadre du dispositif.
(2) Les professionnels qui bénéficient d'un
encadrement technique dans leur cheminement et leur positionnement dans le
dispositif d'accueil mettent en place une offre de service en direction des
nouveaux arrivants qui leur permet de garder le sens du travail social.
(3) L'absence d'encadrement technique n'engendre pas
forcément l'absence de développement d'une action sociale
spécialisée.
Quels sont donc les autres facteurs qui permettent d'assurer
le maintien et le développement d'une action sociale
spécialisée et l'affirmation de la place du service social
spécialisé dans le dispositif d'accueil des nouveaux
arrivants ?
A travers les discours des enquêtés, nous avons
repéré deux autres éléments qui ont permis aux
travailleurs sociaux de développer une action sociale
spécialisée et de trouver une place dans le dispositif
d'accueil : la cohésion de l'équipe et la bonne implantation
départementale du service social spécialisé.
6.1. La cohésion de l'équipe
4 travailleurs sociaux nous font part de l'importance de leur
équipe dans la mise en place d'une action sociale
spécialisée, comme cette assistante sociale :
« Pour ce genre de travail, il faut que l'équipe
entière, je veux dire, adhère à ce projet parce que
l'assistant social tout seul ne peut pas le faire ». Ces quatre
professionnels trouvent un sens dans leur action et ont mis en place des
actions qui débordent largement le cadre imposé du dispositif
d'accueil.
En effet, une bonne cohésion d'équipe permet un
appui technique paritaire, entre professionnels, par des échanges sur
les pratiques. Ceci facilite la prise de distance, l'analyse des besoins des
usagers et la transmission de connaissances et de méthodes de travail.
En ce qui concerne notre échantillon, l'appui paritaire a
remplacé, pour deux assistants sociaux, ou complété, pour
deux autres, l'encadrement technique. Mais, la cohésion de
l'équipe n'est pas un élément suffisant pour assurer la
continuité de l'action engagée, car elle « reste
très fragile parce que tout encadrant technique arrivant sur notre
bureau départemental peut [la] remettre en cause ».
Selon Herzberg103(*), des bonnes relations au travail sont en effet un
facteur important dans le management de l'équipe. Une bonne
intégration au groupe, la solidarité, des réseaux de
relations et de communication utiles, une bonne relation avec l'encadrement
technique et hiérarchique sont des exemples d'enjeux positifs
liés aux relations au travail.
La cohésion de l'équipe suppose deux
conditions : la cohérence de la structure et la co-opération
entre les membres. Selon E.Berne104(*), les indicateurs essentiels de la cohérence
d'une structure sont l'adhésion de tous aux valeurs essentielles, des
objectifs partagés, des règles de fonctionnement, une
capacité à s'adapter et une culture commune.
6.2. L'implantation départementale
3 des assistants sociaux rencontrés peuvent compter sur
une bonne implantation départementale pour construire leur action
sociale spécialisée. Celle-ci suppose un partenariat local
conséquent, ainsi que la reconnaissance des compétences du
service social spécialisé par celui-ci.
Une assistante sociale fait état d'un bon partenariat
avec la DDASS : « Alors cet accueil s'est toujours inscrit
dans le cadre du Plan départemental d'accueil avec une DDASS Etat qui
était présente et active. [...] C'est vrai qu'on a eu la chance
d'avoir des directrices adjointes et des conseillères techniques qui
comprenaient bien l'enjeu et qui ont pu soutenir notre
action » ; une autre évoque l'existence d'un
réseau de partenaires très vaste allant du secteur associatif aux
partenaires institutionnels locaux ; une troisième insiste sur le
fait que le partenariat local est issu d'un investissement important de
l'équipe départementale, qui doit prouver à chaque instant
ses compétences pour le maintenir.
La bonne implantation départementale a
été, pour ces trois travailleurs sociaux interrogés, un
des facteurs leur ayant permis d'engager des actions dans le cadre du
dispositif d'accueil. Par ailleurs, une de ces professionnelles peut s'appuyer
également sur son ancienneté dans la profession et sa longue
expérience dans le service social spécialisé.
7. Conclusion
A partir de l'analyse des discours des travailleurs sociaux
nous pouvons donc dégager plusieurs facteurs qui ont une influence sur
le maintien ou le développement d'une action sociale
spécialisée dans le dispositif d'accueil dont le service social
spécialisé n'est pas maître d'oeuvre :
· la qualité de l'encadrement technique,
· la cohésion de l'équipe,
· une bonne implantation départementale,
· l'ancienneté au service social
spécialisé combinée avec une compétence
professionnelle personnelle,
· de la motivation des professionnels.
La qualité de l'encadrement technique dépend des
compétences techniques en travail social, ainsi que des
compétences en management, des cadres. En effet, on peut
légitimement attendre des encadrants techniques qu'ils aident les
équipes à réunir tous les facteurs qui permettront la
réussite du projet d'accueil des nouveaux arrivants.
Habituellement, l'encadrant technique est issu de la
même formation et a exercé auparavant la même profession que
les membres de son équipe. Il doit accompagner les professionnels dans
la prise de décision concernant l'action sociale à engager, les
aider à analyser les priorités dans des situations complexes et
à donner un sens à l'action mise en oeuvre. La fonction
d'encadrant technique demande aussi la connaissance et la prise en compte des
changements légaux et réglementaires et de l'environnement
institutionnel et sociétal. Il veille à ce que l'activité
de ses équipes corresponde aux missions et orientations fixées
par l'institution. Aussi, « L'expérience antérieure
du travailleur social est une base importante de leur légitimité
et de leur autorité auprès des équipes ; elle permet
l'adhésion à une cohérence des pratiques organisées
autour du service aux usagers et l'animation du travail en
équipe. »105(*)
Pour conclure, nous dirons avec Brigitte Bouquet :
« [...] au-delà de leur situation souvent inconfortable,
car confrontées à de nombreuses tensions, il est important
d'affirmer que la place des cadres assistantes sociales est déterminante
stratégiquement et conceptuellement. Au-delà de la gestion et du
management, ils doivent exercer leur sens politique, garder la
responsabilité de bien distinguer les enjeux, susciter et promouvoir une
réflexion professionnelle sur le sens de l'action sociale. Les cadres
ont ces devoirs non seulement à l'égard des salariés et de
l'organisation qui les emploie, mais aussi de l'ensemble du champ de
l'intervention sociale ».106(*)
Pour procéder à la comparaison des pratiques au
niveau européen, observons maintenant comment les services sociaux
allemands et néerlandais se positionnent dans les dispositifs
d'accueil.
Chapitre 3
Analyse des
questionnaires
1. Les profils des travailleurs sociaux
allemands et néerlandais interrogés
L'échantillon des travailleurs sociaux allemands et
néerlandais ayant répondu au questionnaire est plus
diversifié que celui des professionnels français : en ce qui
concerne les travailleurs sociaux allemands, les réponses émanent
de 15 femmes et de 12 hommes. 3 réponses sont faites par des
équipes. Quant aux professionnels néerlandais, il s'agit de 4
femmes et de 2 hommes. Le nombre de réponses émanant de
travailleurs sociaux néerlandais n'est certainement pas
représentatif, mais donne des indications sur leur façon de
concevoir leur mission.
La moitié des travailleurs sociaux allemands
interrogés est diplômée depuis plus de 10 ans, dont 7
depuis plus de 20 ans. 4 personnes indiquent qu'ils sont jeunes professionnels
depuis moins d'un an, mais avec une expérience professionnelle
importante comme agent d'accueil/interprète dans un service social pour
migrants pour 3 d'entre eux. Les professionnels allemands travaillent dans un
service social pour migrants depuis plus de 10 ans pour la moitié
d'entre eux. Quant aux travailleurs sociaux néerlandais, les
professionnels qui ont répondu au questionnaire ont une
ancienneté dans la profession comme dans le travail social avec des
migrants entre 5 et 10 ans.
2. La place et le rôle des
services sociaux dans le programme d'accueil des nouveaux arrivants en
Allemagne et aux Pays Bas
En Allemagne, avant la mise en oeuvre du nouveau dispositif
d'accueil des nouveaux arrivants, les services sociaux pour migrants
étaient organisés comme services sociaux de catégorie qui
recevaient les migrants pour tout problème, mettaient en place leur
suivi global, mais développaient aussi des actions de prévention
en direction des migrants, ainsi que des actions sur l'environnement afin de
sensibiliser l'opinion publique et les services de droit commun aux
problèmes que rencontre ce public. Ils agissaient soit en maître
d'oeuvre ou en prestataire de service, dans une moindre mesure comme
participant parmi d'autres ou comme exécutants d'un programme
prédéfini.
La plupart des travailleurs sociaux interrogés (73%)
indiquent que l'introduction du nouveau dispositif d'accueil n'a pas
modifié leur rôle, excepté 8 professionnels. Pour ces huit
personnes il s'agit de travailleurs sociaux confirmés avec une
ancienneté importante dans la profession et dans le service social pour
migrants : entre 6 et 10 ans pour 4 d'entre eux, plus de 10 ans pour les 4
autres.
Par contre, la structure des services sociaux pour migrants,
ainsi que leurs missions ont connu une modification importante. En effet, avec
la mise en place du dispositif d'accueil des nouveaux arrivants, ces services
se sont vu attribuer une mission de service social spécialisé en
charge de mettre en oeuvre la politique en matière d'intégration
du gouvernement fédéral, en ce qui concerne son volet social.
Ainsi, les services sociaux pour migrants sont aujourd'hui en charge de
l'accueil des primo-arrivants, de leur suivi pendant les deux premières
années de leur installation en Allemagne. Ceci se matérialise par
un entretien d'accueil obligatoire et d'un suivi social pendant le parcours
d'intégration. En ce qui concerne les migrants installés en
Allemagne, ces services sociaux sont chargés de la mise en place d'une
action sociale spécialisée complémentaire des services de
droit commun et uniquement pour des problèmes liés au parcours
migratoire. Selon un travailleur social allemand, ceci implique pour les
services de droit commun, qui avaient, jusqu'à présent, tendance
à orienter tous les étrangers sur les services sociaux pour
migrants, une adaptation de leur fonctionnement en recevant ce public qui leur
est étranger.
Au Pays Bas, nous pouvons soulever le grand nombre de
bénévoles qui effectuent l'accompagnement des nouveaux arrivants.
Certaines organisations chargées de l'accompagnement de la trajectoire
d'intégration et/ou de l'accompagnement social des nouveaux arrivants
travaillent uniquement avec des bénévoles ou des salariés
sans formation en travail social. Notre enquête, en revanche, s'est
adressée aux seuls travailleurs sociaux.
Dans le cadre du programme d'accueil instauré par la
loi (WIN), les travailleurs sociaux néerlandais sont prestataires de
service. Ils se perçoivent comme participants parmi d'autres acteurs du
dispositif (5/6), 2 comme maîtres d'oeuvre de leur action.
3. L'action sociale mise en oeuvre
Avant la mise en oeuvre de la loi sur l'immigration et
l'intégration en Allemagne, les travailleurs sociaux des services
sociaux pour migrants avaient des méthodes de travail très
variées et travaillaient dans tous les champs du travail social. Tous
faisaient de l'information et de l'orientation, presque tous pratiquaient
l'accompagnement social individualisé des migrants et travaillaient en
partenariat avec d'autres services. Un certain nombre des services sociaux pour
migrants avaient mis en place des projets de travail social collectif et du
travail social communautaire. Depuis la mise en oeuvre du nouveau dispositif,
nous constatons une diminution du travail collectif et du travail
communautaire, dans certains services sociaux, en faveur du travail individuel.
En outre, nous pouvons remarquer que ce nouveau dispositif oblige les
travailleurs sociaux allemands à travailler en partenariat, pour ceux
qui n'avaient pas déjà mis en oeuvre cette forme de travail, et
de travailler plus pour une « ouverture interculturelle »
(sensibilisation à la relation interculturelle) des services de droit
commun.
Par ailleurs, les travailleurs sociaux allemands font preuve
d'une grande créativité : en dehors de l'entretien d'accueil
imposé, 83% des interrogés ont mis en place une offre de service
originale en direction des nouveaux arrivants. Nous pouvons mentionner la
formation et la collaboration avec des bénévoles pour
l'accompagnement des nouveaux arrivants (23%), des actions en lien avec
l'orientation professionnelle et la recherche d'emploi (20%), un travail
éducatif avec des groupes de nouveaux arrivants (13%), des cours
d'intégration et d'orientation (13%), des actions d'intégration
par le sport ou par la culture (13%), des cours linguistiques ou de soutien
pour des publics spécifiques (10%), l'initiation de lieux de rencontres
interculturelles (10%), des actions d'insertion dans le quartier (10%), des
permanences pour des adolescents (10%) et beaucoup d'autres actions.
Nous pouvons constater ici une approche différente du
travail social que celle des services sociaux spécialisés en
France. D'une part, elle est sans doute liée à la formation
initiale des travailleurs sociaux qui réunit dans une même
formation toutes les formes du travail social sans faire de distinctions entre
assistants sociaux, éducateurs spécialisés, animateurs,
etc. comme en France ; d'autre part, avec ses actions éducatives,
elle s'inscrit, au moins en partie, dans la tradition paternaliste du travail
social en Allemagne.
Les deux tiers (67%) des travailleurs sociaux allemands
reconnaissent la nouvelle loi sur l'immigration et l'intégration comme
positive pour les intéressés et ceci pour deux raisons : (1)
tous les nouveaux arrivants peuvent maintenant accéder à une
formation linguistique et (2) l'intégration est pour la première
fois cadrée et devient ainsi plus claire et plus juste. En revanche, un
tiers (33%) des enquêtés dénoncent le manque de moyens mis
en oeuvre pour réaliser les objectifs déclarés et la
réduction de la notion d'intégration à une maîtrise
de la langue et des connaissances civiques.
En ce qui concerne les Pays Bas, l'action des travailleurs
sociaux dans le cadre du programme d'intégration est souvent
limitée à l'accompagnement individuel, « case
management », et du conseil. Seulement deux (2/6) ont
engagé aussi du travail en partenariat. Le travail avec des groupes, le
travail social communautaire, ainsi que la sensibilisation à
l'interculturel sont quasi inexistants dans les méthodes de travail des
travailleurs sociaux interrogés, que ce soit dans leur travail dans le
cadre du dispositif d'accueil ou dans le travail avec les nouveaux arrivants en
général.
Pour compléter les prestations prévues par le
programme d'intégration, les travailleurs sociaux néerlandais
mettent en place des offres de services très variées : du
conseil social et/ou juridique (5/6), l'aide à la recherche d'un
logement (2/6), la formation et l'animation de groupes de
bénévoles (1/6), du « coaching » social
(1/6), des actions d'intégration dans le quartier (1/6), l'aide à
la recherche d'une formation professionnelle (1/6), des cours de cyclisme pour
femmes (1/6).
Tous les travailleurs sociaux néerlandais
perçoivent le programme d'accueil pour nouveaux arrivants comme positif.
Ils insistent sur l'importance de la formation linguistique obligatoire. Selon
un travailleur social qui travaille avec des réfugiés
nouvellement reconnus, le dispositif d'accueil présente de nombreux
avantages pour ce public : après des années
d'inactivité le programme leur donne l'opportunité d'être
« réactivés », de devenir acteurs de leur
avenir et de connaître la société
néerlandaise ; dans cette trajectoire ils ne sont pas seuls mais
accompagnés par des professionnels.
Même si les travailleurs sociaux approuvent globalement
le programme d'intégration, certains dénoncent le manque de
moyens dont ils disposent.
Nous voyons ici encore une fois une approche différente
du travail social, d'un côté centré sur l'accompagnement
individuel des nouveaux arrivants, de l'autre sur leur
« activation ». Ceci correspond tout à fait aux
tendances de libéralisation que parcourt la société
néerlandaise actuellement et à ses effets sur le travail social
aux Pays Bas.107(*)
4. Le rôle de l'encadrement
technique
Parmi les travailleurs sociaux allemands, seulement 43%
pensent que l'encadrement technique a été important pour la mise
en place d'une action sociale spécialisée en direction des
nouveaux arrivants. Ce faible nombre s'explique par le fait que les structures
qui assurent le premier accueil des nouveaux arrivants sont souvent
composées d'un seul travailleur social ou d'une petite équipe
sans encadrant technique. En revanche, pour 47% des enquêtés
l'équipe y joue un rôle important.
Dans la grande majorité des cas (90%), le passage d'un
service social de catégorie à un service social
spécialisé chargé du premier accueil des nouveaux
arrivants a été préparé : avec l'encadrant
technique et l'équipe (30%), avec l'équipe seule (27%), par la
supervision ou la formation continue (27%), avec l'encadrant seul (13%). Quant
à la formation continue, un travailleur social nous explique que
celle-ci a été proposée, au niveau fédéral,
à tous les professionnels des services sociaux pour migrants. Un autre
évoque le système de conseil technique, qui existe au niveau de
la Diaconie en Allemagne, et qui a accompagné la procédure de
changement tout au long des années 2003-2004-2005.
Au regard des multiples actions mises en place en direction du
public primo-arrivant, nous pouvons effectivement noter que l'absence
d'encadrement technique n'a pas mené à l'inertie des travailleurs
sociaux. Les 4 travailleurs sociaux qui déclarent se limiter dans leur
action sur le programme officiel indiquent comme raison uniquement le manque de
temps (3) ou l'absence de besoin des intéressés (1). Or, nous
pouvons constater que deux de ces travailleurs sociaux n'ont pas
été préparés au changement du contenu du travail et
les deux autres sont des jeunes professionnels.
Les avis des travailleurs sociaux néerlandais sur
l'encadrement technique sont très partagés. Par contre, nous
pouvons noter que la moitié (3/6) bénéficie d'une
supervision dans le cadre de leur travail. Nous pouvons observer
également l'importance de l'équipe (4/6) dans la mise en place de
l'action sociale.
5. Conclusion
Après analyse des réponses données par
les travailleurs sociaux allemands et néerlandais aux questionnaires,
nous pouvons constater des différences notables entre ces deux pays et
la France :
(1) l'action sociale en direction des nouveaux arrivants
s'inscrit dans le contexte d'un dispositif dans les trois pays, mais en
Allemagne et aux Pays Bas les travailleurs sociaux sont en première
ligne et n'ont pas à composer avec d'autres acteurs de
l'accueil ;
(2) la façon de concevoir l'action sociale n'est pas la
même. Si celle-ci est plutôt centrée sur l'accès aux
droits et sur l'intégration par la citoyenneté active en France,
l'action sociale en Allemagne et au Pays Bas agit plus sur un registre
éducatif et inclut des bénévoles comme partenaires
à part entière ; l'activation et la responsabilisation des
nouveaux arrivants sont les mots clé de l'action sociale aux Pays
Bas ;
(3) pour assurer l'accompagnement de l'action sociale, on
compte en France sur un encadrement technique de proximité, tandis qu'en
Allemagne l'accent est mis sur la formation continue et le conseil
technique.
Conclusion et
perspectives
Conclusion et
perspectives
Cette recherche nous a fourni des éléments sur
la pratique des travailleurs sociaux qui interviennent dans les dispositifs
d'accueil des nouveaux arrivants en France, en Allemagne et aux Pays Bas.
Quatre thèmes ont émergé des données
traitées : 1) l'image que les usagers et les autres acteurs de
l'accueil ont du service social, 2) la reconnaissance des compétences
des travailleurs sociaux et leur motivation, 3) les différentes
conceptions de l'action sociale en Europe, 4) les différentes formes
d'appui technique.
Nous pouvons résumer les effets de l'introduction du
dispositif d'accueil sur la pratique professionnelle des travailleurs sociaux
en France comme suit :
(1) Le rôle du travailleur social dans le dispositif a
changé, ce qui a produit des blocages chez les
« anciens » du service social
spécialisé ; ceux-ci ont beaucoup de difficultés
à trouver leur place dans le dispositif d'accueil.
(2) L'espace d'autonomie du travailleur social a
été réduit. De ce fait, les professionnels sentent une
absence de reconnaissance de leurs compétences par les autorités
comme par les autres acteurs du dispositif d'accueil ; en effet, ces
derniers ont une image très partielle de l'action que le service social
spécialisé est en capacité de mettre en oeuvre.
(3) L'intervention sociale est standardisée dans les
phases du pré-accueil et de l'accueil. C'est dans la phase du suivi que
la créativité du travailleur social peut se déployer.
(4) Dans la phase de l'accueil, le travailleur social
travaille avec le personnel administratif de l'OMI dans un même lieu et
avec les mêmes usagers. L'articulation avec ces professionnels, ainsi que
la présentation de l'offre de service du service social
spécialisé aux nouveaux arrivants, constituent un enjeu majeur
pour la reconnaissance des compétences des travailleurs sociaux.
A travers l'analyse des discours nous avons constaté
que les travailleurs sociaux s'appuient sur 1) leurs acquis professionnels, 2)
un contexte local favorable, 3) la cohésion de leur équipe et 4)
l'encadrement technique pour maintenir ou pour mettre en place une action
sociale spécialisée dans le cadre du dispositif d'accueil et
ainsi construire le sens de leur action.
L'analyse des réponses des travailleurs sociaux
allemands et néerlandais nous a fourni des enseignements sur d'autres
approches du travail social, avec une prédominance d'actions
éducatives en Allemagne et une tendance à activer et
responsabiliser l'usager au Pays Bas. Nous avons pu noter également
l'existence de plusieurs formes d'appui technique dans ces deux pays, notamment
la formation continue et le conseil technique.
Perspectives
L'introduction du dispositif d'accueil des nouveaux arrivants
en France a modifié le rôle des travailleurs sociaux des services
sociaux spécialisés. Ils ne sont plus maîtres d'oeuvre de
l'accueil, mais des participants parmi d'autres. Ils disposent de peu
d'autonomie dans le choix de leurs méthodes de travail social, car leur
action est cadrée par des procédures et évaluée par
des administratifs. Cette réalité crée un défi de
taille pour le service social spécialisé, qui doit adapter son
mode de fonctionnement et affirmer sa place au sein du dispositif.
Dans cette optique, nous pouvons énoncer plusieurs
préconisations pour la pratique qui se dégagent de notre
recherche, premièrement au niveau des travailleurs sociaux :
(1) A travers les propos des professionnels, nous avons pu
constater que les acteurs du dispositif d'accueil avaient une image
réduite des compétences du service social
spécialisé : le traitement de problèmes. Cette image
influence forcément les orientations que les auditeurs sociaux peuvent
faire sur le travailleur social présent sur la plate-forme. Pour obtenir
la reconnaissance de leurs réels savoir-faire, il est donc important que
les travailleurs sociaux échangent avec les autres intervenants du
dispositif sur leurs pratiques professionnelles lors de réunions de
travail régulières.
(2) Pour arriver à changer l'image que les partenaires
sans formation sociale et les nouveaux arrivants peuvent avoir du rôle du
service social spécialisé, il est nécessaire que les
travailleurs sociaux communiquent sur leurs pratiques professionnelles.
(3) Le partenariat local est un des facteurs qui permettent la
construction d'une action sociale qui a du sens dans le cadre du dispositif
d'accueil. Chaque travailleur social doit donc veiller au développement
de son réseau partenarial par une offre de service offensive.
Pour prendre de la distance, pour analyser leur place au sein
du dispositif d'accueil et adapter leur action, les travailleurs sociaux ont
besoin d'un appui technique. A un deuxième niveau, nos recommandations
s'adressent donc à l'encadrant technique, auquel incombe un rôle
important :
(1) Les assistants sociaux spécialisés comptent
beaucoup sur leur encadrant technique pour les accompagner dans la construction
d'une offre de service en direction des nouveaux arrivants, mais aussi pour les
aider à trouver une place dans le dispositif d'accueil. L'encadrant
technique doit alors être à l'écoute des questionnements
des travailleurs sociaux, les aider à analyser les enjeux du dispositif
d'accueil et ceux du service social spécialisé, ainsi que les
besoins des nouveaux arrivants.
(2) Nous avons noté l'impact de la cohésion de
l'équipe sur l'adaptation de l'action sociale ; celle-ci peut
procurer un appui paritaire et jouer un rôle de régulation.
L'encadrant technique peut faciliter les bonnes relations au sein de
l'équipe par des réunions régulières, la
construction d'objectifs de travail en commun, l'instauration de règles
de fonctionnement négociées et une bonne circulation de
l'information.
Pour remplir sa mission, il est évident que
l'encadrant technique a besoin de compétences spécifiques qui
dépassent ses seules compétences de professionnel du travail
social : des connaissances en dynamique de groupe, une capacité
d'analyse, une capacité de négociation et des compétences
en management.
Pour terminer, nous pouvons donc formuler des
préconisations au niveau de l'institution employeur :
(1) Etant donné le rôle central que jouent les
encadrants techniques au service social spécialisé, l'institution
employeur doit veiller à la formation de ces cadres pour qu'ils puissent
jouer pleinement leur rôle.
(2) A travers les réponses des travailleurs sociaux
allemands nous avons pu observer l'importance de la formation continue et du
conseil technique dans l'appropriation d'un nouveau contexte de travail. Il est
donc souhaitable que l'institution employeur développe également
ces formes d'appui technique, qui peuvent avoir un impact important sur la
qualité de l'action sociale.
(3) Les méthodes de travail que les collègues
étrangers nous ont exposées ne sont pas adaptables tant que
telles dans le dispositif d'accueil en France, car le contexte est trop
différent. En revanche, il serait intéressant pour les assistants
sociaux spécialisés que l'institution organise des rencontres
avec des travailleurs sociaux européens qui travaillent également
dans des dispositifs d'accueil dans leur pays afin de permettre un
enrichissement des pratiques professionnelles par des échanges ;
l'offre de service en direction des nouveaux arrivants ne peut que s'en trouver
améliorée.
Pistes pour des recherches ultérieures
Nous pouvons considérer que la recherche en travail
social, basée sur les savoirs spontanés des travailleurs sociaux,
produit des connaissances et un cadre pour la pratique professionnelle. Elle
fournit en même temps des éléments pour le
développement de l'action sociale.
La présente recherche a suscité des
interrogations qui méritent d'être explorées à leur
tour :
(1) Nous avons orienté notre recherche sur des
départements avec des flux importants de nouveaux arrivants. Nous
n'avons pas étudié l'incidence du nombre d'usagers sur la
construction de l'offre de service. Quel est donc l'impact des flux sur
l'action sociale ? Quel est le rôle de l'encadrant technique dans ce
contexte et quelles compétences lui sont demandées ?
(2) L'Allemagne vient de mettre en place, au courant de cette
année, son dispositif d'accueil des nouveaux arrivants. Les travailleurs
sociaux vont trouver progressivement leurs marques dans le nouveau
système et des recherches comparatives plus complètes seront
possibles. Aussi, après un fonctionnement de plusieurs mois, comment les
travailleurs sociaux allemands percevront leur rôle ? Comment
vont-il adapter leurs méthodes de travail à un public de plus en
plus nombreux ? Comment les travailleurs sociaux en France, travaillant
avec un public identique, pourront-ils s'approprier les expériences des
collègues d'un autre pays européen ?
(3) Une dernière piste de recherche est en lien avec la
formation initiale des travailleurs sociaux en France. En effet, lors des
entretiens que j'ai menés avec les assistants sociaux, j'ai eu affaire
à deux professionnels qui avaient effectué leur formation
initiale à l'étranger à un niveau universitaire. Leur
approche de l'action sociale était plus large et leur capacité
d'analyse plus importante, au moins au niveau théorique, que celles des
assistants sociaux qui avaient été formés en France.
Aussi, une recherche comparative au niveau européen sur les incidences
de la formation initiale des travailleurs sociaux sur leurs pratiques sera
intéressante pour la profession.
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Textes juridiques
Circulaire 7.76 du 9 juillet 1976 relative à la
nouvelle procédure d'immigration des étrangers membres de famille
de travailleurs (non parue au J.O.)
Circulaire DPM/ACI1/2003/537 du 24 novembre 2003 (non parue au
J.O.)
Circulaire DPM/ACI1/2005/23 du 13 janvier 2005 (non parue au
J.O.)
Gesetz zur Steuerung und Begrentzung der Zuwanderung und zur
Regelung des Aufenthalts von Unionsbürgern und Ausländern vom 30.
Juli 2004, Bundesgesetzblatt Jahrgang 2004 Teil 1 Nr. 41, Bonn, 5 août
2004, S. 1950
Ordonnance n° 2004-1248 du 24 novembre 2004 relative
à la partie législative du code de l'entrée et du
séjour des étrangers et du droit d'asile, J.O. n°274 du 25
novembre 2004 page 19924
Verordnung über die Durchführung von
Integrationskursen für Ausländer und Spätaussiedler vom 13.
Dezember 2004, Bundesgesetzblatt Jahrgang 2004 Teil 1 Nr. 68, Bonn, 17
décembre 2004, S. 3370
Wet inburgering nieuwkomers (WIN), Staatsblad 1998, N. 261
Sites internet consultés
Site du Bundesamt für Migration und Flüchtlinge,
Migrationserstberatung,
www.bamf.de/template/integration/content_integration_migrationserstberatung.htm
Site du Premier ministre, Les chantiers, Assurer la
cohésion sociale, La politique d'intégration, 10/08/2004,
www.premier-ministre.gouv.fr/chantiers
Abréviations et sigles
ADLI agent de développement local et d'insertion
ANAEM Agence nationale pour l'accueil des étrangers et
des migrations
ASSFAM Association service social familial
CAI Contrat d'accueil et d'intégration
CASNAV Centre académique pour la scolarisation des
nouveaux arrivants et des enfants du voyage
DDASS Direction départementale des affaires sanitaires
et sociales
DPM Direction de la population et des migrations
FAS Fonds d'action sociale pour les travailleurs
immigrés et leurs familles
FASILD Fonds d'action et de soutien pour l'intégration
et la lutte contre les discriminations
FITS Fédération internationale des
travailleurs sociaux
HCI Haut conseil à l'intégration
INED Institut national d'études
démographiques
OMI Office des migrations internationales
ONI Office national de l'immigration
PDA Plan départemental d'accueil
RDA République démocratique allemande
RFA République fédérale d'Allemagne
SSAE Service social d'aide aux émigrants
TISF Technicien de l'intervention sociale et familiale
WIN Wet Inburgering Nieuwkomers
GUIDE D'ENTRETIEN
assistants sociaux / délégués
régionaux
· Comment l'accueil des nouveaux arrivants est-il
organisé dans votre département ?
· Dans quelle mesure l'action du service social
spécialisé a-t-elle été modifiée par la mise
en place des plates-formes d'accueil et du dispositif CAI ?
· Quelle place le service social spécialisé
occupe-t-il dans ce dispositif ?
· Comment voyez-vous le rôle du service social
spécialisé dans le dispositif d'accueil ?
· Quelle est son offre de service ?
· Qui l'a définie ?
· Quels types d'actions ont été mis en
place par le service social spécialisé ?
· Qui était à l'initiative de ces
actions ?
· Quel rôle l'encadrement technique a-t-il
joué dans le développement d'une action sociale
spécialisée dans le cadre de l'accueil des nouveaux
arrivants ?
· Que pensez-vous du dispositif d'accueil ?
· Depuis combien de temps travaillez-vous au SSAE ? et dans
ce bureau départemental/ comme délégué
régional ?
· Quel est votre parcours professionnel ?
Auditeurs sociaux
· Comment l'accueil des nouveaux arrivants est-il
organisé dans votre département ?
· Quel est le rôle de l'auditeur social dans le
dispositif d'accueil des nouveaux arrivants ?
· Comment voyez vous le rôle du service social
spécialisé dans le dispositif d'accueil ?
· Qu'est-ce qui différencie son action de la
vôtre ? Donnez des exemples.
· Depuis combien de temps travaillez-vous à l'OMI ?
et dans ce service ?
· Quel est votre parcours professionnel ?
Masterstudiengang Sozialarbeit in Europa
Université catholique de Lille
(Frankreich)
Abschlussarbeit:
Die neue Rolle der Migrationssozialdienste im Rahmen
der Erstberatung von Neuzuwanderern in Frankreich, Deutschland und den
Niederlanden
FRAGEBOGEN DEUTSCHLAND*(*)
1) Seit wann sind Sie im Migrationssozialdienst
tätig?
FORMDROPDOWN
2) Seit wann sind Sie diplomierte(r)
SozialarbeiterIn/SozialpädagogIn?
FORMDROPDOWN
VOR DEM NEUEN ZUWANDERUNGSGESETZ
3) Welche Methoden der sozialen Arbeit haben Sie in der
Arbeit mit Neuzuwanderern angewandt?
Beratung FORMCHECKBOX
Einzelfallhilfe/Case Management
FORMCHECKBOX
sozialpädagogische Gruppenarbeit FORMCHECKBOX
Gemeinwesenarbeit FORMCHECKBOX
Arbeit im Netzwerk FORMCHECKBOX
interkulturelle Öffnung
FORMCHECKBOX
Andere. Welche? FORMTEXT
Ich habe nicht mit Neuzuwanderern gearbeitet.
4) Was waren die Probleme die Sie behandelt
haben?
soziale Rechte (Kindergeld, Krankenversicherung...) FORMCHECKBOX
Sprachunterricht FORMCHECKBOX
Berufsausbildung FORMCHECKBOX
Schulausbildung FORMCHECKBOX
Wohnungsprobleme FORMCHECKBOX
Eingliederung im Wohnviertel
FORMCHECKBOX
familiäre Probleme
FORMCHECKBOX
Kinderbetreuung FORMCHECKBOX
Andere. Welche? FORMTEXT FORMTEXT
5) Welche Rolle spielten Sie in der Orientierung der
sozialen Arbeit die den Migranten anboten wurde?
Selbstständiger Organisator
Teilnehmer unter anderen
Projektträger
Ausführer eines vorgegebenen Programmes
Andere: FORMTEXT SEIT
DEM NEUEN ZUWANDERUNGSGESETZ
6) Welche Methoden der sozialen Arbeit wenden Sie in der
Arbeit mit Neuzuwanderern an?
Beratung
Einzelfallhilfe/Case Management
sozialpädagogische Gruppenarbeit
Gemeinwesenarbeit
Arbeit im Netzwerk
interkulturelle Öffnung
Andere. Welche.
Ich habe nicht mit Neuzuwanderern gearbeitet.
7) Welche Probleme behandeln Sie?
soziale Rechte (Kindergeld, Krankenversicherung...)
Sprachunterricht
Berufsausbildung
Schulausbildung
Wohnungsprobleme
Eingliederung im Wohnviertel
familiäre Probleme
Kinderbetreuung
Andere. Welche?
8) Welche Rolle spielen Sie in der Orientierung der
sozialen Arbeit die den Neuzuwanderern angeboten wird?
Selbstständiger Organisator
Teilnehmer unter anderen
Projektträger
Ausführer eines vorgegebenen Programmes
Andere: FORMTEXT
9) Abgesehen von Migrationserstberatung und individueller
Integrationsberatung, haben Sie/Ihre KollegenInnen/Ihre Diensstelle andere
Formen der sozialen Arbeit oder Projekte mit/für Neuzuwanderer(n)
eingeführt?
FORMDROPDOWN
Wenn ja, welche? FORMTEXT
an wessen Initiative?
SozialarbeiterIn/SozialpädagogIn FORMCHECKBOX
Team FORMCHECKBOX
TeamleiterIn FORMCHECKBOX
TeamleiterIn mit Team
FORMCHECKBOX
Direktion FORMCHECKBOX
Wenn nein, warum nicht?
Zeitmangel FORMCHECKBOX
Motivationsmangel FORMCHECKBOX
kein Bedürfnis
FORMCHECKBOX
Schwierigkeiten, Bedürfnisse zu erkennen FORMCHECKBOX
Unstimmigkeiten mit TeamleiterIn
FORMCHECKBOX
Andere Gründe. Welche? FORMTEXT
10) Ist die Änderung der Arbeitsweise in Ihrer Arbeitsstelle
vorbereitet oder begleitet worden?
Wenn ja, mit wem?
Team FORMCHECKBOX
TeamleiterIn FORMCHECKBOX
TeamleiterIn und Team FORMCHECKBOX
Supervision FORMCHECKBOX
Wenn nein, glauben Sie, dass Ihnen eine Vorbereitung auf
die oder eine Begleitung der Veränderung in Ihrer sozialen Arbeit geholfen
hätte?
FORMDROPDOWN
11) Spielt Ihre Teamleitung eine wichtige Rolle in der
Entwicklung von Angebote der sozialen Arbeit im Rahmen des neuen
Zuwanderungsgesetzes?
12) Hat das neue Zuwanderungsgesetz den Arbeitsbereich
der SozialarbeiterInnen/ SozialpädagogInnen eingeengt?
13) Denken Sie, dass das neue Zuwanderungsgesetz mit
seinem Integrationsprogramm für Neuzuwanderer positive Konsequenzen
hat?
FORMDROPDOWN
14) Warum?
FORMTEXT
Bemerkungen: FORMTEXT
VIELEN DANK FÜR IHRE ANTWORTEN!
Irmela de Haas
66 rue du 8 mai 1945
F-91350 Grigny
irmela.de-haas@wanadoo.fr
Master of Social Work in Europe
Université catholique de Lille
(Frankreich)
Master Thesis:
The Role of Social Work in Welcoming
Newcomers
in France, Germany and the Netherlands
QUESTION FORM THE NETHERLANDS
15) For how many years do you work with
migrants?
16) How many years ago did you graduate as a social
worker?
OUTSIDE THE FRAMEWORK OF THE
«WIN»
17) Which methods of social work do you apply when
working with migrants?
Counselling
Case Management
group work
community work
networking
others:
I never work(ed) with migrants outside the framework of the WIN.
18) With what kind of problems do/did you
deal?
social rights (benefits, health insurance...)
language courses
vocational training
school attendance
housing
integration in the neighbourhood
family problems
child minding
others:
19) In the orientation of social work with migrants, what
role do/did you have?
autonomous organiser
partner with others
service provider
executor of a predefined program
others:
IN THE FRAMEWORK OF THE
«WIN»
20) Which methods of social work do you apply when
working with newcomers?
Counselling
Case Management
group work
community work
networking
others:
21) With what kind of problems do you deal?
social rights (benefits, health insurance...)
language courses
vocational training
school attendance
housing
integration in the neighbourhood
family problems
child minding
others:
22) In the orientation of social work with newcomers,
what role do you have?
autonomous organiser
partner with others
service provider
executor of a predefined program
others:
23) Besides the individual «trajectbegeleiding»
do you/ your colleges/ your agency offer other services for
newcomers?
If yes, what kind of services?
who initiated them?
social worker
team
team manager
team manager with team
manager
If no, why not?
lack of time
lack of motivation
no need
difficulty to detect needs
difficulties with team manager
other reasons:
24) Do you have supervision about your methods of social
work?
If yes, by whom?
team
team manager
team manager and team
supervisor
If no, do you think that supervision would have been/
would be helpful in applying different methods of social work?
25) Does the team manager have an important role in
developing services in the framework of the «WIN»?
26) Does the WIN limit the range of social work methods
you would apply?
27) Do you think that the WIN has positive consequences
for newcomers?
28) Why?
Remarks:
THANK YOU FOR YOUR AWNSERS!
Irmela de Haas
66 rue du 8 mai 1945
F-91350 Grigny
irmela.de-haas@wanadoo.fr
* 1 Circulaire 7.76 du 9 juillet
1976 relative à la nouvelle procédure d'immigration des
étrangers membres de famille de travailleurs
* 2 Il s'agit de l'ancien Office
national d'immigration (ONI), créé en 1945 pour contrôler
l'introduction des travailleurs immigrés.
* 3 Comité
interministériel à l'intégration, 10 avril 2003,
synthèse du programme annuel d'actions
* 4 Circulaire DPM/ACI1/2003/537
du 24 novembre 2003
* 5 Circulaire DPM/ACI1/2005/23
du 13 janvier 2005
* 6 L'intégration du
personnel du SSAE dans l'ANAEM a été reportée au
1er octobre 2005.
* 7 Politique d'accueil et
d'intégration, le contrat d'accueil et d'intégration, principes
et modes d'action du service social spécialisé, Service
social d'aide aux émigrants, mars 2004 (document interne)
* 8 BOUQUET Brigitte, GARCETTE
Christine, Assistante sociale aujourd'hui, Maloine, 1999, p. 21
* 9 Code de déontologie
de l'ANAS adopté par l'assemblée générale du 28
novembre 1994
* 10 Article 7 du Code de
déontologie de l'ANAS adopté par l'assemblée
générale du 28 novembre 1994
* 11 Politique d'accueil et
d'intégration, le contrat d'accueil et d'intégration, principes
et modes d'action du service social spécialisé, Service
social d'aide aux émigrants, mars 2004 (document interne)
* 12 Gesetz zur Steuerung und
Begrentzung der Zuwanderung und zur Regelung des Aufenthalts von
Unionsbürgern und Ausländern vom 30. Juli 2004, Bundesgesetzblatt
Jahrgang 2004 Teil 1 Nr. 41, Bonn, 5 août 2004
* 13 Wet inburgering
nieuwkomers (WIN), Staatsblad 1998, N. 261 (Loi sur l'intégration
des nouveaux arrivants)
* 14 Nous utiliserons par la
suite plutôt l'expression « travailleur social »
comme terme générique pour désigner le professionnel de
service social, étant donné les différentes
dénominations qui existent en Europe.
* 15
www.bamf.de/template/integration/content_integration_migrationserstberatung.htm
* 16 BLANC-CHALEARD
Marie-Claude, Histoire de l'immigration, Paris, La Découverte,
2001, p. 9
* 17 WEIL Patrick, La
France et ses étrangers. L'aventure d'une politique de l'immigration de
1938 à nos jours, Paris, Calmann-Lévy, 1991, p. 423
* 18 SCHOR Ralph, Histoire
de l'immigration en France de la fin du XIXe siècle à nos
jours, Paris, Armand Colin, 1996, p. 58
* 19 L'ordonnance du 19 octobre
1945 définissant les conditions d'accès à la
nationalité française et l'ordonnance du 2 novembre 1945 relative
aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en
France
* 20 WEIL Patrick, op. cit., p.
80
* 21 FREEMAN Gary P. :
Immigrant Labour and Racial Conflict : The Role of the State,
in : OGDEN Philip E./WHITE Paul E. (eds) : Migrants in Modern France.
Population Mobility in the Later Nineteenth and Twentieth Centuries, London,
Unwin Hyman, 1988, pp. 160-176
* 22 Trente et unième
rapport sur la situation démographique de la France, INED, 2002
* 23 BADE Klaus J.,
Auswanderer, Einwanderer, Wanderarbeiter. Deutsche Erfahrungen in Geschichte
und Gegenwart, in : WINKLER Beate (éd.) : Zukunftsangst
Einwanderung, München, Beck, 1992, p. 22
* 24 HERBERT Ulrich,
Geschichte der Ausländerbeschäftigung in Deutschland 1888 bis
1980, Berlin/Bonn, Dietz, 1986, p. 57
* 25 BADE Klaus J., Un
siècle de migrations, Hommes et Migrations, N°1151-1152,
février-mars 1992, p. 7
* 26 Selon l'article 116 de la
Loi Fondamentale (Grundgesetz), les Allemands de souche dont les ancêtres
ont quitté le territoire germanophone il y a plusieurs siècles
possèdent de droit la nationalité allemande. Ils ont le droit de
s'installer sur le territoire de la RFA avec leurs conjoints et descendants. On
constate ici une conception ethnique de la nation, sur laquelle nous
reviendrons dans les pages suivantes.
* 27 On estime que 3,5 millions
d'Allemands de l'Est se sont installés en République
fédérale d'Allemagne avant la construction du mur de Berlin.
* 28 ANDRES Gerd,
Einwanderungsland Deutschland, Bisherige Ausländer- und Asylpolitik,
Lebenssituation der ausländischen Arbeitnehmer und ihrer Familien,
in : Forschungsinstitut der Friedrich-Ebert-Stiftung (éd.) :
Einwanderungsland Deutschland, Reihe « Gesprächskreis Arbeit und
Soziales », N° 14, Bonn, 1992, p. 24
* 29 MEIER-BRAUN Karl-Heinz,
Integration oder Rückkehr ? Zur Ausländerpolitik des Bundes
und der Länder, insbesondere Baden-Würtembergs, Mainz, 1988, p.
18
* 30 BADE Klaus-J.,
Ausländer, Aussiedler, Asyl, Eine Bestandsaufnahme, München,
Beck, 1994, p. 100
* 31 BADE Klaus-J., op. cit.,
p. 101: « Der dramatische, später wieder
rückläufige Stimmungsumbruch um die Wende der 1970er/80er Jahre trug
deutliche Züge des Wandels von einer Aufnahme- zu einer Art
Abwehrgesellschaft und erfasste schliesslich « die
Ausländer » schlechthin. »
* 32 MASSICARD Elise, Un
pays qui ne se veut pas d'immigration, Migrations Société
Vol. 11, n° 64-65, juillet-octobre 1999, pp.15-27
* 33 Zahlenwerk -
Ausländische Arbeitskräfte in der DDR am 31.12.1989, Forum
Migration n° 2/2005, DGB Bildungswerk
* 34 LUCASSEN Jan, PENNINX
Rinus, Nieuwkomers, nakomelingen, Nederlanders: immigranten in Nederland,
1550-1993, Amsterdam, 1995, pp. 31-32
* 35 COTTAAR A., LUCASSEN J.
& LUCASSEN L., Van over de grens. Gids voor lokaal historisch onderzoek
naar immigratie in Nederland, Utrecht, Nederlands Centrum voor
Volkscultuur , 1998, p. 38
* 36 Après l'annexion
par Napoléon, les Pays Bas retrouvent leur indépendance en 1813.
Le pays reste un État unitaire et ne retourne pas à l'ancien
système de provinces autonomes dirigées par des
« stathouder ». Le pouvoir est désormais
exercé par le gouvernement central du nouveau royaume.
* 37 PENNINX Rinus &
SCHROVER Marlou, Bastion of Bindmiddel ?, Organisaties van immigranten in
historisch perspectief, Amsterdam, IMES - Instituut voor Migratie- en
Etnische Studies, 2001, pp. 28-29
* 38 LUCASSEN Jan, PENNINX
Rinus, Nieuwkomers, nakomelingen, Nederlanders: immigranten in Nederland,
1550-1993, Amsterdam, 1995
* 39 BÖCKER Anita,
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Tolerant, liberal und offen?, in : Friso Wielenga, Ilona Taute
(éd.): Länderbericht Niederlande. Geschichte - Wirtschaft -
Gesellschaft, Bonn, 2004
* 40 PENNINX Rinus &
SCHROVER Marlou, Bastion of Bindmiddel ?, Organisaties van immigranten in
historisch perspectief, Amsterdam, IMES - Instituut voor Migratie- en
Etnische Studies, 2001, pp. 41-42
* 41 DOOMERNIK Jeroen, The
effectiveness of integration policies towards immigrants and their descendants
in France, Germany and the Netherlands, International Migration Papers,
no. 27, Genève, ILO, 1998, p. 59
* 42 Haut Conseil à
l'intégration, L'intégration à la
française, rapport à Monsieur le Premier ministre, 1993
* 43 BOUCHER Manuel, Les
théories de l'intégration. Entre universalisme et
différentialisme. Des débats sociologiques et politiques en
France : analyse de textes contemporains, L'Harmattan, 2000
* 44 BOUCHER Manuel, op. cit.,
p. 227
* 45 Acculturation :
résultat du contact direct et prolongé entre deux cultures
conduisant à une modification de certaines caractéristiques de
l'une au moins des cultures (J.-F. COUET et A. DAVIE, Dictionnaire de
l'essentiel en sociologie, Ed. Liris, Paris, 1999, p. 56)
* 46 BOUCHER Manuel, op. cit.,
p. 256
* 47 WIEVIORKA Michel,
Racisme, racialisation et ethnicisation en France, Hommes et
Migrations, n° 1195, février 1996, pp. 27-33
* 48 WIEVIORKA Michel, A
propos du modèle français d'intégration
républicaine, Migrants-Formation, n° 109, juin 1997, pp.
7-21
* 49 Séminaire
organisé par l'Institut Social Lille-Vauban dans le cadre du Master du
Travail Social en Europe, du 14 au 16 mars 2005
* 50 SAYAD Abdelmalek,
La double absence. Des illusions de l'émigré aux souffrances
de l'immigré, Paris, Seuil, 1999
* 51 PEIGNARD Emmanuel,
Immigration en France, Analyses et réflexions, Premier ministre
- service d'information du gouvernement, juillet 2001, en ligne sur
www.premier-ministre.gouv.fr
(rubrique Images de la France)
* 52 SCHULTE Axel,
Integrationspolitik in Europa, in : Migration und Arbeitswelt
N°6, actes du colloque « Jenseits des Tellerrandes? Europa! Die
Zuwanderungsdebatte im europäischen Kontext », Düsseldorf,
DGB Bildungswerk, juillet 2002, pp. 22-29
* 53 Selon Selim ABOU, la
langue, la religion, le passé historique, l'appartenance
régionale, le sentiment national sont des éléments qui
constituent l'identité ethnique d'un groupe. (ABOU Selim,
L'identité culturelle : relations interethniques et
problèmes d'acculturation, Paris, Anthropos, coll. Pluriel,
1981)
* 54 SCHULTE Axel,
Migration und Integration, in : Europathemen, Bundeszentrale
für politische Bildung, Bonn, 2004, en ligne sur www.bpb.de/themen
* 55 WEBER Eugen, La fin
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* 56 ROUSSEAU Jean-Jacques,
Du contrat social, écrits politiques, Paris, Gallimard, 1964,
chap. VI
* 57 RENAN Ernest, Qu'est
ce qu'une Nation ? et autres écrits politiques, Paris, Imprimerie
nationale, 1996
* 58 Haut Conseil à
l'intégration, Le contrat et l'intégration, rapport
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* 59 BERNDT Uwe, Das
strenge Gesicht von Frau Antje, DIE Zeitschrift, Deutsches Institut
für Erwachsenenbildung, octobre 2002, en ligne sur :
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* 60 WIEVIORKA Michel,
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* 61 DE RUDDER V. et al.,
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* 62 MENDOZA Michèle,
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* 63 Haut Conseil à
l'intégration, Le contrat et l'intégration, rapport
à Monsieur le Premier ministre, 2003
* 64 Site du Premier ministre,
Les chantiers, Assurer la cohésion sociale, La politique
d'intégration, 10/08/2004, en ligne sur :
www.premier-ministre.gouv.fr/chantiers
* 65 Art. L. 314-2 de
l'Ordonnance n° 2004-1248 du 24 novembre 2004 relative à la partie
législative du code de l'entrée et du séjour des
étrangers et du droit d'asile, J.O. n°274 du 25 novembre 2004 page
19924
* 66 THRÄNHARDT Dietrich,
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(éd.) : Netze und lose Fäden. Politische Bildung gegen
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* 67 Conseil de l'Europe,
Assemblée parlementaire, Migration et intégration : un
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10453, 7 février 2005
* 68 DUMASY Anne, Quelle
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janvier-février 2000, pp. 48-62
* 69 Migration und
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* 70 GEISS Bernd, Die
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ein Einwanderungsland? Rückblick, Bilanz und neue Fragen, Festschrift des
europäischen forums für migrationsstudien efms, Stuttgart, Lucius
& Lucius, 2001
* 71 Verordnung über die
Durchführung von Integrationskursen für Ausländer und
Spätaussiedler vom 13. Dezember 2004, BGBl. I S. 3370
* 72 Gesetz zur Steuerung und
Begrentzung der Zuwanderung und zur Regelung des Aufenthalts von
Unionsbürgern und Ausländern vom 30. Juli 2004, Bundesgesetzblatt
Jahrgang 2004 Teil 1 Nr. 41, Bonn, 5 août 2004, §§ 43-45
* 73 ibid, § 8 (3)
* 74 ibid, § 9
* 75 RIJKSCHROEFF R., DUYVENDAK
J.W., PELS T., Bronnenonderzoek Integratiebeleid, Onderzoek naar
maatschappelijke vraagstukken, Verwey-Jonker Instituut, Utrecht, 2003
* 76 BERNDT Uwe, Das
strenge Gesicht von Frau Antje, DIE Zeitschrift, Deutsches
Institut für Erwachsenenbildung, octobre 2002, en ligne sur :
www.diezeitschrift.de/42002/positionen1.htm
* 77 VERMEULEN Hans, PENNINX
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Spinhuis Publishers, 2000
* 78 Wet inburgering
nieuwkomers (WIN), Staatsblad 1998, N. 261 (Loi sur l'intégration
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* 79 Regioplan,
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WIN, Amsterdam, 2002, p. 95
* 80 KOOPMANS Ruud, Zachte
heelmeesters... Een vergelijking van de resultaten van het Nederlandse en
Duitse integratiebeleid en wat de WRR daaruit niet concludeert, in :
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* 81 Haut Conseil à
l'intégration, Les parcours d'intégration, rapport
à Monsieur le Premier ministre, 2001, p. 43
* 82 Prof. Dr. Rudolph Bauer,
Soziale Dienste und spezifische Zielgruppen, insb. Migrant/inn/en,
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Arbeitspapier Nr. 3, Frankfurt am Main, Dezember 2001
* 83 Prof. Dr. Rudolph Bauer,
op. cit., p.9
* 84 JOVELIN Emmanuel, TULLY
Evelyne, Social Protection and Social Work in France, in : ADAMS
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European Countries, Historical and political context, present theory, practice,
perspectives, Russell House Publishing, Dorset, 2000, pp. 37-48
* 85 MOUSSU Gérard,
in : CAMPANINI Annamaria, FROST Elizabeth (éd.), European Social
Work, Commonalities and Differences, Carocci, Rome, 2004, pp. 78-84
* 86 OEuvre caritative
d'obédience luthérienne
* 87 FRIESENHAHN G.J., EHLERT
G., in : CAMPANINI Annamaria, FROST Elizabeth (éd.), European
Social Work, Commonalities and Differences, Carocci, Rome, 2004, pp. 85-94
* 88 ERATH P., KLUG W., SING
H., Social Policy, Social Security and Social Work in Germany,
in : ADAMS A., ERATH P., SHARDLOW S. (éd.), Fundamentals of Social
Work in Selected European Countries, Historical and political context, present
theory, practice, perspectives, Russell House Publishing, Dorset, 2000, pp.
49-64
* 89 ERATH P., KLUG W., SING
H., op. cit., p. 60
* 90 Les grands oeuvres
caritatives sont au nombre de six et interviennent sur tout le territoire
national : Arbeiterwohlfahrt (issu du mouvement ouvrier), Caritas
(catholique), Diakonisches Werk (luthérien), Croix Rouge, DPW (un
regroupement d'associations laïques), Zentralverband der Juden (juif).
* 91 VAN DER LAAN Geert,
Social Work in the Netherlands, in : ADAMS A., ERATH P., SHARDLOW
S. (éd.), Fundamentals of Social Work in Selected European Countries,
Historical and political context, present theory, practice, perspectives,
Russell House Publishing, Dorset, 2000, pp. 83-102
* 92 FREITAS Maria José,
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* 93 DE GRAAF W., MAIER R., Le travail social
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in : VILBROD Alain (sous la dir. de), L'identité incertaine des
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* 94 BOUQUET Brigitte,
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* 95 BOUQUET Brigitte, op.
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service social : déontologie, secret professionnel, pratiques
professionnelles, définitions et usages, SSAE, janvier 2004
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* 98 LOCHAK Danièle,
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* 100 ROUX Suzanne, Action
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spécialisé, L'Harmattan, 2005, p. 61
* 101 ROUX Suzanne, op. cit.,
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* 102 ROUX Suzanne, op. cit.,
p. 61
* 103 HERZBERG F./ VORAZ C.,
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* 104 BERNE E., Des enjeux
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* 105 DEPINOY-BRUNEL D.,
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évoluer, Paris, ASH professionnels, 2004
* 106 BOUQUET Brigitte,
GARCETTE Christine, Assistante sociale aujourd'hui, Maloine, 1999, p.
147
* 107 DE GRAAF W., MAIER R.,
op. cit., p. 379
* * Les questionnaires ont
été conçus comme formulaires pour être
envoyés par email et pour être remplis et retournés
directement. Aussi, les contenus des menus déroulants avec les
réponses à choix multiples ne sont pas visibles sur la version
papier.
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