TABLE DES MATIERES
TABLE DES
MATIERES......................................................................
i
AVANT-
PROPOS...............................................................................v
REMERCIEMENTS............................................................................viii
INTRODUCTION
...............................................................................1
CHAPITRE 1
L'ETAT DE LA SITUATION DANS L'AIRE DU CAP-HAÏTIEN
..................12
1.1 GENERALITES
..................................................................13
1.1.1 Profil de la ville du cap
.............................................15
1.1.2 Importance au niveau religieux
...................................16
1.1.3 Etat de l'évolution des services de jeûne et
de prière ..........16
1.2 ORGANISATION DES SERVICES
.........................................17
1.2.1 Horaire et durée des services
......................................18
1.2.2 Lieu des services
....................................................19
1.2.3 Messages
..............................................................20
1.2.4 Profil de ces services
...............................................22
1.3 CARACTERISTIQUES DES ORGANISATEURS
........................24
1.3.1 Les ministres religieux
.............................................25
1.3.2 Les leaders laïcs
.....................................................26
1.3.3 Les groupes
...........................................................26
1.3.4 La tendance religieuse prédominante
.............................27
1.4 CARACTERISTIQUES DES
PARTICIPANTS.............................27
1.4.1 Statut social et groupe
d'age........................................28
1.4.2 Niveau
d'éducation..................................................29
1.4.3 Principaux buts de prière
exprimés..................................30
1.4.4 Attachement religieux des Participants
...........................31
CHAPITRE 2
LA POSITION DE LA BIBLE
PAR RAPPORT AU JEUNE ET A LA
PRIERE...........................................33
2.1 HISTORIQUE ET DIFFERENTS TYPES DE JEUNES ..............
35
2.1.1. Historique du
jeûne....................................................35
2.1.2. Les types de Jeûne dans l'Ancien
testament.......................37
2.2 LE JEUNE DANS L'ANCIEN
TESTAMENT...............................39
2.2.1 Le jeûne dans le Judaïsme
..........................................40
2.2.2 Des jeûnes personnels
et communautaires de l'Ancien testament ...
....................42
2.2.3 Le Yom Kippour ou le jour du grand
Pardon.....................43
2.3 LE JEUNE DANS LE NOUVEAU
TESTAMENT..........................45
2.3.1 Jésus Christ et le
jeûne...............................................46
2.3.2 Le Jeûne dans le
christianisme......................................47
2.3.3 Le Jeûne et les premiers chrétiens
................................48
2.4 LE JEUNE ET LA
PRIERE....................................................49
2.4.1 Le jeûne associé à la prière
........................................50
2.4.2 Le Bon usage du jeûne et de la
prière............................ 51
2.4.3 Le Mauvais usage du jeûne et de la prière
.......................52
CHAPITRE 3
LES CAUSES DE LA PROLIFERATION
DES SERVICES DE JEUNE ET DE
PRIERE............................................56
3.1 QUELQUES CROYANCES ET COMPORTEMENTS ..................
57
3.1.1 La superstition
......................................................... ....57
3.1.2 Le fatalisme
.................................................................58
3.1.3 La mésinterprétation de la
providence de Dieu.........................59
3.1.4 L'amour du paternalisme
..................................................61
3.1.5 Le goût de l'émigration
...................................................62
3.2 LES CAUSES
SOCIALES....................................................63
3.2.1 L'analphabétisme
.......................................................63
3.2.2 Le manque de confiance en
soi........................................64
3.2.3 La défaillance du système sanitaire
.................................65
3.2.4 Le manque d'intégration sociale de
l'église .........................65
3.3 LES CAUSES
ECONOMIQUES.............................................66
3.3.1 La crise
économique.....................................................67
3.3.2 La hausse du coût de la vie
.............................................67
3.3.3 Le chômage
..............................................................68
CHAPITRE 4
LES CONSEQUENCES DE LA PROLIFERATION
DES SERVICES DE JEUNE ET DE
PRIERE.............................................69
4.1 LES CONSEQUENCES
POLITIQUES.......................................71
4.1.1 Déficit de citoyennté chez les croyants...
............................71
4.1.2 Déficit de moralité
politique.................. ..........................73
4.1.3 Une vie marginalisée...........................
..........................74
4.2 LES CONSEQUENCES
ECONOMIQUES...................................75
4.2.1 La pauvreté
................................................................77
4.2.2 La dépendance
.............................................................78
4.2.3 L'incapacité des chrétiens de prendre des
initiatives privées ......78
4.2.4 L'incapacité des chrétiens à
être des agent de développement ....79
4.3 LES CONSEQUENCES
SOCIALES...........................................80
4.3.1
L'oisiveté..................................................................81
4.3.2 L'émigration de la
population..........................................82
4.3.3 La passivité
...............................................................83
4.3.4 Le
sous-développement..................................................84
CHAPITRE 5
VERS UNE COMMUNAUTE CHRETIENNE
CONSCIENTE À LA FOIS DES BESOINS
SPIRITUELS ET
TEMPORELS...................................................................................
86
5.1 LES BESOINS SPIRITUELS
..................................................87
5.1.1 La croissance spirituelle..
..........................................89
5.1.2 La
foi.............................................................. ....90
5.1.3 La consécration au service de Dieu
...............................90
5.1.4 La
sanctification.................................................... 92
5.1.5 La communion avec
Dieu...........................................93
5.2 LES BESOINS TEMPORELS
................................................94
5.2.1 Les besoins
économiques............................................96
5.2.2 Le développement personnel du chrétien
.........................97
5.2.3 Les besoins sociaux
................................................. 98
5.2.4 Les besoins politiques
............................................100
5.3 LA VOIE DU RENOUVEAU DE L'ÉGLISE
ET DE LA SOCIÉTÉ HAÏTIENNE
..............................................101
5.3.1 Le changement de mentalité
......................................103
5.3.2 Le vrai Jeûne et la vraie prière
...................................103
5.3.3 La promotion du
Travail..........................................105
5.3.4 L'intégration sociale de
l'église..................................106
CONCLUSION
...............................................................................108
BIBLIOGRAPHIE..........................................................................113
ANNEXES......................................................................................
I
AVANT- PROPOS
En traitant ce thème, nous n'avons pas eu l'intention
de nous opposer à la pratique du jeûne et de la prière par
les Chrétiens du Cap-Haïtien, encore moins d'accorder la
priorité à l'engagement social des chrétiens sur leur
détermination de rester en communion constante avec Dieu. Au contraire,
nous partageons sans réserve la déclaration de Jésus
Christ faite dans l'évangile de Matthieu selon laquelle il faut chercher
premièrement le Royaume de Dieu et sa Justice, et toutes les autres
choses vous seront données par surcroît (Matt. 6:33).
Notre ultime souhait est celui de voir les chrétiens
d'Haïti parvenir un jour à faire un meilleur usage du jeûne
et de la prière. Nous savons pertinemment qu'aucun être humain ne
pourra atteindre des buts positifs sans être en relation constante avec
Dieu. Nous sommes également convainçus que la prière et le
jeûne sont les plus sûrs moyens pour arriver à cette fin.
Les Chrétiens et tous ceux qui ont «Jéhovah » pour
Dieu doivent mener une vie de prière, et au besoin, ils doivent associer
le jeûne à la prière. Mais il est tout aussi important de
souligner que le jeûne et la prière en dehors de la volonté
de Dieu pourraient occasionner plus de mal que de bien. Les services de
jeûne et de prière ne devraient pas être organisés
dans le but de forcer Dieu à répondre à des requêtes
charnelles et égoïstes, ils ne devraient pas non plus isoler les
Chrétiens ou les dispenser de leurs responsabilités
citoyennes.
Ce travail vise à porter les dirigeants des
différentes congrégations chrétiennes et les responsables
des services de jeûne et de prière du Cap-Haitien et d'Haïti
tout entière à repenser leur stratégie de lutte contre la
misère, le chômage, la maladie, la pauvreté, la
superstition, etc. Autant de maux qui tracassent les chrétiens
haïtiens et qui expliquent, dans une large mesure, la prolifération
des services de jeûne et de prière dans la ville du
Cap-Haïtien. Sans vouloir être méchants vis-à-vis du
Jeûne et de la prière, nous constatons que les Chrétiens
haïtiens prient et jeûnent de plus en plus, alors que
paradoxalement, ils deviennent de plus en plus pauvres. Le fait est que, ce
n'est pas parce que ce moyen est inefficace, mais plutôt parce qu'ils
jeûnent et prient mal dans le but de satisfaire des mauvaises intentions,
comme l'a dit implicitement l'apôtre Jacques (Jacques 4:3). Parfois
aussi, ils jeûnent et prient pour des choses que, tout naturellement,
Dieu a déjà mises à leur disposition. Il leur aurait suffi
seulement de déployer leur intelligence et ils pourraient ainsi se
procurer les choses désirées, sans avoir besoin de l'intervention
expresse de l'être suprême. Pour survivre sur cette terre, tout
naturellement, l'homme doit travailler, s'il ne le fait pas, qu'il ne mange
pas non plus selon l'Apôtre Paul ( 2 Thess. 3 : 10). Dieu
déteste la paresse, l'oisiveté et la passivité ;
c'est pourquoi il a créé l'homme à son image et à
sa ressemblance de sorte qu'il soit un être dynamique et intelligent. Il
a créé l'homme avec la capacité de dominer le monde et
tout ce qu'il renferme.
Les Chrétiens haïtiens sont des fils et des filles
de Dieu ( Jean 1 : 12). Ils doivent tout mettre en oeuvre en vue de
transformer les situations désobligeantes que sont en train de vivre une
grande partie de frères et de soeurs chrétiens haitiens. Devant
la misère, le sous-développement, la maladie, l'exploitation,
l'Eglise haïtienne doit dire un mot. Le meilleur comportement à
afficher par cette église, ce n'est pas de dire que « le mond
se pa lakay nan syèl ma pralé », mais elle doit passer
à l'action pour le bien de ses membres et de la communauté
haitienne tout entière. L'église haïtienne doit enfin
encourager ses membres à, d'abord, chercher la présence de Dieu
et, ensuite, le pain. Comme tout homme, le chrétien haïtien est
formé du corps et de l'esprit ; il ne vit pas de pain seulement
certes, mais il ne peut non plus vivre sans le pain.
Nous espérons vivement que ce travail pourra aider
chacun de nos frères et soeurs chrétiens du Cap et d'Haïti,
de toutes les tendances doctrinales, à prendre conscience du rôle
important qu'ils ont à jouer au développement de la
communauté où le créateur les a placés. Que ce
travail leur aide à faire une bonne application du jeûne et de la
prière, conformément à l'esprit et à la lettre de
la Bible, la parole révélatrice du Dieu de Jacob, d'Isaac et
d'Abraham. nous souhaitons qu'un jour, les Chrétiens de tous les
horizons du Cap-Haitien et d'Haiti se serviront des services de jeûne et
de prière, non pas pour demander à Dieu de faire tomber du ciel
de la manne, mais pour lui demander la direction, la force et l'intelligence
nécessaire afin de pouvoir être effectivement le sel et la
lumière d'Haiti.
REMERCIEMENTS
La Réalisation de ce Mémoire a
bénéficié de l'appui et du support de plusieurs personnes
et institutions. Qu'elles soient, par ces lignes, remerciées.
Remerciements d'abord à Dieu qui m'a donné du
courage et de l'intelligence pour réaliser ce Travail, étape
indispensable pour l'obtention du grade de Licencié en
Théologie.
Ensuite, mes remerciements vont à :
· Monsieur Romanne Présumé, mon professeur
de Méthodologie, qui a dirigé ce travail, pour son soutien et ses
conseils ;
· Monsieur Jules Casséus, Recteur de l'UCNH, pour
son cours d'Eglise et Société d'où j'ai tiré mon
sujet de recherche ;
· Tous mes professeurs des cinq années
d'études à la Faculté de Théologie de
L'UCNH ;
· Aux Responsables d'églises catholiques
protestantes et adventistes du septième, aux responsables des services
de jeûne et de prière de la ville du Cap-Haïtien et aux
différents participants à ses services qui ont aimablement
accepté de répondre, sans aucune arrière pensée,
à mes questions.
· Mes collègues de promotion ( ETDI :
1999-2004 ) ;
· Toute la congrégation de l'église
Baptiste Redford ;
· Mes employeurs, respectivement la Secrétairerie
d'État à la Jeunessee, aux Sports et à l'Éducation
Civique (SEJSEC) et le Plan International, sans eux je ne pourrais pas trouver
les moyens financiers nécessaires pour payer les cinq années
d'études et couvrir les frais de ce Travail ;
De plus, je suis infiniment reconnaissant aux
personnes dont la bienveillance à mon égard, tant en termes
d'apport que de support, s'est avérée
prépondérante: Hérold Gabriel, Charitable Ambroise,
Michelet Petit-Homme, Emmanuel Cherfils, Guériney Jaclin,
Borromée Laguerre, Doudou Abdonel, David Olivier, Werley Saintilien,
les Soeurs Jeannine Joliné Compère, Paul Dorcély, Dieula,
etc.
Enfin, je ne saurais terminer, sans saluer la confiance et
l'affection, constante et déterminante, de mon incomparable mère
Madame Suzie Prédestin, ma tendre femme Miss Geneviève Bertrand,
mes deux chers enfants Christine et Jean Markenley Prédestin.
00.- INTRODUCTION
A partir des années 90, la ville du Cap-Haïtien et
ses environs ont vu la prolifération sans précédent des
services de jeûne et de prière. Ces services organisés
à l'intérieur comme à l'extérieur des temples, sont
menés aussi bien par des ministres religieux, des groupes religieux que
des leaders laïcs. On les a baptisés de réunion de
prière, de veillée, de jeûne, de cri de minuit, de cri de
midi, etc. Ils n'ont pas un horaire fixe, ils durent entre une heure et six
heures et se tiennent tous les jours de la semaine. La multiplication de ces
services est constatée parmi presque toutes les couches religieuses:
les Protestants, les Adventistes du septième jour et même les
Catholiques romains.
Alors qu'on assiste au foisonnement de ces services dans tous
les coins et les recoins de la ville, il n'est pas évident que la vie
socio-économique des fidèles se soit améliorée, ni
même leur relation avec Dieu. C'est avec raison que le docteur
Casséus Jules, parlant de l'église haïtienne, pense que
celle-ci a un faible impact sur la société haïtienne :
étant mal partie, croit-il, elle n'a pas rempli sa mission. Il parle
aussi d'un inconscient collectif haïtien qui n'est pas encore conquis par
le dynamisme de l'évangile. Il poursuit pour annoncer que tout cela
explique que l'évangile a été et continue à
être mal communiqué à l'Haïtien. L'évangile est
mal compris, mal vécu et comme résultat, l'église
haïtienne manque de vision, de dynamisme et n'a pas rempli de façon
effective la mission de réconciliation et de service qui est
assignée à l'Eglise visible-invisible de Jésus-Christ dans
un contexte social donné1(*). D'autres théologiens haïtiens posent
également le problème de l'inefficacité de l'église
haïtienne à contribuer à l'amélioration effective des
conditions socio-économiques du chrétien haïtien. Ainsi, le
révérend Joël D. Alexandre pense que la
responsabilité chrétienne impose aux Chrétiens de ne pas
être les derniers à s'engager là où se
décide l'avenir de la communauté nationale. Pour lui, ce serait
une grave trahison de la part de la communauté chrétienne de ne
pas se mettre en présence de la décision extrêmement
importante de changer les structures qui ont des conséquences
économiques, sociales et politiques néfastes sur la
société2(*).
On observe que la majorité de ces services sont
organisés non pas dans le but principal de rapprocher les participants
de Dieu, mais plutôt dans l'optique de résoudre les
différents problèmes socio-économiques de ces
participants. Les requêtes de prière qui prévalent à
l'intérieur de ces services concernent généralement :
le besoin de travailler, de trouver un visa, de trouver la guérison, de
contracter un mariage, etc. Certains organisateurs de ces services sont
allés même jusqu'à faire croire aux fidèles que pour
celui qui s'en remet à Dieu, il n'est pas nécessaire de consentir
d'efforts personnels pour les choses matérielles, le mieux serait
d'abandonner tout entre les mains de Dieu dans les services de jeûnes et
de prière. Ainsi, ils font une très mauvaise
interprétation des paroles de la bible trouvées dans la
première lettre aux Thessaloniques, chapitre cinq et le verset 17, selon
lesquelles il faut prier sans cesse. Pour demeurer dans la prière, on
n'a pas besoin de fréquenter spécifiquement un service de
prière. Partout où l'on est, on peut se mettre à la
prière : au travail, au bureau, au marché, etc. Cette
conception d'abandonner tout dans la prière et le jeûne tend
à désengager les chrétiens de leur responsabilité
vis-à-vis de soi et de leur communauté. C'est vraiment à
tort que certains de ces responsables de service de jeûne et de
prière encouragent les chrétiens à abandonner tout
à la providence. Ce comportement est une dérive résultant
d'une incompréhension de la parole de Dieu. Le fait de prier sans cesse
ne veut pas dire qu'il faut passer tout son temps dans des services de
jeûne et de prière, sans faire d'efforts, sans accomplir aucun
acte de développement personnel. La bible nous dit non seulement de
demander, de frapper, mais aussi de chercher, car le fait de chercher implique
l'idée d'action humaine. Donc, il ne suffit pas seulement de demander
afin de trouver, ni de frapper afin qu'on vous ouvre, mais aussi il faut
chercher afin de trouver ( Luc 11: 9 et Matthieu 7:7). La plupart des
organisateurs de ces services ne font aucun effort pour aider les croyants
à s'épanouir dans la société, à prendre des
initiatives visant à améliorer leur condition d'existence.
Autrement dit, le but visé par les organisateurs de ces
services de jeûne n'est pas la meilleure approche pour
l'amélioration des conditions de vie et pour l'acquisition du
bien-être tant matériel que spirituel qu'ils font espérer
aux participants. Nous savons très bien que le Dieu des chrétiens
est un Dieu dynamique qui n'encourage pas l'oisiveté ( Matt. 25 :
24, 30 ). Excepté dans des conditions très exceptionnelles
où Dieu a donné à manger aux gens sans qu'ils aient
besoin de travailler (Ex. 16 : 11-16). Il a toujours encouragé le
travail comme voie de satisfaction de nos besoins socio-économiques
(Rom.4 : 4, 2 Thess. 3 :10, Luc 10 :7). Si le salut est une
grâce, mais pour vivre sur cette terre, pour subvenir à ses
différents besoins, il faut travailler, le Dieu créateur du ciel
et de la terre est un Dieu travailleur (Gen. 2 : 2). Nous partageons sans
réserve le développement suivant fait par les lettres
encycliques de l'église catholique sur le rôle du
travail :
Le rôle du travail humain
est un facteur toujours plus important pour la production des richesses
immatérielles et matérielles; En outre, il paraît
évident que le travail d'un homme s'imbrique naturellement dans celui
d'autres hommes. Plus que jamais aujourd'hui, travailler, c'est travailler avec
les autres et travailler pour les autres: c'est faire quelque chose pour
quelqu'un. Le travail est d'autant plus fécond et productif que l'homme
est plus capable de connaître les ressources productives de la terre et
de percevoir quels sont les besoins profonds de l'autre pour qui le travail est
fourni. En effet, " Dieu faisait l'Homme avec la poussière de la terre
et créa pour lui et pour sa descendance, ce monde si bel, pour qu'il le
travaille et en soit le gardien. Il est alors possible d'affirmer, ce qui est
absolument fondamental, que le travail appartient à la vocation de toute
personne ; l'homme s'exprime donc et se réalise dans son activité
laborieuse3(*).
Le travail est ainsi source de fierté et
d'épanouissement pour chaque être humain :
Il est un bien pour l'homme, car grâce
à lui, l'homme transforme la nature en l'adaptant à ses propres
besoins. L'homme doit travailler parce que le Créateur le lui a
ordonné, et aussi du fait de son humanité même dont la
subsistance et le développement exigent le travail. L'homme doit
travailler par égard pour le prochain, spécialement pour sa
famille, mais aussi pour la société à laquelle il
appartient, pour la nation dont il est fils ou fille, pour toute la famille
humaine dont il est membre, étant héritier du travail des
générations qui l'ont précédé et en
même temps co-artisan de l'avenir de ceux qui viendront après lui
dans la suite de l'histoire. Tout cela constitue l'obligation morale du travail
entendue en son sens le plus large. Lorsqu'il faudra considérer les
droits moraux de chaque homme par rapport au travail, droits correspondants
à cette obligation, on devra avoir toujours devant les yeux ce cercle
entier de points de référence dans lequel prend place le travail
de chaque sujet au travail4(*).
Il n'est pas question pour un chrétien d'être
inactif et d'attendre la manne du ciel. L'un des pires défauts du
chrétien haïtien, c'est le fait d'être dominé, pour
répéter le terme du docteur Casséus Jules, par le
Providentialisme et le Bondye bon5(*). Le mieux à faire, ce n'est pas d'organiser des
services de jeûne et de prière ça et là et
constamment dans le but de demander à Dieu du travail, de la
guérison, un mariage, un visa, etc., mais les communautés
chrétiennes doivent s'organiser de telles sortes qu'elles permettent aux
croyants d'être dynamiques dans la société. Et ainsi avec
l'aide de Dieu, ils pourront réaliser de grandes choses en mettant en
oeuvre les potentialités et l'intelligence que Dieu a mises en eux.
Notre préoccupation principale, en réalisant ce
travail, est de savoir si les services de jeûne et de prière
organisés dans la ville du Cap-Haïtien peuvent aider ceux qui les
fréquentent à résoudre les problèmes
socio-économiques auxquels ils sont confrontés ?
Pour bien cerner ce problème, nous nous posons
également les questions suivantes: Quelles sont les causes de la
prolifération des services de jeûne et de prière dans le
milieu chrétien capois? Quelles mesures les leaders
ecclésiastiques doivent-ils prendre en vue de favoriser
l'épanouissement socio-économique des croyants ? Comment
faut-il appliquer de telles mesures?
L'objectif général de ce travail est, d'une
part, de présenter une analyse des causes et des conséquences
identifiables de la prolifération des services de jeûne et de
prière dans le milieu chrétien capois à partir de
l'année 1990; et d'autre part, de proposer aux responsables
d'églises, aux organisateurs et participants des services des pistes de
solution conformes à l'esprit biblique en vue de favoriser
l'épanouissement socio-économique des chrétiens
haïtiens et de la communauté haïtienne tout entière.
En termes d'objectifs particuliers, nous nous
proposons :
· D'exposer l'état de la situation dans la ville
du Cap-Haïtien en ce qui a trait à l'organisation de ces
services ;
· D'informer les chrétiens de la position de la
bible par rapport au jeûne et à la prière ;
· D'analyser les causes de la prolifération des
services de jeûne et de prière ainsi que les effets
négatifs de ce phénomène quant au développement
socio-économique des croyants ;
· D'inciter les responsables de l'église
haïtienne à tenir compte à la fois des besoins spirituels et
temporels du chrétien haïtien dans le cadre de leur
ministère.
Nous lisons dans le livre de la genèse au chapitre
cinquième et le verset premier, que Dieu créa l'homme à sa
ressemblance. Cette ressemblance, il faut le préciser, ne concerne pas
l'aspect physique, car Dieu en tant qu'esprit, n'a pas de corps, il s'agit
d'une ressemblance spirituelle (Jean 4: 24). Cela veut dire que, de même
que Dieu est un être Dynamique et Intelligent, il a créé
l'homme pour que celui-ci soit aussi dynamique et intelligent. Dieu a
créé l'homme pour qu'il exerce une influence positive sur son
milieu, à cause de sa ressemblance avec Dieu (Genèse 1 :
28). Le docteur Casséus en ce sens a fait remarquer que :
« tout homme est créé à l'image de Dieu et doit
affronter la vie avec optimisme. L'on doit travailler sérieusement pour
améliorer son monde6(*)». Pour créer l'univers et tout ce qu'il
renferme, Dieu a beaucoup travaillé. Or, si l'homme est crée
à la ressemblance de Dieu, il ne doit pas s'attendre à tout
recevoir dans la voie de la facilité. Car il est écrit que
l'homme doit manger à la sueur de son front (Genèse 3:17). C'est
là même une désobéissance que de vouloir tout avoir
avec facilité, sans le moindre effort. Dieu promet certes la vie
abondante à son peuple, mais c'est en travaillant, il n'encourage point
la paresse.
Contrairement à ce qui devrait être, certains
leaders ecclésiastiques et responsables des services de jeûne et
de prière dans la ville du Cap-Haïtien semblent ne pas comprendre
que l'homme en général et le peuple de Dieu en particulier est
créé pour assujettir la terre, selon Genèse 1:28. Dieu a
confié à l'homme la mission de dominer sur toutes les choses de
la terre. En faisant un mauvais usage de la prière, ils pensent que le
seul fait de passer tout leur temps à prier et à jeûner
suffit pour leur apporter des solutions à tous les problèmes
auxquels ils font face.
De ce fait, nous estimons qu'il est tout à fait urgent
de souligner à l'attention de ces leaders en particulier et de la
communauté chrétienne en général que, pour la
satisfaction des besoins socio-économiques, il ne suffit pas pour
quelqu'un de passer toute sa vie à prier et à jeûner. Les
croyants doivent exploiter les potentialités intellectuelles que Dieu a
mises en eux. Dieu n'a pas l'intention de faire de nous des receveurs de manne,
loin de là, Dieu au contraire veut que nous travaillions pour satisfaire
nos besoins et ceux de notre communauté. « Tout homme est
appelé à faire valoir ce qu'il a reçu de Dieu avec le don
de la vie, nous dit le révérend Joël D.
Alexandre ». Il poursuit pour nous dire que « tout homme
est mis devant une décision qui engage sa responsabilité devant
Dieu. Si l'homme doit pouvoir travailler, c'est que Dieu lui offre, dans le
travail, l'occasion de le glorifier, la possibilité de le servir et en
le servant, l'occasion de servir ses frères, d'être utiles
à d'autres7(*) ».
D'un autre côté, le docteur Casséus pense
que « la condition socio-économique précaire
de notre pays porte beaucoup de chrétiens à se comporter comme
des disciples de pain, de manne. Comme résultat, l'église
haïtienne devient une église marginale qui n'est pas en mesure
d'exercer son rôle véritable de sel et de lumière8(*) ». Pour ainsi
dire, le chrétien ne doit pas rester à attendre que les autres
fassent quelque chose pour améliorer sa vie, il doit au contraire passer
à l'action, il doit se soucier plus à donner qu'à
recevoir, selon Actes 20: 35. C'est en s'appuyant sur ces paroles de la bible
qu'Ellen G White, citée par Léo R. Van Dolson, avance que le but
de nos préoccupations ne devrait pas être de savoir ce que nous
devons recevoir, mais ce que nous pouvons donner9(*).
En traitant ce thème, nous voulons conscientiser tous
ceux que la question intéresse dans l'aire du Cap-Haïtien et
à travers toute Haïti, que la satisfaction des différents
besoins socio-économiques de nos croyants ne sera effective qu'en
combinant la prière au travail. Il faut une meilleure
interprétation des passages de la Bible concernant le jeûne et la
prière. Dieu ne nous demande pas de passer tout notre temps à
fréquenter des services de jeûne et de prière, il veut que
nous soyons de rudes travailleurs. Nous devons être dynamiques et
intelligents. Nous devons, en tant que croyants, accomplir des actions
concrètes. Les croyants doivent être encouragés à
apprendre un métier, à prendre des initiatives personnelles
visant à améliorer leur condition de vie. Nous voulons porter les
leaders ecclésiastiques, les organisateurs de services de jeûne et
de prière, de la ville du Cap-Haïtien et d'Haïti à
travailler à ce qu'il y ait une église intégrée
dans la société capoise, remplissant favorablement son rôle
de sel et de lumière dans sa communauté. Une église qui
fait un bon usage du jeûne et de la prière, une église qui
prie et agit pour son bien-être spirituel et social.1(*)0
Nos grilles d'analyse s'articulent autour de la
vérification des hypothèses suivantes :
· La multiplication exagérée des services
de jeûne et de prière dans le milieu chrétien capois
encourage la paresse chez les participants et les empêche de prendre des
initiatives personnelles en vue de leur épanouissement
socio-économique.
· Les messages délivrés à
l'intérieur des services de jeûne et de prière dans le
milieu Chrétien capois empêchent aux participants de s'engager
dans la vie socio-politique haïtienne.
· Une église qui prie et qui agit favorisera non
seulement l'amélioration des conditions de vie des Chrétiens
haïtiens, mais également contribuera au développement
socio-économique de la société haïtienne.
Pour la vérification des hypothèses
émises dans ce travail, nous avons effectué une enquête
dans l'aire du Cap-Haïtien, le centre de la ville du Cap et ses trois
sections communales, en vue de faire le recensement1(*)1 des services de jeûne
et de prière, de constater leur évolution à partir de 1990
et de nous enquérir des objectifs pour lesquels les croyants viennent
participer à ces services. Pour cette enquête, nous avons
procédé de différentes manières: observation
dissimulée, questionnaire, entrevue dirigée1(*)2 avec les participants et les
responsables de ces services. Pour récolter des informations relatives
au nombre total de services de jeûne et de prière existant dans
la ville du Cap-Haïtien, la technique dite « boule de
neige1(*)3 » a
été utilisée. C'est à dire, pour chaque responsable
de service rencontré, il lui était demandé d'identifier
d'autres responsables ou d'autres services de jeûne et de prière
qu'il connaît. Ce processus a été suivi de novembre
à décembre 2003.
Nous avons consulté des personnalités qui n'ont
pas publié de livres certes, mais qui acquièrent une très
grande expérience sur le thème que nous abordons. Nous avons
consulté des auteurs qui ont abordé ce thème d'une
façon ou d'une autre avant nous, cela nous permet de constater ce qui
est déjà dit, l'analyser, le critiquer, en vue de mieux orienter
le travail. Nous avons aussi puisé des notes et explications de cours
dispensés par les professeurs à la faculté de
théologie de l'Université Chrétienne du Nord D'Haïti,
plus particulièrement celles des cours d'Eglise et Société
et de Culte de l'Eglise. Pour notre recherche documentaire, nous avons
utilisé diverses sources : Les bibliothèques de la place,
des ouvrages personnels, ceux des amis et camarades de promotion, des
périodiques, des journaux, l'Internet, etc.
Ce travail est réalisé en cinq chapitres. Le
premier chapitre expose l'état de la situation dans la ville du
Cap-Haïtien. Il porte sur des considérations d'ordre
général relatives au profil de la ville du Cap-Haïtien,
à l'organisations des services de jeûne et de prière tenus
dans la ville, aux caractéristiques des organisateurs et participants.
Le deuxième chapitre expose la position de la Bible par rapport au
jeûne et à la prière. Après un survol historique,
nous considérons également le jeûne respectivement selon
l'ancien testament et le nouveau testament. Dans le troisième chapitre,
nous faisons une analyse des causes identifiables de la prolifération
des services de jeûne et de prière dans la ville du
Cap-Haïtien, en mettant l'accent sur certaines croyances et certains
comportements des chrétiens, ainsi que des causes sociales et des causes
économiques du phénomène. Ensuite, le quatrième
chapitre traite des conséquences néfastes de la
prolifération de ces services sur l'église
particulièrement et, sur la ville du Cap-Haïtien en
général. Ce sont des conséquences politiques,
économiques et sociales.
Et enfin, le cinquième chapitre fait des propositions
aux responsables de l'église haïtienne comme institution regroupant
les chrétiens de toutes les tendances du christianisme, aux
différents leaders et à chaque chrétien en vue d'oeuvrer
pour une société haïtienne où les besoins spirituels
et matériels seront pris en compte. Nous démontrons que l'Eglise
a une responsabilité dans le processus de développement de la
société haïtienne, elle n`est pas là seulement pour
montrer la voie du ciel, elle doit en tout temps et en tout sens remplir sa
mission de sel et de lumière dans la société où
Dieu l'a placée.
CHAPITRE 1
L'ETAT DE LA SITUATION DANS L'AIRE DU
CAP-HAITIEN
Nous avons limité ce travail au niveau du
Cap-Haïtien à cause non seulement de son importance au niveau
religieux, de sa position économique stratégique au niveau de la
république d'Haïti, mais aussi et surtout en fonction de certaines
connaissances que nous avons de ce milieu. Nous avons vécu toute notre
existence dans cette ville et nous croyons sincèrement qu'il nous est
plus facile de mieux aborder le problème de la prolifération des
services de jeûne et de prière en choisissant une ville où
nous avons fait nos premières expériences chrétiennes.
Dans ce chapitre, nous faisons une présentation de
certains aspects essentiels relatifs à la ville du Cap-Haïtien en
tant que champs de notre travail de recherche. Nous y considérons le
profil du Cap-Haïtien tant sur le plan historique, géographique,
économique que religieuse.
Ce chapitre fournit surtout des informations sur l'état
de la situation des services de jeûne et de prière dans l'aire du
Cap-Haïtien. A travers l'enquête menée sur le terrain, nous
avons pu déterminer, d'une part, la quantité totale de ces
services et leurs caractéristiques et d'autre part, les
caractéristiques des organisateurs et des participants. Etant
donné que la réalité de la ville du Cap-Haïtien
à tous les niveaux de la sphère sociale est très peu
différente de celle du reste du pays, nous pouvons arriver à la
conclusion que les faits observés lors de nos investigations sont aussi
réels dans le cas d'Haiti en générale.
Les informations qui nous permettent de vérifier deux
aspects importants de notre travail de recherche sont fournis à
l'intérieur de ce chapitre, nous voulons parler notamment du
foisonnement des services de jeûne et de prière et les principaux
buts de prière exprimés dans ces services. De 1990 à ce
jour, les services de jeûne se sont beaucoup multipliés et les
gens, en proie aux problèmes socio-économiques sans cesse
croissants, expriment de plus en plus des buts de prière relatifs
à la guérison, à la recherche de travail, la demande de
visa d'immigration dans un pays occidental, etc.
1.1 GENERALITES
Le Cap-Haïtien est situé au nord de la
république d'Haïti, c'est la deuxième ville du pays1(*)4. La ville du Cap-Haïtien
est considérée comme l'une des principaux centres d'attraction du
pays à cause de ses diverses activités économiques telles
que les usines, le tourisme, les ports ouverts aux commerces extérieurs
et intérieurs. Ainsi, la ville reçoit des gens venant non
seulement des 18 autres communes du département du Nord dont elle est le
chef- lieu, mais également des gens du Nord-Est, du plateau central et
même de l'Artibonite et du Nord-Ouest. Comme conséquence, le
Cap-Haïtien qui faisait autrefois la fierté des gens du grand Nord
avec sa tracée géométrique qui ne manquait pas de charme,
ses rues étroites et propres est aujourd'hui une ville
dégoûtante, rongée par le développement
inquiétant et déstructurant des bidonvilles.
Le Paris de Saint-Domingue est devenu, de l'avis de plus d'un,
la deuxième ville la plus honteuse d'Haïti après
Port-au-Prince. La revue Haïti Presse Network a fait le constat suivant
concernant la ville du Cap-Haïtien :
Les rues du Cap, jadis étroites et propres,
quadrillaient le charme architectural de la ville. Mais la restauration souvent
arbitraire des façades de la cité, sans aucun respect de
l'architecture coloniale typique, la dégradation des chaussées et
des canalisations, relèvent de l'indécence. Les projets de
protection et de conservation, longtemps prônés par l'Institut de
Sauvegarde du Patrimoine National (ISPAN) ne semblent guère avancer.
Dans ces conditions, la métropole septentrionale pourra difficilement
être classée au registre des patrimoines mondiaux.1(*)5
Cela nous montre à quel point la structure
physique de la citée christophienne est détériorée
par rapport à ce qu'elle représentait en terme de
beauté.
D'un autre côté, Daniel Elie dans son article
« Le Cap-Haïtien : Evolution Structurelle et Images
Urbaines », paru dans la revue Chemins Critiques, a fait remarquer
que la transformation du Cap-Haïtien est due à des migrants ruraux
entamés timidement dans les années 70 et s'est brutalement
accélérée avec la chute des Duvalier en 1986. Il ajoute
que, de 1978 à 1988, la ville a profondément changé
d'aspect et l'appropriation par des secteurs dits informels de la
quasi-totalité de la ville, la transformation du tissu urbain
historique, l'inadéquation et la carence de l'infrastructure et enfin la
surpopulation en sont les caractéristiques les plus immédiatement
palpables1(*)6.
Donc, il convient dans cette partie de faire le point sur la
ville du Cap-Haïtien en mettant l'accent particulièrement sur son
profil historique, son importance sur les plans géographique,
administratif et religieux.
1.1.1.- Profil de la ville du
Cap-Haïtien
La renommée et l'attrait du Cap-Haïtien ont
traversé toute l'histoire d'Haïti. Fondé en 1670, le
Cap-Haïtien est remarquable par son histoire, riche, depuis plus de 333
années1(*)7. La
grande fierté des capois, l'originalité culturelle et
l'architecture de la ville sont devenues proverbiales. La région
représente depuis longtemps le principal attrait touristique du pays. La
route du Cap était un passage obligé pour les nombreux touristes
qui sillonnaient le pays dans les années 80. Un pôle d'attraction
renforcé par le charme " sablé " de nombreuses plages du littoral
atlantique, par la proximité de la commune de Milot où se
dressent encore les vestiges du Palais Sans-Souci, de la Citadelle Henri
Christophe et bien d'autres sites historiques du département du Nord.
La ville ne s'appelait pas toujours Cap-Haïtien, elle
portait le nom, dans la période pionnière, de petite bougarde du
Bas-du-Cap1(*)8, de
Cap-Français1(*)9
durant la colonie et de Cap-Henry2(*)0 sous le règne d'Henri Christophe. Le Cap a
connu aussi un passé d'ancienne capitale de Saint-Domingue. Au niveau
géographique, le Cap-Haïtien est situé dans le Nord du pays,
elle est localisée dans le golfe du Cap à 19 : 45 : 00
Latitude Nord et 72 : 11 : 00 longitudes Ouest2(*)1. En terme de poids
démographique, le Cap-Haïtien est parmi les villes les plus
peuplées et compte à peu près 800,000 habitants. Un
chiffre qui, selon une étude de Oxfam, semble ne pas tenir compte de
l'expansion de la ville vers ses trois sections communales (Haut du Cap au sud,
Petite Anse au sud-est et bande du Nord à l'ouest).2(*)2 Au niveau culturel, les
capois sont surtout réputés pour leur grande intelligence, leur
sens d'hospitalité et leur façon très singulière de
parler le créole haïtien.
1.1.2.- Importance au Niveau
religieux
La ville du Cap-Haïtien n'a pas seulement de valeur au
niveau historique et économique, elle est aussi un endroit
stratégique au niveau culturel et religieux tant pour les vodouisants
que pour les chrétiens. D'ailleurs, on sait que du côté de
Morne- Rouge, à quelques pas de cette ville a eu lieu l'importante
cérémonie vodouesque des esclaves de Saint-Domingue
dénommée « la cérémonie du Bois
Caïman ». Bien avant 1791, lors de la reconstruction de la ville
après l'incendie de 1734, on avait construit une importante
église paroissiale au Cap dont MOREAU de SAINT-MERY a fait la
description2(*)3. Pour les
chrétiens catholiques romains, le Cap est avec Port-Au-Prince, les
sièges des deux seuls archidiocèses du pays2(*)4. La majorité des
dénominations chrétiennes connues dans le secteur religieux en
Haïti sont représentées au Cap-Haïtien. Nous y trouvons
des catholiques romains et des Anglicans. Pour le Protestantisme, nous comptons
des Baptistes, des méthodistes, des Nazaréens, des
pentecôtistes, des églises de Dieu, des églises du Christ,
des églises Evangéliques, des églises Wesleyennes, des
disciples et d'autres groupes comme les témoins de Jéhovah, les
Mormons ou l'Eglise des saints des derniers jours, les adventistes du
septième jour, etc.
1.1.3.- Etat de l'évolution des services de
jeûne et de prière
Les investigations que nous avons menées sur le
terrain nous ont permises de réaliser que de 1990 à nos jours,
il y a une très forte augmentation des services de jeûne et de
prière à travers la ville et ceci au niveau des principales
dénominations chrétiennes de la ville. Avant 1990, on ne pouvait
compter que 12 services de jeûne et de prière, ce qui
représentait 14% de la quantité totale des services de
jeûne et de prière existant aujourd'hui. Les églises
protestantes avaient eu dans leur programme des réunions de
prière organisées le soir ou tôt dans la matinée
pendant à peu près deux heures d'horloge, mais, il n'y avait
pas eu tant de services organisés à l'extérieur des
temples et par des laïcs. Et dans le catholicisme, il était
plutôt rare de rencontrer ces services.
Aujourd'hui nous comptons dans la ville du Cap-Haïtien
environ 84 services de jeûne et de prière, soit une augmentation
de plus de 85% par rapport aux années 80 où il y avait seulement
une douzaine de ces services dans la ville. Cette augmentation est
constatée d'une part chez les protestants qui avaient déjà
eu l'habitude d'organisation de ces services et d'autres part chez les
catholiques qui commençaient à s'intégrer dans cette
pratique à partir de la montée du mouvement Charismatique aux
environs des années 90. A travers une figure (Voir annexe III ), nous
retraçons le cheminement du rythme d'évolution des services de
jeûne et de prière dans la ville du Cap-Haïtien. Nous avons
considéré dans notre démarche quatre périodes qui
sont ainsi divisées : la période d'avant 1990, celle de 1990
à 1995 qui est une période dominée par le coup d'Etat
militaire du Général Raoul Cédras contre le
Président Jean Bertrand Aristide, une autre de 1996 à 2000
dominée par la crise parlementaire du Président René
Préval et le gel de l'aide économique à Haïti par la
communauté Internationale et une dernière de 2001 à nos
jours.
1.2.- ORGANISATION DES
SERVICES
Ces services de jeûne et de prière qui pullulent
à travers la ville du Cap-Haïtien adoptent une forme d'organisation
tout à fait particulière. Ils sont à plusieurs
égards différents des autres types de services organisés
habituellement dans le milieu ecclésiastique capois tant par leur forme
que par leur contenu. La majorité d'entre eux se tiennent non seulement
en dehors des temples conçus pour la tenue de cultes religieux, mais
sont également sous la responsabilité des laïcs qui
décident délibérément de les organiser en vue,
disent-ils le plus souvent, de répondre aux besoins de délivrance
des participants. Aussi, un nombre important des responsables n'ont
reçu aucune autorisation ni des instances étatiques, ni d'une
mission ou dénomination chrétienne légalement reconnue
pour organiser ces services.
Les aspects que nous allons considérer dans cette
partie concernent spécifiquement l'horaire et la durée de ces
services, le lieu d'organisation, les types de messages qui y sont
délivrés et surtout le profil de ces services.
1.2.1.- Horaire et durée des
services
Ces services de Jeûne et de prière fonctionnent
à différentes heures de la Journée et pendant tous les
jours de la semaine, le dimanche excepté. Les services dits de
jeûne fonctionnent habituellement dans la matinée de 6 heures AM
jusqu'à midi, les cris de Midi commencent à partir de 12 heures
jusqu'à une heure et les veillées de prière entre 8 heures
PM et 5 heures AM. Sur les 84 services de jeûne et de prière
répertoriés dans la ville du Cap-Haïtien, nous avons
trouvé que 42 d'entre eux, soit 50 % fonctionnent dans la
matinée ; 9 à partir de midi, soit 10% et 33 dans la
soirée, soit 40%. La durée se diffère d'un type de
service à un autre ; pour les services dits de jeûne, ils
durent entre 5 et 6 heures, les cris de midi, une heure et les veillées
de prière entre 7 et 8 heures.
Les services dits de jeûne fonctionnent le plus
souvent les mardi, jeudi et samedi, les cris de midi, presque tous les jours,
sauf les samedi et dimanche et les veillées fonctionnent pour la plupart
les lundi, mercredi et vendredi soir. Lors de notre enquête, nous avons
trouvé que 5 de ces cellules de prière organisent à raison
d'une fois par trimestre des séances de jeûne et de prière
pendant environ 12 heures d'horloge. Ces services sont appelés des
«des 6 pour 6 », c'est à dire, ils commencent de 6
heures du matin pour se terminer à 6 heures du soir. Cette
catégorie de service se trouve le plus souvent au niveau des cellules de
prière à tendance protestante.
En guise d'illustration, nous avons jugé
nécessaire de présenter à travers une figure des
données fournissant une idée de la distribution de ces services
divisés selon la terminologie Jeûne, cris de midi et
veillée ( Voir l'annexe III).
1.2.2.- Lieu des services
En ce qui concerne le lieu où se tiennent les services,
on pourrait les classer selon deux catégories distinctes. D'abord,
des services de jeûne et de prière qui sont tenus sous la
responsabilité directe des dénominations catholiques romaines et
des adventistes du septième jour. Ces services sont reconnus
officiellement par les dirigeants de ces dénominations
précitées et sont organisés à l'intérieur
même des temples. Ils représentent 20% de la totalité des
services de jeûne et de prière dénombrés dans la
ville du Cap-Haïtien. Ensuite, l'autre catégorie concerne des
services de jeûne et de prière organisés un peu
partout ; sur la montagne, à domicile, dans des sanctuaires de
prière et autres. Cette catégorie échappe pour la plupart
au contrôle d'une mission ou d'une dénomination donnée,
leurs organisateurs sont le plus souvent des laïcs qui prennent seuls la
responsabilité de l'organisation. Dans certains cas, nous trouvons parmi
les organisateurs de cette catégorie de service, des groupes qui sont
liés à une mission ou une dénomination. Nous pouvons
prendre en exemple, des services de jeûne et de prière
organisés à proximité du lycée National Philippe
Guerrier qui sont tous sous la responsabilité des groupes liés
à l'église Evangélique de la Rue 12 E. Il y a aussi le
Groupe Gédéon de l'église Baptiste Redford qui organise un
service sur la montagne, le groupe disciple de la paroisse du
Sacré-coeur qui lui aussi organise un service sur la montagne, etc.,
mais ces cas ne représentent que 10% des services organisés hors
des temples, soit 7 sur 67 services.
L'enquête nous révèle que 59 des 84
services recensés, soit 70% sont dirigés par des frères
ou des soeurs laïcs partageant le dogme d'une dénomination
chrétienne donnée. Ces dirigeants endossent seuls la
responsabilité de l'organisation ; c'est, pour ainsi dire leur
initiative personnelle qui n'engage personne d'autre.
1.2.3.- Messages
Les messages délivrés à
l'intérieur de ces services étalent à vrai dire la
dimension illimitée de la foi. Il est montré aux participants
toutes les grandes bénédictions dont ils pourraient être
l'objet s'ils avaient mis leur foi en Dieu. La toile de fond des messages se
trouve dans le verset suivant : « Toutes choses sont possibles
à celui qui croît »( Marc 9 : 23). Ces messages
cherchent à attirer l'attention des participants sur le fait que Dieu
ne cessera jamais de jeter sa bénédiction sur eux. Au
contraire, il est toujours heureux de répondre aux espérances
les plus vastes de la foi : « Ouvre ta bouche toute grande, et
je la remplirai », lit-on dans les psaumes 81: 10. Ces messages
insistent sur le fait que les trésors inépuisables du ciel sont
ouverts à la foi et tout ce qui est demandé en priant, Dieu est
fidèle et juste pour l'accorder. Les prédicateurs s'appuient
aussi sur les paroles suivantes trouvées dans le livre de Matthieu,
chapitre 21 et le verset 22 : « Quoi que vous demandiez en
priant, si vous croyez, vous le recevrez. »
De façon plus détaillée, nous avons
constaté que les messages tournent autour de trois principaux
thèmes : le Miracle, la Guérison et la
Bénédiction matérielle :
· Dieu est le Dieu des miracles, en ce sens, l'accent
est mis sur le pouvoir de Dieu de multiplier la farine de la veuve et de
l'orphelin ( 1 Rois 17 : 16), de commander aux corbeaux de donner
à manger à ses serviteurs ( 1 Rois 17 : 6), de multiplier du
pain pour donner à manger aux gens ( Matthieu 15 : 36, Marc
6 : 35-44) et de changer l'eau en vin ( Jean 2 : 2-11). Dieu est
présenté comme le même hier, aujourd'hui et
éternellement, le bon père céleste qui peut
jusqu'à présent donner de la manne à son peuple, comme il
avait fait pour le peuple Israël dans le désert pendant 40 ans (
Exode 16 : 35).
· Dieu est le Tout- Puissant qui peut ressusciter les
morts ( 1 Rois 17 : 23, Jean 11 : 44), le Médecin par
excellence qui peut guérir toute sorte de maladie, recouvrer la vue aux
aveugles et faire entendre aux sourds ( Marc 7 : 31-37, Jean 9 : 6).
Il a le pouvoir de chasser les mauvais esprits et de guérir les maladies
surnaturelles ( Matthieu 9 : 35, 15 : 28, Marc 5 : 13, Actes des
Apôtres 5 : 16). Dans les messages, les prédicateurs ne
cessent de faire référence aux multiples interventions
miraculeuses de Jésus pour guérir des malades
désespérés comme ce fut le cas du bonhomme au bord de la
piscine de Béthesda et la femme qui avait une perte de sang pendant plus
de 10 ans ( Marc 5 : 25-34 et Jean 5 : 5-9).
· Une autre toile de fond des messages
délivrés dans les services de jeûne et de prière
concerne la Bénédiction matérielle. Les
prédicateurs mettent l'accent sur les promesses de
prospérité, de bien-être matériels et
économiques de Dieu vis-à-vis de son peuple ( Lévitique
26 : 3-13). L'attention des participants à ces services est
attirée sur les grâces matérielles réservées
à ceux qui se confient en Dieu.
Nous ne voulons pas terminer cette section sans partager les
commentaires de André Godin sur les messages
délivrés par l'église dans le cadre des services de
jeûne et de prière. Il a attiré notre attention sur le
comportement de l'être humain de prêter à Dieu des
désirs qui répondent à ses propres besoins, sans tenir
compte de la volonté de Dieu. Les prédicateurs ont toujours pris
le plaisir de répéter aux fidèles que Dieu peut tout
faire, mais sans jamais mettre l'accent sur la volonté de Dieu de faire
ou de ne pas faire une chose donnée. Car, en dépit des bonnes
intentions de l'homme, la volonté de Dieu peut ne pas être en
accord avec la sienne. Gourdin souligne:
Si une église propose un chemin de croissance et
d'actualisation qui fait correspondre besoins humains et cheminement de foi, il
sera important de rester prudent. L'être humain prête facilement
à Dieu des désirs qui comblent ses propres besoins. Il pourrait
ne s'identifier à aucun désir « autre » que
les siens. Il ne peut y avoir de maturité chrétienne sans
ouverture, sans don de soi, à l'image de Jésus qui a aimé
jusqu'à donner sa vie. S'il est bon que les responsables organisent la
communauté pour qu'elle lutte contre les pauvretés du milieu en
essayant de combler les manques et de répondre aux besoins des
personnes, il ne faut pas pour autant proposer un Évangile qui ne soit
qu'une recherche égoïste de soi. Le cheminement chrétien est
une actualisation du salut dans les différents niveaux de la vie et une
croissance dans l'amour, donc dans l'ouverture à l'autre.2(*)5
1.2.4.- Profil de ces services
Les services suivent ordinairement le même ordre que les
cultes des dénominations auxquelles ils appartiennent. Les services de
jeûne et de prière des églises catholiques s'apparentent
aux cultes catholiques et les services des dénominations protestantes
conservent le profil des cultes protestants. Mais ce qu'il faut souligner
c'est que quelque soit la dénomination d'appartenance de ces services
de jeûne et de prière, ils se divisent en six grandes
parties :
· L'introduction : elle est
composée des mots de salutation ou de bienvenue, de chants et de
prière d'ouverture ;
· Louange et Animation : cette partie,
dit-on, est la partie musicale de ces services où les participants
donnent gloire et louange à Dieu avec des chants, des psaumes et des
instruments de toutes sortes (Ps. 150.) Elle est l'une des plus importantes
surtout dans les services dits de jeûne, elle est d'ailleurs très
appréciée par les participants et absorbe près de 50% de
la durée totale de ces services ;
· Des prières d'intercession :
dans cette partie, des requêtes de toute sorte sont
adressées à Dieu par les participants. Dans certains services, on
pourrait même voir des participants qui prient avec une photo ou un
passeport en main. C'est dans cette partie que l'invitation est faite aux
participants de ne rien oublier, mais d'abandonner tout entre les bras de Dieu
qui sont assez larges et solides pour recevoir tous les problèmes et
toutes les calamités auxquels ils font face, quelle que soit leur
nature. Tous les besoins doivent y être dévoilés :
Guérison, divorce avec le diable, mariage, départ, enfantement.
Certaines fois, les dirigeants demandent aux participants d'intercéder
pour quelques minutes en faveur d'Haïti qui souffre de tous les maux du
monde.
· Témoignages sur les bienfaits de
Dieu : dans les services à tendances
protestantes, la parole est accordée à des participants de
témoigner des bienfaits déjà réalisés par
Dieu dans le cadre de ces services. Cela permettra aux autres participants de
croire qu'ils ne viennent pas prier pour rien, mais un jour ou un autre leurs
prières seront aussi exaucées comme ceux-là qui sont
déjà délivrés. Les témoignages assurent aux
autres participants que la délivrance arrive sûrement, ils ne
doivent qu'attendre leur tour.
· Le Message de la parole : nous avons
déjà parlé du contenu des messages, seulement nous voulons
souligner que dans les services catholiques, ce sont les prêtres qui se
chargent de présenter la parole de Dieu au peuple de Dieu. Même
si le prêtre ne participe pas activement au service, mais quand vient
l'heure pour la présentation de la parole, il doit venir le faire, car
il n'est pas permis dans le catholicisme à n'importe qui de
délivrer un message sans avoir reçu l'onction
nécessaire.
· La conclusion : c'est la fin du service,
elle est composée de chants, d'appel à la conversion, de
prière finale et du prononcé de la bénédiction.
1.3.- CARACTERISTIQUES DES
ORGANISATEURS
Les responsables des services de jeûne et de
prière qui sont organisés dans la ville du Cap-Haïtien ne
présentent pas le même profil, leurs caractéristiques ne
sont pas uniformes, ils se diffèrent d'un groupe à l'autre ou
d'un individu à l'autre. Pour certains services, c'est un ministre
religieux qui est le principal responsable, surtout pour les services qui sont
organisés dans les temples et sous l'obédience d'une
église bien déterminée. Pour d'autres, ce sont des groupes
ou des associations de fidèles liés à une
congrégation qui sont les responsables. Ces services sont en
majorité organisés sur des montagnes ou dans des lieux autres
qu'un temple. Et pour une autre catégorie, ce sont des fidèles
laïcs chrétiens, le plus souvent ce sont des diacres ou des
diaconesses, des hommes ou des femmes de prière, comme on se plaît
à les appeler, qui en sont responsables. A préciser que les
organisateurs de cette catégorie ne sont ni des théologiens, ni
des ministres religieux travaillant pour le compte d'une mission ou d'une
Congrégation donnée, ce sont de simples frères ou
soeurs.
Suite aux investigations que nous avons menées sur le
terrain dans le cadre de ce travail, nous avons trouvé que les
responsables de ces services se divisent en trois principaux groupes :
d'abord des ministres religieux, c'est à dire des pasteurs ou des
prêtres, ensuite des leaders laïcs qui n'ont reçu aucune
formation théologique et en plus de cela, qui n'engagent aucune mission
ou congrégation dans leurs actions et un autre groupe composé de
membres de chorales, d'associations de jeunesse ou autres groupes à
l'intérieur de l'Eglise qui sont autorisés par leur
congrégation à organiser ces services.
1.3.1.- Les ministres religieux
Les ministres religieux, prêtres ou pasteurs sont au
nombre de 9 et représentent 11% de l'ensemble des organisateurs des 84
services répertoriés dans la ville du Cap-Haïtien. Les
services où des prêtres ou des pasteurs sont responsables, ce sont
des services organisés par l'administration de l'église
elle-même et qui rentrent convenablement dans le programme
régulier de l'église. Et, il faut même souligner que ce ne
sont pas tous les services organisés à l'intérieur d'un
temple qui sont sous la responsabilité de ministres religieux. Le plus
souvent, ces services sont organisés sous la férule de certains
groupes d'église, comme nous l'avons déjà
mentionné, des chorales, des groupes de prière, etc. Ce
pourcentage de 11% est bien un faible niveau de participation des ministres
religieux dans les services de jeûne. Nous avons même recueilli le
témoignage de certains fidèles qui se plaignent de ne jamais
voir leur pasteur assister aux services de jeûne et de prière
tenus habituellement dans leur église.
Il faut souligner aussi que ce ne sont pas tous les ministres
religieux qui ont une formation théologique, nous rencontrons ces cas
surtout dans certaines des dénominations protestantes où des
frères et des soeurs s'auto-proclament pasteurs sans avoir reçu
une formation théologique. Nous savons déjà la
réalité des choses en Haïti et plus particulièrement
dans la ville du Cap-Haïtien où les gens créent de
façon exagérée de petits temples çà et
là. Les responsables n'ont pas eu le temps de faire des études
bibliques ou tout simplement ne veulent pas faire des études. Car pour
certains, le fait d'aller suivre des cours dans un institut biblique est une
perte de temps. Ils croient que c'est le Saint-Esprit qui forme des pasteurs et
par conséquent, il est tout à fait inutile d'aller dans un centre
biblique fait de mains d'Hommes pour recevoir de la formation sur Dieu. Mais
toutefois, nous n'avons pas exclu ces gens de la catégorie des ministres
religieux, dès qu'ils se disent pasteurs, nous les croyons au mot et
nous n'avons même pas cherché à savoir s'ils sont
théologiens ou non.
1.3.2.- Les leaders
laïcs
Un pourcentage de 68%, soit 57 sur les 84 services de
jeûne et de prière recensés dans la ville du
Cap-Haïtien sont organisés par des leaders Laïcs, hommes et
femmes. Ces derniers ne sont ni des prêtres, ni des pasteurs, mais des
membres d'église appartenant à une dénomination religieuse
donnée. On trouve dans cette catégorie, des diacres, des
diaconesses, des dames et des hommes de prière qui prennent
délibérément l'initiative d'organiser ces services
organisés un peu partout : à domicile, dans des cellules,
sanctuaires ou maisons de prière, sur la montagne et autres lieux
appropriés. Les organisateurs prennent seuls la responsabilité et
n'engagent dans leurs actes aucune autre institution. Le plus souvent, ils
déclarent avoir reçu un ordre ou une révélation
spéciale de Dieu en vue d`organiser ces services. Nous avons
rencontré lors notre enquête sur le terrain des cas où des
cellules de prière étaient devenues églises et aussi des
leaders laïcs devenus pasteurs.
1.3.3.- Les Groupes
Les services organisés par des chorales, des
associations de jeunesse, des groupes de prière et autres
représentent 21% de l'ensemble, soit 18 sur 84. Cette catégorie
d'organisateurs, contrairement aux laïcs, travaille sous
l'obédience d'une église donnée et engage dans ses
actions l'administration de cette église. Ce sont surtout les services
de jeûne rencontrés dans les églises catholiques qui sont
organisés par des membres des chorales ou des groupes des paroisses
où se tiennent ces services. Normalement, il n'y a pas longtemps que les
églises catholiques commençaient à organiser ces types de
service, cela a commencé aux environs des années 1990 avec la
montée du « Mouvement Charismatique » au sein
de cette église. Donc, comme nous l'avons déjà
expliqué, les prêtres ne participent à ces services que
pour présenter la parole au peuple de Dieu, étant donne que dans
le catholicisme cette tâche n'est pas laissée au soin des
personnes qui n'ont pas été investi de cette mission. Dans les
églises adventistes du septième jour, ce sont aussi des groupes
qui sont responsables des services de jeûne et de prière
organisés chaque mercredi dans tous les temples adventistes du
Cap-Haïtien. A un degré moindre d'autres services des
églises baptistes et évangéliques sont aussi
organisés sous la responsabilité de certains groupes.
1.3.4.- La tendance religieuse
prédominante
Presque toutes les dénominations chrétiennes
oeuvrant dans la ville du Cap-Haïtien sont concernées par la
prolifération des services de jeûne et de prière, à
l'exception de quelque-unes telles les témoins de Jéhovah,
l'église des saints des derniers jours appelés Mormons et
autres. Mais, c'est la tendance protestante qui domine, on trouve un nombre
assez important de services de jeûne qui s'appuient sur la doctrine
baptiste, pentecôtiste et des églises de Dieu. La figure 3
trouvée en annexe III nous donne une idée précise de la
tendance religieuse prédominante dans l'organisation de ces services.
Nous divisons les différentes tendances religieuses en trois
groupes : Les catholiques, les protestants et les adventistes du
septième jour. Normalement, les adventistes auraient dû se trouver
dans la catégorie des églises protestantes, mais nous les
considérons séparément parce que les adventistes forment
un groupe plus ou moins à part dans le protestantisme haïtien.
1.4.- CARACTERISTIQUES DES
PARTICIPANTS
Depuis les années 90, nous avons constaté que de
plus en plus de gens de la classe moyenne et de la masse populaire
fréquentent les services de jeûne et de prière. Dans la
plupart de ces services auxquels nous avons assisté, surtout ceux des
catholiques romains, nous avons remarqué que même des gens de la
classe bourgeoise y prenaient part. Au cours d'un entretien, un curé
d'une paroisse de la ville du Cap-Haïtien nous a cité des noms de
personnalités bien connues de la bourgeoisie capoise qui ont
fréquenté régulièrement le service de jeûne
de sa paroisse. Ces gens-là, dit-il, n'y venaient pas pour demander
quelque chose de matériel, mais en signe d'action de grâce pour
les multiples bénédictions dont ils sont l'objet de la part de
Dieu. Et certaines fois, d'autres gros commerçants y venaient aussi
prier pour remercier Dieu et la Notre-Dame, après avoir sorti sains et
saufs d'attentats ou d'actes de banditisme perpétrés contre eux
par des voleurs ou des Zenglendos ( des bandits à mains
armées).
Autant dire, la participation aux services de jeûne et
de prière gagne la sympathie de presque toutes les couches sociales
dans la deuxième ville du pays. Dans les paragraphes suivants, nous
allons mettre l'accent un peu plus en détail sur certains traits
caractéristiques des participants à ces services, notamment leur
statut social et leur groupe d'âge, leur niveau d'éducation, les
principaux buts de prière exprimés et leur conception
religieuse.
1.4.1.- Statut social et groupe
d'âge
Comme nous l'avons fait remarquer précédemment,
ces services sont fréquentés par toutes les couches sociales de
la ville du Cap-Haïtien. Cependant, à 95%, c'est la
présence des gens de la classe moyenne et de la masse
défavorisée qui prédomine. C'est très rarement
qu'on pourrait remarquer la présence des personnes de grande
possibilité économique ; on les rencontre parfois dans les
services de jeûne tenus dans le catholicisme. De toute façon, ce
n'est une surprise pour personne que ces services soient
fréquentés par si peu de gens de la classe possédante,
puisque l'on sait qu'en Haïti particulièrement, ce sont les gens
à faible revenu économique qui fréquentent le plus
l'église et, à un degré moindre, une partie de la classe
moyenne. Le peu de bourgeois qui sont religieux sont en majorité des
fidèles catholiques romains, plus rarement des protestants.
Ce qui est important aussi à noter, c'est que depuis
environ 20 ans, le temps où les services religieux étaient
fréquentés exclusivement, surtout dans les dénominations
protestantes, par des gens appelés « Tèt
mare » est révolu. Ces « Tèt
mare », pour répéter un terme couramment
utilisé, désignait des jeunes, adultes et vieillards qui n'ont
pas un niveau de vie économique normal et qui n'ont pas reçu non
plus un niveau d'éducation élevé. On les faisait passer
pour des innocents, des naïfs auxquels on pourrait faire croire ce que
l'on veut. Aujourd'hui, non seulement on trouve des gens de tous les âges
participant aux cultes chrétiens, mais aussi des jeunes
étudiants et universitaires de la classe moyenne. Ces derniers
participent très activement dans les services de jeûne et de
prière de la ville du Cap-Haïtien et représentent une
quantité non moins importante de l'ensemble des participants. A cause de
la situation difficile que traverse le pays, ils sont obligés de rester
au pied du seigneur en vue de trouver un moyen pour se défendre.
1.4.2.- Niveau d'éducation
Les statistiques révèlent que plus de la
moitié de la population haïtienne ne sait ni lire, ni
écrire. Conséquemment, un nombre assez important de
chrétiens ne savent ni lire ni écrire. A partir de là,
nous pouvons avancer l'hypothèses que plus de 50% des participants
à ces services sont des gens qui n'ont pas terminé leurs
études primaires. Ensuite, le reste est composé de jeunes
professionnels, de jeunes écoliers et étudiants et même
d'universitaires déjà diplômés.
Chacun de ces groupes a des raisons tout à fait
particulières qui les motivent à fréquenter les services
de jeûne et de prière. D'abord, nous savons que, dans quel que
soit le pays du monde, même dans les sociétés
économiquement fortes, les personnes qui n'ont pas reçu une
solide formation intellectuelle et professionnelle ont toujours du mal à
avoir une situation sociale confortable. La tâche est d'autant plus
difficile pour les gens des pays économiquement faibles comme Haïti
où les malheureux peu instruits sont obligés de chercher un
support pour pouvoir survivre. Si pour certains, le support se trouve ailleurs,
mais pour les chrétiens du Cap-Haïtien, ils pensent pouvoir le
trouver en persévérant dans les services de jeûne et de
prière. Ensuite, l'autre groupe composé surtout des gens de
niveau moyen et un peu plus avancé, sont aussi à la recherche
d'une amélioration de leur condition de vie. Rien n'est facile en
Haïti et pour sortir des difficultés, pour trouver du travail
après le diplôme et pour réussir les examens, on doit se
confier en Dieu, on doit prier et les services de jeûne et de
prière offrent l'occasion idéale pour ce faire, selon la
conception des participants.
A l'époque des examens, nous avons souvent
remarqué une affluence d'élèves participant aux services
de jeûne. Cela s'explique par le fait qu'ils cherchent un meilleur
résultat scolaire. Nous avons en plusieurs occasions assisté
à des services où, à la veille d'examens du
baccalauréat, les organisateurs distribuaient des stylos dits
« bénits » aux étudiants, une pratique tout
à fait supersticieuse. Ainsi, Les gens croient que le seul fait de
jeûner, de prier et de recevoir une plume spéciale, cela pourrait
leur permettre d'aborder les examens avec plus de chance de réussir,
même s'ils ne se sont pas préparés.
1.4.3.- Principaux buts de prière
exprimés
Les principaux buts de prière exprimés par les
participants sont des requêtes relatives à la sollicitation
auprès de Dieu de miracles, de guérisons, de
prospérité matérielle, etc. Les gens sont le plus souvent
à la recherche d'un mieux-être physique ou économique. Les
requêtes de prière concernent le plus souvent la recherche d'un
travail, de la guérison contre une maladie incurable où les
médecins et les oungans ne pouvaient rien faire, d'un mariage avec un
partenaire de la diaspora ou une personne aisée, d'un visa pour
s'immigrer ailleurs, de la victoire dans le combat contre les
persécutions ( les loas, le diable, les ennemis, etc.). En gros, toutes
ces requêtes ont pour toile de fond une situation qui exige
l'intervention miraculeuse de Dieu, une demande de guérison ou une
demande de changement de l'état actuel des conditions de vie.
Dans ces services, la recherche de bénédictions
matérielles prévaut sur celle de bénédictions
spirituelles ; des demandes d'ordre spirituel telles que des
prières de confession, de repentance, de conversion et autres sont
aussi adressées à Dieu, mais dans une proportion
inférieure par rapports aux besoins matériels. D'ailleurs, le
succès de ces services est en grande partie dû au fait que les
participants pensent pourvoir être délivrés de leurs
problèmes matériels. Ces services sont de plus en plus
réputés dans la ville du Cap-Haïtien comme un puits de
délivrance, une source de bien-être matériel, une clinique
spirituelle, une voie de protection ou de miracle, etc.
1.4.4.- Attachement religieux des
Participants
Les mêmes remarques que nous avons fait dans une des
paragraphes précédents concernant les tendances religieuses
prédominantes sont aussi vraies pour l'attachement religieux des
participants. Ces derniers sont de presque toutes les catégories
ecclésiastiques du Cap-Haïtien, sauf les témoins de
Jéhovah. Même certains vodouisants ont quelquefois
participé à certains jeûnes de l'église
chrétienne. Ils pratiquent ainsi le « Syncrétisme
Religieux » qui se résument en un peu de Dieu et un peu de
magie (Moso Bondye, Moso Sòlòkòtò). Certains
pratiquants du vodou éprouvant le plus souvent de la honte à se
déclarer vodouisants, préfèrent dire qu'ils sont
catholiques.
D'ailleurs, dans les services de jeûne et de
prière organisés dans la ville du Cap-Haïtien, il est
quelque peu difficile de distinguer les gens qui sont catholiques, adventistes,
protestants ou autres. Lorsqu'il s'agit de chercher la délivrance,
toutes les tendances religieuses s'entremêlent, on dirait même que
l'oecuménisme est à l'honneur. Beaucoup de catholiques prennent
part aux services de jeûne et de prière des protestants et il
semble que l'inverse est tout aussi vrai. Nous connaissons des
chrétiens protestants qui ont l'habitude de fréquenter les
jeûnes faits à l'église catholique. En plus de cela, nous
avons questionné des gens qui se disent protestants et qui nous ont
avoué avoir toujours pris part au jeûne des catholiques, car
disent-ils, ce sont les mêmes chants et que les prières sont
adressées à Jésus plutôt qu'à la vierge
Marie. Mais, de toute façon, la tendance protestante prédomine,
on trouve beaucoup plus de gens attachés aux dénominations
baptistes, pentecôtistes et des églises de Dieu fréquentant
les services de jeûne et de prière.
CHAPITRE 2
LA POSITION DE LA BIBLE
PAR RAPPORT AU JEUNE ET À LA PRIERE
Dans un sens général, le terme jeûne
désigne l'idée d'abstention de nourriture. C'est le fait de
s'abstenir de manger et de boire pendant un temps
déterniné2(*)6. Cette abstention peut se faire pendant une
période relativement courte de trois jours et exceptionnellement longue
de 40 jours ou plus ( par exemple, le jeûne de 40 jours de
Jésus). Il peut parfois s'accompagner d'un temps d'abstinence sexuelle
et très rarement de renonciation à la boisson. C'est aussi une
pratique très ancienne. En Orient, chez les Indous, en Égypte, il
était une manifestation de tristesse qui symbolise un état
d'âme: signe de deuil, de frayeur, et surtout d'humiliation et
d'humilité. En Afrique traditionnelle, certaines régions
connaissaient le jeûne et le pratiquaient pour éloigner les
calamités qui les frappaient.
Lorsqu'on parle de jeûne, il ne faut pas
automatiquement accorder à ce terme une dimension spirituelle ou
religieuse, car ce terme ne s'applique pas uniquement dans un sens religieux.
Etienne Lhermenault et Bernard Delepine, le considère comme une
disposition générale sans considération religieuse et peut
être préconisée à titre diététique ou
médical 2(*)7.
Même lorsqu'on y ajoute une précision concernant
sa dimension spirituelle, son orientation vers Dieu, on a alors la
définition d'une pratique religieuse qui n'est pas spécifiquement
juive ou chrétienne. On peut penser au ramadan, l'un des cinq piliers de
l'Islam, qui conduit le musulman à un jeûne total qui implique
l'absence de nourriture, boisson, tabac, relations sexuelles de l'aube au
coucher du soleil pendant tout le neuvième mois du calendrier
hégirien2(*)8. En
plus du Christianisme et du Judaïsme, le jeûne est aussi
enseigné et pratiqué dans d'autres grandes religions telles
que : le Bouddhisme, l'Hindouisme, etc. Mais, dans le cadre de notre
travail, nous allons asseoir notre analyse sur le jeûne
biblique qui, selon le théologien Jean Calvin, cité par Yan
Newberry, «n'est pas un but en soi ni un moyen, mais un climat de
confiance, de disponibilité, de dépendance dans lequel on
désire rencontrer Dieu. C'est une manière d'exprimer à
Dieu notre vrai déplaisir de nous-même et de nos
péchés avec une vraie humilité procédant de la
crainte de Dieu.»2(*)9
Nous voulons aussi faire une autre remarque tout en nous
interrogeant de la façon suivante: est-ce que ces services
appelés Jeûnes dans la ville du Cap-Haïtien sont
effectivement de véritables Jeûnes? Si l'on se limite à la
définition du jeûne, il n'est pas acceptable de les
considérer comme des véritables Jeûnes. Nous avons deux
arguments pour ne pas considérer ces services comme des
«Jeûnes» : d'abord, ils ne durent que quelques heures
entre 4 à 6 heures, ensuite, l'abstention de nourriture n'y est pas de
rigueur. Les responsables ne mettent pas ou presque pas l'accent sur ce dernier
aspect du jeûne, nous avons toujours remarqué à
proximité de ces services des marchants de bonbons, de boissons et
même quelque fois de nourriture.
Toutefois, nous comprenons l'attitude des organisateurs et des
participants en appelant ces services « Jeûne». Etant
donné que dans la tradition judéo-chrétienne, le
Jeûne est toujours associé à la prière, donc en
organisant des services de prière plus ou moins longues, les
chrétiens ont tendance à les faire passer pour des jeûnes.
Nous y reviendrons dans la suite de ce chapitre aux paragraphes
réservés au jeûne associé à la
prière.
Ce chapitre, en plus de présenter la position de la
bible par rapport au jeûne et à la prière, fait
également un survol historique du jeûne en général
et met l'accent sur certains types bien spécifiques de jeûne.
2.1.- HISTORIQUE ET DIFFERENTS TYPES DE
JEUNE
Dans cette partie, nous nous proposons de faire un survol
historique du jeûne en général qui est pratiqué
différemment par les chrétiens, les juifs, les musulmans, les
hindous, les taoïstes, les jaïnismes et d'autres religions. Nous
allons mettre l'accent également sur certains types de jeûne
connus particulièrement dans le Judaïsme et le christianisme.
2.1.1.- Historique du jeûne
Le jeûne a été utilisé pendant des
siècles pour des raisons religieuses. Il est observé par les
chrétiens, les juifs, les musulmans, les hindous, les taoïstes, les
jaïnismes et dans d'autres religions. Même si le bouddhisme insiste
plus sur la modération que sur le jeûne, les bouddhistes de
certains pays, notamment du Tibet, pratiquent parfois le jeûne. À
l'origine, lorsque les gens faisaient face à des menaces mortelles, ils
étaient trop apeurés et en détresse pour manger. Ils
ajustèrent leur diète en fonction de l'agonie
éprouvée dans leurs âmes. L'agonie spirituelle soit le
danger mortel avait pour conséquence l'arrêt de la prise de
nourriture, disons le jeûne. Au départ, c'était aussi l'un
des rites pendant lesquels les activités physiques étaient
réduites ou absentes, amenant un état de calme comparable
symboliquement à la mort ou à l'état qui
précède la naissance. Le jeûne faisait aussi partie des
rites de fertilité dans les cérémonies primitives. La
plupart de ces cérémonies avaient lieu lors des équinoxes
(Epoque de l'année marquant le début du printemps ou celui de
l'automne, où la durée du jour est égale à celle de
la nuit) de printemps et d'automne, et ont survécu pendant des
siècles. Certains historiens voient dans l'usage symbolique du pain
azyme ou pain sans levain que faisaient les juifs au moment de la Pâque,
au printemps, une résurgence de cette origine primitive. On trouve des
traces de ces rites anciens dans le jeûne observé par les
chrétiens pendant le carême en préparation des fêtes
de Pâques3(*)0.
Le jeûne a été critiqué dès
les premiers temps. Un grand nombre de prophètes de l'Ancien Testament
et des auteurs chrétiens des premiers siècles condamnèrent
l'abus du jeûne comme une formalité sans signification pour des
gens qui vivaient dans le luxe et l'immoralité, parmi ces
prophètes, nous pouvons citer Esaie (Esaïe 58 : 1-14) et
Joël (Joël 2 :12-18). La coutume a grandement modifié la
manière dont se pratiquait le jeûne. Avec quelques exceptions
notables, de nos jours, la règle est au jeûne sélectif
plutôt qu'à l'abstinence totale.
La grande majorité des savants croient que la pratique
du jeûne a commencé avec la perte d'appétit durant des
temps de grandes détresses et de contraintes. Le phénomène
de la perte d'appétit, à lui seul, prouve que le jeûne est,
entre autres, un mécanisme. Anne qui est devenue plus tard la
mère de Samuel, était si affligée de sa
stérilité qu'elle "pleurait et ne mangeait point", selon 1 Samuel
1:7. Également, lorsque le roi Achab échoua dans sa tentative
d'acheter la vigne de Naboth, il ne mangea rien ( 1 Rois 21:4 ).
Apparemment le jeûne a commencé en tant
qu'expression naturelle du chagrin; toutefois, il est devenu usuel de
refléter ou de démontrer à autrui son chagrin en
s'abstenant de nourriture. David a jeûné pour démontrer son
chagrin à la mort d'Abner (2 Sam. 3:35). Plusieurs
références dans les Écritures décrivent le
jeûne comme une pratique affligeant l'âme ou le corps (Esaie 58:3,
5). David justifie son jeûne d'avant la mort d'Abner, en disant son
espoir d'influencer Dieu en démontrant son chagrin (2 Sam 12:15-23).
Lorsque Dieu déchargea sa colère contre un peuple à cause
de sa méchanceté, le jeûne devint un mode national normal
de chercher la faveur divine et sa protection. Dès lors, il est naturel
qu'un groupe de personnes se réunisse dans le jeûne et la
prière, pour témoigner le chagrin de leurs péchés
et intercéder auprès de Dieu. Le jeûne est devenu plus
tard, un moyen extérieur de démontrer et encourager la
repentance.
2.1.2.- Les types de jeûne dans l'Ancient
testament
Nous trouvons plus de soixante-dix mentions du jeûne
dans l'Ecriture, l'ancien testament et le nouveau testament confondus, avec une
très grande variété de formes et de circonstances pour sa
pratique3(*)1. Donc, il y
a plusieurs types de jeûne, cette pratique peut être exercée
dans des circonstances diverses. L'Ancien Testament mentionne
particulièrement :
· des jeûnes publics réguliers : Le
jeûne du quatrième mois, le jeûne du cinquième, le
jeûne du septième et le jeûne du dixième deviendront
pour la maison de Juda des jours de gaieté et de joie (Zacharie 8:19).
· des jeûnes publics occasionnels : Suite
à la destruction de la tribu de Benjamin qui avait gravement
péché tous les Israélites montèrent à
Béthel, ils pleurèrent et restèrent là devant
l'Eternel, ils jeûnèrent en ce jour jusqu'au soir, ils offrirent
des holocaustes et des sacrifices de communion devant l'Eternel ( Juges 20:26)
· des jeûnes privés : telle la
réaction de Néhémie au récit de la
désolation de Jérusalem : "Lorsque j'entendis ces paroles, je
m'assis, je pleurais et, pendant plusieurs jours je pris le deuil. Je
jeûnais, je priais devant le Dieu des cieux (Néhémie 1:4 a
).
On distingue encore d'autres types de jeûne, selon la
rigueur du régime ou de l'abstention de nourriture et de breuvage
à observer:
· Le jeûne normal : le jeûne
normal consiste à s'abstenir de toute nourriture solide ou liquide, mais
on pourrait boire de l'eau3(*)2.
· Le jeûne absolu : il y a aussi
quelques exemples dans la Bible de jeûne « absolu », ce qui
signifie s'abstenir de boire de l'eau autant que de la nourriture, comme dans
Esdras 10:6. Dans Esther 4:16, la reine Esther instruit Mardochée
«Va, rassemble tous les Juifs qui se trouvent à Suse, et
jeûnez pour moi, sans manger ni boire pendant trois jours, ni la nuit ni
le jour». D'autres exemples dans le Deutéronome 9 : 9, Exode 34 :
28 et I Rois 19 : 8. Cette méthode de jeûne est une mesure
exceptionnelle d'une situation extrêmement rare. L'on devrait être
absolument certain de la guidance du Seigneur avant d'entreprendre des
jeûnes de plus de trois jours ou un jeûne excluant le liquide ou
abstention de tous solides et liquides (sans eau)3(*)3
· Le jeûne partiel : il y a aussi le
«jeûne partiel » qui est une restriction de certains type de
nourriture, comme dans Daniel 10 : 3 et I Roi 17. Cette méthode est
celle utilisée aujourd'hui par ceux qui sautent un repas et vont en
prière. Le jeûne peut être public ou privé,
régulier ou occasionnel, involontaire ou volontaire.
· Le jeûne de Daniel : ce jeûne
consiste en des menus fruits, légumes et eau.3(*)4
2.2.- LE JEUNE DANS L'ANCIEN
TESTAMEMT
Le jeûne dans l'Ancien Testament ou plutôt le
jeûne biblique n'est pas seulement caractérisé par son
association à la prière, car l'Islam fait aussi une telle
association, mais c'est surtout son aspect volontaire, d`humilité et le
sens de sa motivation qui le caractérise. Jean-François et
Catherine Gotte mettent l'accent sur l'aspect d'humilité du
jeûne:
Le vrai sens du jeûne doit se définir en
fonction de l'anthropologie biblique : l'homme est âme de son corps. Le
corps est l'expression de l'âme. Il est le lieu de l'adoration. Bien
sûr, l'intériorité est ce qui compte avant tout. Mais
l'homme n'est pas pur esprit. Il a besoin de traduire corporellement les
sentiments de son âme (.... Pour exprimer notre tristesse, notre
humiliation, notre dépendance totale de Dieu, notre prière, le
jeûne a sa place. Chacun est libre de prier avec son corps comme il
l'entend d'une manière individuelle ou collective... Le corps est le
moyen de l'être. N'ayons donc pas peur de mettre notre corps et notre
coeur à l'unisson. Laissons les pensées intérieures de
notre coeur modeler notre corps. Associons notre être extérieur
à notre être intérieur afin que notre être tout
entier puisse exprimer sa foi et sa prière. C'est dans ce sens que le
jeûne est à redécouvrir. Mais attention ! sauvegardons la
liberté et l'amour! 3(*)5
Maintenant nous allons considérer l'application du
jeûne dans le Judaïsme et des considérations sur certains
jeûnes personnels et communautaires de l'ancien testament et surtout le
jeûne du grand pardon, le « YOM KIPPOUR » seront
aussi faites.
2.2.1.- Le jeûne dans le
Judaïsme
Dans le judaïsme, le jeûne est
une attitude de dépendance à l'égard de Dieu. Il
équivaut à humilier son âme, à se lamenter pour
implorer telle ou telle faveur, le pardon, la lumière divine, avant
d'accomplir une mission (Deutéronome 9 : 18, Joël 2 :
12, Jonas 3 : 5-9). Il est lié à l'aumône et à
la prière, et il implique souvent abstention de bains, de parfums, de
relations sexuelles. En tant que pénitence et purification, le
jeûne a lieu le jour du Grand Pardon, Yom Kippour, depuis son institution
traditionnelle par Moïse. On ne peut ni manger, ni boire en ce jour
considéré comme saint (Nombres 29 : 7-11).
Les jeûnes suivants ont marqué le peuple de Dieu
et le judaïsme, ils ont été organisés dans des
circonstances bien spécifiques :
· Le jeûne d'Esdras (Esdras 8:23,
10:6) : Esdras était chargé de restaurer la Loi de Moise
chez les Juifs alors qu'ils étaient à reconstruire la ville de
Jérusalem avec la permission d'Artaxerxés, roi de Perse, lorsque
le peuple de Dieu était captif de ces derniers. Malgré cette
permission, les ennemis d'Israël les attaquaient. L'embarras de devoir
demander protection aux Perses amena Esdras à jeûner pour recevoir
une réponse.
· Le jeûne de Samuel ( 1 Sam 7: 6) :
Samuel amena le peuple de Dieu à jeûner en
célébration du retour de l'Arche d'Alliance de sa
captivité par les Philistins, et prier pour qu'Israël soit
délivré du péché qui avait entraîné la
prise de l'Arche par l'ennemi.
· Le jeûne d'Élie: Elie alla dans le
désert où, après une journée de marche, il s'assit
sous un genêt, et demanda la mort, en disant: « C'est assez!
Maintenant, Éternel, prends mon âme, car je ne suis pas meilleur
que mes pères. Il se leva, mangea et but; et avec la force que lui donna
cette nourriture, il marcha quarante jours et quarante nuits jusqu'à la
montagne de Dieu, à Horeb » ( 1 Rois 19:4 et 8). Alors
même si l'Écriture ne parle pas spécifiquement de
jeûne ici. Élie est délibérément parti sans
nourriture en fuyant la reine Jézabel, qui avait menacé de le
tuer. Après cette privation, Dieu lui envoya un ange pour le guider.
· Le jeûne de Daniel ( Daniel 1:8,
9:3) : Daniel et ses trois compagnons Hébreux en captivité
à Babylone, refusant la nourriture païenne. Cette guidance de Dieu
à ne pas manger la nourriture des païens les a gardés plus
forts.
· Le jeûne d'Esther: "Va, rassemble tous les
Juifs qui se trouvent à Suse, et jeûnez pour moi, sans manger ni
boire pendant trois jours, ni la nuit ni le jour. Moi aussi, je jeûnerai
de même avec mes servantes, puis j'entrerai chez le roi, malgré la
loi; et si je dois périr, je périrai. Lorsque le roi vit la reine
Esther debout dans la cour, elle trouva grâce à ses yeux; et le
roi tendit à Esther le sceptre d'or qu'il tenait à la main.
Esther s'approcha, et toucha le bout du sceptre ( Esther 4:16; 5:2). La reine
Esther, une Juive dans une cour païenne, risque sa vie pour sauver son
peuple menacé de destruction par Assuérus, roi de Perse. Avant de
se présenter devant le roi afin d'implorer sa grâce pour les
Juifs, Esther et son cousin Mardochée ont tous deux jeûnés
pour appeler la protection de Dieu.
2.2.2.- Des jeûnes personnels et communautaires
de l'Ancien Testament
L'Ancien Testament nous donne de nombreux exemples du
jeûne pratiqué sur le plan personnel et communautaire. Ces
exemples nous montrent que le jeûne est un signe extérieur d'une
tristesse intérieure. C'est ce qui découle d'ailleurs de certains
avertissements des prophètes Esaie, Jérémie et Zacharie
concernant le jeûne :
· Moise, 40 jours (Deutéronome 9:9,18-19, Exode
34:27-28) ;
· Josaphat publia un jeûne pour tout Juda ( 2
Chronique 20:3 ) ;
· David, 7 jours (2 Samuel 12:16-20 /Psaume
69:12,22 ;
· Daniel, 21 jours (Daniel 9:3 ) ;
· Néhémie (Néhémie 1:4
) ;
· Le peuple d'Israël (Juges 20: 26-28,
Lévitique 16:29) ;
· Le peuple de Ninive (Jonas 3:5-10) ;
· Esaïe 58:2-4 : « Que nous sert
de jeûner, si tu ne le vois pas? De mortifier notre âme, si tu n'y
as point égard ? -Voici, le jour de votre jeûne, vous vous livrez
à vos penchants, Et vous traitez durement tous vos
mercenaires » ;
· Ésaïe 58:3-5 : «Voici, vous
jeûnez pour disputer et pour quereller, pour frapper méchamment du
poing; vous ne jeûnez pas comme le veut ce jour, pour que votre voix soit
entendue en haut » ;
· Ésaïe 58:4-6 : « Est-ce
là le jeûne auquel je prends plaisir, un jour où l'homme
humilie son âme? Courber la tête comme un jonc et se coucher sur
le sac et la cendre, est-ce là ce que tu appelleras un jeûne, un
jour agréable à l'Éternel ? » ;
· Ésaïe 58:5-7 : « Voici
le jeûne auquel je prends plaisir: détache les chaînes de la
méchanceté, dénoue les liens de la servitude, renvoie
libres les opprimés, et que l'on rompe toute espèce de joug
» ;
· Jérémie 36:5-7 : « Tu iras
toi-même, et tu liras dans le livre que tu as écrit sous ma
dictée les paroles de l'Éternel, aux oreilles du peuple, dans la
maison de l'Éternel, le jour du jeûne; tu les liras aussi aux
oreilles de tous ceux de Juda qui seront venus de leurs villes » ;
· Jérémie
( 36:8-10) : « La cinquième année de
Jojakim, fils de Josias, roi de Juda, le neuvième mois, on publia un
jeûne devant l'Éternel pour tout le peuple de Jérusalem et
pour tout le peuple venu des villes de Juda à Jérusalem
» ;
· Joël (1:13-15) : « Publiez un
jeûne, une convocation solennelle! Assemblez les vieillards, tous les
habitants du pays, dans la maison de l'Éternel, votre Dieu, et criez
à l'Éternel! » ;
· Zacharie 8:18-20 : « Ainsi parle
l'Éternel des armées: le jeûne du quatrième mois, le
jeûne du cinquième, le jeûne du septième et le
jeûne du dixième se changeront pour la maison de Juda en jours
d'allégresse et de joie, en fêtes de réjouissance. Mais
aimez la vérité et la paix ».
2.2.3.- Le Yom Kippour ou le jour du grand
Pardon
La seule fois où un jeûne est expressément
requis dans la Bible c'est dans l'Ancien Testament pour le jour d'expiation, le
Yôm Kippour : « c'est ici pour vous une
loi perpétuelle, au septième mois, le dixième jour du
mois, vous humilierez vos âmes, vous ne ferez aucun ouvrage, ni
l'indigène, ni l'étranger qui séjourne au milieu de vous (
Lévitique 16:29) ».
Yom Kippour est un mot hébreu dérivant de yom
hakippurim, qui signifie «jour du Grand Pardon»3(*)6. Cette fête est
célébrée le dixième jour de tishri (le premier
mois de l'année civile juive, le septième mois de l'année
ecclésiastique dans le calendrier juif qui a lieu en septembre ou la
première quinzaine d'octobre). C'est l'apogée de
l'observance des dix jours de pénitence, qui commencent avec le nouvel
an, et la plus sacrée des fêtes juives; elle représente les
«jours très saints». Yom Kippour est une journée de
recueillement, d'examen de conscience, de retour sur soi et de prières
pour obtenir le pardon. Kippour apporte le pardon pour les péchés
commis envers Dieu, mais non pour ceux commis envers le prochain, à
moins qu'on ne se réconcilie avec lui à cette occasion. C'est
également le jour où chaque individu prend de nouvelles
résolutions pour l'année suivante.
Le but de tout ce que l'on fait à Yom Kippour
(jeûne, prières et autres) est d'obtenir la décision divine
de suspendre le jugement pour nos mauvaises actions. Et pour cela, il faut
éprouver une sincère repentance, c'est à dire identifier
ces actions, les avouer et regretter ce que l'on a fait. Il est évident
qu'un profond désir de ne pas retomber dans ces mêmes erreurs doit
accompagner toute repentance.
La perception erronée que Kippour ou Yom Kippour doit
être considéré comme un jour de grande tristesse, tient
probablement au fait que c'est un jour de long jeûne d'environ 25 heures.
Mais le but de cette célébration n'est pas tant la mortification
ou punition apportée par l'absence de nourriture, mais surtout d'aider
à une réconciliation entre tous les hommes d'une part et d'autre
part entre les individus et leur créateur. D'ailleurs le Talmud
(Transcription de la tradition orale juive, ouvrage fondamental
destiné à servir de code du droit judaïque) parle de
Yom Kippour comme un des jours les plus joyeux de l'année pour le peuple
Juif ( Mishna Yoma 8 :9).
Yom Kippour est le seul jeûne mandaté par la
Thora (Lévitique 23:27). Le jeûne dure 25 heures et il est
également interdit de boire quoi que ce soit, d'avoir des relations
sexuelles ou de porter des chaussures en cuir. C'est pour cela que le jour de
Kippour, vous verrez plusieurs Juifs vêtus de magnifiques costumes et
robes et portant des paires de chaussures de sport en toile.
Les jeunes de moins de 9 ans ainsi que les personnes malades, les
femmes qui viennent d'accoucher dans les derniers 3 jours ne sont pas tenus
d'observer le jeûne.
2.3.- LE JEUNE DANS LE NOUVEAU TESTAMENT
Dans le Nouveau Testament, le jeûne est une discipline
largement pratiquée, entre autres par les Pharisiens et les disciples de
Jean Baptiste. Jésus a débuté son ministère public
par un jeûne prolongé de quarante jours (Matt. 4:1,2). Lorsque les
apôtres de Jésus furent critiqués parce qu'ils ne
jeûnaient pas, Jésus prit leur défense en disant qu'ils
n'avaient pas à jeûner alors qu'il était présent,
mais Il ajouta qu'ils allaient jeûner après qu'il leur aura
été enlevé (voir Matthieu 9:14,15). Jésus n'a pas
donné de directives quant à la fréquence du jeûne.
Il enseigna que leur jeûne devait être différent de celui
des Pharisiens, en ce sens d'être démontré à Dieu et
non à autrui pour les impressionner (Matt. 6:16-18).
Le jeûne fut, par la suite pratiqué dans
l'église du Nouveau Testament lorsque des anciens étaient
ordonnés et lorsque des personnes étaient appelées
à un ministère particulier ou un projet ( Actes 13:1-3).
Pratiqué aussi, semble-t-il fréquemment, par Paul et autres
« Leaders Chrétiens » (1Cor 7:5; 2 Cor 6:5).
Dans Actes 13:2, nous pouvons constater que la pratique du
jeûne collectif était toujours vivante dans l'ère du
Nouveau Testament : "Pendant qu'ils servaient le Seigneur dans leur
ministère et qu'ils jeûnaient, le Saint Esprit dit:
« Mettez-moi à part Barnabas et Saul pour l'oeuvre à
laquelle je les ai appelés »
Actes 27:8-10 : « Un temps assez long
s'était écoulé, et la navigation devenait dangereuse, car
l'époque même du jeûne était déjà
passée.». Dans 2 Corinthiens 6:5 : « Paul recommande aux
ministres de Dieu de persévérer [...] dans les
jeûnes[....] ». Plus loin, il déclare
encore dans 2 Corinthiens 11:26-28 : «J'ai été
dans le travail et dans la peine, exposé à de nombreuses veilles,
à la faim et à la soif, à des jeûnes, au froid et
à la nudité ».
2.3.1.- Jésus Christ et le
jeûne
Avant de commencer son ministère public, Jésus
pratique le jeûne et la prière (Mat. 4:2). Par la suite,
il a invité les disciples à
jeûner ( Matthieu 6 : 16-18).
Dans Matthieu 6:15-19, Jésus pose les conditions de la
vraie pratique du Jeûne:
Lorsque vous jeûnez, ne prenez pas un air triste, comme
les hypocrites, qui se rendent le visage tout défait, pour montrer aux
hommes qu'ils jeûnent. Je vous le dis en vérité, ils
reçoivent leur récompense. Mais quand tu jeûnes, parfume ta
tête et lave ton visage, afin de ne pas montrer aux hommes que tu
jeûnes, mais à ton Père qui est là dans le lieu
secret; et ton Père, qui voit dans le secret, te le
rendra.
En prononçant ces Paroles,
Jésus ne voulait pas s'opposer au jeûne, il voulait seulement
montrer que le jeûne est une oeuvre de justice qui relève de la
relation intime de l'homme à Dieu et que le jeûne ne devait pas
être accompagné d'hypocrisie et d'effet de
démonstration.
2.3.2.- Le Jeûne dans le
christianisme
Cette partie de notre travail est le résumé
d'informations tirées sur le site Internet de Géocities
consulté le 10 décembre 2004 qui lui-même a
été inspiré des ouvrages d'auteurs anglophones tels: Elmet
L.Towns (Fasting for Spiritual Breakthrought), Ronnie W. Floyd (The Power of
Prayer and Fasting) et Richard J. Foster (Célébration of
Disciple)3(*)7.
Pendant les deux premiers siècles de son existence,
l'Église institua le jeûne comme une préparation volontaire
avant de recevoir les sacrements de la sainte communion et du baptême,
ainsi que pour l'ordination des prêtres. Ensuite, ces jeûnes
devinrent obligatoires. Au Concile d'Hippone (393), le
jeûne est notifié par écrit; on conseille puis on impose le
jeûne avant la communion. Au VIe siècle, le jeûne de
carême de quarante heures, correspondant au temps que le Christ a
passé dans la tombe, devint un jeûne de quarante jours pendant
lesquels un seul repas par jour était permis. Après la
Réforme, le jeûne fut conservé par la plupart des
églises protestantes et rendu facultatif dans certains cas. Les
protestants stricts comme les puritains condamnaient cependant de la même
manière les fêtes et les jeûnes traditionnels.
L'église orthodoxe respecte les jeûnes de manière
rigoureuse.
Épiphane (315-403), évêque de Salamine de
Chypre, s'interroge en ces termes : « Qui ne sait pas que le
jeûne du quatrième et du sixième jour de la semaine est
observé par les chrétiens de par le
monde? » Au début de l'histoire de
l'Église, les chrétiens jeûnaient deux fois la semaine, les
mercredi et vendredi, ayant choisis ces jours pour se distinguer des Pharisiens
qui jeûnaient les mardi et jeudi. Le jeûne de longue durée
avait aussi été pratiqué avant la Pâque pour
préparer les disciples spirituellement à la
célébration de la résurrection de Jésus.
Plus tard, ce jeûne est devenu un jeûne d'une
journée par semaine, plusieurs semaines avant la Pâques. Certaines
réminiscences de cette pratique demeurent dans la tradition catholique,
soit l'abstention de viandes le vendredi et d'un carême durant les
quarante jours précédant la Pâques. Il était aussi
d'usage pour les chrétiens de la période post-apostolique de
jeûner pour se préparer à leur baptême.
La discipline du jeûne est depuis longtemps
associée à la réforme et aux mouvements de réveil
dans la chrétienté. Les fondateurs des monastères
pratiquaient régulièrement le jeûne dans leur vie
spirituelle. Même si, plus tard, leur pratique du jeûne a
évolué vers l'ascétisme, en vaine quête de salut par
ce moyen, il est probable que les premiers moines auraient été
motivés dans leurs jeûnes par leurs prières pour un
réveil et une réforme dans l'église.
Dans l'église catholique, le jeûne eucharistique
est une pratique qui consiste à s'abstenir de nourriture et de boisson
avant de recevoir la communion. Jusqu'à la réduction à
trois heures avant la communion par Pie XII en 1953, puis à une heure
par Paul VI en 1964, il fallait ne rien avoir mangé depuis minuit pour
pouvoir communier le matin. De nos jours, dans l'église catholique,
l'organisation du jeûne et de l'abstinence est laissée en grande
partie à l'initiative personnelle et aux évêques; les seuls
jeûnes obligatoires pour les fidèles de l'église catholique
sont ceux du mercredi des cendres et du vendredi saint.
2.3.3.- Le Jeûne et les premiers
chrétiens
Dans le nouveau testament, aucun ordre de jeûner n'est
donné aux chrétiens, comme il était le cas dans l'ancien
testament. Jésus a seulement posé les conditions d'un vrai
jeûne dans Matthieu 6 : 18. Cependant, en plus de l'exemple du
nouveau testament nous montrant que Jésus a lui-même
jeûné pendant 40 jours (Matthieu 4 : 2), nous avons aussi
d'autres exemples de premiers chrétiens qui ont pratiqué le
jeûne. Entre autres, signalons :
· Le jeûne de Jean Baptiste ( Luc 1:15):
parce que Jean Baptiste précédait Jésus dans sa grande
mission, il avait fait le voeu de Naziréat, voeu qui réclamait de
lui qu'il jeûne et s'abstienne de toute liqueur forte. C'était un
mode de vie volontairement adopté, choisi par Jean qui le
désignait comme mis à part ;
· Anne, la prophétesse avait pratiqué le
jeûne (Luc 2:36-38) : restée veuve et âgée
de quatre vingt-quatre ans, elle ne quittait pas le temple, et elle servait
Dieu nuit et jour dans le jeûne et dans la prière.
· Le jeûne de Paul ( Actes 9:9) : Saul
de Tarse qui devint Paul après sa conversion à Jésus,
fût frappé de cécité alors qu'ils
persécutaient les chrétiens. Il n'était pas seulement
aveugle physiquement, mais il n'avait aucune idée de la direction
qu'allait prendre sa vie. Après s'être privé de nourriture
et d'eau pendant trois jours, Ananias vint le visiter et sa vision fut
restaurée, autant sa vision physique que spirituelle ;
· Les Anciens d'Antioche ( Actes 13 :3) ;
· L'église de Lystre ( Actes 14 :2).
2.4.- LE JEUNE ET LA
PRIERE
Nous avons déjà défini le jeûne
biblique comme une manière d'exprimer à Dieu notre vrai
déplaisir de nous-même et de nos péchés avec une
vraie humilité procédant de la crainte de Dieu. Maintenant
définissons la prière. Le pasteur Kayayan, dans son ouvrage la
Prière en esprit, la définit comme « une relation entre
Dieu et l'être humain et entre l'être humain et son Dieu,
vice versa». Il poursuit :
La relation entre les gens est déjà quelque
chose de complexe qui passe par la parole et par bien d'autres façons
d'être. C'est la même chose pour notre relation à Dieu. La
prière est parfois quelque chose que l'on dit à Dieu, mais c'est
d'abord le fait de se placer devant Dieu. La prière
n'est pas une formule magique, une pratique superstitieuse : c'est une
conversation avec le Dieu tout- puissant plein d'amour et de
grâce3(*)8.
Après avoir mis l'accent sur le sens de la
prière, il est important de faire remarquer que, dans le contexte
biblique, le jeûne accompagne d'habitude la prière, il est souvent
difficile de parler de Jeûner sans l'idée de prier ( Actes
13 : 3), mais l'inverse n'est pas tout aussi vrai puisqu'on peut toujours
prier sans jeûner. Dans cette section, nous allons
aborder dans un premier temps le lien existant entre le Jeûne et la
prière, ensuite la notion importante du bon et du mauvais usage du
jeûne et de la prière.
2.4.1.- Le jeûne associé à la
prière
Dans la majorité des cas, les jeûnes
pratiqués dans les religions judéo-chrétiennes sont
toujours liés à la prière. Dans Matthieu 17:21,
Jésus a dit à ces disciples : "Mais cette sorte de
démon ne sort que par la prière et par le jeûne."
Jeûner pour obtenir une réponse est comme prier. Parfois quelqu'un
peut prier avec foi, et Dieu entend et répond automatiquement. La
personne n'a pas besoin de revenir à la charge comme un enfant qui tire
la jupe de sa mère tant qu'il n'obtient pas l'attention de celle-ci.
Alors d'autres fois, on doit continuellement demander avant que Dieu donne une
réponse."Demandez, et l'on vous donnera; cherchez, et vous trouverez;
frappez, et l'on vous ouvrira ( Matt 7:7). Nous trouvons des exemples de cette
association dans plusieurs passages du nouveau testament :
Dans Marc 9:29, Le Seigneur dit aux disciples qui n'avaient
pas pu chasser un démon : «Cette sorte de démon ne peut
sortir en aucune manière, si ce n'est par la prière et par le
jeûne ». Selon Actes 13:3, le jeûne associé
à la prière était nécessaire pour permettre
à l'église de discerner la pensée de Dieu, de comprendre
ce qui est pur ou impur. Dans les Actes des Apôtres 14 : 23, nous
apprenons également que dans chaque assemblée, les apôtres
choisirent des anciens, prièrent et jeûnèrent et les
recommandèrent au Seigneur.
La prière associée au jeûne permet au
chrétien de se revêtir de la puissance de Dieu pour accomplir des
oeuvres extraordinaires et pour aussi déterminer la volonté de
Dieu dans ses actes. Le jeûne et la prière, comme l'a fait
remarquer le théologien Yan Newberry,
« n'est pas un moyen d'obtenir ce que le
chrétien veut, c'est plutôt devenir ce que Dieu veut qu'il
soit 3(*)9 ». Et le pasteur Kayayan a aussi
opiné dans le même sens : «Un grand nombre de
prières donnent l'impression que le seul but de cette pratique
spirituelle est celui d'obtenir de Dieu tout ce que la personne désire,
et d'obtenir n'importe quoi, comme si Dieu était notre obligé
[...] ou une sorte de garçon de courses céleste(sic)
préposé à notre service, toujours prêt à
accourir à nos appels et demandes4(*)0 ». Il s'agit d'une grave erreur de penser
que Dieu peut donner aux chrétiens tout ce qu'ils demandent dans les
services de jeûne et de prière, car ce ne sont pas toutes les
demandes qui répondent à sa volonté.
2.4.2.- Le bon usage du jeûne et de la
prière
Il est important de commenter ce passage d'Esaie 58 : 6-8
sur le Vrai Jeûne :
Voici le jeûne auquel je prends plaisir :
Détache les chaînes de la méchanceté, dénoue
les liens de la servitude, Renvoie libres les opprimés, Et que l'on
rompe toute espèce de joug; Partage ton pain avec celui qui a faim, Et
fais entrer dans ta maison les malheureux sans asile; Si tu vois un homme nu,
couvre-le, Et ne te détourne pas de ton semblable. Alors ta
lumière poindra comme l'aurore, Et ta guérison germera
promptement; Ta justice marchera devant toi, Et la gloire de l'Éternel
t'accompagnera.
Personne ne doit interpréter ces versets dans le sens
que le prophète redoute le jeûne et qu'il est
déconseillé aux serviteurs de Dieu de jeûner. Dieu ne
demandait pas à son peuple de ne pas jeûner, loin de là.
Mais, il voulait que son peuple continue à jeûner et qu'il
élargisse le jeûne au travers de ses actions de tous les jours.
Par la bouche du prophète Joël, Dieu appelle clairement son peuple
à jeûner (Joël 2:12) : « Maintenant
encore, dit l'Éternel, Revenez à moi de tout votre coeur, Avec
des jeûnes, avec des pleurs et des lamentations! » Nous
pouvons assumer qu'Esaïe communiquait le désir de Dieu que le
jeûne soit exercé au point où ses effets soient
évidents au-delà de l'intimité de la personne qui
jeûne.
Esaïe 58 est donc un modèle des fruits que Dieu
attend d'une dévotion et d'une foi véritables. Bien
utilisé, le jeûne peut nous aider à lui présenter
ces fruits. Le Théologien Elmer L. Towns4(*)1 a résumé en neuf points ce passage
d'Esaie. Il considère ces neufs points comme neuf bases du jeûne
auxquels Dieu prend plaisir: (1) Détache les chaînes de la
méchanceté, (2) Dénoue les liens de la servitude, (3)
Renvoie libres les opprimés, (4) Rompe toute espèce de joug, (5)
Partage ton pain avec celui qui a faim, (6) Fais entrer dans ta maison les
malheureux sans asile, (7) Alors ta lumière poindra comme l'aurore, (8)
Ta guérison germera promptement, (9) Et la gloire de l'Éternel
t'accompagnera.
2.4.3.- Le Mauvais usage du
jeûne et de la prière
Comme nous venons de le faire remarquer dans l'un des
paragraphes précédents, lorsque nous jeûnons et prions,
nous devons nous soumettre à la volonté de Dieu. Mais ce n'est
pas le contraire qui doit se produire, pour que Dieu se soumette à notre
volonté. Le plus souvent les services de jeûne et de prière
se font dans un but de forcer Dieu à répondre à tous nos
besoins. Cette pratique est considérée comme un mauvais usage du
jeûne et de la prière. Certains leaders ecclésiastiques en
organisant ces services de jeûne et de prière,
proposent de répondre aux besoins des fidèles. Le
théologien André Godin qualifie une telle façon d'agir de
religion fonctionnelle et a fait un grand développement des dangers de
celle-ci. Elle offre des croyances et une relation à Dieu qui ont
simplement pour but d'accomplir des désirs, de combler des manques et
d'apaiser des angoisses4(*)2.
Godin poursuit que :
La religion fonctionnelle place Dieu en position de donner du
sens à ce qui serait absurde par ailleurs, d'esquiver illusoirement la
condition mortelle, de cimenter des sociétés, et même,
finalement, de faire fonctionner des institutions ou des groupes religieux.
Certes, la relation avec un tel Dieu peut culminer dans un sentiment
d'adoration et de reconnaissance, mais elle maintient l'individu sur un axe
de dominance-soumission qui s'ouvre difficilement à l'amour4(*)3. C'est un fait courant
de tenter d'utiliser Dieu pour arriver à ses fins : qui ne fait pas
de prière pour obtenir des réussites en tout genre : examen,
emploi, mariage, la protection contre le malheur, les maladies et la
mort4(*)4. Certes,
l'Evangile nous encourage à demander (Mat 7:7-8), mais ce n'est pas pour
mettre Dieu à son service ou pour combler un simple désir
d'expériences spirituelles sensibles. Une telle attitude peut
véhiculer un cortège d'illusions masquées. Il
s'agit d'être prudent et de discerner de quelles expériences il
s'agit : Expérience du moi ? Expérience de Dieu? De quel
Dieu?4(*)5
Pour éviter de confondre la volonté de
Dieu avec la sienne et de se situer dans une
fonctionnalité religieuse, il est nécessaire de discerner ce
qui relève d'une volonté d'accomplissement de désirs
compensatoires et ce qui relève d'une ouverture authentique à
l'autre. L'aspect fonctionnel de la religion, avec son cortège
d'illusions, peut voiler longtemps le mouvement vers la découverte et la
connaissance de Dieu. La prière fonctionnelle devrait, par la
maturité progressive du croyant, le conduire plus loin; dans ce sens,
l'inexaucement peut devenir source de sagesse et servir à faire
progresser vers l'attitude ordinairement réclamée du croyant :
Que Ta volonté soit faite ! Selon le psychanalyste Th.
Reik, l'évolution de l'homme vers sa maturité religieuse
présente trois mutations du désir: a) Que ma volonté se
fasse - b) Que ma volonté se fasse avec l'aide de Dieu - c) Que Ta
volonté se fasse4(*)6.
D'un autre coté, Etienne Lhermenault
et Bernard Delépine ont aussi fait un très long
développement sur des erreurs à éviter dans la pratique du
jeûne:
Parce qu'il s'agit d'un acte de piété dans
lequel notre corps est impliqué, la pratique du jeûne comporte
quelques risques au même titre que la prière, l'offrande (ou
l'aumône), [ ...] Jésus prend soin dans le Sermon sur la montagne
d'avertir ses auditeurs contre les tentations liées aux actes
extérieurs de la piété (Matthieu 6:1-8). Son souci est
d'inviter le croyant à plus d'authenticité : que ce qu'il exprime
par des gestes soit en accord avec ce qu'il est réellement et non avec
ce qu'il désire paraître ! Il fait ainsi écho aux
prophètes de l'Ancien Testament qui insistaient sur le coeur plus que
sur le rite extérieur "Déchirez vos
coeurs, et non vos vêtements..., selon
Joël 4(*)7.
Ils ont repéré trois risques liés
à l'aspect extérieur du jeûne4(*)8 :
· Le formalisme : Le livre du prophète
Esaïe dénonce l'attachement excessif du peuple à la forme au
détriment de l'esprit qui doit y présider. «Vous
jeûnez pour vous disputer et vous quereller, pour frapper
méchamment du poing, [...] Est-ce là le jeûne que je
préconise un jour où l'homme s'humilie ? S'agit-il de courber la
tête comme un jonc, de se coucher sur le sac et sur la
cendre...? » (Esaïe 58:4). Le jeûne mis en cause ici
paraît rituellement correct mais est véritablement scandaleux.
L'attention de Dieu exprimée par le geste est démentie par
l'injustice manifestée à l'égard du prochain. Il y a dans
le formalisme une erreur de stratégie. Le croyant use
son énergie à se conformer aux détails extérieurs
pour éviter de se mettre en cause sur le plan intérieur.
· L'ostentation : Jésus, lui, s'en
prend à la publicité que nous pouvons mettre en oeuvre autour de
nos actes de piété : "les hypocrites ... se rendent le visage
tout défait pour montrer aux hommes qu'ils jeûnent"(
Matthieu 6:16). Cette attitude correspond au désir de
paraître, d'être bien vu des hommes. Il y a dans l'ostentation une
erreur de destinataire. Le croyant privilégie un rapport de domination
ou au moins de comparaison avec les autres au lieu de rester dans une relation
de soumission à Dieu. Cela peut revêtir des formes plus ou moins
subtiles. Le mimétisme en est une: nous jeûnons simplement pour ne
pas faire moins que les autres ; la revendication en est une autre : nous
jeûnons pour asseoir notre légitimité au sein de la
communauté !
· La superstition : Plus
généralement, l'écriture combat les conceptions
païennes, quasi magiques des actes de piété. Le jeûne
n'est en aucune manière une façon de contraindre Dieu à
exaucer notre prière, ni de le manipuler pour qu'il acquiesce à
notre volonté. Ce n'est pas non plus un exercice de spiritualité
mystique, de recherche d'un état d'extase pour obtenir de
sensationnelles révélations divines. Il y a dans la superstition
une erreur de compréhension majeure. Le croyant cherche ailleurs qu'en
Dieu et son amour, le moyen de son salut. Il s'efforce d'en être un
acteur méritant et de maîtriser, si c'était possible,
l'action du Dieu vivant.
CHAPITRE 3
LES CAUSES DE LA PROLIFERATION
DES SERVICES DE JEUNE ET DE PRIERE
Dans ce chapitre nous faisons une analyse des causes de la
prolifération des services de jeûne et de prière dans la
ville du Cap-Haïtien. Ces causes nous semblent tout aussi valables pour
l'ensemble du pays. Il s'agit de facteurs socio-économiques et culturels
qui sont directement ou indirectement liés à la multiplication de
ces services puisqu'ils incitent de plus en plus de gens à y prendre
part. Nous devons préciser que l'inexistence de ces facteurs
n'entraînera pas la disparition totale de ces services, mais les
diminueront dans une proportion non moins importante.
Il s'agit des croyances et comportements résultants de
la mentalité culturelle ou religieuse, des causes sociales ayant rapport
au sous-développement et à la crise structurelle de la
société haïtienne, également des causes
économiques conjoncturelles. Nous disons conjoncturelles, par le fait
que la situation économique de ce pays commence véritablement
à s'aggraver à partir des années 90, à la suite des
différentes querelles survenues entre les acteurs politiques.
3.1.- QUELQUES CROYANCES ET
COMPORTEMENTS
Au Cap-Haïtien, on dirait même en Haïti, il y
a un ensemble de croyances et de comportements particuliers qui
caractérisent la population. Ces conduites et ces manières
d'agir sont la part d'une partie très importante de gens de toutes les
couches religieuses du pays. Et si l'on se réfère à une
définition strictement descriptive, objective et normative4(*)9 de la culture en tant que
l'ensemble de croyances, de coutumes et des habitudes acquises par l'homme dans
la société, on parlerait même dans ce cas de faits
culturels chez l'haïtien et qui rentrent d'emblée dans ses moeurs
et aide à le reconnaître en tant que tel. Etant donné
qu'il n'y a pas de causes sans effets, cela provoque certaines réactions
qui peuvent être différentes d'un groupe d'haïtiens à
un autre. Particulièrement pour les chrétiens, ils
réagissent par rapport à ces faits par l'organisation de services
de jeûne et de prière. Les croyances et les comportements qui
influencent les chrétiens du Cap-Haïtien à fréquenter
le plus les services de jeûne et de prière sont entre
autres : la superstition, le fatalisme, La mésinterprétation
de la providence de Dieu, l'amour du paternalisme et le goût de
l'émigration
3.1.1.- La superstition
Selon le dictionnaire encyclopédique Hachette,
« la superstition est un attachement étroit et formaliste
à certains aspects du sacré ; croyance religieuse
considérée comme non fondé5(*)0 ». Et d'un autre côté,
l'encyclopédia la définit comme « toutes
croyances, tous comportements présumés irrationnels ou
jugés excessifs dans leurs manifestations culturelles relèvent
alors de la superstition5(*)1 ». A Partir de ces définitions,
nous considérons la conception haïtienne de
« loup-garou », de « batterie », de
« coup de poudre », de « zombi », de
persécution de la part des « loas des habitations »
et autres croyances du même genre comme des conceptions superstitieuses.
Une autre forme de la manifestation de la superstition chez l'haïtien,
c'est le fait d'attribuer la situation de misère des gens à la
malédiction. Comme l'a si bien fait remarquer Emil Cioran :
« Le meilleur moyen de consoler un malheureux est de l'assurer qu'une
malédiction certaine pèse sur lui. Ce genre de flatterie l'aide
à mieux supporter ses épreuves, l'idée de
malédiction supposant élection, misère de choix5(*)2
». L'haïtien se croit toujours attaquer ou
posséder par le mauvais sort ou le mauvais esprit, il mène
toujours une lutte incessante contre la persécution.
Pour se protéger contre
ces mauvais esprits et renvoyer la malédiction ou bien pour se
protéger contre les éventuelles attaques des méchants et
des ennemis, les gens cherchent toujours une manière appropriée.
Ce qui est important à souligner, c'est que les procédés
se diffèrent d'un groupe de personnes à un autre. Si pour
certains le moyen le plus efficace c'est de recourir aux houngans, pour les
chrétiens, il convient de se diriger vers Dieu dans les réunions
de jeûne et de prière. Ils estiment que ces services restent le
moyen idéal pour trouver cette protection dont ils ont besoin. Les gens
prient et se convertissent non pas pour être sauvé du
péché, mais pour ne pas être mangés par le diable ou
les « loup-garou ».
3.1.2.- Le fatalisme
Selon le dictionnaire Hachette, « le fatalisme est
l'attitude de ceux qui pensent qu'il est vain de chercher à modifier les
cours des événements fixés par le destin 5(*)3». Ainsi, nous
considérons le fatalisme aussi comme un autre facteur de la liste des
comportements des chrétiens haïtiens. Pour le
fataliste, avons nous lu : « Tout ce qui arrive est soumis
à une nécessité absolue parce que c'est écrit dans
un livre ; c'est une croyance irréfutable puisque le livre est
inaccessible, au-delà de la nature, métaphysique
en quelque sorte5(*)0 ».
Ainsi, le fataliste se résigne à ses mauvaises
conditions et les accepte sans avoir besoin d'agir concrètement pour
s'en sortir. On trouve ce comportement de fataliste chez bons nombres des
chrétiens de la ville du Cap-Haïtien et ils sont parfois
encouragés par les messages qu'ils entendent de la plupart des
prédicateurs. Ils sont encouragés à accepter leur
situation comme étant la résultante de la volonté de Dieu
et ils ne peuvent rien faire pour changer les choses. Le bien-être qu'ils
souhaitent ne pourra pas être venu d'eux-mêmes parce que c'est Dieu
lui-même qui a décidé que cela soit ainsi et c'est lui seul
qui pourra apporter les changements nécessaires. Donc, connaissant que
la volonté de Dieu est inéluctable et aura lieu quoi qu'on fasse,
certains chrétiens estiment qu'il est tout à fait inutile de se
tracasser et prennent la décision de mener uniquement des
activités religieuses. Le mieux à faire c'est de rester tout le
temps en présence de Dieu qui en retour donnera des couronnes à
ceux qui méprisent les choses de ce monde, pensent ces gens
là.
3.1.3.- La
mésinterprétation de la providence de Dieu
Une autre idée qui encourage les chrétiens
à se tourner vers les services de jeûne et de prière est
celle de la Providence. La Providence, ainsi définit:
«Volonté divine, considérée comme la sagesse qui
gouverne le monde»5(*)4, sous-entend que Dieu gouverne les
événements du monde, et donc en particulier la vie de chaque
être humain. Comme il est ainsi, abandonner tout à Dieu dans la
prière et il pourvoira aux différents besoins. En fait, nous
sommes d'accord et conscient de la Providence de Dieu ; elle a une
très grande fonction dans ce monde, l'évolution de l'univers
permet de le penser. Mais est-ce que Dieu tire pour autant toutes les ficelles
? Est-ce que la Providence de Dieu veut dire que l'homme n'a aucune
liberté, aucune marge de manoeuvre? Rien n'impose de le penser ainsi.
Dans la Bible, la liberté de l'être humain est un point important.
Dieu ne crée pas des robots, mais des êtres qu'il veut libres,
qu'il libère même volontairement et qu'il laisse respirer en se
faisant discret. Cette liberté est sans cesse rappelée par des
appels à progresser.
Nous ne doutons pas de la providence de Dieu, nous savons
pertinemment son pouvoir de diriger comme il veut les choses, il intervient
dans le monde entier en faveur des hommes du monde entier. Mais la providence
de Dieu ne bannit pas les efforts personnels de l'homme, nous ne croyons pas
que les choses soient exactement ainsi. Dieu nous donne l'intelligence et c'est
à cause même de cette intelligence que nous lui ressemblons. Il
créa l'homme à son image et à sa ressemblance. La
Providence de Dieu ne saurait être séparée d'une action qui
implique la participation de l'homme.
Le principe de l'action de chaque chrétien doit
être ainsi appréhendé :
« Confie-toi à Dieu comme si le succès des choses
dépendait entièrement de toi et en rien de Dieu ; donne-toi
cependant pleinement à l'oeuvre comme si tu ne devais rien faire, et
Dieu seul toute chose5(*)5 ». Un autre passage de Paul (1Corinthiens
3,7) nous enseigne que : « C'est à nous de bien planter
et de bien arroser ; mais donner la croissance, cela appartient à
Dieu ». Si confiante qu'elle soit, notre prière ne nous
dispense pas de l'action. L'effort humain, la mise en oeuvre de moyens humains,
la recherche de solutions restent, chaque fois que c'est possible,
indispensables. L'homme n'est nullement déchargé de ses
responsabilités. Il s'agit d'une fausse interprétation de
penser que la Providence de Dieu encourage les chrétiens à
rester dans l'inaction et de laisser Dieu faire tout pour eux.
3.1.4.- L'amour du
paternalisme
Le paternalisme, « c'est la conception selon
laquelle la personne qui détient l'autorité doit jouer
vis-à-vis de ceux sur qui elle s'exerce, un rôle analogue
à celui du père vis-à-vis de ses enfants ;
bienveillance condescendante dans l'exercice de l'autorité 5(*)6». Lorsque nous parlons
de l'amour du paternalisme, nous voulons faire référence à
la mentalité de certains de solliciter constamment l'aide d'un
« bon Papa » pour résoudre leurs problèmes.
C'est un comportement qui est très cultivé chez une bonne partie
de la population haïtienne. Les gens encouragent par leur attente le
développement du paternalisme. Ils ont toujours besoin d'un papa, d'un
parrain ou d'une force extérieure à eux-mêmes pour
résoudre leurs problèmes et satisfaire leurs besoins. L'effort
personnel ne suffit pas, ils pensent toujours à un
« Patron » sans lequel ils n'ont aucun espoir. Pour une
bonne part de la population, Dieu est ce Patron, ce « Bon
Papa » par excellence à qui il faut se confier pour
avoir une meilleure situation socio-économique. Ils pensent qu'il faut
s'adresser constamment à ce bon père céleste dans les
réunions de jeûne et de prière.
Les gens prient pour tout et sont convaincus que le Dieu
« Bon Papa » ne manquera pas de leur accorder ce qu'ils
demandent par la prière, même s'ils n'en sont pas à la
hauteur. Comment expliquer qu'un élève qui n'a jamais tenu un
livre pour étudier, à l'approche des examens, se mette à
prier sans cesse dans l'espoir d'obtenir de bonnes notes ? Beaucoup de
gens désirent occuper de bons emplois, sans avoir une solide formation,
ils pensent qu'en priant et en jeûnant, ils atteindront tôt ou tard
leur objectif avec l'aide de Dieu.
Donc, cet amour du paternalisme est une de causes de la
prolifération des services de jeûne et de prière dans la
ville du Cap-Haïtien. Face à la situation chaotique du pays, les
gens ont tendance à faire deux choix : ou bien ils cherchent un
support dans la religion, ou bien ils le cherchent auprès d'un parrain
du pouvoir étatique; ils envisagent rarement de sortir des
difficultés en utilisant leurs propres moyens, leurs
potentialités naturelles.
3.1.5.- Le goût de
l'émigration
La plus grande fierté de certains haïtiens, c'est
de pouvoir laisser leur pays d'origine pour aller s'établir dans un pays
étranger. Ils éprouvent ainsi un sentiment d'amour pour
l'émigration, ils considèrent le voyage vers un pays d'Europe ou
d'Amérique du nord comme une très grande évolution
sociale. Le fait de pouvoir bénéficier d'une résidence
à l'étranger vaut plus de choses pour certains haïtiens que
l'instruction même. D'ailleurs, nous connaissons des cas où les
gens abandonnent des études universitaires au profit d'un
« Racket aux Etats Unis D'Amérique ». Des
données recueillies au Ministère des Haïtiens vivant
à l'Etranger estiment à environ deux millions de ressortissants
haïtiens vivant à l'étranger, soit un quart de la population
vivant en Haïti5(*)7.
Pour la majorité des haïtiens, il est tout
à fait impossible d'avoir un avenir dans ce pays, il faut
inévitablement sortir d'ici pour avoir une meilleure condition de vie.
Cette conception n'épargne pas les chrétiens, car certains
d'entre eux considèrent comme une très grande
bénédiction de Dieu le fait de pouvoir trouver un
« visa américain ». Par leur façon d'agir,
ils font sous-entendre qu'il n'y a aucune possibilité de
développement personnel en Haiti. C'est pourquoi qu'ils se sentent
réellement délivrés, quand ils trouvent un visa ou une
résidence et se rendent dans les grands pays industrialisés, dans
les « Canaans des temps modernes », là
où coulent le lait et le miel.
Les gens marchent et persévèrent dans les
réunions de Jeûne et de prière avec leurs passeports ou
ceux de leurs proches et amis pour trouver une voie d'immigrer dans l'une des
grandes sociétés du monde occidental. Ils exhibent
superstitieusement ces passeports afin de pouvoir demander à Dieu de
convaincre les consuls à leur octroyer le visa de délivrance. Les
mariages avec des gens de la diaspora sont aussi considérés
comme une bénédiction. Des buts de prière vont dans le
sens de réclamer de Dieu un mariage avec quelqu'un de la diaspora afin
de pouvoir bénéficier d'une résidence à
l'étranger.
3.2.- LES CAUSES SOCIALES
Des causes d'ordre social sont aussi à la base de la
multiplication des services de jeûne et de prière dans le milieu
chrétien de la ville du Cap-Haïtien. Nous savons tous qu'Haiti est
un pays qui fait face à de multiples problèmes sociaux. La
population se met toujours en quête de solutions à ces graves
problèmes qui ne cessent de la ravager. On comprend pourquoi les gens
affichent le plus souvent un comportement naïf qui les portent à
croire à toutes choses qu'ils pensent pouvoir apporter des solutions
à leurs différents problèmes. Parmi les plus graves
problèmes sociaux dont nous parlons figurent :
l'analphabétisme, le manque de confiance en soi, la défaillance
du système sanitaire et le manque d'intégration sociale de
l'Eglise. Tous ces facteurs ont, d'une façon ou d'une autre, une
certaine liaison avec l'organisation des services de jeûne et de
prière dans la ville du Cap-Haïtien.
3.2.1.- L'analphabétisme
Le premier facteur social identifié est
l'analphabétisme qui est, en général, l'un des plus grands
maux que souffre la société haïtienne. Plus de 50% de la
population d'Haïti ne savent ni lire ni écrire5(*)8. Dans un pays
déjà sous- développé, lorsqu'un fort pourcentage de
la population ne sait ni lire, ni écrire, il est vraiment difficile pour
ces gens de décider de leur avenir. Cet état de fait rend les
gens de plus en plus incapables d'assurer pour eux-mêmes et pour leur
famille un mieux-être. A défaut de pouvoir le faire de par
eux-mêmes, ils doivent chercher un support et ce support ils le trouvent
dans les services de jeûne et de prière. Nous ne prétendons
pas dans cette analyse, que ce soit seulement des alphabètes qui
fréquentent les services de jeûne et de prière, mais
à cause du nombre élevé d'alphabètes dans la ville
du Cap-Haïtien, ces services trouvent du terrain pour se propager. Ils
sont incapables de lire la bible et d'analyser les messages qu'ils entendent
pour voir s'ils sont conformes à la parole de Dieu. Donc, à
défaut de pouvoir discuter, ils acceptent naïvement tout ce qu'on
leur dit.
3.2.2.- Le manque de confiance en
soi
Les gens doutent de leur capacité à
résoudre de par eux-mêmes leurs difficultés; ils n'ont pas
confiance en eux-mêmes. Comme nous l'avons déjà
expliqué, les Haïtiens ont toujours pensé que la solution
à leurs problèmes, l'amélioration de leur condition de vie
ne sera possible que par le biais d'un autre ou d'une force extérieure
à eux-mêmes. Le professionnel croit que pour se développer,
il est plus important de prier, de persévérer dans les services
que d'être sérieux, discipliné ou de remettre les travaux
à temps. De même que pour les étudiants qui, à
l'approche des examens ou d'un concours, se mettent à prier au lieu
d'étudier. Ces comportements ne font pas la gloire de Dieu, lui qui est
un être discipliné, juste et dynamique. Dieu accorde de
l'intelligence à chacun de nous ; il veut que nous la
développions et la mette en action. Il veut que nous travaillions afin
d'avoir confiance en nous-mêmes, d'être libres et de
développer les facultés qu'il a déjà mises en nous.
Les chrétiens ne doivent pas passer tout leur temps à prier pour
la seule résolution des problèmes matériels qu'ils
pourraient résoudre de par eux-mêmes si et seulement si, ils
avaient un peu de confiance en eux-mêmes. Les services de jeûne et
de prière qui pullulent dans la ville du Cap-Haïtien sont en
quelque sorte la résultante de ce manque de confiance en soi. Les gens
pensent qu'ils ne peuvent rien faire pour eux-mêmes, mais ils doivent
tout abandonner dans les bras du seigneur et ainsi ils bannissent
l'intelligence que Dieu leur accorde tout naturellement.
3.2.3.- La défaillance du système
sanitaire
Au Cap-Haïtien et dans tout le pays d'ailleurs, le
système sanitaire est très défaillant. Non seulement il
n'y a presque pas d'infrastructures sanitaires dans la ville, mais le peu qui
en existe sont à la fois très chères et sous
équipées. La majorité de la population n'a pas les moyens
pour se procurer les services de santé qui y sont offertes. Les
données rapportées par l'organisation mondiale de la santé
en 1992 ont fait état d'un médecin pour 10.000 habitants et
depuis, au lieu d'une amélioration de la situation, elle se
dégrade. En guise de substitut à ce besoin de santé qui
se fait de plus en plus sentir dans la communauté capoise, les gens sont
obligés de se rendre dans les services de jeûne et de
prière dans l'espoir de trouver une solution à leurs maladies.
C'est ainsi qu'il y a même des services dans la ville qui se nomment
« clinique spirituelle » où paradoxalement
l'on reçoit des gens qui ont des maladies physiques et l'on prie Dieu
pour leur guérison. Beaucoup de gens
préfèrent aller dans ces cliniques spirituelles au lieu de se
rendre à l'hôpital ; ils prétendent avoir
trouvé un meilleur résultat en priant que de se rendre dans un
centre de santé sous équipé. Nous sommes convaincus que si
le système sanitaire était plus efficace, nous n'aurions pas eu
tant de buts relatifs à la guérison dans les services de
prière.
3.2.4- Le manque d'intégration sociale de
l'église
Ce problème de l'église haïtienne est
très sérieux, disons c'est un complexe de l'église
vis-à-vis de la société. Surtout dans certaines
dénominations protestantes, la conception veut que le chrétien se
considère comme un étranger, un passager sur cette terre, par
conséquent il n'est même pas utile de se soucier des questions
sociales ; seul le spirituel doit intéresser l'église et les
chrétiens. D'ailleurs, à travers certains chants comme celui
trouvé dans le numéro 39, section mélodie Joyeuse du
recueil des chants d'Espérance, nous pouvons avoir une idée de
l'état d'esprit de bon nombre de dénominations
ecclésiastiques haïtiennes par rapport à la vie sociale.
Nous lisons ceci : « Lémon se pa lakay moin ;
nan sièl map pralé ; trézò moin ak kè
moin, an-ro yo tout fiksé (*)». Le chrétien doit mener une vie
angélique partagée entre la prière, l'adoration, les
chants, etc., mais les besoins matériels ne doivent point
l'intéresser. La société, ni même son propre
développement et celui de sa famille ne doivent constituer une
préoccupation pour lui; il lui suffit seulement de prier, de
jeûner et d'attendre la mort en vue de bénéficier le
paradis celeste.
3.3.- LES CAUSES ECONOMIQUES
La société haïtienne fait face depuis
environ une quinzaine d'années, à une grave crise structurelle.
Toutes les institutions du pays sont tombées en décadence. Mais
les choses commençaient réellement à s'empirer à
partir du coup d'Etat militaire de 1991. Depuis cette époque, Haïti
est rentrée dans une zone de turbulence socio-politique et
économique et même religieuse. Le peuple haïtien ne cesse de
connaître des moments difficiles. Toutes les couches sociales de ce pays,
à l'exception des grands manitous du pouvoir et de leurs acolytes, sont
touchées par les difficultés socio-économiques. Nous
enregistrons, particulièrement dans la ville du Cap-Haïtien, de
plus en plus de pauvres, de plus en plus de mendiants et de plus en plus de
gens qui sont livrés dans la misère, le chômage et le sous
emploi. L'inflation avance chaque jour à un rythme effarant, les prix
des produits de première nécessité augmentent à
intervalle régulier. La dévaluation de la gourde réduit
considérablement le pouvoir d'achat de la population et,
particulièrement, la classe moyenne et le prolétariat.
Pour trouver un soulagement, les plus touchés par les
difficultés économiques sont obligés de se rendre dans les
services de jeûne et de prière dans l'espoir d'implorer Dieu pour
qu'il leur donne dans son amour un moyen de prendre soin de leurs familles.
Ainsi, la crise économique, la hausse du coût de la vie et le
chômage sont les principales causes que nous allons analyser dans les
lignes subséquentes.
3.3.1.- La crise économique
La grave crise économique qui ravage la
société haïtienne depuis les années 90 est aussi
considérée comme l'une des causes de la prolifération des
services de jeûne et de prière dans la ville du Cap-Haïtien.
Les gens souffrent de toutes sortes de maux économiques et pour trouver
un soulagement à leurs problèmes ils sont obligés de
chercher une voie pour apporter ces problèmes à Dieu. Les parents
sont aux abois et ne savent comment prendre soin des enfants, payer le loyer,
l'écolage, etc. Dans un pays où il n'y a presque rien à
faire ; il n'y a pas de travail, l'inflation augmente quotidiennement. Il
n'y a aucune institution sérieuse d'assistance sociale. Face à
ces difficultés, les gens pensent pouvoir trouver un réconfort
dans des services de jeûne et de prière. Dieu est le Dieu de
l 'impossible, le Dieu de la veuve et de l'orphelin, il est le seul qui
puisse apporter un espoir pour les laissés pour compte, les
déshérités, les abandonnés et les sans secours de
la société.
3.3.2.- La hausse du coût de la
vie
Il est vraiment difficile pour la majorité de la
population haïtienne de vivre de façon normale. Dans ce pays, plus
de 60% de la population haïtienne n'arrive pas à réaliser
suffisamment d'argent pour dépenser. Et cette situation de fait touche
presque toutes les couches sociales et religieuses d'Haïti. Les
chrétiens comme les vodouisants font face à ces
difficultés, ils dépensent très au-delà de leur
revenu. Les chrétiens spécifiquement cherchent la solution
auprès de Dieu, en cherchant sa présence au moyen des services de
jeûne et de prière. Ce n'est pas sans raison que ces
chrétiens déclarent vivre par la foi. La recherche d'une
amélioration de leurs conditions de vie est de plus en plus inaccessible
dans un pays ou les bonnes initiatives sont de plus en plus rares de la part
des autorités constituées. Avec la hausse du prix des loyers, de
la nourriture, de la scolarité, du transport public, les gens sont aux
abois et le mieux pour eux c'est d'abandonner tout entre les mains du Dieu de
l'impossible.
3.3.3.- Le chômage
Le chômage est le plus gros des problèmes et
constitue l'une des causes les plus importantes de la prolifération des
services de jeûne et de prière dans la ville du Cap-Haïtien
à partir des dix dernières années. En plus d'une
quantité importante de gens qui ne peuvent pas trouver du travail ou une
occupation quelconque, il y a aussi une autre catégorie qui soit disant
travaille, mais leur salaire est très loin de résoudre leur
problème ou de couvrir leurs dépenses mensuelles, c'est la
catégorie des « sous-employés ». Ceux qui ne
travaillent pas du tout et les « sous-employés »
touchent environ 80% de la population haitienne5(*)9. C'est pourquoi que la
demande de travail occupe plus de 30% des buts de prière exprimés
dans les services de jeûne et de prière tenus dans la ville du
Cap-Haïtien. Des jeunes avec des diplômes en mains ne peuvent pas
trouver du travail, des malheureux avec une famille très nombreuse
à nourrir, à vêtir et à loger n'ont absolument
aucune occupation. Et pour faire face à ces graves difficultés,
les chrétiens s'appuient sur Dieu plutôt que d'espérer une
quelconque intervention de l'Etat et du Gouvernement. Pour eux, l'espoir de
trouver un travail répondant à leur attente et besoin, de trouver
quelque chose de rentable à faire viendra de Dieu et de lui seulement
par la prière.
CHAPITRE 4
LES CONSEQUENCES DE LA PROLIFERATION
DES SERVICES DE JEUNE ET DE PRIERE
Ce chapitre analyse les conséquences néfastes
des services de jeûne et de prière pratiqués de
façon exagérée et incontrôlée, sur
l'église et la société haïtiennes. Nous reconnaissons
la valeur du jeûne et de la prière, cependant, lorsqu'il y a
détournement du sens de ces deux termes, lorsque des messages sur leur
pratique se détournent de l'esprit de la bible, ils font plus de mal que
de Bien.
La prolifération des services de jeûne et de
prière dans le milieu chrétien capois a sans doute des
conséquences tout à fait positifs : ces services
occasionnent de très bonnes situations au profit des participants et
même de la collectivité capoise. Il ne faut pas nier qu'à
cause de ces services, il y a des gens qui rencontrent sincèrement Dieu
et qui sont délivrés du joug du diable, guéris de leur
maladie et sortis vainqueurs des persécutions. Mais en même temps,
il faut reconnaître que ces services ont des conséquences qui ne
sont pas tout à fait profitables aux participants, à
l'église et à la communauté capoise. Certains leaders
encouragent les participants à ne pas s'occuper de ce qui se passe dans
le pays ; les élections, les fonctions politiques, les
revendications sont la part des « mondains » et des
« Païens ». Le vrai chrétien n'a affaire
qu'à ses prières, disent-ils. C'est une très mauvaise
mentalité de penser que les choses politiques doivent être
méprisées par les chrétiens. Car nous savons tous que Dieu
a placé le chrétien sur la terre, non pas pour l'isoler, mais
pour lui permettre de dominer sur toute la terre. L'homme n'a pas
été créé pour mener une vie d'isolement, mais pour
s'impliquer honnêtement et positivement dans la gestion de tout ce qui
concerne sa vie.
Les chrétiens en tant que citoyen du monde doivent
s'impliquer au lieu de s'isoler, ils ont un certain rôle à jouer
dans la gestion et la bonne marche de sa Société où Dieu,
le créateur les a placés. Très souvent, nous constatons
que les chrétiens se désengagent des problèmes de leur
milieu et se montrent très désintéressés à
ce qui se passe. Pour eux, les choses de ce monde ne regardent que les
méchants, que ceux qui n'ont pas eu d'égard pour Dieu. Or le
chrétien souffre comme tout le monde de la mauvaise gestion des
politiciens malhonnêtes, alors pourquoi ne doit-il pas lui aussi prendre
des engagements pour empêcher que des méchants prennent le
contrôle du pays ? Le docteur Casséus Jules a raison de
penser que : « l'église haïtienne, dans sa
pastorale, doit former des cadres et fournir des chrétiens
sérieux pour diriger la destinée du pays. Elle ne doit pas
laisser aux profiteurs, aux hommes sans foi ni lois, aux ambitieux du pouvoir,
aux idolâtres, aux hommes sans Dieu, de continuer à gérer
ce pays6(*)0 ». Il poursuit plus loin que :
«pour que les choses changent en Haïti, nous, chrétiens
haïtiens, avons notre mot à dire dans l'arène
socio-politique, nous devons élire des hommes et des femmes de Dieu
dans des postes de commande. Négliger cette responsabilité, c'est
de contribuer nous-mêmes à notre malheur 6(*)1». Nous sommes conscients
que le chrétien doit mener une vie de prière, mais Dieu ne
méconnaît pas le droit du chrétien de jouer un certain
rôle dans la bonne marche de sa communauté.
4.1.- LES CONSEQUENCES POLITIQUES
Nous avons relevé parmi les conséquences
politiques de la prolifération de ces services de jeûne et de
prière dans la ville du Cap-Haïtien, certains facteurs qui ont
affecté la bonne marche politique de la société
haïtienne. Nous pouvons citer, entre autres : le déficit de
citoyenneté chez les chrétiens, le déficit de
moralité politique et une église en marge des grandes questions
politiques. Nous devons toutefois préciser que les services de
jeûne et de prière n'en sont pas la cause directe, mais à
cause des messages qui y sont véhiculés, les chrétiens ont
défini d'autres priorités au lieu de penser aux affaires de
pays, des choses publiques, de la collectivité, etc.
4.1.1.- Déficit de citoyenneté chez les
croyants
Nous estimons qu'il est très désavantageux pour
le pays, lorsqu'une bonne partie de la population renoncent à leur
privilège de citoyens sous prétexte que les choses d'ici-bas ne
les concernent pas. Ils passent tout leur temps dans des services de
jeûne et de prière et laissent les hommes politiques
décider comme bon leur semble de l'avenir du pays. Jésus Christ
lui-même n'a t-il pas dit à ses disciples dans Marc 12 : 17
de donner à César ce qui est à César et à
Dieu ce qui est à Dieu ? C'est parce qu'il reconnaît la
légitimité de César en tant que fonction politique, donc
tacitement, le maître n'a aucun problème avec quelqu'un qui
s'occupe de la politique, encore moins avec celui qui surveille la gestion des
hommes politiques recevant un mandat de bien diriger son pays.
Dieu ne dit pas aux chrétiens de s'isoler en tant que
chrétiens, très souvent les solutions que les fidèles
cherchaient dans les services de jeûne et de prière, ils
pourraient les trouver si et seulement si, ils s'impliquaient un peu plus dans
la société. Tous les chrétiens sont des citoyens à
part entière et ils ont la responsabilité d'oeuvrer et de
participer à la gestion de leur pays. Le fait de s'isoler et de se
marginaliser n'apportera aucun résultat positif. Ceux qui prennent ce
malin plaisir font plus de tort que de bien à l'église
haïtienne et au pays. En organisant des services de jeûne et de
prière par-ci et par-là, cela les empêchent de pouvoir
participer activement à la surveillance du pays et d'exercer la pression
légale qui devrait porter les gouvernants à prendre leur
responsabilité. Le plus grand danger, c'est de se dire que la politique
c'est "l'affaire d'une oligarchie»: "je ne suis pas concerné". La
résolution des problèmes socio-politiques et économiques
d'Haïti passera par l'implication de tous ses fils, y compris tous les
chrétiens dans les affaires du pays. L'église doit admettre
qu'elle a des responsabilités vis-à-vis de la nation
haïtienne. Des services de jeûne et de
prière çà et là aux dépens d'actions
concrètes, de prise de conscience et de changement de mentalité
ne constitueront jamais des solutions aux problèmes de maladie et de
pauvreté des chrétiens haïtiens, comme l'a si bien dit le
docteur Casséus : « Seule une action sociale effective de
l'église haïtienne peut aider le peuple haïtien à
trouver les solutions appropriées à ses différents
problèmes »6(*)2.
Le patriotisme du chrétien haïtien doit être
actif. Il doit le manifester en défendant la patrie contre les ennemis
internes et externes, en travaillant pour le bien commun, en ayant le souci
d'organiser la vie nationale ou communautaire, y compris en participant aux
affaires de direction politique. Le chrétien doit préserver et
développer la culture nationale, l'identité populaire. L'Eglise,
organisme divino-humain, n'est pas seulement d'essence mystique,
indifférente aux aléas de ce monde: Elle est aussi Eglise
historique, en contact et en interaction avec le monde extérieur, y
compris avec l'Etat. Au lieu de s'isoler, d'être passifs, nous estimons
au contraire que les vrais chrétiens
doivent participer à la direction de l'Etat et aux processus
politiques et fonder leurs activités sur les normes de la morale
évangélique, sur l'unité de la justice et de la
miséricorde (Ps. 84 : 11), sur le souci du bien spirituel et
matériel des hommes, sur l'amour de la patrie et l'aspiration à
transformer le monde qui l'entoure selon la parole du Christ.
4.1.2.- Déficit de
moralité politique
Les Chrétiens sont tellement mobilisés à
ne pas participer dans les choses politiques à travers les messages qui
sont délivrés dans les services de jeûne et de
prière qu'ils éprouvent un désintérêt total
pour la politique. En conséquence, il est vraiment rare de trouver des
gens honnêtes dans les postes politiques puisqu'il est entendu que les
chrétiens, les gens honnêtes ne doivent pas faire de la
politique. La politique doit être l'affaire des coquins, des
malhonnêtes, des criminels, des assassins, des meurtriers, alors que des
personnes régénérées qui ont la crainte de Dieu
doivent se mettent à l'écart et subir la loi des méchants.
Nous ne croyons pas du tout qu'une telle conception vienne de la Bible. Cette
façon de penser n'est que le résultat de fausses
interprétations de la parole de Dieu. D'ailleurs, Jésus, dans
l'évangile de Matthieu 5 : 13-16, considère le
chrétien comme le sel et la lumière du monde. Comme sel pour
« neutraliser la corruption qui sévit dans tous les aspects
de notre société : La famille, l'école le
gouvernement6(*)3 ». Comme lumière « pour
éclairer dans les ténèbres de l'ignorance, de la
superstition, du sous développement, du fatalisme6(*)4 ».
Les chrétiens ne doivent pas se marginaliser et laisser
la place aux immoraux, car l'évangile de Matthieu nous a appris
que : « quand on allume la lumière, ce n'est pas pour
la mettre sous le boisseau, mais sur son support et elle brille pour tous ceux
qui sont dans la maison. De même, que votre lumière brille aux
yeux des hommes, pour qu'en voyant vos bonnes actions ils rendent gloire
à votre père qui est aux cieux », (Matthieu
5 : 15-16).
Haïti est considérée comme l'un des pays
les plus mal gérés de la planète ; tout cela à
cause du désengagement des personnes honnêtes dans les choses
publiques. Il y a une très grande carence d`hommes sérieux dans
les administrations publiques ; c'est ce qui fait aussi que les ressources
économiques et financières du pays sont très mal
utilisées. Comme conséquence, Haïti est depuis plusieurs
décennies le pays le plus pauvre du continent americain6(*)5.
L'église n'accomplit pas sa mission de salut du genre
humain uniquement par la prédication directe. Elle le fait
également par ses bonnes actions, destinées à
l'élévation morale et spirituelle du monde environnant et
à l'amélioration de son état matériel. C'est
pourquoi elle est amenée à travailler de concert avec
l'état, même lorsque celui-ci n'a pas de caractère
chrétien affiché, avec différentes associations publiques
ou personnes privées, qu'ils s'identifient ou non à la foi
chrétienne. Tout en refusant de poser la conversion à
l'Orthodoxie comme condition de sa coopération, l'Eglise espère
que la bienfaisance commune conduira ses collaborateurs à la
connaissance de la Vérité, les aidera à conserver ou
restaurer en eux la fidélité naturelle aux normes morales, leur
permettra d'atteindre la paix, la concorde et la prospérité, sur
la base desquelles l'Eglise peut au mieux accomplir son oeuvre de salut.
4.1.3.- Une vie marginalisée
Le docteur Casséus Jules, parlant des chrétiens
ermites de l'histoire de l'Eglise déclare que : « A
l'époque contemporaine, nous trouvons des chrétiens qui veulent
passer la majeure partie de leur temps dans les jeûnes sur la montagne,
la contemplation, la recherche de vision qui donnent la nostalgie du ciel,
alors qu'ils oublient la raison pour laquelle Jésus christ a
laissé et placé son Eglise sur la terre6(*)6. »
Le fait d'encourager les chrétiens à passer la
plus grande part de leur temps à participer dans des services de
jeûne et de prière comme principal moyen de résoudre les
différents problèmes, créent chez eux un comportement de
marginalisés et entraîne du même coup la naissance d'une
église marginalisée. Nous savons très bien qu'une
église marginalisée est la négation de l'Eglise de
Jésus Christ, d'ailleurs cette Eglise est placée dans le monde
pour servir de sel et de lumière à ce monde. L'église
doit intervenir pour amener à la raison ceux qui pataugent dans la
méchanceté et la corruption et pour aider également la
société à trouver d'abord la voie du salut, mais aussi la
voie du développement socio-économique. Si tous les
chrétiens, les fidèles vraiment
régénérés étaient décidés
à changer au mieux leur société, ils pourraient le faire.
Ils leur auraient suffit seulement de s'impliquer et de chercher la solution
de leur problème en priant et en agissant.
Les chrétiens, s'ils avaient pris leur
responsabilité pourraient influencer dans le bon sens leurs
communautés, dans la voie du développement durable. Les
chrétiens américains et des pays développés que
très souvent nous prenons en exemple s'impliquent et s'engagent dans
leurs sociétés, ils ne mènent pas comme les
chrétiens haïtiens une vie angélique, une vie
marginalisée. Il faut bien le préciser, ce n'est pas parce que
les chrétiens haïtiens prient et jeûnent qu'ils se
marginalisent, mais c'est parce qu'en priant et en jeûnant, ils ont
tendance à oublier leur statut de citoyen. Il faut prier et
jeûner quand il le faut, car il est encourageant de prier pour demander
à Dieu la santé, la force, du courage, de l'intelligence afin de
pouvoir agir pour soi, pour l'Eglise et pour la communauté.
4.2.- LES CONSEQUENCES ECONOMIQUES
Haïti est classée dans le groupe des pays les plus
pauvres du monde et le plus pauvre dans le continent américain. Gilles
Danroc et Brigitte Sénave considèrent ironiquement Haïti
comme un «triste champion6(*)7! » Ils poursuivent encore :
« Le plus pauvre: superlatif écrasant. La première
république noire, leader de la misère ! 6(*)8 ». Nous avons aussi
recueilli d'autres données qui exposent la très grave situation
d'Haïti au niveau économique, la Plate-forme haïtienne de
Plaidoyer pour un Développement Alternatif a publié les
informations suivantes à propos d'Haïti : « Sa
croissance économique a diminué avec un taux de 1,2% sur la
période d'octobre 2000 à septembre 2001. Cette situation
découle d'une baisse importante de la production agricole passant de 2 %
en 1998-1999 à 1,5 % en 20016(*)9. »
Ces données nous ont permis de constater la situation
critique d'Haïti au niveau économique. A travers toutes les grandes
villes de la république et au Cap-Haïtien, plus
particulièrement, est constatée une situation de pauvreté
assez sérieuse. Une partie importante de la population du
Cap-Haïtien ne fait absolument rien. Ils sont sans travail et sans aucune
forme d'occupation et d'activités régénératrices de
profits. A partir des diverses difficultés auxquelles la nation
haïtienne fait face au niveau économique, André Corten a pu
créer le concept d'Etat faible pour désigner Haiti7(*)0.
Les organisateurs de ces services encouragent les
participants à rester en silence, dans l'immobilité et attendre
le secours de l'Eternel qui est prêt à venir. Parfois, ils mettent
dans leur tête que le monde est un lieu de transit pour les
chrétiens et par conséquent ceux-ci ne doivent se soucier
d'accomplir aucun effort en attendant la délivrance, la venue de
christ qui apportera le ciel. Comme conséquence de cette façon
d'agir, nous assistons à la montée effrayante de la
pauvreté, de la dépendance, de l'incapacité des
chrétiens de prendre des initiatives privées capables
d'améliorer les conditions de vie et l'incapacité des
chrétiens d'être des agents de développement.
4.2.1.- La pauvreté
Haïti est caractérisé par sa
pauvreté de masse, surtout dans le Nord du pays. En tout, 80 % de
la population vit sous le seuil de pauvreté. En 2000, Haïti est
classée au 150e rang sur 174, selon l'indice de
développement humain (IDH) du Programme des Nations unies pour le
développement. Il se classe ainsi devant le Rwanda qui occupe le
162e rang, mais derrière l'Afrique du Sud
107e rang. Cet indice prend en compte l'espérance de
vie, le niveau d'instruction et le produit intérieur brut par habitant
des pays7(*)1. La
pauvreté en Haïti a touché une bonne partie de la
communauté chrétienne, de toutes les tendances religieuses. Au
Cap-Haïtien, particulièrement, nous constatons qu'il y a de plus en
plus de pauvres dans le milieu chrétiens capois malgré la
multiplication à outrance des services de jeûne et de
prière. Cela nous prouve que pour sortir de l'ornière du sous
développement, il ne suffit pas seulement de jeûner et de prier
pendant tous les jours de la semaine, de passer tout son temps dans des
veillées, mais il faut autre chose que cela, il faut travailler, il faut
agir.
Les investigations que nous avons menées dans la ville
du Cap-Haïtien dans le cadre de ce travail nous permettent de
découvrir que ces services se tiennent durant tous les jours de la
semaine; du lundi au samedi et à toutes les heures de la journée.
Les organisateurs ne tiennent pas compte qu'il faut un temps pour que les
participants puissent se démêler pour le pain quotidien.
D'ailleurs les messages délivrés à l'intérieur de
ces services présentent Dieu comme un père qui prend l'engagement
de nourrir ses fidèles, qui multiplient des pains et des poissons.
4.2.2.- La dépendance
Si quelqu'un passe tout son temps dans les services de
jeûne et de prière, sans chercher un moyen de gagner son pain
quotidien, en ne tenant pas compte de l'intelligence que Dieu a mise en lui,
il est normal qu'il soit dépendante, que l'on fasse tout pour lui comme
un enfant dans les bras de ses parents. Nous pensons que la vraie
bénédiction de Dieu ne consiste pas à recevoir seulement,
mais il faut avoir la possibilité de donner aussi, car il est dit dans
la bible qu'il y a plus de bénédictions à donner
qu'à recevoir (Actes des Apôtres 20 : 35). Un chrétien
ne doit pas être dépendant pendant toute sa vie, il ne doit pas
s'amuser à recevoir tout le temps comme un enfant, il doit s'efforcer de
gagner son pain à la sueur de son front. Le fait de gagner son pain
à la sueur de son front n'est pas une sanction, c'est la règle
pour tous ceux qui vivent en tant qu'Homme. Jésus christ lui-même
a travaillé pour pouvoir survivre, en tant que Dieu, il a
travaillé à la sueur de son front en dépit du fait qu'il
pourrait transformer chaque jour des pierres en pains, mais il a
travaillé afin de n'être sous la responsabilité de
personne. C'est cet exemple que les chrétiens doivent suivre, c'est ce
message que l'église haïtienne doit prêcher.
4.2.3.- L'incapacité des chrétiens de
prendre des initiatives privées
Les chrétiens persévèrent dans les
services de jeûne et de prière dans le but de trouver une solution
à leurs différents besoins socio-économiques, nous ne
sommes pas contre cela. Les messages délivrés par les
organisateurs de ces services reflètent à tort l'omnipotence de
Dieu. Parce que Dieu peut tout faire, ils invitent les fidèles à
abandonner tous leurs problèmes matériels, dans les services de
jeûne au pied de Dieu. Ce n'est pas le fait qu'ils invitent les
fidèles à se confier complètement en Dieu que le
problème se pose, mais c'est parce qu'ils les encouragent à
l'inaction. Ils devront, tout en encourageant les fidèles à
mettre de la confiance en Dieu, les porter à prendre aussi des
initiatives privées en vue de résoudre certains problèmes
matériels. Nous savons que l'homme n'est pas en mesure de
résoudre à lui seul ses problèmes spirituels, mais Dieu
l'a créé avec l'intelligence suffisante afin de pouvoir
résoudre certains de ses problèmes matériels tels le
manger et le boire, l'habillement, etc.
Il ne suffit pas de marcher tout le temps dans des services
pour trouver un visa d'immigration aux Etats unis ou au Canada comme si on ne
pouvait pas vivre mieux sans ce visa. Le fait de demander à Dieu de
l'aide en vue de trouver un emploi, c'est bien, mais en attendant de trouver
cet emploi, il serait encourageant et très profitable pour ces
chrétiens de se créer une activité. Il y a toujours moyen
de travailler avec soi sans être employé par quelqu'un d'autres.
Les responsables d'église pourraient encourager les chrétiens
à mettre sur pied de petites entreprises en vue d'améliorer leur
condition de vie au lieu de les encourager à passer tout le temps dans
des services de prière à la recherche du bien être
matériel. Il faut que tous le sachent, Dieu n'est pas un Dieu qui
encourage ni l'improductivité, ni non plus le parasitisme.
4.2.3.- L'incapacité des chrétiens
à être des agents de développement
Les messages délivrés à
l'intérieur de ces services font perdre aux chrétiens le sens
d'agent de développement qui sont incarnés en eux en tant que
tels. Chaque chrétien est un agent de développement pour son
milieu, sa communauté. Nous ne cessons de répéter que, les
chrétiens sont la lumière du monde, nous devons briller dans
notre communauté par la prédication de l'évangile d'abord
et ensuite par des actions visant au changement dans le bon sens des conditions
de vie matérielle de la communauté. Si les non chrétiens
ne se soucient pas de cela, les chrétiens eux doivent être
convaincus qu'il est de leurs responsabilités d'oeuvrer en ce sens. Les
participants sont tellement encouragés à abandonner leurs charges
à Dieu, à ne pas s'en soucier, ils finissent par cultiver une
mentalité de passivité totale. Ils se croient incapables de
participer à leur propre développement, voire celui de leur
communauté.
4.3.- LES CONSEQUENCES SOCIALES
Le peuple haïtien passe beaucoup de
temps à prier et à jeûner, mais en dépit de cela, la
situation économique et sociale du pays ne s'est pas davantage
améliorée. Dans un article parue sous la plume du journaliste
Anne Bergerot de Radio Canada, nous lisons que près de 80 % des
Haïtiens vivent toujours sous le seuil de pauvreté, et
l'économie en récession ne permet pas de lutter contre le
chômage, qui touche la moitié de la population7(*)2. Donc, si c'est dans les
services de jeûne et de prière qu'il faut chercher le
mieux-être économique, cette stratégie se relève
très inefficace. Au contraire, au lieu de favoriser ce bien-être
matériel que certains des organisateurs de ces services prônent,
ils ont des conséquences sociales plutôt néfastes sur la
population.
Dans la ville du Cap, il y a un nombre important de
chrétiens (catholiques et protestants), d'ailleurs presque toute la
population haïtienne est chrétienne. A en croire la
Fédération Protestante d'Haiti, les protestants seulement sont
à plus de 33 % de la population haïtienne. A souligner en passant
que très souvent, certains vodouisants voulant cacher leur
identité religieuse, se disent catholiques. Avec l'arrêté
Présidentiel du 14 avril 2003 relatif à la reconnaissance par
l'Etat haïtien du vodou comme religion à part entière sur
toute l'étendue du territoire national, les vodouisants ont une
reconnaissance légale et peut être qu'ils pourraient se sentir
fiers maintenant de s'identifier comme tels. Donc, même si certains
considèrent le vaudou comme la religion des Haïtiens, ce qui est
sûr le Christianisme occupe une part très importante en
Haïti. Imaginons un instant tous ces chrétiens s'isolant dans la
société et ne s'impliquant pas dans les travaux de transformation
de la vie sociale, sous prétexte que les chrétiens ne doivent pas
se mêler de la politique et des affaires de ce monde. Plus besoin de dire
quelles en sont les conséquences, et c'est à cela que l'on fait
face le plus souvent.
Donc, le fait de passer tout son temps dans des services de
jeûne et de prière, de prêcher des messages qui
empêchent aux participants de s'impliquer dans la vie sociale, cela a
certes des conséquences sur le développement de la
société en général et sur le comportement des
participants à ces services en particulier. Entre autres
conséquences, nous relevons : l'oisiveté, la
passivité l'émigration de la population et le
sous-développement.
4.3.1.- L'oisiveté
La situation est plus catastrophique dans les
dénominations chrétiennes à tendances protestantes.
D'ailleurs, c'est dans ce secteur que la prolifération est davantage
constatée. Chaque jour et à toutes les heures de la
journée, il y a toujours un rendez-vous de prière. On dirait
vraiment qu'il y a un travail qui n'a pas été fait à la
base pour montrer aux chrétiens protestants haïtiens la
responsabilité qu'ils ont de travailler pour ne pas être sous le
compte de qui que ce soi. C'est en ce sens que le docteur Casséus Jules
avance que :
Les missionnaires protestants en évangélisant
les Haïtiens n'avaient pas établi la balance entre les besoins
spirituels et les besoins sociaux ou matériels ; en fait leur
visé c `est de sauver les âmes. Aussi ces missionnaires
prêchaient-ils un évangile de l'au-delà qui porte les gens
à avoir la nostalgie du ciel tout en méprisant le corps et les
choses d'ici-bas, la seule réalité étant le salut de
l'âme comme si on dirait que ces fidèles ne sont que des
âmes qui vivent en marge de la réalité7(*)3
Ces services sont habituellement débordés de
gens, c'est une preuve que vraiment il y a une quantité importante de
gens qui n'ont aucune occupation et qui ne cherchent peut-être pas non
plus à en avoir, jusqu'à ce que le seigneur en décide
autrement. Dieu n'a jamais encouragé l'oisiveté, chacun doit
travailler pour survivre. C'est chez Paul que nous trouvons aussi des principes
clairs concernant le devoir de chacun de travailler pour gagner sa vie :
«Si quelqu'un ne veut pas travailler, qu'il ne mange pas non
plus ». En corollaire, apparaît la notion de juste
salaire: « L'ouvrier a droit à son
salaire », affirme Jésus aux soixante-douze disciples
quand il les envoie en mission apostolique (Lc 10, 7), principe que
l'apôtre Paul réaffirmera (1Tm. 5 : 18). Donc, personne ne
doit encourager les autres à l'inaction au désoeuvrement sous
prétexte qu'il est dans la volonté de Dieu.
4.3.2.- L'émigration de la
population
Nous avons déjà démontré que le
goût de l'émigration est l'une des causes qui orientent certains
chrétiens à fréquenter régulièrement les
services de jeûne et de prière. Ils pensent qu'en priant Dieu, ils
trouveront le moyen d'atteindre leur objectif qui est de laisser le pauvre pays
d'Haïti pour se rendre dans un grand pays occidental où coule le
lait et le miel. Dans la majeure partie des cas, lorsqu'ils arrivent dans ces
grands pays, ils subissent les pires humiliations de leur vie, mais
malgré tout, ils se sentent vraiment en situation plus confortable par
rapport à leur propre Haiti. Ce facteur, en parlant de l'immigration, ne
peut pas être seulement considéré comme une cause, mais il
peut être aussi, dans une certaine mesure, une des conséquences
des services de jeûne et de prière tenus à travers la ville
du Cap-Haïtien. Car nous pensons que si les dirigeants de l'église
haïtienne pensaient à encadrer, à sensibiliser les
fidèles à la prise de décisions au profit de leur
développement personnel, au lieu de multiplier à chaque coin de
rue des services de jeûne et de prière, ils n'auraient pas tant de
désirs d'aller recevoir d'humiliations dans le pays des
« Blancs ». On n'est jamais si bien que chez soi, nous dit le
proverbe, on pourrait trouver de quoi à manger, un emploi et autres
avantages sociaux certes dans les grands pays, mais on n'y est pas chez soi. En
ce sens, nous sommes tout à fait d'accord avec Serban Ionescu qui
pense :
Qu'un peuple, une nation, une société, ne peut
s'épanouir qu'à l'intérieur de leurs frontières
naturelles. Chaque peuple possède une âme spécifique,
liée à son milieu naturel où il a pris naissance. Cette
âme renferme en son sein les croyances, les idéaux, les coutumes
et les traditions, l'organisation sociale, qui ne peuvent s'internationaliser
ou se généraliser sans affaiblir la cohésion même de
la nation. C'est un commandement de la nature que chacun s'épanouit
à l'intérieur de ses frontières7(*)4.
4.3.3.- La passivité
Nous avons déjà expliqué
précédemment que ces services encouragent une bonne partie des
participants à la passivité; ce sont des gens qui sont là
dans la société, mais en réalité rien ne les
intéresse. Ils ne sont là que pour recevoir et subir, mais sans
jamais réagir. Ils sont dans le besoin, ils subissent la loi des
méchants du pouvoir. Ils sont très passifs dans tout ce qui se
passe dans la société. Leur seule mission, c'est de se rendre
à l'Eglise, de prier pour les besoins sans jamais poser aucun acte pour
la satisfaction de ces besoins auxquels ils font face. Le seul moyen efficace
selon ces personnes, c'est de fréquenter des réunions de
prière et de jeûne de « délivrance »
comme on les appelle le plus souvent. Un tel comportement ne pourrait avoir
que des conséquences néfastes sur la vie sociale. Les
chrétiens sont une part très importante dans la ville du
Cap-Haïtien et nous savons tous qu'un processus de développement
doit impliquer toutes les couches sociales et la passivité d'un ou de
plusieurs secteurs entraverait à coup sûr le processus de
développement d'un pays. Ce sont tous les citoyens, quel qu'ils soient
qui doivent participer dans le changement réel de la communauté,
de la société. C'est ainsi que cela s'est toujours passé
dans les grands pays où nous rêvons de vivre et que nous
considérons comme le « Canaan où coule le lait et le
miel ».
L'église doit appeler ses fidèles à
prendre part à la vie sociale, appuyant leur participation sur les
principes de la morale chrétienne. Dans sa prière avant la
passion, le Christ implorait le Père Céleste pour ses
disciples: «je ne prie pas pour que tu les retires du
monde mais pour que tu les gardes du Mauvais... Comme Tu m'as envoyé
dans le monde, Moi aussi Je les ai envoyés» (Jean 17, 15,
18 ). Le rejet manichéen du monde environnant est inacceptable. La
participation du chrétien à sa vie doit être fondée
sur la compréhension de ce que le monde, la société,
l'Etat, sont l'objet de l'amour de Dieu, prédestinés à la
transfiguration et la purification selon l'amour enseigné par les
commandements divins. Le chrétien doit voir le monde et la
société à la lumière de leur prédestination
ultime, à la lumière eschatologique du Règne de Dieu.
4.3.4.- Le sous-développement
Aucune société ne peut se développer sans
le travail et la participation de toutes les couches de la
société. Selon la même logique, la ville du
Cap-Haïtien ne bénéficie pas dans le processus de
développement de l'apport d'une bonne partie de sa population. Lorsque
des chrétiens passent la majorité de leur temps disponible
à chercher la délivrance partout où sont annoncés
des services de « Jeûne de délivrance » et ne
pensent à rien d'autre sinon qu'à la manne du ciel, au paradis
céleste, comment cette société parviendra-t-elle à
connaître la voie du progrès socio-économique ? C'est
à cette question que les organisateurs et les participants de ces
services doivent apporter une réponse. Plus les chrétiens passent
du temps à ne pas travailler, à ne pas agir sur les
possibilités que Dieu les donne, plus ils exposent leur
société au sous-développement. Nous nous demandons
certaines fois, pourquoi les missionnaires américains qui sont si
proches de l'église Protestante haïtienne ne mettent pas l'accent
sur cet aspect de participation dans les choses de la cité. Ces
missionnaires sont le plus souvent de potentiels agents de développement
et de rudes travailleurs dans leurs pays. Les Haïtiens cherchent
à aller travailler durement pour développer les pays
étrangers, sans se soucier pourtant de leur propre pays.
L'Eglise haïtienne prie et jeûne, c'est bien, elle
évangélise pour aider les gens à aller au ciel, c'est
encore mieux, mais pour qu'elle participe à l'éradication du
sous-développement, il faut, comme a dit la déclaration du
conseil oecuménique des églises, une dichotomie entre
évangélisation et solidarité sociale :
Il n'y a pas d'évangélisation sans
solidarité, pas de solidarité chrétienne qui n'implique
que nous transmettions notre connaissance du Royaume, promesse de Dieu aux
pauvres de ce monde. Le critère de crédibilité est double
: une proclamation qui ne parle pas des promesses de la justice du Royaume
adressée aux pauvres est une caricature de l'Évangile; mais si la
participation des chrétiens aux luttes pour la justice ne renvoie pas
aux promesses du Royaume, elle présente aussi une caricature de la
justice telle que la comprend la foi chrétienne7(*)5.
CHAPITRE 5
VERS UNE COMMUNAUTÉ CHRETIENNE
CONSCIENTE À LA FOIS DES BESOINS SPIRITUELS ET
TEMPORELS
Le docteur Casséus Jules parle de l'Homme
Intégrale (Corporo- Spirituel)7(*)6, il possède à la fois corps et
âme ; ce qui sous-entend qu'il a des besoins spirituels et aussi des
besoins corporels ou matériels. L'Eglise qui est formée d'hommes
doit tenir compte à la fois de ces deux types de besoins. Selon une
réflexion faite par les catholiques romains :
L'Eglise est née de l'amour du Père
éternel, fondée dans le temps par le Christ rédempteur,
rassemblée dans l'Esprit saint (cf. Ep. 1, 3; 5, 6.13-14.23),
l'Église poursuit une fin salvifique et eschatologique qui ne peut
être pleinement atteinte que dans le siècle à venir. Mais,
dès maintenant présente sur cette terre, elle se compose
d'hommes, de membres de la cité terrestre, qui ont vocation de former,
au sein même de l'histoire humaine, la famille des enfants de Dieu, qui
doit croître sans cesse jusqu'à la venue du Seigneur. Unie en vue
des biens célestes, riche de ces biens, cette famille a
été constituée et organisée en ce monde comme une
société par le Christ, et elle a été dotée
de moyens capables d'assurer son union visible et sociale. A la fois
assemblée visible et communauté spirituelle, l'Église fait
ainsi route avec toute l'humanité et partage le sort terrestre du monde;
elle est comme le ferment et, pour ainsi dire, l'âme de la
société humaine appelée à être
renouvelée dans le Christ et transformée en famille de
Dieu7(*)7 .
Ce chapitre considéré comme la partie
« recommandation » de ce travail traite des besoins
à la fois spirituels et temporels de l'homme et de la
nécessité d'une nouvelle église haïtienne qui, selon
les termes du Docteur Casséus Jules, « prie et qui agit pour
le bien-être social et spirituel du
peuple haïtien7(*)8 ».
Nous sommes convaincus que ces réflexions pourraient aider la
communauté chrétienne, à oeuvrer pour une église
haïtienne plus utile à la société, une église
qui délivre des messages plus réalistes et plus conformes
à la réalité biblique.
5.1.- LES BESOINS SPIRITUELS
Ce qui vient d'être indiqué n'épuise pas
encore le rapport de la foi au monde. Les besoins des hommes et des femmes,
qu'ils soient enfants, jeunes, adultes ou d'âge avancé, ne sont en
effet pas seulement d'ordre matériel, socio-économique ou
socio-psychologique. Ils sont aussi, et l'on s'en rend compte de plus en plus
semble-t-il, d'ordre spirituel. Nous savons que l'homme ne peut pas vivre sans
le pain, mais il ne peut non plus vivre de pain seulement, nous dit
Jésus dans l'Evangile de Matthieu 4 :
4 : « Ce n'est pas seulement de pain que l'Homme vivra,
mais de toute parole sortant de la bouche de Dieu ». Au
contraire, les besoins spirituels sont même prioritaires pour l'Homme,
car plus loin, toujours dans l'évangile de Matthieu, Jésus nous
dit encore : « cherchez le royaume et la Justice de Dieu, et les
autres choses vous seront données par surcroît (Matthieu
6 : 33) ». Le plus important c'est de se soucier du Salut
donné par Jésus Christ. Dans la Profession de la foi du peuple de
Dieu, nous lisons :
Nous confessons que le Royaume de Dieu commencé ici-bas
en l'Église du Christ n'est pas de ce monde, dont la figure passe, et
que sa croissance propre ne peut se confondre avec le progrès de la
civilisation, de la science ou de la technique humaine, mais qu'elle consiste
à connaître toujours plus profondément les insondables
richesses du Christ, à espérer toujours plus fortement les biens
éternels, à répondre toujours plus ardemment à
l'amour de Dieu, à dispenser toujours plus largement la grâce et
la sainteté parmi les hommes7(*)9.
L'Église, pour sa part, qui a reçu la mission
de manifester le mystère de Dieu, de ce Dieu qui est la fin ultime de
l'homme, révèle en même temps à l'homme le sens de
sa propre existence, c'est-à-dire sa vérité essentielle.
L'Église sait parfaitement que Dieu seul, dont elle est la servante,
répond aux plus profonds désirs du coeur humain que jamais ne
rassasient pleinement les nourritures terrestres8(*)0. Dès lors, l'Église pourvue des dons
de son Fondateur et attachée à Ses préceptes de
charité, d'humilité et d'abnégation, reçoit la
mission d'annoncer et d'instaurer en toutes les nations le Royaume du Christ et
de Dieu dont, sur terre, elle constitue le germe et le commencement. Dans
l'intervalle, à mesure qu'elle grandit, elle aspire à
l'accomplissement du Royaume, elle espère et souhaite de toutes ses
forces être unie à son Roi dans la gloire8(*)1.
L'Église offre aux hommes l'Évangile, document
prophétique qui répond aux exigences et aux aspirations du coeur
humain: il est toujours "Bonne Nouvelle". L'Église ne peut se dispenser
de proclamer que Jésus est venu révéler le visage de Dieu
et mériter, par la Croix et la Résurrection, le salut pour tous
les hommes8(*)2. Sans la
présence de Dieu dans une vie ou dans une communauté, aucun
progrès réel ne peut être réalisé, c'est
pourquoi un changement dans le bon sens dans la vie de l'église
haïtienne, de chaque individu qui la compose ne peut être
réellement possible que par la recherche de la croissance spirituelle,
de la consécration à son service, de la sanctification et de la
communion avec Dieu. Le seul fait de persévérer quotidiennement
et constamment dans les services de jeûne et de prière ne suffit
pas pour que l'église haïtienne remplisse son double rôle de
représentant du royaume de Dieu et d'agent de développement
communautaire.
5.1.1.- La croissance spirituelle
Nous sommes convaincus qu'il est tout à fait
impossible à l'homme de poser des actes positifs sans l'aide du
Saint-Esprit, disons mieux sans être guidé par le Saint- Esprit.
Jésus a déclaré que l'Esprit est plein d'ardeur mais la
chair est faible (Matthieu 26: 41). Et plus loin, l'apôtre Paul, dans sa
lettre aux chrétiens de Galatie, nous exhorte de marcher sur l'impulsion
de l'esprit, afin de ne pas commettre les oeuvres de la chair qui sont
libertinage, impureté, débauche, idolâtrie, magie, haine,
discorde, jalousie, emportements, rivalités, dissensions, factions,
envies, beuveries, ripailles et autres choses semblables. Tandis que les fruits
de l'esprit sont : l'amour, la joie, la paix, la patience, la
bonté, la bienveillance, la foi, la douceur, la maîtrise de soi,
etc.( Galates 5 : 16-22, TOB.). La communauté chrétienne
haïtienne en général et celle du Cap-Haïtien en
particulier a besoin d'être grandi spirituellement. La production des
fruits de l'esprit que nous venons de citer constitue pour nous la condition
sine qua non de cette croissance spirituelle dont la
nécessité s'impose pour chaque Chrétien
haïtien ; qu'il soit leader, pasteur, prêtre, etc.
5.1.2.- La Foi
Nous voulons mettre un accent particulier sur la foi. Dans le
cas de la société haïtienne, la foi est indispensable. Le
pays est tellement dans une situation critique, il y a tellement de choses
à faire pourqu'en fin cette nation puisse sortir de l'abîme du
sous-développement, de la misère, l'église haïtienne
a l'ultime obligation d'agir sa foi en Dieu. Elle doit mener le combat avec la
foi pour avoir le courage et la force nécessaire de vaincre tous les
obstacles : les vieilles mentalités et les vieilles conceptions
à l'intérieur comme à l'extérieur de
l'église qui pourraient l'empêcher de prendre ses
responsabilités de sel et de lumière dans la
société haïtienne. Pour être supportée par Dieu
dans ses entreprises, l'église haïtienne doit avoir la foi en
Jéhovah, car la bible nous dit que sans la foi, il est impossible
d'être agréable à Dieu ( Hébreux 11: 6).
Dans la lutte des chrétiens capois pour être
effectivement des représentants de Jésus dans la
communauté, ils doivent s'attacher à la Personne absente de
Christ. Pour atteindre l'objectif d'une société chrétienne
utile à la communauté, la foi est indispensable. Car, elle rend
présent l'avenir et visible l'invisible : c'est ce qui fait la
force du croyant. La Foi réalise les choses que l'on espère,
comme si on les tenait déjà ; ces choses existent pour le
coeur : on a l'assurance de leur réalité. En même
temps, elle est une démonstration intérieure des choses que l'on
ne voit pas, une conviction intime de leur existence. La foi est une vue de ce
qui est caché ; elle nous donne sur l'invisible la même
certitude que nous avons pour les choses qui sont sous nos yeux. Ce dont la
réalité ne paraît point encore, la foi nous en donne la
substance.
5.1.3.- La Consécration au service de
Dieu
Il y a une très grande différence entre le fait
de se reposer sur les bénédictions de Dieu et celui de se reposer
sur Dieu lui-même. Les responsables d'églises et les
chrétiens haïtiens doivent se reposer sur Dieu plus que sur ses
bénédictions. Parfois certains messagers haïtiens ont
tendance à mettre dans la tête des fidèles que la raison
principale de leur attachement à Dieu doit être la
réception de bénédictions. Il faut attendre les
bénédictions matérielles de Dieu parce qu'il les a promis
à ceux qui se confient en lui, mais le plus important c'est de se
consacrer à lui d'abord. Pour l'accomplissement de sa mission
spirituelle et sociale, l'église haïtienne a besoin de s'attacher
à Dieu. Elle doit être entièrement disponible pour Dieu et
séparée de tout ce que Dieu redoute. La consécration
à Dieu est la voie la plus efficace pour obtenir la puissance, la
capacité de transformer le mal en bien, le faux en vrai. L'église
haïtienne doit vivre uniquement selon la volonté de son seigneur.
Un théologien en parlant de la consécration a fait la
réflexion suivante : « par la prière nous nous
présentons devant le Seigneur, dans l'attente d'une effusion
particulière sur une activité ou d'une puissance
particulière pour guérir les malades, pour changer notre
société il nous faut commencer par nous consacrer
nous-mêmes à Dieu, prêts à accepter de porter tout
fardeau, même le plus lourd, dont il pourrait nous charger, si tel
était son bon plaisir8(*)3». Donc la consécration à Dieu est
importante parmi les mesures de redressement que l'église haïtienne
doit prendre pour accomplir ses responsabilités de sel et de
lumière d'Haïti.
Le fait de se consacrer à Dieu ne veut pas dire que les
chrétiens doivent devenir des anges. Ce n'est pas devenir un de ces
piétistes préoccupés uniquement de leur propre
sainteté. C'est au contraire se préoccuper toujours davantage de
la cause de Christ. Le Seigneur n'a été ni un reclus, ni un
ascète. Son mode de vie était celui de chacun, aussi les gens
religieux de son temps l'appelaient-ils mangeur et buveur (Matthieu
11 :19). Cependant rien n'a pu faire obstacle à
l'entière consécration de son énergie spirituelle. La
consécration comme vie exige une vie réellement consacrée
dans la liberté et l'amour intense en acte et en vérité.
Il faut par conséquent la vivre en toute fidélité. Bref,
la grandeur de la consécration, c'est qu'elle est une expression de foi,
d'espérance, d'amour et de liberté.
5.1.4.- La Sanctification
La sanctification est aussi un autre aspect important sur
lequel doivent mettre l'accent l'église et les chrétiens
haïtiens. Recherchez la paix avec tous et la sanctification sans laquelle
personne ne verra le seigneur (Hébreux 12 : 14). Et plus loin,
l'apôtre Paul dévoile la volonté de Dieu concernant la
sanctification (1Thess. 4 : 3). Pour plaire à Dieu, nous devons
nous abstenir de l'impudicité, de la corruption et de la
méchanceté. La sanctification c'est la séparation d'avec
le mal, nous dit le Docteur Jules Casséus8(*)4. Ainsi le chrétien qui est
véritablement régénéré sait qu'il ne doit
pas se mêler des choses impures, il ne doit pas s'associer à la
corruption et aux abominations du monde dépravé. Il est
impossible d'être béni par Dieu sans se courber à ses
commandements, sans l'aimer, sans une sanctification pratique. Il est
obligatoire pour tous ceux qui veulent attirer la faveur de Dieu de prendre
garde de ne pas s'associer à des choses qui souilleraient leurs mains,
chargeraient leur conscience, attristeraient le Saint-Esprit et interrompraient
leur communion avec Dieu. Soyez fermement décidés de tout votre
coeur à vous en abstenir ! Renoncez immédiatement à
tout ce qui est impur, quoi qu'il vous en coûte ; quelle que soit la
perte qui puisse en résulter pour vous, abandonnez-le ! Aucun gain
mondain, aucun avantage terrestre ne saurait compenser la perte d'une
conscience pure, d'un coeur rempli de paix et la jouissance d'une communion
sans entrave avec Dieu, notre Père, et avec son Fils, notre Seigneur.
La sanctification est fondée sur une oeuvre parfaite de
réconciliation avec Dieu déjà accomplie. Le
chrétien est envisagé, dans les écritures, comme
parfaitement sanctifié. La sanctification s'effectue par
l'opération de l'Esprit-Saint qui, en nous communiquant la nouvelle
nature, nous sépare entièrement du monde. Il est important de
maintenir cette vérité et de nous tenir pour déjà
sanctifiés, autrement la sanctification pratique n'est plus que
l'amélioration de l'homme naturel ; elle devient tout à fait
légale ; le chrétien rentre après sa
réconciliation dans le doute et l'incertitude, parce que, quoique
justifié, il n'est pas considéré comme étant
prêt pour le salut ; son acceptation dépend, pense-t-il, de
ses progrès, de sorte que la justification ne lui procure pas la paix
avec Dieu. Par de telles vues, l'oeuvre de la rédemption est affaiblie,
pour ne pas dire détruite, c'est-à-dire l'appréciation de
cette oeuvre par la foi dans nos coeurs. Pris comme pécheurs dans le
monde, nous sommes mis à part par le Saint-Esprit pour jouir de toute
l'efficacité de l'oeuvre de Christ selon les conseils du Père.
5.1.5.- La communion avec Dieu
L'église haïtienne ne pourra rien faire sans
être en communion avec Dieu. La communion avec Dieu nous empêche
d'accomplir des actes qui sont incompatibles à sa volonté. Elle
favorise chez les chrétiens l'esprit de discernement; ils sont toujours
disposés et prêts à accomplir des très bonnes
actions. Comme nous l'avons déjà fait remarquer, l'homme
séparé de Dieu est dans l'impossibilité d'accomplir de
bonnes oeuvres, la sagesse sans Dieu n'est que folie, seule la lumière
du Saint- Esprit peut donner à l'homme la possibilité d'agir
positivement et de grandir dans le vrai sens. La proximité morale
à l'égard de Dieu et la communion avec lui, sont les seuls moyens
de croître réellement dans la connaissance de ses voies et des
bénédictions dont il fait part à ses enfants, parce que
c'est la seule position dans laquelle on peut les saisir ou dans laquelle on en
est moralement capable. Toute conduite qui ne convient pas à cette
proximité de Dieu, toute pensée légère que sa
présence ne comporte pas, nous font perdre ces communications de la part
de Dieu et nous rendent incapables de les recevoir.
La plus grande bénédiction est le fait pour le
chrétien de connaître Dieu, d'être en communion avec lui.
Très souvent les chrétiens attendent de recevoir des biens
matériels pour se considérer comme étant bénis par
le seigneur, mais ils oublient que la présence de Dieu en eux vaut mieux
que toutes les richesses du monde. Nous sommes tout à fait d'accord avec
le texte de Doreen Palmer traduit par Gérard Rakoto qui fait remarquer
que :
Les pensées de l'homme à l'égard de la
bénédiction sont trop souvent limitées aux choses de la
terre, alors que la vraie bénédiction consiste à
connaître Dieu. Une telle bénédiction est inconnue de ceux
qui s'accommodent de ce que le Seigneur ne saurait agréer, et qui
pensent que des mots, de simples mots auxquels rien ne correspond dans leur
vie, une profession sans pratique, la vérité dans la
tête mais sans réalité dans le coeur, suffisent devant
Celui qui est aussi le saint et le Véritable. Plus sa présence
sera réalisée et manifestée, plus elle apparaîtra
incompatible avec tout ce qui est opposé à sa nature et ne
répond pas à la perfection de son être8(*)5.
5.2.- LES BESOINS TEMPORELS
« Ce n'est pas seulement de pain que L'homme
vivra, mais de toute parole sortant de la bouche de Dieu, nous dit le sauveur,
le christ ( cf. Matthieu 4 : 4) ». Cela sous-entend que le
pain tout aussi bien que la parole de Dieu est important pour l'Homme. Les
chrétiens sont des hommes et non des anges, ils ont des besoins
matériels comme tous les autres êtres humains. En ce sens,
l'église haïtienne doit tenir compte de ces besoins
matériels du Chrétien haïtien, elle a une
responsabilité à aider ses membres et même la
communauté où elle est placée à satisfaire leurs
besoins. Ainsi, nous partageons les idées du docteur
Casséus selon lesquelles l'Eglise a la responsabilité de
s'immerger, de s'incarner dans le milieu social, à l'instar de son
fondateur8(*)6.
L'église haïtienne doit développer une doctrine sociale
destinée à guider la conduite des gens. Cette doctrine devrait
avoir pour conséquence l'engagement pour la justice de chaque
chrétien, de chaque leader suivant son rôle, sa vocation et sa
condition.
L'Église, on le sait, n'est point
séparée du monde; elle vit dans le monde. Les membres de
l'Église subissent l'influence du monde; ils en respirent la culture, en
acceptent les lois et en adoptent les moeurs. Tout ce qui est
humain regarde l'Eglise. Les chrétiens ont en commun avec toute
l'humanité la nature, c'est-à-dire la vie, avec tous ses dons,
avec tous ses problèmes. Comme l'a fait remarquer un document de
l'église catholique romaine :
Nous acceptons de partager cette première
universalité; nous sommes tous disposés à accueillir les
requêtes profondes de ses besoins fondamentaux, à applaudir aux
affirmations nouvelles et parfois sublimes de son génie. Et nous avons
des vérités morales, vitales, à mettre en évidence
et à consolider dans la conscience humaine, car elles sont bienfaisantes
pour tous. Partout où l'homme se met en devoir de se comprendre
lui-même et de comprendre le monde, nous pouvons communiquer avec
lui8(*)7.
De même que l'homme ne peut pas vivre sans Dieu, il
n'est pas non plus fait pour vivre sans le pain. Les besoins spirituels sont
plus importants pour lui, mais il doit tenir compte des besoins temporels et
ces besoins ne doivent pas laisser l'Eglise indifférente, car il est de
sa responsabilité d'aider ses fidèles à satisfaire
dignement tous ces besoins qui sont entre autres des besoins
économiques, de développement personnel, des besoins sociaux et
même des besoins politiques. Nous disons des besoins politiques parce
que les chrétiens, en tant que citoyens terrestres ont leur mot à
dire dans la gestion de leur société, il ont des droits
politiques qu'ils sont libres d'exercer tout en tenant compte des règles
de la moralité chrétienne.
5.2.1.- Les Besoins
économiques
L'église haïtienne doit tenir compte des
différents besoins économiques de la communauté
chrétienne, elle doit aider à créer des conditions
réelles pour la satisfaction de ces besoins. L'église
haïtienne doit encourager les chrétiens au travail et ne doit pas
les supporter dans la paresse, dans l'oisiveté. Il ne suffit pas de
faire comprendre aux Chrétiens que Dieu promet à ses
fidèles la bénédiction abondante, mais elle doit penser
aussi à les sensibiliser à travailler. Cette église a la
responsabilité d'oeuvrer à l'épanouissement
économique de ses membres en les encadrant, en les éduquant et en
les encourageant à prendre des initiatives personnelles susceptibles
d'améliorer leur condition de vie socio-économique. Dieu est un
Dieu dynamique qui travaille constamment, il veut aussi que ses serviteurs
soient aussi dynamiques. Comme a dit le docteur Casséus:
Quand Dieu promet la vie abondante à son enfant, il n'a
pas en tête de faire de lui un paresseux, un receveur perpétuel de
manne. La condition socio-économique précaire de notre pays porte
beaucoup de chrétiens et de leaders chrétiens à se
comporter comme des disciples de pains, de manne. Comme conséquence,
l'église haïtienne devient une église marginale qui n'est
pas en mesure d'exercer son rôle véritable de sel et de
lumiere8(*)8.
En remplissant son rôle de sel et de lumière,
l'église doit être en mesure de participer à la
création de toutes les conditions nécessaires capables
d'améliorer la situation économique et financière des
chrétiens. Ces derniers peuvent demander à Dieu de la direction
dans les services de jeûne et de prière, mais ces services ne
doivent pas constituer le seul moyen pour eux d'avoir les biens
matériels dont ils ont besoin.
5.2.2.- Le développement personnel du
Chrétien
Chaque être humain à l'obligation de se
développer, le chrétien haïtien aussi doit se
développer en tant qu'être humain. Le programme des nations unies
pour le développement définit le développement
humain comme :
Un processus qui conduit à l'élargissement de la
gamme des possibilités qui s'offrent à chacun. En principe, elles
sont illimitées et peuvent évoluer avec le temps. Mais quel que
soit le stade de développement, elles impliquent que soient
réalisées trois conditions essentielles : vivre longtemps et
en bonne santé, acquérir un savoir et avoir accès aux
ressources nécessaires pour jouir d'un niveau de vie convenable. Si ces
conditions ne sont pas satisfaites, de nombreuses possibilités restent
inaccessibles.8(*)9
Si les responsables d'églises haïtiennes adoptent
la vision de répondre aux besoins des personnes de la communauté
chrétienne et du milieu environnant, ils auront avantage à
être attentifs aux aspirations globales de la société
actuelle. Michel Lacroix explique qu'une des caractéristiques de la
société occidentale contemporaine est la recherche de
développement personnel. Elle regroupe un nombre croissant de personnes
désireuses d'accroître leurs facultés et d'actualiser leur
«potentiel9(*)0». Cette quête est l'objet de personnes en
recherche d'épanouissement, de réalisation de soi, de
créativité, d'accomplissement, de plénitude. On se situe
dans une recherche qui va au-delà de la simple réalisation des
besoins de base. Ce sont les nécessités d'un niveau
supérieur que l'on souhaite actualiser, celles que Maslow appelle
besoins de développement ou d'accomplissement9(*)1. Michel Lacroix poursuit en
disant : « Le développement personnel adopte une
approche fondée sur le comment: Comment puis-je, concrètement,
remédier à ma situation ? Comment s'acquièrent
la confiance en soi, l'optimisme, le bonheur ? Comment développer sa vie
intérieure ? Comment les êtres exceptionnels
fonctionnent-ils ?9(*)2 ».
Ce sont autant de questions auxquelles
l'église en général et le Chrétien haïtien en
particulier doit se poser, en rapport avec son développement personnel.
La philosophie du développement personnel considère qu'il y a en
chaque être un potentiel à développer et c'est à
chacun de collaborer avec sa tendance naturelle à se réaliser.
À ce niveau, on se situe dans la pensée de Maslow, qui compare le
processus de la réalisation de soi à un « gland qui tend
à devenir chêne ». « Se développer,
c'est actualiser le potentiel que l'on porte en soi, c'est mobiliser ses
ressources9(*)3 ». En quoi consistent ces ressources
? Elles peuvent concerner autant la pensée, l'intelligence, la
créativité, la mémoire, la volonté, le sens de la
communication, les états émotifs, que les valeurs et les
croyances. On cherche à maîtriser ses émotions,
contrôler son stress, augmenter sa confiance9(*)4.
5.2.3.- Les Besoins sociaux
Les besoins sociaux sont aussi considérés parmi
les besoins importants des Chrétiens haïtiens. Comme tous les
êtres humains, ils ont besoins de bonnes écoles et
d'universités, de soins de santé, d'hôpitaux, de logements
adéquats, d'eau potable, d'un bon système de justice et de
sécurité, etc. Selon un résumé du programme des
Nations-Unies pour le développement, les besoins sociaux en gros
rendent compte:
· du niveau et de la qualité de satisfaction des
besoins essentiels d'une société ;
· de la base de consommation sociale des biens et des
services produits ;
· de la solvabilité des consommateurs ;
· de la capacité des membres de la
société de piloter et de gérer le système de
consommation sociale ;
· de l'autonomie et de la capacité d'innovation du
système de consommation sociale9(*)5.
L'église haïtienne a la responsabilité de
travailler pour la satisfaction des ces besoins au profit des fidèles
d'église. Elle a un rôle à jouer pour aider les
chrétiens à avoir accès aux services sociaux de base. Elle
a la responsabilité de lutter pour aider chaque haïtien à
vivre une vie réellement humaine9(*)6. Dans un document officiel de l'église
catholique romaine, nous lisons que: « devant les perturbations
et les incertitudes de l'heure présente, l'Église a un message
spécifique à proclamer, un soutien à donner aux hommes
dans leurs efforts pour prendre en main et orienter leur avenir[....].
Nous-mêmes déjà avons prolongé ces orientations par
notre encyclique Populorum Progressio: "Aujourd'hui, disions-Nous, le fait
majeur dont chacun doit prendre conscience est que la question sociale est
devenue mondiale9(*)7». Et l'on poursuit dans un autre document
qu'"Une prise de conscience renouvelée des exigences du message
évangélique fait un devoir à l'Église de se mettre
au service des hommes pour les aider à saisir toutes les dimensions de
ce grave problème et pour les convaincre de l'urgence d'une action
solidaire en ce tournant de l'histoire de l'humanité9(*)8". Donc,
il nous semble utile de signaler que la notion de développement
social exprime l'un des aspects essentiels de l'accomplissement de l'être
social. L'église haïtienne doit aider chacun de ses membres
à s'épanouir dans la société.
5.2.4.- Les Besoins politiques
En parlant des besoins politiques, nous voulons surtout
considérer les droits politiques des chrétiens haïtiens en
tant que citoyens à part entière. Il est également
important de souligner que la jouissance des droits politiques
énumérés dans les normes et les traités de l'ONU
indépendamment de «la race, la couleur, le sexe, la langue, la
religion, l'opinion politique ou autres, des origines nationales ou sociales,
la propriété, la naissance ou autre statut». Le
chrétien peut ne pas vouloir exercer son droit politique, il peut
décider de ne pas mener des activités politiques, mais ce n'est
pas parce qu'il est malsain pour lui d'exercer des droits politiques. Il est
tout aussi important à ce que l'église haïtienne ne cherche
pas à détourner les chrétiens haïtiens de leurs
droits de citoyen, au contraire elle doit les sensibiliser à les exercer
dans un état d'esprit d'accomplir leur noble mission de sel et de
lumière du monde.
Dans le document « Exhortation Apostolique
post-synodale de l'église catholique romaine », on fait un
assez large développement de la doctrine sociale de l'Eglise. Nous
voulons dans ce travail, présenter cet extrait :
La doctrine sociale de l'Église, qui propose un
ensemble de principes de réflexion, de critères pour le jugement
et de directives pour l'action, s'adresse tout d'abord aux membres de
l'Église. Il est essentiel que les fidèles engagés dans la
promotion humaine aient une solide compréhension de ce précieux
corpus d'enseignement et le considèrent comme partie intégrante
de leur mission évangélisatrice[...] Les responsables
chrétiens dans l'Église et dans la société,
spécialement les laïcs, hommes et femmes ayant une
responsabilité dans la vie publique, ont besoin d'être bien
formés à cet enseignement, de sorte qu'ils puissent inspirer et
animer la société civile et ses structures avec le levain de
l'Évangile. Le pratique d'activités politiques par de vrais
chrétiens contribuent à mieux gérer les choses publiques.
Le chrétien à cause de son honnêteté s'abstiendra
de toute manoeuvre incompatible à la loi et à la morale
chrétienne9(*)9.
5.3.- LA VOIE DU RENOUVEAU DE L'EGLISE
ET DE LA SOCIETE HAITIENNE
Il y a un peu plus de 500 ans1(*)00 depuis que l'Eglise est présente en
Haïti, pourtant il est alarmant de constater qu'elle n'est jamais bien
vue par une grande partie de la population. On l'accuse de prêcher la
résignation, de servir les intérêts des ennemis du peuple,
etc. Qu'elle soit catholique romaine ou protestante, on sent vraiment que
l'église haïtienne tout entière ne gagne pas comme on
devrait s'y attendre la sympathie de ceux qui luttent pour le changement des
conditions de vie des pauvres dans ce pays. Ils ne se sentent pas
supportés par cette église, au contraire, ils ont tendance
à la dénoncer, à l'accuser de conservatisme, de travailler
au maintien du statut quo. La question alors est de savoir si ces
gens-là ont tort de considérer l'église haïtienne
comme telle. Nous pensons qu'elle ne mérite pas le traitement que lui
infligent ses détracteurs, mais une chose est certaine, elle doit faire
davantage d'effort pour être plus utile dans le processus de
développement de la société haïtienne. Plusieurs
responsables et partisans de l'église haïtienne sont conscients
qu'il y a beaucoup de choses qu'il reste à faire par cette
l'église pour jouer effectivement son rôle de sel et de
lumière du monde. Le docteur Casséus Jules, conscient de la
faiblesse de l'église haïtienne, fait la déclaration qui
suit : « A considérer le faible impact de cette Eglise
sur la société haïtienne actuelle, il y a lieu de conclure
que l'Eglise est mal partie 1(*)01». Parlant particulièrement du
Protestantisme haïtien, il avance qu'il faut une
« réorientation socio-spirituelle du protestant haïtien,
il nous faut une Théologie Protestante Haïtienne de la
libération qui aidera le protestant haïtien à avoir une
nouvelle conception..., de la participation chrétienne au
développement de la communauté haitienne1(*)02. »
Au lieu d'encourager les pauvres à attendre la manne du
ciel, à rester sans rien faire sous prétexte que Dieu pourvoira
à tous leurs besoins dans les services de jeûne et de
prière, il arrive le temps pour que l'église haïtienne
s'implique convenablement dans le processus de développement de l'Homme
haïtien en général et de la communauté
chrétienne en particulier. Pour que cela puisse être possible, il
faut des conditions, il faut un effort de la part des responsables
d'église d'abord; en tant que leaders, ils doivent être conscients
que l'église en Haïti ne contribue pas assez au
développement de la communauté haïtienne. L'église
haïtienne prêche le salut et aide des âmes à
rencontrer Dieu, mais pour ce qui est du développement humain, elle ne
fait pas grand chose. C'est comme a dit le docteur Jules Casseus:
« L'église haïtienne doit être une
église d'influence. Elle est apparemment forte dans le domaine des
choses spirituelles et de l'au-delà, mais elle est sans pouvoir en face
des réalités de l'existence en
Haiti1(*)03».
Nous n'avons pas la prétention de proposer toutes les
conditions pour un renouveau de l'église haïtienne, mais nous
savons qu'un changement de mentalité de la part des chrétiens et
des responsables d'église, la pratique du vrai jeûne et de la
vraie prière, le travail et l'intégration de l'église
haïtienne dans la société sont des conditions essentielles
pour atteindre ce but. Car, comme nous l'avons souligné à maintes
reprises, l'élévation de la dignité humaine et la
christianisation de la société ne pourraient se réduire,
pour ce qui est de l'identification des moyens d'action, à la simple
prédication de la moralisation de l'homme1(*)04.
5.3.1.- Le changement de
mentalité
Une campagne de motivation et de sensibilisation est
nécessaire pour un changement de mentalité chez tous les
Haïtiens en général et les Chrétiens haïtiens
en particulier. Ils doivent renouveler leur conception et être conscients
du rôle à jouer sur la terre en tant qu'êtres
créés à l'image et à la ressemblance de Dieu. Ils
doivent être conscients des multiples potentialités que Dieu a
mises en eux, ils doivent croire qu'avec eux Dieu peut changer la situation de
ce pays et en faire une place où les Haïtiens peuvent vivre sans
être inquiétés de la nourriture, du logement, du paiement
de la scolarité, etc. Les chrétiens haïtiens doivent
être convaincus que Dieu est le Dieu du Peuple haïtien comme il est
le Dieu des pays développés. Ils ne doivent pas penser que pour
être quelque chose il faut nécessairement s'immigrer dans les
grands pays riches du monde. Les Haïtiens sont comme tous les autres
peuples, des créatures de Dieu et par conséquent, ils jouissent
des mêmes privilèges que tous.
Les responsables d'église ainsi que les fidèles
chrétiens haïtiens doivent changer de mentalité en ce sens
qu'ils doivent cesser de croire que leur délivrance viendra d'une terre
étrangère ou d'une mission étrangère, d'un
« blanc », d'un « bon papa », d'un
mariage avec un « élément de la
diaspora », etc. Il faut changer l'esprit de superstition, de
pessimiste, de méfiance, de traditionalisme, de fatalisme et de
providentialisme à l'intérieur de l'église1(*)05. L'attente continue de la
manne et de l'aide infinie fait de l'église haïtienne une
institution peu progressiste et parasitaire.
5.3.2.- Le vrai Jeûne et la vraie
prière
Le jeûne associé à la prière est un
moyen pour le chrétien de communiquer avec Dieu, d'être en
contact continue avec lui. L'homme ne peut accomplir aucune bonne oeuvre, comme
nous l'avons déjà dit, sans être en bonne relation avec
Dieu. Ainsi le renouveau de l'église haïtienne, tel que nous
l'entendons, ne pourra être possible sans la pratique du vrai jeûne
et de la vraie prière. Nous précisons vrai jeûne et vraie
prière, parce qu'il est possible de jeûner et de prier sans
répondre à la volonté de Dieu.
Selon le pasteur Kayayan : « la
véritable prière ne nous est jamais naturelle. Si certains ont
des tendances mystiques, si d'autres sont terre à terre, la vraie
prière reste l'oeuvre du Saint-Esprit et suppose des
luttes »1(*)06. La vraie prière est fondée sur
l'immense privilège d'avoir avec Dieu des intérêts communs.
La simplicité dans la prière indique une foi sincère et la
foi sincère obtient ce qu'elle demande. Une prière
présentée au nom de Jésus ne saurait être
repoussée aussi longtemps qu'elle se tienne dans les limites de la
volonté de Dieu et de sa Parole. Les demandes qui sont contraires
à l'Écriture ou qui ne sont pas en accord avec la volonté
de Dieu, ne pourront pas être agréées. Mais,
« si nous demandons quelque chose selon sa volonté, il
nous écoute... et nous savons que nous avons les choses que nous lui
demandons. Si nous demeurons en Christ, nos prières seront
exaucées(Jean 15:7) ».
Si les chrétiens haïtiens veulent être
vainqueurs dans leurs prières, ils doivent livrer un combat sans merci
contre toute forme d'infidélités. Aussi longtemps qu'ils
caressent le péché et qu'ils sont en désaccord avec les
principes de Dieu, leurs prières ne pourront pas être
exaucées. Lorsque, dans les moments d'entretien avec Dieu, une chose
s'interpose obstinément entre lui et ceux qui prient, cela entrave cette
prière. Les chrétiens haïtiens doivent travailler à
supprimer dans leur mentalité tout ce qui n'est pas conforme à la
Parole de Dieu. La prière, dictée par l'Esprit-Saint, cultive et
développe dans l'âme toutes les grâces de Dieu :
l'humilité, la foi, l'espérance et l'amour.
5.3.3.- La promotion du Travail
L'église haïtienne doit enseigner l'amour du
travail à ses fidèles. Au lieu de les encourager à
attendre la manne du ciel, elle a la responsabilité de les inciter au
travail. Il faut mettre dans la tête des Chrétiens que le travail
est un élément organique de la vie humaine. Selon le livre de la
Genèse, au commencement, «il n'y avait pas d'homme pour cultiver le
sol (Gn. 2, 5) »; ayant créé le jardin d'Eden, Dieu y
plaça l'homme «pour le cultiver et le garder» (Gn. 2 :
15). Le travail est le dévoilement créatif de l'homme, à
qui, de par sa ressemblance initiale avec Dieu, il est donné
d'être co-créateur et collaborateur du Seigneur. Cependant,
après que l'homme se fût éloigné de son
Créateur, le travail prit un autre caractère: « à
la sueur de ton front tu gagneras ton pain, tant que tu ne reviendras pas
à la terre dont tu es sorti, car tu es né de la poussière
et retourneras à la poussière (Gn 3, 19) ». Le
caractère créatif du travail s'est ainsi estompé; il est
devenu pour l'homme déchu principalement un moyen de gagner sa vie.
La Bible présente deux motivations morales du travail:
travailler pour se nourrir soi-même sans être à la charge de
personne et travailler pour partager avec ceux qui sont dans le besoin.
L'apôtre écrit: «Qu'il prenne plutôt la peine de
travailler de ses mains au point de pouvoir faire le bien en secourant les
nécessiteux (Eph 4, 28) ». Le travail éduque alors
l'âme et fortifie le corps de l'homme, donne au Chrétien la
possibilité de révéler sa foi dans des actes
agréables à Dieu, de miséricorde et d'amour du prochain (
Matt 5, 16; Jc. 2, 17 ). Le mot de l'apôtre Paul est clair pour tous:
«si quelqu'un ne veut pas travailler, qu'il ne mange pas non plus (2
Thes. 3, 10) ». La signification éthique du processus du
travail est soulignée par les pères et les docteurs de l'Eglise.
Ainsi, Clément d'Alexandrie appelle-t-il le travail «école
de justice sociale ». Saint Basile le Grand assure que
«l'intention de piété ne doit pas servir de prétexte
à la paresse et la fuite du travail, mais être au contraire le
moteur d'un travail plus intense ». Saint Jean Chrysostome appelle
à considérer « comme un déshonneur non pas le
travail mais, l'oisiveté1(*)07 ».
Toujours dans le même sens, Max Weber rapporte les
idées de Bartex selon lesquelles: « le repos
éternel des saints a son siège, lui, dans l'au-delà; sur
terre, l'homme doit, pour assurer son salut, « faire la besogne de Celui
qui l'a envoyé, aussi longtemps que dure le jour » [Jean IX, 4]. Ce
n'est ni l'oisiveté ni la jouissance, mais l'activité seule qui
sert à accroître la gloire de Dieu, selon les manifestations sans
équivoque de sa volonté »1(*)07bis
5.3.4.- L'Intégration sociale de
l'église
Nous débutons cette partie avec la déclaration
suivante du docteur Casséus Jules à propos de l'attitude que
l'église haïtienne doit afficher vis-à-vis de la
société haïtienne. Il avance que : «quand
Jésus avait conçu et institué l'Eglise, il ne l'avait pas
placée au ciel, il l'avait placée dans le monde ». Il
poursuit que contrairement à ceux-là qui rêvent d'une
Eglise désincarnée, désocialisée, une Eglise avec
un évangile de l'au-delà, supraterrestre, transcendant.
Jésus a établi une Eglise incarnée dans le socio-culturel
avec un évangile pour l'ici-bas et maintenant1(*)08 ».
L'intérêt actif que doit porter l'église haïtienne
à la question sociale, c'est-à-dire à ce qui a pour fin un
développement authentique de l'homme haïtien et de la
société haïtienne, de nature à respecter et à
promouvoir la personne humaine dans toutes ses dimensions, doit être
manifesté de manière à guider les hommes pour qu'ils
répondent, en s'appuyant, comme l'a dit le document de l'église
catholique romaine, sur la réflexion rationnelle et l'apport des
sciences humaines, à leur vocation de bâtisseurs responsables de
la société terrestre1(*)09».
L'Eglise, organisme divino-humain, n'est pas seulement
d'essence mystique, indifférente aux aléas de ce monde: elle est
aussi Eglise historique, en contact et en interaction avec le monde
extérieur, y compris avec l'Etat. De son côté, l'Etat, dont
l'objet est l'organisation de la vie, est également confronté
à l'Eglise et amené à entrer en contact avec elle1(*)10.
CONCLUSION
Certains responsables et leaders ecclésiastiques, au
lieu de chercher à encadrer et à encourager les fidèles
à prendre des initiatives privées capables d'améliorer
leur condition de vie matérielle et celle de leur communauté,
préfèrent créer çà et là des
rendez-vous de prière et à toutes les heures de la
journée, avec l'idée que Dieu fera tomber du ciel de la manne.
Nous estimons que cette façon d'agir constitue un encouragement à
la paresse et à l'inaction. Cela risque d'empêcher aux
chrétiens de prendre des initiatives personnelles susceptibles d'assurer
leur épanouissement économique et social. Et de plus,
l'organisation exagérée des ces services désengage de plus
en plus les participants à la résolution de la crise
pluridimensionnelle qui ne cesse de ravager la population haïtienne en
général et celle du Cap-Haïtien en particulier. Le seul fait
pour un Chrétien ou une communauté de chrétiens de passer
tout son temps à jeûner et à prier est insuffisant pour
pouvoir résoudre les différents problèmes
matériels. La bible a bien fait remarquer que le jeûne et la
prière ne peuvent être une source de bénédiction
matérielle que lorsqu'ils sont pratiqués selon les normes et
conditions établies par Dieu lui-même.
Le Travail occupe une très grande fonction dans le
développement personnel de chaque individu et celui également de
sa communauté. Toutes les grandes inventions de la science sont dues au
labeur incessant des scientifiques; ainsi beaucoup de bonnes choses sont
possibles grâce au Travail et rien de positif ne peut être fait
avec un comportement de passif et de paresseux. Le chrétien haïtien
en tant qu'être humain doit prendre conscience que quiconque ne veut pas
travailler n'aura pas non plus droit à la nourriture ( 2 Thess. 3:10).
Il est temps pour que tout un chacun le sache, l'organisation de façon
incontrôlée de services de jeûne et de prière
n'apportera pas les solutions souhaitées aux différents
problèmes matériels que confrontent l'église
haïtienne et la nation tout entière. Mais, les problèmes
matériels peuvent être résolus en combinant la
prière et le travail. Le chrétien, particulièrement, doit
mettre en oeuvre l'intelligence que Dieu a mise en lui pour acquérir les
biens matériels dont il a besoin pour vivre sur cette terre. Il doit
prier et jeûner selon les conditions et les normes établies par la
bible, la parole révélatrice de Dieu et de son fils Jésus
Christ.
Ce travail de recherche ne veut nullement déconseiller
les chrétiens à la pratique du jeûne et de la
prière. Au contraire, nous voulons aider nos frères et soeurs
chrétiens à faire le bon usage du jeûne et de la
prière conformément aux prescrits de la bible. Nous voulons
inciter les Chrétiens haïtiens à être dynamiques en
tant que fils et filles du Dieu Intelligent et Laborieux qui a
créé l'homme à son image et selon sa ressemblance pour
dominer et régner sur toute la terre ( Gen. 1:26). En traitant ce
thème, nous ne faisons que rejoindre d'autres théologiens
haïtiens tels le pasteur Jules Casséus, le Pasteur Joël D.
Alexandre, pour ne citer que ceux-là, qui ont toujours lutté,
à travers leurs écrits, à faire de l'église
haïtienne le sel et la lumière de la société, tout en
traitant le rapport que l'église haïtienne devrait entretenir avec
la société haïtienne pour une meilleure condition de vie des
chrétiens tant sur le plan matériel que spirituel.
En gros, ce travail a considéré la notion de
jeûne et de prière selon une approche historique et biblique du
concept. Nous avons fait un survol historique du jeûne et l'accent a
été mis sur la position de l'Ancien et du Nouveau Testament
concernant le jeûne biblique. Nous avons donné
de nombreux exemples du jeûne pratiqué sur le plan
personnel et communautaire dans l'ancien testament. Ces exemples nous montrent
que le jeûne est un signe extérieur d'une tristesse
intérieure. Les prophètes tels que Esaïe (chap. 58) et
Zacharie (chap. 7) nous donnent des avertissements concernant les motivations
de notre jeûne. Et dans le Nouveau Testament, Jésus nous explique
le pourquoi et le comment de notre jeûne dans Matthieu 6. L'apôtre
Paul, de son côté, nous met en garde contre l'extrémisme
(Rom. 14:20). Et l'église primitive nous montre l'utilité de la
pratique du jeûne biblique dans le cadre de l'église locale (Actes
13:3). D'autres considérations générales ont
été faites autour du jeûne et de la prière,
notamment l'association du jeûne et de la prière et leur
application au cours des grands moments de l'histoire du judaïsme et du
christianisme.
Ce travail serait incomplet, s'il s'agissait pour nous
d'attirer seulement l'attention sur le problème, analyser les causes et
conséquences sans jamais proposer des pistes de solutions à la
communauté chrétienne pour que l'église haïtienne
soit plus présente dans toutes les sphères de la vie sociale.
Dans le dernier chapitre de ce travail, nous interpellons la conscience de
tous les chrétiens, de l'église haïtienne en tant que
personne morale, des différents leaders ecclésiastiques
(Pasteurs, Prêtres, évêques, laïcs) à jouer leur
rôle pour que puissent être satisfaits, à la fois, les
besoins spirituels et les besoins temporels du chrétien haïtien.
L'église haïtienne doit tenir compte d'abord des besoins spirituels
conformément aux paroles de Jésus selon lesquelles, il faut
chercher premièrement le royaume et la Justice de Dieu. Et ensuite les
besoins temporels, car l'homme ne peut pas vivre sans le pain selon l'esprit
des paroles de Jésus trouvées au quatrième verset de
Matthieu 4 : « Ce n'est pas seulement de pain que l'homme
vivra ».
Nous avons plaidé dans ce travail pour que
l'église haïtienne soit plus active en ce qui a trait à sa
mission sociale. L'action missionnaire ne doit pas viser seulement à
offrir un salut eschatologique (pardon des péchés et
espérance de la vie éternelle), mais elle doit se soucier aussi
du bien temporel des personnes ; disons un salut global qui inclut le
corps et l'esprit. La pauvreté humaine, dans ses différents
aspects (spirituel, psychologique, sociale, politique et matériel ),
doit être l'objet de la mission de l'église haïtienne. Il
s'agit de lutter contre les différents niveaux de la pauvreté
humaine et de faire cheminer les être humains et la société
tout entière vers l'amélioration de ses conditions de vie.
L'Eglise n'est pas de ce monde, de même que son
Seigneur, le Christ, n'est pas de ce monde. Mais Il est venu dans le monde,
prenant la condition du monde, qu'il devait sauver et rétablir. Son
objectif est non seulement le salut des hommes dans ce monde, mais aussi le
salut et la restauration du monde lui-même. Ainsi l'église
haïtienne doit agir dans ce monde à l'image du Christ, à
témoigner de lui et de son Royaume. Les membres de l'église sont
appelés à devenir participants de la mission du Christ, de son
service dans le monde, service que l'Eglise ne peut concevoir que comme
« conciliaire »1(*)11, «afin que le monde croie» (Jean 17,
21). L'église haïtienne est appelée à oeuvrer pour le
salut d'Haïti, car le Fils de l'Homme lui-même «n'est pas venu
pour être servi mais pour servir et donner sa vie en rançon pour
la multitude (Marc 10, 45) ». Le Sauveur dit de Lui-même:
«Je suis au milieu de vous comme celui qui sert (Luc 22, 27) ».
Le service au nom du salut du monde et de l'homme ne peut être
limité à aucun clan ou secte religieux, comme le dit clairement
le sauveur dans la parabole du Bon Samaritain.
Enfin, nous n'avons pas eu la prétention
d'épuiser tout le sujet, c'est pourquoi nous ne restons pas là,
nous continuerons à oeuvrer à travers d'autres recherches en vue
d'aider l'église haïtienne à jouer en bonne et due forme son
rôle de sel et de lumière dans la société
haïtienne. Il y a beaucoup de chemins à parcourir, nous
encourageons d'autres théologiens, d'autres étudiants en
théologie à poser la problématique de la pratique des
activités de jeûne et de prière dans le milieu
Chrétien du Cap-Haïtien et pourquoi pas dans le milieu haïtien
en général. Nous félicitons notre aîné le
révérend Charlot Delens1(*)12 qui a déjà contribué au
processus de prise de conscience des chrétiens vis-à-vis de la
pratique de la prière dans la ville du Cap-Haïtien. Que d'autres
collègues, frères et soeurs, de l'église haïtienne
continuent à le faire et un jour cette église, les leaders des
services de jeûne et de prière, les participants à ces
services finiront par mieux appliquer les principes bibliques concernant le
jeûne et la prière. Ils seront ainsi actifs dans la
société tout en utilisant les multiples potentialités que
Dieu a mises en eux. Par la pratique convenable du jeûne et de la
prière, que la communauté chrétienne capoise participe au
relèvement du peuple haïtien en général !
BIBLIOGRAPHIE
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CONSULTEES
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Biblique Internationale, USA, 2000.
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l'Eglise, Presse Evangélique, P au p, 1993. 141 Pages
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9. - - - - - - - - L'Eglise : Aujourd'hui, Ici et
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40. YAN Newberry, Disponible devant Dieu: une étude sur
la pratique du jeûne biblique, Pierrelatte, Editions Biblos,
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des écritures
3. Lettre encyclique Centesimus annus à l'occasion du
centenaire de l'encyclique Renum novarum, 1er mai 1991.
4. Lettre encyclique Laborem Exercens, n.16 ,sur le travail
humain, 14 septembre 1981.
5. Chemins Critiques : Vo l 1, No. 4, Juillet 1990.
6. Le Nouvelliste, No. 36823, Mardi 9 Décembre 2003.
7. La revue Christus, n°174, avril 1997.
8. Rapport de PNUD le développement Humain, l'an 2000.
9. Lettre encyclique sur le développement des peuples
(Populorum Progressio, n.3), 26 mars 1967.
10. Lettre apostolique Octogesima Adveniens, n. 5, un appel
à l'action, 14 mai 1971.
11. Exortation Apostolique post-synodale (Ecclesia in Asia, n.
32), 19 novembre 1999.
12. Les bases de la conception sociale de l'Eglise orthodoxe
russe, Traduit du russe par Claire Jounievy
13. Lettre encyclique sur la question sociale (Sollicitudo Rei
Socialis, n.1), 30décembre 1987.
14. Lettre encyclique sur la question sociale(Sollicitudo Rei
Socialis, n.1), 30décembre 1987.
15. Conseil oecuménique des Églises (COE),
Mission et Évangélisation (ME), 1982, § 34.
16. Constitution Pastorale sur l'Eglise dans le monde de ce temps
(Gaudium et Spes, n. 41), 7 décembre 1965.
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21 novembre 1964.
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http://perso.club-internet.fr/j-fgambee/jeune%20et%20priere.htm
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http://www.aceiweb.org/moderne.htm
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http://inxl6.cef.fr/priere/theme.php?idtheme=21
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http://www.levangelisation.com/Gagner_son_quartier/La_priere.htm
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http://www.priere.ch/40jours.htm
12.
http://www.lueur.org/textes/dossce/d1jeunprier.php?menu=off
13.
http://www.pharma-syd.co.uk/lafrance2001/France/Main/sujets_de_priere.htm
14.
http://www.dromadaire.com/fr/contenu/yomkippour/public/index.asp
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http://www.ac-toulouse.fr/culture/religieux/fetejuives.htm
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http://bgsh.fltr.ucl.ac.be/btec/btec.html
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http://perso.wanadoo.fr/cedim/THEOMORA.htm
18.
http://www.haiti-reference.com/geographie/villes/cap.html
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http://www.bonzouti.com/ville/cap.php
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http://www.uqac.uquebec.ca/~a2cote/history.research.html
21.
http://sites.univ-lyon2.fr/formation-iris/WEB2/METHODOLOGIE/
22.
http://pedagogie.ac-aix-marseille.fr/etablis/lycees/A_Briand/CDI/recherche_documentaire/sommaire.html
23.
http://www.parrainage.net/first_part.htm
24.
http://www.geocities.com/roijesus/jeune_et_priere.htm
25.
www.haiti2004lakay.org/
26.
http://www.haitipressnetwork.com/news.cfm?articleID=1094
27.
http://sceco.paris.iufm.fr/pagepdf/culture.pdf
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http://fr.encyclopedia.yahoo.com/articles/ni/ni_766_p0.html
29.
http://www.de-la-vie.com/14-citations/superstition/superstition.htm
30.
http://www.philagora.net/philo-poche/pochdet.htm
31.
http://www.rehred-haiti.net/membres/papda/programmes/jubile2000
32.
http://www.entraide.be/entraide/projets/Ha%C3%AFti%20%20111111.htm/
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http://radio-canada.ca/nouvelles/dossiers/haiti/index.shtmlJournaliste
34.
http://www.uqac.uquebec.ca/zone30/Classiques_des_sciences_sociales/index.html:
Un document produit en version numérique sur L'ouvrage de Max Weber
«L'Éthique Protestante et l'Esprit du Capitalisme» par
Jean-Marie Tremblay, dans le cadre de la collection: "Les classiques des
sciences sociales".
ANNEXES :
ANNEXE I
Enquête sur les services de Jeûne et de
Prière dans l'aire du Cap-haïtien Dans le cadre d'un travail de
recherche pour l'obtention du grade de Licencié en
Théologie
1. Adresse du Service (Quartier ou zone) ?
Rep. ...........................
2. Le lieu d'organisation du Service ( Eglise, Sur la montagne,
Maison privée ou autres ) Précisez ?
Rep. ........................................
3. Selon Quel Horaire et Combien de fois par semaine fonctionne
ce Service ?
Rep. ..................
4. Depuis Combien d'années ce Service fonctionne ? Si
possible Précisez la date ? Rep.
.........................
5. Nom de la personne ou de l'Institution qui est responsable de
ce Service ? Rep. .............................
6. Quel est le profil du responsable( Un groupe, un prêtre,
pasteur, diacre, diaconesse, laïc, sacristain et autres) ?
Précisez ?
Rep. ....................................
7. A quelle dénomination appartient ce service(
Protestant, Catholique, Adventiste ou autres) Précisez ?
Rep. .......................
8. Quelles sont les principaux buts de prière
rencontrés dans ce Service ?
Rep. .................
9. Quels sont les miracles déjà opères
à cause de ce Service ?
Rep. ..............
10. Quelle est l'époque de l'année où ce
service est le plus fréquenté ?
Rep. .........
11. Est-ce que les participants sont en majorité des
travailleurs ou des chômeurs ? des Femmes ou des
Garçons ? des membres d'église ou ou autres ?
Précisez ?
Rep. .................................
Remarques de l'enquêteur ( Commentaires
et Observations) : ............
LISTE DES FIGURES: ANNEXE III
* 1 Jules CASSEUS,
« L'Eglise, Aujourd'hui, Ici et Maintenant »
Limbé, ed. STBH/UCNH, 1998, p. 93.
* 2 D. Joël ALEXANDRE,
Une Stratégie de Transformation dans le Cadre de la Mission
Intégrale de L'Eglise, Presse Evangélique, Port-Au-Prince,
1993, pp. 46-47.
* 3 Lettre encyclique
Centesimus annus ( à l'occasion du centenaire de l'encyclique Renum
novarum),
1er mai 1991.
* 4 Lettre encyclique
Laborem Exercens, n.16 (sur le travail humain), 14 septembre 1981.
* 5 Jules CASSEUS, Pour une
Eglise Authentiquement haïtienne, ed. STBH/UCNH, Limbé, 1987,
p. 117.
* 6 Ibid.., p. 10.
* 7 D. Joël ALEXANDRE,
Op. Cit., p. 77.
* 8 Jules CASSEUS,
« Haïti : Quelle Eglise, Quelle
libération », STBH/UCNH, the little River Press, Miami,
1991, p. 95.
* 9 Léo R. VAN DOLSON,
Pas de Temps à Perdre, s.é., s.l.n.d., p. 35.
* 10 Ibid., p. 98.
* 11 Romanne
PRÉSUMÉ, « Manuel de Méthodologie, de la
Problématique à l'Analyse des données », La
Presse Evangélique, Port-Au-Prince, 2003, p. 213.
* 12 Ibid, p.
229.
* 13 Sylvie FAYET
« Dossier: La formation des usagers, Méthodologie
documentaire », BBF, Paris, T.44, No.1, p. 55.
* 14 Mathieu PHILIPPE et al.
Cartes et études des risques de la vulnérabilité et
des capacités de réponse en Haïti, Oxfam, Ateliers
Grafopup, Port-au-Prince, 2002, p. 167.
* 15
http://www.haitipressnetwork.com/news.cfm?articleID=1094,
consulté le 10 novembre 2003.
* 16 Elie DANIEL, «
Le Cap-Haïtien: Evolution Structurelle et Images
Urbaines », article publié dans la revue Chemins
Critiques, Vol 1 No. IV ( juillet 1990), p. 89.
* 17 Ibid,p. 89.
* 18 Ibid, p. 90.
* 19 Ibid. p. 91
* 20 Ibid., p. 107.
* 21
http://www.haiti-reference.com/geographie/villes/cap.html,
consulté le 15 novembre 2003.
* 22 Mathieu PHILIPPE et al.
Op. Cit., pp. 168-169.
* 23 Moreau De SAINT-MERY,
Louis-Méderic, Description de la Partie Francaise de l'Ile de
Saint-Domingue, Société française d'Histoire
d'outre-Mer, 1986, p. 97.
* 24
http://www.haiti-reference.com/religion/catholique/ceh.html,
consulté le 2 décembre 2003.
* 25
André GODIN, « Psychologie des
Expériences religieuses: le désir et la
réalité », Paris, éditions le centurion, p.
286.
* 26 Société
Biblique canadienne, Traduction Oecuménique de la Bible,
Québec, 1995, p. 1841.
* 27 Etienne LHERMENAULT et
Bernard DELEPINE : Dossier sur le jeûne et la
prière, publié sur le site Internet :
http://www.lueur.org/textes/dossce/d1jeunprier.php
* 28 Ibid. - (Le
calendrier Hégirien: C'est un calendrier lunaire adopté vers 632
après J-C. par les musulmans. Hégir, c'est le premier jour de
l'An I de l'ère musulmane correspondant au jour 16 du mois 7 de
l'année 622 J-C., c'est le jour où le prophète Mohammed
quitta La Mecque pour Médine. C'est une année de 12 mois (ou
lunaisons) ayant alternativement 29 et 30 jours (comptés à partir
du coucher du soleil du jour civil précèdent.)
http://membres.lycos.fr/moussaoua/Traditions.htm
* 29 Yan NEWBERRY,
« Disponible devant Dieu: une étude sur la pratique du
jeûne biblique », Pierrelatte, Editions Biblos, p.
89.
* 30
http://www.geocities.com/roijesus/jeune,
site consulté le 10 novembre 2003 et inspiré des ouvrages de
Elmet L.Towns (Fasting for Spiritual Breakthrought, ed. Regal Book, 1996,
252pp.), Ronnie W. Floyd (The Power of Prayer and Fasting, Word publishing,
1997, 224pp.) et Richard J. Foster (Célébration of Disciple,
Harper San Francisco, 1988, 256pp.)
* 31 Ibid.
* 32 Ibid.
* 33 Ibid..
* 34 Ibid..
* 35 Jean-François et
Catherine GOTTE. «Le jeûne et la vie chrétienne», la
revue Ichthus, mai 1984, pp.13-14.
* 36 Hubert JOURNO et Jean
Paul SEBAG. « Yom Kippour» , 2002 , document publié sur le
site :
http://www.harissa.com/D_Religion/yomkippour.htm
consulté le 15 octobre 2004.
* 37
http://www.geocities.com/roijesus/jeune/,
site consulté le 21 janvier 2004.
* 38 Aaron.R. KAYAYAN, La
Prière en Esprit, Perspectives Reformées, s.d., Ilinois , p.
55.
* 39 Yan Nweberry, Op.Cit.
p. 83.
* 40 Aaron.R. KAYAYAN, Op.
Cit, p. 37.
* 41 Elmet L. TOWNS,
Fasting for Spiritual breakthrough, ed. Regal Books, 1996, p.
252.
* 42 A. GODIN, Psychologie
des expériences religieuses : Le désir et la
réalité, Paris, Éditions Le Centurion, 1981, p.
268.
* 43 Ibid, pp.
64-65.
* 44 ibid., p. 44
* 45 Ibid., p.
24.
* 46 T. REIK, «From
Spell to Prayer», dans Psychoanalysis, 3 (4) 1955, pp.3-26.
* 47 Etienne LHERMENAULT et
Bernard DELÉPINE, Loc. Cit.
* 48
Ibid.
* 49
http://sceco.paris.iufm.fr/pagepdf/culture.pdf
* 50 Jean Pierre Mével
et al. « Dictionnaire Encyclopédique Hachette », ed.
HACHETTE, Paris, 2001, page 1805.
* 51
http://fr.encyclopedia.yahoo.com/articles/ni/ni_766_p0.html
* 52 Emil CIORAN,
Écartèlement OEuvres, ed. Quarto Gallimard, 1979, page
1472.
* 53 Jean Pierre MÉVEL
et al. Op.Cit, page 708.
* 54
http://www.philagora.net/philo-poche/pochdet.htm
, site consulté le 13 janvier 2004.
* 55 La revue
Christus, n°174, avril 1997.
* 56 Jean Pierre MÉVEL
et al., Op. Cit., p. 1401.
* 57 http://
www.haiti2004lakay.org/,
Ministère des haïtiens vivant à l'étranger
consulté le 10 janvier 2004.
* 58
http://www.rehred-haiti.net/membres/papda/programmes/jubile2000,
site consulté le 14 novembre 2003.
* «Ce monde n'est pas ma patrie;
je m'en vais au ciel. Car mon Coeur et mon trésor y sont
cachés»
* 59
http://www.agora21.org/johannesburg/rapports/haiti.html,
site consulté le 8 novembre 2003.
* 60
JulesCASSÉUS, « Haiti Quelle Eglise...Quelle
Libération? » ,STBH/UCNH, Limbé,1991, p.116.
* 61 Ibid., p.
16.
* 62 Ibid, p.10.
* 63 Ibid., p.112.
* 64
Ibid.
* 65 Gilles DANROC et Brigitte
SÉNAVE, L'Etat de Droit, Liberté et Pauvreté,
HIS,1995, p.21
* 66 Jules
CASSEUS, « L'Eglise Aujourd'hui, Ici et
Maintenant! », STBH /UCNH, Limbé, 1998, p .52.
* 67 Gilles DANROC et Brigitte
SÉNAVE, Op. Cit.,p.21
* 68 Ibid.
* 69
http://www.entraide.be/entraide/projets/Ha%C3%AFti%20%20111111.htm/
: site de la PAPDA / Plate-forme haïtienne de Plaidoyer pour un
Développement Alternatif, consulté le 20 décemdre
2003.
* 70 Gilles DANROC et Brigitte
SÉNAVE, Op. Cit., p.30.
* 71 Rapport du Programme
des Nations -Unies pour le Développement/PNUD sur le
développement Humain, l'an 2000.
* 72 Article paru sous la
plume de la journaliste Anne Bergerot sur le site :
http://radio-canada.ca/nouvelles/dossiers/haiti/index.shtmlJournaliste
consulté le 15 janvier 2004.
* 73 Jules CASSÉUS,
«Haïti Quelle Eglise...Quelle
Libération? », STBH/ UCNH/ Limbé,1991, p. 58.
* 74 erban IONESCU,
«Cuvinte cãtre muncitori», Solidaritatea,
III, no. 1-3, 1922, p. 35.
* 75 Conseil oecuménique
des églises (COE), Mission et
Évangélisation (ME), 1982, § 34
* 76 Jules CASSÉUS,
Op. Cit., p. 107.
* 77 Constitution Pastorale
sur l'église dans le monde de ce temps (Gaudium et Spes, n. 40), 7
decembreb 1965.
* 78 Jules CASSÉUS,
OP. Cit.,p.98.
* 79 Sollicitudo Rei
Socialis sur la question sociale, 30 décembre 1987, n. 41.
* 80 Constitution
Pastorale sur l'église dans le monde de ce temps (Gaudium et Spes, n.
41), 7 décembre 1965.
* 81 Constitution
dogmatique sur l'église ( Lumen Gentium, n. 5), 21 novembre 1964.
* 82 Lettre encyclique sur
la valeur permanente du précepte missionnaire (Redemptoris Missio, n.
11), 7 décembre 1990.
* 83
http://www.paroledevie.org,
site consulté le 15 novembre 2003.
* 84 Jules CASSÉUS,
les grandes Doctrines de la Bible ed. STBH/UCNH, Limbé 1997, p.
83.
* 85
http://www.sourcedevie.com,
consulté le 10 décembre 2003.
* 86 Jules CASSÉUS,
Op. Cit., p. 48..
* 87 Lettre encyclique sur
l'église(Ecclesiam Suam, n. 97), 6 août 1964.
* 88 Jules CASSÉUS,
Haïti: « Quelle Eglise...Quelle
Libération? » , STBH/UCNH, 1991, p. 95.
* 89 Programme des
Nations-Unies pour le Développement/PNUD : Rapport mondial sur le
développement humain de 1990.
* 90 Michel Lacroix est
agrégé de philosophie et maître de conférence
à l'université d'Évry et à l'IUFM de
Versailles.
* 91 Michel. LACROIX, Le
développement personnel, Évreux, Éditions Flammarion,
2000, pp. 15-18.
* 92 Ibid., p.22.
* 93 Ibid., p.24.
* 94 Ibid., pp.
23-26.
* 95 Programme des Nations
Unies pour le développement, rapport 2000 sur le Développement
Humain.
* 96 Jules CASSÉUS,
Op. Cit., p. 8.
* 97 Lettre encyclique sur
le développement des peuples (Populorum Progressio, n.3), 26 mars
1967.
* 98 Lettre apostolique
Octogesima Adveniens, n. 5, un appel à l'action, 14 mai 1971.
* 99 Exhortation
Apostolique post-synodale (Ecclésia in Asia, n. 32), 19 novembre
1999.
* 100 Jules CASSÉUS,
Op. Cit., p.93.
* 101 Ibid.
* 102 Ibid. p.59.
* 103 Ibid,
p.9
* 104 erban IONESCU,
«Mi°carea social-cre°tinã °i reforma vieþii
sociale», Solidaritatea, IV, no. 4-6, 1923, page. 7
* 105 Jules CASSÉUS,
Op. Cit., p. 65.
* 106 Aaron R. KAYAYAN,
La prière en Esprit, Perspectives réformées, page
18.
* 107 Les bases de la
conception sociale de l'Eglise orthodoxe russe, Traduit du russe par
Claire Jounievy
* 107bis Un document
produit en version numérique sur L'ouvrage de Max Weber
«L'Éthique Protestante et l'Esprit du Capitalisme» par
Jean-Marie Tremblay, dans le cadre de la collection: "Les classiques des
sciences sociales", p.111.
Site web:
http://www.uqac.uquebec.ca/zone30/Classiques_des_sciences_sociales/index.html
* 108 Jules CASSÉUS,
« L'Eglise, Aujourd'hui, Ici et Maintenant! » , STBH/UCNH,
1998, p.41
* 109 Lettre encyclique
sur la question sociale(Sollicitudo Rei Socialis, n.1), 30décembre
1987.
* 110 ibid.
* 111 Les bases de la
conception Sociale de l'église orthodoxe russe.
* 112 DelensCharlot, Une
Analyse objective de la Pratique de la Prière dans le milieu
Evangélique Capois, Mémoire de Sortie pour l'obtention du grade
de licenciée en Théologie, Mai, 2000.
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