Essai d'analyse critique du role de la philosophie à travers les ouvrages de Paulin Hountondji et de Marcien Towa( Télécharger le fichier original )par Issiaga DIALLO Université de Sonfonia Conakry - Maitrise 2005 |
SECTION 2 : L'ETAT DE LA QUESTION DE LA PHILOSOPHIE AFRICAINE : DEBATS, CONTROVERSES, COURANTSLa philosophie africaine pose d'énormes difficultés. Elle alimente un vaste débat controversé qui secoue à la fois les intellectuels africains et Européens. Les questions tournent essentiellement autour de son existence ou non. Notre propos ici ne sera pas une prise de position dans ce large débat. Mais plutôt celui de faire un bilan de cette controverse. Cela permettra de voir le niveau des débats en la matière, mais aussi de faire ressortir la position des auteurs sur lesquels portera notre réflexion. Car les ouvrages de Hountondji et Towa sont avant tout une prise de position dans le débat sur la problématique philosophique africaine. La controverse sur la problématique philosophique en Afrique est née en pleine période coloniale d'une contestation à l'intérieur de la littérature occidentale elle-même, portant sur la prétendue occidentalité exclusive de la philosophie en tant que quintessence de l'activité intellectuelle humaine. Au sein donc de la pensée occidentale, deux tendances philosophiques ou même extra philosophiques se combattent. L'une faisant du Noir au même titre que tous les autres peuples dits exotiques, un être incapable de philosophie. L'autre trouvant au contraire que le Noir a une civilisation avec une philosophie et une gnoséologie qui est certes différente de celle occidentale, mais qui n'en demeure pas une, avec toute sa richesse et sa spécifié et sa complexité. Ces deux tendances sont du reste nourries et entretenues par d'importants travaux d'ethnologues, d'ethnographes, de missionnaires, de colons qui exercent sur le continent. Dans ce domaine l'ethnologie est celle qui s'est le plus illustrée avec des travaux devenus célèbres comme ceux de Marcel Griaule7(*), et autre Paul Radin8(*). Indépendamment des critiques qu'on peut faire à l'ethnologie, notamment quant à son impartialité, elle se donne comme une approche d'observation scientifique des peuples primitifs. C'est dans cette perspective que « l'Afrique a été exploré de part en part, des musées construits dans les métropoles pour conserver les vestiges matériels de ces sociétés primitives ainsi que les vestiges spirituels tels qu'ont pu les recueillir (...) les récits de colons (missionnaires, soldats et fonctionnaires), puis par les professionnels du métier »9(*). Le constat a été que les sociétés africaines étaient si restreintes et si peu évolutives à côté de celles évolutionnistes et expansionnistes européennes, qu'elles ont été saisies comme « les modèles mêmes de sociétés statiques, figées, des sociétés en un mot sans histoire »10(*).C'est au nom de tels constats qu'un Comte de Gobineau a pu avancer les thèses racistes et négationnistes qu'on connaît. C'est également au nom d'eux que Lucien Lévy-Bruhl, anthropologue français a développé l'idée de la mentalité prélogique des Noirs. Il estime en substance que les Noirs sont des peuples inférieurs, caractérisés par une mentalité prélogique et mystique qualitativement différente, inférieure à celle de l'homme civilisé d'occident. D'autres peuples du monde rentrent dans la catégorie de peuples inférieurs. Ce sont les Australiens, les peuples du Mexique précolombien, de l'Inde, de la Chine etc. Pour lui parmi ces peuples tout ce qui a été produit dans les domaines aussi variés que l'astronomie, la chimie, la géographie, la grammaire ... recèle une part de mysticité qui marque une différence d'avec la science occidentale telle qu'elle s'est développée depuis la Grèce Antique. Ce qui fait que les connaissances de ces peuples « sont demeurées impropres à une évolution qui les eut purgé de ces éléments » (mystiques)11(*). Outre ces prises de position dans une littérature qui n'est pas nécessairement philosophique, de grands noms de cette discipline ont fait entendre leur voix dans le débat sur l'existence ou non d'une philosophie chez les Africains. C'est le cas de Hegel et Heidegger. Hegel estime que l'éclosion de la philosophie est à mettre sur le compte d'un certain nombre de conditions. Parmi celles-ci il y a des données d'ordre purement géographique. Ainsi le haut pays, fait de steppes et de désert, ainsi que les plaines et les vallées, coupés par des rivières et des marécages, sont défavorables à la philosophie. Car rendant difficiles les voyages, les échanges. Par contre, les régions côtières, les régions ayant la mer comme facteur d'unité sont favorables la philosophie. Il explique qu' « outre la facilité de communication, la mer présente d'énormes avantages pour le développement des peuples côtiers, elle donne la représentation de l'indéterminé, de l'illimité et de l'infini. Elle invite l'homme à la conquête, au brigandage et à la recherche du gain. Elle élargit les idées et rompt les dépendances auxquelles sont soumis les habitants des plaines et des vallées »12(*). La question ne se pose pas de savoir si Hegel exclut les Noirs de ces facilités qu'offre la nature. Puisque le même article indique qu'il considère que l'Afrique est un continent « anhistorique ... où l'idée n'a pas encore émergé »13(*). Ce qui fait le Nègre, habitant d'un tel continent « ne peut accéder à la rationalité. Il manque d'objectivité, ne reconnaît pas l'univers et ignore complètement la notion de transcendance »14(*). L'autre condition de toute éclosion d'une philosophie, pour Hegel, fait référence à la spécificité même de la philosophie en tant que discipline. Du fait même de sa nature, elle ne peut être que l'exclusivité de l'Occident européen à ses yeux. Pour prétendre cela il fait de la philosophie la pensée qui se pense, la pensée ne souffrant d'aucune autorité, ni à côté d'elle, ni au-dessus d'elle, si ce n'est celle de la pensée elle-même. Cependant puisque la pensée n'est telle qu'extériorisée, cela suppose une liberté de la pensée. Liberté non seulement de se poser sur toute chose, mais en plus de décider toute seule de la mesure de toutes les choses. Du reste cette pensée existe chez tout homme, chez tout peuple, mais seulement en puissance. Elle n'acquiert sens et valeur que dans une sphère sociale propice à cette liberté. Ainsi seulement, elle pourra fleurir se développer. Pour Hegel, une telle liberté ne se rencontre que là où fleurit la liberté dans l'Etat. Car c'est cet espace seulement qui peut garantir la possibilité même d'une telle liberté. En conférant aux individus des droits et des devoirs. Droit de dire et d'agir pour autant que cela ne nuit pas à la liberté d'autrui, avec une liberté d'autrui elle-même conçue et consignée dans textes de loi selon un certain consensus général. Il estime qu'une telle liberté ne s'est rencontrée pour la première fois qu'en Grèce et pour autant c'est là qu'est née la philosophie et c'est là qu'elle est demeurée à rester. Quant à Heidegger, dans une position qui ne cache mal son eurocentrisme, estime que « la philosophie est grecque et européenne dans son être même ... La philosophie est grecque dans son être propre ne dit rien d'autre que l'Occident et l'Europe sont et eux seuls sont, dans ce qu'il y a de plus extérieur à leur marche historique essentiellement philosophique »15(*). Ces discussions entre intellectuels et idéologues européens auraient moins d'importance si on passait sous silence leur implication dans l'histoire de l'humanité. En effet ce qui était en jeu, c'était la classification pure et simple de l'humanité en peuples historiques et peuples non historiques. Un peuple est d'autant plus historique qu'il est apte à la philosophie. Cela sous-entend également qu'un peuple historique est en droit de marquer son historicité en dominant les peuples non historiques. Donc on fait de la philosophie, le critère d'historicité et de civilisation d'un peuple. Cependant ces visions fort idéologiques de philosophes et d'ethnologues, cohabitent au sein même de la littérature occidentale avec d'autres qui reconnaissent aux Noirs en particulier une civilisation tout aussi riche et féconde, une civilisation des plus authentiques. Il convient d'indiquer qu'à cette époque, les résultats des travaux des ethnologues, ethnographes et autres sociologues, à côté des interprétations généralisatrices précédentes, servaient à certains Européens de pièces à charge et à décharge dans le procès contre la civilisation européenne elle-même. Certains en effet, effrayés par l'évolutionnisme exacerbé de leur civilisation et les bouleversements scientifiques, sociaux, moraux etc. que cela entraînait, ont voulu rappeler celle-ci à l'ordre. Ils craignaient que ces visées prométhéennes avec leur cortège de scission radicale entre l'homme et la nature, mieux la corruption de celle-ci, entraînent des conséquences irréversibles. Aussi préconisaient-ils le retour à la nature en lieu et place d'une culture qui lui tourne le dos, croyant avoir trouvé le salut dans l'assujettissement de tout à ses besoins par le truchement de la raison et du logos. Elungu Pene relève à ce propos que le « le mythe du `bon sauvage' de Jean Jacques Rousseau n'a jamais quitté l'Europe industrialisée, l'Europe au plut fort de son pouvoir sur les choses et aussi, (...) sur les hommes du monde »16(*). Ce courant est donc traversé par cette constante remise en question de la civilisation occidentale, teintée de nostalgie, la nostalgie d'un monde sans calcul, sans logos, sans histoire, sorte de refuge pour l'Europe civilisé des 19ème et 20ème siècle. Cela peut être perçu dans ce propos de G. Balandier17(*) qui explique ce besoin des ethnologues occidentaux de « s'extraire » de leur société et leur « position de censeur de société » par une « insatisfaction, un besoin de s'accrocher à des modes d'existence radicalement différents »18(*). Du reste une nouvelle étape sera franchie dans ce débat, tant du côté de la méthode d'approche des Noirs que de leur aptitude à la pensée, avec la publication de La Philosophie Bantoue aux Éditions Lovania, Élisabethville, 1945, du révérend Père Placide Templels, un missionnaire belge en poste au Congo Léopoldville. Concernant l'aptitude des bantous à la pensée Tempels affirme sans hésitation qu'ils ont une philosophie qui est essentiellement une ontologie des forces.19(*) En tout état de cause, ce livre provoqua en son temps les réactions les plus variées, tant dans la littérature occidentale qu'africaine. En effet les visées de l'auteur, le statut théorique de la Philosophie Bantoue, l'utilisation qui en est faite par les intellectuels et idéologues tant Africains qu'Européens, bref les implications et les réactions à ce livre ont donné une nouvelle dimension au débat sur la problématique philosophique africaine. De sorte qu'il est possible de nos jours de parler de courants dans la problématique de la philosophie africaine. Un premier courant est celui inauguré par Tempels lui-même et est composé d'un vaste mouvement littéraire et philosophique, quelques fois idéologique, prolongeant et approfondissant les thèses tempelsiennes. Ce mouvement a été baptisé ethnophilosophie en raison fondamentalement de sa prétention à identifier une philosophie commune à tous les Africains à partir d'analyses de leur héritage culturel. Un second mouvement a émergé par la suite, qui se donne comme un courant critique de l'ethnophilosophie et une tentative de rapprocher toute philosophie africaine du concept de philosophie tel qu'il fonctionne dans la tradition internationale notamment occidentale. Du fait de cette propension, de ramener toute philosophie à la philosophie européenne en tirant d'elle toutes les sources théoriques, celui-ci a été appelé europhilosophie ou courant critique de l'ethnophilosophie. Enfin un troisième courant a vu le jour au début des années 80, et qui est une critique de l'europhilosophie. Nous allons analyser sommairement chacun de ses courants. L'ethnophilosophie est le courant de pensée d'intellectuels et idéologues européens et Africains qui abondent dans le même sens que les thèses de Tempels sur l'existence d'une philosophie africaine. Une philosophie qu'il faut identifier et caractériser à partir d'une étude poussée de l'héritage culturel des peuples africains. Ce terme se rencontre pour la première fois dans les écrits de Towa et de Hountondji. Pour Hountondji, l'ethnophilosophie est toute littérature qui prétend restituer une philosophie collective, à laquelle adhère inconsciemment tout un peuple. Le prototype même de l'ethnophilosophe c'est Templels lui-même. Donc une brève étude de La philosophie Bantoue n'est pas superflue pour faire ressortir les grands traits de l'ethnophilosophie. L'ouvrage a été publié pour la première fois en 1945 aux éditions Luvania, Elisabethville20(*). Il s'agit d'une sorte de monographie où l'auteur se proposait de recenser et d'apporter des réponses à toutes les interrogations que les occidentaux se posent sur les Noirs pour faciliter la mission civilisatrice. Il s'adresse donc à deux catégories d'Occidentaux en particulier : les colons et les missionnaires. Il se donne pour but de lever certaines équivoques qui ont constitué des obstacles à l'oeuvre d'éducation des Noirs. En effet, du haut de leur arrogante conviction que ceux-ci n'ont pas de pensée, de civilisation, ses collègues Occidentaux ont engagé avec les Noirs un dialogue de sourds. La découverte de leur ontologie devait donc changer cette attitude et mieux faire aboutir la mission civilisatrice. Puisque les Noirs ont une philosophie, il fait à ses compatriotes l'injonction de réorienter la manière de les aborder. Pour lui les Bantous ont en effet une pensée. Celle-ci est « un ensemble de d'idées, un système logique, une philosophie positive et complète de l'univers, de l'homme et des choses qui l'environnent, de l'existence de la vie, de la mort et de la survie, en un mot une ontologie logiquement cohérente ». Mais puisqu'il est question de découvrir cette ontologie, Tempels va s'atteler à cette tache selon plusieurs méthodes, dans l'environnement quotidien des Bantous. C'est l'objet notamment du Chapitre I où il se met « A la trace de la philosophie bantoue ». Pour ce qui est de la méthode il utilise deux voies. L'une, directe consiste à s'installer dans la mentalité même des Bantous afin de penser comme eux, voir les choses ; à la suite d'une longue fréquentation de ceux-ci. L'autre, indirecte consiste à faire une étude poussée de leurs éléments culturels en utilisant des disciplines positives telles que l'ethnographie, l'ethnologie, la sociologie etc. Pour en arriver à la conclusion de l'existence d'une ontologie, Tempels part du principe que la vie et la mort conditionnent le comportement de l'homme. Autrement dit face aux périls qui sont liés à la vie et la mort, il existe dans une toutes les civilisations une sorte de « solution pratique ».C'est à celle-ci que les hommes font recours pour faire face au problème de la rédemption ou de la damnation. Donc à ses yeux l'existence de cette valeur dans la civilisation des Bantous est la preuve que leur vie repose comme partout ailleurs sur un système de principes ; et que ce système repose lui-même sur une philosophie de la vie qui pénètre et guide toutes les actions des Bantous. C'est ce système qui explique toute l'organisation sociale, politique, économique etc. de ceux-ci. Plus précisément cette philosophie est une ontologie. Cette ontologie elle-même se résume en une théorie des forces. Chez les bantous l'être est force. Cela ne signifie pas qu'il faille faire une dichotomie entre être et force, comme si l'un était attribut de l'autre. Mais il faut comprendre cela dans le sens où l'être et la force forment une et une seule substance. C'est ce qui l'a fait dire que chez les bantous « l'être est force, la force est être ». Par ailleurs cette ontologie affirme une interaction constante des forces ayant une hiérarchisation précise. v Au sommet de la pyramide, il y a Dieu Esprit et créateur v Ensuite il y a les premiers pères des hommes, fondateurs des clans, les archi patriarches à qui Dieu a communiqué en premier lieu la force vitale v Viennent ensuite les défunts de chaque tribu, suivant leur degré d'ancienneté v Puis, viennent les vivants eux-mêmes hiérarchisés à leur tour selon la primogéniture, l'importance de la puissance vitale v Enfin, il y a les forces inférieures : animaux, végétaux, minéraux, eux aussi hiérarchisés suivant le rang de puissance vitale et de primogéniture Les différentes forces ont une influence entre elles selon la hiérarchie de la primogéniture. Les forces supérieures renforcent les forces inférieures. C'est cette loi qui est à la base de la désignation des chefs et c'est elle qui fixe ses responsabilités. Ainsi selon Tempels, chez les Bantous, « L'aîné d'un groupement ou d'un clan est, pour les bantous, de par la loi divine, le chaînon de renforcement de vie reliant les ancêtres à leur descendance. C'est lui qui « renforce » la vie de ses gens, et de toutes les forces inférieures, forces animales, végétales ou inorganiques, qui existent, croissent ou vivent sur son fond pour le bénéfice de ses gens. Le vrai chef est donc, suivant la conception originelle et suivant l'organisation politique des peuples claniques, le père, le maître, le roi; il est la source de la vie intense; il est comme Dieu lui-même ». Donc on peut dire que de cette hiérarchisation dérive le fondement du système politique des Bantous. Tempels affirme en outre que les bantous ont une vision du monde centrée sur l'homme, c'est l'homme actuel, vivant, qui a primauté sur les défunts. Ensuite à partir du Chapitre III, Tempels tente de restituer la sagesse des Bantous qui se caractérise essentiellement par le fait qu'elle pénètre toute la nature des êtres, des forces. Chez eux la vraie sagesse est la connaissance ontologique. Le sage par excellence c'est Dieu « qui connaît tous les êtres, qui pénètre la nature et la qualité de leur énergie ». Donc chez les Bantous les connaissances sont fondamentalement ontologiques. Leur philosophie n'est pas surnaturelle, elle se fonde sur l'évidence interne et externe. Plus loin, à partir du Chapitre IV, il se penche sur la psychologie bantoue où il développe les notions muntu ou personne ainsi que l'individu. Le muntu est force active, sa force est dominante parmi toutes les forces visibles. Sa force s'accroît ou diminue dans le cadre de ses différentes influences avec les autres êtres. Quant à l'individu il se caractérise par son impénétrabilité par ses semblables et certains critères qui le définissent comme le nom. Enfin dans le Chapitre V il aborde la question de l'éthique chez les Bantous. Dans cette éthique, les notions de bien et de mal sont rattachées à leur philosophie. Puisque pour les Bantous, tout tourne essentiellement sur le renforcement de la force vitale, alors le bien et le mal en dérivent aussi. Le mal c'est toute action qui diminue la force vitale et le bien celle qui l'accroît. Tels sont les grands traits de La philosophie bantoue du R.P. Tempels. C'est de là que tous les tenants de l'ethnophilosophie tirent leurs arguments selon les enjeux qu'ils poursuivent. C'est ainsi qu'on a pu parler de variantes de l'ethnophilosophie : la variante laïque et la variante chrétienne. La variante laïque rassemble les auteurs et Européens et Africains qui tentent de dégager une philosophie africaine collective, à partir de l'héritage culturel des peuples du continent. Une philosophie qui serait à opposer à celle de l'Occident pour mettre à mal le préjugé des occidentaux selon lequel les Noirs n'ont pas de philosophie. Parmi les Européens qui se sont lancés dans cette aventure, on peut retenir cette liste non exhaustive citée par Hountondji dans Sur la philosophie africaine critique de l'ethnophilosophie : Ø Marcel Griaule et Germain Dieterlen, Le renard pâle, Travaux et mémoires de l'Institut d'ethnologie, Paris, 1965 Ø Dominique Zahan,
Ø Louis Vincent Thomas,
Les Africains eux aussi se sont laissés séduire par cette entreprise de restitution de la pensée des peuples africains pour des raisons différentes. C'est ainsi que Hountondji dresse cette liste, elle aussi non exhaustive. Ø A. Adessanya, « Yoruba Matapysical Thinking » , Odu, n°5, 1958 Ø William Abraham, The Mind of Africa, University of Chicago Press, 1962, et Weidenfeld and Nicolson, Londres, 1962 Ø NKRUMAH, Kwame, Le Consciencisme, Philosophie et idéologie pour la décolonisation et le développement avec une référence particulière à la révolution africaine, Traduit de l'Anglais par L. Jospin. Paris, Payot, 1964 Ø Alassane N'Daw, Peut-on parler d'une pensée africaine? in Présence africaine (1966) n.58, 32-46, et in SMET, A.J. (ed), Philosophie africaine. Kinshasa, 1975, I, 227-242 Ø Issiaka Prosper Laleye, La conception de la personne dans la pensée traditionnelle Yoruba. Approche phénoménologique, Herbert Lang éditions, BERNE, 1970 Ø J. O. Awolalu, « The yoruba philosophy of life », Présence Africaine, N° 73, 1973 Ceux-ci et bien d'autres abondent dans le même sens que les Européens cités plus haut, avec souvent des points de vue qui relèvent de l'idéologie21(*). Il reste clair que leur intention est de fonder une philosophie africaine digne de ce nom, qui n'aurait rien à envier à toute autre philosophie, notamment celle de l'Occident. Mais en même temps certains d'entre eux n'hésitent pas de déduire l'existence d'une philosophie africaine en prenant en compte des considérations purement occidentales. Cela s'explique par le fait que c'est en l'occurrence l'occident qui a voulu nier toute philosophie au Noir. Ainsi certains d'entre eux ont voulu élargir le champ de définition pour qu'elle ne désigne plus seulement ce qu'elle a désigné jusque là dans la vision occidentale. Mais qu'elle inclut aussi des éléments qui étaient rangés dans la mythologie ou la simple littérature. C'est le cas de Alassane N'Daw et J. Basile Fouda, comme on le verra plus tard dans l'ouvrage de Towa. D'autres partent de ce qui est considéré comme philosophie en Occident et recherchent dans le champ culturel africain d'éventuels éléments semblables pour en déduire la philosophie africaine. Ainsi Tshiamalenga N'Tumba estime « si l'histoire de la philosophie appelle philosophie les fragments des présocratiques, les Pensée d'un Marc Aurèle ou les Maximes de La Roche Foucauld et autres textes semblables, alors bien des textes de tradition africaine orale peuvent être appelés philosophiques »22(*) Quant à la variante chrétienne, elle est constituée d'hommes d'église comme Tempels lui-même. Leur souci est de trouver une base psychologique et culturelle pour enraciner le message du christianisme dans l'esprit de l'Africain. Ce qui signifie que leur préoccupation diffère quelque peu de celle des laïcs africains. Encore une fois nous nous fieront à la liste de ces auteurs dressée par Hountondji. Ø Alexis Kagamé, La philosophie bantou-rwandaise de l'être Ø Mgr Makarakiza, La dialectique des Barundi, 1959 Ø Mongameli Antoine Mabona,
Ø A. Rahajarizafy, « Sagesse malgache et Théologie chrétienne, Personnalité africaine et Catholicisme, Présence africaine, Paris, 1963 Ø Vincent Mulago, « Dialectique existentielle des bantous et Sacramentalisme », Aspects de la culture noire, Paris, 1958 Ø Jean Calvin Bahoken, Clairières métaphysiques africaines, Présence africaine, Paris, 1967 Ø John MBiti,
Les lignes qui précèdent donnent un aperçu du courant de l'ethnophilosophie. Le courant qui s'est développé aussi bien en Afrique et tendant à l'invalider par une critique des plus virulentes est l'europhilosophie. Le concept d'europhilosophie a été forgé par Pathé Diagne23(*) au début des années 80. Celui-ci de retour du séminaire de Cotonou consacré au rapport de la science et de la philosophie en Afrique, en fait un compte rendu critique dans un ouvrage intitulé L'europhilosophie face à la pensée du Négro-Africain, suivi de: Thèses sur Epistémologie du réel et Problématique néo-pharaonique, (Dakar, éd. Sankoré, 1981). Dans son acception l'europhilosophie est le courant de pensée critique de l'ethnophilosophie à partir de sources autres que la tradition philosophique et culturelle africaine. Précisément des sources tirées de la philosophie Occidentale. Par cela, l'europhilosophie est africaine et européenne. L'europhilosophie rassemble des penseurs européens et Africains formés à l'école occidentale et fortement influencés par les doctrines occidentales. Les tenants de ce courant entendent disqualifier l'ethnophilosophie qu'ils estiment critiquable à la lumière du concept de philosophie tel qu'il a toujours fonctionné de manière générale en Europe. Pour ce faire, ils entendent dépasser la problématique de l'ethnophilosophie et ses contradictions relativement à la philosophie en tant que discipline spécifique et proposer des pistes pour une meilleure pratique philosophique sur le continent africain. Dans cette perspective, ils estiment que la philosophie africaine doit exister et fonctionner selon les critères notamment de définitions de la philosophie occidentale, au risque d'être un genre littéraire qui n'est philosophique qu'Afrique. Concrètement les tenants de ce courant se fixent pour tâches de : ü Surmonter la crise épistémologique ouverte par l'ethnophilosophie en raison de sa prétention à la philosophie quand bien même elle semble en différer ü Combler le vide créé par l'invalidation de l'ethnophilosophie par la promotion d'une tradition philosophique et scientifique de haut niveau ü Libérer le discours philosophique de l'emprise de la politique et de l'idéologie, la science, mieux préciser leurs rapports ainsi que le rôle qui échoit à chacune d'entre elles En outre l'europhilosophie est caractérisée par un académisme universitaire qui la condamne à la spéculation abstraite à défaut de se fixer un objet d'étude précis et pertinent. Elle est constamment tournée vers la tradition occidentale pour critiquer l'europhilosophie et tend à décider sur cette base ce que doit être toute philosophie en Afrique. Par cela les tenants de ce courant s'opposent à l'émergence de pensées philosophiques endogènes et autocentrées en Afrique. C'est pour cela qu'ils placent le salut de l'Afrique en la matière dans une sorte de métissage qui culturel et philosophique. Ce métissage ne signifie pas suivre aveuglement les valeurs des autres civilisations, mais de procéder à un dosage approprié avec les cultures africaines. Il existe deux variantes de l'europhilosophie : la variante non marxiste et la variante marxo-criticiste. La variante non marxiste est celle dont les références théoriques sont à chercher dans la philosophie classique bourgeoise Occidentale. Son chef de fil est Frantz Crahay, auteur de Le "décollage" conceptuel: conditions d'une philosophie bantoue, in Diogène (1965) n.52, 61-84; et in SMET, A.J. (ed.), Philosophie africaine, Kinshasa, 1975, II, 327-347. - Tempels; Kagame; Nkrumah. Dans cet ouvrage, il balaie du revers de la main la prétention que la vision du monde prônée par l'ethnophilosophie puisse être appelée philosophie au nom du "décollage" conceptuel. Il fait ainsi référence notamment au fait que dans la Philosophie Bantoue, Tempels avance que les Bantous sont ignorants de leur philosophie, ou qu'en tout cas, même s'ils savent qu'ils ont une philosophie, ils sont incapables de la caractériser, la définir, en un mot d'en rendre compte. En sorte qu'il revient à d'autres personnes de la restituer à leur place. Crahay estime que cela est inconcevable en philosophie, puisqu'en tant que pensée critique, elle est supposée se poser sur non seulement l'ensemble des dimensions de la vie de l'homme, mais aussi sur la pensée elle-même. Il estime d'ailleurs qu'aude-là de cette condition, la possibilité d'existence d'une philosophie en Afrique passe par : v L'existence d'un personnel qualifié de philosophes v Une ouverture des philosophes africains sur les sphères culturelles du monde v Un inventaire souple de valeurs à sauvegarder : attitudes, ressources linguistiques, catégories mentales etc. Cela suppose une certaine manière d'envisager la philosophie qui exclut la propension constante de l'etnophilophilosophie qui consiste à rechercher une originalité. La variante marxo-criticiste réunit les auteurs dont les références sont tirées de la philosophie de Marx et ses épigones (Althusser, Lénine, etc.). Les représentants les plus en vue de ce courant en Afrique sont Hountondji et Towa. L'europhilosophie à son tour n'échappera pas à la critique, ce qui conduira à la naissance du courant critique de l'europhilosophie. Les premières réactions contre l'europhilosophie remontent aux années 1970 avec la publication d'un article de Niamkey Koffi Robert intitulé L'impensé de Towa et de Hountondji. Il y tente de montrer que derrière les positions de Towa et Hountondji, dans leurs différentes oeuvres, se cache mal un mythe. Le mythe en vertu duquel la philosophie africaine ne commence qu'avec eux. Tout ce qui a été produit antérieurement est tout au plus une sagesse. Abdou Touré emboîtera le pas en tentant de mettre à nu et d'analyser les sources de l'europhilosophie. C'est l'essentiel de l'ouvrage Le marxisme-léninisme comme idéologie, Critique de trois théoriciens africains: A.-.A. Dieng, Hountondji et M. Towa, Abidjan, 1980. Les critiques les plus vigoureuses commencent à partir de 1978 avec Olabi Babalola Yaï dans Théorie et Pratique en philosophie africaine: misère de la philosophie spéculative, in Présence africaine (1978) n.108, 65-91. Sa critique était particulièrement adressée à Hountondji. Il entendait plus précisément dénoncer le fait que dans ses écrits, toute la critique soit purement théorique. Hountondji ne fonde pas ses critiques sur des recherches effectuées sur le terrain. Le courant critique de l'europhilosophie voudrait que les auteurs africains, dans le cadre de la problématique philosophique sur le continent, puissent dépasser le simple cadre de la spéculation qui a toutes les chances d'être superficielle et de faire de la recherche sur le terrain. De plus cette entreprise doit baliser le cadre théorique et conceptuel de cette recherche. L'intellectuel africain formé à l'école occidentale est facilement influencé par les sources, les catégories de cette formation. C'est conscient de cela que Pathé Diagne24(*) relève que depuis des siècles, l'occident a fixé et délimité tout seul, arbitrairement, au gré de ses intérêts et ses convictions, les domaines et les caractéristiques de recherches des autres sphères culturelles. Il dénonce cela comme une hégémonie et revendique un nouvel ordre culturel mondial comme on en ferait sur le plan économique. Pour cela il incite à dépasser l'europhilosophie et à élaborer un discours non spéculatif et valable, une enquête qui fasse ressortir les connaissances profondes des réalités et spécificités du champ culturel négro-africain. Dans son entendement cela est inséparable d'une heuristique et d'une théoristique propres au champ culturel africain. Par heuristique il entend « autant les questions de définition de domaine ou d'objet, de méthode ou d'objet, de méthode ou d'épistémologie, de théoristique ou de scientificité qui sont au coeur de toute recherche, que la problématique, c'est-à-dire la prise de position, le point de vue et les engagements de la recherche et du chercheur ». Quant à la théoristique, elle fait référence aux « appareils, les ensembles ou les systèmes conceptuels par lesquels s'élaborent les phénomènes et les faits qui donnent forme et contenu à une pensée comme expérience, savoir et science dans les domaines les plus divers de l'activité intellectuelle ». Retenons que depuis la fin du XIXème et le début du XXème, la philosophie africaine fait l'objet d'une profonde controverse. Dans cette controverse, des auteurs tant Africains que qu'Occidentaux se sont fait entendre et ont défendu des positions variées ; en sorte qu'il a été possible de diviser les débats sur la problématique philosophique en Afrique en courants. Ces courants sont l'ethnophilosophie, l'europhilosophie et le courant critique de l'europhilosophie. Pour notre part, nous ne sommes pas rentrés dans ce débat. Autrement nous ne nous sommes pas inscrits dans la logique de dire si oui ou non la philosophie africaine existe. Si elle existe ce qu'elle est entre la vision du monde propre aux peuples africains à restituer par l'analyse et l'interprétation de documents institutionnalisés du champ culturel négro-africain (contes, légendes, rites, us, coutumes etc.) ou le discours explicite tendant à les restituer ou un discours sur la science etc. Nous n'avons pas tenté d'identifier et surmonter les paradoxes qui surgissent toutes les fois qu'un esprit a voulu spéculer sur la problématique de la philosophie africaine. Nous avons par contre dégagé et caractérisé les orientations générales de ce qui a été dit jusque là dans le cadre de cette problématique. Cela nous recentre dans notre thématique en faisant ressortir le cadre des prises de positions des auteurs dont nous comptons analyser quelques travaux. Plus précisément, est-il besoin de le rappeler, nous comptons nous pencher sur les rôles que ceux-ci attribuent à la philosophie dans leurs ouvrages. Dans cette perspective donc, il convient au préalable de se pencher sur la question du rôle de la philosophie. * 7 Marcel Griaule ( 1898- 1956) est un ethnologue français. Un de ses apports essentiels (relatif à l' ethnographie) est d'avoir démontré que la cosmogonie dogon (orale) est au moins aussi importante que les cosmogonies occidentales. Ses ouvrages tels que : Dieu d'eau (entretiens avec Ogotemmeli, ouvrage qui révèle les structures de la pensée sacrée dogon) (1948) ; Renard pâle, ethnologie des Dogons, Institut d'Ethnologie, 1965/1991 (en collaboration avec Germaine Dieterlen) font aujourd'hui école dans le domaine de l'ethnographie sur certains peuples africains. * 8 Paul Radin ( 1883- 1959) est un anthropologue américain. Il a étudié à l'Université de Columbia (Etas-Unis). Il commença ses études de terrain par les indiens Winnebago (Les Ho-Chunk ou Winnebago - comme ils sont généralement nommés - sont une tribu amérindienne, originaire de ce que l'on nomme aujourd'hui le Wisconsin et l' Illinois en 1908. Il est auteur de nombreux ouvrages célèbres dont Primitive Man As Philosopher en 1927. * 9 Elungu PEA, Eveil philosophique africain, Harmattan, Paris, 1994, p.13. * 10 Idem * 11 Cité in Marcien Towa, Essai sur la problématique philosophique dans l'Afrique actuelle, Ed. Clé Yaoundé, p.8 * 12 Amady Aly Dieng, Hegel, Marx, Engels et les problèmes de l'Afrique Noire, cité dans un article de Léon Sobel Diagne, Conseiller Pédagogique Itinérant PRF de Dakar intitulé `Le Problème de la Philosophie Africaine'. * 13 Idem * 14 Ibidem * 15 Article précité p. * 16 Cité in Elungu PEA, Idem, p.14 * 17 Georges Balandier est un ethnologue et sociologue français. Il est actuellement professeur émérite de la Sorbonne (Université René Descartes, Paris-V), Directeur d'études à l' EHESS, collaborateur au Centre d'Etudes Africain. Il auteur de plusieurs de sociologie et d'ethnologie sur les peuples africains. C'est le cas de : Particularisme et Evolution: les pêcheurs Lébou (Sénégal), St Louis du Sénégal, IFAN, 1952, (en coll. avec Pierre Mercier) ; Les villages gabonais, Brazzaville, Institut d'études centrafricaines, 1952 ; Sociologie Brazzavilles noires, Paris, A.Colin, 1955. * 18 Elungu PEA, Ouvrage précité, note p.14 * 19 Nous reviendrons plus tard. * 20 Toutes nos références concernant La philosophie Bantoue dans ce texte renverront au texte intégral digitalisé et présenté par le Centre Aequatoria, http://www.aequatoria.be. * 21 Cela apparaîtra plus nettement avec les critiques de Towa et Hountondji que nous verront plus tard * 22 Tshialega N'Tumba, « Qu'est-ce que la philosophie africaine ? » Fcaulté de Théologie de Kinshasa, 1979, p.36 * 23 linguiste, économiste et politologue sénégalais * 24 Dans L'europhilosophie face à la pensée du Négro-Africain, suivi de: Thèses sur Epistémologie du réel et Problématique néo-pharaonique, Dakar, éd. Sankoré, 1981, 221 p., l'auteur s'en prend vigoureusement à Hountondji et l'europhilosophie en générale. Il y montre et dénonce les sources althusseriennes de Hountondji. Pathé Diagne estime qu'en fait Hountondji ne fait que reprendre aveuglément les thèses de son maître de la rue d'Ulm qu'il finira par dédire. En effet il s'est produit chez lui, à un moment donné, une sorte de rupture épistémologique. On peut ainsi parler d'écrits de première et seconde génération. Sur la question spécifique de la philosophie, les écrits de premières générations, Althusser voulant rompre « avec l'idéologisme qui entravait la science autant que la philosophie dans la recherche marxiste en particulier, (...) restituer à la philosophie ou à la pensée critique tout court ses libertés, sa réalité de discipline autonome et originale face aux empiètements et aux tentatives de submersion dont elle fait l'objet au non d'une primauté exclusive de la `lutte de classe' ou la `politique' dans la pratique scientifique et théorique en général ». Pathé Diagne p.45 A cette époque la philosophie désigne la théorie de la pratique théorique. Mais à partir de 1968, le même Althusser ressuscitera l'idéologisme en proscrivant la définition précédente de la philosophie. Elle devient cette fois la politique dans la théorie. C'est un retournement de situation dont Hountondji est conscient, mais préfère garder fidélité aux thèses de première génération. Car à ses yeux il reste incontestable que la philosophie « existe en tant que forme particulière de la littérature scientifique », « la philosophie est une histoire et non un système », « une recherche inquiète et inachevée, non un savoir clos. Cela veut dire entre autres choses qu'aucune doctrine philosophique ne peut être considérée comme la vérité » ... (Cf Sur la philosophie africaine critique de l'ethnophilosophie, Chapitre 4 : La philosophie et ses révolutions). Du reste Hountondji justifie sa fidélité aux thèses de première génération par le fait qu'il n'a pas « à suivre Althusser », préférant mettre ce changement dans les idées de son maître sur le compte d'une « longue fréquentation de l'oeuvre de Lénine ». Il maintient qu'en tout état de cause, la philosophie doit être séparée de l'idéologie, qu'elle « ne saurait se réduire à un tissu de slogans ou à une propagande savante ». Cf note 35, p.215 |
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