Chapitre préliminaire
Il convient avant d'aborder le sujet de s'atteler sur la
définition et la clarification des concepts de terrorisme, violence,
jihad et martyre. Ce travail de définition est important pour
développer sereinement la réflexion sur le sujet.
I. Définitions
Le terrorisme (A) est l'usage de la violence (B) à
des fins politiques, visant à faire pression par la terreur.
A : Le Terrorisme : un
phénomène ancien et planétaire
Si le terme
`'Terrorisme'' renvoie d'abord à la politique menée par les
gouvernements révolutionnaires en France pendant la `'terreur''
(1792-1793), le `'terrorisme'' constitue toujours un mode d'action politique
ayant systématiquement recours à la violence. Les actes
terroristes sont de multiples natures : assassinats, attentats visant les
biens et les personnes, prises d'otages...
Si les motivations des terroristes peuvent être
profondément divergentes, l'objectif immédiat est
identique : susciter la terreur.
Le terrorisme se définit donc avant tout par
les moyens employés dans l'action politique. On peut néanmoins se
poser la question fondamentale de la légitimité du recours
à la violence dans certaines circonstances. Si on considère a
priori qu'aucune violence n'est légitime, le recours au terrorisme, et
en particulier à ses variantes les plus extrêmes (attentats
aveugles), ne peut se concevoir que comme ultime recours face à une
occupation militaire, une domination coloniale ou une dictature n'autorisant ou
ne tolérant aucune autre forme d'action politique (élections
libres, manifestations pacifiques, liberté de presse...). Dans une
société démocratique, le recours au terrorisme
paraît non seulement illégal mais inacceptable, puisque les moyens
d'expression existent.
Le recours au `'terrorisme'' a d'abord été le
fait de mouvements politiques extrémistes, qui y ont recouru pour donner
le maximum de publicité à leurs actions .les régimes
dictatoriaux et les périodes d'instabilité politique sont bien
entendu des terrains favorables à ce mode d'action.
Dans la période moderne, on trouve un premier
exemple de cette forme de terrorisme révolutionnaire et romantique
dans l'action des anarchistes en Europe à la fin du XIX siècle.
Ces terroristes cherchent alors avant tout à viser les symboles du
pouvoir (familles régnantes, présidents et ministres...), mais
ils posent également des bombes dans des lieux publics. Le terrorisme
était un mode d'action privilégié des
sociétés secrètes nationalistes d'Europe centrale en lutte
contre l'empire austro-hongrois et des groupuscules révolutionnaires
russes. On retrouvera cette forme de terrorisme extrémiste entre les
deux guerres, par exemple dans l'Allemagne de la République de
Weimar.
Depuis la seconde Guerre mondiale, divers groupes
extrémistes à travers le monde ont fait le choix du terrorisme
politique. Si, en Amérique latine, le recours au terrorisme a souvent
été le fruit de l'échec de la guérilla face aux
régimes militaires, il s'est maintenu dans des sociétés en
poursuivant des objectifs financiers. L'Europe occidentale a également
connu une vague de terrorisme révolutionnaire pendant les années
soixante-dix et quatre-vingts. Une frange l'extrême gauche s'est
radicalisée et a fait le choix de l'action violente : `'Brigades
Rouges'' en Allemagne de l'ouest, `'Action Directe'' en France, `'Cellules
Communistes Révolutionnaires'' en Belgique. Ces mouvements, se sont
engagées au départ dans des actions symboliques, avant
d'être entraînés dans une spirale de violence qui les a
privés de la sympathie d'une large partie de l'opinion publique. Cette
période a également été marquée par un
terrorisme d'extrême droite, tout particulièrement en Italie
(attentat de Bologne en 1980). L'action de ces mouvements repose sur la
même logique : faire basculer les démocraties
européennes dans l'instabilité par le recours à la
violence extrême.
Des conflits politiques plus classiques, comme la guerre
civile qui a commencé au début des années quatre-vingt-dix
en Algérie, voient parfois le terrorisme s'étendre et se
banaliser au point d'atteindre quotidiennement les populations civiles.
A côté de ce terrorisme essentiellement
révolutionnaire et politique, on trouve un terrorisme qui répond
à des objectifs nationalistes et qui est le fait de minorités
nationales opprimées (ou qui se perçoivent comme telles). Les
mouvements indépendantistes slaves qui se manifestent au début du
XXe siècle sont les premiers à répondre à ce
modèle. Au lendemain de la seconde guerre mondiale, les groupes
nationalistes ayant recours au terrorisme se sont multipliés pendant et
après la décolonisation. Ainsi, en Palestine, les
« indépendantistes » juifs ont mené de
nombreuses actions spectaculaires et sanglantes contre les forces armées
britanniques et certaines personnalités. Les mouvements de
libération nationale en lutte contre la colonisation, comme le front de
libération nationale en Algérie, ont également souvent
choisi de recourir au terrorisme. En Europe, plus récemment, les
indépendantistes basques de l'ETA, les nationalistes irlandais de l'IRA,
les militants corses du front de libération nationale de la corse, les
arméniennes de l'ASALA ou les Kurdes du PKK ont défendu leur
cause par un recours systématique aux actions terroristes contre les
bâtiments, les représentants des forces de l'ordre ou, parfois
même, de manière tout à fait aveugle.
Ce terrorisme nationaliste a connu ses plus grands
développements au Proche-Orient, où les diffèrent groupes
palestiniens ont choisi dans les années soixante de recourir à un
terrorisme systématique à travers le monde (attentas,
détournements d'avions, prises d'otages, assassinats de diplomates
israélienne) pour faire reconnaître leur cause en utilisant
l'impact croissant des médias dans les sociétés
contemporaines.
Les mouvements d'opposition armée choisissent le
terrorisme, sachant qu'il est le moyen le plus sûr de donner le plus
large écho à leurs revendications. Plus encore, ils
décident de mener leurs actions sur le territoire des pays occidentaux
jugés impliqué dans le conflit, donnant ainsi à leurs
revendications une résonance internationale .la France ou l'Allemagne
ont ainsi été le terrain d'action privilégié du
terrorisme international originaire du proche -orient (né aussi bien des
conflits israélo-arabe ou Iran Irak, que de la guerre civile
libanaise).Les intérêts et Israéliens et Américains
ont été les cibles privilégiées de ces actions.
L'internationalisme du terrorisme est ainsi le
phénomène marquant des trente dernières années. Le
recours à la violence politique a bien sûr toujours existé,
mais le fait `' d'exporter `' un conflit national par le biais du terrorisme
est devenu fréquent. Certains Etats manipulent également ce
terrorisme .Ils soutiennent et utilisent les mouvements terroristes au service
de leurs intérêts, en leur fournissant dans certains cas une
véritable aide logistique.
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