Antoine Sauvagnargues
ILERI 4
Stratégie Défense
Mémoire
La conception française des
opérations de paix
SOMMAIRE
INTRODUCTION
I - LA THEORIE FRANCAISE DES OPERATIONS DE
PAIX
1) La politique française du maintien de la
paix
2) L'évolution de la position française en
matière d'opérations de maintien de la paix
II - LA REALITE DE L'ENGAGEMENT FRANÇAIS DANS
LES OPERATIONS DE MAINTIEN DE LA PAIX : LE LIBAN ET LE KOSOVO
1) La Force Intérimaire des Nations Unies au Liban
(FINUL)
2) Force de maintien de la paix dirigée par l'OTAN
au Kosovo (KFOR) et Mission d'administration intérimaire des
Nations Unies au Kosovo (MINUK)
CONCLUSION
ANNEXES
BIBLIOGRAPHIE
INTRODUCTION
A sa création en 1945, l'Organisation des Nations Unies
(ONU) s'est donnée comme objectif de résoudre les
problèmes internationaux. Pour cela, elle s'est dotée d'un
certain nombre d'organes couvrant des domaines divers et variés parmi
lesquels on peut trouver le Conseil de tutelle ou le Conseil économique
et social. A la tête de cette instance internationale, le
Secrétariat Général gère les aspects administratifs
de cette grande machine et regroupe différents départements
importants, en particulier le Département des Opérations de
Maintien de la Paix (DOMP), qui s'occupe des opérations de maintien de
la paix (OMP), prérogative principale de l'ONU.
« Les opérations de maintien de
la paix des Nations Unies sont un instrument crucial à la disposition de
la communauté internationales pour faire progresser la paix et la
sécurité internationale »1(*).
L'Onu ne disposant pas d'armée, la Charte constitutive
de l'organisation stipule qu'afin d'aider à maintenir la paix et la
sécurité dans le monde, tous les États membres de l'ONU
doivent mettre à la disposition du Conseil de sécurité les
forces armées et les facilités nécessaires. Ainsi, les
Casques Bleus, force militaire de l'ONU, sont composés de contingents
provenant de chaque Etat membre.
Le DOMP, sous les ordres du français Jean-Marie
Guéhenno (Secrétaire Général adjoint en charge des
opérations de paix), assume la direction politique et exécutive
des opérations de paix des Nations Unies et veille à
l'accomplissement des mandats confiés par le Conseil de
sécurité, en se tenant en contact permanent avec les membres du
Conseil, les pays fournissant des contingents ou des ressources
financières et les parties au conflit. Il s'efforce d'aider le mieux
possible les missions sur le terrain et de leur apporter un appui logistique et
administratif en faisant une utilisation optimale des moyens disponibles. Il
s'agit notamment d'assurer en temps opportun le déploiement du
matériel et l'offre de services de qualité, la mise à
disposition des ressources financières nécessaires et
l'entrée en fonctions de membres du personnel convenablement
formés
De plus, par son histoire, son engagement international, son
poids dans l'organisation, chaque Etat définit sa conception des OMP.
Les pays fournissant le plus de troupes sont, pour le moment, les pays du Sud,
voulant s'affirmer sur la scène international. De leur
côté, les membres permanents du Conseil de Sécurité
comme la France ou les Etats-Unis ont une vision personnelle et
particulière de ces OMP.
La France a, depuis toujours, été fortement
engagée dans le maintien de paix et de la sécurité
internationale. Patrie des droits de l'Homme, son poids international a souvent
été régi par ce principe de protection des libertés
fondamentales. Elle a donc sa conception particulière des
opérations de maintien de la paix. Cependant, quelle est-elle ?
Quelle est la conception française des opérations de paix ?
En quoi la France prouve-t-elle son engagement international envers la
préservation de l'équilibre du monde ?
La réponse à cette interrogation demande dans un
premier temps une réflexion sur la théorie de l'armée et
de l'administration françaises quant à ces opérations de
maintien de la paix. Dans un second temps, un aperçu de la
réalité de l'engagement français dans les
opérations de maintien de la paix nous permettra d'apporter un support
concret à cette réflexion. En effet, avec la Force
Intérimaire des nations Unies au Liban (FINUL) et sa présence au
Kosovo dans le cadre de la KFOR la France met en pratique sa conception du
maintien de la paix et de la sécurité internationale.
I - La théorie française des
opérations de paix :
La politique française de maintien de la
paix :
L'engagement français en faveur des opérations
de maintien de la paix de l'ONU s'inscrit dans une position plus large de
soutien à la seule organisation universelle première source du
droit international, et plus particulièrement à son Conseil de
sécurité, qui assume aux termes de la Charte la
responsabilité principale du maintien de la paix et de la
sécurité internationales. Cette conception politique du
rôle du Conseil fait de ce dernier la source première de
légitimité du recours à la force contre ou à
l'intérieur d'un État.
La France a contribué à élargir la notion
de menaces pour la paix et la sécurité internationales aux
violations massives des droits de l'homme, à l'effondrement des
structures étatiques, ou encore à l'exploitation illégale
des ressources naturelles d'un État en conflit. Elle a plaidé
pour la reconnaissance par la communauté internationale d'une
« Responsabilité de protéger » pouvant
justifier le recours à la force, tout en préférant
envisager les instruments coercitifs comme des mesures incitatives qui doivent
s'inscrire dans des stratégies plus larges de règlement des
conflits.
Elle s'est montrée favorable au renforcement des
capacités de dissuasion et de réaction rapide du
Département des Opérations de maintien de la paix (DOMP) du
Secrétariat général de l'ONU. Elle relaie les
recommandations du rapport Brahimi (2000) pour améliorer la chaîne
de commandement au sein du DOMP, son expertise, en concertation avec les pays
contributeurs de troupes (résolution 1353), ainsi que la clarté
des mandats votés par le Conseil et leur adéquation aux
capacités du DOMP. C'est ce qu'ont montré les prises de position
françaises préalables au déploiement de 2000 soldats
français au Liban au sein de la FINUL renforcée en septembre
2006.
Depuis 1997, la France oeuvre au renforcement de
capacités militaires de maintien de la paix en Afrique (concept RECAMP),
en lien avec l'Union africaine, les organisations sous-régionales et
l'ONU, avec des résultats en demi-teinte. Elle a également
plaidé pour une présence accrue de pays d'Amérique latine
et Caraïbes au sein de la MINUSTAH en Haïti et de pays musulmans au
sein de la FINUL.
Les contributions de la France au budget des opérations
de maintien de la paix de l'ONU se sont élevées à 251
millions d'euros en 2005 (320 millions de dollars US), pour une quote-part de
7,26% du fait d'une surcharge liée à son statut de membre
permanent. Elles la placent au cinquième rang des contributeurs au
budget des opérations de paix de l'ONU, ce qui tranche avec ses
contributions volontaires au profit des agences spécialisées de
l'ONU, jugées modestes par ses partenaires. Elle paie toujours sa
contribution dans les délais requis, bien que l'accroissement
récent du nombre d'opérations pèse lourdement sur son
budget.
L'évolution de la position française en
matière d'opérations de maintien de la paix :
Malgré l'attachement français au droit
international facteur de paix, les opérations de maintien de la paix de
l'ONU ne furent pas un terrain d'action immédiatement
privilégié par la diplomatie française : elles virent
le jour dans un contexte de guerre froide et d'affirmation des nationalismes
menaçant les positions coloniales françaises. Non seulement la
Force d'urgence des Nations Unies lancée pendant la crise de Suez en
1956 avait pour but de freiner les réactions françaises et
britanniques, elle fut de plus décidée via un contournement du
Conseil de sécurité au profit de l'Assemblée
générale, exposant la politique française en Afrique du
Nord au risque d'une ingérence de l'ONU.
Pour les mêmes raisons, la première
opération de paix multidimensionnelle de grande ampleur, l'ONUC au Congo
ex-belge, première expérimentation de l'imposition de la paix,
fut vécue par la France du général de Gaulle comme une
dérive des pouvoirs du Secrétaire général, Dag
Hammarskjöld, cautionnée par les États-Unis, dans un
contexte d'affirmation de l'indépendance française sur la
scène internationale. La fronde française visa à limiter
les pouvoirs du Secrétariat dans la conduite des opérations de
paix, en replaçant le Conseil de sécurité au coeur du
processus et en obtenant la création d'un budget spécial
consacré aux opérations de paix distinct du budget ordinaire de
l'Organisation.
Le premier engagement significatif de la France a lieu au
Liban en 1978, avec l'envoi de 1380 soldats français placés sous
la bannière bleue de la FINUL. À la mi-1993, 9000 Casques bleus
sont français, ce qui place la France au premier rang des contributeurs
de troupes. La politique africaine de la France porte également la
marque de cette évolution, avec la participation de plus de 2000 soldats
au sein de la force multinationale sous mandat de l'ONU en Somalie, et la
recherche d'un relais de l'ONU dans le conflit au Rwanda dès mars 1993,
après deux ans et demi de présence militaire dans ce pays.
Cependant, la France peine à se faire reconnaître
les positions privilégiées auxquelles elle aspirait dans la
gestion politique des processus de paix en ex-Yougoslavie et au Cambodge, et la
situation d'impuissance dans laquelle se trouvent ses soldats participant
à la FORPRONU en Bosnie génère de vives critiques et une
grande amertume au sein des Armées françaises. Quant aux deux
opérations en Afrique citées, leurs issues catastrophiques ont
marqué pour longtemps les gestionnaires internationaux des conflits,
conduisant notamment aux lourdes critiques adressées à la France
pendant et après le génocide rwandais.
Le Livre blanc sur la Défense française paru en
1994 demande ainsi la clarification du rôle et des mandats des
opérations de l'ONU, l'amélioration des capacités
d'expertise au sein du Conseil et le recentrage de l'engagement français
sur les priorités militaires et les intérêts nationaux de
la France. En 1995, le président Jacques Chirac court-circuite les
structures de commandement de l'ONU pour répondre aux prises d'otages de
Casques bleus français par des forces serbes. Après les accords
de Dayton, l'OTAN agissant sous mandat du Conseil de sécurité
devient l'option privilégiée dans les Balkans, ce qui se traduit
par une forte participation à l'IFOR (7500 hommes) puis à la SFOR
(2650 hommes), relayée par l'opération de l'Union
européenne EUFOR-Althéa. C'est également le cas de la KFOR
au Kosovo (jusqu'à 4600 hommes), puis de l'ISAF en Afghanistan
après la chute du régime taliban (600 hommes). La France est
aujourd'hui le second contributeur de troupes de l'OTAN.
Après une période de réduction des
opérations de l'ONU et de retrait français vis-à-vis de
son rôle de `gendarme' en Afrique francophone, la Mission permanente de
la France à l'ONU prend l'initiative d'une mobilisation diplomatique
française face au conflit en RDC, qui aboutit à la
création d'une mission de paix en 1999 (la MONUC) puis à
l'opération Artémis en 2003. Bien que constituée
à 80% de soldats français et commandée depuis Paris, la
France étant la nation-cadre de l'opération, l'opération
Artémis est placée sous la direction du Comité
politique et de sécurité de l'Union européen.
L'expérience se déclinera en trois nouvelles missions
européennes en RDC, dans la réforme du secteur de la
sécurité (EUSEC-Kinshasa, dirigée par la France), dans le
soutien à la police civile (EUPOL-Kinshasa) et dans la
sécurisation de l'élection présidentielle de 2006
(EUFOR-RDC), sous commandement opérationnel allemand et commandement de
théâtre français.
Au 31 mai 2006, la participation française aux
opérations de maintien de la paix atteint le 22e rang des contributeurs
de troupes, avec 779 personnels déployés dans onze des seize
opérations en cours, surtout en Côte-d'Ivoire et au Liban, mais
aussi en Haïti, au Kosovo, au Sahara occidental ou encore en RDC. Avec son
engagement au sein de la FINUL en septembre 2006, la France devrait compter
2379 personnels des opérations de l'ONU et se placer au dixième
rang des contributeurs de troupes. Ce déploiement important sous
commandement de l'ONU dessine d'ailleurs une inflexion au regard des pratiques
françaises depuis 1995.
Ainsi, depuis la création de l'ONU et du DOMP, la
France s'est fortement engagée dans la protection et la
préservation de la paix. Elle est présente et impliquée
dans ces missions un peu partout dans le monde et tente d'imposer sa vision de
la diplomatie dans la protection de ses intérêts. C'est en vertu
de cette idée qu'elle a cherché à autant s'investir dans
la Force Intérimaire des Nations Unies au Liban (FINUL).
v II - La réalité de l'engagement
français dans les opérations de maintien de la paix: le Liban et
le Kosovo
La Force Intérimaire des Nations Unies au Liban
(FINUL) :
La FINUL a été mise en place par les
résolutions 425 et 426 des Nations Unies en mars 1978. Cette initiative
du général français Jean Cuq avait pour but de contrer
l'escalade de violence le long de la frontière israélo-libanaise,
dont le point culminant était l'invasion du Liban par Israël. Cette
force des Nations Unies a alors été déployée
avec 4000 hommes couvrant 650 km².2(*)
En 1982, d'autres échanges de feu eurent lieu entre les
deux pays. A la suite de ceux-ci, les forces israéliennes
pénétrèrent au Liban et avancèrent jusqu'à
Beyrouth. En 1985, les soldats israéliens quittèrent le
territoire libanais, sauf le Sud du pays. Pendant toute cette période,
les affrontements eurent lieu sur un territoire chevauchant la zone de
contrôle de la FINUL. Cette dernière, ne pouvant remplir son
mandat original, s'est trouvée cantonnée dans un rôle de
force humanitaire, aidant les populations civiles et les ressortissants
étrangers. Elle s'est efforcée également à
circonscrire le conflit pendant que les dirigeants israéliens et les
dirigeants étrangers, et en particulier le Secrétaire
Général des Nations Unies, cherchaient une solution.
Durant l'été 2006, les modalités
concrètes d'une intervention militaire au Liban ont suscité des
tensions au sein de la communauté internationale. Il faut ainsi rappeler
que les États-Unis et Israël privilégiaient l'envoi d'une
Force de stabilisation à dominante européenne, capable de
s'imposer vis-à-vis du Hezbollah. Les États se sont finalement
accordés pour renforcer significativement la FINUL, alors réduite
à l'impuissance avec ses 2000 casques bleus déployés dans
le cadre d'une mission d'interposition et d'observation.
Cependant, l'imposition de cette mission ne s'est pas faite
sans difficultés. Certains États demandaient une nouvelle
résolution. Pourtant, le 17 août, 70 pays potentiellement
contributeurs se réunissaient à New York. Il fallut cependant
attendre encore une semaine pour que les Européens acceptent de
constituer l'épine dorsale de la FINUL II. Le fait que Paris et Rome
décident de s'engager dans cette nouvelle force a eu un effet
d'entraînement sur les autres puissances, européennes ou non,
encore hésitantes.
Par la suite, la France a retardé le processus de
« génération de force » afin de s'assurer de
la participation de pays dits « musulmans » mais aussi,
pour obtenir des garanties solides concernant la sécurité des
casques bleus et leur liberté d'action : clarification du mandat,
envoi de troupes suffisamment armées avec les unités d'appui et
soutien nécessaires... Cette prudence était justifiée au
regard des nombreux précédents où les Nations Unies se
sont avérées incapables d'intervenir militairement au plus fort
d'un conflit violent. L'annonce du Président Chirac de n'envoyer dans un
premier temps que 200 sapeurs en renfort a en tout cas provoqué une vive
polémique dans un contexte de bataille de l'information.
Au final, la FINUL renforcée, tout en restant
formellement sous le Chapitre VI de la Charte des Nations Unies, a reçu
un mandat « durci » grâce à l'approbation d'un
Concept d'opérations et de Règles d'engagement
adéquats.
Le seuil des 5000 hommes, fixé par l'armée
israélienne comme condition de retrait, a été atteint le
20 septembre 2206, l'Italie, la France et l'Espagne ayant tenu leurs promesses
de projeter des unités d'intervention rapide. Début
décembre de la même année, la seconde phase du plan de
renforcement était encore « en cours ». Kofi Annan
estimait néanmoins que le déploiement de la FINUL était
« en grande partie appliqué » sur le plan des
effectifs, du matériel, du mandat et de la chaîne de commandement.
Ainsi, début 2007, 26 pays participaient à la
Force avec un effectif total de 11500 hommes, soit 9800 soldats et 1700 marins,
plus 53 observateurs de l'Organisme des Nations Unies chargé de la
Surveillance de la Trêve (ONUST), 97 civils et 308 employés
locaux. Le cap des 12000 hommes aura donc été atteint en cinq
mois. Il semble que cet effectif soit jugé pour l'instant suffisant, les
États étant soucieux de doser leurs efforts au plus juste.
Enfin, il faut noter que ce sont les États
européens, en premier lieu l'Italie, la France et l'Espagne, qui forment
l'ossature de la Force avec 6500 hommes. Les autres contingents principaux sont
fournis par la Chine - qui confirme son engagement international
croissant -, le Bangladesh, l'Indonésie mais aussi la Malaisie ou
l'Inde. On notera également l'engagement de pays
« musulmans » qui n'ont pas de relations diplomatiques avec
Israël comme Qatar qui a mis pour la première fois des soldats sous
la bannière de l'ONU. De plus, il faut souligner que l'Allemagne a pris
la tête du Groupement naval, ce qui représente une première
dans cette région du monde.
Le mandat de la FINUL, selon la résolution 425 de mars
1978 est de :
Ø Confirmer le retrait des troupes israéliennes
du Sud Liban ;
Ø Rétablir la paix et la sécurité
dans la région ;
Ø Aider le gouvernement libanais à assurer son
autorité dans le pays et dans la région.
Force de maintien de la paix dirigée par l'OTAN au
Kosovo (KFOR) et Mission d'administration intérimaire des Nations
Unies au Kosovo (MINUK):
Le Kosovo, province située au sud de la Serbie et
peuplée majoritairement de Kosovars Albanais jouissait d'une relative
autonomie pendant le règne de Tito. La fin de celui-ci a cependant
libéré les tensions indépendantistes qui ont conduit
à la violente désintégration de la Yougoslavie. La
résolution de ces conflits en 1995 a cependant laissé de
côté le cas du Kosovo dont l'autonomie a été
fortement ébréchée par le président serbe Slobodan
Milosevic, sur fond de discours nationaliste. Un conflit ouvert éclate
en 1998, opposant l'armée serbe à l'Armée de
Libération du Kosovo (Ushtria Çlirimtare e Kosovës ou
UÇK en albanais), une milice indépendantiste kosovare,
entraînant la mort de 1500 Albanais Kosovars et le déplacement de
300 000 personnes. L'enjeu de ce conflit est le statut de la province dans la
Fédération et l'intégrité territoriale de la
Fédération.
Face au risque d'escalade et de régionalisation du
conflit, la communauté internationale décide de se saisir du
dossier. Tandis que le Groupe de Contact qui a géré les
précédents conflits yougoslaves de 1992 à 1995, ainsi que
l'OSCE tentent une médiation politique, l'OTAN se montre
particulièrement active dans la gestion militaire du conflit. Le 28 mai
1998, le Conseil de l'Atlantique Nord, réuni au niveau des Ministres des
Affaires étrangères détermine ainsi les objectifs de
l'OTAN au Kosovo : aider à la résolution pacifique de la
crise, et promouvoir la stabilité et la sécurité des pays
voisins, en particulier l'Albanie et l'Ancienne République Yougoslave de
Macédoine. Le 12 juin 1998, réuni au niveau des Ministres de la
Défense, le Conseil de l'Atlantique Nord décide d'entamer une
évaluation des options militaires possibles. Fidèle à sa
gestion des conflits yougoslaves et réticente à l'envoi de
troupes sur le terrain, l'organisation favorise une stratégie reposant
sur les menaces de frappes aériennes, en soutien aux initiatives
diplomatiques.
Cette stratégie sera notamment mise en oeuvre en
octobre 1998 jusqu'à la conclusion d'un accord avec le Président
Milosevic prévoyant le retrait des troupes serbes du Kosovo3(*).
Sur la base de cet accord, la résolution 1160 du
Conseil de Sécurité de l'ONU impose une limite au nombre et aux
opérations des troupes serbes au Kosovo. La résolution 1203
complète la précédente et établit d'une part la
Mission de Vérification au Kosovo menée par l'Organisation pour
la Sécurité et la Coopération en Europe (OSCE) sur le
terrain, et d'autre part, une mission de surveillance aérienne de
l'OTAN. Cette mobilisation ne parvient pas à résoudre le conflit
et la situation se détériore en 1999 dans une spirale de
provocations et de représailles de part et d'autre.
Le Groupe de Contact intensifie ses efforts de
résolution pacifique du conflit.Des négociations s'ouvrent
à Rambouillet, près de Paris, du 6 au 23 février, puis du
15 au 18 mars. Leur échec aboutit d'une part au retrait de la Mission de
Vérification au Kosovo et d'autre part au déploiement massif de
troupes serbes au Kosovo. L'OTAN, considérant ce nouveau
déploiement comme une contravention à l'accord qui avait ouvert
la voie à la résolution 1160 débute ses frappes
aériennes (Operation Allied Force) le 23 mars 1999. Ces frappes, qui
durent plus de 70 jours, semblent mener à une impasse jusqu'à la
conclusion d'un accord entre la République Fédérative de
Yougoslavie et les envoyés spéciaux de l'Union européenne,
le Président finlandais Martti Ahtisaari, et de la Russie, l'ancien
Premier Ministre Viktor Tchernomyrdine, le 3 juin 1999. Cet accord ouvre la
voie au retrait des troupes serbes et à la signature d'un accord
militaro-technique avec l'OTAN le 9 juin 1999.
Le 10 juin 1999, le Conseil de Sécurité adopte
la résolution 1244 demandant l'arrêt immédiat de la
violence et le retrait des forces serbes, sans toutefois résoudre la
question cruciale du statut du Kosovo. Cette résolution décide
l'envoi d'une force de sécurité internationale ainsi que d'une
mission civile d'administration intérimaire du Kosovo. La
première sera assumée par l'OTAN (KFOR), la seconde par l'ONU
(MINUK).
Selon les termes de la résolution 1244 du Conseil de
Sécurité des Nations Unies, la KFOR a pour mandat de :
Ø Prévenir la reprise des hostilités,
maintenir le cessez-le-feu et l'imposer s'il y a lieu, et assurer le retrait
des forces militaires, policières et paramilitaires
fédérales et de la République se trouvant au Kosovo et les
empêcher d'y revenir ;
Ø Démilitariser l'Armée de
libération du Kosovo (ALK) et les autres groupes armés d'Albanais
du Kosovo ;
Ø Établir un environnement sûr pour que
les réfugiés et les personnes déplacées puissent
rentrer chez eux, que la présence internationale civile puisse
opérer, qu'une administration intérimaire puisse être
établie, et que l'aide humanitaire puisse être
acheminée ;
Ø Assurer le maintien de l'ordre et la
sécurité publics jusqu'à ce que la présence
internationale civile puisse s'en charger ;
Ø Superviser le déminage jusqu'à ce que
la présence internationale civile puisse, le cas échéant,
s'en charger ;
Ø Appuyer le travail de la présence
internationale civile selon qu'il conviendra et assurer une coordination
étroite avec ce travail ;
Ø Exercer les fonctions requises en matière de
surveillance des frontières ;
Ø Assurer la protection et la liberté de
circulation pour elle-même, pour la présence internationale civile
et pour les autres organisations internationales.
De son côté (selon la résolution 1244 du
Conseil de Sécurité des Nations Unies), la Mission
d'administration intérimaire des Nations Unies au Kosovo a pour mandat
de :
Ø Faciliter, en attendant un règlement
définitif, l'instauration au Kosovo d'une autonomie et d'une
auto-administration substantielles, compte pleinement tenu de l'annexe 2 et des
Accords de Rambouillet (S/1999/648) ;
Ø Exercer les fonctions d'administration civile de base
là où cela sera nécessaire et tant qu'il y aura lieu de le
faire ;
Ø Organiser et superviser la mise en place
d'institutions provisoires pour une auto-administration autonome et
démocratique en attendant un règlement politique, notamment la
tenue d'élections ;
Ø Transférer ses responsabilités
administratives aux institutions susvisées, à mesure qu'elles
auront été mises en place, tout en supervisant et en facilitant
le renforcement des institutions locales provisoires du Kosovo, de même
que les autres activités de consolidation de la paix ;
Ø Faciliter un processus politique visant à
déterminer le statut futur du Kosovo, en tenant compte des Accords de
Rambouillet ;
Ø À un stade final, superviser le transfert des
pouvoirs des institutions provisoires du Kosovo aux institutions qui auront
été établies dans le cadre d'un règlement
politique ;
Ø Faciliter la reconstruction des infrastructures
essentielles et le relèvement de l'économie ;
Ø En coordination avec les organisations
internationales à vocation humanitaire, faciliter l'acheminement de
l'aide humanitaire et des secours aux sinistrés ;
Ø Maintenir l'ordre public, notamment en mettant en
place des forces de police locales et, entretemps, en déployant du
personnel international de police servant au Kosovo ;
Ø Défendre et promouvoir les droits de
l'homme ;
Ø Veiller à ce que tous les
réfugiés et personnes déplacées puissent rentrer
chez eux en toute sécurité et sans entrave au Kosovo.
Ces deux missions de l'OTAN et de l'ONU montrent d'abord
à quel point la communauté internationale s'implique dans le
maintien de la paix et de la sécurité internationale ainsi que
dans l'encadrement des conflits dans le but d'éviter une propagation de
ces derniers qui pourrait s'avérer dangereuse.
En ce qui concerne plus particulièrement l'engagement
français dans l'imposition ou la consolidation de la paix, la KFOR et la
MINUK sont également significatives.
Dans le cas de la KFOR, elle a longtemps été
sous commandement français et l'est à nouveau aujourd'hui, sous
les ordres du Général Xavier De Marnhac. Au niveau des forces en
présence, la France compte 2329 soldats sur le terrain, ce qui fait
d'elle la seconde contributrice à cette force derrière
l'Allemagne (2511 hommes) et devant l'Italie (2288 hommes).
Quant à sa participation à la MINUK, même
si elle ne compte que 47 policiers français, elle a été
dirigée par M. Bernard Kouchner pendant deux ans (du 15 juillet 1999 au
15 janvier 2001). Il été chargé pendant son mandat de
diriger, dans ce pays ravagé par la guerre, les quatre secteurs
d'activités fondamentaux pour la reconstruction et la survie du pays
que sont l'assistance humanitaire, l'administration civile, l'économie
et l'élaboration d'institutions démocratiques.
Après un premier engagement significatif au Liban en
1978, à la tête de la FINUL, la France n'a cessé de se
faire la porte-parole de la paix auprès des nations davantage
« belliqueuses ». Même si les opérations de
maintien de la paix ont pris une forme différente avec
l'avènement de la superpuissance américaine, elles n'en restent
pas moins indispensables. Elles nécessitent cependant une
révision, ce à quoi s'est attelé M. Brahimi dans son le
rapport de son groupe d'étude sur les opérations de paix, rendu
au Secrétaire Général des Nations Unies en 2000.
CONCLUSION
A la fin de la Seconde Guerre Mondiale, l'Organisation des
nations Unies a été créée dans le but de rassembler
la communauté internationale autour de l'idée qu'un tel conflit
ne devait plus arriver. Il fallait donc oeuvrer afin de prévenir les
conflits ou de faire en sorte de les circonscrire pour qu'ils ne
s'étendent pas. C'est à cette époque que le concept
d'opérations de maintien de la paix apparaît.
Ces opérations fonctionnent donc par le prêt de
contingents, militaires, policiers ou civils, par les Etats membres à
l'Organisation, sous la bannière des Casques Bleus. Parmi ces nations,
les cinq membres permanents du Conseil de Sécurité sont des
contributeurs importants de cette force multinationale.
La France a de son côté permis l'évolution
de la notion de menace contre la paix et la sécurité
internationale en y intégrant celles de violations massives des droits
de l'homme, de l'effondrement des structures étatiques, ou encore de
l'exploitation illégale des ressources naturelles d'un État en
conflit. Elle est présente au sommet, au centre de décision, par
la présence du Secrétaire Général adjoint
chargé des opérations de maintien de la paix.
On a ainsi pu constater que la patrie des droits de l'Homme
est très impliquée dans le processus international de paix
à travers le monde. Elle a oeuvré pour la stabilité et
pour l'imposition de la paix d'abord par la parole et par la voie
diplomatique.
Des réformes de ces opérations de maintien de la
paix ont été lancées par le Kofi Annan puis sont
relayées aujourd'hui par son successeur, Ban Ki-Moon.
Dans une époque où l'arme et la dissuasion
nucléaire restent des acteurs majeurs sur la scène
internationale, la paix doit être conservée et imposée de
toutes les manières possibles.
ANNEXES
· Annexe 1 : Participation de
la France aux opérations de maintien de la paix
· Annexe 2 : Carte de
déploiement de la Force intérimaire des Nations Unies au Liban
(FINUL) et liste des pays participants
· Annexe 3 : Carte de
déploiement de la Kosovo Force (KFOR) et liste des pays
participants
Annexe 1 : Participation de la France aux
opérations de maintien de la paix
Zone géographique
|
OMP
|
Militaires
|
Policiers
|
Obs. milit.*
|
Total
|
Afrique
|
|
|
|
|
|
Côte d'Ivoire
|
ONUCI
|
188
|
10
|
2
|
200
|
Ethiopie-Erythrée
|
MINUEE
|
1
|
-
|
-
|
1
|
Libéria
|
MINUL
|
1
|
-
|
-
|
1
|
R.D. Congo
|
MONUC
|
-
|
9
|
6
|
15
|
Sahara occidental
|
MINURSO
|
-
|
-
|
21
|
21
|
Soudan
|
MINUS
|
-
|
-
|
1
|
1
|
Total/personnels
|
|
|
|
|
|
Total Afrique
|
|
190
|
19
|
30
|
239
|
|
|
|
|
|
|
Amériques
|
|
|
|
|
|
Haïti
|
MINUSTAH
|
3
|
76
|
|
79
|
Total Amériques
|
|
|
|
|
79
|
|
|
|
|
|
|
Europe
|
|
|
|
|
|
Kosovo
|
MINUK
|
-
|
57
|
-
|
57
|
Géorgie
|
MONUG
|
-
|
-
|
3
|
3
|
Total Europe
|
|
|
|
|
60
|
|
|
|
|
|
|
Moyen-Orient
|
|
|
|
|
|
Liban
|
FINUL
|
210
|
-
|
-
|
210
|
Proche-Orient
|
ONUST
|
-
|
-
|
5
|
5
|
Total Moyen-Orient
|
|
|
|
|
215
|
|
|
|
|
|
|
Total/personnels
|
|
403
|
152
|
38
|
593
|
Annexe 2 : Carte de déploiement de la Force
intérimaire des Nations Unies au Liban (FINUL) et liste des pays
participants
Pays participants :
· Allemagne : des unités d'appui naval,
aérien et logistique côtière (Kriegsmarine} ;
· Belgique : 302 puis 394 soldats ;
· Brunei : 200 ;
· Bulgarie : une équipe de médecins et
50 militaires ;
· Chypre : mettra ses infrastructures à la
disposition de la force ; `
· Danemark : trois corvettes pour lutter contre la
contrebande d'armes ;
· Espagne : 1 100 soldats ;
· États-Unis : aide logistique et de
planification uniquement.
· Finlande : 250 sapeurs ;
· France : 1 600 militaires s'ajouteront aux
400 actuels en place ;
· Grande-Bretagne : une frégate et des
aéronefs (2 AWACS et 6 Jaguar stationnés à
Akrotiri) ;
· Grèce : une frégate, un
hélicoptère et des forces spéciales amphibie ;
· Indonésie : 1 000 militaires dont 150
sapeurs ;
· Italie, opération Leonte : 2 500
soldats. L'Italie est à la tête de cette force depuis
février 2007 ;
· Malaisie : 1 000 militaires ;
· Népal : 850 soldats ;
· Norvège : 4 vedettes avec une centaine de
membres d'équipage ;
· Nouvelle-Zélande : un contingent
réduit, en raison des missions au Timor oriental et aux îles
Salomon ;
· Pologne : 500 soldats (dont 214 déjà
en place au Liban) ;
· Portugal : 140 sapeurs ;
· Qatar : 200 à 300 soldats
· Slovénie : 10 à 20 soldats ;
· Suède : une corvette avec à bord 80
marins ;
· Turquie : environ 5 000 soldats;
· Chine : Moyen génie en charge des
opérations déminages.
Pays encore indécis : Australie, Bangladesh,
Chine, Irlande, Maroc et Pakistan.
Annexe 3 : Carte de déploiement de la
Kosovo Force (KFOR) et liste des pays participants :
Principaux Etats participants :
· L'Allemagne pour la zone sud, autour de
Prizren ;
· Le Royaume-Uni pour la zone centre autour de
Pristina ;
· La France pour la zone nord autour de
Mitrovica ;
· L'Italie pour la zone ouest autour de Pec ;
· Les Etats-Unis pour la zone est autour de Gnjilane.
Participent aussi :
- Pour les Etats membres de l'OTAN : la
Belgique, la République tchèque, la Bulgarie, le Danemark,
l'Estonie, la Grèce, la Hongrie, la Lituanie, la Lettonie, Le
Luxembourg, les Pays-Bas, la Norvège, la Pologne, le Portugal, la
Roumanie, la Slovaquie, la Slovénie, l'Espagne et la Turquie ;
- Pour les Etats non membres de l'OTAN :
l'Arménie, l'Autriche, l'Azerbaïdjan, la Finlande, la
Géorgie, l'Irlande, le Maroc, la Suède, la Suisse et
l'Ukraine.
BIBLIOGRAPHIE
Livres :
- ONU et maintien de la paix : propositions de
réformes, de l'Agenda pour la paix au rapport Brahimi, L'Harmattan,
2006
- ABC des Nations Unies, Département de
l'information des Nations Unies, 2001
- L'armée française et les opérations
de maintien de la paix, Thierry Paulmier, LGDJ, 1997
Sites Internet :
- www.diplomatie.gouv.fr
- www.un.org
- www.nato.int
- www.opérationspaix.net
- www.ladocumentationfrancaise.fr
* 1 In ABC des Nations
Unies, publié par le Département de l'information des
Nations Unies
* 2 Cf annexe 2, Carte du
déploiement de la Force Intérimaire des Nations Unies au Liban
(FINUL) et liste des pays participants
* 3 Cf Annexe 3, Carte du
déploiement de la Kosovo Force (KFOR) et liste des pays
participants
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