Antoine SAUVAGNARGUES
ILERI III
Zone géographique Russie
Mini-mémoire
Les années Gorbatchev
Les années Gorbatchev
Introduction
Première partie : Mikhaïl
Gorbatchev : un souffle d'espoir pour l'URSS
I / Réformer le système : la
priorité de Gorbatchev
A) Une restructuration nécessaire : la
perestroïka
B) Un concept nouveau de liberté : la
glasnost
II / Une politique étrangère
bouleversée
A) Le rapprochement américain
B) Le problème afghan et ses conséquences
C) Le voisin européen
Deuxième partie : La fin d'une
ère
I / Une contestation interne
A) Revendications nationalistes
B) Le « putsch des conservateurs »
II / La chute de l'URSS et la création de la CEI
A) L'implosion du régime communiste
B) La création de la Communauté des Etats
Indépendants (CEI)
Conclusion
Bibliographie
Introduction
Depuis la mort de Staline en 1953, la politique en URSS
connaît un grand nombre de bouleversements, plus ou moins radicaux, selon
les dirigeants qui se succèdent à sa tête. Nikita
Khrouchtchev, qui succède à Staline, entame un politique de
« déstalinisation », et commence alors une
période de relative détente dans la Guerre Froide. Cependant, le
travail et les efforts de Khrouchtchev, tant sur le plan national
qu'international, sont anéantis lorsqu'à sa mort, Léonid
Brejnev prend la tête du Parti, et donc du pays. Débute alors une
période de « regel », d'immobilisme, qui replonge
l'URSS dans une certaine forme de léthargie. Le pays prend alors
beaucoup de retard sur le reste du monde et le régime se radicalise,
devient plus répressif. La liberté d'expression et la presse sont
muselées par une censure intransigeante. Cette période de
stagnation politico-économique dure jusqu'en 1982, année
où Brejnev meurt des suites d'une crise cardiaque. Lui succède
alors Iouri Andropov, ancien directeur du KGB (1967-1982), qui perçoit
les faiblesses du système et tente de le réformer. Il n'en n'aura
malheureusement pas le temps car il meurt en 1984, deux ans après son
accession au pouvoir. Konstantin Tchernenko prend alors la tête du pays
et, jusqu'à sa mort treize mois plus tard, revient au communisme pur et
dur de l'ère Brejnev. Ce dernier meurt le 10 mars 1985 et c'est alors
que Mikhaïl Gorbatchev est désigné comme Premier
Secrétaire du Parti Communiste. Cet homme de 53 ans représente un
espoir de changement et de renouveau à la tête de l'Etat. De 1985
à 1991, l'URSS va connaître l'un des moments les plus intense de
son histoire. Gorbatchev va poursuivre l'oeuvre réformatrice d'Andropov.
Il lancera la « perestroïka », la
« glasnost », ouvrira son pays vers l'extérieur sans
s'apercevoir qu'il menait celui-ci vers son effondrement et l'éclatement
de l'empire soviétique, entraînant ainsi un bouleversement
monumental dans la politique mondiale.
Ainsi, les « années Gorbatchev »
sont une période charnière dans l'histoire internationale. C'est
pourquoi nous pouvons nous demander comment, porté par tant d'espoir
à l'intérieur comme à l'extérieur, cet homme est
parvenu à faire s'écrouler le colosse soviétique. Pour
cela, il faut d'abord s'intéresser au nouveau souffle que
représente l'arrivée au pouvoir de Mikhaïl Gorbatchev en
1985 en analysant le contexte de cette arrivée et les réformes
« révolutionnaires » qu'il a entreprises afin
d'expliquer ensuite en quoi il a participé à l'éclatement
de l'URSS, en analysant les conséquences de la chute du Mur de Berlin en
1989, les raisons du « putsch des conservateurs » et en
terminant sur la création de la Communauté des Etats
Indépendants (CEI) en 1991.
Première partie : Mikhaïl
Gorbatchev : un souffle d'espoir pour l'URSS
À la fin des années 1970, le KGB dirigé
par Iouri Andropov, diligenta une enquête confidentielle pour
évaluer le PNB soviétique selon les critères qualitatifs
occidentaux et non plus seulement en volume comme le voulait la tradition
socialiste. Le résultat fut très défavorable et apportait
la preuve du déclin de l'Union Soviétique qui avait vu son
économie dépassée par celles du Japon et de la R.F.A,
anciens ennemis de l'URSS. D'autre part, à partir de 1978, la Chine
dirigée par Deng Xiaoping, entreprit une véritable
révolution économique qui rétablissait en fait le
capitalisme et insufflait ainsi un dynamisme considérable à
l'économie chinoise.
L'URSS était ainsi confrontée à une
situation géopolitique nouvelle :
- le Japon et la RFA disposaient désormais chacun d'une
économie plus puissante que la sienne ;
- la Chine commençait une croissance économique
exceptionnelle ;
- les USA, toujours aussi hostiles, accroissaient
l'écart entre les deux pays.
Or, tous ces pays étaient plus ou moins limitrophes de
l'URSS et entretenaient un contentieux territorial sérieux avec elle
excepté les États-Unis.
Consciente du danger, la direction vieillissante du Parti
Communiste de l'Union Soviétique (PCUS) porte au pouvoir le
représentant d'une nouvelle génération mais aussi un pur
produit du régime, né bien après 1917. Originaire du
Caucase du nord (il est né dans le Krai de Stavropol) de parents
kolkhoziens, Mikhaïl Gorbatchev étudia le droit à
l'Université Lomonossov de Moscou. Il adhère au Parti Communiste
en 1952 et en devient le dirigeant pour la ville de Stavropol en 1962. Entre
1964 et 1967, il étudie à l'Institut Agronome de Stavropol et se
spécialise dans les problèmes agricoles. C'est là qu'il
est remarqué par Iouri Andropov. Dès lors, sa carrière
s'accélère : il est élu au Comité Central en
1971 à 40 ans et au Politburo en 1980 à 49 ans.
Arrivé au poste de Secrétaire
Général du Parti Communiste de l'URSS en mars 1985, Gorbatchev
tente d'insuffler une nouvelle jeunesse à l'économie du pays par
des réformes de structures très profondes par rapport aux
principes léninistes classiques avec la perestroïka et la glasnost
et d'ouvrir davantage son pays au monde extérieur en assouplissant ses
relations avec la communauté internationale, notamment les
Etats-Unis.
I / Réformer le système : la
priorité de Gorbatchev :
Une restructuration nécessaire : la
perestroïka :
Lorsqu'il arrive au pouvoir, Gorbatchev hérite d'un
pays mal en point sur tous les plans, particulièrement
économiques et politiques. Les structures du Parti commencent à
vieillir ainsi que ses cadres dirigeants, encore fidèles à
Brejnev et sa politique immobiliste. Il est alors nécessaire de
réformer complètement le système, de le moderniser.
Andropov avait déjà compris, en 1982, cette
nécessité pour son pays mais n'avait pas eu le temps d'appliquer
ses idées. Gorbatchev reprend le flambeau dès 1985. Il est alors
conscient que l'URSS ne peut tenir son rôle de grande puissance ni sortir
de l'enlisement si les soviétiques persistent à ne pas
s'intéresser à l'effort économique indispensable et au
sort de la patrie socialiste. C'est alors qu'il lance dans un ouvrage
intitulé Perestroïka ses idées novatrices. Ce terme
signifie « restructuration » et le but de celle-ci est de
concilier socialisme et démocratie. Ce programme, très vaste,
doit totalement transformer la vie de l'URSS car il concerne les citoyens ainsi
que l'Etat, le Parti, la vie économique... C'est une véritable
révolution. Mais il sait que ces réformes, s'attaquant donc aux
règles ancestrales du Parti, risquent de se trouver confronter au refus
de la nomenklatura en place, cette dernière ne voulant pas
abandonner ses privilèges et pouvant à tout instant
décider de sa destitution. Pour éviter cela, il entame une
modification des institutions afin de contrer les résistances des
conservateurs. Il veut faire en sorte que les candidatures des responsables du
Parti soient soumises au vote populaire, car il estime que ceux-ci ont tendance
à s'éloigner des intérêts du peuple. C'est pour lui
le seul moyen pour le Parti de retrouver une forme de crédibilité
et d'autorité morale aux yeux des électeurs. C'est pourquoi au
printemps 1989, un Congrès des députés du peuple est
élu. Celui-ci a notamment pour objectif de désigner le Soviet
Suprême et d'en élire le président, qui deviendra alors
chef de l'Etat. Gorbatchev se fait élire à ce poste le 22 mai
1989, se mettant ainsi à l'abri de toute éviction possible par
ses adversaires. Les instances sont alors changées dans leur grande
majorité et, le plus important, davantage en faveur de Gorbatchev. Il
cumule alors les postes de Premier Secrétaire et de chef de l'Etat. Son
programme peut alors s'appliquer sans rencontrer d'opposition au sein des
institutions politiques.
Cette perestroïka signifie aussi de grands
changements dans l'économie du pays. L'objectif de cette réforme
était de créer une économie mixte où le secteur
d'Etat, toujours dominant, serait redynamisé par la présence de
secteurs privé et coopératif. Gorbatchev veut remédier aux
dysfonctionnements les plus graves : une autonomie plus large, à
base de décentralisation, est laissée aux entreprises, les plus
importantes se voyant exhortées à faire des
bénéfices. Il veut en outre « rapprocher l'homme de la
propriété » en louant la terre aux paysans sous forme
de contrat de sous-traitance familiale. Gorbatchev sait d'ailleurs que c'est
à l'aune de la réussite économique que la
perestroïka dans son ensemble sera jugée, les autres
problèmes étant indirectement les conséquences du
paupérisme croissant. Il a voulu sortir l'URSS de la
« stagnation » en relançant l'économie sur
une nouvelle base pour lui redonner une compétitivité
internationale.
Cependant, ces grands chantiers ne doivent pas ignorer les
deux fondements majeurs du régime que sont la dictature du
prolétariat et la propriété par l'Etat des moyens de
production.
De plus, cette nouvelle libéralisation lancée
par Gorbatchev est très soutenue par l'intelligentsia.
B) Un concept nouveau de liberté : la
glasnost :
En effet, par le second concept nouveau qu'est la
glasnost, une libéralisation intellectuelle a vue le jour.
Cette « transparence » est un phénomène
entièrement novateur pour la société russe qui
découvre peu à peu une presse libérée, qui peut
parler de tout sans subir de pressions de la part du pouvoir. Etre
informé, donner son opinion, critiquer, discuter et le tout au grand
jour n'est pas dans les habitudes de la société
soviétique. Par cette glasnost, Gorbatchev veut
« secouer la léthargie des soviétiques par un langage
et des méthodes de vérité ». C'est
l'époque où les soviétiques commencent à apprendre
les atrocités du passé. La
« déstalinisation » entamée par Khrouchtchev
est relancée avec plus de vigueur par Gorbatchev. La conséquence
logique de celle-ci est la réhabilitation des victimes du régime
de Staline (Zinoviev, Kamenev, Piatakov, Radek, et surtout Trotsky). Par
ailleurs, Gorbatchev avait fourni des gages aux occidentaux pour faire avancer
le désarmement et faire reculer l'image impérialiste de l'URSS.
Il prouve ainsi sa bonne foi envers les élites intellectuels
soviétiques et étrangères en annonçant la
libération de son représentant le plus réputé. D'un
coup de téléphone, le 19 novembre 1986, Andreï Sakharov et
sa femme, assignés à résidence dans la ville de Gorki
(aujourd'hui Nijni-Novgorod) depuis 1979, sont libres de revenir à
Moscou. Dès lors, la glasnost prend son essor. De son
approbation par le plénum du Comité central les 27 et 28 juillet
1987, elle devient un véritable phénomène de
société. De grands noms comme l'historien Youri Afanassiev ou
l'économiste Abel Aganbegian se font les hérauts de cette
« anthologie du message réformateur » lancée
par la perestroïka. Ils se mettent à enquêter sur
les pages sombres du passé stalinien ou léniniste. Le pouvoir
craignait cependant la réaction du grand public à cette
liberté d'expression nouvelle. Il n'était pas aussi
impliqué que le souhaitaient les dirigeants mais pas aussi
indifférent que l'on pourrait le penser. Ils y prennent progressivement
goût. L'époque est au défoulement collectif, aux effusions
idéologiques et à l'émotion politique.
Ces réformes représentent un bouleversement sur
le plan national. Celui-ci se ressent aussi au niveau international. Avec
Gorbatchev, une nouvelle détente est arrivée, et avec celle-ci
une nouvelle conception de la politique étrangère.
II / Une politique étrangère
bouleversée :
Ainsi, ces « années Gorbatchev »
sont synonymes d'ouverture vers le monde. La politique extérieure de
l'URSS a été pendant très longtemps figée dans la
tension due à la rivalité Est-Ouest. Cette conception de la
diplomatie soviétique, cette tension, était alors jugée
« normale » par les dirigeants communistes. Pour
Gorbatchev, cette situation est intenable. Lorsqu'il en prendra
réellement conscience, celle-ci va littéralement changer.
Le rapprochement américain :
A son arrivée au pouvoir, le président des
Etats-Unis, Ronald Reagan, lance l'Initiative de Défense
Stratégique (IDS) avec pour but rendre les États-Unis
invulnérables aux attaques de missiles nucléaires
soviétiques. C'est, les critiques de Reagan, la « guerre des
étoiles ». Débute alors une course
effrénée aux armements entre les Etats-Unis et l'URSS. Il
s'agissait pour eux de démontrer aux soviétiques que leur arsenal
de missiles nucléaires deviendrait obsolète et d'alourdir les
dépenses militaires soviétiques en imposant des investissements
supplémentaires pour maintenir une force nucléaire dissuasive.
Cette ainsi que Gorbatchev se rend compte qu'il ne peut se lancer dans cette
course, faute de moyens, ces derniers étant nécessaires pour
remettre l'économie soviétique sur pied. C'est pourquoi le
premier geste de Gorbatchev concerne cette question primordiale de la
rivalité constante autour de l'armement et de la surenchère
nucléaire entre les deux blocs. Sur le sujet du
démantèlement des missiles à tête nucléaire
à courte portée, les négociateurs russes s'alignent sur
une proposition américaine, remontant à 1981. L'accord historique
est signé le 8 décembre 1987 entre Ronald Reagan et Mikhaïl
Gorbatchev. Les missiles à courte et moyenne portée sont alors
condamnés à une destruction totale. Ce traité fait suite
à une première rencontre entre les deux hommes à
Genève le 19 novembre 1985 et entrera dans sa phase de
réalisation en septembre 1989.
Le problème afghan et ses
conséquences :
Après la signature de cet accord de désarmement
nucléaire entre les deux grands rivaux que sont les Etats-Unis et
l'URSS, Gorbatchev va décider de s'attaquer au sujet très
épineux de la guerre en Afghanistan, débutée en 1979 par
Brejnev et dans laquelle s'embourbe le corps expéditionnaire
soviétique. Il présente au Politburo du PCUS la
proposition de cessation du combat et du retour de l'armée le 13
novembre 1986. La décision sera annoncée de longs mois
après et ne deviendra effective que très tard. Les
dernières troupes ne quittent le territoire afghan qu'en 1989. Mais
Gorbatchev ne s'arrête pas là. Dès 1985, à son
arrivée au pouvoir, il avait annoncé la fin de l'ingérence
de l'URSS dans les pays socialistes. Il en profite donc pour abandonner ses
zones d'influence dans le Tiers-monde, notamment en Afrique, en Asie et en
Amérique Latine. Il y est surtout poussé pour des raisons
économiques, car un empire coûte cher, et des
considérations d'images. Il veut se débarrasser de l'image
impérialiste de l'URSS qui, pour lui, n'est pas agréable à
porter. Enfin, il ne veut plus que l'URSS ait à assumer son rôle
de puissance globale en conservant et en multipliant des points
stratégiques à travers le monde.
Le voisin européen :
Parallèlement, l'autre élément majeur de
ce « nouveau mode de pensée » est son ouverture vers
l'Europe. Gorbatchev pensait que la réinsertion de l'URSS dans les
relations internationales passait inévitablement par celle-ci. Ainsi,
dès son premier voyage à l'étranger en 1985, il prononce
un discours devant le Conseil de l'Europe et utilise l'image, désormais
fameuse, de « maison commune » pour évoquer le
système européen qu'il souhaite aider à mettre en place.
Selon sa conception, les deux blocs idéologiques qui se partageaient
l'Europe, pouvaient se rapprocher dans trois domaines importants : le
militaire, par une réduction des armements ; l'économique,
grâce à des accords entre la Communauté Économique
Européenne et le COMECON, et le sociopolitique en faisant en sorte que
l'Europe de l'Ouest humanise son capitalisme et que l'Europe de l'Est instille
davantage de démocratie dans ses pratiques. Malheureusement, en
dépit d'une bonne volonté des deux parties, le projet marque le
pas et avec lui, la mise en place du nouveau système international.
Cependant, ce rapprochement européen ne fait pas
oublier la question capitale de l'Allemagne, divisée en deux depuis
1961. A son arrivée au pouvoir, la position de Gorbatchev sur ce
problème ne diffère pas de celle de ces
prédécesseurs. Mais en 1988 s'opère un changement capital.
L'un de ses conseillers en politique étrangère, Dachitchev,
estimait que le statu quo entre les Allemagnes était tout
à fait contraire aux intérêts de l'URSS et prônait
une unification. Gorbatchev s'inspirera de cette thèse mais n'acceptera
cette unification que contraint et forcé par les circonstances. Il
applique alors une politique de non-ingérence envers l'Allemagne de
l'Est. Celle-ci mènera à l'organisation d'élections libres
en Allemagne de l'Est et à la destitution du Chancelier Honecker,
remplacé par Egon Krenz. Ce dernier, après avoir annoncé
l'autorisation des voyages, ne parviendra pas à faire face à la
pression populaire et le Mur de Berlin tombe le 10 novembre 1989.
Cet évènement achève d'ébranler
définitivement l'empire soviétique. Des mouvements de dissidences
éclatent un peu partout en Europe de l'Est (Tchécoslovaquie,
Bulgarie, Lituanie, Lettonie, Estonie...), les partis communistes de ces pays
se détachant progressivement du PCUS. Le lobby militaro-industriel
soviétique ne lui pardonnera pas cette politique de désarmement
et de non-ingérence et lui fera payer en entrant dans l'opposition.
Gorbatchev est alors mis dans une situation très difficile dans son pays
et ce, malgré une popularité internationale à son
apogée.
Deuxième partie : La fin d'une
ère
L'année 1989 marque donc un tournant majeur aussi bien
positif, avec le retour des troupes d'Afghanistan, que négatif, avec la
chute du Mur de Berlin, ce dernier évènement comptant le plus aux
yeux de la société soviétique et surtout pour les
opposants conservateurs de Gorbatchev. Ils voient en lui le fossoyeur de
l'héritage stalinien, l'origine de tous les maux qui accablent, en cette
fin de décennie, l'empire soviétique déjà
agonisant. En voulant réformer le socialisme soviétique, en
voulant le rapprocher de son origine marxiste-léniniste, Mikhaïl
Gorbatchev ne s'apercevait pas qu'au lieu de tirer son pays vers le haut, il
entamait le processus inévitable et imminent qui l'amènerait
à sa perte. En effet, de nombreux évènements vont alors
s'enchaîner au coeur de l'URSS qui déstabiliseront le Premier
Secrétaire, et avec lui le régime et le pays, jusqu'à
provoquer l'implosion de l'URSS et la création, en 1991, de la
Communauté des Etats Indépendants.
I / Une contestation interne :
A) Revendications nationalistes :
A partir de 1989, un grand nombre de revendications
nationalistes, voire séparatistes, commencent à naître
à différents endroits au sein de l'Union soviétique.
Gorbatchev les avait sous-estimé jusqu'à un
évènement qui choqua la communauté internationale :
l'intervention militaire soviétique dans les pays baltes. Ceux-ci sont
en effet les premiers à revendiquer ouvertement une envie
d'indépendance. Comprenant qu'il ne peut lutter contre ces
revendications, Gorbatchev décide d'organiser un
référendum afin de proposer un nouveau statut pour l'Union qui
prendrait en compte les aspirations autonomistes qui émergent au coeur
de l'URSS. Celui-ci a lieu le 17 mars 1991. Mais la consultation ne se fait que
dans neuf Républiques sur quinze. En effet, les trois Républiques
baltes, Lituanie, Estonie et Lettonie, se sont déjà
proclamée indépendantes dès 1990 et la Géorgie,
l'Arménie et la Moldavie s'apprêtent à en faire autant.
Néanmoins, les soviétiques des autres Républiques
répondent « oui » à 76%.
Cependant, cette réponse est synonyme d'un désir
de renouveau et de souveraineté plutôt que d'un attachement
à l'Union. Cela se confirme dans les jours qui suivent. La
Géorgie se déclare indépendante le 9 avril 1991 et la
Russie, pourtant en faveur de l'Union lors du référendum, se
déclare en faveur d'un régime présidentiel et Boris
Eltsine sera élu au suffrage universel direct, à la
présidence du pays. Les deux hommes, déjà grands rivaux
après l'élection de Gorbatchev comme chef de l'Etat, vont voir
leurs relations empirer du fait des réclamations d'Eltsine. Cette
décision et l'élection d'Eltsine posent à Gorbatchev un
problème capital au niveau de son poids politique sur la scène
intérieure, n'ayant pas reçu la consécration du vote
populaire. Mais il garde tout de même de l'importance sur la scène
internationale. Ainsi, Gorbatchev représente son pays au sommet des pays
industrialisés se tenant à Londres en juillet 1991. Il fait alors
part de son désir de faire passer l'URSS à une économie de
marché. Cette annonce condamne donc l'économie socialiste,
portant ainsi un coup fatal au dogme marxiste-léniniste.
Le « putsch des
conservateurs » :
C'est alors que tout va s'accélérer. Le passage
à l'économie de marché aboutit, les 25 et 26 juillet 1991,
lors du plénum du Comité central du PCUS, à l'abandon du
principe de lutte des classes, cher au socialisme soviétique. La
colère commence alors à monter dans le camp des conservateurs,
fervents opposants de Gorbatchev depuis son arrivée au pouvoir. Ayant
déjà mal accepté la perte d'influence de l'URSS en Europe
de l'Est et redoutant l'éclatement de l'Union soviétique, ils
tiennent Gorbatchev pour personnellement responsable de la décomposition
de l'Etat, de la faiblesse de l'économie et de la perte de l'empire. Ils
ne considèrent donc plus Gorbatchev digne d'être à la
tête de l'Etat et songent à se débarrasser de lui. Ceux-ci
auraient été poussés par la crainte de perdre leurs postes
dans les instances dirigeantes. En effet, l'instruction menée un an plus
tard par le procureur général Valentin Stepankov et les
témoignages de personnalités des deux camps (pro ou
anti-putschistes) arrivent à la conclusion que les dirigeants se sont
vus politiquement condamnés et c'est pourquoi ils auraient agis. C'est
ce qu'ils font le 19 août 1991, à la veille de la signature du
traité sur la nouvelle Union, en retenant Gorbatchev et sa femme
prisonniers dans leur résidence de vacances en Crimée et en le
déclarant « incapable d'assumer ses fonctions pour raisons de
santé ». Ils annoncent la formation d'un
« Comité pour l'état d'urgence » avec
à sa tête le vice-président de l'URSS, Ianaev, le Premier
ministre Pavlov, le vice-président du Conseil de défense
Baklanov, le président du KGB Krioutchkov, le ministre de
l'Intérieur Pugo, le ministre de la Défense Iazoyv, le
président de l'Association des entreprises d'Etat Tiziakov et le
président de l'Union des paysans Starodobtsev. Les artisans de ce putsch
sont donc les plus hauts dignitaires du régime.
Les putschistes, dans leur « Adresse au peuple
soviétique », déclarent leurs intentions. Ils font
occuper Moscou par l'armée, établissent la censure et interdisent
les activités politiques hostiles au parti communiste. Cependant, ce
putsch apparaît rapidement comme un « putsch idiot »,
selon les termes du journaliste Maxime Sokolov. En effet, l'armée ne
peut pas utiliser ses armes, aucune communication, nationale ou internationale,
n'est coupée, et les principaux opposants réformateurs, dont fait
partie Boris Eltsine, ne sont pas inquiétés ni
arrêtés. Toutefois, les conservateurs, alors enfermés dans
le Kremlin, n'avaient pas pris en compte l'évolution de la
société. Il est évident que celle-ci n'est plus aussi
passive qu'auparavant et le peuple a pris goût à la liberté
née avec Gorbatchev et la glasnost et ne compte pas la perdre.
C'est pourquoi il répond massivement à l'appel à la
résistance lancé depuis la « Maison
Blanche », le Parlement russe, par Boris Eltsine. Le
« Comité » commençant à sentir la
situation lui échapper, a planifié un assaut du Parlement par les
forces spéciales du KGB afin de déloger Eltsine. Cette entreprise
échoua car ces forces ont refusé d'obéir et se sont
ralliées au président de la Russie. Durant l'une des
manifestations, Eltsine se tint debout sur un tank pour condamner la "junte".
L'image, diffusée dans le monde entier à la
télévision, devint l'une des images les plus marquantes du coup
d'État et renforça très fortement la position de Eltsine.
Des confrontations eurent lieu dans les rues environnantes, dont l'une menant
à la mort de protestataires, écrasés sous un tank, mais
dans l'ensemble on dénombra un faible nombre de violence. Le 21
août 1991, une large majorité des troupes envoyées à
Moscou se rangea ouvertement au côté des manifestants. Le putsch
échoua après trois jours d'existence, les putschistes sont
arrêtés, à l'exception de Boris Pugo, le ministre de
l'Intérieur, qui se suicide, et Gorbatchev revint à Moscou, en
disant : « Nous volons vers un autre pays ».
Cet événement est donc l'un des souffles finaux
du colosse soviétique qui, à partir de là, vivra ses
dernières heures. A son retour, Gorbatchev tentera quelques ultimes
actions afin de sauver ce qui peut l'être du régime. Mais le
rôle de Boris Eltsine et celui du peuple soviétique, nouvellement
libre, dans la résistance au « putsch des
conservateurs » vont irrévocablement changer la donne.
II / La chute de l'URSS et la création de la
CEI :
Ainsi, ce putsch signe l'arrêt de mort du régime
communiste et de l'Etat soviétique. Le grand bénéficiaire
de l'échec de ce coup d'Etat n'est autre que Boris Eltsine,
président de la Russie. Il en sort grandi et n'hésite pas
à humilier Gorbatchev qui tente de défendre le Parti communiste
devant le Parlement russe en suspendant les activités du parti
communiste de Russie. Mais c'est trop tard et tout cela n'a plus de sens.
Gorbatchev en prend conscience et démissionne de son poste de Premier
Secrétaire du Parti Communiste de l'Union Soviétique,
après avoir demander au Comité central de se dissoudre. Le Parti
est alors interdit dans l'armée et les organismes d'Etat. Le 29
août 1991, l'inévitable se produisit. Le Soviet Suprême
suspend les activités du Parti communiste dans toute l'URSS avant de se
dissoudre lui-même.
L'implosion du régime communiste :
Le Parti communiste alors disparaît. Cette disparition
crée un vide institutionnel colossale étant donné que
c'est le Parti qui détenait la réalité du pouvoir en URSS.
Pour combler ce vide, il faut une nouvelle Constitution pour le pays. En
attendant que celle-ci soit rédigée, trois organismes sont mis en
place afin de diriger l'Union soviétique : un Conseil d'Etat
réunissant Gorbatchev et les dirigeants des Républiques est
chargé de coordonner la politique étrangère et les
questions intérieures communes aux Républiques ; un
Comité Interrépublicain doit regrouper des représentants
de toutes les Républiques pour coordonner la gestion et la
réforme de l'économie ; et un Conseil des
représentants des députés du peuple est chargé
d'élaborer la nouvelle Constitution de l'Union. Le KGB quant à
lui, symbole du régime communiste, est dissout le 2 octobre 1991. Tous
ces changements au niveau fédéral se reproduisent dans toutes les
Républiques de l'Union. Le 6 novembre 1991, la décision est prise
de dissoudre les Partis communistes dans toutes les Républiques. En cet
automne 1991, cette élimination du Parti, ciment du système
communiste, à travers l'Union soviétique toute entière
entraîne le naufrage définitif de cette Union.
A la veille et à l'origine du putsch, quelques
Républiques attachées à l'Union se déclaraient
indépendantes ou revendiquaient une autonomie et une souveraineté
propre. Le putsch aura pour effet d'accélérer le mouvement.
Toutes les Républiques proclament leur souveraineté à
l'exception du Kazakhstan et de la Russie. Mais ces Républiques ne
seraient pas économiquement viables seules et c'est en tenant compte de
ces considérations économiques que Gorbatchev utilise le peu
d'influence qui lui reste pour tenter de sauver l'Union. Il élabore
ainsi un traité économique qui est signé par huit
Républiques. Le Conseil d'Etat, de son côté, prépare
un traité politique laissant aux Républiques leur
souveraineté et conférant au pouvoir central uniquement la
représentativité diplomatique et les affaires militaires. Mais ce
projet de nouvelle Union ne satisfait pas et apparaît, aux yeux de Boris
Eltsine qui revendique l'héritage des pouvoirs de l'URSS pour la Russie,
comme illusoire car le nouveau Parlement ne comprend que les
députés de sept Républiques.
La création de la Communauté des Etats
Indépendants (CEI) :
C'est de plus Boris Eltsine qui portera le coup de grâce
à l'URSS et à Gorbatchev, toujours chef de l'Etat. Le 8
décembre 1991, il rencontre à Minsk, capitale de la
Biélorussie, les présidents de la Biélorussie et de
l'Ukraine. Ils constatent à eux trois que l'URSS n'a plus d'existence
réelle et proclament la création de la Communauté des
Etats Indépendants (CEI) à laquelle pourront adhérer
d'autres Républiques. C'est une communauté d'Etat, sur le
modèle de la Communauté Européenne, dans le cadre de
laquelle les Républiques pourront coordonner leurs politiques
économiques et bancaires. Gorbatchev proteste vivement, en accusant les
trois présidents de ne pas respecter le référendum du
printemps 1991, de ne pas respecter la légalité et l'obligation
de consulter le peuple. Malgré cela, le mouvement de disparition de
l'URSS paraît désormais impossible à enrayer. Le 14
décembre, les cinq Républiques d'Asie Centrale (Azerbaïdjan,
Ouzbékistan, Kirghizstan, Tadjikistan et Turkménistan) rallient
la CEI, suivies de près par l'Arménie et la Moldavie. Le dernier
Etat fidèle à l'Union, le Kazakhstan, déclare son
indépendance et rejoint la Communauté le 16 décembre.
Gorbatchev est alors totalement isolé. Boris Eltsine
lui portera un coup mortel en recevant le Secrétaire d'Etat
américain James Baker. Il lui expose le projet de traité
militaire de la Communauté des Etats Indépendants et annonce,
afin de rassurer l'Occident et les Etats-Unis, un contrôle unique de
l'armement nucléaire par la Russie. Eltsine en profite pour
déclarer que toutes les institutions de l'ex-URSS cesseront de
fonctionner à la fin de l'année 1991. Gorbatchev perd alors son
ultime rôle de porte-parole de la politique étrangère de
son pays et prend acte de la perte de son pouvoir. Il annonce ainsi, lors d'une
allocution télévisée le 25 décembre 1991, sa
démission du poste de chef de l'Etat, reconnaissant de ce fait la mort
de l'Union des Républiques Socialistes Soviétiques.
Conclusion
Les « années Gorbatchev » auront
donc été le coup de grâce au régime
soviétique en Russie et communiste en Europe de l'Est. Comme le
craignaient les radicaux du Parti communiste, les conservateurs, Gorbatchev
à bien été, malgré lui, le fossoyeur de l'Union
Soviétique. En arrivant au pouvoir en 1985, Gorbatchev pensait encore
pouvoir restaurer ce vieux régime. C'est pour cela qu'il lança sa
perestroïka et ses réformes économiques profondes,
qu'il donna au peuple une liberté qu'il n'avait jamais connu auparavant
et qu'il attendait tant en imposant la glasnost. Il avait voulu
alléger l'URSS du poids très lourd de son empire et de sa
rivalité avec l'ennemi de toujours, les Etats-Unis. Malgré de
tels accomplissements, Gorbatchev ne put sauver son pays. Il avait
hérité d'un bateau ébréché de tous bords,
qui prenait l'eau de partout et qui était voué au naufrage. Il ne
pouvait plus rien faire, l'Union était condamnée quoi qu'il
fasse.
Suite au démembrement de l'URSS, la volonté de
rattacher la Russie au système économique mondial fut l'un des
objectifs les plus flagrants du gouvernement de Boris Eltsine. Pour y parvenir,
une stratégie de complaisance et de rapprochement avec l'Europe
occidentale, et, surtout, les États-Unis est
déployée : demande d'adhésion au Fonds
monétaire international (FMI), à la Banque mondiale ou encore la
coopération rapprochée avec l'OTAN, participation à la
FORPRONU (Force de Protection des Nations unies) en ex-Yougoslavie, signature
d'accords visant la réduction des armements et l'interdiction des armes
chimiques.
Certains experts conjuguent cette période d'ouverture
et d'optimisme avec la personnalité du ministre russe des Affaires
étrangères de l'époque Andreï Kozyrev dont les
objectifs sont le développement et la revitalisation d'une
économie au bord de la faillite. Le second mandat de Boris Eltsine qui
débute en 1996 est moins glorieux : première guerre en
Tchétchénie, fermeture du bureau de la représentation
militaire russe auprès de l'OTAN à Bruxelles, division du produit
intérieur brut par deux, endettement record et dévaluation
brutale du rouble. Il faut attendre l'arrivée de Vladimir Poutine,
d'abord comme Premier ministre en août 1999 puis à la
présidence de la Russie en mars 2000, pour que le pays aille mieux. Les
relations avec les Etats-Unis s'amélioreront et les deux ennemis de
toujours se rapprocheront davantage après les attentats du 11 septembre
2001. Cependant, les deux pays s'éloigneront à nouveau lorsque la
Russie se rangera du côté de la France et de l'Allemagne afin
d'empêcher les Etats-Unis d'envahir l'Irak en 2003.
A l'heure actuelle, la Russie a trouvé sa place sur la
scène internationale et le pays se porte bien. La CEI fonctionne et les
anciennes Républiques de l'Union soviétique, malgré un
lourd héritage, commencent à dépasser le passé
communiste et soviétique et tendent à se
« démocratiser ».
Bibliographie
Livres
· Histoire du XXème siècle, Serge
Bernstein, Pierre Milza, Hatier, 2001
· Métamorphose de la Russie 1984 - 2004,
Georges Sokoloff, Fayard, 2004
· De l'URSS à la Russie, la civilisation
soviétique : genèse, histoire et métamorphoses de
1917 à nos jours, Taline Ter Minassian, Jean Robert Raviot,
Ellipses, 2006
· Histoire des relations internationales de 1945
à nos jours, Jean-Baptiste Duroselle, André Kaspi, Armand
Colin, 2004
Sites Web
· www.diploweb.com
· www.fr.rian.ru
|
|