L'identité et le spectacle vivant à La Réunion( Télécharger le fichier original )par Virginie Verbaere Université Aix-Marseille III - Administration des Institutions Culturelles 2004 |
2) Le rôle des médias de masse(a) Les médias de masse pour un espace publicLa généralisation des communications médiatisées agit tout comme l'exode rural comme un puissant accélérateur du changement social40(*). Les nouvelles conditions de communication transforment profondément le lien et les rapports sociaux en venant se superposer aux interactions de face à face qui sont la règle pour les communautés d'ordre traditionnel. De plus, dans une société jusque là fortement enclavée et en étroite dépendance avec sa métropole, elles constituent une brusque ouverture sur le monde contemporain. On relève d'abord l'arrivée, à l'échelle locale, des médias de « masse »41(*). La période allant de 1976 à 1986 constitue en effet une véritable « rupture médiatique » dans un paysage local très sévèrement verrouillé jusqu'au milieu des années 197042(*). Un espace public émerge donc au tournant des années 1980 et contribue très sûrement à la mutation de la société réunionnaise contemporaine. On assiste au développement d'un réel pluralisme de l'information, à la constitution d'une opinion publique qui traduit la revendication de toute la population réunionnaise pour la liberté d'expression, les débats publics liés à la société, l'évocation des problèmes de la Réunion et de son avenir. Enfin, le relais en direct des journaux parlés et télévisés de métropole modifie considérablement les pratiques journalistiques locales en « proposant à tous un autre traitement de l'information nationale et internationale »43(*). (b) Conséquences de ces nouveaux modes de communication sur le lien socialCes nouvelles conditions de communication sont en rupture totale avec les pratiques traditionnelles. Dans la société créole, le lien social est géré par l'interconnaissance. L'engagement dans l'interaction y est complet, la spécification de tel ou tel rôle social étant peu habituelle. Au sein d'une communauté de « kartié » où tout le monde se connaît, les interlocuteurs ont une connaissance mutuelle de leurs rôles sociaux qui s'enracinent lors de leur contact entre eux. Le lien social de la modernité est, au contraire, caractérisé par des relations marquées par l'anonymat ; au delà du petit cercle du privé, les individus développent des interactions limitées à leurs rôles sociaux. Ces liens se développent d'autant plus rapidement que les techniques de communication permettent et favorisent cette « sociabilité de la distance »44(*). Aujourd'hui, ces deux modes de communication sociale sont en concurrence, s'interpénètrent et métissent modernité et tradition, anonymat et interconnaissance. On assiste ainsi à l'émergence de formes et de pratiques sociales où le nouveau se mêle à l'ancien, où la tradition s'incorpore et s'adapte à la modernité. La frontière privé/public en particulier, historiquement tracée par la société de plantation, est aujourd'hui redessinée avec l'individualisation des pratiques, le repli domestique et le développement d'une sociabilité anonyme. * 40 WATIN M, 2001 : Espace public et communication, Univers Créoles 1, Anthropos, Paris, 266p. * 41 IDELSON B., 2002, L'espace médiatique réunionnais, hier et aujourd'hui in Hermès n°32/33 « La France et les Outre-mers, l'enjeu multiculturel ». * 42 WATIN M., WOLFF E., 1995, L'émergence de l'espace public à la Réunion : un contexte socio-historique singulier, Etudes de Communication n° 17, Bulletin du CERTEIC, Université de Lille 3, Lille, 1995. * 43 SIMONIN J. ; WATIN M., 1993, Espace public et communications médiatisées à la Réunion, Etudes Créoles vol. XVI, N°2, 1993. * 44 Idem |
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