ABSTRACT
The present study is an evaluative attempt of the
effectiveness of HIPC projects on poverty reduction in Cameroon, based on a
sociological analysis of their implementation.
Failures noticed in the underdevelopment control policy, whose
major tools were Programs for structural adjustment (PSA), led to the promotion
and dedication of the policy meant to curb poverty, using mainly HIPC
initiative. Our work therefore investigates about the execution of HIPC
projects as well as it questions their incidence on the reduction of the
poverty in our country.
Considering that, like that of any undertaking for social
development , the output of such projects depends on the procedure applied in
their execution, our study envisages two possible ways of handling the issue in
case (efficiency). The first relates to the accuracy of implementation
mechanisms whereas the second deals with the application of a participative
approach all along the process.
There are three theoretical approaches helpful to the
sociological analysis of the implementation of these projects: the
sociocritical approach, the systemic approach and the strategic approach.
At the end of our study, it appears that the implementation
conditions of the so-called projects do not enable effective reduction of
poverty in Cameroon, for hindrances lies both at the level of related
mechanisms and the application of the participative approach.
INTRODUCTION GENERALE
I. JUSTIFICATION DE L'ETUDE
Cette étude est essentiellement motivée par le
changement d'approche survenu dans les politiques de développement en
direction des pays en développement en général, et du
Cameroun en particulier. De la politique de lutte contre le
sous-développement, on est passé à celle dite de lutte
contre la pauvreté.
En effet, la politique de lutte contre le
sous-développement, caractérisée par la mise en oeuvre des
Programmes d'ajustement structurel (PAS) et les modifications qui s'en sont
suiviesont fait l'objet des critiques selon lesquelles les PAS ont
aggravé la pauvreté dans les pays qui ont fait l'objet de leur
application. Ces critiques ont amené les Institutions de Bretton Woods
à conduire des réflexions visant à palier les limites des
PAS. Ces réflexions ont abouti à la mise en place de l'Initiative
en faveur des pays pauvres très endettés (Initiative PPTE).
Initiative conjointe de la Banque mondiale et du Fonds monétaire
international (FMI), l'Initiative PPTE consacre la politique de lutte contre la
pauvreté dans les pays bénéficiaires.
L'élection du Cameroun à cette Initiative dont
le point de décision a été atteint à la mi-octobre
2000, a consacré la politique de lutte contre la pauvreté au
Cameroun. Depuis ce temps, le concept de lutte contre la pauvreté a fait
une entrée remarquée dans les discours politiques et les
réflexions sur le développement au Cameroun, au point d'y
constituer désormais un élément central de la
rhétorique des acteurs engagés dans le développement. Avec
l'élection du Cameroun à cette Initiative, le grand public
n'ignore plus ce concept qui est repris par les médias nationaux et
internationaux, le gouvernement, les organisations internationales, les
organisations de la société civile, les élites et bien
d'autres. Mais au-delà d'un incontestable effet de mode, le concept de
lutte contre la pauvreté est caractérisé par un flou
sémantique qui n'est pas neutre dans l'abondant usage qui en est fait.
Même si un contenu lui est donné dans les textes fondateurs de
l'Initiative PPTE et dans le Document de stratégie de réduction
de la pauvreté (DSRP), des interrogations demeurent sur la
capacité des politiques y relatives, mieux de l'instrument y relatif,
à infléchir la pauvreté au Cameroun.
Il semble alors opportun d'interroger l'Initiative PPTE,
quant à son efficacité sur la lutte contre la pauvreté au
Cameroun.
II. DELIMITATION DE L'ETUDE
La politique de lutte contre la pauvreté a pour
instrument principal l'Initiative PPTE. Cette Initiative comprend les volets
économique et social. Le volet économique est relatif à la
conduite des réformes économiques en vue de l'atteinte des
performances macroéconomiques, et au désendettement. Le volet
social quant à lui concerne la lutte contre la pauvreté.
La présente étude s'intéresse
exclusivement au dernier volet de cette Initiative, celui de la lutte contre la
pauvreté et est consacrée à l'analyse sociologique de la
mise en oeuvre des projets y relatifs au Cameroun.
III. ETAT DES LIEUX SUR LA QUESTION
L'émergence de la notion de développement a eu
pour conséquence la catégorisation/ classification du monde en
« développés » et en «
sous-développés ». La perception du
sous-développement comme retard par rapport au développement a
sous-tendu la théorie évolutionniste de Rostow qui trace les
étapes essentielles et inévitables du développement. Cette
philosophie de retard qui envisage le développement des pays
sous-développés en terme de rattrapage économique a
été et/ou est encore à l'origine de la profusion des
politiques et/ou programmes de développement à destination des
pays sous-développés. Pour des raisons diverses, ces politiques
et/ou programmes n'ont pas conduit au bien-être des
bénéficiaires. Il s'est de ce fait imposé un changement de
perspective sur les politiques de développement. Des politiques dites de
lutte contre le sous-développement dans les années d'après
indépendance, on est passé de nos jours à celle dite de
lutte contre la pauvreté. Le Cameroun fait partie des
bénéficiaires de ces diverses politiques.
Jusqu'en 1985, l'économie camerounaise affichait une
situation enviable parmi les pays de l'Afrique subsaharienne. Au
développement continu de la production et des exportations agricoles
s'était ajoutée, à partir de la deuxième
moitié des années 70, l'exploitation des ressources
pétrolières.
Au cours de l'exercice 1985/86, l'économie enregistre
une baisse brutale des revenus d'exportation. Cette baisse concerne aussi bien
le pétrole que les autres produits d'exportation. La dégradation
de l'activité économique s'accélère en 1986/87, en
raison de la baisse persistante des coûts de principaux produits
d'exportation (pétrole, café, cacao et coton). Les taux de
croissance deviennent négatifs, les termes de l'échange se
dégradent de moitié.
En réaction à la crise, le gouvernement met en
oeuvre une politique d'ajustement interne qui montre très vite ses
limites. La réduction du train de vie de l'Etat et du poids du secteur
public dans l'économie s'avère insuffisante pour enrayer le mal
qui est profond. Le Cameroun connaît une chute de près de 65% des
termes de l'échange entre 1985 et 1987 .
Son incapacité à régler les
intérêts de la dette extérieure ainsi que les
créances internes élevées l'amènent à
emprunter le passage obligé du Fonds monétaire international qui
exige pour apporter sa première contribution financière au
redressement de la situation en septembre 1988, des réformes et des
engagements connus sous le terme d' « ajustement structurel ».
Cet ajustement va recouvrir toutes les politiques, programmes
et mesures visant à faire subir une cure d'austérité
à l'Etat et aux diverses couches sociales du pays, tout en recherchant
de nouvelles ressources pour rétablir les finances publiques et les
comptes extérieurs. Il en résulte la paupérisation de
larges franges de la population et l'effondrement des systèmes
d'éducation et de santé. Pour ces raisons, la contestation et la
difficulté à mettre en oeuvre ces mesures vont donner lieu
à la promotion des politiques sociales connues sous le terme de «
dimension sociale de l'ajustement structurel ».
Suite à la dévaluation du franc CFA intervenue
en janvier 1994, les autorités camerounaises vont mettre en oeuvre,
à partir du milieu des années 1990, un ensemble de mesures
d'ajustement structurel et des réformes visant à assurer une
compétitivité durable de l'économie camerounaise. En
août 1997, le Cameroun conclut avec le FMI un Accord au titre de la
Facilité d'ajustement structurel renforcée (FASR), en appui
à un programme économique et financier élaboré par
les autorités camerounaises, en concertation avec le Fonds et la Banque
mondiale. Ce programme vise principalement à mettre en place les
conditions d'une croissance économique soutenue et d'un redressement
notable du niveau de vie des populations. La conclusion de cet Accord consacre
la restauration d'une certaine crédibilité du Cameroun au sein de
la Communauté financière internationale, après une longue
période de relations rendues difficiles par une importante accumulation
d'arriérés de paiements extérieurs consécutive
à la crise des finances publiques et les échecs successifs de
quatre programmes soutenus par le Fonds monétaire international au titre
des Accords de confirmation.
A la suite de la mise en oeuvre des réformes contenues
dans le programme triennal 1997-2000, le Cameroun bénéficie du
mécanisme de réduction du service de sa dette extérieure
au titre de l'Initiative Pays pauvres et très endettés (PPTE).
Cette décision des conseils d'administration du Fonds monétaire
international et de la Banque mondiale en date du 11 Octobre 2000, se
caractérise entre autres par le lien qui est désormais
établi entre la conduite des réformes, les performances
macroéconomiques, le désendettement et la réduction de la
pauvreté. La complexité de ce lien et l'implication
désormais « exigée » de tous les acteurs sociaux
fondent la nécessité d'une démarche pédagogique en
vue de la compréhension, d'une plus grande internalisation et d'une
meilleure appropriation des réformes.
Depuis ce dernier Accord conclut avec les Institutions de
Bretton Woods, la politique de développement en vigueur au Cameroun est
axée sur la lutte contre la pauvreté, avec pour instrument
principal l'Initiative en faveur des Pays pauvres très endettés
(PPTE).
Pour la mise en oeuvre de cette Initiative au Cameroun, il a
été mis en place des mécanismes et une approche
supposée favoriser son efficacité sur la réduction de la
pauvreté. Mais toutes ces mesures permettent- elles alors à cette
Initiative de contribuer efficacement à la réduction de la
pauvreté au Cameroun ?
IV. REVUE DE LA LITTERATURE
Les investigations relatives à notre sujet font
état de nombreuses études sur la question. Ces études
peuvent être regroupées sous deux thématiques : celle de la
lutte contre la pauvreté au Cameroun et celle de l'Initiative PPTE au
Cameroun. Sous la première thématique, se retrouvent les travaux
de Albert Bakong-Epouné (1992), Séverin Cécile
Abéga, Marie-thérèse Mengué et Jean Didier
Boukoungou. Sous la seconde thématique, se retrouvent ceux de Isaac
Tamba (2001et 2002), de Octave Jokung Nguéna (2005).
Dans sa thèse de Doctorat en Sciences
économiques intitulée « Pauvreté et partage seuils de
pauvreté, aspects des politiques de lutte contre la pauvreté et
problématique de revenu d'existence en référence au
Cameroun » Albert Bakong-EPOUNE constate l'échec des approches
macroéconomiques en matière de lutte contre la pauvreté et
envisage une approche plus objective qui consiste à distribuer les
ressources de façon à assurer un revenu d'existence à tous
les individus. D'après lui, en effet, les stratégies de lutte
contre la pauvreté dans les pays en développement sont dans
l'impasse, car la croissance à elle seule ne permet pas une
évolution favorable de la situation des pauvres. L'économie
à plusieurs vitesse, poursuit-il, révèle une distribution
multimodale des revenus caractéristique d'une dysharmonie, du fait de la
non intégration et de l'existence sur le même territoire des sous
populations vivant des temps économiques différents. Pour mettre
un terme à cette situation en oeuvre au Cameroun, Bakong-Epouné
préconise une solution qui consiste en la détermination d'une
allocation inconditionnelle par le truchement du secteur dit « moderne
». Ainsi, émergera pense-t-il, une société plus
intégrée et dans laquelle l'on fera réellement front au
problème de la pauvreté.
Séverin Cécile Abéga pour sa part, dans
Société civile et réduction de la
pauvreté, part du constat de la prolifération-implication
des organisations de la société civile dans le
développement au Cameroun, pour s'interroger sur la contribution de
celles-ci à la réduction de la pauvreté au Cameroun. Il
relève les problèmes qui font obstacle à la contribution
efficace de ces organisations à la réduction de la
pauvreté au Cameroun.
Il en ressort que leur statut hybride entre l'entreprise
créée pour le bénéfice de leurs promoteurs et les
organisations de développement véritables, le transfert en leur
sein des tares reconnues aux administrations publiques et leur manque
d'organisation, constituent entre autres les obstacles à leur
contribution efficace à la réduction de la pauvreté au
Cameroun.
Marie-thérèse Mengué et Jean Didier
Boukoungou quant à eux, dans l'ouvrage collectif qu'ils ont
dirigé, partent des présupposés que la pauvreté
n'est pas une fatalité, ni le résultat d'un déterminisme,
pour fonder la nécessité des études approfondies sur les
discours traditionnels dominant qui masquent beaucoup d'ambiguïtés,
des contradictions et des non-dits sur la pauvreté. Ainsi,
Comprendre la pauvreté au Cameroun examine les questions
relatives à l'identification des causes, à la mesure des
manifestations sociales de la pauvreté, à l'explication de son
étendue et aux politiques publiques nécessaires pour sa
réduction. L'étude propose, pour lutter contre la pauvreté
de partir des comportements des acteurs au quotidien pour mieux prévoir
leurs réactions et les avantages qu'ils pourraient réellement
tirer des interventions plurielles menées par les nombreux acteurs au
Cameroun.
A côté de ces travaux sous la thématique
de la lutte contre la pauvreté, se retrouvent ceux relatifs à
l'Initiative PPTE au Cameroun.
Les travaux menés sous la direction de Isaac Tamba sur
l'Initiative PPTE au Cameroun sont contenus dans deux ouvrages parus
respectivement en 2001et en 2002.
L'ouvrage paru en 2001, intitulé Cameroun : enjeux
et défis de l'Initiative PPTE, tout en contribuant à
l'animation du débat sur l'intérêt grandissant du public
pour cette Initiative, en répondant à certaines questions
soulevées non seulement en rapport avec sa conception, mais
également et surtout avec sa mise en oeuvre et son suivi, s'interroge
sur l'efficacité du cadre de l'Initiative PPTE quant à
l'affranchissement du Cameroun d'une dette intolérable. Il montre aussi
comment cette Initiative fonctionne et quelle est la gamme
d'opportunités qu'elle offre pour les perspectives de
développement économique et social au Cameroun.
Il apparaît que malgré cette Initiative, le
service nominal de la dette du Cameroun reste important et pourrait absorber
une bonne partie des dépenses sociales, et qu'en l'absence d'apports
financiers extérieurs substantiels, elle risque de s'avérer
insuffisante pour atteindre les objectifs de développement international
fixés pour 2015. Par ailleurs, les appréhensions sur la gestion
de ressources PPTE laisse planer le doute quant à la capacité de
ces fonds à combler les attentes des populations et à leur
efficacité sur la réduction de la pauvreté. Les auteurs
incitent à changer les regards sur la nature et les effets potentiels de
l'Initiative PPTE.
L'ouvrage paru en 2002, intitulé Stratégie
de désendettement et politiques de développement au Cameroun :
rupture, permanence ou continuité ?, s'inscrit dans le prolongement
de la première cité plus haut. Il expose le processus PPTE au
Cameroun à travers l'examen de la réglementation du dispositif
PPTE et l'analyse de la première génération des projets
PPTE. Il traite en détail de l'impact du processus de
désendettement au Cameroun dans le cadre de cette Initiative et du trend
historique de pauvreté et des inégalités. Il porte
également une grande attention aux enseignements de quarante
années de financement de développement et énonce quelques
limites de l'approche DSRP.
Il en ressort que malgré les ruptures
provoquées par l'Initiative PPTE par rapport aux indicateurs de
viabilité de la dette extérieure et du taux de pauvreté,
il y a toujours des permanences relatives à la ténacité
des inégalités et aux besoins nécessaires pour financer le
développement. Ces permanences sont révélatrices de
l'insuffisance des ressources additionnelles, y compris celle du budget de
l'Etat pour l'atteinte des objectifs internationaux de développement
fixés pour 2015.
Octave Jokung Nguéna, dans son récent ouvrage
intitulé Initiative PPTE. Quels enjeux pour l'Afrique ?, part
de l'observation de la situation socioéconomique de l'Afrique pour
attirer l'attention des acteurs de développement africains sur les
enjeux de cette Initiative. Il constate que le continent ploie sous le poids
d'une dette qui obère ses chances de relance économique, et se
trouve en situation de marginalisation et de paupérisation. Il pense que
l'Initiative est l'occasion pour les pays bénéficiaires de
développer les capacités de l'Etat, de la société
civile et des collectivités locales, afin de sceller un contrat de
développement participatif et re-distributif. L'appropriation, la
collaboration et le rapprochement des populations sont, d'après lui, les
garants de la réussite de cette Initiative.
Il s'intéresse particulièrement à la
situation du Cameroun qui court encore après le « point
d'achèvement » et fait des recommandations. Ainsi, pour profiter
des enjeux aussi bien financiers que stratégiques et socio-politiques de
cette Initiative, le Cameroun devra, entre autres, réapproprier le
rôle de l'Etat, renforcer les capacités de la
société civile, restaurer les tableaux de bord économiques
et sociaux.
En somme, toutes ces études s'intéressent de
près à la lutte contre la pauvreté au Cameroun. Celles de
la première thématique font la critique des stratégies
traditionnelles de lutte contre la pauvreté au Cameroun et
préconisent une approche plus objective visant la promotion d'un
développement partagé. Celles de la seconde thématique,
qui se rapprochent plus de notre sujet, sont orientées vers une approche
évaluative de l'Initiative PPTE par rapport à la lutte contre la
pauvreté au Cameroun.
Cette évaluation à dominance économique,
ne permet pas de rendre compte de la capacité de l'Initiative PPTE
à lutter contre la pauvreté au Cameroun, pour autant qu'elle
ignore la dimension sociologique de cette Initiative. D'où, et ce qui
fait l'originalité de cette étude, l'analyse sociologique de la
mise en oeuvre du volet social de cette Initiative au Cameroun.
V. PROBLEMATIQUE DE RECHERCHE
Instrument principal de la politique de lutte contre la
pauvreté, l'Initiative PPTE succède aux Programmes d'ajustement
structurel (PAS) qui ont eu des conséquences sociales néfastes
sur les conditions de vie des populations des pays qui ont fait l'objet de leur
application, parmi lesquels le Cameroun :
« En aggravant la crise dans ses effets sociaux, les
mesures d'ajustement structurel touchent la vie quotidienne de tous les
individus, aînés et cadets sociaux, hommes et femmes notables et
« sans importance ». Elle devient ainsi directement palpable dans
l'espace où chacun inscrit sa vie et se bat pour survivre à des
moments et circonstances particulières. Les victimes directes de
l'ajustement structurel-« compressés », licenciés,
créanciers de l'Etat, propriétaires, contractuels de projets de
développement, caféiculteurs, diplômés sans emploi,
etc., se retrouvent dans la masse de tous ceux qui sont mis indirectement en
marge ».
Compte tenu de ces conséquences des PAS d'une part, du
lien établi entre l'Initiative PPTE et la lutte contre la
pauvreté, et des atouts proclamés de cette Initiative sur la
lutte contre la pauvreté d'autre part, son avènement au Cameroun
suscite le questionnement quant à son efficacité sur la lutte
contre la pauvreté. Ainsi, la question qui sert de fil conducteur
à cette étude se décline en ces termes :
L'Initiative PPTE peut-elle contribuer efficacement
à la lutte contre la pauvreté au Cameroun ?
VI. HYPOTHESES DE RECHERCHE
VI.1. Hypothèse générale
L'efficacité de la contribution de l'Initiative PPTE
à la lutte contre la pauvreté au Cameroun est
déterminée par la démarche adoptée pour sa mise en
oeuvre. La mise en oeuvre efficace des initiatives de développement est
déterminée par l'application des mécanismes adaptés
et de l'approche participative.
En effet, depuis la réflexion sur la « dimension
culturelle du développement » qui a réuni à Paris en
1992 la Banque mondiale, l'UNESCO, et d'autres organismes de
développement, réflexion au cours de laquelle il a
été reconnu que l'échec de la plupart des initiatives de
développement s'explique par une « conception étroite du
développement qui ne prend pas en compte la diversité des
cultures et des sociétés » , il s'est imposé la
nécessité d'une articulation entre développement et
sociétés. De cette articulation découle la double
démarche d'adaptation et de participation en matière de mise en
oeuvre des projets de développement. Adaptation par rapport aux besoins
et attentes des bénéficiaires des projets, et participation par
rapport à l'implication de ceux-ci dans la mise en oeuvre desdits
projets. Et la Banque mondiale affirmait encore à propos, dans le bilan
de son action lors de la conférence de Monterrey :
« Une leçon tirée de
l'expérience passée est que la reforme ne réussit
généralement pas sans une forte appropriation locale et une
approche large qui inclut la prise en compte des institutions, la gouvernance
et la participation des acteurs... ».
L'observation de cette double démarche dans la mise en
oeuvre de l'Initiative PPTE détermine son efficacité sur la lutte
contre la pauvreté au Cameroun.
VI.2. Hypothèses secondaires
VI.2.1- Hypothèse 1
L'adéquation des mécanismes de mise en oeuvre de
l'Initiative PPTE aux besoins et attentes des populations
bénéficiaires détermine son efficacité sur la lutte
contre la pauvreté au Cameroun. Cette démarche suppose la prise
en compte des préoccupations des populations bénéficiaires
dans cette mise en oeuvre.
VI.2.2- Hypothèse
2
La participation des bénéficiaires à la
mise en oeuvre de l'Initiative PPTE détermine son efficacité sur
la lutte contre la pauvreté au Cameroun. Cette démarche vise
l'appropriation des projets par les bénéficiaires et suppose leur
implication dans leur mise en oeuvre.
VII. OBJECTIFS DE RECHERCHE
VII.1- Objectif général
L'objectif général de la présente
étude est d'évaluer l'efficacité de l'Initiative PPTE sur
la réduction de la pauvreté au Cameroun, à partir de
l'analyse sociologique de la mise en oeuvre de cette Initiative. Cet objectif
général se subdivise en deux objectifs spécifiques.
VII.2- OBJECTIFS SPECIFIQUES
VII.2.1- Objectif spécifique
1
L'étude se propose d'évaluer, à partir de
l'analyse sociologique, l'adéquation des mécanismes de mise en
oeuvre de l'Initiative PPTE aux besoins et attentes des populations
bénéficiaires.
VII.2.2- Objectif spécifique
2
L'étude se propose également d'évaluer,
à partir de l'analyse sociologique, la participation des populations
bénéficiaires à la mise en oeuvre de l'Initiative PPTE.
VIII. METHODOLOGIE DE RECHERCHE
VIII.1- TECHNIQUES DE COLLECTE DES
DONNEES.
Dans le cadre de cette étude, deux techniques de
collecte des données ont été utilisées. Il s'agit
de :
L'observation documentaire : elle a porté sur les
rapports, les textes et les autres documents relatifs à la lutte contre
la pauvreté au Cameroun ;
L'entretien semi-structuré : il s'est effectué
avec les personnes ressources et les différents acteurs impliqués
dans la mise en oeuvre des projets PPTE au Cameroun.
VIII.2. OUTILS DE COLLECTE DES DONNEES.
Deux types d'outils ont été utilisés pour
la collecte des données :
-la fiche de lecture pour les rapports, les textes et les
autres documents relatifs à l'étude ;
-le guide d'entretien pour l'entretien
sémi-structuré avec les personnes ressources et les
différents acteurs de la mise en oeuvre des projets PPTE au Cameroun.
VIII.3. TECHNIQUE D'ANALYSE DES DONNEES
La technique d'analyse des données utilisées
pour cette étude est l'analyse qualitative de contenu.
VIII.4. METHODE D'ECHANTILLONNAGE
L'Initiative PPTE faisant intervenir plusieurs
catégories d'acteurs dans sa mise en oeuvre, cette étude a
donné lieu à un échantillonnage par strates. Le principe
de cette méthode consiste à segmenter la population
d'étude à partir d'un ou de plusieurs critères
définis a priori. La méthode repose sur
l'hypothèse selon laquelle il existe une corrélation entre le
phénomène étudié et les critères retenus
pour la segmentation de la population, l'objectif étant d'obtenir des
segments regroupant des éléments les plus homogènes
possibles par rapport au phénomène étudié.
VIII.4.1. Critères de
sélection.
Les acteurs de la mise en oeuvre de l'Initiative PPTE au
Cameroun peuvent être regroupés en trois catégories selon
leur niveau d'intervention dans cette mise en oeuvre. Ainsi, il y a les acteurs
au sommet, les acteurs intermédiaires et les acteurs à la base ou
bénéficiaires principaux des projets. Eu égard à
cette catégorisation, les unités d'observation ont
été choisies suivant les critères ci-après :
-leur appartenance à l'une de ces trois
catégories d'acteurs ;
-leur implication réelle ou supposée dans la
mise en oeuvre de l'Initiative PPTE au Cameroun.
VIII.4.2. La sélection des
unités d'observation
Les unités d'observation ont été
choisies suivant les critères sus-évoqués et dans chacune
des catégories sus-mentionnées. Ainsi, ont fait l'objet de cette
étude, les unités ci-après.
VIII.4.2.1. Les acteurs au
sommet
Ils regroupent les institutions en charge de la politique
générale de l'Initiative PPTE au Cameroun. Dans cette
catégorie se retrouvent la Banque mondiale, le Fond monétaire
international (FMI) et le gouvernement à travers le ministère de
tutelle du Comité consultatif et de suivi de la gestion des ressources
PPTE (CCS-PPTE). Ont servi de cadre à cette étude dans cette
catégorie : la Banque mondiale, (bailleurs de fonds) et le MINEFI
(gouvernement).
VIII.4.2.2. Les acteurs
intermédiaires.
Cette catégorie est constituée d'acteurs jouant
le rôle d'interface entre les acteurs au sommet et ceux de la base. Au
centre de cette catégorie se retrouve le Comité consultatif et de
suivi de la gestion des ressources PPTE (CCS-PPTE) qui a pour rôle de
sélectionner les projets éligibles au financement PPTE. Tout au
tour de ce Comité se retrouvent les départements
ministériels promoteurs de projets, et les organisations de la
société civile.
Dans cette catégorie, ont servi de cadre à cette
étude :
Les départements ministériels : MINEPAT,
MINADER, MINSANTE, MINAS, MINPROFF ;
Les organes de gestion des ressources PPTE : CCS/PPTE, CTS
;
Les organisations de la société civile :
CANADEL, APICA, BASC.
VIII.4.2.3. Les acteurs à la
base
Cette catégorie d'acteurs est constituée des
bénéficiaires réels ou supposés des projets PPTE.
Parmi eux se retrouvent les organisations à la base et les populations
cibles des projets. Ont servi de cadre à cette étude dans cette
catégorie : L'UNEXPALM et le GLP.
VIII.5. CADRE CONCEPTUEL DE L'ETUDE
VIII.5.1. Les variables
VIII.5.1.1. Variable
dépendante
La variable dépendante est le phénomène
que l'on se propose d'étudier. Pour le cas de cette étude, il
s'agit de l'Initiative PPTE.
VIII.5.1.2. Variables
indépendantes
La variable indépendante est le facteur qui explique
le phénomène étudié (la variable
dépendante). Elle influence la variable dépendante. Il s'agit
pour le cas de cette étude de deux facteurs : l'adéquation des
mécanismes et la participation des bénéficiaires.
VIII.5.2. Les indicateurs des variables
indépendantes
VIII.5.2.1. Les indicateurs de l'adéquation
des mécanismes aux besoin et attentes des populations
Domaines cibles de l'Initiative ;
Critères d'éligibilité des projets ;
Origines des projets ;
Procédure de mise en oeuvre des projets ;
Financement des projets ;
Réalisation des projets.
VIII.5.2.2. Les indicateurs de la participation des
bénéficiaires
1 Rôle des bénéficiaires dans la mise en
oeuvre des projets ;
2 Degré d'implication dans la mise en oeuvre des
projets ;
3 Consultation des bénéficiaires dans la mise
en oeuvre des projets.
VIII.6. CADRE THEORIQUE D'ANALYSE
L'analyse sociologique de la mise en oeuvre de l'Initiative
PPTE au Cameroun a requis un certain nombre de grilles d'analyse. Trois grilles
d'analyse ont été utilisées. Il s'agit de l'analyse
sociocritique, de l'analyse systémique et de l'analyse
stratégique.
VIII.6.1. L'analyse
sociocritique
Héritage de l'école de Frankfort, l'analyse
sociocritique a pour ambition d'appliquer la théorie critique à
la lecture de la réalité sociale. Elle recommande une position de
soupçon vis-à-vis des apparences. Développé en
Sociologie par des auteurs tels que Georges Balandier et Jean Ziegler, elle
à pour vocation de mettre en évidence ce qui est caché.
Jean Ziegler écrit à ce sujet :
« Ce qui est montré est à expliquer par
ce qui ne se montre pas, car le caché est le plus véridique
».
L'approche sociocritique permet de déceler les aspects
cachés de la réalité sociale. Elle a permis, dans le cadre
de cette étude, de mettre en évidence les non-dits de la mise en
oeuvre de l'Initiative PPTE au Cameroun.
VIII.6.2. L'analyse
systémique
Enrichie par les apports de la cybernétique et des
théories de la communication, l'approche systémique insiste sur
l'urgence de penser la globalité ( et non les éléments
distincts), d'étudier les interactions (et non la causalité),de
percevoir les systèmes comme des ensembles de transformation (et non
statique), de saisir toutes les complexités. L'analyse systémique
envisagée pour cette étude est celle des applications
théoriques en Sciences politiques, celle développé par
David Easton (1965).
L'analyse systémique dans la perspective de Easton
consiste à étudier l'ensemble des interactions qui se produisent
entre le système et son environnement par les mécanismes d'
« input » et d' « output » .Les « input » sont
constitués par l'ensemble des demandes et soutien dirigés vers le
système.
A l'intérieur du système, les demandes et les
soutiens sont convertis par la réaction combinée de tous les
éléments constitutifs et provoquent de la part de
l'autorité régulatrice une réaction qui exprime la
manière dont ce système s'adapte ou tente de s'adapter aux
incitations et aux pressions qui émanent de l'environnement. Cette
réaction globale constitue la réponse du système ou «
output », mais amorce en même temps un nouveau circuit de
réaction ou « feedback » qui contribue à son tour
à modifier l'environnement d'où partiront ensuite de nouvelles
demandes et nouveaux soutiens. Telle se présente de façon
caricaturale, l'analyse systémique développée par David
Easton.
La mise en oeuvre de l'Initiative PPTE met en interaction
trois types de protagonistes : les promoteurs de projets, l'organe de gestion
des ressources PPTE (CCS/PPTE) et les bénéficiaires des
projets.
Les promoteurs des projets soumettent les projets («
input ») au CCS/PPTE qui en assure l'éligibilité et les
dirige (« output ») vers les bénéficiaires. La
réaction des bénéficiaires à ces projets («
feedback ») amorce un nouveau circuit en même temps qu'il contribue
à la formation de nouvelles demandes.
De façon schématique, l'application de cette
approche à notre étude se présente ainsi qu'il suit :
L'analyse systémique permet de rendre compte de la
capacité de l'Initiative PPTE à lutter contre la pauvreté
au Cameroun, à travers l'analyse des « inputs » et des «
output » de leur mise en oeuvre.
VIII.6.3. L'analyse
stratégique
L'analyse stratégique développée par
Crozier et Friedberg permet dans le cadre de la présente étude
d'analyser les stratégies des promoteurs des projets PPTE. En bref, le
volet social de l'Initiative PPTE est mis en oeuvre suivant des règles
et des principes qui sont au centre des stratégies des promoteurs de
projets. Face à la rigidité de ces règles et principes,
les promoteurs de projets ont développé des stratégies qui
leur permettent d'accéder au circuit de mise en oeuvre des projets, tout
en contournant les règles et les principes en vigueur.
L'application de cette analyse à la mise en oeuvre des
projets PPTE est susceptible de fournir des éléments
nécessaires pour la compréhension de l'impact de l'Initiative
PPTE sur la réduction de la pauvreté au Cameroun.
En somme, l'analyse sociocritique, l'analyse systémique
et l'analyse stratégique sont les trois grilles d'analyse
utilisées pour la lecture de la mise en oeuvre de l'Initiative PPTE au
Cameroun.
IX. INTERET DE L'ETUDE
Cette étude a un intérêt à la fois
théorique et pratique.
Au plan théorique, elle s'inscrit au coeur des
préoccupations de la Sociologie du développement et contribue
à montrer l'importance de cette Sociologie pour l'analyse des politiques
de développement. Plus explicitement, elle contribue à la
compréhension de la dynamique des politiques de développement
dans un contexte international marqué par la poursuite des objectifs
internationaux de développement, notamment celui relatif à la
réduction de la pauvreté de moitié à l'horizon
2015.
Au plan pratique, l'élection du Cameroun à
l'Initiative en faveur des pays pauvres et très endettés
(Initiative PPTE) a consacré la politique de lutte contre la
pauvreté au Cameroun. Cette Initiative qui vise le développement
des pays bénéficiaires par la réduction de leur niveau
d'endettement et de pauvreté, intervient à la suite des
Programmes d'ajustement structurel (PAS). Les résultats peu probants des
PAS ont suscité bien des déconvenues et sèment le doute
dans l'esprit du grand public quant à l'efficacité de
l'Initiative PPTE sur la lutte contre la pauvreté au Cameroun. La
présente étude est une tentative d'évaluation de
l'efficacité de l'Initiative PPTE sur la lutte contre la pauvreté
au Cameroun.
X. DEFINITION DES TERMES-CLES
Cette étude a donné lieu à l'usage d'un
certain nombre de termes qu'il est nécessaire de définir pour
faciliter la lecture du présent document. Ainsi, que faut-il entendre
par lutte contre la pauvreté, par mise en oeuvre de l'Initiative PPTE,
par « configuration développementiste » et par projet PPTE.
Lutte contre la pauvreté : Il
s'agit des actions relevant des politiques publiques de développement et
visant l'amélioration des conditions de vie des populations. Ces actions
sont à ne pas confondre avec les stratégies quotidiennes de
survie développées par les populations camerounaises.
Mise en oeuvre des projets : Ce groupe
de mots désigne le processus de matérialisation de cette
Initiative, notamment de son volet social. Ce processus comprend les
étapes que suivent les projets PPTE au Cameroun, celles de la
sélection et de la réalisation proprement dite.
« Configuration développementiste
» : Cette expression de Jean-Pierre Olivier de SARDAN
désigne l'univers largement cosmopolite d'experts, de bureaucrates, de
responsables d'ONG, de chercheurs, de techniciens, de chefs de projets,
d'agents de terrain qui vivent en quelque sorte du développement des
autres, et mobilisent ou gèrent à cet effet des ressources
matérielles et symboliques considérables.Dans le cadre de cette
étude, elle désigne l'ensemble constitué de trois acteurs
concernés par la mise en oeuvre de l'Initiative PPTE au Cameroun. Il
s'agit des acteurs au sommet, des acteurs intermédiaires et des acteurs
à la base.
Projets PPTE : Ce sont les initiatives
de développement mises en oeuvre ou en voie de l'être dans le
cadre de l'Initiative PPTE.
XI. DIFFICULTES RENCONTREES
La conduite de cette étude a été
émaillée de nombreuses difficultés. La première est
relative à l'indisponibilité des ouvrages et des données y
relatifs; la seconde à la collecte des informations, du fait de
l'indisponibilité permanente des personnes ressources; la
dernière, d'ordre pécuniaire, ne nous a pas permis d'avoir les
coudées franches dans l'exécution du calendrier de recherche
relative à cette étude.
XII. PLAN DE L'ETUDE
Cette étude est subdivisée en quatre (04)
chapitres. Le premier chapitre fait une présentation de l'Initiative
PPTE et retrace le parcours du Cameroun dans cette Initiative. Le second est
consacré à la pauvreté et la problématique de lutte
contre la pauvreté au Cameroun. Le troisième quant à lui
analyse les mécanismes de mise en oeuvre de l'Initiative PPTE au
Cameroun. Le quatrième et dernier chapitre analyse l'approche
participative dans la mise en oeuvre de cette Initiative.
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