DEDICACE
A madame et monsieur OMOKO
REMERCIEMENTS
Ce travail a bénéficié du soutien de
plusieurs personnes auxquelles nous tenons à témoigner notre
gratitude.
L'étude s'est faite sous la direction
éclairée de notre encadreur académique, le Professeur
Laurent Charles BOYOMO ASSALA. Nous lui témoignons notre profonde
gratitude pour sa constante disponibilité en dépit de ses
nombreuses occupations.
Nous témoignons également notre gratitude
à tous nos enseignants du Département de Sociologie-anthropologie
pour leurs précieuses contributions à travers leurs
enseignements. Nous pensons nommément au Professeur Valentin NGA NDONGO
et au Docteur Jean NZHIE ENGONO.
Les contributions de nos parents Julienne NGATOM, Martine et
Michel OMOKO, Hélène et Honoré PUEPI, Alice et Joseph
NJAMPOU, Céline et Emmanuel KWEFFO, Jacqueline NJITCHE, Abdou Karim
NJOYA et Crépin SALIF ont été d'une grande importance pour
la réalisation de ce travail. Nous leur témoignons notre
reconnaissance pour ce remarquable soutien.
Messieurs Pascal TOUOYEM, Ange Faustin KOYASSE et Pie
KATIHABWA nous ont facilité l'accès aux informations relatives
à cette étude. Les uns par la mise à notre disposition de
la documentation, les autres par la facilitation des contacts avec les
personnes ressources et les autres informateurs. Nous leur en sommes
reconnaissant.
Nos remerciements vont aussi à l'endroit de toutes les
personnes ressources et toutes les institutions nationales et internationales
auprès desquelles nous avons recueilli les informations. Nous ne pouvons
malheureusement pas toutes les citer, qu'elles trouvent ici l'expression de nos
sincères remerciements.
Nos frères Sidoine NGATOM, Carine, Guy et Christian
OMOKO, Jeannine et Marilyne NJAMPOU ont positivement influencé ce
travail par leurs encouragements et appuis divers. Nous leur en sommes
également reconnaissant.
Nos remerciements vont aussi à nos amis Larissa MAYAP,
Klébert FANGSEU et Bienvenu MOULIOM pour leurs contributions à la
mise sous forme typographique de ce travail.
Le soutien de nos amis Aline WEKETIA, Eddy Carlos FONKOUO,
Hubert POLLA, Gilles NGANSOP, Aimé NAYANG, Jules FOSSI, Romuald KENGNE,
Hugues TCHABO, Justin BIOMO, Pascal NONO, Flaubert WATAT, a été
précieux pour la réalisation de ce travail. Qu'ils trouvent ici
le témoignage de notre profonde gratitude.
LISTE DES ABREVIATIONS ET ACRONYMES
AID : Association Internationale de
Développement
APD : Aide Publique au
Développement
APICA : Association pour la Promotion des
Initiatives Communautaires
Africaines
BAD : Banque Africaine de
Développement
BASC : Bureau des Activités
Socio-Caritatives
BEAC : Banque des Etats de l'Afrique
Centrale
BIRD : Banque Internationale pour la
Reconstruction et le
Développement
BM : Banque Mondiale
CAD : Comité d'Aide au
Développement
CANADEL : Centre d'Appui aux Nouvelles
Alternatives de développement local
CAPME : Centre d'Assistance de Petites et
Moyennes Entreprises.
CAS III : Troisième Crédit
à l'Ajustement Structurel
CCS/PPTE : Comité Consultatif et de
Suivi de la gestion des ressources des Pays
Pauvres Très Endettés
CDF : Comprehensive Development
Framework
CEEAC : Communauté Economique des
Etats de L'Afrique Centrale
CEI : Communauté des Etats
Indépendants
CELLUCAM : Cellulose du Cameroun
CNUCED : Conférence des Nations
Unies pour le Commerce et le
Développement.
CSR/PPTE : Comité de Suivi de la
Réalisation des Projets PPTE
CTS : Comité Technique de Suivi des
programmes économiques
DCPE : Document Cadre de Politique
Economique
DDC : Direction du Développement et de
la Coopération
DIAL : Développement des
Investigations sur Ajustement à Long terme
DSA : Dimensions Sociales de
l'Ajustement
DSCN : Direction de la Statistique et de la
Comptabilité Nationale
DSRE : Déclaration de
Stratégies de Relance Economique
DSRP : Document de Stratégie de
Réduction de la Pauvreté
ECAM : Enquête Camerounaise
Auprès des Ménages
FASR : Facilité d'Ajustement
Structurel Renforcé
FCFA : Franc de la Communauté
Financière Africaine
FMI : Fonds Monétaire International
FOGAPE : Fonds d'Aide et de Garantie pour
les petites et moyennes Entreprises
FOSCAM : Fédération des
organisations de la société civile camerounaise
FRPC : Facilité pour la
Réduction de la Pauvreté et la Croissance
FSD : Facilité Suisse de
désendettement
GLP : Global Lactoperoxdase Programme
HIPC : Highly Indebted Poor Countries
IBW : Institutions de Bretton Woods
IFI : Institutions Financières
Internationales
Initiative PPTE : Initiative Pays Pauvres
Très Endettés
IRD : Institut de Recherche pour le
Développement
MINADER : Ministère de l'Agriculture et
du Développement Rural ex
MINAGRI : Ministère de l'Agriculture
MINAS : Ministère des Affaires
Sociales
MINEFI : Ministère de l'Economie et
des Finances
MINEPAT : Ministère du Plan et de
l'Aménagement du Territoire (actuel)
MINPLADAT : Ministère de la
Programmation, de la planification du
Développement et de l'Aménagement du
Territoire)
MINESUP : Ministère de
L'Enseignement Supérieur
MINFI : Ministère des Finances
MINPROFF : Ministère de la Promotion
de la Femme et de la famille
MINSANTE : Ministère de la
Santé publique
OCDE : Organisation de Coopération
et de développement Economiques
ODM : Objectifs de Développement du
Millénaire
ONG : Organisation Non Gouvernementale
OPEP : Organisation des Pays Producteurs
de Pétrole
PAS : Programmes d'Ajustement Structurel
PIB : Produit Intérieur Brut
PMA : Pays les Moins Avancés
PME : Petites et Moyennes Entreprises
PNB : Produit National Brut
PNG : Programme National de Gouvernance
PNUD : Programme des Nations Unies pour le
Développement
PUA : Presse Universitaire d'Afrique
PUF : Presse Universitaire de France
PUY : Presse Universitaire de
Yaoundé
RCA : République Centre
Africaine
RDPC : Rassemblement Démocratique du
Peuple Camerounais
SFI : Société
Financière Internationale
SIDA : Syndrome d'Immunodéficience
Acquise
UCAC : Université Catholique
d'Afrique Centrale
UDEAC : Union Douanière des Etats de
L'Afrique Centrale
UE : Union Européenne
UNC : Union Nationale Camerounaise
UNESCO : Organisation des Nations Unies pour
L'Education, la Science et la
Culture
UNEXPALM : Union des Exploitants des
Palmiers à huile
UNICEF : Fonds des Nations Unies pour
l'Enfance
VAN : Valeur Actuelle Nette
VIH : Virus d'Immunodéficience
Humaine
GLOSSAIRE
Club de Londres : Instance chargée de
renégocier la dette contractée par les
pays en développement auprès des banques
privées.
Club de Paris : Instance chargée de
renégocier la dette contractée par les
pays en développement auprès des Etats.
Créance : Droit d'obtenir à
son profit une prestation en espèces.
Crédit : Echange dans le temps de
biens ou de moyens de paiement
contre une Promesse de paiement ou de remboursement.
Crise de Liquidité : Situation d'un
pays, caractérisée par le manque de devises
nécessaires pour honorer ses obligations de
paiement
international.
Décote : Exonération
appliquée à une contribution
Dette : Obligation contractée
à l'égard d'un tiers ayant comme
contrepartie pour ce dernier une créance.
Dette Chirographaire : Créance qui
n'est pas garantie par un hypothèque ou un
privilège, ainsi que de son titulaire.
Encours de la dette : Montant à un
moment donné de la dette contractée et non
encore remboursée.
Liquidité : Capacité
d'honorer rapidement des engagements financiers.
Marché secondaire : Marché de
gré à gré sur lequel les détenteurs de
créances
échangent leurs titres.
Pétrodollar : Dollar
résultant de la commercialisation du pétrole brut.
Rééchelonnement :
Opération consistant à étaler la période de
remboursement
d'un prêt sur une période de remboursement
plus longue que
prévue initialement.
Restructuration : Opération par
laquelle une dette est modifiée pour permettre
un meilleur service de la dette, par exemple par un
rééchelonnement, un refinancement ou une
conversion de
créances en un autre actif.
Service de la dette : Charges
afférentes aux obligations contractées, soit par le
remboursement du capital d'une part et le paiement des
intérêts et des primes d'autre part.
Valeur nominale : C'est la valeur actuelle
de l'encours de la dette, autrement dit,
ce que doivent maintenant les PPTE, sans égard aux
taux
d'intérêt. La valeur nominale est par
conséquent supérieure à
la valeur actuelle nette.
VAN : Valeur actuelle nette de la dette.
Elle sert à déterminer la
valeur actuelle de flux futurs de remboursement de la
dette au
moyen du taux d'intérêt sur le
marché. Elle sert également à
comparer l'encours de la dette des divers PPTE.
RESUME
Cette étude est une tentative d'évaluation de
l'efficacité de l'Initiative PPTE sur la réduction de la
pauvreté au Cameroun, à partir de l'analyse sociologique de sa
mise en oeuvre.
Les déconvenues de la politique de lutte contre le
sous-développement- qui a eu pour instrument principal les Programmes
d'ajustement structurel (PAS)- ayant donné lieu à la promotion et
à la consécration de la politique de lutte contre la
pauvreté- qui a pour instrument principal l'Initiative PPTE-, la
présente étude s'intéresse à la mise en oeuvre de
l'Initiative PPTE et s'interroge sur son efficacité sur la lutte contre
la pauvreté au Cameroun.
Etant donné que l'efficacité de cette
Initiative, comme celle de toutes les initiatives de développement
social, dépend de la démarche adoptée pour leur mise en
oeuvre, l'étude envisage deux pistes de réponses à la
question de son efficacité. La première est relative à
l'adéquation des mécanismes de leur mise en oeuvre, et la seconde
à l'application de l'approche participative dans cette mise en
oeuvre.
Pour l'analyse sociologique de la mise en oeuvre de cette
Initiative, trois approches théoriques sont mises à contribution
: l'approche sociocritique, l'approche systémique et l'approche
stratégique.
A l'issue de cette étude, il apparaît que les
conditions de mise en oeuvre de cette Initiative ne permettent pas son
efficacité sur la réduction de la pauvreté au Cameroun.
Les obstacles à cette efficacité sur la réduction de la
pauvreté se trouvent aussi bien dans les mécanismes y relatifs
que dans l'application de l'approche participative.
ABSTRACT
The present study is an evaluative attempt of the
effectiveness of HIPC projects on poverty reduction in Cameroon, based on a
sociological analysis of their implementation.
Failures noticed in the underdevelopment control policy, whose
major tools were Programs for structural adjustment (PSA), led to the promotion
and dedication of the policy meant to curb poverty, using mainly HIPC
initiative. Our work therefore investigates about the execution of HIPC
projects as well as it questions their incidence on the reduction of the
poverty in our country.
Considering that, like that of any undertaking for social
development , the output of such projects depends on the procedure applied in
their execution, our study envisages two possible ways of handling the issue in
case (efficiency). The first relates to the accuracy of implementation
mechanisms whereas the second deals with the application of a participative
approach all along the process.
There are three theoretical approaches helpful to the
sociological analysis of the implementation of these projects: the
sociocritical approach, the systemic approach and the strategic approach.
At the end of our study, it appears that the implementation
conditions of the so-called projects do not enable effective reduction of
poverty in Cameroon, for hindrances lies both at the level of related
mechanisms and the application of the participative approach.
INTRODUCTION GENERALE
I. JUSTIFICATION DE L'ETUDE
Cette étude est essentiellement motivée par le
changement d'approche survenu dans les politiques de développement en
direction des pays en développement en général, et du
Cameroun en particulier. De la politique de lutte contre le
sous-développement, on est passé à celle dite de lutte
contre la pauvreté.
En effet, la politique de lutte contre le
sous-développement, caractérisée par la mise en oeuvre des
Programmes d'ajustement structurel (PAS) et les modifications qui s'en sont
suiviesont fait l'objet des critiques selon lesquelles les PAS ont
aggravé la pauvreté dans les pays qui ont fait l'objet de leur
application. Ces critiques ont amené les Institutions de Bretton Woods
à conduire des réflexions visant à palier les limites des
PAS. Ces réflexions ont abouti à la mise en place de l'Initiative
en faveur des pays pauvres très endettés (Initiative PPTE).
Initiative conjointe de la Banque mondiale et du Fonds monétaire
international (FMI), l'Initiative PPTE consacre la politique de lutte contre la
pauvreté dans les pays bénéficiaires.
L'élection du Cameroun à cette Initiative dont
le point de décision a été atteint à la mi-octobre
2000, a consacré la politique de lutte contre la pauvreté au
Cameroun. Depuis ce temps, le concept de lutte contre la pauvreté a fait
une entrée remarquée dans les discours politiques et les
réflexions sur le développement au Cameroun, au point d'y
constituer désormais un élément central de la
rhétorique des acteurs engagés dans le développement. Avec
l'élection du Cameroun à cette Initiative, le grand public
n'ignore plus ce concept qui est repris par les médias nationaux et
internationaux, le gouvernement, les organisations internationales, les
organisations de la société civile, les élites et bien
d'autres. Mais au-delà d'un incontestable effet de mode, le concept de
lutte contre la pauvreté est caractérisé par un flou
sémantique qui n'est pas neutre dans l'abondant usage qui en est fait.
Même si un contenu lui est donné dans les textes fondateurs de
l'Initiative PPTE et dans le Document de stratégie de réduction
de la pauvreté (DSRP), des interrogations demeurent sur la
capacité des politiques y relatives, mieux de l'instrument y relatif,
à infléchir la pauvreté au Cameroun.
Il semble alors opportun d'interroger l'Initiative PPTE,
quant à son efficacité sur la lutte contre la pauvreté au
Cameroun.
II. DELIMITATION DE L'ETUDE
La politique de lutte contre la pauvreté a pour
instrument principal l'Initiative PPTE. Cette Initiative comprend les volets
économique et social. Le volet économique est relatif à la
conduite des réformes économiques en vue de l'atteinte des
performances macroéconomiques, et au désendettement. Le volet
social quant à lui concerne la lutte contre la pauvreté.
La présente étude s'intéresse
exclusivement au dernier volet de cette Initiative, celui de la lutte contre la
pauvreté et est consacrée à l'analyse sociologique de la
mise en oeuvre des projets y relatifs au Cameroun.
III. ETAT DES LIEUX SUR LA QUESTION
L'émergence de la notion de développement a eu
pour conséquence la catégorisation/ classification du monde en
« développés » et en «
sous-développés ». La perception du
sous-développement comme retard par rapport au développement a
sous-tendu la théorie évolutionniste de Rostow qui trace les
étapes essentielles et inévitables du développement. Cette
philosophie de retard qui envisage le développement des pays
sous-développés en terme de rattrapage économique a
été et/ou est encore à l'origine de la profusion des
politiques et/ou programmes de développement à destination des
pays sous-développés. Pour des raisons diverses, ces politiques
et/ou programmes n'ont pas conduit au bien-être des
bénéficiaires. Il s'est de ce fait imposé un changement de
perspective sur les politiques de développement. Des politiques dites de
lutte contre le sous-développement dans les années d'après
indépendance, on est passé de nos jours à celle dite de
lutte contre la pauvreté. Le Cameroun fait partie des
bénéficiaires de ces diverses politiques.
Jusqu'en 1985, l'économie camerounaise affichait une
situation enviable parmi les pays de l'Afrique subsaharienne. Au
développement continu de la production et des exportations agricoles
s'était ajoutée, à partir de la deuxième
moitié des années 70, l'exploitation des ressources
pétrolières.
Au cours de l'exercice 1985/86, l'économie enregistre
une baisse brutale des revenus d'exportation. Cette baisse concerne aussi bien
le pétrole que les autres produits d'exportation. La dégradation
de l'activité économique s'accélère en 1986/87, en
raison de la baisse persistante des coûts de principaux produits
d'exportation (pétrole, café, cacao et coton). Les taux de
croissance deviennent négatifs, les termes de l'échange se
dégradent de moitié.
En réaction à la crise, le gouvernement met en
oeuvre une politique d'ajustement interne qui montre très vite ses
limites. La réduction du train de vie de l'Etat et du poids du secteur
public dans l'économie s'avère insuffisante pour enrayer le mal
qui est profond. Le Cameroun connaît une chute de près de 65% des
termes de l'échange entre 1985 et 1987 .
Son incapacité à régler les
intérêts de la dette extérieure ainsi que les
créances internes élevées l'amènent à
emprunter le passage obligé du Fonds monétaire international qui
exige pour apporter sa première contribution financière au
redressement de la situation en septembre 1988, des réformes et des
engagements connus sous le terme d' « ajustement structurel ».
Cet ajustement va recouvrir toutes les politiques, programmes
et mesures visant à faire subir une cure d'austérité
à l'Etat et aux diverses couches sociales du pays, tout en recherchant
de nouvelles ressources pour rétablir les finances publiques et les
comptes extérieurs. Il en résulte la paupérisation de
larges franges de la population et l'effondrement des systèmes
d'éducation et de santé. Pour ces raisons, la contestation et la
difficulté à mettre en oeuvre ces mesures vont donner lieu
à la promotion des politiques sociales connues sous le terme de «
dimension sociale de l'ajustement structurel ».
Suite à la dévaluation du franc CFA intervenue
en janvier 1994, les autorités camerounaises vont mettre en oeuvre,
à partir du milieu des années 1990, un ensemble de mesures
d'ajustement structurel et des réformes visant à assurer une
compétitivité durable de l'économie camerounaise. En
août 1997, le Cameroun conclut avec le FMI un Accord au titre de la
Facilité d'ajustement structurel renforcée (FASR), en appui
à un programme économique et financier élaboré par
les autorités camerounaises, en concertation avec le Fonds et la Banque
mondiale. Ce programme vise principalement à mettre en place les
conditions d'une croissance économique soutenue et d'un redressement
notable du niveau de vie des populations. La conclusion de cet Accord consacre
la restauration d'une certaine crédibilité du Cameroun au sein de
la Communauté financière internationale, après une longue
période de relations rendues difficiles par une importante accumulation
d'arriérés de paiements extérieurs consécutive
à la crise des finances publiques et les échecs successifs de
quatre programmes soutenus par le Fonds monétaire international au titre
des Accords de confirmation.
A la suite de la mise en oeuvre des réformes contenues
dans le programme triennal 1997-2000, le Cameroun bénéficie du
mécanisme de réduction du service de sa dette extérieure
au titre de l'Initiative Pays pauvres et très endettés (PPTE).
Cette décision des conseils d'administration du Fonds monétaire
international et de la Banque mondiale en date du 11 Octobre 2000, se
caractérise entre autres par le lien qui est désormais
établi entre la conduite des réformes, les performances
macroéconomiques, le désendettement et la réduction de la
pauvreté. La complexité de ce lien et l'implication
désormais « exigée » de tous les acteurs sociaux
fondent la nécessité d'une démarche pédagogique en
vue de la compréhension, d'une plus grande internalisation et d'une
meilleure appropriation des réformes.
Depuis ce dernier Accord conclut avec les Institutions de
Bretton Woods, la politique de développement en vigueur au Cameroun est
axée sur la lutte contre la pauvreté, avec pour instrument
principal l'Initiative en faveur des Pays pauvres très endettés
(PPTE).
Pour la mise en oeuvre de cette Initiative au Cameroun, il a
été mis en place des mécanismes et une approche
supposée favoriser son efficacité sur la réduction de la
pauvreté. Mais toutes ces mesures permettent- elles alors à cette
Initiative de contribuer efficacement à la réduction de la
pauvreté au Cameroun ?
IV. REVUE DE LA LITTERATURE
Les investigations relatives à notre sujet font
état de nombreuses études sur la question. Ces études
peuvent être regroupées sous deux thématiques : celle de la
lutte contre la pauvreté au Cameroun et celle de l'Initiative PPTE au
Cameroun. Sous la première thématique, se retrouvent les travaux
de Albert Bakong-Epouné (1992), Séverin Cécile
Abéga, Marie-thérèse Mengué et Jean Didier
Boukoungou. Sous la seconde thématique, se retrouvent ceux de Isaac
Tamba (2001et 2002), de Octave Jokung Nguéna (2005).
Dans sa thèse de Doctorat en Sciences
économiques intitulée « Pauvreté et partage seuils de
pauvreté, aspects des politiques de lutte contre la pauvreté et
problématique de revenu d'existence en référence au
Cameroun » Albert Bakong-EPOUNE constate l'échec des approches
macroéconomiques en matière de lutte contre la pauvreté et
envisage une approche plus objective qui consiste à distribuer les
ressources de façon à assurer un revenu d'existence à tous
les individus. D'après lui, en effet, les stratégies de lutte
contre la pauvreté dans les pays en développement sont dans
l'impasse, car la croissance à elle seule ne permet pas une
évolution favorable de la situation des pauvres. L'économie
à plusieurs vitesse, poursuit-il, révèle une distribution
multimodale des revenus caractéristique d'une dysharmonie, du fait de la
non intégration et de l'existence sur le même territoire des sous
populations vivant des temps économiques différents. Pour mettre
un terme à cette situation en oeuvre au Cameroun, Bakong-Epouné
préconise une solution qui consiste en la détermination d'une
allocation inconditionnelle par le truchement du secteur dit « moderne
». Ainsi, émergera pense-t-il, une société plus
intégrée et dans laquelle l'on fera réellement front au
problème de la pauvreté.
Séverin Cécile Abéga pour sa part, dans
Société civile et réduction de la
pauvreté, part du constat de la prolifération-implication
des organisations de la société civile dans le
développement au Cameroun, pour s'interroger sur la contribution de
celles-ci à la réduction de la pauvreté au Cameroun. Il
relève les problèmes qui font obstacle à la contribution
efficace de ces organisations à la réduction de la
pauvreté au Cameroun.
Il en ressort que leur statut hybride entre l'entreprise
créée pour le bénéfice de leurs promoteurs et les
organisations de développement véritables, le transfert en leur
sein des tares reconnues aux administrations publiques et leur manque
d'organisation, constituent entre autres les obstacles à leur
contribution efficace à la réduction de la pauvreté au
Cameroun.
Marie-thérèse Mengué et Jean Didier
Boukoungou quant à eux, dans l'ouvrage collectif qu'ils ont
dirigé, partent des présupposés que la pauvreté
n'est pas une fatalité, ni le résultat d'un déterminisme,
pour fonder la nécessité des études approfondies sur les
discours traditionnels dominant qui masquent beaucoup d'ambiguïtés,
des contradictions et des non-dits sur la pauvreté. Ainsi,
Comprendre la pauvreté au Cameroun examine les questions
relatives à l'identification des causes, à la mesure des
manifestations sociales de la pauvreté, à l'explication de son
étendue et aux politiques publiques nécessaires pour sa
réduction. L'étude propose, pour lutter contre la pauvreté
de partir des comportements des acteurs au quotidien pour mieux prévoir
leurs réactions et les avantages qu'ils pourraient réellement
tirer des interventions plurielles menées par les nombreux acteurs au
Cameroun.
A côté de ces travaux sous la thématique
de la lutte contre la pauvreté, se retrouvent ceux relatifs à
l'Initiative PPTE au Cameroun.
Les travaux menés sous la direction de Isaac Tamba sur
l'Initiative PPTE au Cameroun sont contenus dans deux ouvrages parus
respectivement en 2001et en 2002.
L'ouvrage paru en 2001, intitulé Cameroun : enjeux
et défis de l'Initiative PPTE, tout en contribuant à
l'animation du débat sur l'intérêt grandissant du public
pour cette Initiative, en répondant à certaines questions
soulevées non seulement en rapport avec sa conception, mais
également et surtout avec sa mise en oeuvre et son suivi, s'interroge
sur l'efficacité du cadre de l'Initiative PPTE quant à
l'affranchissement du Cameroun d'une dette intolérable. Il montre aussi
comment cette Initiative fonctionne et quelle est la gamme
d'opportunités qu'elle offre pour les perspectives de
développement économique et social au Cameroun.
Il apparaît que malgré cette Initiative, le
service nominal de la dette du Cameroun reste important et pourrait absorber
une bonne partie des dépenses sociales, et qu'en l'absence d'apports
financiers extérieurs substantiels, elle risque de s'avérer
insuffisante pour atteindre les objectifs de développement international
fixés pour 2015. Par ailleurs, les appréhensions sur la gestion
de ressources PPTE laisse planer le doute quant à la capacité de
ces fonds à combler les attentes des populations et à leur
efficacité sur la réduction de la pauvreté. Les auteurs
incitent à changer les regards sur la nature et les effets potentiels de
l'Initiative PPTE.
L'ouvrage paru en 2002, intitulé Stratégie
de désendettement et politiques de développement au Cameroun :
rupture, permanence ou continuité ?, s'inscrit dans le prolongement
de la première cité plus haut. Il expose le processus PPTE au
Cameroun à travers l'examen de la réglementation du dispositif
PPTE et l'analyse de la première génération des projets
PPTE. Il traite en détail de l'impact du processus de
désendettement au Cameroun dans le cadre de cette Initiative et du trend
historique de pauvreté et des inégalités. Il porte
également une grande attention aux enseignements de quarante
années de financement de développement et énonce quelques
limites de l'approche DSRP.
Il en ressort que malgré les ruptures
provoquées par l'Initiative PPTE par rapport aux indicateurs de
viabilité de la dette extérieure et du taux de pauvreté,
il y a toujours des permanences relatives à la ténacité
des inégalités et aux besoins nécessaires pour financer le
développement. Ces permanences sont révélatrices de
l'insuffisance des ressources additionnelles, y compris celle du budget de
l'Etat pour l'atteinte des objectifs internationaux de développement
fixés pour 2015.
Octave Jokung Nguéna, dans son récent ouvrage
intitulé Initiative PPTE. Quels enjeux pour l'Afrique ?, part
de l'observation de la situation socioéconomique de l'Afrique pour
attirer l'attention des acteurs de développement africains sur les
enjeux de cette Initiative. Il constate que le continent ploie sous le poids
d'une dette qui obère ses chances de relance économique, et se
trouve en situation de marginalisation et de paupérisation. Il pense que
l'Initiative est l'occasion pour les pays bénéficiaires de
développer les capacités de l'Etat, de la société
civile et des collectivités locales, afin de sceller un contrat de
développement participatif et re-distributif. L'appropriation, la
collaboration et le rapprochement des populations sont, d'après lui, les
garants de la réussite de cette Initiative.
Il s'intéresse particulièrement à la
situation du Cameroun qui court encore après le « point
d'achèvement » et fait des recommandations. Ainsi, pour profiter
des enjeux aussi bien financiers que stratégiques et socio-politiques de
cette Initiative, le Cameroun devra, entre autres, réapproprier le
rôle de l'Etat, renforcer les capacités de la
société civile, restaurer les tableaux de bord économiques
et sociaux.
En somme, toutes ces études s'intéressent de
près à la lutte contre la pauvreté au Cameroun. Celles de
la première thématique font la critique des stratégies
traditionnelles de lutte contre la pauvreté au Cameroun et
préconisent une approche plus objective visant la promotion d'un
développement partagé. Celles de la seconde thématique,
qui se rapprochent plus de notre sujet, sont orientées vers une approche
évaluative de l'Initiative PPTE par rapport à la lutte contre la
pauvreté au Cameroun.
Cette évaluation à dominance économique,
ne permet pas de rendre compte de la capacité de l'Initiative PPTE
à lutter contre la pauvreté au Cameroun, pour autant qu'elle
ignore la dimension sociologique de cette Initiative. D'où, et ce qui
fait l'originalité de cette étude, l'analyse sociologique de la
mise en oeuvre du volet social de cette Initiative au Cameroun.
V. PROBLEMATIQUE DE RECHERCHE
Instrument principal de la politique de lutte contre la
pauvreté, l'Initiative PPTE succède aux Programmes d'ajustement
structurel (PAS) qui ont eu des conséquences sociales néfastes
sur les conditions de vie des populations des pays qui ont fait l'objet de leur
application, parmi lesquels le Cameroun :
« En aggravant la crise dans ses effets sociaux, les
mesures d'ajustement structurel touchent la vie quotidienne de tous les
individus, aînés et cadets sociaux, hommes et femmes notables et
« sans importance ». Elle devient ainsi directement palpable dans
l'espace où chacun inscrit sa vie et se bat pour survivre à des
moments et circonstances particulières. Les victimes directes de
l'ajustement structurel-« compressés », licenciés,
créanciers de l'Etat, propriétaires, contractuels de projets de
développement, caféiculteurs, diplômés sans emploi,
etc., se retrouvent dans la masse de tous ceux qui sont mis indirectement en
marge ».
Compte tenu de ces conséquences des PAS d'une part, du
lien établi entre l'Initiative PPTE et la lutte contre la
pauvreté, et des atouts proclamés de cette Initiative sur la
lutte contre la pauvreté d'autre part, son avènement au Cameroun
suscite le questionnement quant à son efficacité sur la lutte
contre la pauvreté. Ainsi, la question qui sert de fil conducteur
à cette étude se décline en ces termes :
L'Initiative PPTE peut-elle contribuer efficacement
à la lutte contre la pauvreté au Cameroun ?
VI. HYPOTHESES DE RECHERCHE
VI.1. Hypothèse générale
L'efficacité de la contribution de l'Initiative PPTE
à la lutte contre la pauvreté au Cameroun est
déterminée par la démarche adoptée pour sa mise en
oeuvre. La mise en oeuvre efficace des initiatives de développement est
déterminée par l'application des mécanismes adaptés
et de l'approche participative.
En effet, depuis la réflexion sur la « dimension
culturelle du développement » qui a réuni à Paris en
1992 la Banque mondiale, l'UNESCO, et d'autres organismes de
développement, réflexion au cours de laquelle il a
été reconnu que l'échec de la plupart des initiatives de
développement s'explique par une « conception étroite du
développement qui ne prend pas en compte la diversité des
cultures et des sociétés » , il s'est imposé la
nécessité d'une articulation entre développement et
sociétés. De cette articulation découle la double
démarche d'adaptation et de participation en matière de mise en
oeuvre des projets de développement. Adaptation par rapport aux besoins
et attentes des bénéficiaires des projets, et participation par
rapport à l'implication de ceux-ci dans la mise en oeuvre desdits
projets. Et la Banque mondiale affirmait encore à propos, dans le bilan
de son action lors de la conférence de Monterrey :
« Une leçon tirée de
l'expérience passée est que la reforme ne réussit
généralement pas sans une forte appropriation locale et une
approche large qui inclut la prise en compte des institutions, la gouvernance
et la participation des acteurs... ».
L'observation de cette double démarche dans la mise en
oeuvre de l'Initiative PPTE détermine son efficacité sur la lutte
contre la pauvreté au Cameroun.
VI.2. Hypothèses secondaires
VI.2.1- Hypothèse 1
L'adéquation des mécanismes de mise en oeuvre de
l'Initiative PPTE aux besoins et attentes des populations
bénéficiaires détermine son efficacité sur la lutte
contre la pauvreté au Cameroun. Cette démarche suppose la prise
en compte des préoccupations des populations bénéficiaires
dans cette mise en oeuvre.
VI.2.2- Hypothèse
2
La participation des bénéficiaires à la
mise en oeuvre de l'Initiative PPTE détermine son efficacité sur
la lutte contre la pauvreté au Cameroun. Cette démarche vise
l'appropriation des projets par les bénéficiaires et suppose leur
implication dans leur mise en oeuvre.
VII. OBJECTIFS DE RECHERCHE
VII.1- Objectif général
L'objectif général de la présente
étude est d'évaluer l'efficacité de l'Initiative PPTE sur
la réduction de la pauvreté au Cameroun, à partir de
l'analyse sociologique de la mise en oeuvre de cette Initiative. Cet objectif
général se subdivise en deux objectifs spécifiques.
VII.2- OBJECTIFS SPECIFIQUES
VII.2.1- Objectif spécifique
1
L'étude se propose d'évaluer, à partir de
l'analyse sociologique, l'adéquation des mécanismes de mise en
oeuvre de l'Initiative PPTE aux besoins et attentes des populations
bénéficiaires.
VII.2.2- Objectif spécifique
2
L'étude se propose également d'évaluer,
à partir de l'analyse sociologique, la participation des populations
bénéficiaires à la mise en oeuvre de l'Initiative PPTE.
VIII. METHODOLOGIE DE RECHERCHE
VIII.1- TECHNIQUES DE COLLECTE DES
DONNEES.
Dans le cadre de cette étude, deux techniques de
collecte des données ont été utilisées. Il s'agit
de :
L'observation documentaire : elle a porté sur les
rapports, les textes et les autres documents relatifs à la lutte contre
la pauvreté au Cameroun ;
L'entretien semi-structuré : il s'est effectué
avec les personnes ressources et les différents acteurs impliqués
dans la mise en oeuvre des projets PPTE au Cameroun.
VIII.2. OUTILS DE COLLECTE DES DONNEES.
Deux types d'outils ont été utilisés pour
la collecte des données :
-la fiche de lecture pour les rapports, les textes et les
autres documents relatifs à l'étude ;
-le guide d'entretien pour l'entretien
sémi-structuré avec les personnes ressources et les
différents acteurs de la mise en oeuvre des projets PPTE au Cameroun.
VIII.3. TECHNIQUE D'ANALYSE DES DONNEES
La technique d'analyse des données utilisées
pour cette étude est l'analyse qualitative de contenu.
VIII.4. METHODE D'ECHANTILLONNAGE
L'Initiative PPTE faisant intervenir plusieurs
catégories d'acteurs dans sa mise en oeuvre, cette étude a
donné lieu à un échantillonnage par strates. Le principe
de cette méthode consiste à segmenter la population
d'étude à partir d'un ou de plusieurs critères
définis a priori. La méthode repose sur
l'hypothèse selon laquelle il existe une corrélation entre le
phénomène étudié et les critères retenus
pour la segmentation de la population, l'objectif étant d'obtenir des
segments regroupant des éléments les plus homogènes
possibles par rapport au phénomène étudié.
VIII.4.1. Critères de
sélection.
Les acteurs de la mise en oeuvre de l'Initiative PPTE au
Cameroun peuvent être regroupés en trois catégories selon
leur niveau d'intervention dans cette mise en oeuvre. Ainsi, il y a les acteurs
au sommet, les acteurs intermédiaires et les acteurs à la base ou
bénéficiaires principaux des projets. Eu égard à
cette catégorisation, les unités d'observation ont
été choisies suivant les critères ci-après :
-leur appartenance à l'une de ces trois
catégories d'acteurs ;
-leur implication réelle ou supposée dans la
mise en oeuvre de l'Initiative PPTE au Cameroun.
VIII.4.2. La sélection des
unités d'observation
Les unités d'observation ont été
choisies suivant les critères sus-évoqués et dans chacune
des catégories sus-mentionnées. Ainsi, ont fait l'objet de cette
étude, les unités ci-après.
VIII.4.2.1. Les acteurs au
sommet
Ils regroupent les institutions en charge de la politique
générale de l'Initiative PPTE au Cameroun. Dans cette
catégorie se retrouvent la Banque mondiale, le Fond monétaire
international (FMI) et le gouvernement à travers le ministère de
tutelle du Comité consultatif et de suivi de la gestion des ressources
PPTE (CCS-PPTE). Ont servi de cadre à cette étude dans cette
catégorie : la Banque mondiale, (bailleurs de fonds) et le MINEFI
(gouvernement).
VIII.4.2.2. Les acteurs
intermédiaires.
Cette catégorie est constituée d'acteurs jouant
le rôle d'interface entre les acteurs au sommet et ceux de la base. Au
centre de cette catégorie se retrouve le Comité consultatif et de
suivi de la gestion des ressources PPTE (CCS-PPTE) qui a pour rôle de
sélectionner les projets éligibles au financement PPTE. Tout au
tour de ce Comité se retrouvent les départements
ministériels promoteurs de projets, et les organisations de la
société civile.
Dans cette catégorie, ont servi de cadre à cette
étude :
Les départements ministériels : MINEPAT,
MINADER, MINSANTE, MINAS, MINPROFF ;
Les organes de gestion des ressources PPTE : CCS/PPTE, CTS
;
Les organisations de la société civile :
CANADEL, APICA, BASC.
VIII.4.2.3. Les acteurs à la
base
Cette catégorie d'acteurs est constituée des
bénéficiaires réels ou supposés des projets PPTE.
Parmi eux se retrouvent les organisations à la base et les populations
cibles des projets. Ont servi de cadre à cette étude dans cette
catégorie : L'UNEXPALM et le GLP.
VIII.5. CADRE CONCEPTUEL DE L'ETUDE
VIII.5.1. Les variables
VIII.5.1.1. Variable
dépendante
La variable dépendante est le phénomène
que l'on se propose d'étudier. Pour le cas de cette étude, il
s'agit de l'Initiative PPTE.
VIII.5.1.2. Variables
indépendantes
La variable indépendante est le facteur qui explique
le phénomène étudié (la variable
dépendante). Elle influence la variable dépendante. Il s'agit
pour le cas de cette étude de deux facteurs : l'adéquation des
mécanismes et la participation des bénéficiaires.
VIII.5.2. Les indicateurs des variables
indépendantes
VIII.5.2.1. Les indicateurs de l'adéquation
des mécanismes aux besoin et attentes des populations
Domaines cibles de l'Initiative ;
Critères d'éligibilité des projets ;
Origines des projets ;
Procédure de mise en oeuvre des projets ;
Financement des projets ;
Réalisation des projets.
VIII.5.2.2. Les indicateurs de la participation des
bénéficiaires
1 Rôle des bénéficiaires dans la mise en
oeuvre des projets ;
2 Degré d'implication dans la mise en oeuvre des
projets ;
3 Consultation des bénéficiaires dans la mise
en oeuvre des projets.
VIII.6. CADRE THEORIQUE D'ANALYSE
L'analyse sociologique de la mise en oeuvre de l'Initiative
PPTE au Cameroun a requis un certain nombre de grilles d'analyse. Trois grilles
d'analyse ont été utilisées. Il s'agit de l'analyse
sociocritique, de l'analyse systémique et de l'analyse
stratégique.
VIII.6.1. L'analyse
sociocritique
Héritage de l'école de Frankfort, l'analyse
sociocritique a pour ambition d'appliquer la théorie critique à
la lecture de la réalité sociale. Elle recommande une position de
soupçon vis-à-vis des apparences. Développé en
Sociologie par des auteurs tels que Georges Balandier et Jean Ziegler, elle
à pour vocation de mettre en évidence ce qui est caché.
Jean Ziegler écrit à ce sujet :
« Ce qui est montré est à expliquer par
ce qui ne se montre pas, car le caché est le plus véridique
».
L'approche sociocritique permet de déceler les aspects
cachés de la réalité sociale. Elle a permis, dans le cadre
de cette étude, de mettre en évidence les non-dits de la mise en
oeuvre de l'Initiative PPTE au Cameroun.
VIII.6.2. L'analyse
systémique
Enrichie par les apports de la cybernétique et des
théories de la communication, l'approche systémique insiste sur
l'urgence de penser la globalité ( et non les éléments
distincts), d'étudier les interactions (et non la causalité),de
percevoir les systèmes comme des ensembles de transformation (et non
statique), de saisir toutes les complexités. L'analyse systémique
envisagée pour cette étude est celle des applications
théoriques en Sciences politiques, celle développé par
David Easton (1965).
L'analyse systémique dans la perspective de Easton
consiste à étudier l'ensemble des interactions qui se produisent
entre le système et son environnement par les mécanismes d'
« input » et d' « output » .Les « input » sont
constitués par l'ensemble des demandes et soutien dirigés vers le
système.
A l'intérieur du système, les demandes et les
soutiens sont convertis par la réaction combinée de tous les
éléments constitutifs et provoquent de la part de
l'autorité régulatrice une réaction qui exprime la
manière dont ce système s'adapte ou tente de s'adapter aux
incitations et aux pressions qui émanent de l'environnement. Cette
réaction globale constitue la réponse du système ou «
output », mais amorce en même temps un nouveau circuit de
réaction ou « feedback » qui contribue à son tour
à modifier l'environnement d'où partiront ensuite de nouvelles
demandes et nouveaux soutiens. Telle se présente de façon
caricaturale, l'analyse systémique développée par David
Easton.
La mise en oeuvre de l'Initiative PPTE met en interaction
trois types de protagonistes : les promoteurs de projets, l'organe de gestion
des ressources PPTE (CCS/PPTE) et les bénéficiaires des
projets.
Les promoteurs des projets soumettent les projets («
input ») au CCS/PPTE qui en assure l'éligibilité et les
dirige (« output ») vers les bénéficiaires. La
réaction des bénéficiaires à ces projets («
feedback ») amorce un nouveau circuit en même temps qu'il contribue
à la formation de nouvelles demandes.
De façon schématique, l'application de cette
approche à notre étude se présente ainsi qu'il suit :
L'analyse systémique permet de rendre compte de la
capacité de l'Initiative PPTE à lutter contre la pauvreté
au Cameroun, à travers l'analyse des « inputs » et des «
output » de leur mise en oeuvre.
VIII.6.3. L'analyse
stratégique
L'analyse stratégique développée par
Crozier et Friedberg permet dans le cadre de la présente étude
d'analyser les stratégies des promoteurs des projets PPTE. En bref, le
volet social de l'Initiative PPTE est mis en oeuvre suivant des règles
et des principes qui sont au centre des stratégies des promoteurs de
projets. Face à la rigidité de ces règles et principes,
les promoteurs de projets ont développé des stratégies qui
leur permettent d'accéder au circuit de mise en oeuvre des projets, tout
en contournant les règles et les principes en vigueur.
L'application de cette analyse à la mise en oeuvre des
projets PPTE est susceptible de fournir des éléments
nécessaires pour la compréhension de l'impact de l'Initiative
PPTE sur la réduction de la pauvreté au Cameroun.
En somme, l'analyse sociocritique, l'analyse systémique
et l'analyse stratégique sont les trois grilles d'analyse
utilisées pour la lecture de la mise en oeuvre de l'Initiative PPTE au
Cameroun.
IX. INTERET DE L'ETUDE
Cette étude a un intérêt à la fois
théorique et pratique.
Au plan théorique, elle s'inscrit au coeur des
préoccupations de la Sociologie du développement et contribue
à montrer l'importance de cette Sociologie pour l'analyse des politiques
de développement. Plus explicitement, elle contribue à la
compréhension de la dynamique des politiques de développement
dans un contexte international marqué par la poursuite des objectifs
internationaux de développement, notamment celui relatif à la
réduction de la pauvreté de moitié à l'horizon
2015.
Au plan pratique, l'élection du Cameroun à
l'Initiative en faveur des pays pauvres et très endettés
(Initiative PPTE) a consacré la politique de lutte contre la
pauvreté au Cameroun. Cette Initiative qui vise le développement
des pays bénéficiaires par la réduction de leur niveau
d'endettement et de pauvreté, intervient à la suite des
Programmes d'ajustement structurel (PAS). Les résultats peu probants des
PAS ont suscité bien des déconvenues et sèment le doute
dans l'esprit du grand public quant à l'efficacité de
l'Initiative PPTE sur la lutte contre la pauvreté au Cameroun. La
présente étude est une tentative d'évaluation de
l'efficacité de l'Initiative PPTE sur la lutte contre la pauvreté
au Cameroun.
X. DEFINITION DES TERMES-CLES
Cette étude a donné lieu à l'usage d'un
certain nombre de termes qu'il est nécessaire de définir pour
faciliter la lecture du présent document. Ainsi, que faut-il entendre
par lutte contre la pauvreté, par mise en oeuvre de l'Initiative PPTE,
par « configuration développementiste » et par projet PPTE.
Lutte contre la pauvreté : Il
s'agit des actions relevant des politiques publiques de développement et
visant l'amélioration des conditions de vie des populations. Ces actions
sont à ne pas confondre avec les stratégies quotidiennes de
survie développées par les populations camerounaises.
Mise en oeuvre des projets : Ce groupe
de mots désigne le processus de matérialisation de cette
Initiative, notamment de son volet social. Ce processus comprend les
étapes que suivent les projets PPTE au Cameroun, celles de la
sélection et de la réalisation proprement dite.
« Configuration développementiste
» : Cette expression de Jean-Pierre Olivier de SARDAN
désigne l'univers largement cosmopolite d'experts, de bureaucrates, de
responsables d'ONG, de chercheurs, de techniciens, de chefs de projets,
d'agents de terrain qui vivent en quelque sorte du développement des
autres, et mobilisent ou gèrent à cet effet des ressources
matérielles et symboliques considérables.Dans le cadre de cette
étude, elle désigne l'ensemble constitué de trois acteurs
concernés par la mise en oeuvre de l'Initiative PPTE au Cameroun. Il
s'agit des acteurs au sommet, des acteurs intermédiaires et des acteurs
à la base.
Projets PPTE : Ce sont les initiatives
de développement mises en oeuvre ou en voie de l'être dans le
cadre de l'Initiative PPTE.
XI. DIFFICULTES RENCONTREES
La conduite de cette étude a été
émaillée de nombreuses difficultés. La première est
relative à l'indisponibilité des ouvrages et des données y
relatifs; la seconde à la collecte des informations, du fait de
l'indisponibilité permanente des personnes ressources; la
dernière, d'ordre pécuniaire, ne nous a pas permis d'avoir les
coudées franches dans l'exécution du calendrier de recherche
relative à cette étude.
XII. PLAN DE L'ETUDE
Cette étude est subdivisée en quatre (04)
chapitres. Le premier chapitre fait une présentation de l'Initiative
PPTE et retrace le parcours du Cameroun dans cette Initiative. Le second est
consacré à la pauvreté et la problématique de lutte
contre la pauvreté au Cameroun. Le troisième quant à lui
analyse les mécanismes de mise en oeuvre de l'Initiative PPTE au
Cameroun. Le quatrième et dernier chapitre analyse l'approche
participative dans la mise en oeuvre de cette Initiative.
Chapitre I :
Le concept d'Initiative PPTE
La politique de lutte contre le sous-développement a eu
pour instrument principal les Programmes d'ajustement structurel (PAS). Mais
les déconvenues de cette politique ont conduit à la promotion et
à la consécration de la politique de lutte contre la
pauvreté, laquelle politique a pour instrument par excellence
l'Initiative en faveur des pays pauvres très endettés (Initiative
PPTE). Cette Initiative a fait une entrée remarquable dans le langage
des acteurs engagés dans le développement au Cameroun, comme dans
bien d'autres pays bénéficiaires. Au-delà du grand usage
qui en est fait, elle suscite toujours le questionnement quant à son
identité propre. Que faut-il entendre par Initiative PPTE ? Quels en
sont les principes ? Quelle en est la spécificité ? Et puisque le
Cameroun y est admis, quelle en est sa situation et quel en est son parcours ?
Quels sont enfin les écueils déjà relevés de cette
Initiative ? La réponse à toutes ces questions fait l'objet du
présent chapitre.
I. APPROCHE THEORIQUE DE L'INITIATIVE PPTE
L'intelligibilité de l'Initiative PPTE passe
nécessairement par sa définition, son aperçu historique et
son fondement théorique.
I.1. L'Initiative PPTE : Esquisse de définition
L'Initiative en faveur des pays pauvres très
endettés en abrégé Initiative PPTE, plus connue sous son
sigle anglais HIPC pour Highly indebted poor countries, est la dernière
stratégie en date en matière de désendettement. Elle
s'inscrit dans le cadre de la conversion de la dette et succède à
plusieurs autres stratégies déjà
expérimentées. L'Accord de Toronto (1988) ou plan de
réduction de la dette publique des pays à faibles revenus, le
Plan Brady (1989) qui allie allègement de la dette et octroi de nouveaux
crédits, le Plan de Trinidad (1990) qui offre un allègement plus
substantiel de la dette des pays les plus démunis, l'Initiative de
réduction de la dette des pays les plus endettés selon les termes
de Naples (1994) : réduction jusqu'à 67% de la dette des pays les
moins avancés (PMA) sous réserve de la mise en place d'un
programme d'ajustement, sont entre autres les stratégies
déjà expérimentées en matière de
désendettement des pays éprouvant des difficultés à
honorer leur service de la dette extérieure. En raison de l'impact
limité de ces stratégies sur le niveau d'endettement de ces pays
à faibles revenus ou à revenus intermédiaires et
lourdement endettés, le Fonds monétaire international (FMI) et la
Banque mondiale ont conjointement proposé en septembre 1996 à
Lyon, l'Initiative de réduction de la dette en faveur des pays pauvres
très endettés ou Initiative PPTE.
En effet, après la crise des années 1980, des
mesures ont été prises pour soutenir les pays ainsi
frappés. Ces mesures, Programmes d'ajustement structurel (PAS),
rééchelonnements du service de la dette arrivant à
échéance, opérations sur le stock de la dette, n'ont pas
produit les résultats attendus en terme d'amélioration sensible
de leurs principaux indicateurs d'endettement, particulièrement dans les
pays de l'Afrique subsaharienne qui ont continué à accumuler
d'importantes dettes. Par ailleurs, à la morosité de la
croissance économique s'est ajoutée une pauvreté
grandissante dans la plupart de ces pays. C'est pour remédier à
cette situation que le FMI et la Banque mondiale ont conjointement lancé
cette Initiative dont l'objectif principal est d'offrir aux pays pauvres
très endettés la possibilité de se libérer du
cercle vicieux de l'endettement extérieur, en investissant les
économies réalisées de l'allègement de leur dette
dans les projets et programmes destinés à réduire la
pauvreté dans leurs pays respectifs.
L'Initiative PPTE place la lutte contre la pauvreté au
centre du dispositif de réduction de la dette, en faisant de la
rédaction du Document de stratégies de réduction de la
pauvreté (DSRP) une condition d'éligibilité d'une part, et
du lien entre réduction de la dette et réduction de la
pauvreté une conditionnalité générale s'appliquant
à tous les nouveaux financements sous conditions
privilégiées des IBW d'autre part. Ainsi, les DSRP remplacent
désormais les anciens Documents cadre de politique économique
(DCPE) et deviennent en principe le Document de référence pour
l'ensemble des bailleurs de fonds.
L'identité de l'Initiative PPTE se décline plus
aisément à travers le schéma ci-après, lequel
permet également d'établir la différence entre cette
dernière et les PAS d'une part, et entre la politique de lutte contre la
pauvreté et la politique de lutte contre le sous-développement,
d'autre part. Cette différence se lit plus aisément dans le
schéma ci-dessous.
Schéma 1 : Les innovations apportées
par l'IPPTE
Politique de développement
Spécificités desdites
politiques
|
Politique de lutte contre le sous-développement
|
Politique de lutte contre la pauvreté
|
Objectif principal
|
Ajustement structurel
|
Lutte contre la pauvreté
|
Instrument principal
|
Programme d'ajustement structurel (PAS)
|
Initiative Pays pauvres très endettés (IPPTE)
|
Sous-instruments ou composantes de l'instrument principal
|
Document cadre de politique économique (DCPE)
|
Document de stratégies de réduction de la
pauvreté (DSRP)
|
|
Crédit d'ajustement structurel (Banque mondiale)
|
Crédit de soutien à la réduction de la
pauvreté (Banque mondiale)
|
|
Facilité d'ajustement structurel renforcée (FMI)
|
Facilité pour la réduction de la pauvreté et
la croissance (FMI)
|
Traitement de la dette
|
-Indirect (Club de Paris)
|
Allègement de la dette (PPTE)
|
Elaboration
|
-1 Politique imposée de l'extérieure -2
Décidée « d'en haut » -3 Secret
|
-4 Politique élaborée par le pays -5 Approche
« par le bas » -6 Transparence
|
Prise en compte des spécificités du pays
|
Faible
|
Forte
|
Financement
|
Priorité aide-projet
|
Priorité aide budgétaire
|
Indicateurs de suivi/conditionnalité
|
Indicateur de moyens
|
Indicateurs de résultats
|
Source : A partir de Cling,
Jean-Pierre et al (Dir.).
Il apparaît que l'Initiative PPTE est l'instrument de
la nouvelle politique de développement, une politique axée
à la fois sur le désendettement et la réduction de la
pauvreté. Plus simplement, l'Initiative PPTE est un instrument de
développement basé sur la reconversion de la dette
extérieure des pays pauvres et très endettés en projets de
développement .Elle a un volet économique qui consiste en la
conduite des reformes économiques en vue de l'atteinte des performances
macroéconomiques,et un volet social qui consiste en la mise en oeuvre
des projets de développement. Elle s'opérationnalise par le
virement des fonds destinés au service de la dette extérieure
dans un compte destiné au financement des projets de
développement social. Quel en est donc l'historique ?
I.2. L'Initiative PPTE : Aperçu historique
L'Initiative PPTE est l'aboutissement d'un long processus de
désendettement qui plonge ses racines dans l'histoire de l'accumulation
des arriérés de paiement de dette extérieure par les pays
à faibles revenus. En effet, après la crise de la dette des
années 1980, crise marquée par le défaut de paiement du
Mexique, le risque d'une crise financière internationale est devenu
permanent. Pour endiguer cette crise de la dette et éviter que par effet
de contagion celle-ci mette en péril l'équilibre du
système financier international, des solutions ont été
envisagées. Les créanciers publics ont progressivement admis
qu'une partie de la dette des pays du Sud était impayable et qu'un
allègement de la charge de cette dette était inéluctable.
Toute une série de mesuresvisant à contenir cette crise de la
dette s'est donc mise en place au cours des années 1980, après
celle de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le
développement (CNUCED) intervenue deux ans plus tôt,
précisément en 1978. Au cours des années 1980, les
réductions de dette vont commencer à être accordées
de manière systématique par le Club de Paris. Les
réductions vont porter initialement sur 33% des flux
rééchelonnés (sommet du G7 à Toronto en 1988), puis
sur 50% (Londres en 1991). Le G7 réunis à Naples en 1994 porte ce
pourcentage à 67%.
Face à la pression des organisations de la
société civile qui mettent en exergue les effets catastrophiques
du surendettement sur les populations des pays pauvres, et devant le constat du
maintien d'un niveau d'endettement insupportable malgré les
rééchelonnements successifs, les pays du G7 réunis
à Lyon en 1996 lancent une Initiative en faveur d'un groupe de pays
considérés comme « pays pauvres très endettés
» (PPTE), portant le pourcentage de réduction de leur dette
à 80. Ce plan d'allègement engage pour la première fois de
manière intégrée tous les types de créanciers
publics, y compris les Institutions financières internationales (IFI)
qui jusqu'alors se refusaient à alléger la dette
multilatérale. Mais cette première initiative n'a pas
tardé à montrer ses limites. Sous la pression de la campagne
Jubilé 2000 qui a collecté plus de 24 millions de signatures dans
le monde, les pays du G7 réunis à Cologne en 1999 décident
de renforcer l'Initiative PPTE I. L' Initiative PPTE II lancée en 1999
permet d'accroître le nombre de pays bénéficiaires et le
volume des allègements, un assouplissement des critères
d'éligibilité, des allègements plus rapides et une
orientation de l'Initiative sur la réduction de la pauvreté.
A ces mesures vont s'ajouter des initiatives de
réduction de la dette dans un cadre purement bilatéral. La
réduction de la dette des pays de la zone franc entreprise par la France
en 1989 et en 1994, la Facilité Suisse de désendettement (FSD)
lancée par la Suisse en 1991 la réduction sensible de la dette
bilatérale des pays pauvres très endettés par la Chine en
2000 constituent, entre autres, les initiatives bilatérales de
réduction de la dette qui ont favorisé l'adoption de
l'Initiative PPTE.
Toutes ces mesures et bien d'autres s'inscrivant dans la
même perspective ont contribué à l'adoption de l'Initiative
PPTE par les Institutions de Bretton Woods. En somme, l'Initiative PPTE plonge
ses origines dans l'histoire du désendettement des pays à faibles
revenus très endettés. Ces pays pauvres considérés
comme « très endettés » dans le cadre de cette
Initiative forment une quarantaine de pays à faible niveau de PIB par
habitant qui ont accès à des ressources bon marché
auprès de la Banque mondiale et du FMI. Cette Initiative rompt avec le
tabou de l'intangibilité de la dette multilatérale et repose sur
la définition des règles générales de
réduction de la dette. Pour cela, elle constitue une avancée par
rapport aux pratiques antérieures. Quelles sont alors les bases
théoriques de cette Initiative ?
I.3. L'Initiative PPTE : fondements théoriques
Au-delà des revendications d'ordre éthique
(devoir de solidarité mondiale, Jubilé 2000) qui ont
plaidé en faveur de l'adoption de l'Initiative PPTE, cette
dernière repose sur des théories à la fois
économique et juridique.
I.3.1. Fondement économique de l'Initiative
PPTE
Face aux problèmes de l'endettement endémique
des pays du sud, plusieurs méthodes issues de la « théorie
de l'excès d'endettement » ont été envisagées
et expérimentées pour ramener le niveau de dette de ces pays
à de niveaux soutenables, solvables. Au nombre de ces méthodes
figurent le rééchelonnement et la conversion.
Le rééchelonnement de la dette consiste pour un
créancier à consentir à son débiteur le report,
à une date ultérieure, du paiement des termes échus du
service de la dette. Il en résulte une diminution immédiate du
service de la dette mais une augmentation au total de son montant selon la
méthode dite du « chasse-neige ».
La conversion quant à elle consiste à
transformer les titres de créances en éléments d'actifs ou
en dette interne. Connue sous le terme anglais « swap » qui signifie
échange, cette opération consiste pour un Etat endetté
à obtenir de rembourser sa dette en monnaie locale à condition
que les sommes remboursées soient réinvesties dans le pays.
La conversion de la dette peut s'effectuer contre actifs
locaux (actions, obligations) ou en projets de développement.
La conversion de la dette contre actif implique
généralement le rachat de la dette avec décote par un
investisseur qui l'échange contre des fonds en monnaie locale
utilisée pour acheter des actifs ou titres privés.
La conversion de la dette en programmes de
développement implique également son rachat avec décote
sur le marché secondaire et son échange en monnaie locale en vue
de financer des projets de développement en actions sociales : projets
environnementaux, éducation, santé, lutte contre la
pauvreté.
A l'issue de cette exploration des méthodes
économiques de traitement de dette, il apparaît que l'Initiative
PPTE relève de la conversion, plus précisément de la
conversion de la dette en programmes de développement.
Après avoir rencontré une forte opposition chez
les créanciers, c'est à la fin des années 1980 que cette
pratique prend effet à la faveur de la prise de conscience par les
créanciers que l'abandon partiel de créance ne recouvre pas un
acte de générosité mais de réalisme
économique, dans la mesure où ils reconnaissent qu'en situation
de surendettement, faute de contrepartie, la valeur réelle d'une
créance est inférieure à sa valeur nominale. Cette prise
de conscience prend sa source dans une analyse de l'américain Krugman
qui, s'inspirant d'un modèle popularisé par son collègue
Laffer en matière de taux de prélèvement fiscal,
relève qu'au-delà d'un certain niveau, l'augmentation nominale de
la dette du débiteur souverain s'accompagne d'une diminution de sa
valeur réelle. Dans cette situation, préconise-t-il, un
traitement efficient de l'endettement des pays nécessite une
réduction du montant nominal du passif afin d'accroître la valeur
marchande courante des remboursements futurs. En d'autres termes, un effacement
de tout ou partie de l'endettement global du débiteur souverain s'impose
au moyen des procédés de capitalisation ou de rémission
des dettes. C'est sous cet angle théorique que peut être
économiquement comprise l'Initiative en faveur des pays pauvres
très endettés. Cette Initiative a également un fondement
juridique.
I.3.2. Fondement juridique de l'Initiative
PPTE
Le problème de l'endettement fait également
l'objet des analyses juridiques. Il y est reconnu que des changements sensibles
d'orientation dans la conjoncture économique générale
(ralentissement de la hausse des prix et des affaires) peuvent hausser le poids
de la charge courante et future des annuités d'emprunts, à tel
point que le débiteur se révèle être dans
l'incapacité immédiate et/ou à venir d'en assurer le
remboursement. Cette défaillance du débiteur, reconnaît
l'analyse juridique, ne relève pas de son incompétence ou de sa
malhonnêteté, elle trouve plutôt son origine dans la crise.
Et dans cette situation, la morale des relations entre les sujets au lien
d'obligation, mais aussi l'intérêt même du créancier
au rétablissement de son débiteur (afin que se poursuivent au
mieux leurs relations d'affaires), condamnent l'exécution du contrat
selon ses modalités initiales. Il s'impose alors la
nécessité d'un réaménagement qui requiert la
participation des créanciers. Cette participation se traduit par
l'ouverture des pourparlers entre les parties qui s'accordent sur la
nécessité de maintenir entre elles un rapport obligatoire tout en
recomposant la substance de l'endettement du débiteur dans des termes
correspondant à ses nouvelles capacités de remboursement. La
dette acquiert alors le statut d'objet de négociations à l'issue
desquelles les parties concluent des conventions définissant de
nouvelles prestations financières à la charge du débiteur.
Ainsi, la recomposition de l'endettement assure la poursuite des relations
d'affaires entre le débiteur et ses créanciers tout en permettant
aux seconds de recouvrer une partie de leurs droits et au premier de se
libérer en exécutant des prestations
réaménagées.
Cette recomposition de l'endettement s'inscrit, sur le plan
technique, dans deux sortes de contrats, ceux qui impliquent l'extinction des
rapports d'obligation originels sous l'effet d'une novation de l'endettement et
ceux qui maintiennent les liens de droit initiaux en opérant une simple
modification de l'endettement.
La novation est une mutation de l'obligation qui
s'opère soit par changement de créancier, soit par changement
d'objet, voire par changement de modalités. Par changement de
créancier, la novation a pour effet de faire payer la créance due
par le débiteur à un créancier autre que celui qui avait
noué le rapport d'obligation. Par changement d'objet, elle a pour effet
de remplacer l'ancienne créance par une nouvelle ayant un objet
différent.
L'Initiative PPTE semble conduire à ces deux niveaux
de la novation. D'une part, le mécanisme de l'Initiative PPTE met
à la charge du débiteur une obligation de conversion de la dette
de sommes d'argent initialement dues en obligation de développement.
D'autre part, cette obligation de développement a pour créanciers
les populations du pays débiteur et non plus les créanciers
prêteurs.
La modification de l'endettement renvoie au concordat. Il
s'agit d'une convention à caractère collectif par laquelle
l'Assemblée générale des créanciers chirographaires
d'un débiteur en règlement judiciaire lui accorde soit les
délais de paiement (concordat d'atermoiement), soit des remises d'une
fraction uniforme de chacune de ses dettes chirographaires (concordat de
remise), soit simultanément des délais et des remises.
Les remises de dette dans le cadre du concordat ne peuvent
être assimilées aux remises de dette proprement dites qui sont
purement volontaires. De plus, leur soumission à une acceptation de la
part du débiteur n'enlève rien au contexte judiciaire dans lequel
elles s'inscrivent et qui est étranger à la remise de dette. En
outre, l'intention libérale qui fonderait la remise de dette y serait
absente. Les créanciers n'agissent que dans leurs intérêts
et ne cherchent qu'à sauver une partie de leurs droits, en autorisant la
poursuite de l'exploitation commerciale par le débiteur. Les remises de
dette consentie dans le cadre de l'Initiative PPTE s'inscriraient dans un
contexte marqué par le souci des créanciers de sauver une partie
de leurs engagements de solidarité. Ils auraient ainsi par le truchement
de l'Initiative PPTE partiellement résolu la question de l'aide aux pays
en développement.
A l'issue de l'analyse de l'Initiative PPTE en rapport avec
les dispositifs de traitement de la dette, il apparaît qu'elle a un
fondement juridique. Elle est pleinement fondée sur la novation de
l'endettement et légèrement sur le concordat. Il en ressort
qu'elle constitue un devoir de solidarité de la part des
créanciers.
En effet, à travers ses aspects et ses objectifs
fondamentaux, l'Initiative PPTE apparaît comme un instrument de
conquête des droits économiques et sociaux. Le droit à
l'éducation et à la santé, l'accès à l'eau
potable, à un logement décent ou encore aux infrastructures de
base constituent ce que l'on appelle les services sociaux essentiels. Il s'agit
en droit, des besoins fondamentaux et nécessaires à la
dignité de tout être humain. Le constat que ces droits font
défaut dans les pays pauvres très endettés justifierait
également cette initiative en faveur desdits pays. Il y donc lieu
d'affirmer que la réduction de la pauvreté qui est l'objectif
final de l'Initiative PPTE s'inspire largement du souci de procurer ou de
renforcer le minimum social aux populations des pays pauvres très
endettés. L'Initiative PPTE est donc également fondée sur
le souci d'humanisation du monde à travers la réduction des
inégalités économiques criardes.
En définitive, l'Initiative PPTE a des fondements
à la fois économiques et juridiques, lesquels fondements
permettent l'intelligibilité de la remise de la dette dans le cadre de
ladite Initiative. Comment s'opère cette Initiative ?
II. ELABORATION DE L'INITIATIVE PPTE : CHEMINEMENT ET
PRINCIPES
L'Initiative PPTE, sous sa forme actuelle, est l'aboutissement
d'un processus de maturation initié depuis septembre 1996. Elle repose
sur des principes auxquels doivent s'accommoder les pays éligibles.
II.1. Cheminement de l'Initiative PPTE
L'Initiative PPTE a connu une évolution passant de la
version initiale (Initiative PPTE-I) au cadre renforcé (Initiative
PPTE-II).
II.1.1. L'Initiative PPTE initiale ou Initiative
PPTE-I
Lancée en septembre 1996 par la Banque mondiale et le
FMI, l'Initiative PPTE-I a été conçue pour résoudre
de façon durable le problème de la charge globale d'endettement
des pays pauvres très endettés en ramenant cette charge à
un niveau « soutenable ».
Cette Initiative s'inscrivait en droite ligne des
facilités d'annulation des dettes précédentes (termes de
Naples, puis de Lyon), la différence fondamentale étant que pour
la première fois, la dette multilatérale est concernée.
L'objectif de l'Initiative PPTE-I était d'assurer, au cas par cas, la
viabilité de la dette globale des pays considérés, les
dotant des moyens de s'affranchir irrémédiablement du cycle des
rééchelonnements et en les encourageant à poursuivre des
politiques économiques saines.
Cette Initiative s'inscrivait également dans le droit
fil de l'ajustement structurel et était destinée à
être une « facilité » supplémentaire
accordée aux pays pauvres réussissant le mieux dans leur
programme de réformes macroéconomiques avec le FMI. Ainsi, pour y
être admissible, le pays était appelé à remplir les
conditions ci-après :
-être éligible pour recevoir une assistance
à titre concessionnel du FMI ou de la Banque mondiale,
c'est-à-dire être éligible au guichet de prêt de
l'Association internationale de développement (IDA) ou aux concours de
la Facilité pour la réduction de la pauvreté et la
croissance (FRPC) ;
-avoir obtenu de bons résultats dans le cadre des
programmes de réformes entrepris avec l'appui du FMI et de la Banque
mondiale ;
-avoir une dette insoutenable après l'application des
termes de Naples, soit une réduction de 67% de la valeur actuelle nette
(VAN) de la dette éligible au Club de Paris.
La mise en oeuvre de la version initiale de l'Initiative PPTE
se déroulait en deux phases : le pays éligible devait avoir suivi
avec succès pendant trois ans un programme du FMI pour atteindre le
« point de décision » ; puis, il devait réussir
à nouveau trois ans de programme pour aboutir au « point
d'achèvement », où devait intervenir l'allègement de
dette.
Ces conditions se sont révélées trop
restrictives pour faire de l'Initiative PPTE initiale une solution à la
mesure du problème de la dette multilatérale des pays pauvres
très endettés. Sur 41 pays potentiellement éligibles
à l'Initiative sous cette première formule, sept seulement ont pu
bénéficier d'un début de traitement de la dette jusqu'en
1999 où l'Initiative PPTE-I s'est transformée.
II.1.2. L'Initiative PPTE renforcée ou
Initiative PPTE-II
L'Initiative PPTE renforcée voit le jour au sommet du
G7 de Cologne en 1999, à la suite des limitations de la version initiale
et sous la pression de la campagne Jubilé 2000. Les modifications
qu'elle apporte par rapport à l'Initiative initiale sont principalement
de trois ordres : l'assouplissement des conditions d'entrée et
l'approfondissement des allègements de dette ;
l'accélération et la simplification du déroulement de
l'Initiative ; l'institution du DSRP comme cadre de partenariat
stratégique de l'Initiative.
L'élargissement de l'Initiative résulte du
relâchement de l'excès de prudence qui l'avait jusqu'alors
caractérisé. Il était devenu manifeste en 1999 que
l'Initiative originelle, à laquelle n'avaient pu accéder que sept
pays en l'espace de trois ans, n'apportait pas de réponse à la
hauteur du problème de l'endettement des pays les plus pauvres. C'est
à ce problème qu'a répondu la version renforcée en
offrant des conditions d'admission plus accessibles à un grand nombre de
pays pauvres lourdement endettés. Cette nouvelle version met
également l'accent sur l'importance d'une réduction plus grande
du fardeau de la dette. L'abaissement du ratio VAN de la dette/exportation de
200-250% à 150%, l'abaissement du ratio VAN de la dette/recettes
budgétaires de 280% à 250%, la révision à la baisse
des seuils d'admissibilité concernant le degré d'ouverture de
l'économie de 40% à 30% pour le ratio exportation/PIB, et de 20%
à 15% pour le taux de recettes publiques d'une part, le changement en
mieux de la base d'évaluation de l'allègement de la dette au
titre de l'Initiative, le passage de 80% à 90% du taux
d'allègement de dette en ce qui concerne les annulations de dettes
bilatérales d'autre part, sont entre autres des mesures
d'élargissement et d'approfondissement des allègements de la
dette dans le cadre de la version renforcée de l'Initiative.
L'accélération et la simplification de la
procédure de l'Initiative ont été favorisées par
plusieurs mesures. L'instauration d'une aide intérimaire entre le stade
de la prise de décision et la fin du processus, la concentration en
début de période de l'aide fournie par les Institutions
financières internationales (IFI) après la fin du processus et
l'adoption de dates flottantes pour la fin du processus, laquelle adoption
incite les pays à une prompte application des réformes et permet
à ceux du peloton de tête d'arriver plus vite à la fin du
processus, constituent les mesures d'accélération et de
simplification de la procédure.
L'innovation essentielle apportée par l'Initiative PPTE
renforcée réside dans le lien qu'elle établit avec le
DSRP. Ce lien marque la fin de l'ajustement structurel. Le DSRP devient le
cadre de partenariat obligé des pays pauvres très endettés
avec les bailleurs de fonds. En plus de la modernité du DSRP, et
notamment son centrage sur la problématique de la pauvreté, la
sortie de l'Initiative PPTE du cadre de l'ajustement représente un pas
essentiel pour pouvoir réellement proposer une solution nouvelle en
matière de traitement de la dette. La flambée de la dette
étant un résultat direct de l'ajustement structurel, il
était peu convaincant de vouloir traiter de la soutenabilité de
long terme de cette dette à l'intérieur du mécanisme qui
est à la source de la situation d'insolvabilité, si ce n'est pour
un nombre réduit de « bons élèves » ayant
résolument changé leurs pratiques.
L'élargissement de l'Initiative PPTE à
l'ensemble des PPTE, son supplément d'ambitions par rapport à la
version initiale et l'adoption d'un nouveau cadre de partenariat (DSRP) sont
les caractéristiques de l'Initiative PPTE renforcée.
Au-delà de ces modifications, l'Initiative PPTE repose sur des principes
qui gouvernent sa mise en oeuvre.
II.2. Principes de l'Initiative PPTE
L'Initiative PPTE vise principalement à ramener la
charge globale de la dette des pays admissibles à un niveau soutenable.
Elle repose sur des principes dont l'objectif est de doter les pays
considérés des moyens de s'affranchir définitivement du
cycle de rééchelonnement. Ces principes s'articulent autour des
deux phases de mise en oeuvre de cette Initiative : le point de décision
et le point d'achèvement.
II.2.1. Le point de
décision
C'est la première étape du processus PPTE. Pour
y accéder, les pays candidats doivent non seulement avoir une dette non
soutenable selon les critères présentés ci-dessus
(après traitement traditionnel dans le cadre du Club de Paris), mais se
soumettre à un certain nombre de mesures visant à donner la
preuve de leur capacité à faire usage utile des
allègements à concéder. Ainsi, ils doivent souscrire et
adopter un programme triennal de réformes économiques et
d'ajustement structurel appuyé par le FMI et la Banque mondiale. Ils
doivent également présenter dans le Document de stratégies
de réduction de la pauvreté (DSRP) (éventuellement
intérimaire), leurs stratégies de lutte contre la
pauvreté. Ledit document doit être réalisé en
concertation avec la société civile. Pendant cette période
et à l'appui de leur programme de réformes, les pays
concernés continuent à recevoir l'assistance concessionnelle
traditionnelle par les donateurs, les Institutions multilatérales, de
même que les allègements de dette de la part des créanciers
bilatéraux, y compris le Club de Paris. Cette période dite «
probatoire » doit être sanctionnée par de bons
résultats dans l'application des mesures de réformes
économiques. Au terme de ce programme triennal intervient l'Analyse de
soutenabilité de dette (DSA) dont l'objectif est de déterminer le
profil courant de la dette extérieure des pays en question. Si le ratio
de la dette extérieure après application des mécanismes
traditionnels d'allègement de dette est supérieur à 150%,
le pays est admis pour une assistance au titre de l'Initiative. Dans le cas
particulier des pays à économie très ouverte (avec un
ratio exportation/PIB supérieur à 30%) ayant un endettement
élevé par rapport aux recettes budgétaires, et ce
malgré l'excellent niveau de recettes mobilisées (au-dessus de
15% du PIB), le ratio de la VAN de la dette sur les exportations retenu comme
objectif peut être fixé au-dessous de 150%. Dans ce cas,
l'objectif retenu pour le ratio VAN de la dette sur les recettes
budgétaires est de 250% au point de décision.
Au « point de décision », les IBW
décident de l'allègement à concéder au pays au
point d'achèvement. Le montant est calculé à partir des
données d'endettement disponibles au point de décision, de
façon à rendre l'endettement du pays soutenable.
II.2.2. Le point
d'achèvement
C'est la seconde et dernière étape du processus
de mise en oeuvre de l'Initiative PPTE. Pour y accéder, le pays doit,
après avoir atteint le « point de décision », finaliser
son DSRP ou DSRP intérimaire et la mettre en oeuvre de manière
satisfaisante, tout en poursuivant ses efforts en matière de
stabilisation macroéconomique par la mise en place d'un nouveau
programme avec les IBW. A cette « période transitoire » du
processus, la Banque mondiale et le FMI fournissent une aide
intérimaire, notamment par des versements au titre des nouvelles
modalités de prêt, et par les allègements
multilatéraux prévus. Les autres créanciers
multilatéraux concèdent aussi une première part de leurs
allègements. Cette « période transitoire » de trois ans
dans l'Initiative PPTE initiale, est dite « flottante » dans
l'Initiative PPTE renforcée, sa durée dépend des
progrès réalisés par le pays concerné.
Au vu des performances économiques du pays et des
progrès réalisés dans la mise en oeuvre d'une politique de
développement axée sur la lutte contre la pauvreté, les
IBW décident que le pays a atteint le « point d'achèvement
». C'est à ce stade du processus que prennent effet les
allègements de dette prévus au « point de décision
».
La trajectoire et les principes de l'Initiative PPTE la
distinguent des autres instruments et/ou dispositifs de développement.
Quelle en est sa spécificité ?
III. SPECIFICITE DE L'INITIATIVE PPTE
L'Initiative PPTE est un instrument et/ou dispositif de
développement à l'instar de l'Aide publique au
développement (APD) et des Programmes d'ajustement structurel (PAS). En
quoi se distinguent-ils ?
III.1. L'Initiative PPTE et l'APD
Bien qu'antérieure à l'Initiative PPTE, l'Aide
publique au développement est d'une apparition relativement
récente dans l'histoire économique. Définie comme aide
apportée aux Etats par d'autres Etats (et on parle d'aide
bilatérale) ou transitant par des organismes internationaux, comme les
agences spécialisées des Nations Unies, le FMI et la Banque
mondiale (on parle alors d'aide multilatérale), elle a été
instituée pour la première fois après la deuxième
guerre mondiale. Ses bénéficiaires à cette époque
n'étaient pas les pays en voie de développement, mais l'Europe,
l'objectif étant de lui permettre de se relever après les
destructions et le traumatisme de la deuxième guerre mondiale. C'est
à cet effet qu'a été créée la Banque
internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD),
l'actuelle Banque mondiale. Le Plan Marshall a été un volet
essentiel de cette stratégie de reconstruction de l'Europe en ruines.
Ce n'est qu'autour de 1955 que cette aide va se reporter vers
le Tiers Monde nouvellement indépendant, principalement l'Asie, dans un
but à la fois politique (éviter l'extension du communisme) et
humanitaire. Elle s'est secondairement et progressivement dirigée vers
les pays les plus pauvres parmi lesquels ceux de l'Afrique subsaharienne.
La notion même d' « Aide publique au
développement » n'a été définie qu'en 1969 par
le Comité d'aide au développement (CAD) de l'Organisation pour la
coopération et le développement (OCDE). Pour le CAD, ressortent
de l'APD :
-les ressources fournies dans un cadre bilatéral aux
pays en développement ou accordées par le biais des institutions
multilatérales ;
-les ressources attribuées par des organismes publics
;
-les ressources dont le but est de favoriser le
développement économique ;
-les ressources assorties de conditions financières
favorables : dons ou prêts dont l'élément de
libéralité est au moins égal à 25%.
En résumé, l'APD représente les
décaissements de dons et les prêts accordés par tous les
organismes publics à des conditions financières
bilatérales en vue de promouvoir le développement
économique et la protection sociale. Ce sont des prêts
concessionnels consentis à un taux d'intérêt
inférieur d'au moins 25% du taux couramment pratiqué sur le
marché. Outre ces apports financiers, l'APD comprend les
allègements de dette et la coopération technique.
L'APD comporte deux variantes, à savoir les dons et les
prêts. Le don est une opération unilatérale du donateur
vers le bénéficiaire qui n'entraîne pas de créance.
Il peut s'agir d'une aide en nature ou en assistance technique. Le prêt,
quant à lui, exige toujours un mouvement de retour de capitaux vers le
donateur. Car l'obligation est faite au pays bénéficiaire de
rembourser le principal et de payer les intérêts aussi petits
soient-ils.
L'APD, pour les pays les plus pauvres comme pour les pays dits
« à revenus intermédiaires », a débouché
sur un endettement considérable, véritable fardeau qui a
conditionné, à partir de 1980, l'orientation de la
coopération pour le développement vers le règne de
l'ajustement structurel et aujourd'hui vers celui de l'Initiative PPTE.
L'APD est, à l'instar des PAS et de l'Initiative PPTE,
un instrument de la coopération Nord-Sud. L'avènement de
l'Initiative PPTE n'entraîne aucunement sa disparition. Mais plusieurs
facteurs expliquent sa tendance baissière en Afrique. Il s'agit, entre
autres, de sa mauvaise utilisation et l'échec de l'ajustement structurel
qui découragent les bailleurs de fonds internationaux ; de
l'effondrement de l'aide apportée jusqu'à la fin des
années 1980 par l'ex-Union soviétique d'une part, et les pays
arabes d'autre part, en raison de leurs difficultés financières,
et qui n'est pas compensée par l'émergence de nouveaux donneurs
tels la Corée du Sud ou Taiwan ; la concurrence croissante de nouveaux
pays (ex-Union soviétique) qui ouvrent de nouvelles destinations pour
l'aide ; une tendance de plus en plus forte à privilégier l'aide
d'urgence et l'aide humanitaire ; la lassitude croissante des donneurs face
à la stagnation des pays les moins avancés (PMA) après
plus de quatre décennies d'aide au Tiers Monde ; des coupes
budgétaires croissantes pratiquées dans les pays riches pour
endiguer la montée des déficits publics, en raison de la
montée du chômage, de l'exclusion et d'une tendance croissante des
vieux pays industriels au repli sur des problèmes nationaux. Qu'en
est-il de l'Initiative PPTE et les PAS ?
III.2. L'Initiative PPTE et les PAS
La mise en oeuvre de l'APD dans les pays du Tiers Monde a
débouché sur un endettement considérable des pays les plus
pauvres. Pour faire face à cette situation d'endettement et de
sous-développement continu de ces pays, les Institutions de Bretton
Woods ont mis sur pied les Programmes d'ajustement structurel (PAS).
L'ajustement structurel est lancé au début des années
1980, en réponse à la crise des Etats et aux dysfonctionnements
apparus dans des économies dont la viabilité reposait sur une
injection massive de capitaux extérieurs, qu'ils soient fournis par
l'aide ou par l'emprunt. La dette devient telle qu'elle obère les
perspectives de développement et oblige les théoriciens à
repenser leur approche des conditions du « décollage » des
pays en voie de développement.
Les politiques d'ajustement structurel sont alors mises sur
pied pour financer non plus des réalisations physiques (« projets
de développement »), comme ce fut le cas avec l'APD, mais pour
allouer aux Etats des sommes forfaitaires, déboursées en deux ans
en général, par tranches conditionnelles, en vue de leur
développement économique.
D'abord expérimenté en Asie du Sud-Est, puis en
Amérique latine, l'ajustement va être axé sur
l'assainissement des finances publiques, l'ouverture des marchés au
commerce international, la libéralisation des marchés, les
privatisations et la réforme du secteur public.
Transféré en Afrique où le
Sénégal en est le précurseur depuis 1979, la plupart des
pays passent des accords avec le FMI et la Banque mondiale à partir de
1984-1985. L'ajustement structurel n'y obtient pas les résultats
escomptés : beaucoup de pays s' enlisent dans des politiques de rigueur
financière qui asphyxie l'économie sans permettre de mettre en
place les conditions de la reprise.
Défini comme financement d'un programme
accompagné de conditions portant sur l'économie dans sa
globalité, l'ajustement structurel se rapproche de l'Initiative PPTE par
l'exigence des réformes macroéconomiques dont la mise en oeuvre
satisfaisante conditionne l'admission des pays candidats. Mais elle s'en
distingue aussitôt par le lien qu'elle établit entre les
réformes macroéconomiques et la réduction de la
pauvreté. De plus, l'Initiative PPTE est financée par les
ressources issues de l'allègement de la dette et non des prêts
comme ce fut le cas pour les PAS.
L'échec des PAS, du fait de leur approche peu
socialisante, a donné lieu à la promotion et à la
consécration de la politique de lutte contre la pauvreté, avec
pour instrument par excellence l'Initiative PPTE. Quelle en est la
particularité ?
III.3. L'Initiative PPTE et la réduction de la
pauvreté : le DSRP
La particularité de l'Initiative PPTE réside
dans le lien qu'elle établit entre l'allègement de la dette et la
réduction de la pauvreté. Ce lien s'articule autour du Document
de stratégie de réduction de la pauvreté (DSRP). Qu'est-ce
que le DSRP ? Comment en est-on arrivé là ? Quels en sont les
principes ?
III.3.1. Le DSRP : esquisse de
définition
Le Document de stratégie de réduction de la
pauvreté, en abrégé DSRP, est le document dans lequel sont
formulés les objectifs et les stratégies de réduction de
la pauvreté et la croissance des pays engagés dans l'Initiative
PPTE. Il est le cadre de référence des politiques de
développement des PPTE. Mieux, il est le nouveau cadre contractuel de
partenariat entre les IBW et les pays pauvres très endettés. Il
représente, dans le cadre de l'Initiative PPTE, ce qu'était le
Document cadre de politique économique (DCPE) pour les Programmes
d'ajustement structurel.
Le DSRP se caractérise par la recherche de la
compatibilité des politiques macroéconomiques, structurelles et
sociales d'un pays avec la poursuite des objectifs de réduction de la
pauvreté et de développement social. Il sert de base à la
formulation des opérations de prêts de la Banque mondiale et du
FMI, et constitue un cadre pour assurer la cohérence de tous les
programmes appuyés par la FRPC ou par la Banque mondiale.
Il est établi en étroite collaboration avec la
Banque mondiale, le FMI et d'autres Institutions et bailleurs de fonds
multilatéraux de manière à assurer la transparence des
opérations et une large participation au choix des objectifs, à
l'élaboration des politiques et au suivi de leur application.
De façon générale, le DSRP doit contenir
au minimum les points ci-après :
-des objectifs de réduction de la pauvreté et de
développement social à moyen et long terme, ainsi que toute une
gamme d'indicateurs de résultats pertinents permettant de suivre
l'évolution des progrès dans les principaux domaines de lutte
contre la pauvreté ;
-un cadre macroéconomique compatible avec les objectifs
sociaux et de réduction de la pauvreté couvrant une
période d'au moins trois ans.
-les priorités de réformes structurelles ainsi
que les stratégies sectorielles (programme triennal) et les besoins de
financement (intérieur et extérieur) associés à la
réalisation des objectifs de croissance et de réduction de la
pauvreté ;
-les mesures de lutte contre la pauvreté et autres
politiques sociales liées à une analyse de l'impact sur la
société des politiques macroéconomiques et structurelles,
et les besoins de financement correspondants ;
-les besoins de financement extérieurs globaux, y
compris au titre de l'assistance technique et de la fourniture des services
correspondants, pour chaque année du programme.
Schématiquement, la structure-type du DSRP comporte
cinq point à élucider : l'état des lieux (contexte
économique et social ; rappel des politiques passées et en cours)
; la description du processus participatif ; les objectifs et les axes
stratégiques de réduction de la pauvreté et la croissance
; l'évaluation des coûts et l'allocation des ressources ; le
suivi-évaluation.
Le DSRP est le cadre désormais à la mode en
matière d'aide au développement, il s'impose déjà
hors du cadre de l'Initiative PPTE. Comment est-on arrivé à cet
instrument ?
III.3.2. Genèse du DSRP
Au cours de la seconde moitié de la dernière
décennie, les Institutions financières sont
préoccupées de préparer la suite de l'ajustement
structurel. Il est question de préparer à la fois un nouveau
cadre conceptuel de développement, un nouvel instrument contractuel de
développement et un nouvel outil financier.
Le Comprehensive Development Framework (CDF) est le vaste plan
de développement multi-acteurs conçu et présenté
sous forme de matrice. Promu par le Président Wolfensohn lui-même
et officialisé en juillet 1999, il s'impose pendant une courte
période comme le nouvel instrument de travail de la Banque mondiale avec
les pays pauvres. Le CDF s'attaque principalement à deux faiblesses des
précédents programmes d'ajustement :
Il a une vocation globale permettant de traiter tous les
secteurs et non pas de se cantonner aux réformes de type
macroéconomique ;
Il est destiné, de par son champ étendu et son
caractère multi-acteurs, à devenir l'instrument de coordination
entre les bailleurs de fonds par excellence, et plus généralement
entre tous les acteurs (gouvernement, société civile, secteur
privé, partenaires financiers).
Presque dans le même temps que se développe le
CDF, les services de la Banque mondiale développent et présentent
également en septembre 1999 l'idée d'un cadre stratégique
de partenariat centré sur la lutte contre la pauvreté. C'est
finalement cet instrument, le DSRP, à la fois plus opérationnel
et plus « moderne », qui est retenu comme suite à l'ajustement
structurel. Et c'est ainsi que le DSRP s'est imposé comme «
substitut fonctionnel » du Document cadre de politique économique
(DCPE) et comme base de tous les accords au titre de la Facilité pour la
réduction de la pauvreté et la croissance (FRPC). Quels en sont
les principes ?
III.3.3. Principes des DSRP
En rupture avec les pratiques antérieures qui
consistaient pour l'essentiel à définir de l'extérieur des
politiques que les pays étaient chargés d'appliquer sous peine de
sanctions financières, la nouvelle démarche
préconisée dans le cadre des DSRP prévoit la mise en
oeuvre d'un processus participatif pour la définition des politiques de
lutte contre la pauvreté. Centré sur la lutte contre la
pauvreté, le DSRP est organisé selon un plan
général dont les grandes lignes ont été
définies par la Banque mondiale dans son document de
référence. Selon ce document, « six principes de base
sous-tendent la définition et la mise en oeuvre des DSRP ». Ces
principes énoncent que les stratégies devraient répondre
aux exigences suivantes :
-être impulsées par le pays, c'est-à-dire
impliquant une large participation de la société civile et du
secteur privé dans toutes les étapes opérationnelles ;
-être axées sur les résultats et
centrées sur des résultats susceptibles de
bénéficier aux pauvres ;
-être globales, dans le sens où elles
reconnaissent la nature multidimensionnelle de la pauvreté ;
-être hiérarchisées, afin de rendre
possible la mise en oeuvre des politiques à la fois fiscales et
institutionnelles ;
-être orientées vers la recherche de partenariats
avec les acteurs de l'aide au développement (aide bilatérale,
multilatérale et ONG) ;
-être basées sur une perspective de long terme
pour la réduction de la pauvreté.
La validation des DSRP est conditionnée par
l'observation de ces principes.
En somme, l'Initiative PPTE se distingue des initiatives de
développement précédentes, principalement par le DSRP qui
établit le lien entre l'allègement de la dette et la
réduction de la pauvreté. Admis à cette Initiative depuis
octobre 2000, ce n'est qu'en avril 2003 que le Cameroun finalise son DSRP.
Depuis lors, l'objectif de l'atteinte du point d'achèvement guide les
actions gouvernementales. Mais, les soubresauts connus par le Cameroun par
rapport à cet objectif suscitent le questionnement sur l'Initiative PPTE
au Cameroun.
IV. LE CAMEROUN ET L'INITIATIVE PPTE
L'admission du Cameroun à l'Initiative PPTE a
été principalement motivée par l'insoutenabilité de
sa dette extérieure. Depuis cette admission, le Cameroun a suivi un
certain nombre de démarches en vue de bénéficier de la
totalité des allègements qu'offre cette Initiative. Quel est
l'état de la dette extérieure du Cameroun ? Quel est son parcours
dans cette Initiative ?
IV.1. Le Cameroun et l'Initiative PPTE : la question
de la dette
La dette extérieure du Cameroun est
caractérisée par son insoutenabilité. Celle-ci suscite des
interrogations quant aux circonstances et aux conséquences de cet
endettement.
IV.1.1. La dette extérieure du Cameroun : une dette
de plus en plus insoutenable
L'admission du Cameroun à l'Initiative PPTE s'est
principalement justifiée par son niveau d'endettement extérieur.
La dette extérieure du Cameroun connaît une croissance
exponentielle depuis son indépendance. En effet, dix ans après
cette indépendance, cette dette était relativement faible. La
tendance à la hausse s'est progressivement observée et en 1977,
le montant de celle-ci a commencé à excéder les recettes
d'exportation du pays. Depuis cette date, la tendance défavorable ne
s'est pas inversée. D'après les données de la Banque
mondiale, la dette extérieure du Cameroun est passée de 140,4
millions de dollars US en 1970 à 9350 millions de dollars US en 1995. A
la fin de l'année 1996, elle s'élevait à 9515 millions de
dollars. De 1988 à 1995, soit sur une période de huit ans, elle a
connu une croissance de près de 95%.
D'après le tout récent rapport de la Banque
mondiale sur les indicateurs mondiaux de développement, la dette
extérieure du Cameroun a été multipliée par trois
en l'espace de vingt ans, passant de 2,9 milliards de dollars US en 1983 pour
atteindre 7,3 milliards de dollars US en 1993, et 9,189 milliards de dollars US
en 2003, soit plus de 5000 milliards de FCFA au cours actuel du dollars.
Quelques ratios relatifs à la dette permettent
également d'apprécier le niveau d'endettement du Cameroun. il
s'agit notamment du ratio dette globale sur PIB, du ratio service de la dette
sur les exportations et du ratio dette globale sur les exportations.
Le ratio dette sur le PIB apprécie la dette
extérieure par rapport au poids économique du pays. Il fournit
une idée du degré d'hypothèque que représente la
dette extérieure sur la richesse nationale. Le FMI considère
qu'un pays est peu endetté lorsque ce ratio est inférieur
à 30%. Au-delà de 50%, le pays est considéré comme
fortement endetté. Ce ratio a fortement augmenté depuis 1986,
indiquant que le Cameroun est surendetté à partir de 1989.
Le ratio du service de la dette sur les exportations des biens
et services prend en compte non pas l'endettement lui-même mais sa
charge. Il permet d'apprécier la capacité du pays à
honorer ses engagements extérieurs. Le seuil de 20% traduit une
situation dangereuse. Ce ratio a considérablement augmenté pour
le Cameroun sur la période 1986-1998 et a connu par la suite des seuils
tolérables à partir de 1991, passant de 16,4% en 1992 à
21,2% en 1993, 17% en 1994, 15,3% en 1995 et 13,5% en 1996.
Le ratio de la dette globale sur les exportations des biens et
services compare l'endettement en devises avec le flux annuel de devises que
procurent les exportations. On considère généralement que
lorsque ce ratio est inférieur à 165%, le pays n'a pas un niveau
d'endettement inquiétant. Ce ratio pour le Cameroun s'est
considérablement envolé à partir de 1987. De 143,4% en
1986, il a atteint un pourcentage de 218,7 un an après et n'a
cessé d'augmenter. En 1996, il était évalué
à 389,2%.
L'état de ces indicateurs du niveau d'endettement, pour
le Cameroun, a amené la Banque mondiale à le reléguer, en
1995, dans le groupe des pays à faibles revenus sévèrement
endettés. C'est pour cette raison qu'il a été admis en
octobre 2000, à l'Initiative en faveur des pays pauvres très
endettés.
Avec un ratio VAN stock de la dette/exportations égal
à 205,1% (largement au-dessus du seuil minimum de 150%), et celui de la
VAN stock de la dette/recettes budgétaires égal à 329,5%
(également au-dessus du seuil minimum de 250%), lesquels ratios
constituent avec celui du service de la dette/exportation, les indicateurs de
l'endettement dans le cadre de l'Initiative PPTE, la dette du Cameroun a
été jugée insoutenable, le rendant ainsi admissible
à l'Initiative en faveur des pays pauvres très
endettés.
Cette dette se structure en trois principales composantes : la
dette bilatérale, la dette multilatérale et la dette
privée.
La dette bilatérale est consécutive à des
prêts effectués d'Etat à Etat. La dette
multilatérale est relative aux prêts accordés par les
Organisations internationales relevant du droit public. Entrent dans cette
catégorie la Banque mondiale (BIRD, AID, SFI), le FMI, la BAD et tous
les autres Organismes financés par l'Organisation des pays producteurs
de pétrole (OPEP). La dette privée quant à elle est
consécutive aux prêts contractés auprès des banques
privées.
En septembre 2000, la part des créanciers
bilatéraux dans la dette extérieure du Cameroun
représentait 70% alors que celle des créanciers
multilatéraux était de 21% et 9% pour les créanciers
privés. Comment le Cameroun est-il arrivé à cette
situation de surendettement ?
IV.1.2. Les circonstances de l'endettement extérieur
du Cameroun
Les éléments explicatifs de l'endettement
extérieur du Cameroun se trouvent tant au niveau des conditions de
l'endettement qu'à celui de l'utilisation de la dette.
Le choc pétrolier de 1973 marque le point de
départ de l'endettement excessif des pays en développement. Comme
d'autres pays en développement, le Cameroun a été candidat
au bénéfice des pétrodollars issus de ce choc. Du
côté des pays producteurs du pétrole, en effet, ce choc a
généré des pétrodollars qui ont provoqué une
sur-liquidité des banques. Ces pétrodollars devant être
rémunérés, la concurrence interbancaire de plus en plus
vive a amené ces banques à s'intéresser aux
possibilités de « vendre » les crédits aux pays en
développement, plus particulièrement à ceux susceptibles
d'absorber des financements importants. S'appuyant sur la maxime selon laquelle
« la dette de l'Etat est toujours soldée », ces banques ont
considéré les prêts à ces pays comme de « bons
risques ». C'est ainsi que les prêts ont été
multipliés.
Le choc pétrolier qui s'est traduit par l'augmentation
des prix du pétrole, a eu des incidences néfastes sur le
fonctionnement des pays en développement. Le recours à
l'endettement s'est alors imposé dans l'objectif d'accroître leurs
débouchés et de redresser leurs balances commerciales
touchées par l'augmentation du prix du pétrole. C'est ainsi que
les pays industrialisés et les exportateurs ont multiplié les
prêts aux pays en développement.
La politique économique des États-Unis a
également joué un rôle dans l'endettement excessif des pays
en développement. En effet, cette politique (monétarisme) a
entraîné une augmentation des taux d'intérêts suite
à la remonté du dollar. Cette remontée du dollar qui
coïncide avec le second choc pétrolier, provoque un
renchérissement de la dette libellée en dollars. A ce sujet et
à titre d'exemple, le rapport sur la crise de la dette publié par
le Comité permanent des affaires extérieures et du commerce
international de la Chambre des communes mentionnait des exemples de
prêts de 7% en 1977 dont les frais de service en 1980-1981
représentaient un intérêt de 20%. A cause de l'augmentation
des taux d'intérêts, les emprunts se sont multipliés pour
honorer le service de la dette, ce qui a précipité ces pays, dont
le Cameroun, dans un endettement stérile.
L'endettement extérieur du Cameroun intervient dans un
contexte marqué par le choc pétrolier et par l'augmentation des
taux d'intérêts. Mais l'utilisation de la dette explique
également cet endettement.
L'endettement extérieur du Cameroun, comme pour
beaucoup d'autres pays débiteurs, s'explique également par
l'utilisation de la dette. En effet, bon nombre de financements
extérieurs ne se sont pas traduits par un investissement productif
pouvant générer des revenus pour contribuer à leur
remboursement. Le pays s'est endetté sans tenir compte de la
capacité d'absorption de son économie et pour des projets dont la
rentabilité était douteuse. C'est le cas par exemple de la «
cellulose du Cameroun » (CELLUCAM), qui a été
financée sur fonds autrichiens à un coût de 51,3 milliards
de francs CFA. L'usine est aujourd'hui fermée alors que les camerounais
continuent de payer la dette contractée pour sa construction.
Les conditions d'endettement et l'utilisation de la dette
rendent compte des circonstances de l'endettement du Cameroun, circonstances
somme toute similaires à celles de beaucoup d'autres pays en
développement. Quelles en sont alors les conséquences ?
IV.1.3. Les conséquences de l'endettement
extérieur du Cameroun
Du fait de l'utilisation qui en a été faite, la
dette extérieure du Cameroun, au lieu de constituer un viatique pour son
développement, est plutôt devenue un obstacle. Les
conséquences de l'endettement extérieur du Cameroun s'observent
à la fois au niveau du service de la dette et au niveau social.
L'endettement donne lieu à un remboursement et à
une charge d'intérêt qui constitue la rémunération
du capital emprunté. Le service de la dette a des répercussions
immédiates au niveau des charges de l'Etat. En effet, la part du service
de la dette a considérablement augmenté dans le budget public. En
1971, elle ne représentait qu'à peine 3% de la masse des
dépenses de l'Etat. En 1981, elle en représentait 12%, et 23,4%
si l'on prend en compte seulement le budget d'investissement public. Elle a
considérablement crû à partir de 1982, constituant ainsi
une lourde charge pour le pays.
Dans l'impossibilité de supporter la charge de la
dette, en raison de la pression financière qu'elle exerce sur le budget
de l'Etat, le Cameroun a accumulé d'importants arriérés de
paiements. En mai 1997, les arriérés de la dette
extérieure s'élevaient à 672,5 milliards de francs CFA,
dont 249,4 milliards dus au Club de Londres, 186,3 milliards au Club de Paris
et très peu aux organismes multilatéraux.
La théorie des stades de la balance des paiements qui
prône le recours au financement extérieur pour soutenir la
croissance s'est avérée appauvrissante pour le Cameroun, les
contraintes du service de la dette mobilisant une bonne partie du budget du
pays. Ces contraintes ont eu des répercussions sociales.
La dette extérieure du Cameroun, qui est en croissance
exponentielle, pèse indirectement sur les populations. Les effets
fournis pour assurer le service de la dette se sont traduits par les
réductions considérables des budgets sociaux, par une diminution
de la consommation intérieure et en définitive, par le
détournement de fonds qui auraient pu servir à lutter contre la
pauvreté.
De plus, la difficulté du Cameroun à assurer son
service de la dette a été à l'origine des Programmes
d'ajustement structurel (PAS) mis en oeuvre par le FMI et la Banque mondiale
pour lui permettre d'honorer ses engagements vis-à-vis de ses
créanciers (remboursement du capital et des intérêts de la
dette). Les PAS ainsi mis en oeuvre ont aggravé la pauvreté et
détérioré la situation des pauvres. En effet, les
compressions budgétaires, la diminution des dépenses sociales
exigées par les PAS ont eu des conséquences immédiates sur
les différentes composantes de la pauvreté : baisse des revenus,
accroissement du chômage notamment dans la fonction publique, diminution
de la couverture des besoins essentiels, réductions des services
sociaux....
Pour toutes ces raisons, l'endettement extérieur du
Cameroun constitue pour lui un lourd fardeau et donc un frein pour son
développement. C'est pour remédier à cette situation que
le Cameroun a été admis à l'Initiative en faveur des pays
pauvres très endettés.
IV.2. Le parcours du Cameroun dans l'Initiative PPTE
L'Initiative PPTE est un processus a deux grandes
étapes : le point de décision et le point d'achèvement.
Quelle est la situation du Cameroun dans cette Initiative ?
IV.2.1. Le point de
décision
Cette première étape de l'Initiative PPTE a
été franchie par le Cameroun en octobre 2000, après avoir
respecté un certain nombre de mesures conditionnelles. Ces mesures sont
les suivantes :
- l'exécution satisfaisante de son premier programme
économique triennal ;
- l'adoption des stratégies sectorielles de la
santé et de l'éducation ;
- la réalisation des progrès dans la mise en
oeuvre des actions de court terme concernant les secteurs de santé (par
exemple l'adoption le 30 juin 2000 de la stratégie sectorielle y compris
l'estimation des besoins financiers sur trois ans), de l'éducation (par
exemple la suppression du monopole dans la distribution des manuels scolaires),
et dans le domaine de la gouvernance (par exemple l'adoption d'un programme
anti-corruption, la publication le 30 juin 2000 d'un nouveau Code des
marchés publics) ;
- l'élaboration d'un programme de lutte contre le SIDA
;
- la prise de contact avec les créanciers
(exceptés le Club de Paris, la Banque mondiale et le FMI) pour leur
notifier la décision des Conseils d'Administration sur
l'éligibilité du Cameroun à l'Initiative PPTE
renforcée ;
- la préparation d'une note sur l'état
d'avancement des préparatifs au titre de l'opération du Club de
Londres ;
- la prise de contact de manière informelle avec le
Club de Paris sur les modalités du service de la dette pendant la
période entre la fin du Vème Accord et le nouvel
Accord aux termes de Cologne ;
- la poursuite de l'exécution satisfaisante et dans les
délais requis du Crédit à l'ajustement structurel III
(CAS III) ;
- l'adoption d'un DSRP intérimaire tenant compte des
premières consultations participatives ;
- l'adoption d'un programme national de gouvernance
accompagné d'une matrice d'actions détaillées ;
- l'établissement des arrangements institutionnels,
comptables et budgétaires pour une meilleure utilisation des ressources
supplémentaires au titre de l'Initiative PPTE.
Il s'agit pour ce dernier point de la mise en place d'un
système d'exécution budgétaire, comptable et de
trésorerie respectant la réglementation et les procédures
nationales dans la perspective de la simplification et de la transparence en
vue de faciliter le suivi de l'exécution des dépenses, notamment
par la production des documents périodiques spécifiques.
Il s'agit également d'ouvrir un sous-compte
spécial du trésor à la Banque des états de
l'Afrique centrale (BEAC) sous l'intitulé PPTE/HIPC
réservé au financement de dépenses éligibles dans
le cadre de l'Initiative PPTE. Il s'agit enfin de la création d'un
comité de suivi et de gestion des ressources PPTE/HIPC, composé
de responsables administratifs impliqués dans le processus de
l'exécution des dépenses relatives aux projets PPTE.
Toutes ces mesures ont permis au Cameroun d'atteindre le point
de décision de l'Initiative PPTE en octobre 2000. Mais d'autres mesures
ont été prises pour bénéficier de
l'intégralité des mesures d'allègement de la dette au
titre de cette Initiative. Il s'agit des mesures qui ont concouru à
l'atteinte du point d'achèvement.
IV.2.2. Le point
d'achèvement
L'atteinte de cette seconde étape de l'Initiative PPTE
passe par la mise en oeuvre d'un ensemble de mesures encore appelées
« déclencheurs » du point d'achèvement. Ces mesures
sont relatives au DSRP, aux réformes structurelles et
macroéconomiques, à la gouvernance et la lutte contre la
corruption, aux secteurs sociaux.
Au niveau du DSRP, il est attendu que le DSRP final soit
adopté, mis en oeuvre de manière satisfaisante et que la revue du
premier rapport annuel soit acceptable.
Au niveau des réformes structurelles et
macroéconomiques, les politiques macroéconomiques et
structurelles prévues au point de décision doivent être
mises en oeuvre de manière satisfaisante pendant la période
intérimaire. Les économies réalisées au titre de
l'Initiative PPTE doivent être également utilisées
conformément aux critères retenus au point de décision.
Ces réformes doivent viser la poursuite de l'assainissement des finances
publiques, la stabilité macroéconomique, l'exécution
satisfaisante du programme FRPC, la gestion conforme des ressources PPTE et la
conclusion du crédit à l'ajustement structurel III (CAS III).
Au niveau de la gouvernance et de la lutte contre la
corruption, les plans d'action du programme de gouvernance et du programme de
lutte contre la corruption doivent être mis en oeuvre de manière
satisfaisante. Le nouveau système de passation de marchés publics
doit également fonctionner de façon satisfaisante. Il est aussi
attendu que les Agences de régulation dans les industries (eau,
électricité, téléphone...) soient fonctionnelles et
exercent en toute indépendance. Il en est de même pour les plans
d'action de gestion des finances publiques qui doivent être
appliqués avec satisfaction. A ceci s'ajoutent la création de la
Chambre des comptes, la création du Conseil constitutionnel, l'Audit des
marchés publics, le suivi de la mise en oeuvre des mesures de
réformes pour la santé et l'éducation, la publication des
résultats de l'exercice de suivi de l'exécution du budget et la
publication des résultats de l'enquête auprès des
usagers.
Au niveau des secteurs sociaux, les conditionnalités
concernent le secteur de l'éducation et de la santé.
Dans le secteur de l'éducation, la stratégie
sectorielle doit être mise en oeuvre de manière convenable et dans
les délais impartis. Une attention particulière doit être
accordée à la promulgation d'une nouvelle loi sur l'enseignement
privé, l'adoption d'un nouveau statut des enseignants et les
décrets d'application y afférents, et la décentralisation
effective de la gestion des enseignants.
Dans le secteur de la santé, l'accent doit être
mis sur l'exécution de la stratégie qui prévoit entre
autres l'accroissement du budget de la santé qui doit passer de 4
à 7% du budget total de l'Etat et l'augmentation de la dotation
budgétaire allouée aux soins de santé primaire. Il doit
également être adopté un plan de financement de la
santé préventive, y compris des arrangements de nature à
favoriser l'accès de ceux qui ne peuvent pas payer. Le taux de
vaccination des enfants devra également être porté à
70%.
L'examen de l'application de ces mesures par le gouvernement
camerounais a été jugé non satisfaisante par les
Institutions de Bretton Woods en 2004. Après l'obtention d'un moratoire
auprès de ces Institutions,c'est à la fin du premier trimestre
2006 que le Cameroun a atteint le point d'achèvement . L'atteinte de ce
point permettra au Cameroun de bénéficier de la totalité
des allègements de la dette prévue au titre de cette Initiative
qui mobilise beaucoup d'attention. Quels en sont véritablement les
atouts ?
IV.2.3. Les atouts supposés de l'Initiative
PPTE
L'avènement de l'Initiative PPTE augure de nouveaux
espoirs le combat pour le bien-être des populations des pays
bénéficiaires. Conçue pour pallier les insuffisances des
initiatives précédentes, l'Initiative PPTE, dans les pays
bénéficiaires en général et au Cameroun en
particulier, est créditée de nombreux atouts par rapport aux
initiatives de développement antérieures. Ces atouts s'articulent
autour de ses objectifs et de son approche du développement.
L'Initiative PPTE vise à la fois la réduction
substantielle de la dette extérieure publique et la réduction de
la pauvreté dans les pays concernés. S'agissant de la
réduction de la dette extérieure publique, le montant du
bénéfice attendu au titre de L'Initiative PPTE, selon les
Institutions de Bretton Woods, se chiffre à 2 milliards de dollars, soit
l'équivalent de 1400 milliards de FCFA dus au 30 juin 1999, après
le recours aux mécanismes traditionnels de réduction de la dette.
Ce bénéfice tiré de l'allègement de la dette
extérieure publique est supposé conduire à la
réduction de la pauvreté en vertu du lien que l'Initiative PPTE
établit entre l'allègement de la dette et la réduction de
la pauvreté.
En vertu de ce lien, l'Initiative PPTE s'inscrit dans le droit
fil des objectifs de développement du millénaire. Le principe de
l'Initiative PPTE recommande l'investissement des allègements de la
dette ainsi collectés dans les projets sociaux à grand impact sur
la réduction de la pauvreté. Ainsi, les secteurs de la
santé, de l'éducation, des infrastructures, du
développement et de la lutte contre la corruption sont des secteurs
à incidence directe sur la pauvreté visés par
l'Initiative. A terme, l'Initiative est supposée réduire la
pauvreté à travers l'investissement des fonds collectés
dans les projets relevant de ces différents secteurs. En plus de ces
atouts relatifs à ses objectifs, l'Initiative PPTE est aussi
créditée par son approche.
L'approche préconisée par l'Initiative PPTE
prévoit la mise en oeuvre d'un processus participatif pour la
définition des politiques de lutte contre la pauvreté. Cette
approche est en rupture avec les pratiques antérieures qui consistaient
pour l'essentiel à définir de l'extérieur des politiques
que les pays étaient chargés d'appliquer. Le processus de
participation dans le cadre de l'Initiative PPTE débouche sur
l'élaboration du DSRP dont la mise en oeuvre satisfaisante est l'une des
conditions pour l'admission à l'allègement total des dettes
prévues dans le cadre de cette Initiative.
Le concept de processus participatif vise trois objectifs : l'
« appropriation » des politiques par les pays concernés,
à travers l'implication active de l'ensemble des acteurs de la
société dans l'élaboration, le suivi et la mise en oeuvre
de la stratégie de lutte contre la pauvreté ; l' « insertion
» des pauvres, invités à s'exprimer et à participer
à la définition des politiques ; enfin, la «
responsabilité démocratique » du gouvernement, appelé
à rendre compte à sa population sur les résultats de ses
politiques et sur sa gestion budgétaire.
En somme, l'Initiative PPTE, de par ses objectifs et son
approche, rompt avec les initiatives de développement
précédentes et est créditée de qualités
favorables à la lutte contre la pauvreté dans les pays
bénéficiaires. Malgré ces mérites qui lui sont
reconnus, elle n'est pas exempte de critiques. Loin s'en faut, sa portée
pratique semble limitée tant en ce qui concerne le volume des ressources
y relatives que les critères d'admissibilité.
IV. APERÇU CRITIQUE DE L'INITIATIVE PPTE
L'Initiative PPTE fait l'objet d'un certain nombre de
critiques d'ordre général. Ces critiques sont relatives au volume
des ressources y afférentes et aux critères
d'admissibilité.
V.1. Critiques relatives au volume des ressources PPTE
Ces critiques sont principalement tenues par les ONG et les
associations chrétiennes anglaises dans le cadre de la campagne «
Jubilé 2000 ». Elles estiment que les mesures d'allègement
de la dette prises dans le cadre de l'Initiative PPTE sont insuffisantes pour
résoudre le problème de l'endettement des pays
bénéficiaires de cette Initiative. Par conséquent, elles
proposent une annulation totale sans conditions des dettes desdits pays.
A ce propos, le FMI affirme que cette proposition ne pourrait
à elle seule suffire pour résoudre les obstacles à une
croissance durable des pays pauvres très endettés (PPTE). Pour
lui, en effet, l'absence de conditionnalités amènerait certains
PPTE à utiliser les économies réalisées à
d'autres fins, par exemple pour le financement des dépenses
militaires.
La critique relative au volume de ressources trouve une
illustration dans le cas du Cameroun. En effet, bien que le Cameroun soit admis
à l'Initiative PPTE, le service nominal de la dette reste important et
pourrait même absorber une bonne partie des dépenses sociales.
Il apparaît donc qu'en l'absence d'apports
extérieurs substantiels, l'Initiative PPTE pourra être
insuffisante pour l'atteinte des objectifs de développement du
millénaire fixés pour 2015.
V.2. Critiques relatives aux critères
d'admissibilité
L'admission à l'Initiative PPTE est subordonnée
à des critères qui paraissent trop restrictives et
défavorables à certains pays pauvres très endettés
qui, pour des raisons diverses (conflits internes ou frontaliers,
instabilité politique), ne peuvent remplir l'ensemble des conditions
exigés.
La définition du principe de la soutenabilité,
pour ne citer que cet exemple, est aussi restrictive puisqu'elle est
définie par rapport aux exportations, alors qu'elle aurait pu prendre en
compte les spécificités économiques propres aux pays
candidats à l'Initiative.
Toutes ces critiques et bien d'autres non
évoquées ici, concourent à la démonstration d'une
certaine réalité, à savoir la difficulté de
l'Initiative PPTE à produire les résultats escomptés.
Ce chapitre consacré à l'Initiative PPTE nous a
conduit à l'exploration des contours théoriques et pratiques de
cette Initiative. Il apparaît que ce nouvel instrument de la politique de
lutte contre la pauvreté se distingue des instruments
précédents par le lien qu'il établit entre
l'allègement de la dette et la réduction de la pauvreté.
De par ses objectifs et son approche, elle est créditée de
qualités favorables à la lutte contre la pauvreté. Mais
toutes ces qualités s'accompagnent des principes qui font obstacle
à la réalisation de ses objectifs, à savoir la lutte
contre la pauvreté. Et à propos, quelle en est la situation du
Cameroun ?
Chapitre II :
PAUVRETE ET PROBLEMATIQUE DE la LUTTE CONTRE LA
PAUVRETE AU CAMEROUN
Instrument principal de la politique de lutte contre la
pauvreté, l'Initiative PPTE n'est accessible qu'aux pays dont le
degré de pauvreté constitue un obstacle pour
l'épanouissement présent et futur de leur peuple. L'admission du
Cameroun à cette Initiative se justifie par son état de
pauvreté. Qu'en est-il réellement ? En outre, cette Initiative
consacre la politique de lutte contre la pauvreté au Cameroun. Comment
se pose le problème de la lutte contre la pauvreté au Cameroun ?
Telles sont les questions majeures auxquelles tente de répondre le
présent chapitre.
I. LA PAUVRETE AU CAMEROUN
La tentative de radiographie de la pauvreté au
Cameroun, comme partout ailleurs, se heurte à une question fondamentale
dont la réponse s'impose d'entrée de jeu : qu'est-ce que la
pauvreté ?
I.1. La pauvreté : approche
théorique
L'intelligibilité du concept de pauvreté passe
par sa définition et son approche typologique.
I.1.1. La pauvreté : essai de définition
Du latin paupertas, paupertatis, qui veut dire «
état d'une personne qui manque de moyens matériels, d'argent ;
insuffisance de ressources », synonyme de besoin, dénuement,
gêne, indigence, nécessité, privation, la pauvreté
est une réalité aux contours multiples et difficiles à
cerner. Des structures de lutte contre la pauvreté aux pauvres
eux-mêmes, il existe une multitude de définitions de la
pauvreté.
Pour la Banque mondiale,
« La pauvreté est synonyme de privation et de
vulnérabilité : privation d'une nutrition adéquate, de
soins de santé rudimentaires, d'une éducation de base et de
possibilités impossibles à saisir ».
La pauvreté se caractérise, d'après la
Banque toujours, par un profond dénuement, un manque aigu de
bien-être :
« Etre pauvre, c'est avoir faim, ne pas avoir un toit
ni de vêtements décents, être malade et ne pas pouvoir se
faire soigner, c'est être illettré et sans instruments
».
Pour le PNUD,
« La pauvreté est un phénomène
complexe qui désigne généralement une insuffisance de
ressources et une privation de possibilités de choix et
d'opportunités qui offriraient aux individus des conditions de vie
décentes ».
Selon le PNUD toujours, la pauvreté possède une
multiplicité d'images à travers lesquelles s'expriment les
mauvaises conditions de santé ou d'éducation, le manque
d'accès au savoir, l'impossibilité d'exercer des droits civiques,
l'absence de dignité et de confiance personnelle, la dégradation
de l'environnement.
Ces définitions, pour ne citer que celles de ces deux
structures de développement, constituent le préalable notionnel
qui s'impose aux structures de lutte contre la pauvreté et leur permet
d'orienter leurs actions dans cette lutte.
Pour les autorités camerounaises, s'inspirant des
consultations participatives en vue d'élaboration du DSRP,
« La pauvreté est avant tout le manque de
ressources matérielles ou financières pour satisfaire les besoins
essentiels des individus. Au nombre de ces besoins figurent l'alimentation, le
logement, les soins de santé, l'éducation, l'approvisionnement en
eau potable etc. ».
La perception des populations est également une
approche importante dans l'explication et le combat contre la pauvreté.
Comment les populations camerounaises définissent-elles la
pauvreté ?
Dans leur vécu quotidien, tout comme dans
l'évaluation quantitative, les éléments liés au
revenu caractérisent la pauvreté au Cameroun. Selon les
populations,
« Etre pauvre, c'est manquer des ressources
financières pour satisfaire les besoins essentiels ».
Pratiquement,
« La pauvreté c'est la difficulté
d'accès à l'eau potable, à l'électricité,
aux produits de première nécessité, le manque de routes,
de moyens de communications ».
Ou encore,
« La pauvreté, ce sont les écoles
éloignées, le manque d'enseignement effectif dans les
écoles [...]. Le pauvre, c'est aussi une personne en mauvaise
santé et qui a des difficultés d'accès aux soins
médicaux ».
Ces diverses définitions de la pauvreté nous
situent sur la réalité du phénomène. Que l'on soit
du côté des structures de lutte contre la pauvreté ou de
celui des pauvres, une constance se dégage : la pauvreté traduit
l'impossibilité de satisfaire un certain nombre de besoins vitaux. Le
manque de ressources, la précarité, la
vulnérabilité et l'exclusion sont caractéristiques de la
pauvreté. Mais la complexité de cette réalité ne
permet pas de saisir tous ses contours. D'où la nécessité
d'une approche typologique de la pauvreté.
I.1.2. La pauvreté : approche typologique
Plusieurs critères permettent de circonscrire le
concept de pauvreté : le critère d'évaluation, le
critère de profondeur, le critère d'ampleur, le critère
chronologique ou temporel, le critère de nature.
I.1.2.1. Typologie selon le critère
d'évaluation de la pauvreté
Deux approches ont cours en matière
d'évaluation de la pauvreté : l'approche monétaire et
l'approche humaine. De ces approches découlent la pauvreté
monétaire et la pauvreté humaine.
I.1.2.1.1. La pauvreté
monétaire
Dans l'approche monétaire, la pauvreté est
appréhendée à partir d'un seuil de pauvreté qui
varie d'une région à l'autre, d'un pays à l'autre. Ainsi,
pour les pays en développement, le seuil de pauvreté est
fixé à un dollar par jour et par personne, alors que pour les
pays de l'Europe de l'Est et de la Communauté des Etats
Indépendants (CEI), le seuil établi est de 4 dollars par jour et
par personne.
Dans cette perspective, est pauvre tout individu incapable
d'atteindre le seuil établi par jour, ce seuil s'exprimant en terme
monétaire. Cette approche qui a longtemps prévalu dans
l'évaluation de la pauvreté et du développement, a fait
l'objet de critiques pour autant qu'elle occulte l'aspect qualitatif du
développement. D'où la promotion de l'approche humaine.
I.1.2.1.2. La pauvreté
humaine
Contrairement à l'approche monétaire, «
l'approche par les manques » caractérise la pauvreté
humaine, laquelle pauvreté se préoccupe des conditions des
pauvres dans leur milieu. La pauvreté humaine se réfère
aux potentialités qu'un individu est en mesure ou non de
réaliser, en fonction des possibilités qui lui sont offertes. La
pauvreté n'est pas seulement indigence mais aussi manque
d'opportunités réelles. C'est cette approche qui semble de nos
jours rendre compte de la pauvreté dans son effectivité. Cette
notion de pauvreté humaine a été mise sur pied et
vulgarisée par le PNUD qui en a fait son sujet de
prédilection.
I.1.2.2. Typologie selon la profondeur de la
pauvreté
Selon le critère de profondeur ou de degré, qui
renvoie à une approche verticale, la pauvreté a été
catégorisée en deux : « la pauvreté absolue [...] la
pauvreté relative ». Mais le PNUD identifie bien plus. Il y ajoute
la pauvreté extrême.
I.1.2.2.1. La pauvreté
relative
C'est la forme de pauvreté dans laquelle les pauvres
« peuvent avoir juste fait face à leurs besoins fondamentaux
minimaux, mais avoir des ressources limitées qu'ils n'ont pas les moyens
de participer suffisamment à la vie de la société ».
Pour établir la pauvreté relative, on procède par une
classification croissante des ménages selon leur niveau de
dépenses. Puis, on considère les populations dans la proportion
de 30% ou 40% comme relativement pauvres.
I.1.2.2.2. La pauvreté
absolue
Cette forme de pauvreté que le PNUD désigne
encore « pauvreté générale »se
réfère à un état où il y a
impossibilité de faire face aux besoins fondamentaux minimaux pour une
vie acceptable. C'est « l'impossibilité d'un ménage ou d'un
individu de satisfaire à la fois tous les besoins au minimum qui
permettent une vie décente ». Cette forme de pauvreté se
constate en établissant un chiffre de revenus en deçà
duquel les besoins ne sont pas satisfaits.
I.1.2.2.3. La pauvreté
extrême
Cette forme de pauvreté traduit un état de
dénuement, de gêne, d'indigence, de besoin et de privation. Dans
ce cas, les victimes risquent leur vie à court terme si elles ne sont
pas traitées comme des personnes en danger. C'est ce que Riddel et
Robinson appellent « chronical poverty ». Pour eux, « the
chronically poor are those whose income levels remain below a given
poverty-line by minimum consumption standards: they suffer from acute
deprivation ».
I.1.2.3. Typologie selon l'ampleur de la
pauvreté
Le critère d'ampleur renvoie à l'approche
horizontale de la pauvreté. La pauvreté peut être
individuelle ou de masse.
I.1.2.3.1. La pauvreté
individuelle
La pauvreté individuelle renvoie à la question
de besoins essentiels. Elle est perçue d'abord comme une situation de
marginalité. Le pauvre est alors celui qui n'a pas de moyen de faire ce
que réalisent les autres membres du groupe ayant un statut voisin du
sien. La pauvreté isole et, dans une certaine mesure, «
désocialise » l'individu en le privant des comportements types du
groupe en ce qui concerne les consommations et le genre de vie. La
pauvreté individuelle, selon Marc Penouil, est une situation difficile
à cerner.
I.1.2.3.2. La pauvreté de
masse
Cette forme de pauvreté selon le PNUD est
fondamentalement liée à l'âpreté des conditions
géographiques et économiques d'un groupe social ou d'une
communauté donnée. C'est une forme de pauvreté
structurelle et persistante qui va au-delà de l'insuffisance des
ressources financières. L'hostilité de l'environnement
économique global explique souvent cette pauvreté que l'on
rencontre dans certaines localités des provinces de l'Extrême Nord
et de l'Est du Cameroun.
I.1.2.4. Typologie selon le critère
chronologique
Dans cette typologie, on distingue la pauvreté ancienne
et la pauvreté nouvelle.
I.1.2.4.1. La pauvreté
ancienne
Comme son nom l'indique, c'est une pauvreté ancienne et
persistante. Elle est le plus souvent génératrice des autres
formes de pauvreté. Elle peut être due aux conditions
géographiques et économiques d'une société ou d'un
pays.
I.1.2.4.2. La pauvreté
nouvelle
Cette forme de pauvreté renferme ceux que la Banque
mondiale désigne « the new poor ». C'est une forme de
pauvreté due le plus souvent à une rupture du niveau des revenus.
Les caractéristiques de l'organisation sociale et les mutations
politico-économiques sont porteuses de cette forme de pauvreté.
Elle naît des événements qui prennent des proportions et
produisent des conséquences qui auraient été moindres dans
un autre contexte. Comme expliquent Riddel et Robinson,
«The new poor are those who were previously above the
poverty-line but have since joined the ranks of the poor as result of economic
recession or structural adjustment programs».
Les milliers de déflatés de la fonction publique
et du secteur privé camerounais comptent parmi les nouveaux pauvres.
I.1.2.5. Typologie selon le critère
spatial
La pauvreté s'exprime aussi en fonction du milieu ou de
la zone où elle sévit. Ainsi parle-t-on de la pauvreté
rurale et de la pauvreté urbaine.
I.1.2.5.1. La pauvreté
rurale
C'est une pauvreté caractéristique des zones
rurales. Outre la faible productivité de l'agriculture, la principale
cause de pauvreté rurale est la difficulté d'accéder aux
facteurs de production (sol et capital) et à la ressource vitale que
constitue l'eau.
Combattre efficacement cette forme de pauvreté suppose
des réformes agraires améliorant l'accès aux ressources et
aux facteurs de production, ainsi que des activités de formation, de
recherche agronomique. La pauvreté au Cameroun touche en grande partie
la population rurale. La pauvreté rurale entraîne l'exode rural et
les migrations interrégionales qui déplacent le problème
dans les zones urbaines.
I.1.2.5.2. La pauvreté
urbaine
C'est une forme de pauvreté caractéristique des
zones urbaines. L'exode rural, la montée du chômage qui
entraîne des phénomènes tels que la prolifération de
l'habitat spontané, l'insalubrité et l'insécurité
sont à l'origine de cette forme de pauvreté. La pauvreté
urbaine s'évalue non seulement sur des critères de revenus mais
également sur ceux qui concernent les conditions de vie qui
déterminent implicitement la capacité à produire un niveau
monétaire suffisant d'une part, et la capacité à
générer une croissance libératrice de la misère
d'une part. Plus de la moitié des populations urbaines au Cameroun vit
actuellement dans des quartiers sous-équipés et dans des
conditions très précaires.
I.1.2.6. Typologie selon la nature des
ressources
La pauvreté s'exprime aussi en terme de nature de
ressources. Ainsi pourra-t-on parler de pauvreté matérielle et de
pauvreté non matérielle.
I.1.2.6.1. La pauvreté
matérielle
Cette forme de pauvreté s'exprime en terme de manque de
ressources matérielles. Les ressources alimentaires, les infrastructures
sanitaires, scolaires, l'habitat, constituent autant de ressources dont le
manque traduit la pauvreté matérielle.
I.1.2.6.2. La pauvreté
non-matérielle
Il s'agit, dans ce type de pauvreté, de manque de
ressources non matérielles, non palpables. La pauvreté
intellectuelle, la pauvreté morale, la pauvreté spirituelle,
relèvent de la pauvreté non-matérielle. Ainsi peut-on
être matériellement riche et intellectuellement, moralement et
spirituellement pauvre et vis-versa.
La typologie de la pauvreté ainsi
élaborée permet d'avoir un aperçu des contours de la
pauvreté. Que peut-on dire de la pauvreté au Cameroun ? Plus
précisément, quel en est le profil ?
I.2. Champs d'expression saillante de la pauvreté au
Cameroun
Plusieurs études permettent d'identifier les champs
d'expression de la pauvreté au Cameroun. L'enquête sur les
conditions de vie des ménages menée en 1996 fournit des
indications sur l'ampleur et les manifestations de la pauvreté au sein
des populations camerounaises. Les résultats de cette opération
révèlent que la pauvreté touchait 50.5% environ des
populations camerounaises en 1996. En mars-avril 2000, le gouvernement a
engagé un processus de consultations participatives sur la
pauvreté au Cameroun. Les résultats de ces consultations,
associés à ceux d'ECAM II de 2001, ont permis
l'élaboration du Document de stratégie de réduction de la
pauvreté au Cameroun(DSRP). D'après ce document, la
pauvreté au Cameroun se dessine dans divers secteurs, notamment
l'emploi, l'éducation, la santé et l'habitat.
I.2.1. Le domaine de l'emploi
La re-structuration des entreprises du secteur public et
parapublic, qui a entraîné la fermeture de certains
établissements et le gel des recrutements à la fonction publique,
et les mesures d'allégement des effectifs ont engendré une forte
montée du chômage. Entre 1984 et 1991, le niveau de l'emploi a
baissé de 10% et le chômage a atteint le taux de 17% en 1995.
« Le phénomène du chômage au Cameroun touche
près de 22% de la population active, et atteint 24% et 31% dans les
grandes métropoles, 4% dans la zone rurale. ».
Le chômage frappe principalement les jeunes et les
femmes, entraînant un fort développement du secteur informel qui
crée des emplois du reste précaires.
En plus des conséquences de la crise économique,
l'inadéquation entre le système éducatif et le
marché du travail contribue à aggraver la situation de l'emploi
au Cameroun.
I.2.2. Le domaine de
l'éducation
Les difficultés dans le domaine de l'éducation
sont liées, à la fois, à la situation
socio-économique des parents et du Gouvernement.
Les familles les plus démunies connaissent plus de
difficultés pour scolariser leurs enfants, compte du coût de
scolarité élevé et de la baisse des revenus.
Du côté du gouvernement, la baisse de l'enveloppe
budgétaire s'est traduite par l'insuffisance des structures d'accueil
due à l'arrêt des constructions des salles de classes, la
dégradation du ratio élèves/enseignants sous l'effet du
gel des recrutements d'enseignants, l'insuffisance de matériels
didactiques et autres auxiliaires d'enseignement et d'apprentissage. Les
difficultés de ce secteur se sont aussi traduites par l'absence
d'équité et l'inefficacité de la gestion du
système. L'enseignement technique et de la formation professionnelle et
l'enseignement supérieur, ont connu des développements
similaires.
I.2.3. Le domaine de la
santé
Les difficultés dans le domaine de la santé sont
quasi-identiques à celles de l'éducation. Les contractions
budgétaires ont conduit à l'arrêt des constructions et
d'acquisitions d'équipements des formations sanitaires à
l'arrêt du recrutement des personnels sanitaires dans la fonction
publique et l'insuffisance de ce personnel en quantité et en
qualité. De plus, le personnel est inégalement reparti sur
l'ensemble du pays et connaît un faible rendement suite à la
baisse drastique des salaires des personnels de l'Etat. Comme résultats,
les principaux ratios d'indicateurs de performance se sont
détériorés par rapport aux normes de l'organisation
mondiale de la santé (OMS), notamment un médecin pour 10.000
habitants (contre 1 pour 3.000) et un infirmier pour 2250 (contre 1 pour
1.000).
La dégradation du système sanitaire intervient
de manière concomitante à l'apparition de nouveaux défis
qui interpellent le secteur de la santé. Il s'agit notamment du VIH/SIDA
dont la prévalence a progressé de 2% à 11.8% entre 1992 et
2002, de la recrudescence de la tuberculose et de la persistance du paludisme.
Cette situation entraîne une dégradation de la santé des
populations camerounaises et une diminution du capital humain en
quantité et en qualité, ce qui constitue un obstacle à la
croissance économique et enfin un développement du Cameroun.
I.2.4. Le domaine de l'habitat
L'habitat, entendu au sens du logement et de ses
équipements, est un domaine privilégié à travers
lequel on peut mesurer les effets de la pauvreté. Les difficultés
ici sont liées aux coûts de matériaux de construction et
aux difficultés d'accès à la propriété
foncière. Les ménages pauvres sont propriétaires de
logements essentiellement précaires. Dans ce cadre de vie, 26.2% ont
accès à l'eau potable, 98% font la cuisine au feu de bois ou au
charbon de bois et moins de 1% bénéficient d'un éclairage
à l'électricité.
Cette présentation de ces domaines saillants de la
pauvreté au Cameroun suscite le questionnement quant aux
déterminants de cette pauvreté.
I.3. Les déterminants de la pauvreté au
Cameroun
Plusieurs facteurs déterminent la pauvreté au
Cameroun. Aux déterminants naturels et économiques, s'ajoutent
les déterminants socioculturels.
I.3.1. Les déterminants naturels de la
pauvreté au Cameroun
Sur ce plan, les principaux déterminants de la
pauvreté au Cameroun sont, selon le PNUD, les disparités
régionales en ressources naturelles. A cela s'ajoute l'enclavement de
certaines régions.
Pour le cas des disparités régionales, le
Cameroun est dans l'ensemble bien fourni en ressources naturelles, tant sur le
plan hydro-agricole que géologique. Cependant, la répartition
spatiale de ces ressources est très inégalitaire. De ce fait, le
potentiel de développement, et donc la vulnérabilité ou
non à la pauvreté est très contrastée d'une
région à l'autre.
Des consultations participatives qui ont permis de mieux
cerner les facteurs de pauvreté tels que perçus par les pauvres,
il ressort que l'enclavement de certaines régions en matière de
routes et de pistes rurales est l'une des causes majeures de la
pauvreté. Cet enclavement nuit à la capacité des
populations desdites régions d'évacuer leur production vers les
marchés, ou de s'approvisionner à des coûts raisonnables.
Plus généralement, cette préoccupation rejoint celle de
l'accès des populations aux infrastructures de base.
I.3.2. Les déterminants économiques
de la pauvreté au Cameroun
Ces déterminants s'expriment à deux niveaux :
l'un exogène et l'autre endogène.
I.3.2.1. Les déterminants exogènes
Le Cameroun, à l'instar de la plupart des pays en voie
de développement, a une « économie fortement ouverte ».
L'évolution de l'environnement international et les aspects des
relations économiques ont des répercussions significatives sur le
comportement de certains indicateurs socioéconomiques. Ainsi, la
dégradation des termes de l'échange qui est intervenu à la
seconde moitié de la décennie 1980 et qui a constitué un
facteur d'appauvrissement du pays, a conduit à un alourdissement de la
dette extérieure, dette contractée pour compenser la chute
drastique des recettes d'exportation.
I.3.2.2. Les déterminants
endogènes
Pour lutter contre la crise économique
déclenchée au milieu des années 80, le gouvernement a
adopté dans le cadre du programme d'ajustement structurel et sous
l'égide des bailleurs de fonds internationaux, des politiques
macro-économiques dont le but premier était la stabilisation des
finances publiques.
Le gouvernement a mis en oeuvre une politique de rigueur
budgétaire qui a eu des effets sur les services sociaux de base (eau,
éducation, santé, etc.) et a réduit
considérablement les revenus des employés de l'Etat. La
re-structuration des entreprises des secteurs publics et parapublics, et la
sévérité des difficultés économiques dans
plusieurs entreprises privées ont provoqué un chômage
massif. Certaines politiques sectorielles ont eu pour conséquence de
fragiliser la situation sociale des travailleurs et de dégrader les
conditions de vie des populations.
La libéralisation des filières agricoles est
aussi ressentie par les populations comme l'une des causes de la
pauvreté. Ses effets négatifs les plus dénoncés
sont l'absence d'encadrement des planteurs, la hausse des prix des intrants, la
pratique des bas prix d'achat aux planteurs.
I.3.3. Les déterminants socioculturels de
la pauvreté au Cameroun
A côté des déterminants naturels et
économiques de la pauvreté, se trouvent d'autres types d
éléments qui, sans toutefois être mesurables ou
quantifiables, sont à l'origine de la pauvreté au Cameroun.
Au nombre de ces éléments se recensent la perte
des valeurs morales, l'absence de la considération sociale, la perte de
la solidarité familiale, les pratiques de sorcellerie, la
thésaurisation du patrimoine matériel dans certaines
régions et des préjugés à l'encontre des groupes
sociaux à culture et mode de vie différents. Les résultats
des consultations de janvier 2002 complètent la liste des
déterminants socioculturels de la pauvreté au Cameroun, avec des
facteurs tels que « les mauvaises pratiques religieuses », la
mauvaise gestion des conflits agriculteurs-éleveurs,
l'insécurité ambiante dans certaines localités, le manque
d'esprit associatif, le renforcement du tribalisme et du sectarisme.
Les populations décrient aussi la mauvaise gouvernance
qu'elles attribuent à la corruption, aux détournements des
deniers publics, à l'impunité, au monnayage des services
publics, à l'absence de la décentralisation et à la
répartition inégale des fruits de la croissance. Ces derniers
éléments constitutifs des déterminants socioculturels de
la pauvreté au Cameroun sont la résultante d'une l'absence de
conscience nationale.
La combinaison de tous ces déterminants constitue un
véritable appareil de production et d'entretien de la pauvreté au
Cameroun. C'est pourquoi malgré la succession des politiques de
développement, «la pauvreté au Cameroun est encore synonyme
de privation, de précarité, de vulnérabilité, de
marginalisation, de destitution, de possibilités impossibles à
saisir, d'inégalités... ».
C'est compte tenu de cet état de pauvreté auquel
s'associe un niveau d'endettement considérable, que le Cameroun a eu
accès à l'Initiative en faveur des pays pauvres et très
endettés , laquelle Initiative consacre la politique de lute contre la
pauvreté.
II. LA PROBLEMATIQUE DE LA LUTTE CONTRE LA PAUVRETE AU
CAMEROUN
Avec l'avènement de l'Initiative PPTE, la politique de
lutte contre la pauvreté a pris de l'ampleur au Cameroun et ne cesse de
s'amplifier. Au-delà d'un incontestable effet de mode, cette politique
suscite le questionnement quant à son impact sur le développement
du Cameroun. Que faut-il entendre par lutte contre la pauvreté ? Comment
en est-on arrivé là ? Quelle en est la perception sociologique ?
II.1. La lutte contre la pauvreté : Approche
théorique
La lutte contre la pauvreté est un concept aujourd'hui
à la mode dans le vocabulaire aussi bien du grand public que des acteurs
nationaux et internationaux du développement. Au-delà du grand
usage qui en est fait, et dans des perspectives pas toujours avouées, il
n'en demeure pas moins que la lutte contre la pauvreté reste un concept
à définir. Qu'est-ce que la lutte contre la pauvreté ?
Quel en est le fondement théorique ?
II.1.1. La lutte contre la pauvreté :
clarification conceptuelle
Des définitions sus-données de la
pauvreté, il en ressort que la pauvreté implique toujours un
manque partiel ou total d'accès à des ressources
matérielles, économiques, sociales, politiques ou culturelles
nécessaires à la satisfaction des besoins fondamentaux. Ainsi
perçue, la pauvreté donne lieu à la mise sur pied d'un
ensemble de mesures et d'actions en vue de son atténuation, de son
amélioration et finalement de son éradication. Autrement dit, le
concept de lutte contre la pauvreté met en exergue un ensemble de
mesures et d'action en vue de l'atténuation, de
l'amélioration& et finalement de l'éradication de la
pauvreté. Cette lutte peut se faire par des méthodes directes ou
indirectes.
La méthode directe de lutte contre la pauvreté
consiste à soulager immédiatement un état de
dénuement, par exemple sous forme d'aide humanitaire, de création
d'emplois temporaires ou d'assurances sociales. Il s'agit en d'autres termes
d'une méthode qui consiste à apporter des solutions ponctuelles
à des situations de pauvreté données.
La méthode indirecte de lutte contre la pauvreté
quant à elle, tend d'une part à améliorer dans son
ensemble, le régime englobant toutes les classes sociales, d'autre part
à renforcer des potentialités susceptibles d'être
bénéfiques aux pauvres. La promotion de la bonne gouvernance, la
démocratisation et la décentralisation, l'amélioration du
cadre juridique, la lutte contre la corruption, la contribution à la
stabilisation des équilibres socio-économiques sont autant de
mesures indirectes de lutte contre la pauvreté. Ainsi clarifié,
peut-on dire que le concept de lutte contre la pauvreté est nouveau ?
Comment le rendre intelligible sans le situer dans le continuum historique ?
II.1.2. La lutte contre la pauvreté : mise
en perspective historique
Comment combattre la pauvreté ? La réflexion
sur la lutte contre la pauvreté plonge ses racines dans l'histoire de la
pensée économique. En effet, la pauvreté est
présente comme réalité à combattre, plus que comme
thème de réflexion, dans la plupart des corps de doctrines
économiques dès le XVIe - XVIIe siècle, avec les
mercantilistes. Le mercantilisme a ainsi précédé
l'école libérale, les réactions antilibérales et
les théories néo-libérales.
Le mercantilisme est un ensemble de doctrines du XVIe et XVIIe
siècle qui enseignait que le commerce devait faire reculer la
pauvreté et enrichir les nations en leur permettant d'accumuler de l'or
ou des devises. Selon cette doctrine, plus un Etat possède d'or, plus la
pauvreté recule, et plus l'Etat est riche et puissant. La doctrine
mercantiliste a pris trois formes différentes selon les nations
où elle s'est développée : le bullionisme en Espagne,
l'industrialisme en France et le commercialisme en Grande Bretagne.
Toutes ces doctrines mercantilistes n'ont pas
résisté au poids des réalités économiques du
XVIIIe siècle, les hommes du XVIe siècle n'ayant pas conscience
des phénomènes inflationnistes du fait même de la
pauvreté, c'est-à-dire de la rareté des biens et des
moyens de paiement.
L'école libérale est ainsi nommée parce
que ses représentants sont partisans d'une plus grande liberté
économique : liberté d'entreprendre, d'acheter et de vendre,
liberté de faire circuler les marchandises (libre-échangisme).
Les libéraux mettent l'individu et ses comportements au centre de la vie
économique , d'où parfois leur qualificatif d'économistes
individualistes. La physiocratie est la plus ancienne des écoles
libérales. Elle prétend que seule la terre est créatrice
de richesses, et donc seule susceptible de lutter contre la pauvreté. La
physiocratie a eu son importance du fait de la personnalité de ses
défenseurs et de son influence sur la résolution
française de 1789.
Dr Quesnay (1723-1790) est l'un des pères fondateurs de
la physiocratie. Adam Smith (1723-1790), Thomas Robert Malthus (1766-1836) et
David Ricardo (1772-1833) sont les ténors de l'école
libérale.
Pour les libéraux, la pauvreté doit
disparaître et les nations s'enrichir, pour peu que le marché joue
son rôle pleinement. Ils pensent que dans la société les
égoïsmes contradictoires des vendeurs et acheteurs s'annulent du
fait de l'existence de la concurrence. Ainsi la pauvreté recule, les
nations s'enrichissent sans que l'Etat intervienne.Les libéraux sont
anti-interventionnistes.
Les antilibéraux se sont constitués en
réaction contre l'école libérale. L'école
protectionniste et les socialismes, dont le marxisme, ont été les
opposants les plus radicaux de l'école libérale.
L'école protectionniste a pris son essor en Allemagne,
avec Frédéric List (1789-1846) dont l'ouvrage «
système d'économie politique » a été une
véritable croisade protectionniste. Pour List, une nation est comparable
à un enfant qui ne peut tout seul atteindre l'âge adulte, il faut
donc l'aider par l'établissement d'un système protectionniste. La
concurrence ne servirait que les Etats pauvres ou ceux qui se construisent.
Les courants socialistes ont été nombreux et
variés au XIXe siècle. En dehors du marxisme, deux ont eu une
grande importance : le saint-simonisme et le mouvement social-chrétien.
Les saint-simoniens ont préconisé le collectivisme et ont voulu
supprimer l'héritage. Mais toutes les tentatives des socialismes
utopiques ont avorté les unes après les autres. Le catholicisme
social est plutôt un réformisme social né dans les milieux
catholiques au XIXe siècle sous l'impulsion d'Albert de Mun et Marc
Sangnier. Ce mouvement est à l'origine des parties
chrétiens-démocrates d'Europe occidentale et des mouvements de
jeunesse catholique.
Le marxisme a l'ambition de restaurer le « communisme
primitif » qui selon Marx, a existé avant l'appropriation de la
terre ; le communisme est un idéal caractérisé par
l'abolition de la propriété privée des biens de production
et de consommation. Pour atteindre ce but suprême, Marx préconise
une transition socialiste pendant laquelle seuls les biens de production seront
collectivisés. Dans l'esprit de Marx, le communisme doit instaurer une
société sans classes alors que dans le régime capitaliste,
selon lui, les propriétaires exploitent les salariés qui ne
possèdent que leur « force de travail ». Ainsi la
pauvreté serait-elle artificiellement créée par le
capitalisme.
Les théories néo-libérales sont promues
et défendues par l'école mathématique, l'école
marginaliste, le Keynésianisme et le monétarisme.
Fondée par le philosophe Cournot en 1838,
l'école mathématique a été animée par
Stanley Jevons en Grande Bretagne (1872), par Léon Walras en Suisse
(1874) et Wilfried Pareto (1927), et aux Etats-Unis par Irving Fisher. Jevons
et Walras étaient interventionnistes, et Pareto individualiste. L'apport
de ces économistes pour l'étude de la pauvreté est celui
d'avoir développé des analyses statistiques utiles à la
compréhension du phénomène, et d'avoir
étudié la rupture de l'équilibre général. Le
mérite des économistes mathématiciens est donc d'avoir
abordé scientifiquement les phénomènes économiques
et sociaux du XIX et XX siècle.
L'école marginaliste est ainsi nommée parce que
ses représentants ont effectué des calculs « à la
marge ». En effet, l'école marginaliste insiste sur l'importance
des facteurs psychologiques dans les comportements économiques.
Le Keynésianisme porte le nom de son fondateur, John
Maynard Keynes. Keynes est surtout connu pour son ouvrage La théorie
générale de l'emploi, de l'intérêt et de la
monnaie, publié en 1936. Défenseur du capitalisme, Keynes
croit indispensable l'intervention de l'Etat en temps de crise. Il
préconise en ce cas, une intervention de l'Etat par des grands travaux
et une politique économique appropriée (monétaire, fiscale
et de déséquilibre budgétaire volontaire). Le
keynésianisme a aussi bien inspiré le New Deal aux Etats-Unis
(politique de Roosevelt en 1932) que beaucoup de politiques économiques
en Europe après 1945. Ses analyses du chômage restent pertinentes
à la fin du XXe siècle, même si les politiques
keynésiennes ne sont pas aussi faciles à mettre en oeuvre qu'au
milieu du XXe siècle. A titre d'exemple, les grands travaux ne
nécessitent plus autant de main-d'oeuvre à la fin du XXe
siècle qu'au milieu de celui-ci.
Milton Friedman de l'Ecole de Chicago est sans conteste le
représentant de l'école néo-quantitativiste de
l'économie : le monétarisme. D'après les
monétaristes, pour juguler l'inflation, l'appauvrissement et les
désordres qui en résultent, il faudrait et suffirait que les
pouvoirs publics limitent la masse monétaire en circulation. Des
politiques d'inspiration monétariste ont été menées
aux Etats-Unis, pendant les deux premières années du
président Reagan (1981-1982) ; en Grande Bretagne Thatchérienne
(de 1979 à 1985) ; au Chili sous Pinochet à la même
époque ; en France après 1986 ou en Allemagne, où des
politiques du « franc fort » ou d'appréciation du mark ont
été défendues et appliquées.
Toutefois, le monétarisme est jalonné de
plusieurs écueils à savoir d'abord que l'inflation n'a pas que
des causes monétaires, car il existe une inflation à facteurs
internationaux et à raisons psychologiques, ensuite, des
monétaristes ne définissent jamais avec exactitude ce qu'ils
appellent la masse monétaire ; enfin, l'abondance des
thérapeutiques montre qu'une politique monétaire ne suffit pas
à juguler l'inflation, une politique fiscale par exemple peut y
contribuer également.
Dans l'ensemble, les néo-libéralistes à
la fin du XXe siècle insistent sur le rôle de l'Etat dans la lutte
contre la pauvreté. Ils préconisent la diminution de
l'intervention de l'Etat et la diminution ou la disparition de larges pans de
la protection sociale. La protection sociale, à leurs yeux, aurait des
inconvénients très importants : son coût prohibitif, son
inutilité, son inefficacité et même sa nocivité. La
protection sociale dissuaderait par exemple les chômeurs de rechercher un
travail.
A l'issue de ce survol de la lutte contre la pauvreté
dans la pensée économique, il apparaît que plusieurs
doctrines ont été envisagées pour atténuer,
améliorer et enfin éradiquer la pauvreté. Qu'il s'agisse
du mercantilisme, du libéralisme, de l'anti-libéralisme ou du
néo-libéralisme, il est question du rôle de l'Etat dans la
lutte contre la pauvreté. Pour le mercantilisme, l'Etat doit
entreprendre des activités génératrices de revenus pour
s'enrichir et devenir puissant. Pour le libéralisme, l'Etat doit se
retirer et donner libre cours à l'entreprise privée.
L'anti-libéralisme par contre, préconise l'intervention de l'Etat
dans la vie de la nation pour la restauration et la sauvegarde de
l'égalité sociale. Pour le néo-libéralisme, l'Etat
doit rétablir la libre concurrence économique et l'initiative
individuelle tout en jouant le rôle d'arbitre, notamment en intervenant
pour créer le cadre légal qui permet le fonctionnement du libre
marché (intervention juridique) et en remettant en mouvement les
éléments qui peuvent entraver l'équilibre du
système (intervention économique).
De façon schématique, la lutte contre la
pauvreté dans la pensée économique est passée de la
phase de l'Etat-entrepreneur à celle de l'Etat
néo-libéral, en passant par celles de l'Etat libéral et de
l'Etat-providence. Ce regard rétrospectif sur la lutte contre la
pauvreté suscite le questionnement sur le fondement théorique de
la résurgence du concept de la lutte contre la pauvreté.
II.1.3. Fondements théoriques du concept de
lutte contre la pauvreté : les théories
néo-évolutionnistes et
néo-libérales.
La résurgence du concept de lutte contre la
pauvreté trouve son fondement à la fois dans la pensée
socio-anthropologique (néo-évolutionnisme multilinéaire)
et économique (néo-libéralisme) du
développement.
Contrairement à l'évolutionnisme
unilinéaire de Rostow qui trace les étapes essentielles et
inévitables par lesquelles doivent passer les pays
sous-développés pour atteindre le développement, le
néo-évolutionnisme auquel est associé le nom de Talcott
Parsons obéit à une démarche multilinéaire dans le
processus de développement. Ce néo-évolutionnisme revient
sur les études comparées des sociétés en essayant
d'établir, à l'aide des apports du structuro-fonctionnalisme, des
critères objectifs de classement des sociétés. Il retient
le critère de la capacité d'adaptation créative aux
réalités internes et externes.
Cette approche se distingue de celle des
évolutionnistes unilinéaires en ce sens qu'elle ne postule pas un
facteur unique d'explication de la réalité sociale, et
récuse tout déterminisme social. La multiplicité des
facteurs et leur agencement, une grande variabilité des conditions du
changement obligent ainsi une prise en compte global des divers aspects
techniques, institutionnels et culturels caractérisant chaque
organisation sociale particulière.
Le néo-évolutionniste consacre un changement de
perspective sur le développement et la nécessité d'une
articulation entre développement et sociétés, ainsi que la
multitude des voies pour y parvenir. Chaque société, dans la
perspective néo-évolutionniste, doit penser son propre
développement en fonction de ses propres valeurs.
Le néo-libéralisme quant à lui est une
doctrine économique qui veut rénover le libéralisme en
rétablissant ou en maintenant le libre jeu des forces
économiques, l'initiative des individus et la recherche de
l'intérêt personnel, par une action adéquate de l'Etat sur
le plan juridique et économique. Pour les partisans de cette doctrine,
le déclin du libéralisme tient à ce que la liberté
juridique, la non-intervention de l'Etat n'ont pas suffi à maintenir
l'équilibre spontané du libre jeu des lois économiques. Le
principe de « laisser-faire, laisser- passer » a été
interprété non comme un mot d'ordre révolutionnaire mais
comme une règle conservatrice établissant la passivité de
l'Etat. Cette attitude, qui a favorisé la concertation et le monopole,
ainsi que la domination de l'économie par la finance, a tué la
concurrence.
Le néo-libéralisme repose sur quatre principes :
le refus de la croyance à une évolution fatale vers le
collectivisme ; la priorité donnée à la recherche de
l'intérêt personnel dans le cadre légal
déterminé, sous la responsabilité sanctionnée par
le risque du producteur et du consommateur ; la croyance à la
non-nocivité de l'inégalité des conditions humaines, qui
développe l'initiative, le goût du risque, le dynamisme productif
; la nécessité d'une intervention de l'Etat.
En prônant le recul de l'Etat-providence, le
néo-libéralisme incite au désengagement de l'Etat de
certains secteurs de la vie de la nation. Ainsi, la quête du
bien-être des populations cesse d'être l'initiative exclusive de
l'Etat. Aux acteurs étatiques s'ajoutent les acteurs
non-étatiques nationaux et internationaux de développement. Le
développement devient l'affaire de tous, l'Etat ne jouant plus que le
rôle de régulateur. C'est autour de ce principe du
néo-libéralisme que s'articule le concept de lutte contre la
pauvreté. Les initiatives de développement de la
Communauté internationale, de la société civile et des
pauvres eux-mêmes traduisent dans la réalité ce principe.
En somme, le néo-évolutionnisme par son principe
de diversification des voies de développement et d'articulation entre le
développement et sociétés d'une part, et le
néo-libéralisme par son principe de recul de l'Etat-providence et
la promotion des initiatives non-étatiques d'autre part, sont à
la base du concept de lutte contre la pauvreté. Le concept de lutte
contre la pauvreté a donc pour fondement théorique le
néo-évolutionnisme et le néo-libéralisme. Que dire
alors de la vogue de la politique de lutte contre la pauvreté ?
II.2. La lutte contre la pauvreté : une politique au
coeur de la problématique du développement
La politique de lutte contre la pauvreté constitue de
nos jours un centre d'intérêts et de débats sur le
développement des pays du Tiers Monde. Qu'est-ce qui explique
l'émergence de cette politique et quels en sont les atouts ?
II.2.1. La lutte contre la pauvreté : les
circonstances de l'émergence de la politique
Plusieurs raisons expliquent l'émergence de la
politique de lutte contre la pauvreté dans le monde en
développement. Jean-Pierre Cling et al. (Dir) en retiennent
principalement trois qui ont conduit les Institutions de Bretton Woods (IBW)
à effectuer un saut qualitatif dans ce domaine en lançant des
stratégies de lutte contre la pauvreté. D'après eux, la
progression de la pauvreté dans le monde, l'échec des Programmes
d'ajustement structurel et la crise de légitimité des
Institutions de Bretton Woods, ont favorisé l'érection de la
politique de lutte contre la pauvreté.
La montée en puissance de la pauvreté est la
première raison favorable à l'émergence de la politique de
lutte contre la pauvreté. En effet, la progression de la pauvreté
dans de nombreuses parties du monde a conduit à un recentrage des
politiques de développement sur la question de la pauvreté. Bien
que la prise de conscience du problème de la pauvreté dans les
pays en développement soit l'aboutissement d'un long processus de
maturation initié à la fin des années quatre-vingt par les
Nations Unies, notamment l'UNICEF et le PNUD qui ont joué le rôle
de précurseurs dans ce domaine, et malgré le retard accusé
par les Institutions de Bretton Woods dans l'intégration de cette
dimension dans leurs politiques, la pauvreté est une
réalité qui prend de l'ampleur dans le monde. Quelles que soient
les incertitudes sur les chiffres, la pauvreté est manifeste dans de
nombreuses parties du monde au cours de ces dernières années. Son
accroissement est particulièrement sensible en Afrique subsaharienne et
dans les pays en transition d'Europe et d'Asie Centrale. Selon les
statistiques de la Banque Mondiale, près de la moitié de la
population mondiale vit avec moins de 2 dollars par jour et un cinquième
avec moins de 1 dollar par jour, montant considéré habituellement
comme le seuil de pauvreté absolue. Dans le cas de l'Afrique
subsaharienne, 47% de la population vit en dessous de ce dernier seuil.
Certains pays semblent enfermés dans une
véritable « trappe à pauvreté »comme en
témoigne le doublement du nombre de pays les moins avancés (PMA)
en trente ans. En 2001, on comptait 49 PMA alors qu'ils étaient 25 lors
de la création de cette catégorie de pays.Compte tenu des
tendances démographiques, la population de ces pays va tripler d'ici
2050 selon les projections des Nations Unies, passant de 660 millions à
1,8 milliards, pour représenter près de 20% de la population
mondiale (contre 11% actuellement). Il est donc impératif de
réagir pour éviter que des populations entières meurent
littéralement de faim.
L'échec des Programmes d'ajustement structurel et la
remise en cause du « Consensus de Washington » sont la
deuxième raison qui a contraint les Institutions de Bretton Woods
à changer de politiques.
Fondés sur le « Consensus de Washington »,
les programmes d'ajustement structurel étaient basés sur le
triptyque stabilisation macroéconomique - libéralisme externe -
libéralisme interne. L'échec de ces Programmes se lit dans les
chiffres sus-évoqués. Après plus d'une vingtaine
d'années d'ajustement structurel sous l'égide des Institutions de
Bretton Woods, aucun succès durable n'a pu être exhibé.
Même le « miracle asiatique » montré en exemple pendant
des années aux Pays en développement est remis en cause depuis la
crise de 1997. Il en est de même des programmes appliqués avec
l'appui des IBW dans les autres grands pays émergents (Argentine,
Brésil, Mexique, Turquie, etc.) et en transition (Russie), qui ont
également connu des crises graves dont certains ne sont pas encore
sortis. Quant aux bons élèves (front-runners) africains qui se
sont succédés au panthéon des « success stories
», aucun n'a réussi à tenir ses promesses dans la
durée.
L'échec du « Consensus de Washington », dans
la plupart des pays, est désormais reconnu par la Banque mondiale elle
même comme l'atteste la critique de Stiglitz, ancien économiste en
chef de cette Institution et prix Nobel d'économie en 2001 :
« Le FMI est supposé assurer la stabilité
financière internationale. Quant à l'OMC, elle doit faciliter le
commerce international. Malheureusement, la façon dont ces deux
dernières Institutions cherchent à remplir leur mandat a
probablement contribué à accroître la pauvreté
(...). Le mélange des politiques de libéralisation et des
politiques économiques restrictives imposées par le FMI a
créé un cocktail aux effets dramatiques pour les pays en
développement ».
En plus de la remise en question des stratégies
passées, la crise de la dette multilatérale constitue l'autre
conséquence fâcheuse de l'échec des PAS sur les pays en
développement et sur les IBW. Cette crise résulte directement de
vingt ans de prêts à moratoire sans croissance économique.
Les Institutions financières, et tout particulièrement la Banque
Mondiale, se retrouvent ainsi en première ligne d'une situation de
surendettement des pays pauvres, où la composante multilatérale
est progressivement devenue prépondérante.
Le troisième facteur de l'émergence de la
politique de la lutte contre la pauvreté, qui résulte de deux
autres ci-dessus est la crise de légitimité des IBW. Face
à l'aggravation de la pauvreté dans le monde, à
l'échec général des politiques promues par les IBW et
à la crise de la dette qui en résulte, les critiques se sont
multipliées à leur égard, leur réclamant un
changement d'orientation. Ce changement constitue un moyen à un double
niveau.
Il est d'abord un moyen de répondre à la «
fatigue de l'aide » dans les pays développés, où les
opinions publiques s'interrogent sur l'utilité de continuer à
consacrer des efforts financiers aussi conséquents à l'aide au
développement. Ainsi, pour lutter contre ce désenchantement, le
thème de la pauvreté est manifestement porteur, ne serait-ce que
dans une optique de solidarité humanitaire.
C'est également un moyen de répondre aux
critiques de la société civile et des mouvements contestataires.
C'est le cas de la décision du lancement du DSRP qui s'inscrit dans un
contexte de critique de plus en plus virulente de l'action des Organisations
internationales, qui a poussé les pays du G7 à lancer
l'Initiative PPTE renforcée lors de leur sommet de Cologne en 1999, et
qui a culminé ensuite lors de la conférence de Seattle en
novembre 1999 et du sommet du G7 de Gênes en juin 2001.
Il apparaît que l'irruption de la politique de lutte
contre la pauvreté sur le champ de la politique de développement
tient à la progression de la pauvreté dans le monde, à
l'échec des Programmes d'ajustement structurel ainsi que du «
consensus de Washington » qui le fondait, et à la crise de
légitimité des IBW. Quels peuvent être alors les atouts de
l'émergence et de la consécration de cette politique ?
II.2.2. La lutte contre la pauvreté : les
atouts supposés de la politique
Du fait de l'échec des stratégies
passées, les principes de la politique de lutte contre la
pauvreté l'ont créditée des qualités favorables
à la réduction de la pauvreté. Cette politique repose sur
le principe de la participation, lequel suppose la prise en compte des valeurs
des populations bénéficiaires dans les initiatives de
développement d'une part, et leur implication dans la mise en oeuvre des
ces initiatives, d'autre part.
La prise en compte des valeurs des populations
bénéficiaires dans les initiatives de développement est
une modalité essentielle du principe de la participation. En effet, la
démarche promue par la politique de lutte contre la pauvreté
intègre la prise en compte des besoins exprimés par les
bénéficiaires dans les initiatives de développement. Cette
démarche consiste à partir non des modèles et
théories de développement importés mais des pratiques
quotidiennes concrètes des populations bénéficiaires. Elle
exige la création au sein des communautés d'accueil, des
conditions pour une appropriation des initiatives de développement qui
leur sont destinées.
La démarche de la politique de lutte contre la
pauvreté s'affranchit de la tutelle exclusive des bureaucrates et
investit le terrain. La participation en matière de lutte contre la
pauvreté vise à donner la parole aux populations
bénéficiaires, car celles-ci connaissent mieux que quiconque
leurs problèmes, leurs besoins. A travers l'approche participative, le
peuple devient un véritable agent ou acteur de son développement
par une définition de ses besoins prioritaires et des actions
appropriées pour les satisfaire. Le passage d'une conception du
développement privilégiant presque exclusivement les
infrastructures matérielles à une autre qui réserverait
une place aux structures sociales - de même que l'abandon progressif des
modèles occidentaux ethnocentriques de développement au profit du
respect des cultures locales - fait de la politique de lutte contre la
pauvreté une politique de développement orientée vers des
projets de développement tournés vers les acteurs locaux.
La participation des différents acteurs de la
société est également une modalité indispensable du
principe de la participation. Elle ouvre de nouvelles perspectives quant
à la façon dont les initiatives de développement et les
affaires nationales en général devront être conduites. En
favorisant le respect du droit à l'information et à l'expression,
la participation atteint un premier objectif de la politique de lutte contre la
pauvreté, celui de s'attaquer à une des dimensions de la
pauvreté, celle de l'exclusion et de la marginalisation.
La participation est supposée remédier aux
dysfonctionnements de la démocratie dans les pays pauvres. Elle devrait
ainsi renforcer les capacités et le pouvoir des corps
intermédiaires (médias, syndicats, associations, etc.) dans
l'élaboration, le suivi, le contrôle, l'évaluation et la
réorientation des politiques. L'information, suivant cette optique, rend
explicite les choix publics et accroît la transparence dans la gestion
des affaires de l'Etat, tout en conférant aux différents acteurs
de la société la possibilité d'exercer des pressions voire
de sanctionner ce dernier en cas de défaillance. En bref, l'enjeu de la
participation est d'assurer le principe de responsabilité
démocratique (accountability), rendant l'Etat responsable de ses actions
devant les citoyens.
En somme, le processus participatif, pour reprendre
Jean-Pierre Cling et al, devrait aider à l'identification des
alternatives aux options antérieures qui soient viables et
cohérentes en permettant une plus grande prise en compte des
spécificités nationales, une identification des véritables
besoins de la population et une meilleure compréhension des logiques
d'acteurs. Tels sont les atouts supposés de la politique de lutte contre
la pauvreté. Que dire de l'émergence de cette politique au
Cameroun ?
II.3. La politique de lutte contre la pauvreté au
Cameroun : une volonté politique.
L'émergence et la consécration de la politique
de lutte contre la pauvreté au Cameroun ont été rendues
possibles par une volonté politique à la fois internationale et
nationale.
II.3.1. La politique de lutte contre la
pauvreté au Cameroun : une volonté politique de la
communauté internationale
Bien que les Institutions de Bretton Woods aient mis plus de
temps pour intégrer la question de la pauvreté dans leurs
politiques, la prise de conscience du problème de la pauvreté
dans les pays en développement est l'aboutissement d'un long processus
de maturation initié dès la fin des années
quatre-vingt.Les Nations Unies, et notamment le PNUD, y ont joué un
rôle précurseur. Le Comité d'aide au développement
(CAD) de l'OCDE et la Banque mondiale ont accompagné la marche vers la
prise de conscience du problème de la pauvreté, ainsi que la
consécration de la politique de lutte contre la pauvreté.
En publiant dès 1987 l'ouvrage « L'ajustement
à visage humain », l'UNICEF alertait déjà sur
les conséquences sociales néfastes des politiques d'ajustement
structurel.
Tout au long des années 1990, plusieurs
conférences internationales des Nations Unies ont contribué
à la prise de conscience du problème de la pauvreté dans
le monde. La Communauté internationale a réaffirmé sa
volonté de lutter contre la pauvreté lors de ces rencontres. Le
Sommet mondial pour le développement humain tenu à Copenhague en
1995, représente sans doute la plus importante de ces
conférences. La Déclaration et le Programme d'action
ratifiés à l'issue de ce Sommet ont fait de la réduction
de la pauvreté une priorité du développement. Les
participants ont recommandé l'éradication de la pauvreté
dans le monde par des mesures décisives au niveau national et
international.
La conférence de Copenhague n'a été qu'un
maillon d'une chaîne de conférences qui se sont
intéressées de près aux questions soulevées par la
pauvreté dans le monde. La conférence sur «
L'éducation pour tous » (Jomtien, Thaïlande : 1990), la
conférence mondiale sur les droits de l'homme (Vienne, Autriche : 1993),
la conférence mondiale sur les femmes (Beijing, Chine : 1995), la
conférence sur les établissements humains « Habitat »
(Istanbul : 1996), ont été autant d'étapes
consacrées au plus haut niveau aux questions de politiques sociales
étroitement liées à la lutte contre la pauvreté.
Dans la foulée, l'Assemblée
générale des Nations Unies a proclamé 1996 «
Année internationale de l'éradication de la pauvreté
» et la décennie 1997-2006 « Première décennie
des Nations Unies pour l'élimination de la pauvreté ». En
1996 toujours, le Comité au développement (CAD) de l'Organisation
de coopération et de développement économique (OCDE) a mis
la pauvreté au centre de ses préoccupations. Ce qui a conduit
à la définition des objectifs de développement du
millénaire par les Nations en 2000. Le premier de ces huit objectifs
propose de diviser par deux la population vivant dans une situation
d'extrême pauvreté entre 1990 et 2015.
La Banque mondiale a accompagné ce mouvement de
recentrage des politiques de développement sur la question de la
pauvreté de manière indirecte et directe. D'abord de
manière indirecte avec la mise en place du programme Dimensions sociales
de l'ajustement (DSA), en association avec le Programme des Nations Unies pour
le développement (PNUD) et la Banque Africaine de développement
(BAD), pour atténuer les effets négatifs de court terme des
réformes sur les populations vulnérables. Puis de manière
directe en consacrant en 1990 le Rapport sur le développement dans le
monde à la pauvreté. Avec la publication de ce Rapport, suivi
d'un second sur le même thème dix ans après, la Banque
mondiale a affirmé l'importance qu'elle accordait à la lutte
contre la pauvreté. La profusion des recherches sur la pauvreté
et la production régulière des documents permettant de cerner les
caractéristiques et les déterminants de la pauvreté dans
chaque pays, participent des actions déployées par la Banque
mondiale pour accompagner la politique de lutte contre la pauvreté dans
le monde.
Parmi les actions les plus récentes de la Banque
s'inscrivant dans cette même perspective, figure l'Initiative en faveur
des pays pauvres et très endettés (IPPTE). Lancée en 1999,
cette Initiative dont elle partage la paternité avec le Fonds
monétaire international (FMI) place la lutte contre la pauvreté
au coeur des politiques de développement.
Tous ces déploiements au niveau international ont
contribué à la consécration de la politique de lutte
contre la pauvreté dans les pays en développement. Mais la
consécration de cette politique au Cameroun, comme dans bien d'autres
pays en développement, n'aurait pas été possible sans une
volonté politique nationale.
II.3.2. La politique de lutte contre la
pauvreté au Cameroun : une volonté politique
nationale.
En plus des déploiements de la Communauté
internationale auxquels adhère d'ailleurs le Cameroun, la
consécration de la politique de lutte contre la pauvreté au
Cameroun a été favorisée par une volonté politique
nationale. Bien que ces déploiements au niveau international se situent
au début des années 1990, la période d'après crise
économique marque le début des déploiements qui ont
favorisé plus tard la consécration de la politique de lutte
contre la pauvreté au Cameroun.
En effet, en réaction contre la crise économique
qui a frappé le Cameroun à la fin de la première
moitié de la décennie 80, les autorités camerounaises ont
formalisé dans le cadre d'un outil documentaire de lutte contre la
crise, la Déclaration de stratégies de relance économique
(DSRE) (MINFI, 1989). Ce document traduisait aussi bien la prise de conscience
de la gravité de la crise que l'impérieuse
nécessité de mettre en oeuvre des politiques alternatives devant
permettre d'en sortir. Il contenait ce qui a été appelé
politique d'ajustement d'origine interne et prenait appui sur trois principes
fondamentaux devant commander les différents volets des mesures à
mettre en oeuvre à savoir la réduction progressive des
contraintes qui entravent l'ouverture générale
d'opportunités économiques (mécanismes concurrentiels et
efficaces du marché) ; la réorientation du rôle de l'Etat
pour en faire un intermédiaire facilitant les opérations du
secteur privé et notamment les petites et moyennes entreprises (PME),
tout en minimisant son emprise directe sur l'appareil de production et de
distribution ; la réorientation des services publics vers des programmes
qui améliorent le bien-être et la productivité tout en
tenant compte de la dimension sociale de l'ajustement. Sur ce dernier point en
effet, les conséquences sociales de la crise avaient enfin rendu
nécessaire la mise en place d'une dimension sociale de l'ajustement pour
soutenir le secteur social de l'économie, notamment en protégeant
les couches de la population les plus vulnérables et en promouvant la
participation des plus pauvres au processus de relance économique. Les
pouvoirs publics, pour y arriver, ont élaboré et mis en oeuvre
cinq programmes d'actions complémentaires dans les secteurs population
et santé, éducation et formation, emploi, rôle de la femme
et enfin cadre institutionnel.
La volonté politique nationale en ce qui concerne la
consécration de la politique de lutte contre la pauvreté s'est
également traduite par la quête par les autorités
camerounaises des moyens pour combattre la pauvreté. Cette quête
effectuée auprès de la Communauté internationale,
notamment des Institutions financières internationales (IFI), a eu pour
premier aboutissement la politique d'ajustement structurel. Cette politique va
recouvrir les Programmes d'ajustement structurel mis en oeuvre par le pays
depuis 1988 et concrétisés par les Accords de confirmation
signés avec lesdites Institutions. Ainsi, le premier Accord de
confirmation d'une durée de 18 mois et d'un montant de 47 milliards de
francs CFA est jugé inopérant dès janvier 1990. Le 31 mars
1990, l'Accord est prorogé de 3 mois, mais toujours sans succès.
Le second Accord de confirmation d'une durée de 10 mois et d'un montant
de 10,2 milliards de francs CFA connaît le même résultat que
les précédents. Le troisième Accord de confirmation d'une
durée de 16 mois et d'un montant de 66 milliards de francs CFA qui
tablait sur les effets positifs de la dévaluation du franc CFA est aussi
déclaré inopérant dès juillet 1994. Le
quatrième Accord d'une durée de 11 mois et d'un montant de 52,6
milliards de francs CFA est également jugé inopérant en
janvier 1996. Mais la révision à la baisse des objectifs de ce
programme en juin1996 et la poursuite du programme revu et corrigé ont
conditionné la signature avec les IFI d'une Facilité d'ajustement
structurel renforcée (FASR), sollicitée par le Cameroun en appui
à son programme triennal 1997/1998-1999/2000. La réussite de ce
programme adopté en juin 1996 par les pouvoirs publics, sans assistance
financière extérieure, leur a valu la signature le 20 août
1997 de ladite FASR d'un montant de l'ordre de 120 milliards
décaissés immédiatement.
L'exécution satisfaisante de ce premier programme
triennal, suivi de l'élaboration par les autorités camerounaises
du Document intérimaire de stratégies de réduction de la
pauvreté (DSRP-I), a permis au Cameroun d'atteindre le point de
décision de l'Initiative en faveur des pays pauvres et très
endettés (IPPTE), le 11 octobre 2000. La mise en oeuvre des actions
contenues dans le DSRP-I s'est poursuivie avec un accent particulier sur les
mesures d'urgence concernant la réduction de la pauvreté,
l'éducation, la santé et la lutte contre le VIH, le renforcement
de l'entretien routier et l'appui aux petites et moyennes entreprises (PME),
l'audit et l'exécution de l'apurement de la dette intérieure,
l'amélioration de la gouvernance et la lutte contre la corruption. Ces
initiatives se sont poursuivies dans les autres secteurs et les
expériences qui en ont été tirées ont permis
l'élaboration par le gouvernement du DSRP final. Depuis lors, les
efforts ont été dégagés pour l'élaboration
des stratégies sectorielles. A ce titre, des documents sont
élaborés respectivement dans les secteurs de l'éducation
nationale, de la santé et du développement rural.
Tous ces déploiements au niveau national, notamment de
la part des autorités camerounaises, traduisent la volonté
politique nationale en ce qui concerne la consécration de la politique
de lutte contre la pauvreté au Cameroun.
La lutte contre la pauvreté est ainsi devenue un fait
de société au Cameroun. Elle pose en même temps un
problème de changement social.
II.4. La lutte contre la pauvreté au Cameroun : un
fait social, un fait social total et un problème de changement
social.
Les déconvenues de la politique de lutte contre le
sous-développement ont favorisé un gain d'intérêt
pour la politique de lutte contre la pauvreté. Cette politique qui
bénéficie à la fois d'une volonté politique
internationale et nationale a fait de la lutte contre la pauvreté un
fait social au Cameroun. Mais sa pratique pose un problème de changement
social.
II.4.1. La lutte contre la pauvreté au
Cameroun : un fait social, un fait social total.
Face à la situation de pauvreté engendrée
par la crise économique et à l'urgence d'y faire face, la lutte
contre la pauvreté est devenue au Cameroun un « fait social ».
Des instances étatiques (gouvernement) au bas peuple, passant par la
société civile, la lutte contre la pauvreté mobilise
l'attention et les efforts des camerounais. Elle est également un «
fait social total ». Du politique au social, passant par
l'économique, la lutte contre la pauvreté se déploie au
Cameroun.
Après plusieurs mesures prises en réaction
contre la crise économique, lesquelles mesures (ajustement interne,
Programmes d'ajustement structurel conclu avec le FMI) se sont soldées
par un échec conduisant à une paupérisation croissante des
populations, le gouvernement a entamé, dans le cadre de la mise en
oeuvre du programme triennal engagé en juillet 1997, la correction de la
profonde dégradation enregistrée à travers l'ensemble du
pays. Cette correction s'est orientée vers l'infrastructure sociale et
la prestation des services sociaux. Le gouvernement a ainsi concentré
ses efforts sur l'appui aux secteurs sociaux de l'éducation, de la
santé et sur la mise en oeuvre d'un programme d'entretien routier
privilégiant les routes rurales reliant les zones de production aux
centres de consommations. Bien que toutes ces mesures soient prises dans la
perspective de la lutte contre la pauvreté, cette lutte va
véritablement prendre de l'ampleur avec l'Initiative PPTE. Avec
l'admission du Cameroun à cette Initiative, la lutte contre la
pauvreté est devenue le credo de toutes les actions gouvernementales. A
travers les discours et autres formes de communication, le gouvernement convie
les populations à oeuvrer dans cette perspective. La lutte contre la
pauvreté est également au centre des préoccupations de la
société civile camerounaise.
Apparue au Cameroun sous la contrainte de la rue exprimant ses
réactions face à la profonde crise économique et politique
de la fin des années 1980, la société civile est un acteur
majeur de la lutte contre la pauvreté au Cameroun.
Au regard de l'ampleur et de la profondeur de la
pauvreté au Cameroun et face à « l'insuffisance
manifestée par l'Etat dans la recherche des solutions concrètes
et durables aux problèmes des populations », il s'est
développé, dans un cadre non gouvernemental, des initiatives pour
faire face à la pauvreté dans laquelle se trouve englué le
pays. C'est dans ce contexte que la société civile est devenue
une référence obligée des discours et actions de lutte
contre la pauvreté au Cameroun. Sa réponse à la
pauvreté au Cameroun s'exprime non seulement par la forte densité
de la société civile, mais aussi par leur importance dans la
lutte contre la pauvreté à travers les domaines de
l'éducation, de la santé, l'environnement, le genre,
l'agriculture. Les organisations de la société civile
s'investissent également dans l'approvisionnement en eau potable, un
grand nombre s'est engagé dans le domaine de la production agricole en
apportant leur appui aux agriculteurs, les aidant à améliorer
leur productivité, à introduire de nouvelles cultures et à
améliorer leurs capacités de commercialisation. La lutte contre
la pauvreté est également au centre des efforts des populations,
des bas peuples, des pauvres.
Les populations sont de véritables actrices de lutte
contre la pauvreté au Cameroun. Les premières stratégies
anti-pauvreté après la crise économique ont
été observées à leur niveau. L'Enquête
camerounaise auprès des ménages de 1996 relève un certain
nombre de stratégies adoptées par les populations pour faire face
à la pauvreté au Cameroun. Ces stratégies vont de la
modification des habitudes de consommation à l'éveil de l'esprit
d'initiative.
Dans le premier cas, la fréquence et la qualité
des repas ont connu une réduction, les biens et les services aussi. Les
populations ont réorienté leur consommation vers les produits de
bas de gamme. C'est dans ce contexte que les produits nationaux ont
été revalorisés. Cette réorientation concerne aussi
bien les domaines du sanitaire, du vestimentaire que ceux des infrastructures.
On assiste ici à un repli vers les produits locaux, du fait de leurs
prix relativement accessibles.
Dans le second cas, on observe une
diversification/multiplication des sources de revenus, sans distinction de
secteurs d'activités. C'est ainsi que les employés de la fonction
publique en viennent, eux aussi , à se discuter le secteur informel avec
les chômeurs et sans qualifications. Ils investissent également
dans l'agriculture de subsistance et même dans la commercialisation,
question « d'arrondir les fins de mois ». Ces stratégies
anti-pauvreté qui se sont amplifiés de nos jours comme le
témoigne aussi le développement à outrance du secteur
informel, traduisent le déploiement des populations contre la
pauvreté au Cameroun. La lutte contre la pauvreté est au centre
des préoccupations des différentes composantes de la
configuration de l'Etat camerounais : gouvernement, société
civile et populations. Cette lutte est également menée dans tous
les secteurs.
La lutte contre la pauvreté au Cameroun se
déploie dans tous les secteurs de la vie de la nation. Elle
intègre à la fois le politique, l'économique et le
social.
Sur le champ du politique, elle est orientée vers la
mise en oeuvre de la bonne gouvernance, de la démocratie, de la
décentralisation, de l'amélioration du cadre juridique et
économique, vers la lutte contre la corruption.
Sur le champ de l'économie, elle est orientée
vers la quête d'une croissance forte, durable et de qualité, vers
la quête de la stabilisation des équilibres
macroéconomiques, vers la diversification de la production et des
sources de revenus.
Sur le champ du social, elle est orientée vers le
renforcement des ressources humaines et du secteur social, notamment
l'éducation et la formation, la santé, l'emploi et l'insertion
des groupes défavorisés dans les circuits économiques.
Le déploiement des différentes composantes de
l'Etat camerounais sus-évoqué s'opère dans ces champs.
Il apparaît, à travers l'exploration de ces
différentes composantes en rapport avec la lutte contre la
pauvreté, que cette dernière est au centre des
préoccupations des camerounais sans exclusive. Mieux, elle structure
leurs pensées et leurs actions.
Compte tenu de ce qui précède, la lutte contre
la pauvreté au Cameroun peut être perçue comme un ensemble
de manières de faire, fixées ou non, susceptibles d'exercer sur
les acteurs sociaux une contrainte extérieure. Elle se déploie
dans plusieurs domaines de la vie de la nation camerounaise. Elle est un fait
social et un fait social total. En même temps, elle pose un
problème de changement social.
II.4.2. La lutte contre la pauvreté au
Cameroun : un problème de changement social
Le changement social renvoie à toute transformation qui
affecte le fonctionnement et la structure de l'organisation d'une
collectivité. La politique de lutte contre la pauvreté met
l'accent sur la promotion et l'instauration du processus participatif dans les
initiatives de développement. Elle suppose un changement à la
fois dans son contenu par rapport aux politiques précédentes, et
dans sa mise en oeuvre.
La politique de lutte contre le sous-développement
ayant laissé sur les rivages une proportion élevée des
populations, du fait de son approche peu socialisante, il s'agit pour la
politique de lutte contre la pauvreté de promouvoir et d'instaurer une
approche participative et socialisante dans les initiatives de
développement. Ainsi, cette politique consacre le passage d'une
conception du développement privilégiant presque exclusivement
les infrastructures matérielles à une autre qui
réserverait une place aux structures sociales, de même que
l'abandon progressif des modèles occidentaux ethnocentriques de
développement au profit du respect des cultures locales.
Dans sa pratique, cette politique pose le problème de
l'adéquation de son contenu à la réduction effective de la
pauvreté. En effet, la reconduction des orientations des politiques
antérieures (reformes économiques : libéralisation) dans
le contenu de la politique de lutte contre la pauvreté témoigne
de l'existence de fortes résistances face à une nécessaire
remise en question de ces orientations. Bien que l'adoption de la nouvelle
politique constitue implicitement un aveu d'échec des politiques
antérieures, des plaidoyers en faveur des IBW continuent à
attribuer la responsabilité principale de l'échec de l'ajustement
structurel aux défaillances des pays en développement dans leur
mise en oeuvre, plutôt qu'à celles de leur contenu. Compte tenu de
cette reconduction dans le contenu de la politique de lutte contre la
pauvreté d'une part, et de la déresponsabilisation du contenu des
politiques précédentes dans l'échec des Programmes
d'ajustement structurel d'autre part, ne faut-il pas penser, comme la «
gauche », que les IBW n'auraient adopté le slogan de lutte contre
la pauvreté que pour mieux faire accepter la poursuite de leur politique
de libéralisation ? Et dans ce cas, la politique de lutte contre la
pauvreté n'est-elle pas vouée aux mêmes résultats
que les précédentes ? Il se pose donc le problème de
l'adéquation du contenu de cette politique à la réduction
effective de la pauvreté
La politique de lutte contre la pauvreté pose
également le problème de son appropriation par les populations
bénéficiaires. Sa mise en oeuvre entraîne un changement de
la configuration des acteurs sociaux de développement. De la
configuration classique constituée des Institutions de
développement, notamment des IBW et l'Etat, on est passé à
une configuration rénovée dans laquelle devrait s'établir
une plate-forme de concertation entre tous les acteurs du développement
(Institutions de développement : Etat, société civile,
populations). Ce changement est favorisé par le principe de
participation promu par cette politique, lequel principe prône la
participation des différents acteurs sociaux aux programmes de
développement. A la faveur de ce principe, la société
civile a fait une entrée remarquable au sein de la communauté des
acteurs sociaux de développement. Elle est ainsi devenue un acteur
incontournable dans la mise en oeuvre des programmes de développement et
surtout un canal d'acheminement de l'aide au développement, l'objectif
pour les donateurs étant dans ce dernier cas, de contourner les canaux
étatiques faits de lourdeurs bureaucratiques et improductifs pour
toucher les populations à la base.
Le principe de participation ainsi promu ouvre de nouvelles
perspectives quant à la gestion des affaires nationales ; elle est
également supposée renforcer les capacités et le pouvoir
des acteurs intermédiaires (société civile) et ceux de la
base (populations bénéficiaires) dans l'élaboration, le
suivi, le contrôle, l'évaluation et la réorientation des
stratégies.
Mais, sa mise en oeuvre et par ricochet celle de la politique
de lutte contre la pauvreté pose le problème de l'appropriation
des programmes de développement par les populations
bénéficiaires. Du fait de l'exclusion traditionnelle des
populations des sphères de décisions, le principe de
participation pose le problème de l'adaptation de celles-ci à ces
nouvelles perspectives. Le principe de participation pose également le
problème de son application effective, car les IBW et l'Etat n'en font
qu'un processus consultatif. Or, la participation suppose non seulement que les
populations bénéficiaires soient impliquées, mais aussi
que leurs préoccupations soient prises en compte dans les programmes de
développement engagés dans leurs communautés.
En définitive, le processus participatif promu par la
politique de lutte contre la pauvreté implique un changement d'attitudes
et de comportements des acteurs sociaux de développement pour autant que
sa logique remet en cause le fonctionnement habituel des institutions dites
représentatives de notre pays/gouvernement.
Ce chapitre consacré à la pauvreté et la
problématique de lutte contre la pauvreté au Cameroun nous a
conduit à des esquisses de réponses aux questions
soulevées par les concepts de pauvreté de lutte contre la
pauvreté au Cameroun. Il en ressort que la pauvreté est une
réalité aux contours multiples, et que le recours à la
politique en vue de sa réduction est désormais établi. Il
ne se pose plus alors que le problème de son application effective. Une
application qui ne peut véritablement être examinée
qu'à travers les mécanismes de mise en oeuvre de l'instrument
principal de cette politique, l'Initiative PPTE.
Chapitre III :
Mécanismes de mise en oeuvre DE l'INITIATIVE
PPTE AU CAMEROUN
Du fait de leur approche mécaniste et économiste
du développement, les Programmes d'ajustement structurel (P A S) se sont
révélés inopérants pour le développement des
pays bénéficiaires .Les déconvenues de ces Programmes ont
amené les Institutions de Bretton Woods à concevoir et à
mettre sur pied un autre instrument de développement supposé
prendre en compte les défaillances desdits Programmes, l'Initiative
PPTE.
Cette Initiative allie les réformes
macroéconomiques à l'allègement de la dette, et à
la lutte contre la pauvreté. Son approche du développement
intègre désormais le social et est assortie des mécanismes
de lutte contre la pauvreté.
Admis à cette Initiative en octobre 2000, le Cameroun
est engagé dans sa mise en oeuvre dans plusieurs domaines depuis
2002.Mais cette mise en oeuvre suscite le questionnement quant à
l'adéquation des mécanismes y relatifs à la lutte contre
la pauvreté au Cameroun. Autrement dit, les mécanismes de mise en
oeuvre de l'Initiative PPTE permettent-ils de lutter efficacement contre la
pauvreté au Cameroun ? C'est à cette question que tente de
répondre le présent chapitre. Il s'ouvre sur l'identification des
mécanismes de lutte contre la pauvreté mis sur pied dans le cadre
de la mise en oeuvre de l'Initiative PPTE, se poursuit avec
l'interprétation analytique de ces mécanismes et s'achève
sur leur analyse sociologique.
I. MISE EN OEUVRE DE L'INITIATIVE PPTE AU CAMEROUN :
DESCRIPTION DES MECANISMES
La mise en oeuvre de l'Initiative PPTE a requis de la part du
gouvernement la mise en place d'un dispositif réglementaire et
institutionnel y relatif. Ce dispositif a été suivi de l'adoption
et de l'application d'un ensemble de principes relatifs à la gestion des
projets PPTE. Quel est ce dispositif et quels en sont les principes ?
I.1. Dispositif gouvernemental relatif à la mise en
oeuvre de l'Initiative PPTE au Cameroun
Un certain nombre de mesures ont été
nécessaires pour la mise en oeuvre de l'Initiative PPTE. Au nombre de
ces mesures prises par le gouvernement, il y a entre autres et principalement
l'ouverture du compte HIPC/PPTE à la BEAC, la création du
Comité consultatif et de suivi de la gestion de la réalisation
des projets PPTE.
I.1.1. L'ouverture du « compte HIPC/PPTE
»
L'ouverture d'un sous-compte du trésor à la BEAC
intitulé « compte HIPC/PPTE » est une disposition prescrite
par les bailleurs de fonds dans le cadre de la mise en oeuvre de l'Initiative
PPTE. Ouvert à la demande du MINEFI conformément à la
réglementation de la BEAC, ce compte est crédité selon les
modalités pratiques de remise de la dette définie avec les
bailleurs de fonds.
Le crédit du compte est justifié par les avis de
virement approvisionnant le compte d'un montant égal à la dette
remise.
Son débit est justifié par les pièces de
dépenses réglées au titre de HIPC/PPTE.
L'ouverture de ce compte a consacré le début de
la collecte des fonds issus de l'allègement de la dette dans le cadre de
l'Initiative PPTE. Cette opération a également favorisé la
mise en place des organes de gestion des ressources PPTE.
I.1.2. Le Comité consultatif et de suivi de
la gestion des ressources PPTE (CCS/PPTE)
Mis sur pied par le décret n°2000/960/PM du
1er décembre 2000 portant sa création, son
organisation et son fonctionnement, le CCS/PPTE est l'un des cadres
institutionnels de gestion des ressources PPTE. Il est un organe consultatif
qui a pour mission de veiller à la bonne utilisation et à
l'allocation équitable et optimale des ressources PPTE en faveur de la
lutte contre la pauvreté et la bonne gouvernance.
A ce titre, il remplit les fonctions ci-après :
-l'appréciation de l'éligibilité au
financement PPTE des projets et programmes de dépenses
présentés par les ministères sectoriels engagés
dans la lutte contre la pauvreté, les bailleurs de fonds, les
collectivités territoriales décentralisées ou par les
groupes structurés, notamment les Organisations non gouvernementales
(ONG), les groupes d'initiative commune et les associations de
développement ;
- l'émission des avis sur les projets et programmes de
dépenses PPTE à soumettre par le gouvernement à l'adoption
du parlement ;
- la proposition au gouvernement des améliorations
éventuelles au programme de dépenses PPTE soumis à son
appréciation ;
- la vérification de l'adéquation entre les
dépenses PPTE et les priorités exprimées par les
populations lors des consultations participatives, lesquelles priorités
figurent dans le Document de stratégie de réduction de la
pauvreté (DSRP) ;
- l'examination trimestrielle, a posteriori et sur
pièces, des dépenses engagées, liquidées et
payées sur le compte spécial PPTE ouvert dans les livres de la
BEAC ;
- la prescription, le cas échéant, des
vérifications périodiques de l'exécution
physico-financière des projets ;
- la recommandation d'un audit annuel indépendant sur
la gestion des ressources PPTE ;
- l'examination des résultats des audits
réalisés en fin d'exercice et leur publication ;
- la formulation de toute recommandation visant à
assurer la transparence et l'efficacité dans l'utilisation des
ressources PPTE.
Le Comité consultatif comprend 19(dix-neuf) membres
dont (01) un président(le ministre chargé de l'économie et
des finances) ; 06(six) chefs de départements ministériels(ceux
chargés des investissements publics, de l'éducation nationale, de
la santé publique, des travaux publiques, de la ville et de
l'agriculture ; 05 (cinq)représentants des bailleurs de fonds ou de la
Communauté internationale comprenant 03 (trois) bilatéraux et
02(deux) multilatéraux dont le coordinateur résidant des Nations
Unies au Cameroun ; (01)un représentant du secteur privé
siégeant selon un mécanisme de rotation de ses différentes
composantes ; 03 (trois)représentants des confessions religieuses
représentant chacun les églises Catholiques, Protestantes et
l'Islam ; un représentant de l'association professionnelle de la
micro-finance siégeant selon un mécanisme de rotation de ses
membres ; 02 (deux)représentants des ONG ou associations.
Le Comité dispose, pour l'accomplissement de ses
missions, d'une Cellule opérationnelle d'appui à
l'exécution et au suivi des opérations sur financement PPTE et
d'un Secrétariat permanent. Pour une gestion plus complète des
ressources PPTE, il a été annexé au CCS/PPTE, le
Comité de suivi de la réalisation des projets PPTE (CSR/PPTE).
1.1.3. Le comité de suivi de la
réalisation des projets PPTE (CSR/PPTE)
Créé par l'Arrêté du 03 mai 2002 du
Premier ministre et placé sous l'autorité du ministre de
l'Economie et des finances, le Comité de suivi de la réalisation
des projets PPTE a trois fonctions principales :
- il est chargé de faire le point sur la
répartition géographique de ceux des projets PPTE des secteurs de
l'éducation, de la santé, des travaux publics, de l'eau, et de
l'énergie déjà examinés par le Comité
consultatif et de suivi de la gestion des ressources PPTE ;
- il est également chargé de présenter le
niveau d'exécution desdits projets et d'évaluer l'état de
leur réalisation ;
- il est enfin chargé de suggérer toutes les
actions susceptibles de contribuer à l'amélioration de la gestion
administrative et financière desdits projets.
Le Comité est composé d'un président (un
inspecteur général au ministère de l'Economie et des
Finances) ; de 05 (cinq) membres dont un représentant pour chacun des
ministères suivants : Education nationale, Santé publique,
Travaux publics, Mines, de l'eau et de l'énergie; et du
Secrétaire permanent du Comité consultatif et de suivi de la
gestion des ressources PPTE.
Le Comité est appelé à reproduire un
rapport trimestriel sur l'exécution de ses missions. Ces rapports sont
transmis au Premier ministre.
Cet autre organe du dispositif gouvernemental relatif à
la mise en oeuvre de l'Initiative PPTE n'est pas encore fonctionnel, du moins
jusqu'au moment où la collecte des données relatives à
cette étude est effectuée. Mais les deux premiers
éléments de ce dispositif à savoir le « compte
HTPC/PPTE » et le CCS/PPTE, ont permis l'amorce de la mise en oeuvre des
projets PPTE. Ces projets ont été mis en oeuvre suivant un
certain nombre de principes.
I.2. Principes relatifs à la mise en oeuvre de
l'Initiative PPTE au Cameroun
Plusieurs principes régissent la mise en oeuvre de
l'Initiative PPTE au Cameroun. Ces principes s'articulent autour des domaines
cibles y relatifs, de leurs critères d'éligibilité, de
leurs origines, de leur procédure de mise en oeuvre, de leur financement
et de leur réalisation.
I.2.1. Les domaines cibles des projets
PPTE
Les projets PPTE ont pour cible les domaines du
développement social, de l'éducation, des infrastructures, de la
santé, du développement rural et de la gouvernance. Ces domaines
ont chacun leurs axes prioritaires.
Dans le domaine du développement social, les axes
prioritaires sont ceux de la protection sociale et de la solidarité
nationale, de l'emploi, de la promotion de l'équité et de
l'égalité entre les sexes, de la satisfaction des besoins
essentiels, de l'éducation sociale.
Dans le domaine de l'éducation, l'élargissement
de l'accès à l'éducation, l'accroissement de la
qualité de l'offre de l'éducation, le développement d'un
partenariat efficace, l'amélioration de la gestion et de la gouvernance
du système éducatif sont les axes prioritaires.
Dans le domaine des infrastructures, la priorité est
à l'entretien du réseau routier prioritaire, à
l'aménagement et la création des pistes rurales, à
l'accès à l'eau potable par la création des adductions
d'eau, notamment les forages et les puits aménagés dans les zones
défavorisées, à l'amélioration de l'offre
d'énergie électrique et son accès aux populations les plus
défavorisées en milieu rural et urbain.
Dans le domaine de la santé, la réduction de la
morbi-mortalité infantile, la réduction de la mortalité
maternelle, la réduction du nombre de personnes souffrant de
malnutrition, la lutte contre les endémies majeures(SIDA, paludisme,
tuberculose, etc.), la prise en charge des urgences médicales, le
renforcement et la structuration de la demande de soins, l'accès aux
services de santé reproductive et l'appui pour une gestion efficace et
efficiente des ressources sanitaires sont les axes prioritaires.
Dans le domaine du développement rural, les axes
prioritaires sont ceux du développement des filières agricoles,
pastorales et halieutique, de la promotion du crédit agricole, du
renforcement des organisations de producteurs et de structuration du monde
rural, de la mécanisation agricole, de l'aménagement
hydro-agricole, de la promotion de la gestion des ressources naturelles et de
la promotion des services vétérinaires.
Les axes prioritaires du domaine de la gouvernance sont ceux
du libre accès à l'information publique, de la
célérité dans la prise des décisions, de
l'éducation civique du citoyen pour la promotion de
l'égalité de tous devant la loi, de la lutte contre
l'impunité, de l'accès à la justice, de
l'amélioration de la gestion des affaires publiques, de la promotion de
la participation de la société civile dans le processus de prise
des décisions, de la protection des hommes et des biens, de la lutte
contre la corruption et de l'amélioration de la transparence.
Pour être éligibles, les projets à
soumettre au financement PPTE doivent en plus de leur appartenance à ces
axes prioritaires, obéir à un certain nombre de critères
d'éligibilité.
I.2.2. Les Critères
d'éligibilité des projets PPTE
Les projets soumis au financement PPTE sont
appréciés selon deux types de critères : les
critères de conformité et les critères
d'évaluation.
Les critères de conformité visent trois
objectifs principaux : la cohérence du dossier administratif de la
structure promotrice du projet avec les textes régissant les projets
PPTE, la cohérence du dossier technique du projet avec le DSRP et les
stratégies sectorielles.
La cohérence des dossiers administratifs avec les
textes concerne la conformité du statut juridique du promoteur, de la
capacité des personnes clés et de l'expérience de la
structure au décret n°2000 / 960 / PM du 1er
décembre portant création, organisation et fonctionnement du
CCS/PPTE.
En ce qui concerne la cohérence du dossier technique
avec le DSRP, les projets doivent être compatibles avec les objectifs de
réduction de la pauvreté dans les domaines clés de
l'éducation, des infrastructures, du développement social, de la
santé, du développement rural et de la gouvernance.
Concernant la cohérence du dossier technique avec les
stratégies sectorielles, les projets doivent s'insérer dans les
objectifs de la politique sectorielle.
Les critères d'évaluation des projets
interviennent après l'examen de conformité. Chaque dossier de
projet est évalué selon les critères ci-après :
projet à un ou plusieurs volets recoupant au minimum les attentes des
populations de la circonscription d'une commune ;
viabilité(rentabilité financière ou économique ou
sociale) ; gains de revenus engendrés ; emplois créés
(auto emplois et autres) ; coût-éfficacité ; nature et
nombre de personnes touchées(femmes, jeunes, démunis) ;
participation/adhésion de la population locale ou
bénéficiaire ; cogestion (implication de plusieurs acteurs dans
l'exécution du projet) ; pérennité du projet ;
étendue de l'aire d'intervention du projet (communale, régionale,
nationale) ; synergie avec les autres programmes et projets des divers
partenaires ; impact sur la réduction de la pauvreté (à
court, à moyen et à long termes) ; spécificités
régionales (cohérence avec une éventuelle planification au
niveau régional, adaptation à la vocation socioéconomique
de la région).
Ces critères sont supposés s'appliquer de
manière spécifique à chaque projet. Les projets soumis au
financement PPTE sont d'origines diverses.
I.2.3. Origines des projets PPTE
Les promoteurs des projets éligibles au financement
PPTE se recrutent dans toutes les échelles de la «configuration
développementiste » au cameroun. Cette configuration regroupe les
acteurs au sommet, les acteurs intermédiaires et les acteurs à la
base.
Dans la catégorie des acteurs au sommet et promoteurs
des projets éligibles au financement PPTE, se retrouvent les bailleurs
de fonds (banque mondiale, et les autres organismes de coopération
multilatérale et de coopération bilatérale) et les
ministères en charge de la supervision de l'Initiative PPTE (MINEFI,
MINPLADAT).
Dans la catégorie des acteurs intermédiaires et
promoteurs de projets éligibles au financement PPTE, se retrouvent les
départements ministériels concernés par les domaines
cibles de l'Initiative PPTE. Il s'agit des ministères chargés des
Investissements publics, des Travaux publics, de la Ville, de l'Agriculture. On
y retrouve également dans cette catégorie les ONG, les
collectivités territoriales décentralisées.
Dans la catégorie des acteurs à la base et
promoteurs de projets éligibles au financement PPTE se retrouvent les
Groupes d'initiative commune (GIC) et les associations de
développement.
Les projets promus par tous ces acteurs sont soumis à
la procédure de sélection en vigueur dans le cadre de la mise en
place des projets PPTE.
I.2.4. La procédure de mise en oeuvre des
projets PPTE
Les projets destinés au financement PPTE suivent une
démarche à trois étapes. Le dépôt,
l'évaluation, l'éligibilité et l'inscription au budget des
projets PPTE.
Dans la première étape, chaque promoteur de
projet doit rédiger et adresser au Président du Comité
consultatif et de suivi de la gestion des ressources PPTE,un document
d'étude de faisabilité de son projet. Le document doit être
accompagné du dossier administratif du promoteur.
La deuxième étape est consacrée à
l'évaluation du dossier. Cette évaluation est d'abord conduite
par l'expert sectoriel et ensuite par le groupe thématique
Pour les projets soumis au financement PPTE relevant des
domaines de l'éducation, de la santé, des infrastructures, et du
développement rural, le CCS/PPTE dispose en son sein des experts
qualifiés dans chacun de ses domaines, ce sont les experts sectoriels.
Chaque expert assure l'évaluation des projets relevant de son
domaine.
La seconde évaluation est assurée par les
groupes thématiques qui sont composés des experts issus des
départements ministériels, des bailleurs de fonds et de la
société civile. Ces experts se constituent en groupes
thématiques sectoriels et sont chargés d'apporter leur avis
technique sur les projets soumis, afin de faciliter les décisions du
Comité.
Au terme de l'évaluation qui est supposée durer
au maximum un mois, les dossiers sont classés dans l'une des quatre
catégories suivantes :
-projets inéligibles ;
-projets éligibles, mais mal présentés
pour lesquels l'expert sectoriel engage l'action nécessaire pour
apporter ou requérir son amélioration ;
-micro-projets pertinents mais devant s'inscrire dans un
programme d'ensemble à caractère communal, régional ou
national ;
-projets dont les dossiers sont bien finalisés et qui
répondent aux critères d'éligibilité.
La troisième et dernière étape concerne
l'éligibilité et l'inscription au budget des projets PPTE. Le
CCS/PPTE est le seul organe habilité à déclarer
éligible un projet. Tout projet déclaré éligible
par le CCS/PPTE est transmis au ministère sectoriel avec la mention lu
et approuvé par le Président du Comité pour inscription au
budget de l'Etat, suivant les procédures habituelles. Les projets
multi-sectoriels sont confiés au département ministériel
le plus sollicité dans lesdits projets. Tous les projets
déclarés éligibles sont soumis au financement.
I.2.5. Le financement des projets
PPTE
Tous les projets déclarés éligibles sont
automatiquement inscrits au financement PPTE. Le financement dans ce cadre est
inscrit au budget de l'Etat et exécuté par le Ministre sectoriel
concerné.
De façon générale, les projets PPTE ne
sont soumis à aucune restriction quant au montant des dépenses
qu'ils requièrent. Suivant la disponibilité des ressources, le
financement des projets déclarés éligibles est
entièrement effectué, échelonné ou reporté
à la prochaine année budgétaire. En guise d'illustration,
le montant des projets déclarés éligibles en avril 2005
s'élevait à 395 milliards de Francs. Mais pour des raisons
d'indisponibilité financière, 214 milliards seulement ont
déjà été débloqués pour leur
démarrage.
Inscrites au budget de l'Etat et particulièrement
à celui du ministère sectoriel concerné, les ressources
PPTE empruntent le circuit traditionnel de décaissements du budget de
l'Etat, celui qui consiste à suivre les démarches prescrites par
le trésor public.
Le financement des projets PPTE ne couvre pas le budget de
fonctionnement, seul celui de la réalisation est pris en compte.
I.2.6. La réalisation des projets
PPTE
Confiés aux ministères sectoriels
compétents et adossés au système traditionnel de
dépenses publiques, les projets PPTE sont réalisés par les
ministères dans lesquels ils sont logés. Leur réalisation
se fait suivant les mécanismes traditionnels de réalisation des
projets desdits ministères. Elle est soumise à un ordonnancement
hiérarchique qui part des services centraux des ministères
concernés à leurs services extérieurs qui comprennent les
délégations provinciales, départementales et
d'arrondissement. Les projets sont réalisés sous la conduite du
personnel des ministères concernés.
En somme, les principes relatifs à la mise en oeuvre
des projets PPTE au Cameroun s'observent à travers leurs domaines
cibles, leurs critères d'éligibilité, leurs origines, leur
procédure de mise en oeuvre, leur financement et leur
réalisation. L'observation du dispositif gouvernemental relatif à
la mise en oeuvre des projets PPTE et celle des principes y relatifs permettent
une première lecture des mécanismes de mise en oeuvre des projets
PPTE au Cameroun.
II. MISE EN OEUVRE DE L'INITIATIVE PPTE AU CAMEROUN :
INTERPRETATION ANALYTIQUE DU DISPOSITIF ET DES PRINCIPES Y RELATIFS
L'admission du Cameroun à l'Initiative PPTE a
donné lieu à la mise en place d'un dispositif gouvernemental et
à l'adoption d'un certain nombre de principes relatifs à la mise
en oeuvre des projets PPTE au Cameroun. Quelle est la traduction de toutes ces
mesures ?
II.1. La mise en oeuvre de l'Initiative PPTE au Cameroun :
une volonté politique
Le déploiement d'un dispositif gouvernemental relatif
aux projets PPTE traduit la volonté des autorités camerounaises
de mettre en oeuvre cette Initiative au Cameroun. Cette volonté
politique se traduit aussi bien par les mesures relatives à l'admission
du Cameroun à l'Initiative PPTE que par celles relatives à la
mise en oeuvre des projets PPTE au Cameroun.
II.1.1. La volonté politique relative
à l'admission du Cameroun à l'Initiative PPTE
L'admission du Cameroun à l'Initiative PPTE est
l'aboutissement d'un long processus d'Accords initié depuis 1997 par les
autorités camerounaises auprès de la Communauté
financière internationale en général et des Institutions
de Bretton Woods en particulier.
Après les chocs dus à l'effondrement des cours
internationaux des matières premières qui ont plongé
l'économie camerounaise dans une sévère récession,
les autorités ont mis en oeuvre, à partir des années 1990,
un ensemble de mesures d'ajustement structurel visant à assurer une
compétitivité durable de l'économie camerounaise.
La conclusion de deux nouveaux programmes d'ajustement
structurel par le gouvernement en 1994 et 1995 avec le FMI au titre d'Accord de
confirmation s'est soldée, comme les précédents, par un
échec, pour autant que les objectifs en terme de rétablissement
de l'équilibre des finances publiques et de service de la dette
extérieure n'ont pas été atteints.
Mais en Août 1997, après avoir
exécuté de manière satisfaisante un programme de
référence suivi par les services du FMI durant l'exercice
1996/1997, le gouvernement a pu, pour la première fois conclure avec
cette Institution, un Accord au titre de Facilité d'ajustement
structurel renforcée (FASR). Ce programme économique et financier
du gouvernement couvrant la période du 1er juillet 1997 au 30
juin 2000 a été mis en oeuvre de manière satisfaisante
avec l'appui de la Communauté financière internationale,
notamment le FMI au titre de la FASR devenue FRPC, la Banque mondiale avec un
troisième Crédit d'ajustement structurel, l'Union
européenne, la Banque africaine de développement, les
créanciers bilatéraux non membres du Club de Paris, (Arabie
saoudite, Koweit, Chine) et la France avec les prêts à
l'ajustement structurel, additionnels aux allègements du service de la
dette consentis dans le cadre de l'Accord avec le Club de Paris d'octobre
1997.
Les bonnes performances enregistrées dans la mise en
oeuvre du programme économique et financier triennal de 1997-2000 ont
favorisé l'éligibilité du Cameroun à l'Initiative
renforcée d'allègement de la dette des pays pauvres très
endettés, consacrée en mai 2000 par les Conseils d'administration
du FMI et de la Banque mondiale. Cette éligibilité a ainsi ouvert
des perspectives nouvelles pour le pays grâce aux économies
budgétaires mobilisables à partir du point de décision que
le Cameroun a pu franchir depuis le mois d'octobre 2000.
Toutes ces mobilisations en terme d'Accords et de
réformes qui ont conduit à l'admission du Cameroun à
l'Initiative PPTE, sont l'expression de la volonté des autorités
camerounaises par rapport à cette Initiative au Cameroun. Cette
volonté politique s'observe également dans la mise en oeuvre des
projets PPTE au Cameroun.
II.1.2. La volonté politique relative
à la mise en oeuvre de l'Initiative PPTE au Cameroun
La volonté politique en ce qui concerne la mise en
oeuvre de l'Initiative PPTE au Cameroun s'est manifestée par la mise en
place par le gouvernement d'un dispositif y relatif.
L'ouverture du compte HIPC/PPTE à la BEAC
aussitôt après l'atteinte du point de décision a permis la
mobilisation des premières ressources issues de l'allègement de
la dette. Ces ressources ont permis à leur tour la réalisation de
la première génération des projets PPTE.
La création du Comité consultatif et de suivi de
la gestion des ressources PPTE (CCS/PPTE) a également permis
l'effectivité de la mise en oeuvre des projets PPTE, en tant qu'organe
chargé de la sélection des projets admissibles au financement
PPTE.
Le Comité de suivi de la réalisation des projets
PPTE (CSR/PPTE), bien que n'étant pas encore fonctionnel, participe de
la volonté du gouvernement d'assurer la bonne réalisation des
projets PPTE au Cameroun.
A toutes ces actions gouvernementales relatives aux projets
PPTE, s'ajoute la poursuite des réformes dans la perspective de
l'atteinte du point d'achèvement de l'Initiative PPTE, lequel point
d'achèvement donnera accès à un volume plus
considérable des ressources financières et permettra par
conséquent une plus grande capacité de financement des projets
déclarés éligibles.
Toutes ces mesures gouvernementales et bien d'autres non
évoquées ici, sont l'expression de la volonté des
autorités camerounaises. En somme, le dispositif gouvernemental relatif
à la mise en oeuvre de l'Initiative PPTE au Cameroun est l'expression
d'une volonté politique. Qu'en est-il alors des principes relatifs
à leur mise en oeuvre ?
II.2. Les principes de mise en oeuvre de l'Initiative PPTE
au Cameroun : une logique pédagogique du développement
Initiative en faveur des pays « en panne » de
développement, l'Initiative PPTE a pour objectif d'amener les pays ainsi
nommés (PPTE) à un degré de développement
acceptable, à travers la conversion jusqu'à un niveau soutenable
d'une partie de leur dette extérieure en projets de
développement. Parce que « malades d'eux-mêmes », ces
pays sont astreints à des principes de mise en oeuvre des projets PPTE
qui ont des logiques pédagogiques de développement. Ces logiques
pédagogiques s'articulent autour de la prise en compte de la dimension
sociale du développement, de la bonne gouvernance et de l'approche
projet dans le développement.
II.2.1. Les principes de mise en oeuvre de
l'Initiative PPTE au Cameroun : une logique de promotion de la dimension
sociale du développement.
Il se dégage des principes de mise en oeuvre de
l'Initiative PPTE au Cameroun, comme dans les autres pays admis à cette
Initiative, une logique de promotion de la dimension sociale du
développement.
En effet, les précédents programmes de
développement, en l'occurrence les Programmes d'ajustement structurel
(PAS), ont connu des déconvenues du fait de leur approche trop
économiste et peu socialisante du développement. De ce fait, ils
ont eu des conséquences sociales néfastes sur les populations des
pays qui ont fait l'objet de leur application.
Sous l'impulsion des Institutions des Nations Unies, notamment
de l'UNICEF avec sa sonnette d'alarme sur la nécessité d'un
« ajustement à visage humain », la Banque mondiale, en
association avec le PNUD et la BAD, ont mis en place le programme Dimensions
sociales de l'ajustement (DSA) pour atténuer les effets négatifs
des Programmes d'ajustement structurel sur les populations vulnérables.
Ce programme a progressivement entraîné un recentrage des
politiques de développement sur la question de la pauvreté et a
donné lieu à la formulation des politiques de lutte contre la
pauvreté, lesquelles politiques sont axées sur les dimensions
sociales du développement. Inspirée de ces politiques,
l'Initiative PPTE subordonne le financement des projets au respect des domaines
s'inscrivant dans le droit fil de la dimension sociale du développement.
Ces domaines sont ceux de l'éducation, de la santé, du
développement social, du développement rural, des infrastructures
et de la gouvernance. Considérés comme préalables,
à un développement humain durable, ces domaines connaissent, dans
le cadre de l'Initiative PPTE, un regain d'intérêt, eu
égard à l'échec des programmes de développement
à dominance économique. L'orientation des projets PPTE vers ces
domaines participe à la promotion de la dimension sociale du
développement et donne à penser que cette orientation
relève d'une logique de promotion de cette dimension du
développement. Cette logique de promotion se dégage
également des autres principes de mise en oeuvre des projets PPTE.
II.2.2. Les principes de mise en oeuvre de
l'Initiative PPTE au Cameroun : une logique de promotion de la bonne
gouvernance
La mise en oeuvre de l'Initiative PPTE, dans ses principes
relatifs à l'éligibilité, à la procédure et
au financement des projets, est soumise à une démarche qui a
l'ambition de n'accorder aucune marge de manoeuvre évasive aux
gestionnaires et aux promoteurs de projets.
La sélection des projets soumis au financement PPTE
s'effectue par un Comité constitué des représentants de
chacune des catégories des acteurs de développement social au
Cameroun. On y retrouve les représentants des bailleurs de fonds, du
gouvernement, de la société civile et des experts. Cette
disposition a pour objectif d'assurer la transparence dans la sélection
des projets éligibles.
Les décaissements relatifs au financement des projets
PPTE s'effectuent par les Ministères qui abritent les projets et
obéissent à la procédure traditionnelle de
décaissements du budget de l'Etat. Par l'exigence du canal du
trésor public et l'unicité de l'opérateur de
décaissements (gouvernement), les bailleurs de fonds espèrent
avoir le contrôle des dépenses PPTE et limiter les
possibilités d'évasion des fonds. Cette précaution,
associée au choix de la gouvernance comme domaine cible de l'Initiative
PPTE, obéit à une logique de promotion de la bonne gouvernance au
Cameroun. A la base de cette précaution, « la crainte que les fonds
soient utilisés pour d'autres choses que pour les objectifs auxquels ils
sont destinés ».
Cette promotion de la bonne gouvernance au Cameroun est une
réaction par rapport aux expériences passées. En effet, la
crise économique et sociale qu'a traversée le Cameroun a eu entre
autres conséquences et non des moindres, l'accentuation des
comportements déviants dans la gestion des affaires publiques
(corruption, détournement des deniers publics ...). Du fait de ces
comportements, les politiques de stabilisation et d'ajustement structurel
menées par les autorités n'ont pas atteint les objectifs de
redressement et de relance escomptés. Face à cette situation, et
à la suite des observateurs internationaux, les autorités ont
retenu que la mauvaise gestion des affaires publiques est un facteur limitant
de l'impact de la croissance sur la réduction de la pauvreté.
Cette prise de conscience a donné lieu à la promotion de la bonne
gestion des affaires publiques, la bonne gouvernance.
Avec l'appui du PNUD, le Cameroun a entrepris
l'élaboration d'un Programme national de gouvernance (PNG). Ce programme
approuvé en juin 2000 par le chef de l'Etat vise essentiellement
à soutenir la croissance et le développement durable ; à
lutter contre la pauvreté et l'exclusion ; à renforcer les
capacités des principaux intervenants dans le développement
(l'Etat, le secteur privé, la société civile, les
médias, les collectivités territoriales
décentralisées) ; à promouvoir une véritable
culture de la responsabilité dans la gestion des affaires publiques ;
à renforcer l'état de droit pour une meilleure protection des
droits de l'homme et renforcer la justice ; à promouvoir le partenariat
Etat-secteur privé-société civile ; et à renforcer
la transparence de l'appareil de l'Etat, lutter résolument contre la
corruption en sanctionnant les écarts de comportements
conformément aux lois et règlements.
Il ressort de l'observation des principes
sus-évoqués que la mise en oeuvre des projets PPTE répond
aux objectifs visés par le plan d'actions pour l'amélioration de
la gouvernance au Cameroun, lequel plan d'actions est une des conditions
imposées par les bailleurs de fonds dans la perspective de l'admission
définitive à l'Initiative PPTE. La mise en oeuvre des projets
PPTE répond à une logique de promotion de la bonne gouvernance au
Cameroun. Cette logique de promotion se retrouve enfin dans l'approche projet
en vigueur dans l'Initiative PPTE.
II.2.3. Les principes de mise en oeuvre de
l'Initiative PPTE : une logique de promotion de l'approche projet dans le
développement
Cadre général de l'exécution des projets
PPTE, l'Initiative PPTE n'est accessible qu'aux pays qui ont une vision de leur
développement. Une vision qui s'exprime en termes d'objectifs, de
priorités, de stratégies et de moyens. C'est ce qui explique
l'exigence d'un Document de stratégie de réduction de la
pauvreté comme une des conditions principales d'accès à
cette Initiative. Autrement dit, l'accès à cette Initiative est
en majeure partie subordonnée à l'élaboration d'une
vision, d'un projet de développement par les pays candidats. Cette
démarche s'observe également au niveau national dans la
matérialisation de cette Initiative.
Pour bénéficier des financements dans le cadre
de l'Initiative PPTE, tout postulant doit élaborer un projet de
développement qui présente les objectifs visés, les
actions à mener, les stratégies et les moyens nécessaires
y afférents. Les promoteurs de projets se recrutant dans toutes les
catégories des acteurs de développement au Cameroun, l'approche
projet est au centre d'une nouvelle pédagogie de développement au
Cameroun. Dans certains départements ministériels, se sont
constituées des cellules PPTE faites d'un personnel formé en
matière de montage et de gestion des projets de développement.
Dans d'autres par contre, un nombre de personnel a été mis en
formation en vue de la création de cette cellule. Les promoteurs de
projets, du côté de la société civile sont pour les
uns en formation, les autres sollicitent l'assistance des experts du CCS/PPTE
pour monter et /ou peaufiner leurs projets.
La promotion de cette approche dans le développement
résulte de la défaillance de l'ancienne approche. L'approche
budget, puisqu'il s'agit d'elle, du fait de la navigation à vue qui la
caractérise ne permet pas d'impulser le développement.
Axée sur le budget à allouer aux ministères pour
l'exercice de leurs activités, l'approche budget insiste sur les moyens,
mais reste moins exigeante sur les résultats, contrairement à
l'approche projet qui insiste à la fois sur les moyens et sur les
résultats. Exigeante sur les moyens et peu regardante sur les
résultats, l'approche budget favorise l'évasion des deniers
publics et fait obstacle à la marche vers le mieux être des
camerounais sous l'égide de l'Etat. A travers l'approche projet, il
s'agit pour les concepteurs de l'Initiative PPTE, de promouvoir un
développement par objectifs, une approche du développement qui
insiste à la fois sur les moyens et sur les résultats.
La mise en oeuvre des projets PPTE, de par les principes
généraux d'accès à l'Initiative PPTE d'une part, et
des principes relatifs à la procédure de mise en oeuvre des
projets d'autre part, participe à la promotion de l'approche projet dans
le développement au Cameroun.
En somme, il se dégage de la première lecture
des mécanismes de mise en oeuvre de l'Initiative PPTE au Cameroun une
logique pédagogique du développement. Une logique
pédagogique qui s'exprime à travers la promotion de la dimension
sociale du développement, la promotion de la bonne gouvernance et la
promotion de l'approche projet dans le développement. Mais cette
première lecture, qui est superficielle, ne nous permet pas de rendre
intelligible et en profondeur le sens de la mise en oeuvre de cette Initiative
au Cameroun. Car, comme l'affirme Georges BALANDIER :
« Les sociétés ne sont jamais ce
qu'elles paraissent être ou ce qu'elles prétendent être.
Elles s'expriment à deux niveaux au moins, l'un superficiel,
présente les structures « officielles » si l'on peut dire ;
l'autre profond, assure l'accès aux rapports réels les plus
fondamentaux, et aux pratiques révélatrices de la dynamique du
système social. »
D'où la nécessité d'une lecture en
profondeur des mécanismes de mise en oeuvre de l'Initiative PPTE au
Cameroun.
III. LES MECANISMES DE MISE EN OEUVRE DE L'INITIATIVE
PPTE AU CAMEROUN : AU-DELA DES DISCOURS
La première lecture des mécanismes de mise en
oeuvre de l'Initiative PPTE au Cameroun a permis d'identifier les objectifs
avoués de cette Initiative. Mais puisque « ce qui est montré
est à expliquer par ce qui ne se montre pas, car le plus caché
est le plus véridique », une analyse en profondeur de ces
mécanismes est indispensable pour son intelligibilité et
au-delà l'évaluation de sa capacité, en tant que nouvel
instrument de développement, à réduire la pauvreté
au Cameroun. Il s'agira d'abord de découvrir les non-dits de la mise en
oeuvre de l'Initiative PPTE. Pour cela, seront examinés les
mécanismes de mise en oeuvre des projets y relatifs, notamment le
dispositif gouvernemental et les principes de mise en oeuvre desdits projets.
Ensuite, à travers l'analyse des « input » et des «
output » de cette Initiative perçue comme système de
développement, il sera question d'apprécier sa capacité
à réduire la pauvreté au Cameroun. Enfin, l'analyse de la
marge de manoeuvre de certains acteurs de cette Initiative face aux normes et
règles qui la régissent, permettra de comprendre leur logique et
leur influence sur les objectifs poursuivis par l'Initiative.
III.1. Les non-dits de la mise en oeuvre de l'Initiative
PPTE au Cameroun
Cette analyse porte sur le dispositif gouvernemental relatif
à cette Initiative et sur les principes de sa mise en oeuvre au
Cameroun.
III.1.1. La volonté politique relative
à l'Initiative PPTE au Cameroun : un besoin de survie et une question de
formalité
La volonté politique manifestée par le
gouvernement camerounais par rapport à l'Initiative PPTE relève
à la fois d'un besoin de survie et d'une question de formalité.
Ces constats se font respectivement au niveau de l'admission du Cameroun
à cette Initiative et au niveau de sa mise en oeuvre.
III.1.1.1. La volonté politique par rapport
à l'admission du Cameroun à l'Initiative PPTE : un besoin de
survie
L'admission du Cameroun à l'Initiative PPTE,
résultat de l'action gouvernementale, loin d'être le fait d'une
simple volonté politique, relève du besoin de survie de l'Etat
camerounais. En effet, les démarches en vue de cette admission
interviennent dans un contexte macroéconomique et socioéconomique
marqué par la crise de la moitié de la décennie 80.
Depuis cette crise, la situation macroéconomique du
Cameroun ne s'est pas améliorée, malgré les mesures de
redressement économique engagées par le gouvernement. La mise en
oeuvre de la politique d'ajustement interne (réduction du train de vie
de l'Etat et du poids du secteur public dans l'économie, la baisse
drastique des salaires dans la fonction publique), s'est avérée
insuffisante pour enrayer les effets de la crise. La baisse continue des
revenus a induit une chute de 40% de la consommation par habitant entre
1985/1986 et 1992/1993. L'encours de la dette est passé de moins 1/3
à plus 3/4 du PIB entre 1984/1985 et 1992/1993. Le taux d'investissement
quant à lui est passé de 27% à moins de 11% du PIB.
Les Programmes d'ajustement structurel, plus
particulièrement ceux conclus par le gouvernement en 1994 et 1995 avec
le FMI au titre des Accords de confirmation se sont soldés, comme les
précédents par un échec, les objectifs en terme de
rétablissement de l'équilibre des finances publics et de services
de la dette n'ayant pas été atteints.
C'est dans ce contexte marqué par la
détérioration de la situation macroéconomique que le
Cameroun a entrepris les démarches relatives à son admission
à l'Initiative PPTE. Il en est de même de la situation
socioéconomique.
Au niveau socioéconomique, les démarches
relatives à l'admission du Cameroun à l'Initiative PPTE
interviennent à un moment où le secteur social s'est
considérablement dégradé. L'offre publique des services
sociaux de base, d'emploi, d'infrastructures routières, de programmes
hydrauliques, et d'électricité ayant connu un net ralentissement
faute de financement.
C'est dans ce contexte caractérisé par la
détérioration de la situation macroéconomique et
socioéconomique que sont entreprises les démarches relatives
à l'admission du Cameroun à l'Initiative PPTE. Et dans ce
contexte :
« L'Initiative PPTE est une aubaine pour le
Cameroun, car elle est arrivée à un moment où le Cameroun
ne pouvait impulser son développement ni par le « principe
multiplicateur» ni par le « principe accélérateur
». Or, l'Initiative PPTE permet non seulement la baisse de la dette, mais
l'impulsion du développement à la fois par le « principe
multiplicateur » (investissement) et le « principe
accélérateur » (consommation) ».
Face à ces situations macroéconomiques et
socioéconomiques d'une part, et à la nécessité de
la survie de l'Etat d'autre part, le recours à l'Initiative PPTE a
été perçu par l'Etat comme une alternative pour sa survie.
Ainsi peut-il, à partir des ressources collectées de cette
Initiative, réinvestir dans les secteurs sociaux jadis abandonnés
faute de financement.
III.1.1.2. La volonté politique par rapport
à la mise en oeuvre de l'Initiative PPTE au Cameroun : une question de
formalité
Perçue comme alternative à son problème
de surendettement et à ses besoins de survie, l'Initiative PPTE est au
centre des actions des autorités camerounaises. Après l'admission
du Cameroun au point de décision de cette Initiative, le gouvernement a
aussitôt mis en place des dispositifs relatifs à la mise en oeuvre
des projets y relatifs au Cameroun. Toutes ces mobilisations relatives à
la mise en oeuvre de ces projets au Cameroun, loin d'être l'expression
d'une simple volonté politique, comme il apparaît à
première vue, relèvent d'une question de formalité.
Admis au point de décision de cette Initiative,
l'atteinte du point d'achèvement est d'un enjeu majeur pour le Cameroun,
pour autant qu'elle consacre le bénéfice total des
allègements de la dette prévue dans le cadre de cette
Initiative. Ainsi, focalisées sur cet enjeu, les actions des
autorités camerounaises sont orientées vers la mise en place des
dispositifs susceptibles de constituer un argument favorable, aux yeux des
bailleurs de fonds, à l'atteinte du point d'achèvement,
plutôt qu'à la mise en place des mesures favorables à la
satisfaction des populations bénéficiaires de cette Initiative.
La mise en place du CCS/PPTE et celle annoncée du
CSR/PPTE, tous des organes « indépendants » et l'adoption des
principes « assez rigoureux » pour la mise en oeuvre des projets
PPTE constituent entre autres, les indicateurs du respect des exigences de la
bonne gouvernance recommandées par les bailleurs de fonds dans la
gestion des fonds PPTE. Il s'agit pour le gouvernement de prendre des mesures
à conviction par rapport à l'atteinte du point
d'achèvement, question de se montrer capable de la bonne gestion des
ressources y relatives et en définitive digne d'y accéder. Ce
faisant, l'intérêt accordé à l'enjeu de l'atteinte
de ce point oriente les actions vers le « comment » de l'atteinte de
ce point, au point d'annihiler le « pourquoi » de l'Initiative
PPTE.
Parce que trop attachées aux actions à mener,
aux « opérations de charme » à conduire pour l'atteinte
du point d'achèvement, les autorités, à travers le
CCS/PPTE, ont adopté des principes non favorables à la
satisfaction des populations bénéficiaires de l'Initiative. C'est
ce qui a expliqué au départ, la timidité observée
au CCS/PPTE par rapport aux dépôts des projets. Pour cette raison
aujourd'hui encore, les projets en provenance des organisations de la
société civile sont faiblement représentés parmi
les projets éligibles au CCS/PPTE. Car la rigidité et la
complexité des procédures limitent l'accès aux fonds PPTE
à bon nombre de promoteurs de projets. A cette question de
rigidité et à celle relative aux effets induits par les mesures
afférentes à l'atteinte du point d'achèvement, les
autorités évoquent la nécessité de l'atteinte de ce
point. Et à propos, il est question pour le gouvernement de faire preuve
de sa capacité à faire usage utile des ressources prévues
à ce point. C'est ainsi que sont comprises les mesures gouvernementales
relatives à cette Initiative. Aussi bien auprès des
ministères promoteurs de projets qu'auprès de l'organe de gestion
et de suivi des fonds PPTE, ce propos d'un de nos informateurs auprès
d'un des ministères en charge de l'Initiative PPTE est partagé :
« Les procédures d'accès aux fonds PPTE
sont difficiles, mais c'est le prix à payer pour atteindre le point
d'achèvement de l'Initiative PPTE. Ces procédures doivent
provisoirement être acceptées comme telles, car ce n'est
qu'après l'atteinte du point d'achèvement que le Gouvernement
aura une marge de manoeuvre assez suffisante pour normaliser la situation.
»
Compte tenu de ce qui précède, il apparaît
que les mesures gouvernementales relatives à la mise en oeuvre de
l'Initiative PPTE ont pour finalité l'atteinte du point
d'achèvement et non l'internalisation des logiques de
développement promues par l'Initiative PPTE dans la mise en oeuvre des
projets y relatifs au Cameroun. Et dans ces conditions, la volonté
politique manifestée par les autorités camerounaises par rapport
à la mise en oeuvre de l'Initiative PPTE s'inscrit dans le registre des
formalités à remplir pour l'atteinte du point
d'achèvement.
Après avoir constaté que le recours à
l'Initiative PPTE par le Cameroun relève d'un besoin de survie et que la
mise en place du dispositif gouvernemental y relatif relève d'une
question de formalité, il y a lieu de s'interroger sur le sens profond
de l'Initiative PPTE. Quel est le non-dit de cette Initiative ?
III.1.1.3. L'Initiative PPTE : une
stratégie de promotion du néolibéralisme
Instrument de la politique de lutte contre la pauvreté,
l'Initiative PPTE se révèle être également un
instrument de promotion du néolibéralisme. Les indicateurs
relatifs à sa mise en oeuvre et à celle des projets y relatifs
concourent à la démonstration de cette affirmation.
Forme moderne du libéralisme, qui laisse place à
une intervention limitée de l'Etat, le néolibéralisme
caractérise la démarche relative à la mise en oeuvre de
l'Initiative PPTE au Cameroun. En effet, cette Initiative a un volet
économique et un volet social.
Le volet économique porte sur les réformes
économiques à mettre en place et vise la libéralisation du
secteur économique. Cette libéralisation se traduit par la
privatisation, autrement dit par« les transferts d'activités
économiques du secteur public au service privé ».
Le volet social porte sur le développement social et se
traduit par le financement des projets ayant une incidence directe sur
l'amélioration des conditions de vie des populations, à travers
la conversion de la dette extérieure. Ce volet social est, dans le cadre
de cette Initiative, dévolue à l'Etat avec l'exigence de la mise
en place d'un dispositif participatif intégrant la société
civile et les populations bénéficiaires.
Cette démarche à deux volets qui prône
d'une part le retrait de l'Etat du secteur économique, et limite les
interventions de l'Etat au secteur social d'autre part, est
caractéristique du néolibéralisme. Cette limitation du
rôle de l'Etat au social s'observe également dans l'allocation des
fonds PPTE.
Les principes d'allocation des fonds PPTE obéissent
entre autres à la logique de promotion de la dimension sociale du
développement. Cette logique observée à travers les
domaines cibles des projets PPTE, participe de la promotion du
néolibéralisme au Cameroun. En effet, la limitation de
l'intervention de l'Etat au social est plus clairement promue au niveau de
l'éligibilité des projets PPTE. Ne sont éligibles au
financement PPTE que les projets relevant des domaines de l'éducation,
de la santé, du développement social, du développement
rural, des infrastructures et de la gouvernance. Ces projets d'origine
majoritairement étatiques, sont également exécutés
par les acteurs étatiques. A travers ces projets, l'Initiative PPTE
confine davantage l'Etat à des interventions dans le secteur social, le
secteur économique étant réservé à
l'initiative privée.
A travers sa mise en oeuvre et celle des projets y relatifs,
l'Initiative PPTE apparaît bien comme un instrument de promotion du
néolibéralisme au Cameroun. Et on peut alors penser comme les
critiques de « gauche » des Institutions de Bretton Woods pour qui
ces Institutions « n'auraient adopté le slogan de lutte contre la
pauvreté que pour faire mieux accepter la poursuite de leur politique de
libéralisation ».
Cette libéralisation, caractérisée par la
libre entreprise, l'ouverture du marché et la concurrence, n'est
favorable qu'aux Etats et aux acteurs économiquement forts, et a
l'inconvénient de fragiliser ceux qui sont économiquement
faibles. Car, l'esprit capitaliste qui en résulte oblitère toutes
préoccupations sociales dans le comportement des acteurs
économiques. De plus, le volet social prévu pour
l'accomplissement de cette Initiative, bien que résultant de la prise de
conscience des conséquences sociales néfastes des PAS, s'inscrit
dans une durée limitée, contrairement au volet économique
qui s'insère dans un processus s'inscrivant dans la longue durée.
Du fait de cette portée limitée dans le temps et dans l'espace
des mesures d'accompagnement de la libéralisation promue par
l'Initiative PPTE, il y a lieu d'émettre des réserves quant
à la capacité de cette Initiative à lutter contre la
pauvreté au Cameroun. Autrement dit, la démarche relative
à la mise en oeuvre de cette Initiative est de nature à la rendre
inopérante sur la pauvreté au Cameroun, d'autant plus que la
libéralisation continuera de produire, comme ce fut le cas pour les PAS,
les inégalités et les conséquences sociales
néfastes sur les populations.
En somme, l'application de l'approche sociocritique à
la lecture des mécanismes de mise en oeuvre des projets PPTE au Cameroun
nous a permis de découvrir les non-dits de ces mécanismes et
au-delà de l'Initiative PPTE au Cameroun. Ainsi sommes-nous
arrivé à constater que la volonté politique relative
à cette Initiative au Cameroun relève d'un besoin de survie et
d'une question de formalité d'une part, et que la mise en oeuvre de
cette Initiative au Cameroun s'inscrit dans la stratégie de promotion du
néolibéralisme, d'autre part. Mais cette grille de lecture ne
permet pas de rendre compte de la complexité de cette Initiative. Car la
mise en oeuvre des projets y relatifs se fait suivant un mécanisme
correspondant à la configuration de l'analyse « input-output »
développé par David Easton. De ce fait, l'intelligibilité
de la mise en oeuvre des projets PPTE requiert également cette
analyse.
III.2. L'Initiative PPTE comme système de
développement au Cameroun
La mise en oeuvre de l'Initiative PPTE met en exergue une
« configuration développementiste » constituée des
promoteurs de projets, du CCS/PPTE et des bénéficiaires des
projets. Dans cette mise en oeuvre, le CCS/PPTE a une position médiane
qui lui confère un rôle déterminant dans l'exécution
du volet social de l'Initiative PPTE. Mais son efficacité dépend
à la fois de la demande (projets) ou « input » qu'il
reçoit des promoteurs de projets et de sa capacité à
traduire ces demandes en réponses ou « output »
appropriés aux attentes des bénéficiaires. Ainsi, de la
réaction des bénéficiaires aux réponses du CCS/PPTE
ou « feedback », s'amorcent de nouvelles demandes. L'analyse
systémique permet de rendre compte de la capacité du volet social
de l'Initiative PPTE à lutter contre la pauvreté au Cameroun,
à travers l'analyse « input-output » de la mise en oeuvre de
ce volet.
III.2.1. Les « input » de la mise en
oeuvre de l'Initiative PPTE
Les « input »orientés vers l'organe de
gestion des projets PPTE, le CCS/PPTE, sont constitués de projets,
lesquels projets sont acceptés moyennant le respect des principes y
relatifs en vigueur.
III.2.1.1. Les « input » du CCS/PPTE :
des projets à portée limitée sur la réduction de la
pauvreté
De par leurs domaines restreints et leurs actions
limitées dans le temps, les projets PPTE ont une portée
limitée sur la réduction de la pauvreté au Cameroun.
Restreints aux domaines de l'éducation, de la
santé, du développement social et rural, des infrastructures et
de la gouvernance, les projets relèvent exclusivement du social et
n'intègrent pas les aspects économiques. Ils visent
l'amélioration des conditions de vie de la population par leur dotation
en infrastructures susceptibles de favoriser leur accès à
l'éducation, aux soins de santé primaires, au
développement social et rural, aux voies de communication et à la
citoyenneté.
Cette restriction dans le financement des projets PPTE pose le
problème de l'accès des populations cibles aux services offerts
par ces projets. A ce sujet, ces propos de cet informateur sont assez
révélateurs des difficultés d'accès des populations
aux services offerts par ces projets :
« Comment accéder à l'éducation,
à la santé et à d'autres services offerts par les projets
PPTE quand on est financièrement pauvre, quand on est démuni ?
L'accès à l'éducation, à la santé et autres,
nécessite à la base une capacité financière de la
part de populations cibles. »
Autrement dit, la restriction des projets PPTE au social fait
obstacle à leur opérationnalité sur la réduction de
la pauvreté. C'est pourquoi, affirme cet autre informateur :
« L'accent devrait être mis sur les PME, en
créant des pôles et pépinières d'entreprises car,
avec l'approche de la lutte contre la pauvreté de l'Initiative PPTE, on
court le risque d'arriver à des situations où il existera des
salles de classe sans élèves, des hôpitaux sans malades
»
De plus, les projets PPTE ont des actions limitées dans
le temps. Il s'agit d'un ensemble d'activités ponctuelles. Mis sur pied
pour accompagner les réformes macroéconomiques engagées
dans le cadre de l'Initiative PPTE, les projets PPTE s'inscrivent dans une
durée très limitée, contrairement aux réformes
macroéconomiques qui sont de longue durée. Et dans ces
conditions, le risque encouru est celui de la résurgence des
conséquences sociales néfastes des réformes, du fait de la
limitation des mesures d'accompagnement dans le temps.
Pour toutes ces raisons, les projets PPTE se
révèlent d'une portée limitée sur la lutte contre
la pauvreté au Cameroun. Qu'en est-il des principes de soumission de ces
projets au CCS/PPTE ?
III.2.1.2. Les principes de soumission des projets
PPTE : des principes limitatifs
Les projets destinés au financement PPTE sont soumis
à des principes aussi rigoureux qu'ils ne favorisent pas la soumission
des projets par de nombreux promoteurs.
Dans le souci du respect des principes de la bonne
gouvernance, les projets destinés au financement PPTE, sont soumis au
respect des critères de conformité et des critères
d'évaluation. La conformité à tous ces critères
nécessite de la part des promoteurs de projets de bonnes connaissances
en matière de montage et de gestion des projets de développement.
Dans le cadre de l'Initiative PPTE, les promoteurs des projets viennent
d'origines diverses et ne sont pas toujours à la hauteur des exigences
liées à la soumission des projets. C'est pourquoi, dans les
départements ministériels que nous avons approchés, des
Cellules de projets PPTE ont été créées et
placées sous la direction d'un personnel formé ou en cours de
formation. A cet effet, en dehors des départements ministériels
et des collectivités territoriales décentralisées, seules
les organisations de la société civile assez bien
structurées parviennent à soumettre des projets éligibles
au financement PPTE. Sur 48 projets soumis au CCS/PPTE et évalués
lors de la réunion du 27/11/2003par exemple, 23 projets ont
été soumis par les départements ministériels, 23
par les organisations de la société civile et 02 par les
communes. S'agissant des projets validés en février et octobre
2004, 05 ont été soumis par les départements
ministériels et 03 par les organisations de la société
civile, sur un total de 08 projets.
En définitive, les projets PPTE, du fait des principes
de soumission faits de critères contraignants, sont de promotion
difficile. Ces contraintes excluent de la promotion des projets PPTE une frange
importante de potentiels promoteurs de projets. Du fait de ces mêmes
principes, la soumission des projets PPTE a connu une timidité
inquiétante au début du fonctionnement du CCS/PPTE. Au total, les
« input » du CCS/PPTE sont à la fois de portée
limitée et de principes limitatifs. Ses « output »
échappent-ils à cette réalité ?
III.2.2. Les « output » de la mise en
oeuvre des projets PPTE
Les « output » ou les réponses du CCS/PPTE
aux projets qui lui sont soumis sont constitués des financements et des
procédures.
III.2.2.1. Les « output » du CCS/PPTE :
des réponses limitées
Les réponses apportées par les CCS/PPTE aux
demandes des promoteurs sont insuffisantes.
Les projets soumis au CCS/PPTE et déclarées
éligibles à l'issue de leur examination,
bénéficient du financement PPTE. Le montant de ce financement, en
raison du volume des projets à financer, n'est pas toujours
proportionnel au montant nécessaire pour la réalisation des
projets soumis comme l'illustre le propos de cet informateur de MINADER :
« Les allocations faites pour les projets PPTE sont
insuffisantes, pourtant l'agriculture est la base de l'économie
nationale ».
Cette insuffisance à laquelle font allusion les autres
Institutions ayant servi de cadre à notre étude, pose le
problème du fonctionnement de la structure d'élaboration, de
suivi et d'évaluation des projets :
« Les projets PPTE, au regard des autres projets
financés par d'autres fonds, ont des problèmes de fonctionnement,
ils ont un problème de motivation du personnel affecté aux
projets, car le financement PPTE ne prend pas en compte le budget de
fonctionnement.»
En plus de ces insuffisances relevées dans le
financement des projets PPTE, les « output » du CCS/PPTE ont un
problème de cohérence par rapport aux objectifs des projets
à réaliser.
III.2.2.2. Les « output » du CCS/PPTE :
des réponses incohérentes
Les réponses du CCS/PPTE aux demandes qui lui sont
adressées, sont faites de procédures qui ne permettent pas la
réalisation cohérente des projets.
Adossés au budget de l'Etat et soumis à la
procédure de décaissement des fonds au trésor public, les
fonds PPTE posent le problème du respect du chronogramme des projets
dans leur acheminement. Du fait « des circuits administratifs faits de
lourdeurs bureaucratiques », « l'acheminement des fonds PPTE est en
déphasage avec le chronogramme des projets». Ce déphasage
constitue un obstacle pour les projets à réalisation
saisonnière (projets agricoles et autres) en particulier, et pour
l'atteinte des objectifs de lutte contre la pauvreté en
général.
Ces difficultés liées à la
procédure d'acheminement des fonds PPTE, associées à
l'insuffisance desdits fonds, engendrent des incohérences dans la mise
en oeuvre des projets PPTE. Elles sont à l'origine du report des
activités relatives aux projets, de la restriction de leurs objectifs,
de leur réalisation séquentielle, avec pour conséquence
leur opérationnalité tardive sur la réduction de la
pauvreté au Cameroun. Pour ces raisons, les « output » du
CCS/PPTE sont incohérents par rapport aux objectifs des projets
déclarés éligibles d'une part, et par rapport aux
objectifs de réduction de la pauvreté au Cameroun d'autre
part.
En somme, l'approche systémique nous a permis
d'apprécier la capacité du volet social de l'Initiative PPTE
à réduire la pauvreté au Cameroun, à travers
l'analyse de ses « input » et de ses « output ». Il en
ressort que les « input » de cette Initiative sont de portée
limitée sur la réduction de la pauvreté au Cameroun, du
fait de leurs principes limitatifs. Les « output » quant à eux
sont limités et incohérents par rapport aux objectifs de
réduction de la pauvreté visée par les projets. Ces
insuffisances du volet social de l'Initiative PPTE ne favorisent pas son
efficacité sur la réduction de la pauvreté au Cameroun.
Par ailleurs, face à la rigidité des principes de mise en oeuvre
de cette Initiative se sont développées de la part de certains
promoteurs de projets, des stratégies d'accès au financement que
l'approche systémique ne permet pas d'appréhender. D'où la
nécessité d'une approche stratégique de la mise en oeuvre
de cette Initiative au cameroun.
III.3. La mise en oeuvre de l'Initiative PPTE au centre des
stratégies des promoteurs de projets
Face à la rigidité des principes de mise en
oeuvre de l'Initiative PPTE, certains promoteurs de projets ont
développé des stratégies qui leur permettent de surmonter
les exigences desdits principes. Ces stratégies sont mises en oeuvre
aussi bien dans la phase de soumission des dossiers de projets qu'à
celles de leur financement. L'analyse de ces stratégies est susceptible
de fournir des éléments nécessaires pour la
compréhension de l'impact de l'Initiative PPTE sur la réduction
de la pauvreté au Cameroun. Ainsi analyserons-nous les stratégies
développées par les promoteurs pour l'éligibilité
de leurs projets d'une part, et pour leur financement d'autre part.
III.3.1. L'éligibilité des projets
PPTE : les stratégies de courtage au service des promoteurs de
projets
Dans le cadre de la mise en oeuvre du volet social de
l'Initiative PPTE, les promoteurs de projets sont issus de la «
configuration développementiste » au Cameroun. Plus
précisément, ils constituent ce que Bierschenk et al
appelle les « courtiers locaux en développement »,
c'est-à-dire des acteurs sociaux implantés dans une arène
locale et qui servent d'intermédiaire pour drainer les ressources
extérieures relevant de l'aide au développement. Ces promoteurs
sont des porteurs locaux de projets de développement et assurent
l'interface entre les donateurs et les bénéficiaires des projets.
Ils sont censés représenter les populations locales
bénéficiaires ou en exprimer les besoins vis-à-vis de
l'organe en charge de la gestion des fonds PPTE. Mais, du fait de la
difficulté à remplir convenablement les critères exigibles
pour l'éligibilité de leurs projets, certains promoteurs ont
développé une stratégie d'éligibilité en
dehors de la démarche réglementaire en vigueur dans le processus
de financement des projets PPTE, il s'agit de la stratégie de
rapprochement.
En effet, suivant la démarche réglementaire
relative au processus de financement des projets PPTE, les promoteurs de
projets doivent déposer auprès du CCS/PPTE, un dossier de
projets remplissant les critères de conformité et
d'évaluation. Mais à travers la stratégie de
rapprochement, il est question pour les promoteurs qui optent pour cette voie,
de se rapprocher des experts du CCS/PPTE question de se parer des atouts
favorables à l'éligibilité de leurs projets.
Cette stratégie de rapprochement leur permet d'avoir ce
que Bierschenk et al appellent, s'agissant des courtiers en
développement, la « compétence scénographique».
Il s'agit d'une compétence qui permet aux promoteurs en question de
construire une « vitrine » qui puisse séduire les membres de
la Commission de sélection des projets PPTE et combler les attentes des
experts sectoriels chargés de l'évaluation des projets. Cette
« compétence scénographique » se traduit par «
l'art de faire croire » car, il est question pour les promoteurs de
projets de « fabriquer une réalité » conforme à
ce qu'on estime être les attentes de la Commission de sélection
des projets.
Dans cette stratégie de rapprochement, la «
compétence scénographique » mise en exergue par ces
promoteurs-« courtiers en développement » n'est pas à
l'avantage des bénéficiaires supposés de projets dont ils
sont porteurs. C'est ce que reconnaissent Bierschenk et al. lorsqu'ils
affirment :
« Le talent du courtier s'exprime moins dans son
habileté à « vendre » des initiatives venues « du
bas » qu'à répondre à la dynamique de « l'offre
de projet » qui provient du monde du développement ».
Ainsi, la stratégie de rapprochement mise en oeuvre par
certains promoteurs de projets PPTE constitue un obstacle pour l'atteinte des
objectifs de lutte contre la pauvreté visés par l'Initiative
PPTE, pour autant qu'elle dessert l'intérêt
général,surtout ceux des populations cibles, au profit des
intérêts particuliers des promoteurs rentiers. Une
stratégie similaire est également présente dans le
financement proprement dit des projets déclarés éligibles
à l'Initiative PPTE.
III.3.2. Le financement des projets PPTE : la
« politique du ventre » au service d'une canalisation
atypique
La «politique du ventre » mise à contribution
dans le financement des projets PPTE renvoie aux pratiques alimentaires et aux
activités d'accumulation dont fait allusion Jean-François Bayart,
parlant de la « gouvernementalité » en Afrique. Du fait de la
transposition de cette politique dans le financement des projets PPTE, les
fonds destinés à la réalisation des projets
déclarés éligibles font l'objet d'une canalisation
atypique.
En effet, suivant les dispositions réglementaires
relatives à l'acheminement des fonds dans le cadre du financement de
projets PPTE, les projets déclarés éligibles sont
confiés aux départements ministériels compétents
qui assurent le décaissement des fonds y relatifs et leur
réalisation. Mais sous l'effet de « la politique du ventre »,
la réalisation de certains projets en provenance des organisations de la
société civile, échappe à cette
réglementation. En fait, certains promoteurs de projets en provenance de
cette catégorie de la « configuration développementiste
» en viennent, par des stratégies de désintéressement
des responsables des Institutions étatiques en charge de leurs projets,
à se soustraire de la réglementation qui voudrait que les projets
soient réalisés par les Institutions auxquelles ils sont
confiés. Plus concrètement, ces promoteurs obtiennent l'autonomie
financière et technique de la gestion de leurs projets, en
concédant un pourcentage des fonds y relatifs aux personnes en charge
desdits projets dans les Institutions concernées. C'est par cette
stratégie de désintéressement qui renvoie à la
« politique du ventre » que cette catégorie de promoteurs
parvient à imprimer, de façon pratique, sa marque dans la
réalisation des projets PPTE au Cameroun.
Cette pratique dans le financement des projets PPTE met en
évidence le fait que les dispositions relatives à la bonne
gouvernance promue dans la mise en oeuvre de cette Initiative
n'échappent pas aux actions des « couches sociales «
crisocratiques » » nées avec « l'exacerbation de la
crise économique et l'ajustement structurel » au Cameroun.
En résumé, l'approche stratégique permet
de mettre en évidence le comportement des promoteurs des projets PPTE
face aux exigences de la réglementation y relative. Il apparaît
qu'ils mettent en oeuvre des stratégies à deux niveaux de
l'allocation des fonds PPTE : au niveau de l'éligibilité et
à celui du financement proprement dit. Ainsi, les stratégies de
courtage et de désintéressement respectivement mises en oeuvre
à chacun de ces deux niveaux, ne sont pas de nature à favoriser
la réduction de la pauvreté visée par l'Initiative PPTE.
Du fait de leur finalité égoïste, ces stratégies de
courtage et de désintéressement contribuent à la
production des inégalités car elles obéissent à une
démarche discriminatoire et aboutissent à des fins
également discriminatoires, pour autant qu'elles ne profitent
qu'à des privilégiés et non à l'ensemble des
populations, notamment aux populations réellement
nécessiteuses.
Ce chapitre consacré aux mécanismes de mise en
oeuvre de l'Initiative PPTE au Cameroun présente le dispositif
gouvernemental et les principes y relatifs. Il fait également une
interprétation analytique de ces dispositifs et principes, et se termine
sur une analyse sociologique de ces mécanismes. De
l'interprétation analytique, il ressort que la mise en oeuvre de
l'Initiative PPTE au Cameroun est l'expression d'une volonté politique
et que les principes de leur mise en oeuvre ont une logique pédagogique
du développement, laquelle logique se traduit par la promotion de la
dimension sociale dans le développement, la promotion de la bonne
gouvernance et la promotion de l'approche projet dans le développement
au Cameroun. L'analyse sociologique effectuée par le truchement des
approches sociocritique, systémique et stratégique a permis
d'aller au-delà de l'interprétation analytique
sus-évoquée. Ainsi, il ressort de l'approche sociocritique que la
volonté politique affichée par le gouvernement camerounais par
rapport à l'Initiative PPTE relève à la fois d'un besoin
de survie et d'une question de formalité, et que l'Initiative PPTE est
un instrument de promotion du néolibéralisme. De l'approche
systémique, il ressort que les « input » orientés vers
l'organe de gestion des projets PPTE, le CCS/PPTE, sont constitués de
projets à portée limitée sur la lutte contre la
pauvreté et des principes limitatifs. Les « output » quant
à eux sont constitués de réponses limitées et
incohérentes. Enfin, il ressort de l'approche stratégique que les
stratégies de courtage et de désintéressement mises en
oeuvre par les promoteurs de projets ne permettent pas une action efficace des
projets PPTE sur la réduction de la pauvreté au Cameroun. Au
total, la mise en oeuvre de l'Initiative PPTE au Cameroun est
émaillée d'écueils qui compromettent l'atteinte des
objectifs de réduction de la pauvreté envisagée dans le
cadre de cette Initiative. Ces écueils relevés à ce stade
de l'étude sont relatifs aux mécanismes de mise en oeuvre de son
volet social. Mais la réussite d'un projet de développement
nécessitant à la fois des mécanismes adaptés et une
participation effective de bénéficiaires à sa
réalisation, il est par conséquent nécessaire de
s'interroger sur le principe participatif envisagé et pratiqué
dans la mise en oeuvre de l'Initiative PPTE. D'où la dernière
articulation de notre étude sur le principe participatif dans la mise en
oeuvre de cette Initiative au Cameroun.
Chapitre IV :
L'approche participative dans la mise en oeuvre de
l'Initiative PPTE au Cameroun
Le concept de participation est d'un intérêt
croissant dans l'actualité consacrée à la mise en oeuvre
des projets ou des initiatives de développement. C'est dans un contexte
socio-développementiste marqué par la vogue de ce concept que
voit le jour le nouvel instrument de développement des pays du sud,
l'Initiative PPTE.
Lancée en 1996 pour sa version initiale et en 1999 pour
sa version renforcée, par la Banque mondiale et le FMI, l'Initiative
PPTE apparaît comme une initiative de développement
révolutionnaire, pour autant qu'elle rompt avec l'approche de
développement préconisée par les initiatives
précédentes. Contrairement à ces précédentes
initiatives axées sur une approche économiste et peu ou non
socialisante, l'Initiative PPTE allie les reformes macroéconomiques
à l'allègement de la dette, et à la lutte contre la
pauvreté. A cette approche qui intègre désormais le
social, elle associe une démarche participative qui vise l'implication
de tous les acteurs sociaux à la réalisation des initiatives de
développement.
Cette démarche participative, compte tenu des
leçons du passé, est l'une des modalités indispensables
pour la réussite de la nouvelle initiative, modalité à
laquelle s'ajoutent des mécanismes de mise en oeuvre adaptés.
Comment s'opère le principe de participation dans la mise en oeuvre de
l'Initiative PPTE au Cameroun? C'est à cette question qui permet de
mettre en évidence le principe de participation dans la mise en oeuvre
de l'Initiative PPTE au Cameroun que le présent chapitre tente de
répondre. Il s'ouvre sur la présentation du prétexte, des
principes et des objectifs de la participation dans les initiatives de
développement, s'enchaîne avec l'observation de la participation
dans la mise en oeuvre de l'Initiative PPTE au Cameroun, se poursuit avec
l'interprétation analytique de cette pratique et se termine sur son
analyse sociologique.
I. PRETEXTE, PRINCIPES ET OBJECTIFS DE L'APPROCHE
PARTICIPATIVE DANS LES INITIATIVES DE DEVELOPPEMENT
Définie par la Banque mondiale comme processus à
travers lequel les agents influencent et partagent le contrôle sur la
fixation des priorités, la définition des politiques,
l'allocation des ressources et l'accès aux biens et services publics, la
participation est au coeur de la problématique de la mise en oeuvre des
initiatives de développement. Cet intérêt s'explique par
les leçons du passé. La participation dans les initiatives de
développement obéit à des principes et à des
objectifs.
I.1. Prétexte de l'adoption de l'approche
participative dans les initiatives de développement
L'adoption de la démarche participative dans la mise en
oeuvre des initiatives de développement s'explique par deux principales
erreurs commises par le passé : la non insertion dans les valeurs des
communautés d'accueil des initiatives et la non implication de celles-ci
dans la formulation, la planification et la réalisation desdites
initiatives.
Ces erreurs s'expliquent par l'approche théorique dans
la conception des initiatives de développement. En effet, ces
initiatives visaient à combler le retard accusé par rapport
à l'Occident. Ainsi, il fallait, à grand renfort de capitaux,
créer les conditions d'un décollage économique comme ce
fut le cas pour l' Occident. Les initiatives de développement
inspirées de ces théories de rattrapage ont connu des
échecs. Ces échecs s `expliquent par « une conception
étroite du développement qui ne prend pas en compte la
diversité des cultures et des sociétés dans le monde
». Dix ans après ce constat fait lors du colloque de Washington sur
la culture et le développement de l'Afrique en 1992, la Banque mondiale
a fait le même constat lors de la conférence de Monterrey en 2002
:
« Une leçon tirée de
l'expérience du passé est que la reforme ne réussit
généralement pas sans une forte appropriation locale et une large
approche, qui inclut la prise en charge des institutions, la gouvernance et la
participation des acteurs- une leçon qui constitue le moteur du
processus des documents stratégiques de réduction de la
pauvreté (DSRP) ».
La nouvelle démarche, la démarche participative,
découle donc de la prise de conscience de l'existence des lacunes des
stratégies passées, qui sont principalement attribuées par
la Banque mondiale à leur manque d'appropriation par les pays
censés les mettre en pratique.
Face à la conception productiviste du
développement en vigueur dans les anciennes initiatives, l'approche
participative oppose une conception plus humaine du développement. Elle
démontre que le développement d'une société est sa
vie elle même et qu'il ne saurait être un produit d'exportation. La
participation dans les initiatives de développement se
caractérise par des principes.
I.2. Principes de l'approche participative dans les
initiatives de développement
L'approche participative en matière de
développement repose sur deux principes fondamentaux :
- la prise en compte des valeurs et des besoins des
communautés d'accueil d'une part ;
- Leur implication dans la mise en oeuvre des initiatives de
développement d'autre part.
L'approche participative en matière de
développement suppose la prise en compte des valeurs et des besoins des
communautés d'accueil dans les initiatives de développement qui
leur sont destinées. Suivant ce principe, les initiatives de
développement doivent répondre aux besoins et s'insérer
dans les valeurs des populations bénéficiaires. Autrement dit,
l'élaboration des initiatives de développement doit passer par la
consultation des populations bénéficiaires, à l'effet de
définir leurs besoins, leurs priorités en matière de
développement et les politiques ou les stratégies à mettre
en place pour y faire face. Il s'agit à travers ce principe de mettre en
oeuvre des initiatives de développement adaptées et susceptibles
de contribuer de façon efficace au bien-être des populations
bénéficiaires.
L'approche participative suppose également
l'implication des membres des communautés d'accueil dans la mise en
oeuvre des initiatives de développement. Ce principe suppose une
étroite implication des bénéficiaires à toutes les
étapes de la mise en oeuvre des initiatives de développement qui
leur sont destinées. Il s'agit de les associer à
l'identification, à la réalisation, au suivi et à
l'évaluation des initiatives. Suivant ce principe, les membres des
communautés d'accueil ne sont plus de simples
bénéficiaires des initiatives comme par le passé, mais des
acteurs eux aussi, de leur propre développement.
La prise en compte des valeurs et des besoins des
communautés d'accueil et leur implication dans la mise en oeuvre des
initiatives de développement sont au fondement de l'approche
participative. Cette approche consacre les bénéficiaires des
initiatives de développement comme des acteurs incontournables et
même indispensables de la mise en oeuvre des initiatives de
développement. Elle inverse l'échelle des valeurs qui faisait des
experts nationaux et internationaux les mieux aptes à conduire les
initiatives de développement et considère les populations des
communautés d'accueil comme des « experts profanes ».
L'approche participative procède d'une démarche
ethnométhodologique, celle qui consiste à considérer les
acteurs sociaux comme des « sociologues profanes », comme la source
des significations sociales, parce que capables d'adapter leurs comportements
et de les décrire eux mêmes. En définitive, l'approche
participative obéit au principe de l'ethnométhodologie qui
refuse de considérer les acteurs sociaux comme des « « idiots
culturels » hyperconformes aux normes sociales préétablies
et faiblement réflexifs ». Elle donne la parole à ceux jadis
considérés comme des « sans voix » en matière de
développement. Elle vise un certain nombre d'objectifs.
I.3. Les objectifs de l'approche participative dans les
initiatives de développement
L'approche participative en matière de
développement vise trois objectifs principaux : L'appropriation,
l'insertion et la responsabilité démocratique.
L'approche participative vise tout d'abord l'appropriation des
initiatives de développement par les acteurs sociaux concernés.
La participation de tous les acteurs sociaux concernés, non seulement
à la définition mais également au suivi des politiques,
favorise leur degré d'engagement et les incite à entreprendre
efficacement les actions prévues, tout en suscitant l'adhésion de
l'ensemble de la population aux réformes favorisant leur «
appropriation » (ownership) par les communautés d'accueil.
L'approche participative vise également l'insertion des
besoins des communautés d'accueil dans les préoccupations des
initiatives de développement. La participation est censée
contribuer à enrichir les débats et à définir une
stratégie plus adéquate, répondant aux véritables
besoins sociaux. Cette démarche désignée sous le terme d'
« insertion » (empowerment), est censée donner aux pauvres
l'opportunité d'influer sur les politiques qui affectent leurs
conditions de vie.
L'approche participative vise enfin la «
responsabilité démocratique ». A travers la participation,
l'ensemble des acteurs sociaux est introduit dans le domaine
réservé de l'Etat, qui doit désormais rendre compte de ses
actes, avec pour objectif le respect du principe de «
responsabilité démocratique » (accountability), qui
était souvent négligé jusqu'alors dans la plupart des pays
en développement.
Tous ces principes et objectifs de la participation sont
supposés servir de repère à la mise en oeuvre de
l'Initiative PPTE au Cameroun. Mais sont-ils réellement appliqués
dans la mise en oeuvre de cette Initiative ? Qu'en est-il exactement ?
II. L'APPROCHE PARTICIPATIVE DANS LA MISE EN OEUVRE DE
L'INITIATIVE PPTE AU CAMEROUN : APPROCHE DESCRIPTIVE
Processus axé sur le rôle essentiel que doivent
jouer les acteurs sociaux dans la mise en oeuvre des initiatives de
développement, la participation, en ce qui concerne de l'Initiative
PPTE, est supposée se pratiquer dans les deux grandes phases de la mise
en oeuvre de son volet social : la phase de la sélection des projets
éligibles au financement PPTE et la phase de leur réalisation.
II.1. La participation au niveau de la sélection des
projets PPTE
L'observation de cette application va se faire auprès
des différentes catégories d'acteurs sociaux concernés par
les projets PPTE. Ces catégories d'acteurs sont constituées des
acteurs au sommet, des acteurs intermédiaires et des acteurs à la
base.
II.1.1. Les acteurs au sommet
Les acteurs au sommet regroupent les Institutions en charge de
la politique générale de l'Initiative PPTE au Cameroun. Dans
cette catégorie se retrouvent les principaux bailleurs de fonds (Banque
mondiale, FMI) et le gouvernement à travers le chef de
département ministériel délégué à cet
effet.
II.1.1.1. Les bailleurs de fonds
Dans la phase de la mise en oeuvre des projets PPTE
consacrée à la sélection des projets éligibles au
financement PPTE, les bailleurs de fonds assistent aux travaux du Comité
consultatif et de suivi de la gestion des ressources PPTE en qualité
d'observateurs.
II.1.1.2. Le gouvernement
Dans la catégorie des acteurs au sommet, le
Gouvernement est représenté par le ministre chargé de
l'Economie et des finances. Il est le président du Comité
consultatif et de suivi de la gestion des ressources PPTE. Il convoque et
préside les réunions du Comité et a une voix
prépondérante lors de l'adoption des délibérations
relatives à l'éligibilité des projets. Les réunions
concernent tous les membres du Comité parmi lesquels ceux de la
catégorie des acteurs intermédiaires.
II.1.2. Les acteurs
intermédiaires
Cette catégorie d'acteurs joue le rôle
d'interface entre les acteurs au sommet et ceux de la base. Dans cette
catégorie, se retrouvent les départements ministériels
gestionnaires des dépenses sur financement PPTE et les organisations de
la société civile.
II.1.2.1. Les départements
ministériels
Dans cette catégorie se retrouvent des
ministères à la fois membres du Comité consultatif et de
suivi de la gestion des ressources PPTE et gestionnaires des dépenses
sur financement PPTE. Il s'agit des ministères en charge des
investissements publics, en charge de l'éducation nationale, en charge
de la santé publique, en charge des travaux publics, en charge de la
ville, et en charge de l'agriculture. Tous ces ministères participent
par la voix de leurs chefs ou de leurs représentants, aux
délibérations qui sont adoptées à la
majorité des membres présents.
II.1.2.2. La société
civile
La société civile dont il est question dans le
cadre de la participation à la mise en oeuvre des projets PPTE,
s'identifie bien à ce que Séverin Cécile Abéga
définit comme « la fraction de la société
située en dehors des structures de l'Etat et agissant à travers
les structures de type associatif, coopératif ou les organisations de
défense des droits et d'intérêts hors du cadre des partis
politiques ». Ainsi, les organisations de la société civile
représentées au Comité consultatif et de suivi de la
gestion des ressources PPTE sont constituées de (03) trois
représentants des confessions religieuses représentant chacun
l'église catholique, les églises protestantes et l'islam, (01) un
représentant de l'association professionnelle de la micro-finance
siégeant selon un mécanisme de rotation de ses membres, et (02)
deux représentants d'ONG ou associations. Ces organisations de la
société civile sont membres du Comité et participent
chacune aux délibérations adoptées à la
majorité des membres présents.
II.1.3. Les acteurs à la
base
Les acteurs à la base sont constitués des
bénéficiaires supposés des initiatives mises en oeuvre
dans le cadre du volet social de l'Initiative PPTE. Au sein du Comité
consultatif et de suivi de la gestion des ressources PPTE, aucun siège
n'est réservé aux acteurs à la base, aux
bénéficiaires des projets. Ils sont supposés être
représentés par les organisations de la société
civile, notamment les ONG.
En somme, dans la phase de la sélection des projets
éligibles au financement PPTE, toutes les catégories d'acteurs
de développement au Cameroun sont représentés, à
l'exception des populations directement bénéficiaires des
initiatives. Qu'en est-il de la phase de réalisation desdites
initiatives ?
II.2. La participation au niveau de la réalisation
des projets PPTE
La participation au niveau de la réalisation des
projets PPTE s'observe à travers les rôles dévolus à
chacun des acteurs sus-cités dans cette réalisation. La
réalisation renvoie ici à la phase de concrétisation des
projets.
II.2.1. Le rôle des acteurs au sommet dans
la réalisation des projets PPTE
Les acteurs au sommet, comme indiqué plus haut,
comprennent les bailleurs de fonds et le gouvernement.
II.2.1.1. Le rôle des bailleurs de
fonds
En plus du rôle d'observateurs dans la phase de
sélection des projets, les bailleurs de fonds peuvent encore jouer le
rôle de promoteurs de projets. Ainsi, ils peuvent eux aussi soumettre
leurs projets au financement PPTE. Mais dans le cadre de la réalisation
des projets, ils n'ont aucun rôle à jouer sinon celui de suivi et
de contrôle de leurs projets déclarés éligibles au
financement PPTE.
II.2.1.2. Le rôle du
gouvernement
Le gouvernement, plus précisément le ministre de
l'Economie et des finances qui assure la tutelle du Comité consultatif
et de suivi de la gestion des ressources PPTE, est l'ordonnateur des
dépenses relatives à la réalisation des projets PPTE. Il
assure la supervision générale des projets PPTE.
II.2.2. Le rôle des acteurs
intermédiaires dans la réalisation des projets
PPTE
Ce sont les acteurs clés de la réalisation des
projets PPTE au Cameroun. Ils sont constitués, comme signalé plus
haut, des départements ministériels et des organisations de la
société civile.
II.2.2.1. Le rôle des départements
ministériels
En plus du rôle de promoteurs des projets, les
départements ministériels, qu'ils soient membres du Comité
consultatif et de suivi de la gestion des ressources PPTE ou non, sont les
principaux réalisateurs des projets PPTE. Les projets
déclarés éligibles sont confiés aux
départements ministériels compétents qui en assurent la
réalisation. Cette réalisation se fait suivant les
mécanismes traditionnels de réalisation des projets dans lesdits
ministères, lesquels consistent en un ordonnancement hiérarchique
qui part des services centraux desdits ministères à leurs
services extérieurs qui comprennent des délégations
provinciales, départementales et d'arrondissements. Les projets sont
ainsi réalisés par le personnel des ministères
concernés.
II.2.2.2. Le rôle des organisations de la
société civile
En principe, le rôle des organisations de la
société civile se limite à la promotion des projets et aux
suggestions pour celles qui sont membres du Comité consultatif et de
suivi de la gestion des ressources PPTE. Mais, par dérogation à
ce principe, quelques organisations de la société civile
parviennent à obtenir l'exclusivité de la réalisation de
leurs propres projets, la raison avancée étant que ces projets ne
s'inscrivent dans le champ d'action d'aucun département
ministériel. En dehors de ces cas qui sont des exceptions, les
organisations de la société civile ne participent pas à la
réalisation des projets PPTE. Qu'en est-il des acteurs à la base
?
II.2.3. Le rôle des acteurs à la
base
Dans la phase de sélection des projets éligibles
au financement PPTE, les acteurs à la base sont supposés
être représentés par les organisations de la
société civile. Dans la phase de réalisation, ils sont
quasi absents, sauf dans les cas exceptionnels des projets
réalisés par les organisations de la société
civile. De façon générale, les acteurs à la base
sont des bénéficiaires passifs des projets réalisés
dans le cadre de la mise en oeuvre du volet social de l'Initiative PPTE.
En définitive, toutes les catégories d'acteurs
sociaux concernés par la mise en oeuvre des projets PPTE au Cameroun ne
prennent pas toutes une part active dans la réalisation des projets.
Seuls les acteurs intermédiaires et plus précisément les
départements ministériels promoteurs ou abritant les projets
prennent une part active dans la réalisation de ces projets. Cette
description de l'application du principe de la participation dans la mise en
oeuvre des projets PPTE permet de faire une première lecture de cette
application.
III. L'APPROCHE PARTICIPATIVE DANS LA MISE EN OEUVRE DE
L'INITIATIVE PPTE AU CAMEROUN : INTERPRETATION ANALYTIQUE
La participation en matière de développement
suppose à la fois l'implication des bénéficiaires et la
prise en compte de leurs besoins et attentes dans la mise en oeuvre des projets
de développement. Les projets PPTE sont supposés être mis
en oeuvre suivant ce principe. Mais à l'observation, l'application du
principe de la participation est plutôt discriminatoire, car
l'implication de toutes les composantes de la « configuration
développementiste » concernée par la mise en oeuvre de ces
projets n'est pas une réalité, notamment celle des acteurs
à la base constitués des populations bénéficiaires.
Cette non implication des populations bénéficiaires compromet la
prise en compte de leurs besoins et attentes dans la mise en oeuvre des projets
PPTE au Cameroun.
III.1. L'implication des populations
bénéficiaires dans la mise en oeuvre de l'Initiative PPTE au
Cameroun : un mythe
L'observation relative à l'implication des populations
bénéficiaires dans le processus de mise en oeuvre des projets
PPTE au Cameroun révèle que ces populations sont quasi absentes
de cette mise en oeuvre. Le constat se fait aussi bien dans la phase de la
sélection qu'à celle de la réalisation des projets.
Dans le cadre de cette mise en oeuvre, trois catégories
d'acteurs sont supposées intervenir. Il s'agit des acteurs au sommet
(bailleurs de fonds, gouvernement) ; des acteurs intermédiaires
(départements ministériels, organisations de la
société civile) ; des acteurs à la base (Populations
bénéficiaires des projets).
Dans la phase de sélection des projets éligibles
au financement PPTE, seuls les acteurs au sommet et les acteurs
intermédiaires participent au travaux. Les acteurs à la base sont
dits être représentés par les acteurs
intermédiaires, notamment les ONG. Dans cette étape de la mise en
oeuvre des projets, les populations bénéficiaires sont absentes
des lieux de débats et de décisions sur les questions relatives
à leur développement. Cette absence s'observe également
dans la phase de réalisation proprement dite.
Dans la phase de réalisation des projets PPTE, seuls
les acteurs intermédiaires et plus précisément les
départements ministériels participent activement à la
réalisation des projets. Les organisations de la société
civile n'interviennent qu'exceptionnellement, plus précisément
dans le cas où elles parviennent à obtenir le droit de la
réalisation de leurs propres projets. En dehors de ce cas, elles passent
du statut de représentant des populations au statut d'observateur. La
réalisation des projets PPTE est majoritairement conduite par les
départements ministériels. Dans cette phase encore, on constate
une absence totale des populations bénéficiaires. Ainsi, elles
sont absentes aussi bien dans la phase de sélection que dans celle de la
réalisation des projets PPTE.
Il apparaît donc que le principe de participation en ce
qui concerne plus précisément l'implication des populations
bénéficiaires, n'est pas une réalité dans la mise
en oeuvre des projets PPTE au Cameroun. Cet état de chose a certainement
un effet sur la prise en compte des besoins et attentes de ces populations dans
la mise en oeuvre de ces projets.
III.2. Les besoins et attentes des populations
bénéficiaires dans la mise en oeuvre de l'Initiative PPTE : une
prise en compte problématique
La prise en compte des besoins et attentes des populations
bénéficiaires dans la mise en oeuvre de l'Initiative PPTE
apparaît problématique, au regard de leur non implication dans ce
processus.
En effet, la prise en compte des besoins et attentes des
populations est, tout comme leur implication, une modalité indispensable
de l'application du principe de la participation dans la mise en oeuvre des
initiatives de développement. Après la prise de conscience de la
nécessité de l'approche participative dans la mise en oeuvre des
projets de développement, prise de conscience consécutive
à l'échec quasi généralisé des
précédentes politiques de développement, l'implication des
bénéficiaires de projets est apparue comme le gage de la prise en
compte de leurs besoins et attentes dans les projets. Autrement dit, la prise
en compte de leurs besoins et attentes dans les projets de développement
passe nécessairement et efficacement par leur implication dans les
projets destinés à leur développement. Or, dans les
projets PPTE, l'implication des populations bénéficiaires, telle
que constatée plus haut, n'est pas une réalité, les
bénéficiaires supposés des projets PPTE ne font pas
l'objet d'une implication effective et active dans la mise en oeuvre des
projets. Dans ces conditions de non implication des populations
bénéficiaires, la prise en compte de leurs besoins et attentes
dans la mise en oeuvre des projets devient problématique, incertaine.
Car ne prenant pas part aux projets, les populations ne peuvent pas
véritablement faire entendre leurs besoins et attentes vis à vis
de ceux-ci.
Ce manquement est supposé être pallié par
les consultations participatives effectuées lors de l'élaboration
du Document de stratégie de réduction de la pauvreté
(DSRP). Mais comme le fait remarquer l'analyse de ces consultations, la
participation dont il a été question était de type «
top down », c'est à dire qu'elle n'était pas
générée par des populations elles-mêmes. Il s'est
agi, en d'autres termes, d'une forme de mobilisation sociale, alors qu'il
aurait été fructueux de susciter une forme de participation
« Botton -up » ou « do- it- yourself », initiée par
les groupes à la base et susceptible de contribuer à renforcer
les positions collectives des groupes consultés. Ainsi, il
apparaît que la prise en compte des besoins et attentes des populations
bénéficiaires, aussi bien dans la phase de mise en oeuvre des
projets PPTE que dans celle des consultations participatives en prélude
à cette mise en oeuvre, est incertaine, mieux, elle n'est pas
garantie.
En somme, le principe de la participation dans les projets
PPTE, aussi bien en ce qui concerne l'implication des populations
bénéficiaires que la prise en compte de leurs besoins et
aspirations, n'est pas une réalité. Quel peut alors être le
sens de la participation promue dans le cadre de la mise en oeuvre de
l'Initiative PPTE au Cameroun ?
IV. L'APPROCHE PARTICIPATIVE DANS LA MISE EN OEUVRE DE
L'INITIATIVE PPTE AU CAMEROUN EN QUESTION
La première lecture de l'approche participative dans la
mise en oeuvre de l'Initiative PPTE a permis de constater la non implication
des populations bénéficiaires et la prise en compte
problématique de leurs besoins et aspirations dans les projets qui leur
sont destinés. Un tel constat suscite des questions qui ne peuvent
trouver des réponses que dans une lecture en profondeur du sens de la
participation dans cette Initiative. Pour cette lecture, l'approche
sociocritique sera mise à contribution puisqu'elle permet de mettre en
évidence le sens caché de la réalité sociale comme
l'affirme Jean ZIEGLER :
« Ce qui est montré est à expliquer
par ce qui ne se montre pas, car le plus caché est le plus
véridique ».
Quels sont les non-dits de l'application de l'approche
participative dans la mise en oeuvre de l'Initiative PPTE au Cameroun ?
IV.1. L'approche participative dans la mise en oeuvre
de l'Initiative PPTE au Cameroun : une question de
formalité
La participation des acteurs sociaux, plus
précisément des populations bénéficiaires, à
la mise en oeuvre de l'Initiative PPTE est l'une des exigences des promoteurs
de cette Initiative par rapport à l'exécution de son volet
social. Cette participation, loin d'être l'expression d'une réelle
volonté de respect du principe de la « responsabilité
démocratique » visé à travers son application,
relève plutôt d'un souci de conformité aux exigences des
bailleurs de fonds. Ce constat se dégage de l'analyse de l'application
de l'approche participative dans la mise en oeuvre de l'Initiative PPTE au
Cameroun.
En effet, la non implication des populations d'accueil et la
non insertion de leurs besoins et attentes dans les initiatives de
développement qui leurs sont destinées, ont été
reconnues par la Communauté internationale comme étant les causes
de l'échec de la plupart des projets de développement. Cette
prise de conscience a conduit à un changement d'approche dans la mise en
oeuvre des initiatives de développement, et s'est faite jour la
promotion de l'approche participative dans ces initiatives. Cette approche est
au centre des préoccupations des promoteurs de l'Initiative PPTE qui en
ont fait une condition sine qua none de la mise en oeuvre de cette
Initiative.
Au lendemain de l'admission du Cameroun au point de
décision de cette Initiative, les autorités camerounaises ont mis
en place un dispositif de mise en oeuvre des projets PPTE qui intègre le
principe de l'approche participative, il s'agit du Comité consultatif et
de suivi de la gestion des ressources PPTE (CCS/PPTE). Créé le
1er décembre 2000 par le décret numéro 2000/960
du Premier ministre, le CCS/PPTE est chargé, entre autres, d'assurer la
gestion participative et transparente des ressources PPTE . Dans son
organisation, le CCS/PPTE dispose d'un mécanisme de participation de par
la constitution de ses membres qui comprennent les bailleurs de fonds, le
gouvernement et les départements ministériels concernés
par les champs d'intervention des projets, et les organisations de la
société civile. Son fonctionnement intègre
également le principe de la participation à travers la voix qu'il
donne à chacun de ses membres dans les délibérations
relatives aux projets à financer. Mais ce dispositif de participation,
au regard de l'application qui en est faite, apparaît tout simplement
comme un effort de conformité aux formalités de mise en oeuvre
des projets PPTE exigées par les promoteurs de cette Initiative et les
autres bailleurs de fonds.
En fait, l'approche participative telle que recommandée
par les promoteurs de l'Initiative PPTE et qui est également celle
promue dans la nouvelle approche du développement, suppose l'implication
de tous les acteurs sociaux et plus particulièrement des populations
bénéficiaires dans les différentes étapes de la
mise en oeuvre des projets. Elle suppose également la prise en compte
des besoins et attentes de ces bénéficiaires dans lesdits
projets. Mais, l'exécution des projets PPTE ne respecte pas ce principe
de la participation.
Les étapes de cette exécution sont
constituées de la sélection et de la réalisation
proprement dite. Mais comme le révèle l'observation relative
à l'implication des acteurs sociaux dans la mise en oeuvre de ces
projets, les principaux bénéficiaires des projets sont absents
des travaux relatifs à la sélection des projets destinés
à leur développement. Ils sont, d'après la même
observation, absents de la réalisation desdits projets. Cette absence
aux différentes étapes de l'exécution des projets PPTE,
comme relevé plus haut, compromet la prise en compte de leurs besoins et
attentes dans lesdits projets. Ainsi, la mise en oeuvre des projets PPTE au
Cameroun ne respecte aucun principe de la participation des populations
bénéficiaires. Et dans ces conditions, le dispositif de la
participation mis en place par le gouvernement ne sert pas les
intérêts des populations bénéficiaires, mais
plutôt ceux du gouvernement, dans la mesure où il constitue la
preuve du respect des exigences des promoteurs de l'Initiative PPTE en ce qui
concerne la participation des acteurs sociaux aux projets. Bien plus, ce
dispositif s'inscrit tout simplement dans le registre des formalités
à remplir par le gouvernement pour rassurer les bailleurs de fonds de la
bonne gestion des fonds PPTE et se donner plus d'arguments pour l'atteinte du
point d'achèvement de cette Initiative qui consacre un allègement
plus substantiel de la dette et beaucoup plus de fonds pour les projets
PPTE.
En définitive, l'application de l'approche
participative telle qu'elle est menée dans le cadre de la mise en oeuvre
de l'Initiative PPTE, répond à une question de formalité
plutôt qu'à un souci d'efficacité des projets à
réaliser. Une telle application de l'approche participative a
également pour effet de dissimuler l'hégémonie des acteurs
étatiques sur la mise en oeuvre des projets PPTE.
IV.2. L'approche participative dans la mise en oeuvre de
l'Initiative PPTE au Cameroun : une stratégie de dissimulation de
l'hégémonie des acteurs étatiques sur l'exécution
des projets PPTE
Plus qu'une question de formalité, l'approche
participative dans la mise en oeuvre de l'Initiative PPTE au Cameroun
apparaît comme une stratégie de dissimulation de l'emprise des
acteurs étatiques sur la mise en oeuvre des projets y relatifs. Ce
constat se dégage également de l'analyse de l'application de
cette approche à l'exécution de ces projets.
Désormais admise comme le gage de la réussite
des initiatives de développement, l'approche participative est une
recommandation majeure des promoteurs de l'Initiative PPTE dans la mise en
oeuvre de son volet social. Principe cardinal de cette mise en oeuvre,
l'approche participative consacre l'irruption de la société
civile et plus particulièrement des populations dans la gestion des
affaires publiques jadis réservée exclusivement aux acteurs
étatiques.
A la faveur de l'admission du Cameroun à l'Initiative
PPTE, un dispositif de participation a été mis en place par le
gouvernement pour assurer l'application du principe de la participation dans
les projets PPTE, le CCS/PPTE. Mais la conception et l'application de ce
principe font état du monopole des acteurs étatiques sur la mise
en oeuvre de ces projets au Cameroun.
L'approche participative en matière de
développement recommande l'implication des communautés d'accueil
dans la formulation et la réalisation des initiatives de
développement qui leur sont destinées. Dans le cadre des projets
PPTE, le dispositif de la participation se met en oeuvre dans la phase de la
sélection et de la réalisation des projets.
Dans la phase de la sélection des projets, ce
dispositif accorde un effectif prépondérant aux acteurs
étatiques, au détriment des acteurs à la base ou de leurs
représentants supposés. Sur les 19 (dix-neuf) membres que compte
le CCS/PPTE, 07(sept) relèvent de la catégorie des acteurs
étatiques, 05(cinq) de celle des bailleurs de fonds et qui assistent aux
travaux en qualité d'observateurs. Dans la catégorie de la
société civile, 03(trois) membres assistent aux travaux en
qualité de représentants des confessions religieuses, 01(un) en
qualité de représentant de l'association professionnelle de la
micro-finance et 02(deux) en qualité de représentants des ONG.
Suivant la « configuration développementiste »qui comprend les
acteurs au sommet, les acteurs intermédiaires et les acteurs à la
base, cette dernière catégorie d'acteurs ne figure pas dans le
registre des acteurs appelés à prendre part aux travaux relatifs
au choix des projets de développement qui leur sont destinés. Le
dispositif de participation exclut de ces travaux les populations
bénéficiaires.
Dans la phase de la réalisation des projets
déclarés éligibles, les acteurs intermédiaires non
membres de l'appareil gouvernemental et les acteurs à la base encore,
sont exclus de la mise en oeuvre des projets.
Il y a donc dans la mise en oeuvre des projets PPTE, exclusion
totale des populations bénéficiaires aussi bien dans la phase de
la sélection que dans celle de la réalisation des projets d'une
part, et exclusion ou implication partielle des organisations de la
société civile d'autre part. Seuls les acteurs étatiques
prennent pleinement et activement part à la mise en oeuvre des
projets.
Une telle pratique constitue une entorse à
l'application du principe de la participation telle que recommandée dans
la mise en oeuvre des initiatives de développement. Dans ces conditions
caractérisées par l'escamotage du principe de la participation,
l'approche participative apparaît tout simplement comme une
stratégie de dissimulation du monopole des acteurs étatiques sur
les projets PPTE, « la société civile (n'étant) qu'un
faire-valoir important ».Et dans ce cas, il s'agit à travers
l'admission de quelques organisations de la société civile au
sein du CCS/PPTE comme membres, de donner l'impression de respecter le principe
de la participation recommandé par les promoteurs de l'Initiative PPTE,
tout en poursuivant avec l'approche classique caractérisée par un
interventionnisme étatique fort. Ainsi, l'approche participative telle
que conçue et appliquée dans les projets PPTE, a aussi pour effet
de voiler l'hégémonie des acteurs étatiques sur ces
projets.
Ce chapitre avait pour objectif d'évaluer l'application
de l'approche participative dans la mise en oeuvre de l'Initiative PPTE au
Cameroun. Il nous a conduit tour à tour à l'exploration du
prétexte, des principes et des objectifs de la participation dans la
mise en oeuvre des projets y relatifs, et à son analyse. De
l'application de cette approche dans les projets PPTE au Cameroun, il ressort
que l'implication des populations bénéficiaires n'est pas une
réalité et que la prise en compte de leurs besoins et attentes
est problématique. L'approche sociocritique utilisée pour la
lecture de la pratique de la participation dans la mise en oeuvre de
l'Initiative PPTE, révèle que cette application relève
d'une question de formalité et qu'elle participe de la stratégie
de dissimulation de l'emprise des acteurs étatiques sur ces projets. Il
apparaît qu'un tel usage de l'approche participative compromet
l'appropriation des projets ainsi mis en oeuvre par les populations
bénéficiaires et par ricochet leur réussite. Et dans ces
conditions, l'Initiative PPTE se retrouve porteuse des écueils reconnus
aux précédentes initiatives de développement, ceux
relatifs à la non implication des populations
bénéficiaires et à la non insertion de leurs besoins et
attentes dans les préoccupations des initiatives de
développement. Au regard de ces écueils, il y'a lieu de croire
que de l'Initiative PPTE ne produira pas les effets escomptés sur les
conditions de vie des populations camerounaises.
CONCLUSION GENERALE
« L'Initiative PPTE et la lutte contre la pauvreté
au Cameroun : une analyse sociologique.» Tel est le sujet qui était
au centre de notre étude. Partant du constat de l'échec de la
politique de lutte contre le sous-développement, notamment de son
instrument principal, les Programmes d'ajustement structurel, l'objectif
était d'évaluer l'efficacité de l'instrument principal
(l'Initiative PPTE) sur la réduction de la pauvreté au Cameroun.
A cet effet, le fil conducteur de cette étude s'est
articulé autour de la question de savoir si l'Initiative PPTE peut
permettre l'amélioration des conditions de vie des populations et par
ricochet la réduction de la pauvreté au Cameroun. Pour
répondre à cette question, une hypothèse
générale a été envisagée, à savoir
que l'efficacité de la contribution de l'Initiative PPTE à la
réduction de la pauvreté au Cameroun est déterminée
par sa mise en oeuvre. En effet, la mise en oeuvre efficace des initiatives de
développement est déterminée par l'application des
mécanismes adaptés et de l'approche participative. Cette
hypothèse s'est opérationnalisée à travers deux
hypothèses secondaires. Pour la première, l'adéquation des
mécanismes de mise en oeuvre de l'Initiative PPTE aux besoins et
attentes des populations bénéficiaires détermine
l'efficacité des projets y relatifs sur la réduction de la
pauvreté au Cameroun. Pour la seconde, la participation des
bénéficiaires à la mise en oeuvre de cette Initiative
détermine son efficacité sur la réduction de la
pauvreté au Cameroun. L'analyse sociologique de ces hypothèses a
permis d'évaluer l'efficacité de l'Initiative PPTE sur la
réduction de la pauvreté au Cameroun.
Pour traiter de la question, nous avons été
amené tour à tour à faire une présentation du
concept de l'Initiative PPTE, à dresser l'état des lieux de la
pauvreté et la problématique de la lutte contre la
pauvreté au Cameroun. Les mécanismes de mise en oeuvre de
l'Initiative PPTE et l'approche participative pratiquée dans cette mise
en oeuvre ont constitué les points focaux de l'analyse de la
question.
Pour cette analyse, nous avons eu recours à trois
cadres théoriques: l'approche sociocritique, l'approche
systémique et l'approche stratégique.
L'approche sociocritique pour une lecture en profondeur
permettant de déceler les non-dits de la mise en oeuvre de l'Initiative
PPTE; l'approche systémique pour l'analyse des « input » et
des output » de cette Initiative en tant que système de
développement au Cameroun ; l'approche stratégique pour l'analyse
des comportements des acteurs de la mise en oeuvre de cette Initiative au
Cameroun.
Ces analyses, essentiellement qualitatives, ont
été menées suivant les techniques de l'analyse de
contenu.
Analyse faite, il apparaît que la mise en oeuvre de
l'Initiative PPTE s'effectue dans des conditions qui ne permettent pas leur
efficacité sur la réduction de la pauvreté au Cameroun.
L'analyse des mécanismes de mise en oeuvre de cette
Initiative conduit à trois constats majeurs : premièrement, la
volonté politique affichée par le gouvernement par rapport
à cette Initiative relève à la fois d'un besoin de survie
et d'une question de formalité ; secondairement, les « input
» du CCS/PPTE sont constitués des projets à portée
limitée sur la réduction de la pauvreté et des principes
limitatifs d'une part, et les « output » constitués de
réponses limitées et incohérentes, d'autre part ; enfin,
les stratégies de courtage et de désintéressement en
pratique dans l'exécution des projets PPTE ne permettent pas une
utilisation objective des fonds y relatifs. Tous ces écueils
compromettent l'adéquation des mécanismes de mise en oeuvre de
l'Initiative PPTE aux besoins et attentes des populations
bénéficiaires.
L'analyse de l'application de l'approche participative dans la
mise en oeuvre de cette Initiative conduit à deux constats à
savoir que son application relève d'une question de formalité, et
qu'elle participe de la stratégie de dissimulation de l'emprise des
acteurs étatiques sur la mise en oeuvre des projets PPTE. Un tel usage
de l'approche participative compromet l'appropriation desdits projets par les
populations bénéficiaires et en définitive leur
efficacité.
En somme, L'analyse sociologique de la mise en oeuvre des
projets PPTE révèle une inadéquation des mécanismes
avec les besoins et les attentes des bénéficiaires d'une part,
et une application approximative et discriminatoire de l'approche participative
d'autre part. Dans ces conditions, de l'Initiative PPTE se trouve être
porteuse des écueils reconnus aux précédentes initiatives
de développement, ceux relatifs à la non implication des
communautés d'accueil et à la non insertion de leurs besoins et
attentes dans les préoccupations des initiatives de
développement.
Compte tenu de ce qui précède et pour
répondre explicitement à la question de départ, il y a
lieu de dire que de l'Initiative PPTE ne produira pas les effets
escomptés sur la réduction de la pauvreté au Cameroun. Il
est donc nécessaire, à ce stade de sa mise en oeuvre, de
réviser ses mécanismes de mise en oeuvre et son processus
participatif dans la perspective d'une lutte efficace contre la pauvreté
au Cameroun./.
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publiques ciblées » in Rolph Van Der Hoeven et Fred Van Der Kraaij
(Dir), L'ajustement structurel et au-delà en Afrique
subsaharienne, Paris, Karthala, P. 179 - 196
TAMBA (I)
2001 « Le Cadre conceptuel de l'Initiative PPTE »
in Isaac Tamba (Dir), Cameroun. Enjeux et défis de l'Initiative
PPTE, Yaoundé, Friedrich Ebert Stiftung - PUA - CREDDA, P. 39 -
60.
TAMBA (I) et NEMBOT - NDEFFO (L)
2001 « Gestion des resources PPTE, gouvernance et
réduction de la pauvreté » in
Isaac Tamba (Dir), Cameroun. Enjeux et défis de
l'Initiative PPTE, Yaoundé, Friedrich Ebert Stiftung - PUA -
CREDDA, P. 125 - 160
TOUNA MAMA et TSAFACK-NANFOSSO (R )
1999 « L'économie Camerounaise : de la crise
à la reprise » in Etudes africaines, Cameroun 2001. Politique,
langues, économie et santé, Paris, L'Harmattan,
P.137-164.
VIVIEN (F-D)
2003 « Jalons pour une histoire de la notion de
développement durable » in Mondes en développement,
Bruxelles, De Boeck, Vol. 31-2003/1,n°121, P.01-21
ZANG (E - R )
1999 « La coopération multilatérale pour le
développement en Afrique face à la résurgence du facteur
culturel : une analyse de la stratégie évolutive de la Banque
mondiale » in David SIMO (Dir), La politique de développement
à la croisée des chemins. Le facteur culturel,
Yaoundé, CLE, P.241 - 271.
V. MEMOIRES/ THESES, RAPPORTS ET AUTRES DOCUMENTS
NON PUBLIES
BAKONG-EPOUNE (A)
1992 Pauvreté et partage-seuils de pauvreté,
aspects des politiques de lutte contre la pauvreté et
problématique de revenu d'existence en référence au
Cameroun, Thése de Doctorat nouveau régime en Science
économiques, université de Paris XII.
BANQUE MONDIALE
- 1994 Cameroun Diversité, croissance et
réduction de la pauvreté, [s.l], B M.
- 2000 Rapport sur le développement dans le monde
2000/2001. Combattre la pauvreté, Paris, Ed. ESKA.
Décret n°2000/089/PM du 01 décembre 2000
portant création, organisation et fonctionnement d'un Comité
consultatif et de suivi de la gestion des resources PPTE.
DOULOU (V) et al
2000 Stratégies alternatives de lutte contre la
pauvreté au Congo, Dakar, RRPS/AOC, GREPOLIS
MINEFI
- 2000 Document intérimaire de stratégie de
réduction de la pauvreté, Yaoundé, MINEFI.
- 2000 Mise en oeuvre du Programme national de gouvernance :
plan d'actions
prioritaires pour l'amélioration de la gouvernance et
la lutte contre la corruption,
Yaoundé MINEFI.
- 2003 Document de Stratégie de réduction de la
pauvreté, Yaoundé, MINEFI.
MINEFI - DSCN
- 1995 Enquête Camerounaise auprès des
ménages, Volume II : Résultats, Yaoundé, MINEFI-DSCN.
- 2002 Conditions de vie des ménages et profil de
pauvreté au Cameroun, Premiers résultats, Yaoundé,
MINEFI-DSCN.
MOUAFO NGATOM (S-H)
2003 La coopération non gouvernementale à
l'épreuve de la lutte pour la réduction de la pauvreté au
Cameroun : une analyse sociologique des relations bailleurs de fonds-ONG
nationales, Université de Yaoundé I, mémoire de
Maîtrise en Sociologie.
PNUD
- 1998 Cameroun Rapport sur le développement humain.
La pauvreté au Cameroun, Yaoundé, PNUD.
- 1998 Cameroun. Coopération pour le
développement. Rapport pour l'année 1997, Yaoundé,
PNUD.
- 2000 Rapport sur le développement humain au Cameroun
2000. Société Civile et développement, Rapport provisoire
actualisé [S.L], PNUD
UNO
-2000 World population prospects, Department of population,
Washington, UNO
WORLD BANK
- 1997 Global development Finance 1997, Washington, World
Bank.
- 2005 World development indicators 2005, Washington, World
Bank.
TABLE DES MATIERES
DEDICACE I
REMERCIEMENTS II
LISTE DES ABREVIATIONS ET ACRONYMES IV
GLOSSAIRE VII
RESUME IX
ABSTRACT X
INTRODUCTION GENERALE 1
CHAPITRE I :LE CONCEPT D'INITIATIVE PPTE
18
I. APPROCHE THEORIQUE DE L'INITIATIVE PPTE
18
I.1. L'INITIATIVE PPTE : ESQUISSE DE DÉFINITION
18
I.2. L'INITIATIVE PPTE : APERÇU HISTORIQUE 21
I.3. L'INITIATIVE PPTE : FONDEMENTS THÉORIQUES
22
I.3.1. Fondement économique de l'Initiative
PPTE 22
I.3.2. Fondement juridique de l'Initiative PPTE
24
II. ELABORATION DE L'INITIATIVE PPTE : CHEMINEMENT ET
PRINCIPES 26
II.1. CHEMINEMENT DE L'INITIATIVE PPTE 26
II.1.1. L'Initiative PPTE initiale ou Initiative
PPTE-I 27
II.1.2. L'Initiative PPTE renforcée ou Initiative
PPTE-II 28
II.2. PRINCIPES DE L'INITIATIVE PPTE 29
II.2.1. Le point de décision 29
II.2.2. Le point d'achèvement 30
III. SPECIFICITE DE L'INITIATIVE PPTE
31
III.1. L'INITIATIVE PPTE ET L'APD 31
III.2. L'INITIATIVE PPTE ET LES PAS 33
III.3. L'INITIATIVE PPTE ET LA RÉDUCTION DE LA
PAUVRETÉ : LE DSRP 34
III.3.1. Le DSRP : esquisse de définition
34
III.3.2. Genèse du DSRP 35
III.3.3. Principes des DSRP 36
IV. LE CAMEROUN ET L'INITIATIVE PPTE
37
IV.1. LE CAMEROUN ET L'INITIATIVE PPTE : LA QUESTION DE LA
DETTE 38
IV.1.1. La dette extérieure du Cameroun : une dette
de plus en plus insoutenable 38
IV.1.2. Les circonstances de l'endettement
extérieur du Cameroun 40
IV.1.3. Les conséquences de l'endettement
extérieur du Cameroun 41
IV.2. LE PARCOURS DU CAMEROUN DANS L'INITIATIVE PPTE 43
IV.2.1. Le point de décision 43
IV.2.2. Le point d'achèvement 44
IV.2.3. Les atouts supposés de l'Initiative
PPTE 45
IV. APERÇU CRITIQUE DE L'INITIATIVE PPTE
47
V.1. CRITIQUES RELATIVES AU VOLUME DES RESSOURCES PPTE
47
V.2. CRITIQUES RELATIVES AUX CRITÈRES
D'ADMISSIBILITÉ 48
CHAPITRE II :PAUVRETE ET PROBLEMATIQUE DE LA LUTTE
CONTRE LA PAUVRETE AU CAMEROUN 49
I. LA PAUVRETE AU CAMEROUN 49
I.1. LA PAUVRETÉ : APPROCHE THÉORIQUE 49
I.1.1. La pauvreté : essai de définition
49
I.1.2. La pauvreté : approche typologique
51
I.1.2.1. Typologie selon le critère d'évaluation
de la pauvreté 52
I.1.2.1.1. La pauvreté monétaire 52
I.1.2.1.2. La pauvreté humaine 52
I.1.2.2. Typologie selon la profondeur de la
pauvreté 52
I.1.2.2.1. La pauvreté relative 53
I.1.2.2.2. La pauvreté absolue 53
I.1.2.2.3. La pauvreté extrême 53
I.1.2.3. Typologie selon l'ampleur de la pauvreté
53
I.1.2.3.1. La pauvreté individuelle 54
I.1.2.3.2. La pauvreté de masse 54
I.1.2.4. Typologie selon le critère chronologique
54
I.1.2.4.1. La pauvreté ancienne 54
I.1.2.4.2. La pauvreté nouvelle 54
I.1.2.5. Typologie selon le critère spatial 55
I.1.2.5.1. La pauvreté rurale 55
I.1.2.5.2. La pauvreté urbaine 55
I.1.2.6. Typologie selon la nature des ressources 56
I.1.2.6.1. La pauvreté matérielle 56
I.1.2.6.2. La pauvreté non-matérielle 56
I.2. CHAMPS D'EXPRESSION SAILLANTE DE LA PAUVRETÉ AU
CAMEROUN 56
I.2.1. Le domaine de l'emploi 57
I.2.2. Le domaine de l'éducation 57
I.2.3. Le domaine de la santé 58
I.2.4. Le domaine de l'habitat 58
I.3. LES DÉTERMINANTS DE LA PAUVRETÉ AU
CAMEROUN 58
I.3.1. Les déterminants naturels de la
pauvreté au Cameroun 59
I.3.2. Les déterminants économiques de la
pauvreté au Cameroun 59
I.3.2.1. Les déterminants exogènes 59
I.3.2.2. Les déterminants endogènes 60
I.3.3. Les déterminants socioculturels de la
pauvreté au Cameroun 60
II. LA PROBLEMATIQUE DE LA LUTTE CONTRE LA PAUVRETE AU
CAMEROUN 61
II.1. LA LUTTE CONTRE LA PAUVRETÉ : APPROCHE
THÉORIQUE 61
II.1.1. La lutte contre la pauvreté : clarification
conceptuelle 62
II.1.2. La lutte contre la pauvreté : mise en
perspective historique 62
II.1.3. Fondements théoriques du concept de lutte
contre la pauvreté : les théories
néo-évolutionnistes et néo-libérales.
66
II.2. LA LUTTE CONTRE LA PAUVRETÉ : UNE POLITIQUE AU
CoeUR DE LA PROBLÉMATIQUE DU DÉVELOPPEMENT 68
II.2.1. La lutte contre la pauvreté : les
circonstances de l'émergence de la politique 68
II.2.2. La lutte contre la pauvreté : les atouts
supposés de la politique 71
II.3. LA POLITIQUE DE LUTTE CONTRE LA PAUVRETÉ AU
CAMEROUN : UNE VOLONTÉ POLITIQUE. 72
II.3.2. La politique de lutte contre la pauvreté au
Cameroun : une volonté politique nationale. 74
II.4. LA LUTTE CONTRE LA PAUVRETÉ AU CAMEROUN : UN FAIT
SOCIAL, UN FAIT SOCIAL TOTAL ET UN PROBLÈME DE CHANGEMENT SOCIAL.
77
II.4.1. La lutte contre la pauvreté au Cameroun :
un fait social, un fait social total. 77
II.4.2. La lutte contre la pauvreté au Cameroun :
un problème de changement social 80
CHAPITRE III :MÉCANISMES DE MISE EN oeUVRE DE
L'INITIATIVE PPTE AU CAMEROUN 83
I. MISE EN OEUVRE DE L'INITIATIVE PPTE AU CAMEROUN :
DESCRIPTION DES MECANISMES 83
I.1. DISPOSITIF GOUVERNEMENTAL RELATIF À LA MISE EN
oeUVRE DE L'INITIATIVE PPTE AU CAMEROUN 84
I.1.1. L'ouverture du « compte HIPC/PPTE »
84
I.1.2. Le Comité consultatif et de suivi de la
gestion des ressources PPTE (CCS/PPTE) 84
1.1.3. Le comité de suivi de la réalisation
des projets PPTE (CSR/PPTE) 86
I.2. PRINCIPES RELATIFS À LA MISE EN oeUVRE DE
L'INITIATIVE PPTE AU CAMEROUN 86
I.2.1. Les domaines cibles des projets PPTE 87
I.2.2. Les Critères d'éligibilité des
projets PPTE 88
I.2.3. Origines des projets PPTE 89
I.2.4. La procédure de mise en oeuvre des projets
PPTE 89
I.2.5. Le financement des projets PPTE 90
I.2.6. La réalisation des projets PPTE
91
II. MISE EN OEUVRE DE L'INITIATIVE PPTE AU CAMEROUN :
INTERPRETATION ANALYTIQUE DU DISPOSITIF ET DES PRINCIPES Y RELATIFS
91
II.1. LA MISE EN oeUVRE DE L'INITIATIVE PPTE AU CAMEROUN : UNE
VOLONTÉ POLITIQUE 92
II.1.1. La volonté politique relative à
l'admission du Cameroun à l'Initiative PPTE 92
II.1.2. La volonté politique relative à la
mise en oeuvre de l'Initiative PPTE au Cameroun 93
II.2. LES PRINCIPES DE MISE EN oeUVRE DE L'INITIATIVE PPTE AU
CAMEROUN : UNE LOGIQUE PÉDAGOGIQUE DU DÉVELOPPEMENT 94
II.2.1. Les principes de mise en oeuvre de l'Initiative
PPTE au Cameroun : une logique de promotion de la dimension sociale du
développement. 94
II.2.2. Les principes de mise en oeuvre de l'Initiative
PPTE au Cameroun : une logique de promotion de la bonne gouvernance
95
III. LES MECANISMES DE MISE EN OEUVRE DE L'INITIATIVE
PPTE AU CAMEROUN : AU-DELA DES DISCOURS 99
III.1. LES NON-DITS DE LA MISE EN oeUVRE DE L'INITIATIVE PPTE
AU CAMEROUN 99
III.1.1. La volonté politique relative à
l'Initiative PPTE au Cameroun : un besoin de survie et une question de
formalité 99
III.1.1.1. La volonté politique par rapport à
l'admission du Cameroun à l'Initiative PPTE : un besoin de survie
100
III.1.1.2. La volonté politique par rapport à la
mise en oeuvre de l'Initiative PPTE au Cameroun : une question de
formalité 101
III.1.1.3. L'Initiative PPTE : une stratégie de
promotion du néolibéralisme 103
III.2. L'INITIATIVE PPTE COMME SYSTÈME DE
DÉVELOPPEMENT AU CAMEROUN 105
III.2.1. Les « input » de la mise en oeuvre de
l'Initiative PPTE 105
III.2.1.1. Les « input » du CCS/PPTE : des projets
à portée limitée sur la réduction de la
pauvreté 105
III.2.1.2. Les principes de soumission des projets PPTE : des
principes limitatifs 107
III.2.2. Les « output » de la mise en oeuvre des
projets PPTE 107
III.2.2.1. Les « output » du CCS/PPTE : des
réponses limitées 108
III.2.2.2. Les « output » du CCS/PPTE : des
réponses incohérentes 108
III.3. LA MISE EN OEUVRE DE L'INITIATIVE PPTE AU CENTRE DES
STRATÉGIES DES PROMOTEURS DE PROJETS 109
III.3.1. L'éligibilité des projets PPTE :
les stratégies de courtage au service des promoteurs de projets
110
III.3.2. Le financement des projets PPTE : la «
politique du ventre » au service d'une canalisation atypique
111
CHAPITRE IV :L'APPROCHE PARTICIPATIVE DANS LA MISE EN
oeUVRE DE L'INITIATIVE PPTE AU CAMEROUN 114
I. PRETEXTE, PRINCIPES ET OBJECTIFS DE L'APPROCHE
PARTICIPATIVE DANS LES INITIATIVES DE DEVELOPPEMENT 115
I.1. PRÉTEXTE DE L'ADOPTION DE L'APPROCHE PARTICIPATIVE
DANS LES INITIATIVES DE DÉVELOPPEMENT 115
I.2. PRINCIPES DE L'APPROCHE PARTICIPATIVE DANS LES
INITIATIVES DE DÉVELOPPEMENT 116
I.3. LES OBJECTIFS DE L'APPROCHE PARTICIPATIVE DANS LES
INITIATIVES DE DÉVELOPPEMENT 117
II. L'APPROCHE PARTICIPATIVE DANS LA MISE EN OEUVRE DE
L'INITIATIVE PPTE AU CAMEROUN : APPROCHE DESCRIPTIVE 118
II.1. LA PARTICIPATION AU NIVEAU DE LA SÉLECTION DES
PROJETS PPTE 118
II.1.1. Les acteurs au sommet 119
II.1.1.1. Les bailleurs de fonds 119
II.1.1.2. Le gouvernement 119
II.1.2. Les acteurs intermédiaires 119
II.1.2.1. Les départements ministériels
119
II.1.2.2. La société civile 120
II.1.3. Les acteurs à la base 120
II.2. LA PARTICIPATION AU NIVEAU DE LA RÉALISATION DES
PROJETS PPTE 120
II.2.1. Le rôle des acteurs au sommet dans la
réalisation des projets PPTE 121
II.2.1.1. Le rôle des bailleurs de fonds 121
II.2.1.2. Le rôle du gouvernement 121
II.2.2. Le rôle des acteurs intermédiaires
dans la réalisation des projets PPTE 121
II.2.2.1. Le rôle des départements
ministériels 121
II.2.2.2. Le rôle des organisations de la
société civile 122
II.2.3. Le rôle des acteurs à la base
122
III. L'APPROCHE PARTICIPATIVE DANS LA MISE EN OEUVRE
DE L'INITIATIVE PPTE AU CAMEROUN : INTERPRETATION ANALYTIQUE
122
III.1. L'IMPLICATION DES POPULATIONS
BÉNÉFICIAIRES DANS LA MISE EN oeUVRE DE L'INITIATIVE PPTE AU
CAMEROUN : UN MYTHE 123
III.2. LES BESOINS ET ATTENTES DES POPULATIONS
BÉNÉFICIAIRES DANS LA MISE EN oeUVRE DE L'INITIATIVE PPTE : UNE
PRISE EN COMPTE PROBLÉMATIQUE 124
IV. L'APPROCHE PARTICIPATIVE DANS LA MISE EN OEUVRE DE
L'INITIATIVE PPTE AU CAMEROUN EN QUESTION 125
IV.1. L'APPROCHE PARTICIPATIVE DANS LA MISE EN oeUVRE DE
L'INITIATIVE PPTE AU CAMEROUN : UNE QUESTION DE FORMALITÉ 126
IV.2. L'APPROCHE PARTICIPATIVE DANS LA MISE EN oeUVRE DE
L'INITIATIVE PPTE AU CAMEROUN : UNE STRATÉGIE DE DISSIMULATION DE
L'HÉGÉMONIE DES ACTEURS ÉTATIQUES SUR L'EXÉCUTION
DES PROJETS PPTE 128
CONCLUSION GENERALE 131
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES 134
TABLE DES MATIERES 142
ANNEXES I
ANNEXES
ANNEXE I : OUTILS DE COLLECTE DES
INFORMATIONS
GUIDE D'ENTRETIEN
A l'attention des personnes ressources.
I- RENSEIGNEMENTS GENERAUX
1 - Présentation de l'enquêteur et de l'objet le
l'entretien.
2 - Date et lieu de l'entretien
3 - Identification de l'enquêté : Nom,
Institution d'appartenance.
II - DEROULEMENT DE L'ENTRETIEN
1. -La pauvreté et la lutte contre la
pauvreté au Cameroun.
1.1- Perception de la pauvreté au Cameroun.
1.2 -Evolution de la pauvreté au Cameroun
1.3 -Perception de la lutte contre la pauvreté au
Cameroun.
2. - L'Initiative PPTE
2.1- Perception de l'IPPTE
2.2 -Les atouts de l'IPPTE
2.3 -Les faiblesses de l'IPPTE
3. -Efficacité de l'IPPTE
3.1 - La perception de la mise en oeuvre de l'IPPTE (principes
généraux, domaines cibles, critères de sélection,
mécanisme)
3.2 -l'IPPTE et participation des populations cibles
3.3 - IPPTE et la réduction de la pauvreté au
Cameroun.
3.4 -Problèmes de l'IPPTE
3.5 - Amélioration de l'IPPTE.
GUIDE D'ENTRETIEN
A l'attention des bailleurs de fonds.
I . RENSEIGNEMENTS GENERAUX
1. Présentation de l'enquêteur et de l'objet de
l'entretien.
2. Date et lieu de l'entretien.
3. Identification de l'enquêté : Nom, Institution
d'appartenance.
II. DEROULEMENT DE L'ENTRETIEN
1. La pauvreté et la lutte contre la
pauvreté au Cameroun.
1.1 Perception de la pauvreté au Cameroun.
1.2 Evolution de la pauvreté au Cameroun.
1.3 Perception de la lutte contre la pauvreté au
Cameroun.
1.4 Strategies de lutte contre la pauvreté au
Cameroun.
2. l'Initiative PPTE.
1.5 L'opprturnité de l'IPPTE
1.6 L' initiative PPTE et le PAS
1.7 Le rôle de votre Institution dans l'IPPTE.
1.8 L'organisation de votre Institution par rapport à
l'IPPTE.
3. Mise en oeuvre de l'IPPTE
1.9 Principes généraux de l'IPPTE
1.10 Domaines cibles de l'IPPTE
1.11 Critères de sélection des projets
1.12 Mécanisme d'accès aux ressources PPTE.
4. Efficacité de l'IPPTE
1.13 Perception de la mise en oeuvre de l'IPPTE.
1.14 Evolution de la stratégie de mise en oeuvre de
l'IPPTE
1.15 Exécution et suivi de l'IPPTE
1.16 Evaluation de L'IPPTE et reformes.
5. Divers
1.17 Problèmes de l'IPPTE
1.18 Amélioration de l'IPPTE.
GUIDE D'ENTRETIEN
A l'attention des départements
ministériels impliqués dans l'élaboration de la politique
de mise en oeuvre de l'IPPTE.
I. RENSEIGNEMENT GENERAUX
1. Présentation de l'enquêteur et de l'objet de
l'entretien.
2. Date et lieu de l'entretien.
3. Identification de l'enquêté : Nom, Institution
d'appartenance.
II. DEROULEMENT DE L'ENTRETIEN
1. Pauvreté et lutte contre la pauvreté
au Cameroun.
1.1 Perception de la pauvreté au Cameroun
1.2 Perception de la lutte contre la pauvreté au
Cameroun
2. L'Initative PPTE.
1.3 Perception de l'IPPTE.
1.4 Rôle de votre Institution dans L'IPPTE.
3. Votre Institution et l'IPPTE
1.5 Organisation de votre Institution par rapport à
l'IPPTE
1.6 Intervention dans la mise en oeuvre de l'IPPTE.
1.7 Perception des mécanismes de mise en oeuvre de
l'IPPTE.
1.8 Vos rapports avec les autres partenaires de la mise en
oeuvre de l'IPPTE : BM, FMI, CCS/PPTE.
4. Divers
1.9 Efficacité de l'IPPTE
1.10 Problèmes de l'IPPTE
1.11 Amélioration de l'IPPTE.
GUIDE D'ENTRETIEN
A l'attention des promoteurs des projets
PPTE
I. RENSEIGNEMENTS GENERAUX
1- Présentation de l'enquêteur et de l'objet de
l'entretien.
2- Date et lieu de l'entretien.
3- Identification de l'enquêté : Nom, Institution
d'appartenance, type de projets.
II - DEROULEMENT DE L'ENTRETIEN
1 Pauvreté et lutte contre la pauvreté
au Cameroun.
1.1- Perception de la pauvreté au Cameroun.
1.2- Perception de la lutte contre la pauvreté au
Cameroun.
1.3- Pauvreté dans votre zone d'action.
2.- L'Initiative PPTE
2.1- Perception de l'IPPTE.
2.2 - Vos projets à l'IPPTE
2.3 - Elaboration de vos projets PPTE.
3.- Perception de la mise en oeuvre de l'IPPTE.
3.1 Principes généraux de l'IPPTE.
3.2 Domaines cibles de l'IPPTE
3.3 Critères de sélection projets PPTE.
3.4 Mécanisme d'accès aux ressources PPTE.
4- Divers
4.1 Problèmes de l'IPPTE
4.2 Amélioration de l'IPPTE
GUIDE D'ENTRETIEN
A l'attention du CCS/PPTE
I. RENSEIGNEMENTS GENERAUX
1. Présentation de l'enquêteur et de l'objet de
l'entretien.
2. Date et lieu de l'entretien
3. Identification de l'enquêté : Nom, Institution
d'appartenance.
II- DEROULEMENT DE L'ENTRETIEN
1. Pauvreté et lutte contre la pauvreté
dans le cadre de vos fonctions.
1.1- Perception de la pauvreté
1.2- Perception de la lutte contre la pauvreté.
2. Mise en oeuvre de l'IPPTE
2.1- Principes généraux de l'IPPTE
2.2- Domaines cibles de l'IPPTE.
2.3- Critères de sélection des projets PPTE
2.4- Mécanismes d'accès aux ressources PPTE.
3 - Le Comite de gestion des ressources
PPTE
3.1- Votre rôle dans l'IPPTE
3.2- Organisation du Comité de gestion des ressources
PPTE.
3.3- Vos rapports avec les bailleurs de fonds : BM, FMI.
3.4- Vos rapports avec les promoteurs de projets.
3.5- Traitement des projets.
3.6- Vos marges de manoeuvres.
3.7- Mécanismes de contrôle de vos actions ?
3.8- Mécanismes de survi des projets retenus.
4- Divers
4.1- Perception de l'IPPTE
4.2- Problèmes de l'IPPTE
4.3- Amélioration de l'IPPTE.
GUIDE D'ENTRETIEN
A l'attention des bénéficiaires des
projets PPTE
I- RENSEIGNEMENT GENERAUX
1- Présentation de l'enquêteur et de l'objet de
l'entretien
2- Date et lieu de l'entretien
3- Identification des enquêtés : Nom, nombre de
participants, domaines d'activités.
II- DEROULEMENT DE L'ENTRETIEN
1 Pauvreté et lutte contre la pauvreté
au Cameroun
1.1- Perception de la pauvreté
1.2- Pauvreté dans votre localité.
1.3- Perception de la lutte contre la pauvreté au
Cameroun.
1.4- Stratégies de lutte contre la pauvreté en
oeuvre dans votre localité.
2 L'Initiative PPTE
2.1- Informations sur l'Initiative PPTE.
2.2- Intérêts pour l'Initiative PPTE
2.3- Projets PPTE de votre localité ou structure.
2.4- L'élaboration des projets PPTE dont vous
être bénéficiaires.
2.5- Réalisation des projets PPTE dans votre
localité.
2.6- Perception des projets PPTE.
3- Divers
3.1- Efficacité des projets PPTE.
3.2- Problèmes des projets PPTE.
3.3- Amélioration des projets PPTE.
ANNEXE II : LISTE DES INTERVIEWES
I- Les personnes ressources
Le Président du Forum des ONG de développement
du Cameroun (FONGDEC), Yaoundé .
Le Président de la Fédération des
organisations de la société civile du Cameroun organisation
(FOSCAM), Yaoundé.
Le responsable du projet GTZ-CTPS, Yaoundé.
Le responsable des portefeuilles santé,
éducation, formation professionnelle, développement social et
C2D, de l'Agence Française de Développement (AFD),
Yaoundé.
II- Acteurs au Sommet
Institutions
|
Qualité
|
Fonction des Interviewés
|
Date et lieu de l'interview
|
Banque mondiale Bureau du Cameroun
|
Bailleurs de fonds
|
Senior program officer
|
26/04/2005 Yaoundé
|
MINEFI
|
Ministère de tutelle, représentant du
Gouvernement
|
Cadre au secrétariat du Comité technique de
suivi de l'Initiative PPTE
|
19/04/2005 Yaoundé
|
III- Acteurs Intermédiaires
Institutions
|
Qualité
|
Fonction des Interviewés
|
Nombres d'interviewes
|
Date et lieu
|
CCS/PPTE
|
Organe de gestion des projets PPTE
|
-Expert au secrétariat permanent du CCS/PPTE. - Expert
assistant au secrétariat permanent
|
2
|
11 et 12/04/2005 Yaoundé
|
BASC
|
Membre de la société civile et membre du
CCS/PPTE
|
Informations manager
|
1
|
20/04/2005 Yaoundé
|
CANADEL
|
ONG membre du CCS/PPTE
|
Chef des programmes
|
1
|
06/05/2005 Yaoundé
|
MINEPAT
|
Ministère promoteur de projets PPTE
|
Cadre au secrétariat du Comité technique du suivi
des projets PPTE
|
1
|
19/04/2005 Yaoundé
|
MINADER
|
Ministère promoteur de projets PPTE
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Ingénieur de projets au secrétariat permanent PPTE
du MINADER
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1
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18/04/2005 Yaoundé
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MINSANTE
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Ministère Promoteur de projets PPTE
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Cadre à la Division des études et des projets
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1
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20/04/2005 Yaoundé
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MINAS
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Ministère promoteur de projets PPTE
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Cadres à la Cellule des études et de la
planification
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2
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25/04/2005 Yaoundé
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MINPROFF
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Ministère promotion de projets PPTE
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Cadre à la Direction de la promotion
socioéconomique de la femme (DPSEF)
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1
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14/04/2005 Yaoundé
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APICA
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ONG non membre du CCS/PPTE, membre du réseau National de
réduction de la Pauvreté
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Coordonnateur du Bureau de Yaoundé
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1
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14/04/2005 Yaoundé
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IV- Acteurs à la base
Associations
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Qualité
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Statut des interviewés
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Nombre d'interviewés
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Date et lieu
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GLP
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Bénéficiaires de projets PPTE
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Membres du GLP
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3
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11/05/2005 Yaoundé
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UNEXPALM
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Bénéficiaires de projets PPTE
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Membres de l'UNEXPALM
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5
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27/05/2005 Yaoundé.
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