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L'Initiative PPTE et la lutte contre la pauvreté au Cameroun: une analyse sociologique

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par Sosthène Hervé MOUAFO NGATOM
Université de Yaoundé 1,Cameroun - DEA 2007
  

Disponible en mode multipage

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DEDICACE

A madame et monsieur OMOKO

REMERCIEMENTS

Ce travail a bénéficié du soutien de plusieurs personnes auxquelles nous tenons à témoigner notre gratitude.

L'étude s'est faite sous la direction éclairée de notre encadreur académique, le Professeur Laurent Charles BOYOMO ASSALA. Nous lui témoignons notre profonde gratitude pour sa constante disponibilité en dépit de ses nombreuses occupations.

Nous témoignons également notre gratitude à tous nos enseignants du Département de Sociologie-anthropologie pour leurs précieuses contributions à travers leurs enseignements. Nous pensons nommément au Professeur Valentin NGA NDONGO et au Docteur Jean NZHIE ENGONO.

Les contributions de nos parents Julienne NGATOM, Martine et Michel OMOKO, Hélène et Honoré PUEPI, Alice et Joseph NJAMPOU, Céline et Emmanuel KWEFFO, Jacqueline NJITCHE, Abdou Karim NJOYA et Crépin SALIF ont été d'une grande importance pour la réalisation de ce travail. Nous leur témoignons notre reconnaissance pour ce remarquable soutien.

Messieurs Pascal TOUOYEM, Ange Faustin KOYASSE et Pie KATIHABWA nous ont facilité l'accès aux informations relatives à cette étude. Les uns par la mise à notre disposition de la documentation, les autres par la facilitation des contacts avec les personnes ressources et les autres informateurs. Nous leur en sommes reconnaissant.

Nos remerciements vont aussi à l'endroit de toutes les personnes ressources et toutes les institutions nationales et internationales auprès desquelles nous avons recueilli les informations. Nous ne pouvons malheureusement pas toutes les citer, qu'elles trouvent ici l'expression de nos sincères remerciements.

Nos frères Sidoine NGATOM, Carine, Guy et Christian OMOKO, Jeannine et Marilyne NJAMPOU ont positivement influencé ce travail par leurs encouragements et appuis divers. Nous leur en sommes également reconnaissant.

Nos remerciements vont aussi à nos amis Larissa MAYAP, Klébert FANGSEU et Bienvenu MOULIOM pour leurs contributions à la mise sous forme typographique de ce travail.

Le soutien de nos amis Aline WEKETIA, Eddy Carlos FONKOUO, Hubert POLLA, Gilles NGANSOP, Aimé NAYANG, Jules FOSSI, Romuald KENGNE, Hugues TCHABO, Justin BIOMO, Pascal NONO, Flaubert WATAT, a été précieux pour la réalisation de ce travail. Qu'ils trouvent ici le témoignage de notre profonde gratitude.

LISTE DES ABREVIATIONS ET ACRONYMES

AID : Association Internationale de Développement

APD : Aide Publique au Développement

APICA : Association pour la Promotion des Initiatives Communautaires

Africaines

BAD : Banque Africaine de Développement

BASC : Bureau des Activités Socio-Caritatives

BEAC : Banque des Etats de l'Afrique Centrale

BIRD : Banque Internationale pour la Reconstruction et le

Développement

BM : Banque Mondiale

CAD : Comité d'Aide au Développement

CANADEL : Centre d'Appui aux Nouvelles Alternatives de développement local

CAPME : Centre d'Assistance de Petites et Moyennes Entreprises.

CAS III : Troisième Crédit à l'Ajustement Structurel

CCS/PPTE : Comité Consultatif et de Suivi de la gestion des ressources des Pays

Pauvres Très Endettés

CDF : Comprehensive Development Framework

CEEAC : Communauté Economique des Etats de L'Afrique Centrale

CEI : Communauté des Etats Indépendants

CELLUCAM : Cellulose du Cameroun

CNUCED : Conférence des Nations Unies pour le Commerce et le

Développement.

CSR/PPTE : Comité de Suivi de la Réalisation des Projets PPTE

CTS : Comité Technique de Suivi des programmes économiques

DCPE : Document Cadre de Politique Economique

DDC : Direction du Développement et de la Coopération

DIAL : Développement des Investigations sur Ajustement à Long terme

DSA : Dimensions Sociales de l'Ajustement

DSCN : Direction de la Statistique et de la Comptabilité Nationale

DSRE : Déclaration de Stratégies de Relance Economique

DSRP : Document de Stratégie de Réduction de la Pauvreté

ECAM : Enquête Camerounaise Auprès des Ménages

FASR : Facilité d'Ajustement Structurel Renforcé

FCFA : Franc de la Communauté Financière Africaine

FMI : Fonds Monétaire International

FOGAPE : Fonds d'Aide et de Garantie pour les petites et moyennes Entreprises

FOSCAM : Fédération des organisations de la société civile camerounaise

FRPC : Facilité pour la Réduction de la Pauvreté et la Croissance

FSD : Facilité Suisse de désendettement

GLP : Global Lactoperoxdase Programme

HIPC : Highly Indebted Poor Countries

IBW : Institutions de Bretton Woods

IFI : Institutions Financières Internationales

Initiative PPTE : Initiative Pays Pauvres Très Endettés

IRD : Institut de Recherche pour le Développement

MINADER : Ministère de l'Agriculture et du Développement Rural ex

MINAGRI : Ministère de l'Agriculture

MINAS : Ministère des Affaires Sociales

MINEFI : Ministère de l'Economie et des Finances

MINEPAT : Ministère du Plan et de l'Aménagement du Territoire (actuel)

MINPLADAT : Ministère de la Programmation, de la planification du

Développement et de l'Aménagement du Territoire)

MINESUP : Ministère de L'Enseignement Supérieur

MINFI : Ministère des Finances

MINPROFF : Ministère de la Promotion de la Femme et de la famille

MINSANTE : Ministère de la Santé publique

OCDE : Organisation de Coopération et de développement Economiques

ODM : Objectifs de Développement du Millénaire

ONG : Organisation Non Gouvernementale

OPEP : Organisation des Pays Producteurs de Pétrole

PAS : Programmes d'Ajustement Structurel

PIB : Produit Intérieur Brut

PMA : Pays les Moins Avancés

PME : Petites et Moyennes Entreprises

PNB : Produit National Brut

PNG : Programme National de Gouvernance

PNUD : Programme des Nations Unies pour le Développement

PUA : Presse Universitaire d'Afrique

PUF : Presse Universitaire de France

PUY : Presse Universitaire de Yaoundé

RCA : République Centre Africaine

RDPC : Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais

SFI : Société Financière Internationale

SIDA : Syndrome d'Immunodéficience Acquise

UCAC : Université Catholique d'Afrique Centrale

UDEAC : Union Douanière des Etats de L'Afrique Centrale

UE : Union Européenne

UNC : Union Nationale Camerounaise

UNESCO : Organisation des Nations Unies pour L'Education, la Science et la

Culture

UNEXPALM : Union des Exploitants des Palmiers à huile

UNICEF : Fonds des Nations Unies pour l'Enfance

VAN : Valeur Actuelle Nette

VIH : Virus d'Immunodéficience Humaine

GLOSSAIRE

Club de Londres : Instance chargée de renégocier la dette contractée par les

pays en développement auprès des banques privées.

Club de Paris : Instance chargée de renégocier la dette contractée par les

pays en développement auprès des Etats.

Créance : Droit d'obtenir à son profit une prestation en espèces.

Crédit : Echange dans le temps de biens ou de moyens de paiement

contre une Promesse de paiement ou de remboursement.

Crise de Liquidité : Situation d'un pays, caractérisée par le manque de devises

nécessaires pour honorer ses obligations de paiement

international.

Décote : Exonération appliquée à une contribution

Dette : Obligation contractée à l'égard d'un tiers ayant comme

contrepartie pour ce dernier une créance.

Dette Chirographaire : Créance qui n'est pas garantie par un hypothèque ou un

privilège, ainsi que de son titulaire.

Encours de la dette : Montant à un moment donné de la dette contractée et non

encore remboursée.

Liquidité : Capacité d'honorer rapidement des engagements financiers.

Marché secondaire : Marché de gré à gré sur lequel les détenteurs de créances

échangent leurs titres.

Pétrodollar : Dollar résultant de la commercialisation du pétrole brut.

Rééchelonnement : Opération consistant à étaler la période de remboursement

d'un prêt sur une période de remboursement plus longue que

prévue initialement.

Restructuration : Opération par laquelle une dette est modifiée pour permettre

un meilleur service de la dette, par exemple par un

rééchelonnement, un refinancement ou une conversion de

créances en un autre actif.

Service de la dette : Charges afférentes aux obligations contractées, soit par le

remboursement du capital d'une part et le paiement des

intérêts et des primes d'autre part.

Valeur nominale : C'est la valeur actuelle de l'encours de la dette, autrement dit,

ce que doivent maintenant les PPTE, sans égard aux taux

d'intérêt. La valeur nominale est par conséquent supérieure à

la valeur actuelle nette.

VAN : Valeur actuelle nette de la dette. Elle sert à déterminer la

valeur actuelle de flux futurs de remboursement de la dette au

moyen du taux d'intérêt sur le marché. Elle sert également à

comparer l'encours de la dette des divers PPTE.

RESUME

Cette étude est une tentative d'évaluation de l'efficacité de l'Initiative PPTE sur la réduction de la pauvreté au Cameroun, à partir de l'analyse sociologique de sa mise en oeuvre.

Les déconvenues de la politique de lutte contre le sous-développement- qui a eu pour instrument principal les Programmes d'ajustement structurel (PAS)- ayant donné lieu à la promotion et à la consécration de la politique de lutte contre la pauvreté- qui a pour instrument principal l'Initiative PPTE-, la présente étude s'intéresse à la mise en oeuvre de l'Initiative PPTE et s'interroge sur son efficacité sur la lutte contre la pauvreté au Cameroun.

Etant donné que l'efficacité de cette Initiative, comme celle de toutes les initiatives de développement social, dépend de la démarche adoptée pour leur mise en oeuvre, l'étude envisage deux pistes de réponses à la question de son efficacité. La première est relative à l'adéquation des mécanismes de leur mise en oeuvre, et la seconde à l'application de l'approche participative dans cette mise en oeuvre.

Pour l'analyse sociologique de la mise en oeuvre de cette Initiative, trois approches théoriques sont mises à contribution : l'approche sociocritique, l'approche systémique et l'approche stratégique.

A l'issue de cette étude, il apparaît que les conditions de mise en oeuvre de cette Initiative ne permettent pas son efficacité sur la réduction de la pauvreté au Cameroun. Les obstacles à cette efficacité sur la réduction de la pauvreté se trouvent aussi bien dans les mécanismes y relatifs que dans l'application de l'approche participative.

ABSTRACT

The present study is an evaluative attempt of the effectiveness of HIPC projects on poverty reduction in Cameroon, based on a sociological analysis of their implementation.

Failures noticed in the underdevelopment control policy, whose major tools were Programs for structural adjustment (PSA), led to the promotion and dedication of the policy meant to curb poverty, using mainly HIPC initiative. Our work therefore investigates about the execution of HIPC projects as well as it questions their incidence on the reduction of the poverty in our country.

Considering that, like that of any undertaking for social development , the output of such projects depends on the procedure applied in their execution, our study envisages two possible ways of handling the issue in case (efficiency). The first relates to the accuracy of implementation mechanisms whereas the second deals with the application of a participative approach all along the process.

There are three theoretical approaches helpful to the sociological analysis of the implementation of these projects: the sociocritical approach, the systemic approach and the strategic approach.

At the end of our study, it appears that the implementation conditions of the so-called projects do not enable effective reduction of poverty in Cameroon, for hindrances lies both at the level of related mechanisms and the application of the participative approach.

INTRODUCTION GENERALE

I. JUSTIFICATION DE L'ETUDE

Cette étude est essentiellement motivée par le changement d'approche survenu dans les politiques de développement en direction des pays en développement en général, et du Cameroun en particulier. De la politique de lutte contre le sous-développement, on est passé à celle dite de lutte contre la pauvreté.

En effet, la politique de lutte contre le sous-développement, caractérisée par la mise en oeuvre des Programmes d'ajustement structurel (PAS) et les modifications qui s'en sont suiviesont fait l'objet des critiques selon lesquelles les PAS ont aggravé la pauvreté dans les pays qui ont fait l'objet de leur application. Ces critiques ont amené les Institutions de Bretton Woods à conduire des réflexions visant à palier les limites des PAS. Ces réflexions ont abouti à la mise en place de l'Initiative en faveur des pays pauvres très endettés (Initiative PPTE). Initiative conjointe de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international (FMI), l'Initiative PPTE consacre la politique de lutte contre la pauvreté dans les pays bénéficiaires.

L'élection du Cameroun à cette Initiative dont le point de décision a été atteint à la mi-octobre 2000, a consacré la politique de lutte contre la pauvreté au Cameroun. Depuis ce temps, le concept de lutte contre la pauvreté a fait une entrée remarquée dans les discours politiques et les réflexions sur le développement au Cameroun, au point d'y constituer désormais un élément central de la rhétorique des acteurs engagés dans le développement. Avec l'élection du Cameroun à cette Initiative, le grand public n'ignore plus ce concept qui est repris par les médias nationaux et internationaux, le gouvernement, les organisations internationales, les organisations de la société civile, les élites et bien d'autres. Mais au-delà d'un incontestable effet de mode, le concept de lutte contre la pauvreté est caractérisé par un flou sémantique qui n'est pas neutre dans l'abondant usage qui en est fait. Même si un contenu lui est donné dans les textes fondateurs de l'Initiative PPTE et dans le Document de stratégie de réduction de la pauvreté (DSRP), des interrogations demeurent sur la capacité des politiques y relatives, mieux de l'instrument y relatif, à infléchir la pauvreté au Cameroun.

Il semble alors opportun d'interroger l'Initiative PPTE, quant à son efficacité sur la lutte contre la pauvreté au Cameroun.

II. DELIMITATION DE L'ETUDE

La politique de lutte contre la pauvreté a pour instrument principal l'Initiative PPTE. Cette Initiative comprend les volets économique et social. Le volet économique est relatif à la conduite des réformes économiques en vue de l'atteinte des performances macroéconomiques, et au désendettement. Le volet social quant à lui concerne la lutte contre la pauvreté.

La présente étude s'intéresse exclusivement au dernier volet de cette Initiative, celui de la lutte contre la pauvreté et est consacrée à l'analyse sociologique de la mise en oeuvre des projets y relatifs au Cameroun.

III. ETAT DES LIEUX SUR LA QUESTION

L'émergence de la notion de développement a eu pour conséquence la catégorisation/ classification du monde en « développés » et en « sous-développés ». La perception du sous-développement comme retard par rapport au développement a sous-tendu la théorie évolutionniste de Rostow qui trace les étapes essentielles et inévitables du développement. Cette philosophie de retard qui envisage le développement des pays sous-développés en terme de rattrapage économique a été et/ou est encore à l'origine de la profusion des politiques et/ou programmes de développement à destination des pays sous-développés. Pour des raisons diverses, ces politiques et/ou programmes n'ont pas conduit au bien-être des bénéficiaires. Il s'est de ce fait imposé un changement de perspective sur les politiques de développement. Des politiques dites de lutte contre le sous-développement dans les années d'après indépendance, on est passé de nos jours à celle dite de lutte contre la pauvreté. Le Cameroun fait partie des bénéficiaires de ces diverses politiques.

Jusqu'en 1985, l'économie camerounaise affichait une situation enviable parmi les pays de l'Afrique subsaharienne. Au développement continu de la production et des exportations agricoles s'était ajoutée, à partir de la deuxième moitié des années 70, l'exploitation des ressources pétrolières.

Au cours de l'exercice 1985/86, l'économie enregistre une baisse brutale des revenus d'exportation. Cette baisse concerne aussi bien le pétrole que les autres produits d'exportation. La dégradation de l'activité économique s'accélère en 1986/87, en raison de la baisse persistante des coûts de principaux produits d'exportation (pétrole, café, cacao et coton). Les taux de croissance deviennent négatifs, les termes de l'échange se dégradent de moitié.

En réaction à la crise, le gouvernement met en oeuvre une politique d'ajustement interne qui montre très vite ses limites. La réduction du train de vie de l'Etat et du poids du secteur public dans l'économie s'avère insuffisante pour enrayer le mal qui est profond. Le Cameroun connaît une chute de près de 65% des termes de l'échange entre 1985 et 1987 .

Son incapacité à régler les intérêts de la dette extérieure ainsi que les créances internes élevées l'amènent à emprunter le passage obligé du Fonds monétaire international qui exige pour apporter sa première contribution financière au redressement de la situation en septembre 1988, des réformes et des engagements connus sous le terme d' « ajustement structurel ».

Cet ajustement va recouvrir toutes les politiques, programmes et mesures visant à faire subir une cure d'austérité à l'Etat et aux diverses couches sociales du pays, tout en recherchant de nouvelles ressources pour rétablir les finances publiques et les comptes extérieurs. Il en résulte la paupérisation de larges franges de la population et l'effondrement des systèmes d'éducation et de santé. Pour ces raisons, la contestation et la difficulté à mettre en oeuvre ces mesures vont donner lieu à la promotion des politiques sociales connues sous le terme de « dimension sociale de l'ajustement structurel ».

Suite à la dévaluation du franc CFA intervenue en janvier 1994, les autorités camerounaises vont mettre en oeuvre, à partir du milieu des années 1990, un ensemble de mesures d'ajustement structurel et des réformes visant à assurer une compétitivité durable de l'économie camerounaise. En août 1997, le Cameroun conclut avec le FMI un Accord au titre de la Facilité d'ajustement structurel renforcée (FASR), en appui à un programme économique et financier élaboré par les autorités camerounaises, en concertation avec le Fonds et la Banque mondiale. Ce programme vise principalement à mettre en place les conditions d'une croissance économique soutenue et d'un redressement notable du niveau de vie des populations. La conclusion de cet Accord consacre la restauration d'une certaine crédibilité du Cameroun au sein de la Communauté financière internationale, après une longue période de relations rendues difficiles par une importante accumulation d'arriérés de paiements extérieurs consécutive à la crise des finances publiques et les échecs successifs de quatre programmes soutenus par le Fonds monétaire international au titre des Accords de confirmation.

A la suite de la mise en oeuvre des réformes contenues dans le programme triennal 1997-2000, le Cameroun bénéficie du mécanisme de réduction du service de sa dette extérieure au titre de l'Initiative Pays pauvres et très endettés (PPTE). Cette décision des conseils d'administration du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale en date du 11 Octobre 2000, se caractérise entre autres par le lien qui est désormais établi entre la conduite des réformes, les performances macroéconomiques, le désendettement et la réduction de la pauvreté. La complexité de ce lien et l'implication désormais « exigée » de tous les acteurs sociaux fondent la nécessité d'une démarche pédagogique en vue de la compréhension, d'une plus grande internalisation et d'une meilleure appropriation des réformes.

Depuis ce dernier Accord conclut avec les Institutions de Bretton Woods, la politique de développement en vigueur au Cameroun est axée sur la lutte contre la pauvreté, avec pour instrument principal l'Initiative en faveur des Pays pauvres très endettés (PPTE).

Pour la mise en oeuvre de cette Initiative au Cameroun, il a été mis en place des mécanismes et une approche supposée favoriser son efficacité sur la réduction de la pauvreté. Mais toutes ces mesures permettent- elles alors à cette Initiative de contribuer efficacement à la réduction de la pauvreté au Cameroun ?

IV. REVUE DE LA LITTERATURE

Les investigations relatives à notre sujet font état de nombreuses études sur la question. Ces études peuvent être regroupées sous deux thématiques : celle de la lutte contre la pauvreté au Cameroun et celle de l'Initiative PPTE au Cameroun. Sous la première thématique, se retrouvent les travaux de Albert Bakong-Epouné (1992), Séverin Cécile Abéga, Marie-thérèse Mengué et Jean Didier Boukoungou. Sous la seconde thématique, se retrouvent ceux de Isaac Tamba (2001et 2002), de Octave Jokung Nguéna (2005).

Dans sa thèse de Doctorat en Sciences économiques intitulée « Pauvreté et partage seuils de pauvreté, aspects des politiques de lutte contre la pauvreté et problématique de revenu d'existence en référence au Cameroun » Albert Bakong-EPOUNE constate l'échec des approches macroéconomiques en matière de lutte contre la pauvreté et envisage une approche plus objective qui consiste à distribuer les ressources de façon à assurer un revenu d'existence à tous les individus. D'après lui, en effet, les stratégies de lutte contre la pauvreté dans les pays en développement sont dans l'impasse, car la croissance à elle seule ne permet pas une évolution favorable de la situation des pauvres. L'économie à plusieurs vitesse, poursuit-il, révèle une distribution multimodale des revenus caractéristique d'une dysharmonie, du fait de la non intégration et de l'existence sur le même territoire des sous populations vivant des temps économiques différents. Pour mettre un terme à cette situation en oeuvre au Cameroun, Bakong-Epouné préconise une solution qui consiste en la détermination d'une allocation inconditionnelle par le truchement du secteur dit « moderne ». Ainsi, émergera pense-t-il, une société plus intégrée et dans laquelle l'on fera réellement front au problème de la pauvreté.

Séverin Cécile Abéga pour sa part, dans Société civile et réduction de la pauvreté, part du constat de la prolifération-implication des organisations de la société civile dans le développement au Cameroun, pour s'interroger sur la contribution de celles-ci à la réduction de la pauvreté au Cameroun. Il relève les problèmes qui font obstacle à la contribution efficace de ces organisations à la réduction de la pauvreté au Cameroun.

Il en ressort que leur statut hybride entre l'entreprise créée pour le bénéfice de leurs promoteurs et les organisations de développement véritables, le transfert en leur sein des tares reconnues aux administrations publiques et leur manque d'organisation, constituent entre autres les obstacles à leur contribution efficace à la réduction de la pauvreté au Cameroun.

Marie-thérèse Mengué et Jean Didier Boukoungou quant à eux, dans l'ouvrage collectif qu'ils ont dirigé, partent des présupposés que la pauvreté n'est pas une fatalité, ni le résultat d'un déterminisme, pour fonder la nécessité des études approfondies sur les discours traditionnels dominant qui masquent beaucoup d'ambiguïtés, des contradictions et des non-dits sur la pauvreté. Ainsi, Comprendre la pauvreté au Cameroun examine les questions relatives à l'identification des causes, à la mesure des manifestations sociales de la pauvreté, à l'explication de son étendue et aux politiques publiques nécessaires pour sa réduction. L'étude propose, pour lutter contre la pauvreté de partir des comportements des acteurs au quotidien pour mieux prévoir leurs réactions et les avantages qu'ils pourraient réellement tirer des interventions plurielles menées par les nombreux acteurs au Cameroun.

A côté de ces travaux sous la thématique de la lutte contre la pauvreté, se retrouvent ceux relatifs à l'Initiative PPTE au Cameroun.

Les travaux menés sous la direction de Isaac Tamba sur l'Initiative PPTE au Cameroun sont contenus dans deux ouvrages parus respectivement en 2001et en 2002.

L'ouvrage paru en 2001, intitulé Cameroun : enjeux et défis de l'Initiative PPTE, tout en contribuant à l'animation du débat sur l'intérêt grandissant du public pour cette Initiative, en répondant à certaines questions soulevées non seulement en rapport avec sa conception, mais également et surtout avec sa mise en oeuvre et son suivi, s'interroge sur l'efficacité du cadre de l'Initiative PPTE quant à l'affranchissement du Cameroun d'une dette intolérable. Il montre aussi comment cette Initiative fonctionne et quelle est la gamme d'opportunités qu'elle offre pour les perspectives de développement économique et social au Cameroun.

Il apparaît que malgré cette Initiative, le service nominal de la dette du Cameroun reste important et pourrait absorber une bonne partie des dépenses sociales, et qu'en l'absence d'apports financiers extérieurs substantiels, elle risque de s'avérer insuffisante pour atteindre les objectifs de développement international fixés pour 2015. Par ailleurs, les appréhensions sur la gestion de ressources PPTE laisse planer le doute quant à la capacité de ces fonds à combler les attentes des populations et à leur efficacité sur la réduction de la pauvreté. Les auteurs incitent à changer les regards sur la nature et les effets potentiels de l'Initiative PPTE.

L'ouvrage paru en 2002, intitulé Stratégie de désendettement et politiques de développement au Cameroun : rupture, permanence ou continuité ?, s'inscrit dans le prolongement de la première cité plus haut. Il expose le processus PPTE au Cameroun à travers l'examen de la réglementation du dispositif PPTE et l'analyse de la première génération des projets PPTE. Il traite en détail de l'impact du processus de désendettement au Cameroun dans le cadre de cette Initiative et du trend historique de pauvreté et des inégalités. Il porte également une grande attention aux enseignements de quarante années de financement de développement et énonce quelques limites de l'approche DSRP.

Il en ressort que malgré les ruptures provoquées par l'Initiative PPTE par rapport aux indicateurs de viabilité de la dette extérieure et du taux de pauvreté, il y a toujours des permanences relatives à la ténacité des inégalités et aux besoins nécessaires pour financer le développement. Ces permanences sont révélatrices de l'insuffisance des ressources additionnelles, y compris celle du budget de l'Etat pour l'atteinte des objectifs internationaux de développement fixés pour 2015.

Octave Jokung Nguéna, dans son récent ouvrage intitulé Initiative PPTE. Quels enjeux pour l'Afrique ?, part de l'observation de la situation socioéconomique de l'Afrique pour attirer l'attention des acteurs de développement africains sur les enjeux de cette Initiative. Il constate que le continent ploie sous le poids d'une dette qui obère ses chances de relance économique, et se trouve en situation de marginalisation et de paupérisation. Il pense que l'Initiative est l'occasion pour les pays bénéficiaires de développer les capacités de l'Etat, de la société civile et des collectivités locales, afin de sceller un contrat de développement participatif et re-distributif. L'appropriation, la collaboration et le rapprochement des populations sont, d'après lui, les garants de la réussite de cette Initiative.

Il s'intéresse particulièrement à la situation du Cameroun qui court encore après le « point d'achèvement » et fait des recommandations. Ainsi, pour profiter des enjeux aussi bien financiers que stratégiques et socio-politiques de cette Initiative, le Cameroun devra, entre autres, réapproprier le rôle de l'Etat, renforcer les capacités de la société civile, restaurer les tableaux de bord économiques et sociaux.

En somme, toutes ces études s'intéressent de près à la lutte contre la pauvreté au Cameroun. Celles de la première thématique font la critique des stratégies traditionnelles de lutte contre la pauvreté au Cameroun et préconisent une approche plus objective visant la promotion d'un développement partagé. Celles de la seconde thématique, qui se rapprochent plus de notre sujet, sont orientées vers une approche évaluative de l'Initiative PPTE par rapport à la lutte contre la pauvreté au Cameroun.

Cette évaluation à dominance économique, ne permet pas de rendre compte de la capacité de l'Initiative PPTE à lutter contre la pauvreté au Cameroun, pour autant qu'elle ignore la dimension sociologique de cette Initiative. D'où, et ce qui fait l'originalité de cette étude, l'analyse sociologique de la mise en oeuvre du volet social de cette Initiative au Cameroun.

V. PROBLEMATIQUE DE RECHERCHE

Instrument principal de la politique de lutte contre la pauvreté, l'Initiative PPTE succède aux Programmes d'ajustement structurel (PAS) qui ont eu des conséquences sociales néfastes sur les conditions de vie des populations des pays qui ont fait l'objet de leur application, parmi lesquels le Cameroun :

« En aggravant la crise dans ses effets sociaux, les mesures d'ajustement structurel touchent la vie quotidienne de tous les individus, aînés et cadets sociaux, hommes et femmes notables et « sans importance ». Elle devient ainsi directement palpable dans l'espace où chacun inscrit sa vie et se bat pour survivre à des moments et circonstances particulières. Les victimes directes de l'ajustement structurel-« compressés », licenciés, créanciers de l'Etat, propriétaires, contractuels de projets de développement, caféiculteurs, diplômés sans emploi, etc., se retrouvent dans la masse de tous ceux qui sont mis indirectement en marge ».

Compte tenu de ces conséquences des PAS d'une part, du lien établi entre l'Initiative PPTE et la lutte contre la pauvreté, et des atouts proclamés de cette Initiative sur la lutte contre la pauvreté d'autre part, son avènement au Cameroun suscite le questionnement quant à son efficacité sur la lutte contre la pauvreté. Ainsi, la question qui sert de fil conducteur à cette étude se décline en ces termes :

L'Initiative PPTE peut-elle contribuer efficacement à la lutte contre la pauvreté au Cameroun ?

VI. HYPOTHESES DE RECHERCHE

VI.1. Hypothèse générale

L'efficacité de la contribution de l'Initiative PPTE à la lutte contre la pauvreté au Cameroun est déterminée par la démarche adoptée pour sa mise en oeuvre. La mise en oeuvre efficace des initiatives de développement est déterminée par l'application des mécanismes adaptés et de l'approche participative.

En effet, depuis la réflexion sur la « dimension culturelle du développement » qui a réuni à Paris en 1992 la Banque mondiale, l'UNESCO, et d'autres organismes de développement, réflexion au cours de laquelle il a été reconnu que l'échec de la plupart des initiatives de développement s'explique par une « conception étroite du développement qui ne prend pas en compte la diversité des cultures et des sociétés » , il s'est imposé la nécessité d'une articulation entre développement et sociétés. De cette articulation découle la double démarche d'adaptation et de participation en matière de mise en oeuvre des projets de développement. Adaptation par rapport aux besoins et attentes des bénéficiaires des projets, et participation par rapport à l'implication de ceux-ci dans la mise en oeuvre desdits projets. Et la Banque mondiale affirmait encore à propos, dans le bilan de son action lors de la conférence de Monterrey :

« Une leçon tirée de l'expérience passée est que la reforme ne réussit généralement pas sans une forte appropriation locale et une approche large qui inclut la prise en compte des institutions, la gouvernance et la participation des acteurs... ».

L'observation de cette double démarche dans la mise en oeuvre de l'Initiative PPTE détermine son efficacité sur la lutte contre la pauvreté au Cameroun.

VI.2. Hypothèses secondaires

VI.2.1- Hypothèse 1

L'adéquation des mécanismes de mise en oeuvre de l'Initiative PPTE aux besoins et attentes des populations bénéficiaires détermine son efficacité sur la lutte contre la pauvreté au Cameroun. Cette démarche suppose la prise en compte des préoccupations des populations bénéficiaires dans cette mise en oeuvre.

VI.2.2- Hypothèse 2

La participation des bénéficiaires à la mise en oeuvre de l'Initiative PPTE détermine son efficacité sur la lutte contre la pauvreté au Cameroun. Cette démarche vise l'appropriation des projets par les bénéficiaires et suppose leur implication dans leur mise en oeuvre.

VII. OBJECTIFS DE RECHERCHE

VII.1- Objectif général

L'objectif général de la présente étude est d'évaluer l'efficacité de l'Initiative PPTE sur la réduction de la pauvreté au Cameroun, à partir de l'analyse sociologique de la mise en oeuvre de cette Initiative. Cet objectif général se subdivise en deux objectifs spécifiques.

VII.2- OBJECTIFS SPECIFIQUES

VII.2.1- Objectif spécifique 1

L'étude se propose d'évaluer, à partir de l'analyse sociologique, l'adéquation des mécanismes de mise en oeuvre de l'Initiative PPTE aux besoins et attentes des populations bénéficiaires.

VII.2.2- Objectif spécifique 2

L'étude se propose également d'évaluer, à partir de l'analyse sociologique, la participation des populations bénéficiaires à la mise en oeuvre de l'Initiative PPTE.

VIII. METHODOLOGIE DE RECHERCHE

VIII.1- TECHNIQUES DE COLLECTE DES DONNEES.

Dans le cadre de cette étude, deux techniques de collecte des données ont été utilisées. Il s'agit de :

L'observation documentaire : elle a porté sur les rapports, les textes et les autres documents relatifs à la lutte contre la pauvreté au Cameroun ;

L'entretien semi-structuré : il s'est effectué avec les personnes ressources et les différents acteurs impliqués dans la mise en oeuvre des projets PPTE au Cameroun.

VIII.2. OUTILS DE COLLECTE DES DONNEES.

Deux types d'outils ont été utilisés pour la collecte des données :

-la fiche de lecture pour les rapports, les textes et les autres documents relatifs à l'étude ;

-le guide d'entretien pour l'entretien sémi-structuré avec les personnes ressources et les différents acteurs de la mise en oeuvre des projets PPTE au Cameroun.

VIII.3. TECHNIQUE D'ANALYSE DES DONNEES

La technique d'analyse des données utilisées pour cette étude est l'analyse qualitative de contenu.

VIII.4. METHODE D'ECHANTILLONNAGE

L'Initiative PPTE faisant intervenir plusieurs catégories d'acteurs dans sa mise en oeuvre, cette étude a donné lieu à un échantillonnage par strates. Le principe de cette méthode consiste à segmenter la population d'étude à partir d'un ou de plusieurs critères définis a priori. La méthode repose sur l'hypothèse selon laquelle il existe une corrélation entre le phénomène étudié et les critères retenus pour la segmentation de la population, l'objectif étant d'obtenir des segments regroupant des éléments les plus homogènes possibles par rapport au phénomène étudié.

VIII.4.1. Critères de sélection.

Les acteurs de la mise en oeuvre de l'Initiative PPTE au Cameroun peuvent être regroupés en trois catégories selon leur niveau d'intervention dans cette mise en oeuvre. Ainsi, il y a les acteurs au sommet, les acteurs intermédiaires et les acteurs à la base ou bénéficiaires principaux des projets. Eu égard à cette catégorisation, les unités d'observation ont été choisies suivant les critères ci-après :

-leur appartenance à l'une de ces trois catégories d'acteurs ;

-leur implication réelle ou supposée dans la mise en oeuvre de l'Initiative PPTE au Cameroun.

VIII.4.2. La sélection des unités d'observation

Les unités d'observation ont été choisies suivant les critères sus-évoqués et dans chacune des catégories sus-mentionnées. Ainsi, ont fait l'objet de cette étude, les unités ci-après.

VIII.4.2.1. Les acteurs au sommet

Ils regroupent les institutions en charge de la politique générale de l'Initiative PPTE au Cameroun. Dans cette catégorie se retrouvent la Banque mondiale, le Fond monétaire international (FMI) et le gouvernement à travers le ministère de tutelle du Comité consultatif et de suivi de la gestion des ressources PPTE (CCS-PPTE). Ont servi de cadre à cette étude dans cette catégorie : la Banque mondiale, (bailleurs de fonds) et le MINEFI (gouvernement).

VIII.4.2.2. Les acteurs intermédiaires.

Cette catégorie est constituée d'acteurs jouant le rôle d'interface entre les acteurs au sommet et ceux de la base. Au centre de cette catégorie se retrouve le Comité consultatif et de suivi de la gestion des ressources PPTE (CCS-PPTE) qui a pour rôle de sélectionner les projets éligibles au financement PPTE. Tout au tour de ce Comité se retrouvent les départements ministériels promoteurs de projets, et les organisations de la société civile.

Dans cette catégorie, ont servi de cadre à cette étude :

Les départements ministériels : MINEPAT, MINADER, MINSANTE, MINAS, MINPROFF ;

Les organes de gestion des ressources PPTE : CCS/PPTE, CTS ;

Les organisations de la société civile : CANADEL, APICA, BASC.

VIII.4.2.3. Les acteurs à la base

Cette catégorie d'acteurs est constituée des bénéficiaires réels ou supposés des projets PPTE. Parmi eux se retrouvent les organisations à la base et les populations cibles des projets. Ont servi de cadre à cette étude dans cette catégorie : L'UNEXPALM et le GLP.

VIII.5. CADRE CONCEPTUEL DE L'ETUDE

VIII.5.1. Les variables

VIII.5.1.1. Variable dépendante

La variable dépendante est le phénomène que l'on se propose d'étudier. Pour le cas de cette étude, il s'agit de l'Initiative PPTE.

VIII.5.1.2. Variables indépendantes

La variable indépendante est le facteur qui explique le phénomène étudié (la variable dépendante). Elle influence la variable dépendante. Il s'agit pour le cas de cette étude de deux facteurs : l'adéquation des mécanismes et la participation des bénéficiaires.

VIII.5.2. Les indicateurs des variables indépendantes

VIII.5.2.1. Les indicateurs de l'adéquation des mécanismes aux besoin et attentes des populations

Domaines cibles de l'Initiative ;

Critères d'éligibilité des projets ;

Origines des projets ;

Procédure de mise en oeuvre des projets ;

Financement des projets ;

Réalisation des projets.

VIII.5.2.2. Les indicateurs de la participation des bénéficiaires

1 Rôle des bénéficiaires dans la mise en oeuvre des projets ;

2 Degré d'implication dans la mise en oeuvre des projets ;

3 Consultation des bénéficiaires dans la mise en oeuvre des projets.

VIII.6. CADRE THEORIQUE D'ANALYSE

L'analyse sociologique de la mise en oeuvre de l'Initiative PPTE au Cameroun a requis un certain nombre de grilles d'analyse. Trois grilles d'analyse ont été utilisées. Il s'agit de l'analyse sociocritique, de l'analyse systémique et de l'analyse stratégique.

VIII.6.1. L'analyse sociocritique

Héritage de l'école de Frankfort, l'analyse sociocritique a pour ambition d'appliquer la théorie critique à la lecture de la réalité sociale. Elle recommande une position de soupçon vis-à-vis des apparences. Développé en Sociologie par des auteurs tels que Georges Balandier et Jean Ziegler, elle à pour vocation de mettre en évidence ce qui est caché. Jean Ziegler écrit à ce sujet :

« Ce qui est montré est à expliquer par ce qui ne se montre pas, car le caché est le plus véridique ».

L'approche sociocritique permet de déceler les aspects cachés de la réalité sociale. Elle a permis, dans le cadre de cette étude, de mettre en évidence les non-dits de la mise en oeuvre de l'Initiative PPTE au Cameroun.

VIII.6.2. L'analyse systémique

Enrichie par les apports de la cybernétique et des théories de la communication, l'approche systémique insiste sur l'urgence de penser la globalité ( et non les éléments distincts), d'étudier les interactions (et non la causalité),de percevoir les systèmes comme des ensembles de transformation (et non statique), de saisir toutes les complexités. L'analyse systémique envisagée pour cette étude est celle des applications théoriques en Sciences politiques, celle développé par David Easton (1965).

L'analyse systémique dans la perspective de Easton consiste à étudier l'ensemble des interactions qui se produisent entre le système et son environnement par les mécanismes d' « input » et d' « output » .Les « input » sont constitués par l'ensemble des demandes et soutien dirigés vers le système.

A l'intérieur du système, les demandes et les soutiens sont convertis par la réaction combinée de tous les éléments constitutifs et provoquent de la part de l'autorité régulatrice une réaction qui exprime la manière dont ce système s'adapte ou tente de s'adapter aux incitations et aux pressions qui émanent de l'environnement. Cette réaction globale constitue la réponse du système ou « output », mais amorce en même temps un nouveau circuit de réaction ou « feedback » qui contribue à son tour à modifier l'environnement d'où partiront ensuite de nouvelles demandes et nouveaux soutiens. Telle se présente de façon caricaturale, l'analyse systémique développée par David Easton.

La mise en oeuvre de l'Initiative PPTE met en interaction trois types de protagonistes : les promoteurs de projets, l'organe de gestion des ressources PPTE (CCS/PPTE) et les bénéficiaires des projets.

Les promoteurs des projets soumettent les projets (« input ») au CCS/PPTE qui en assure l'éligibilité et les dirige (« output ») vers les bénéficiaires. La réaction des bénéficiaires à ces projets (« feedback ») amorce un nouveau circuit en même temps qu'il contribue à la formation de nouvelles demandes.

De façon schématique, l'application de cette approche à notre étude se présente ainsi qu'il suit :

L'analyse systémique permet de rendre compte de la capacité de l'Initiative PPTE à lutter contre la pauvreté au Cameroun, à travers l'analyse des « inputs » et des « output » de leur mise en oeuvre.

VIII.6.3. L'analyse stratégique

L'analyse stratégique développée par Crozier et Friedberg permet dans le cadre de la présente étude d'analyser les stratégies des promoteurs des projets PPTE. En bref, le volet social de l'Initiative PPTE est mis en oeuvre suivant des règles et des principes qui sont au centre des stratégies des promoteurs de projets. Face à la rigidité de ces règles et principes, les promoteurs de projets ont développé des stratégies qui leur permettent d'accéder au circuit de mise en oeuvre des projets, tout en contournant les règles et les principes en vigueur.

L'application de cette analyse à la mise en oeuvre des projets PPTE est susceptible de fournir des éléments nécessaires pour la compréhension de l'impact de l'Initiative PPTE sur la réduction de la pauvreté au Cameroun.

En somme, l'analyse sociocritique, l'analyse systémique et l'analyse stratégique sont les trois grilles d'analyse utilisées pour la lecture de la mise en oeuvre de l'Initiative PPTE au Cameroun.

IX. INTERET DE L'ETUDE

Cette étude a un intérêt à la fois théorique et pratique.

Au plan théorique, elle s'inscrit au coeur des préoccupations de la Sociologie du développement et contribue à montrer l'importance de cette Sociologie pour l'analyse des politiques de développement. Plus explicitement, elle contribue à la compréhension de la dynamique des politiques de développement dans un contexte international marqué par la poursuite des objectifs internationaux de développement, notamment celui relatif à la réduction de la pauvreté de moitié à l'horizon 2015.

Au plan pratique, l'élection du Cameroun à l'Initiative en faveur des pays pauvres et très endettés (Initiative PPTE) a consacré la politique de lutte contre la pauvreté au Cameroun. Cette Initiative qui vise le développement des pays bénéficiaires par la réduction de leur niveau d'endettement et de pauvreté, intervient à la suite des Programmes d'ajustement structurel (PAS). Les résultats peu probants des PAS ont suscité bien des déconvenues et sèment le doute dans l'esprit du grand public quant à l'efficacité de l'Initiative PPTE sur la lutte contre la pauvreté au Cameroun. La présente étude est une tentative d'évaluation de l'efficacité de l'Initiative PPTE sur la lutte contre la pauvreté au Cameroun.

X. DEFINITION DES TERMES-CLES

Cette étude a donné lieu à l'usage d'un certain nombre de termes qu'il est nécessaire de définir pour faciliter la lecture du présent document. Ainsi, que faut-il entendre par lutte contre la pauvreté, par mise en oeuvre de l'Initiative PPTE, par « configuration développementiste » et par projet PPTE.

Lutte contre la pauvreté : Il s'agit des actions relevant des politiques publiques de développement et visant l'amélioration des conditions de vie des populations. Ces actions sont à ne pas confondre avec les stratégies quotidiennes de survie développées par les populations camerounaises.

Mise en oeuvre des projets : Ce groupe de mots désigne le processus de matérialisation de cette Initiative, notamment de son volet social. Ce processus comprend les étapes que suivent les projets PPTE au Cameroun, celles de la sélection et de la réalisation proprement dite.

« Configuration développementiste » : Cette expression de Jean-Pierre Olivier de SARDAN désigne l'univers largement cosmopolite d'experts, de bureaucrates, de responsables d'ONG, de chercheurs, de techniciens, de chefs de projets, d'agents de terrain qui vivent en quelque sorte du développement des autres, et mobilisent ou gèrent à cet effet des ressources matérielles et symboliques considérables.Dans le cadre de cette étude, elle désigne l'ensemble constitué de trois acteurs concernés par la mise en oeuvre de l'Initiative PPTE au Cameroun. Il s'agit des acteurs au sommet, des acteurs intermédiaires et des acteurs à la base.

Projets PPTE : Ce sont les initiatives de développement mises en oeuvre ou en voie de l'être dans le cadre de l'Initiative PPTE.

XI. DIFFICULTES RENCONTREES

La conduite de cette étude a été émaillée de nombreuses difficultés. La première est relative à l'indisponibilité des ouvrages et des données y relatifs; la seconde à la collecte des informations, du fait de l'indisponibilité permanente des personnes ressources; la dernière, d'ordre pécuniaire, ne nous a pas permis d'avoir les coudées franches dans l'exécution du calendrier de recherche relative à cette étude.

XII. PLAN DE L'ETUDE

Cette étude est subdivisée en quatre (04) chapitres. Le premier chapitre fait une présentation de l'Initiative PPTE et retrace le parcours du Cameroun dans cette Initiative. Le second est consacré à la pauvreté et la problématique de lutte contre la pauvreté au Cameroun. Le troisième quant à lui analyse les mécanismes de mise en oeuvre de l'Initiative PPTE au Cameroun. Le quatrième et dernier chapitre analyse l'approche participative dans la mise en oeuvre de cette Initiative.

Chapitre I :

Le concept d'Initiative PPTE

La politique de lutte contre le sous-développement a eu pour instrument principal les Programmes d'ajustement structurel (PAS). Mais les déconvenues de cette politique ont conduit à la promotion et à la consécration de la politique de lutte contre la pauvreté, laquelle politique a pour instrument par excellence l'Initiative en faveur des pays pauvres très endettés (Initiative PPTE). Cette Initiative a fait une entrée remarquable dans le langage des acteurs engagés dans le développement au Cameroun, comme dans bien d'autres pays bénéficiaires. Au-delà du grand usage qui en est fait, elle suscite toujours le questionnement quant à son identité propre. Que faut-il entendre par Initiative PPTE ? Quels en sont les principes ? Quelle en est la spécificité ? Et puisque le Cameroun y est admis, quelle en est sa situation et quel en est son parcours ? Quels sont enfin les écueils déjà relevés de cette Initiative ? La réponse à toutes ces questions fait l'objet du présent chapitre.

I. APPROCHE THEORIQUE DE L'INITIATIVE PPTE

L'intelligibilité de l'Initiative PPTE passe nécessairement par sa définition, son aperçu historique et son fondement théorique.

I.1. L'Initiative PPTE : Esquisse de définition

L'Initiative en faveur des pays pauvres très endettés en abrégé Initiative PPTE, plus connue sous son sigle anglais HIPC pour Highly indebted poor countries, est la dernière stratégie en date en matière de désendettement. Elle s'inscrit dans le cadre de la conversion de la dette et succède à plusieurs autres stratégies déjà expérimentées. L'Accord de Toronto (1988) ou plan de réduction de la dette publique des pays à faibles revenus, le Plan Brady (1989) qui allie allègement de la dette et octroi de nouveaux crédits, le Plan de Trinidad (1990) qui offre un allègement plus substantiel de la dette des pays les plus démunis, l'Initiative de réduction de la dette des pays les plus endettés selon les termes de Naples (1994) : réduction jusqu'à 67% de la dette des pays les moins avancés (PMA) sous réserve de la mise en place d'un programme d'ajustement, sont entre autres les stratégies déjà expérimentées en matière de désendettement des pays éprouvant des difficultés à honorer leur service de la dette extérieure. En raison de l'impact limité de ces stratégies sur le niveau d'endettement de ces pays à faibles revenus ou à revenus intermédiaires et lourdement endettés, le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale ont conjointement proposé en septembre 1996 à Lyon, l'Initiative de réduction de la dette en faveur des pays pauvres très endettés ou Initiative PPTE.

En effet, après la crise des années 1980, des mesures ont été prises pour soutenir les pays ainsi frappés. Ces mesures, Programmes d'ajustement structurel (PAS), rééchelonnements du service de la dette arrivant à échéance, opérations sur le stock de la dette, n'ont pas produit les résultats attendus en terme d'amélioration sensible de leurs principaux indicateurs d'endettement, particulièrement dans les pays de l'Afrique subsaharienne qui ont continué à accumuler d'importantes dettes. Par ailleurs, à la morosité de la croissance économique s'est ajoutée une pauvreté grandissante dans la plupart de ces pays. C'est pour remédier à cette situation que le FMI et la Banque mondiale ont conjointement lancé cette Initiative dont l'objectif principal est d'offrir aux pays pauvres très endettés la possibilité de se libérer du cercle vicieux de l'endettement extérieur, en investissant les économies réalisées de l'allègement de leur dette dans les projets et programmes destinés à réduire la pauvreté dans leurs pays respectifs.

L'Initiative PPTE place la lutte contre la pauvreté au centre du dispositif de réduction de la dette, en faisant de la rédaction du Document de stratégies de réduction de la pauvreté (DSRP) une condition d'éligibilité d'une part, et du lien entre réduction de la dette et réduction de la pauvreté une conditionnalité générale s'appliquant à tous les nouveaux financements sous conditions privilégiées des IBW d'autre part. Ainsi, les DSRP remplacent désormais les anciens Documents cadre de politique économique (DCPE) et deviennent en principe le Document de référence pour l'ensemble des bailleurs de fonds.

L'identité de l'Initiative PPTE se décline plus aisément à travers le schéma ci-après, lequel permet également d'établir la différence entre cette dernière et les PAS d'une part, et entre la politique de lutte contre la pauvreté et la politique de lutte contre le sous-développement, d'autre part. Cette différence se lit plus aisément dans le schéma ci-dessous.

Schéma 1 : Les innovations apportées par l'IPPTE

Politique de développement Spécificités desdites politiques

Politique de lutte contre le sous-développement

Politique de lutte contre la pauvreté

Objectif principal

Ajustement structurel

Lutte contre la pauvreté

Instrument principal

Programme d'ajustement structurel (PAS)

Initiative Pays pauvres très endettés (IPPTE)

Sous-instruments ou composantes de l'instrument principal

Document cadre de politique économique (DCPE)

Document de stratégies de réduction de la pauvreté (DSRP)

 

Crédit d'ajustement structurel (Banque mondiale)

Crédit de soutien à la réduction de la pauvreté (Banque mondiale)

 

Facilité d'ajustement structurel renforcée (FMI)

Facilité pour la réduction de la pauvreté et la croissance (FMI)

Traitement de la dette

-Indirect (Club de Paris)

Allègement de la dette (PPTE)

Elaboration

-1 Politique imposée de l'extérieure -2 Décidée « d'en haut » -3 Secret

-4 Politique élaborée par le pays -5 Approche « par le bas » -6 Transparence

Prise en compte des spécificités du pays

Faible

Forte

Financement

Priorité aide-projet

Priorité aide budgétaire

Indicateurs de suivi/conditionnalité

Indicateur de moyens

Indicateurs de résultats

Source : A partir de Cling, Jean-Pierre et al (Dir.).

Il apparaît que l'Initiative PPTE est l'instrument de la nouvelle politique de développement, une politique axée à la fois sur le désendettement et la réduction de la pauvreté. Plus simplement, l'Initiative PPTE est un instrument de développement basé sur la reconversion de la dette extérieure des pays pauvres et très endettés en projets de développement .Elle a un volet économique qui consiste en la conduite des reformes économiques en vue de l'atteinte des performances macroéconomiques,et un volet social qui consiste en la mise en oeuvre des projets de développement. Elle s'opérationnalise par le virement des fonds destinés au service de la dette extérieure dans un compte destiné au financement des projets de développement social. Quel en est donc l'historique ?

I.2. L'Initiative PPTE : Aperçu historique

L'Initiative PPTE est l'aboutissement d'un long processus de désendettement qui plonge ses racines dans l'histoire de l'accumulation des arriérés de paiement de dette extérieure par les pays à faibles revenus. En effet, après la crise de la dette des années 1980, crise marquée par le défaut de paiement du Mexique, le risque d'une crise financière internationale est devenu permanent. Pour endiguer cette crise de la dette et éviter que par effet de contagion celle-ci mette en péril l'équilibre du système financier international, des solutions ont été envisagées. Les créanciers publics ont progressivement admis qu'une partie de la dette des pays du Sud était impayable et qu'un allègement de la charge de cette dette était inéluctable. Toute une série de mesuresvisant à contenir cette crise de la dette s'est donc mise en place au cours des années 1980, après celle de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED) intervenue deux ans plus tôt, précisément en 1978. Au cours des années 1980, les réductions de dette vont commencer à être accordées de manière systématique par le Club de Paris. Les réductions vont porter initialement sur 33% des flux rééchelonnés (sommet du G7 à Toronto en 1988), puis sur 50% (Londres en 1991). Le G7 réunis à Naples en 1994 porte ce pourcentage à 67%.

Face à la pression des organisations de la société civile qui mettent en exergue les effets catastrophiques du surendettement sur les populations des pays pauvres, et devant le constat du maintien d'un niveau d'endettement insupportable malgré les rééchelonnements successifs, les pays du G7 réunis à Lyon en 1996 lancent une Initiative en faveur d'un groupe de pays considérés comme « pays pauvres très endettés » (PPTE), portant le pourcentage de réduction de leur dette à 80. Ce plan d'allègement engage pour la première fois de manière intégrée tous les types de créanciers publics, y compris les Institutions financières internationales (IFI) qui jusqu'alors se refusaient à alléger la dette multilatérale. Mais cette première initiative n'a pas tardé à montrer ses limites. Sous la pression de la campagne Jubilé 2000 qui a collecté plus de 24 millions de signatures dans le monde, les pays du G7 réunis à Cologne en 1999 décident de renforcer l'Initiative PPTE I. L' Initiative PPTE II lancée en 1999 permet d'accroître le nombre de pays bénéficiaires et le volume des allègements, un assouplissement des critères d'éligibilité, des allègements plus rapides et une orientation de l'Initiative sur la réduction de la pauvreté.

A ces mesures vont s'ajouter des initiatives de réduction de la dette dans un cadre purement bilatéral. La réduction de la dette des pays de la zone franc entreprise par la France en 1989 et en 1994, la Facilité Suisse de désendettement (FSD) lancée par la Suisse en 1991 la réduction sensible de la dette bilatérale des pays pauvres très endettés par la Chine en 2000 constituent, entre autres, les initiatives bilatérales de réduction de la dette qui ont favorisé l'adoption de l'Initiative PPTE.

Toutes ces mesures et bien d'autres s'inscrivant dans la même perspective ont contribué à l'adoption de l'Initiative PPTE par les Institutions de Bretton Woods. En somme, l'Initiative PPTE plonge ses origines dans l'histoire du désendettement des pays à faibles revenus très endettés. Ces pays pauvres considérés comme « très endettés » dans le cadre de cette Initiative forment une quarantaine de pays à faible niveau de PIB par habitant qui ont accès à des ressources bon marché auprès de la Banque mondiale et du FMI. Cette Initiative rompt avec le tabou de l'intangibilité de la dette multilatérale et repose sur la définition des règles générales de réduction de la dette. Pour cela, elle constitue une avancée par rapport aux pratiques antérieures. Quelles sont alors les bases théoriques de cette Initiative ?

I.3. L'Initiative PPTE : fondements théoriques

Au-delà des revendications d'ordre éthique (devoir de solidarité mondiale, Jubilé 2000) qui ont plaidé en faveur de l'adoption de l'Initiative PPTE, cette dernière repose sur des théories à la fois économique et juridique.

I.3.1. Fondement économique de l'Initiative PPTE

Face aux problèmes de l'endettement endémique des pays du sud, plusieurs méthodes issues de la « théorie de l'excès d'endettement » ont été envisagées et expérimentées pour ramener le niveau de dette de ces pays à de niveaux soutenables, solvables. Au nombre de ces méthodes figurent le rééchelonnement et la conversion.

Le rééchelonnement de la dette consiste pour un créancier à consentir à son débiteur le report, à une date ultérieure, du paiement des termes échus du service de la dette. Il en résulte une diminution immédiate du service de la dette mais une augmentation au total de son montant selon la méthode dite du « chasse-neige ».

La conversion quant à elle consiste à transformer les titres de créances en éléments d'actifs ou en dette interne. Connue sous le terme anglais « swap » qui signifie échange, cette opération consiste pour un Etat endetté à obtenir de rembourser sa dette en monnaie locale à condition que les sommes remboursées soient réinvesties dans le pays.

La conversion de la dette peut s'effectuer contre actifs locaux (actions, obligations) ou en projets de développement.

La conversion de la dette contre actif implique généralement le rachat de la dette avec décote par un investisseur qui l'échange contre des fonds en monnaie locale utilisée pour acheter des actifs ou titres privés.

La conversion de la dette en programmes de développement implique également son rachat avec décote sur le marché secondaire et son échange en monnaie locale en vue de financer des projets de développement en actions sociales : projets environnementaux, éducation, santé, lutte contre la pauvreté.

A l'issue de cette exploration des méthodes économiques de traitement de dette, il apparaît que l'Initiative PPTE relève de la conversion, plus précisément de la conversion de la dette en programmes de développement.

Après avoir rencontré une forte opposition chez les créanciers, c'est à la fin des années 1980 que cette pratique prend effet à la faveur de la prise de conscience par les créanciers que l'abandon partiel de créance ne recouvre pas un acte de générosité mais de réalisme économique, dans la mesure où ils reconnaissent qu'en situation de surendettement, faute de contrepartie, la valeur réelle d'une créance est inférieure à sa valeur nominale. Cette prise de conscience prend sa source dans une analyse de l'américain Krugman qui, s'inspirant d'un modèle popularisé par son collègue Laffer en matière de taux de prélèvement fiscal, relève qu'au-delà d'un certain niveau, l'augmentation nominale de la dette du débiteur souverain s'accompagne d'une diminution de sa valeur réelle. Dans cette situation, préconise-t-il, un traitement efficient de l'endettement des pays nécessite une réduction du montant nominal du passif afin d'accroître la valeur marchande courante des remboursements futurs. En d'autres termes, un effacement de tout ou partie de l'endettement global du débiteur souverain s'impose au moyen des procédés de capitalisation ou de rémission des dettes. C'est sous cet angle théorique que peut être économiquement comprise l'Initiative en faveur des pays pauvres très endettés. Cette Initiative a également un fondement juridique.

I.3.2. Fondement juridique de l'Initiative PPTE

Le problème de l'endettement fait également l'objet des analyses juridiques. Il y est reconnu que des changements sensibles d'orientation dans la conjoncture économique générale (ralentissement de la hausse des prix et des affaires) peuvent hausser le poids de la charge courante et future des annuités d'emprunts, à tel point que le débiteur se révèle être dans l'incapacité immédiate et/ou à venir d'en assurer le remboursement. Cette défaillance du débiteur, reconnaît l'analyse juridique, ne relève pas de son incompétence ou de sa malhonnêteté, elle trouve plutôt son origine dans la crise. Et dans cette situation, la morale des relations entre les sujets au lien d'obligation, mais aussi l'intérêt même du créancier au rétablissement de son débiteur (afin que se poursuivent au mieux leurs relations d'affaires), condamnent l'exécution du contrat selon ses modalités initiales. Il s'impose alors la nécessité d'un réaménagement qui requiert la participation des créanciers. Cette participation se traduit par l'ouverture des pourparlers entre les parties qui s'accordent sur la nécessité de maintenir entre elles un rapport obligatoire tout en recomposant la substance de l'endettement du débiteur dans des termes correspondant à ses nouvelles capacités de remboursement. La dette acquiert alors le statut d'objet de négociations à l'issue desquelles les parties concluent des conventions définissant de nouvelles prestations financières à la charge du débiteur. Ainsi, la recomposition de l'endettement assure la poursuite des relations d'affaires entre le débiteur et ses créanciers tout en permettant aux seconds de recouvrer une partie de leurs droits et au premier de se libérer en exécutant des prestations réaménagées.

Cette recomposition de l'endettement s'inscrit, sur le plan technique, dans deux sortes de contrats, ceux qui impliquent l'extinction des rapports d'obligation originels sous l'effet d'une novation de l'endettement et ceux qui maintiennent les liens de droit initiaux en opérant une simple modification de l'endettement.

La novation est une mutation de l'obligation qui s'opère soit par changement de créancier, soit par changement d'objet, voire par changement de modalités. Par changement de créancier, la novation a pour effet de faire payer la créance due par le débiteur à un créancier autre que celui qui avait noué le rapport d'obligation. Par changement d'objet, elle a pour effet de remplacer l'ancienne créance par une nouvelle ayant un objet différent.

L'Initiative PPTE semble conduire à ces deux niveaux de la novation. D'une part, le mécanisme de l'Initiative PPTE met à la charge du débiteur une obligation de conversion de la dette de sommes d'argent initialement dues en obligation de développement. D'autre part, cette obligation de développement a pour créanciers les populations du pays débiteur et non plus les créanciers prêteurs.

La modification de l'endettement renvoie au concordat. Il s'agit d'une convention à caractère collectif par laquelle l'Assemblée générale des créanciers chirographaires d'un débiteur en règlement judiciaire lui accorde soit les délais de paiement (concordat d'atermoiement), soit des remises d'une fraction uniforme de chacune de ses dettes chirographaires (concordat de remise), soit simultanément des délais et des remises.

Les remises de dette dans le cadre du concordat ne peuvent être assimilées aux remises de dette proprement dites qui sont purement volontaires. De plus, leur soumission à une acceptation de la part du débiteur n'enlève rien au contexte judiciaire dans lequel elles s'inscrivent et qui est étranger à la remise de dette. En outre, l'intention libérale qui fonderait la remise de dette y serait absente. Les créanciers n'agissent que dans leurs intérêts et ne cherchent qu'à sauver une partie de leurs droits, en autorisant la poursuite de l'exploitation commerciale par le débiteur. Les remises de dette consentie dans le cadre de l'Initiative PPTE s'inscriraient dans un contexte marqué par le souci des créanciers de sauver une partie de leurs engagements de solidarité. Ils auraient ainsi par le truchement de l'Initiative PPTE partiellement résolu la question de l'aide aux pays en développement.

A l'issue de l'analyse de l'Initiative PPTE en rapport avec les dispositifs de traitement de la dette, il apparaît qu'elle a un fondement juridique. Elle est pleinement fondée sur la novation de l'endettement et légèrement sur le concordat. Il en ressort qu'elle constitue un devoir de solidarité de la part des créanciers.

En effet, à travers ses aspects et ses objectifs fondamentaux, l'Initiative PPTE apparaît comme un instrument de conquête des droits économiques et sociaux. Le droit à l'éducation et à la santé, l'accès à l'eau potable, à un logement décent ou encore aux infrastructures de base constituent ce que l'on appelle les services sociaux essentiels. Il s'agit en droit, des besoins fondamentaux et nécessaires à la dignité de tout être humain. Le constat que ces droits font défaut dans les pays pauvres très endettés justifierait également cette initiative en faveur desdits pays. Il y donc lieu d'affirmer que la réduction de la pauvreté qui est l'objectif final de l'Initiative PPTE s'inspire largement du souci de procurer ou de renforcer le minimum social aux populations des pays pauvres très endettés. L'Initiative PPTE est donc également fondée sur le souci d'humanisation du monde à travers la réduction des inégalités économiques criardes.

En définitive, l'Initiative PPTE a des fondements à la fois économiques et juridiques, lesquels fondements permettent l'intelligibilité de la remise de la dette dans le cadre de ladite Initiative. Comment s'opère cette Initiative ?

II. ELABORATION DE L'INITIATIVE PPTE : CHEMINEMENT ET PRINCIPES

L'Initiative PPTE, sous sa forme actuelle, est l'aboutissement d'un processus de maturation initié depuis septembre 1996. Elle repose sur des principes auxquels doivent s'accommoder les pays éligibles.

II.1. Cheminement de l'Initiative PPTE

L'Initiative PPTE a connu une évolution passant de la version initiale (Initiative PPTE-I) au cadre renforcé (Initiative PPTE-II).

II.1.1. L'Initiative PPTE initiale ou Initiative PPTE-I

Lancée en septembre 1996 par la Banque mondiale et le FMI, l'Initiative PPTE-I a été conçue pour résoudre de façon durable le problème de la charge globale d'endettement des pays pauvres très endettés en ramenant cette charge à un niveau « soutenable ».

Cette Initiative s'inscrivait en droite ligne des facilités d'annulation des dettes précédentes (termes de Naples, puis de Lyon), la différence fondamentale étant que pour la première fois, la dette multilatérale est concernée. L'objectif de l'Initiative PPTE-I était d'assurer, au cas par cas, la viabilité de la dette globale des pays considérés, les dotant des moyens de s'affranchir irrémédiablement du cycle des rééchelonnements et en les encourageant à poursuivre des politiques économiques saines.

Cette Initiative s'inscrivait également dans le droit fil de l'ajustement structurel et était destinée à être une « facilité » supplémentaire accordée aux pays pauvres réussissant le mieux dans leur programme de réformes macroéconomiques avec le FMI. Ainsi, pour y être admissible, le pays était appelé à remplir les conditions ci-après :

-être éligible pour recevoir une assistance à titre concessionnel du FMI ou de la Banque mondiale, c'est-à-dire être éligible au guichet de prêt de l'Association internationale de développement (IDA) ou aux concours de la Facilité pour la réduction de la pauvreté et la croissance (FRPC) ;

-avoir obtenu de bons résultats dans le cadre des programmes de réformes entrepris avec l'appui du FMI et de la Banque mondiale ;

-avoir une dette insoutenable après l'application des termes de Naples, soit une réduction de 67% de la valeur actuelle nette (VAN) de la dette éligible au Club de Paris.

La mise en oeuvre de la version initiale de l'Initiative PPTE se déroulait en deux phases : le pays éligible devait avoir suivi avec succès pendant trois ans un programme du FMI pour atteindre le « point de décision » ; puis, il devait réussir à nouveau trois ans de programme pour aboutir au « point d'achèvement », où devait intervenir l'allègement de dette.

Ces conditions se sont révélées trop restrictives pour faire de l'Initiative PPTE initiale une solution à la mesure du problème de la dette multilatérale des pays pauvres très endettés. Sur 41 pays potentiellement éligibles à l'Initiative sous cette première formule, sept seulement ont pu bénéficier d'un début de traitement de la dette jusqu'en 1999 où l'Initiative PPTE-I s'est transformée.

II.1.2. L'Initiative PPTE renforcée ou Initiative PPTE-II

L'Initiative PPTE renforcée voit le jour au sommet du G7 de Cologne en 1999, à la suite des limitations de la version initiale et sous la pression de la campagne Jubilé 2000. Les modifications qu'elle apporte par rapport à l'Initiative initiale sont principalement de trois ordres : l'assouplissement des conditions d'entrée et l'approfondissement des allègements de dette ; l'accélération et la simplification du déroulement de l'Initiative ; l'institution du DSRP comme cadre de partenariat stratégique de l'Initiative.

L'élargissement de l'Initiative résulte du relâchement de l'excès de prudence qui l'avait jusqu'alors caractérisé. Il était devenu manifeste en 1999 que l'Initiative originelle, à laquelle n'avaient pu accéder que sept pays en l'espace de trois ans, n'apportait pas de réponse à la hauteur du problème de l'endettement des pays les plus pauvres. C'est à ce problème qu'a répondu la version renforcée en offrant des conditions d'admission plus accessibles à un grand nombre de pays pauvres lourdement endettés. Cette nouvelle version met également l'accent sur l'importance d'une réduction plus grande du fardeau de la dette. L'abaissement du ratio VAN de la dette/exportation de 200-250% à 150%, l'abaissement du ratio VAN de la dette/recettes budgétaires de 280% à 250%, la révision à la baisse des seuils d'admissibilité concernant le degré d'ouverture de l'économie de 40% à 30% pour le ratio exportation/PIB, et de 20% à 15% pour le taux de recettes publiques d'une part, le changement en mieux de la base d'évaluation de l'allègement de la dette au titre de l'Initiative, le passage de 80% à 90% du taux d'allègement de dette en ce qui concerne les annulations de dettes bilatérales d'autre part, sont entre autres des mesures d'élargissement et d'approfondissement des allègements de la dette dans le cadre de la version renforcée de l'Initiative.

L'accélération et la simplification de la procédure de l'Initiative ont été favorisées par plusieurs mesures. L'instauration d'une aide intérimaire entre le stade de la prise de décision et la fin du processus, la concentration en début de période de l'aide fournie par les Institutions financières internationales (IFI) après la fin du processus et l'adoption de dates flottantes pour la fin du processus, laquelle adoption incite les pays à une prompte application des réformes et permet à ceux du peloton de tête d'arriver plus vite à la fin du processus, constituent les mesures d'accélération et de simplification de la procédure.

L'innovation essentielle apportée par l'Initiative PPTE renforcée réside dans le lien qu'elle établit avec le DSRP. Ce lien marque la fin de l'ajustement structurel. Le DSRP devient le cadre de partenariat obligé des pays pauvres très endettés avec les bailleurs de fonds. En plus de la modernité du DSRP, et notamment son centrage sur la problématique de la pauvreté, la sortie de l'Initiative PPTE du cadre de l'ajustement représente un pas essentiel pour pouvoir réellement proposer une solution nouvelle en matière de traitement de la dette. La flambée de la dette étant un résultat direct de l'ajustement structurel, il était peu convaincant de vouloir traiter de la soutenabilité de long terme de cette dette à l'intérieur du mécanisme qui est à la source de la situation d'insolvabilité, si ce n'est pour un nombre réduit de « bons élèves » ayant résolument changé leurs pratiques.

L'élargissement de l'Initiative PPTE à l'ensemble des PPTE, son supplément d'ambitions par rapport à la version initiale et l'adoption d'un nouveau cadre de partenariat (DSRP) sont les caractéristiques de l'Initiative PPTE renforcée. Au-delà de ces modifications, l'Initiative PPTE repose sur des principes qui gouvernent sa mise en oeuvre.

II.2. Principes de l'Initiative PPTE

L'Initiative PPTE vise principalement à ramener la charge globale de la dette des pays admissibles à un niveau soutenable. Elle repose sur des principes dont l'objectif est de doter les pays considérés des moyens de s'affranchir définitivement du cycle de rééchelonnement. Ces principes s'articulent autour des deux phases de mise en oeuvre de cette Initiative : le point de décision et le point d'achèvement.

II.2.1. Le point de décision

C'est la première étape du processus PPTE. Pour y accéder, les pays candidats doivent non seulement avoir une dette non soutenable selon les critères présentés ci-dessus (après traitement traditionnel dans le cadre du Club de Paris), mais se soumettre à un certain nombre de mesures visant à donner la preuve de leur capacité à faire usage utile des allègements à concéder. Ainsi, ils doivent souscrire et adopter un programme triennal de réformes économiques et d'ajustement structurel appuyé par le FMI et la Banque mondiale. Ils doivent également présenter dans le Document de stratégies de réduction de la pauvreté (DSRP) (éventuellement intérimaire), leurs stratégies de lutte contre la pauvreté. Ledit document doit être réalisé en concertation avec la société civile. Pendant cette période et à l'appui de leur programme de réformes, les pays concernés continuent à recevoir l'assistance concessionnelle traditionnelle par les donateurs, les Institutions multilatérales, de même que les allègements de dette de la part des créanciers bilatéraux, y compris le Club de Paris. Cette période dite « probatoire » doit être sanctionnée par de bons résultats dans l'application des mesures de réformes économiques. Au terme de ce programme triennal intervient l'Analyse de soutenabilité de dette (DSA) dont l'objectif est de déterminer le profil courant de la dette extérieure des pays en question. Si le ratio de la dette extérieure après application des mécanismes traditionnels d'allègement de dette est supérieur à 150%, le pays est admis pour une assistance au titre de l'Initiative. Dans le cas particulier des pays à économie très ouverte (avec un ratio exportation/PIB supérieur à 30%) ayant un endettement élevé par rapport aux recettes budgétaires, et ce malgré l'excellent niveau de recettes mobilisées (au-dessus de 15% du PIB), le ratio de la VAN de la dette sur les exportations retenu comme objectif peut être fixé au-dessous de 150%. Dans ce cas, l'objectif retenu pour le ratio VAN de la dette sur les recettes budgétaires est de 250% au point de décision.

Au « point de décision », les IBW décident de l'allègement à concéder au pays au point d'achèvement. Le montant est calculé à partir des données d'endettement disponibles au point de décision, de façon à rendre l'endettement du pays soutenable.

II.2.2. Le point d'achèvement

C'est la seconde et dernière étape du processus de mise en oeuvre de l'Initiative PPTE. Pour y accéder, le pays doit, après avoir atteint le « point de décision », finaliser son DSRP ou DSRP intérimaire et la mettre en oeuvre de manière satisfaisante, tout en poursuivant ses efforts en matière de stabilisation macroéconomique par la mise en place d'un nouveau programme avec les IBW. A cette « période transitoire » du processus, la Banque mondiale et le FMI fournissent une aide intérimaire, notamment par des versements au titre des nouvelles modalités de prêt, et par les allègements multilatéraux prévus. Les autres créanciers multilatéraux concèdent aussi une première part de leurs allègements. Cette « période transitoire » de trois ans dans l'Initiative PPTE initiale, est dite « flottante » dans l'Initiative PPTE renforcée, sa durée dépend des progrès réalisés par le pays concerné.

Au vu des performances économiques du pays et des progrès réalisés dans la mise en oeuvre d'une politique de développement axée sur la lutte contre la pauvreté, les IBW décident que le pays a atteint le « point d'achèvement ». C'est à ce stade du processus que prennent effet les allègements de dette prévus au « point de décision ».

La trajectoire et les principes de l'Initiative PPTE la distinguent des autres instruments et/ou dispositifs de développement. Quelle en est sa spécificité ?

III. SPECIFICITE DE L'INITIATIVE PPTE

L'Initiative PPTE est un instrument et/ou dispositif de développement à l'instar de l'Aide publique au développement (APD) et des Programmes d'ajustement structurel (PAS). En quoi se distinguent-ils ?

III.1. L'Initiative PPTE et l'APD

Bien qu'antérieure à l'Initiative PPTE, l'Aide publique au développement est d'une apparition relativement récente dans l'histoire économique. Définie comme aide apportée aux Etats par d'autres Etats (et on parle d'aide bilatérale) ou transitant par des organismes internationaux, comme les agences spécialisées des Nations Unies, le FMI et la Banque mondiale (on parle alors d'aide multilatérale), elle a été instituée pour la première fois après la deuxième guerre mondiale. Ses bénéficiaires à cette époque n'étaient pas les pays en voie de développement, mais l'Europe, l'objectif étant de lui permettre de se relever après les destructions et le traumatisme de la deuxième guerre mondiale. C'est à cet effet qu'a été créée la Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD), l'actuelle Banque mondiale. Le Plan Marshall a été un volet essentiel de cette stratégie de reconstruction de l'Europe en ruines.

Ce n'est qu'autour de 1955 que cette aide va se reporter vers le Tiers Monde nouvellement indépendant, principalement l'Asie, dans un but à la fois politique (éviter l'extension du communisme) et humanitaire. Elle s'est secondairement et progressivement dirigée vers les pays les plus pauvres parmi lesquels ceux de l'Afrique subsaharienne.

La notion même d' « Aide publique au développement » n'a été définie qu'en 1969 par le Comité d'aide au développement (CAD) de l'Organisation pour la coopération et le développement (OCDE). Pour le CAD, ressortent de l'APD :

-les ressources fournies dans un cadre bilatéral aux pays en développement ou accordées par le biais des institutions multilatérales ;

-les ressources attribuées par des organismes publics ;

-les ressources dont le but est de favoriser le développement économique ;

-les ressources assorties de conditions financières favorables : dons ou prêts dont l'élément de libéralité est au moins égal à 25%.

En résumé, l'APD représente les décaissements de dons et les prêts accordés par tous les organismes publics à des conditions financières bilatérales en vue de promouvoir le développement économique et la protection sociale. Ce sont des prêts concessionnels consentis à un taux d'intérêt inférieur d'au moins 25% du taux couramment pratiqué sur le marché. Outre ces apports financiers, l'APD comprend les allègements de dette et la coopération technique.

L'APD comporte deux variantes, à savoir les dons et les prêts. Le don est une opération unilatérale du donateur vers le bénéficiaire qui n'entraîne pas de créance. Il peut s'agir d'une aide en nature ou en assistance technique. Le prêt, quant à lui, exige toujours un mouvement de retour de capitaux vers le donateur. Car l'obligation est faite au pays bénéficiaire de rembourser le principal et de payer les intérêts aussi petits soient-ils.

L'APD, pour les pays les plus pauvres comme pour les pays dits « à revenus intermédiaires », a débouché sur un endettement considérable, véritable fardeau qui a conditionné, à partir de 1980, l'orientation de la coopération pour le développement vers le règne de l'ajustement structurel et aujourd'hui vers celui de l'Initiative PPTE.

L'APD est, à l'instar des PAS et de l'Initiative PPTE, un instrument de la coopération Nord-Sud. L'avènement de l'Initiative PPTE n'entraîne aucunement sa disparition. Mais plusieurs facteurs expliquent sa tendance baissière en Afrique. Il s'agit, entre autres, de sa mauvaise utilisation et l'échec de l'ajustement structurel qui découragent les bailleurs de fonds internationaux ; de l'effondrement de l'aide apportée jusqu'à la fin des années 1980 par l'ex-Union soviétique d'une part, et les pays arabes d'autre part, en raison de leurs difficultés financières, et qui n'est pas compensée par l'émergence de nouveaux donneurs tels la Corée du Sud ou Taiwan ; la concurrence croissante de nouveaux pays (ex-Union soviétique) qui ouvrent de nouvelles destinations pour l'aide ; une tendance de plus en plus forte à privilégier l'aide d'urgence et l'aide humanitaire ; la lassitude croissante des donneurs face à la stagnation des pays les moins avancés (PMA) après plus de quatre décennies d'aide au Tiers Monde ; des coupes budgétaires croissantes pratiquées dans les pays riches pour endiguer la montée des déficits publics, en raison de la montée du chômage, de l'exclusion et d'une tendance croissante des vieux pays industriels au repli sur des problèmes nationaux. Qu'en est-il de l'Initiative PPTE et les PAS ?

III.2. L'Initiative PPTE et les PAS

La mise en oeuvre de l'APD dans les pays du Tiers Monde a débouché sur un endettement considérable des pays les plus pauvres. Pour faire face à cette situation d'endettement et de sous-développement continu de ces pays, les Institutions de Bretton Woods ont mis sur pied les Programmes d'ajustement structurel (PAS). L'ajustement structurel est lancé au début des années 1980, en réponse à la crise des Etats et aux dysfonctionnements apparus dans des économies dont la viabilité reposait sur une injection massive de capitaux extérieurs, qu'ils soient fournis par l'aide ou par l'emprunt. La dette devient telle qu'elle obère les perspectives de développement et oblige les théoriciens à repenser leur approche des conditions du « décollage » des pays en voie de développement.

Les politiques d'ajustement structurel sont alors mises sur pied pour financer non plus des réalisations physiques (« projets de développement »), comme ce fut le cas avec l'APD, mais pour allouer aux Etats des sommes forfaitaires, déboursées en deux ans en général, par tranches conditionnelles, en vue de leur développement économique.

D'abord expérimenté en Asie du Sud-Est, puis en Amérique latine, l'ajustement va être axé sur l'assainissement des finances publiques, l'ouverture des marchés au commerce international, la libéralisation des marchés, les privatisations et la réforme du secteur public.

Transféré en Afrique où le Sénégal en est le précurseur depuis 1979, la plupart des pays passent des accords avec le FMI et la Banque mondiale à partir de 1984-1985. L'ajustement structurel n'y obtient pas les résultats escomptés : beaucoup de pays s' enlisent dans des politiques de rigueur financière qui asphyxie l'économie sans permettre de mettre en place les conditions de la reprise.

Défini comme financement d'un programme accompagné de conditions portant sur l'économie dans sa globalité, l'ajustement structurel se rapproche de l'Initiative PPTE par l'exigence des réformes macroéconomiques dont la mise en oeuvre satisfaisante conditionne l'admission des pays candidats. Mais elle s'en distingue aussitôt par le lien qu'elle établit entre les réformes macroéconomiques et la réduction de la pauvreté. De plus, l'Initiative PPTE est financée par les ressources issues de l'allègement de la dette et non des prêts comme ce fut le cas pour les PAS.

L'échec des PAS, du fait de leur approche peu socialisante, a donné lieu à la promotion et à la consécration de la politique de lutte contre la pauvreté, avec pour instrument par excellence l'Initiative PPTE. Quelle en est la particularité ?

III.3. L'Initiative PPTE et la réduction de la pauvreté : le DSRP

La particularité de l'Initiative PPTE réside dans le lien qu'elle établit entre l'allègement de la dette et la réduction de la pauvreté. Ce lien s'articule autour du Document de stratégie de réduction de la pauvreté (DSRP). Qu'est-ce que le DSRP ? Comment en est-on arrivé là ? Quels en sont les principes ?

III.3.1. Le DSRP : esquisse de définition

Le Document de stratégie de réduction de la pauvreté, en abrégé DSRP, est le document dans lequel sont formulés les objectifs et les stratégies de réduction de la pauvreté et la croissance des pays engagés dans l'Initiative PPTE. Il est le cadre de référence des politiques de développement des PPTE. Mieux, il est le nouveau cadre contractuel de partenariat entre les IBW et les pays pauvres très endettés. Il représente, dans le cadre de l'Initiative PPTE, ce qu'était le Document cadre de politique économique (DCPE) pour les Programmes d'ajustement structurel.

Le DSRP se caractérise par la recherche de la compatibilité des politiques macroéconomiques, structurelles et sociales d'un pays avec la poursuite des objectifs de réduction de la pauvreté et de développement social. Il sert de base à la formulation des opérations de prêts de la Banque mondiale et du FMI, et constitue un cadre pour assurer la cohérence de tous les programmes appuyés par la FRPC ou par la Banque mondiale.

Il est établi en étroite collaboration avec la Banque mondiale, le FMI et d'autres Institutions et bailleurs de fonds multilatéraux de manière à assurer la transparence des opérations et une large participation au choix des objectifs, à l'élaboration des politiques et au suivi de leur application.

De façon générale, le DSRP doit contenir au minimum les points ci-après :

-des objectifs de réduction de la pauvreté et de développement social à moyen et long terme, ainsi que toute une gamme d'indicateurs de résultats pertinents permettant de suivre l'évolution des progrès dans les principaux domaines de lutte contre la pauvreté ;

-un cadre macroéconomique compatible avec les objectifs sociaux et de réduction de la pauvreté couvrant une période d'au moins trois ans.

-les priorités de réformes structurelles ainsi que les stratégies sectorielles (programme triennal) et les besoins de financement (intérieur et extérieur) associés à la réalisation des objectifs de croissance et de réduction de la pauvreté ;

-les mesures de lutte contre la pauvreté et autres politiques sociales liées à une analyse de l'impact sur la société des politiques macroéconomiques et structurelles, et les besoins de financement correspondants ;

-les besoins de financement extérieurs globaux, y compris au titre de l'assistance technique et de la fourniture des services correspondants, pour chaque année du programme.

Schématiquement, la structure-type du DSRP comporte cinq point à élucider : l'état des lieux (contexte économique et social ; rappel des politiques passées et en cours) ; la description du processus participatif ; les objectifs et les axes stratégiques de réduction de la pauvreté et la croissance ; l'évaluation des coûts et l'allocation des ressources ; le suivi-évaluation.

Le DSRP est le cadre désormais à la mode en matière d'aide au développement, il s'impose déjà hors du cadre de l'Initiative PPTE. Comment est-on arrivé à cet instrument ?

III.3.2. Genèse du DSRP

Au cours de la seconde moitié de la dernière décennie, les Institutions financières sont préoccupées de préparer la suite de l'ajustement structurel. Il est question de préparer à la fois un nouveau cadre conceptuel de développement, un nouvel instrument contractuel de développement et un nouvel outil financier.

Le Comprehensive Development Framework (CDF) est le vaste plan de développement multi-acteurs conçu et présenté sous forme de matrice. Promu par le Président Wolfensohn lui-même et officialisé en juillet 1999, il s'impose pendant une courte période comme le nouvel instrument de travail de la Banque mondiale avec les pays pauvres. Le CDF s'attaque principalement à deux faiblesses des précédents programmes d'ajustement :

Il a une vocation globale permettant de traiter tous les secteurs et non pas de se cantonner aux réformes de type macroéconomique ;

Il est destiné, de par son champ étendu et son caractère multi-acteurs, à devenir l'instrument de coordination entre les bailleurs de fonds par excellence, et plus généralement entre tous les acteurs (gouvernement, société civile, secteur privé, partenaires financiers).

Presque dans le même temps que se développe le CDF, les services de la Banque mondiale développent et présentent également en septembre 1999 l'idée d'un cadre stratégique de partenariat centré sur la lutte contre la pauvreté. C'est finalement cet instrument, le DSRP, à la fois plus opérationnel et plus « moderne », qui est retenu comme suite à l'ajustement structurel. Et c'est ainsi que le DSRP s'est imposé comme « substitut fonctionnel » du Document cadre de politique économique (DCPE) et comme base de tous les accords au titre de la Facilité pour la réduction de la pauvreté et la croissance (FRPC). Quels en sont les principes ?

III.3.3. Principes des DSRP

En rupture avec les pratiques antérieures qui consistaient pour l'essentiel à définir de l'extérieur des politiques que les pays étaient chargés d'appliquer sous peine de sanctions financières, la nouvelle démarche préconisée dans le cadre des DSRP prévoit la mise en oeuvre d'un processus participatif pour la définition des politiques de lutte contre la pauvreté. Centré sur la lutte contre la pauvreté, le DSRP est organisé selon un plan général dont les grandes lignes ont été définies par la Banque mondiale dans son document de référence. Selon ce document, « six principes de base sous-tendent la définition et la mise en oeuvre des DSRP ». Ces principes énoncent que les stratégies devraient répondre aux exigences suivantes :

-être impulsées par le pays, c'est-à-dire impliquant une large participation de la société civile et du secteur privé dans toutes les étapes opérationnelles ;

-être axées sur les résultats et centrées sur des résultats susceptibles de bénéficier aux pauvres ;

-être globales, dans le sens où elles reconnaissent la nature multidimensionnelle de la pauvreté ;

-être hiérarchisées, afin de rendre possible la mise en oeuvre des politiques à la fois fiscales et institutionnelles ;

-être orientées vers la recherche de partenariats avec les acteurs de l'aide au développement (aide bilatérale, multilatérale et ONG) ;

-être basées sur une perspective de long terme pour la réduction de la pauvreté.

La validation des DSRP est conditionnée par l'observation de ces principes.

En somme, l'Initiative PPTE se distingue des initiatives de développement précédentes, principalement par le DSRP qui établit le lien entre l'allègement de la dette et la réduction de la pauvreté. Admis à cette Initiative depuis octobre 2000, ce n'est qu'en avril 2003 que le Cameroun finalise son DSRP. Depuis lors, l'objectif de l'atteinte du point d'achèvement guide les actions gouvernementales. Mais, les soubresauts connus par le Cameroun par rapport à cet objectif suscitent le questionnement sur l'Initiative PPTE au Cameroun.

IV. LE CAMEROUN ET L'INITIATIVE PPTE

L'admission du Cameroun à l'Initiative PPTE a été principalement motivée par l'insoutenabilité de sa dette extérieure. Depuis cette admission, le Cameroun a suivi un certain nombre de démarches en vue de bénéficier de la totalité des allègements qu'offre cette Initiative. Quel est l'état de la dette extérieure du Cameroun ? Quel est son parcours dans cette Initiative ?

IV.1. Le Cameroun et l'Initiative PPTE : la question de la dette

La dette extérieure du Cameroun est caractérisée par son insoutenabilité. Celle-ci suscite des interrogations quant aux circonstances et aux conséquences de cet endettement.

IV.1.1. La dette extérieure du Cameroun : une dette de plus en plus insoutenable

L'admission du Cameroun à l'Initiative PPTE s'est principalement justifiée par son niveau d'endettement extérieur. La dette extérieure du Cameroun connaît une croissance exponentielle depuis son indépendance. En effet, dix ans après cette indépendance, cette dette était relativement faible. La tendance à la hausse s'est progressivement observée et en 1977, le montant de celle-ci a commencé à excéder les recettes d'exportation du pays. Depuis cette date, la tendance défavorable ne s'est pas inversée. D'après les données de la Banque mondiale, la dette extérieure du Cameroun est passée de 140,4 millions de dollars US en 1970 à 9350 millions de dollars US en 1995. A la fin de l'année 1996, elle s'élevait à 9515 millions de dollars. De 1988 à 1995, soit sur une période de huit ans, elle a connu une croissance de près de 95%.

D'après le tout récent rapport de la Banque mondiale sur les indicateurs mondiaux de développement, la dette extérieure du Cameroun a été multipliée par trois en l'espace de vingt ans, passant de 2,9 milliards de dollars US en 1983 pour atteindre 7,3 milliards de dollars US en 1993, et 9,189 milliards de dollars US en 2003, soit plus de 5000 milliards de FCFA au cours actuel du dollars.

Quelques ratios relatifs à la dette permettent également d'apprécier le niveau d'endettement du Cameroun. il s'agit notamment du ratio dette globale sur PIB, du ratio service de la dette sur les exportations et du ratio dette globale sur les exportations.

Le ratio dette sur le PIB apprécie la dette extérieure par rapport au poids économique du pays. Il fournit une idée du degré d'hypothèque que représente la dette extérieure sur la richesse nationale. Le FMI considère qu'un pays est peu endetté lorsque ce ratio est inférieur à 30%. Au-delà de 50%, le pays est considéré comme fortement endetté. Ce ratio a fortement augmenté depuis 1986, indiquant que le Cameroun est surendetté à partir de 1989.

Le ratio du service de la dette sur les exportations des biens et services prend en compte non pas l'endettement lui-même mais sa charge. Il permet d'apprécier la capacité du pays à honorer ses engagements extérieurs. Le seuil de 20% traduit une situation dangereuse. Ce ratio a considérablement augmenté pour le Cameroun sur la période 1986-1998 et a connu par la suite des seuils tolérables à partir de 1991, passant de 16,4% en 1992 à 21,2% en 1993, 17% en 1994, 15,3% en 1995 et 13,5% en 1996.

Le ratio de la dette globale sur les exportations des biens et services compare l'endettement en devises avec le flux annuel de devises que procurent les exportations. On considère généralement que lorsque ce ratio est inférieur à 165%, le pays n'a pas un niveau d'endettement inquiétant. Ce ratio pour le Cameroun s'est considérablement envolé à partir de 1987. De 143,4% en 1986, il a atteint un pourcentage de 218,7 un an après et n'a cessé d'augmenter. En 1996, il était évalué à 389,2%.

L'état de ces indicateurs du niveau d'endettement, pour le Cameroun, a amené la Banque mondiale à le reléguer, en 1995, dans le groupe des pays à faibles revenus sévèrement endettés. C'est pour cette raison qu'il a été admis en octobre 2000, à l'Initiative en faveur des pays pauvres très endettés.

Avec un ratio VAN stock de la dette/exportations égal à 205,1% (largement au-dessus du seuil minimum de 150%), et celui de la VAN stock de la dette/recettes budgétaires égal à 329,5% (également au-dessus du seuil minimum de 250%), lesquels ratios constituent avec celui du service de la dette/exportation, les indicateurs de l'endettement dans le cadre de l'Initiative PPTE, la dette du Cameroun a été jugée insoutenable, le rendant ainsi admissible à l'Initiative en faveur des pays pauvres très endettés.

Cette dette se structure en trois principales composantes : la dette bilatérale, la dette multilatérale et la dette privée.

La dette bilatérale est consécutive à des prêts effectués d'Etat à Etat. La dette multilatérale est relative aux prêts accordés par les Organisations internationales relevant du droit public. Entrent dans cette catégorie la Banque mondiale (BIRD, AID, SFI), le FMI, la BAD et tous les autres Organismes financés par l'Organisation des pays producteurs de pétrole (OPEP). La dette privée quant à elle est consécutive aux prêts contractés auprès des banques privées.

En septembre 2000, la part des créanciers bilatéraux dans la dette extérieure du Cameroun représentait 70% alors que celle des créanciers multilatéraux était de 21% et 9% pour les créanciers privés. Comment le Cameroun est-il arrivé à cette situation de surendettement ?

IV.1.2. Les circonstances de l'endettement extérieur du Cameroun

Les éléments explicatifs de l'endettement extérieur du Cameroun se trouvent tant au niveau des conditions de l'endettement qu'à celui de l'utilisation de la dette.

Le choc pétrolier de 1973 marque le point de départ de l'endettement excessif des pays en développement. Comme d'autres pays en développement, le Cameroun a été candidat au bénéfice des pétrodollars issus de ce choc. Du côté des pays producteurs du pétrole, en effet, ce choc a généré des pétrodollars qui ont provoqué une sur-liquidité des banques. Ces pétrodollars devant être rémunérés, la concurrence interbancaire de plus en plus vive a amené ces banques à s'intéresser aux possibilités de « vendre » les crédits aux pays en développement, plus particulièrement à ceux susceptibles d'absorber des financements importants. S'appuyant sur la maxime selon laquelle « la dette de l'Etat est toujours soldée », ces banques ont considéré les prêts à ces pays comme de « bons risques ». C'est ainsi que les prêts ont été multipliés.

Le choc pétrolier qui s'est traduit par l'augmentation des prix du pétrole, a eu des incidences néfastes sur le fonctionnement des pays en développement. Le recours à l'endettement s'est alors imposé dans l'objectif d'accroître leurs débouchés et de redresser leurs balances commerciales touchées par l'augmentation du prix du pétrole. C'est ainsi que les pays industrialisés et les exportateurs ont multiplié les prêts aux pays en développement.

La politique économique des États-Unis a également joué un rôle dans l'endettement excessif des pays en développement. En effet, cette politique (monétarisme) a entraîné une augmentation des taux d'intérêts suite à la remonté du dollar. Cette remontée du dollar qui coïncide avec le second choc pétrolier, provoque un renchérissement de la dette libellée en dollars. A ce sujet et à titre d'exemple, le rapport sur la crise de la dette publié par le Comité permanent des affaires extérieures et du commerce international de la Chambre des communes mentionnait des exemples de prêts de 7% en 1977 dont les frais de service en 1980-1981 représentaient un intérêt de 20%. A cause de l'augmentation des taux d'intérêts, les emprunts se sont multipliés pour honorer le service de la dette, ce qui a précipité ces pays, dont le Cameroun, dans un endettement stérile.

L'endettement extérieur du Cameroun intervient dans un contexte marqué par le choc pétrolier et par l'augmentation des taux d'intérêts. Mais l'utilisation de la dette explique également cet endettement.

L'endettement extérieur du Cameroun, comme pour beaucoup d'autres pays débiteurs, s'explique également par l'utilisation de la dette. En effet, bon nombre de financements extérieurs ne se sont pas traduits par un investissement productif pouvant générer des revenus pour contribuer à leur remboursement. Le pays s'est endetté sans tenir compte de la capacité d'absorption de son économie et pour des projets dont la rentabilité était douteuse. C'est le cas par exemple de la « cellulose du Cameroun » (CELLUCAM), qui a été financée sur fonds autrichiens à un coût de 51,3 milliards de francs CFA. L'usine est aujourd'hui fermée alors que les camerounais continuent de payer la dette contractée pour sa construction.

Les conditions d'endettement et l'utilisation de la dette rendent compte des circonstances de l'endettement du Cameroun, circonstances somme toute similaires à celles de beaucoup d'autres pays en développement. Quelles en sont alors les conséquences ?

IV.1.3. Les conséquences de l'endettement extérieur du Cameroun

Du fait de l'utilisation qui en a été faite, la dette extérieure du Cameroun, au lieu de constituer un viatique pour son développement, est plutôt devenue un obstacle. Les conséquences de l'endettement extérieur du Cameroun s'observent à la fois au niveau du service de la dette et au niveau social.

L'endettement donne lieu à un remboursement et à une charge d'intérêt qui constitue la rémunération du capital emprunté. Le service de la dette a des répercussions immédiates au niveau des charges de l'Etat. En effet, la part du service de la dette a considérablement augmenté dans le budget public. En 1971, elle ne représentait qu'à peine 3% de la masse des dépenses de l'Etat. En 1981, elle en représentait 12%, et 23,4% si l'on prend en compte seulement le budget d'investissement public. Elle a considérablement crû à partir de 1982, constituant ainsi une lourde charge pour le pays.

Dans l'impossibilité de supporter la charge de la dette, en raison de la pression financière qu'elle exerce sur le budget de l'Etat, le Cameroun a accumulé d'importants arriérés de paiements. En mai 1997, les arriérés de la dette extérieure s'élevaient à 672,5 milliards de francs CFA, dont 249,4 milliards dus au Club de Londres, 186,3 milliards au Club de Paris et très peu aux organismes multilatéraux.

La théorie des stades de la balance des paiements qui prône le recours au financement extérieur pour soutenir la croissance s'est avérée appauvrissante pour le Cameroun, les contraintes du service de la dette mobilisant une bonne partie du budget du pays. Ces contraintes ont eu des répercussions sociales.

La dette extérieure du Cameroun, qui est en croissance exponentielle, pèse indirectement sur les populations. Les effets fournis pour assurer le service de la dette se sont traduits par les réductions considérables des budgets sociaux, par une diminution de la consommation intérieure et en définitive, par le détournement de fonds qui auraient pu servir à lutter contre la pauvreté.

De plus, la difficulté du Cameroun à assurer son service de la dette a été à l'origine des Programmes d'ajustement structurel (PAS) mis en oeuvre par le FMI et la Banque mondiale pour lui permettre d'honorer ses engagements vis-à-vis de ses créanciers (remboursement du capital et des intérêts de la dette). Les PAS ainsi mis en oeuvre ont aggravé la pauvreté et détérioré la situation des pauvres. En effet, les compressions budgétaires, la diminution des dépenses sociales exigées par les PAS ont eu des conséquences immédiates sur les différentes composantes de la pauvreté : baisse des revenus, accroissement du chômage notamment dans la fonction publique, diminution de la couverture des besoins essentiels, réductions des services sociaux....

Pour toutes ces raisons, l'endettement extérieur du Cameroun constitue pour lui un lourd fardeau et donc un frein pour son développement. C'est pour remédier à cette situation que le Cameroun a été admis à l'Initiative en faveur des pays pauvres très endettés.

IV.2. Le parcours du Cameroun dans l'Initiative PPTE

L'Initiative PPTE est un processus a deux grandes étapes : le point de décision et le point d'achèvement. Quelle est la situation du Cameroun dans cette Initiative ?

IV.2.1. Le point de décision

Cette première étape de l'Initiative PPTE a été franchie par le Cameroun en octobre 2000, après avoir respecté un certain nombre de mesures conditionnelles. Ces mesures sont les suivantes :

- l'exécution satisfaisante de son premier programme économique triennal ;

- l'adoption des stratégies sectorielles de la santé et de l'éducation ;

- la réalisation des progrès dans la mise en oeuvre des actions de court terme concernant les secteurs de santé (par exemple l'adoption le 30 juin 2000 de la stratégie sectorielle y compris l'estimation des besoins financiers sur trois ans), de l'éducation (par exemple la suppression du monopole dans la distribution des manuels scolaires), et dans le domaine de la gouvernance (par exemple l'adoption d'un programme anti-corruption, la publication le 30 juin 2000 d'un nouveau Code des marchés publics) ;

- l'élaboration d'un programme de lutte contre le SIDA ;

- la prise de contact avec les créanciers (exceptés le Club de Paris, la Banque mondiale et le FMI) pour leur notifier la décision des Conseils d'Administration sur l'éligibilité du Cameroun à l'Initiative PPTE renforcée ;

- la préparation d'une note sur l'état d'avancement des préparatifs au titre de l'opération du Club de Londres ;

- la prise de contact de manière informelle avec le Club de Paris sur les modalités du service de la dette pendant la période entre la fin du Vème Accord et le nouvel Accord aux termes de Cologne ;

- la poursuite de l'exécution satisfaisante et dans les délais requis du Crédit à l'ajustement structurel III (CAS III) ;

- l'adoption d'un DSRP intérimaire tenant compte des premières consultations participatives ;

- l'adoption d'un programme national de gouvernance accompagné d'une matrice d'actions détaillées ;

- l'établissement des arrangements institutionnels, comptables et budgétaires pour une meilleure utilisation des ressources supplémentaires au titre de l'Initiative PPTE.

Il s'agit pour ce dernier point de la mise en place d'un système d'exécution budgétaire, comptable et de trésorerie respectant la réglementation et les procédures nationales dans la perspective de la simplification et de la transparence en vue de faciliter le suivi de l'exécution des dépenses, notamment par la production des documents périodiques spécifiques.

Il s'agit également d'ouvrir un sous-compte spécial du trésor à la Banque des états de l'Afrique centrale (BEAC) sous l'intitulé PPTE/HIPC réservé au financement de dépenses éligibles dans le cadre de l'Initiative PPTE. Il s'agit enfin de la création d'un comité de suivi et de gestion des ressources PPTE/HIPC, composé de responsables administratifs impliqués dans le processus de l'exécution des dépenses relatives aux projets PPTE.

Toutes ces mesures ont permis au Cameroun d'atteindre le point de décision de l'Initiative PPTE en octobre 2000. Mais d'autres mesures ont été prises pour bénéficier de l'intégralité des mesures d'allègement de la dette au titre de cette Initiative. Il s'agit des mesures qui ont concouru à l'atteinte du point d'achèvement.

IV.2.2. Le point d'achèvement

L'atteinte de cette seconde étape de l'Initiative PPTE passe par la mise en oeuvre d'un ensemble de mesures encore appelées « déclencheurs » du point d'achèvement. Ces mesures sont relatives au DSRP, aux réformes structurelles et macroéconomiques, à la gouvernance et la lutte contre la corruption, aux secteurs sociaux.

Au niveau du DSRP, il est attendu que le DSRP final soit adopté, mis en oeuvre de manière satisfaisante et que la revue du premier rapport annuel soit acceptable.

Au niveau des réformes structurelles et macroéconomiques, les politiques macroéconomiques et structurelles prévues au point de décision doivent être mises en oeuvre de manière satisfaisante pendant la période intérimaire. Les économies réalisées au titre de l'Initiative PPTE doivent être également utilisées conformément aux critères retenus au point de décision. Ces réformes doivent viser la poursuite de l'assainissement des finances publiques, la stabilité macroéconomique, l'exécution satisfaisante du programme FRPC, la gestion conforme des ressources PPTE et la conclusion du crédit à l'ajustement structurel III (CAS III).

Au niveau de la gouvernance et de la lutte contre la corruption, les plans d'action du programme de gouvernance et du programme de lutte contre la corruption doivent être mis en oeuvre de manière satisfaisante. Le nouveau système de passation de marchés publics doit également fonctionner de façon satisfaisante. Il est aussi attendu que les Agences de régulation dans les industries (eau, électricité, téléphone...) soient fonctionnelles et exercent en toute indépendance. Il en est de même pour les plans d'action de gestion des finances publiques qui doivent être appliqués avec satisfaction. A ceci s'ajoutent la création de la Chambre des comptes, la création du Conseil constitutionnel, l'Audit des marchés publics, le suivi de la mise en oeuvre des mesures de réformes pour la santé et l'éducation, la publication des résultats de l'exercice de suivi de l'exécution du budget et la publication des résultats de l'enquête auprès des usagers.

Au niveau des secteurs sociaux, les conditionnalités concernent le secteur de l'éducation et de la santé.

Dans le secteur de l'éducation, la stratégie sectorielle doit être mise en oeuvre de manière convenable et dans les délais impartis. Une attention particulière doit être accordée à la promulgation d'une nouvelle loi sur l'enseignement privé, l'adoption d'un nouveau statut des enseignants et les décrets d'application y afférents, et la décentralisation effective de la gestion des enseignants.

Dans le secteur de la santé, l'accent doit être mis sur l'exécution de la stratégie qui prévoit entre autres l'accroissement du budget de la santé qui doit passer de 4 à 7% du budget total de l'Etat et l'augmentation de la dotation budgétaire allouée aux soins de santé primaire. Il doit également être adopté un plan de financement de la santé préventive, y compris des arrangements de nature à favoriser l'accès de ceux qui ne peuvent pas payer. Le taux de vaccination des enfants devra également être porté à 70%.

L'examen de l'application de ces mesures par le gouvernement camerounais a été jugé non satisfaisante par les Institutions de Bretton Woods en 2004. Après l'obtention d'un moratoire auprès de ces Institutions,c'est à la fin du premier trimestre 2006 que le Cameroun a atteint le point d'achèvement . L'atteinte de ce point permettra au Cameroun de bénéficier de la totalité des allègements de la dette prévue au titre de cette Initiative qui mobilise beaucoup d'attention. Quels en sont véritablement les atouts ?

IV.2.3. Les atouts supposés de l'Initiative PPTE

L'avènement de l'Initiative PPTE augure de nouveaux espoirs le combat pour le bien-être des populations des pays bénéficiaires. Conçue pour pallier les insuffisances des initiatives précédentes, l'Initiative PPTE, dans les pays bénéficiaires en général et au Cameroun en particulier, est créditée de nombreux atouts par rapport aux initiatives de développement antérieures. Ces atouts s'articulent autour de ses objectifs et de son approche du développement.

L'Initiative PPTE vise à la fois la réduction substantielle de la dette extérieure publique et la réduction de la pauvreté dans les pays concernés. S'agissant de la réduction de la dette extérieure publique, le montant du bénéfice attendu au titre de L'Initiative PPTE, selon les Institutions de Bretton Woods, se chiffre à 2 milliards de dollars, soit l'équivalent de 1400 milliards de FCFA dus au 30 juin 1999, après le recours aux mécanismes traditionnels de réduction de la dette. Ce bénéfice tiré de l'allègement de la dette extérieure publique est supposé conduire à la réduction de la pauvreté en vertu du lien que l'Initiative PPTE établit entre l'allègement de la dette et la réduction de la pauvreté.

En vertu de ce lien, l'Initiative PPTE s'inscrit dans le droit fil des objectifs de développement du millénaire. Le principe de l'Initiative PPTE recommande l'investissement des allègements de la dette ainsi collectés dans les projets sociaux à grand impact sur la réduction de la pauvreté. Ainsi, les secteurs de la santé, de l'éducation, des infrastructures, du développement et de la lutte contre la corruption sont des secteurs à incidence directe sur la pauvreté visés par l'Initiative. A terme, l'Initiative est supposée réduire la pauvreté à travers l'investissement des fonds collectés dans les projets relevant de ces différents secteurs. En plus de ces atouts relatifs à ses objectifs, l'Initiative PPTE est aussi créditée par son approche.

L'approche préconisée par l'Initiative PPTE prévoit la mise en oeuvre d'un processus participatif pour la définition des politiques de lutte contre la pauvreté. Cette approche est en rupture avec les pratiques antérieures qui consistaient pour l'essentiel à définir de l'extérieur des politiques que les pays étaient chargés d'appliquer. Le processus de participation dans le cadre de l'Initiative PPTE débouche sur l'élaboration du DSRP dont la mise en oeuvre satisfaisante est l'une des conditions pour l'admission à l'allègement total des dettes prévues dans le cadre de cette Initiative.

Le concept de processus participatif vise trois objectifs : l' « appropriation » des politiques par les pays concernés, à travers l'implication active de l'ensemble des acteurs de la société dans l'élaboration, le suivi et la mise en oeuvre de la stratégie de lutte contre la pauvreté ; l' « insertion » des pauvres, invités à s'exprimer et à participer à la définition des politiques ; enfin, la « responsabilité démocratique » du gouvernement, appelé à rendre compte à sa population sur les résultats de ses politiques et sur sa gestion budgétaire.

En somme, l'Initiative PPTE, de par ses objectifs et son approche, rompt avec les initiatives de développement précédentes et est créditée de qualités favorables à la lutte contre la pauvreté dans les pays bénéficiaires. Malgré ces mérites qui lui sont reconnus, elle n'est pas exempte de critiques. Loin s'en faut, sa portée pratique semble limitée tant en ce qui concerne le volume des ressources y relatives que les critères d'admissibilité.

IV. APERÇU CRITIQUE DE L'INITIATIVE PPTE

L'Initiative PPTE fait l'objet d'un certain nombre de critiques d'ordre général. Ces critiques sont relatives au volume des ressources y afférentes et aux critères d'admissibilité.

V.1. Critiques relatives au volume des ressources PPTE

Ces critiques sont principalement tenues par les ONG et les associations chrétiennes anglaises dans le cadre de la campagne « Jubilé 2000 ». Elles estiment que les mesures d'allègement de la dette prises dans le cadre de l'Initiative PPTE sont insuffisantes pour résoudre le problème de l'endettement des pays bénéficiaires de cette Initiative. Par conséquent, elles proposent une annulation totale sans conditions des dettes desdits pays.

A ce propos, le FMI affirme que cette proposition ne pourrait à elle seule suffire pour résoudre les obstacles à une croissance durable des pays pauvres très endettés (PPTE). Pour lui, en effet, l'absence de conditionnalités amènerait certains PPTE à utiliser les économies réalisées à d'autres fins, par exemple pour le financement des dépenses militaires.

La critique relative au volume de ressources trouve une illustration dans le cas du Cameroun. En effet, bien que le Cameroun soit admis à l'Initiative PPTE, le service nominal de la dette reste important et pourrait même absorber une bonne partie des dépenses sociales.

Il apparaît donc qu'en l'absence d'apports extérieurs substantiels, l'Initiative PPTE pourra être insuffisante pour l'atteinte des objectifs de développement du millénaire fixés pour 2015.

V.2. Critiques relatives aux critères d'admissibilité

L'admission à l'Initiative PPTE est subordonnée à des critères qui paraissent trop restrictives et défavorables à certains pays pauvres très endettés qui, pour des raisons diverses (conflits internes ou frontaliers, instabilité politique), ne peuvent remplir l'ensemble des conditions exigés.

La définition du principe de la soutenabilité, pour ne citer que cet exemple, est aussi restrictive puisqu'elle est définie par rapport aux exportations, alors qu'elle aurait pu prendre en compte les spécificités économiques propres aux pays candidats à l'Initiative.

Toutes ces critiques et bien d'autres non évoquées ici, concourent à la démonstration d'une certaine réalité, à savoir la difficulté de l'Initiative PPTE à produire les résultats escomptés.

Ce chapitre consacré à l'Initiative PPTE nous a conduit à l'exploration des contours théoriques et pratiques de cette Initiative. Il apparaît que ce nouvel instrument de la politique de lutte contre la pauvreté se distingue des instruments précédents par le lien qu'il établit entre l'allègement de la dette et la réduction de la pauvreté. De par ses objectifs et son approche, elle est créditée de qualités favorables à la lutte contre la pauvreté. Mais toutes ces qualités s'accompagnent des principes qui font obstacle à la réalisation de ses objectifs, à savoir la lutte contre la pauvreté. Et à propos, quelle en est la situation du Cameroun ?

Chapitre II :

PAUVRETE ET PROBLEMATIQUE DE la LUTTE CONTRE LA PAUVRETE AU CAMEROUN

Instrument principal de la politique de lutte contre la pauvreté, l'Initiative PPTE n'est accessible qu'aux pays dont le degré de pauvreté constitue un obstacle pour l'épanouissement présent et futur de leur peuple. L'admission du Cameroun à cette Initiative se justifie par son état de pauvreté. Qu'en est-il réellement ? En outre, cette Initiative consacre la politique de lutte contre la pauvreté au Cameroun. Comment se pose le problème de la lutte contre la pauvreté au Cameroun ? Telles sont les questions majeures auxquelles tente de répondre le présent chapitre.

I. LA PAUVRETE AU CAMEROUN

La tentative de radiographie de la pauvreté au Cameroun, comme partout ailleurs, se heurte à une question fondamentale dont la réponse s'impose d'entrée de jeu : qu'est-ce que la pauvreté ?

I.1. La pauvreté : approche théorique

L'intelligibilité du concept de pauvreté passe par sa définition et son approche typologique.

I.1.1. La pauvreté : essai de définition

Du latin paupertas, paupertatis, qui veut dire « état d'une personne qui manque de moyens matériels, d'argent ; insuffisance de ressources », synonyme de besoin, dénuement, gêne, indigence, nécessité, privation, la pauvreté est une réalité aux contours multiples et difficiles à cerner. Des structures de lutte contre la pauvreté aux pauvres eux-mêmes, il existe une multitude de définitions de la pauvreté.

Pour la Banque mondiale,

« La pauvreté est synonyme de privation et de vulnérabilité : privation d'une nutrition adéquate, de soins de santé rudimentaires, d'une éducation de base et de possibilités impossibles à saisir ».

La pauvreté se caractérise, d'après la Banque toujours, par un profond dénuement, un manque aigu de bien-être :

« Etre pauvre, c'est avoir faim, ne pas avoir un toit ni de vêtements décents, être malade et ne pas pouvoir se faire soigner, c'est être illettré et sans instruments ».

Pour le PNUD,

« La pauvreté est un phénomène complexe qui désigne généralement une insuffisance de ressources et une privation de possibilités de choix et d'opportunités qui offriraient aux individus des conditions de vie décentes ».

Selon le PNUD toujours, la pauvreté possède une multiplicité d'images à travers lesquelles s'expriment les mauvaises conditions de santé ou d'éducation, le manque d'accès au savoir, l'impossibilité d'exercer des droits civiques, l'absence de dignité et de confiance personnelle, la dégradation de l'environnement.

Ces définitions, pour ne citer que celles de ces deux structures de développement, constituent le préalable notionnel qui s'impose aux structures de lutte contre la pauvreté et leur permet d'orienter leurs actions dans cette lutte.

Pour les autorités camerounaises, s'inspirant des consultations participatives en vue d'élaboration du DSRP,

« La pauvreté est avant tout le manque de ressources matérielles ou financières pour satisfaire les besoins essentiels des individus. Au nombre de ces besoins figurent l'alimentation, le logement, les soins de santé, l'éducation, l'approvisionnement en eau potable etc. ».

La perception des populations est également une approche importante dans l'explication et le combat contre la pauvreté. Comment les populations camerounaises définissent-elles la pauvreté ?

Dans leur vécu quotidien, tout comme dans l'évaluation quantitative, les éléments liés au revenu caractérisent la pauvreté au Cameroun. Selon les populations,

« Etre pauvre, c'est manquer des ressources financières pour satisfaire les besoins essentiels ».

Pratiquement,

« La pauvreté c'est la difficulté d'accès à l'eau potable, à l'électricité, aux produits de première nécessité, le manque de routes, de moyens de communications ».

Ou encore,

« La pauvreté, ce sont les écoles éloignées, le manque d'enseignement effectif dans les écoles [...]. Le pauvre, c'est aussi une personne en mauvaise santé et qui a des difficultés d'accès aux soins médicaux ».

Ces diverses définitions de la pauvreté nous situent sur la réalité du phénomène. Que l'on soit du côté des structures de lutte contre la pauvreté ou de celui des pauvres, une constance se dégage : la pauvreté traduit l'impossibilité de satisfaire un certain nombre de besoins vitaux. Le manque de ressources, la précarité, la vulnérabilité et l'exclusion sont caractéristiques de la pauvreté. Mais la complexité de cette réalité ne permet pas de saisir tous ses contours. D'où la nécessité d'une approche typologique de la pauvreté.

I.1.2. La pauvreté : approche typologique

Plusieurs critères permettent de circonscrire le concept de pauvreté : le critère d'évaluation, le critère de profondeur, le critère d'ampleur, le critère chronologique ou temporel, le critère de nature.

I.1.2.1. Typologie selon le critère d'évaluation de la pauvreté

Deux approches ont cours en matière d'évaluation de la pauvreté : l'approche monétaire et l'approche humaine. De ces approches découlent la pauvreté monétaire et la pauvreté humaine.

I.1.2.1.1. La pauvreté monétaire

Dans l'approche monétaire, la pauvreté est appréhendée à partir d'un seuil de pauvreté qui varie d'une région à l'autre, d'un pays à l'autre. Ainsi, pour les pays en développement, le seuil de pauvreté est fixé à un dollar par jour et par personne, alors que pour les pays de l'Europe de l'Est et de la Communauté des Etats Indépendants (CEI), le seuil établi est de 4 dollars par jour et par personne.

Dans cette perspective, est pauvre tout individu incapable d'atteindre le seuil établi par jour, ce seuil s'exprimant en terme monétaire. Cette approche qui a longtemps prévalu dans l'évaluation de la pauvreté et du développement, a fait l'objet de critiques pour autant qu'elle occulte l'aspect qualitatif du développement. D'où la promotion de l'approche humaine.

I.1.2.1.2. La pauvreté humaine

Contrairement à l'approche monétaire, « l'approche par les manques » caractérise la pauvreté humaine, laquelle pauvreté se préoccupe des conditions des pauvres dans leur milieu. La pauvreté humaine se réfère aux potentialités qu'un individu est en mesure ou non de réaliser, en fonction des possibilités qui lui sont offertes. La pauvreté n'est pas seulement indigence mais aussi manque d'opportunités réelles. C'est cette approche qui semble de nos jours rendre compte de la pauvreté dans son effectivité. Cette notion de pauvreté humaine a été mise sur pied et vulgarisée par le PNUD qui en a fait son sujet de prédilection.

I.1.2.2. Typologie selon la profondeur de la pauvreté

Selon le critère de profondeur ou de degré, qui renvoie à une approche verticale, la pauvreté a été catégorisée en deux : « la pauvreté absolue [...] la pauvreté relative ». Mais le PNUD identifie bien plus. Il y ajoute la pauvreté extrême.

I.1.2.2.1. La pauvreté relative

C'est la forme de pauvreté dans laquelle les pauvres « peuvent avoir juste fait face à leurs besoins fondamentaux minimaux, mais avoir des ressources limitées qu'ils n'ont pas les moyens de participer suffisamment à la vie de la société ». Pour établir la pauvreté relative, on procède par une classification croissante des ménages selon leur niveau de dépenses. Puis, on considère les populations dans la proportion de 30% ou 40% comme relativement pauvres.

I.1.2.2.2. La pauvreté absolue

Cette forme de pauvreté que le PNUD désigne encore « pauvreté générale »se réfère à un état où il y a impossibilité de faire face aux besoins fondamentaux minimaux pour une vie acceptable. C'est « l'impossibilité d'un ménage ou d'un individu de satisfaire à la fois tous les besoins au minimum qui permettent une vie décente ». Cette forme de pauvreté se constate en établissant un chiffre de revenus en deçà duquel les besoins ne sont pas satisfaits.

I.1.2.2.3. La pauvreté extrême

Cette forme de pauvreté traduit un état de dénuement, de gêne, d'indigence, de besoin et de privation. Dans ce cas, les victimes risquent leur vie à court terme si elles ne sont pas traitées comme des personnes en danger. C'est ce que Riddel et Robinson appellent « chronical poverty ». Pour eux, « the chronically poor are those whose income levels remain below a given poverty-line by minimum consumption standards: they suffer from acute deprivation ».

I.1.2.3. Typologie selon l'ampleur de la pauvreté

Le critère d'ampleur renvoie à l'approche horizontale de la pauvreté. La pauvreté peut être individuelle ou de masse.

I.1.2.3.1. La pauvreté individuelle

La pauvreté individuelle renvoie à la question de besoins essentiels. Elle est perçue d'abord comme une situation de marginalité. Le pauvre est alors celui qui n'a pas de moyen de faire ce que réalisent les autres membres du groupe ayant un statut voisin du sien. La pauvreté isole et, dans une certaine mesure, « désocialise » l'individu en le privant des comportements types du groupe en ce qui concerne les consommations et le genre de vie. La pauvreté individuelle, selon Marc Penouil, est une situation difficile à cerner.

I.1.2.3.2. La pauvreté de masse

Cette forme de pauvreté selon le PNUD est fondamentalement liée à l'âpreté des conditions géographiques et économiques d'un groupe social ou d'une communauté donnée. C'est une forme de pauvreté structurelle et persistante qui va au-delà de l'insuffisance des ressources financières. L'hostilité de l'environnement économique global explique souvent cette pauvreté que l'on rencontre dans certaines localités des provinces de l'Extrême Nord et de l'Est du Cameroun.

I.1.2.4. Typologie selon le critère chronologique

Dans cette typologie, on distingue la pauvreté ancienne et la pauvreté nouvelle.

I.1.2.4.1. La pauvreté ancienne

Comme son nom l'indique, c'est une pauvreté ancienne et persistante. Elle est le plus souvent génératrice des autres formes de pauvreté. Elle peut être due aux conditions géographiques et économiques d'une société ou d'un pays.

I.1.2.4.2. La pauvreté nouvelle

Cette forme de pauvreté renferme ceux que la Banque mondiale désigne « the new poor ». C'est une forme de pauvreté due le plus souvent à une rupture du niveau des revenus. Les caractéristiques de l'organisation sociale et les mutations politico-économiques sont porteuses de cette forme de pauvreté. Elle naît des événements qui prennent des proportions et produisent des conséquences qui auraient été moindres dans un autre contexte. Comme expliquent Riddel et Robinson,

«The new poor are those who were previously above the poverty-line but have since joined the ranks of the poor as result of economic recession or structural adjustment programs».

Les milliers de déflatés de la fonction publique et du secteur privé camerounais comptent parmi les nouveaux pauvres.

I.1.2.5. Typologie selon le critère spatial

La pauvreté s'exprime aussi en fonction du milieu ou de la zone où elle sévit. Ainsi parle-t-on de la pauvreté rurale et de la pauvreté urbaine.

I.1.2.5.1. La pauvreté rurale

C'est une pauvreté caractéristique des zones rurales. Outre la faible productivité de l'agriculture, la principale cause de pauvreté rurale est la difficulté d'accéder aux facteurs de production (sol et capital) et à la ressource vitale que constitue l'eau.

Combattre efficacement cette forme de pauvreté suppose des réformes agraires améliorant l'accès aux ressources et aux facteurs de production, ainsi que des activités de formation, de recherche agronomique. La pauvreté au Cameroun touche en grande partie la population rurale. La pauvreté rurale entraîne l'exode rural et les migrations interrégionales qui déplacent le problème dans les zones urbaines.

I.1.2.5.2. La pauvreté urbaine

C'est une forme de pauvreté caractéristique des zones urbaines. L'exode rural, la montée du chômage qui entraîne des phénomènes tels que la prolifération de l'habitat spontané, l'insalubrité et l'insécurité sont à l'origine de cette forme de pauvreté. La pauvreté urbaine s'évalue non seulement sur des critères de revenus mais également sur ceux qui concernent les conditions de vie qui déterminent implicitement la capacité à produire un niveau monétaire suffisant d'une part, et la capacité à générer une croissance libératrice de la misère d'une part. Plus de la moitié des populations urbaines au Cameroun vit actuellement dans des quartiers sous-équipés et dans des conditions très précaires.

I.1.2.6. Typologie selon la nature des ressources

La pauvreté s'exprime aussi en terme de nature de ressources. Ainsi pourra-t-on parler de pauvreté matérielle et de pauvreté non matérielle.

I.1.2.6.1. La pauvreté matérielle

Cette forme de pauvreté s'exprime en terme de manque de ressources matérielles. Les ressources alimentaires, les infrastructures sanitaires, scolaires, l'habitat, constituent autant de ressources dont le manque traduit la pauvreté matérielle.

I.1.2.6.2. La pauvreté non-matérielle

Il s'agit, dans ce type de pauvreté, de manque de ressources non matérielles, non palpables. La pauvreté intellectuelle, la pauvreté morale, la pauvreté spirituelle, relèvent de la pauvreté non-matérielle. Ainsi peut-on être matériellement riche et intellectuellement, moralement et spirituellement pauvre et vis-versa.

La typologie de la pauvreté ainsi élaborée permet d'avoir un aperçu des contours de la pauvreté. Que peut-on dire de la pauvreté au Cameroun ? Plus précisément, quel en est le profil ?

I.2. Champs d'expression saillante de la pauvreté au Cameroun

Plusieurs études permettent d'identifier les champs d'expression de la pauvreté au Cameroun. L'enquête sur les conditions de vie des ménages menée en 1996 fournit des indications sur l'ampleur et les manifestations de la pauvreté au sein des populations camerounaises. Les résultats de cette opération révèlent que la pauvreté touchait 50.5% environ des populations camerounaises en 1996. En mars-avril 2000, le gouvernement a engagé un processus de consultations participatives sur la pauvreté au Cameroun. Les résultats de ces consultations, associés à ceux d'ECAM II de 2001, ont permis l'élaboration du Document de stratégie de réduction de la pauvreté au Cameroun(DSRP). D'après ce document, la pauvreté au Cameroun se dessine dans divers secteurs, notamment l'emploi, l'éducation, la santé et l'habitat.

I.2.1. Le domaine de l'emploi

La re-structuration des entreprises du secteur public et parapublic, qui a entraîné la fermeture de certains établissements et le gel des recrutements à la fonction publique, et les mesures d'allégement des effectifs ont engendré une forte montée du chômage. Entre 1984 et 1991, le niveau de l'emploi a baissé de 10% et le chômage a atteint le taux de 17% en 1995. « Le phénomène du chômage au Cameroun touche près de 22% de la population active, et atteint 24% et 31% dans les grandes métropoles, 4% dans la zone rurale. ».

Le chômage frappe principalement les jeunes et les femmes, entraînant un fort développement du secteur informel qui crée des emplois du reste précaires.

En plus des conséquences de la crise économique, l'inadéquation entre le système éducatif et le marché du travail contribue à aggraver la situation de l'emploi au Cameroun.

I.2.2. Le domaine de l'éducation

Les difficultés dans le domaine de l'éducation sont liées, à la fois, à la situation socio-économique des parents et du Gouvernement.

Les familles les plus démunies connaissent plus de difficultés pour scolariser leurs enfants, compte du coût de scolarité élevé et de la baisse des revenus.

Du côté du gouvernement, la baisse de l'enveloppe budgétaire s'est traduite par l'insuffisance des structures d'accueil due à l'arrêt des constructions des salles de classes, la dégradation du ratio élèves/enseignants sous l'effet du gel des recrutements d'enseignants, l'insuffisance de matériels didactiques et autres auxiliaires d'enseignement et d'apprentissage. Les difficultés de ce secteur se sont aussi traduites par l'absence d'équité et l'inefficacité de la gestion du système. L'enseignement technique et de la formation professionnelle et l'enseignement supérieur, ont connu des développements similaires.

I.2.3. Le domaine de la santé

Les difficultés dans le domaine de la santé sont quasi-identiques à celles de l'éducation. Les contractions budgétaires ont conduit à l'arrêt des constructions et d'acquisitions d'équipements des formations sanitaires à l'arrêt du recrutement des personnels sanitaires dans la fonction publique et l'insuffisance de ce personnel en quantité et en qualité. De plus, le personnel est inégalement reparti sur l'ensemble du pays et connaît un faible rendement suite à la baisse drastique des salaires des personnels de l'Etat. Comme résultats, les principaux ratios d'indicateurs de performance se sont détériorés par rapport aux normes de l'organisation mondiale de la santé (OMS), notamment un médecin pour 10.000 habitants (contre 1 pour 3.000) et un infirmier pour 2250 (contre 1 pour 1.000).

La dégradation du système sanitaire intervient de manière concomitante à l'apparition de nouveaux défis qui interpellent le secteur de la santé. Il s'agit notamment du VIH/SIDA dont la prévalence a progressé de 2% à 11.8% entre 1992 et 2002, de la recrudescence de la tuberculose et de la persistance du paludisme. Cette situation entraîne une dégradation de la santé des populations camerounaises et une diminution du capital humain en quantité et en qualité, ce qui constitue un obstacle à la croissance économique et enfin un développement du Cameroun.

I.2.4. Le domaine de l'habitat

L'habitat, entendu au sens du logement et de ses équipements, est un domaine privilégié à travers lequel on peut mesurer les effets de la pauvreté. Les difficultés ici sont liées aux coûts de matériaux de construction et aux difficultés d'accès à la propriété foncière. Les ménages pauvres sont propriétaires de logements essentiellement précaires. Dans ce cadre de vie, 26.2% ont accès à l'eau potable, 98% font la cuisine au feu de bois ou au charbon de bois et moins de 1% bénéficient d'un éclairage à l'électricité.

Cette présentation de ces domaines saillants de la pauvreté au Cameroun suscite le questionnement quant aux déterminants de cette pauvreté.

I.3. Les déterminants de la pauvreté au Cameroun

Plusieurs facteurs déterminent la pauvreté au Cameroun. Aux déterminants naturels et économiques, s'ajoutent les déterminants socioculturels.

I.3.1. Les déterminants naturels de la pauvreté au Cameroun

Sur ce plan, les principaux déterminants de la pauvreté au Cameroun sont, selon le PNUD, les disparités régionales en ressources naturelles. A cela s'ajoute l'enclavement de certaines régions.

Pour le cas des disparités régionales, le Cameroun est dans l'ensemble bien fourni en ressources naturelles, tant sur le plan hydro-agricole que géologique. Cependant, la répartition spatiale de ces ressources est très inégalitaire. De ce fait, le potentiel de développement, et donc la vulnérabilité ou non à la pauvreté est très contrastée d'une région à l'autre.

Des consultations participatives qui ont permis de mieux cerner les facteurs de pauvreté tels que perçus par les pauvres, il ressort que l'enclavement de certaines régions en matière de routes et de pistes rurales est l'une des causes majeures de la pauvreté. Cet enclavement nuit à la capacité des populations desdites régions d'évacuer leur production vers les marchés, ou de s'approvisionner à des coûts raisonnables. Plus généralement, cette préoccupation rejoint celle de l'accès des populations aux infrastructures de base.

I.3.2. Les déterminants économiques de la pauvreté au Cameroun

Ces déterminants s'expriment à deux niveaux : l'un exogène et l'autre endogène.

I.3.2.1. Les déterminants exogènes

Le Cameroun, à l'instar de la plupart des pays en voie de développement, a une « économie fortement ouverte ». L'évolution de l'environnement international et les aspects des relations économiques ont des répercussions significatives sur le comportement de certains indicateurs socioéconomiques. Ainsi, la dégradation des termes de l'échange qui est intervenu à la seconde moitié de la décennie 1980 et qui a constitué un facteur d'appauvrissement du pays, a conduit à un alourdissement de la dette extérieure, dette contractée pour compenser la chute drastique des recettes d'exportation.

I.3.2.2. Les déterminants endogènes

Pour lutter contre la crise économique déclenchée au milieu des années 80, le gouvernement a adopté dans le cadre du programme d'ajustement structurel et sous l'égide des bailleurs de fonds internationaux, des politiques macro-économiques dont le but premier était la stabilisation des finances publiques.

Le gouvernement a mis en oeuvre une politique de rigueur budgétaire qui a eu des effets sur les services sociaux de base (eau, éducation, santé, etc.) et a réduit considérablement les revenus des employés de l'Etat. La re-structuration des entreprises des secteurs publics et parapublics, et la sévérité des difficultés économiques dans plusieurs entreprises privées ont provoqué un chômage massif. Certaines politiques sectorielles ont eu pour conséquence de fragiliser la situation sociale des travailleurs et de dégrader les conditions de vie des populations.

La libéralisation des filières agricoles est aussi ressentie par les populations comme l'une des causes de la pauvreté. Ses effets négatifs les plus dénoncés sont l'absence d'encadrement des planteurs, la hausse des prix des intrants, la pratique des bas prix d'achat aux planteurs.

I.3.3. Les déterminants socioculturels de la pauvreté au Cameroun

A côté des déterminants naturels et économiques de la pauvreté, se trouvent d'autres types d éléments qui, sans toutefois être mesurables ou quantifiables, sont à l'origine de la pauvreté au Cameroun.

Au nombre de ces éléments se recensent la perte des valeurs morales, l'absence de la considération sociale, la perte de la solidarité familiale, les pratiques de sorcellerie, la thésaurisation du patrimoine matériel dans certaines régions et des préjugés à l'encontre des groupes sociaux à culture et mode de vie différents. Les résultats des consultations de janvier 2002 complètent la liste des déterminants socioculturels de la pauvreté au Cameroun, avec des facteurs tels que « les mauvaises pratiques religieuses », la mauvaise gestion des conflits agriculteurs-éleveurs, l'insécurité ambiante dans certaines localités, le manque d'esprit associatif, le renforcement du tribalisme et du sectarisme.

Les populations décrient aussi la mauvaise gouvernance qu'elles attribuent à la corruption, aux détournements des deniers publics, à l'impunité, au monnayage des services publics, à l'absence de la décentralisation et à la répartition inégale des fruits de la croissance. Ces derniers éléments constitutifs des déterminants socioculturels de la pauvreté au Cameroun sont la résultante d'une l'absence de conscience nationale.

La combinaison de tous ces déterminants constitue un véritable appareil de production et d'entretien de la pauvreté au Cameroun. C'est pourquoi malgré la succession des politiques de développement, «la pauvreté au Cameroun est encore synonyme de privation, de précarité, de vulnérabilité, de marginalisation, de destitution, de possibilités impossibles à saisir, d'inégalités... ».

C'est compte tenu de cet état de pauvreté auquel s'associe un niveau d'endettement considérable, que le Cameroun a eu accès à l'Initiative en faveur des pays pauvres et très endettés , laquelle Initiative consacre la politique de lute contre la pauvreté.

II. LA PROBLEMATIQUE DE LA LUTTE CONTRE LA PAUVRETE AU CAMEROUN

Avec l'avènement de l'Initiative PPTE, la politique de lutte contre la pauvreté a pris de l'ampleur au Cameroun et ne cesse de s'amplifier. Au-delà d'un incontestable effet de mode, cette politique suscite le questionnement quant à son impact sur le développement du Cameroun. Que faut-il entendre par lutte contre la pauvreté ? Comment en est-on arrivé là ? Quelle en est la perception sociologique ?

II.1. La lutte contre la pauvreté : Approche théorique

La lutte contre la pauvreté est un concept aujourd'hui à la mode dans le vocabulaire aussi bien du grand public que des acteurs nationaux et internationaux du développement. Au-delà du grand usage qui en est fait, et dans des perspectives pas toujours avouées, il n'en demeure pas moins que la lutte contre la pauvreté reste un concept à définir. Qu'est-ce que la lutte contre la pauvreté ? Quel en est le fondement théorique ?

II.1.1. La lutte contre la pauvreté : clarification conceptuelle

Des définitions sus-données de la pauvreté, il en ressort que la pauvreté implique toujours un manque partiel ou total d'accès à des ressources matérielles, économiques, sociales, politiques ou culturelles nécessaires à la satisfaction des besoins fondamentaux. Ainsi perçue, la pauvreté donne lieu à la mise sur pied d'un ensemble de mesures et d'actions en vue de son atténuation, de son amélioration et finalement de son éradication. Autrement dit, le concept de lutte contre la pauvreté met en exergue un ensemble de mesures et d'action en vue de l'atténuation, de l'amélioration& et finalement de l'éradication de la pauvreté. Cette lutte peut se faire par des méthodes directes ou indirectes.

La méthode directe de lutte contre la pauvreté consiste à soulager immédiatement un état de dénuement, par exemple sous forme d'aide humanitaire, de création d'emplois temporaires ou d'assurances sociales. Il s'agit en d'autres termes d'une méthode qui consiste à apporter des solutions ponctuelles à des situations de pauvreté données.

La méthode indirecte de lutte contre la pauvreté quant à elle, tend d'une part à améliorer dans son ensemble, le régime englobant toutes les classes sociales, d'autre part à renforcer des potentialités susceptibles d'être bénéfiques aux pauvres. La promotion de la bonne gouvernance, la démocratisation et la décentralisation, l'amélioration du cadre juridique, la lutte contre la corruption, la contribution à la stabilisation des équilibres socio-économiques sont autant de mesures indirectes de lutte contre la pauvreté. Ainsi clarifié, peut-on dire que le concept de lutte contre la pauvreté est nouveau ? Comment le rendre intelligible sans le situer dans le continuum historique ?

II.1.2. La lutte contre la pauvreté : mise en perspective historique

Comment combattre la pauvreté ? La réflexion sur la lutte contre la pauvreté plonge ses racines dans l'histoire de la pensée économique. En effet, la pauvreté est présente comme réalité à combattre, plus que comme thème de réflexion, dans la plupart des corps de doctrines économiques dès le XVIe - XVIIe siècle, avec les mercantilistes. Le mercantilisme a ainsi précédé l'école libérale, les réactions antilibérales et les théories néo-libérales.

Le mercantilisme est un ensemble de doctrines du XVIe et XVIIe siècle qui enseignait que le commerce devait faire reculer la pauvreté et enrichir les nations en leur permettant d'accumuler de l'or ou des devises. Selon cette doctrine, plus un Etat possède d'or, plus la pauvreté recule, et plus l'Etat est riche et puissant. La doctrine mercantiliste a pris trois formes différentes selon les nations où elle s'est développée : le bullionisme en Espagne, l'industrialisme en France et le commercialisme en Grande Bretagne.

Toutes ces doctrines mercantilistes n'ont pas résisté au poids des réalités économiques du XVIIIe siècle, les hommes du XVIe siècle n'ayant pas conscience des phénomènes inflationnistes du fait même de la pauvreté, c'est-à-dire de la rareté des biens et des moyens de paiement.

L'école libérale est ainsi nommée parce que ses représentants sont partisans d'une plus grande liberté économique : liberté d'entreprendre, d'acheter et de vendre, liberté de faire circuler les marchandises (libre-échangisme). Les libéraux mettent l'individu et ses comportements au centre de la vie économique , d'où parfois leur qualificatif d'économistes individualistes. La physiocratie est la plus ancienne des écoles libérales. Elle prétend que seule la terre est créatrice de richesses, et donc seule susceptible de lutter contre la pauvreté. La physiocratie a eu son importance du fait de la personnalité de ses défenseurs et de son influence sur la résolution française de 1789.

Dr Quesnay (1723-1790) est l'un des pères fondateurs de la physiocratie. Adam Smith (1723-1790), Thomas Robert Malthus (1766-1836) et David Ricardo (1772-1833) sont les ténors de l'école libérale.

Pour les libéraux, la pauvreté doit disparaître et les nations s'enrichir, pour peu que le marché joue son rôle pleinement. Ils pensent que dans la société les égoïsmes contradictoires des vendeurs et acheteurs s'annulent du fait de l'existence de la concurrence. Ainsi la pauvreté recule, les nations s'enrichissent sans que l'Etat intervienne.Les libéraux sont anti-interventionnistes.

Les antilibéraux se sont constitués en réaction contre l'école libérale. L'école protectionniste et les socialismes, dont le marxisme, ont été les opposants les plus radicaux de l'école libérale.

L'école protectionniste a pris son essor en Allemagne, avec Frédéric List (1789-1846) dont l'ouvrage « système d'économie politique » a été une véritable croisade protectionniste. Pour List, une nation est comparable à un enfant qui ne peut tout seul atteindre l'âge adulte, il faut donc l'aider par l'établissement d'un système protectionniste. La concurrence ne servirait que les Etats pauvres ou ceux qui se construisent.

Les courants socialistes ont été nombreux et variés au XIXe siècle. En dehors du marxisme, deux ont eu une grande importance : le saint-simonisme et le mouvement social-chrétien. Les saint-simoniens ont préconisé le collectivisme et ont voulu supprimer l'héritage. Mais toutes les tentatives des socialismes utopiques ont avorté les unes après les autres. Le catholicisme social est plutôt un réformisme social né dans les milieux catholiques au XIXe siècle sous l'impulsion d'Albert de Mun et Marc Sangnier. Ce mouvement est à l'origine des parties chrétiens-démocrates d'Europe occidentale et des mouvements de jeunesse catholique.

Le marxisme a l'ambition de restaurer le « communisme primitif » qui selon Marx, a existé avant l'appropriation de la terre ; le communisme est un idéal caractérisé par l'abolition de la propriété privée des biens de production et de consommation. Pour atteindre ce but suprême, Marx préconise une transition socialiste pendant laquelle seuls les biens de production seront collectivisés. Dans l'esprit de Marx, le communisme doit instaurer une société sans classes alors que dans le régime capitaliste, selon lui, les propriétaires exploitent les salariés qui ne possèdent que leur « force de travail ». Ainsi la pauvreté serait-elle artificiellement créée par le capitalisme.

Les théories néo-libérales sont promues et défendues par l'école mathématique, l'école marginaliste, le Keynésianisme et le monétarisme.

Fondée par le philosophe Cournot en 1838, l'école mathématique a été animée par Stanley Jevons en Grande Bretagne (1872), par Léon Walras en Suisse (1874) et Wilfried Pareto (1927), et aux Etats-Unis par Irving Fisher. Jevons et Walras étaient interventionnistes, et Pareto individualiste. L'apport de ces économistes pour l'étude de la pauvreté est celui d'avoir développé des analyses statistiques utiles à la compréhension du phénomène, et d'avoir étudié la rupture de l'équilibre général. Le mérite des économistes mathématiciens est donc d'avoir abordé scientifiquement les phénomènes économiques et sociaux du XIX et XX siècle.

L'école marginaliste est ainsi nommée parce que ses représentants ont effectué des calculs « à la marge ». En effet, l'école marginaliste insiste sur l'importance des facteurs psychologiques dans les comportements économiques.

Le Keynésianisme porte le nom de son fondateur, John Maynard Keynes. Keynes est surtout connu pour son ouvrage La théorie générale de l'emploi, de l'intérêt et de la monnaie, publié en 1936. Défenseur du capitalisme, Keynes croit indispensable l'intervention de l'Etat en temps de crise. Il préconise en ce cas, une intervention de l'Etat par des grands travaux et une politique économique appropriée (monétaire, fiscale et de déséquilibre budgétaire volontaire). Le keynésianisme a aussi bien inspiré le New Deal aux Etats-Unis (politique de Roosevelt en 1932) que beaucoup de politiques économiques en Europe après 1945. Ses analyses du chômage restent pertinentes à la fin du XXe siècle, même si les politiques keynésiennes ne sont pas aussi faciles à mettre en oeuvre qu'au milieu du XXe siècle. A titre d'exemple, les grands travaux ne nécessitent plus autant de main-d'oeuvre à la fin du XXe siècle qu'au milieu de celui-ci.

Milton Friedman de l'Ecole de Chicago est sans conteste le représentant de l'école néo-quantitativiste de l'économie : le monétarisme. D'après les monétaristes, pour juguler l'inflation, l'appauvrissement et les désordres qui en résultent, il faudrait et suffirait que les pouvoirs publics limitent la masse monétaire en circulation. Des politiques d'inspiration monétariste ont été menées aux Etats-Unis, pendant les deux premières années du président Reagan (1981-1982) ; en Grande Bretagne Thatchérienne (de 1979 à 1985) ; au Chili sous Pinochet à la même époque ; en France après 1986 ou en Allemagne, où des politiques du « franc fort » ou d'appréciation du mark ont été défendues et appliquées.

Toutefois, le monétarisme est jalonné de plusieurs écueils à savoir d'abord que l'inflation n'a pas que des causes monétaires, car il existe une inflation à facteurs internationaux et à raisons psychologiques, ensuite, des monétaristes ne définissent jamais avec exactitude ce qu'ils appellent la masse monétaire ; enfin, l'abondance des thérapeutiques montre qu'une politique monétaire ne suffit pas à juguler l'inflation, une politique fiscale par exemple peut y contribuer également.

Dans l'ensemble, les néo-libéralistes à la fin du XXe siècle insistent sur le rôle de l'Etat dans la lutte contre la pauvreté. Ils préconisent la diminution de l'intervention de l'Etat et la diminution ou la disparition de larges pans de la protection sociale. La protection sociale, à leurs yeux, aurait des inconvénients très importants : son coût prohibitif, son inutilité, son inefficacité et même sa nocivité. La protection sociale dissuaderait par exemple les chômeurs de rechercher un travail.

A l'issue de ce survol de la lutte contre la pauvreté dans la pensée économique, il apparaît que plusieurs doctrines ont été envisagées pour atténuer, améliorer et enfin éradiquer la pauvreté. Qu'il s'agisse du mercantilisme, du libéralisme, de l'anti-libéralisme ou du néo-libéralisme, il est question du rôle de l'Etat dans la lutte contre la pauvreté. Pour le mercantilisme, l'Etat doit entreprendre des activités génératrices de revenus pour s'enrichir et devenir puissant. Pour le libéralisme, l'Etat doit se retirer et donner libre cours à l'entreprise privée. L'anti-libéralisme par contre, préconise l'intervention de l'Etat dans la vie de la nation pour la restauration et la sauvegarde de l'égalité sociale. Pour le néo-libéralisme, l'Etat doit rétablir la libre concurrence économique et l'initiative individuelle tout en jouant le rôle d'arbitre, notamment en intervenant pour créer le cadre légal qui permet le fonctionnement du libre marché (intervention juridique) et en remettant en mouvement les éléments qui peuvent entraver l'équilibre du système (intervention économique).

De façon schématique, la lutte contre la pauvreté dans la pensée économique est passée de la phase de l'Etat-entrepreneur à celle de l'Etat néo-libéral, en passant par celles de l'Etat libéral et de l'Etat-providence. Ce regard rétrospectif sur la lutte contre la pauvreté suscite le questionnement sur le fondement théorique de la résurgence du concept de la lutte contre la pauvreté.

II.1.3. Fondements théoriques du concept de lutte contre la pauvreté : les théories néo-évolutionnistes et néo-libérales.

La résurgence du concept de lutte contre la pauvreté trouve son fondement à la fois dans la pensée socio-anthropologique (néo-évolutionnisme multilinéaire) et économique (néo-libéralisme) du développement.

Contrairement à l'évolutionnisme unilinéaire de Rostow qui trace les étapes essentielles et inévitables par lesquelles doivent passer les pays sous-développés pour atteindre le développement, le néo-évolutionnisme auquel est associé le nom de Talcott Parsons obéit à une démarche multilinéaire dans le processus de développement. Ce néo-évolutionnisme revient sur les études comparées des sociétés en essayant d'établir, à l'aide des apports du structuro-fonctionnalisme, des critères objectifs de classement des sociétés. Il retient le critère de la capacité d'adaptation créative aux réalités internes et externes.

Cette approche se distingue de celle des évolutionnistes unilinéaires en ce sens qu'elle ne postule pas un facteur unique d'explication de la réalité sociale, et récuse tout déterminisme social. La multiplicité des facteurs et leur agencement, une grande variabilité des conditions du changement obligent ainsi une prise en compte global des divers aspects techniques, institutionnels et culturels caractérisant chaque organisation sociale particulière.

Le néo-évolutionniste consacre un changement de perspective sur le développement et la nécessité d'une articulation entre développement et sociétés, ainsi que la multitude des voies pour y parvenir. Chaque société, dans la perspective néo-évolutionniste, doit penser son propre développement en fonction de ses propres valeurs.

Le néo-libéralisme quant à lui est une doctrine économique qui veut rénover le libéralisme en rétablissant ou en maintenant le libre jeu des forces économiques, l'initiative des individus et la recherche de l'intérêt personnel, par une action adéquate de l'Etat sur le plan juridique et économique. Pour les partisans de cette doctrine, le déclin du libéralisme tient à ce que la liberté juridique, la non-intervention de l'Etat n'ont pas suffi à maintenir l'équilibre spontané du libre jeu des lois économiques. Le principe de « laisser-faire, laisser- passer » a été interprété non comme un mot d'ordre révolutionnaire mais comme une règle conservatrice établissant la passivité de l'Etat. Cette attitude, qui a favorisé la concertation et le monopole, ainsi que la domination de l'économie par la finance, a tué la concurrence.

Le néo-libéralisme repose sur quatre principes : le refus de la croyance à une évolution fatale vers le collectivisme ; la priorité donnée à la recherche de l'intérêt personnel dans le cadre légal déterminé, sous la responsabilité sanctionnée par le risque du producteur et du consommateur ; la croyance à la non-nocivité de l'inégalité des conditions humaines, qui développe l'initiative, le goût du risque, le dynamisme productif ; la nécessité d'une intervention de l'Etat.

En prônant le recul de l'Etat-providence, le néo-libéralisme incite au désengagement de l'Etat de certains secteurs de la vie de la nation. Ainsi, la quête du bien-être des populations cesse d'être l'initiative exclusive de l'Etat. Aux acteurs étatiques s'ajoutent les acteurs non-étatiques nationaux et internationaux de développement. Le développement devient l'affaire de tous, l'Etat ne jouant plus que le rôle de régulateur. C'est autour de ce principe du néo-libéralisme que s'articule le concept de lutte contre la pauvreté. Les initiatives de développement de la Communauté internationale, de la société civile et des pauvres eux-mêmes traduisent dans la réalité ce principe.

En somme, le néo-évolutionnisme par son principe de diversification des voies de développement et d'articulation entre le développement et sociétés d'une part, et le néo-libéralisme par son principe de recul de l'Etat-providence et la promotion des initiatives non-étatiques d'autre part, sont à la base du concept de lutte contre la pauvreté. Le concept de lutte contre la pauvreté a donc pour fondement théorique le néo-évolutionnisme et le néo-libéralisme. Que dire alors de la vogue de la politique de lutte contre la pauvreté ?

II.2. La lutte contre la pauvreté : une politique au coeur de la problématique du développement

La politique de lutte contre la pauvreté constitue de nos jours un centre d'intérêts et de débats sur le développement des pays du Tiers Monde. Qu'est-ce qui explique l'émergence de cette politique et quels en sont les atouts ?

II.2.1. La lutte contre la pauvreté : les circonstances de l'émergence de la politique

Plusieurs raisons expliquent l'émergence de la politique de lutte contre la pauvreté dans le monde en développement. Jean-Pierre Cling et al. (Dir) en retiennent principalement trois qui ont conduit les Institutions de Bretton Woods (IBW) à effectuer un saut qualitatif dans ce domaine en lançant des stratégies de lutte contre la pauvreté. D'après eux, la progression de la pauvreté dans le monde, l'échec des Programmes d'ajustement structurel et la crise de légitimité des Institutions de Bretton Woods, ont favorisé l'érection de la politique de lutte contre la pauvreté.

La montée en puissance de la pauvreté est la première raison favorable à l'émergence de la politique de lutte contre la pauvreté. En effet, la progression de la pauvreté dans de nombreuses parties du monde a conduit à un recentrage des politiques de développement sur la question de la pauvreté. Bien que la prise de conscience du problème de la pauvreté dans les pays en développement soit l'aboutissement d'un long processus de maturation initié à la fin des années quatre-vingt par les Nations Unies, notamment l'UNICEF et le PNUD qui ont joué le rôle de précurseurs dans ce domaine, et malgré le retard accusé par les Institutions de Bretton Woods dans l'intégration de cette dimension dans leurs politiques, la pauvreté est une réalité qui prend de l'ampleur dans le monde. Quelles que soient les incertitudes sur les chiffres, la pauvreté est manifeste dans de nombreuses parties du monde au cours de ces dernières années. Son accroissement est particulièrement sensible en Afrique subsaharienne et dans les pays en transition d'Europe et d'Asie Centrale. Selon les statistiques de la Banque Mondiale, près de la moitié de la population mondiale vit avec moins de 2 dollars par jour et un cinquième avec moins de 1 dollar par jour, montant considéré habituellement comme le seuil de pauvreté absolue. Dans le cas de l'Afrique subsaharienne, 47% de la population vit en dessous de ce dernier seuil.

Certains pays semblent enfermés dans une véritable « trappe à pauvreté »comme en témoigne le doublement du nombre de pays les moins avancés (PMA) en trente ans. En 2001, on comptait 49 PMA alors qu'ils étaient 25 lors de la création de cette catégorie de pays.Compte tenu des tendances démographiques, la population de ces pays va tripler d'ici 2050 selon les projections des Nations Unies, passant de 660 millions à 1,8 milliards, pour représenter près de 20% de la population mondiale (contre 11% actuellement). Il est donc impératif de réagir pour éviter que des populations entières meurent littéralement de faim.

L'échec des Programmes d'ajustement structurel et la remise en cause du « Consensus de Washington » sont la deuxième raison qui a contraint les Institutions de Bretton Woods à changer de politiques.

Fondés sur le « Consensus de Washington », les programmes d'ajustement structurel étaient basés sur le triptyque stabilisation macroéconomique - libéralisme externe - libéralisme interne. L'échec de ces Programmes se lit dans les chiffres sus-évoqués. Après plus d'une vingtaine d'années d'ajustement structurel sous l'égide des Institutions de Bretton Woods, aucun succès durable n'a pu être exhibé. Même le « miracle asiatique » montré en exemple pendant des années aux Pays en développement est remis en cause depuis la crise de 1997. Il en est de même des programmes appliqués avec l'appui des IBW dans les autres grands pays émergents (Argentine, Brésil, Mexique, Turquie, etc.) et en transition (Russie), qui ont également connu des crises graves dont certains ne sont pas encore sortis. Quant aux bons élèves (front-runners) africains qui se sont succédés au panthéon des « success stories », aucun n'a réussi à tenir ses promesses dans la durée.

L'échec du « Consensus de Washington », dans la plupart des pays, est désormais reconnu par la Banque mondiale elle même comme l'atteste la critique de Stiglitz, ancien économiste en chef de cette Institution et prix Nobel d'économie en 2001 :

« Le FMI est supposé assurer la stabilité financière internationale. Quant à l'OMC, elle doit faciliter le commerce international. Malheureusement, la façon dont ces deux dernières Institutions cherchent à remplir leur mandat a probablement contribué à accroître la pauvreté (...). Le mélange des politiques de libéralisation et des politiques économiques restrictives imposées par le FMI a créé un cocktail aux effets dramatiques pour les pays en développement ».

En plus de la remise en question des stratégies passées, la crise de la dette multilatérale constitue l'autre conséquence fâcheuse de l'échec des PAS sur les pays en développement et sur les IBW. Cette crise résulte directement de vingt ans de prêts à moratoire sans croissance économique. Les Institutions financières, et tout particulièrement la Banque Mondiale, se retrouvent ainsi en première ligne d'une situation de surendettement des pays pauvres, où la composante multilatérale est progressivement devenue prépondérante.

Le troisième facteur de l'émergence de la politique de la lutte contre la pauvreté, qui résulte de deux autres ci-dessus est la crise de légitimité des IBW. Face à l'aggravation de la pauvreté dans le monde, à l'échec général des politiques promues par les IBW et à la crise de la dette qui en résulte, les critiques se sont multipliées à leur égard, leur réclamant un changement d'orientation. Ce changement constitue un moyen à un double niveau.

Il est d'abord un moyen de répondre à la « fatigue de l'aide » dans les pays développés, où les opinions publiques s'interrogent sur l'utilité de continuer à consacrer des efforts financiers aussi conséquents à l'aide au développement. Ainsi, pour lutter contre ce désenchantement, le thème de la pauvreté est manifestement porteur, ne serait-ce que dans une optique de solidarité humanitaire.

C'est également un moyen de répondre aux critiques de la société civile et des mouvements contestataires. C'est le cas de la décision du lancement du DSRP qui s'inscrit dans un contexte de critique de plus en plus virulente de l'action des Organisations internationales, qui a poussé les pays du G7 à lancer l'Initiative PPTE renforcée lors de leur sommet de Cologne en 1999, et qui a culminé ensuite lors de la conférence de Seattle en novembre 1999 et du sommet du G7 de Gênes en juin 2001.

Il apparaît que l'irruption de la politique de lutte contre la pauvreté sur le champ de la politique de développement tient à la progression de la pauvreté dans le monde, à l'échec des Programmes d'ajustement structurel ainsi que du « consensus de Washington » qui le fondait, et à la crise de légitimité des IBW. Quels peuvent être alors les atouts de l'émergence et de la consécration de cette politique ?

II.2.2. La lutte contre la pauvreté : les atouts supposés de la politique

Du fait de l'échec des stratégies passées, les principes de la politique de lutte contre la pauvreté l'ont créditée des qualités favorables à la réduction de la pauvreté. Cette politique repose sur le principe de la participation, lequel suppose la prise en compte des valeurs des populations bénéficiaires dans les initiatives de développement d'une part, et leur implication dans la mise en oeuvre des ces initiatives, d'autre part.

La prise en compte des valeurs des populations bénéficiaires dans les initiatives de développement est une modalité essentielle du principe de la participation. En effet, la démarche promue par la politique de lutte contre la pauvreté intègre la prise en compte des besoins exprimés par les bénéficiaires dans les initiatives de développement. Cette démarche consiste à partir non des modèles et théories de développement importés mais des pratiques quotidiennes concrètes des populations bénéficiaires. Elle exige la création au sein des communautés d'accueil, des conditions pour une appropriation des initiatives de développement qui leur sont destinées.

La démarche de la politique de lutte contre la pauvreté s'affranchit de la tutelle exclusive des bureaucrates et investit le terrain. La participation en matière de lutte contre la pauvreté vise à donner la parole aux populations bénéficiaires, car celles-ci connaissent mieux que quiconque leurs problèmes, leurs besoins. A travers l'approche participative, le peuple devient un véritable agent ou acteur de son développement par une définition de ses besoins prioritaires et des actions appropriées pour les satisfaire. Le passage d'une conception du développement privilégiant presque exclusivement les infrastructures matérielles à une autre qui réserverait une place aux structures sociales - de même que l'abandon progressif des modèles occidentaux ethnocentriques de développement au profit du respect des cultures locales - fait de la politique de lutte contre la pauvreté une politique de développement orientée vers des projets de développement tournés vers les acteurs locaux.

La participation des différents acteurs de la société est également une modalité indispensable du principe de la participation. Elle ouvre de nouvelles perspectives quant à la façon dont les initiatives de développement et les affaires nationales en général devront être conduites. En favorisant le respect du droit à l'information et à l'expression, la participation atteint un premier objectif de la politique de lutte contre la pauvreté, celui de s'attaquer à une des dimensions de la pauvreté, celle de l'exclusion et de la marginalisation.

La participation est supposée remédier aux dysfonctionnements de la démocratie dans les pays pauvres. Elle devrait ainsi renforcer les capacités et le pouvoir des corps intermédiaires (médias, syndicats, associations, etc.) dans l'élaboration, le suivi, le contrôle, l'évaluation et la réorientation des politiques. L'information, suivant cette optique, rend explicite les choix publics et accroît la transparence dans la gestion des affaires de l'Etat, tout en conférant aux différents acteurs de la société la possibilité d'exercer des pressions voire de sanctionner ce dernier en cas de défaillance. En bref, l'enjeu de la participation est d'assurer le principe de responsabilité démocratique (accountability), rendant l'Etat responsable de ses actions devant les citoyens.

En somme, le processus participatif, pour reprendre Jean-Pierre Cling et al, devrait aider à l'identification des alternatives aux options antérieures qui soient viables et cohérentes en permettant une plus grande prise en compte des spécificités nationales, une identification des véritables besoins de la population et une meilleure compréhension des logiques d'acteurs. Tels sont les atouts supposés de la politique de lutte contre la pauvreté. Que dire de l'émergence de cette politique au Cameroun ?

II.3. La politique de lutte contre la pauvreté au Cameroun : une volonté politique.

L'émergence et la consécration de la politique de lutte contre la pauvreté au Cameroun ont été rendues possibles par une volonté politique à la fois internationale et nationale.

II.3.1. La politique de lutte contre la pauvreté au Cameroun : une volonté politique de la communauté internationale

Bien que les Institutions de Bretton Woods aient mis plus de temps pour intégrer la question de la pauvreté dans leurs politiques, la prise de conscience du problème de la pauvreté dans les pays en développement est l'aboutissement d'un long processus de maturation initié dès la fin des années quatre-vingt.Les Nations Unies, et notamment le PNUD, y ont joué un rôle précurseur. Le Comité d'aide au développement (CAD) de l'OCDE et la Banque mondiale ont accompagné la marche vers la prise de conscience du problème de la pauvreté, ainsi que la consécration de la politique de lutte contre la pauvreté.

En publiant dès 1987 l'ouvrage « L'ajustement à visage humain », l'UNICEF alertait déjà sur les conséquences sociales néfastes des politiques d'ajustement structurel.

Tout au long des années 1990, plusieurs conférences internationales des Nations Unies ont contribué à la prise de conscience du problème de la pauvreté dans le monde. La Communauté internationale a réaffirmé sa volonté de lutter contre la pauvreté lors de ces rencontres. Le Sommet mondial pour le développement humain tenu à Copenhague en 1995, représente sans doute la plus importante de ces conférences. La Déclaration et le Programme d'action ratifiés à l'issue de ce Sommet ont fait de la réduction de la pauvreté une priorité du développement. Les participants ont recommandé l'éradication de la pauvreté dans le monde par des mesures décisives au niveau national et international.

La conférence de Copenhague n'a été qu'un maillon d'une chaîne de conférences qui se sont intéressées de près aux questions soulevées par la pauvreté dans le monde. La conférence sur « L'éducation pour tous » (Jomtien, Thaïlande : 1990), la conférence mondiale sur les droits de l'homme (Vienne, Autriche : 1993), la conférence mondiale sur les femmes (Beijing, Chine : 1995), la conférence sur les établissements humains « Habitat » (Istanbul : 1996), ont été autant d'étapes consacrées au plus haut niveau aux questions de politiques sociales étroitement liées à la lutte contre la pauvreté.

Dans la foulée, l'Assemblée générale des Nations Unies a proclamé 1996 « Année internationale de l'éradication de la pauvreté » et la décennie 1997-2006 « Première décennie des Nations Unies pour l'élimination de la pauvreté ». En 1996 toujours, le Comité au développement (CAD) de l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) a mis la pauvreté au centre de ses préoccupations. Ce qui a conduit à la définition des objectifs de développement du millénaire par les Nations en 2000. Le premier de ces huit objectifs propose de diviser par deux la population vivant dans une situation d'extrême pauvreté entre 1990 et 2015.

La Banque mondiale a accompagné ce mouvement de recentrage des politiques de développement sur la question de la pauvreté de manière indirecte et directe. D'abord de manière indirecte avec la mise en place du programme Dimensions sociales de l'ajustement (DSA), en association avec le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) et la Banque Africaine de développement (BAD), pour atténuer les effets négatifs de court terme des réformes sur les populations vulnérables. Puis de manière directe en consacrant en 1990 le Rapport sur le développement dans le monde à la pauvreté. Avec la publication de ce Rapport, suivi d'un second sur le même thème dix ans après, la Banque mondiale a affirmé l'importance qu'elle accordait à la lutte contre la pauvreté. La profusion des recherches sur la pauvreté et la production régulière des documents permettant de cerner les caractéristiques et les déterminants de la pauvreté dans chaque pays, participent des actions déployées par la Banque mondiale pour accompagner la politique de lutte contre la pauvreté dans le monde.

Parmi les actions les plus récentes de la Banque s'inscrivant dans cette même perspective, figure l'Initiative en faveur des pays pauvres et très endettés (IPPTE). Lancée en 1999, cette Initiative dont elle partage la paternité avec le Fonds monétaire international (FMI) place la lutte contre la pauvreté au coeur des politiques de développement.

Tous ces déploiements au niveau international ont contribué à la consécration de la politique de lutte contre la pauvreté dans les pays en développement. Mais la consécration de cette politique au Cameroun, comme dans bien d'autres pays en développement, n'aurait pas été possible sans une volonté politique nationale.

II.3.2. La politique de lutte contre la pauvreté au Cameroun : une volonté politique nationale.

En plus des déploiements de la Communauté internationale auxquels adhère d'ailleurs le Cameroun, la consécration de la politique de lutte contre la pauvreté au Cameroun a été favorisée par une volonté politique nationale. Bien que ces déploiements au niveau international se situent au début des années 1990, la période d'après crise économique marque le début des déploiements qui ont favorisé plus tard la consécration de la politique de lutte contre la pauvreté au Cameroun.

En effet, en réaction contre la crise économique qui a frappé le Cameroun à la fin de la première moitié de la décennie 80, les autorités camerounaises ont formalisé dans le cadre d'un outil documentaire de lutte contre la crise, la Déclaration de stratégies de relance économique (DSRE) (MINFI, 1989). Ce document traduisait aussi bien la prise de conscience de la gravité de la crise que l'impérieuse nécessité de mettre en oeuvre des politiques alternatives devant permettre d'en sortir. Il contenait ce qui a été appelé politique d'ajustement d'origine interne et prenait appui sur trois principes fondamentaux devant commander les différents volets des mesures à mettre en oeuvre à savoir la réduction progressive des contraintes qui entravent l'ouverture générale d'opportunités économiques (mécanismes concurrentiels et efficaces du marché) ; la réorientation du rôle de l'Etat pour en faire un intermédiaire facilitant les opérations du secteur privé et notamment les petites et moyennes entreprises (PME), tout en minimisant son emprise directe sur l'appareil de production et de distribution ; la réorientation des services publics vers des programmes qui améliorent le bien-être et la productivité tout en tenant compte de la dimension sociale de l'ajustement. Sur ce dernier point en effet, les conséquences sociales de la crise avaient enfin rendu nécessaire la mise en place d'une dimension sociale de l'ajustement pour soutenir le secteur social de l'économie, notamment en protégeant les couches de la population les plus vulnérables et en promouvant la participation des plus pauvres au processus de relance économique. Les pouvoirs publics, pour y arriver, ont élaboré et mis en oeuvre cinq programmes d'actions complémentaires dans les secteurs population et santé, éducation et formation, emploi, rôle de la femme et enfin cadre institutionnel.

La volonté politique nationale en ce qui concerne la consécration de la politique de lutte contre la pauvreté s'est également traduite par la quête par les autorités camerounaises des moyens pour combattre la pauvreté. Cette quête effectuée auprès de la Communauté internationale, notamment des Institutions financières internationales (IFI), a eu pour premier aboutissement la politique d'ajustement structurel. Cette politique va recouvrir les Programmes d'ajustement structurel mis en oeuvre par le pays depuis 1988 et concrétisés par les Accords de confirmation signés avec lesdites Institutions. Ainsi, le premier Accord de confirmation d'une durée de 18 mois et d'un montant de 47 milliards de francs CFA est jugé inopérant dès janvier 1990. Le 31 mars 1990, l'Accord est prorogé de 3 mois, mais toujours sans succès. Le second Accord de confirmation d'une durée de 10 mois et d'un montant de 10,2 milliards de francs CFA connaît le même résultat que les précédents. Le troisième Accord de confirmation d'une durée de 16 mois et d'un montant de 66 milliards de francs CFA qui tablait sur les effets positifs de la dévaluation du franc CFA est aussi déclaré inopérant dès juillet 1994. Le quatrième Accord d'une durée de 11 mois et d'un montant de 52,6 milliards de francs CFA est également jugé inopérant en janvier 1996. Mais la révision à la baisse des objectifs de ce programme en juin1996 et la poursuite du programme revu et corrigé ont conditionné la signature avec les IFI d'une Facilité d'ajustement structurel renforcée (FASR), sollicitée par le Cameroun en appui à son programme triennal 1997/1998-1999/2000. La réussite de ce programme adopté en juin 1996 par les pouvoirs publics, sans assistance financière extérieure, leur a valu la signature le 20 août 1997 de ladite FASR d'un montant de l'ordre de 120 milliards décaissés immédiatement.

L'exécution satisfaisante de ce premier programme triennal, suivi de l'élaboration par les autorités camerounaises du Document intérimaire de stratégies de réduction de la pauvreté (DSRP-I), a permis au Cameroun d'atteindre le point de décision de l'Initiative en faveur des pays pauvres et très endettés (IPPTE), le 11 octobre 2000. La mise en oeuvre des actions contenues dans le DSRP-I s'est poursuivie avec un accent particulier sur les mesures d'urgence concernant la réduction de la pauvreté, l'éducation, la santé et la lutte contre le VIH, le renforcement de l'entretien routier et l'appui aux petites et moyennes entreprises (PME), l'audit et l'exécution de l'apurement de la dette intérieure, l'amélioration de la gouvernance et la lutte contre la corruption. Ces initiatives se sont poursuivies dans les autres secteurs et les expériences qui en ont été tirées ont permis l'élaboration par le gouvernement du DSRP final. Depuis lors, les efforts ont été dégagés pour l'élaboration des stratégies sectorielles. A ce titre, des documents sont élaborés respectivement dans les secteurs de l'éducation nationale, de la santé et du développement rural.

Tous ces déploiements au niveau national, notamment de la part des autorités camerounaises, traduisent la volonté politique nationale en ce qui concerne la consécration de la politique de lutte contre la pauvreté au Cameroun.

La lutte contre la pauvreté est ainsi devenue un fait de société au Cameroun. Elle pose en même temps un problème de changement social.

II.4. La lutte contre la pauvreté au Cameroun : un fait social, un fait social total et un problème de changement social.

Les déconvenues de la politique de lutte contre le sous-développement ont favorisé un gain d'intérêt pour la politique de lutte contre la pauvreté. Cette politique qui bénéficie à la fois d'une volonté politique internationale et nationale a fait de la lutte contre la pauvreté un fait social au Cameroun. Mais sa pratique pose un problème de changement social.

II.4.1. La lutte contre la pauvreté au Cameroun : un fait social, un fait social total.

Face à la situation de pauvreté engendrée par la crise économique et à l'urgence d'y faire face, la lutte contre la pauvreté est devenue au Cameroun un « fait social ». Des instances étatiques (gouvernement) au bas peuple, passant par la société civile, la lutte contre la pauvreté mobilise l'attention et les efforts des camerounais. Elle est également un « fait social total ». Du politique au social, passant par l'économique, la lutte contre la pauvreté se déploie au Cameroun.

Après plusieurs mesures prises en réaction contre la crise économique, lesquelles mesures (ajustement interne, Programmes d'ajustement structurel conclu avec le FMI) se sont soldées par un échec conduisant à une paupérisation croissante des populations, le gouvernement a entamé, dans le cadre de la mise en oeuvre du programme triennal engagé en juillet 1997, la correction de la profonde dégradation enregistrée à travers l'ensemble du pays. Cette correction s'est orientée vers l'infrastructure sociale et la prestation des services sociaux. Le gouvernement a ainsi concentré ses efforts sur l'appui aux secteurs sociaux de l'éducation, de la santé et sur la mise en oeuvre d'un programme d'entretien routier privilégiant les routes rurales reliant les zones de production aux centres de consommations. Bien que toutes ces mesures soient prises dans la perspective de la lutte contre la pauvreté, cette lutte va véritablement prendre de l'ampleur avec l'Initiative PPTE. Avec l'admission du Cameroun à cette Initiative, la lutte contre la pauvreté est devenue le credo de toutes les actions gouvernementales. A travers les discours et autres formes de communication, le gouvernement convie les populations à oeuvrer dans cette perspective. La lutte contre la pauvreté est également au centre des préoccupations de la société civile camerounaise.

Apparue au Cameroun sous la contrainte de la rue exprimant ses réactions face à la profonde crise économique et politique de la fin des années 1980, la société civile est un acteur majeur de la lutte contre la pauvreté au Cameroun.

Au regard de l'ampleur et de la profondeur de la pauvreté au Cameroun et face à « l'insuffisance manifestée par l'Etat dans la recherche des solutions concrètes et durables aux problèmes des populations », il s'est développé, dans un cadre non gouvernemental, des initiatives pour faire face à la pauvreté dans laquelle se trouve englué le pays. C'est dans ce contexte que la société civile est devenue une référence obligée des discours et actions de lutte contre la pauvreté au Cameroun. Sa réponse à la pauvreté au Cameroun s'exprime non seulement par la forte densité de la société civile, mais aussi par leur importance dans la lutte contre la pauvreté à travers les domaines de l'éducation, de la santé, l'environnement, le genre, l'agriculture. Les organisations de la société civile s'investissent également dans l'approvisionnement en eau potable, un grand nombre s'est engagé dans le domaine de la production agricole en apportant leur appui aux agriculteurs, les aidant à améliorer leur productivité, à introduire de nouvelles cultures et à améliorer leurs capacités de commercialisation. La lutte contre la pauvreté est également au centre des efforts des populations, des bas peuples, des pauvres.

Les populations sont de véritables actrices de lutte contre la pauvreté au Cameroun. Les premières stratégies anti-pauvreté après la crise économique ont été observées à leur niveau. L'Enquête camerounaise auprès des ménages de 1996 relève un certain nombre de stratégies adoptées par les populations pour faire face à la pauvreté au Cameroun. Ces stratégies vont de la modification des habitudes de consommation à l'éveil de l'esprit d'initiative.

Dans le premier cas, la fréquence et la qualité des repas ont connu une réduction, les biens et les services aussi. Les populations ont réorienté leur consommation vers les produits de bas de gamme. C'est dans ce contexte que les produits nationaux ont été revalorisés. Cette réorientation concerne aussi bien les domaines du sanitaire, du vestimentaire que ceux des infrastructures. On assiste ici à un repli vers les produits locaux, du fait de leurs prix relativement accessibles.

Dans le second cas, on observe une diversification/multiplication des sources de revenus, sans distinction de secteurs d'activités. C'est ainsi que les employés de la fonction publique en viennent, eux aussi , à se discuter le secteur informel avec les chômeurs et sans qualifications. Ils investissent également dans l'agriculture de subsistance et même dans la commercialisation, question « d'arrondir les fins de mois ». Ces stratégies anti-pauvreté qui se sont amplifiés de nos jours comme le témoigne aussi le développement à outrance du secteur informel, traduisent le déploiement des populations contre la pauvreté au Cameroun. La lutte contre la pauvreté est au centre des préoccupations des différentes composantes de la configuration de l'Etat camerounais : gouvernement, société civile et populations. Cette lutte est également menée dans tous les secteurs.

La lutte contre la pauvreté au Cameroun se déploie dans tous les secteurs de la vie de la nation. Elle intègre à la fois le politique, l'économique et le social.

Sur le champ du politique, elle est orientée vers la mise en oeuvre de la bonne gouvernance, de la démocratie, de la décentralisation, de l'amélioration du cadre juridique et économique, vers la lutte contre la corruption.

Sur le champ de l'économie, elle est orientée vers la quête d'une croissance forte, durable et de qualité, vers la quête de la stabilisation des équilibres macroéconomiques, vers la diversification de la production et des sources de revenus.

Sur le champ du social, elle est orientée vers le renforcement des ressources humaines et du secteur social, notamment l'éducation et la formation, la santé, l'emploi et l'insertion des groupes défavorisés dans les circuits économiques.

Le déploiement des différentes composantes de l'Etat camerounais sus-évoqué s'opère dans ces champs.

Il apparaît, à travers l'exploration de ces différentes composantes en rapport avec la lutte contre la pauvreté, que cette dernière est au centre des préoccupations des camerounais sans exclusive. Mieux, elle structure leurs pensées et leurs actions.

Compte tenu de ce qui précède, la lutte contre la pauvreté au Cameroun peut être perçue comme un ensemble de manières de faire, fixées ou non, susceptibles d'exercer sur les acteurs sociaux une contrainte extérieure. Elle se déploie dans plusieurs domaines de la vie de la nation camerounaise. Elle est un fait social et un fait social total. En même temps, elle pose un problème de changement social.

II.4.2. La lutte contre la pauvreté au Cameroun : un problème de changement social

Le changement social renvoie à toute transformation qui affecte le fonctionnement et la structure de l'organisation d'une collectivité. La politique de lutte contre la pauvreté met l'accent sur la promotion et l'instauration du processus participatif dans les initiatives de développement. Elle suppose un changement à la fois dans son contenu par rapport aux politiques précédentes, et dans sa mise en oeuvre.

La politique de lutte contre le sous-développement ayant laissé sur les rivages une proportion élevée des populations, du fait de son approche peu socialisante, il s'agit pour la politique de lutte contre la pauvreté de promouvoir et d'instaurer une approche participative et socialisante dans les initiatives de développement. Ainsi, cette politique consacre le passage d'une conception du développement privilégiant presque exclusivement les infrastructures matérielles à une autre qui réserverait une place aux structures sociales, de même que l'abandon progressif des modèles occidentaux ethnocentriques de développement au profit du respect des cultures locales.

Dans sa pratique, cette politique pose le problème de l'adéquation de son contenu à la réduction effective de la pauvreté. En effet, la reconduction des orientations des politiques antérieures (reformes économiques : libéralisation) dans le contenu de la politique de lutte contre la pauvreté témoigne de l'existence de fortes résistances face à une nécessaire remise en question de ces orientations. Bien que l'adoption de la nouvelle politique constitue implicitement un aveu d'échec des politiques antérieures, des plaidoyers en faveur des IBW continuent à attribuer la responsabilité principale de l'échec de l'ajustement structurel aux défaillances des pays en développement dans leur mise en oeuvre, plutôt qu'à celles de leur contenu. Compte tenu de cette reconduction dans le contenu de la politique de lutte contre la pauvreté d'une part, et de la déresponsabilisation du contenu des politiques précédentes dans l'échec des Programmes d'ajustement structurel d'autre part, ne faut-il pas penser, comme la « gauche », que les IBW n'auraient adopté le slogan de lutte contre la pauvreté que pour mieux faire accepter la poursuite de leur politique de libéralisation ? Et dans ce cas, la politique de lutte contre la pauvreté n'est-elle pas vouée aux mêmes résultats que les précédentes ? Il se pose donc le problème de l'adéquation du contenu de cette politique à la réduction effective de la pauvreté

La politique de lutte contre la pauvreté pose également le problème de son appropriation par les populations bénéficiaires. Sa mise en oeuvre entraîne un changement de la configuration des acteurs sociaux de développement. De la configuration classique constituée des Institutions de développement, notamment des IBW et l'Etat, on est passé à une configuration rénovée dans laquelle devrait s'établir une plate-forme de concertation entre tous les acteurs du développement (Institutions de développement : Etat, société civile, populations). Ce changement est favorisé par le principe de participation promu par cette politique, lequel principe prône la participation des différents acteurs sociaux aux programmes de développement. A la faveur de ce principe, la société civile a fait une entrée remarquable au sein de la communauté des acteurs sociaux de développement. Elle est ainsi devenue un acteur incontournable dans la mise en oeuvre des programmes de développement et surtout un canal d'acheminement de l'aide au développement, l'objectif pour les donateurs étant dans ce dernier cas, de contourner les canaux étatiques faits de lourdeurs bureaucratiques et improductifs pour toucher les populations à la base.

Le principe de participation ainsi promu ouvre de nouvelles perspectives quant à la gestion des affaires nationales ; elle est également supposée renforcer les capacités et le pouvoir des acteurs intermédiaires (société civile) et ceux de la base (populations bénéficiaires) dans l'élaboration, le suivi, le contrôle, l'évaluation et la réorientation des stratégies.

Mais, sa mise en oeuvre et par ricochet celle de la politique de lutte contre la pauvreté pose le problème de l'appropriation des programmes de développement par les populations bénéficiaires. Du fait de l'exclusion traditionnelle des populations des sphères de décisions, le principe de participation pose le problème de l'adaptation de celles-ci à ces nouvelles perspectives. Le principe de participation pose également le problème de son application effective, car les IBW et l'Etat n'en font qu'un processus consultatif. Or, la participation suppose non seulement que les populations bénéficiaires soient impliquées, mais aussi que leurs préoccupations soient prises en compte dans les programmes de développement engagés dans leurs communautés.

En définitive, le processus participatif promu par la politique de lutte contre la pauvreté implique un changement d'attitudes et de comportements des acteurs sociaux de développement pour autant que sa logique remet en cause le fonctionnement habituel des institutions dites représentatives de notre pays/gouvernement.

Ce chapitre consacré à la pauvreté et la problématique de lutte contre la pauvreté au Cameroun nous a conduit à des esquisses de réponses aux questions soulevées par les concepts de pauvreté de lutte contre la pauvreté au Cameroun. Il en ressort que la pauvreté est une réalité aux contours multiples, et que le recours à la politique en vue de sa réduction est désormais établi. Il ne se pose plus alors que le problème de son application effective. Une application qui ne peut véritablement être examinée qu'à travers les mécanismes de mise en oeuvre de l'instrument principal de cette politique, l'Initiative PPTE.

Chapitre III :

Mécanismes de mise en oeuvre DE l'INITIATIVE PPTE AU CAMEROUN

Du fait de leur approche mécaniste et économiste du développement, les Programmes d'ajustement structurel (P A S) se sont révélés inopérants pour le développement des pays bénéficiaires .Les déconvenues de ces Programmes ont amené les Institutions de Bretton Woods à concevoir et à mettre sur pied un autre instrument de développement supposé prendre en compte les défaillances desdits Programmes, l'Initiative PPTE.

Cette Initiative allie les réformes macroéconomiques à l'allègement de la dette, et à la lutte contre la pauvreté. Son approche du développement intègre désormais le social et est assortie des mécanismes de lutte contre la pauvreté.

Admis à cette Initiative en octobre 2000, le Cameroun est engagé dans sa mise en oeuvre dans plusieurs domaines depuis 2002.Mais cette mise en oeuvre suscite le questionnement quant à l'adéquation des mécanismes y relatifs à la lutte contre la pauvreté au Cameroun. Autrement dit, les mécanismes de mise en oeuvre de l'Initiative PPTE permettent-ils de lutter efficacement contre la pauvreté au Cameroun ? C'est à cette question que tente de répondre le présent chapitre. Il s'ouvre sur l'identification des mécanismes de lutte contre la pauvreté mis sur pied dans le cadre de la mise en oeuvre de l'Initiative PPTE, se poursuit avec l'interprétation analytique de ces mécanismes et s'achève sur leur analyse sociologique.

I. MISE EN OEUVRE DE L'INITIATIVE PPTE AU CAMEROUN : DESCRIPTION DES MECANISMES

La mise en oeuvre de l'Initiative PPTE a requis de la part du gouvernement la mise en place d'un dispositif réglementaire et institutionnel y relatif. Ce dispositif a été suivi de l'adoption et de l'application d'un ensemble de principes relatifs à la gestion des projets PPTE. Quel est ce dispositif et quels en sont les principes ?

I.1. Dispositif gouvernemental relatif à la mise en oeuvre de l'Initiative PPTE au Cameroun

Un certain nombre de mesures ont été nécessaires pour la mise en oeuvre de l'Initiative PPTE. Au nombre de ces mesures prises par le gouvernement, il y a entre autres et principalement l'ouverture du compte HIPC/PPTE à la BEAC, la création du Comité consultatif et de suivi de la gestion de la réalisation des projets PPTE.

I.1.1. L'ouverture du « compte HIPC/PPTE »

L'ouverture d'un sous-compte du trésor à la BEAC intitulé « compte HIPC/PPTE » est une disposition prescrite par les bailleurs de fonds dans le cadre de la mise en oeuvre de l'Initiative PPTE. Ouvert à la demande du MINEFI conformément à la réglementation de la BEAC, ce compte est crédité selon les modalités pratiques de remise de la dette définie avec les bailleurs de fonds.

Le crédit du compte est justifié par les avis de virement approvisionnant le compte d'un montant égal à la dette remise.

Son débit est justifié par les pièces de dépenses réglées au titre de HIPC/PPTE.

L'ouverture de ce compte a consacré le début de la collecte des fonds issus de l'allègement de la dette dans le cadre de l'Initiative PPTE. Cette opération a également favorisé la mise en place des organes de gestion des ressources PPTE.

I.1.2. Le Comité consultatif et de suivi de la gestion des ressources PPTE (CCS/PPTE)

Mis sur pied par le décret n°2000/960/PM du 1er décembre 2000 portant sa création, son organisation et son fonctionnement, le CCS/PPTE est l'un des cadres institutionnels de gestion des ressources PPTE. Il est un organe consultatif qui a pour mission de veiller à la bonne utilisation et à l'allocation équitable et optimale des ressources PPTE en faveur de la lutte contre la pauvreté et la bonne gouvernance.

A ce titre, il remplit les fonctions ci-après :

-l'appréciation de l'éligibilité au financement PPTE des projets et programmes de dépenses présentés par les ministères sectoriels engagés dans la lutte contre la pauvreté, les bailleurs de fonds, les collectivités territoriales décentralisées ou par les groupes structurés, notamment les Organisations non gouvernementales (ONG), les groupes d'initiative commune et les associations de développement ;

- l'émission des avis sur les projets et programmes de dépenses PPTE à soumettre par le gouvernement à l'adoption du parlement ;

- la proposition au gouvernement des améliorations éventuelles au programme de dépenses PPTE soumis à son appréciation ;

- la vérification de l'adéquation entre les dépenses PPTE et les priorités exprimées par les populations lors des consultations participatives, lesquelles priorités figurent dans le Document de stratégie de réduction de la pauvreté (DSRP) ;

- l'examination trimestrielle, a posteriori et sur pièces, des dépenses engagées, liquidées et payées sur le compte spécial PPTE ouvert dans les livres de la BEAC ;

- la prescription, le cas échéant, des vérifications périodiques de l'exécution physico-financière des projets ;

- la recommandation d'un audit annuel indépendant sur la gestion des ressources PPTE ;

- l'examination des résultats des audits réalisés en fin d'exercice et leur publication ;

- la formulation de toute recommandation visant à assurer la transparence et l'efficacité dans l'utilisation des ressources PPTE.

Le Comité consultatif comprend 19(dix-neuf) membres dont (01) un président(le ministre chargé de l'économie et des finances) ; 06(six) chefs de départements ministériels(ceux chargés des investissements publics, de l'éducation nationale, de la santé publique, des travaux publiques, de la ville et de l'agriculture ; 05 (cinq)représentants des bailleurs de fonds ou de la Communauté internationale comprenant 03 (trois) bilatéraux et 02(deux) multilatéraux dont le coordinateur résidant des Nations Unies au Cameroun ; (01)un représentant du secteur privé siégeant selon un mécanisme de rotation de ses différentes composantes ; 03 (trois)représentants des confessions religieuses représentant chacun les églises Catholiques, Protestantes et l'Islam ; un représentant de l'association professionnelle de la micro-finance siégeant selon un mécanisme de rotation de ses membres ; 02 (deux)représentants des ONG ou associations.

Le Comité dispose, pour l'accomplissement de ses missions, d'une Cellule opérationnelle d'appui à l'exécution et au suivi des opérations sur financement PPTE et d'un Secrétariat permanent. Pour une gestion plus complète des ressources PPTE, il a été annexé au CCS/PPTE, le Comité de suivi de la réalisation des projets PPTE (CSR/PPTE).

1.1.3. Le comité de suivi de la réalisation des projets PPTE (CSR/PPTE)

Créé par l'Arrêté du 03 mai 2002 du Premier ministre et placé sous l'autorité du ministre de l'Economie et des finances, le Comité de suivi de la réalisation des projets PPTE a trois fonctions principales :

- il est chargé de faire le point sur la répartition géographique de ceux des projets PPTE des secteurs de l'éducation, de la santé, des travaux publics, de l'eau, et de l'énergie déjà examinés par le Comité consultatif et de suivi de la gestion des ressources PPTE ;

- il est également chargé de présenter le niveau d'exécution desdits projets et d'évaluer l'état de leur réalisation ;

- il est enfin chargé de suggérer toutes les actions susceptibles de contribuer à l'amélioration de la gestion administrative et financière desdits projets.

Le Comité est composé d'un président (un inspecteur général au ministère de l'Economie et des Finances) ; de 05 (cinq) membres dont un représentant pour chacun des ministères suivants : Education nationale, Santé publique, Travaux publics, Mines, de l'eau et de l'énergie; et du Secrétaire permanent du Comité consultatif et de suivi de la gestion des ressources PPTE.

Le Comité est appelé à reproduire un rapport trimestriel sur l'exécution de ses missions. Ces rapports sont transmis au Premier ministre.

Cet autre organe du dispositif gouvernemental relatif à la mise en oeuvre de l'Initiative PPTE n'est pas encore fonctionnel, du moins jusqu'au moment où la collecte des données relatives à cette étude est effectuée. Mais les deux premiers éléments de ce dispositif à savoir le « compte HTPC/PPTE » et le CCS/PPTE, ont permis l'amorce de la mise en oeuvre des projets PPTE. Ces projets ont été mis en oeuvre suivant un certain nombre de principes.

I.2. Principes relatifs à la mise en oeuvre de l'Initiative PPTE au Cameroun

Plusieurs principes régissent la mise en oeuvre de l'Initiative PPTE au Cameroun. Ces principes s'articulent autour des domaines cibles y relatifs, de leurs critères d'éligibilité, de leurs origines, de leur procédure de mise en oeuvre, de leur financement et de leur réalisation.

I.2.1. Les domaines cibles des projets PPTE

Les projets PPTE ont pour cible les domaines du développement social, de l'éducation, des infrastructures, de la santé, du développement rural et de la gouvernance. Ces domaines ont chacun leurs axes prioritaires.

Dans le domaine du développement social, les axes prioritaires sont ceux de la protection sociale et de la solidarité nationale, de l'emploi, de la promotion de l'équité et de l'égalité entre les sexes, de la satisfaction des besoins essentiels, de l'éducation sociale.

Dans le domaine de l'éducation, l'élargissement de l'accès à l'éducation, l'accroissement de la qualité de l'offre de l'éducation, le développement d'un partenariat efficace, l'amélioration de la gestion et de la gouvernance du système éducatif sont les axes prioritaires.

Dans le domaine des infrastructures, la priorité est à l'entretien du réseau routier prioritaire, à l'aménagement et la création des pistes rurales, à l'accès à l'eau potable par la création des adductions d'eau, notamment les forages et les puits aménagés dans les zones défavorisées, à l'amélioration de l'offre d'énergie électrique et son accès aux populations les plus défavorisées en milieu rural et urbain.

Dans le domaine de la santé, la réduction de la morbi-mortalité infantile, la réduction de la mortalité maternelle, la réduction du nombre de personnes souffrant de malnutrition, la lutte contre les endémies majeures(SIDA, paludisme, tuberculose, etc.), la prise en charge des urgences médicales, le renforcement et la structuration de la demande de soins, l'accès aux services de santé reproductive et l'appui pour une gestion efficace et efficiente des ressources sanitaires sont les axes prioritaires.

Dans le domaine du développement rural, les axes prioritaires sont ceux du développement des filières agricoles, pastorales et halieutique, de la promotion du crédit agricole, du renforcement des organisations de producteurs et de structuration du monde rural, de la mécanisation agricole, de l'aménagement hydro-agricole, de la promotion de la gestion des ressources naturelles et de la promotion des services vétérinaires.

Les axes prioritaires du domaine de la gouvernance sont ceux du libre accès à l'information publique, de la célérité dans la prise des décisions, de l'éducation civique du citoyen pour la promotion de l'égalité de tous devant la loi, de la lutte contre l'impunité, de l'accès à la justice, de l'amélioration de la gestion des affaires publiques, de la promotion de la participation de la société civile dans le processus de prise des décisions, de la protection des hommes et des biens, de la lutte contre la corruption et de l'amélioration de la transparence.

Pour être éligibles, les projets à soumettre au financement PPTE doivent en plus de leur appartenance à ces axes prioritaires, obéir à un certain nombre de critères d'éligibilité.

I.2.2. Les Critères d'éligibilité des projets PPTE

Les projets soumis au financement PPTE sont appréciés selon deux types de critères : les critères de conformité et les critères d'évaluation.

Les critères de conformité visent trois objectifs principaux : la cohérence du dossier administratif de la structure promotrice du projet avec les textes régissant les projets PPTE, la cohérence du dossier technique du projet avec le DSRP et les stratégies sectorielles.

La cohérence des dossiers administratifs avec les textes concerne la conformité du statut juridique du promoteur, de la capacité des personnes clés et de l'expérience de la structure au décret n°2000 / 960 / PM du 1er décembre portant création, organisation et fonctionnement du CCS/PPTE.

En ce qui concerne la cohérence du dossier technique avec le DSRP, les projets doivent être compatibles avec les objectifs de réduction de la pauvreté dans les domaines clés de l'éducation, des infrastructures, du développement social, de la santé, du développement rural et de la gouvernance.

Concernant la cohérence du dossier technique avec les stratégies sectorielles, les projets doivent s'insérer dans les objectifs de la politique sectorielle.

Les critères d'évaluation des projets interviennent après l'examen de conformité. Chaque dossier de projet est évalué selon les critères ci-après : projet à un ou plusieurs volets recoupant au minimum les attentes des populations de la circonscription d'une commune ; viabilité(rentabilité financière ou économique ou sociale) ; gains de revenus engendrés ; emplois créés (auto emplois et autres) ; coût-éfficacité ; nature et nombre de personnes touchées(femmes, jeunes, démunis) ; participation/adhésion de la population locale ou bénéficiaire ; cogestion (implication de plusieurs acteurs dans l'exécution du projet) ; pérennité du projet ; étendue de l'aire d'intervention du projet (communale, régionale, nationale) ; synergie avec les autres programmes et projets des divers partenaires ; impact sur la réduction de la pauvreté (à court, à moyen et à long termes) ; spécificités régionales (cohérence avec une éventuelle planification au niveau régional, adaptation à la vocation socioéconomique de la région).

Ces critères sont supposés s'appliquer de manière spécifique à chaque projet. Les projets soumis au financement PPTE sont d'origines diverses.

I.2.3. Origines des projets PPTE

Les promoteurs des projets éligibles au financement PPTE se recrutent dans toutes les échelles de la «configuration développementiste » au cameroun. Cette configuration regroupe les acteurs au sommet, les acteurs intermédiaires et les acteurs à la base.

Dans la catégorie des acteurs au sommet et promoteurs des projets éligibles au financement PPTE, se retrouvent les bailleurs de fonds (banque mondiale, et les autres organismes de coopération multilatérale et de coopération bilatérale) et les ministères en charge de la supervision de l'Initiative PPTE (MINEFI, MINPLADAT).

Dans la catégorie des acteurs intermédiaires et promoteurs de projets éligibles au financement PPTE, se retrouvent les départements ministériels concernés par les domaines cibles de l'Initiative PPTE. Il s'agit des ministères chargés des Investissements publics, des Travaux publics, de la Ville, de l'Agriculture. On y retrouve également dans cette catégorie les ONG, les collectivités territoriales décentralisées.

Dans la catégorie des acteurs à la base et promoteurs de projets éligibles au financement PPTE se retrouvent les Groupes d'initiative commune (GIC) et les associations de développement.

Les projets promus par tous ces acteurs sont soumis à la procédure de sélection en vigueur dans le cadre de la mise en place des projets PPTE.

I.2.4. La procédure de mise en oeuvre des projets PPTE

Les projets destinés au financement PPTE suivent une démarche à trois étapes. Le dépôt, l'évaluation, l'éligibilité et l'inscription au budget des projets PPTE.

Dans la première étape, chaque promoteur de projet doit rédiger et adresser au Président du Comité consultatif et de suivi de la gestion des ressources PPTE,un document d'étude de faisabilité de son projet. Le document doit être accompagné du dossier administratif du promoteur.

La deuxième étape est consacrée à l'évaluation du dossier. Cette évaluation est d'abord conduite par l'expert sectoriel et ensuite par le groupe thématique

Pour les projets soumis au financement PPTE relevant des domaines de l'éducation, de la santé, des infrastructures, et du développement rural, le CCS/PPTE dispose en son sein des experts qualifiés dans chacun de ses domaines, ce sont les experts sectoriels. Chaque expert assure l'évaluation des projets relevant de son domaine.

La seconde évaluation est assurée par les groupes thématiques qui sont composés des experts issus des départements ministériels, des bailleurs de fonds et de la société civile. Ces experts se constituent en groupes thématiques sectoriels et sont chargés d'apporter leur avis technique sur les projets soumis, afin de faciliter les décisions du Comité.

Au terme de l'évaluation qui est supposée durer au maximum un mois, les dossiers sont classés dans l'une des quatre catégories suivantes :

-projets inéligibles ;

-projets éligibles, mais mal présentés pour lesquels l'expert sectoriel engage l'action nécessaire pour apporter ou requérir son amélioration ;

-micro-projets pertinents mais devant s'inscrire dans un programme d'ensemble à caractère communal, régional ou national ;

-projets dont les dossiers sont bien finalisés et qui répondent aux critères d'éligibilité.

La troisième et dernière étape concerne l'éligibilité et l'inscription au budget des projets PPTE. Le CCS/PPTE est le seul organe habilité à déclarer éligible un projet. Tout projet déclaré éligible par le CCS/PPTE est transmis au ministère sectoriel avec la mention lu et approuvé par le Président du Comité pour inscription au budget de l'Etat, suivant les procédures habituelles. Les projets multi-sectoriels sont confiés au département ministériel le plus sollicité dans lesdits projets. Tous les projets déclarés éligibles sont soumis au financement.

I.2.5. Le financement des projets PPTE

Tous les projets déclarés éligibles sont automatiquement inscrits au financement PPTE. Le financement dans ce cadre est inscrit au budget de l'Etat et exécuté par le Ministre sectoriel concerné.

De façon générale, les projets PPTE ne sont soumis à aucune restriction quant au montant des dépenses qu'ils requièrent. Suivant la disponibilité des ressources, le financement des projets déclarés éligibles est entièrement effectué, échelonné ou reporté à la prochaine année budgétaire. En guise d'illustration, le montant des projets déclarés éligibles en avril 2005 s'élevait à 395 milliards de Francs. Mais pour des raisons d'indisponibilité financière, 214 milliards seulement ont déjà été débloqués pour leur démarrage.

Inscrites au budget de l'Etat et particulièrement à celui du ministère sectoriel concerné, les ressources PPTE empruntent le circuit traditionnel de décaissements du budget de l'Etat, celui qui consiste à suivre les démarches prescrites par le trésor public.

Le financement des projets PPTE ne couvre pas le budget de fonctionnement, seul celui de la réalisation est pris en compte.

I.2.6. La réalisation des projets PPTE

Confiés aux ministères sectoriels compétents et adossés au système traditionnel de dépenses publiques, les projets PPTE sont réalisés par les ministères dans lesquels ils sont logés. Leur réalisation se fait suivant les mécanismes traditionnels de réalisation des projets desdits ministères. Elle est soumise à un ordonnancement hiérarchique qui part des services centraux des ministères concernés à leurs services extérieurs qui comprennent les délégations provinciales, départementales et d'arrondissement. Les projets sont réalisés sous la conduite du personnel des ministères concernés.

En somme, les principes relatifs à la mise en oeuvre des projets PPTE au Cameroun s'observent à travers leurs domaines cibles, leurs critères d'éligibilité, leurs origines, leur procédure de mise en oeuvre, leur financement et leur réalisation. L'observation du dispositif gouvernemental relatif à la mise en oeuvre des projets PPTE et celle des principes y relatifs permettent une première lecture des mécanismes de mise en oeuvre des projets PPTE au Cameroun.

II. MISE EN OEUVRE DE L'INITIATIVE PPTE AU CAMEROUN : INTERPRETATION ANALYTIQUE DU DISPOSITIF ET DES PRINCIPES Y RELATIFS

L'admission du Cameroun à l'Initiative PPTE a donné lieu à la mise en place d'un dispositif gouvernemental et à l'adoption d'un certain nombre de principes relatifs à la mise en oeuvre des projets PPTE au Cameroun. Quelle est la traduction de toutes ces mesures ?

II.1. La mise en oeuvre de l'Initiative PPTE au Cameroun : une volonté politique

Le déploiement d'un dispositif gouvernemental relatif aux projets PPTE traduit la volonté des autorités camerounaises de mettre en oeuvre cette Initiative au Cameroun. Cette volonté politique se traduit aussi bien par les mesures relatives à l'admission du Cameroun à l'Initiative PPTE que par celles relatives à la mise en oeuvre des projets PPTE au Cameroun.

II.1.1. La volonté politique relative à l'admission du Cameroun à l'Initiative PPTE

L'admission du Cameroun à l'Initiative PPTE est l'aboutissement d'un long processus d'Accords initié depuis 1997 par les autorités camerounaises auprès de la Communauté financière internationale en général et des Institutions de Bretton Woods en particulier.

Après les chocs dus à l'effondrement des cours internationaux des matières premières qui ont plongé l'économie camerounaise dans une sévère récession, les autorités ont mis en oeuvre, à partir des années 1990, un ensemble de mesures d'ajustement structurel visant à assurer une compétitivité durable de l'économie camerounaise.

La conclusion de deux nouveaux programmes d'ajustement structurel par le gouvernement en 1994 et 1995 avec le FMI au titre d'Accord de confirmation s'est soldée, comme les précédents, par un échec, pour autant que les objectifs en terme de rétablissement de l'équilibre des finances publiques et de service de la dette extérieure n'ont pas été atteints.

Mais en Août 1997, après avoir exécuté de manière satisfaisante un programme de référence suivi par les services du FMI durant l'exercice 1996/1997, le gouvernement a pu, pour la première fois conclure avec cette Institution, un Accord au titre de Facilité d'ajustement structurel renforcée (FASR). Ce programme économique et financier du gouvernement couvrant la période du 1er juillet 1997 au 30 juin 2000 a été mis en oeuvre de manière satisfaisante avec l'appui de la Communauté financière internationale, notamment le FMI au titre de la FASR devenue FRPC, la Banque mondiale avec un troisième Crédit d'ajustement structurel, l'Union européenne, la Banque africaine de développement, les créanciers bilatéraux non membres du Club de Paris, (Arabie saoudite, Koweit, Chine) et la France avec les prêts à l'ajustement structurel, additionnels aux allègements du service de la dette consentis dans le cadre de l'Accord avec le Club de Paris d'octobre 1997.

Les bonnes performances enregistrées dans la mise en oeuvre du programme économique et financier triennal de 1997-2000 ont favorisé l'éligibilité du Cameroun à l'Initiative renforcée d'allègement de la dette des pays pauvres très endettés, consacrée en mai 2000 par les Conseils d'administration du FMI et de la Banque mondiale. Cette éligibilité a ainsi ouvert des perspectives nouvelles pour le pays grâce aux économies budgétaires mobilisables à partir du point de décision que le Cameroun a pu franchir depuis le mois d'octobre 2000.

Toutes ces mobilisations en terme d'Accords et de réformes qui ont conduit à l'admission du Cameroun à l'Initiative PPTE, sont l'expression de la volonté des autorités camerounaises par rapport à cette Initiative au Cameroun. Cette volonté politique s'observe également dans la mise en oeuvre des projets PPTE au Cameroun.

II.1.2. La volonté politique relative à la mise en oeuvre de l'Initiative PPTE au Cameroun

La volonté politique en ce qui concerne la mise en oeuvre de l'Initiative PPTE au Cameroun s'est manifestée par la mise en place par le gouvernement d'un dispositif y relatif.

L'ouverture du compte HIPC/PPTE à la BEAC aussitôt après l'atteinte du point de décision a permis la mobilisation des premières ressources issues de l'allègement de la dette. Ces ressources ont permis à leur tour la réalisation de la première génération des projets PPTE.

La création du Comité consultatif et de suivi de la gestion des ressources PPTE (CCS/PPTE) a également permis l'effectivité de la mise en oeuvre des projets PPTE, en tant qu'organe chargé de la sélection des projets admissibles au financement PPTE.

Le Comité de suivi de la réalisation des projets PPTE (CSR/PPTE), bien que n'étant pas encore fonctionnel, participe de la volonté du gouvernement d'assurer la bonne réalisation des projets PPTE au Cameroun.

A toutes ces actions gouvernementales relatives aux projets PPTE, s'ajoute la poursuite des réformes dans la perspective de l'atteinte du point d'achèvement de l'Initiative PPTE, lequel point d'achèvement donnera accès à un volume plus considérable des ressources financières et permettra par conséquent une plus grande capacité de financement des projets déclarés éligibles.

Toutes ces mesures gouvernementales et bien d'autres non évoquées ici, sont l'expression de la volonté des autorités camerounaises. En somme, le dispositif gouvernemental relatif à la mise en oeuvre de l'Initiative PPTE au Cameroun est l'expression d'une volonté politique. Qu'en est-il alors des principes relatifs à leur mise en oeuvre ?

II.2. Les principes de mise en oeuvre de l'Initiative PPTE au Cameroun : une logique pédagogique du développement

Initiative en faveur des pays « en panne » de développement, l'Initiative PPTE a pour objectif d'amener les pays ainsi nommés (PPTE) à un degré de développement acceptable, à travers la conversion jusqu'à un niveau soutenable d'une partie de leur dette extérieure en projets de développement. Parce que « malades d'eux-mêmes », ces pays sont astreints à des principes de mise en oeuvre des projets PPTE qui ont des logiques pédagogiques de développement. Ces logiques pédagogiques s'articulent autour de la prise en compte de la dimension sociale du développement, de la bonne gouvernance et de l'approche projet dans le développement.

II.2.1. Les principes de mise en oeuvre de l'Initiative PPTE au Cameroun : une logique de promotion de la dimension sociale du développement.

Il se dégage des principes de mise en oeuvre de l'Initiative PPTE au Cameroun, comme dans les autres pays admis à cette Initiative, une logique de promotion de la dimension sociale du développement.

En effet, les précédents programmes de développement, en l'occurrence les Programmes d'ajustement structurel (PAS), ont connu des déconvenues du fait de leur approche trop économiste et peu socialisante du développement. De ce fait, ils ont eu des conséquences sociales néfastes sur les populations des pays qui ont fait l'objet de leur application.

Sous l'impulsion des Institutions des Nations Unies, notamment de l'UNICEF avec sa sonnette d'alarme sur la nécessité d'un « ajustement à visage humain », la Banque mondiale, en association avec le PNUD et la BAD, ont mis en place le programme Dimensions sociales de l'ajustement (DSA) pour atténuer les effets négatifs des Programmes d'ajustement structurel sur les populations vulnérables. Ce programme a progressivement entraîné un recentrage des politiques de développement sur la question de la pauvreté et a donné lieu à la formulation des politiques de lutte contre la pauvreté, lesquelles politiques sont axées sur les dimensions sociales du développement. Inspirée de ces politiques, l'Initiative PPTE subordonne le financement des projets au respect des domaines s'inscrivant dans le droit fil de la dimension sociale du développement. Ces domaines sont ceux de l'éducation, de la santé, du développement social, du développement rural, des infrastructures et de la gouvernance. Considérés comme préalables, à un développement humain durable, ces domaines connaissent, dans le cadre de l'Initiative PPTE, un regain d'intérêt, eu égard à l'échec des programmes de développement à dominance économique. L'orientation des projets PPTE vers ces domaines participe à la promotion de la dimension sociale du développement et donne à penser que cette orientation relève d'une logique de promotion de cette dimension du développement. Cette logique de promotion se dégage également des autres principes de mise en oeuvre des projets PPTE.

II.2.2. Les principes de mise en oeuvre de l'Initiative PPTE au Cameroun : une logique de promotion de la bonne gouvernance

La mise en oeuvre de l'Initiative PPTE, dans ses principes relatifs à l'éligibilité, à la procédure et au financement des projets, est soumise à une démarche qui a l'ambition de n'accorder aucune marge de manoeuvre évasive aux gestionnaires et aux promoteurs de projets.

La sélection des projets soumis au financement PPTE s'effectue par un Comité constitué des représentants de chacune des catégories des acteurs de développement social au Cameroun. On y retrouve les représentants des bailleurs de fonds, du gouvernement, de la société civile et des experts. Cette disposition a pour objectif d'assurer la transparence dans la sélection des projets éligibles.

Les décaissements relatifs au financement des projets PPTE s'effectuent par les Ministères qui abritent les projets et obéissent à la procédure traditionnelle de décaissements du budget de l'Etat. Par l'exigence du canal du trésor public et l'unicité de l'opérateur de décaissements (gouvernement), les bailleurs de fonds espèrent avoir le contrôle des dépenses PPTE et limiter les possibilités d'évasion des fonds. Cette précaution, associée au choix de la gouvernance comme domaine cible de l'Initiative PPTE, obéit à une logique de promotion de la bonne gouvernance au Cameroun. A la base de cette précaution, « la crainte que les fonds soient utilisés pour d'autres choses que pour les objectifs auxquels ils sont destinés ».

Cette promotion de la bonne gouvernance au Cameroun est une réaction par rapport aux expériences passées. En effet, la crise économique et sociale qu'a traversée le Cameroun a eu entre autres conséquences et non des moindres, l'accentuation des comportements déviants dans la gestion des affaires publiques (corruption, détournement des deniers publics ...). Du fait de ces comportements, les politiques de stabilisation et d'ajustement structurel menées par les autorités n'ont pas atteint les objectifs de redressement et de relance escomptés. Face à cette situation, et à la suite des observateurs internationaux, les autorités ont retenu que la mauvaise gestion des affaires publiques est un facteur limitant de l'impact de la croissance sur la réduction de la pauvreté. Cette prise de conscience a donné lieu à la promotion de la bonne gestion des affaires publiques, la bonne gouvernance.

Avec l'appui du PNUD, le Cameroun a entrepris l'élaboration d'un Programme national de gouvernance (PNG). Ce programme approuvé en juin 2000 par le chef de l'Etat vise essentiellement à soutenir la croissance et le développement durable ; à lutter contre la pauvreté et l'exclusion ; à renforcer les capacités des principaux intervenants dans le développement (l'Etat, le secteur privé, la société civile, les médias, les collectivités territoriales décentralisées) ; à promouvoir une véritable culture de la responsabilité dans la gestion des affaires publiques ; à renforcer l'état de droit pour une meilleure protection des droits de l'homme et renforcer la justice ; à promouvoir le partenariat Etat-secteur privé-société civile ; et à renforcer la transparence de l'appareil de l'Etat, lutter résolument contre la corruption en sanctionnant les écarts de comportements conformément aux lois et règlements.

Il ressort de l'observation des principes sus-évoqués que la mise en oeuvre des projets PPTE répond aux objectifs visés par le plan d'actions pour l'amélioration de la gouvernance au Cameroun, lequel plan d'actions est une des conditions imposées par les bailleurs de fonds dans la perspective de l'admission définitive à l'Initiative PPTE. La mise en oeuvre des projets PPTE répond à une logique de promotion de la bonne gouvernance au Cameroun. Cette logique de promotion se retrouve enfin dans l'approche projet en vigueur dans l'Initiative PPTE.

II.2.3. Les principes de mise en oeuvre de l'Initiative PPTE : une logique de promotion de l'approche projet dans le développement

Cadre général de l'exécution des projets PPTE, l'Initiative PPTE n'est accessible qu'aux pays qui ont une vision de leur développement. Une vision qui s'exprime en termes d'objectifs, de priorités, de stratégies et de moyens. C'est ce qui explique l'exigence d'un Document de stratégie de réduction de la pauvreté comme une des conditions principales d'accès à cette Initiative. Autrement dit, l'accès à cette Initiative est en majeure partie subordonnée à l'élaboration d'une vision, d'un projet de développement par les pays candidats. Cette démarche s'observe également au niveau national dans la matérialisation de cette Initiative.

Pour bénéficier des financements dans le cadre de l'Initiative PPTE, tout postulant doit élaborer un projet de développement qui présente les objectifs visés, les actions à mener, les stratégies et les moyens nécessaires y afférents. Les promoteurs de projets se recrutant dans toutes les catégories des acteurs de développement au Cameroun, l'approche projet est au centre d'une nouvelle pédagogie de développement au Cameroun. Dans certains départements ministériels, se sont constituées des cellules PPTE faites d'un personnel formé en matière de montage et de gestion des projets de développement. Dans d'autres par contre, un nombre de personnel a été mis en formation en vue de la création de cette cellule. Les promoteurs de projets, du côté de la société civile sont pour les uns en formation, les autres sollicitent l'assistance des experts du CCS/PPTE pour monter et /ou peaufiner leurs projets.

La promotion de cette approche dans le développement résulte de la défaillance de l'ancienne approche. L'approche budget, puisqu'il s'agit d'elle, du fait de la navigation à vue qui la caractérise ne permet pas d'impulser le développement. Axée sur le budget à allouer aux ministères pour l'exercice de leurs activités, l'approche budget insiste sur les moyens, mais reste moins exigeante sur les résultats, contrairement à l'approche projet qui insiste à la fois sur les moyens et sur les résultats. Exigeante sur les moyens et peu regardante sur les résultats, l'approche budget favorise l'évasion des deniers publics et fait obstacle à la marche vers le mieux être des camerounais sous l'égide de l'Etat. A travers l'approche projet, il s'agit pour les concepteurs de l'Initiative PPTE, de promouvoir un développement par objectifs, une approche du développement qui insiste à la fois sur les moyens et sur les résultats.

La mise en oeuvre des projets PPTE, de par les principes généraux d'accès à l'Initiative PPTE d'une part, et des principes relatifs à la procédure de mise en oeuvre des projets d'autre part, participe à la promotion de l'approche projet dans le développement au Cameroun.

En somme, il se dégage de la première lecture des mécanismes de mise en oeuvre de l'Initiative PPTE au Cameroun une logique pédagogique du développement. Une logique pédagogique qui s'exprime à travers la promotion de la dimension sociale du développement, la promotion de la bonne gouvernance et la promotion de l'approche projet dans le développement. Mais cette première lecture, qui est superficielle, ne nous permet pas de rendre intelligible et en profondeur le sens de la mise en oeuvre de cette Initiative au Cameroun. Car, comme l'affirme Georges BALANDIER :

« Les sociétés ne sont jamais ce qu'elles paraissent être ou ce qu'elles prétendent être. Elles s'expriment à deux niveaux au moins, l'un superficiel, présente les structures « officielles » si l'on peut dire ; l'autre profond, assure l'accès aux rapports réels les plus fondamentaux, et aux pratiques révélatrices de la dynamique du système social. »

D'où la nécessité d'une lecture en profondeur des mécanismes de mise en oeuvre de l'Initiative PPTE au Cameroun.

III. LES MECANISMES DE MISE EN OEUVRE DE L'INITIATIVE PPTE AU CAMEROUN : AU-DELA DES DISCOURS

La première lecture des mécanismes de mise en oeuvre de l'Initiative PPTE au Cameroun a permis d'identifier les objectifs avoués de cette Initiative. Mais puisque « ce qui est montré est à expliquer par ce qui ne se montre pas, car le plus caché est le plus véridique », une analyse en profondeur de ces mécanismes est indispensable pour son intelligibilité et au-delà l'évaluation de sa capacité, en tant que nouvel instrument de développement, à réduire la pauvreté au Cameroun. Il s'agira d'abord de découvrir les non-dits de la mise en oeuvre de l'Initiative PPTE. Pour cela, seront examinés les mécanismes de mise en oeuvre des projets y relatifs, notamment le dispositif gouvernemental et les principes de mise en oeuvre desdits projets. Ensuite, à travers l'analyse des « input » et des « output » de cette Initiative perçue comme système de développement, il sera question d'apprécier sa capacité à réduire la pauvreté au Cameroun. Enfin, l'analyse de la marge de manoeuvre de certains acteurs de cette Initiative face aux normes et règles qui la régissent, permettra de comprendre leur logique et leur influence sur les objectifs poursuivis par l'Initiative.

III.1. Les non-dits de la mise en oeuvre de l'Initiative PPTE au Cameroun

Cette analyse porte sur le dispositif gouvernemental relatif à cette Initiative et sur les principes de sa mise en oeuvre au Cameroun.

III.1.1. La volonté politique relative à l'Initiative PPTE au Cameroun : un besoin de survie et une question de formalité

La volonté politique manifestée par le gouvernement camerounais par rapport à l'Initiative PPTE relève à la fois d'un besoin de survie et d'une question de formalité. Ces constats se font respectivement au niveau de l'admission du Cameroun à cette Initiative et au niveau de sa mise en oeuvre.

III.1.1.1. La volonté politique par rapport à l'admission du Cameroun à l'Initiative PPTE : un besoin de survie

L'admission du Cameroun à l'Initiative PPTE, résultat de l'action gouvernementale, loin d'être le fait d'une simple volonté politique, relève du besoin de survie de l'Etat camerounais. En effet, les démarches en vue de cette admission interviennent dans un contexte macroéconomique et socioéconomique marqué par la crise de la moitié de la décennie 80.

Depuis cette crise, la situation macroéconomique du Cameroun ne s'est pas améliorée, malgré les mesures de redressement économique engagées par le gouvernement. La mise en oeuvre de la politique d'ajustement interne (réduction du train de vie de l'Etat et du poids du secteur public dans l'économie, la baisse drastique des salaires dans la fonction publique), s'est avérée insuffisante pour enrayer les effets de la crise. La baisse continue des revenus a induit une chute de 40% de la consommation par habitant entre 1985/1986 et 1992/1993. L'encours de la dette est passé de moins 1/3 à plus 3/4 du PIB entre 1984/1985 et 1992/1993. Le taux d'investissement quant à lui est passé de 27% à moins de 11% du PIB.

Les Programmes d'ajustement structurel, plus particulièrement ceux conclus par le gouvernement en 1994 et 1995 avec le FMI au titre des Accords de confirmation se sont soldés, comme les précédents par un échec, les objectifs en terme de rétablissement de l'équilibre des finances publics et de services de la dette n'ayant pas été atteints.

C'est dans ce contexte marqué par la détérioration de la situation macroéconomique que le Cameroun a entrepris les démarches relatives à son admission à l'Initiative PPTE. Il en est de même de la situation socioéconomique.

Au niveau socioéconomique, les démarches relatives à l'admission du Cameroun à l'Initiative PPTE interviennent à un moment où le secteur social s'est considérablement dégradé. L'offre publique des services sociaux de base, d'emploi, d'infrastructures routières, de programmes hydrauliques, et d'électricité ayant connu un net ralentissement faute de financement.

C'est dans ce contexte caractérisé par la détérioration de la situation macroéconomique et socioéconomique que sont entreprises les démarches relatives à l'admission du Cameroun à l'Initiative PPTE. Et dans ce contexte :

« L'Initiative PPTE est une aubaine pour le Cameroun, car elle est arrivée à un moment où le Cameroun ne pouvait impulser son développement ni par le « principe multiplicateur» ni par le « principe accélérateur ». Or, l'Initiative PPTE permet non seulement la baisse de la dette, mais l'impulsion du développement à la fois par le « principe multiplicateur » (investissement) et le « principe accélérateur » (consommation) ».

Face à ces situations macroéconomiques et socioéconomiques d'une part, et à la nécessité de la survie de l'Etat d'autre part, le recours à l'Initiative PPTE a été perçu par l'Etat comme une alternative pour sa survie. Ainsi peut-il, à partir des ressources collectées de cette Initiative, réinvestir dans les secteurs sociaux jadis abandonnés faute de financement.

III.1.1.2. La volonté politique par rapport à la mise en oeuvre de l'Initiative PPTE au Cameroun : une question de formalité

Perçue comme alternative à son problème de surendettement et à ses besoins de survie, l'Initiative PPTE est au centre des actions des autorités camerounaises. Après l'admission du Cameroun au point de décision de cette Initiative, le gouvernement a aussitôt mis en place des dispositifs relatifs à la mise en oeuvre des projets y relatifs au Cameroun. Toutes ces mobilisations relatives à la mise en oeuvre de ces projets au Cameroun, loin d'être l'expression d'une simple volonté politique, comme il apparaît à première vue, relèvent d'une question de formalité.

Admis au point de décision de cette Initiative, l'atteinte du point d'achèvement est d'un enjeu majeur pour le Cameroun, pour autant qu'elle consacre le bénéfice total des allègements de la dette prévue dans le cadre de cette Initiative. Ainsi, focalisées sur cet enjeu, les actions des autorités camerounaises sont orientées vers la mise en place des dispositifs susceptibles de constituer un argument favorable, aux yeux des bailleurs de fonds, à l'atteinte du point d'achèvement, plutôt qu'à la mise en place des mesures favorables à la satisfaction des populations bénéficiaires de cette Initiative.

La mise en place du CCS/PPTE et celle annoncée du CSR/PPTE, tous des organes « indépendants » et l'adoption des principes « assez rigoureux » pour la mise en oeuvre des projets PPTE constituent entre autres, les indicateurs du respect des exigences de la bonne gouvernance recommandées par les bailleurs de fonds dans la gestion des fonds PPTE. Il s'agit pour le gouvernement de prendre des mesures à conviction par rapport à l'atteinte du point d'achèvement, question de se montrer capable de la bonne gestion des ressources y relatives et en définitive digne d'y accéder. Ce faisant, l'intérêt accordé à l'enjeu de l'atteinte de ce point oriente les actions vers le « comment » de l'atteinte de ce point, au point d'annihiler le « pourquoi » de l'Initiative PPTE.

Parce que trop attachées aux actions à mener, aux « opérations de charme » à conduire pour l'atteinte du point d'achèvement, les autorités, à travers le CCS/PPTE, ont adopté des principes non favorables à la satisfaction des populations bénéficiaires de l'Initiative. C'est ce qui a expliqué au départ, la timidité observée au CCS/PPTE par rapport aux dépôts des projets. Pour cette raison aujourd'hui encore, les projets en provenance des organisations de la société civile sont faiblement représentés parmi les projets éligibles au CCS/PPTE. Car la rigidité et la complexité des procédures limitent l'accès aux fonds PPTE à bon nombre de promoteurs de projets. A cette question de rigidité et à celle relative aux effets induits par les mesures afférentes à l'atteinte du point d'achèvement, les autorités évoquent la nécessité de l'atteinte de ce point. Et à propos, il est question pour le gouvernement de faire preuve de sa capacité à faire usage utile des ressources prévues à ce point. C'est ainsi que sont comprises les mesures gouvernementales relatives à cette Initiative. Aussi bien auprès des ministères promoteurs de projets qu'auprès de l'organe de gestion et de suivi des fonds PPTE, ce propos d'un de nos informateurs auprès d'un des ministères en charge de l'Initiative PPTE est partagé :

« Les procédures d'accès aux fonds PPTE sont difficiles, mais c'est le prix à payer pour atteindre le point d'achèvement de l'Initiative PPTE. Ces procédures doivent provisoirement être acceptées comme telles, car ce n'est qu'après l'atteinte du point d'achèvement que le Gouvernement aura une marge de manoeuvre assez suffisante pour normaliser la situation. »

Compte tenu de ce qui précède, il apparaît que les mesures gouvernementales relatives à la mise en oeuvre de l'Initiative PPTE ont pour finalité l'atteinte du point d'achèvement et non l'internalisation des logiques de développement promues par l'Initiative PPTE dans la mise en oeuvre des projets y relatifs au Cameroun. Et dans ces conditions, la volonté politique manifestée par les autorités camerounaises par rapport à la mise en oeuvre de l'Initiative PPTE s'inscrit dans le registre des formalités à remplir pour l'atteinte du point d'achèvement.

Après avoir constaté que le recours à l'Initiative PPTE par le Cameroun relève d'un besoin de survie et que la mise en place du dispositif gouvernemental y relatif relève d'une question de formalité, il y a lieu de s'interroger sur le sens profond de l'Initiative PPTE. Quel est le non-dit de cette Initiative ?

III.1.1.3. L'Initiative PPTE : une stratégie de promotion du néolibéralisme

Instrument de la politique de lutte contre la pauvreté, l'Initiative PPTE se révèle être également un instrument de promotion du néolibéralisme. Les indicateurs relatifs à sa mise en oeuvre et à celle des projets y relatifs concourent à la démonstration de cette affirmation.

Forme moderne du libéralisme, qui laisse place à une intervention limitée de l'Etat, le néolibéralisme caractérise la démarche relative à la mise en oeuvre de l'Initiative PPTE au Cameroun. En effet, cette Initiative a un volet économique et un volet social.

Le volet économique porte sur les réformes économiques à mettre en place et vise la libéralisation du secteur économique. Cette libéralisation se traduit par la privatisation, autrement dit par« les transferts d'activités économiques du secteur public au service privé ».

Le volet social porte sur le développement social et se traduit par le financement des projets ayant une incidence directe sur l'amélioration des conditions de vie des populations, à travers la conversion de la dette extérieure. Ce volet social est, dans le cadre de cette Initiative, dévolue à l'Etat avec l'exigence de la mise en place d'un dispositif participatif intégrant la société civile et les populations bénéficiaires.

Cette démarche à deux volets qui prône d'une part le retrait de l'Etat du secteur économique, et limite les interventions de l'Etat au secteur social d'autre part, est caractéristique du néolibéralisme. Cette limitation du rôle de l'Etat au social s'observe également dans l'allocation des fonds PPTE.

Les principes d'allocation des fonds PPTE obéissent entre autres à la logique de promotion de la dimension sociale du développement. Cette logique observée à travers les domaines cibles des projets PPTE, participe de la promotion du néolibéralisme au Cameroun. En effet, la limitation de l'intervention de l'Etat au social est plus clairement promue au niveau de l'éligibilité des projets PPTE. Ne sont éligibles au financement PPTE que les projets relevant des domaines de l'éducation, de la santé, du développement social, du développement rural, des infrastructures et de la gouvernance. Ces projets d'origine majoritairement étatiques, sont également exécutés par les acteurs étatiques. A travers ces projets, l'Initiative PPTE confine davantage l'Etat à des interventions dans le secteur social, le secteur économique étant réservé à l'initiative privée.

A travers sa mise en oeuvre et celle des projets y relatifs, l'Initiative PPTE apparaît bien comme un instrument de promotion du néolibéralisme au Cameroun. Et on peut alors penser comme les critiques de « gauche » des Institutions de Bretton Woods pour qui ces Institutions « n'auraient adopté le slogan de lutte contre la pauvreté que pour faire mieux accepter la poursuite de leur politique de libéralisation ».

Cette libéralisation, caractérisée par la libre entreprise, l'ouverture du marché et la concurrence, n'est favorable qu'aux Etats et aux acteurs économiquement forts, et a l'inconvénient de fragiliser ceux qui sont économiquement faibles. Car, l'esprit capitaliste qui en résulte oblitère toutes préoccupations sociales dans le comportement des acteurs économiques. De plus, le volet social prévu pour l'accomplissement de cette Initiative, bien que résultant de la prise de conscience des conséquences sociales néfastes des PAS, s'inscrit dans une durée limitée, contrairement au volet économique qui s'insère dans un processus s'inscrivant dans la longue durée. Du fait de cette portée limitée dans le temps et dans l'espace des mesures d'accompagnement de la libéralisation promue par l'Initiative PPTE, il y a lieu d'émettre des réserves quant à la capacité de cette Initiative à lutter contre la pauvreté au Cameroun. Autrement dit, la démarche relative à la mise en oeuvre de cette Initiative est de nature à la rendre inopérante sur la pauvreté au Cameroun, d'autant plus que la libéralisation continuera de produire, comme ce fut le cas pour les PAS, les inégalités et les conséquences sociales néfastes sur les populations.

En somme, l'application de l'approche sociocritique à la lecture des mécanismes de mise en oeuvre des projets PPTE au Cameroun nous a permis de découvrir les non-dits de ces mécanismes et au-delà de l'Initiative PPTE au Cameroun. Ainsi sommes-nous arrivé à constater que la volonté politique relative à cette Initiative au Cameroun relève d'un besoin de survie et d'une question de formalité d'une part, et que la mise en oeuvre de cette Initiative au Cameroun s'inscrit dans la stratégie de promotion du néolibéralisme, d'autre part. Mais cette grille de lecture ne permet pas de rendre compte de la complexité de cette Initiative. Car la mise en oeuvre des projets y relatifs se fait suivant un mécanisme correspondant à la configuration de l'analyse « input-output » développé par David Easton. De ce fait, l'intelligibilité de la mise en oeuvre des projets PPTE requiert également cette analyse.

III.2. L'Initiative PPTE comme système de développement au Cameroun

La mise en oeuvre de l'Initiative PPTE met en exergue une « configuration développementiste » constituée des promoteurs de projets, du CCS/PPTE et des bénéficiaires des projets. Dans cette mise en oeuvre, le CCS/PPTE a une position médiane qui lui confère un rôle déterminant dans l'exécution du volet social de l'Initiative PPTE. Mais son efficacité dépend à la fois de la demande (projets) ou « input » qu'il reçoit des promoteurs de projets et de sa capacité à traduire ces demandes en réponses ou « output » appropriés aux attentes des bénéficiaires. Ainsi, de la réaction des bénéficiaires aux réponses du CCS/PPTE ou « feedback », s'amorcent de nouvelles demandes. L'analyse systémique permet de rendre compte de la capacité du volet social de l'Initiative PPTE à lutter contre la pauvreté au Cameroun, à travers l'analyse « input-output » de la mise en oeuvre de ce volet.

III.2.1. Les « input » de la mise en oeuvre de l'Initiative PPTE

Les « input »orientés vers l'organe de gestion des projets PPTE, le CCS/PPTE, sont constitués de projets, lesquels projets sont acceptés moyennant le respect des principes y relatifs en vigueur.

III.2.1.1. Les « input » du CCS/PPTE : des projets à portée limitée sur la réduction de la pauvreté

De par leurs domaines restreints et leurs actions limitées dans le temps, les projets PPTE ont une portée limitée sur la réduction de la pauvreté au Cameroun.

Restreints aux domaines de l'éducation, de la santé, du développement social et rural, des infrastructures et de la gouvernance, les projets relèvent exclusivement du social et n'intègrent pas les aspects économiques. Ils visent l'amélioration des conditions de vie de la population par leur dotation en infrastructures susceptibles de favoriser leur accès à l'éducation, aux soins de santé primaires, au développement social et rural, aux voies de communication et à la citoyenneté.

Cette restriction dans le financement des projets PPTE pose le problème de l'accès des populations cibles aux services offerts par ces projets. A ce sujet, ces propos de cet informateur sont assez révélateurs des difficultés d'accès des populations aux services offerts par ces projets :

« Comment accéder à l'éducation, à la santé et à d'autres services offerts par les projets PPTE quand on est financièrement pauvre, quand on est démuni ? L'accès à l'éducation, à la santé et autres, nécessite à la base une capacité financière de la part de populations cibles. »

Autrement dit, la restriction des projets PPTE au social fait obstacle à leur opérationnalité sur la réduction de la pauvreté. C'est pourquoi, affirme cet autre informateur :

« L'accent devrait être mis sur les PME, en créant des pôles et pépinières d'entreprises car, avec l'approche de la lutte contre la pauvreté de l'Initiative PPTE, on court le risque d'arriver à des situations où il existera des salles de classe sans élèves, des hôpitaux sans malades »

De plus, les projets PPTE ont des actions limitées dans le temps. Il s'agit d'un ensemble d'activités ponctuelles. Mis sur pied pour accompagner les réformes macroéconomiques engagées dans le cadre de l'Initiative PPTE, les projets PPTE s'inscrivent dans une durée très limitée, contrairement aux réformes macroéconomiques qui sont de longue durée. Et dans ces conditions, le risque encouru est celui de la résurgence des conséquences sociales néfastes des réformes, du fait de la limitation des mesures d'accompagnement dans le temps.

Pour toutes ces raisons, les projets PPTE se révèlent d'une portée limitée sur la lutte contre la pauvreté au Cameroun. Qu'en est-il des principes de soumission de ces projets au CCS/PPTE ?

III.2.1.2. Les principes de soumission des projets PPTE : des principes limitatifs

Les projets destinés au financement PPTE sont soumis à des principes aussi rigoureux qu'ils ne favorisent pas la soumission des projets par de nombreux promoteurs.

Dans le souci du respect des principes de la bonne gouvernance, les projets destinés au financement PPTE, sont soumis au respect des critères de conformité et des critères d'évaluation. La conformité à tous ces critères nécessite de la part des promoteurs de projets de bonnes connaissances en matière de montage et de gestion des projets de développement. Dans le cadre de l'Initiative PPTE, les promoteurs des projets viennent d'origines diverses et ne sont pas toujours à la hauteur des exigences liées à la soumission des projets. C'est pourquoi, dans les départements ministériels que nous avons approchés, des Cellules de projets PPTE ont été créées et placées sous la direction d'un personnel formé ou en cours de formation. A cet effet, en dehors des départements ministériels et des collectivités territoriales décentralisées, seules les organisations de la société civile assez bien structurées parviennent à soumettre des projets éligibles au financement PPTE. Sur 48 projets soumis au CCS/PPTE et évalués lors de la réunion du 27/11/2003par exemple, 23 projets ont été soumis par les départements ministériels, 23 par les organisations de la société civile et 02 par les communes. S'agissant des projets validés en février et octobre 2004, 05 ont été soumis par les départements ministériels et 03 par les organisations de la société civile, sur un total de 08 projets.

En définitive, les projets PPTE, du fait des principes de soumission faits de critères contraignants, sont de promotion difficile. Ces contraintes excluent de la promotion des projets PPTE une frange importante de potentiels promoteurs de projets. Du fait de ces mêmes principes, la soumission des projets PPTE a connu une timidité inquiétante au début du fonctionnement du CCS/PPTE. Au total, les « input » du CCS/PPTE sont à la fois de portée limitée et de principes limitatifs. Ses « output » échappent-ils à cette réalité ?

III.2.2. Les « output » de la mise en oeuvre des projets PPTE

Les « output » ou les réponses du CCS/PPTE aux projets qui lui sont soumis sont constitués des financements et des procédures.

III.2.2.1. Les « output » du CCS/PPTE : des réponses limitées

Les réponses apportées par les CCS/PPTE aux demandes des promoteurs sont insuffisantes.

Les projets soumis au CCS/PPTE et déclarées éligibles à l'issue de leur examination, bénéficient du financement PPTE. Le montant de ce financement, en raison du volume des projets à financer, n'est pas toujours proportionnel au montant nécessaire pour la réalisation des projets soumis comme l'illustre le propos de cet informateur de MINADER :

« Les allocations faites pour les projets PPTE sont insuffisantes, pourtant l'agriculture est la base de l'économie nationale ».

Cette insuffisance à laquelle font allusion les autres Institutions ayant servi de cadre à notre étude, pose le problème du fonctionnement de la structure d'élaboration, de suivi et d'évaluation des projets :

« Les projets PPTE, au regard des autres projets financés par d'autres fonds, ont des problèmes de fonctionnement, ils ont un problème de motivation du personnel affecté aux projets, car le financement PPTE ne prend pas en compte le budget de fonctionnement.»

En plus de ces insuffisances relevées dans le financement des projets PPTE, les « output » du CCS/PPTE ont un problème de cohérence par rapport aux objectifs des projets à réaliser.

III.2.2.2. Les « output » du CCS/PPTE : des réponses incohérentes

Les réponses du CCS/PPTE aux demandes qui lui sont adressées, sont faites de procédures qui ne permettent pas la réalisation cohérente des projets.

Adossés au budget de l'Etat et soumis à la procédure de décaissement des fonds au trésor public, les fonds PPTE posent le problème du respect du chronogramme des projets dans leur acheminement. Du fait « des circuits administratifs faits de lourdeurs bureaucratiques », « l'acheminement des fonds PPTE est en déphasage avec le chronogramme des projets». Ce déphasage constitue un obstacle pour les projets à réalisation saisonnière (projets agricoles et autres) en particulier, et pour l'atteinte des objectifs de lutte contre la pauvreté en général.

Ces difficultés liées à la procédure d'acheminement des fonds PPTE, associées à l'insuffisance desdits fonds, engendrent des incohérences dans la mise en oeuvre des projets PPTE. Elles sont à l'origine du report des activités relatives aux projets, de la restriction de leurs objectifs, de leur réalisation séquentielle, avec pour conséquence leur opérationnalité tardive sur la réduction de la pauvreté au Cameroun. Pour ces raisons, les « output » du CCS/PPTE sont incohérents par rapport aux objectifs des projets déclarés éligibles d'une part, et par rapport aux objectifs de réduction de la pauvreté au Cameroun d'autre part.

En somme, l'approche systémique nous a permis d'apprécier la capacité du volet social de l'Initiative PPTE à réduire la pauvreté au Cameroun, à travers l'analyse de ses « input » et de ses « output ». Il en ressort que les « input » de cette Initiative sont de portée limitée sur la réduction de la pauvreté au Cameroun, du fait de leurs principes limitatifs. Les « output » quant à eux sont limités et incohérents par rapport aux objectifs de réduction de la pauvreté visée par les projets. Ces insuffisances du volet social de l'Initiative PPTE ne favorisent pas son efficacité sur la réduction de la pauvreté au Cameroun. Par ailleurs, face à la rigidité des principes de mise en oeuvre de cette Initiative se sont développées de la part de certains promoteurs de projets, des stratégies d'accès au financement que l'approche systémique ne permet pas d'appréhender. D'où la nécessité d'une approche stratégique de la mise en oeuvre de cette Initiative au cameroun.

III.3. La mise en oeuvre de l'Initiative PPTE au centre des stratégies des promoteurs de projets

Face à la rigidité des principes de mise en oeuvre de l'Initiative PPTE, certains promoteurs de projets ont développé des stratégies qui leur permettent de surmonter les exigences desdits principes. Ces stratégies sont mises en oeuvre aussi bien dans la phase de soumission des dossiers de projets qu'à celles de leur financement. L'analyse de ces stratégies est susceptible de fournir des éléments nécessaires pour la compréhension de l'impact de l'Initiative PPTE sur la réduction de la pauvreté au Cameroun. Ainsi analyserons-nous les stratégies développées par les promoteurs pour l'éligibilité de leurs projets d'une part, et pour leur financement d'autre part.

III.3.1. L'éligibilité des projets PPTE : les stratégies de courtage au service des promoteurs de projets

Dans le cadre de la mise en oeuvre du volet social de l'Initiative PPTE, les promoteurs de projets sont issus de la « configuration développementiste » au Cameroun. Plus précisément, ils constituent ce que Bierschenk et al appelle les « courtiers locaux en développement », c'est-à-dire des acteurs sociaux implantés dans une arène locale et qui servent d'intermédiaire pour drainer les ressources extérieures relevant de l'aide au développement. Ces promoteurs sont des porteurs locaux de projets de développement et assurent l'interface entre les donateurs et les bénéficiaires des projets. Ils sont censés représenter les populations locales bénéficiaires ou en exprimer les besoins vis-à-vis de l'organe en charge de la gestion des fonds PPTE. Mais, du fait de la difficulté à remplir convenablement les critères exigibles pour l'éligibilité de leurs projets, certains promoteurs ont développé une stratégie d'éligibilité en dehors de la démarche réglementaire en vigueur dans le processus de financement des projets PPTE, il s'agit de la stratégie de rapprochement.

En effet, suivant la démarche réglementaire relative au processus de financement des projets PPTE, les promoteurs de projets doivent déposer auprès du CCS/PPTE, un dossier de projets remplissant les critères de conformité et d'évaluation. Mais à travers la stratégie de rapprochement, il est question pour les promoteurs qui optent pour cette voie, de se rapprocher des experts du CCS/PPTE question de se parer des atouts favorables à l'éligibilité de leurs projets.

Cette stratégie de rapprochement leur permet d'avoir ce que Bierschenk et al appellent, s'agissant des courtiers en développement, la « compétence scénographique». Il s'agit d'une compétence qui permet aux promoteurs en question de construire une « vitrine » qui puisse séduire les membres de la Commission de sélection des projets PPTE et combler les attentes des experts sectoriels chargés de l'évaluation des projets. Cette « compétence scénographique » se traduit par « l'art de faire croire » car, il est question pour les promoteurs de projets de « fabriquer une réalité » conforme à ce qu'on estime être les attentes de la Commission de sélection des projets.

Dans cette stratégie de rapprochement, la « compétence scénographique » mise en exergue par ces promoteurs-« courtiers en développement » n'est pas à l'avantage des bénéficiaires supposés de projets dont ils sont porteurs. C'est ce que reconnaissent Bierschenk et al. lorsqu'ils affirment :

« Le talent du courtier s'exprime moins dans son habileté à « vendre » des initiatives venues « du bas » qu'à répondre à la dynamique de « l'offre de projet » qui provient du monde du développement ».

Ainsi, la stratégie de rapprochement mise en oeuvre par certains promoteurs de projets PPTE constitue un obstacle pour l'atteinte des objectifs de lutte contre la pauvreté visés par l'Initiative PPTE, pour autant qu'elle dessert l'intérêt général,surtout ceux des populations cibles, au profit des intérêts particuliers des promoteurs rentiers. Une stratégie similaire est également présente dans le financement proprement dit des projets déclarés éligibles à l'Initiative PPTE.

III.3.2. Le financement des projets PPTE : la « politique du ventre » au service d'une canalisation atypique

La «politique du ventre » mise à contribution dans le financement des projets PPTE renvoie aux pratiques alimentaires et aux activités d'accumulation dont fait allusion Jean-François Bayart, parlant de la « gouvernementalité » en Afrique. Du fait de la transposition de cette politique dans le financement des projets PPTE, les fonds destinés à la réalisation des projets déclarés éligibles font l'objet d'une canalisation atypique.

En effet, suivant les dispositions réglementaires relatives à l'acheminement des fonds dans le cadre du financement de projets PPTE, les projets déclarés éligibles sont confiés aux départements ministériels compétents qui assurent le décaissement des fonds y relatifs et leur réalisation. Mais sous l'effet de « la politique du ventre », la réalisation de certains projets en provenance des organisations de la société civile, échappe à cette réglementation. En fait, certains promoteurs de projets en provenance de cette catégorie de la « configuration développementiste » en viennent, par des stratégies de désintéressement des responsables des Institutions étatiques en charge de leurs projets, à se soustraire de la réglementation qui voudrait que les projets soient réalisés par les Institutions auxquelles ils sont confiés. Plus concrètement, ces promoteurs obtiennent l'autonomie financière et technique de la gestion de leurs projets, en concédant un pourcentage des fonds y relatifs aux personnes en charge desdits projets dans les Institutions concernées. C'est par cette stratégie de désintéressement qui renvoie à la « politique du ventre » que cette catégorie de promoteurs parvient à imprimer, de façon pratique, sa marque dans la réalisation des projets PPTE au Cameroun.

Cette pratique dans le financement des projets PPTE met en évidence le fait que les dispositions relatives à la bonne gouvernance promue dans la mise en oeuvre de cette Initiative n'échappent pas aux actions des « couches sociales « crisocratiques » » nées avec « l'exacerbation de la crise économique et l'ajustement structurel » au Cameroun.

En résumé, l'approche stratégique permet de mettre en évidence le comportement des promoteurs des projets PPTE face aux exigences de la réglementation y relative. Il apparaît qu'ils mettent en oeuvre des stratégies à deux niveaux de l'allocation des fonds PPTE : au niveau de l'éligibilité et à celui du financement proprement dit. Ainsi, les stratégies de courtage et de désintéressement respectivement mises en oeuvre à chacun de ces deux niveaux, ne sont pas de nature à favoriser la réduction de la pauvreté visée par l'Initiative PPTE. Du fait de leur finalité égoïste, ces stratégies de courtage et de désintéressement contribuent à la production des inégalités car elles obéissent à une démarche discriminatoire et aboutissent à des fins également discriminatoires, pour autant qu'elles ne profitent qu'à des privilégiés et non à l'ensemble des populations, notamment aux populations réellement nécessiteuses.

Ce chapitre consacré aux mécanismes de mise en oeuvre de l'Initiative PPTE au Cameroun présente le dispositif gouvernemental et les principes y relatifs. Il fait également une interprétation analytique de ces dispositifs et principes, et se termine sur une analyse sociologique de ces mécanismes. De l'interprétation analytique, il ressort que la mise en oeuvre de l'Initiative PPTE au Cameroun est l'expression d'une volonté politique et que les principes de leur mise en oeuvre ont une logique pédagogique du développement, laquelle logique se traduit par la promotion de la dimension sociale dans le développement, la promotion de la bonne gouvernance et la promotion de l'approche projet dans le développement au Cameroun. L'analyse sociologique effectuée par le truchement des approches sociocritique, systémique et stratégique a permis d'aller au-delà de l'interprétation analytique sus-évoquée. Ainsi, il ressort de l'approche sociocritique que la volonté politique affichée par le gouvernement camerounais par rapport à l'Initiative PPTE relève à la fois d'un besoin de survie et d'une question de formalité, et que l'Initiative PPTE est un instrument de promotion du néolibéralisme. De l'approche systémique, il ressort que les « input » orientés vers l'organe de gestion des projets PPTE, le CCS/PPTE, sont constitués de projets à portée limitée sur la lutte contre la pauvreté et des principes limitatifs. Les « output » quant à eux sont constitués de réponses limitées et incohérentes. Enfin, il ressort de l'approche stratégique que les stratégies de courtage et de désintéressement mises en oeuvre par les promoteurs de projets ne permettent pas une action efficace des projets PPTE sur la réduction de la pauvreté au Cameroun. Au total, la mise en oeuvre de l'Initiative PPTE au Cameroun est émaillée d'écueils qui compromettent l'atteinte des objectifs de réduction de la pauvreté envisagée dans le cadre de cette Initiative. Ces écueils relevés à ce stade de l'étude sont relatifs aux mécanismes de mise en oeuvre de son volet social. Mais la réussite d'un projet de développement nécessitant à la fois des mécanismes adaptés et une participation effective de bénéficiaires à sa réalisation, il est par conséquent nécessaire de s'interroger sur le principe participatif envisagé et pratiqué dans la mise en oeuvre de l'Initiative PPTE. D'où la dernière articulation de notre étude sur le principe participatif dans la mise en oeuvre de cette Initiative au Cameroun.

Chapitre IV :

L'approche participative dans la mise en oeuvre de l'Initiative PPTE au Cameroun

Le concept de participation est d'un intérêt croissant dans l'actualité consacrée à la mise en oeuvre des projets ou des initiatives de développement. C'est dans un contexte socio-développementiste marqué par la vogue de ce concept que voit le jour le nouvel instrument de développement des pays du sud, l'Initiative PPTE.

Lancée en 1996 pour sa version initiale et en 1999 pour sa version renforcée, par la Banque mondiale et le FMI, l'Initiative PPTE apparaît comme une initiative de développement révolutionnaire, pour autant qu'elle rompt avec l'approche de développement préconisée par les initiatives précédentes. Contrairement à ces précédentes initiatives axées sur une approche économiste et peu ou non socialisante, l'Initiative PPTE allie les reformes macroéconomiques à l'allègement de la dette, et à la lutte contre la pauvreté. A cette approche qui intègre désormais le social, elle associe une démarche participative qui vise l'implication de tous les acteurs sociaux à la réalisation des initiatives de développement.

Cette démarche participative, compte tenu des leçons du passé, est l'une des modalités indispensables pour la réussite de la nouvelle initiative, modalité à laquelle s'ajoutent des mécanismes de mise en oeuvre adaptés. Comment s'opère le principe de participation dans la mise en oeuvre de l'Initiative PPTE au Cameroun? C'est à cette question qui permet de mettre en évidence le principe de participation dans la mise en oeuvre de l'Initiative PPTE au Cameroun que le présent chapitre tente de répondre. Il s'ouvre sur la présentation du prétexte, des principes et des objectifs de la participation dans les initiatives de développement, s'enchaîne avec l'observation de la participation dans la mise en oeuvre de l'Initiative PPTE au Cameroun, se poursuit avec l'interprétation analytique de cette pratique et se termine sur son analyse sociologique.

I. PRETEXTE, PRINCIPES ET OBJECTIFS DE L'APPROCHE PARTICIPATIVE DANS LES INITIATIVES DE DEVELOPPEMENT

Définie par la Banque mondiale comme processus à travers lequel les agents influencent et partagent le contrôle sur la fixation des priorités, la définition des politiques, l'allocation des ressources et l'accès aux biens et services publics, la participation est au coeur de la problématique de la mise en oeuvre des initiatives de développement. Cet intérêt s'explique par les leçons du passé. La participation dans les initiatives de développement obéit à des principes et à des objectifs.

I.1. Prétexte de l'adoption de l'approche participative dans les initiatives de développement

L'adoption de la démarche participative dans la mise en oeuvre des initiatives de développement s'explique par deux principales erreurs commises par le passé : la non insertion dans les valeurs des communautés d'accueil des initiatives et la non implication de celles-ci dans la formulation, la planification et la réalisation desdites initiatives.

Ces erreurs s'expliquent par l'approche théorique dans la conception des initiatives de développement. En effet, ces initiatives visaient à combler le retard accusé par rapport à l'Occident. Ainsi, il fallait, à grand renfort de capitaux, créer les conditions d'un décollage économique comme ce fut le cas pour l' Occident. Les initiatives de développement inspirées de ces théories de rattrapage ont connu des échecs. Ces échecs s `expliquent par « une conception étroite du développement qui ne prend pas en compte la diversité des cultures et des sociétés dans le monde ». Dix ans après ce constat fait lors du colloque de Washington sur la culture et le développement de l'Afrique en 1992, la Banque mondiale a fait le même constat lors de la conférence de Monterrey en 2002 :

« Une leçon tirée de l'expérience du passé est que la reforme ne réussit généralement pas sans une forte appropriation locale et une large approche, qui inclut la prise en charge des institutions, la gouvernance et la participation des acteurs- une leçon qui constitue le moteur du processus des documents stratégiques de réduction de la pauvreté (DSRP) ».

La nouvelle démarche, la démarche participative, découle donc de la prise de conscience de l'existence des lacunes des stratégies passées, qui sont principalement attribuées par la Banque mondiale à leur manque d'appropriation par les pays censés les mettre en pratique.

Face à la conception productiviste du développement en vigueur dans les anciennes initiatives, l'approche participative oppose une conception plus humaine du développement. Elle démontre que le développement d'une société est sa vie elle même et qu'il ne saurait être un produit d'exportation. La participation dans les initiatives de développement se caractérise par des principes.

I.2. Principes de l'approche participative dans les initiatives de développement

L'approche participative en matière de développement repose sur deux principes fondamentaux :

- la prise en compte des valeurs et des besoins des communautés d'accueil d'une part ;

- Leur implication dans la mise en oeuvre des initiatives de développement d'autre part.

L'approche participative en matière de développement suppose la prise en compte des valeurs et des besoins des communautés d'accueil dans les initiatives de développement qui leur sont destinées. Suivant ce principe, les initiatives de développement doivent répondre aux besoins et s'insérer dans les valeurs des populations bénéficiaires. Autrement dit, l'élaboration des initiatives de développement doit passer par la consultation des populations bénéficiaires, à l'effet de définir leurs besoins, leurs priorités en matière de développement et les politiques ou les stratégies à mettre en place pour y faire face. Il s'agit à travers ce principe de mettre en oeuvre des initiatives de développement adaptées et susceptibles de contribuer de façon efficace au bien-être des populations bénéficiaires.

L'approche participative suppose également l'implication des membres des communautés d'accueil dans la mise en oeuvre des initiatives de développement. Ce principe suppose une étroite implication des bénéficiaires à toutes les étapes de la mise en oeuvre des initiatives de développement qui leur sont destinées. Il s'agit de les associer à l'identification, à la réalisation, au suivi et à l'évaluation des initiatives. Suivant ce principe, les membres des communautés d'accueil ne sont plus de simples bénéficiaires des initiatives comme par le passé, mais des acteurs eux aussi, de leur propre développement.

La prise en compte des valeurs et des besoins des communautés d'accueil et leur implication dans la mise en oeuvre des initiatives de développement sont au fondement de l'approche participative. Cette approche consacre les bénéficiaires des initiatives de développement comme des acteurs incontournables et même indispensables de la mise en oeuvre des initiatives de développement. Elle inverse l'échelle des valeurs qui faisait des experts nationaux et internationaux les mieux aptes à conduire les initiatives de développement et considère les populations des communautés d'accueil comme des « experts profanes ».

L'approche participative procède d'une démarche ethnométhodologique, celle qui consiste à considérer les acteurs sociaux comme des « sociologues profanes », comme la source des significations sociales, parce que capables d'adapter leurs comportements et de les décrire eux mêmes. En définitive, l'approche participative obéit au principe de l'ethnométhodologie qui refuse de considérer les acteurs sociaux comme des « « idiots culturels » hyperconformes aux normes sociales préétablies et faiblement réflexifs ». Elle donne la parole à ceux jadis considérés comme des « sans voix » en matière de développement. Elle vise un certain nombre d'objectifs.

I.3. Les objectifs de l'approche participative dans les initiatives de développement

L'approche participative en matière de développement vise trois objectifs principaux : L'appropriation, l'insertion et la responsabilité démocratique.

L'approche participative vise tout d'abord l'appropriation des initiatives de développement par les acteurs sociaux concernés. La participation de tous les acteurs sociaux concernés, non seulement à la définition mais également au suivi des politiques, favorise leur degré d'engagement et les incite à entreprendre efficacement les actions prévues, tout en suscitant l'adhésion de l'ensemble de la population aux réformes favorisant leur « appropriation » (ownership) par les communautés d'accueil.

L'approche participative vise également l'insertion des besoins des communautés d'accueil dans les préoccupations des initiatives de développement. La participation est censée contribuer à enrichir les débats et à définir une stratégie plus adéquate, répondant aux véritables besoins sociaux. Cette démarche désignée sous le terme d' « insertion » (empowerment), est censée donner aux pauvres l'opportunité d'influer sur les politiques qui affectent leurs conditions de vie.

L'approche participative vise enfin la « responsabilité démocratique ». A travers la participation, l'ensemble des acteurs sociaux est introduit dans le domaine réservé de l'Etat, qui doit désormais rendre compte de ses actes, avec pour objectif le respect du principe de « responsabilité démocratique » (accountability), qui était souvent négligé jusqu'alors dans la plupart des pays en développement.

Tous ces principes et objectifs de la participation sont supposés servir de repère à la mise en oeuvre de l'Initiative PPTE au Cameroun. Mais sont-ils réellement appliqués dans la mise en oeuvre de cette Initiative ? Qu'en est-il exactement ?

II. L'APPROCHE PARTICIPATIVE DANS LA MISE EN OEUVRE DE L'INITIATIVE PPTE AU CAMEROUN : APPROCHE DESCRIPTIVE

Processus axé sur le rôle essentiel que doivent jouer les acteurs sociaux dans la mise en oeuvre des initiatives de développement, la participation, en ce qui concerne de l'Initiative PPTE, est supposée se pratiquer dans les deux grandes phases de la mise en oeuvre de son volet social : la phase de la sélection des projets éligibles au financement PPTE et la phase de leur réalisation.

II.1. La participation au niveau de la sélection des projets PPTE

L'observation de cette application va se faire auprès des différentes catégories d'acteurs sociaux concernés par les projets PPTE. Ces catégories d'acteurs sont constituées des acteurs au sommet, des acteurs intermédiaires et des acteurs à la base.

II.1.1. Les acteurs au sommet

Les acteurs au sommet regroupent les Institutions en charge de la politique générale de l'Initiative PPTE au Cameroun. Dans cette catégorie se retrouvent les principaux bailleurs de fonds (Banque mondiale, FMI) et le gouvernement à travers le chef de département ministériel délégué à cet effet.

II.1.1.1. Les bailleurs de fonds

Dans la phase de la mise en oeuvre des projets PPTE consacrée à la sélection des projets éligibles au financement PPTE, les bailleurs de fonds assistent aux travaux du Comité consultatif et de suivi de la gestion des ressources PPTE en qualité d'observateurs.

II.1.1.2. Le gouvernement

Dans la catégorie des acteurs au sommet, le Gouvernement est représenté par le ministre chargé de l'Economie et des finances. Il est le président du Comité consultatif et de suivi de la gestion des ressources PPTE. Il convoque et préside les réunions du Comité et a une voix prépondérante lors de l'adoption des délibérations relatives à l'éligibilité des projets. Les réunions concernent tous les membres du Comité parmi lesquels ceux de la catégorie des acteurs intermédiaires.

II.1.2. Les acteurs intermédiaires

Cette catégorie d'acteurs joue le rôle d'interface entre les acteurs au sommet et ceux de la base. Dans cette catégorie, se retrouvent les départements ministériels gestionnaires des dépenses sur financement PPTE et les organisations de la société civile.

II.1.2.1. Les départements ministériels

Dans cette catégorie se retrouvent des ministères à la fois membres du Comité consultatif et de suivi de la gestion des ressources PPTE et gestionnaires des dépenses sur financement PPTE. Il s'agit des ministères en charge des investissements publics, en charge de l'éducation nationale, en charge de la santé publique, en charge des travaux publics, en charge de la ville, et en charge de l'agriculture. Tous ces ministères participent par la voix de leurs chefs ou de leurs représentants, aux délibérations qui sont adoptées à la majorité des membres présents.

II.1.2.2. La société civile

La société civile dont il est question dans le cadre de la participation à la mise en oeuvre des projets PPTE, s'identifie bien à ce que Séverin Cécile Abéga définit comme « la fraction de la société située en dehors des structures de l'Etat et agissant à travers les structures de type associatif, coopératif ou les organisations de défense des droits et d'intérêts hors du cadre des partis politiques ». Ainsi, les organisations de la société civile représentées au Comité consultatif et de suivi de la gestion des ressources PPTE sont constituées de (03) trois représentants des confessions religieuses représentant chacun l'église catholique, les églises protestantes et l'islam, (01) un représentant de l'association professionnelle de la micro-finance siégeant selon un mécanisme de rotation de ses membres, et (02) deux représentants d'ONG ou associations. Ces organisations de la société civile sont membres du Comité et participent chacune aux délibérations adoptées à la majorité des membres présents.

II.1.3. Les acteurs à la base

Les acteurs à la base sont constitués des bénéficiaires supposés des initiatives mises en oeuvre dans le cadre du volet social de l'Initiative PPTE. Au sein du Comité consultatif et de suivi de la gestion des ressources PPTE, aucun siège n'est réservé aux acteurs à la base, aux bénéficiaires des projets. Ils sont supposés être représentés par les organisations de la société civile, notamment les ONG.

En somme, dans la phase de la sélection des projets éligibles au financement PPTE, toutes les catégories d'acteurs de développement au Cameroun sont représentés, à l'exception des populations directement bénéficiaires des initiatives. Qu'en est-il de la phase de réalisation desdites initiatives ?

II.2. La participation au niveau de la réalisation des projets PPTE

La participation au niveau de la réalisation des projets PPTE s'observe à travers les rôles dévolus à chacun des acteurs sus-cités dans cette réalisation. La réalisation renvoie ici à la phase de concrétisation des projets.

II.2.1. Le rôle des acteurs au sommet dans la réalisation des projets PPTE

Les acteurs au sommet, comme indiqué plus haut, comprennent les bailleurs de fonds et le gouvernement.

II.2.1.1. Le rôle des bailleurs de fonds

En plus du rôle d'observateurs dans la phase de sélection des projets, les bailleurs de fonds peuvent encore jouer le rôle de promoteurs de projets. Ainsi, ils peuvent eux aussi soumettre leurs projets au financement PPTE. Mais dans le cadre de la réalisation des projets, ils n'ont aucun rôle à jouer sinon celui de suivi et de contrôle de leurs projets déclarés éligibles au financement PPTE.

II.2.1.2. Le rôle du gouvernement

Le gouvernement, plus précisément le ministre de l'Economie et des finances qui assure la tutelle du Comité consultatif et de suivi de la gestion des ressources PPTE, est l'ordonnateur des dépenses relatives à la réalisation des projets PPTE. Il assure la supervision générale des projets PPTE.

II.2.2. Le rôle des acteurs intermédiaires dans la réalisation des projets PPTE

Ce sont les acteurs clés de la réalisation des projets PPTE au Cameroun. Ils sont constitués, comme signalé plus haut, des départements ministériels et des organisations de la société civile.

II.2.2.1. Le rôle des départements ministériels

En plus du rôle de promoteurs des projets, les départements ministériels, qu'ils soient membres du Comité consultatif et de suivi de la gestion des ressources PPTE ou non, sont les principaux réalisateurs des projets PPTE. Les projets déclarés éligibles sont confiés aux départements ministériels compétents qui en assurent la réalisation. Cette réalisation se fait suivant les mécanismes traditionnels de réalisation des projets dans lesdits ministères, lesquels consistent en un ordonnancement hiérarchique qui part des services centraux desdits ministères à leurs services extérieurs qui comprennent des délégations provinciales, départementales et d'arrondissements. Les projets sont ainsi réalisés par le personnel des ministères concernés.

II.2.2.2. Le rôle des organisations de la société civile

En principe, le rôle des organisations de la société civile se limite à la promotion des projets et aux suggestions pour celles qui sont membres du Comité consultatif et de suivi de la gestion des ressources PPTE. Mais, par dérogation à ce principe, quelques organisations de la société civile parviennent à obtenir l'exclusivité de la réalisation de leurs propres projets, la raison avancée étant que ces projets ne s'inscrivent dans le champ d'action d'aucun département ministériel. En dehors de ces cas qui sont des exceptions, les organisations de la société civile ne participent pas à la réalisation des projets PPTE. Qu'en est-il des acteurs à la base ?

II.2.3. Le rôle des acteurs à la base

Dans la phase de sélection des projets éligibles au financement PPTE, les acteurs à la base sont supposés être représentés par les organisations de la société civile. Dans la phase de réalisation, ils sont quasi absents, sauf dans les cas exceptionnels des projets réalisés par les organisations de la société civile. De façon générale, les acteurs à la base sont des bénéficiaires passifs des projets réalisés dans le cadre de la mise en oeuvre du volet social de l'Initiative PPTE.

En définitive, toutes les catégories d'acteurs sociaux concernés par la mise en oeuvre des projets PPTE au Cameroun ne prennent pas toutes une part active dans la réalisation des projets. Seuls les acteurs intermédiaires et plus précisément les départements ministériels promoteurs ou abritant les projets prennent une part active dans la réalisation de ces projets. Cette description de l'application du principe de la participation dans la mise en oeuvre des projets PPTE permet de faire une première lecture de cette application.

III. L'APPROCHE PARTICIPATIVE DANS LA MISE EN OEUVRE DE L'INITIATIVE PPTE AU CAMEROUN : INTERPRETATION ANALYTIQUE

La participation en matière de développement suppose à la fois l'implication des bénéficiaires et la prise en compte de leurs besoins et attentes dans la mise en oeuvre des projets de développement. Les projets PPTE sont supposés être mis en oeuvre suivant ce principe. Mais à l'observation, l'application du principe de la participation est plutôt discriminatoire, car l'implication de toutes les composantes de la « configuration développementiste » concernée par la mise en oeuvre de ces projets n'est pas une réalité, notamment celle des acteurs à la base constitués des populations bénéficiaires. Cette non implication des populations bénéficiaires compromet la prise en compte de leurs besoins et attentes dans la mise en oeuvre des projets PPTE au Cameroun.

III.1. L'implication des populations bénéficiaires dans la mise en oeuvre de l'Initiative PPTE au Cameroun : un mythe

L'observation relative à l'implication des populations bénéficiaires dans le processus de mise en oeuvre des projets PPTE au Cameroun révèle que ces populations sont quasi absentes de cette mise en oeuvre. Le constat se fait aussi bien dans la phase de la sélection qu'à celle de la réalisation des projets.

Dans le cadre de cette mise en oeuvre, trois catégories d'acteurs sont supposées intervenir. Il s'agit des acteurs au sommet (bailleurs de fonds, gouvernement) ; des acteurs intermédiaires (départements ministériels, organisations de la société civile) ; des acteurs à la base (Populations bénéficiaires des projets).

Dans la phase de sélection des projets éligibles au financement PPTE, seuls les acteurs au sommet et les acteurs intermédiaires participent au travaux. Les acteurs à la base sont dits être représentés par les acteurs intermédiaires, notamment les ONG. Dans cette étape de la mise en oeuvre des projets, les populations bénéficiaires sont absentes des lieux de débats et de décisions sur les questions relatives à leur développement. Cette absence s'observe également dans la phase de réalisation proprement dite.

Dans la phase de réalisation des projets PPTE, seuls les acteurs intermédiaires et plus précisément les départements ministériels participent activement à la réalisation des projets. Les organisations de la société civile n'interviennent qu'exceptionnellement, plus précisément dans le cas où elles parviennent à obtenir le droit de la réalisation de leurs propres projets. En dehors de ce cas, elles passent du statut de représentant des populations au statut d'observateur. La réalisation des projets PPTE est majoritairement conduite par les départements ministériels. Dans cette phase encore, on constate une absence totale des populations bénéficiaires. Ainsi, elles sont absentes aussi bien dans la phase de sélection que dans celle de la réalisation des projets PPTE.

Il apparaît donc que le principe de participation en ce qui concerne plus précisément l'implication des populations bénéficiaires, n'est pas une réalité dans la mise en oeuvre des projets PPTE au Cameroun. Cet état de chose a certainement un effet sur la prise en compte des besoins et attentes de ces populations dans la mise en oeuvre de ces projets.

III.2. Les besoins et attentes des populations bénéficiaires dans la mise en oeuvre de l'Initiative PPTE : une prise en compte problématique

La prise en compte des besoins et attentes des populations bénéficiaires dans la mise en oeuvre de l'Initiative PPTE apparaît problématique, au regard de leur non implication dans ce processus.

En effet, la prise en compte des besoins et attentes des populations est, tout comme leur implication, une modalité indispensable de l'application du principe de la participation dans la mise en oeuvre des initiatives de développement. Après la prise de conscience de la nécessité de l'approche participative dans la mise en oeuvre des projets de développement, prise de conscience consécutive à l'échec quasi généralisé des précédentes politiques de développement, l'implication des bénéficiaires de projets est apparue comme le gage de la prise en compte de leurs besoins et attentes dans les projets. Autrement dit, la prise en compte de leurs besoins et attentes dans les projets de développement passe nécessairement et efficacement par leur implication dans les projets destinés à leur développement. Or, dans les projets PPTE, l'implication des populations bénéficiaires, telle que constatée plus haut, n'est pas une réalité, les bénéficiaires supposés des projets PPTE ne font pas l'objet d'une implication effective et active dans la mise en oeuvre des projets. Dans ces conditions de non implication des populations bénéficiaires, la prise en compte de leurs besoins et attentes dans la mise en oeuvre des projets devient problématique, incertaine. Car ne prenant pas part aux projets, les populations ne peuvent pas véritablement faire entendre leurs besoins et attentes vis à vis de ceux-ci.

Ce manquement est supposé être pallié par les consultations participatives effectuées lors de l'élaboration du Document de stratégie de réduction de la pauvreté (DSRP). Mais comme le fait remarquer l'analyse de ces consultations, la participation dont il a été question était de type « top down », c'est à dire qu'elle n'était pas générée par des populations elles-mêmes. Il s'est agi, en d'autres termes, d'une forme de mobilisation sociale, alors qu'il aurait été fructueux de susciter une forme de participation « Botton -up » ou « do- it- yourself », initiée par les groupes à la base et susceptible de contribuer à renforcer les positions collectives des groupes consultés. Ainsi, il apparaît que la prise en compte des besoins et attentes des populations bénéficiaires, aussi bien dans la phase de mise en oeuvre des projets PPTE que dans celle des consultations participatives en prélude à cette mise en oeuvre, est incertaine, mieux, elle n'est pas garantie.

En somme, le principe de la participation dans les projets PPTE, aussi bien en ce qui concerne l'implication des populations bénéficiaires que la prise en compte de leurs besoins et aspirations, n'est pas une réalité. Quel peut alors être le sens de la participation promue dans le cadre de la mise en oeuvre de l'Initiative PPTE au Cameroun ?

IV. L'APPROCHE PARTICIPATIVE DANS LA MISE EN OEUVRE DE L'INITIATIVE PPTE AU CAMEROUN EN QUESTION

La première lecture de l'approche participative dans la mise en oeuvre de l'Initiative PPTE a permis de constater la non implication des populations bénéficiaires et la prise en compte problématique de leurs besoins et aspirations dans les projets qui leur sont destinés. Un tel constat suscite des questions qui ne peuvent trouver des réponses que dans une lecture en profondeur du sens de la participation dans cette Initiative. Pour cette lecture, l'approche sociocritique sera mise à contribution puisqu'elle permet de mettre en évidence le sens caché de la réalité sociale comme l'affirme Jean ZIEGLER :

« Ce qui est montré est à expliquer par ce qui ne se montre pas, car le plus caché est le plus véridique ».

Quels sont les non-dits de l'application de l'approche participative dans la mise en oeuvre de l'Initiative PPTE au Cameroun ?

IV.1. L'approche participative dans la mise en oeuvre de l'Initiative PPTE au Cameroun : une question de formalité

La participation des acteurs sociaux, plus précisément des populations bénéficiaires, à la mise en oeuvre de l'Initiative PPTE est l'une des exigences des promoteurs de cette Initiative par rapport à l'exécution de son volet social. Cette participation, loin d'être l'expression d'une réelle volonté de respect du principe de la « responsabilité démocratique » visé à travers son application, relève plutôt d'un souci de conformité aux exigences des bailleurs de fonds. Ce constat se dégage de l'analyse de l'application de l'approche participative dans la mise en oeuvre de l'Initiative PPTE au Cameroun.

En effet, la non implication des populations d'accueil et la non insertion de leurs besoins et attentes dans les initiatives de développement qui leurs sont destinées, ont été reconnues par la Communauté internationale comme étant les causes de l'échec de la plupart des projets de développement. Cette prise de conscience a conduit à un changement d'approche dans la mise en oeuvre des initiatives de développement, et s'est faite jour la promotion de l'approche participative dans ces initiatives. Cette approche est au centre des préoccupations des promoteurs de l'Initiative PPTE qui en ont fait une condition sine qua none de la mise en oeuvre de cette Initiative.

Au lendemain de l'admission du Cameroun au point de décision de cette Initiative, les autorités camerounaises ont mis en place un dispositif de mise en oeuvre des projets PPTE qui intègre le principe de l'approche participative, il s'agit du Comité consultatif et de suivi de la gestion des ressources PPTE (CCS/PPTE). Créé le 1er décembre 2000 par le décret numéro 2000/960 du Premier ministre, le CCS/PPTE est chargé, entre autres, d'assurer la gestion participative et transparente des ressources PPTE . Dans son organisation, le CCS/PPTE dispose d'un mécanisme de participation de par la constitution de ses membres qui comprennent les bailleurs de fonds, le gouvernement et les départements ministériels concernés par les champs d'intervention des projets, et les organisations de la société civile. Son fonctionnement intègre également le principe de la participation à travers la voix qu'il donne à chacun de ses membres dans les délibérations relatives aux projets à financer. Mais ce dispositif de participation, au regard de l'application qui en est faite, apparaît tout simplement comme un effort de conformité aux formalités de mise en oeuvre des projets PPTE exigées par les promoteurs de cette Initiative et les autres bailleurs de fonds.

En fait, l'approche participative telle que recommandée par les promoteurs de l'Initiative PPTE et qui est également celle promue dans la nouvelle approche du développement, suppose l'implication de tous les acteurs sociaux et plus particulièrement des populations bénéficiaires dans les différentes étapes de la mise en oeuvre des projets. Elle suppose également la prise en compte des besoins et attentes de ces bénéficiaires dans lesdits projets. Mais, l'exécution des projets PPTE ne respecte pas ce principe de la participation.

Les étapes de cette exécution sont constituées de la sélection et de la réalisation proprement dite. Mais comme le révèle l'observation relative à l'implication des acteurs sociaux dans la mise en oeuvre de ces projets, les principaux bénéficiaires des projets sont absents des travaux relatifs à la sélection des projets destinés à leur développement. Ils sont, d'après la même observation, absents de la réalisation desdits projets. Cette absence aux différentes étapes de l'exécution des projets PPTE, comme relevé plus haut, compromet la prise en compte de leurs besoins et attentes dans lesdits projets. Ainsi, la mise en oeuvre des projets PPTE au Cameroun ne respecte aucun principe de la participation des populations bénéficiaires. Et dans ces conditions, le dispositif de la participation mis en place par le gouvernement ne sert pas les intérêts des populations bénéficiaires, mais plutôt ceux du gouvernement, dans la mesure où il constitue la preuve du respect des exigences des promoteurs de l'Initiative PPTE en ce qui concerne la participation des acteurs sociaux aux projets. Bien plus, ce dispositif s'inscrit tout simplement dans le registre des formalités à remplir par le gouvernement pour rassurer les bailleurs de fonds de la bonne gestion des fonds PPTE et se donner plus d'arguments pour l'atteinte du point d'achèvement de cette Initiative qui consacre un allègement plus substantiel de la dette et beaucoup plus de fonds pour les projets PPTE.

En définitive, l'application de l'approche participative telle qu'elle est menée dans le cadre de la mise en oeuvre de l'Initiative PPTE, répond à une question de formalité plutôt qu'à un souci d'efficacité des projets à réaliser. Une telle application de l'approche participative a également pour effet de dissimuler l'hégémonie des acteurs étatiques sur la mise en oeuvre des projets PPTE.

IV.2. L'approche participative dans la mise en oeuvre de l'Initiative PPTE au Cameroun : une stratégie de dissimulation de l'hégémonie des acteurs étatiques sur l'exécution des projets PPTE

Plus qu'une question de formalité, l'approche participative dans la mise en oeuvre de l'Initiative PPTE au Cameroun apparaît comme une stratégie de dissimulation de l'emprise des acteurs étatiques sur la mise en oeuvre des projets y relatifs. Ce constat se dégage également de l'analyse de l'application de cette approche à l'exécution de ces projets.

Désormais admise comme le gage de la réussite des initiatives de développement, l'approche participative est une recommandation majeure des promoteurs de l'Initiative PPTE dans la mise en oeuvre de son volet social. Principe cardinal de cette mise en oeuvre, l'approche participative consacre l'irruption de la société civile et plus particulièrement des populations dans la gestion des affaires publiques jadis réservée exclusivement aux acteurs étatiques.

A la faveur de l'admission du Cameroun à l'Initiative PPTE, un dispositif de participation a été mis en place par le gouvernement pour assurer l'application du principe de la participation dans les projets PPTE, le CCS/PPTE. Mais la conception et l'application de ce principe font état du monopole des acteurs étatiques sur la mise en oeuvre de ces projets au Cameroun.

L'approche participative en matière de développement recommande l'implication des communautés d'accueil dans la formulation et la réalisation des initiatives de développement qui leur sont destinées. Dans le cadre des projets PPTE, le dispositif de la participation se met en oeuvre dans la phase de la sélection et de la réalisation des projets.

Dans la phase de la sélection des projets, ce dispositif accorde un effectif prépondérant aux acteurs étatiques, au détriment des acteurs à la base ou de leurs représentants supposés. Sur les 19 (dix-neuf) membres que compte le CCS/PPTE, 07(sept) relèvent de la catégorie des acteurs étatiques, 05(cinq) de celle des bailleurs de fonds et qui assistent aux travaux en qualité d'observateurs. Dans la catégorie de la société civile, 03(trois) membres assistent aux travaux en qualité de représentants des confessions religieuses, 01(un) en qualité de représentant de l'association professionnelle de la micro-finance et 02(deux) en qualité de représentants des ONG. Suivant la « configuration développementiste »qui comprend les acteurs au sommet, les acteurs intermédiaires et les acteurs à la base, cette dernière catégorie d'acteurs ne figure pas dans le registre des acteurs appelés à prendre part aux travaux relatifs au choix des projets de développement qui leur sont destinés. Le dispositif de participation exclut de ces travaux les populations bénéficiaires.

Dans la phase de la réalisation des projets déclarés éligibles, les acteurs intermédiaires non membres de l'appareil gouvernemental et les acteurs à la base encore, sont exclus de la mise en oeuvre des projets.

Il y a donc dans la mise en oeuvre des projets PPTE, exclusion totale des populations bénéficiaires aussi bien dans la phase de la sélection que dans celle de la réalisation des projets d'une part, et exclusion ou implication partielle des organisations de la société civile d'autre part. Seuls les acteurs étatiques prennent pleinement et activement part à la mise en oeuvre des projets.

Une telle pratique constitue une entorse à l'application du principe de la participation telle que recommandée dans la mise en oeuvre des initiatives de développement. Dans ces conditions caractérisées par l'escamotage du principe de la participation, l'approche participative apparaît tout simplement comme une stratégie de dissimulation du monopole des acteurs étatiques sur les projets PPTE, « la société civile (n'étant) qu'un faire-valoir important ».Et dans ce cas, il s'agit à travers l'admission de quelques organisations de la société civile au sein du CCS/PPTE comme membres, de donner l'impression de respecter le principe de la participation recommandé par les promoteurs de l'Initiative PPTE, tout en poursuivant avec l'approche classique caractérisée par un interventionnisme étatique fort. Ainsi, l'approche participative telle que conçue et appliquée dans les projets PPTE, a aussi pour effet de voiler l'hégémonie des acteurs étatiques sur ces projets.

Ce chapitre avait pour objectif d'évaluer l'application de l'approche participative dans la mise en oeuvre de l'Initiative PPTE au Cameroun. Il nous a conduit tour à tour à l'exploration du prétexte, des principes et des objectifs de la participation dans la mise en oeuvre des projets y relatifs, et à son analyse. De l'application de cette approche dans les projets PPTE au Cameroun, il ressort que l'implication des populations bénéficiaires n'est pas une réalité et que la prise en compte de leurs besoins et attentes est problématique. L'approche sociocritique utilisée pour la lecture de la pratique de la participation dans la mise en oeuvre de l'Initiative PPTE, révèle que cette application relève d'une question de formalité et qu'elle participe de la stratégie de dissimulation de l'emprise des acteurs étatiques sur ces projets. Il apparaît qu'un tel usage de l'approche participative compromet l'appropriation des projets ainsi mis en oeuvre par les populations bénéficiaires et par ricochet leur réussite. Et dans ces conditions, l'Initiative PPTE se retrouve porteuse des écueils reconnus aux précédentes initiatives de développement, ceux relatifs à la non implication des populations bénéficiaires et à la non insertion de leurs besoins et attentes dans les préoccupations des initiatives de développement. Au regard de ces écueils, il y'a lieu de croire que de l'Initiative PPTE ne produira pas les effets escomptés sur les conditions de vie des populations camerounaises.

CONCLUSION GENERALE

« L'Initiative PPTE et la lutte contre la pauvreté au Cameroun : une analyse sociologique.» Tel est le sujet qui était au centre de notre étude. Partant du constat de l'échec de la politique de lutte contre le sous-développement, notamment de son instrument principal, les Programmes d'ajustement structurel, l'objectif était d'évaluer l'efficacité de l'instrument principal (l'Initiative PPTE) sur la réduction de la pauvreté au Cameroun.

A cet effet, le fil conducteur de cette étude s'est articulé autour de la question de savoir si l'Initiative PPTE peut permettre l'amélioration des conditions de vie des populations et par ricochet la réduction de la pauvreté au Cameroun. Pour répondre à cette question, une hypothèse générale a été envisagée, à savoir que l'efficacité de la contribution de l'Initiative PPTE à la réduction de la pauvreté au Cameroun est déterminée par sa mise en oeuvre. En effet, la mise en oeuvre efficace des initiatives de développement est déterminée par l'application des mécanismes adaptés et de l'approche participative. Cette hypothèse s'est opérationnalisée à travers deux hypothèses secondaires. Pour la première, l'adéquation des mécanismes de mise en oeuvre de l'Initiative PPTE aux besoins et attentes des populations bénéficiaires détermine l'efficacité des projets y relatifs sur la réduction de la pauvreté au Cameroun. Pour la seconde, la participation des bénéficiaires à la mise en oeuvre de cette Initiative détermine son efficacité sur la réduction de la pauvreté au Cameroun. L'analyse sociologique de ces hypothèses a permis d'évaluer l'efficacité de l'Initiative PPTE sur la réduction de la pauvreté au Cameroun.

Pour traiter de la question, nous avons été amené tour à tour à faire une présentation du concept de l'Initiative PPTE, à dresser l'état des lieux de la pauvreté et la problématique de la lutte contre la pauvreté au Cameroun. Les mécanismes de mise en oeuvre de l'Initiative PPTE et l'approche participative pratiquée dans cette mise en oeuvre ont constitué les points focaux de l'analyse de la question.

Pour cette analyse, nous avons eu recours à trois cadres théoriques: l'approche sociocritique, l'approche systémique et l'approche stratégique.

L'approche sociocritique pour une lecture en profondeur permettant de déceler les non-dits de la mise en oeuvre de l'Initiative PPTE; l'approche systémique pour l'analyse des « input » et des output » de cette Initiative en tant que système de développement au Cameroun ; l'approche stratégique pour l'analyse des comportements des acteurs de la mise en oeuvre de cette Initiative au Cameroun.

Ces analyses, essentiellement qualitatives, ont été menées suivant les techniques de l'analyse de contenu.

Analyse faite, il apparaît que la mise en oeuvre de l'Initiative PPTE s'effectue dans des conditions qui ne permettent pas leur efficacité sur la réduction de la pauvreté au Cameroun.

L'analyse des mécanismes de mise en oeuvre de cette Initiative conduit à trois constats majeurs : premièrement, la volonté politique affichée par le gouvernement par rapport à cette Initiative relève à la fois d'un besoin de survie et d'une question de formalité ; secondairement, les « input » du CCS/PPTE sont constitués des projets à portée limitée sur la réduction de la pauvreté et des principes limitatifs d'une part, et les « output » constitués de réponses limitées et incohérentes, d'autre part ; enfin, les stratégies de courtage et de désintéressement en pratique dans l'exécution des projets PPTE ne permettent pas une utilisation objective des fonds y relatifs. Tous ces écueils compromettent l'adéquation des mécanismes de mise en oeuvre de l'Initiative PPTE aux besoins et attentes des populations bénéficiaires.

L'analyse de l'application de l'approche participative dans la mise en oeuvre de cette Initiative conduit à deux constats à savoir que son application relève d'une question de formalité, et qu'elle participe de la stratégie de dissimulation de l'emprise des acteurs étatiques sur la mise en oeuvre des projets PPTE. Un tel usage de l'approche participative compromet l'appropriation desdits projets par les populations bénéficiaires et en définitive leur efficacité.

En somme, L'analyse sociologique de la mise en oeuvre des projets PPTE révèle une inadéquation des mécanismes avec les besoins et les attentes des bénéficiaires d'une part, et une application approximative et discriminatoire de l'approche participative d'autre part. Dans ces conditions, de l'Initiative PPTE se trouve être porteuse des écueils reconnus aux précédentes initiatives de développement, ceux relatifs à la non implication des communautés d'accueil et à la non insertion de leurs besoins et attentes dans les préoccupations des initiatives de développement.

Compte tenu de ce qui précède et pour répondre explicitement à la question de départ, il y a lieu de dire que de l'Initiative PPTE ne produira pas les effets escomptés sur la réduction de la pauvreté au Cameroun. Il est donc nécessaire, à ce stade de sa mise en oeuvre, de réviser ses mécanismes de mise en oeuvre et son processus participatif dans la perspective d'une lutte efficace contre la pauvreté au Cameroun./.

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2001 « Allègement de la dette et réduction de la pauvreté » in Isaac Tamba (Dir), Cameroun. Enjeux et défis de l'Initiative PPTE, Yaoundé, Friedrich Ebert Stiftung- PUA - CREDDA, P. 89 - 124.

PINCHART (C)

« L'Initiative PPTE, son application au Cameroun » in Equinoxe, Bulletin

d'infomations du Service de coopération et d'action culturelle, Yaoundé, Ambassade de France, n°21, P. 26-28

ROUBAUD (F)

1994 « Le `modèle' de développement camerounais 1965-1990 : de la Croissance équilibrée à la crise structurelle » in Georges Courade (Dir), Le village Camerounais à l'heure de l'ajustement, Paris, Karthala, P. 52-72

SACHS (I)

1995 « Le quantitatif et le qualitatif-Quelques questions sur les enjeux et les limites de la mesure du développement » in Revue internationale des sciences sociales, Mesurer et évaluer le développement, Paris, UNESCO/érès, n°143, P. 09- 13.

SESHAMANI (V)

1995 « L'ajustement structurel et la lutte contre la pauvreté : filets de sécurité sociale et dépenses publiques ciblées » in Rolph Van Der Hoeven et Fred Van Der Kraaij (Dir), L'ajustement structurel et au-delà en Afrique subsaharienne, Paris, Karthala, P. 179 - 196

TAMBA (I)

2001 « Le Cadre conceptuel de l'Initiative PPTE » in Isaac Tamba (Dir), Cameroun. Enjeux et défis de l'Initiative PPTE, Yaoundé, Friedrich Ebert Stiftung - PUA - CREDDA, P. 39 - 60.

TAMBA (I) et NEMBOT - NDEFFO (L)

2001 « Gestion des resources PPTE, gouvernance et réduction de la pauvreté » in

Isaac Tamba (Dir), Cameroun. Enjeux et défis de l'Initiative PPTE, Yaoundé, Friedrich Ebert Stiftung - PUA - CREDDA, P. 125 - 160

TOUNA MAMA et TSAFACK-NANFOSSO (R )

1999 « L'économie Camerounaise : de la crise à la reprise » in Etudes africaines, Cameroun 2001. Politique, langues, économie et santé, Paris, L'Harmattan, P.137-164.

VIVIEN (F-D)

2003 « Jalons pour une histoire de la notion de développement durable » in Mondes en développement, Bruxelles, De Boeck, Vol. 31-2003/1,n°121, P.01-21

ZANG (E - R )

1999 « La coopération multilatérale pour le développement en Afrique face à la résurgence du facteur culturel : une analyse de la stratégie évolutive de la Banque mondiale » in David SIMO (Dir), La politique de développement à la croisée des chemins. Le facteur culturel, Yaoundé, CLE, P.241 - 271.

V. MEMOIRES/ THESES, RAPPORTS ET AUTRES DOCUMENTS NON PUBLIES

BAKONG-EPOUNE (A)

1992 Pauvreté et partage-seuils de pauvreté, aspects des politiques de lutte contre la pauvreté et problématique de revenu d'existence en référence au Cameroun, Thése de Doctorat nouveau régime en Science économiques, université de Paris XII.

BANQUE MONDIALE

- 1994 Cameroun Diversité, croissance et réduction de la pauvreté, [s.l], B M.

- 2000 Rapport sur le développement dans le monde 2000/2001. Combattre la pauvreté, Paris, Ed. ESKA.

Décret n°2000/089/PM du 01 décembre 2000 portant création, organisation et fonctionnement d'un Comité consultatif et de suivi de la gestion des resources PPTE.

DOULOU (V) et al

2000 Stratégies alternatives de lutte contre la pauvreté au Congo, Dakar, RRPS/AOC, GREPOLIS

MINEFI

- 2000 Document intérimaire de stratégie de réduction de la pauvreté, Yaoundé, MINEFI.

- 2000 Mise en oeuvre du Programme national de gouvernance : plan d'actions

prioritaires pour l'amélioration de la gouvernance et la lutte contre la corruption,

Yaoundé MINEFI.

- 2003 Document de Stratégie de réduction de la pauvreté, Yaoundé, MINEFI.

MINEFI - DSCN

- 1995 Enquête Camerounaise auprès des ménages, Volume II : Résultats, Yaoundé, MINEFI-DSCN.

- 2002 Conditions de vie des ménages et profil de pauvreté au Cameroun, Premiers résultats, Yaoundé, MINEFI-DSCN.

MOUAFO NGATOM (S-H)

2003 La coopération non gouvernementale à l'épreuve de la lutte pour la réduction de la pauvreté au Cameroun : une analyse sociologique des relations bailleurs de fonds-ONG nationales, Université de Yaoundé I, mémoire de Maîtrise en Sociologie.

PNUD

- 1998 Cameroun Rapport sur le développement humain. La pauvreté au Cameroun, Yaoundé, PNUD.

- 1998 Cameroun. Coopération pour le développement. Rapport pour l'année 1997, Yaoundé, PNUD.

- 2000 Rapport sur le développement humain au Cameroun 2000. Société Civile et développement, Rapport provisoire actualisé [S.L], PNUD

UNO

-2000 World population prospects, Department of population, Washington, UNO

WORLD BANK

- 1997 Global development Finance 1997, Washington, World Bank.

- 2005 World development indicators 2005, Washington, World Bank.

TABLE DES MATIERES

DEDICACE I

REMERCIEMENTS II

LISTE DES ABREVIATIONS ET ACRONYMES IV

GLOSSAIRE VII

RESUME IX

ABSTRACT X

INTRODUCTION GENERALE 1

CHAPITRE I :LE CONCEPT D'INITIATIVE PPTE 18

I. APPROCHE THEORIQUE DE L'INITIATIVE PPTE 18

I.1. L'INITIATIVE PPTE : ESQUISSE DE DÉFINITION 18

I.2. L'INITIATIVE PPTE : APERÇU HISTORIQUE 21

I.3. L'INITIATIVE PPTE : FONDEMENTS THÉORIQUES 22

I.3.1. Fondement économique de l'Initiative PPTE 22

I.3.2. Fondement juridique de l'Initiative PPTE 24

II. ELABORATION DE L'INITIATIVE PPTE : CHEMINEMENT ET PRINCIPES 26

II.1. CHEMINEMENT DE L'INITIATIVE PPTE 26

II.1.1. L'Initiative PPTE initiale ou Initiative PPTE-I 27

II.1.2. L'Initiative PPTE renforcée ou Initiative PPTE-II 28

II.2. PRINCIPES DE L'INITIATIVE PPTE 29

II.2.1. Le point de décision 29

II.2.2. Le point d'achèvement 30

III. SPECIFICITE DE L'INITIATIVE PPTE 31

III.1. L'INITIATIVE PPTE ET L'APD 31

III.2. L'INITIATIVE PPTE ET LES PAS 33

III.3. L'INITIATIVE PPTE ET LA RÉDUCTION DE LA PAUVRETÉ : LE DSRP 34

III.3.1. Le DSRP : esquisse de définition 34

III.3.2. Genèse du DSRP 35

III.3.3. Principes des DSRP 36

IV. LE CAMEROUN ET L'INITIATIVE PPTE 37

IV.1. LE CAMEROUN ET L'INITIATIVE PPTE : LA QUESTION DE LA DETTE 38

IV.1.1. La dette extérieure du Cameroun : une dette de plus en plus insoutenable 38

IV.1.2. Les circonstances de l'endettement extérieur du Cameroun 40

IV.1.3. Les conséquences de l'endettement extérieur du Cameroun 41

IV.2. LE PARCOURS DU CAMEROUN DANS L'INITIATIVE PPTE 43

IV.2.1. Le point de décision 43

IV.2.2. Le point d'achèvement 44

IV.2.3. Les atouts supposés de l'Initiative PPTE 45

IV. APERÇU CRITIQUE DE L'INITIATIVE PPTE 47

V.1. CRITIQUES RELATIVES AU VOLUME DES RESSOURCES PPTE 47

V.2. CRITIQUES RELATIVES AUX CRITÈRES D'ADMISSIBILITÉ 48

CHAPITRE II :PAUVRETE ET PROBLEMATIQUE DE LA LUTTE CONTRE LA PAUVRETE AU CAMEROUN 49

I. LA PAUVRETE AU CAMEROUN 49

I.1. LA PAUVRETÉ : APPROCHE THÉORIQUE 49

I.1.1. La pauvreté : essai de définition 49

I.1.2. La pauvreté : approche typologique 51

I.1.2.1. Typologie selon le critère d'évaluation de la pauvreté 52

I.1.2.1.1. La pauvreté monétaire 52

I.1.2.1.2. La pauvreté humaine 52

I.1.2.2. Typologie selon la profondeur de la pauvreté 52

I.1.2.2.1. La pauvreté relative 53

I.1.2.2.2. La pauvreté absolue 53

I.1.2.2.3. La pauvreté extrême 53

I.1.2.3. Typologie selon l'ampleur de la pauvreté 53

I.1.2.3.1. La pauvreté individuelle 54

I.1.2.3.2. La pauvreté de masse 54

I.1.2.4. Typologie selon le critère chronologique 54

I.1.2.4.1. La pauvreté ancienne 54

I.1.2.4.2. La pauvreté nouvelle 54

I.1.2.5. Typologie selon le critère spatial 55

I.1.2.5.1. La pauvreté rurale 55

I.1.2.5.2. La pauvreté urbaine 55

I.1.2.6. Typologie selon la nature des ressources 56

I.1.2.6.1. La pauvreté matérielle 56

I.1.2.6.2. La pauvreté non-matérielle 56

I.2. CHAMPS D'EXPRESSION SAILLANTE DE LA PAUVRETÉ AU CAMEROUN 56

I.2.1. Le domaine de l'emploi 57

I.2.2. Le domaine de l'éducation 57

I.2.3. Le domaine de la santé 58

I.2.4. Le domaine de l'habitat 58

I.3. LES DÉTERMINANTS DE LA PAUVRETÉ AU CAMEROUN 58

I.3.1. Les déterminants naturels de la pauvreté au Cameroun 59

I.3.2. Les déterminants économiques de la pauvreté au Cameroun 59

I.3.2.1. Les déterminants exogènes 59

I.3.2.2. Les déterminants endogènes 60

I.3.3. Les déterminants socioculturels de la pauvreté au Cameroun 60

II. LA PROBLEMATIQUE DE LA LUTTE CONTRE LA PAUVRETE AU CAMEROUN 61

II.1. LA LUTTE CONTRE LA PAUVRETÉ : APPROCHE THÉORIQUE 61

II.1.1. La lutte contre la pauvreté : clarification conceptuelle 62

II.1.2. La lutte contre la pauvreté : mise en perspective historique 62

II.1.3. Fondements théoriques du concept de lutte contre la pauvreté : les théories néo-évolutionnistes et néo-libérales. 66

II.2. LA LUTTE CONTRE LA PAUVRETÉ : UNE POLITIQUE AU CoeUR DE LA PROBLÉMATIQUE DU DÉVELOPPEMENT 68

II.2.1. La lutte contre la pauvreté : les circonstances de l'émergence de la politique 68

II.2.2. La lutte contre la pauvreté : les atouts supposés de la politique 71

II.3. LA POLITIQUE DE LUTTE CONTRE LA PAUVRETÉ AU CAMEROUN : UNE VOLONTÉ POLITIQUE. 72

II.3.2. La politique de lutte contre la pauvreté au Cameroun : une volonté politique nationale. 74

II.4. LA LUTTE CONTRE LA PAUVRETÉ AU CAMEROUN : UN FAIT SOCIAL, UN FAIT SOCIAL TOTAL ET UN PROBLÈME DE CHANGEMENT SOCIAL. 77

II.4.1. La lutte contre la pauvreté au Cameroun : un fait social, un fait social total. 77

II.4.2. La lutte contre la pauvreté au Cameroun : un problème de changement social 80

CHAPITRE III :MÉCANISMES DE MISE EN oeUVRE DE L'INITIATIVE PPTE AU CAMEROUN 83

I. MISE EN OEUVRE DE L'INITIATIVE PPTE AU CAMEROUN : DESCRIPTION DES MECANISMES 83

I.1. DISPOSITIF GOUVERNEMENTAL RELATIF À LA MISE EN oeUVRE DE L'INITIATIVE PPTE AU CAMEROUN 84

I.1.1. L'ouverture du « compte HIPC/PPTE » 84

I.1.2. Le Comité consultatif et de suivi de la gestion des ressources PPTE (CCS/PPTE) 84

1.1.3. Le comité de suivi de la réalisation des projets PPTE (CSR/PPTE) 86

I.2. PRINCIPES RELATIFS À LA MISE EN oeUVRE DE L'INITIATIVE PPTE AU CAMEROUN 86

I.2.1. Les domaines cibles des projets PPTE 87

I.2.2. Les Critères d'éligibilité des projets PPTE 88

I.2.3. Origines des projets PPTE 89

I.2.4. La procédure de mise en oeuvre des projets PPTE 89

I.2.5. Le financement des projets PPTE 90

I.2.6. La réalisation des projets PPTE 91

II. MISE EN OEUVRE DE L'INITIATIVE PPTE AU CAMEROUN : INTERPRETATION ANALYTIQUE DU DISPOSITIF ET DES PRINCIPES Y RELATIFS 91

II.1. LA MISE EN oeUVRE DE L'INITIATIVE PPTE AU CAMEROUN : UNE VOLONTÉ POLITIQUE 92

II.1.1. La volonté politique relative à l'admission du Cameroun à l'Initiative PPTE 92

II.1.2. La volonté politique relative à la mise en oeuvre de l'Initiative PPTE au Cameroun 93

II.2. LES PRINCIPES DE MISE EN oeUVRE DE L'INITIATIVE PPTE AU CAMEROUN : UNE LOGIQUE PÉDAGOGIQUE DU DÉVELOPPEMENT 94

II.2.1. Les principes de mise en oeuvre de l'Initiative PPTE au Cameroun : une logique de promotion de la dimension sociale du développement. 94

II.2.2. Les principes de mise en oeuvre de l'Initiative PPTE au Cameroun : une logique de promotion de la bonne gouvernance 95

III. LES MECANISMES DE MISE EN OEUVRE DE L'INITIATIVE PPTE AU CAMEROUN : AU-DELA DES DISCOURS 99

III.1. LES NON-DITS DE LA MISE EN oeUVRE DE L'INITIATIVE PPTE AU CAMEROUN 99

III.1.1. La volonté politique relative à l'Initiative PPTE au Cameroun : un besoin de survie et une question de formalité 99

III.1.1.1. La volonté politique par rapport à l'admission du Cameroun à l'Initiative PPTE : un besoin de survie 100

III.1.1.2. La volonté politique par rapport à la mise en oeuvre de l'Initiative PPTE au Cameroun : une question de formalité 101

III.1.1.3. L'Initiative PPTE : une stratégie de promotion du néolibéralisme 103

III.2. L'INITIATIVE PPTE COMME SYSTÈME DE DÉVELOPPEMENT AU CAMEROUN 105

III.2.1. Les « input » de la mise en oeuvre de l'Initiative PPTE 105

III.2.1.1. Les « input » du CCS/PPTE : des projets à portée limitée sur la réduction de la pauvreté 105

III.2.1.2. Les principes de soumission des projets PPTE : des principes limitatifs 107

III.2.2. Les « output » de la mise en oeuvre des projets PPTE 107

III.2.2.1. Les « output » du CCS/PPTE : des réponses limitées 108

III.2.2.2. Les « output » du CCS/PPTE : des réponses incohérentes 108

III.3. LA MISE EN OEUVRE DE L'INITIATIVE PPTE AU CENTRE DES STRATÉGIES DES PROMOTEURS DE PROJETS 109

III.3.1. L'éligibilité des projets PPTE : les stratégies de courtage au service des promoteurs de projets 110

III.3.2. Le financement des projets PPTE : la « politique du ventre » au service d'une canalisation atypique 111

CHAPITRE IV :L'APPROCHE PARTICIPATIVE DANS LA MISE EN oeUVRE DE L'INITIATIVE PPTE AU CAMEROUN 114

I. PRETEXTE, PRINCIPES ET OBJECTIFS DE L'APPROCHE PARTICIPATIVE DANS LES INITIATIVES DE DEVELOPPEMENT 115

I.1. PRÉTEXTE DE L'ADOPTION DE L'APPROCHE PARTICIPATIVE DANS LES INITIATIVES DE DÉVELOPPEMENT 115

I.2. PRINCIPES DE L'APPROCHE PARTICIPATIVE DANS LES INITIATIVES DE DÉVELOPPEMENT 116

I.3. LES OBJECTIFS DE L'APPROCHE PARTICIPATIVE DANS LES INITIATIVES DE DÉVELOPPEMENT 117

II. L'APPROCHE PARTICIPATIVE DANS LA MISE EN OEUVRE DE L'INITIATIVE PPTE AU CAMEROUN : APPROCHE DESCRIPTIVE 118

II.1. LA PARTICIPATION AU NIVEAU DE LA SÉLECTION DES PROJETS PPTE 118

II.1.1. Les acteurs au sommet 119

II.1.1.1. Les bailleurs de fonds 119

II.1.1.2. Le gouvernement 119

II.1.2. Les acteurs intermédiaires 119

II.1.2.1. Les départements ministériels 119

II.1.2.2. La société civile 120

II.1.3. Les acteurs à la base 120

II.2. LA PARTICIPATION AU NIVEAU DE LA RÉALISATION DES PROJETS PPTE 120

II.2.1. Le rôle des acteurs au sommet dans la réalisation des projets PPTE 121

II.2.1.1. Le rôle des bailleurs de fonds 121

II.2.1.2. Le rôle du gouvernement 121

II.2.2. Le rôle des acteurs intermédiaires dans la réalisation des projets PPTE 121

II.2.2.1. Le rôle des départements ministériels 121

II.2.2.2. Le rôle des organisations de la société civile 122

II.2.3. Le rôle des acteurs à la base 122

III. L'APPROCHE PARTICIPATIVE DANS LA MISE EN OEUVRE DE L'INITIATIVE PPTE AU CAMEROUN : INTERPRETATION ANALYTIQUE 122

III.1. L'IMPLICATION DES POPULATIONS BÉNÉFICIAIRES DANS LA MISE EN oeUVRE DE L'INITIATIVE PPTE AU CAMEROUN : UN MYTHE 123

III.2. LES BESOINS ET ATTENTES DES POPULATIONS BÉNÉFICIAIRES DANS LA MISE EN oeUVRE DE L'INITIATIVE PPTE : UNE PRISE EN COMPTE PROBLÉMATIQUE 124

IV. L'APPROCHE PARTICIPATIVE DANS LA MISE EN OEUVRE DE L'INITIATIVE PPTE AU CAMEROUN EN QUESTION 125

IV.1. L'APPROCHE PARTICIPATIVE DANS LA MISE EN oeUVRE DE L'INITIATIVE PPTE AU CAMEROUN : UNE QUESTION DE FORMALITÉ 126

IV.2. L'APPROCHE PARTICIPATIVE DANS LA MISE EN oeUVRE DE L'INITIATIVE PPTE AU CAMEROUN : UNE STRATÉGIE DE DISSIMULATION DE L'HÉGÉMONIE DES ACTEURS ÉTATIQUES SUR L'EXÉCUTION DES PROJETS PPTE 128

CONCLUSION GENERALE 131

REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES 134

TABLE DES MATIERES 142

ANNEXES I

ANNEXES

ANNEXE I : OUTILS DE COLLECTE DES INFORMATIONS

GUIDE D'ENTRETIEN

A l'attention des personnes ressources.

I- RENSEIGNEMENTS GENERAUX

1 - Présentation de l'enquêteur et de l'objet le l'entretien.

2 - Date et lieu de l'entretien

3 - Identification de l'enquêté : Nom, Institution d'appartenance.

II - DEROULEMENT DE L'ENTRETIEN

1. -La pauvreté et la lutte contre la pauvreté au Cameroun.

1.1- Perception de la pauvreté au Cameroun.

1.2 -Evolution de la pauvreté au Cameroun

1.3 -Perception de la lutte contre la pauvreté au Cameroun.

2. - L'Initiative PPTE

2.1- Perception de l'IPPTE

2.2 -Les atouts de l'IPPTE

2.3 -Les faiblesses de l'IPPTE

3. -Efficacité de l'IPPTE

3.1 - La perception de la mise en oeuvre de l'IPPTE (principes généraux, domaines cibles, critères de sélection, mécanisme)

3.2 -l'IPPTE et participation des populations cibles

3.3 - IPPTE et la réduction de la pauvreté au Cameroun.

3.4 -Problèmes de l'IPPTE

3.5 - Amélioration de l'IPPTE.

GUIDE D'ENTRETIEN

A l'attention des bailleurs de fonds.

I . RENSEIGNEMENTS GENERAUX

1. Présentation de l'enquêteur et de l'objet de l'entretien.

2. Date et lieu de l'entretien.

3. Identification de l'enquêté : Nom, Institution d'appartenance.

II. DEROULEMENT DE L'ENTRETIEN

1. La pauvreté et la lutte contre la pauvreté au Cameroun.

1.1 Perception de la pauvreté au Cameroun.

1.2 Evolution de la pauvreté au Cameroun.

1.3 Perception de la lutte contre la pauvreté au Cameroun.

1.4 Strategies de lutte contre la pauvreté au Cameroun.

2. l'Initiative PPTE.

1.5 L'opprturnité de l'IPPTE

1.6 L' initiative PPTE et le PAS

1.7 Le rôle de votre Institution dans l'IPPTE.

1.8 L'organisation de votre Institution par rapport à l'IPPTE.

3. Mise en oeuvre de l'IPPTE

1.9 Principes généraux de l'IPPTE

1.10 Domaines cibles de l'IPPTE

1.11 Critères de sélection des projets

1.12 Mécanisme d'accès aux ressources PPTE.

4. Efficacité de l'IPPTE

1.13 Perception de la mise en oeuvre de l'IPPTE.

1.14 Evolution de la stratégie de mise en oeuvre de l'IPPTE

1.15 Exécution et suivi de l'IPPTE

1.16 Evaluation de L'IPPTE et reformes.

5. Divers

1.17 Problèmes de l'IPPTE

1.18 Amélioration de l'IPPTE.

GUIDE D'ENTRETIEN

A l'attention des départements ministériels impliqués dans l'élaboration de la politique de mise en oeuvre de l'IPPTE.

I. RENSEIGNEMENT GENERAUX

1. Présentation de l'enquêteur et de l'objet de l'entretien.

2. Date et lieu de l'entretien.

3. Identification de l'enquêté : Nom, Institution d'appartenance.

II. DEROULEMENT DE L'ENTRETIEN

1. Pauvreté et lutte contre la pauvreté au Cameroun.

1.1 Perception de la pauvreté au Cameroun

1.2 Perception de la lutte contre la pauvreté au Cameroun

2. L'Initative PPTE.

1.3 Perception de l'IPPTE.

1.4 Rôle de votre Institution dans L'IPPTE.

3. Votre Institution et l'IPPTE

1.5 Organisation de votre Institution par rapport à l'IPPTE

1.6 Intervention dans la mise en oeuvre de l'IPPTE.

1.7 Perception des mécanismes de mise en oeuvre de l'IPPTE.

1.8 Vos rapports avec les autres partenaires de la mise en oeuvre de l'IPPTE : BM, FMI, CCS/PPTE.

4. Divers

1.9 Efficacité de l'IPPTE

1.10 Problèmes de l'IPPTE

1.11 Amélioration de l'IPPTE.

GUIDE D'ENTRETIEN

A l'attention des promoteurs des projets PPTE

I. RENSEIGNEMENTS GENERAUX

1- Présentation de l'enquêteur et de l'objet de l'entretien.

2- Date et lieu de l'entretien.

3- Identification de l'enquêté : Nom, Institution d'appartenance, type de projets.

II - DEROULEMENT DE L'ENTRETIEN

1 Pauvreté et lutte contre la pauvreté au Cameroun.

1.1- Perception de la pauvreté au Cameroun.

1.2- Perception de la lutte contre la pauvreté au Cameroun.

1.3- Pauvreté dans votre zone d'action.

2.- L'Initiative PPTE

2.1- Perception de l'IPPTE.

2.2 - Vos projets à l'IPPTE

2.3 - Elaboration de vos projets PPTE.

3.- Perception de la mise en oeuvre de l'IPPTE.

3.1 Principes généraux de l'IPPTE.

3.2 Domaines cibles de l'IPPTE

3.3 Critères de sélection projets PPTE.

3.4 Mécanisme d'accès aux ressources PPTE.

4- Divers

4.1 Problèmes de l'IPPTE

4.2 Amélioration de l'IPPTE

GUIDE D'ENTRETIEN

A l'attention du CCS/PPTE

I. RENSEIGNEMENTS GENERAUX

1. Présentation de l'enquêteur et de l'objet de l'entretien.

2. Date et lieu de l'entretien

3. Identification de l'enquêté : Nom, Institution d'appartenance.

II- DEROULEMENT DE L'ENTRETIEN

1. Pauvreté et lutte contre la pauvreté dans le cadre de vos fonctions.

1.1- Perception de la pauvreté

1.2- Perception de la lutte contre la pauvreté.

2. Mise en oeuvre de l'IPPTE

2.1- Principes généraux de l'IPPTE

2.2- Domaines cibles de l'IPPTE.

2.3- Critères de sélection des projets PPTE

2.4- Mécanismes d'accès aux ressources PPTE.

3 - Le Comite de gestion des ressources PPTE

3.1- Votre rôle dans l'IPPTE

3.2- Organisation du Comité de gestion des ressources PPTE.

3.3- Vos rapports avec les bailleurs de fonds : BM, FMI.

3.4- Vos rapports avec les promoteurs de projets.

3.5- Traitement des projets.

3.6- Vos marges de manoeuvres.

3.7- Mécanismes de contrôle de vos actions ?

3.8- Mécanismes de survi des projets retenus.

4- Divers

4.1- Perception de l'IPPTE

4.2- Problèmes de l'IPPTE

4.3- Amélioration de l'IPPTE.

GUIDE D'ENTRETIEN

A l'attention des bénéficiaires des projets PPTE

I- RENSEIGNEMENT GENERAUX

1- Présentation de l'enquêteur et de l'objet de l'entretien

2- Date et lieu de l'entretien

3- Identification des enquêtés : Nom, nombre de participants, domaines d'activités.

II- DEROULEMENT DE L'ENTRETIEN

1 Pauvreté et lutte contre la pauvreté au Cameroun

1.1- Perception de la pauvreté

1.2- Pauvreté dans votre localité.

1.3- Perception de la lutte contre la pauvreté au Cameroun.

1.4- Stratégies de lutte contre la pauvreté en oeuvre dans votre localité.

2 L'Initiative PPTE

2.1- Informations sur l'Initiative PPTE.

2.2- Intérêts pour l'Initiative PPTE

2.3- Projets PPTE de votre localité ou structure.

2.4- L'élaboration des projets PPTE dont vous être bénéficiaires.

2.5- Réalisation des projets PPTE dans votre localité.

2.6- Perception des projets PPTE.

3- Divers

3.1- Efficacité des projets PPTE.

3.2- Problèmes des projets PPTE.

3.3- Amélioration des projets PPTE.

ANNEXE II : LISTE DES INTERVIEWES

I- Les personnes ressources

Le Président du Forum des ONG de développement du Cameroun (FONGDEC), Yaoundé .

Le Président de la Fédération des organisations de la société civile du Cameroun organisation (FOSCAM), Yaoundé.

Le responsable du projet GTZ-CTPS, Yaoundé.

Le responsable des portefeuilles santé, éducation, formation professionnelle, développement social et C2D, de l'Agence Française de Développement (AFD), Yaoundé.

II- Acteurs au Sommet

Institutions

Qualité

Fonction des Interviewés

Date et lieu de l'interview

Banque mondiale Bureau du Cameroun

Bailleurs de fonds

Senior program officer

26/04/2005 Yaoundé

MINEFI

Ministère de tutelle, représentant du Gouvernement

Cadre au secrétariat du Comité technique de suivi de l'Initiative PPTE

19/04/2005 Yaoundé

III- Acteurs Intermédiaires

Institutions

Qualité

Fonction des Interviewés

Nombres d'interviewes

Date et lieu

CCS/PPTE

Organe de gestion des projets PPTE

-Expert au secrétariat permanent du CCS/PPTE. - Expert assistant au secrétariat permanent

2

11 et 12/04/2005 Yaoundé

BASC

Membre de la société civile et membre du CCS/PPTE

Informations manager

1

20/04/2005 Yaoundé

CANADEL

ONG membre du CCS/PPTE

Chef des programmes

1

06/05/2005 Yaoundé

MINEPAT

Ministère promoteur de projets PPTE

Cadre au secrétariat du Comité technique du suivi des projets PPTE

1

19/04/2005 Yaoundé

MINADER

Ministère promoteur de projets PPTE

Ingénieur de projets au secrétariat permanent PPTE du MINADER

1

18/04/2005 Yaoundé

MINSANTE

Ministère Promoteur de projets PPTE

Cadre à la Division des études et des projets

1

20/04/2005 Yaoundé

MINAS

Ministère promoteur de projets PPTE

Cadres à la Cellule des études et de la planification

2

25/04/2005 Yaoundé

MINPROFF

Ministère promotion de projets PPTE

Cadre à la Direction de la promotion socioéconomique de la femme (DPSEF)

1

14/04/2005 Yaoundé

APICA

ONG non membre du CCS/PPTE, membre du réseau National de réduction de la Pauvreté

Coordonnateur du Bureau de Yaoundé

1

14/04/2005 Yaoundé

IV- Acteurs à la base

Associations

Qualité

Statut des interviewés

Nombre d'interviewés

Date et lieu

GLP

Bénéficiaires de projets PPTE

Membres du GLP

3

11/05/2005 Yaoundé

UNEXPALM

Bénéficiaires de projets PPTE

Membres de l'UNEXPALM

5

27/05/2005 Yaoundé.






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"L'ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit"   Aristote