DEDICACES
A mon père Roger Gabriel NLEP, à ma
mère Marguerite NLEP, à mes frères et soeurs, puisse ce
modeste opuscule trouver grâce à vos yeux.
REMERCIEMENTS
``Une seule main ne lie pas un fagot de bois'' :
proverbe africain qui vise à rendre compte du fait que pour
l'accomplissement d'une oeuvre humaine, nécessité de plusieurs
forces fait loi.
L'accomplissement de ce mémoire ne déroge pas
à cette règle et pour ce faire, nos sincères remerciements
vont :
-. A notre directeur de mémoire, le professeur
Théodore HOLO, Titulaire de la Chaire UNESCO, pour l'encadrement
scientifique rigoureux et les sages conseils prodigués dans le cadre et
en dehors de ce travail. Qu'il trouve ici l'expression de notre immense
gratitude ;
-. A l'ensemble de l'équipe scientifique de la Chaire
UNESCO et à nos camarades de promotion pour le soutien et les
échanges constants au cours de l'année académique, tout
particulièrement à Saoudathou FOUSSENI, Gilles AZIABA, Brice
ALLOWANOU, José Marie SANVEE, Amina SEKOU BA, Souleymane GARBA,
Kayodé Inès EGOUNLETY ;
-. Aux familles MBENOUN, DINGOME, LOGMO, DJEM, NGUE, NDONG,
BIAKAN, pour toute l'affection et tout le soutien qu'elles nous apportent
depuis de si nombreuses années ;
-. A notre frère aîné, Charlie NACH pour
l'appui inestimable dont il nous gratifie à tous les moments de notre
existence ; ainsi qu'à son épouse Marie-Carine et à
ses deux filles ;
-. A notre ``mère'' Marie-Laure HOUNTONDJI, et aux
enfants EGOUNLETY, Liana, Franck, Judith et Roland, pour tout l'amour dont ils
nous comblent au quotidien ;
-. Aux ``aînés'', Thierry MBOUS, Serge NTAMACK,
Fabien NKOT, Simon TOUM, Eugène MOUNGOLE car ils nous servent de
modèles ;
-. A Sabine CAPART et à Claire DELVAUX, pour nous avoir
accepté dans leur vie ;
-. A nos ``frères'', Cyprien, Eugène,
Fidèle, Bruno, Roméo, Parfait, Michel, Lucien, Erick, Seydou,
Théodor, Ferdinand, Eric, pour leur présence chaleureuse,
fraternelle et amicale ;
-. A tous ceux qui de près ou de loin ont
contribué à la réalisation de cette modeste oeuvre et que
nous n'avons pas pu nommer, qu'ils nous pardonnent cette omission et qu'ils
trouvent ici l'expression de notre infinie reconnaissance. Puisse Le Seigneur
les combler de tous Ses Bienfaits.
SIGLES
ET ABREVIATIONS
- AFSJP/UDs : Annales de la Faculté des Sciences
Juridiques et Politiques de l'Université de Dschang (Cameroun)
- Al. : alinéa
- alii : autres auteurs
- Art. : article
- C.A. : Cour d'Appel
- CENA : Commission Electorale Nationale Autonome
- CENI : Commission Electorale Nationale
Indépendante
- CFJ : Cour Fédérale de Justice
- CFJ/AP : Assemblée Plénière de la
Cour Fédérale de Justice
- CFJ/CAY : Chambre Administrative de la Cour
Fédérale de Justice
- C.P. : Code pénal
- CS/CA : Chambre Administrative de la Cour Suprême
du Cameroun
- CS-AP : Assemblée Plénière de la
Cour Suprême du Cameroun
- DCC : Décision de la Cour Constitutionnelle du
Bénin ou du Conseil Constitutionnel de la France
- dir. : sous la direction de
- G.A.J.A. : Grands Arrêts de la Jurisprudence
Administrative
- Ibid.: ibidem
- J.O.R.C. : Journal Officiel de la République du
Cameroun
- L.G.D.J. : Librairie Générale de Droit et
de Jurisprudence
- ONG : Organisation Non Gouvernementale
- op. cit. : opuscule cité
- PCA-CS : Ordonnance du Président de la Chambre
Administrative de la Cour Suprême
- Pr : professeur
- P.U.A. : Presses Universitaires d'Afrique
- Presses de l'U.C.A.C : Presses de l'Université
Catholique d'Afrique Centrale
- P.U.F. : Presses Universitaires de France
- R.C.D. : Revue Camerounaise de Droit
- R.D.P. : Revue de Droit Public
- R.D.P.C. : Rassemblement Démocratique du Peuple
Camerounais
- Rec. : Recueil
- R.J.A. : Revue Juridique Africaine
- R.U.D.H. : Revue Universelle des Droits de l'Homme
- S.D.F. : Social Democratic Front
- SOPECAM : Société de Presses et d'Edition
du Cameroun
- U.N.D.P. : Union Nationale pour la Démocratie et
le Progrès
- vol. : volume
SOMMAIRE
INTRODUCTION GENERALE
1
PREMIERE PARTIE : LA CONSTANCE DE LA
CONSECRATION DES DROITS FONDAMENTAUX DANS L'ORDRE JURIDIQUE CAMEROUNAIS
14
CHAPITRE I : LA DYNAMIQUE CONSTITUTIONNELLE DE
PROCLAMATION DES DROITS FONDAMENTAUX AU CAMEROUN
16
SECTION I : LA PROCLAMATION
PREAMBULAIRE DES DROITS FONDAMENTAUX, CHOIX DU CONSTITUANT
CAMEROUNAIS
16
SECTION II : L'EDIFICATION D'UN
BLOC DE CONSTITUTIONNALITE FAVORABLE AUX DROITS
FONDAMENTAUX
27
CHAPITRE II : LA DIVERSITE DES DROITS
FONDAMENTAUX CONSACRES
35
SECTION I : L'AFFIRMATION DES
DROITS CLASSIQUES
36
SECTION II : LA CONSECRATION DE
DROITS ORIGINAUX
49
CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE
63
DEUXIEME PARTIE : LA TIMIDE PROTECTION
DES DROITS FONDAMENTAUX AU CAMEROUN
64
CHAPITRE I : LES MECANISMES JURIDICTIONNELS DE
PROTECTION DES DROITS FONDAMENTAUX
66
SECTION I : L'ACTION VOLONTAIRE
DES JUGES DES ORDRES JUDICIAIRE ET ADMINISTRATIF
66
SECTION II : L'INTERVENTION
HYPOTHEQUEE DU JUGE CONSTITUTIONNEL EN MATIERE DE PROTECTION DES DROITS
FONDAMENTAUX
83
CHAPITRE II: LES MECANISMES NON JURIDICTIONNELS DE
PROTECTION DES DROITS FONDAMENTAUX
94
SECTION I : LES AUTORITES
ADMINISTRATIVES INDEPENDANTES
94
SECTION II : L'EMERGENCE DE LA
SOCIETE CIVILE DANS LA PROTECTION DES DROITS FONDAMENTAUX
111
CONCLUSION DE LA DEUXIEME PARTIE
123
CONCLUSION GENERALE
124
INTRODUCTION GENERALE
La notion de « droits
fondamentaux » n'est pas aisée à définir,
car elle semble être justiciable de plusieurs acceptions. De plus, elle
cohabite avec des notions voisines ou synonymes telles que celles de
« libertés fondamentales »,
« droits de l'homme »,
« libertés publiques », si bien que
l'emploi de l'une ou l'autre de ces notions prête parfois à
équivoque.
C'est ce qu'exprime le Pr SUDRE, lorsqu'il pose le constat que
les termes « droits de l'homme » et
« droits fondamentaux » apparaissent
interchangeables et sont parfois indifféremment utilisés par la
doctrine1(*). Pour le Pr
LECLERCQ, la notion de « droits fondamentaux »
s'apprécie plutôt par rapport au droit public interne de chaque
Etat, étant admis que l'internationalisation des « droits
de l'homme » limite la souveraineté étatique et
l'arbitraire, toujours possible de chaque Etat. Il lui adjoint, du reste, comme
synonyme la notion de « libertés
publiques »2(*).
Le Pr René DEGNI SEGUI estime, quant à lui,
qu'un lien est déductible de l'interpénétration entre ces
différentes notions : l'homme. Ce dernier en est le centre
névralgique, car c'est sa dignité qui est recherchée. A ce
propos, le Pr. BEDJAOUI a pu dire que les ``droits fondamentaux'' sont
des droits primaires, des droits premiers qui préexistent à toute
formation sociale, à tout droit et leur confèrent le
caractère universaliste3(*). Les ``droits fondamentaux'' renvoient donc
à une certaine éthique, pour reprendre l'expression du Pr SUDRE,
qui pense que l'usage du terme ``droits de l'homme'' renvoie plus au
domaine de l'« imaginaire »4(*), et que c'est celui de
"libertés publiques" qui sied au droit positif. Celles-ci
désignent de manière générale « les
droits et facultés assurant la liberté et la dignité de la
personne humaine et bénéficiant de garanties
institutionnelles »5(*), écrit-il.
Le Pr TURPIN abonde dans le même sens lorsqu'il
considère que « parfois considérées comme
synonymes, les notions de ``droits de l'homme'' et de ``libertés
publiques'' ne se recouvrent pas totalement »6(*). Il précise son
idée en ajoutant que « la première
[notion] est plus ancienne, plus large, plus ambitieuse, mais moins
précise, car plus philosophique ou politique [...] La seconde
est plus récente, plus modeste, mais aussi plus juridique, donc plus
précise »7(*). Toutefois, ces deux notions diffèrent
essentiellement par leur source et leur contenu.
En ce qui concerne l'origine, la notion de
« libertés publiques » apparaît avec
la Constitution française du 14 janvier 1852, dont l'article 25 en
confiait la garde au Sénat8(*). Celle de « droits de
l'homme » renvoie plutôt aux sources du jusnaturalisme,
l'homme étant, par son essence, titulaire d'un ensemble de droits
inhérents à sa nature et ne pouvant être méconnus
sans qu'on ne porte atteinte à celle-ci. Il n'est donc pas besoin de
reconnaissance formelle de ces droits pour qu'ils s'imposent, car la notion de
« droits de l'homme » peut transcender sa
reconnaissance par les textes9(*). Cependant, la reconnaissance textuelle est possible,
puisque les droits de l'homme présentent des critères qui
permettent de voir « un droit, au sens propre du terme, dans une
possibilité reconnue à l'homme : un titulaire, un objet
précis, un sujet auquel l'opposer ». Ce qui permettra au
demeurant de leur affecter la sanction, susceptible de les faire entrer dans le
droit positif10(*).
Les libertés publiques traduisent, d'une certaine
manière, le passage du jusnaturalisme caractérisant les droits de
l'homme au positivisme juridique, car elles sont fortement consacrées
par les textes. Ce sont des droits de l'homme que l'Etat reconnaît
formellement, aménage et insère dans le droit positif. Elles
sont, à ce titre, « des droits de l'homme reconnus,
définis et protégés
juridiquement »11(*).
En ce qui concerne le contenu, les libertés publiques
sont des droits de l'homme d'une nature bien définie : elles
constituent des pouvoirs de choix. Le Pr VIGNON estime ainsi que, si
originellement la liste des droits de l'homme n'était constituée
que de pouvoirs de choix, par la suite les exigences d'un minimum de
sécurité matérielle et de développement
intellectuel se sont imposées à l'Etat et ont octroyé
à l'homme une créance contre celui-ci, tenu alors de les
satisfaire par des mesures positives facilitant leur réalisation. Ces
nouveaux types de droits ne sont pas des droits-libertés, à
l'instar des premiers, et posent des problèmes juridiques
différents12(*).
Au total, si toutes les libertés publiques sont des
droits de l'homme, tous les droits de l'homme ne sont pas des libertés
publiques. Les deux notions se recoupant largement, mais ne se recouvrant
pas13(*).
Il existe toutefois un déterminant commun à ces
notions, l'Homme et sa dignité. C'est la prise en compte de cette
qualité qui a conduit le juge Kéba MBAYE à
présenter les droits de l'homme comme un ensemble cohérent de
principes juridiques fondamentaux s'appliquant partout dans le monde tant aux
individus qu'aux peuples et ayant pour but de protéger les
prérogatives inhérentes à tout homme et à tous les
hommes pris collectivement en raison de l'existence d'une dignité
attachée à leur personne et justifiée par leur condition
humaine14(*).
L'analyse conceptuelle de la notion de ``droits
fondamentaux'' révèle cependant une difficulté quant
à la catégorisation des droits que l'on peut ranger sous ce
vocable.15(*) Comme le
relève le Pr Yao VIGNON, « il n'est guère facile de
faire la liste de ces droits, et l'incertitude de leur définition
explique, au moins en partie, la difficulté à en dresser
l'inventaire »16(*).
Une analyse du Pr NLEP17(*) propose qu'afin de déterminer la nature
juridique de ces droits, deux tendances puissent être
explorées :
Une, tributaire de l'évolution du constitutionnalisme
français, qui vise à rattacher la notion de ``droits
fondamentaux'' au degré de protection juridique dont
bénéficient ces droits. Cette tendance, sous la houlette du Pr
FAVOREU, considère comme tels, les droits
« protégés contre le pouvoir législatif
[...] en vertu de la constitution et de textes
internationaux »18(*).
La seconde tendance, plus conceptualiste, propose comme point
de départ la notion même de ``droits fondamentaux'' pour
déterminer leur nature. C'est la voie initiée par le Pr TERRE,
pour qui la notion est essentiellement ambivalente, car ces droits sont d'une
part reliés à l'homme, mais d'autre part, « c'est
l'homme qui les constate ou les déclare, de telle sorte qu'en
définitive, ils sont les créations de son esprit, les fruits de
sa culture »19(*), précise t-il.
Selon le Pr TERRE, les droits fondamentaux présentent
des critères qui permettent de les identifier. Ces critères
existent au sein même desdits droits et ont une nature organique
manifestant une supériorité de la Constitution. Ce sont :
· la protection, en premier lieu, des droits fondamentaux
contre le pouvoir exécutif, mais aussi contre le pouvoir
législatif ;
· la garantie des droits en vertu de la loi, mais surtout
en vertu de la Constitution ou des textes internationaux ou
supranationaux ;
· la garantie des droits par les juges ordinaires, les
juges constitutionnels et même les juges internationaux20(*).
L'idée de ``garantie'' semble donc
affectée comme un lien consubstantiel à la notion de
« droit fondamental ». L'article 16 de la
Déclaration française des droits de l'homme et du citoyen de 1789
ne considérait-il pas à ce propos que toute société
dans laquelle les droits ne sont pas garantis n'a point de constitution ?
D'autres approches doctrinales sont cependant envisageables pour la
détermination de la fondamentalité des droits :
Une approche positiviste qui règle la question de la
fondamentalité des droits par une simple lecture textuelle et
jurisprudentielle. Ici, « est fondamental tout droit que les
textes ou le juge disent fondamental »21(*).
Une approche de type systématique ou dogmatique qui a
pour base un postulat selon lequel le constitutionnel étant fondamental
au sein d'un ordre juridique interne, les droits fondamentaux sont donc les
droits inscrits dans la Constitution.
Selon M. VIGNON, il convient d'unifier ces deux
dernières approches afin de rendre la question de la
fondamentalité des droits plus saisissable en droit positif. Une
définition des droits fondamentaux peut ainsi être
esquissée. Elle qualifie ces droits de « droits assez
essentiels pour fonder et déterminer [...] les grandes structures de
l'ordre juridique tout entier en ses catégories, dans lequel et par
lesquelles ils cherchent à se donner ainsi les moyens multiples de leurs
garanties et de leur réalité »22(*). Les droits fondamentaux
s'imposent alors comme « refondateurs de l'Etat de
droit »23(*) et recoupent dans leur intégralité les
notions voisines de « droits de l'homme » et
« libertés publiques ».
S'il est évident que la considération de la
condition humaine est au centre de la question des droits fondamentaux, c'est
elle qui conduit aujourd'hui à de multiples revendications au nom de la
liberté. En conséquence, la notion de ``droits
fondamentaux'' se retrouve aujourd'hui au confluent de batailles multiples
et complexes. C'est ainsi que les acteurs politiques en font la base de leurs
programmes, les bailleurs de fonds un élément de la
conditionnalité de leur aide et les organisations de la
société civile se font chaque jour plus exigeantes sur la
question. Comme le constate à juste titre le Pr Jacques ROBERT à
ce propos, « jamais on n'a autant parlé des
libertés. Jamais on n'a voulu autant sensibiliser l'opinion aux dangers
qui les menacent »24(*). C'est que les droits fondamentaux ont un
côté fragile, vulnérable. En effet, la vie en
société qui suppose l'ordre, se montre parfois incompatible avec
les libertés ; elle a ainsi tendance à mettre entre
parenthèses ces dernières au profit de l'ordre. Des
régimes politiques d'horreur et de calamités humaines peuvent
germer comme cela a été le cas avec les fascismes à la
moitié du 20e siècle ou le régime Khmer au
Cambodge.
L'effort de protection des droits fondamentaux se trouve donc
légitimé par la nécessité de protéger la vie
et la dignité humaines, cette qualité inhérente à
tout être humain qui n'a pas toujours été aussi
aisée à reconnaître tout au long de l'histoire de
l'humanité. Cet effort a consisté dans des tentatives de
normaturisation des droits de l'homme. Il connaît une
concrétisation remarquable avec les Révolutionnaires
français, à travers la Déclaration des Droits de l'Homme
et du Citoyen de 1789. Mais, le terrain avait déjà
été préparé par des précédents
concordants, tels les pactes anglais25(*) et les déclarations
américaines26(*),
illustratifs des luttes pour la liberté.
Le texte français affirme l'existence de
« droits de l'homme » et de « droits
du citoyen » inhérents à la personne humaine qui
s'entendent de droits reconnus à tous les individus composant la
société sans « distinction » aucune.
Il a alors un important écho de par le monde et traverse deux
siècles sans perdre de sa pertinence. C'est ainsi que cette
déclaration va inspirer la volonté de la communauté
internationale au sortir de la Deuxième guerre mondiale pour
l'élaboration d'actes de protection des droits de l'homme à
l'échelle planétaire.
C'est le cas de la Déclaration Universelle des Droits
de l'Homme (DUDH) adoptée et proclamée le 10 décembre 1948
par une résolution des Nations-Unies. Elle sera l'instrument
déclamatoire d'une consubstantialité et d'un universalisme des
droits de l'homme à l'ensemble de la planète.
Suite à cette déclaration onusienne, nombre
d'Etats ont adhéré aux principes qu'elle prônait, et les
Etats africains n'ont pas dérogé à ce mouvement.
Après les indépendances, ceux-ci vont affirmer leur attachement
à toutes les valeurs contenues dans la DUDH. Ils vont aussi faire leurs
ces valeurs, malgré le caractère non contraignant de la
déclaration onusienne27(*). Les Etats africains marquaient ainsi un engagement,
au moins moral, de respecter les droits ainsi proclamés.
Cet engagement se traduit par une incorporation de la DUDH
dans les premières constitutions des Etats africains. Nombre de
constitutions élaborées ensuite vont intégrer, au fur et
à mesure, les autres actes et décisions des Nations-Unies avec le
même enthousiasme28(*).
Toutefois, on ne peut ignorer le fait que les droits de
l'homme étant de source fondamentalement occidentale, l'empreinte de
leur culture originelle allait se retrouver dans maintes constitutions
africaines. Le Pr Maurice KAMTO a pu écrire que c'est cette influence
notoire du constitutionnalisme occidental sur les constituants africains qui
explique l'attachement formel des Etats africains aux déclarations de
droits dans les premières constitutions29(*). Cette inspiration occidentale des droits de l'homme
ne signifie toutefois pas que ceux-ci sont une vertu de l'Européen. A
cet effet, M. Kéba MBAYE a pu dire, en donnant les arguments des
différentes cultures quant à une appropriation des droits, que
leur histoire n'appartient à aucun peuple et qu'ainsi, ils ne sont
l'exclusivité « d'aucune époque, d'aucun lieu,
d'aucune culture »30(*).
Au sein des ordres juridiques international et interne, il y'a
une constante : il faut que la jouissance des droits fondamentaux
proclamés soit assurée et que ceux-ci soient convenablement
protégés. C'est dans cette perspective que s'inscrit notre
étude relative à « la garantie des droits fondamentaux
au Cameroun ». Pour la mener à bien, il convient au
préalable de déterminer son objet et ses limites, ainsi que
l'intérêt qu'elle recèle. Nous allons ensuite
déterminer la méthode à partir de laquelle nous entendons
la traiter, ce qui permettra de dégager les questions essentielles
qu'elle soulève, afin de pouvoir proposer un plan de notre analyse.
Après la première vague des constitutions de
l'après indépendance, les Etats africains, en plus de leur
adhésion aux textes universels de droits de l'homme, vont pousser plus
loin leur engagement en faveur des droits de l'homme à travers le
Continent. C'est ainsi que seront élaborés des instruments
régionaux de proclamation des droits de l'homme31(*).
Les Etats africains ont montré par cette attitude
positive, leur acceptation du caractère universel des droits
fondamentaux qui à ce titre, sont reconnus par les Etats de tous les
continents. Pour autant, les droits ne sont pas que l'apanage de documents
écrits, de reconnaissance et de proclamation formelles, même
animées des meilleures intentions. Ils sont d'abord un
élément du quotidien de chaque être humain. Ce qui est
essentiel, c'est sa capacité à se mouvoir sans autres entraves
que celles nécessaires à la vie en société et qui,
dès lors, se doit d'être garantie et protégée par
les textes et au-delà des textes. Telle est la valeur ajoutée
attendue de l'adhésion aux textes en matière de droits
fondamentaux. A t-on cependant assisté à une réelle
garantie des droits de l'homme à travers le continent africain ?
Force est d'admettre que la reconnaissance d'un droit est une
chose, mais le bénéfice qu'en tire le citoyen en est une autre.
On peut constater que dans les constitutions africaines des premières
années de l'après indépendance, les dispositions
favorables aux droits fondamentaux, dans le meilleur des cas, cohabitent avec
d'autres dispositions qui leur sont contraires. On a pu parler d'un
constitutionnalisme rédhibitoire en Afrique32(*). Des exemples peuvent
être pris des constitutions instituant le parti unique ou un pluralisme
interprété comme étant interdit33(*). On comprend ainsi que de
l'héritage multipartite reçu des luttes d'indépendance,
l'Afrique se soit tournée vers un système de parti unique peu
favorable aux libertés et droits fondamentaux.
Dans la majorité des Etats, une politique dite de
construction nationale se solde par la mise entre parenthèses des droits
humains, réputés secondaires au regard de l'importance
présumée de créer une nation préalable. C'est ainsi
que dans les années 1970, la perspective de leur jouissance a
été renvoyée à un avenir sans cesse
repoussé. Ces droits étaient pourtant, partout, bel et bien
consacrés dans les constitutions. Cela n'a pas empêché que
des violations massives des droits de l'homme soient constatées et
dénoncées sur le continent, tant et si bien que les Etats
africains ont été considérés comme des fiefs de
l'arbitraire, de l'absolutisme et de la dictature.
Toutefois, à la faveur de la chute du mur de Berlin et
du discours de la Baule à la fin des années 1980, l'on a pu
assister à un nouvel attachement aux valeurs des déclarations des
droits de l'homme. La plupart des Etats africains ont procédé
à la rédaction de nouvelles constitutions ou à une
révision des constitutions en vigueur, afin de réintégrer
le pluralisme politique et les autres valeurs de la démocratie. Par ce
mouvement, il s'agissait, soit de supprimer dans les constitutions les
dispositions contraires ou ambiguës, en tout cas défavorables aux
droits fondamentaux, soit d'établir sur de nouvelles bases une
constitution résolument tournée vers les valeurs de la
démocratie. Cette deuxième hypothèse a surtout
été explorée dans les pays ayant organisé une
conférence nationale34(*).
L'objet de cette étude s'attache à l'analyse des
conséquences imputables à ces processus de révision ou de
réécriture de nouvelles constitutions en Afrique en
général et au Cameroun en particulier, afin d'analyser leur
apport quant à la sécurité des droits fondamentaux dans
l'ensemble de l'espace juridique africain et dans l'ordre juridique camerounais
spécifiquement. Toutefois, afin de circonscrire le cadre de notre
étude, il convient de préciser au préalable ce qu'il faut
entendre par l'expression « garantie des droits
fondamentaux ».
La garantie est définie par le dictionnaire le Petit
Robert, comme l'obligation d'assurer à quelqu'un la jouissance d'une
chose, d'un droit, ou de le protéger contre un dommage éventuel.
Elle suppose la reconnaissance d'une chose ou d'un droit, que l'on a, par voie
de conséquence, l'obligation de protéger35(*). Cette reconnaissance s'entend
de la proclamation et de la consécration dudit droit dans un ordre
juridique. Le droit fondamental ainsi proclamé et consacré
appelle cependant une autre exigence corrélative à la
proclamation, c'est l'obligation de protéger le droit.
De cette protection, Kéba MBAYE écrit :
« est protection des droits de l'homme, tout système
comportant, à l'occasion d'une allégation d'une ou plusieurs
violations d'un principe ou d'une règle relatifs aux droits de l'homme
et édictés en faveur d'une personne ou d'un groupe de personnes,
la possibilité pour tout intéressé de soumettre une
réclamation et éventuellement de provoquer une mesure tendant
à faire cesser la ou les violations ou à assurer aux victimes une
réparation jugée équitable »36(*). Sous l'angle de la
``protection'', il est possible d'envisager les mesures de sauvegarde
des droits orchestrées par l'ensemble des mécanismes
institués au sein de la constitution et des textes reconnus dans l'ordre
juridique, la compétence de l'aménagement de tels
mécanismes étant dévolue à titre principal à
la Loi fondamentale.
La réglementation de l'exercice des droits fondamentaux
peut aussi être confiée à la loi. Les principes
constitutionnels se doivent donc d'être mis en oeuvre par le
législateur qui les conciliera avec les exigences de l'ordre public,
sans remettre en cause lesdits principes37(*). Au Cameroun, cette hypothèse est retenue, le
pouvoir législatif disposant alors d'une compétence
dérivée en la matière, conformément à
l'article 26 de la loi n° 96/06 du 18 janvier 1996 portant révision
de la Constitution du 2 juin 1972. Mais, une intervention du pouvoir
exécutif est permise dans ce domaine par la voie des ordonnances
(article 28 de la loi) et par la possibilité offerte au Président
de la République de soumettre au référendum un projet de
loi portant sur le statut des personnes et le régime des biens (article
36). Ceci élargit la perspective de l'analyse de la ``protection'' des
droits fondamentaux à l'égard de ces textes.
Le néo-constitutionnalisme camerounais est ainsi
caractérisé par l'édiction de textes législatifs et
réglementaires du début des années 1990 en réponse
aux demandes sociales nées des aspirations à un système
plus libéral, et conduisant à la réforme constitutionnelle
de 1996. Mais il comprend aussi des textes législatifs ultérieurs
en relation avec les droits fondamentaux des citoyens.
Si au cours de notre étude nous nous attachons
principalement à cette période dite des « mouvances
démocratiques », qui débute dans les années
1990, un rappel des différentes situations ayant prévalu dans
l'Etat camerounais avant cette période n'est pas exclu. Nous pensons aux
régimes de proclamation et de protection des droits fondamentaux
institués par le constituant camerounais dans les textes
constitutionnels de la période post-indépendance, ceux du 4 mars
1960, du 1er septembre 1961 et du 2 juin 1972.
La logique nouvelle d'élaboration des constitutions sur
le continent africain dans les années 1990 est fidèle à sa
devancière, du point de vue de la proclamation des droits fondamentaux
de l'individu. Les nouvelles constitutions procèdent toutefois à
une certaine innovation par rapport aux premières. Au-delà de la
proclamation, elles inscrivent de nouveaux mécanismes constitutionnels
pratiques de protection des droits fondamentaux38(*). Au Cameroun, cette inscription dans le corpus
constitutionnel de mécanismes protecteurs a un double impact pour notre
étude sur la garantie des droits fondamentaux au Cameroun :
· un impact intellectuel, à savoir la
prévision par la Constitution de tels mécanismes, leur
conférant le statut constitutionnel ;
· un impact politique, à savoir la
possibilité offerte aux citoyens selon des procédures diverses,
de disposer d'instances de recours contre les violations de leurs droits. C'est
cet intérêt qui renvoie à l'épanouissement juridique
du citoyen et permet l'examen de la portée des instances chargées
de garantir ces droits.
Ce double impact permet d'ouvrir certaines perspectives pour
notre étude. Bien que quotidiennement exploré, le thème
des droits fondamentaux et de leur garantie dans un système juridique
donné est toujours d'une actualité brûlante, la
liberté étant une quête perpétuelle et les
violations revêtant un caractère quasi permanent et tout aussi
perpétuel. C'est ainsi que notre étude permet, de prime abord, de
déterminer le régime juridique des droits constitutionnellement
garantis au Cameroun, qui s'analyse pour l'essentiel dans leur contenu et leur
portée.
Elle permet ensuite une connaissance des organes et
institutions prévus dans l'ordre juridique camerounais pour la
sécurité juridique des citoyens. Elle offre la possibilité
de faire passer un test d'efficacité aux différentes mesures de
sauvegarde des droits, afin de voir de quelle manière elles participent
à la garantie des droits et en cas d'insuffisance, de proposer des
palliatifs. Notre étude vient contribuer à une meilleure
connaissance des rapports entre le citoyen, le politique et les droits
fondamentaux dans le Cameroun actuel. Il s'agit en fait d'explorer les
conditions de la construction de l'Etat de droit au Cameroun en particulier et
en Afrique en général.
Diverses études ont été menées
relativement à la promotion et à la protection des droits
fondamentaux, mais elles sont pour la plupart exclusives d'une analyse
conjointe de l'ensemble de la protection mise en oeuvre par
l'intégralité des mécanismes institués par la loi
constitutionnelle n° 96/06 du 18 janvier 1996 et les textes d'application
qui se rattachent à cette Loi fondamentale. Il nous semble donc
légitime, eu égard au fait que les différends relatifs
à la jouissance des droits fondamentaux sont tranchés par les
juridictions et que d'autres instances peuvent intervenir sur ce terrain
sensible de leur garantie, qu'une étude juridique intégrale soit
menée relativement à la « garantie des droits
fondamentaux au Cameroun ».
Cette étude sur « la garantie des droits
fondamentaux au Cameroun » sera menée à l'aide de la
méthode juridique. Celle-ci sera utilisée au sens où elle
est entendue par le Pr Charles EISENMANN, qui lui donne un double contenu. Il
s'agit d'une double démarche d'analyse des textes et d'exploration des
conditions de leur édiction, des interprétations et de
l'application qui en sont effectuées par les différents acteurs
sociaux destinataires de la règle de droit39(*). Il s'agit alors, selon les
termes du Pr EISENMANN, de la « dogmatique » pour
désigner la première étape de la démarche, et de la
« casuistique » pour rendre compte de la
seconde.
La dogmatique s'en tient au droit, à la règle
juridique telle qu'elle ressort de l'armature législative au sens large.
Elle se limite par conséquent au droit écrit, et vise
systématiquement l'étude de ce droit à partir des
règles juridiques existantes. C'est l'étude du droit positif au
sens strict.
La casuistique elle, vient compléter la première
démarche, afin d'éviter de se retrouver trop enfermé dans
un positivisme juridique ne tenant pas compte de la réalité du
milieu ambiant dans lequel la règle de droit produit ses effets. Elle
tient alors à cette conviction du juriste que les faits de la
réalité juridique sont étroitement liés aux faits
de la réalité sociale40(*). Le sujet de droit est aussi un acteur social et la
règle de droit n'est qu'une technique de gestion des hommes. La
dogmatique permet alors de comprendre le caractère formel de la
règle de droit, tandis que la casuistique permet de confronter cette
dernière à la réalité sociale.
La casuistique obéit alors à un processus.
Après une vérification de l'identité des faits à
ceux prévus par la règle de droit, on peut décider s'il
faut leur appliquer les conséquences énoncées dans le
dispositif juridique. C'est le syllogisme juridique.
Cette méthode se retrouvera donc dans l'ensemble de
notre analyse, afin que nous puissions déterminer de façon
effective si d'une proclamation des droits fondamentaux par les textes, les
destinataires, entendu les citoyens camerounais, bénéficient
effectivement desdits droits et voient sanctionner les violations qui peuvent
survenir dans l'Etat camerounais.
Le souci d'une plus grande sécurité des droits
fondamentaux au Cameroun a abouti principalement à la loi n° 96-06
du 18 janvier 1996 portant révision de la Constitution du 2 juin 1972.
Elle apporte deux innovations majeures pour la garantie des droits
fondamentaux. Ce texte procède visiblement à une reconnaissance
plus claire et plus directe des droits fondamentaux proclamés par les
textes internationaux, et institue des instances et des procédures
visant à contrôler, et éventuellement à censurer
toute violation desdits droits.
Il veut répondre ainsi aux attentes
développées par le mouvement de démocratisation en Afrique
et au Cameroun, à travers cette proclamation et cette institution de
mécanismes de sauvegarde des droits. Toutefois dans la pratique, ces
mécanismes semblent peu ou pas du tout utilisés, si bien qu'une
gêne est dès lors perceptible. En effet, près d'une
décennie déjà après l'institution de certains
mécanismes, ceux-ci n'opèrent pas encore totalement dans le sens
escompté par le texte constitutionnel ainsi que par les autres textes
juridiques et les droits proclamés par le texte peinent à
être effectivement exercés par les citoyens.
Dès lors, on est en droit de se poser une question
fondamentale : quelle est la garantie des droits fondamentaux dans le
nouveau système constitutionnel camerounais ? Cette question en
appelle d'autres, incidentes, mais non moins importantes. En ce qui concerne
les droits fondamentaux consacrés, quels sont-ils et quel est leur
statut juridique ? L'ensemble des droits reconnus a-t-il la même
portée juridique ? Ces droits bénéficient-ils de
mécanismes de sauvegarde fiables et véritablement
efficaces ?
On peut déjà constater que près d'une
décennie après son entrée en vigueur, le texte
constitutionnel de 1996 n'est pas totalement mis en oeuvre en ce qui concerne
les instances de sauvegarde des droits fondamentaux. Ceci n'est pas sans effet
sur l'effectivité de ces droits, ce qui nous amène, sans
pessimisme aucun, à poser le constat d'une grande faiblesse dans la
garantie des droits fondamentaux au Cameroun. Telle est l'hypothèse
générale de la présente étude.
Il convient donc, pour aboutir à l'analyse de
« la garantie des droits fondamentaux au Cameroun »,
d'examiner, la constance de la consécration des droits fondamentaux dans
l'ordre juridique camerounais (1e partie).
Toutefois, pour bénéfique qu'est cette consécration
formelle des droits fondamentaux, elle cède la place à une
protection timide de ceux-ci (2e partie), qui, en
conséquence, fragilise la sécurité juridique des citoyens
camerounais
·
PREMIERE PARTIE : LA CONSTANCE DE LA CONSECRATION DES DROITS FONDAMENTAUX
DANS L'ORDRE JURIDIQUE CAMEROUNAIS
La réglementation du pouvoir par un certain nombre de
procédures est un fait dans la majorité des
sociétés humaines, qu'elles soient traditionnelles ou modernes.
Comme le relève le Pr Charles DEBBASCH, au sein des
sociétés modernes, ce pouvoir est soumis à la règle
de droit et doit s'insérer dans un cadre juridique qui lui fixe des
normes41(*). Ce cadre
juridique de l'Etat est la constitution. Dans un Etat, la constitution vise un
double objet : déterminer l'organisation des pouvoirs publics et
fixer la liste des droits et libertés individuels des citoyens42(*).
Depuis son accession à l'indépendance43(*), le Cameroun a connu deux (2)
constitutions : la Constitution du 4 mars 1960 réformée par
la loi n° 61/24 du 1er septembre 1961 portant révision
de la Constitution du 4 mars 1960 et la Constitution du 2 juin 1972,
révisée par la loi constitutionnelle n° 96/06 du 18 janvier
199644(*). Ces
différentes lois fondamentales énoncent toutes, dans le souci de
montrer l'attachement de l'Etat camerounais à la dignité de la
personne humaine, un catalogue des droits fondamentaux qui doivent
bénéficier au citoyen. Elles ont poursuivi, dès lors, les
objectifs assignés aux constitutions et ont procédé,
même si l'on observe une constance, à une certaine
évolution quant à la proclamation des droits fondamentaux au
Cameroun (Chapitre I). Par voie de conséquence, elles
ont conduit, dans l'ordre juridique camerounais, à la
consécration d'une multitude de droits fondamentaux aussi divers les uns
que les autres (Chapitre II).
CHAPITRE I : LA DYNAMIQUE CONSTITUTIONNELLE DE
PROCLAMATION DES DROITS FONDAMENTAUX AU CAMEROUN
La proclamation des droits fondamentaux est une constante dans
les différents textes constitutionnels camerounais. Le constituant
camerounais a, par cet usage, marqué son attachement aux valeurs
prononcées dans les discours en faveur des droits de l'homme.
S'il est admis avec la formule du Pr Joseph OWONA que les
droits et libertés fondamentaux sont garantis de trois manières
courantes : la constitutionnalisation du préambule, la
définition dans le corpus constitutionnel des droits fondamentaux et la
reconnaissance de la primauté du droit international, force est
d'admettre que le constituant camerounais opère une fusion, un
« syncrétisme méthodologique »
relativement au choix de la formule à retenir45(*). Il a opté ainsi pour
une proclamation préambulaire des droits fondamentaux (Section
I). Celle-ci a contribué à la construction d'un bloc de
constitutionnalité favorable auxdits droits (Section
II).
SECTION I : LA PROCLAMATION
PREAMBULAIRE DES DROITS FONDAMENTAUX, CHOIX DU CONSTITUANT CAMEROUNAIS
Le préambule est, selon la formule du Pr Maurice
HAURIOU, le siège de la « constitution
sociale ». Il est, dans l'ordre juridique camerounais, le lieu
d'énonciation des droits dans la constitution. Afin qu'il puisse
valablement garantir les droits fondamentaux, le Pr Joseph OWONA propose de le
« constitutionnaliser ». Ceci revient au demeurant
à affecter une valeur constitutionnelle audit préambule, car
ainsi que le constate le Pr Maurice KAMTO, « la
détermination du lieu d'énonciation des droits dans les
constitutions africaines est une étape essentielle dans la recherche de
leur assise juridique, car avant même de s'interroger sur le contenu et
leur garantie effective, il faut déjà s'assurer qu'il s'agit de
normes juridiques. Or s'ils le sont sans conteste lorsqu'ils sont
insérés dans le dispositif de la Constitution, rien n'est moins
sûr lorsqu'ils figurent seulement dans le préambule. Du coup se
pose le problème de la valeur juridique du préambule. Doit-on le
considérer comme étant partie intégrante de la
Constitution et ayant par suite valeur
constitutionnelle ? »46(*) La question était posée.
L'histoire constitutionnelle camerounaise qui débute
avec la Constitution du 4 mars 1960 accorde déjà une grande
importance au préambule du texte. Il sert à affirmer les grandes
orientations prises par les dirigeants et à consacrer les principes
fondateurs de la jeune république camerounaise. Les préambules
des textes constitutionnels du 2 juin 1972 et du 18 janvier 1996 poursuivent
dans cette même optique, mais on assiste, à travers ces
différents textes, à une évolution quant à la
valeur juridique du préambule. La question soulevée par le Pr
KAMTO sur ce point s'est posée avec acuité dans l'ordre juridique
camerounais. Cette valeur juridique du préambule constitutionnel
camerounais a évolué d'une valeur constitutionnelle
originellement incertaine (Paragraphe 1), vers une
constitutionnalisation affirmée (Paragraphe 2), qui ne
va pas sans soulever des questions.
PARAGRAPHE 1.- UN PREAMBULE A LA VALEUR CONSTITUTIONNELLE
INCERTAINE
La valeur juridique du préambule du texte
constitutionnel au Cameroun n'est jamais allée de soi. Comme en droit
français, elle a donné lieu à toutes sortes de
controverses. Elle a en effet divisé la doctrine (A),
et a donné lieu à une incertitude jurisprudentielle
(B) résorbée par la promulgation de la loi
constitutionnelle du 18 janvier 1996.
A.- La controverse doctrinale sur la valeur juridique du
préambule
La doctrine était divisée au Cameroun entre deux
positions47(*). Elle
consistait en deux thèses opposées :
· celle de la force contraignante des droits
énoncés dans le préambule défendue par le Pr Eric
BOEHLER et d'autres auteurs,
· celle de l'incertitude de la valeur juridique du
préambule défendue notamment par les Pr POUGOUE et KAMTO48(*).
La première position doctrinale est exposée dans
les observations faites par le Pr BOEHLER sur les arrêts n°
118/CFJ/CAY du 29 mars 1972, Eitel MOUELLE KOULA c. République
fédérale du Cameroun et n° 194/CFJ/CAY du 25 mai 1972,
Daniel NANA TCHANA c. République fédérale du Cameroun
(R.F.C.)49(*) de la
défunte Cour fédérale de justice (CFJ).
Dans ces espèces, le Pr BOEHLER observe que le juge
administratif camerounais a affirmé que les droits et libertés
inscrits dans la DUDH auxquels la République camerounaise proclame son
attachement ont force de droit positif50(*). Il localise cette affirmation dans le
préambule de la Constitution du 2 juin 1972 et entrevoit dans les deux
décisions jurisprudentielles sus citées la reconnaissance par le
juge de la valeur juridique des droits énoncés dans le
préambule constitutionnel. En effet, de l'analyse des deux
espèces, les requérants fondaient leurs demandes sur la violation
de la liberté d'association préalablement inscrite à
l'article 1er de la Constitution du 1er septembre 1961,
puis incorporée par la suite au préambule de la Constitution de
1972.
Le Pr BOEHLER a ainsi pu estimer que dans les espèces
sanctionnées par la CFJ, le juge camerounais avait retenu le principe de
la force juridique du préambule de la constitution de 1972 et de la
DUDH51(*).
Une affirmation de la valeur juridique du préambule du
texte constitutionnel de 1972 est aussi faite par le magistrat François
Xavier MBOUYOM. Ce dernier, en s'appuyant sur les arrêts n° 41 du 14
janvier 1964 sur la reconnaissance d'enfant et n° 67 du 11 juin 1963 de la
Cour suprême du Cameroun oriental, a pu affirmer que les
« dispositions du préambule constitutionnel sont
(...) considérées comme des règles de droit
positif »52(*).
Mais, cette thèse d'une valeur juridique
affirmée du préambule du texte constitutionnel de 1972 n'allait
pas avoir l'adhésion de l'ensemble de la doctrine, c'est pourquoi une
approche antithétique a aussitôt germé dans le champ de la
pensée juridique camerounaise.
La thèse de l'incertitude de la valeur juridique du
préambule de 1972 prend le contre-pied de la première approche.
Développée par les Pr KAMTO et POUGOUE, elle remet en cause les
arguments avancés par les tenants de la première thèse
pour soutenir la thèse d'une valeur juridique contraignante du
préambule constitutionnel de 1972.
Pour les Pr KAMTO et POUGOUE, c'est à tort que le Pr
BOEHLER a cru voir dans les arrêts de la CFJ une quelconque
reconnaissance par la juridiction administrative de la valeur juridique
contraignante des droits énoncés dans le
préambule53(*). De
l'avis des deux universitaires, dans ces décisions, les demandes des
requérants s'appuyaient sur des dispositions du corpus constitutionnel
du 1er septembre 1961 et non sur le préambule de la
Constitution de 1972. M. OLINGA se fait même plus dur à
l'égard du Pr BOEHLER lorsqu'il qualifie de
« distraite », la déclaration faite par lui
sur le principe de la force juridique du préambule, le juge n'ayant dans
les différentes espèces traité d'aucun préambule
d'aucune constitution54(*).
Les Pr KAMTO et POUGOUE estiment, quant à eux que la
valeur constitutionnelle du préambule du texte de 1972 est
« légitimement contestable ». Elle n'est
pas juridiquement avérée, cependant elle ne saurait être
nulle. Les auteurs ont essayé ce faisant d'affecter une valeur au
préambule à l'aide d'arguments tirés de la simple logique
juridique55(*). Selon le
Pr KAMTO, cette logique impose, pour que les énoncés relatifs aux
droits fondamentaux ne soient pas évacués du champ des
règles constitutionnelles, de reconnaître la valeur
constitutionnelle du préambule. Cette exigence de logique permet de
donner, sur le plan pratique, une chance à l'effectivité des
droits fondamentaux. Il pose, ce faisant, le principe selon lequel
« les préambules ont une valeur constitutionnelle, mais
seulement de lege feranda ou par simple déduction
logique »56(*).
Le préambule du texte constitutionnel n'a pas eu
ipso facto, en droit camerounais, une valeur juridique qui a
unifié la doctrine. Cette controverse sur la valeur du préambule
n'a pas non plus épargné le juge camerounais, dont les
décisions en la matière se sont ressenties.
B.- Les incertitudes de la jurisprudence
Diverses décisions de la jurisprudence camerounaise
concernant le chapitre de la valeur du préambule du texte
constitutionnel illustrent une indécision relative à cet
aspect57(*). Le juge
camerounais, qu'il soit judiciaire ou administratif, n'a pas pu mettre fin
à ce débat. Bien au contraire, il n'a contribué
qu'à l'envenimer à l'analyse de certaines de ses
décisions.
Relativement au juge judiciaire, certaines espèces
peuvent être retenues et dénotent d'une attitude tantôt
cohérente, tantôt confuse du juge quant à l'affirmation de
la valeur juridique du préambule.
Dans deux arrêts de la Cour suprême du Cameroun
oriental, un en date du 11juillet 1963 et un autre du 8 octobre 1968, les juges
de la Haute institution auraient reconnu la pleine valeur juridique58(*) du préambule du texte
constitutionnel du 4 mars 1960 révisé par la loi
constitutionnelle du 1er septembre 1961.
Dans l'arrêt du 11 juillet 1963, les juges
écartent l'application d'une coutume établissant une
discrimination fondée sur le sexe, au motif que le préambule de
la constitution du 4 mars 1960 avait une fois pour toutes posé le
principe de l'égalité des sexes59(*). Un arrêt du 8 octobre 1968 suivra la
même logique, lorsqu'en matière pénale, fut cassé un
arrêt de la Cour d'Appel de Douala qui avait violé le principe de
l'égalité de tous les citoyens énoncé au
préambule de la Constitution du 4 mars 1960.
Une question est tout de même posée par M. OLINGA
quant à la portée de ces deux décisions. En effet,
celui-ci se demande comment est-ce que les différents arrêts ont
pu traiter de la valeur du préambule de la Constitution du 4 mars 1960,
alors que la Constitution en vigueur à l'époque des arrêts,
en l'occurrence celle du 1er septembre 1961, n'en avait pas du
tout ?60(*)
Une esquisse de réponse est apportée par le Pr
MINKOA qui estime que pareille interrogation n'est légitimée que
par une mauvaise compréhension de la réforme constitutionnelle du
1er septembre 1961, lui donnant une portée qu'elle n'a
pas61(*). Pour lui,
l'intitulé de la loi constitutionnelle du 1er septembre 1961,
« portant révision constitutionnelle et tendant à
adapter la constitution actuelle aux nécessités du Cameroun
réunifié », indiquait suffisamment qu'elle
n'était qu'une loi spéciale au regard de la Constitution du 4
mars 1960 qui demeurait la loi générale62(*). En conséquence,
l'abrogation induite par la loi constitutionnelle du 1er septembre
1961 n'était qu'une abrogation partielle du texte de 1960. Elle laissait
subsister, à en croire le Pr MINKOA, le préambule de la
constitution de 1960, et ne s'attaquait qu'au ``corps'' de
celle-ci63(*).
En définitive, écrit-il, « il n'y
a jamais eu de ``constitution du 1er septembre 1961'' mais, toujours
la constitution du 4 mars 1960, profondément modifiée et
comportant tout de même deux parties : un préambule qui
résulte du texte original, et une partie articulée,
résultant de la loi du 1er septembre 1961. C'est donc
à bon droit que la Cour Suprême a pu continuer à se
référer au préambule de la Constitution de 1960 (...)
puisque celle-ci est restée en vigueur jusqu'en
1972 ! »64(*)
L'entrée en vigueur de la Constitution du 2 juin 1972
permettra d'observer la constance du juge judiciaire quant à
l'affirmation de la valeur constitutionnelle du préambule. Dans un
arrêt du 22 février 1973, la Cour Suprême a jugé
contraire au principe de l'égalité une coutume ôtant toute
velléité successorale à des filles en ces termes :
« Attendu que les droits de la personne résultant du
mariage, de la parenté, de la filiation dont la constitution proclame,
dans son préambule65(*), le caractère inaliénable et
sacré, ne peuvent faire l'objet de transaction ni constituer la
contre-partie d'une dette ou d'une créance ; que ces principes sont
d'ordre public ; attendu que la coutume invoquée, dans la mesure
où elle établit une discrimination fondée sur le sexe, va
à l'encontre du principe constitutionnel de l'égalité des
sexes ; que de ce fait ladite coutume ne saurait recevoir la sanction des
cours et tribunaux, la vocation héréditaire de la femme
apparaissant désormais comme indiscutable »66(*). Le juge judiciaire
camerounais, par cette décision, s'inscrit en conséquence dans la
logique d'une valeur juridique contraignante du préambule
constitutionnel.
Cette constance jurisprudentielle du juge judiciaire
camerounais sera toutefois perturbée par une ``malencontreuse
attitude''67(*) de la
Cour d'Appel de Garoua. Celle-ci émettra une décision selon
laquelle « il est largement admis que les préambules
n'énoncent que les principes généraux de droit, et ce
à titre indicatif, alors que la loi énonce des dispositions
constitutionnelles proprement dites et, de ce fait, l'emporte sur le
préambule de la constitution »68(*).
Le juge de Garoua dénie vraisemblablement, dans cette
décision, toute valeur juridique au préambule constitutionnel.
Mais en réalité, selon le Pr MINKOA, il pose le problème
des rapports loi-préambule en termes de primauté, la
première l'emportant sur le second69(*). Le préambule aurait ainsi une valeur
infra-législative et à plus forte raison
infra-constitutionnelle70(*), ce qui ne semble pas du tout raisonnable, mais
plutôt hérétique.
Au demeurant, cette ``zizanie'' semée par le
juge de Garoua ne remet pas en cause la constance jurisprudentielle du juge
judiciaire camerounais quant à la valeur juridique du préambule,
compte tenu de la position tranchée du juge suprême71(*).
Par contre, le juge de l'ordre administratif n'observe pas la
même attitude face à ce débat. Il ne semble exister aucune
espèce dont les énoncés soient clairs et nets, soit dans
le sens de l'acceptation de la valeur constitutionnelle du préambule,
soit dans le sens inverse72(*). Cette incertitude est somme toute propice aux
divagations et aux errements doctrinaux. Certaines espèces en
témoignent du reste.
Tout d'abord, les deux arrêts précités de
la CFJ, Eitel MOUELLE KOULA et NANA TCHANA dans lesquels le Pr BOEHLER a cru
lire une reconnaissance de la valeur constitutionnelle du préambule par
le juge administratif. Or, ces deux décisions se réfèrent
explicitement à l'article 1er, alinéa 2, de la
Constitution du 4 mars 1960, telle que modifiée par la loi
constitutionnelle du 1er septembre 1961 et non au préambule
de celle-ci73(*). Elles
ont cependant permis d'alimenter un vain débat74(*) qui a permis de rendre compte
de l'ambiguïté de la position du juge administratif camerounais
à ce propos.
Un autre arrêt illustre cette attitude confuse du juge
administratif, l'arrêt n° 4 de la C.F.J en date du 28 octobre 1970,
Affaire Société des Grands Travaux de l'Est (S.G.T.E)75(*). Les faits sont les
suivants : la société requérante, (la S.G.T.E),
contestait une imposition erronée, consécutive à une
disposition législative à caractère rétroactif,
insérée dans le Code général des impôts.
S'appuyant sur une disposition du préambule de la Constitution selon
laquelle « la loi ne peut avoir d'effet
rétroactif », la requérante sollicitait
l'annulation partielle du rôle litigieux. L'imposition contestée
devait, selon elle, être déclarée illégale parce que
fondée sur une loi contraire à la Constitution. Dans une
formulation sibylline, la Cour déclare « qu'à
supposer même que le principe de non-rétroactivité des lois
soit une règle constitutionnelle, en l'absence d'un contrôle de
constitutionnalité des lois par voie d'exception, il n'appartient pas
à la Chambre administrative de la C.F.J (d'annuler le
rôle), ni même d'en écarter
l'application »76(*).
Une déduction a pu être faite de cette
décision de la Cour, certains auteurs ayant estimé qu'
« en centrant le motif de son rejet sur l'incompétence de
la S.G.T.E à soulever une exception d'inconstitutionnalité, elle
admet implicitement qu'elle aurait pu faire jouer en l'espèce le
principe de la non-rétroactivité des lois inscrit dans le
préambule, si seulement l'inconstitutionnalité avait
été soulevée par la seule personne qui, selon elle, est
habilitée à l'invoquer, à savoir le Président de la
République »77(*).
Les auteurs de ces lignes estiment que seule une lecture a
contrario de l'argument de la Cour dans sa décision permet
d'envisager une implicite reconnaissance de la valeur constitutionnelle du
préambule78(*).
Mais, on ne saurait préjuger d'une position ferme du juge, qui en
l'espèce ne l'a été que s'agissant du rejet de l'exception
d'inconstitutionnalité, tout en gardant une attitude dubitative sur la
valeur constitutionnelle du principe de la non-rétroactivité et,
donc, du préambule l'énonçant79(*).
Le juge administratif n'aura donc pas, à l'instar de
son collègue judiciaire, adopté une attitude ferme et constante
quant à la valeur juridique du préambule. Bien heureusement, le
débat sur le thème de la valeur juridique du préambule
sera tranché par la promulgation de la loi n° 96-06 du 18 janvier
1996 portant révision de la Constitution du 2 juin 1972. Celle-ci
constitutionnalisera de manière expresse le préambule, levant
ainsi toute équivoque sur sa valeur juridique.
PARAGRAPHE 2.- LA DECLARATION EXPRESSE DE LA VALEUR
CONSTITUTIONNELLE DU PREAMBULE
La détermination du lieu d'énonciation de droits
dans les constitutions africaines est une étape essentielle dans la
recherche de leur assise juridique, car avant même de s'interroger sur
leur contenu et leur garantie effective, il faut déjà s'assurer
qu'il s'agit bien de normes juridiques80(*). Leur lieu d'énonciation dans les
constitutions camerounaises a toujours été, nous l'avons dit, le
préambule, dont il n'a pas été aisé de
déterminer la valeur juridique.
Dans les pays africains, toute discussion sur la valeur
juridique du préambule est écartée lorsque le constituant
a lui-même tranché la question81(*). Le constituant camerounais s'est finalement
tourné vers cette option avec la réforme constitutionnelle de
1996, lorsqu'il énonce clairement à l'article 65 de la loi
constitutionnelle n° 96/06 du 18 janvier 1996 portant révision de
la Constitution du 2 juin 1972 que « le préambule fait
partie intégrante de la Constitution »82(*).
Cette déclaration sert d'épilogue aux
controverses doctrinales et jurisprudentielles sur la question de la valeur
juridique du préambule et a une portée non négligeable.
Ses implications résident notamment dans la constitutionnalisation des
dispositions du préambule (A), et le rejet de la
thèse de sa supra-constitutionnalité (B).
A.- La constitutionnalisation des dispositions du
préambule
La lettre de l'article 65 du texte constitutionnel de 1996
intègre expressément le préambule au sein de la
constitution. Cette déclaration explicite implique de facto que
l'ensemble des dispositions contenues dans le préambule font partie
intégrante de la loi fondamentale. Toutes ces dispositions se trouvent
ce faisant alignées sur l'ensemble du régime des autres
dispositions constitutionnelles83(*). Pour M. OLINGA, elles sont purement et simplement
des normes constitutionnelles et toute méconnaissance de ces normes
constitue une violation de la loi fondamentale susceptible de donner lieu
à un contentieux84(*).
Toutefois, la déclaration expresse de la valeur
constitutionnelle du préambule, pour bienvenue qu'elle soit, n'en
suscite pas moins des interrogations85(*). En effet, l'ensemble des dispositions inscrites au
sein du préambule a-t-il pleine valeur constitutionnelle ? La force
contraignante de ces dispositions est-elle identique ?
Pour M. MOUANGUE KOBILA, il ne fait pas de doute que ces
interrogations appellent une réponse négative. Selon cet auteur,
l'affirmation de la valeur juridique du préambule de la constitution
n'épuise pas la problématique de la force contraignante des
normes qui y sont édictées. Il convient, du reste dans le texte,
d'identifier les normes dont la violation peut donner matière à
un contrôle de constitutionnalité et dont la violation peut
être sanctionnée par le juge, et celles qui ne répondent
pas aux critères d'identification des normes juridiques86(*).
En effet, pour M. MOUANGUE, la force juridique de chacune des
normes inscrites dans le préambule est détachable de la valeur
juridique globale du texte du préambule. Pour lui, le droit
requérant précision et certitude, et étant exclusif des
principes faiblement déterminés, il convient de séparer
dans le préambule les normes certaines, des normes incertaines87(*).
Le Pr GONIDEC semblait déjà avoir exprimé
cette idée lorsqu'il déclarait que
« généralement, on peut poser le principe que le
préambule a valeur constitutionnelle. Mais, en fait, certaines
dispositions n'ont cette valeur que virtuellement, parce qu'elles ne sont pas
self executing. Pour être applicables, elles supposent une intervention
du législateur »88(*).
Le préambule ferait ainsi cohabiter des normes ayant
toutes une valeur constitutionnelle, mais dont certaines uniquement verraient
leur violation sanctionnée par le juge.
M. OLINGA estime que de tels raisonnements sont pernicieux et
susceptibles de conduire à des conséquences funestes89(*). A son sens, il y a une
profonde illusion sur l'idée de précision de la règle
juridique en tant que critère et préalable à son
applicabilité. La norme juridique claire et précise n'est qu'une
vue de l'esprit et c'est le juge, en fonction du contexte de la décision
et de l'objectif qu'il poursuit, qui précise et clarifie une
norme90(*). Dès
lors, les distinctions entre normes certaines, claires et précises d'une
part, incertaines, floues et imprécises d'autre part, sont impertinentes
en général, davantage encore sur le terrain constitutionnel. Les
normes constitutionnelles se doivent d'être garanties similairement par
les mécanismes prévus à cet effet. Le Pr MINKOA ironise
même sur la position de ces auteurs, lorsqu'il pose la question de savoir
si des principes constitutionnels peuvent être autre chose que... des
règles de droit91(*).
Il importe donc que la constitutionnalisation des dispositions
du préambule soit considérée comme totale et que soit
écartée l'idée d'une constitutionnalisation
« virtuelle » desdites dispositions, afin que la
consécration des normes inscrites dans le préambule puisse
céder le pas à leur garantie effective. Toutefois, si le
préambule constitutionnel camerounais s'est vu reconnaître pleine
valeur constitutionnelle, a été écartée toute
thèse quant à sa supériorité à la
constitution.
B.- Le rejet de la thèse de la
supra-constitutionnalité du préambule
Le principe selon lequel la constitution a valeur de loi
suprême dans l'Etat est accepté par l'ensemble des Etats92(*). Le Cameroun ne déroge
pas à cette règle qui, même si elle n'est pas clairement
énoncée, ressort du contenu du texte constitutionnel.
Le principe de la supériorité de la constitution
sur toutes les autres normes au sein de l'Etat suppose que celle-ci est
placée au sommet de la hiérarchie des normes juridiques. La
constitution est à ce titre considérée comme la loi de
référence et c'est par rapport à elle qu'est
appréciée la conformité ou la non-conformité d'une
norme inférieure. C'est la base même du contrôle de
constitutionnalité des textes qui est un examen de la conformité
par le juge d'une loi à la constitution, examen pouvant donner lieu, le
cas échéant à une sanction de la loi
incriminée93(*).
Le préambule est le lieu d'énonciation des
droits fondamentaux et eu égard à la fragilité de ces
derniers, la thèse d'une supériorité du préambule
qui les mettrait à l'abri de toute violation a pu sembler
``séduisante''94(*) à plus d'un auteur.
La thèse de la supra-constitutionnalité des
libertés a été soutenue notamment par Léon
DUGUIT95(*) et visait
à placer les droits fondamentaux ``hors hiérarchie''. Le
Pr MINKOA estime que cette thèse peut difficilement être
acceptée, car il est inconcevable que le pouvoir constituant puisse
être lié par une règle juridique supérieure à
la constitution96(*). Il
serait effectivement contradictoire de placer la constitution au sommet de la
hiérarchie des normes au sein de l'Etat afin de la soumettre par la
suite à l'empire d'une autre norme. Il en résulterait une
atteinte au principe de la suprématie constitutionnelle97(*) et tout l'ordonnancement
juridique au sein de l'Etat ne pourrait qu'en être affecté.
Qui plus est, vouloir protéger le préambule
constitutionnel de toute violation en le plaçant au-dessus de la
constitution est une illusion, car les violateurs d'une règle de droit
ne se préoccupent généralement pas de sa place dans
l'ordonnancement juridique.
Au total, l'alignement des dispositions du préambule
sur le même régime juridique que l'ensemble des autres
dispositions constitutionnelles implique que celui-ci ne soit plus un document
extra-constitutionnel ou infra-constitutionnel. Selon M. OLINGA, le
préambule perd par la même occasion toute possibilité qu'il
y'aurait eu d'en faire un document supra-constitutionnel, surplombant et
irradiant tout l'environnement normatif du pays98(*). S'il n'est plus désormais
considéré que comme une partie de la constitution, le
préambule camerounais laisse voir, tout au long de l'évolution
constitutionnelle de l'Etat, un souci majeur dans l'édification d'un
bloc de constitutionnalité favorable aux droits fondamentaux.
Le Pr MINKOA estime du reste que même sans admettre le
principe d'une supra-constitutionnalité, et indépendamment du
point de savoir si les lois constitutionnelles sont soumises ou non au
contrôle de constitutionnalité de la même manière que
les autres lois, on pourrait inclure l'ensemble des dispositions du
préambule, en l'occurrence les droits fondamentaux dans l'ensemble
constitué par les ``principes démocratiques qui
régissent la République''. Cela permettrait de leur garantir
une certaine permanence et d'éviter toute régression en la
matière99(*).
SECTION II : L'EDIFICATION
D'UN BLOC DE CONSTITUTIONNALITE FAVORABLE AUX DROITS FONDAMENTAUX
La révision constitutionnelle du 18 janvier 1996 au
Cameroun se singularise des révisions opérées dans
différents Etats d'Afrique noire francophone. Ces dernières ne
visent généralement que la partie articulée du texte
constitutionnel, à l'exclusion du préambule100(*), parce qu'elles, (les
révisions), « ser(vent) traditionnellement
à maintenir et à renforcer l'emprise des institutions
gouvernementales dans le système politique »101(*). La réforme
constitutionnelle camerounaise, par cette pratique innovatrice, a
souhaité s'inscrire dans « le grand courant de
réforme démocratique pluraliste qui affecte le monde depuis une
décennie (celle des années
1990) »102(*).
Le préambule réformé qui s'est vu
reconnaître pleine valeur constitutionnelle procède, comme
implication fondamentale, à l'érection d'un bloc de
constitutionnalité. A la différence de son système
constitutionnel de référence, en l'occurrence le système
constitutionnel français, dans lequel le juge s'est chargé de
cette construction, le constituant camerounais s'attèle lui-même
à la tâche. Le Pr MINKOA estime que ce faisant, il n'a fait
qu'élaborer un cadre général du bloc de
constitutionnalité et qu'il reviendra au juge constitutionnel d'en
préciser les contours et le contenu103(*). Le constituant camerounais, dans son
édification du bloc de constitutionnalité, utilise à cette
fin des éléments initiaux (Paragraphe 1)
déjà inscrits dans le préambule de la Constitution du 2
juin 1972. Toutefois, à ces références normatives
classiques, il en ajoute de nouvelles (Paragraphe 2), qui
participent d'un souci plus marqué d'affirmer les droits fondamentaux
dans l'espace juridique camerounais.
PARAGRAPHE 1.- LES REFERENCES INITIALES DU BLOC DE
CONSTITUTIONNALITE
La mondialisation du discours de proclamation des droits de
l'homme104(*) a sans
aucun doute influencé le constituant camerounais au moment de
l'élaboration des différentes constitutions qu'a connues l'Etat.
En effet, il fait référence dans les différents textes de
1972 et 1996 à deux textes internationaux : la DUDH
(A) et la Charte des Nations-Unies (B).
A.- La Déclaration Universelle des Droits de
l'Homme
La DUDH du 10 décembre 1948 est, comme son nom
l'indique, une déclaration de principes en forme solennelle qui
était destinée dès son origine à être
complétée par d'autres textes105(*). Elle se présentait d'ailleurs fort
modestement comme un « idéal à
atteindre » et non comme un ensemble de règles qui
s'imposent aux gouvernements106(*). Cependant, elle a acquis à travers le temps
une telle force morale qu'aucun Etat ne songerait à l'ignorer comme
étant une référence fondamentale dans le discours des
droits de l'homme. Le juge Kéba MBAYE parle, à juste titre, d'une
acquisition de « la dignité d'un ensemble de règles
de droit coutumier général des droits de
l'homme »107(*).
Le constituant camerounais ne pouvait donc faire fi de cet
instrument dans l'édification de son bloc de constitutionnalité
qui se veut propice à une saine émulsion des droits fondamentaux
des citoyens. D'un acte formellement déclaratoire à son origine,
la DUDH est devenue progressivement un acte matériellement obligatoire
qui s'impose aux Etats à la fois au plan national et
international108(*). La
Cour internationale de justice (CIJ) est allée dans ce sens, lorsque
dans son arrêt relatif au personnel des Etats-Unis à
Téhéran en date du 24 mai 1980, elle s'est fondée sur la
Charte des Nations-Unies et sur la DUDH pour procéder à une
condamnation de l'Iran pour violation des droits de l'homme. Elle souligne dans
cette décision le caractère impératif de certaines
dispositions de la DUDH en considérant que « le fait de
priver abusivement de leur liberté des êtres humains et de les
soumettre dans des conditions pénibles, à une contrainte physique
est manifestement incompatible avec les principes de la Charte des
Nations-Unies et avec les droits fondamentaux énoncés dans la
Déclaration Universelle des Droits de l'Homme »109(*).
En faisant référence dans son préambule
aux principes et droits humains tels que définis par la DUDH, le
constituant camerounais leur confère valeur de droit positif. En effet,
si sous l'empire de la Constitution du 2 juin 1972 on pouvait mettre en doute
la positivité de la DUDH en droit camerounais, tout doute est
écarté avec la réforme constitutionnelle de 1996 qui
intègre expressément le préambule à la
Constitution. Pour M. OLINGA du reste, le doute n'a jamais existé en
l'espèce, puisque le juge camerounais a dans deux arrêts, les
espèces MOUELLE KOULA et NANA TCHANA, affirmé la valeur de droit
positif de la DUDH en droit camerounais110(*).
Le constituant camerounais a donc toujours, de façon
continue, affirmé son attachement aux principes et valeurs contenus dans
la DUDH et ce faisant l'a inclus dans son bloc de constitutionnalité
à travers la réforme de 1996. La DUDH est ainsi une norme
constitutionnelle qui se doit d'être garantie comme telle par le juge et
les pouvoirs publics afin que les principes qu'elle contient puissent
bénéficier pleinement aux citoyens camerounais. Participant aussi
de ce souci d'octroyer aux citoyens des droits dont ils puissent pleinement
bénéficier, le constituant camerounais proclame son attachement
à la Charte des Nations-Unies, deuxième référence
de son bloc de constitutionnalité.
B.- La Charte des Nations-Unies
Tous les Etats africains sont parties, sans exception,
à la Charte des Nations-Unies, adoptée à San Francisco le
26 juin 1945. Le Cameroun ne fait pas exception à la règle et
à ce titre est membre de l'organisation mondiale du fait de cette
adhésion. Le préambule de la loi constitutionnelle de 1996
dispose clairement que « le peuple camerounais (...) affirme son
attachement aux libertés fondamentales inscrites dans (...) la Charte
des Nations-Unies... ».
Pour M. Kéba MBAYE, « l'instrument
essentiel qui a posé les fondements du droit international dans le
domaine des droits de l'homme est la Charte des
Nations-Unies »111(*). Dans son préambule, la Charte proclame la
foi des Nations Unies « dans les droits fondamentaux de l'homme,
dans la dignité et la valeur de la personne humaine, dans
l'égalité de droits des hommes et des femmes, ainsi que des
Nations, grandes et petites ».
Même si la Charte ne définit ni ne mentionne les
droits fondamentaux, elle met à la charge des Etats l'obligation de
respecter ces droits112(*). A ce titre, son article 1er au § 3
énonce parmi les buts des Nations Unies, la réalisation de la
coopération internationale grâce à la solution des
problèmes internationaux, qu'ils soient d'ordre économique,
social, intellectuel ou humanitaire, en développant et en encourageant
le « respect des droits de l'homme et des libertés
fondamentales pour tous, sans distinction de race, de sexe, de langue ou de
religion »113(*). La protection des droits de la personne humaine
était donc au moment de la rédaction du document onusien une des
principales préoccupations des Etats qui s'engageaient à
favoriser le respect desdits droits114(*) et à oeuvrer tant conjointement que
séparément avec l'organisation afin d'atteindre cet
objectif115(*). Dans
l'arrêt de la CIJ relatif au personnel de l'ambassade des Etats-Unis en
poste à Téhéran précité, les juges
reconnaissent même le caractère impératif ou fondamental
des principes contenus dans la Charte.
Comme c'est le cas pour la DUDH, en intégrant la Charte
des Nations-Unies dans son bloc de constitutionnalité, le constituant
camerounais l'aligne sur le même régime juridique que l'ensemble
des dispositions constitutionnelles. Elle devient en conséquence une
norme constitutionnelle dont la violation d'un des principes appelle l'examen
et éventuellement la sanction du juge.
Le bloc de constitutionnalité édifié dans
le texte constitutionnel de 1996 contient des références
normatives classiques que sont la DUDH et la Charte des Nations-Unies. A ces
éléments initiaux que l'on retrouvait déjà dans le
préambule de la Constitution de 1972, la réforme de 1996 ajoute
des éléments nouveaux que sont la Charte africaine des Droits de
l'Homme et des Peuples (CADHP) et « toutes les conventions
internationales relatives (aux droits fondamentaux) et dûment
ratifiées ».
PARAGRAPHE 2.- LES NOUVEAUX ELEMENTS DU BLOC DE
CONSTITUTIONNALITE
Ils s'entendent de la Charte Africaine des droits de l'Homme
et des Peuples (CADHP) (A) et des instruments juridiques
internationaux relatifs aux droits de l'homme (B)
ratifiés par l'Etat camerounais.
A.- La Charte Africaine des Droits de l'Homme et des
Peuples
« Elle est l'expression d'une approche des
droits de l'homme qui se veut spécifiquement africaine »
dit d'elle le Pr Maurice KAMTO116(*). La CADHP est un instrument juridique
régional adopté le 28 juin 1981 par la conférence des
Chefs d'Etat et de gouvernement membres de l'Organisation de l'Unité
Africaine (O.U.A), mais qui n'entrera en vigueur que le 21 octobre 1986.
Selon le Pr DEGNI-SEGUI, la CADHP est un document qui surprend
par sa nature juridique117(*). Pour lui, cette charte qui doit être
considérée comme une convention, s'est vue conférée
une nature juridique étonnante, surtout placée dans le contexte
politique de l'époque, en l'occurrence le climat des années
quatre-vingt118(*). Elle
a été adoptée par la voie conventionnelle et était
appelée à avoir une force contraignante. Elle n'était pas
destinée à être une proclamation de voeux pieux. Il
s'ensuit qu'avec son entrée en vigueur en 1986, elle a fait naître
à la charge des Etats parties, l'obligation d'assurer la jouissance et
l'exercice des droits proclamés119(*). Les Etats africains ne se sont pourtant pas
empressés de remplir l'engagement à eux prescrit à
l'article 1er du document « d'adopter »
des mesures législatives pour appliquer les droits qui y étaient
inscrits. Le Pr KAMTO, quant à lui, se demandait même
« comment expliquer ce peu d'empressement des Etats africains
à accorder l'énonciation constitutionnelle des droits avec leur
engagement conventionnel en la matière ? »120(*).
Le constituant camerounais, dix ans après
l'entrée en vigueur de la CADHP, constitutionnalise cet instrument et
partant de là, l'ensemble de ses dispositions qui se trouvent de ce fait
intégrés au bloc de constitutionnalité. Dès lors,
il est souhaitable que le juge camerounais fasse un usage constant dans sa
jurisprudence de cet instrument régional, afin de parvenir à une
garantie fiable des droits fondamentaux des citoyens.
De plus, la CADHP étant intégrée à
la Constitution camerounaise, il semble possible pour le justiciable
camerounais d'attraire l'Etat, dans l'hypothèse de violation d'un droit
fondamental contenu dans la Charte, devant la nouvelle Cour africaine des
droits de l'homme et des peuples121(*) dont le protocole a atteint le quorum de
ratifications requis au cours de l'année 2004. Toutefois, il faudra au
préalable que le justiciable ait épuisé les voies de droit
interne et plus important, que l'Etat ait fait une déclaration acceptant
la compétence de la Cour pour la réception des requêtes
individuelles122(*). Il
est souhaitable, pour une garantie efficace des droits fondamentaux de
citoyens, que les dirigeants africains en général et camerounais
en particulier se soumettent à cette exigence prescrite dans le
protocole portant création de la Cour.
Au sein de son bloc de constitutionnalité, le
constituant camerounais intègre aussi comme élément
nouveau de celui-ci, l'ensemble des conventions internationales relatives aux
droits humains dûment signées et ratifiées par l'Etat
camerounais.
B.- Les instruments juridiques internationaux relatifs aux
droits de l'homme
« Les Etats d'Afrique Noire Francophone sont
parties, dans leur immense majorité, aux principaux instruments
internationaux protecteurs des droits de l'homme, qu'ils soient universels ou
régionaux »123(*), relève le Pr DEGNI-SEGUI. Ce constat de
l'universitaire est flatteur pour ces Etats qui s'inscrivent par ce mouvement
dans une logique de protection des droits fondamentaux. Cependant, il ne suffit
pas d'être partie à une convention en matière de droits de
l'homme pour que celle-ci crée une obligation formelle pour l'Etat. Il
faut que soient respectées, comme préalable, les
procédures de signature et de ratification desdits instruments124(*).
L'internationalisation des droits de l'homme n'a pas
épargné le constituant camerounais qui a mis un point d'honneur
à intégrer ces instruments dans l'ordre juridique national. On a
cependant pu se demander qu'elle était la place de ces textes
internationaux dans l'ordre juridique concerné.
Avant la réforme constitutionnelle de 1996, le texte
constitutionnel de 1960 consacrait deux dispositions aux traités et
accords internationaux, les articles 39 et 40. L'article 40 reprenait la
formulation de l'article 55 de la Constitution française de 1958 qui
disposait que « les traités et accords
régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès
leur publication, une autorité supérieure à celle des
lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son
application par l'autre partie ». Etait ainsi affirmée en
droit camerounais, l'option clairement moniste, avec primauté du droit
international sur le droit national125(*).
L'incertitude sur le rang de la norme internationale
naît avec la loi constitutionnelle de 1961 qui fait disparaître la
disposition énonçant la supériorité des
traités sur les lois nationales camerounaises. Cette loi ne fait que
déterminer les organes compétents en matière de
négociations et de ratifications des conventions en son article 12
alinéa 4. La Constitution du 2 juin 1972 suivra la même logique en
passant sous silence l'option retenue en droit camerounais quant à la
place des conventions internationales dans l'ordre juridique camerounais. Selon
le Pr MINKOA, il ne convient pas d'accorder « une importance
excessive à l'insertion d'une disposition spécifique
énonçant la supériorité de la norme internationale
sur la norme nationale »126(*). Antonio CASSESSE présume lui d'une
« primauté de facto du droit
international »127(*). La place des conventions internationales sera
cependant affirmée avec la loi constitutionnelle du 18 janvier 1996.
Celle-ci reprend, à peu de chose près, la
formulation de l'article 40 de la Constitution de 1960 et consacre l'option
moniste avec primauté du droit international sur le droit interne. Le
constituant en profitera même pour accorder un statut particulier aux
instruments juridiques internationaux relatifs aux droits de l'homme. En effet,
il intègre ces derniers au bloc de constitutionnalité.
Désormais en droit camerounais, toutes les questions concernant la vie
d'un traité relatif aux droits de l'homme sont de nature
constitutionnelle128(*).
Ratifier un traité en matière de droits fondamentaux est, en
réalité, ajouter à la Constitution un catalogue de droits
en plus, pour paraphraser M. OLINGA. Inversement, chaque dénonciation
d'une convention de ce type revient à amputer le bloc de
constitutionnalité d'un de ses éléments129(*), si bien que le Pr MINKOA se
pose la question de savoir si le principe de la rigidité
constitutionnelle ne devrait pas réduire la marge de manoeuvre sur ce
plan130(*).
De l'introduction des normes juridiques internationales
relatives aux droits fondamentaux au bloc de constitutionnalité
camerounais, découlent de multiples conséquences. Ces instruments
juridiques ne sont pas soumis à la clause de réciprocité
de l'article 45 de la loi de 1996 du fait de cette intégration au
bloc131(*) et aussi
parce que « la ratification constitue, à elle seule, un
ticket d'accession directe à la dignité
constitutionnelle » écrit M. OLINGA132(*). En outre, ils ne sont plus
en droit camerounais des normes conventionnelles, mais des normes
constitutionnelles. Le juge est, ce faisant, chargé de leur accorder la
protection due à toute norme de ce rang. Pour le Pr MINKOA,
« il devrait également en résulter que les
problèmes relatifs à l'interprétation de ces conventions
ne devraient plus relever du ministère chargé des affaires
étrangères »133(*).
La réforme constitutionnelle du 18 janvier 1996
opère sans conteste au Cameroun un changement radical dans l'horizon du
« ciel juridique camerounais », selon l'expression
du Pr MINKOA. Elle participe d'une dynamique évolutive de proclamation
des droits fondamentaux en constitutionnalisant le préambule, lieu
d'énonciation desdits droits et en érigeant un bloc de
constitutionnalité fourni et solide, propice aux droits. Les droits
consacrés au sein de son préambule ne peuvent être en
conséquence qu'abondants et hétéroclites, les sources
étant elles mêmes multiples. Il convient à présent
d'examiner ces droits.
CHAPITRE II : LA DIVERSITE DES DROITS FONDAMENTAUX
CONSACRES
La réforme constitutionnelle de 1996 aboutit à
une consécration généreuse de droits fondamentaux qui
doivent bénéficier aux citoyens camerounais. Le mode de
consécration préambulaire pour lequel a opté le
constituant a comme conséquence directe, de l'avis du Pr MINKOA, une
proclamation qualifiée d'« abondante » des
droits. Ce catalogue de droits est constitué des dispositions du
préambule proprement dites auxquelles il convient d'adjoindre les
dispositions des instruments juridiques relatifs aux droits de l'homme que le
Cameroun a régulièrement ratifiés. C'est ainsi que, comme
le souligne fort à propos M. OLINGA, « les droits de
l'homme dans la Constitution (camerounaise) ne se trouvent pas
seulement au niveau du préambule, ils figurent dans d'autres parties de
la loi fondamentale »134(*). De plus, l'énumération des droits
fondamentaux dans le texte de 1996 n'est pas exhaustive. L'emploi dans le
préambule de la formule « notamment aux principes
suivants... » indique nettement « que d'autres
principes lient le pays et peuvent être invoqués devant le
juge », écrit M. OLINGA.
« Toutefois, continue t-il, l'énumération
de certains principes signifie que, au sein de la masse de principes engageant
le Cameroun, ceux cités expressément constituent le minimum
incompressible bénéficiant à
tous »135(*).
La Constitution révisée ne proclamerait donc
qu'un standard minimum pouvant être complété par les
principes contenus dans les autres éléments du bloc de
constitutionnalité. Cette consécration des droits fondamentaux
par le constituant camerounais s'est faite, du reste, suivant des
modalités différentes qui ne sont pas sans incidence sur la mise
en oeuvre des droits fondamentaux.
Les droits fondamentaux sont, en conséquence, divers.
Cependant, on peut observer que la Constitution réformée
procède à une affirmation des droits fondamentaux classiques
(Section I) et érige dans l'ordre juridique
camerounais, des droits originaux (Section II) qu'il est
intéressant d'examiner.
SECTION I : L'AFFIRMATION DES
DROITS CLASSIQUES
La dynamique constitutionnelle de proclamation des droits
fondamentaux au Cameroun a, comme nous l'avons vu précédemment,
évolué depuis les indépendances et a abouti à la
réforme constitutionnelle de 1996. Celle-ci proclame solennellement la
reconnaissance par le Cameroun du caractère inaliénable et
sacré des droits humains136(*). Si en la comparant aux différents textes
constitutionnels antérieurs, on peut remarquer qu'elle est
promulguée en réponse aux aspirations démocratiques et aux
« demandes sociales »137(*), on note aussi la
disparition du texte réformé de certains droits fondamentaux
autrefois constitutionnels. C'est le cas, par exemple, de la liberté de
l'enseignement privé constitutionnalisé dans le texte du 4 mars
1960 et jamais réintroduite dans les énumérations
constitutionnelles depuis lors.
Le texte constitutionnel de 1996 procède toutefois, de
façon exponentielle par rapport aux précédents textes,
à une consécration des droits classiques, ceux rentrant dans la
typologie classique des droits fondamentaux, droits des première,
deuxième et troisième générations138(*). Mais, si on note que la
proclamation des droits de la première génération est
prolixe (Paragraphe 1), le constituant camerounais fait preuve
d'une certaine réserve en ce qui concerne la consécration des
droits des deuxième et troisième générations
(Paragraphe 2).
PARAGRAPHE 1.- LA PROCLAMATION PROLIXE DES DROITS DE LA
PREMIERE GENERATION
Les droits civils et politiques ou
``droits-libertés'' sont les plus consacrés dans le
texte constitutionnel de 1996. C'est ainsi que se trouvent proclamés le
principe d'égalité, le droit à la liberté et
à la sécurité, la liberté d'aller et venir et le
droit d'établissement, le droit au secret de la correspondance, le droit
à l'inviolabilité du domicile, le droit de n'être contraint
qu'en vertu de la loi, le principe de la légalité criminelle, le
principe de la non-rétroactivité de la loi, le droit à la
justice, le principe de la présomption d'innocence, le droit à la
vie et ses implications, le droit de propriété, le droit de vote
et le droit de participer au vote, la liberté de réunion, la
liberté d'association, le droit de former des partis politiques, la
liberté de conscience, de pensée et de religion, la
liberté d'expression.
Ces différents droits présentent en
conséquence un contenu hétéroclite (A),
et révèlent une portée considérable dans leur mise
en oeuvre (B) dans l'ordre juridique camerounais.
A.- Le contenu hétéroclite des droits civils
politiques
Ainsi que le relève M. VASAK, « toute
Déclaration et Convention des droits de l'homme a un caractère
individualiste, son but étant de fournir à l'individu non
seulement des normes de conduite pour une vie à base de liberté,
mais surtout des armes juridiques lui permettant de conquérir et de
préserver une sphère exclusivement réservée
à ses initiatives »139(*). Tout texte qui proclame les droits fondamentaux a
donc comme axiome de base, l'individu, et le texte constitutionnel camerounais
ne déroge pas à cette règle. Les droits civils et
politiques proclamés en son sein, sont en conséquence des droits
individuels.
Cependant, certains droits reconnus à l'individu dans
la société nécessitent un exercice collectif.
« L'individu est titulaire de ces droits, qui ne peuvent
qu'être exercés en groupe »140(*), ce sont les droits de
l'action collective ou droits collectifs. D'autres droits ont, en plus de cette
dimension purement individuelle, une dimension sociale et politique tenant
compte de la dimension spirituelle de l'individu, ce sont les droits de la
pensée ou droits de l'esprit.
Les droits civils et politiques inscrits dans la Constitution
camerounaise sont intégrés dans cette trilogie et, eu
égard à leur contenu, peuvent être scindés en droits
individuels, droits de la pensée et droits de l'action collective.
S'agissant des droits individuels, leur nombre important
souligne la place prépondérante que le constituant camerounais
accorde à l'individu dans la société. Il rappelle tout
d'abord la prévalence du principe de l'égalité dans l'Etat
camerounais. Ce principe est posé en termes d'égalité et
de non-discrimination en droits, en devoirs et devant la loi de tous les
citoyens dans l'Etat. Le préambule du texte constitutionnel, ce faisant,
énonce que « tous les hommes sont égaux en droits
et en devoirs » et l'article 1er alinéa 2 (4)
lui fait écho en précisant que « la
République du Cameroun (...) assure l'égalité de tous les
citoyens devant la loi ». Tout traitement discriminatoire est
ainsi proscrit entre les citoyens au sein de l'Etat camerounais, ainsi que
l'érection de privilèges de toute nature141(*).
Le droit à la liberté et à la
sécurité est également affirmé dans l'ordre
juridique camerounais. Le constituant énonce qu'il est garanti
« à chaque individu dans le respect des droits d'autrui et
de l'intérêt supérieur ». L'expression de ce
droit est, de l'avis du Doyen RIVERO, « la certitude pour les
citoyens, qu'ils ne feront pas l'objet, notamment de la part du pouvoir, de
mesures arbitraires les privant de leur liberté matérielle,
telles qu'arrestation ou détention »142(*). C'est le règne de la
liberté individuelle, qui interdit toute contrainte illégitime
à l'égard du citoyen et lui assure « la
sécurité juridique face au pouvoir »143(*). C'est alors le droit
fondamental qui garantit les autres, à en croire le Pr RIVERO144(*).
Il peut ainsi permettre à l'individu d'aller et venir
et de s'installer au lieu de son choix sur l'étendue du territoire
camerounais, sans préjudice de l'opposition latente qui pourrait
résulter de cette installation dans une localité en proie
à des revendications de populations autochtones. La liberté
d'aller et venir et le droit d'établissement du citoyen camerounais se
trouveraient alors en conflit avec un autre droit, celui de la protection des
droits des populations autochtones.
Le droit du citoyen à la liberté et à la
sécurité implique en outre que sa vie privée soit
protégée, au travers de sa correspondance, de son
identité, de son domicile, de son statut personnel.
L'exercice de ce droit suppose la réalisation de deux
conditions selon le Doyen RIVERO. Tout d'abord, il faut que
l'intégralité de la fonction répressive soit remise au
juge. Ensuite, que des garanties soient accordées à
l'intervention du juge au triple point de vue de son statut, de la règle
applicable avec le respect des principes de la légalités des
délits et peines et de la non-rétroactivité de la loi
pénale, et de la procédure qui se doit de respecter la
présomption d'innocence, le respect des droits de la défense, la
réglementation de la détention préventive, autant de
garanties liées au procès équitable et consacrées
de façon novatrice dans le texte de 1996.
Le constituant camerounais consacre également le droit
à la vie, généralement considéré comme le
premier des droits fondamentaux, ainsi que ses implications, le droit de ne pas
être soumis à la torture et à des peines ou traitements
cruels, inhumains ou dégradants. Le respect de l'intégrité
physique et morale de l'individu est alors érigé en principe dans
l'ordre juridique et implique le respect de la dignité humaine de tout
individu dans l'Etat.
Une place importante est aussi accordée au droit de
propriété, qu'il soit individuel ou collectif. Se trouvent ainsi
interdites les atteintes illégitimes contre les biens des citoyens soit
par d'autres citoyens, soit par les pouvoirs publics. Toutefois, l'absolutisme
de ce droit est limité dans l'ordre juridique camerounais et ce faisant,
il ne doit pas « porter préjudice à la
sûreté, à la liberté, à l'existence ou
à la propriété d'autrui ».
L'individu pris isolément semble avoir les faveurs du
constituant camerounais, mais ce dernier n'ignore aucunement que la vie en
société suppose des regroupements. Il consacre, pour ce faire,
des droits que celui-ci exerce en groupe, avec d'autres citoyens et se trouvant
en outre garantis par des textes législatifs.
Il en va ainsi de la liberté de réunion
organisée par la loi n° 90/055 du 19 décembre 1990, de la
liberté associative régie par la loi n° 90/053 du même
jour et du droit de former des partis politiques organisé par la loi
n° 90/056 du 19 décembre 1990 relative aux partis politiques. Ces
différents droits favorables au développement de l'action
collective au sein de l'Etat permettent au demeurant au citoyen camerounais,
être social, d'exercer certaines activités au niveau du groupe, et
d'une manière générale, de participer à la vie,
tant politique qu'économique de la cité145(*).
La Constitution réformée prend aussi en compte
l'aspect spirituel de l'homme, sa capacité à avoir des
convictions et des opinions et de les manifester, de les exprimer. Les droits
de la pensée ou de l'esprit revêtent alors tant cette dimension
proprement individuelle qu'a tout individu d'avoir des opinions et convictions
qu'une dimension sociale et politique de les manifester. Il est
énoncé à ce propos dans le préambule
constitutionnel de 1996 que « nul ne peut être
inquiété en raison de ses origines, de ses opinions ou croyances
en matière religieuse, philosophique ou politique sous réserve du
respect de l'ordre public et des bonnes moeurs ». Se trouvent
alors proclamées dans le texte camerounais les libertés de
conscience, de pensée et de religion qui rendent toutes compte de la
dimension qu'ont ces droits fondamentaux dans l'Etat camerounais, avoir des
convictions en matière de pensée et de religion et les exprimer.
La liberté d'expression n'est pas en reste dans le texte camerounais,
elle qui implique le droit d'avoir des opinions et de ne pas être
inquiété, tout comme celui de recevoir des informations et des
idées et de les communiquer146(*). De plus, le principe de la laïcité de
l'Etat est affirmé, afin de garantir la neutralité de l'Etat
camerounais vis-à-vis des religions se pratiquant en son sein.
Le contenu des droits civils et politiques consacrés
dans la Constitution réformée de 1996 apparaît donc
multiforme, hétéroclite et s'entend essentiellement des droits
individuels pouvant être exercés en propre par le citoyen, en
groupe et tenant compte de son aspect spirituel. Leur aménagement rend
compte de leur portée dans l'ordre juridique camerounais, une
portée qui ne va pas sans soulever quelques difficultés au sein
de cet Etat.
B.- La portée des droits civils et politiques
Les droits civils et politiques sont des droits-attributs de
la personne humaine, droits qui sont, pour l'essentiel, opposables à
l'Etat dont ils supposent d'abord une attitude d'abstention pour qu'ils
puissent être respectés147(*). Dans leur aménagement, ils subordonnent
ainsi l'Etat à certaines obligations qui entraînent comme
conséquence par la suite que les droits puissent être exigibles
par les citoyens, rendant compte par-là de leur exigibilité
immédiate et de leur justiciabilité.
Les obligations qui s'imposent à l'Etat dans la mise en
oeuvre des droits de la première génération sont
l'obligation de respecter les droits et l'obligation de les
protéger148(*).
Respecter les droits impose une obligation d'abstention de la
part de l'Etat, autrement dit, les pouvoirs publics ne doivent pas s'immiscer
dans l'exercice des droits par les citoyens. Toutefois, ils peuvent
s'ingérer dans cet exercice si cette ingérence est prévue
par la loi, vise la réalisation d'un but légitime et est faite
par des moyens nécessaires et proportionnés149(*).
Protéger les droits impose aux pouvoirs publics une
obligation d'intervention positive, mettre les citoyens à l'abri des
atteintes portées aux droits fondamentaux dans les rapports
interindividuels. L'Etat prend, dans ce cadre, des mesures raisonnables visant
à la protection des droits contre les atteintes de toute sorte. Il peut
ainsi prévoir et régler les litiges qui peuvent naître d'un
contrat passé entre individus ou qui ont trait à l'état
des personnes dans un code civil, comme c'est le cas au Cameroun. Il peut aussi
prendre des mesures législatives visant à faire connaître
aux citoyens les répressions prévues en cas d'atteinte à
certains droits et les inscrire dans un code pénal, tout comme les
diverses procédures permettant aux citoyens de saisir les juridictions
en cas de violation de leurs droits et inscrites dans des codes de
procédure pouvant être civile, commerciale, pénale ou
administrative.
Les droits civils et politiques ne sont plus seulement, dans
ce cas, des droits appelant une abstention des pouvoirs publics, ceux-ci devant
intervenir pour la protection des droits et même permettre leur
réalisation dans l'ordre juridique camerounais. Toutefois, cette
intervention de l'Etat peut aussi conduire à des restrictions et
dérogations apportées aux droits fondamentaux, contribuant
à limiter leur exercice. Se pose alors la problématique de la
nature des restrictions et de leur régime juridique. En quoi consistent
ces restrictions apportées aux droits ? Dans quelles conditions
peuvent-elles être faites ? Tous les droits sont-ils susceptibles
d'en souffrir ?
Le texte constitutionnel de 1996 confie souvent la
réglementation d'un droit au soin du législateur ou
délimite l'exercice d'un droit, afin d'éviter de possibles
conflits avec d'autres droits fondamentaux ou pour en atténuer
l'absolutisme. Cette limitation est généralement faite au moyen
de formules telles « dans le respect... »,
« sous réserve... ». Pour le Pr POUGOUE,
les droits consacrés dans l'ordre juridique camerounais sont alors
susceptibles de connaître trois régimes juridiques de restriction
à savoir, le régime de l'ordre public, les régimes
d'exception et le régime de la garde à vue
administrative150(*).
La notion d'``ordre public'' consiste dans une double
limite à l'exercice de la liberté que sont la liberté
d'autrui et les impératifs sociaux. En droit camerounais, elle est
entendue au sens large et est assimilée parfois à la notion
d'« intérêt supérieur de l'Etat ».
Ces deux notions ont, de l'avis du Pr Maurice KAMTO, un contenu
« non défini, en tout cas, fuyant et
fluide »151(*) qui peut s'avérer pernicieux pour la
garantie des droits fondamentaux. La sauvegarde de l'ordre public implique, par
voie de conséquence, que le droit fondamental soit
contrôlé, son exercice étant soumis à des
contraintes administratives. Le droit peut aussi être
contrôlé, soit par les autorités de police pour la
protection de l'ordre, de la sécurité et de la
tranquillité publics152(*), soit par un tiers lésé sur la base de
la théorie de l'abus de droit153(*). Cette sauvegarde de l'ordre public ne doit pour
autant pas être attentatoire aux droits fondamentaux. L'équilibre
entre la sauvegarde et le respect des droits doit être recherché
au maximum et exige pour ce faire, que les mesures de sauvegardes soient
soumises au contrôle du juge.
Les régimes d'exception s'entendent des périodes
d'une certaine gravité au cours desquelles les droits fondamentaux,
particulièrement les droits civils et politiques, se trouvent suspendus.
La législation camerounaise en organise trois situations, à
savoir, l'état d'urgence prévu à l'article 9 alinéa
1 de la loi constitutionnelle de 1996 et organisé par la loi n
90/047 du 19 décembre 1990154(*), l'état de mise en garde prévu par
l'article 3 de la loi n° 67/LF/69 portant organisation
générale de la défense et l'état d'exception
prévu à l'article 9 alinéa 2 du texte de 1996155(*). Ces situations conduisent
à ce que les droits fondamentaux soient mis entre parenthèses, au
moins pour une période donnée, traduisant ainsi un
« écrasement des droits de l'homme au profit des
régimes d'exception »156(*). Elles peuvent par exemple conduire à la
restriction des libertés individuelles, telle qu'une mise en
résidence surveillée et à l'interdiction des droits de
l'action collective comme la tenue de réunions publiques.
Le régime de la garde à vue administrative
constitue également, en droit camerounais, une limite
considérable aux droits fondamentaux en général et au
droit à la liberté et à la sécurité des
citoyens en particulier. Il est prévu par l'article 2 dernier paragraphe
de la loi n° 90/054 sur le maintien de l'ordre aux termes de laquelle
« les autorités administratives peuvent, en tout temps et
selon les cas, prendre des mesures de garde à vue d'une durée de
15 jours renouvelables dans le cadre de la lutte contre le grand
banditisme ». Il s'agit, selon le législateur, d'un
régime dérogatoire dans les situations de lutte contre le grand
banditisme au sens du droit répressif camerounais. Mais, la pratique de
cette mesure, qui devrait être exceptionnelle, donne lieu à des
débordements si bien que les motifs invoqués par les
autorités pour justifier une telle garde à vue excèdent
souvent les prévisions du législateur, conduisant par-là
à des violations du droit à la liberté et de la
sécurité des citoyens camerounais157(*).
Les droits civils et politiques dans leur mise en oeuvre,
appellent ainsi des obligations de la part de l'Etat camerounais. Toutefois,
des régimes restrictifs peuvent leur être imposés,
constituant en conséquence une forte limite dans leur exercice. Il
importe, cependant de se demander si l'ensemble des droits civils et politiques
et partant, des droits fondamentaux est astreint à ces régimes
restrictifs. N'en existe t-il pas certains qui ne peuvent souffrir de
dérogations ? C'est à ce niveau que se pose le
problème de l'intangibilité des droits.
Le texte constitutionnel camerounais ne dresse pas une liste
de droits susceptibles de ne pas souffrir de ces régimes restrictifs et
il convient, pour reprendre le questionnement du Pr SUDRE, de se demander si
l'hypothèse d'un ``noyau dur'', d'un ``noyau
intangible'' est plausible concernant les droits consacrés au sein
du texte.
L'hypothèse d'un ``noyau dur'' des droits
recouvre deux significations selon que l'objet est singulier, un droit de
l'homme, ou pluriel, les droits de l'homme.
Lorsque l'objet est singulier, « il s'agit de
rechercher quel est le minimum irréductible au sein de chaque droit pour
que celui-ci subsiste et conserve un sens »158(*). La problématique des
restrictions à l'exercice des droits avec l'opposition des
intérêts individuels et de l'intérêt
général se pose ici avec acuité, car il convient de se
demander jusqu'à quel seuil les autorités nationales peuvent
restreindre l'exercice d'un droit sans porter atteinte à la substance
même du droit. Selon le Pr SUDRE, cette interrogation suppose de
définir le seuil en deçà duquel le droit en cause perd
toute sa signification, or ce seuil varie en fonction des particularismes
nationaux, des traditions locales. Le juge a ainsi un rôle fondamental
à jouer dans ce cas, puisque « en dernier lieu, c'est
à lui qu'il appartient de définir et de préserver la
substance du droit mis en péril par les limitations qui
l'affectent », écrit-il159(*).
Lorsque l'objet est pluriel, il convient d'isoler au sein du
corpus des droits consacrés, les droits plus fondamentaux que les
autres, « de tracer une ligne de partage entre (...) des droits
prioritaires et d'autres qui seraient secondaires, entre des droits de premier
rang et d'autres de second rang »160(*).
La définition du contenu du ``noyau
intangible'' des droits fondamentaux va ainsi procéder de la
combinaison des dispositions du préambule constitutionnel et de
l'article 4 (2) du Pacte international relatif aux droits civils et politiques
qui énonce les droits indérogeables. A la suite du Pr MINKOA, on
constate que cette opération consacre l'érection de sept droits
en droits intangibles dans l'ordre juridique camerounais. Ce sont, le droit
à la vie, le droit de ne pas subir de torture et des peines ou
traitements cruels, inhumains et dégradants, le droit de ne pas
être placé en esclavage et en servitude, le droit de ne pas
être emprisonné pour la non-exécution d'une obligation
contractuelle, le droit à la non-rétroactivité de la loi
pénale plus sévère, le droit à la
rétroactivité de la loi pénale moins sévère,
le droit à la reconnaissance en tous lieux de sa personnalité
juridique, la liberté de pensée, de conscience et de religion.
Ainsi donc, seuls ces droits civils et politiques ne doivent
pas, en principe, être soumis aux différents régimes
restrictifs applicables aux droits fondamentaux dans l'ordre juridique
camerounais. Ils constituent en conséquence le ``noyau dur''
des droits fondamentaux consacrés dans cet ordre juridique,
séparés des autres qui eux, dans leur exercice, peuvent subir des
dérogations.
Au demeurant, cette scission appelle immanquablement une
hiérarchisation entre les droits fondamentaux, car même s'il faut
reconnaître à la suite de la Déclaration de Vienne du 25
juin 1993 que « tous les droits (...) sont universels,
indissociables, interdépendants et intimement
liés », force est d'admettre que dans leur
aménagement, « bien qu'ayant même valeur
constitutionnelle, les droits fondamentaux n'ont pas tous en pratique le
même poids spécifique »161(*).
En conséquence, dans leur aménagement, la force
juridique des droits civils et politiques ne sera pas la même. S'ils sont
tous exigibles et justiciables, il convient dans la pratique de tenir compte du
poids de certains droits, suffisamment précis et clairs dans leur
énoncé et n'ayant pas besoin de mesure complémentaire pour
être mis en oeuvre par le citoyen, tels que le droit à la vie par
exemple, par opposition à ceux requérant des mesures
législatives d'accompagnement pour bénéficier aux
citoyens, à l'exemple de certains droits de l'action collective tels que
la liberté d'association et la liberté de réunion.
Cette différenciation quant au ``poids
spécifique'' de certains droits permet également de rendre
compte de la prudence avec laquelle sont constitutionnalisés les droits
des seconde et troisième générations dans le texte
constitutionnel camerounais, eux qui nécessitent
généralement la prise de mesures positives par l'Etat pour
être effectivement exercés par le citoyen.
PARAGRAPHE 2.- LA PROCLAMATION RESERVEE DES DROITS DES
DEUXIEME ET TROISIEME GENERATIONS
Les droits de la deuxième génération sont
apparus sous l'inspiration socialiste et chrétienne avec la
Révolution mexicaine et, surtout, la Révolution russe de 1917 et
devaient permettre en principe aux hommes de devenir égaux. Ils
correspondent dans le triptyque de la devise française,
« Liberté-Egalité-Fraternité »,
aux « droits de
l'égalité »162(*). Les droits de la troisième
génération appellent eux une solidarité de l'ensemble des
membres de la famille humaine et correspondent dans le même triptyque
français à la « fraternité ».
Ce sont les droits dits de solidarité.
Ces différents droits ressortent clairement du texte
constitutionnel de 1996, même si leur consécration nominative
n'est pas très importante. Des auteurs parlent à ce propos d'une
« prudence » du constituant camerounais163(*) qui aurait par cette
attitude écarté des droits que l'on peut considérer comme
difficiles d'application. C'est ainsi que les droits des deuxième et
troisième génération présentent, de manière
générale, dans la loi fondamentale camerounaise des
caractères identiques : ce sont d'abord des droits d'une
justiciabilité équivoque (A), et qui
revêtent par la suite un aspect programmatique dans leur
réalisation (B).
A.- Des droits d'une justiciabilité
équivoque
Au contraire des droits civils et politiques qui sont d'une
justiciabilité immédiate, les droits des deuxième et
troisième n'ont pas généralement dans les textes qui les
proclament, la précision nécessaire à leur
exigibilité devant les juridictions. Les dispositions qui les consacrent
sont formulées en termes généraux ou vagues. On estime
ainsi qu'ils sont difficilement susceptibles d'une mise en oeuvre
juridictionnelle.
Les droits-créances contenus expressément dans
le texte constitutionnel camerounais s'entendent du droit de la famille
à être protégée et encouragée par la nation,
de la liberté syndicale, du droit de grève, de la liberté
de communication sociale, du droit au travail et du droit à
l'instruction. Ces différents droits qui sont déjà
contenus dans différents textes internationaux protecteurs des droits de
l'homme auxquels le Cameroun est partie, reçoivent un statut particulier
dans le texte de 1996 susceptibles d'affecter leur protection par les
juridictions.
En effet, ils sont le plus souvent assortis de clauses
susceptibles d'amoindrir leur portée. C'est ainsi, par exemple, que la
liberté syndicale et le droit de grève « sont
garantis dans les conditions fixées par loi »164(*). La loi a ainsi un
rôle important à jouer dans la mise en oeuvre du droit en cause,
car si elle n'est pas effective au sein de l'Etat, les citoyens ne peuvent
savoir quel est le régime juridique du droit constitutionnellement
consacré. Ce qui au demeurant peut constituer une limite pour la
protection par le juge du droit fondamental. Au Cameroun, la loi qui en
l'espèce doit déterminer le cadre dans lequel s'exercent ces
droits fondamentaux est toujours inexistante en l'état actuel de la
législation. Ce qui est susceptible de vider le droit de son contenu,
les citoyens n'ayant aucune idée du cadre d'exercice du droit. Qui a le
droit et la possibilité de faire grève et dans quelles
conditions ? Personne ne saurait y répondre.
Un autre exemple peut être pris pour le droit à
l'instruction qui dans son organisation et son fonctionnement, constitue
« un devoir impérieux de l'Etat »165(*). Cette formulation
revêt un caractère assez flou si bien que l'on peut estimer qu'il
est fort difficile à un citoyen camerounais d'attraire l'Etat devant une
juridiction pour manquement à son obligation.
Ce caractère difficilement justiciable des
droits-créances affecte aussi les droits de la troisième
génération.
Dans le texte constitutionnel de 1996, le constituant
camerounais « affirme sa volonté d'oeuvrer à la
construction d'une Afrique unie et libre, tout en entretenant avec les autres
nations du monde des relations pacifiques et fraternelles... ».
On peut clairement lire dans cette disposition, l'affirmation d'un droit
à la paix, même si celui ci n'est pas expressément
désigné. Toutefois, tant le titulaire, que l'objet et le
débiteur de ce droit sont incertains et l'énoncé n'a pas
la clarté et la précision juridiques suffisantes pour que l'on
estime qu'il puisse être invocable directement devant le juge.
Les autres droits dits de la solidarité qui ressortent
de la lecture du préambule de la Constitution réformée,
à savoir le droit au développement du peuple camerounais, le
droit à un environnement sain, semblent être aussi assorties du
même caractère flou de leur formulation. Toutefois, en ce qui
concerne le droit à un environnement sain, le texte constitutionnel
affirme que « toute personne a droit à un environnement
sain (...) L'Etat veille à la défense et à la promotion de
l'environnement ». Face à une telle affirmation, on peut
être amené à penser que l'Etat camerounais a une obligation
de ne pas laisser détériorer l'environnement dans lequel vivent
ces citoyens, en protégeant par exemple sa faune, sa flore, son milieu
marin. Cette obligation d'abstention peut même s'accompagner, le cas
échéant, d'une intervention de l'Etat et même du juge en
vue de sanctionner les éventuelles atteintes à l'environnement,
le droit à un environnement sain pouvant ouvrir droit à
réparation, ainsi que l'a jugé la Cour constitutionnelle
béninoise166(*).
D'aucuns ont pu estimer au contraire qu'il serait difficile
qu'un justiciable camerounais puisse attraire l'Etat devant une juridiction
sous le prétexte que l'environnement dans lequel il vit est malsain et
qu'ainsi l'Etat camerounais manquerait à son obligation
constitutionnelle de veiller et de protéger l'environnement.
Or, si la mise en oeuvre juridictionnelle d'un droit, entendue
comme la protection par les juridictions du droit dans le système
juridique, est considérée comme la plus pertinente des garanties
du fait de la sanction qui est sa conséquence principale, cette
dernière « ne conditionne nullement l'existence d'une
norme juridique, en l'espèce la norme des droits de l'homme, et de
l'obligation corrélative de leur respect : elle conditionne
seulement l'exécution de la norme »167(*). Dès lors, la remise
en cause des droits des deuxième et troisième
générations ne saurait être admise du fait de leur mise en
oeuvre juridictionnelle hypothétique. Elles sont, dans l'ordre juridique
camerounais, des normes constitutionnelles et ont droit en tant que telles
à la protection due à toute norme de ce rang.
Toutefois, la mise en oeuvre juridictionnelle
hypothétique des droits de la seconde et de la troisième
génération est amplifiée par le caractère
programmatique que revêtent ces droits.
B.- Des droits programmatiques
Les droits de la deuxième génération,
encore nommés ``droits-créances'', sont des droits d'une
justiciabilité équivoque, programmatiques et qui appellent une
action positive de l'Etat qui se doit de les mettre en oeuvre. Comme le
souligne à ce propos le Pr RIVERO, « les droits de
créance (...) ne peuvent recevoir satisfaction qu'après la mise
en place d'un appareil destiné à répondre aux exigences
des particuliers. Le service public est donc, pour la satisfaction de tels
pouvoirs, le procédé le plus normal. Tant que le service n'a pas
été créé, tant que l'Etat n'a pas réuni les
moyens nécessaires pour s'acquitter de son obligation, le droit du
créancier ne peut s'exercer »168(*).
Les droits de la troisième génération ou
droits de solidarité, eux, sont définis comme des droits qui
« traduisent une certaine conception de la vie en
communauté (et qui) ne peuvent être
réalisés que par les efforts de tous les participants de la vie
en société : individus, Etats, autres entités
publiques ou privées »169(*). La qualité de droits leur est souvent
contestée du fait de la difficulté à déterminer
leur titulaire et leur contenu170(*).
Ces deux générations semblent donc
nécessiter, pour leur mise en oeuvre effective dans la
société, que soient prises des mesures par l'Etat. On a pu parler
à ce propos d'une réalisation progressive des droits.
L'obligation de "réalisation progressive" est
prévue dans le Pacte international pour les droits économiques,
sociaux et culturels (PIDESC) qui affirme que les Etats prendront toutes les
mesures pour assurer « progressivement le plein exercice des
droits reconnus... ». Certains ont pu penser que cette
stipulation tendait à subordonner la réalisation de ces droits
à la prospérité économique des Etats parties ou
autoriser un Etat partie à reporter indéfiniment les efforts
à consentir pour assurer l'exercice des droits qu'il consacre.
Le Cameroun est partie au PIDESC et cet instrument fait partie
intégrante du bloc de constitutionnalité érigé par
le constituant camerounais. Certains auteurs affirment que le nombre infime des
droits-créances est dû au fait que l'Etat camerounais
« a prudemment écarté (des droits) qu'il
lui est présentement impossible de satisfaire ». Cette
déclaration semble faire l'apologie de la réalisation progressive
des droits-créances dans la société camerounaise. Mais au
contraire de l'idée développée sur le principe
érigé par le PIDESC, cette « disposition oblige
tous les Etats parties, quelles que soient leurs ressources nationales,
à agir rapidement et efficacement en vue d'assurer un exercice et une
jouissance effectives des DESC à tous leurs citoyens ».
Le Comité pour les droits économiques, sociaux et culturels
(CODESC) a déclaré que l'obligation de réalisation
progressive existe indépendamment de tout accroissement des ressources
disponibles. Il admet donc que toutes les ressources existantes doivent
être consacrées de manière aussi efficace que possible
à la réalisation des droits consacrés dans le
Pacte171(*).
En d'autres termes, la mise en oeuvre des droits
économiques, sociaux et culturels implique de la part des Etats à
la fois des actions positives et des actions négatives. Dans le premier
cas, l'Etat doit agir en prenant les mesures appropriées pour
créer les conditions d'exercice ou de jouissance des droits reconnus aux
citoyens. L'abstention implique qu'il n'intervienne pas dans l'exercice des
droits en imposant des limitations ou des restrictions. Par exemple, l'Etat
camerounais ne doit pas porter des limitations excessives à la
liberté syndicale ou au droit de grève, même si ceux-ci
« sont garantis dans les conditions fixées par la
loi ». Le principe de la progressivité ne devrait donc
pas servir à justifier l'absence de réalisation des
droits-créances ou leur faible niveau de satisfaction.
Le CODESC, dans son Commentaire général sur la
question de la nature des obligations des Etats parties a même
précisé que : « Le concept de
réalisation progressive est une reconnaissance du fait que la
réalisation complète des droits économiques, sociaux et
culturels sera généralement impossible à atteindre
à brève échéance... C'est, d'une part, un
mécanisme de flexibilité nécessaire qui reflète la
réalité du monde tel qu'il existe et les difficultés
qu'implique pour tout pays la mise en oeuvre des droits économiques,
sociaux et culturels. D'autre part, l'expression doit être lue à
la lumière de l'objectif global, ou mieux, de la raison d'être du
Pacte, qui est de créer des obligations claires pour les Etats parties
en vue de la réalisation progressive des droits
considérés »172(*). En d'autres termes, le concept de
progressivité prend en compte le niveau inégal de
développement des Etats parties au Pacte dans la réalisation des
DESC.
S'il est vrai que cet attribut des droits fondamentaux est
plus remarquable pour les droits-créances, on ne peut l'écarter
pour les droits de solidarité.
C'est ainsi que l'obligation qui pèse sur l'Etat
camerounais du fait de la consécration des droits de la
solidarité est une obligation souple. Par exemple, pour le droit
à un environnement sain, l'Etat camerounais « veille
(juste) à la défense et à la promotion de
l'environnement ». Cette obligation ne semble nullement
être immédiate et partant de là n'est pas
immédiatement exigible par les titulaires que sont les citoyens. La
réalisation des droits de la solidarité suppose alors, ainsi que
l'affirme M. Karel VASAK qu' « il existe un minimum de consensus
social au niveau national et international, pour qu'une action solidaire
fondée sur la reconnaissance d'une responsabilité solidaire,
puisse être entreprise en vue de leur
réalisation »173(*).
Cette action doit s'inscrire dans le temps et revêt un
caractère programmatique qui affecte aussi de manière
considérable l'exigibilité, la justiciabilité des droits
de la solidarité dans la société camerounaise. Cependant,
on ne doit pas considérer que ces droits des deuxième et
troisième générations soient des non-droits. Comme
relevé plus haut, ils sont des droits constitutionnels et, ce faisant,
se doivent de recevoir la protection due à toute norme de ce rang.
A côté d'eux, le constituant camerounais consacre
des droits originaux, qui rendent mieux compte des particularismes de la
société camerounaise.
SECTION II : LA CONSECRATION
DE DROITS ORIGINAUX
Le texte constitutionnel de 1996 consacre des droits qui se
rapprochent des réalités sociales camerounaises. Ces droits sont
pour l'essentiel des droits d'essence communautariste, pour reprendre
l'expression du Pr NLEP, en ce sens qu'ils sont reconnus à des
communautés d'individus plutôt qu'à ces derniers pris
isolément. Ils concernent spécifiquement la protection des
valeurs traditionnelles (Paragraphe 1) et la protection des
minorités et des populations autochtones (Paragraphe
2).
PARAGRAPHE 1.- LA PROTECTION DES VALEURS TRADITIONNELLES
Le contenu de ce droit tient compte des
spécificités des collectivités et groupes ethniques
cohabitant au sein de l'Etat camerounais. En effet, au Cameroun, vivent pas
moins de 200 ethnies, aux coutumes différentes les unes des autres. Ces
ethnies sont regroupées en une structure de base qui est la
« communauté villageoise »174(*) correspondant dans la
réalité camerounaise à la chefferie traditionnelle.
C'est l'article 1er alinéa 3 de la
Constitution réformée de 1996 qui « reconnaît
et protège les valeurs traditionnelles » et le
décret n° 77/245 du 15 juillet 1977 portant organisation des
Chefferies traditionnelles qui consacre le droit pour ces collectivités
de désigner leur chef selon leurs propres coutumes. La protection des
valeurs traditionnelles trouve donc ses sources juridiques dans la Constitution
et le règlement au Cameroun. Mais qu'englobe véritablement cette
protection des valeurs traditionnelles ? Il convient afin
d'appréhender le contenu de ce droit, d'analyser la notion de
« chefferie traditionnelle » (A)
pour s'intéresser ensuite au statut du chef désigné de
cette collectivité (B).
A.- La notion de chefferie traditionnelle
La nature juridique de la chefferie traditionnelle n'a pas
été facile à dégager en droit positif camerounais.
Les deux premiers articles du décret de 1977 traduisent cet embarras du
législateur dans sa tentative de dégager une nature juridique de
la chefferie traditionnelle camerounaise.
L'article 1er du décret indique que
« les collectivités traditionnelles sont organisées
en chefferie ». Le second lui emboîte le pas et
précise que « la chefferie traditionnelle est
organisée sur une base territoriale. Elle comporte trois degrés
hiérarchisés suivants :
· chefferie du 1er
degré ;
· chefferie du 2e
degré ;
· chefferie du 3e
degré ».
La volonté du législateur sur le
« mode d'organisation » et la « base
d'organisation » de ces entités n'est pas claire et la
question se pose quant à savoir si la chefferie traditionnelle est une
simple « collectivité locale » dotée
de la personnalité juridique ou une simple circonscription territoriale.
M. KOUASSIGAN pose le problème de la nature juridique de la chefferie
traditionnelle en ces termes : « ces collectivités
négro-africaines peuvent-elles être des personnes
morales ? » et précise même que
répondre à cette question revient à « savoir
si (...)les [dites] collectivités peuvent prétendre
à la qualité de sujet de droit »175(*).
Si certaines thèses ont pu nier la personnalité
juridique à ces collectivités176(*), il s'est développé à leur
opposé la thèse de la reconnaissance de la personnalité
juridique aux collectivités négro-africaines que sont les
chefferies traditionnelles. Pour M. DECOTTIGNIES, la
« collectivité villageoise »
présente tous les critères habituellement retenus pour la
reconnaissance de la personnalité juridique à un groupement. Ces
critères sont : un conseil prenant l'ensemble des décisions
de la communauté avec à sa tête un chef, et la disposition,
la propriété communautaire de biens propres177(*).
En droit positif camerounais, l'organisation interne
définie par le décret de 1977 laisse apparaître un chef et
un conseil de notables formé selon la tradition locale et chargé
d'assister le chef dans l'exercice de ses fonctions. Toutefois, à la
lecture du décret de 1977, ce conseil n'a pas d'attributions propres et
c'est le juge administratif qui a précisé son importance dans le
fonctionnement de la collectivité. Dans l'affaire Collectivité
Deïdo-Douala, objet du jugement n° 63/CS-CA/79-80 du 25 septembre
1980, la Chambre administrative de la Cour Suprême (CS/CA) constate que
l'autorité investie du pouvoir de décision a omis de consulter
les notabilités coutumières Deïdo pour fins de
désignation du Chef de ce canton en violation des dispositions de
l'article 11 du décret de 1977. En conséquence, elle annule
l'arrêté portant désignation du Chef de canton. De cette
décision, découlent des conséquences qui précisent
la notion de chefferie traditionnelle :
Tout d'abord, il est admis, sinon confirmé, qu'une
collectivité donnée, dès lors que ses
intérêts sont lésés, dispose de la capacité
d'ester en justice ;
Ensuite et surtout, il est à retenir de cette
décision qu'au-delà de l'architecture définie par le
décret de 1977, toute l'organisation, tout le fonctionnement, et partant
le régime et la nature juridiques de la chefferie traditionnelle, la
vraie, doivent être recherchés non dans le droit administratif
écrit, mais dans les multiples coutumes qui régissent son
organisation et son fonctionnement dans une collectivité178(*).
De cette capacité d'action et d'expression collective
reconnue par le juge, la chefferie camerounaise est, au total une personne
morale de droit public179(*). Un autre droit fondamental est alors lié
à cet attribut, pour l'ensemble de la collectivité, la
faculté pour elle de désigner un chef, dont le statut n'est pas
sans intérêt.
B.- Le statut du chef traditionnel
A ce stade, deux problèmes méritent d'être
soulevés :
· qui peut être chef traditionnel ?
· quels sont les droits et obligations d'un chef
traditionnel ?
Le problème de la désignation du chef
traditionnel a évolué de manière significative en droit
camerounais, car elle n'est pas allée sans soulever de
difficultés. Dans l'Afrique ancestrale, la possibilité
d'être chef est réservée à une catégorie
infime de personnes180(*). A l'instar de la monarchie absolue de type
européen classique, la dévolution du pouvoir se fait à
l'intérieur d'un groupe familial ou d'un clan
spécifique181(*).
Le décret de 1977 va dans le même sens et dispose en son article
8 : « les chefs traditionnels sont, en principe, choisis au
sein des familles appelées à exercer coutumièrement le
commandement traditionnel. Les candidats doivent remplir les conditions
d'aptitude physique et morale requises, et savoir autant que possible lire et
écrire ».
Selon le Pr NLEP, malgré la clarté apparente de
la disposition, son interprétation n'a pas toujours été
facile. En effet, que faut-il entendre par « familles
appelées coutumièrement à exercer le commandement
traditionnel » et par « conditions d'aptitude
physique et morale » ?182(*)
La notion de « familles de
commandement » n'est pas définie dans le texte de 1977 et
c'est le juge qui a eu à en préciser les contours. Dans une
affaire ESSOMBA Marc Antoine, objet du jugement n° 7/CS-CA/79-80 du 29
novembre 1979, le juge administratif a eu à se prononcer sur cette
notion.
Les faits sont les suivants : à la suite du
décès du chef du groupement MVOG FOUDA MBALLA, le nommé
ESSOMBA NSENGUE Marc Antoine, des consultations sont organisées à
l'initiative et sous l'égide du préfet du département de
la Mefou. Elles aboutissent à la désignation de TSOUNGUI ESSOMBA
Joseph comme chef du groupement, désignation confirmée par un
arrêté n° 84/A/MINATDOT du ministre de l'administration
territoriale en date du 25 mai 1977.
C'est cette désignation qui est
déférée devant la CS/CA par le candidat
débouté à la dite chefferie, le sieur ESSOMBA Marc
Antoine. Celui-ci fonde sa demande sur le fait que lors de la tenue des
consultations, il a été écarté sans raison valable
et que l'intéressé choisi provient d'une famille trop
éloignée de la sienne. Le juge n'admettra pas cette argumentation
et décidera que « par famille, on entend un ensemble de
personnes issues d'un même sang, d'une même lignée ou souche
(...). Il importe donc de ne pas y voir seulement les gens d'un même
foyer, issus d'un même père et d'une même mère ou
seulement du premier ». La famille est ainsi entendue par le
juge administratif au sens large. Mais, en plus de l'appartenance du
« candidat-chef » à une
« famille de commandement », s'ajoute la condition
de son aptitude.
Selon la lettre du texte de 1977, le
« candidat-chef » se doit d'avoir des aptitudes
physique, morale et intellectuelle. S'il va de soi que
l'intéressé se doive de jouir de bonnes facultés physiques
et de ses droits civiques, le minimum de capacité sollicité par
le décret suscite quelques interrogations. Le juge administratif
camerounais va même lui attacher une importance notable dans une
décision n° 40/CS-CA/79-80 du 29 mai 1980, MONKAM TIENTCHEU David
c. Etat du Cameroun.
Les faits de l'espèce sont fort explicites. Suite
à la désignation d'un jeune garçon âgé de 10
ans comme chef du groupement BANKA, le sieur MONKAM TIENTCHEU attaque
l'arrêté ministériel de désignation au motif que le
nouveau chef ne remplit pas les conditions d'aptitude physique et morale
requises par le décret de 1977. Tirant conséquence des
dispositions du décret, la CS/CA annule l'arrêté
ministériel en estimant fondé le moyen tiré de
l'inaptitude du jeune chef POKAM NITCHEU. Cependant, le juge fait ressortir le
caractère de service public de la chefferie traditionnelle camerounaise,
si bien que le Pr NLEP pose la question de savoir si l'on aboutit pas ainsi
à une « fonctionnarisation du chef
traditionnel »183(*). Autrement dit, est ce que le chef traditionnel
camerounais ne tombe pas ainsi, du fait des textes régissant la
collectivité traditionnelle, dans le statut d'un fonctionnaire de
l'administration publique camerounaise ?
Le chef traditionnel, une fois désigné, a alors
des droits et obligations affectés à sa tâche. Il est un
auxiliaire de l'administration au sens de l'article 20 du décret de
1977. Il a le pouvoir de procéder à des conciliations ou
arbitrages entre les administrés, mais il se trouve soumis à un
régime disciplinaire et d'appréciation proche de celui des agents
de l'Etat relevant du Statut général de la fonction publique.
Le texte constitutionnel de 1996 fait de la protection des
valeurs traditionnelles diverses existant au sein de l'Etat camerounais un
droit fondamental des citoyens. La collectivité traditionnelle à
laquelle sont attachés les citoyens a à sa tête un chef qui
doit être désigné selon les coutumes propres à cette
collectivité. La protection des valeurs traditionnelles est en
conséquence une obligation de l'Etat et le juge protège ce droit
et c'est ainsi qu'il sanctionne les écarts qui peuvent être faits
de son usage. Si cela n'a pas toujours été aisé, la
consécration d'autres droits semble soulever aussi d'autres
problèmes. Ce sont la protection des minorités et la
préservation des droits des populations autochtones.
PARAGRAPHE 2.- LA PROTECTION DES MINORITES ET DES POPULATIONS
AUTOCHTONES
La loi constitutionnelle de 1996 dispose expressément
en son préambule : « l'Etat assure la protection des
minorités et préserve les droits des populations autochtones
conformément à la loi ». Se trouve ainsi
érigé par cette disposition constitutionnelle, le principe
constitutionnel de la protection des minorités et de la
préservation des droits des populations autochtones. Innovation
particulièrement controversée à en croire M.
OLINGA184(*), la
consécration et la réception par l' « opinion
publique » de la protection des minorités et des droits
des populations autochtones sont loin d'être la chronique d'un long
fleuve tranquille, précise-t-il185(*).
C'est qu'en effet, se pose en droit camerounais le
problème du contenu des notions de
« minorité » et de
« population autochtone ». Que recouvrent-elles et
comment identifier les citoyens intégrés en leur sein ? Face
au silence du texte constitutionnel et à l'absence d'une loi relative
à l'une ou l'autre notion, le flou est maintenu. Il convient donc afin
d'apporter un éclairage quant au contenu des deux notions, d'analyser au
préalable les notions de
« minorité » et de
« population autochtone » (A),
afin de déterminer l'étendue de la protection qui leur est
accordée (B).
A.- Les notions de « minorité » et
d' « autochtone »
La diversité de la société camerounaise
dans sa composition a déjà été mise en exergue et
le texte constitutionnel de 1996 a pris le chemin d'un droit constitutionnel
adapté aux réalités socio-politiques et anthropologiques
camerounaises au moins sur un point précis : la protection des
minorités et des populations autochtones186(*). Mais cela ne va pas sans
soulever des interrogations relatives au contenu des notions de
« minorité » (1) et d'
« autochtone » (2). Les
définitions des deux notions permettront de mieux les cerner.
1.- La notion de « minorité »
Elle n'est pas spécifique au droit public camerounais.
Pleinement évoquée au plan international187(*) et même
protégée par un mécanisme188(*), la question des
minorités est largement abordée par les constitutions de certains
Etats.
Le Doyen Claude-Albert COLLIARD définit la
minorité comme « un groupe différent de la
majorité nationale par la race, la langue, la
religion »189(*). Cette définition semble toutefois
insuffisante pour cerner la notion de
« minorité » car, de l'avis de M. NNANGA,
elle « ne représente que le pendant d'un
phénomène dont tous les contours ne sont pas encore
connus »190(*). En effet, le Doyen COLLIARD ne semble tenir compte
que de trois éléments pour définir une minorité au
sein d'un Etat : la race, la langue et la religion.
Le constituant camerounais n'a donné dans le texte de
1996 aucun élément d'identification des minorités
présentes au sein de la société camerounaise, mais on sait
juste que celles-ci seront objectivées au fur et à mesure de
l'adoption de mesures spécifiques de protection191(*). Le législateur a, ce
faisant, un rôle majeur à jouer dans la détermination des
groupes au sein de la société qu'il faudra ranger sous le vocable
de « minorité ».
Une tentative préalable d'identification de ces groupes
« minoritaires » dans la société
camerounaise est esquissée par le Pr NLEP lorsqu'il détermine les
acteurs du système de l'administration camerounaise192(*). Cette tentative de
classification ne retient cependant que les minorités dites ethniques au
Cameroun. L'esquisse tentée par M. NNANGA semble plus large, car elle
englobe plusieurs éléments permettant de reconnaître une
minorité.
La minorité peut, pour cet auteur, être avant
tout démographique. « Dans ce cas,
énonce t-il, les statistiques issues du recensement
général de la population nationale permettent lorsqu'elles sont
objectives de montrer que telle tribu, telle race, telle catégorie
sociale présente un effectif faible par rapport à d'autres
tribus, d'autres races ou d'autres catégories dans le même
Etat »193(*). Cet aspect démographique, dans les faits, se
doit d'être cumulé à l'aspect linguistique. Or, le Cameroun
est un Etat dans lequel cohabitent plus de six grands ensembles linguistiques
parlant plus de quatre cent dialectes 194(*) et il en découle qu'il est improbable de
parier sur une quelconque pureté originelle de ces langues et dialectes.
M. NNANGA prévient alors qu' « on risque sous le prisme
linguistique et démographique assister à un émiettement
à l'infini du principe de minorité »195(*).
La minorité peut être économique.
Elle « provient du résultat obtenu au terme de la
comparaison effectuée, entre tel ensemble linguistique ou racial
national, entre telle catégorie sociale omniprésents dans tous
les milieux d'affaires, les commerces, les industries du pays et d'autres
ensembles et catégories nationaux faiblement présentés
dans les mêmes milieux », écrit M. NNANGA. Il
précise son idée en postulant que si ce type de
« minorité » est plus ou moins difficile
à déceler dans une société, sa consécration
juridique ne va pas sans poser des problèmes de logique, de
cohérence et d'efficacité196(*).
La minorité peut être politique. Dans ce
cas, telle frange de la population peut revendiquer de n'avoir jamais tenu les
rênes du pouvoir ou remettre en cause le fait d'être
sous-représentée dans les organes du pouvoir étatique par
rapport à la sur-représentation des autres groupes sociaux. Mais,
au risque d'entretenir dans l'Etat la volonté d'une seule composante
sociale d'accaparer le pouvoir, par une conception et une gestion
néo-patrimoniales de celui-ci, ce type de
« minorité » appelle une vigilance
étroite et des mécanismes de prévention et de protection
durables197(*).
La minorité peut être intellectuelle.
Dans ce cas de figure, selon les dires de M. NNANGA, « certaines
populations peuvent à juste titre récuser le fait que presque
toutes les institutions scolaires et académiques soient tenues et
occupées pour l'essentiel par des individus ressortissants d'une
même région ou d'une même famille »198(*). La majorité
intellectuelle est associée au pouvoir décisionnel dans l'Etat et
c'est en objection à ce cas de figure que la catégorie
minoritaire (sous-intellectualisée) demande à être
associée au processus décisionnel.
La minorité peut être sociale. Ici,
« certaines couches sociales peuvent, dans un Etat, estimer que
leurs intérêts ne sont pas suffisamment défendus parce que
ceux qui ont été investis de ladite charge par l'Administration
appartiennent plutôt à une classe qui ne ressent pas les
mêmes difficultés »199(*). Ce sont
généralement les classes démunies au sein de la
société, à l'exemple des chômeurs, des
retraités, des malades, des personnes pratiquant de petits
métiers occasionnels.
La minorité peut être culturelle ou
confessionnelle. Dans cette hypothèse, « les
adeptes de telle religion, de telle secte, de telle obédience
confessionnelle ou philosophique, les chefs traditionnels et les
détenteurs des pouvoirs ancestraux, les guérisseurs et autres
herboristes peuvent mettre en évidence leur marginalisation sociale ou
l'ostracisme pratiqué contre eux par les individus relevant des
catégories culturelles et confessionnelles majoritaires ou
dominantes », écrit M. NNANGA200(*).
La minorité peut être linguistique. Dans
une telle hypothèse, il existe au sein de la société des
groupes qui, du fait de leur langue, estiment être sous le coup de la
domination d'un groupe ou de groupes majoritaires. C'est le cas au Cameroun
avec l'opposition traditionnelle entre
« anglophones » et
« francophones ». Les premiers constituent
vis-à-vis des seconds un groupe minoritaire par le nombre des individus
et estiment être laissés en marge de la direction de l'Etat et de
ce fait d'être écrasés, parce qu'ils sont une
minorité.
Il n'est pas facile de déterminer la
« minorité » au sein d'un Etat et face au
silence du constituant camerounais qui n'a pas clairement
déterminé les groupes susceptibles d'être rangés
sous le vocable, il est nécessaire d'explorer toutes les tentatives de
définition élaborées. Cette absence de définition
qui n'est pas au demeurant une négation juridique de l'existence de
minorités dans l'Etat se doit d'être résorbée, et
c'est la démarche qui peut aussi être employée pour
l'éclaircissement de la notion d'
« autochtone ».
2.- La notion d' « autochtone »
La notion d' « autochtone » est,
à l'instar de la notion de
« minorité », une notion non
systématisée dans le droit public camerounais. Elle a même
longtemps été évitée dans la langage politique,
parce qu'on estimait qu'elle véhiculait les relents de tribalisme, de
repli identitaire et de sanctification du groupe ethnique au sein de la
société camerounaise. Toutes ces notions étaient
susceptibles de créer au sein de l'Etat, selon le propos du
Président Ahmadou AHIDJO, des
« disparités », ou tout au moins
« des troubles très graves »201(*). C'est dire donc que la
notion d' « autochtone » a longtemps
suscité une crainte dans l'univers politique et social camerounais, ce
qui conduit à lui donner une multitude d'acceptions.
Le terme « autochtone »,
originellement, est issu de la géologie. Dans cette matière,
« les terrains autochtones sont ceux restés sur place, par
opposition aux nappes de charriage, venues d'ailleurs ; les parautochtones
ne sont stabilisés que depuis peu de temps ; les allochtones sont
instables »202(*). Les peuples autochtones sont donc, par analogie
à la définition géologique du terme ceux
« installés sur un territoire depuis des temps
immémoriaux ou considérés comme
tels »203(*). Etre « autochtone »
suppose l'installation sur un territoire depuis une période de temps
plus ou moins longue. Mais, cette définition est loin de faire
l'unanimité et elle est somme toute très générale.
Une autre requiert une multitude d'éléments pour qu'une
population soit considérée comme
« autochtone » dans une région
donnée. C'est celle esquissé par M. BURGER pour qui
« un peuple autochtone peut réunir toutes les
caractéristiques suivantes, ou seulement certaines d'entre elles. Les
peuples autochtones sont :
· les descendants des premiers habitants d'un
territoire acquis par la conquête ;
· des peuples nomades et semi-nomades, tels que des
agriculteurs itinérants, des pasteurs, chasseurs et collecteurs qui
pratiquent une agriculture à forte intensité de travail
produisant peu de surplus et requérant peu de ressources
énergétiques ;
· ils n'ont pas d'institutions politiques
centralisées, ont une forme communautaire d'organisation et prennent les
décisions sur une base consensuelle ;
· ils ont tous les caractères d'une
minorité nationale : ils partagent les mêmes langue,
religion, culture, et autres traits caractéristiques ainsi qu'un lien
à un territoire spécifique, mais sont infériorisés
par une culture et une société dominantes ;
· ils ont une vision globale du monde
différente, consistant dans une attitude non matérialiste et
protectrice vis-à-vis de la terre et des ressources matérielles,
et veulent continuer à se développer suivant des processus
différents de ceux proposés par les sociétés
dominantes ;
· ils sont formés par des individus qui se
considèrent subjectivement comme autochtones, et sont acceptés
comme tels par le groupe »204(*).
Dans la société camerounaise, il convient de
rechercher les groupes d'individus intégrant certaines de ces
caractéristiques afin que le contenu du terme
« autochtone », au sens où il est
employé par le constituant, soit déterminé. Ce soin est
laissé au législateur, tout comme celui de l'étendue de la
protection à accorder à ces catégories sociales au
Cameroun, qui peut toutefois être abordée grâce aux
instruments normatifs en vigueur dans le système juridique
camerounais.
B.- L'étendue de la protection
A la lecture du préambule constitutionnel, la
protection des minorités et des populations autochtones est
érigée en un principe constitutionnel qui en attendant
d'être objectivé, doit recevoir la protection due à toute
norme constitutionnelle. Cette tâche incombe à l'Etat camerounais
qui est, ce faisant, astreint à des obligations négatives, mais
surtout positives. Il convient pour ce faire que le régime de protection
des minorités et des populations autochtones soit enrichi et
précisé par la loi, comme il est prévu dans le texte
constitutionnel. Toutefois, il serait incongru d'attendre une loi
spécifique relative à la protection des minorités et des
populations autochtones, il convient plutôt de prendre en compte les
desiderata des différents groupes lors de l'adoption de n'importe quelle
loi dans l'Etat205(*).
Le texte constitutionnel de 1996 a, du reste,
déjà précisé certains éléments de
cette protection. En son article 57 alinéa 2, il dispose :
« le Conseil régional doit refléter les
différentes composantes sociologiques de la
région ». Les minorités présentes au sein
de la région se doivent d'être représentées au
niveau de l'organe délibérant de ladite région, ce qui
semble préserver leurs intérêts. De plus, eu égard
aux règles de contrôle des normes prévues par la
Constitution et celles qui garantissent l'immutabilité de certaines
dispositions constitutionnelles, les droits des minorités et des
populations autochtones se trouvent favorablement préservés par
le texte de 1996.
Tout d'abord, le Conseil constitutionnel peut examiner des
lois ou traités en rapport avec la protection des minorités et
des populations autochtones conformément aux dispositions de l'article
47 de la Constitution réformée. De plus, l'on peut se demander
avec M. OLINGA si les dispositions constitutionnelles relatives aux
minorités et populations autochtones sont susceptibles d'être
révisées sans qu'il soit porté atteinte
« aux principes démocratiques qui régissent la
république » évoqués par l'article 64 de la
Constitution206(*).
A ce stade, il convient de considérer pour une
tentative de réponse qu'une procédure de révision qui vise
à extirper de la Constitution les dispositions relatives à la
protection des minorités et populations autochtones violerait les
principes de l'article 64 sus cité. En effet, ces droits des
minorités et des populations autochtones sont localisés dans la
partie de la Constitution qui traite des droits fondamentaux, le
préambule. En conséquence, les droits participant
« si consubstantiellement de l'essence même de la
démocratie, y attenter serait saper les bases même de l'ordre
démocratique et républicain »207(*), précise M.
OLINGA. A son avis, dans le contexte même hypothétique d'une
procédure de révision de la Constitution, celle-ci pourrait
s'avérer particulièrement difficile en l'absence d'harmonie entre
l'exécutif et le législatif208(*). Les difficultés techniques,
procédurales et principielles rendent tout aussi difficiles toutes
tentatives d'extraction des notions de
« minorités » et de
« populations autochtones », poursuit-il209(*). Les deux notions se
trouvent ainsi protégées par la Constitution
réformée qui marque un souci du constituant de leur affecter une
place importante dans la terminologie juridique camerounaise.
Les lois électorales participent également
à la protection des minorités et des populations autochtones. En
effet, les consultations électorales sont un moment charnière de
la vie sociale camerounaise, au cours desquelles se pose avec acuité le
problème de la protection de ces deux catégories sociales. Les
lois électorales exigent pour la préservation des droits de ces
deux groupes que dans la composition des listes pour les élections
plurinominales, l'on tienne compte des « composantes
sociologiques de la circonscription ». L'article 5 alinéa
4 de la loi n° 91/020 du 16 décembre 1991 fixant les conditions
d'élection des députés à l'Assemblée
nationale pose à ce propos que « la constitution de chaque
liste doit tenir compte des différentes composantes sociologiques de la
circonscription ».
Le juge administratif a eu à être
interpellé pour des affaires relatives à ces élections
plurinominales au cours desquelles ces dispositions électorales
semblaient violées. Dans le jugement n° 59/CS-CA du 18 juillet
1996, le requérant, EPALE Roger Delore, arguant de sa simple
qualité d'électeur, n'a pas hésité à
solliciter de la CS/CA l'annulation des élections remportées par
la liste du Social Democratic Front (SDF) dans la commune rurale de
BARE-MOUNGO, au motif que cette liste composée de 25 conseillers,
comportait « vingt quatre allogènes et un seul
autochtone »210(*).
Dans une autre affaire le même jour, objet du jugement
n° 60/CS-CA, le requérant NGUEYONG MOUSSA sollicite du juge
administratif l'annulation d'élections municipales au motif que la liste
à laquelle il est opposé ne respecte pas la composante
sociologique de la région. Pour le Pr NLEP, même si dans ces deux
affaires le juge s'est déclaré incompétent du fait de
l'attribution par la loi électorale en cause211(*) à la Commission
Communale de Supervision des contestations relatives à la candidature,
aux opérations préélectorales et au dépouillement
du scrutin, il ne fait aucun doute que s'il devait se prononcer sur le fond des
deux cas, il aurait prononcé l'annulation des résultats
recueillis par une liste non conforme aux prescriptions
légales212(*).
Les lois électorales participent aussi à la
protection des minorités et des populations autochtones au moment du
découpage des circonscriptions électorales. Aux termes de
l'article 3 de la loi n° 91/020 du 16 décembre 1991,
« le département constitue la circonscription
électorale. Toutefois, compte tenu de leur situation
particulière, certaines circonscriptions pourront faire l'objet d'un
découpage spécial ». Ce découpage
spécial se fait par « voie
réglementaire » selon la loi n° 97/013 du 19 mars
1997 modifiant et complétant la loi du 16 décembre 1991. Il est
susceptible de modifier substantivement la représentation parlementaire
de la circonscription qui fait l'objet du découpage. C'est en ce sens
que le découpage semble poursuivre, « entre autres
objectifs, non seulement le maintien des grands équilibres sociologiques
d'une circonscription, mais aussi la représentation des minorités
dans la vie et les institutions nationales du pays conformément à
la Constitution », écrit M. OLINGA213(*).
L'incorporation dans la Constitution camerounaise du principe
de la protection des minorités et des populations autochtones ne va pas
sans se heurter à des difficultés juridiques et sociologiques. En
effet, la loi constitutionnelle consacre à côté de cette
protection particulière à bien des égards, le principe de
l'égalité de tous les citoyens en droit et le principe de leur
égalité devant la loi. L'hypothèse de conflits entre ces
différents principes constitutionnels n'est pas exclue en droit positif
camerounais. On peut être amené à se demander si, face
à une telle consécration dans l'Etat, ce dernier peut
protéger de manière impartiale tous les citoyens et accorder
cependant une protection particulière à certains d'entre eux sous
prétexte qu'ils seraient minoritaires. Autrement dit, pour paraphraser
M. NNANGA, le principe de la protection des minorités et des populations
ne risque t-il pas de conduire à une dictature de ces deux groupes dans
l'Etat ?
Le principe consacré peut également se heurter
à d'autres principes constitutionnels. Le texte constitutionnel dispose
que « tout homme a le droit de se fixer en tout lieu et de se
déplacer librement, sous réserve des prescriptions légales
relatives à l'ordre, à la sécurité et à la
tranquillité publics ». Or nous l'avons vu, le principe
de la protection des minorités et des populations autochtones concourt
à préserver certains acquis pour ces groupes de personnes.
Comment dès lors certains citoyens pourraient s'installer dans des
localités de l'Etat sans entrer en conflit avec les minorités et
autochtones desdites localités ?
En cas de survenance de tels conflits entre principes
constitutionnels, le Doyen VEDEL pose comme principe général de
solution que « si les critères de validité
stricto sensu ne fournissent pas de règles de solutions de
conflit, celui-ci ne peut être résolu que par
l'interprétation (...) Ou bien l'interprète qualifié
(le juge) découvrira que le respect de l'une ou l'autre norme
est simultanément possible, ce qui revient à dire que le conflit
n'était qu'apparent. Ou bien le conflit est réel, et celui qui
doit faire application de l'une et l'autre règles est amené
à les ``concilier'', c'est-à-dire à les appliquer
partiellement l'une et l'autre »214(*). Le juge devra oeuvrer au
maximum afin que les règles en conflit conservent leur sens. Il a un
rôle important à jouer en la matière, à la suite du
législateur qui se doit de clarifier suffisamment le contenu des normes
en conflit.
CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE
La loi constitutionnelle n° 96/06 du 18 janvier 1996
consacre un préambule à valeur constitutionnelle et une
pléthore de droits fondamentaux au profit des citoyens camerounais. Au
sein du texte, les droits proclamés s'insèrent dans la trilogie
des droits des première, deuxième et troisième
générations et peuvent être scindés en droits
classiques et en droits nouveaux. En conséquence, ils
génèrent à l'endroit de l'Etat camerounais un ensemble
d'obligations à la fois positives et négatives, afin que les
droits puissent être effectivement mis en oeuvre par leurs
destinataires.
Toutefois, des mesures législatives doivent être
encore prises au sein de l'Etat camerounais pour préciser le contenu de
certains droits constitutionnels, ainsi que les modalités de leur mise
en oeuvre ; c'est le cas du droit de grève par exemple.
L'hypothèse de conflits entre certains droits fondamentaux n'est pas
également à exclure. Le rôle du juge dans ce dernier cas
sera capital et il lui reviendra de véritablement s'affirmer dans la
résolution de ces conflits.
L'ensemble des droits fondamentaux consacrés dans
l'ordre juridique camerounais est ainsi identifié du point de vue de
leur contenu et des problèmes qu'ils peuvent susciter. Il convient
à présent de s'intéresser à la protection offerte
aux droits proclamés dans l'ordonnancement juridique camerounais, une
protection dont il est important de mesurer l'efficience.
DEUXIEME PARTIE : LA TIMIDE PROTECTION DES DROITS
FONDAMENTAUX AU CAMEROUN
« Contre qui importe t-il de protéger les
libertés » ? se questionnent les Pr ROBERT et
DUFFAR215(*). En premier
lieu, contre l'Etat, c'est-à-dire essentiellement le législateur
et l'administration, dans le cas d'une menace verticale contre les droits
fondamentaux des citoyens. Mais, des menaces pèsent également sur
les rapports entre particuliers, et il convient de protéger les
individus contre d'autres individus, dans le cas d'une menace horizontale
contre les droits fondamentaux.
Dans le système juridique camerounais, la
reconnaissance des droits fondamentaux s'est inscrite dans une constante
heureuse et a abouti à une généreuse proclamation de
ceux-ci au profit des citoyens. Mais, la proclamation des droits à elle
seule ne saurait suffire à assurer la garantie des droits contre les
menaces pesant sur eux, nous l'avons relevé. Il faut qu'on lui enjoigne
la protection. Celle-ci, pour être efficace, dépend de plusieurs
facteurs216(*). A
l'instar de divers pays africains, le Cameroun possède une armature
juridictionnelle devant assurer la protection des droits fondamentaux par les
juges (Chapitre I).
Toutefois, la nouvelle vague qui a vu l'explosion dans les
Etats africains de mécanismes autres que les juridictions n'a pas
épargné le Cameroun. C'est ainsi qu'il fait donc une grande place
dans cette protection à des mécanismes non juridictionnels
(Chapitre II), utiles à bien des égards pour la
garantie pratique des droits fondamentaux des citoyens.
CHAPITRE I : LES MECANISMES JURIDICTIONNELS DE PROTECTION
DES DROITS FONDAMENTAUX
« La sanction normale de la règle de
droit réside dans le recours au juge », affirme le Pr
VIGNON217(*). C'est le
juge qui a le pouvoir de constater les violations de la règle de droit
et le cas échéant, de les sanctionner afin d'assurer le respect
du droit. C'est à cette condition que l'on constate que l'on est dans un
véritable Etat de droit, un Etat dans lequel, tous, gouvernants comme
gouvernés sont soumis au droit218(*).
Le juge a ainsi un rôle important à jouer dans la
protection de la règle de droit et partant des droits fondamentaux,
proclamés au sein de l'ordre juridique. Au Cameroun, le pouvoir
judiciaire est un pouvoir constitutionnellement organisé219(*) dont les juridictions sont
chargées de trancher les litiges nés des rapports au sein de la
société, qu'ils surviennent entre l'Administration et les
particuliers ou qu'ils soient interindividuels. C'est dans ces deux cas de
figure que la protection des droits fondamentaux ressortit tantôt de la
compétence du juge administratif, tantôt de celle du juge
judiciaire. Ceux-ci sont donc les premiers mécanismes protecteurs des
droits (Section I), mais leur protection est assistée
par celle du juge constitutionnel (Section II),
réintroduite au moment de l'aspiration libérale née au
début des années 1990 et complétée depuis lors.
C'est à ces différents juges qu'est confiée la tâche
ardue de la protection juridictionnelle des droits fondamentaux au Cameroun,
une tâche qui ne va pas sans rencontrer des obstacles divers.
SECTION I : L'ACTION
VOLONTAIRE DES JUGES DES ORDRES JUDICIAIRE ET ADMINISTRATIF
Le pouvoir judiciaire au Cameroun est traditionnellement
divisé en deux ordres : l'ordre judiciaire et l'ordre
administratif. Cette scission matérielle laisse entrevoir que les juges
des deux ordres doivent connaître de matières spécifiques
et différentes par leur nature.
En matière de droits fondamentaux, le juge judiciaire a
un rôle traditionnel de « gardien de la liberté
individuelle »220(*) des citoyens (Paragraphe 1). Cette
mission le conduit à connaître essentiellement des litiges
nés des rapports entre les particuliers. Mais exceptionnellement, il
peut être amené à connaître des violations des droits
fondamentaux dans des rapports entre les particuliers et l'Administration qui
eux, nous intéressent ici, eu égard aux pouvoirs énormes
détenus par les pouvoirs publics. Ce type de relation est originellement
dévolu à la compétence du juge de l'ordre administratif.
C'est ainsi que celui-ci affirme son rôle sans cesse grandissant dans la
sphère des droits fondamentaux (Paragraphe 2) et en
vient même à concurrencer le juge de l'ordre judiciaire sur son
propre terrain, aux dires du Pr VIGNON221(*).
PARAGRAPHE 1.- LE ROLE TRADITIONNEL DU JUGE JUDICIAIRE EN
MATIERE DE PROTECTION DES DROITS FONDAMENTAUX
La connaissance des litiges nés entre les particuliers
et les pouvoirs publics ne relevait pas toujours de la compétence des
juridictions judiciaires. Cependant, par exception à ce principe, le
juge judiciaire a eu à connaître de tels litiges. Cette
compétence exceptionnelle est un des traits essentiels de son audace
dans l'ordre juridique camerounais (A). Elle lui attribue
aussi les matières originelles relatives à la protection de la
liberté individuelle et des autres droits fondamentaux dans les rapports
entre les personnes privées qui ne seront pas étudiés ici.
Cette audace, pour bienvenue qu'elle soit dans l'axe de la protection des
droits fondamentaux, est sérieusement entravée par des obstacles
(B) susceptibles d'atténuer fortement l'oeuvre
protectrice du juge judiciaire.
A-. L'audace du juge judiciaire, protecteur des droits
fondamentaux
En matière de droits fondamentaux, de l'avis des Pr
ROBERT et DUFFAR, la compétence judiciaire apparaît au premier
abord triple. Il s'agit, primo, d'une compétence
répressive : c'est en effet devant les tribunaux répressifs
que seront traduits tous les agents publics coupables d'atteintes aux
libertés.
Secundo, le juge judiciaire est compétent pour
tout ce qui concerne la protection des libertés dans les rapports entre
les personnes privées. Tertio, le juge judiciaire voit affirmer
sa compétence en ce qui concerne les rapports de l'administration et des
particuliers222(*).
En droit camerounais, concernant les violations verticales des
droits fondamentaux, le juge judiciaire intervient en premier lieu dans la
régulation des rapports qui tendent à restreindre la
liberté individuelle des citoyens. En France, à ce propos et
selon l'article 136 du Code de procédure pénale issu de la loi du
7 février 1933 sur les garanties de la liberté individuelle,
« dans tous les cas d'atteinte à la liberté
individuelle, le conflit ne peut jamais être élevé par
l'autorité administrative et les tribunaux de l'ordre judiciaire sont
toujours exclusivement compétents ». De plus l'article 66
de la Constitution française du 4 octobre 1958 précise :
« nul ne peut être arbitrairement détenu ;
l'autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle,
assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la
loi ». Il y a à ce niveau une affirmation du rôle
qu'a le juge judiciaire dans la protection de cette liberté.
Au Cameroun, la liberté individuelle est une norme
constitutionnellement consacrée et elle ne doit en aucun cas être
restreinte, sauf lorsque la loi le prévoit expressément. La
liberté doit, en tous les cas, être le principe et la restriction
de la liberté, l'exception, selon la formule rappelée par le
Commissaire du gouvernement LAGRANGE223(*).
Le juge camerounais se montre dès lors implacable dans
les cas d'atteintes à la liberté et à la
sûreté des individus. Dans les cas de contrôle de la
privation de liberté d'un suspect en procédure pénale, il
peut intervenir au niveau de l'enquête de police lorsqu'il est saisi des
cas d'irrégularités ou d'abus à ce stade de la
procédure. Il le fait de façon prépondérante par
les techniques empruntées au droit anglo-saxon que sont l'order of
prohibition224(*),
l'order of Mandamus225(*) et le Writ of Habeas Corpus226(*).
S'agissant de l'order of Mandamus et de l'order of
prohibition, le juge judiciaire peut, par exemple, prendre une ordonnance
interdisant à un officier de police judiciaire (OPJ) de procéder
à une arrestation sans mandat de justice dans le cadre d'une
enquête préliminaire. Il peut aussi interdire à un OPJ de
procéder de son propre chef à une garde à vue et à
travers ces deux techniques, protéger valablement la liberté
individuelle des citoyens.
Par le biais de la technique de l'Habeas Corpus, il s'est
déclaré compétent pour connaître des requêtes
en libération immédiate contre des gardes à vue
administratives dans deux affaires, Jean-Pierre SA'A, objet du jugement n°
396/Crim., TGI du Mfoundi du 9 septembre 1993 et Jean-Pierre KAMGA et
Léandre DJINO, objet du jugement n° 104/Crim., TGI du Mfoundi en
date du 26 janvier 1996. C'est sa compétence dans cette procédure
de l'Habeas Corpus qui fait du juge judiciaire camerounais, à en croire
M. NKOU MVONDO, ``le protecteur des libertés
individuelles''227(*).
Mais, il ne se contente pas que de protéger la
liberté individuelle, il protège aussi la vie et
l'intégrité physique des individus. Les atteintes contre la vie
et celles contre l'intégrité physique et morale sont
sévèrement réprimées dans l'ordre juridique
camerounais et c'est au juge judiciaire qu'il revient de prononcer les
sanctions prévues dans les textes en vigueur, notamment le Code
pénal, même à l'encontre d'agents de l'administration.
C'est ainsi que s'agissant de cas de torture, le juge judiciaire a eu à
connaître de tels actes commis par des fonctionnaires, en l'occurrence
des officiers de police228(*).
L'audace du juge judiciaire camerounais est plus perceptible
encore lorsqu'il intervient pour protéger les droits fondamentaux des
citoyens en cas de litiges avec l'administration. Cette intervention se fait
surtout dans les cas de voie de fait et d'emprise administratives.
Concernant ces deux hypothèses d'atteintes aux droits
fondamentaux, l'article 9 de l'ordonnance n° 72/6 du 26 août 1972
fixant l'organisation de la Cour Suprême du Cameroun donne
compétence aux tribunaux de droit commun afin de connaître
« des emprises et voies de fait administratives et ordonner toute
mesure pour qu'il y soit mis fin ». Mais, in fine la
même disposition prévoit qu' « il est statué
sur l'exception préjudicielle soulevée en matière de voie
de fait administrative par l' Assemblée plénière de la
Cour Suprême... ».
A la suite de la jurisprudence française, le juge
camerounais a eu à clarifier les notions d'emprise et de voie de fait
administratives. Dans son arrêt n° 157/CFJ-CAY du 23 mars 1971,
MEDOU Gaston, la CFJ considère que constitue « une
emprise, de surcroît irrégulière, l'occupation d'une
propriété privée immobilière par des
éléments de l'armée », sur l'ordre du
Préfet de la localité229(*). Elle se déclare par voie de
conséquence incompétente pour connaître de l'affaire et
renvoie le requérant devant le juge judiciaire.
Dans un autre arrêt n° 10/CFJ-AP du 17 octobre
1968, MVE NDONGO Abraham, la CFJ considère comme constitutif d'une voie
de fait administrative, « des actes tellement irréguliers
qu'ils perdent le caractère administratif » et qui sont
« manifestement insusceptibles d'être rattachés
à l'exercice d'un pouvoir appartenant à
l'administration »230(*).
Les deux notions reçoivent ainsi la même
qualification qu'en droit français et, selon le propos du Pr NLEP,
« s'analysent en une violation des droits fondamentaux et
libertés par un acte grossièrement illégal des pouvoirs
publics ou en une dépression d'une propriété
immobilière par l'administration »231(*). L'articulation des
compétences dans les deux notions aux termes de la jurisprudence
camerounaise permet ainsi de distinguer que, d'une part, la constatation et la
qualification juridique de la voie de fait est du ressort du juge administratif
et d'autre part, la réparation des conséquences imputables
à la voie de fait et à l'emprise ainsi que les injonctions
éventuelles adressées à l'administration ressortissent de
la compétence du juge judiciaire. Celui-ci peut alors, en
dérogation aux dispositions de l'article 126 (b) du code pénal,
adresser des ordres et injonctions à l'administration.
Le juge judiciaire camerounais peut alors intervenir pour
protéger les droits fondamentaux des citoyens contre l'administration
lorsque cette dernière pose des actes de violation flagrante des
premiers. Ceci est une garantie opportune pour les droits dans l'ordre
juridique camerounais.
« En dehors des cas de voie de fait et
d'emprise, le législateur a également prévu des cas
où les restrictions à l'exercice des droits fondamentaux par
l'administration relèvent de la compétence du juge
judiciaire »232(*). C'est le cas prévu par la loi n°
90/055 du 19 décembre 1990 fixant le régime des réunions
et des manifestations publiques. Elle dispose en son article 8 alinéa 3
« qu'en cas d'interdiction de la manifestation, l'organisateur
peut, par simple requête, saisir le président du TGI
compétent qui statue par ordonnance dans un délai de 8 jours de
sa saisine, les parties entendues en Chambre de Conseil ». Qui
plus est, « cette ordonnance est susceptible de recours dans les
conditions de droit commun ». De la sorte, la liberté de
réunion et de manifestation est à même d'être
garantie par le juge judiciaire camerounais.
Cette compétence du juge s'applique également en
ce qui concerne la liberté de communication sociale. Il joue un
rôle important en ce sens que depuis la suppression du régime de
la censure administrative préalable, c'est à lui qu'il revient de
sanctionner les atteintes à ce droit.
L'action du juge judiciaire camerounais en matière de
protection des droits fondamentaux est donc une action franche et
établie au regard de la jurisprudence édifiée par lui.
Elle ne va toutefois pas sans heurts et se trouve confrontée à
des obstacles susceptibles d'altérer son efficience.
B.- L'action du juge judiciaire en matière de
protection des droits fondamentaux, une action fortement limitée
Les obstacles à l'action du juge judiciaire camerounais
s'analysent essentiellement du point de vue du statut contrasté qui est
le sien dans l'ordre juridique camerounais et y soulève la
problématique de son indépendance.
Le juge, afin de remplir au mieux sa fonction de protecteur
des droits fondamentaux, doit être indépendant. Indépendant
de toute contrainte, indépendant de pression d'aucune sorte. Le principe
de l'indépendance du juge est un principe constitutionnel en droit
camerounais. Au titre VI de la loi n° 96/06 qui traite du pouvoir
judiciaire, le constituant camerounais énonce clairement :
« le pouvoir judiciaire est (...) indépendant du pouvoir
exécutif et du pouvoir législatif. »233(*). De plus, il ajoute
que « les magistrats du siège ne relèvent dans
leurs fonctions juridictionnelles que de la loi et de leur
conscience » et que « le président de la
République est garant de l'indépendance du pouvoir
judiciaire ».
Ce principe de l'indépendance du juge judiciaire
camerounais est même organisé dans l'article 5 du décret
n° 95/048 du 8 mars 1995 portant Statut de la magistrature dans les
mêmes termes que les dispositions constitutionnelles. Ce principe
entraîne comme corollaire que le juge a une image dans la
société caractérisée par « la
neutralité, l'objectivité, l'impartialité, la
loyauté, l'honnêteté, la dignité,
l'abnégation... »234(*).
Or, le juge judiciaire camerounais semble être
lesté par une sorte de quasi-dépendance à l'égard
de son environnement socio-culturel et du pouvoir exécutif qui exerce
sur lui une influence notable. Très souvent, d'autres obstacles peuvent
survenir dans la tâche de protecteur des droits par le juge judiciaire,
imputables à des personnes supposées l'assister dans cette
tâche.
De l'avis de Mme DJUIDJE, le juge judiciaire est prisonnier
des contraintes liées aux notions de solidarité et de famille
élargie que l'on rencontre dans la majorité des
sociétés africaines235(*). A ce propos, le Pr KAMTO a pu écrire que
« l'indépendance du juge camerounais n'est pas
menacée par le pouvoir politique. Elle l'est davantage par des pressions
intempestives, des affinités tribales et des comportements
irresponsables de certains citoyens »236(*). Ces différentes
contraintes sont susceptibles d'affecter son indépendance et partant,
son impartialité. Pourtant le système juridique camerounais
essaye de combattre ce phénomène et c'est ainsi qu'il est
prévu des cas dans lesquels un magistrat peut être dessaisi d'une
affaire dans laquelle son impartialité peut être sujette à
caution237(*).
Mais les cas ne manquent pas dans lesquels les
affinités ont pu entraver le rendu d'un jugement impartial par le juge.
Un juge a ainsi pu accorder à un délinquant des circonstances
atténuantes afin d'alléger sa peine, alors qu'elles ne semblaient
pas se justifier dans le cas d'espèce238(*).
Les diverses lenteurs judiciaires peuvent ainsi trouver un
terrain d'explication si on les lie à l'environnement socioculturel du
juge. En effet, dans le but de protéger une connaissance, le juge peut
retarder au maximum le prononcé de sa décision et porter en
l'espèce un coup important au droit à la justice d'un tiers ou
même dans l'hypothèse contraire, traiter avec
célérité le dossier d'un affilié pour lui
éviter les conséquences néfastes des lenteurs
judiciaires239(*).
Les influences socioculturelles ne sont pas les seuls
obstacles susceptibles d'affecter la protection des droits par le juge
judiciaire. Un obstacle structurel lié à l'influence du pouvoir
exécutif participe également de cette limitation du rôle du
juge judiciaire camerounais.
En effet, selon le texte constitutionnel, le président
de la République est le garant de l'indépendance de la
magistrature. Il a le pouvoir de nomination des magistrats, conformément
à l'article 37 alinéa 3 de la loi fondamentale. Cette
faculté de nommer et de révoquer les magistrats selon sa seule
conscience est un facteur non négligeable hypothéquant le
principe d'une indépendance réelle de la magistrature
camerounaise. La problématique de l'indépendance du pouvoir
judiciaire vis-à-vis du pouvoir exécutif semble
posée : comment, alors qu'ils peuvent être saisis et
dessaisis d'une affaire par une autorité autre qu'eux-mêmes, les
juges peuvent-ils exercer leur mission de dire le droit en toute
quiétude ? Le chef de l'Etat camerounais n'est-il pas le
véritable supérieur hiérarchique de la totalité des
magistrats ? Ceux-ci vivent en conséquence dans la
société camerounaise avec une épée de
Damoclès au-dessus de la tête, la peur de l'affectation
disciplinaire dans un coin reculé de l'Etat, isolé du pouvoir
central.
On comprend dès lors qu'ils soient assujettis au
pouvoir exécutif, du moins de manière partielle et ne s'opposent
pas à lui de façon ouverte240(*). Il serait donc souhaitable que dans l'ordre
juridique camerounais soit consacré le principe de
l'inamovibilité des magistrats du siège comme cela est le cas
dans les systèmes juridiques béninois et
français241(*).
Disparaîtraient ainsi de leur esprit la crainte d'une sanction par le
supérieur hiérarchique242(*) ou la volonté d'obtenir une promotion en
faisant preuve de favoritisme.
Les droits fondamentaux verraient ainsi s'écarter un
écueil susceptible de fragiliser leur protection par le juge
judiciaire.
Le juge judiciaire camerounais se heurte aussi dans sa mission
de protection des libertés à des entraves de ses collaborateurs.
En effet, au Cameroun, en matière de procédure pénale, le
contrôle juridictionnel des mesures préventives de privation de
liberté est prévu. Or dans l'exercice de cette compétence,
le juge se heurte souvent à des écueils mis en place par des
personnes sensées l'assister dans sa mission. Ce sont en l'occurrence
les agents de police judiciaire (APJ) et les officiers de police judiciaire
(OPJ). Ces derniers n'hésitent pas souvent à rabrouer les
magistrats du parquet lorsque ceux-ci veulent contrôler la
conformité des gardes à vue dans les commissariats243(*). Cette insubordination n'est
à même que de générer un sentiment d'impunité
fortement défavorable à un droit fondamental du point de vue de
sa protection. Une insubordination qui va parfois jusqu'au refus de se
soumettre à une décision de remise en liberté d'un
suspect244(*).
Toutefois, il est illusoire de croire que le juge judiciaire
camerounais, face à de telles attitudes nuisibles à la protection
des droits fondamentaux ne dispose d'aucune possibilité de sanction.
C'est ainsi qu'il peut réprimer les activités arbitraires
commises par ses collaborateurs insubordonnés245(*).
Au total, dans l'ordre juridique camerounais, le juge
judiciaire est bien confirmé dans son rôle traditionnel de
``protecteur des libertés'' au regard de l'étendue de
son action. Il se retrouve qui plus est assisté dans cette tâche
par le juge de l'administration, dont le rôle ne cesse, du reste,
d'évoluer en la matière.
PARAGRAPHE 2.- LE ROLE EVOLUTIF DU JUGE ADMINISTRATIF DANS LA
GARANTIE DES DROITS FONDAMENTAUX
En France, les lois des 16 et 24 août 1790 et le
décret du 16 fructidor an III faisaient interdiction aux tribunaux
judiciaires de « troubler, de quelque manière que ce soit,
les opérations des corps administratifs », et de
« connaître des actes d'administration, de quelque
espèce qu'ils soient »246(*). Le citoyen lésé dans ses droits par
un acte administratif ne pouvait dans une telle hypothèse que se
résigner ou entrer en pourparlers avec l'administration. Celle-ci, juge
et partie, est le plus souvent gagnante dans le conflit l'opposant à
l'administré. L'administration ne pouvait être que crainte.
Ce sentiment de crainte à l'égard de
l'administration a longtemps prévalu en Afrique en général
et au Cameroun en particulier. Mais à l'instar de la France, cette
situation a eu à évoluer au Cameroun. C'est ainsi que les actes
émanant de l'administration, lorsqu'ils causent un grief à
l'administré, sont susceptibles de recours devant le juge administratif.
Ce dernier opère par le biais de ce recours un contrôle de la
validité des actes administratifs (A) qui peut
s'avérer favorable à la protection des droits fondamentaux des
citoyens. Mais, l'action du juge administratif est, elle aussi, sujette
à des limitations (B) susceptibles d'amoindrir la
portée de son action en faveur des droits fondamentaux.
A.- Le contrôle de la validité des actes
administratifs : un contrôle de l'administration favorable à
la protection des droits fondamentaux
Le contrôle de la validité relève au
Cameroun de la compétence d'une juridiction et a une certaine
étendue qui rend compte du rôle évolutif que conquiert le
juge administratif dans le domaine de la protection des droits fondamentaux.
La loi constitutionnelle de 1996 dispose en son article
40 : « la chambre administrative (de la Cour
Suprême) connaît de l'ensemble du contentieux administratif de
l'Etat et des autres collectivités publiques ». Il
ressort de cette disposition constitutionnelle que c'est la Chambre
administrative de la Cour Suprême (CS/CA) qui est juge administratif dans
l'ordre juridictionnel camerounais. La loi fondamentale affirme en outre qu'
« elle statue souverainement sur les décisions rendues en
dernier ressort par les juridictions inférieures en matière de
contentieux administratif »247(*). Elle contrôle donc la validité des
actes administratifs par la procédure du recours pour excès de
pouvoir248(*). Ce
recours est défini par le Pr DUPUIS comme « un recours
contentieux par lequel toute personne intéressée peut demander au
juge administratif d'annuler, en raison de son irrégularité, une
décision d'une autorité administrative »249(*). L'acte administratif doit
ainsi, pour être attaqué devant le juge, émaner d'une
autorité administrative, être irrégulier,
c'est-à-dire être en contradiction avec une norme
supérieure, mais surtout faire grief, autrement dit, causer un tort
à l'administré.
C'est à ce niveau que se manifeste, pour le Pr
DEGNI-SEGUI l'intérêt du recours pour excès de pouvoir pour
la protection des droits fondamentaux. En effet, cet intérêt
« réside dans la saisine par les particuliers d'une
instance spécialisée », écrit-il250(*). Mais, si le recours pour
excès de pouvoir est d'un intérêt primordial pour la
protection des droits par le juge administratif, c'est sans nul doute parce
qu'elle constitue, de l'avis du Pr Gaston JEZE, « la plus
merveilleuse création des juristes, l'arme la plus efficace, la plus
économique, la plus pratique qui existe au monde pour défendre
les libertés »251(*). En effet, cette procédure, en France comme
au Cameroun, peut être ouverte contre un acte administratif même en
l'absence d'un texte. Le juge administratif camerounais, par
référence à l'arrêt Dame LAMOTTE du Conseil d'Etat
français, décide que « même dans
l'hypothèse où une loi dispose qu'un acte donné ne peut
faire l'objet d'aucun recours administratif ou judiciaire, cette disposition ne
saurait être interprétée comme excluant le recours pour
excès de pouvoir qui est ouvert même sans texte, contre tout acte
administratif faisant grief, et qui a pour effet d'assurer, conformément
aux principes généraux, le respect de la
légalité ».
Le recours pour excès de pouvoir vise à faire
annuler l'acte administratif irrégulier, qui doit disparaître de
l'ordonnancement juridique avec tous les effets qu'il a produits. Au Cameroun,
le juge administratif est « le censeur de l'action de la
puissance publique en matière de droits
fondamentaux »252(*). Il intervient surtout en cas de violation des
droits civils et politiques, qu'ils soient collectifs ou individuels.
Dans un arrêt n° 98/CFJ-CAY du 27 janvier 1970,
OBAM ETEME Joseph, le juge administratif se prononce sur une restriction de la
liberté d'aller et venir du requérant. En l'espèce, un
arrêté préfectoral interdit au sieur OBAM ETEME
« de paraître et séjourner dans toute
l'étendue du département du Ntem ». Tirant
conséquence du caractère manifestement illégal de
l'arrêté, le juge l'annule.
Le juge administratif a aussi eu à se prononcer
relativement au droit de la personne au respect de son intégrité
physique et morale. Dans son jugement n° 12/CS-CA du 28 janvier 1982, Dame
BINAM née NGO NJOM Fidèle, le juge a estimé que la
publicité tapageuse donnée à une décision du
Ministre de la santé prononçant la suspension de fonction de la
requérante pour ``corruption active'' nuisait à la
réputation de celle-ci, alors même qu'aucune décision du
juge répressif n'avait établi cette infraction à son
encontre.
Le juge se montre même plus ferme à l'endroit des
autorités administratives sur le terrain de la liberté de
conscience et de religion. Dans une ordonnance n° 02/PCA-CS du 26 octobre
1994, Eglise Presbytérienne du Cameroun (EPC), il annule
l'arrêté du gouverneur de la province du Centre portant
interdiction des réunions de l'Assemblée générale,
du Conseil général et de la Commission juridique de l'EPC dans la
dite province, au motif que le gouverneur n'est investi d'aucune
compétence pour prendre une telle mesure.
Cependant, la décision d'interdiction administrative ne
vise pas expressément la liberté de conscience et de religion,
les autorités préférant les situer sur le terrain plus
favorable des libertés d'association, de réunion ou de
manifestation253(*).
Il est donc possible de constater que l'intervention du juge
de l'administration est en constante évolution dans la dynamique de
protection des droits fondamentaux des citoyens camerounais. Le juge
administratif s'affirme, dès lors, aux côtés du juge
judiciaire comme un ``défenseur des droits''. Mais, cette
intervention du juge, pour déterminante qu'elle soit, rencontre des
limites susceptibles de réduire considérablement son
efficience.
B.- Les obstacles à une véritable
efficacité du juge administratif
L'efficacité de l'intervention du juge administratif
camerounais en matière de protection des droits fondamentaux est
susceptible d'être confrontée à deux variétés
d'obstacles. D'une part, les obstacles d'ordre juridique (1)
et d'autre part, les obstacles d'ordre sociologique (2).
1.- Les obstacles d'ordre juridique
Ils s'analysent essentiellement de la permanence de l'
« écran législatif » dans l'ordre
juridique camerounais et du régime juridique strict que revêt la
règle du recours gracieux préalable, condition sine qua
non du déclenchement de la procédure du recours pour
excès de pouvoir.
Relativement à l'hypothèque que constitue la
« loi-écran » dans l'ordonnancement
juridique camerounais, elle naît de l'hypothèse d'une
« situation profane de l'esclave qui doit servir deux
maîtres »254(*). Le juge de l'administration est ainsi dans une
situation d' ``esclave'' devant servir deux maîtres, à
savoir les normes constitutionnelles et les normes législatives.
Lorsqu'il y'a une contradiction entre ces deux types de normes et que l'acte
administratif est conforme à l'une ou l'autre, le juge administratif
dans sa décision, se doit de donner la prévalence à l'une
ou à l'autre. C'est cette situation que le Pr NLEP résume
parfaitement lorsqu'il écrit que « lorsque la loi
votée par le législateur fait écran entre les normes
constitutionnelles et l'acte de l'autorité administrative, le juge peut
appliquer l'une ou l'autre »255(*).
Au Cameroun, ce phénomène est très
perceptible en matière de protection des droits fondamentaux. Exemple
peut être pris du droit à la justice et du droit qu'ont les
collectivités traditionnelles de désigner leur chef selon leurs
propres coutumes. Alors que ces principes sont constitutionnellement
énoncés, il existe deux lois dans l'ordonnancement juridique
susceptibles d'entraver l'intervention du juge dans le règlement des
litiges concernant la désignation du chef traditionnel.
Par une loi n° 79/17 du 30 juin 1979, le
législateur camerounais énonce que « les
contestations soulevées à l'occasion de la désignation des
chefs traditionnels sont portées devant l'autorité investie du
pouvoir de désignation qui se prononce en premier et dernier
ressort »256(*). L'instance juridictionnelle est donc dessaisie de
tout litige au profit de l'autorité administrative, en l'occurrence le
Ministre de l'administration territoriale (MINAT). Toutefois, un espoir est
permis dans ce contexte pour la garantie des droits, car le juge camerounais
estime que le recours pour excès de pouvoir peut être introduit
contre tout acte administratif même sans un texte le prescrivant.
Toutefois, malgré cette prise de position courageuse du
juge administratif camerounais, le législateur adopte une loi n°
80/31 du 27 novembre 1980 « dessaisissant les juridictions des
affaires pendantes devant elles, et concernant la désignation des chefs
traditionnels ». Dès lors, ainsi que le constate le Pr
NLEP, « entre le droit fondamental à la Justice, gage de
l'Etat de droit, proclamé par la Constitution et la loi de
dessaisissement, l'Assemblée plénière de la Cour
Suprême, saisie en appel devait donc appliquer l'une ou l'autre norme.
Dans son arrêt n° 17/CS-AP du 19 mars 1981 (3 espèces), elle
a choisi d'appliquer la loi donnant ainsi au phénomène de
l'écran législatif, ses lettres de noblesse (dans l'ordre
juridique camerounais) »257(*).
Le phénomène de l'écran législatif
n'est donc pas au Cameroun une hypothèse d'école et constitue un
obstacle patent à l'efficacité de l'intervention du juge
administratif dans le domaine de la protection des droits fondamentaux. Mais,
le régime juridique du recours gracieux préalable dans le
contentieux administratif camerounais participe aussi de l'effritement de cette
intervention du juge258(*).
La règle du recours gracieux préalable est
perçue comme une ``protection précontentieuse de
l'administration''259(*). Elle est entendue, du point de vue de sa
constitution, comme « une requête émanant d'un
justiciable potentiel et adressée à une autorité
administrative désignée à cet effet, pour lui demander de
reconsidérer le contenu ou la forme d'un acte administratif dont le
bien-fondé est contesté »260(*).
Elle est un préalable à la phase contentieuse et
peut constituer une limite importante du point de vue des droits fondamentaux
lorsqu'on examine la sévérité observée par le juge
administratif sur différents points. Ce sont essentiellement le
problème de la détermination des autorités
habilitées à recevoir le recours gracieux préalable, la
rigidité des délais assortis à la règle, l'exigence
d'une identité d'objet entre le recours gracieux préalable et le
recours contentieux et enfin le caractère d'ordre public affecté
au recours.
Le juge administratif camerounais se montre très
sévère dans l'hypothèse d'une confusion quant à
l'autorité administrative compétente pour recevoir le recours
gracieux préalable. Celle-ci entraîne ipso facto
l'irrecevabilité de la requête contentieuse. La
législation camerounaise opère une détermination quelque
peu confuse des autorités habilitées à recevoir le recours
gracieux préalable pour le compte de l'Etat et pour le compte des
collectivités infra-étatiques telles que les collectivités
publiques locales et les établissements publics261(*). C'est toutefois en
application de la loi que le juge administratif montre souvent une certaine
sévérité, tel qu'il ressort de certaines
espèces.
Dans l'arrêt n° 108/CFJ/CAY, du 8 décembre
1970, MOUTACKIE Joseph Lebrun c. Etat du Cameroun, le requérant se voit
supprimer sa licence d'exploitation de débits de boissons par une
décision administrative. Il saisit d'un recours gracieux
préalable le Vice Premier Ministre chargé de la salubrité
des débits de boissons. Le juge déclare irrecevable le recours
contentieux au motif qu'il appartenait au Premier Ministre de connaître
du recours gracieux du requérant.
Dans un autre arrêt n° 1230/CFJ/CAY rendu le
même jour, le sieur TAMEZE Joseph conteste la décision le mettant
en retraite anticipée et émanant du Secrétaire d'Etat
à la Fonction publique. Il adresse donc à ce dernier un recours
gracieux préalable alors qu'il n'est pas habilité à en
connaître. Le juge déclare irrecevable son recours contentieux.
Pour le Pr Henri JACQUOT, cette position sévère
du juge administratif camerounais est critiquable car, affirme t-il,
« il est abusif de priver un requérant de toute
possibilité de recours contentieux parce qu'il a mal dirigé son
recours gracieux. Le juge devrait lui accorder une prorogation de délai
pour lui permettre de réparer son erreur. Cette règle depuis
longtemps admise pour les recours contentieux, lorsqu'un requérant
saisit par mégarde une juridiction incompétente, pouvait
être sans dommage étendue au recours
gracieux »262(*).
Cette prescription ne sera pourtant pas entendue et la
sévérité du juge relativement à l'erreur quant
à la compétence de l'autorité adressataire ira croissante.
Cette sévérité est également remarquable lorsqu'il
s'agit de sanctionner le non-respect des délais du recours
gracieux263(*).
L'ambiguïté provenant aussi du fait que le juge administratif
camerounais a tantôt opéré la computation des délais
en se référant tantôt aux délais francs et
tantôt aux délais non francs264(*). Le juge frappe alors de forclusion les
requérants qui n'ont pas respecté les délais
légalement prescrits. La jurisprudence camerounaise foisonne de cas dans
lesquels le juge fait montre d'une rigueur sans pareille sur ce
chapitre265(*).
Cette sévérité et cette rigueur du juge
administratif se retrouvent également au niveau de l'identité
d'objet entre les recours gracieux et les recours contentieux. Le recours
contentieux dépend du recours gracieux et l'un des traits fondamentaux
de cette dépendance est que c'est le recours gracieux qui
délimite la matière litigieuse.
Le juge administratif a eu à répondre à
la question de savoir si le requérant pouvait, dans sa requête
contentieuse, soulever des problèmes qui n'étaient pas contenus
dans le recours gracieux préalablement adressé à
l'administration.
Dans un arrêt n° 9/CFJ/AP du 16 octobre 1968, BABA
YOUSSOUFA c. Etat du Cameroun oriental, il estime que le requérant,
révoqué par le Premier Ministre du Cameroun oriental du poste de
cadre des secrétaires d'administration pour celui des adjoints
d'administration, et qui dans sa demande initiale sollicitait sa
réintégration « dans son ancien cadre d'origine
avec son ancienneté conservée », ne pouvait, par
la suite, solliciter son intégration dans le cadre des administrateurs
civils266(*).
La différence d'objet dans le recours gracieux
préalable et dans la requête contentieuse entraîne alors une
irrecevabilité du recours contentieux. Mais, une conséquence
importante résulte du fait que dans l'ordre juridique camerounais, la
règle du recours gracieux préalable est un moyen d'ordre
public.
La règle du recours gracieux est un préalable
indispensable à la recevabilité du recours contentieux. Le juge
administratif camerounais lui attache une importance notable telle qu'on en
vient à considérer qu'elle constitue une ``garantie
protectrice précontentieuse'' pour l'administration au
détriment de l'administré. La rigueur et la
sévérité du juge relativement aux effets liés
à la règle du recours gracieux se manifestent un peu plus au
niveau du caractère d'ordre public qui lui est affecté.
Le juge administratif dispose à ce propos que
« l'inexécution des dispositions de l'article 12 de
l'ordonnance n° 72/6 du 26 août 1972 peut être soulevée
d'office par le juge »267(*). Dans un autre arrêt n° 40/CS/CA/80-81 du
30 avril 1981, GUIFFO Jean-Philippe c. Etat du Cameroun, après avoir
constaté que le requérant s'est trompé sur
l'autorité adressataire de son recours gracieux, il conclut :
« sans nous en tenir aux moyens de fond développés
par GUIFFO Jean-Philippe à l'appui de son recours, il échet de
dire celui-ci irrecevable ».
Face à une telle clarté du juge administratif,
il convient de conclure que le recours gracieux préalable en droit
camerounais est bien un moyen d'ordre public « qui puisse et
doive être suppléé par le juge (et) être par
lui soulevé d'office »268(*).
Lorsque l'on sait que face à l'administration, le
citoyen part très souvent découragé et quasiment perdant,
la rigidité du juge administratif camerounais et sa
sévérité en matière d'exigence du recours gracieux
dans le contentieux administratif peuvent surprendre. En effet,
déjà dans une grande partie réservé aux seuls
fonctionnaires, ce contentieux semble s'inscrire dans une dynamique
d'affirmation de la puissance administrative, alors que celle-ci devrait se
trouver diminuée, surtout lorsqu'elle est vraisemblablement dans
l'illégalité.
Il ne reste qu'à espérer du juge camerounais
qu'il fasse preuve de la même hardiesse utilisée pour forger le
caractère d'ordre public du recours gracieux préalable, pour
protéger les droits violés des administrés face à
l'administration. Le droit cesserait ainsi d'être une limite pour la
protection des droits fondamentaux, ce qui n'écarte toutefois pas les
obstacles d'ordre sociologique repérables dans l'ordre juridique
camerounais.
2.- Les obstacles d'ordre sociologique
Ils s'entendent notamment de l'obstacle constitué par
l'analphabétisme, de la peur que ressentent les administrés pour
la défense de leurs droits et des difficultés d'accès
à la justice administrative.
Le constat d'une certaine ignorance des règles
régissant le contentieux administratif en particulier et l'armature
procédurale dans les Etats africains est patent et depuis longtemps
décrié. C'est donc à juste titre qu'elle est
considérée comme une entrave propre à annihiler l'action
du juge administratif et même du juge judiciaire dans le domaine de la
protection des droits des citoyens.
Il faut toutefois saluer les initiatives de promotions faites
et mises en oeuvre dans les Etats afin d'apporter une culture du droit
affinée aux citoyens, même si la portée de ces initiatives
est sujette à des critiques. Face parfois à ces actions de bonne
volonté de l'Etat, on se heurte au syndrome de la peur de
l'administration qui hante un nombre considérable de citoyens. Ainsi que
l'affirme M. Achille MBEMBE à ce propos, « nolens
volens, la culture du droit à l'occidental, et des droits de l'homme
en particulier, est essentiellement déficitaire dans une
société camerounaise nourrie depuis des lustres de la sève
de l'autocratie, de la répression et de l'asservissement de
l'Homme »269(*). Les administrés semblent avoir
intériorisé dans leur subconscient la puissance écrasante
d'une administration sans merci, dominatrice et toujours gagnante. Il est alors
normal, pour eux, de ne pas entrer en conflit avec elle, même lorsqu'il y
va de la survie de leurs droits fondamentaux.
Les difficultés d'accès à la justice
administrative sont aussi inhérents au système juridictionnel
camerounais. Elles résident dans la centralisation de la localisation du
juge administratif dans la capitale politique de l'Etat270(*). Ceci est aussi le cas de
bon nombre d'Etats africains. On est alors bien loin du concept de
« justice de proximité » qui suppose de
« mettre le juge à la portée du
justiciable »271(*). Le justiciable ne dispose d'aucun relais
régional pour faire valoir ses droits et la modicité de ses
revenus exclut parfois toute tentative de voyage vers la capitale, donc vers la
juridiction administrative.
Il conviendrait face à un tel obstacle, de
procéder à une déconcentration de la justice
administrative camerounaise, comme ce fut le cas dans un pays comme le Maroc en
1993, en espérant que l'argument d'un manque de ressources au niveau de
l'Etat ne renvoie un tel projet aux calendes grecques. A ce projet de
déconcentration, il convient en outre d'adjoindre une exigence qui
semble aller de pair avec l'intervention du juge administratif dans le domaine
des droits fondamentaux. Comme le souligne le Pr NLEP à ce sujet,
« la parfaite formation juridique des hommes appelés
à animer ces différentes structures est une condition sine
qua non de cette efficacité »272(*). La formation réside
en matière administrative surtout, à une spécialisation du
juge par l'acquisition de tous les instruments propres à dire
parfaitement le droit. Elle permettra, au demeurant, au juge administratif de
connaître autant la totalité de la théorie appliquée
à l'administration que la pratique de celle-ci.
Ainsi armé, il ne pourra que participer à une
effective protection des droits fondamentaux, assisté par le juge
chargé d'assurer le respect de la loi fondamentale, le juge
constitutionnel.
SECTION II : L'INTERVENTION
HYPOTHEQUEE DU JUGE CONSTITUTIONNEL EN MATIERE DE PROTECTION DES DROITS
FONDAMENTAUX
L'intervention du juge constitutionnel dans l'ordre juridique
garantit la prééminence du droit au plan national à
côté des juges des ordres judiciaire et administratif. Son
intervention s'opère par le biais d'un mécanisme
spécifique, le contrôle de la constitutionnalité des textes
(Paragraphe 1) qui se veut propice à la protection des
droits des citoyens. Il est défini comme un examen de la
conformité par le juge d'une loi à la constitution, examen
pouvant donner lieu, le cas échéant, à une sanction de la
loi incriminée273(*).
On en distingue habituellement deux types. Le premier
correspond au modèle américain : ici, chaque juge est
habilité à procéder au contrôle et,
éventuellement, à écarter l'application d'une norme qui
serait en contradiction avec une disposition constitutionnelle. C'est un
contrôle que l'on qualifie de ``diffus'', en ce qu'il s'exerce
à tous les niveaux de l'organisation juridictionnelle274(*). Le second correspond au
modèle européen de type kelsénien275(*) et ici, le pouvoir de
contrôler la conformité de la loi à la constitution est
octroyé à un organe distinct des juridictions ordinaires et
unique. Un tel contrôle est qualifié de
``concentré'', en ce qu'il n'est dévolu qu'à
cette seule juridiction276(*).
Au Cameroun, le contrôle est dévolu à la
compétence d'un organe spécifique, le Conseil constitutionnel.
Toutefois, pour bénéfique qu'il devrait être, les limites
de ce mécanisme permettent de constater une inaptitude du juge
constitutionnel dans les cas de violation des droits fondamentaux
(Paragraphe 2) au Cameroun.
PARAGRAPHE 1.- LE CONTROLE DE LA CONSTITUTIONNALITE DES LOIS,
UN CONTROLE FAVORABLE A LA PROTECTION DES DROITS FONDAMENTAUX
Il n'a pas toujours été prévu dans les
textes constitutionnels camerounais. C'est ainsi que le constituant de 1960
l'ignore purement et simplement. Cette lacune est réparée par la
loi n° 61/24 du 1er septembre 1961 suivie en cela par la
Constitution du 2 juin 1972. Le contrôle de constitutionnalité
semble alors constituer dans l'ordre juridique camerounais, une sorte de
« serment de fidélité à l'idée de la
suprématie constitutionnelle »277(*).
Or, comme le constate effectivement le Pr MINKOA SHE,
« l'optimisme légitime né de
l'institutionnalisation du contrôle de constitutionnalité des lois
allait céder le pas au désenchantement ». En
effet, poursuit-il, « le mécanisme institué par la
Constitution, s'est en effet révélé
particulièrement inefficace, dominé qu'il était dans son
aménagement par la personne du chef de l'Etat »278(*). Le contrôle de la
constitutionnalité des lois au Cameroun a alors eu pour
conséquence importante au Cameroun une soumission notable de la
création du droit à la rationalité politique, au
détriment de la rationalité juridique qui devait pourtant la
guider.
L'entrée dans un véritable système
libéral au début des années 1990 des Etats d'Afrique
subsaharienne n'a pas épargné le Cameroun. La réforme
constitutionnelle de 1996 se devait alors de faire table rase des
incongruités susceptibles d'enrayer la marche de l'Etat de droit et de
la démocratie au Cameroun au rang desquelles le régime
contraignant du précédent contrôle de
constitutionnalité des textes.
Or, elle consacre bel et bien à l'instar des
précédentes lois fondamentales, un contrôle de
constitutionnalité des lois concentré au sein d'un organe, le
Conseil constitutionnel. Mais, ce nouveau contrôle semble propice
à la protection des droits de par le statut de l'organe en charge du
contrôle (A) et de par la portée des
décisions (B) de cet organe.
A.- De par le statut de l'organe de contrôle
« L'idée de la création d'une
juridiction constitutionnelle indépendante et placée en dehors du
pouvoir judiciaire procède de la volonté de rompre avec un
pouvoir judiciaire marqué par son passé. La réputation du
pouvoir empêchait que soit directement confié aux juridictions
ordinaires le soin de trancher les questions de constitutionnalité et
d'assurer la primauté des droits inclus dans la Constitution, le pouvoir
judiciaire ayant en effet été marqué depuis
l'indépendance par ses liens avec le pouvoir exécutif et sa
faible volonté de promouvoir un système juridictionnel
indépendant de toute pression politique »279(*). Ce triste constat du Pr
VIGNON explique à lui seul la volonté de confier le
contrôle de la suprématie de la constitution à une
juridiction spécifique, et en principe indépendante.
Les lois fondamentales de 1961 et de 1972 du Cameroun confient
le contrôle de constitutionnalité à la compétence
d'une instance rattachée à la Cour suprême, la Chambre
constitutionnelle de la Cour Suprême. Celle-ci ne pourra jamais
véritablement fonctionner et c'est l'une des raisons pour lesquelles le
texte de 1996 institue un Conseil constitutionnel en organe
spécialisé dans le contrôle de constitutionnalité et
distinct de la Cour Suprême.
C'est alors une juridiction en principe autonome et
chargée d'assurer la suprématie de la constitution dans l'Etat
qui est créée. Sa composition, ses attributions et la
procédure de contrôle déterminées par la
Constitution et la loi rendent ainsi compte de ce nouveau statut.
S'agissant de la composition du Conseil constitutionnel, elle
est déterminée dans le titre VII de la loi constitutionnelle de
1996, et réglementée par la loi n° 2004-4 du 21 avril 2004
portant organisation et fonctionnement de l'institution et par la loi n°
2004-5 du même jour, fixant le statut des membres de
l'institution280(*).
Aux termes de ces différentes lois, le Conseil
constitutionnel comprend 11 membres nommés pour un mandat de 9 ans non
renouvelable. Ils peuvent être désignés ou
intégrés de droit à l'institution. Ce dernier cas de
figure est prévu pour les anciens présidents de la
République du Cameroun281(*). Ces membres, eu égard à leur statut,
doivent être à même de protéger les droits des
citoyens.
Le premier point intéressant de cette composition
réside dans la diversité des autorités participant
à la désignation des membres nommés. Elle doit pouvoir
offrir une garantie à ces membres quant à leur
indépendance vis-à-vis de l'autorité qui les nomme. Aux
termes de l'article 7 alinéa 2 de la loi n° 2004-4, les
autorités compétentes participant à cette
désignation des membres sont le président de la
République, le président de l'Assemblée nationale, le
président du Sénat et une institution, le Conseil
supérieur de la magistrature.
S'agissant des présidents de l'Assemblée
nationale et du Sénat, ceux-ci ne procèdent à la
désignation des membres du Conseil constitutionnel qu'après avis
du bureau de l'institution dont ils assurent la présidence. Aux termes
de la loi, les conseillers ne sont pas astreints à l'exercice d'une
profession juridique, « ils doivent (juste) jouir d'une
grande intégrité morale et d'une compétence
reconnue »282(*). Ces préalables à la
désignation des membres du Conseil constitutionnel doivent alors pouvoir
édifier un statut autonome de ces derniers afin qu'ils puissent exercer
leurs fonctions sans pression d'aucune sorte.
Le second aspect est celui des incompatibilités
fonctionnelles, des immunités, avantages et privilèges
attachés à la fonction de membre de l'institution. En effet,
cette fonction est incompatible avec un certain nombre d'autres fonctions dans
l'Etat, susceptibles d'entamer l'indépendance des membres de
l'institution ou de jeter le discrédit sur celle-ci283(*). Les membres du Conseil
constitutionnel bénéficient en plus de certains avantages,
immunités et privilèges qui devraient pouvoir les mettre à
l'abri des pressions sociologiques de tous ordres et des risques de
corruption.
Mais, la garantie la plus significative quant au statut des
membres du Conseil du point de vue de la protection des droits fondamentaux
résulte en ce qu'ils sont inamovibles284(*). Au contraire des magistrats de l'ordre judiciaire,
cette caractéristique est susceptible d'apporter une
sérénité certaine au juge constitutionnel qui pourra ainsi
se concentrer sur la tâche à accomplir, les différentes
matières qui lui sont attribuées au sein de l'Etat.
Les attributions du juge constitutionnel découlent des
articles 18, 47 et 48 de la Constitution réformée et de l'article
3 de la loi n° 2004-4. De la lecture de toutes ces dispositions, le juge
constitutionnel camerounais est compétent pour se prononcer sur la
recevabilité des projets de loi, en cas de doute285(*). Il est juge de la
constitutionnalité des lois, lato sensu286(*), il règle les
conflits d'attributions entre les institutions étatiques et est juge du
contentieux électoral pour l'élection présidentielle, les
élections législatives et les consultations
référendaires.
De ces différentes dispositions, il ne résulte
donc pas que le juge constitutionnel camerounais puisse connaître
directement des cas de violations des droits fondamentaux, pareille attribution
ne lui étant pas attribuée par les textes. Les seuls canaux par
lesquels il peut le faire sont le contentieux découlant des
élections et le contrôle de la constitutionnalité des lois
qui a une procédure soumise à des conditions précises.
A la suite de l'article 47 en ses alinéas 2 et 3,
l'article 19 de la loi 2004-4 qui traite du contrôle de
constitutionnalité, dispose que seuls le président de la
République, le président de l'Assemblée nationale, le
président du Sénat, un tiers des députés ou un
tiers des sénateurs et les présidents des exécutifs
régionaux peuvent saisir le juge constitutionnel pour provoquer le
contrôle. Ils peuvent le faire avant la promulgation de la loi, par
simple requête datée et signée, motivée et devant
comporter un exposé des moyens de fait et de droit. Une garantie
importante est que cette procédure est gratuite et contradictoire.
On remarque ainsi une extension notable des autorités
habilitées à saisir le juge constitutionnel pour
déclencher le contrôle de constitutionnalité des lois. Le
président de la République n'est plus la seule autorité,
à la différence du texte constitutionnel de 1972,
habilitée à le faire. Cela apparaît, au premier abord,
bénéfique pour la protection des droits par le juge. De plus, ses
décisions doivent intervenir dans un délai relativement court,
qui est de 15 jours. Celui-ci peut être ramené à 8 jours
à la demande du président de la République. Ces
décisions du juge constitutionnel témoignent ainsi de l'ampleur
de la protection qu'il apporte aux droits des citoyens, du point de vue
essentiellement de leur portée.
B.- De par la portée des décisions du juge
constitutionnel
Le Conseil constitutionnel est une institution qui a vocation
à dire le droit. Elle rend des décisions qui produisent des
effets notables dans l'ordre juridique. Elles s'analysent
généralement en deux conséquences non négligeables.
D'une part, la décision du juge constitutionnel s'impose à tous,
d'autre part, elle conduit, s'agissant du contrôle de
constitutionnalité des textes, à l'annulation de la loi non
conforme à la constitution.
Le fait que la décision du juge constitutionnel
s'impose à tous dans l'ordre juridique signifie qu'elle revêt une
autorité absolue de la chose jugée. Elle s'impose, selon les
termes de l'article 15 alinéa 3 de la loi n° 2004-4,
« aux pouvoirs publics et toutes les autorités
administratives, militaires et juridictionnelles, ainsi qu'à toute
personne physique ou morale » au sein de l'Etat. De plus, elle
se doit d'être exécutée sans délai,
conformément à la lettre de l'article 15 alinéa 4 de la
même loi.
Mais, la décision du juge, pour ne pas violer les
droits des citoyens, doit respecter certaines prescriptions. C'est ainsi
qu'elle doit intervenir dans un délai légal, afin de ne pas
entretenir le spectre du non-droit dans l'Etat et des règles
liées à la due process in law, telles que celle d'un
jugement rendu dans un délai raisonnable287(*). Elle est, de plus, soumise
aux formalités de publicité288(*) et de notification289(*). Dès lors, cette décision produit une
conséquence considérable s'agissant du contrôle de
constitutionnalité des lois.
C'est une garantie indéniable pour les droits
fondamentaux que ne soit pas introduite dans l'ordonnancement juridique, une
loi non conforme à la constitution et, qui plus est, liberticide. Le
législateur camerounais prévoit ainsi les effets que produit une
décision du juge constatant la violation par la loi d'une disposition
constitutionnelle.
Ainsi, comme il est prévu à l'article 24 de la
loi n° 2004-4, « lorsque le Conseil constitutionnel
déclare une loi contraire à la constitution, cette loi ne peut
être ni promulguée ni mise en application ». La loi
est tout simplement exclue de toute entrée dans la hiérarchie des
normes juridiques de l'Etat. Il en va également ainsi d'une loi qui
contient une disposition contraire à la constitution et indissociable de
l'ensemble de la loi290(*).
Il existe cependant une exception à cette interdiction
d'entrée dans l'ordonnancement juridique camerounais d'une loi contenant
une disposition inconstitutionnelle. C'est l'hypothèse de l'article 26
de la loi n° 2004-4 qui prévoit que lorsque le Conseil
constitutionnel ne constate pas que la disposition inconstitutionnelle est
inséparable de la loi, le président de la République peut
« soit promulguer la loi à l'exception de cette
disposition, soit demander au Parlement une nouvelle lecture »
de cette loi.
Le juge constitutionnel camerounais a ainsi le pouvoir
d'annuler une loi lorsqu'il constate la violation de la suprématie
constitutionnelle par le législateur. Il peut censurer un acte pris par
les représentants du peuple, ce qui, au demeurant, constitue un pouvoir
exorbitant du droit commun judiciaire291(*). Le Conseil constitutionnel français est lui
fidèle à cette démarche qui contrôle l'action du
législateur par rapport à la constitution, car suivant les termes
d'une de ses célèbres décisions, « la loi
n'est l'expression de la volonté générale que dans le
respect de la constitution »292(*).
Le juge constitutionnel camerounais semble donc armé
pour protéger la constitution et les normes qui y sont
consacrées. Il contrôle la conformité des différents
textes de l'ordonnancement juridique par rapport à celle-ci et par ce
canal, participe à la protection des droits des citoyens. Cependant, le
contrôle de constitutionnalité par le juge constitutionnel
revêt encore un caractère ``virtuel'', demeure une
fiction dans cet ordonnancement juridique293(*). En effet, la juridiction constitutionnelle
nouvellement organisée n'a pas encore émis une seule
décision et n'a pas encore été saisie dans le sens d'un
contrôle d'une loi quelconque et l'institution intérimaire, la
Cour Suprême, s'est plutôt signalée comme un juge du
contentieux électoral.
Il ne reste donc qu'à espérer que le juge
constitutionnel, une fois installé, fasse preuve de la plus hâtive
des hardiesses, pour ériger une jurisprudence rendant compte de
l'implantation des principes de l'Etat de droit et de la démocratie au
Cameroun. Mais déjà on peut mesurer la difficulté qu'il
aura à affronter, au vu des limites pouvant affecter le contrôle
de la conformité des textes à la constitution.
PARAGRAPHE 2.- L'INAPTITUDE DU JUGE EN CAS DE VIOLATION DES
DROITS FONDAMENTAUX
La remise en cause de l'aptitude du juge constitutionnel
camerounais à protéger efficacement les droits fondamentaux des
citoyens tient essentiellement à deux lacunes affectant le
contrôle de constitutionnalité des lois dans l'ordre juridique
camerounais. Il s'agit d'une part de l'accès restreint au juge
(A) et de l'immunité de la loi promulguée
(B), d'autre part.
A.- L'accès restreint au juge
Sous l'empire de la Constitution de 1972, la saisine du juge
constitutionnel était réservée exclusivement au
président de la République. On est amené à se
demander, dans une telle logique, comment est ce que le contrôle de
constitutionnalité pourrait participer à une quelconque
protection des droits fondamentaux puisque étant subordonné
à un recours direct et abstrait d'une autorité politique, la plus
élevée dans l'Etat, le président de la
République ? Le contrôle de constitutionnalité
était alors enfermé dans une logique politicienne.
La réforme constitutionnelle de 1996 et la loi
organique sur le Conseil constitutionnel consacrent elles aussi le recours
direct et abstrait par des autorités politiques, même si elles en
élargissent le nombre. Pour bienvenue que puisse être cette
augmentation, elle consacre tout de même la fermeture du prétoire
à l'individu, au citoyen, annihilant ainsi tout espoir de la mise en
place d'une actio popularis devant le juge constitutionnel
camerounais.
Or, c'est le citoyen qui est la principale victime de la
violation des droits fondamentaux et justifie pleinement d'un
intérêt à agir qu'il veut du reste faire valoir devant le
juge constitutionnel. En effet, les notions d'``intérêt''
et de ``qualité pour agir'' devraient trouver ici un credo
favorable en matière de saisine du juge, car on est en droit de douter
de l'intérêt à agir qu'ont des autorités politiques
dans des systèmes encore dominés par la confusion des
pouvoirs294(*).
L'activité dynamique du juge constitutionnel
camerounais dans le sens de la protection des droits fondamentaux doit
être exacerbée. A l'instar de son homologue français, il
devra, chaque fois qu'une loi lui sera déférée pour examen
de conformité à la constitution, faire prévaloir la
rationalité juridique. Il y va de sa crédibilité et de la
crédibilité de tout un système, afin que le citoyen soit
toujours le grand vainqueur de cette construction d'un Etat de droit garant
indéfectible du règne du droit au Cameroun.
En somme, par le canal du contrôle de
constitutionnalité des lois, « il s'agit, (pour le
juge camerounais), d'assurer le respect de la constitution par tous les
pouvoirs publics, de protéger le citoyen, de sauvegarder les
droits » comme l'exprime à juste titre le Pr
VIGNON295(*). Mais,
cette tâche est davantage ardue lorsqu'une fois promulguée, la loi
peut, en dépit du fait qu'elle soit inconstitutionnelle, échapper
au contrôle et à la censure du juge.
B.- L'immunité de la loi promulguée
Le contrôle de la constitutionnalité des lois en
vigueur dans l'ordre juridique camerounais est un contrôle a
priori, abstrait et exercé par voie d'action. Il doit survenir
avant la promulgation d'un texte afin que les irrégularités qu'il
contient puissent être, si possible, modifiées. Un principe peut
en conséquence être tiré de ce caractère du
contrôle de constitutionnalité ainsi exercé,
l'incontestabilité de la loi promulguée consacrant l'interdiction
du contrôle a posteriori.
Dès lors, la saisine du juge constitutionnel doit
intervenir avant la promulgation dont elle suspend le délai.
« Après la promulgation, écrit le Pr DEGNI
SEGUI, la loi n'est susceptible d'aucun recours juridictionnel et s'impose
à tous »296(*).
Ce principe prévaut dans l'ordre juridique camerounais,
ce qui a conduit le Pr NLEP à poser le constat que plusieurs lois
inconstitutionnelles pullulent dans cet ordre juridique297(*). Dès lors qu'une loi
est promulguée au Cameroun, elle accède à
l'immunité. Ceci revient à penser au demeurant que le
contrôle par voie d'exception est, comme en France, un mécanisme
écarté dans le système juridique camerounais.
L'exception d'inconstitutionnalité est une
procédure permettant de rouvrir l'accès au juge constitutionnel
contre une loi inconstitutionnelle nonobstant la promulgation de
celle-ci298(*). C'est le
mécanisme de la question préjudicielle soulevée devant les
juges des ordres judiciaire et administratif. Prévu dans divers Etats
européens299(*)
et africains300(*), il
est, à en croire le Pr DEGNI-SEGUI, interdit dans l'ordre juridique
camerounais301(*). Mais,
une telle affirmation est à notre avis fort péremptoire.
En effet, à l'instar des précédentes lois
fondamentales, le texte de 1996 n'interdit nullement la technique de
l'exception d'inconstitutionnalité, même si elle n'est pas
formellement organisée. Peut-on alors légitimement penser que,
puisqu'elle n'est pas interdite, le juge, qu'il soit de l'ordre judiciaire ou
administratif, puisse connaître d'une question préjudicielle
d'ordre constitutionnel ?
Pour une partie de la doctrine camerounaise, la réponse
à cette question est positive302(*). Toutefois, le juge ordinaire camerounais a
observé une attitude de rejet de l'exception
d'inconstitutionnalité soulevée devant lui, même s'il a par
la suite tempéré cette position.
Le juge judiciaire camerounais retient la même position
que le juge de cassation français303(*) et dans un arrêt du 5 mai 1973, il
énonce clairement que « en tout état de cause, la
juridiction répressive n'est pas au Cameroun juge de
l'inconstitutionnalité des lois ».
Le juge administratif adopte cette même attitude et l'a
clairement signifié dans deux arrêts de principe. Dans l'affaire
SGTE précitée, le juge administratif camerounais exclut tout
contrôle de la constitutionnalité des lois par voie d'exception
qui pour lui, « n'est pas prévu par le droit
camerounais ». Dans un autre jugement n° 14/CS/CA du 30
novembre 1978, MOUNGOLE Léon c. Etat du Cameroun, il décide que
« si la Cour, de par la Constitution est juge de la
constitutionnalité des lois, d'après l'article 10 de la dite
Constitution, elle ne peut être saisie que par le président de la
République. Elle ne peut se saisir d'office, ni à l'initiative de
tout le monde ».
La position des juges des ordres judiciaire et administratif
était donc établie, le contrôle par voie d'exception
étant écarté. Mais, des tempéraments vont
atténuer la rigueur de cette position.
Ainsi dans de nombreuses affaires, le juge judiciaire
camerounais admet l'exception d'inconstitutionnalité s'agissant des
coutumes. Il a même rejeté l'application de certaines coutumes,
sous prétexte qu'elles sont contraires au principe de
l'égalité de tous devant la loi304(*).
De l'avis du Pr MINKOA, le juge administratif invoque
fréquemment la violation d'un principe général de droit
pour refuser l'application d'une loi, ce qui équivaut, selon ses termes,
« à un contrôle de constitutionnalité
déguisé »305(*). Ce qui dès lors laisse une chance à
l'exercice du contrôle de constitutionnalité par voie d'exception
au Cameroun.
Au total, si en France la crainte de l'instauration d'un
``gouvernement des juges'' a conduit à la mise en place
craintive du Conseil constitutionnel, cette crainte ne semble pas se justifier
dans l'ordre juridique camerounais. En effet, le contrôle de
constitutionnalité des lois devrait, comme dans les systèmes
d'origine dans lesquels il a été initié, assurer une
réelle protection des droits des citoyens. Le juge constitutionnel, par
son statut et la portée de sa jurisprudence, n'en sortirait que plus
confirmé dans son rôle de garant de la suprématie
constitutionnelle et partant des droits fondamentaux des citoyens.
CHAPITRE II: LES MECANISMES NON JURIDICTIONNELS DE PROTECTION
DES DROITS FONDAMENTAUX
Pour sécurisante qu'elle soit du point de vue de la
protection des droits fondamentaux, l'intervention juridictionnelle
présente quelques lacunes qui tiennent généralement au
statut des juges, à la lenteur de la justice, à son coût
élevé pour les citoyens et à la complexité de ses
procédures. Il convenait donc face à ces limites, de rechercher
de nouveaux mécanismes protecteurs des droits, pour combler le
déficit des procédés juridictionnels de protection.
Les mécanismes non juridictionnels constituent une
nouveauté dans cette quête. Si dans bon nombre d'Etats ils sont le
plus souvent prévus par les lois fondamentales, au Cameroun, ils sont
organisés par la loi et même le règlement. Ils sont divers
et sont alors appelés à participer à la protection des
droits constitutionnellement consacrés.
De façon générale, ces mécanismes
peuvent se subdiviser en deux types : les autorités
instituées par l'Etat encore connues sous la dénomination
d'autorités administratives indépendantes (Section
I) d'une part, et les institutions nées de l'initiative des
individus regroupés en associations et constituant par-là les
mécanismes de la société civile (Section
II).
SECTION I : LES AUTORITES
ADMINISTRATIVES INDEPENDANTES
Ce sont des organismes dont l'activité ne peut
s'apprécier comme rivale de celle des juridictions au sein d'un Etat.
Elles se doivent d'être un complément des mécanismes
juridictionnels de protection des droits fondamentaux. Afin de mieux les
cerner, le Pr Jacqueline MORAND-DEVILLER propose de les définir de
manière négative306(*). Les autorités administratives
indépendantes présentent ainsi un certain nombre de traits
caractéristiques :
· ce ne sont pas des juridictions, car
« leurs décisions ne sont pas revêtues de
l'autorité de la chose jugée et ne relèvent pas du
contrôle de cassation... » ;
· ce ne sont pas des personnes morales de droit
public ;
· ce sont beaucoup plus que des ``Comités de
sages'' même si les personnes qui les composent sont, en
général, choisies pour leur expérience et leur
impartialité307(*).
Ces différentes caractéristiques doivent, au
demeurant, leur permettre d'effectuer efficacement la protection des droits
fondamentaux des citoyens. Au Cameroun, ils sont aussi divers que nombreux. On
peut en conséquence les distinguer selon qu'ils ont une portée
générale dans la protection des droits (Paragraphe
1) ou qu'ils participent à la protection d'un droit fondamental
particulier : les mécanismes sont alors dits de portée
sectorielle (Paragraphe 2).
PARAGRAPHE 1.- LE MECANISME DE PORTEE GENERALE : LA
COMMISSION NATIONALE DES DROITS DE L'HOMME ET DES LIBERTES (CNDHL)
La soif de la liberté des citoyens conjuguée au
vent de la démocratie des années 1990 ont conduit à la
libéralisation des différents régimes politiques de bon
nombre d'Etats africains, dont le Cameroun. La résultante la plus
immédiate en a été la promulgation de textes
législatifs et réglementaires plus favorables aux droits et
devant être mis à la disposition des principaux destinataires, les
citoyens. Parmi les textes de cette période nouvelle pour les
libertés, se trouvait le décret n° 90/154 du 8 novembre 1990
qui créait une institution nationale des droits de l'homme au
Cameroun : le Comité national des droits de l'homme et
libertés.
Celui-ci se devait, tant sur le plan de son organisation que
de son fonctionnement, d'être mis en place en totale adéquation
avec les principes élaborés lors du premier atelier international
des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de
l'homme tenu à Paris du 7 au 9 octobre 1991, encore connus sous le nom
de « Principes de Paris »308(*).
Ces principes établissent les compétences et
attributions incombant à une institution nationale de promotion et de
protection des droits de l'homme, les règles devant régir sa
composition et garantir son indépendance ainsi que les modalités
de son fonctionnement. Ils posent au demeurant, et c'est une tautologie, les
principes posant les bases d'un fonctionnement optimal des institutions
nationales de promotion et de protection des droits fondamentaux.
Le Comité national camerounais créé par
le décret de 1990 a essayé de fonctionner tant bien que mal, mais
son inaptitude à assurer une réelle protection des droits a
longtemps été décriée309(*). Il a en conséquence
été dissout par la loi n° 2004-16 du 22 juillet 2004 portant
création, organisation et fonctionnement d'une Commission nationale des
droits de l'homme et des libertés (CNDHL)310(*) qui, en vertu de l'article
30 de cette loi, se substitue de plein droit à l'ex Comité et
``hérite'' du patrimoine et du personnel de celui-ci.
La question fondamentale que l'on est amené à se
poser, lorsque l'on sait que le décret de nomination des nouveaux
membres de l'institution n'a pas encore été pris par
l'autorité habilitée et que l'on peut penser à une
période intérimaire, dans l'attente de certaines réformes
devant conduire à l'installation concrète de la nouvelle CNDHL,
est celle de savoir si cette dernière n'hérite pas des lacunes
qui ont affecté la mission de l'ex Comité ?
En tout état de cause, certaines garanties sont
présentées par la loi n° 2004-16 du point de vue de la
protection des droits fondamentaux (A), même si l'on
peut déceler des limites susceptibles d'affecter la dite protection par
ce mécanisme non juridictionnel (B).
A.- Les garanties présentées par la CNDHL pour
la protection des droits fondamentaux
Elles s'analysent pour l'essentiel, du point de vue de
l'indépendance de l'institution (1) et de l'ampleur de
ses attributions en matière de protection des droits fondamentaux
(2).
1.- La relative autonomie de la CNDHL
« Une institution nationale efficace est une
institution capable d'agir indépendamment du gouvernement et de tout
autre pouvoir qui peut se trouver en mesure d'influencer son
action »311(*). Ces propos du président de l'ex
Comité trahissent la mauvaise influence que peuvent avoir les pressions
de toute sorte sur une institution nationale de promotion et de protection des
droits fondamentaux.
Pour éviter ce type de situation, la loi n°
2004-16 accorde à la CNDHL une certaine indépendance tant sur le
plan de la nomination des membres de l'institution que sur celui des moyens
financiers mis à sa disposition.
Au contraire du décret de 1990 qui concentrait la
totalité de la désignation des membres du Comité entre les
mains du président de la République, la loi n° 2004-16
associe plusieurs autorités à cette désignation312(*), même si c'est
toujours un acte du président de la République qui procède
à leur nomination, conformément à l'article 6
alinéa 2 de la loi. La totalité des membres
bénéficient en plus d'une immunité de poursuites pour les
opinions exprimées dans l'exercice de leurs fonctions313(*).
Ce facteur important qu'est le statut indépendant des
membres est prépondérant pour l'activité de l'institution.
En effet, l'ex Comité a souvent conduit, du point de vue de sa
création, à se demander si les autorités camerounaises
avaient voulu en faire une institution indépendante dans son domaine de
compétence314(*).
Le législateur de 2004 semble apaiser cette crainte en ce qui concerne
la CNDHL. C'est ainsi que des incompatibilités fonctionnelles sont
même prévues pour les présidences des quatre (4)
sous-commissions de travail, afin d'éviter les influences des pouvoirs
publics sur l'institution nationale de protection des droits
fondamentaux315(*).
Mais l'apport essentiel de la nouvelle législation pour
la garantie de la mission de la CNDHL est sans nul doute la consécration
de l'autonomie de celle-ci au niveau de ses ressources financières.
Aux termes de l'article 20 de la loi de 2004,
« les ressources de la Commission proviennent des :
· dotations inscrites chaque année au budget
de l'Etat ;
· appuis provenant de partenaires nationaux et
internationaux ;
· dons et legs ».
Cette disposition marque un changement notable d'avec
l'ancienne législation en ce qu'elle budgétise les ressources que
l'Etat octroie à la CNDHL. De plus, elle élargit les sources de
financement, ce qui peut constituer un élément d'autonomie
notable. La CNDHL a en outre la possibilité d'adopter son propre projet
de budget et de le soumettre à l'approbation du Premier Ministre dans le
cadre de la préparation de la loi des finances de l'Etat. Dès
qu'il est adopté, ce budget fait l'objet d'une inscription
spécifique dans la dite loi, selon l'article 23 alinéa 2.
Il serait intéressant, en examinant la loi des finances
camerounaise, de voir quelle est la proportion des sommes allouées
à la CNDHL, afin de constater si oui ou non elles cadrent avec le projet
de budget élaboré par l'institution.
L'autonomie financière de la CNDHL ainsi prévue
permet véritablement de soustraire cette institution de la tutelle de
l'exécutif. Comme le souligne Mme ETONGUE MAYER à propos du
budget de l'ex Comité, « le Comité national des
droits de l'homme et des libertés ne dispose pas d'un budget propre et
sécurisé ». Et elle ajoute que « le
montant et le déblocage des fonds dépendent du bon vouloir du
Premier Ministre qui peut décider de ``couper le robinet'', de diminuer
le montant de la cagnotte ou de retarder le déblocage des crédits
sollicités... »316(*). De telles attitudes ne peuvent qu'être
déplorées, car elles contribuent à enrayer de
manière considérable toute efficience à l'activité
d'une institution. On ne peut que saluer l'inscription du budget de la CNDHL
dans la loi des finances nationale, ce qui au premier abord aura pour
conséquence de le sécuriser. Ce budget se doit même, aux
termes de la loi, d'être géré suivant les règles de
la comptabilité publique317(*) et pour ce faire, un agent comptable et un
contrôleur financier seront « placés auprès
de la Commission »318(*).
Ainsi pourvue de son autonomie financière, la CNDHL
peut rémunérer ses instances dirigeantes319(*) et allouer des
indemnités de session et des frais de mission aux membres320(*) de l'institution. Sous
l'ancienne législation, leur activité n'était pas
rémunérée. Cette situation avait pour conséquence
notable un manque total de motivation des membres, susceptible de limiter
l'ampleur de son activité. L'allocation d'une indemnité,
même modique, est de nature a dynamiser cette activité, en sus de
la motivation personnelle des membres à protéger les droits
fondamentaux des citoyens, en vertu de la mission confiée à
l'institution.
2.- L'ampleur des attributions de la CNDHL en matière
de protection des droits
En conformité avec les Principes de Paris, la CNDHL
bénéficie d'un vaste champ de compétence en matière
de protection des droits humains. C'est l'article 2 de la nouvelle
législation qui énonce ses attributions. Aux termes de cette
disposition, elle :
· « reçoit toutes
dénonciations portant sur les cas de violation des droits de l'homme et
des libertés ;
· diligente toutes enquêtes et procède
à toutes investigations nécessaires sur les cas de violation des
droits de l'homme et des libertés et en fait rapport au président
de la République ;
· saisit toutes autorités des cas de violation
des droits de l'homme et des libertés ;
· procède, en tant que de besoin, aux visites
des établissements pénitentiaires, des commissariats de police et
des brigades de gendarmerie, en présence du procureur de la
République compétent ou de son représentant ; ces
visites peuvent donner lieu à rédaction d'un rapport
adressé aux autorités compétentes ;
· étudie toutes questions se rapportant
à la promotion et à la protection des droits de l'homme et des
libertés ;
· propose aux pouvoirs publics les mesures à
prendre dans le domaine des droits de l'homme et des
libertés ;
· vulgarise par tous moyens, les instruments relatifs
aux droits de l'homme et aux libertés et veille au développement
d'une culture des droits de l'homme au sein du public par l'enseignement,
l'information et l'organisation des conférences et
séminaires ;
· recueille et diffuse la documentation
internationale relative aux droits de l'homme et aux
libertés ;
· assure la liaison, le cas échéant,
avec les organisations non gouvernementales qui oeuvrent pour la promotion et
la protection des droits de l'homme ;
· entretient, le cas échéant, toutes
relations avec l'organisation des Nations Unies, les organisations
internationales, comités ou associations étrangères
poursuivant des buts similaires ;
· elle en informe le ministre chargé des
Relations extérieures ».
On note une accentuation du rôle promoteur de
l'institution par rapport au texte de 1990. Même si elle ne dispose pas
d'un pouvoir de contrainte à proprement parler, la CNDHL dispose d'un
certain nombre de moyens afin de mener à bien ses activités en
faveur des droits humains. Elle a ainsi, à la lecture de l'article 3 de
la loi de 2004, un pouvoir de convocation pour audition de toutes parties et
éventuellement des témoins. Cette prérogative est
accentuée par la provision prescrivant la mise en oeuvre de la
responsabilité pénale de toute personne convoquée par la
CNDHL et se refusant à déférer à cette
convocation321(*). La
légèreté de la sanction peut tout de même
surprendre, lorsqu'on a la volonté d'instaurer une institution
crédible et respectée tant à l'extérieur
qu'à l'intérieur des frontières nationales.
La CNDHL a également la possibilité de demander
aux autorités compétentes de procéder à des
perquisitions et exiger la présentation de tout document ou toute preuve
selon les règles du droit commun. Elle a la possibilité de saisir
le ministre chargé de la Justice pour les infractions relevées et
relatives aux droits fondamentaux, tout comme elle peut s'instituer en instance
de médiation entre des parties dans des matières non
répressives et touchant aux droits fondamentaux. La CNDHL peut, en
outre, fournir une assistance judiciaire ou prendre des mesures pour la
fourniture de cette assistance et intervenir en tout état de cause, pour
défendre les intérêts des victimes des violations des
droits fondamentaux. Les moyens d'action mis à la disposition de la
CNDHL pour l'accomplissement de sa mission semblent considérables et il
ne reste qu'à espérer qu'elle en fasse bon usage.
S'il est prévu que la CNDHL tire conséquence
d'une omission ou d'un refus de répondre à ses
réquisitions ou interpellations, on peut être interloqué
que le législateur ne lui ait pas accordé un pouvoir de sanction
ou de saisine d'une juridiction pour « tirer véritablement
conséquence de l'inaction du requis ». Sinon que
peut-elle véritablement faire ? Cette absence de pouvoir de
contrainte la vide considérablement de toute sa substance.
Toutefois, les véritables moyens par lesquels la CNDHL
participera effectivement à la protection des droits fondamentaux
résident dans les deux modalités de sa saisine. D'une part, la
saisine par toute personne physique ou morale ou toute autorité publique
sur simple requête ou dénonciation et la saisine d'office, d'autre
part. Ce dernier mécanisme a déjà été
utilisé par l'ex Comité dans l'affaire des ``neuf disparus de
Bépanda'' et dans l'affaire de l'assassinat d'une fillette de 6 ans
par des adeptes de la secte ``Mâlah'' à Douala322(*). Le premier lui permet
essentiellement de connaître et traiter des requêtes reçues
pour les violations de droits fondamentaux consacrés dans l'ordre
juridique camerounais.
La loi n° 2004-16 du 22 juillet 2004 semble alors
instituer au Cameroun, la CNDHL en une véritable autorité
administrative indépendante. Elle jouit d'une certaine autonomie
financière et statutaire, bénéficie d'un vaste champ
d'action dans le domaine de sa compétence et est assortie de
règles contraignantes s'imposant aux personnes physiques et morales dans
l'Etat. On peut toutefois regretter qu'elle n'ait pas un véritable
pouvoir de contrainte, ce qui peut du reste constituer une limite à
l'efficience de son activité.
D'autres limites peuvent en outre être perçues,
limites ayant grevé l'action de l'ex Comité et pouvant subsister
durant la période précédant la mise en place effective de
la CNDHL. D'autres par contre pouvant être décelées de
l'organisation même de la CNDHL et de son fonctionnement tels que
déterminés par le législateur.
B.- Les limites à l'activité de la Commission
nationale des droits de l'homme et des libertés
La CNDHL est héritière de l'ex Comité. A
ce titre et pendant la période transitoire, celle qui
précède effectivement la mise en place de la CNDHL, elle peut
hériter des obstacles qui ont grevé l'activité de
l'ancienne institution. Ils peuvent consister en des obstacles
opérationnels d'une part et en des obstacles statutaires, d'autre
part.
Les limites opérationnelles surviennent au cours du
fonctionnement de l'institution lorsqu'elle est en pleine activité sur
le terrain de la protection des droits fondamentaux. Tandis que les limites
statutaires sont celles découlant même de la structure de
l'institution telle qu'élaborée par le législateur.
L'une des premières difficultés que pose la
CNDHL est la centralisation de l'institution dans la seule capitale politique.
Cette tare a affecté l'ex Comité et si des mesures
adéquates ne sont pas prises, la déconcentration de l'institution
dans la majorité des localités de la République ne restera
jamais qu'au stade de l'utopie. L'existence de la CNDHL pourra même
être ignorée de certains citoyens éloignés de la
capitale et le traitement des requêtes en provenance de lieux autres que
la capitale pourra éventuellement connaître de grandes
difficultés.
Il est donc nécessaire que soient créées,
dès la mise en place effective de la CNDHL, les antennes locales
prévues à l'article 5 de la loi n° 2004-16.
Doit aussi être considéré le
problème de l'insuffisance des moyens en personnel dont hérite la
CNDHL. A propos de l'ex Comité, Mme ETONGUE MAYER constate que
« malgré l'importance de la mission de protection (...),
le Comité national des droits de l'homme et des libertés continue
de souffrir d'une insuffisance chronique en ressources
humaines »323(*). Il est crucial qu'eu égard à cet
obstacle, la désignation des 30 membres de la CNDHL soit au plus vite
faite, afin que les instances dirigeantes nouvellement installées
puissent à leur tour désigner avec célérité
le personnel d'appui de l'institution324(*).
En héritant du personnel de l'ex Comité, la
CNDHL obtient, numériquement, d'un personnel insuffisant et qui en plus
ne correspond pas aux critères de désignation prescrits par la
nouvelle législation. La nécessité de prises de mesures
par les autorités compétentes est donc urgente et mérite
d'être exacerbée pour aboutir à une véritable
protection des droits fondamentaux par la nouvelle institution nationale
compétente dans ce domaine sensible. Il y va du traitement des
requêtes qu'elle sera amenée à connaître et des cas
de son auto-saisine. La volonté des pouvoirs publics est, à cette
fin, le garant de la mise en place effective de la CNDHL. Une volonté
qui a été critiquée à bien des égards, vu le
manque d'initiative des interpellés et le manque de considération
affiché à l'égard des membres de l'ex Comité.
Ces derniers en accomplissement de leurs attributions visant
à solliciter des autorités administratives des
présentations de documents ou à visiter des lieux de
détention, se sont souvent vus opposer des fins de non-recevoir. Un
exemple est donné par Mme ETONGUE MAYER de la séquestration de
membres de l'ex Comité par des éléments de la gendarmerie
du Lac, un quartier administratif de Yaoundé, la capitale
camerounaise.
On en vient à se demander si de telles pratiques
disparaîtront avec la substitution de plein droit opérée
entre l'ex Comité et la CNDHL. Les pouvoirs publics et les individus au
sein de la société camerounaise auront-ils plus de
considération pour les membres de la CNDHL ? On ne peut qu'appeler
de nos voeux une plus grande implication des pouvoirs publics dans
l'activité de l'institution nationale de protection des droits
fondamentaux, ce qui conduira inévitablement à une collaboration
plus efficace entre ces différents acteurs de la protection des droits
dans l'ordre juridique camerounais.
La période transitoire sera aussi une période
test de l'autonomie financière de la CNDHL. Si avec l'ex Comité
on a pu décrier la dépendance créée par les
pouvoirs publics, cette période permettra de scruter les agissements,
les décisions prises en vue d'allouer les ressources matérielles
nécessaires au fonctionnement de la CNDHL.
La célérité dans la mise en place des
différents organes de la CNDHL est le gage que les pouvoirs publics
peuvent donner d'une véritable et irrévocable volonté de
faire protéger les droits par cette institution conformément aux
Principes de Paris. Or, quand on pose le constat que dans l'ordre juridique
camerounais nombre d'institutions ont souvent été mises en place
de façon très tardive, on est en droit d'être inquiet pour
la CNDHL.
En sus de cette institution, d'autres mécanismes non
juridictionnels participent également à cette dynamique de
protection des droits au Cameroun. Mais, ils se singularisent en ceci qu'il
leur est attribué un secteur de la vie sociale dans lequel ils se
doivent de protéger les droits. Ce sont les mécanismes de
portée sectorielle.
PARAGRAPHE 2.- LES MECANISMES DE PORTEE SECTORIELLE
Ils sont prévus dans divers secteurs tels que la
Fonction publique, l'énergie électrique, mais nous nous
intéresserons ici aux secteurs des élections et de la
communication. Le premier (A) est dévolu à la
compétence d'un organe de contrôle, l'Observatoire national des
élections (ONEL), tandis que le second (B)
relève de la compétence du Conseil national de la communication
(CNC).
A.- Le secteur des élections : la garantie des
droits électoraux par l'Observatoire national des élections
(ONEL)
L'élection est l'unique mode de dévolution du
pouvoir dans tout système qui se réclame de la démocratie.
Elle est une période charnière de la vie politique de tout Etat
pendant laquelle le citoyen exerce l'un de ses droits constitutionnellement
reconnus, le droit de vote, et un autre de ses attributs non moins importants,
la liberté de candidature. Le Cameroun se veut un Etat dans lequel ces
libertés fondamentales sont reconnues au citoyen et dans lequel un
contentieux peut être ouvert à la suite des consultations
électorales. Ce contentieux est au premier abord un contentieux
complexe, car assorti de multiples spécificités.
D'abord, il faut relever la diversité des lois
électorales en vigueur au Cameroun et spécifiques à tel ou
tel type d'élection325(*). Ensuite, la diversité des organes
intervenant tout au long du processus électoral et qui sont des
instances non juridictionnelles et juridictionnelles326(*). C'est cette organisation du
processus qui a le plus souvent été à l'origine des
contestations relatives aux différents scrutins organisés depuis
la réintroduction du multipartisme au Cameroun. Les partis politiques de
l'opposition, les observateurs de la scène politique estiment que
l'administration, qui organise les opérations électorales au
Cameroun, a la main mise sur celles-ci et les influence dans
l'intérêt du pouvoir en place. L'indépendance et
l'impartialité des différentes structures participant au
processus électoral étaient ainsi fortement remises en cause.
Dans ce contexte de crise de confiance à l'égard
des organes traditionnels devant assurer la régularité des
élections au Cameroun, le législateur crée le 19
décembre 2000, par une loi n° 2000/016, une structure sensée
apporter un souffle virginal au processus électoral, l'Observatoire
national des élections du Cameroun (ONEL). Ce texte est d'emblée
perçu comme « un énième monument
d'illusionnisme normatif et de remplissage
institutionnel »327(*) qui institue une structure
« mort-née ». C'est que l'ONEL naît
alors qu'aucun consensus entre le gouvernement et l'opposition sur la structure
à retenir n'est observé, pas plus qu'on observe une participation
de la société civile à cette édification d'une
structure sensée garantir la sincérité des scrutins au
Cameroun328(*). Cette
institution reçoit alors un accueil mitigé auprès des
milieux politiques, en raison de l'ambiguïté de son statut et de sa
structuration (1), mais surtout des difficultés
liées à sa mission dans le processus électoral camerounais
(2).
1.- Le statut et la structuration de l'ONEL
La loi n° 2000/016 du 19 décembre 2000 crée
l'ONEL sensé garantir à tous les citoyens, électeurs comme
acteurs politiques, la sincérité et la transparence des scrutins.
Or, de l'avis de M. OLINGA, « une institution est
charpentée en fonction de l'idée d'entreprise qui lui sert de
boussole, de principe actif et de régulateur. Entre l'idée
d'oeuvre et la structure de la faire accéder à
l'effectivité, il y a une relation dialectique forte :l'idée
n'est rien sans une institution de concrétisation adaptée,
l'institution n'est rien sans une idée qui lui insuffle une
âme »329(*). S'agissant du statut de l'ONEL, on peut être
amené à penser que l'idée pionnière était
d'en faire une structure autonome de l'administration.
L'article 1er de la loi est à cet
égard révélateur puisqu'il énonce qu'il est
institué une structure indépendante330(*) chargée de la
supervision et du contrôle des opérations électorales et
référendaires, dénommée ONEL. C'est l'article 3 en
ses alinéas 1 et 2 qui énonce la durée du mandat de
l'institution qui débute dès la convocation du corps
électoral et s'achève une fois les résultats
proclamés, soit par la Commission Communale de Supervision (CCS) pour
les élections locales, soit par le Conseil constitutionnel pour les
élections nationales331(*).
Cependant, quand on s'attarde sur sa dénomination,
l'institution est un observatoire, c'est-à-dire, selon les termes de M.
OLINGA, « une structure de vigilance de l'ensemble du processus
électoral, avec un rôle de rassemblement de l'information utile
à transmettre aux décideurs, à l'effet d'éclairer
leurs décisions et démarches futures »332(*). Sa nature juridique dans
l'ordre juridique camerounais est dès lors évidente, c'est un
organe consultatif qui de par sa structuration officie comme une juridiction,
car pouvant connaître des réclamations non examinées au
niveau des commissions mixtes de supervision. Le problème de
l'indépendance de l'institution semble alors se poser avec
acuité, un problème qui aura un impact évident sur la
conduite de sa mission.
De l'avis des membres de l'opposition camerounaise, l'ONEL ne
peut qu'être une structure inféodée au pouvoir en place au
regard de l'autorité qui nomme les membres, de l'origine des moyens qui
lui sont alloués et de son mandat.
Au regard de la structure de l'ONEL, qu'elle soit centrale ou
déconcentrée, aucun rattachement formel à une autre
structure de l'Etat n'est observé, ce qui dénote d'une relative
autonomie vis-à-vis de toute structure étatique. Cependant,
l'ensemble des membres est nommé de façon discrétionnaire
par le président de la République, même lorsque ce dernier
est candidat à sa propre succession, ce qui est critiquable et pour le
moins incohérent. Une garantie est toutefois offerte aux membres
relativement à leur mandat, car celui-ci court tout au long de celui de
l'institution et qui plus est, ils sont inamovibles. Mais, ainsi que le
relève M. OLINGA, ils n'ont aucune garantie de retrouver leur poste
à la prochaine mise en place de l'institution333(*).
Le pouvoir discrétionnaire du président de la
République sur l'institution est prépondérant, car il peut
nommer, selon son bon vouloir, des membres pour telle année
électorale qui ne seront pas reconduits lors de la mise en place
prochaine de l'institution. N'ont-ils pas ainsi intérêt à
oeuvrer pour la stratégie mise en place par le pouvoir en place afin
d'espérer être reconduits à leur poste ?
Les membres de l'ONEL bénéficient
d'immunités pour les opinions ou actes commis dans l'exercice de leurs
fonctions et il est prévu un certain nombre d'incompatibilités
à l'exercice de celles-ci ce qui en principe est susceptible de
renforcer l'indépendance de la structure. Toutefois, certaines
incohérences de la loi de 2000 remettent en cause cette autonomie de
l'institution.
Sur les plans financier et matériel, la totalité
des moyens mis à la disposition de l'ONEL viennent de l'Etat. Son budget
est inséré dans le budget général de l'Etat, ce qui
a conduit M. OLINGA à écrire que « l'Etat
maîtrise intégralement les moyens de l'indépendance de
l'ONEL »334(*). L'institution n'a pas la possibilité de
s'autofinancer ou de procéder à des appels de fonds
étrangers à ceux de l'Etat camerounais335(*) et les indemnités
allouées à ses membres ainsi que les frais de mission qu'ils
perçoivent sont accordés sur des conditions fixées par
décret, « du président de la République
vraisemblablement », précise M. OLINGA336(*).
Si dès lors, on peut effectivement admettre que le
président de la République a un pouvoir important en ce qui
concerne la nomination des membres de l'ONEL et que l'Etat est le principal
bailleur de fonds de l'institution, on est amené à penser que
l'ONEL doit par son propre engagement et des actions concrètes
bâtir progressivement son indépendance. Elle a eu à le
faire, au demeurant, en s'acquittant de sa mission lors de certaines
consultations électorales.
2.- L'ONEL et sa mission de garant des droits
électoraux
C'est l'article 2 de la loi de 2000 qui éclaire sur la
mission de l'ONEL. Celle-ci, aux termes de cette disposition, est de
« contribuer à faire respecter la loi électorale de
manière à assurer la régularité,
l'impartialité, l'objectivité, la transparence et la
sincérité des scrutins, en garantissant aux électeurs,
ainsi qu'aux candidats en présence, le libre exercice de leurs
droits ». L'ONEL qui se greffe aux différentes structures
existant déjà dans le processus électoral, devrait
s'assurer que l'ensemble de ces structures font ce que les textes
prévoient. Pour M. SIETCHOUA, il ne fait « que s'ajouter,
par sédimentation, au dispositif électoral existant
déjà... »337(*).
L'ONEL a ainsi une mission de supervision et de contrôle
de l'ensemble du processus électoral et ses pouvoirs d'action sont
sensés lui permettre de mener à bien cette mission. Il a,
à cette fin, des pouvoirs d'injonction aux autorités
administratives en vertu de l'article 12 alinéa 2 de la loi de 2000 et
peut même saisir les juridictions compétentes en matière de
contentieux électoral dans les cas de violation de la loi
électorale. Lors des élections municipales et législatives
du 30 juin 2002, l'ONEL a aidé à signaler de graves
irrégularités qui ont justifié l'annulation des
élections dans le département du Nkam en vertu de l'article 12
alinéa 3 de la loi de 2000338(*).
L'institution a aussi la possibilité de saisir le
procureur de la République et soutenir les poursuites en cas
d'infraction à la loi pénale relative aux élections. Or,
comme le remarque à juste titre M. OLINGA, en l'état actuel du
droit électoral camerounais, « ce chantier pénal en
matière électorale reste encore en
friche »339(*). Ce qui est fort regrettable dans un Etat où
les requêtes en contentieux électoral s'analysent le plus souvent
sur le terrain des infractions à la loi électorale. L'Etat
camerounais gagnerait à sanctionner véritablement ces
infractions, par l'instauration d'un véritable droit répressif
électoral.
Du reste, l'ONEL a, malgré ces difficultés, des
actions dans le domaine de la protection des droits électoraux des
citoyens camerounais. Ainsi, afin de remplir à bien sa mission de
supervision et de contrôle des opérations électorales au
Cameroun, l'ONEL, pour la sincérité du double scrutin du 30 juin
2002, avait demandé et obtenu que les bureaux de vote ne soient pas
installés dans des domiciles privés340(*). Il a pu se déployer
sur l'ensemble du territoire national, recruter des
délégués pour le jour du vote et a véritablement
procédé à une campagne d'information à l'attention
du public341(*),
participant à n'en point douter à un contrôle strict de la
transparence du scrutin et partant, de la sincérité du vote des
électeurs camerounais.
Mais, si l'ONEL veut participer à la construction d'un
processus électoral crédible au Cameroun, il doit pouvoir, de
l'avis de M. BEDJOKO MBASSI, « être une structure
permanente, dotée de moyens propres en vertu d'une loi votée par
le Parlement. Une telle autonomie, poursuit-il, le conduirait non
seulement à être indépendant vis-à-vis du pouvoir,
mais à intégrer dans son programme la formation de cadres
électoraux indépendants et du personnel de soutien,
immédiatement opérationnels, une fois que les circonstances
l'exigent »342(*).
Ces différents critères lui permettront
d'acquérir son autonomie et de pouvoir former son propre personnel qui
serait ainsi rompu aux complexités de la chose électorale. Mais,
la transparence des consultations électorales, qui voient la
consécration du principe « un électeur, une
voix », passe au Cameroun par une nécessaire implication
de tous les acteurs concernés par le processus électoral :
les électeurs, les candidats, l'administration qui organise les
élections, les commissions mixtes à caractère non
juridictionnel, les juridictions compétentes en matière de
contentieux électoral, l'ONEL, pour ne citer que ceux-là. Elle
nécessite aussi, à notre avis, une relecture par le juge
constitutionnel des différentes lois électorales en vigueur et
qui ne lui ont pas été déférées, afin que
soient expurgées de l'ordre juridique les normes non conformes à
la loi fondamentale. En effet, celles-ci contribuent grandement à
fausser la compétition électorale et partant de là violent
les droits fondamentaux des citoyens.
Il est à noter toutefois que de toutes les
différentes structures de vigilance du processus électoral,
l'ONEL est la seule composée de personnalités
indépendantes. Il lui revient donc d'écrire ses lettres de
noblesse à chaque fois que l'occasion lui est donnée, notamment
lors des différentes consultations électorales et pourquoi pas en
dehors, en se forgeant par-là un caractère de quasi-permanence.
Cette caractéristique de permanence est tout de même
affectée à certains autres mécanismes qui interviennent
dans la protection des droits dans d'autres secteurs, c'est le cas du Conseil
national de la communication.
B.- Le secteur de la communication : le Conseil national
de la communication (CNC)
Avec le retour au pluripartisme et la reconnaissance d'un
certain nombre de droits aux citoyens suite à leurs revendications, les
pouvoirs africains ne pouvaient faire fi d'une libéralisation du secteur
de la presse qui avait longtemps été bâillonné. De
l'avis du Pr VIGNON, « l'importance attachée à la
liberté de la presse s'explique sans doute par sa position de
liberté essentielle assurant la défense avancée de bien
d'autres libertés »343(*). Elle permet de forger une conscience dans l'Etat,
et sert de moyen essentiel d'information, et le cas échant, de
dénonciation sur les dérives au sein d'un Etat. La liberté
de presse est ainsi, au sens ou l'a jugé le Conseil constitutionnel
français, « une liberté de premier rang,
c'est-à-dire, une liberté fondamentale dont dépendent
toutes les autres libertés individuelles ; elle est la condition
nécessaire des autres »344(*).
Au Cameroun, en plus de sa constitutionnalisation, elle est
régie par la loi n°90-052 du 19 décembre 1990 relative
à la liberté de communication sociale modifiée et
complétée par la loi n° 96-04 du 4 janvier 1996345(*) dans le cadre duquel elle
s'exerce. Cette législation se veut plus propice à l'expression
des libertés de la presse et de la communication sociale dans la
société camerounaise, autrefois caractérisée par un
encadrement strict de celles-ci. C'est ainsi qu'elle abroge la censure
administrative au profit du contrôle a posteriori par le juge.
Elle institue du reste en son article 88 un Conseil national de la
communication (CNC) dont l'organisation et le fonctionnement sont
déterminés par le décret n° 91/287 du 21 juin
1991.
Cette structure est cependant loin d'être assimilable
à des institutions chargées de garantir la liberté de la
presse telles que les Hautes autorités de l'audiovisuel et de la
communication (HAAC) au Bénin et Togo. Alors que celles-ci sont
généralement des autorités à caractère quasi
juridictionnel, le CNC camerounais se singularise par une inféodation
aux pouvoirs publics, ce qui consacre une inaptitude à garantir la
liberté de la presse aux citoyens camerounais. Toutefois, cette
inaptitude doit être dépassée par la recherche de moyens en
vue d'améliorer le système actuel de protection de ce droit
fondamental.
Aux termes de l'article 1er alinéa 1 du
décret n° 91/287, « le Conseil national de la
communication est un organe consultatif placé auprès du Premier
Ministre, chef du Gouvernement, en vue d'assister les pouvoirs publics dans
l'élaboration, la mise en oeuvre et le suivi de la politique nationale
de communication ». Cette disposition informe sur la nature
juridique du CNC qui n'est rien moins qu'une structure de consultation,
habilitée à émettre des avis. Ces avis ne sauraient
s'imposer aux pouvoirs publics, en l'occurrence le Premier Ministre, qui est
libre d'en tenir compte ou pas. Cette portée insuffisante des
``décisions'' d'un organe sensé garantir un droit aussi
important que la liberté de communication sociale peut surprendre. Mais
lorsque l'on se place dans le contexte de la création de la structure,
le début des années 1990, on comprend que les décideurs
n'ont pas voulu octroyer au CNC des attributions qu'ils ne pourraient par la
suite contrôler.
La composition et les ressources du CNC suscitent
également des difficultés. En effet, des différentes
personnes qui doivent composer l'institution, aucune ne perçoit une
rémunération, les fonctions étant gratuites, au sens de
l'article 3 du décret n° 91/287. On peut remettre en cause la
motivation qui animera ces membres dans l'exercice de leurs fonctions,
même s'ils perçoivent des indemnités de session. Qui plus
est, lesdites indemnités ainsi que les fonds alloués à la
structure proviennent essentiellement des contributions de certains acteurs du
secteur de la communication, des dons et legs. On peut le noter, même
s'il est fortement soumis à la tutelle de l'Etat pour ses ressources
matérielles, le CNC peut construire son autonomie financière en
collaboration avec des partenaires nationaux ou internationaux. Il lui revient
donc de faire preuve d'un certain dynamisme en la matière.
Simple organe consultatif, le CNC n'en a pas moins des
attributions sur lesquelles elle ne peut qu'émettre des avis et
recommandations dont on peut poser le problème de la portée.
Aux termes de l'article 4 du décret de 1991, ces avis
portent sur la politique générale de communication sociale et les
rapports du Gouvernement relativement aux dossiers de demande de licence
d'exploitation des entreprises privées de communication audiovisuelle,
à la répartition des fréquences et à toutes les
autres matières fixées par les lois et les règlements. Or,
c'est l'alinéa 2 du même article qui institue le CNC comme
``gardien de la liberté de communication sociale'' sur le plan
non juridictionnel.
En effet, le CNC se doit, en période électorale,
une période sensible de la vie politique d'un Etat, de veiller au
respect de l'égalité d'accès aux médias. Or, comme
se le demande M. BEDJOKO MBASSI, s'agissant du cas camerounais,
« faut-il rappeler que le temps d'antenne réparti entre
les candidats (pendant cette période) s'est toujours fait sur
une base inégalitaire » ?346(*) Et cette interrogation en
appelle une autre, « que fait à ce propos le
CNC » ?
Rien, serait-on tenté de répondre. Pour M
BEDJOKO MBASSI, traiter des atteintes au droit électoral au Cameroun
revient à montrer le caractère subtil que celles-ci
revêtent s'agissant de la gestion de l'accès des partis politiques
aux médias publics347(*). Le Pr NLEP évoquait déjà cet
aspect relativement à cette gestion lors de l'élection
présidentielle de 1992. L'exécutif avait par deux textes
réglementaires amorcé une édification de la gestion de
l'accès aux médias publics : le décret n° 92/030
du 13 février 1992 portant accès des partis politiques aux
médias officiels de service public de la communication et
l'arrêté n° 005/MINCOM du 24 septembre 1992 fixant les
conditions de production, de programmation et des émissions relatives
à la campagne en vue de l'élection du 11 octobre 1992. C'est ce
dernier texte qui prévoyait que les litiges nés de
l'interprétation ou de l'application du texte devaient être
déférés sans délai par les candidats ou les partis
devant le CNC dont la décision pouvait faire objet d'un recours devant
le juge.
Le CNC semblait ainsi être une juridiction de premier
degré, dont les décisions étaient susceptibles de recours.
Or, dans cette mission qui lui est expressément confiée de
veiller à l'égalité d'accès aux médias lors
de la période électorale, le CNC brille par son laxisme. A titre
d'exemple, lors du double scrutin, municipales-législatives, du 30 juin
2002, ce principe de l'égalité d'accès a été
ignoré et les grands partis ont accaparé les antennes des
médias publics, au détriment des petites formations
politiques348(*). Les
partis ont ainsi accès aux médias selon leur poids politique et
le parti au pouvoir à ce jeu, est le mieux loti.
L'indépendance du service public de la communication
que le CNC se doit aussi de garantir est alors ignorée, les
médias publics étant les relais essentiels de la propagande du
pouvoir en place. C'est que le Ministre en charge de la communication (MINCOM)
qui à chaque élection prend un arrêté relatif
à la gestion de l'accès aux médias publics
« ne peut justifier d'un maximum de liberté d'action, de
neutralité et d'impartialité », écrit M.
BEDJOKO MBASSI349(*). Et
il ajoute qu' « il aura (naturellement) comme premier
souci de favoriser le parti auquel il appartient »350(*).
Le CNC, dans ces conditions, semble être plus un
auxiliaire des autorités en place sur lesquelles il n'a aucun pouvoir et
est donc inapte à protéger la liberté de communication
sociale. On ne peut alors qu'appeler au Cameroun à une refonte du texte
organisant cet organe, afin de le rendre plus autonome et par voie de
conséquence plus apte à s'acquitter des attributions qui lui sont
dévolues, à l'exemple de la HAAC au Bénin et du Conseil
supérieur de l'audiovisuel (CSA) français.
Le rôle du juge ne pourra qu'être un appui
à cette réalisation concrète d'une liberté de
communication propre à parachever l'édification d'une culture
démocratique et des droits fondamentaux dans la société
camerounaise. Cette dernière, par le biais de l'opinion publique, des
associations de promotion et de défense des droits fondamentaux
instituées par les citoyens, se doit aussi de participer à cet
enracinement de l'Etat de droit au Cameroun.
SECTION II : L'EMERGENCE DE
LA SOCIETE CIVILE DANS LA PROTECTION DES DROITS FONDAMENTAUX
La période des mouvances démocratiques du
début des années 1990 a été marquée par les
luttes de différents acteurs dans la société camerounaise
tels que les formations politiques nouvellement admises, les intellectuels,
l'``homme de la rue'' qui ont participé à ce vaste
mouvement351(*). Cette
année constitue aux dires du Pr POUGOUE, « une date
historique dans l'affirmation urbi et orbi des droits de
l'homme au Cameroun »352(*). Elle voit la promulgation d'une nouvelle
législation plus libérale et favorable aux droits fondamentaux.
La loi n° 90/053 du 19 décembre 1990 fait partie de ces lois et
instaure le cadre juridique novateur dans lequel s'exerce la liberté
d'association consacrée dans la Constitution camerounaise. L'article
1er alinéa 1er de cette loi dispose à
cet effet : « la liberté d'association
proclamée par le préambule de la Constitution est régie
par les dispositions de la présente loi ».
A partir de cette période, les associations
foisonneront donc dans la société camerounaise, mais avec
l'obligation de se conformer à la réglementation en vigueur.
Réglementation qui se fera encore plus ouverte au principe associatif
avec la loi n° 99/014 du 22 décembre 1999 sur les organisations non
gouvernementales (ONG). Le poids de ces associations dans la
société camerounaise se fait ainsi plus visible, car elles
interviennent dans de multiples domaines de la vie socio-économique de
l'Etat, parmi lesquels celui de la promotion et de la protection des droits
fondamentaux.
Elles peuvent devenir des alarmes au sein de l'Etat et
même constituer de véritables groupes de pression comme c'est le
cas dans les pays développés. C'est que l'opinion publique
reçoit et a, depuis de nombreuses années, cette
possibilité de remettre en cause le pouvoir en place, si ce dernier est
attentatoire aux droits fondamentaux. La Déclaration française
des Droits de l'Homme et du Citoyen n'affirme t-elle pas, en son article 2, que
« la résistance à l'oppression fait partie des
droits naturels et imprescriptibles de l'homme » ?
En Afrique, si ce moyen de lutte est reconnu au peuple
lorsqu'il constate que ses droits fondamentaux sont violés, et
même dans certains cas constitutionnalisé, au Cameroun, il n'y a
aucune référence à cette possibilité. Le peuple n'a
alors d'autre solution, pour faire entendre sa voix, que de se regrouper en un
vaste ensemble d'organisations constitutives de la société
civile. Cette dernière est entendue par J. C. ALEXANDER comme
« une sphère de solidarité au sein de laquelle une
certaine forme de communauté universalisante se définit peu
à peu et atteint un certain degré de
consolidation »353(*).
C'est dire que la société civile est un vaste
conglomérat d'associations et d'individus qui se doit de créer un
capital confiance au sein de l'Etat et vis-à-vis de ceux qu'elle entend
représenter. C'est à cette fin que la société
civile camerounaise qui est constituée par une mosaïque
d'associations, de personnes indépendantes des pouvoirs publics, du
clergé, des professeurs d'universités, d'étudiants et des
simples citoyens émerge dans le cercle des droits fondamentaux.
Cependant, on peut constater qu'elle participe d'un rôle plus
promotionnel que protecteur à l'égard desdits droits
(Paragraphe 1). En effet, dans ses différents domaines
d'intervention, elle se signale par une promptitude à participer
à l'édification d'une culture des droits fondamentaux dans la
société camerounaise. Cette émergence dans le cercle de
droits fondamentaux laisse apparaître des limites fortes
(Paragraphe 2) qui contribuent à affecter la
portée des actions des organisations de la société civile
camerounaise.
PARAGRAPHE 1.- UN ROLE PLUS PROMOTIONNEL QUE PROTECTEUR
L'intervention des organisations de la société
civile camerounaise se fait dans plusieurs domaines : la santé,
l'éducation, l'émancipation et la protection des femmes,
l'environnement, les droits de l'homme et le renforcement de la
démocratie, le développement, les études, la recherche, la
jeunesse. Ces domaines recèlent une pléiade de sous-thèmes
et aspects sur lesquels ces organisations portent aussi leur attention.
Cependant, s'il est évident que sur le terrain des droits fondamentaux
les organisations de la société civile se manifestent, cette
action voit l'affirmation du rôle de promotion de ces organisations
(A). Sous un autre angle, la quasi inexistence du rôle
protecteur est alors observé (B).
A.- L'affirmation du rôle de promotion des
mécanismes de la société civile camerounaise
La promotion des droits fondamentaux suppose un ensemble
d'actes afin d'empêcher les violations des droits. Ces actes s'entendent
de campagnes d'éducation aux droits fondamentaux telles que la
connaissance des différents instruments relatifs aux droits,
l'information des protagonistes des droits fondamentaux, par exemple. La
promotion a un but essentiellement préventif. Les organisations de la
société civile camerounaise usent, pour ce faire, de
différentes méthodes. L'un de ces moyens consiste à peser
sur l'Etat camerounais, à faire pression sur lui, afin que les
instruments juridiques internationaux relatifs aux droits humains soient connus
de tous. Ces instruments font partie du corpus juridique camerounais et il est
donc nécessaire par des campagnes de vulgarisation, de les porter
à la connaissance des citoyens.
C'est dans ce domaine que s'illustre l'Ecole Instrument de
Paix (EIP)-Cameroun, une branche de l'association mondiale, l'Ecole Instrument
de Paix. Elle est, aux dires d'une de ses adhérentes,
« une ONG qui oeuvre dans la promotion des droits de l'homme et
à leurs enseignements dans les établissements du primaire et du
secondaire »354(*). La promotion des droits humains passe par des
séminaires de formation à l'endroit des citoyens, des causeries
éducatives qui s'adressent le plus souvent aux jeunes et des
activités pédagogiques adaptées. Mais, cette organisation
de la société civile camerounaise oeuvre aussi à une
formation aux droits fondamentaux des enseignants des établissements
secondaires de l'Etat. En effet, ainsi que l'espère Mme MOTO ZEH,
« notre objectif à long terme est d'amener les pouvoirs
publics à intégrer dans notre système éducatif
l'enseignement des droits de l'homme comme une
matière »355(*). Ce type d'actions est aussi utilisé par
d'autres organisations de la société civile, même si elles
ne concernent pas le secteur scolaire.
C'est ainsi que le Groupe d'Etudes et de Recherche sur la
Démocratie, le Développement Economique et Social (GERDDES),
section camerounaise, s'illustre dans le domaine des droits fondamentaux. Il se
donne comme buts, d'approfondir la réflexion sur la promotion et la
consolidation de la démocratie, de défendre les droits du
citoyen, de rappeler constamment les devoirs liés au statut de citoyen
et de défendre les droits des minorités et des
réfugiés356(*).
Le GERDDES est un groupe d'intellectuels et entend être
« une ONG de lutte pour une démocratisation réelle,
pour l'effectivité des droits de l'homme et pour le développement
économique et social » au Cameroun357(*). A ce titre, il
réalise souvent des études dans les différents domaines de
sa compétence, dont il fait même des publications. Il organise
également des séminaires et colloques pour permettre la
vulgarisation des droits fondamentaux dans la société
camerounaise et procède parfois à la distribution de certaines
brochures pour conduire à la connaissance par les citoyens de leurs
droits électoraux. C'est ainsi qu'elle a produit un guide de
l'observateur électoral et des scrutateurs qui renseigne sur les
tâches et missions de ces catégories d'acteurs du processus
électoral au Cameroun358(*). Elle a également produit un guide de
l'électeur, « un document qui contient des informations
abécédaires sur l'acte électoral, à l'adresse de
l'homme de la rue »359(*).
De par ces actions, qui toutes relèvent du domaine de
la promotion des droits fondamentaux dans la société
camerounaise, le GERDDES veut contribuer, à l'instar de nombreuses
autres organisations de la société civile, à
l'enracinement de la démocratie et de la culture des droits fondamentaux
au Cameroun.
Mais toutes ces actions, pour promotrices qu'elles soient des
droits fondamentaux, dénotent de l'absence d'un véritable
rôle de protection des droits par les organisations de la
société civile camerounaise.
B.- La quasi-inexistence du rôle de protection
La protection des droits fondamentaux suppose la restitution
de l'ordre des choses quand il est dérangé par un acte
attentatoire des droits fondamentaux. Elle a un but essentiellement curatif et
constitue un ``continuum'' de l'activité de promotion. Les
organisations de la société civile ont généralement
dans un Etat deux types d'obligations qui rendent compte de leur rôle
dans l'Etat. D'une part, l'obligation de vigilance et d'autre part,
l'obligation d'action.
L'obligation de vigilance suppose la surveillance, l'attention
à l'endroit des supposés violateurs des droits fondamentaux,
principalement, les pouvoirs publics. Elle se traduit par l'examen des mesures
mises en oeuvre par ceux-ci dans la gestion des affaires publiques,
c'est-à-dire la connaissance des différents projets concernant
les droits fondamentaux, des mesures de politique publique ayant une incidence
sur la vie des citoyens, etc.
L'obligation d'action quant à elle est la
conséquence de la première obligation. Elle suppose qu'une fois
que le danger de violation d'un droit fondamental est avéré, les
organisations de la société civile se mettent en branle pour le
contrecarrer.
Au Cameroun, les organisations de la société
civile se confinent généralement à ce rôle de
vigilance, qui ne se traduit pas en aval par la prise de mesures
concrètes ou d'actions en vue d'éradiquer ou de dénoncer
une violation. Si souvent on peut noter des actions sporadiques360(*), elles ne sont pas
légion dans la société camerounaise. En effet, loin du
contexte du début des années 1990, la dynamique revendicatrice
des organisations de la société civile semble s'être
essoufflée. En témoigne ce propos d'un magistrat camerounais qui,
à propos de l'action de la société civile et les
conditions des détenus, s'insurge qu' « en l'état
actuel du droit positif camerounais (...) aucune décision n'est connue
sur une plainte par la société civile »361(*).
Exemple peut aussi être pris de l'attitude laxiste de
l'association pour la protection des consommateurs camerounais. Lorsque l'on
sait que depuis la dévaluation du franc CFA en janvier 1994, les prix
des produits de première nécessité, ainsi que les prix de
la consommation en eau, électricité, produits pétroliers
subissent de constantes augmentations dans l'Etat camerounais, on ne peut que
déplorer une action limitée à la simple verve oratoire.
De même, il est regrettable qu'aucune organisation de la
société civile ne s'investisse dans la protection des droits
fondamentaux à l'instar d'une ligue des droits de l'homme comme il en
existe au Bénin. Une organisation parallèle à la CNDHL
qui, devant les carences que celle-ci peut présenter, ne pourra
qu'imprimer son empreinte sur ce terrain sensible de la protection des
droits.
Au demeurant, si les organisations de la société
civile au Cameroun participent plus de la promotion des droits fondamentaux
qu'à leur protection stricto sensu, c'est en grande partie
dû aux limites non négligeables qui entravent leur action.
PARAGRAPHE 2.- UN ROLE FORTEMENT LIMITE
En élaborant les législations qui permettent les
regroupements des individus en associations ou en ONG, il n'est pas clairement
établi que le législateur camerounais ait voulu amputer celles-ci
de leur portée la plus effective. Mais, il n'en demeure pas moins que
des restrictions importantes existent vis-à-vis de la liberté
associative (A) et contribuent à limiter le rôle
de protection de la société civile camerounaise. D'autres
facteurs inhérents à la société civile et
extérieurs à elle participent aussi de cette limitation ; ce
sont les obstacles structurels et conjoncturels (B).
A.- Les restrictions apportées à la
liberté associative
Un cadre juridique adéquat est nécessaire
à l'expression des droits fondamentaux et même de toute
activité au sein d'un Etat. Cela est vrai tant dans le domaine politique
qu'économique et même social. Selon Mme MPESSA, qui milite en tant
que membre de l'Association camerounaise des femmes juristes, (ACAFEJ),
« l'existence d'un climat porteur suppose un cadre juridique qui
permet l'expression libre de la société civile ».
Pour ce faire, poursuit-elle, « il faudrait une loi qui
reconnaît leur existence (des organisations de la
société civile) et prévoit un cadre pour structurer,
financer et coordonner leurs activités. Ce qui n'est pas actuellement le
cas dans notre pays » conclut-elle362(*).
Lorsqu'il consacre le droit fondamental pour les citoyens de
s'associer, le constituant de 1996 laissait au législateur le soin de
délimiter le cadre dans lequel ce droit s'exerce. Les lois prises dans
ce sens font toutefois l'objet de vives critiques, car elles sont
considérées comme des « méthodes de
répression (...) sinueuses pour contrarier ou étouffer l'action
des ONG »363(*). Elles donnent l'impression que l'Etat camerounais,
pour reprendre les propos de M. de SARDAN, « essaie d'encadrer
autant que faire se peut l'action qui se déploie sur son
territoire »364(*).
Avec la loi n° 90/053, l'association au Cameroun est
soumise à un double régime : celui de la déclaration
et celui de l'autorisation. Le régime de la déclaration est
privilégié lorsque dans la pratique toutes les conditions pour la
constitution d'une association sont réunies et le pouvoir
discrétionnaire de l'administration est ici atténué.
Toutefois, les associations étrangères et religieuses sont
soumises à un régime plus strict et relèvent du
régime de l'autorisation365(*).
Une fois en activité, les associations sont sous
contrôle administratif et judiciaire. Le contrôle administratif se
fait pour veiller à ce que l'association exerce ses activités en
conformité avec la législation en vigueur. Si ce n'est pas le
cas, le Ministre de l'Administration territoriale (MINAT) peut, par
arrêté, sur proposition motivée du préfet, suspendre
pour un délai maximum de 3 mois, l'activité de toute association
pour trouble de l'ordre public. Il peut également dissoudre toute
association qui s'écarte de son objet et dont les activités
portent gravement atteinte à l'ordre public et à la
sécurité de l'Etat.
On peut craindre les dérives dans l'application de
telles sanctions par l'administration, car la notion d' ``ordre
public'' a un contenu fluctuant en droit camerounais. C'est ainsi
qu'à titre d'exemple, l'administration avait suspendu l'association
dénommée Comité d'action populaire pour la liberté
et la démocratie (Cap-Liberté) le 13 juillet 1991, au
prétexte que cette association de défense des droits humains
s'était écartée de son objet en tenant de réunions
politiques, alors qu'elle n'était pas un parti politique366(*). L'ordre public s'en
trouvait donc fortement menacé. Cependant, l'administration camerounaise
ne spécifie pas en quoi consiste le trouble d'ordre public, pas plus
qu'elle ne définit l'ordre public367(*).
De plus, les atteintes à la législation sur la
liberté d'association sont sanctionnées par le juge. Ce sont soit
une peine d'emprisonnement allant de 15 jours à 6 mois, soit une amende
de 100.000 à 1.000.000 FCFA pour les administrateurs d'associations
étrangères fonctionnant sans autorisation. Les dirigeants d'une
association religieuse qui se refusent à présenter des comptes et
états financiers prévus à l'article 27 de la loi de 1990
risquent une peine d'emprisonnement allant de 6 mois a 2 ans. Le juge peut
même, le cas échéant, ordonner la fermeture des locaux de
l'association et interdire les réunions de celle-ci.
La liberté associative se trouve ainsi encadrée
dans l'ordre juridique camerounais, ce qui a conduit un auteur à
écrire que si elle « est une réalité (...)
il ne fait pas de doute qu'elle reste en liberté
surveillée »368(*). Et le régime du mouvement associatif n'a pas
plus évolué avec la loi sur les ONG qui n'est rien moins qu'
« une excroissance normative » de la loi sur les
associations369(*).
Au travers de cette loi, « le législateur
semble (...) s'être imposé le devoir à la fois de prendre
en compte les revendications de la société civile
organisée autour d'ONG et celui de poser un cadre juridique de
contrôle et de stimulation des activités des ONG »,
souligne M. AMOUGUI370(*). Cependant, elle établit un statut pour ces
organisations qui génèrent d'énormes
difficultés.
Tout d'abord, pour accéder au statut d'ONG, il faut
préalablement être une association déclarée ou
autorisée, produire un rapport d'évaluations des activités
de 3 ans au moins, ainsi que le programme d'activités dans l'un des
domaines reconnus à l'article 3 de la loi de 1999371(*).
Le MINAT et les pouvoirs publics ont dès lors des
prérogatives considérables aussi bien au niveau de l'organisation
et du fonctionnement de l'ONG qu'au niveau de sa dissolution. C'est ainsi
qu'alors que l'article 12 alinéa 1 de la loi de 1999 prévoit que
les ONG s'administrent librement, la suite de la disposition impose le respect
de la législation et des statuts.
Ces derniers doivent contenir les dispositions
énonçant le mandat, les attributions et le régime de
responsabilité du personnel dirigeant de même que les dispositions
financières relatives aux ressources de l'organisation,
l'exclusivité de leur affectation et le contrôle interne et
externe qui fait intervenir les services publics compétents.
Ce régime strict appliqué aux ONG se poursuit
avec la soumission aux règles de la publicité légale pour
tous les actes qui influencent leur organisation et leur fonctionnement. Elles
doivent en outre transmettre au MINAT tous les états et comptes ainsi
que leurs rapports et programmes annuels d'activité dans un délai
de 60 jours.
Le MINAT peut du reste, par arrêté, et
après avis de la Commission technique, suspendre ou dissoudre toute ONG
dont les activités s'écartent de son objet ou portent atteinte
à l'ordre et à la sécurité de l'Etat,
conformément à l'article 22 de la loi de 1999 comme c'est le cas
pour les associations.
Au total, le régime appliqué aux ONG singularise
et est révélateur d'un ensemble de restrictions à la
liberté associative dans la société camerounaise. Pour M.
AMOUGUI, cette législation camerounaise présente un
caractère pour l'essentiel « ambigu mais surtout
restrictif et coercitif »372(*). Elle ne permet pas de constituer un ``climat
porteur'' favorable à un travail véritable des ONG, et
partant des organisations de la société civile. Il conviendrait
alors que les lourdes exigences administratives soient allégées,
afin que les citoyens puissent par des mécanismes institués par
eux-mêmes participer à la protection de leurs droits. Toutefois,
d'autres pesanteurs se font sentir sur le travail des organisations de la
société civile.
B.- Les contraintes structurelles et conjoncturelles à
l'action des organisations de la société civile camerounaise
Ces contraintes s'entendent pour l'essentiel du manque de
ressources en matériel et en personnel dont se plaignent bon nombre
d'organisations de la société civile camerounaise, et des
contraintes nées sur le terrain de la protection des droits dans
l'Etat.
Les ONG et associations de la société civile
accusent souvent une carence relativement au nombre de personnes utiles aux
opérations de promotion et de protection des droits fondamentaux et
à la formation même de ces personnes. Le manque de ressources
financières est généralement visible, surtout pour les
organisations qui ne sont pas des structures représentant des ONG ayant
un rayonnement international. Or, comme le souligne à juste titre Mme
NDINE MPESSA, « aucune action efficace ne peut être
menée sans partenaires et sans moyens
financiers »373(*). L'argent est effectivement le nerf de la guerre,
surtout sur un terrain aussi sensible que celui de la promotion et de la
protection des droits humains.
En effet, avec des ressources financières
appropriées, les organisations de la société civile
peuvent mener des campagnes de sensibilisation et d'éducation des
citoyens aux droits fondamentaux et à la démocratie. Elles
peuvent de plus mener bon nombre de descentes sur le terrain, dans les
campagnes et pas seulement se confiner aux centres urbains de l'Etat
camerounais.
Un autre aspect important est celui de la formation des
membres des organisations aux droits fondamentaux qui peut être prise en
compte, car ceux-ci « doivent se former eux-mêmes et
acquérir leurs expériences pratiques sur le
terrain », ainsi que le constate Mme MOTO ZEH374(*). En effet, les formations de
ce type se font généralement hors des Etats africains et ont un
coût onéreux qui n'est pas à la portée de tous.
« Bénéficier d'une bourse n'est pas toujours
évident, que ce soit des bailleurs des fonds internationaux ou des
administrations publiques de tutelles », écrit en
conclusion cette militante pour la protection des droits humains375(*). Il est alors possible de
penser que ce manque de formation d'un personnel déjà insuffisant
puisse constituer un véritable obstacle à la promotion et
à la protection des droits par les organisations de la
société civile. Comment sensibiliser d'autres individus à
des aspects de droit que l'on ne maîtrise pas soi-même ? Tel
est le problème qui se pose aux membres des organisations de la
société civile camerounaise.
Pour ce qui est des contraintes rencontrées par les
organisations sur le terrain pratique de la protection des droits, elles
surviennent surtout du fait des résistances socioculturelles
générées par les comportements et usages au sein de la
société camerounaise. C'est ainsi, par exemple, que les
organisations pour la protection des droits des femmes se heurtent souvent
« au poids des systèmes socioculturels qui encouragent le
mariage précoce des filles impubères (...) ; les mutilations
génitales féminines (...) ; le
patriarcat... »376(*). Ces attitudes sont autant de freins à
l'activité des ONG en ce sens qu'elles contribuent à entretenir
un statu quo dans la société et partant de là,
cultivent un esprit réfractaire à l'émancipation et
à l'ouverture aux droits fondamentaux.
En sus de ce genre d'obstacles, les organisations de la
société civile se heurtent aussi à une certaine apathie
des citoyens. Ces derniers qui devraient au premier abord être
concernés par la problématique de la garantie des droits qui leur
sont reconnus, font souvent montre d'un total désintéressement
pour les initiatives en rapport avec lesdits droits. Ce qui met en exergue la
problématique de leur représentation par les organisations de la
société civile camerounaise. C'est ainsi que dans une
étude sur ``la connaissance du processus électoral par la
population camerounaise'' menée dans les villes de Douala et
Bamenda au Cameroun377(*), Mme MENGUE arrive à la conclusion qu'un tel
processus est totalement ignoré par une grande partie de la population
de ces deux villes. Les initiatives menées, aussi bien par l'Etat que
par les organisations de la société civile, pour les sensibiliser
ne rencontrent pas un écho particulier dans ces franges de la
population. Il en résulte un enracinement de certaines
croyances378(*) qui
rendent compte du découragement qui envahit le citoyen camerounais face
à la situation politique et économique que connaît
l'Etat.
Au total, l'activité des organisations de la
société civile camerounaise tend pour l'essentiel à
apporter aux citoyens une véritable culture et une ouverture aux valeurs
de la démocratie et de l'Etat de droit. Mais, elle prête le flanc
à un vaste ensemble de limites qui rendent compte de l'absence d'un
rôle véritable de protection des droits par ces mécanismes.
On en vient alors à reprendre à notre compte une interrogation de
M. Janvier ONANA relativement à la société civile
camerounaise, qui consiste à se demander si celle-ci ne constitue tout
simplement pas une « pure illusion
structurelle »379(*). En effet, bien que passablement structurée,
l'insuffisance d'actions tangibles peut contribuer à rendre
inopérationnelles et inconnues les organisations qui la composent. La
société civile ne sera pas, en conséquence, perçue
dans l'ordre juridique camerounais comme un véritable mécanisme
mis à la disposition du citoyen pour garantir ses droits.
Une plus grande implication de ses organisations dans le
domaine de la protection des droits fondamentaux serait primordiale, afin que
les luttes commencées au début des années 1990 puissent
produire les résultats bénéfiques que l'on espérait
déjà à cette époque. L'instauration d'un
véritable Etat de droit au Cameroun au sein duquel les droits reconnus
sont garantis tant par les protecteurs juridictionnels que par ceux non
juridictionnels, au rang desquels les mécanismes de la
société civile est à ce prix.
CONCLUSION DE LA DEUXIEME PARTIE
Au total, les mécanismes juridictionnels et non
juridictionnels de protection des droits fondamentaux au Cameroun font montre
d'une volonté en vue de favoriser la jouissance par les citoyens des
droits qui leur sont reconnus dans l'ordre juridique camerounais.
En effet, grâce à leur action dynamique et
volontaire, les juges des ordres administratif et judiciaire sanctionnent au
quotidien les violateurs des droits fondamentaux. Cependant, multiples sont les
écueils qui entravent l'exercice d'une action plus efficace. On peut
recenser grosso modo, les entraves à une indépendance
véritable des juges et des obstacles juridiques tels que la permanence
de l'écran législatif dans l'ordonnancement juridique
camerounais. Qui plus est, le juge constitutionnel ne participe pas à
cette dynamique de protection des droits instaurée par les deux premiers
juges, en raison des conditions draconiennes affectées au contrôle
de constitutionnalité des lois au Cameroun, et qui ferme la porte du
prétoire simple particulier.
Dès lors, les mécanismes juridictionnels se
révèlent insuffisants pour assurer une protection effective et
efficace des droits fondamentaux des citoyens. Mais, les mécanismes non
juridictionnels qui se doivent de les compléter n'échappent pas
eux aussi aux critiques relatives à leur indépendance
structurelle, surtout s'agissant des autorités administratives
indépendantes. Ces dernières semblent souvent plus être des
excroissances du bras administratif, que des protecteurs des citoyens contre
les pouvoirs publics.
Les citoyens n'ont plus alors d'autres solutions que se
retourner vers les organisations de la société civile. Ces
dernières, au Cameroun, semblent muselées du fait d'un
encadrement de la liberté d'association dans l'ordre juridique
camerounais. En outre, elles participent plus à un rôle de
promotion que de protection des droits fondamentaux, ce qui conduit le plus
souvent à les rendre totalement inconnues aux yeux de la majorité
des citoyens camerounais.
CONCLUSION GENERALE
En pleine moitié de l'année 1990 qui devait
constituer l'année charnière d'une ouverture à la
démocratie libérale au Cameroun, M. Paul BIYA, président
du Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais (RDPC) et
président de la République du Cameroun, donnait cette
définition de la démocratie : « ...La
démocratie, c'est avant tout la liberté.
· Liberté de la presse,
· Liberté d'opinion,
· Liberté d'expression,
· Liberté d'association,
· Elections libres.
(...) La démocratie se définit aussi
par :
· L'indépendance de la magistrature,
· Le respect des droits de l'homme.
(...) La démocratie, c'est aussi :
· Le respect de la loi, car un peuple et un Etat ne
sont forts que quand les lois sont fermes, appliquées avec rigueur et
respectées par tous,
· La démocratie c'est aussi le respect des
droits et des idées de l'autre,
· La réciprocité des obligations des
uns vis-à-vis des autres ! »
Et il en concluait que « nous ne sommes pas si
éloignés de nos idéaux de démocratie et de
liberté, mais, nous devons toujours aller de l'avant et faire en sorte
que ce qui est l'idéal se transforme en
réalité... »380(*).
Indubitablement, démocratie, Etat de droit et droits
fondamentaux sont un triptyque indissociable dans tout Etat qui se veut
libéral et constituent l'idéal à atteindre en son sein.
Les droits fondamentaux se doivent ainsi, dans toute société,
d'être reconnus, respectés, mais surtout, protégés,
afin que les citoyens puissent véritablement en
bénéficier.
Au Cameroun, « en sommes-nous si
éloignés » ? Pour reprendre le questionnement
du président BIYA. Sommes-nous si éloignés d'une garantie
fiable des droits fondamentaux devant aboutir à un véritable Etat
de droit au sein de l'Etat camerounais ? La réponse ne doit pas
prêter à équivoque. La garantie des droits fondamentaux
existe au Cameroun, mais elle est imparfaite et demeure perfectible. S'il est
vrai que beaucoup a été fait dans le sens de son
édification, beaucoup reste également à faire pour qu'elle
tende vers la perfection. En effet, elle est sujette à des limitations
tant au niveau de la garantie matérielle que de la garantie pratique des
dits droits.
Au niveau de la garantie matérielle, le Cameroun a
résolument pris le chemin d'une législation largement favorable
aux droits humains, ce qui a conduit le Pr POUGOUE à parler d'une
avancée significative dans ce domaine381(*). C'est que les droits fondamentaux ont
singulièrement influencé la législation camerounaise dans
son ensemble, ce qui a conduit dans cet ordre juridique à une large
consécration textuelle des droits au profit des citoyens. Les droits
fondamentaux sont ainsi proclamés dans la constitution, dans divers
textes législatifs et même réglementaires.
Toutefois, si cette garantie matérielle semble
satisfaisante, des difficultés surviennent à ce stade. On peut
par exemple relever l'hypothèse de la survenance de conflits entre des
normes constitutionnelles, surtout entre certains droits fondamentaux des
citoyens. De plus, la législation camerounaise fait une grande place
à des situations d'exception au cours desquelles l'exercice des droits
peut être mis entre parenthèses, et créer ainsi de
multiples désagréments aux citoyens. Des dérives dans
l'application de ces législations d'exception peuvent survenir et il est
alors important que les droits soient protégés de manière
convenable.
Pour bénéfique que puisse être la
proclamation des droits, il est admis qu'isolée, elle ne peut suffire et
doit être accompagnée de la protection de ceux-ci. C'est la phase
de la garantie pratique. Cette dernière au Cameroun, recèle bien
des insuffisances en ce qui concerne les mécanismes juridictionnels et
non juridictionnels affectés à la protection des droits
fondamentaux.
En ce qui concerne la protection juridictionnelle des droits
fondamentaux, les limites essentielles résident dans les
difficultés liées aux recours possibles devant les juges
notamment administratif et constitutionnel, et dans la problématique du
statut du juge camerounais.
Relativement au recours devant le juge administratif
camerounais, la permanence de l'écran législatif dans cet
ordonnancement juridique et la sévérité du juge concernant
la règle du recours gracieux préalable sont les points d'ombre
qui vicient la protection des droits par ce juge. Il convient que ces deux
obstacles soient assouplis, sinon écartés afin que la
liberté soit toujours le grand vainqueur face à l'arbitraire.
S'agissant du recours devant le juge constitutionnel, on peut
regretter qu'il soit purement et simplement écarté à
l'égard des particuliers, qui sont pourtant ceux qui souffrent
quotidiennement des violations de leurs droits fondamentaux. Cette situation
est fortement préjudiciable à la protection des droits dans
l'espace juridique camerounais, car des lois inconstitutionnelles peuvent alors
continuer de recevoir application au détriment des libertés des
citoyens.
On ne peut qu'appeler de nos voeux l'introduction dans l'ordre
juridique camerounais d'un recours direct par les particuliers devant le juge
constitutionnel, garantie à n'en point douter essentielle pour une
protection optimale des droits humains dans cet Etat.
De plus, l'aménagement d'un statut qui garantisse
l'indépendance de la magistrature camerounaise ne peut qu'être
tout aussi favorable à une protection pérenne des droits. En
effet, le juge judiciaire ou administratif camerounais souffre cruellement du
sentiment de ``vendu'', ``corrompu'' et ``dépendant''
présumé à son endroit. Il convient donc de l'en
départir, au moins par cet aménagement.
Il lui reviendra par la suite, au moyen d'une jurisprudence
constructive et propice à une émulsion saine des droits au
Cameroun, d'écrire ses lettres de noblesse pour une protection
juridictionnelle effective et efficace des droits fondamentaux dans cet espace
juridique. Il en va de même pour les mécanismes non
juridictionnels de protection de ces droits qui rencontrent également de
multiples obstacles dans leur mise en oeuvre, qu'il s'agisse des
autorités administratives indépendantes ou des organisations de
la société civile.
S'agissant des autorités administratives
indépendantes à portée générale et
sectorielle, les contraintes structurelles et conjoncturelles qui pèsent
sur elles, empêchent qu'elles participent de quelque façon que ce
soit à la protection des droits fondamentaux des citoyens. La nouvelle
Commission Nationale des Droits de l'Homme et des Libertés (CNDHL), le
Conseil National de la Communication (CNC), et l'Observatoire National des
Elections (ONEL) accusent encore le coup d'une dépendance de leurs
différentes institutions vis-à-vis du pouvoir exécutif.
Sans doute faudrait-il revoir, comme le préconise le Pr POUGOUE,
« leur conception d'ensemble »382(*), afin de les rendre plus
efficaces dans le domaine de la garantie des droits fondamentaux au Cameroun.
Mais plus encore, il convient d'en appeler à la volonté politique
des décideurs camerounais, afin qu'ils mettent en place des structures
fiables, indépendantes et véritablement affectées à
la construction d'un Etat camerounais soucieux de la liberté de ses
citoyens.
En effet, ces citoyens affichent une certaine lassitude face
à la situation politique et socio-économique que traverse leur
pays, à tel point que la dynamique revendicatrice née au
début des années 1990 est actuellement presque inexistante. Les
organisations de la société civile peinent à être
représentatives des différentes franges de la population
camerounaise qui ne se reconnaissent pas en elles. Elles s'analysent
plutôt, du point de vue de leur constitution, comme une «
illusion structurelle »383(*) et non pas comme des structures appelées
à ``gérer la colère collective''384(*) des citoyens
camerounais.
Dès lors, devant un tableau si peu flatteur de la
garantie des droits fondamentaux au Cameroun, nous ne pouvons que constater la
vérification de notre hypothèse de départ. En effet, eu
égard aux différents obstacles relevés tant au niveau de
la garantie matérielle des droits qu'au niveau de sa phase pratique, il
faut poser le constat d'une grande faiblesse de ladite garantie. En
conséquence, il convient alors de tirer les leçons des
différents obstacles relevés et de s'atteler à les
éradiquer par une volonté véritablement affichée
des politiques. C'est cette volonté qui le plus souvent a fait
défaut en Afrique, où les droits fondamentaux ont
été depuis longtemps consacrés, mais le plus souvent
violés aussi.
Il est nécessaire, afin que l'Etat de droit s'inscrive
de façon pérenne dans l'espace juridique camerounais, que
l'édification d'une culture démocratique de tous les citoyens
prenne définitivement corps. Cette culture qui aura pour axiome de base
les droits fondamentaux permettra de faire reculer les derniers bastions
favorables à l'impunité, et à des fléaux sociaux
tels que la corruption, le népotisme, autant de maux susceptibles de
maintenir les Etats africains en général et l'Etat camerounais en
particulier dans un état de ``sous-développement
durable''.
Toutefois, tout n'est pas que sombre dans le ``ciel
juridique camerounais''. Aujourd'hui en effet, il est possible de
disserter sur la garantie des droits au Cameroun, chose qui n'était pas
possible il y'a une quinzaine d'années dans un régime de parti
unique. Un régime dans lequel les droits les plus
élémentaires ne pouvaient être exercés par leurs
titulaires, un régime qui vivait sous une constante législation
d'exception qui restreignait au maximum les allées et venues des
citoyens camerounais.
Au total, en l'état actuel de sa législation, le
Cameroun a résolument pris le chemin d'un constitutionnalisme
tourné vers les valeurs les plus sacrées de la démocratie
libérale. Mais, ce constitutionnalisme nouveau est-il à
même d'assurer la jouissance optimale par les citoyens de leurs droits
fondamentaux et instaurer ainsi la mise en place d'un véritable Etat de
droit ? Telle est la question qui nous interpelle dès à
présent, afin que puissent être explorées les conditions
les plus saines et les plus propices à l'avènement d'un Etat de
droit stable et prospère, susceptible de jeter les bases d'un
développement optimal des Etats africains dans leur ensemble et du
Cameroun en particulier.
BIBLIOGRAPHIE
OUVRAGES GENERAUX
1) BADIE (Bertrand).- La diplomatie des
droits de l'homme (entre éthique et volonté de puissance),
Paris, Fayard, 2002, 324 p.
2) CABRILLAC (Rémy), FRISON-ROCHE (Marie-Anne),
REVET (Thierry), (dir.).- Libertés et droits
fondamentaux, 7e éd., Paris, Dalloz, 2001, 876 p.
3) DEBBASCH (Charles), PONTIER (Jean-Marie), BOURDON
(Jacques), RICCI (Jean-Claude).- Droit constitutionnel et
institutions politiques, 4e éd., Paris, Economica, 2001,
1033 p.
4) DEGNI SEGUI (René).- Les droits
de l'homme en Afrique noire francophone (Théories et
réalités), 2e éd., Abidjan, Ed. CEDA,
2001, 343 p.
5) DUGUIT (Léon), Traité de
droit constitutionnel, Tome V, Les libertés publiques,
2e éd., Paris, Ed. Cujas, 1927, 703 p.
6) KELSEN (Hans).- La démocratie,
Sa nature- Sa valeur, traduction de EISENMANN (Charles),
Paris, Economica, Coll. « Classiques », Série
politique et constitutionnelle, 1988, 98 p.
7) LAVROFF (Dmitri Georges).- Les
systèmes constitutionnels en Afrique noire, Les Etats francophones,
Paris, Ed. A. Pedone, 1976, 197 p.
8) LEBRETON (Gilles).- Libertés
publiques et droits de l'homme, 4e éd., Paris, Armand
Colin, 1999, 521 p.
9) LECLERQ (Claude).- Libertés
publiques, 4e éd., Paris, Litec, 2000, 310 p.
10) MADIOT (Yves).- Considérations
sur les droits et les devoirs de l'homme, Bruxelles, Bruylant, 1998, 264
p.
11) MASSINA (Palouki).- Droits de
l'homme, libertés publiques et sous-développement au Togo,
Les nouvelles éditions africaines du Togo, 1997, 246 p.
12) MBAYE (Kéba).- Les Droits de
l'Homme en Afrique, Paris, Ed. A. Pedone, 1992, 312 p.
13) MINKOA SHE (Adolphe).- Droits de
l'homme et droit pénal au Cameroun, Paris, Economica, Coll.
« La Vie du Droit en Afrique », 1999, 321 p.
14) RIVERO (Jean).- Les libertés
publiques, Tome I, Les droits de l'homme, 8e éd., Paris,
P.U.F., avril 1997, 262 p.
15) ROBERT (Jacques), DUFFAR (Jean).-
Droits de l'homme et libertés fondamentales, 7e
éd., Paris, Montchrestien, 1999, 909 p.
16) ROULAND (Norbert), PIERRE-CAPS (Stéphane),
POUMAREDE (Jacques).- Droit des minorités et des peuples
autochtones, Paris, P.U.F., 1996, 581 p.
17) SUDRE (Frédéric).-
Droit européen et international des droits de l'homme,
5e éd., Paris, P.U.F., 2001, 536 p.
- Droit international et européen des droits de
l'homme, Paris, P.U.F., 1989, 302 p.
18) TURPIN (Dominique).- Libertés
publiques et droits fondamentaux, Paris, Ed. du Seuil, févr. 2004,
623 p.
19) VEDEL (Georges).- Droit
constitutionnel, Paris, Sirey, 1949, 616 p.
20) WACHSMANN (Patrick).- Libertés
publiques, 3e éd., Paris, Dalloz, 2000, 542 p.
21) YACOUB (Joseph).- Les
minorités : Quelle protection ?, Paris, Desclée de
Brouwer, 1995, 398 p.
OUVRAGES SPECIALISES
1) CAMBOT (Pierre).- La protection
constitutionnelle de la liberté individuelle en France et en
Espagne, Paris, Economica, Presses Universitaires Aix-Marseille, 1998,
513 p.
2) DELPEREE (Francis) (dir.).- Le recours
des particuliers devant le juge constitutionnel, Paris, Economica,
Bruxelles, Bruylant, 1991, 221 p.
3) FAVOREU (Louis) (dir.).- Cours
constitutionnelles européennes et droits fondamentaux, Paris,
Economica, Presses Universitaires Aix-Marseille, 1987, 540 p.
4) GENEVOIS (Bruno).- La jurisprudence du
conseil constitutionnel, principes directeurs, Paris, Ed. Sciences et
Techniques Humaines (STH), 1988, 401 p.
5) KUENGIENDA (Martin).- La protection
des libertés publiques :comparaison des systèmes
français et anglo-saxons, Paris, L'Harmattan, 2002, 348 p.
6) LUCHAIRE (François).- Le
Conseil constitutionnel, 2e éd., Paris, Economica, 1998,
259 p.
7) LUCHAIRE (François).- La
protection constitutionnelle des droits et libertés, Paris,
Economica, 1987, 501 p.
8) RIVERO (Jean).- Le Conseil
constitutionnel et les libertés, 2e éd., Paris,
Economica, Presses Universitaires Aix-Marseille, 1987, 192 p.
9) ROBERT (Jacques).- Le juge
constitutionnel, juge des libertés, Paris, Montchrestien, 1999, 181
p.
10) OLINGA (Alain Didier).- L'ONEL :
Réflexions sur la loi camerounaise du 19 décembre 2000 portant
création d'un Observatoire National des Elections, Yaoundé,
Presses de l'U.C.A.C., 2001, 74 p.
ARTICLES
1) BADARA FALL (Alioune).- ``Le juge, le
justiciable et les pouvoirs publics: pour une appréciation
concrète de la place du juge dans les systèmes politiques en
Afrique'', Actes des deuxièmes journées scientifiques du
Réseau Droits fondamentaux de l'A.U.F., Les défis des droits
fondamentaux, Extrait, 29 sept.-2 oct. 1999, Bruxelles, Bruylant, 2000,
pp. 309-346.
2) BEGOUDE (Jean-Pierre).- ``La loi du 10
janvier 1997 contre la torture, un pas en avant dans la protection des droits
de l'homme au Cameroun'', Juridis périodique n° 39,
juil.-août-sept. 1999, pp. 77-88.
3) BOUKONGOU (Jean-Didier).-
``Indépendance du pouvoir judiciaire et la protection des droits de
l'homme à la lumière de la jurisprudence constitutionnelle de la
Cour Suprême du Congo'', Société africaine de droit
international et comparé, Actes du neuvième congrès
annuel, 4-6 août 1997, Glasgow, SADIC, 1997, pp. 331-352.
4) BOURGI (Albert).- ``L'évolution du
constitutionnalisme en Afrique'', Revue Française de Droit
Constitutionnel, Paris, P.U.F., n° 52, oct.-déc. 2002, pp.
721-748.
5) BUTLER (Andrew), SCOFFONI (Guy).- ``Le
système constitutionnel néo-zélandais et la protection des
libertés (sur la difficile conciliation entre constitutionnalisme et
common law britannique)'', R.F.D.C., Paris, P.U.F, n° 37, mai 1999, pp.
49-75.
6) DIAGNE (Mayacine).- ``La mutation
fonctionnelle de la justice constitutionnelle en Afrique : l'exemple du
Conseil constitutionnel sénégalais'', Société
africaine de droit international et comparé, 4-6 août 1997,
Glasgow, SADIC, 1997, pp. 97-112.
7) DJUIDJE (Brigitte).- ``Le statut du juge
judiciaire camerounais : un tableau contrasté'', Annales de la
Faculté des Sciences Juridiques et Politiques- Université de
Dschang, Tome 3, Yaoundé, Presses Universitaires d'Afrique, 1999, pp.
45-66.
8) ETONGUE MAYER (Eva Jacqueline).- ``Le
comité national des droits de l'homme et des libertés au
Cameroun'', Cahier africain des droits de l'homme, n°9, Mai 2003, APDHAC,
Yaoundé, Presses de l'U.C.A.C., 2003, pp. 229-266.
9) FRAISSEIX (Patrick).- ``Les droits
fondamentaux, prolongement ou dénaturation des droits de
l'homme ?'', Revue de Droit Public, n° 2, mars-avr. 2001, pp.
531-553.
10) FIERENS (J.).- ``La Charte africaine des
Droits de l'Homme et des Peuples au regard de la théorie des droits
fondamentaux'', Revue Burkinabè de Droit, n° 18, juil.1990, pp.
251-283.
11) HANGARTNER (Yvo).- ``La protection des
droits constitutionnels en Suisse'', Mélanges Michel FROMONT, Presses
Universitaires de Strasbourg, 2001, pp.267-283.
12) JAN (Pascal).- ``Le conseil
constitutionnel'', Pouvoirs, Paris, Ed. du Seuil, n° 99, nov. 2001, pp.
71-86.
13) KAMTO (Maurice).- ``Actes de gouvernement
et droits de l'homme'', Cahier africain des droits de l'homme, n°4,
juillet 2000, APDHAC, Yaoundé, Presses de l'U.C.A.C., 2000, pp.
121-139.
14) KAMTO (Maurice).- ``Révision
constitutionnelle ou écriture d'une nouvelle constitution'', Lex Lata,
n° 23-24, févr.-mars 1996, pp. 17-20.
15) KAMTO (Maurice).-
``L'énoncé des droits dans les constitutions des Etats africains
francophones'', R.J.A., n° 2-3, Yaoundé, Presses Universitaires du
Cameroun, 1991, pp. 7-24.
16) KITIO (Edouard).- ``La garde à vue
administrative pour grand banditisme et respect des droits de l'homme au
Cameroun (Application de la loi n° 90/054 sur le maintien de l'ordre)'',
Juridis périodique, n° 30, avr.-mai-juin 1997, pp. 47-56.
17) KOM (Jacqueline).- ``Les droits de la
personnalité et la liberté de communication au Cameroun'',
Juridis périodique, n° 50, avr.-mai-juin 2002, pp. 55-65.
18) MARDIERE (Christophe de la).- ``Retour
sur la valeur juridique de la Déclaration de 1789'', R.F.D.C., Paris,
P.U.F., n° 38, août 1999, pp. 227-256.
19) MOLFESSIS (Nicolas).- ``La dimension
constitutionnelle des libertés et droits fondamentaux'', in
CABRILLAC (Rémy) et alii
(dir.), Libertés et droits fondamentaux, 7e
éd., Paris, Dalloz, 2001, pp. 81-99.
20) MOMO (Bernard).- ``L'Etat de droit au
Cameroun : bilan et perspectives'', n°4, juillet 2000, APDHAC,
Yaoundé, Presses de l'U.C.A.C., 2000, pp. 121-139.
21) MORAND-DEVILLER (Jacqueline).- ``Les
mécanismes non juridictionnels de protection des droits'', Colloque
international, L'effectivité des droits fondamentaux dans les pays
de la communauté francophone, Port-Louis, 29 sept.-1er
oct. 1993, Paris, Ed. Eric Koehler, AUPELF-UREF, 1993, pp. 485-503.
22) MOUANGUE KOBILA (James).- ``Le
préambule du texte constitutionnel du 18 janvier 1996 : de
l'enseigne décorative à l'étalage utilitaire'', Lex Lata,
n° 23-24, févr.-mars 1996, pp. 33-38.
23) NCHOUWAT (Amadou).- ``Les droits de
l'homme : otages de l'exclusivisme de la pensée juridique'', Revue
de Droit Africain, 2e année, n° 8, oct. 1998, pp.
453-459.
24) NGUEKEU DONGMO (Pierre).- ``Le destin de
la chefferie traditionnelle en démocrate pluraliste : se
compromettre ou disparaître ?'', Annales de la F.S.J.P.-
Université de Dschang, Tome 3, Yaoundé, P.U.A., 1999, pp.
5-30.
25) NGUELE ABADA (Marcelin).- ``Ruptures et
continuités constitutionnelles en République du Cameroun :
Réflexions à propos de la réforme constitutionnelle du 18
janvier 1996'', RADIC, juin 1998, Tome 10, n° 2, pp. 308-326.
26) NKOT (Fabien).- ``Les zones grises de la
légitimité scientifique en Afrique noire francophone'', Annales
de la Faculté des Sciences Juridiques et Politiques- Université
de Douala, n° 1, jan.-juin 2002, pp. 252-277.
27) NKOU MVONDO (Prosper).- ``La privation de
liberté au suspect : droits de l'homme et sécurité du
justiciable dans la procédure pénale camerounaise'', RADIC, oct.
2000, Tome 12, n° 3, pp. 509-530.
28) NLEP (Roger Gabriel).- ``Le juge de
l'administration et les normes internes, constitutionnelles ou infra
constitutionnelles en matière de droits fondamentaux'', SOLON, Vol. I,
n° 1, 1999, pp. 135-149.
29) NNANGA (Sylvestre Honoré).- ``La
protection des minorités : principe constitutionnel de
perfectionnement du principe d'égalité ou consécration de
la dictature des minorités ?'', Revue de la Commission africaine
des droits de l'homme et des peuples, Tome 7, n° 2, 1998, pp. 169-191.
30) OLINGA (Alain Didier).- ``Contentieux
électoral et Etat de droit au Cameroun'', Juridis périodique
n° 41, Edition spéciale, jan.-févr.-mars 2000, pp. 35-52.
31) OLINGA (Alain Didier).-
``L'impératif démocratique dans l'ordre régional
africain'', Revue africaine des droits de l'homme, 1999, pp. 55-76.
32) OLINGA (Alain Didier).- ``La protection
des minorités et des populations autochtones en droit public
camerounais'', Revue Africaine de Droit International et Comparé, Tome
10, n° 2, juin 1998, pp. 271-291.
33) OLINGA (Alain Didier).- ``Le pouvoir
exécutif dans la Constitution révisée'', Lex Lata, n°
23-24, févr-mars 1996, pp. 29-32.
34) OLINGA (Alain Didier).-
``L'aménagement de droits et libertés dans la Constitution
camerounaise révisée'', Revue Universelle des Droits de l'Homme,
1996, vol. 8, n° 4-7, pp. 116-126.
35) POUGOUE (Paul Gérard).- ``La
législation camerounaise et la protection des droits de l'homme'',
n°4, juillet 2000, APDHAC, Yaoundé, Presses de l'U.C.A.C., 2000,
pp.101-119.
36) RICHIR (Isabelle).- ``Le Chef de l'Etat
et le juge constitutionnel, gardiens de la constitution'', R.D.P., Paris,
L.G.D.J., 1999, pp. 1047-1066.
37) ROSSATANGA-RIGNAULT (Guy).- ``La Cour
constitutionnelle : pierre angulaire de l'Etat de droit au Gabon ?'',
Société africaine de droit international et comparé, 4-6
août 1997, Glasgow, SADIC, 1997, pp. 260-281.
38) SANDWIDI (Kourita).- ``Les droits
fondamentaux et leur protection dans la Constitution du 02 juin 1991'', R.B.D.,
n° 29, 1er semestre 1996, pp. 9-57.
39) SAVADOGO (Filiga Michel).- ``Le droit et
les droits de l'homme'', R.B.D., n° 35, 1er semestre 1999, pp.
97-104.
40) SINDJOUN (Luc).- ``Les nouvelles
constitutions africaines et la politique internationale : Contribution
à une économie internationale des biens
politico-constitutionnels'', Afrique 2000, n° 21, mai 1995, pp. 37-50.
41) STERN (Klaus).- ``La protection des
droits fondamentaux dans les nouvelles constitutions d'Europe centrale et
orientale'', Mélanges Michel FROMONT, P.U.S., 2001, pp. 415.
42) TEMGAH (Joseph NYAMBO).- ``The
independance of The Judiciary in Emerging Democracies in Africa: the Case of
Cameroon'', Société africaine de droit international et
comparé, 4-6 août 1997, pp. 335-372.
43) TERRE (François).- ``Sur la notion
de libertés et droits fondamentaux'', in CABRILLAC
(Rémy) et alii (dir.), Libertés et droits
fondamentaux, 7e éd., Paris, Dalloz, 2001, pp. 5-9.
44) VASAK (Karel).- ``Les différentes
catégories des droits de l'homme'', A. LAPEYRE, F. De TINGUY, K.
VASAK (dir.), Les dimensions universelles des droits de
l'homme, vol.1, Bruxelles, Bruylant, 318 p., pp. 297-316.
45) VIGNON (Yao Biova).- ``La protection des
droits fondamentaux dans les nouvelles constitutions africaines'', Revue
Nigérienne de Droit, n° 3, Déc. 2000, pp. 77-135.
46) ZAKANE (Vincent), ``Le juge
constitutionnel et la mise en oeuvre de l'Etat de droit en Afrique''
Société africaine de droit international et comparé, 4-6
août 1997, Glasgow, SADIC, 1997, pp. 373-391.
ACTES
DE COLLOQUES
1) Actes du neuvième congrès annuel de la
Société africaine de droit international et comparé,
Abidjan, 4-6 août 1997, Glasgow, SADIC, 1997, 392 p.
2) Actes des 1es journées scientifiques du
Réseau Droits Fondamentaux de l'AUPELF-UREF, Tunis, 9-12 oct.
1996, Les droits fondamentaux, AUPELF-UREF, Bruxelles, Bruylant, 1997,
443 p.
3) Cahier africain des droits de l'homme.-
Penser et réaliser les droits de l'homme en Afrique centrale,
n° 4, Yaoundé, Presses de l'U.C.A.C., juillet 2000, 266 p.
4) Cahier africain des droits de l'homme.-
Droit à la démocratie en Afrique centrale, n° 9,
Yaoundé, Presses de l'U.C.A.C., mai 2003, 353 p.
5) CONAC (Gérard) et MAUS
(Didier).- L'exception d'inconstitutionnalité, Paris,
Ed. STH, Coll. « Les grands colloques », 1990, 143
p.
6) DESOUCHES (Christine) (dir.).- Bilan
des conférences nationales et autres processus de transition,
Conférence régionale africaine, Cotonou- Bénin, 19-23
février 2000, 2e éd, Paris, Ed. Pedone, Bruxelles,
Bruylant, OIF, 2000, 516 p.
7) DRAGO (Guillaume), FRANCOIS (Bastien)
et MOLFESSIS (Nicolas) (dir.).- La
légitimité de la jurisprudence du Conseil constitutionnel,
Colloque de Rennes du 20 et 21 septembre 1996, Paris, Economica, Coll.
« Etudes juridiques », 1999, 415 p.
8) MAUGENEST (Denis) et BOUKONGOU
(Jean-Didier).- Vers une société de droit en Afrique
centrale, Colloque de Yaoundé, 14-16 novembre 2000, Yaoundé,
Presses de l'U.C.A.C., 2001, 459 p.
9) MAUGENEST (Denis) et POUGOUE
(Paul-Gérard) (dir.).- Droits de l'Homme en Afrique
centrale, Colloque de Yaoundé, 9-11 novembre 1994, Yaoundé,
U.C.A.C., Paris, Karthala, 1995, 283 p.
10) MORIN (Jacques Yvan). (dir.).-Les
droits fondamentaux, Actes des premières journées
scientifiques du réseau ``Droits fondamentaux'' de
l'AUPELF-UREF, tenues à Tunis, 9-11 octobre 1996, AUPELF-UREF,
Bruxelles, Bruylant, 1997, 443 p.
11) Organisation internationale de la francophonie
(O.I.F.).- Aspects du contentieux électoral en
Afrique, Actes du séminaire de Cotonou, 11-12 novembre 1998, Paris,
Agence intergouvernementale de la francophonie, janvier 2000, 409 p.
12) Rupture-Solidarité.- L'Afrique
(centrale) des droits de l'homme, n° 3, Paris, Karthala,
Rupture-Solidarité, 2001, 286 p.
RECUEILS DE TEXTES ET DE JURISPRUDENCE
1) COMMUNAUTÉ FRANÇAISE DE BELGIQUE,
AGENCE DE COOPÉRATION CULTURELLE ET TECHNIQUE.- Droits
humains fondamentaux, Recueil de documents internationaux et nationaux,
Bruxelles, 1993, 339 p.
2) DE SCHUTTER (Olivier), TULKENS (Françoise),
VAN DROOGHENBROECK (Sébastien).- Code de droit
international des droits de l'homme, 2e éd., Bruxelles
Bruylant, 2003, 767 p.
3) GUIFFO MOPO (Jean-Philippe).-
Constitutions du Cameroun, Yaoundé, Centre d'Edition et de
Production de Manuels et d'Auxiliaires de l'Enseignement, 1977, 497 p.
4) GAUDUSSON (Jean du Bois de), CONAC (Gérard),
DESOUCHES (Christine) (Textes rassemblés et
présentés par).- Les constitutions africaines publiées
en langue française, Tome I, Bruxelles, Bruylant, La Documentation
française, 1997, 452 p.
5) FAVOREU (Louis), PHILIP (Loïc).-
Les grandes décisions du Conseil constitutionnel, 8e
éd., Paris, Dalloz, 1995, 961 p.
6) LAQUEUR (Walter), RUBIN (Barry) (Textes
réunis par).- Anthologie des droits de l'homme, 2e
éd., Nouveaux Horizons, 1989, 294 p.
7) NGUE (Samuel) (dir.).- Code
pénal, 3e éd., Yaoundé, Ed. MINOS, juin
2004, 792 p.
8) ROBERT (Jacques), OBERDOFF (Henri).-
Libertés fondamentales et droits de l'homme, 3e
éd., Paris, Montchrestien, 1997, 517 p.
9) ROBERT (Jacques).- (Mélanges),
Libertés, Paris, Montchrestien, 1998, 569 p.
10) SOPECAM.- Droits et libertés,
Recueil des nouveaux textes, Yaoundé, SOPECAM, déc. 1990,
396 p.
LEGISLATION
I- CONSTITUTIONS
· Loi n° 96/06 du 18 janvier 1996 portant
révision de la Constitution du 2 juin 1972 ;
· Constitution de la République unie du Cameroun
du 2 juin 1972 ;
· Loi n° 61-24 du 1er septembre 1961
portant révision constitutionnelle et tendant à adapter la
Constitution actuelle aux nécessités du Cameroun
réunifié ;
· Constitution du 4 mars 1960.
II- DECRETS
· Décret n° 95/048 du 8 mars 1995 portant
Statut de la Magistrature ;
· Décret n° 91/287 du 21 juin 1991 portant
sur l'organisation et le fonctionnement du Conseil national de la
communication ;
· Décret n° 90/1459 portant création
du comité national des droits de l'homme ;
· Décret n° 77/245 du 15 juillet 1977 portant
organisation des Chefferies traditionnelles.
III- LOIS
· Loi n° 2004-16 du 22 juillet 2004 portant
création, organisation et fonctionnement de la Commission nationale des
droits de l'homme et des libertés ;
· Loi n° 2004-4 du 21 avril 2004 portant
organisation et fonctionnement du Conseil constitutionnel ;
· Loi n° 2004-5 du 21 avril 2004 fixant le statut
des membres du Conseil constitutionnel ;
· Loi n° 99-14 du 22 décembre
régissant les organisations non gouvernementales ;
· Loi n° 92/010 du 17 septembre 1992 fixant les
conditions d'élection et de suppléance à la
Présidence de la République ;
· Loi n° 90/047 du 19 décembre 1990 relative
à l'état d'urgence ;
· Loi n° 90/052 du 19 décembre 1990 relative
à la liberté de communication sociale modifiée et
complétée par la loi n° 96/04 du 4 janvier 1996 ;
· Loi n° 90/053 du 19 décembre 1990 portant
sur la liberté d'association ;
· Loi n° 90/054 du 19 décembre 1990 relative
au maintien de l'ordre ;
· Loi n° 90/055 du 19 décembre 1990 portant
régime des réunions et des manifestations publiques ;
· Loi n° 90/056 du 19 décembre 1990 relative
aux partis politiques ;
· Loi n° 75/17 du 8 décembre 1975 fixant la
procédure devant la Cour suprême statuant en matière
administrative ;
MEMOIRES, COURS ET SEMINAIRES
1) AHADZI (Koffi).- Droits de la personne
et développement en Afrique, Séminaire, DEA, Chaire UNESCO
des droits de la personne et de la démocratie, UAC, Bénin,
2003-2004, 80 p.
2) AHOUANDJINOU (Grégoire
Désiré).- La protection constitutionnelle des droits
de l'homme au Bénin de 1990 à nos jours, Mémoire de
DEA, Chaire UNESCO des droits de la personne et de la démocratie, UAC,
Bénin, août 2001, 77 p.
3) GERARD (Philippe).- Philosophie des
droits de l'homme, Cours, Chaire UNESCO des droits de la personne et de la
démocratie, Université d'Abomey-Calavi, Bénin, 2003-2004,
159 p.
4) DE SCHUTTER (Olivier).- Droit
matériel des droits de la personne, Chaire UNESCO des droits de la
personne et de la démocratie, UAC, Bénin, 2003-2004, 159 p.
TABLE DES MATIERES
DEDICACES
I
REMERCIEMENTS
II
SIGLES ET ABREVIATIONS
III
SOMMAIRE
V
INTRODUCTION GENERALE
1
PREMIERE PARTIE : LA CONSTANCE DE LA
CONSECRATION DES DROITS FONDAMENTAUX DANS L'ORDRE JURIDIQUE CAMEROUNAIS
14
CHAPITRE I : LA DYNAMIQUE CONSTITUTIONNELLE DE
PROCLAMATION DES DROITS FONDAMENTAUX AU CAMEROUN
16
SECTION I : LA PROCLAMATION
PREAMBULAIRE DES DROITS FONDAMENTAUX, CHOIX DU CONSTITUANT
CAMEROUNAIS
16
PARAGRAPHE 1.- UN PREAMBULE A LA VALEUR
CONSTITUTIONNELLE INCERTAINE
17
A.- La controverse doctrinale sur la valeur
juridique du préambule
17
B.- Les incertitudes de la jurisprudence
19
PARAGRAPHE 2.- LA DECLARATION EXPRESSE DE LA VALEUR
CONSTITUTIONNELLE DU PREAMBULE
23
A.- La constitutionnalisation des dispositions du
préambule
24
B.- Le rejet de la thèse de la
supra-constitutionnalité du préambule
26
SECTION II : L'EDIFICATION D'UN
BLOC DE CONSTITUTIONNALITE FAVORABLE AUX DROITS
FONDAMENTAUX
27
PARAGRAPHE 1.- LES REFERENCES INITIALES DU BLOC DE
CONSTITUTIONNALITE
28
A.- La Déclaration Universelle des Droits de
l'Homme
28
B.- La Charte des Nations-Unies
29
PARAGRAPHE 2.- LES NOUVEAUX ELEMENTS DU BLOC DE
CONSTITUTIONNALITE
31
A.- La Charte Africaine des Droits de l'Homme et
des Peuples
31
B.- Les instruments juridiques internationaux
relatifs aux droits de l'homme
32
CHAPITRE II : LA DIVERSITE DES DROITS
FONDAMENTAUX CONSACRES
35
SECTION I : L'AFFIRMATION DES
DROITS CLASSIQUES
36
PARAGRAPHE 1.- LA PROCLAMATION PROLIXE DES DROITS
DE LA PREMIERE GENERATION
36
A.- Le contenu hétéroclite des droits
civils politiques
37
B.- La portée des droits civils et
politiques
40
PARAGRAPHE 2.- LA PROCLAMATION RESERVEE DES DROITS
DES DEUXIEME ET TROISIEME GENERATIONS
44
A.- Des droits d'une justiciabilité
équivoque
45
B.- Des droits programmatiques
47
SECTION II : LA CONSECRATION DE
DROITS ORIGINAUX
49
PARAGRAPHE 1.- LA PROTECTION DES VALEURS
TRADITIONNELLES
50
A.- La notion de chefferie traditionnelle
50
B.- Le statut du chef traditionnel
52
PARAGRAPHE 2.- LA PROTECTION DES MINORITES ET DES
POPULATIONS AUTOCHTONES
54
A.- Les notions de
« minorité » et d'
« autochtone »
55
1.- La notion de
« minorité »
55
2.- La notion d'
« autochtone »
57
B.- L'étendue de la protection
59
CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE
63
DEUXIEME PARTIE : LA TIMIDE PROTECTION
DES DROITS FONDAMENTAUX AU CAMEROUN
64
CHAPITRE I : LES MECANISMES JURIDICTIONNELS DE
PROTECTION DES DROITS FONDAMENTAUX
66
SECTION I : L'ACTION VOLONTAIRE
DES JUGES DES ORDRES JUDICIAIRE ET ADMINISTRATIF
66
PARAGRAPHE 1.- LE ROLE TRADITIONNEL DU JUGE
JUDICIAIRE EN MATIERE DE PROTECTION DES DROITS FONDAMENTAUX
67
A-. L'audace du juge judiciaire, protecteur des
droits fondamentaux
67
B.- L'action du juge judiciaire en matière
de protection des droits fondamentaux, une action fortement limitée
71
PARAGRAPHE 2.- LE ROLE EVOLUTIF DU JUGE
ADMINISTRATIF DANS LA GARANTIE DES DROITS FONDAMENTAUX
74
A.- Le contrôle de la validité des
actes administratifs : un contrôle de l'administration favorable
à la protection des droits fondamentaux
75
B.- Les obstacles à une véritable
efficacité du juge administratif
77
1.- Les obstacles d'ordre juridique
77
2.- Les obstacles d'ordre sociologique
82
SECTION II : L'INTERVENTION
HYPOTHEQUEE DU JUGE CONSTITUTIONNEL EN MATIERE DE PROTECTION DES DROITS
FONDAMENTAUX
83
PARAGRAPHE 1.- LE CONTROLE DE LA CONSTITUTIONNALITE
DES LOIS, UN CONTROLE FAVORABLE A LA PROTECTION DES DROITS FONDAMENTAUX
84
A.- De par le statut de l'organe de
contrôle
85
B.- De par la portée des décisions du
juge constitutionnel
87
PARAGRAPHE 2.- L'INAPTITUDE DU JUGE EN CAS DE
VIOLATION DES DROITS FONDAMENTAUX
89
A.- L'accès restreint au juge
90
B.- L'immunité de la loi
promulguée
91
CHAPITRE II: LES MECANISMES NON JURIDICTIONNELS DE
PROTECTION DES DROITS FONDAMENTAUX
94
SECTION I : LES AUTORITES
ADMINISTRATIVES INDEPENDANTES
94
PARAGRAPHE 1.- LE MECANISME DE PORTEE
GENERALE : LA COMMISSION NATIONALE DES DROITS DE L'HOMME ET DES LIBERTES
(CNDHL)
95
A.- Les garanties présentées par la
CNDHL pour la protection des droits fondamentaux
96
1.- La relative autonomie de la CNDHL
96
2.- L'ampleur des attributions de la CNDHL en
matière de protection des droits
98
B.- Les limites à l'activité de la
Commission nationale des droits de l'homme et des libertés
101
PARAGRAPHE 2.- LES MECANISMES DE PORTEE
SECTORIELLE
103
A.- Le secteur des élections : la
garantie des droits électoraux par l'Observatoire national des
élections (ONEL)
103
1.- Le statut et la structuration de l'ONEL
104
2.- L'ONEL et sa mission de garant des droits
électoraux
106
B.- Le secteur de la communication : le
Conseil national de la communication (CNC)
108
SECTION II : L'EMERGENCE DE LA
SOCIETE CIVILE DANS LA PROTECTION DES DROITS FONDAMENTAUX
112
PARAGRAPHE 1.- UN ROLE PLUS PROMOTIONNEL QUE
PROTECTEUR
113
A.- L'affirmation du rôle de promotion des
mécanismes de la société civile camerounaise
114
B.- La quasi-inexistence du rôle de
protection
115
PARAGRAPHE 2.- UN ROLE FORTEMENT LIMITE
116
A.- Les restrictions apportées à la
liberté associative
117
B.- Les contraintes structurelles et
conjoncturelles à l'action des organisations de la société
civile camerounaise
120
CONCLUSION DE LA DEUXIEME PARTIE
123
CONCLUSION GENERALE
124
BIBLIOGRAPHIE
129
* 1 F. SUDRE, Droit
international et européen des droits de l'homme, Paris, P.U.F.,
1989, p. 118.
* 2 Au sens du Pr LECLERCQ,
« une liberté publique se présente comme un aspect
circonscrit de la liberté, traduit en droit par des textes
constitutionnels et/ou internationaux et soumis à un régime de
protection juridique précisé par ces textes et d'autres textes
subséquents qui visent, par des procédures appropriées,
à faire valoir la liberté ainsi définie »,
in Libertés publiques, 3e éd., Paris, Litec,
1996, p. 5.
* 3 M. BEDJAOUI, ``La
difficile avancée des droits de l'homme vers l'universalité'', in
R.U.D.H., V. 1, 1989, p. 9.
* 4 Ibid., p. 10.
* 5 Ibid., p. 10.
* 6 D. TURPIN,
Libertés publiques et droits fondamentaux, Paris, Ed. du Seuil,
Févr. 2004, p. 7.
* 7 Ibid., p. 7.
* 8 Ibid., p. 7.
* 9 Y. B. VIGNON, ``La
protection des droits fondamentaux dans les nouvelles constitutions
africaines'', Revue nigérienne de droit, n° 3, déc. 2000, p.
80.
* 10 Ibid., p. 80.
* 11 Ibid., p. 80.
* 12 Ibid., p. 81.
* 13 Ibid., p. 81.
* 14 K. MBAYE, Les
droits de l'homme en Afrique, Paris, Ed. A. Pedone, 1992, p. 25.
* 15 Y. B. VIGNON, ibid., p.
81.
* 16 Ibid., p. 81.
* 17 R. G. NLEP, ``Le juge
de l'administration et les normes internes, constitutionnelles ou infra
constitutionnelles en matière de droits fondamentaux'', SOLON, Vol. I,
n° 1, 1999, pp. 135-149.
* 18 L. FAVOREU cité
par R. G. NLEP, ibid., p. 136.
* 19 F. TERRE cité
par R. G. NLEP, ibid., p. 136.
* 20 F. TERRE, ``Sur la
notion de liberté et droits fondamentaux'' in R. CABRILLAC et
alii (dir.), Libertés et droits fondamentaux,
7e éd., Paris, Dalloz, 2001, p. 9.
* 21 Y. VIGNON, ibid., p.
82.
* 22 Ibid., p. 82.
* 23 Ibid., p. 83.
* 24 J. ROBERT et J. DUFFAR,
Droits de l'homme et libertés fondamentales, 5e
éd., Paris, Montchrestien, 1993, p. 1.
* 25 Les pactes anglais sont
des conventions passées par des barons ou par les Chambres avec le Roi
pour se garantir contre l'arbitraire de la Couronne. Ce sont : la Grande
Charte du 21 juin 1215, la Pétition des droits du 7 juin 1628, l'Acte
d'Habeas Corpus de 1679, le Bill of Rights du 13 févr. 1689, l'Acte
d'établissement.
* 26 Les déclarations
américaines s'entendent de la Déclaration d'indépendance
du 4 juil. 1776, des Bill of Rights des 13 Etats indépendants, des 10
premiers amendements de la Constitution fédérale de 1787 et le
14e amendement adopté en 1868 à la suite de la Guerre
de Sécession, et ceux ultérieurs.
* 27 En effet, sur le plan
juridique, la DUDH n'est qu'une résolution dont le contenu ne peut
devenir obligatoire pour les Etats que s'il est repris sous la forme d'une
convention ou d'un pacte conclu entre eux. C'est dans ce sens que les pactes
jumeaux relatifs aux Droits économiques, sociaux et culturels et aux
Droits civils et politiques seront adoptés par l'Assemblée
générale en 1966 pour donner une certaine force obligatoire aux
droits proclamés par la DUDH. Toutefois, cette dernière a acquis
au fil du temps une certaine force contraignante, comme le souligne à
juste titre une décision de la CIJ.
* 28 Ce sont notamment les
Pactes de 1966, la Convention relative au statut des réfugiés (28
juil. 1951), la Convention internationale sur l'élimination de toutes
les formes de discrimination raciale (21 déc. 1965), la Convention sur
l'élimination de toutes les formes de discrimination à
l'égard des femmes (18 déc. 1979), la Convention contre la
torture...(10 déc. 1984), la Convention relative aux droits de l'enfant
(20 nov. 1989).
* 29 M. KAMTO,
``L'énoncé des droits dans les constitutions des Etats africains
francophones'', R.J.A., n° 2-3, Yaoundé, Presses Universitaires du
Cameroun, 1991, p. 23.
* 30 K. MBAYE, op. cit., pp.
12- 13.
* 31 Exemples peuvent
être pris de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples
adoptée le 27 juin 1981 et entrée en vigueur le 21 octobre 1986,
de la Charte africaine des droits et du bien-être de l'enfant
adoptée le 11 juillet 1990 et entrée en vigueur le 29 novembre
1999.
* 32 J. OWONA, ``L'essor du
constitutionnalisme rédhibitoire en Afrique Noire : Etude de
quelques « constitutions Janus »'', In Mélanges P.
F. GONIDEC, L'Etat moderne en Afrique, Horizon 2000 : Aspects internes
et externes, pp. 235-243, p. 235.
* 33 V. à ce propos
l'article 3 de la Constitution camerounaise de 1972 qui, alors qu'il institue
le cadre d'un multipartisme au sein de l'Etat, verra plutôt la
consécration d'un système de parti unifié, en l'occurrence
l'Union Nationale Camerounaise (U.N.C.).
* 34 V. dans ce sens M.
KAMTO, ``Les conférences nationales africaines ou la création
révolutionnaire des constitutions'', in D. DARBON et J. d. B. de
GAUDUSSON, (dir.), La création du droit en Afrique, Paris,
Karthala, 1997, 496 p., pp. 177-195. Les conférences nationales se sont
déroulées dans les Etats d'Afrique francophone suivants : le
Bénin, le Congo, le Gabon, le Mali, le Niger, le Tchad, le Togo et l'ex
Zaïre.
* 35 J. REY-DEBOVE, A. REY
(dir.), Le Petit Robert, Dictionnaire de la Langue Française,
Paris, Dictionnaire Le Robert, 2003, p. 1159.
* 36 K. MBAYE, op. cit., p.
70.
* 37 A. D. OLINGA,
``L'aménagement de droits et libertés dans la Constitution
camerounaise révisée'', Revue Universelle des Droits de l'Homme,
1996, vol. 8, n° 4-7, p. 123.
* 38 Au besoin, elles
renforcent les anciens mécanismes, en leur accordant de nouvelles
compétences, ce qui les rend plus aptes à protéger les
droits constitutionnels.
* 39 C. EISENMANN, Cours
de droit administratif, Paris, Les cours de droit, L.G.D.J.,
1969, cité par C. NACH MBACK, Démocratisation et
décentralisation, Paris, Karthala, PDM, 2003, p. 45.
* 40 C. NACH MBACK, op.
cit., p. 47.
* 41 Ch. DEBBASCH et
alii, Droit constitutionnel et institutions politiques,
4e éd., Paris, Economica, 2001, p. 81.
* 42 Ibid., p. 83.
* 43 La proclamation de
l'indépendance de la République du Cameroun a lieu le
1er janvier 1960.
* 44 V. texte de la loi
constitutionnelle n° 96/06 du 18 jan. 1996 in Juridis périodique,
n° 25, Jan-Févr-Mars 1996, pp. 1-14, commentaire de M. ONDOA ;
J d B. de GAUDUSSON, G. CONAC, C. DESOUCHES, (Textes
rassemblés et présentés par), Les constitutions
africaines publiées en langue française, Tome I, Bruxelles,
Bruylant, La Documentation française, 1997, pp. 129-143.
* 45 A. D. OLINGA, ibid., p.
117.
* 46 M. KAMTO,
ibid., p. 12.
* 47 J. MOUANGUE KOBILA,
``Le préambule du texte constitutionnel du 18 janvier 1996 : De
l'enseigne décorative à l'étalage utilitaire'', Lex Lata,
n° 23-24, févr.-mars 1996, p. 35.
* 48 Ibid., p. 35.
* 49 Observations E.
BOEHLER, in Revue Camerounaise de Droit (R.C.D), Yaoundé, n° 31,
jan-juin 1973, pp. 54-59.
* 50 E.BOEHLER, cité
par A.D. OLINGA, ibid., p. 118.
* 51 Ibid., p. 119.
* 52 F. X. MBOUYOM, ``Les
mécanismes juridiques de protection des droits de la personne au
Cameroun'', R.J.P.I.C., Tome 36, n° 1, févr. 1982, pp. 58-72, p.
60, cité par J. MOUANGUE KOBILA, ibid., p. 35.
* 53 Cité par J.
MOUANGUE KOBILA, ibid., p. 35.
* 54 A. D. OLINGA, ibid., p.
119.
* 55 Ibid., p. 119.
* 56 M. KAMTO, ibid., p.
15.
* 57 A. D. OLINGA, ibid., p.
117.
* 58 A. D. OLINGA, ibid., p.
118.
* 59 C.S.C.O., n° 67 du
11 juillet 1963, Bull., p. 554, cité par A. MINKOA SHE, Droits de
l'homme et droit pénal au Cameroun, Paris, Economica, Coll.
« La Vie du Droit en Afrique », 1999, p. 20.
* 60 A. D. OLINGA, ibid., p.
118.
* 61 A. MINKOA SHE, op.
cit., p. 20.
* 62 Ibid., p. 20.
* 63 Ibid., p. 21.
* 64 Ibid., p. 21.
* 65 C'est nous qui
soulignons.
* 66 in R.C.D., n° 9,
jan.-avr. 1976, pp. 82-83, cité par A. MINKOA SHE, op. cit., pp.
21-22.
* 67 A. D. OLINGA, ibid., p.
118.
* 68 Cour d'Appel de Garoua,
n° 9/c du 5 mai 1973, R.C.D., n° 6, 1974, p. 143, cité par A.
MINKOA SHE, op. cit., p. 22.
* 69 Ibid., p. 22.
* 70 Ibid., p. 22.
* 71 A. D. OLINGA, ibid., p.
118.
* 72 Ibid., p. 118.
* 73 A. MINKOA SHE, op.
cit., p. 23.
* 74 A. D. OLINGA, ibid., p.
118.
* 75 J. M. BERTIN, ``Recueil
des principales décisions de l'Assemblée plénière
de la C.F.J statuant au contentieux (1967-1972)'', Université de
Yaoundé, Faculté de Droit et de Sciences économiques,
1972, pp. 141-142.
* 76 Cité par A.
MINKOA SHE, op. cit., p. 22.
* 77 P. G. POUGOUE et M.
KAMTO, ``Commentaire de la loi n° 89/018 du 28 juil. 1989 portant
modification de la loi n° 75/16 du 08 déc. 1978 fixant la
procédure et le fonctionnement de la Cour Suprême'',
Juridis-Infos, jan-mars 1990, n° 1, p. 8, cité par A. MINKOA SHE,
op. cit., p. 23.
* 78 A. D. OLINGA, ibid., p.
119.
* 79 A. MINKOA SHE, op.
cit., p. 23.
* 80 M. KAMTO, ibid., p.
13.
* 81 P. F. GONIDEC, Les
droits africains, Evolution et sources, 2e éd., Paris,
L.G.D.J., 1985, p. 101.
* 82 In Juridis
périodique, n° 25, op. cit., p. 11.
* 83 A. MINKOA SHE, op.
cit., p. 26.
* 84 A. D. OLINGA, ibid., p.
120.
* 85 Ibid., p. 119.
* 86 J. MOUANGUE KOBILA,
ibid., p. 36.
* 87 Ibid., p. 36
* 88 P. F. GONIDEC, op.
cit., p. 102.
* 89 A. D. OLINGA, ibid., p.
122.
* 90 Ibid., p. 122.
* 91 A. MINKOA SHE, op.
cit., p. 65.
* 92 P. F. GONIDEC, op.
cit., p. 100.
* 93 Ch. DEBBASCH et
alii, op. cit., p. 593.
* 94 A. MINKOA SHE, op.
cit., p. 26.
* 95 In Traité de
droit constitutionnel, Tome 2, 1911, p. 12.
* 96 A. MINKOA SHE, op.
cit., p. 26.
* 97 M. KAMTO, Pouvoir
et droit en Afrique, Paris, L.G.D.J., 1987, p. 446.
* 98 A. D. OLINGA, ibid., p.
120.
* 99 A. MINKOA SHE, op.
cit., p. 26.
* 100 Ibid., p. 24.
* 101 J. MELEDJE DJEDJRO,
``La révision des constitutions dans les pays africains
francophones : Esquisse de bilan'', R.D.P., 1992, vol. 108, p. 125,
cité par J. MOUANGUE KOBILA, ibid., p. 33.
* 102 A. CABANIS et M. L.
MARTIN, ``Note sur la Constitution béninoise du 3 décembre
1990'', R.J.P.I.C., 1992, p. 30, cité par J. MOUANGUE KOBILA, ibid., p.
33.
* 103 A. MINKOA SHE, op.
cit., p. 25.
* 104 F. SUDRE, op. cit.,
p. 73.
* 105 Ibid., p. 74.
* 106 K. MBAYE, op. cit.,
p. 79.
* 107 Ibid., p. 79.
* 108 R. DEGNI-SEGUI,
Les droits de l'homme en Afrique noire francophone : Théories
et réalités, 2e éd., Abidjan, Ed. CEDA,
avr. 2001, pp. 48-49.
* 109 CIJ, affaire du
personnel diplomatique et consulaire des Etats-Unis à
Téhéran, 24 mai 1980, rec. 1980, 42, cité par R.
DEGNI-SEGUI, op. cit., p. 50.
* 110 A. D. OLINGA, ibid.,
p. 118.
* 111 K. MBAYE, op. cit.,
p. 78.
* 112 R. DEGNI-SEGUI, op.
cit., p. 48.
* 113 K. MBAYE, op. cit.,
p. 78.
* 114 Art. 55 de la Charte,
in W. LAQUEUR et B. RUBIN (Textes réunis par), Anthologie des droits
de l'homme, 2e éd., Nouveaux Horizons, 1989, p. 247.
* 115 Art. 56 de la Charte,
op. cit., p. 247.
* 116 Ibid., p. 19.
* 117 R. DEGNI-SEGUI, op.
cit., p. 57.
* 118 Ibid., p. 57.
* 119 Ibid., pp. 57-58.
* 120 M. KAMTO, ibid., p.
19.
* 121 L'art. 5 du Protocole
relatif à la CADHP portant création d'une Cour africaine des
droits de l'homme et des peuples traite de la saisine de la Cour. L'al. 3 de
cet article dispose en effet que : « La Cour peut permettre
aux individus ainsi qu'aux organisations non-gouvernementales (ONG)
dotées du statut d'observateur auprès de la Commission
d'introduire des requêtes directement devant elle conformément
à l'article 34 (6) de ce Protocole », in O. DE SCHUTTER,
F. TULKENS, S. VAN DROOGHENBROECK, Code de droit international des droits
de l'homme, 1e éd., Bruxelles, Bruylant, 2000, p.
474.
* 122 L'art. 34 al. 6 du
même Protocole énonce qu' : « à tout
moment à partir de la ratification du présent Protocole, l'Etat
doit faire une déclaration acceptant la compétence de la Cour
pour recevoir les requêtes énoncées à l'article 5(3)
du présent Protocole. La Cour ne reçoit aucune requête en
application de l'article 5(3) intéressant un Etat partie qui n'a pas
fait une telle déclaration », in O. DE SCHUTTER, F.
TULKENS, S. VAN DROOGHENBROECK, op. cit., p. 480.
* 123 R. DEGNI-SEGUI, op.
cit., p. 47.
* 124 Sur les
signification, origine, fondement et distinction entre ratification et
signature, v. NGUYEN QUOC DINH et alii, Droit international public,
7e éd., Paris, L.G.D.J., 2002, 1510 p., p. 139 et
sq.
* 125 A. MINKOA SHE, op.
cit., p. 28.
* 126 Ibid., p. 29.
* 127 A. CASSESSE, ``Modern
constitutions and international law'', R.C.A.D.I., 1985, vol. 192, p. 39.
* 128 A. D. OLINGA, ibid.,
p. 124.
* 129 A. MINKOA SHE, op.
cit., p. 33.
* 130 Ibid., p. 33.
* 131 A. D. OLINGA, ibid.,
p. 124.
* 132 Ibid., p. 124.
* 133 A. MINKOA SHE, op.
cit., p. 33.
* 134 A. D. OLINGA, ibid.,
p. 120.
* 135 Ibid., p. 120.
* 136 § 4 du
Préambule de Loi n° 96-06 du 18 janvier 1996 portant
révision de la Constitution du 2 juin 1972, op. cit., p. 1.
* 137 J. MOUANGUE KOBILA,
ibid., p. 33.
* 138 Nous n'insisterons
pas sur la pertinence ou sur les critiques relatives à cette
classification. Relativement à ces débats, se rapporter aux
ouvrages sur les droits fondamentaux : v. notamment, J. RIVERO, Les
libertés publiques, Tome I, Les droits de l'homme,
8e éd., Paris, P.U.F., avr. 1997, 262 p. ; F. SUDRE, op.
cit., pp. 121 et sq. ; K. VASAK, ``Les différentes
catégories des droits de l'homme'' in A. LAPEYRE, F. De TINGUY, K. VASAK
(dir.), Les dimensions universelles des Droits de l'Homme, vol. 1,
Bruxelles, Bruylant, 1990, 318 p.
* 139 K. VASAK, ibid., p.
301.
* 140 F. SUDRE, op. cit.,
p. 122.
* 141 A. D. OLINGA, ibid.,
p. 120.
* 142 J. RIVERO, op. cit.,
p. 28.
* 143 Ibid. p. 28.
* 144 Ibid. p. 28.
* 145 F. SUDRE, op. cit.,
p. 166.
* 146 Ibid., p. 162.
* 147 K. VASAK, ibid., p.
301.
* 148 O. DE SCHUTTER (Doc.
rassemblée par), Droit matériel des droits de la
personne, Chaire UNESCO des droits de la personne et de la
démocratie, UAC, Bénin, 2002-2003, p. 12.
* 149 Ibid., p. 12.
* 150 P. G. POUGOUE, ``La
législation camerounaise et la protection des droits de l'homme'', in
Cahier africain des droits de l'homme, n° 4, Penser et réaliser
les droits de l'homme en Afrique centrale, Yaoundé, Presses de
l'U.C.A.C., Juil. 2000, pp. 10-11.
* 151 M. KAMTO, ``Actes de
gouvernement et droits de l'homme au Cameroun'', in Cahier africain des droits
de l'homme, n° 4, op. cit., p. 135.
* 152 L'art. 2 de la loi
n° 90/054 du 19 déc. 1990 relative au maintien de l'ordre permet la
saisie administrative des journaux en cas d'atteinte à l'ordre
public.
* 153 P. G. POUGOUE, ibid.,
p. 10.
* 154 L'art. 9 al. 1 de la
loi constitutionnelle de 1996 énonce : « Le
Président de la République peut, lorsque les circonstances
l'exigent, proclamer par décret, l'état d'urgence qui lui
confère des pouvoirs spéciaux dans les conditions fixées
par la loi. », in Juridis périodique, n° 25, op.
cit., p. 3.
* 155 L'art 9 al. 2 de la
même loi dispose : « Le Président de la
République peut, en cas de péril grave menaçant
l'intégrité du territoire, la vie, l'indépendance ou les
institutions de la République, proclamer, par décret,
l'état d'exception et prendre toutes mesures qu'il juge
nécessaires. Il en informe la Nation par voie de
message », ibid., p. 3.
* 156 P. G. POUGOUE, ibid.,
p. 10.
* 157 Pour une étude
critique sur le régime de la garde à vue administrative au
Cameroun, v. E. KITIO, ``La garde à vue administrative pour grand
banditisme et respect des droits de l'homme au Cameroun (Application de la loi
n° 90/054 sur le maintien de l'ordre)'', Juridis périodique,
n° 30, Avr.-Mai-Juin 1997, pp. 47-56.
* 158 F. SUDRE, ``Quel
noyau intangible des droits de l'homme'', in D MAUGENEST et P. G. POUGOUE
(dir.), Droits de l'homme en Afrique centrale, Colloque de
Yaoundé, 9-11 nov. 1994, Yaoundé, Paris, U.C.A.C., Karthala,
1995, p. 270.
* 159 Ibid., p. 271.
* 160 Ibid., p. 271.
* 161 R. BADINTER et B.
GENEVOIS, ``Normes de valeur constitutionnelle et protection des droits
fondamentaux'', R.U.D.H., 1990, p. 266.
* 162 K. VASAK, ibid., p.
302.
* 163 J. MOUANGUE KOBILA,
ibid., p. 34.
* 164 Préambule de
la loi n°96/06 du 18 janvier 1996.
* 165 Préambule de
la loi n°96/06 du 18 janvier 1996, op. cit., p. 2.
* 166 DCC 02-065 du 5 juin
2002, BOYA Comlan Eugène, in Cour Constitutionnelle, Recueil des
décisions et avis, 2002, Cotonou, Bibliothèque nationale, 12
déc. 2003, 649 p. ; pp. 271-274.
* 167 K. VASAK, ibid., p.
308.
* 168 J. RIVERO, op. cit.,
p. 122.
* 169 Karel VASAK, ``Le
droit international des droits de l'homme'', Revue des Droits de l'Homme, 1972,
p. 45 cité par K AHADZI, Droits de la personne et
développement en Afrique, Séminaire, DEA, Chaire UNESCO des
droits de la personne et de la démocratie, UAC, Bénin, 2003-2004,
p. 17.
* 170 A ce propos, v. F.
SUDRE, op. cit., p. 122 et sq.
* 171 Cf. Commission des
droits de l'homme, Le Comité des droits économiques, sociaux
et culturels,
www.unhcr.ch/french/html/menu2/6/cescr-fr.htm,
p.7.
* 172 Comité des
droits économiques, sociaux et culturels des Nations Unies,
Commentaire général 3: De la nature des obligations des Etats
parties ( art. 2 para.1 du Pacte», (Cinquième session, 1990),
para. 1, Compilation des commentaires généraux et recommandations
générales adoptées par les organes de traits en
matière des droits de l'homme, HRI/Gen/1,4 septembre 1992, para. 9.,
cité par Audrey, R. CHAPMAN, ``Une nouvelle manière de concevoir
le ``monitoring'' sous le Pacte international relatif aux droits
économiques, sociaux et culturels'', in Commission Internationale de
Juristes, Droits économiques, sociaux et culturels et le rôle
des juristes, La Revue n°55, décembre 1995, p. 33.
* 173 K. VASAK, ibid., p.
303.
* 174 G. BALANDIER,
Anthropologie politique, Paris, P.U.F., 1967, p. 208.
* 175 G. A. KOUASSIGAN,
L'Homme et la Terre, Paris, ORSTROM, 1966, p. 95 et sq.,
cité par R. G. NLEP, L'administration publique camerounaise,
Contribution à l'étude des systèmes africains
d'administration publique, Paris, L.G.D.J., 1986, p. 125.
* 176 Voir en ce sens G.
MALENGREAU, Les droits fonciers coutumiers chez les indigènes du
Congo belge, cité par, G. A. KOUASSIGAN, op. cit., p. 96.
* 177 DECOTTIGNIES,
``Personnalité morale en Afrique noire'', Annales africaines, 1958, pp.
11-36, cité par R. G. NLEP, op. cit., p. 126.
* 178 R. G. NLEP, op. cit.,
p. 127.
* 179 Ibid., p. 127.
* 180 Ibid., p. 128.
* 181 Ibid., p. 128.
* 182 Ibid., p. 128.
* 183 Ibid., p. 129.
* 184 A. D. OLINGA,
``L'aménagement des droits...'', ibid., p. 123.
* 185 A. D. OLINGA, ``La
protection des minorités et des populations autochtones en droit public
camerounais'', RADIC, Tome 10, n° 2, juin 1998, p. 272.
* 186 Ibid., p. 272.
* 187 Voir entre autres
textes juridiques internationaux, la Déclaration Universelle des droits
des peuples d'Alger du 4 juil. 1976, le Pacte international relatif aux droits
civils et politiques en ses articles 27 et 41 alinéa 1er.
* 188 En l'occurrence la
Sous-commission de la lutte contre les mesures discriminatoires et la
protection des minorités du Conseil économique et social des
Nations-Unies.
* 189 C. A. COLLIARD,
Institutions et relations internationales, 8e éd.
Paris, Précis Dalloz, 1985, p. 98.
* 190 S. H. NNANGA, ``La
protection des minorités, principe constitutionnel de perfectionnement
du principe d'égalité ou consécration de la dictature des
minorités'', Revue de la Commission ADHP, Tome 7, n° 2, p. 173.
* 191 A. D. OLINGA, ``La
protection des minorités...'', ibid., p. 272.
* 192 R. G. NLEP, op. cit.,
pp. 213 et sq.
* 193 S. H. NNANGA, ibid.,
p. 174.
* 194 Ibid., p. 174.
* 195 Ibid., p. 174.
* 196 Ibid., p. 174.
* 197 Ibid., p. 176.
* 198 Ibid., p. 176.
* 199 Ibid., p. 177.
* 200 Ibid., p. 177.
* 201 A. AHIDJO, Texte
reproduit in La Nouvelle Expression, Dossier et Document, n° 001
du 23 mai 1996, p. 9.
* 202 R. MOTTA,
L'addomesticamento degli etnodiritti, Milano, Unicopli, 1994, p. 197,
cité par N. ROULAND, S. PIERRE-CAPS, J. POUMAREDE, Droit des
minorités et des peuples autochtones, Paris, P.U.F., Jan. 1996,
p. 428.
* 203 N. ROULAND,et
alii, op. cit., p. 428.
* 204 J. BURGER, Report
from the Frontier- The State of the World's Indigenous Peoples, Londres,
Zed Books, 1987, p. 9, cité par N. ROULAND et alii, op. cit.,
p. 430.
* 205A. D. OLINGA, ``La
protection des minorités...'', ibid., p. 275.
* 206 Ibid., p. 277.
* 207 Ibid., p. 277.
* 208 Ibid., p. 277.
* 209 Ibid., p. 278.
* 210 R. G. NLEP, ibid., p.
141.
* 211 En l'occurrence la
loi n° 92/002 du 14 août 1992 fixant les conditions
d'élection des conseillers municipaux.
* 212 R. G. NLEP, ibid.,
pp. 141-142.
* 213 A. D. OLINGA, ``La
protection des minorités...'', ibid., p. 279.
* 214 G. VEDEL, ``La place
de la Déclaration de 1789 dans le « bloc de
constitutionnalité »'', In la Déclaration des
Droits de l'Homme et du citoyen et la jurisprudence, Colloque des 25 et 26
mai 1989, pp. 35 et sq., p. 49, cité par A. MINKOA SHE, op.
cit., pp. 54-55.
* 215 J. ROBERT et J.
DUFFAR, op. cit., p. 128.
* 216 Y. B. VIGNON, ibid.
p. 90.
* 217 Ibid., p. 90.
* 218 Sur la notion d'Etat
de droit, v. J. CHEVALLIER, L'Etat de droit, 2e éd.,
Paris, Montchrestien, Coll. « Clefs/Politique », 1994, 158
p.
* 219 Au titre V de la loi
constitutionnelle de 1996, art. 37 à 42 et par une série
d'ordonnances prises en 1972 et depuis lors modifiées et
complétées par des lois ultérieures.
* 220 D. TURPIN, op. cit.,
p. 129.
* 221 Y. B. VIGNON, ibid.,
p. 97.
* 222 J. ROBERT et J.
DUFFAR, op. cit, p. 175.
* 223 CE 05 Février
1937, BUJADOUX, Rec. 153, D. 1939, 3, 19 Concl. LAGRANGE.
* 224 S'agissant de l'order
of prohibition, l'article 16 (g) de l'ordonnance n° 72/4 du 26 août
1972 modifiée par la loi n° 89/019 du 19 déc. 1989 dispose
que le Tribunal de Grande Instance (TGI) est compétent pour
connaître des requêtes tendant à obtenir en matière
non-administrative, l'interdiction à toute personne ou autorité,
d'accomplir un acte pour lequel elle est légalement
incompétente.
* 225 S'agissant de l'order
of Mandamus, l'article 16 (h) dispose, quant à lui, que le TGI est
compétent pour connaître des requêtes tendant à
obtenir en matière non-administrative, l'accomplissement par toute
personne ou autorité, d'un acte qu'elle est tenue d'accomplir en vertu
de la loi.
* 226 L'article 16 (d)
donne compétence au TGI pour connaître des requêtes en
libération formées, soit par une personne emprisonnée ou
détenue, soit en son nom, lorsque lesdites requêtes sont
fondées sur un cas d'illégalité formelle ou sur un
défaut de titre de détention.
* 227 M. NKOU MVONDO, ``La
privation de liberté au suspect : droits de l'homme et
sécurité du justiciable dans la procédure pénale
camerounaise'', RADIC, Tome 12, n° 3, p. 525.
* 228 Dans les affaires
MOUTASSIE Bienvenu et autres, objet du jugement n° 176/crim. Du 5 mai 1998
et NSOM BEKONGOU et autres, objet du jugement n° 193/crim. Du 26 juin
1998, toutes deux du TGI du Mfoundi, deux personnes gardées à vue
dans deux commissariats de police de la ville de Yaoundé sont
décédées de suite de mauvais traitements à elles
infligés par des policiers. Dans la première affaire, le juge a
requalifié les faits de torture et déclaré les policiers
coupables de l'infraction de ``coups mortels'' (art. 278 CP). Toutefois, dans
la deuxième affaire, il reconnaît les policiers coupables des
faits de torture à eux reprochés.
* 229 In RCD, n° 1, p.
36 et sq., note H. JACQUOT. V. dans le même sens, jugement
n° 46/CS-CA du 27 mai 1982, Dame Veuve TESTAS.
* 230 In Recueil MBOUYOM,
p. 110 ; In RCD, n° 2, note H. JACQUOT.
* 231 R. G. NLEP, ibid., p.
143.
* 232 R. G. NLEP, ibid., p.
144.
* 233 Article 37
alinéa 2 de la loi n° 96/06 du 18 jan. 1996, op. cit., p. 8.
* 234 B. DJUIDJE, ``Le
statut du juge judiciaire camerounais : un tableau contrasté'',
AFSJP/UDs, Tome 3, Yaoundé, P.U.A., 1999, p. 46.
* 235 Ibid., p. 48.
* 236 M. KAMTO, ``Les
mutations de la justice à la lumière du développement
constitutionnel de 1996'', exposé tenu le 25 oct. 1999 lors de
l'ouverture des 1es journées portes ouvertes de la justice. Extrait in
``Cameroon Tribune'' du 26 oct. 1999, p. 4, cité par B.
DJUIDJE, ibid., p. 46.
* 237 Art. 16 du
décret de 1995.
* 238 CSCO, arrêt
n° 247/P du 20 juin 1972, in RCD, n° 4, 1973, p. 162, cité B.
DJUIDJE, ibid., p. 50.
* 239 B. DJUIDJE, ibid., p.
50.
* 240 Bon nombre de
magistrats au Cameroun battent ouvertement campagne pour le pouvoir en place
lors des campagnes électorales, dans l'espoir d'obtenir des promotions
à des postes de responsabilité.
* 241 L'art. 125 de la
Constitution béninoise du 11 déc. 1990 prévoit à
l'instar de la Constitution camerounaise que « le pouvoir
judiciaire est indépendant du pouvoir législatif et du pouvoir
exécutif ». Mais, c'est l'art. 126 qui pose le principe
de l'inamovibilité des magistrats du siège et énonce
« les juges ne sont soumis, dans l'exercice de leurs fonctions,
qu'à l'autorité de la loi. Les magistrats du siège sont
inamovibles ».
* 242 Le Ministre de la
Justice, Garde des Sceaux, membre du Gouvernement.
* 243 P. NKOU MVONDO,
ibid., p. 520.
* 244 C'est ainsi qu'en
matière de garde à vue administrative, un officier de gendarmerie
a refusé de se soumettre à une décision de remise en
liberté ordonnée par le TGI suite à une procédure
d'Habeas Corpus ; cité par P. NKOU MVONDO, ibid., p. 527.
* 245 Sur des exemples
d'affaires dans lesquelles des membres de la Police judiciaire ont fait l'objet
de poursuites : TPI Bertoua, jugement n° 633/CO du 23 août
1973, RCD, n° 9, p. 37, cité par P. NKOU MVONDO, ibid., p.
528.
* 246 TC, 8 févr.
1873, BLANCO, GAJA, 13e éd., Paris, Dalloz, 2001, p. 2.
* 247 De plus, l'ordonnance
n° 72/6 du 26 août 1972 fixant l'organisation de la Cour
Suprême du Cameroun modifiée et complétée par les
lois n° 75/16 du 8 déc. 1975 et 76/28 du 14 déc. 1976
énumère les matières dont le contentieux relève en
son article 9. C'est cette disposition qui en son alinéa 2 confie le
``recours en annulation pour excès de pouvoir'' à la
chambre administrative de la Cour Suprême.
* 248 Le contrôle de
la légalité des actes administratifs comprend deux types de
contentieux dépendant de la nature de la question posée au
juge :
· lorsque le juge est saisi d'une demande de sanctions
pécuniaires contre une personne morale de droit public ou d'une demande
visant à la reconnaissance d'un droit subjectif, c'est le recours de
plein contentieux. L'administré demande la réparation d'un
préjudice qui est supposé être causé par la personne
publique ;
· par contre, lorsque le juge est saisi d'une question
portant sur la violation ou la reconnaissance d'un droit objectif par
l'administration, c'est-à-dire la norme juridique, c'est le recours pour
excès de pouvoir. Ici, le juge confronte l'acte administratif
incriminé à la règle de droit positif.
* 249 G. DUPUIS, M.-J.
GUEDON, P. CHRETIEN, Droit administratif, 8e éd.,
Paris, Armand Colin, 2002, p. 572.
* 250 R. DEGNI-SEGUI, op.
cit., p. 140.
* 251 G. JEZE, cité
par A.- M. FLAMME, Droit administratif, Bruxelles, Bruylant, 1989, p.
613.
* 252 R. G. NLEP, ibid., p.
145.
* 253 Ibid., p. 145.
* 254 Ibid., p. 146.
* 255 Ibid., p. 146.
* 256 Cité par R. G.
NLEP, ibid., p. 147.
* 257 Ibid., p. 147.
* 258 La notion du
``recours gracieux préalable'' a fait l'objet de deux études
pionnières au Cameroun : H. JACQUOT, ``Le contentieux administratif
au Cameroun'', RCD, n° 8, juil.-déc. 1975, pp. 113-139 et S.-A.
MESHERIAKOFF, ``Le régime juridique du recours gracieux préalable
dans la jurisprudence administrative camerounaise'', RCD, Série 2,
n° 15 et 16, 1978, pp. 42-55.
* 259 R. G. NLEP, op. cit.,
p. 259.
* 260 Ibid., p. 262.
* 261 Sur les
compétences ressortant de cette détermination, v. H. JACQUOT,
ibid., pp. 113-139, S.-A. MESHERIAKOFF, ibid., pp. 42-55 et R. G. NLEP, op.
cit., pp. 262-267.
* 262 H. JACQUOT, ibid.,
cité par R. G. NLEP, op. cit., p. 268.
* 263 La règle du
recours gracieux est enserrée dans des délais précis
variant en fonction du litige. L'article 12 de l'ordonnance n° 72/6 du 26
août 1972 prévoit :
1. qu'en cas de demande d'annulation, le recours gracieux doit
être adressé à l'autorité habilitée à
le recevoir, dans les 2 mois qui suivent la publication ou la notification
à l'intéressé de la décision litigieuse ;
2. que lorsqu'il s'agit d'une demande d'indemnisation, ce
recours doit être exercé dans les 6 mois qui suivent la
réalisation du préjudice ou sa connaissance ;
3. qu'en cas d'abstention d'une autorité qui a
compétence liée, le recours peut être intenté dans
les 4 années qui suivent la date à laquelle ladite
autorité s'est montrée défaillante.
* 264 Sur la computation
des délais en matière administrative, se rapporter utilement
à G. DUPUIS et alii, op. cit., pp. 46 et sq.
S'agissant du délai franc, pour une décision expresse, il
commence à courir le lendemain de la divulgation de la décision
à 0H (encore appelé dies a quo, c'est-à-dire le
jour de réalisation ou de connaissance du fait dommageable, de
publication ou de notification de la décision litigieuse) et il expire
le lendemain du dernier jour (encore appelé dies ad quem
c'est-à-dire le jour où expire le délai prescrit) ;
s'agissant du délai non franc, il inclut aussi bien le dies a
quo que le dies ad quem.
* 265 V. arrêt
n° 173/CFJ/CAY du 8 juin 1971, OWONO ESSONO Benoît c. Etat
fédéré du Cameroun oriental, in Rec. MBOUYOM, Tome 2, pp.
327-328; arrêt n° 6/CFJ/AP du 31 mars 1971, KEOU Maurice c. Commune
de plein exercice de Bafang, Rec. MBOUYOM, Tome 2, pp. 135-136, Rapport NGUINI,
cités par R. G. NLEP, op. cit., p. 270.
* 266 Cité par R. G.
NLEP, op. cit., p. 273.
* 267 Jugement n°
14/CS-CA/77-18, ATANGANA ESSOMBA Protais c. Etat du Cameroun.
* 268 A. HEURTE, ``La
notion d'ordre public dans la procédure administrative'', R.D.P., 1953,
pp. 615-648, cité par R. G. NLEP, op. cit., p. 276.
* 269 A. MBEMBE,
``Tradition de l'autoritarisme et problèmes de gouvernement en Afrique
subsaharienne'', Revue Afrique et développement, vol. XVI, n° 1,
1992, cité par R. G. NLEP, ibid., p. 149.
* 270 La capitale politique
du Cameroun est Yaoundé située dans la province du Centre dont
elle le chef lieu.
* 271 Rapport de la
Commission HAENEL-ARTHUIS (Commission sénatoriale) de 1992 sur les
juridictions administratives, Sénat français, Seconde session,
ord. 1991-1992, doc. 400, not., p. 174 et sq., cité par Y. B.
VIGNON, ibid., p. 119.
* 272 R. G. NLEP, ibid., p.
149.
* 273 Ch. DEBBASCH et
alii, op. cit., p. 593.
* 274 N. MOLFESSIS, ``La
dimension constitutionnelle des libertés et droits fondamentaux'', in R.
CABRILLAC et alii (dir.), Libertés et droits
fondamentaux, 7e éd., Paris, Dalloz, p. 84.
* 275
Développé par H. KELSEN, ``La garantie juridictionnelle de la
Constitution'', RDP, 1928, pp. 197 et sq.
* 276 N. MOLFESSIS, ibid.,
p. 84.
* 277 L. DONFACK SOCKENG,
``Cameroun : le contrôle de constitutionnalité des lois, hier
et aujourd'hui. Réflexions sur certains aspects de la réception
du constitutionnalisme moderne en droit camerounais'', in S. MELONE, A. MINKOA
SHE, L. SINDJOUN (dir.), La réforme constitutionnelle du 18 janvier
1996 au Cameroun. Aspects juridiques et Politiques, Yaoundé,
Friedrich-Ebert-GRAP, p. 363, cité par A. MINKOA SHE, op. cit., p.
72.
* 278 A. MINKOA SHE, op.
cit., pp. 72-73.
* 279 Y. B. VIGNON, ibid.,
pp. 92-93.
* 280 In J.O.R.C., n°
8, 1er mai 2004, pp. 364-383.
* 281 Art. 51 al. Loi
n° 96/06, Juridis Périodique n° 25, Jan-Févr-Mars 1996,
p. 9 ; art. 7 al. 3 loi n° 2004-4, op. cit., p. 365.
* 282 Art. 2 de la loi
n° 2004-5, op. cit., p. 378.
* 283 Art. 8 de la loi
n° 2004-5, op. cit., p. 379.
* 284 Art. 9 de la loi
n° 2004-5, op. cit., p. 380.
* 285 Art. 18 al. 3 de la
loi constitutionnelle de 1996, op. cit., p. 5.
* 286 Aux termes des art.
47 al. 1 de la loi n° 96/06 et 3 al. 1 de la loi n° 2004-4,
« Le Conseil constitutionnel statue sur : - la
constitutionnalité des lois, traités et accords
internationaux ; - les règlements intérieurs de
l'Assemblée nationale et du Sénat avant leur mise en application,
quant à leur conformité à la Constitution ; - les
conflits d'attribution entre les institutions de l'Etat, entre l'Etat et les
régions, entre les régions ».
* 287 Les décisions
du juge constitutionnel camerounais en ce qui concerne le contrôle de la
constitutionnalité des lois doivent intervenir « dans un
délai de quinze (15) jours. Toutefois, à la demande du
président de la République, ce délai peut être
ramené à huit (08) jours » selon l'art. 19 al. 4
de la loi n° 2004-4, op. cit., p. 368.
* 288 Art. 4 al. 3 et art.
15 al. 1 de la loi n° 2004-4, op. cit., pp. 364 et 367.
* 289 Art. 15 al. 2 de la
loi n° 2004-4, op. cit., p. 367.
* 290 Art. 25 de la loi
n° 2004-4, op. cit., p. 370.
* 291 R. DEGNI-SEGUI, op.
cit., p. 130.
* 292 DCC, 23 août
1985, Nouvelle Calédonie, Rec. 170.
* 293 R. G. NLEP, ibid., p.
147.
* 294 R. DEGNI-SEGUI, op.
cit., p. 135.
* 295 Y. B. VIGNON, ibid.,
p. 92.
* 296 R. DEGNI-SEGUI, op.
cit., p. 137.
* 297 R. G. NLEP, ibid., p.
147.
* 298 On peut distinguer
deux types d'exception d'inconstitutionnalité :
1. d'une part, l'exception d'inconstitutionnalité
devant le juge constitutionnel, c'est-à-dire le cas dans lequel,
à l'occasion d'un litige de droit constitutionnel, se pose de
façon incidente la question de l'inconstitutionnalité d'une
loi;
2. d'autre part, l'exception d'inconstitutionnalité
devant le juge ordinaire, c'est-à-dire le cas dans lequel la question de
l'inconstitutionnalité d'une loi est soulevée devant un juge qui
n'est pas spécialisé dans les affaires constitutionnelles et qui
est donc un juge civil, pénal ou administratif (M. FROMONT, ``Rapport
sur les exemples de la Suisse, de l'Autriche et de la République
fédérale d'Allemagne en matière d'exception
d'inconstitutionnalité'', in G. CONAC et D. MAUS (dir.), L'exception
d'inconstitutionnalité : Expériences
étrangères, situation française, Paris, Ed. STH,
Coll. « Les grands colloques », 1990, p. 14.
* 299 Le mécanisme
est prévu en Suisse, Autriche, Allemagne, Italie.
* 300 V. les Constitutions
béninoise (art. 122), togolaise (art. 104).
* 301 R. DEGNI-SEGUI, op.
cit., p. 139.
* 302 V. à ce propos
A. MINKOA SHE, op. cit., p. 78 et sq. ; S. MELONE, obs. sous
jugement C.A de Garoua, 5 mai 1973, RCD, n° 6, 1974, p. 135 ; M.
KAMTO et P. G. POUGOUE, ``Commentaire de la loi n° 89/018 du 28 juil. 1989
...'', ibid., pp. 5-9.
* 303 V. notamment Cass.
Crim., 11 avr. 1833 : « la loi
délibérée dans les formes prescrites fait la règle
des tribunaux et ne peut être attaquée devant eux pour cause
d'inconstitutionnalité », S. 1833, I. 357. La même
position est adoptée pour les ordonnances de l'art. 92 Const. du 4 oct.
1958, v. Cass. Crim. 28 mai 1959 et pour les mesures de valeur
législative prises dans le cadre de la mise en oeuvre de l'art. 16
Const. 1958, v. en ce sens Cass. Crim., 10 mai 1962, Dovecar et Piegts, Puech
M., G. A., n° 13.
* 304 V. C.S., 14
févr. 1974, inédit ; C.S. 30 juin 17974,
inédit ; C.S. 9 déc. 1976, inédit.
* 305 A. MINKOA SHE, op.
cit., p. 79. V. en ce sens les décisions CS/CA, n° 34 du 24 avr.
1980, inédit ; CS/CA, n° 40 du 29 mai 1980,
inédit ; CS/CA, n° 20 du 30 sept. 1993, inédit.
* 306 J. MORAND-DEVILLER,
``Les mécanismes non juridictionnels de protection des droits'',
Colloque international, L'effectivité des droits fondamentaux dans
les pays de la communauté francophone, 29 sept.-1er oct.
1993, Paris, Ed. Eric Koehler, AUPELF-UREF, 1993, p. 493.
* 307 Ibid., p. 493.
* 308 Les ``Principes
de Paris'' sont adoptés au plan international par une
résolution 1992/54 de la Commission des droits de l'homme des Nations
Unies en date du 3 mars 1992 confirmée par une résolution 48/134
de l'Assemblée générale des Nations Unies du 20
décembre 1993.
* 309 Pour des
études critiques de l'activité du Comité national des
droits de l'homme et des libertés camerounais, v. notamment E. MOTTE,
``Le Comité national des droits de l'homme dans
l'illégalité. Des nominations non conformes. Des membres
déchus de leur qualité. La loi piétinée depuis
trois ans'', in Mutations, n° 204, 22 mars 1999, p. 15 ; E. J.
ETONGUE MAYER, ``Le Comité national des droits de l'homme et des
libertés du Cameroun'', in Cahier africain des droits de l'homme,
n° 9, Droit à la démocratie en Afrique centrale,
Yaoundé, Presses de l'U.C.A.C., 2003, pp. 229-266.
* 310 J.O.R.C., n°
spécial, juil. 2004, pp. 3-12.
* 311 Dr Solomon NFOR
NGWEI, entretien avec E. J. ETONGUE MAYER, ibid., p. 253.
* 312 L'art.6 al. 1 associe
diverses autorités à la désignation des 30 membres de
l'institution nationale : le président de l'Assemblée
nationale, le président du Sénat, la Conférence des
recteurs, etc., in J.OR.C., op. cit., p. 6.
* 313 Art. 10 al. 1, in
J.O.R.C., op. cit., p. 7.
* 314 E. J. ETONGUE MAYER,
ibid., p. 253.
* 315 Art. 18 , in
J.O.R.C., op. cit., p. 9.
* 316 E. J. ETONGUE MAYER,
ibid., p. 263.
* 317 Art. 21 al. 1, in
J.O.R.C., op. cit., p. 10.
* 318 Art. 25, in J.O.R.C.,
op. cit., p. 11.
* 319 Art. 12, in J.O.R.C.,
op. cit., p. 7.
* 320 Art. 13 al. 1, in
J.O.R.C., op. cit., p. 8.
* 321 Selon l'art. 28 al. 1
de la loi n° 2004-16, les peines prévues sont celles de l'art. R
370 C.P. qui traite des contraventions de 4e classe ; soit une
amende de 4000 à 25000F inclusivement et un emprisonnement de 5 à
10 jours, ou de l'une des 2 peines seulement.
* 322 Cité par E. J.
ETONGUE MAYER, ibid., p. 244.
* 323 E. J. ETONGUE MAYER,
ibid., p. 249.
* 324 Art. 26, al. 1, in
J.O.R.C., op. cit., p. 11.
* 325 C'est la loi n°
91/020 du 16 déc. 1991 fixant les conditions d'élection des
députés à l'Assemblée nationale modifiée par
la loi n° 97/13 du 19 mars 1997 qui régit les élections
législatives. S'agissant des élections municipales, c'est la loi
n° 92/002 du 14 août 1992 fixant les conditions d'élection
des conseillers municipaux qui reçoit application. L'élection
présidentielle est régie par la loi n° 92/10 du 17 sept.
1992 fixant les conditions d'élection et de suppléance à
la présidence de la République modifiée par la loi n°
97/020 du 9 sept. 1997.
* 326 - S'agissant des
élections municipales, les organes mixtes de caractère non
juridictionnel sont les Commissions communales de supervision (CCS) et la
juridiction compétente en matière de contentieux est la Chambre
administrative de la Cour Suprême aux termes de l'art. 33 de la loi de
1992.
- S'agissant des élections législatives, les
organes mixtes sont les Commissions départementales de supervision (CDS)
régies par le Chap. 3 de la loi n° 91/020 du 16 déc. 1991 et
3 types de juridiction sont compétents en matière de
contentieux : la juridiction civile pour les inscriptions sur les listes
électorales et la distribution des cartes d'électeur. La
juridiction pénale qui intervient avant la proclamation des
résultats pour les cas de flagrant délit et enfin la juridiction
constitutionnelle qui connaît des réclamations et contestations
relatives aux opérations électorales, statue sur les faits
diffamatoires et peut disqualifier le candidat qui en est l'auteur, statue sur
l'éligibilité d'un candidat et peut annuler tout ou partie des
opérations électorales.
- S'agissant de l'élection présidentielle, les
organes mixtes sont les commissions de révision des listes
électorales et les CDS et les juridictions compétentes en
matière de contentieux sont : la Cour d'Appel qui statue sur les
recours contre les décisions de la CDS relatives aux inscriptions ou
retranchements sur les listes électorales ; le Conseil
constitutionnel qui statue sur les réclamations et contestations
liées aux élections, examine les recours relatifs aux
décisions de rejet ou d'acceptation d'une candidature, ainsi que celles
relatives à la couleur, au sigle ou au symbole, statue sur toute
requête en annulation partielle ou totale des opérations
électorales. Il statue en premier et dernier ressort.
* 327 A. D. OLINGA,
L'ONEL: Réflexions sur la loi camerounaise du 19 décembre
2000 portant création d'un Observatoire national des
élections, Yaoundé, Presses de l'U.C.A.C., 2001, p. 7.
* 328 Lors de la
1e législature de l'ère multipartite en 1992, l'Union
Nationale pour la Démocratie et le Progrès (UNDP) avait
déposé une proposition tendant à l'institution d'une
Commission électorale nationale autonome (CENA) qui restera lettre
morte. Par la suite, en 1997, les différents partis de l'opposition
rassemblèrent les signatures de leurs élus en vue de proposer une
révision de la Constitution à l'effet d'y insérer une
Commission électorale indépendante (CENI). Proposition une fois
de plus contrecarrée par le président de l'Assemblée
nationale. Sur ces propositions d'instauration d'une Commission
électorale au Cameroun, v. A. D. OLINGA, op. cit., pp. 7-13.
* 329 Ibid., p. 13.
* 330 C'est nous qui
soulignons.
* 331 BEDJOKO MBASSI, ``Le
vote au Cameroun depuis 1992 : Exigences normatives et pratiques
sociales'', in Cahier africain des droits de l'homme, n° 9, op. cit., p.
142.
* 332 A. D. OLINGA, op.
cit., p. 14.
* 333 Ibid. p. 21.
* 334 Ibid. p. 21.
* 335 Au contraire de cette
situation, la CENI au Tchad peut compléter son budget par des concours
financiers extérieurs, cité par A. D. OLINGA, op. cit., p. 22.
* 336 Ibid., p. 22.
* 337 C. SIETCHOUA
DJUITCHOKO, ``Introduction au contentieux des élections
législatives camerounaises devant la Cour Suprême statuant comme
Conseil constitutionnel'', Juridis périodique, n° 50, Avr.-Mai-Juin
2002, p. 92.
* 338 Selon cette
disposition, « les manquements commis par les partis politiques,
les candidats ou les électeurs peuvent (...) être portés
par l'ONEL devant les autorités judiciaires »,
cité par A.D. OLINGA, ``Bilan des élections législatives
et municipales du 30 juin 2002 au Cameroun et impact sur l'évolution
démocratique du pays'', Cahier africain des droits de l'homme, n°
9, op. cit., p. 75.
* 339 Ibid., p. 76.
* 340 Ibid. p. 77.
* 341 Ibid. p. 77.
* 342 BEDJOKO MBASSI,
ibid., p. 143.
* 343 Y.B. VIGNON, ibid.,
p. 111.
* 344 DCC n° 84-181,
10 et 11 oct. 1984, Rec. p. 73 et ss., cité par Y.B. VIGNON, ibid., p.
112.
* 345 In S. NGUE (dir.),
Code pénal, 3e éd., Yaoundé, Ed.
MINOS, juin 2004, p. 242 et sq.
* 346 BEDJOKO MBASSI,
ibid., p. 148.
* 347 Ibid., p. 148.
* 348 Le Rassemblement
Démocratique de Peuple Camerounais (RDPC) parti au pouvoir et le Social
Democratic Front (SDF), principal parti d'opposition ont eu droit à un
temps d'antenne journalier, radiophonique et télévisé, de
63mn 8s et 23mn 9s ; 34mn 29s et 12mn 8s tous les deux contre 0,14mn
à 5,6mn sur les ondes radiophoniques et 0,05mn à 2mn 10s sur la
chaîne télévisée pour des formations politiques plus
petites, in BEDJOKO MBASSI, ibid., p. 148.
* 349 Ibid., p. 149.
* 350 Ibid., p. 149.
* 351 Pour un report des
faits qui se sont déroulés à cette période, v.
notamment P. ELA, Dossiers noirs sur le Cameroun : Politique, services
secrets et sécurité nationale, Paris, Ed. Pyramide Papyrus
Presse, 2002, 287 p., pp. 207 et sq. ; F. FENKAM, Les
révélations de Jean FOCHIVE, Paris, Ed. Minsi, 2003, 297 p.,
pp. 157 et sq. ; E. KAMGUIA KOUMCHOU, Le journalisme du
carton rouge : Réflexions et chronologie de années
orageuses, Douala, L'étincelle d'Afrique, Août 2003, 383
p. Pour une analyse juridique de ces faits, v. L SINDJOUN et M. E.
OWONA NGUINI, ``Politisation du droit et juridicisation de la politique :
l'esprit sociopolitique du droit de la transition démocratique au
Cameroun'' in D. DARBON et J. d. B. de GAUDUSSON (dir.), La création
du droit en Afrique, Paris, Karthala, 1997, 496 p. ; pp. 217-245.
* 352 P. G. POUGOUE,ibid.,
p. 103.
* 353 J. C. ALEXANDER,
Real Civil Societies. Dilemmas of Institutionlization, Sage, 1998, p.
7, cité par M. LECLERC-OLIVE, ``Les pouvoirs publics locaux: quelques
réflexions pour l'analyse'', Programme de Développement Municipal
(PDM), Décentralisation, foncier et acteurs locaux, Actes de
l'atelier de Cotonou, 22-24 mars 2000, PDM, Coopération
française, Déc. 2000, p. 45.
* 354 C. MOTO ZEH,
``Société civile et promotion des droits de l'enfant :
l'importance de l'éducation'', in Cahier africain des droits de l'homme,
n° 4, op. cit., p. 177.
* 355 Ibid., p. 178.
* 356 P. TITI NWEL,
``Société civile et promotion de la démocratie'', in
Cahier africain des droits de l'homme, n° 4, op. cit., p. 189 et
sq.
* 357 Ibid., p. 190.
* 358 Ibid., p. 195.
* 359 Ibid., p. 197.
* 360 Exemple peut
être pris de la grève des membres du Barreau camerounais suite
à la flagellation de l'un des leurs par des éléments des
forces de l'ordre.
* 361 P. C. AKOA,
``Société civile et amélioration des conditions
carcérales'', in Cahier africain des droits de l'homme, n° 4, op.
cit., p. 155.
* 362 D. NDINE MPESSA, ``La
société civile et la promotion des droits de la femme'', in
Cahier africain des droits de l'homme, n° 4, op. cit., p. 161.
* 363 S. KUATE TAMEGHE et
R. LOUMINGOU SAMBOU, ``L'Etat et l'internationalisation des activités
non gouvernementales'', in Cahier africain des droits de l'homme, n° 4,
op. cit., p. 214.
* 364 J.-P. O. de SARDAN,
``Dramatique déliquescence'', in Le Monde diplomatique,
févr. 2000, p. 12.
* 365 Au Cameroun, les
associations se créent librement et acquièrent la
personnalité juridique sur la base d'une déclaration
accompagnée de deux exemplaires des statuts à la
Préfecture du département, lieu du siège de l'association.
Dès que le dossier est complet, un récépissé de la
déclaration est délivré aux membres de l'association.
L'autorité administrative a un délai de 2 mois pour donner suite
à la procédure ; en cas de silence, le principe ``qui ne
dit mot consent'' joue à l'expiration du délai.
L'association peut alors s'administrer librement. S'agissant du régime
de l'autorisation, il suppose une autorisation préalable du Ministre de
l'administration territoriale (MINAT) après avis conforme du Ministre
des Relations extérieures (MINREX) pour les associations
étrangères.
* 366 Le même jour,
le MINAT signe un arrêté portant dissolution de 6 autres
associations pour « participation avérée à
des activités non conformes à leur objet statutaire et troubles
graves portant atteinte à l'ordre et à la sécurité
de l'Etat ». Parmi les 6 associations, 3 sont des associations
de défense des droits fondamentaux : Cap-Liberté, Human
Rights Watch et l'Organisation camerounaise des droits de l'homme, cité
par E. KAMGUIA KOMCHOU, op. cit., p. 70.
* 367 F. ONANA ETOUNDI,
``La pratique de la loi n° 90/053 du 19 déc. 1990 portant
liberté d'association au Cameroun'', in Cahier africain des droits de
l'homme, n° 4, op. cit., p. 231.
* 368 Ibid., p. 234.
* 369 A. TITE AMOUGUI,
``Réflexions sur la loi n° 99/014 du 22 décembre 1999
régissant les ONG'', in Cahier africain des droits de l'homme, n°
4, op. cit., p. 235.
* 370 Ibid., p. 237.
* 371 Le dossier ainsi
constitué est déposé auprès des services du
Gouverneur qui dispose d'un délai de 15 jours pour le transmettre
à une ``Commission technique chargée de l'étude des
demandes d'agrément et du suivi des activités des ONG''
(art. 6 al. 3). Celle-ci a un délai de 30 jours pour rendre son avis et
transmettre le dossier au MINAT qui accorde l'agrément.
* 372 A. TITE AMOUGUI,
ibid., p. 246.
* 373 D. NDINE MPESSA,
ibid., p. 163.
* 374 C. MOTO ZEH, ibid.,
p. 179.
* 375 Ibid., p. 179.
* 376 D. NDINE MPESSA,
ibid., p. 160.
* 377 Pour l'ensemble des
hypothèses et résultats obtenus relativement à cette
étude, se rapporter utilement à M. T. MENGUE, ``La connaissance
du processus électoral par la population électorale'', in Cahier
africain des droits de l'homme, n° 9, op. cit., pp. 305-341.
* 378 Comme celle de penser
que ``les forces de l'ordre en période électorale ne servent
à rien'', ou que ``le président du bureau de vote sert
à assurer la victoire du parti au pouvoir'', ou ``il ne sert
à rien de contester les résultats d'une élection, la
régularité n'étant jamais
rétablie »..., ibid., p. 331.
* 379 J. ONANA, ``La
déviance politique comme catégorie discursive de construction de
la réalité politique en Afrique'', in Cahier africain des droits
de l'homme, n° 9, op. cit., p. 97.
* 380 Rapport de politique
générale du président BIYA au congrès du RDPC du 28
juin 1990 in SOPECAM, Droits et libertés, Recueil de nouveaux
textes, Yaoundé, Ed. SOPECAM, déc. 1990, pp. 12-13.
* 381 P. G. POUGOUE, ibid.,
p. 103.
* 382 Ibid., p. 119.
* 383 J. ONANA, ibid., p.
97.
* 384 C. MONGA,
Anthropologie de la colère -Société civile et
démocratie en Afrique noire, Paris, L'Harmattan, 1994, 167
p. ; p. 104.
|