FACULTE DES LETTRES ET SCIENCES HUMAINES
DEPARTEMENT DE LETTRES MODERNES
MEMOIRE DE D.E.A.
SUJET:
ANALYSE SOCIOLINGUISTIQUE DE L'ARGOT
CONTENU DANS LES TEXTES DE RAP : L'EXEMPLE
DU DAARA J
Présenté par:
Mamadou DRAME
Sous la direction de:
Papa Alioune Ndao
Maître-assistant
Docteur d'Etat-es-Lettres
Année universitaire 1999-2000
Faisant du fait linguistique son objet d'étude, la
sociolinguistique s'est intéressée à tout ce qui contribue
à expliquer les différences entre les hommes selon leur
manière de communiquer. Ces dernières années, elle a
investi les paroles urbaines qui sont foncièrement et fondamentalement
influencées par la vague du hip-hop, ce mouvement venu d'Amérique
et qui ne cesse de conquérir le monde.
Apparu très tôt, dès les années
1950, le mouvement hip-hop n'aura pris son essor qu'à partir des
années 1970 lorsque les jeunes issus des ghettos de Harlem voudront
crier leur ras-le-bol à la face de l'Amérique qui n'a pas
accordé les mêmes chances de réussite aux
Américains de couleur et aux Américains Blancs. Alors ceux-ci
voudront montrer qu'eux aussi sont des citoyens comme les autres et qu'ils ont
droit au respect. Depuis le mouvement n'a pas cessé de grandir et
après l'Europe et particulièrement la France, il a
débarqué au Sénégal où il est devenu un des
moyens de communication dont les jeunes se sentent le plus proche. Cette
situation se note particulièrement au niveau culturel où le jeune
Sénégalais se trouve ballotté entre la culture africaine
qui est sienne, la culture française qui est celle du colonisateur, la
culture arabe en rapport avec la religion, etc. A partir de ce moment, ce
mouvement qui intègre une expression corporelle (danse), comportementale
(gestes quotidiens), picturale (graffitis et tags), musicale (beat et textes)
peut être révélateur des aspirations, des revendications et
des positionnements à la fois identitaires, culturels,
idéologiques et même politiques.
Il est ainsi un objet d'étude intéressant, au
vu de l'importance de la population qu'il mobilise et des enjeux à la
fois politiques, culturels, sociaux et économiques qu'il engage. Dans
cette contribution qui se veut un prélude à des études
ultérieures plus poussées sur le phénomène hip-hop,
nous nous intéresserons uniquement dans un premier temps au rap qui est
la dimension musicale et particulièrement aux textes en faisant fi de
la mélodie. Ce sera l'occasion de tenter une analyse du langage
argotique utilisé par les rappeurs dans la création artistique
pour y voir quels aspects identitaires de la jeunesse peuvent y être
véhiculés.
Dans cette perspective, nous travaillerons avec les textes du
Daara J tout en nous permettant de jeter des regards sur les productions des
autres groupes de rap pour y déceler des constantes propres à
tous les groupes.
Ce travail va s'articuler autour de trois points
fondamentaux. D'abord nous essaierons d'expliquer les raisons du choix du
sujet, les hypothèses et la problématique autour desquelles va
tourner ce travail et la méthodologie engagée. Dans un second
temps, nous tenterons de donner un aperçu historique du mouvement
hip-hop, de son évolution des Etats-Unis au Sénégal. Enfin
nous analyserons l'argot contenu dans notre corpus avant d'essayer de donner
les significations véhiculées par le rap à travers les
textes.
Ce travail n'a pas la prétention d'être
exhaustif, mais cherche juste à baliser des terrains qu'il sera possible
d'exploiter ultérieurement.
PREMIERE PARTIE
I. LES RAISONS D'UN CHOIX
Le sujet de cette présente étude porte sur
l'analyse sociolinguistique du rap urbain. Cette étude sera
essentiellement centrée autour des productions musicales du groupe de
rap dakarois le « Daara J ». Le choix du thème et des
informateurs répond à plusieurs facteurs qui se combinent.
D'une part, on peut partir d'un constat fait par la plupart
des chercheurs qui se sont intéressés à l'épineuse
question de la communication dans les anciennes colonies des grandes puissances
européennes. Il en ressort que ces pays devenus indépendants
voient leurs populations user d'au moins deux langues: d'abord il y a la langue
maternelle ou vernaculaire et d'autre part la langue du colonisateur qui est
devenue langue officielle, celle de l'école et de l'administration.
Ainsi Gumperz1(*) pour
l'Inde et Ndao2(*) pour le
Sénégal, de même que Pierre Dumont3(*) l'ont bien
démontré. Dans le cadre du Sénégal, c'est le
français qui est en conflit avec les autres langues.
Cette situation se traduit par un peuple partagé entre
plusieurs langues. Ces individus se trouvent ainsi en situation de diglossie ou
de bilinguisme. La diglossie pouvant être entendue comme le fait que le
locuteur qui se trouve en possession de deux langues ou de deux
variétés de langue utilise une des langues ou l'autre langue en
fonction des situations et en leur assignant des fonction bien définies
et en leur donnant des valeurs bien déterminées. René
Appel et Peter Muysken l'expliquent en reprenant la définition
proposée par Fergusson. Ainsi,
écrivent-ils: « When speakers use two languages, they
will obviously not use both in all circumstances : in certains situations,
they will use one, and in others, the other »4(*). Ils explicitent cette citation
en précisant :
« Diglossia insolved two varieties of a
linguistic system used in a speech communauty : a formal variety termed H
(high), a vernacular or popular form termed L (low). Each variety has his
functions in the speech communauty, ranging from political speechees in H to
informal conversations with friends in L varity ». 5(*)
Dans le cadre du bilinguisme, on peut considérer que le
locuteur est en possession de deux langues et est en mesure de les utiliser
comme il l'entend et indistinctement, quelles que soient les situations
auxquelles il peut être confronté.
Dans cette perspective, on peut prédire que les langues
qui sont en présence seront nécessairement en conflit. Ce conflit
peut être perceptible plus particulièrement chez les jeunes et
lisible dans les mouvements qui les concernent essentiellement. Et nous nous
intéresserons au mouvement hip-hop et surtout à sa manifestation
musicale, le rap.
Ce mouvement est devenu une réalité
incontournable dans le paysage musical et social, comme on peut le constater
dans le monde en général et au Sénégal en
particulier. Comme nous l'avons précisé, il intéresse
surtout les jeunes adultes et les adolescents. Il fait d'ailleurs partie de
leur quotidien. A ce propos, Hugues Bazin dans sa préface à
l'étude de Manuel Boucher sur le rap français affirme
que :
« La base d'un rap (rythme, temps, ligne
musicale en boucle, etc.) reste la même que l'on rappe (sic) en allemand,
en français ou en japonais. Nous comprenons que la structure d'une forme
est identique. Mais la façon dont cette forme est travaillée par
les individus pour gérer leur rapport au monde dépend de
l'environnement social et culturel. Aussi, peut-on distinguer un hip-hop
brésilien, sénégalais, français, belge, allemand ou
américain ».6(*)
Cela veut dire que par delà l'aspect unificateur de
tous les mouvements rap du monde, on peut noter des spécificités
propres à chacun et qui reflètent le mode d'expression dans la
communauté considérée.Ainsi peut-on voir apparaître
le fait évident que, au delà de l'aspect musical qui le
sous-tend, le rap englobe toute une réalité culturelle
appelée « hip-hop ».
Le mouvement « hip-hop » est proche des
jeunes et exprime les jeunes. Il permet de véhiculer des messages
d'angoisse, d'attente et d'espoirs. Pour mémoire, on peut retenir avec
Philippe Pierre-Adolphe et José-Louis Bocquet que ce mouvement a
été à son origine un moyen pour les jeunes de se
détourner de la drogue, de la délinquance et de la prison qui
constituaient le lot quotidien des jeunes Noirs qui habitaient les quartiers
déshérités des Etats-Unis et particulièrement de
Harlem. Aussi cherchait-on à dire la jeunesse telle qu'elle était
et telle qu'elle ressentait le monde.
Continuant sur cette lancée, Bocquet et Pierre-Adolphe
précisent que, à la fin des années 1970, pour
échapper à la « défonce » (sic),
à la prison ou au cimetière, les « Bad Boys »
de Broklin et du Bronx préféraient la résistance
artistique à la violence. Dans la rue, les règlements de compte
ne se font plus à l'arme blanche , mais à travers le
graphisme et les joutes verbales. Cette nouvelle forme a pour nom
« hip-hop », deux mots issus du
« slang » signifiant « se défier
par la parole, le geste et la peinture ». 7(*)
On voit ainsi comment en France, (cf. Boucher et Jacqueline
Billiez8(*))- même si
leurs travaux portent essentiellement sur le phénomène
lié à l'immigration - tout comme au Sénégal, le
mouvement hip-hop peut exprimer la jeunesse dans ses idéaux et ses
manières de sentir le monde et de se comporter. D'ailleurs c'est
pourquoi Manuel Boucher renchérit en précisant que :
« par delà ses conditions d'émergence, le hip-hop
présente un creuset dans lequel les personnes forgent des
manières de vivre en réponse parfois au contexte difficile ou
hostile ».9(*)
Pierre-Adolphe Philippe et José Bocquet renchérissent en
écrivant : « Mettant un nom au désespoir, le rap
donne une voie (sic) aux proscrits, leur permet de revendiquer, de communiquer,
d'avoir une place sur terre ».10(*) Ces appréciations, si elles sont mises en
relation avec le contexte d'apparition du rap dans notre pays marqué
surtout par la le désespoir causé par l'année blanche de
1988 et ses conséquences, montrent qu'ici, ce mouvement peut être
porteur des aspirations et des revendications de cette jeunesse et leur permet
de dire toute leur amertume.
Ainsi le Sénégal ne saurait être
épargné par cette vague qui s'est emparée du monde. La
culture hip-hop est véhiculée par une manière toute
particulière de se vêtir, de se comporter, une peinture, une danse
toutes aussi particulières, mais aussi et surtout la musique qui est
l'aspect le plus perceptible puisqu'elle est véhiculée par les
médias et surtout la télévision. Cette musique repose sur
un fond musical appelé « sample »
(l'instrumental sur lequel on débite le flot des paroles) et sur des
paroles qui permettent au rappeur de dire le message contenu dans sa chanson.
Ce sont justement ces flots de paroles que nous nous proposons
d'étudier. C'est un aspect qui peut être révélateur
des aspirations des jeunes dans la mesure où le message qui s'adresse
aux jeunes doit être exprimé dans la langue des jeunes. Ainsi
toute la problématique du rap tourne autour de la problématique
du langage.
Le langage doit refléter la manière de ces
jeunes de parler (ceci pris sous un angle synchronique). A ce propos Manuel
Boucher peut se permettre de souligner que :
« le rap véhicule un message : ce
message couvre plusieurs strates. Nous pouvons le lire sous plusieurs
manières :
-Sur le plan social, le message, tel un miroir, renvoie
aux réalités quotidiennes. C'est l'écriture directe du
chroniqueur social, l'écriture visuelle du cinéaste de la
vie ;
-Sur le plan culturel, le message actualise les codes qui
confirment la cohésion d'un groupe. Nous sommes dans la
vérification des signes d'appartenance à une famille dans la
manière de parler une phrase, le répertoire lexical, etc.
-Sur le plan artistique, le message couvre une relation
esthétique. C'est le rapport au rythme, la
déconstruction-reconstruction en boucle, les références
musicales ;
-Sur un plan symbolique, le message dresse le paysage
imaginaire, découvre l'envers du décor, d'autres liens. C'est le
rapport au mythe, la forme cyclique du temps, le thème récurrent
de la terre-mère. Le hip-hop a la faculté de nous faire vivre
avec des légendes entretenues par tous ses membres »11(*).
Il demeure évident que nous nous intéresserons
exclusivement à la question linguistique. Les réponses qui seront
apportées nous permettront de rendre compte des diverses relations qui
peuvent exister entre ces différentes langues, surtout qu'on se trouve
dans un pays fortement marqué par le plurilinguisme.
D'autre part, d'un point de vue purement documentaire, nous
cherchons à apporter une petite contribution à la recherche
consacrée à ce mouvement émergent. Ce souci se justifie
d'autant plus que les études consacrées à l'aspect
linguistique et sociolinguistique sont rares. Elles sont plutôt
orientées vers uns aspect sociologique ou pédagogique. Ce dernier
volet se justifie du fait qu'il est possible d'introduire les textes de rap
dans les programmes d'enseignement du français dans les collèges
et lycées du Sénégal. Mais seuls sont concernés les
textes écrits en français.12(*)Seulement, malgré la rareté des
productions scientifiques sur le phénomène rap en matière
linguistique ou sociolinguistique, il existe d'autre études qui sont en
cours.
Elles sont effectuées par des groupes de recherche
pluridisciplinaires tels que le GRAFEC (Groupe de Recherches Appliquées
sur les Formes d'Expression Contemporaines) rattaché à l'UFR de
linguistique appliquée de l'université René Descartes de
Paris V et à la Faculté de Lettres et Sciences Humaines de
l'université Cheikh Anta Diop de Dakar. Il s'agit d'essayer de combler
une lacune dans ce domaine.
On peut aussi souligner que le rap au Sénégal
est une véritable machine industrielle et économique qui fait
courir bon nombre de producteurs nationaux comme étrangers. En outre ,
c'est un domaine qui permet de créer des emplois. Cet aspect de la
question a été longuement développé par le
journaliste Alpha Dia dans une série d'articles disponibles sur les
sites Internet.13(*)
Il apparaît ainsi que le rap mérite qu'on y jette
un coup d'oeil ; ce qui nous permettra de voir les rapports qui existent
entre la musique et les jeunes du pays ; d'autant plus que
l'élaboration des textes qui focalisent notre attention obéit
à certaines règles linguistiques qui reflètent les
manières toutes sénégalaises et adolescentes de parler et
de communiquer.
II LES HYPOTHESES DE L'ETUDE
Un bref aperçu de l'architecture des textes laisse
transparaître une multitude de langues qui se côtoient, se
mélangent et se combattent les unes les autres pour prendre la place de
choix. Déjà, reprenant une séquence textuelle des Fabulous
Troubadours (groupe de rap français), Jacqueline Billiez remarquait la
présence de plusieurs langues. Pour ce chercheur, ceci se justifie par
le fait que les rappeurs ont tendance à développer certaines
« stratégies langagières ».14(*)
A l'image du langage de la rue, on peut remarquer -concernant
le Sénégal bien entendu- que, à première vue (ce
que nous allons du reste essayer de prouver), les langues nationales sont
d'abord en concurrence entre elles, ensuite elles sont en concurrence avec les
langues étrangères et plus particulièrement les langues
occidentales. Ici le ratio dans la fréquence de l'utilisation des codes
peut ne pas être le même que dans le cas général.
Est-ce dû au fait que ces dernières langues citées n'ont
plus la notoriété qu'elles avaient ? Nous verrons ainsi si
le français garde toujours sa fonction d'antan qui en faisait un
instrument de promotion sociale. Puis à quelles fins sont
utilisées les langues qui sont venues se greffer au code switching
utilisé au Sénégal et qui touche essentiellement le
français et le wolof comme l'a déjà montré
Ndao (1996) .
Nous nous intéresserons également à
l'alternance codique pour ce qui concerne toutes les langues en
présence en nous appesantissant sur l'identification du type de
structure concerné et aux facteurs à la fois linguistiques et
extra-linguistiques qui les déclenchent. Ceci permettra de voir si
effectivement l'alternance codique est en corrélation avec une
idéologie politique ou culturelle en relation avec l'Afrique ou la peau
noire ; ou si dans ce cadre très précis du rap, elle n'est
pas révélatrice d'une convention de communication typique des
situations de réseau fermé15(*) composé de rappeurs.
Ensuite, reconnaissant avec Pierre Cadiot que
« l'alternance codique fluidifie la parole, (...), (qu)' elle a un
effet de démultiplication, d'intensification des plaisirs, de
parler »16(*),
nous essaierons de montrer qu'il s'agit également de l'expression de
l'identité d'un groupe comme l'ont affirmé Dabène et
Billiez.17(*)
En outre, les rappeurs ne se limitent pas à
l'utilisation des langues communément parlées à grande
échelle au Sénégal, quand ils le jugent nécessaire,
ils utilisent d'autres langues africaines ou des expressions tirées de
ces langues. A quelles fins ? Qui plus est, ce sont les langues
étrangères (occidentales) acquises le plus souvent grâce
à l'école et elles ne sont même pas utilisées dans
leur forme dite standard. Ainsi il leur est possible de faire des innovations
(sur les plans grammatical et morphologique et quelquefois des glissements
sémantiques sont opérés). Ainsi on peut prédire que
la manière de parler des jeunes des années antérieures
n'est pas la même que celle des jeunes de la nouvelle
génération.
En fait, dans Parlures Argotiques (1990), il
était précisé que les groupes homogènes avaient
tendance à créer leur propre manière de parler et de se
faire comprendre d'eux en utilisant un lexique qui leur est propre. 18(*) Ainsi, Denise
François-Geiger affirme que : « L'argot est
généralement engendré -et cela relève d'une
étude sociolinguistique- au sein des groupes relativement
homogènes, généralement assez restreints et souvent
ambulants »19(*)
.Si cette affirmation est justifiée, il devient possible de
s'interroger sur la nature de la langue qui doit être spécifique
aux Dakarois et qui est véhiculée par les textes de rap. A
partir de ce moment, on pourrait parler de l'émergence d'un argot
dakarois et par extension d'un argot sénégalais. (mais qui
concerne uniquement les jeunes).
Cette investigation tient son importance du fait que, comme
nous l'avons souligné plus haut, l'impact que peut avoir le mouvement
hip-hop et surtout le rap provient de sa vulgarisation qui s'effectue au moyen
des instruments de communication de masse avec notamment les cassettes , les
émissions radio et télé, les clips, etc. Et chaque langue
et variété de langue est utilisée dans une situation de
communication bien déterminée et obéit à des
motivations toutes aussi particulières. Donc, il est important de
s'interroger sur la valeur déléguée à chaque
langue.
III LE CORPUS
L'étude que nous envisageons de mener prendra
essentiellement appui sur des textes écrits et chantés par les
rappeurs du groupe Daara J. C'est un groupe dakarois composé de trois
membres : il s'agit de Fadda Freddy (chant), de Ndongo Daara (rap) et de
Aladji Man (ragga). Ce groupe existe depuis 1992 et a déjà mis
sur le marché quatre cassettes (diffusées sur le plan
national) : Daara J (1995), Daara J Album (1997),
Xalima-la-plume (1999) et Exodus (2000). Ils ont aussi sorti
sur le marché international deux Compact-Disc (CD) qui sont Daara
J et Xalima. Ils travaillent sous la bannière de la maison
de production française « Déclic
communication » rattachée à BMG.
Dans cette masse de production, nous nous intéresserons
uniquement au dernier album international (Xalima-la-plume) qui
contient quatorze chansons. Cette restriction du corpus s'explique par le fait
que la transcription des textes a laissé apparaître une nette
représentativité des langues et de leur organisation sur les
plans morphologique, sémantique et syntaxique. En outre ce choix peut
être judicieux puisque les textes constituent un corpus disponible,
acceptable et connu ; et puis ils sont déclarés et
protégés au niveau du Bureau Sénégalais des Droits
d'Auteur (BSDA). Cette dernière remarque est importante car le corpus en
entier pourrait être joint au document final sous forme d'annexe.
De plus le groupe jouit d'une assez bonne réputation de
sérieux et de discipline aussi bien dans le cadre du travail que dans le
comportement. Alors nombreux sont les jeunes qui veulent en faire des
modèles vivants. Bien que jouant une musique à la
frontière du « hardcore » et du « rap
cool », ce groupe est parvenu à s'affirmer aussi bien sur le
plan national qu'international. A partir de ce moment, le groupe Daara J
propose une bonne lisibilité qui permet, en utilisant comme corpus ses
textes, de faire une étude assez objective et assez
représentative des mécanismes de fonctionnement des moyens de
communication verbale chez les adolescents Sénégalais et plus
particulièrement chez les Dakarois. Nous ne nous priverons pas d'ouvrir
des fenêtres sur les autres productions du groupe ou des autres groupes
du pays.
IV METHODOLOGIE
Le corpus sur lequel nous envisageons de travailler est
constitué de deux niveaux. Il y a d'une part le corpus oral qui est
constitué par les textes du groupe que nous allons transcrire en nous
servant d'un magnétophone et d'autre part, il y a le corpus écrit
comprenant les indications graphiques marquées sur les jaquettes des
cassettes et du disque (les titres des chansons, les dédicaces etc.).
Gumperz a enseigné que dans une situation de
communication verbale, les choix langagiers ont une signification symbolique et
impliquent des effets de sens (cf. Ndao 1996). Et ici, nous sommes dans le
cadre assez particulier de la création artistique où le choix
devient figé. Alors il devient difficile d'appliquer la dichotomie code
switching conversationnel et code switching situationnel. Mais nous pouvons
analyser ce discours qui fonctionne comme un écrit à la
lumière du code switching situationnel.
Cela veut dire que ce sont les contextes d'apparition de la
langue, de la variété ou de l'alternance qui vont illustrer ce
que nous cherchons à savoir. Ainsi la méthodologie que nous
allons adopter reposera d'abord sur la description des langues en vue de
repérer l'état de leurs combinaisons et alternances, mais aussi
les contextes ou situations dans lesquelles elles ont été
utilisées. Cette analyse portera d'abord sur l'aspect sémantique.
Elle permettra de rendre compte des glissements de sens de certains mots (qui
peuvent appartenir à toutes les langues). D'une part, nous nous
intéresserons à l'alternance intra-phrastique c'est à dire
le cas où elle est présente dans une seule séquence de
parole, puis à l'alternance inter-phrastique où l'alternance est
réglée en fonction des séquences plus ou moins longues
où l'on utilise une langue ou l'autre.
En outre, nous admettrons avec Gumperz que « la
connaissance des valeurs culturelles et des facteurs sociaux affectant le
langage est le point de départ nécessaire à toute
étude sur l'alternance codique »20(*). Donc nous nous
intéresserons aux variables socio-économiques et socioculturels
qui engagent les jeunes de notre époque.
Cette méthodologie est engagée parce qu'il est
difficile, à partir de quelques éléments seulement,
d'analyser un corpus certes homogène mais tout aussi consistant en
matière d'informations contenues. Nous emprunterons à Pierre
Cadiot sa terminologie et ses méthodes d'enquête pour juger cette
production artistique, reflet des usages langagiers propres aux jeunes
Sénégalais de nos jours.
Cette analyse portera également sur la morphologie des
mots. A ce niveau, nous pourrons mettre en évidence les
mécanismes de création de l'argot (type sénégalais)
fondés essentiellement sur la déformation des mots (troncation,
méthathèse, etc.), quelles que soient leurs origines. Nous
précisons que l'argot était à l'origine
considéré comme le langage des gueux, des mendiants, des coupeurs
de route et des voyous21(*). Il est devenu de nos jours une manière toute
particulière de parler, manière par laquelle un groupe s'affirme
et s'identifie. Il s'agit ainsi d'un langage particulier.
Pour l'exploitation de cette partie, nous ferons appel
à Michelle Verdelham-Bourgade22(*) et nous lui emprunterons ses procédés
d'analyse sémantique et lexicale du français branché.
C'est ainsi que nous pourrons déterminer quelle est la structure du type
d'argot qui est actuellement parlé par les jeunes
Sénégalais et quel type d'argot est en train d'émerger et
de se développer dans ce pays par l'intermédiaire du rap.
Nous n'occulterons pas les niveaux phonétique et
phonologique qui porteront sur la prononciation des mots; que cela soit
à des fins artistiques (musicales) ou pour les rendre étrangers
aux oreilles des Sénégalais.
Enfin nous nous attacherons à relire les titre et les
indications graphiques lisibles sur les jaquettes des cassettes. Leurs
particularités graphiques qui consistent à allier les lettres et
les chiffres informeront certainement sur les motivations idéologiques
des auteurs de notre corpus.
A la suite de ces analyses descriptives, nous reviendrons chez
Gumperz pour voir les lectures qu'il est possible de faire sur les langues pour
donner les raisons de leur présence ou de leur absence. En effet c'est
cette cohabitation qui déterminera les visées du groupe et la
particularité de cette manière toute jeune d'user du langage.
Elle montrera également en quoi la quête d'identité des
jeunes est représentée par l'utilisation du verbe.
I . APERCU HISTORIQUE
I - 1 Aux origines américaines
Le mouvement hip-hop est né vers la fin des
années 1970 dans les ghettos noirs de New York et plus
précisément dans le Bronx. C'est un phénomène
social qui inclut une manière particulière de parler, une
manière de se comporter mais aussi un mode d'habillement tout
spécial. ce mouvement trouve son prolongement naturel dans la musique
rap.
Selon Alioune Badara Dieye, c'est la musique jamaïcaine
qui serait à l'origine du rap, notamment avec le mouvement des
« last poets »23(*) et la musique noire américaine. Cette
influence s'exerce avec les « camelots musicaux » qui
sillonnaient la Jamaïque portant avec eux une sorte de discothèque
mobile portative. Celle-ci leur permettait de se livrer à des
manipulations manuelles et/ou électroniques sur lesquelles le
« talk over » (improvisateur musical) pouvait se livrer
à des interventions orales ou chantées appelées
« toasting » alors que la technique dans son ensemble
s'appelait « dubbing ».
C'est ainsi que le « dubbing »,
considéré comme l'ancêtre du rap, va évoluer avec
les techniques de piratage sonore et de mixage pour aboutir au
« sound system » ou « musique sans
musiciens ». Le « sound system » sera
amélioré par J.J. Theodore qui inventa en 1975 le
« scratch » (grattage de disque) et le
« cut » qui permettront d'obtenir des effets sonores
répétitifs, des répétitions à l'infini de
courtes phases musicales, mais aussi de faire des
« samples » qui sont des procédés
d'échantillonnage souvent obtenus grâce à l'informatique.
Le « sound system » requiert deux intervenants : d'un
coté il y a le « selector » qui se charge de mettre
les disques et de l'autre côté, il y a le maître de
cérémonie qui improvise plus ou moins les textes. Ils sont
appelés le D.J. (disc jockey) pour celui qui est préposé
au son et le M.C. (master of ceremony) pour celui qui s'occupe du micro. L'un
des DJ les plus célèbres s'appelle Kool Herc alias Clive Campbel
qui introduisit en 1973 le « toaster » dans la culture
noire américaine (new yorkaise) et l'américanisa en le
substituant au pidgin jamaïcain en compagnie de Coke-la-Rock et de Clark
Kent.
Mais déjà dans les années 1950, le rythme
saccadé se retrouvait dans la musique « soul » et
était à l'époque appelé « Jive
Talk ». Ce parler sera inauguré par les « Last
Poets » composés de Alafia Pudim, Omar Ben Hassen et Abidun
Oyewala. Le premier album rap sera finalement enregistré en 1979 par les
Sugarhill Gang (Sylvia Robinson et M.Wright); il sera intitulé
« Rappers Delight ». Ils seront suivis de Grand Master
Flash dans « The message » et des Furious Five qui
inspireront de grands groupes comme Public Ennemy, Mwa, etc. Depuis, le rap
subit une poussée extraordinaire avec l'introduction de grandes maisons
de disques comme « Def Jam »24(*). Et c'est tout naturellement
qu'il s'installe dans tous les pays du monde, ceux de l'Afrique compris.
I - 2 Le rap au Sénégal
L'engouement des jeunes pour le mouvement rap n'a pas
épargné le Sénégal et Ndiouga Adrien Benga, dans
une étude consacrée à l'évolution de la musique
sénégalaise situe son apparition dans ce pays aux environs de
l'année 1988. Il la met en rapport avec l'année blanche qui fait
suite aux élections présidentielles et législatives
très contestées de la même année et de ses
conséquences notamment le fait que de nombreux jeunes vont abandonner
l'école25(*). Face
à cette jeunesse désemparée la Seule voie proposée
fut l'expression de leur amertume au moyen du rap. C'est ainsi que Benga
précise que :
« mettant un nom sur le désespoir, le
rap donne une voix auxproscrits, leur permet de revendiquer de communiquer.
D'abord mimétique, le rap sénégalais met une dizaine
d'années à digérer son modèle américain (et
français) avant de s'affranchir »26(*).
Cette remarque est d'autant plus importante que les premiers
groupes de rap au Sénégal ont d'abord chanté avec des
instrumentaux américains et reprenaient les musiques
américaines.
Mais on doit se rappeler que les premiers groupes de rap
dakarois étaient d'abord des groupes de danse qui s'exerçaient
au « break dance », au « smurf » ;
danses américaines qui étaient vulgarisées par des
émissions télévisées comme
« Génération 80 » de Moïse Ambroise
Gomis ou radiophoniques comme « Hit Inter Sky »
animée par Aziz Coulibaly. Ce dernier faisait passer les
exclusivités qui faisaient l'affiche aux Etats-Unis et avait aussi
l'exclusivité de la diffusion des premiers titres hip-hop
sénégalais. Parallèlement, Aziz Coulibaly animait sur
Dakar FM l'émission « Puissance FM »
consacrée spécialement au rap.
C'est en 1990 qu'on verra la première apparition
discographique qui s'apparente réellement au rap. Il s `agit de
l'album de Mbacké Dioum (c'est un émigré
Sénégalais qui vit en Italie). L'album s'appelle Sama
Yaye . La première cassette de qualité sera
l'oeuvre de MC Lida (un autre émigré Sénégalais
vivant en Italie) : M.C Number One. Depuis, avec les
apparitions discographiques assez fréquentes des groupes comme le
Positive Black Soul, le P. Froiss ou le Daara J le rap s'est
développé et prend chaque jour une ampleur nouvelle.
Le rap n'a pas connu de difficultés majeures pour
s'implanter au Sénégal. Cela s'explique par le fait que cette
musique n'est pas apparue en terrain neuf. Elle présente des similitudes
avec certains types musicaux traditionnels du pays. Plusieurs genres qui lui
sont apparentés existent depuis très longtemps. Il y a entre
autres le « tassou », le « xaxar », le
« bakk », etc. Ce sont des genres traditionnels connus de
la plupart des Sénégalais et dont l'exécution (rythmique
saccadée et rapide) ressemble à celle du rap.
Seulement, il faut souligner que certaines couches de la
population ont rejeté le rap non parce que la musique n'était
pas agréable à écouter, mais plutôt parce que les
jeunes qui s'y adonnaient étaient mal perçus à cause de
leur comportement, et de leur manière de parler jugés
incorrects.
A propos de cette parenté avec la musique
traditionnelle sénégalaise, Benga précise que :
« c'est sur ce terrain qu'ils échafaudent
leur propre mode d'expression, unique, spontané, à mi chemin
entre poésie moderne et tradition orale « tassou »
(...). Du conteur au rappeur, du griot au journaliste social des temps
modernes, une filiation recomposée est revendiquée, celle qui
suit le chemin de la « littérature orale » et se
produit dans la poésie urbaine. Dans cette tradition, certains rappeurs
revendiquent une filiation avec le griot ».27(*)
Le développement du rap s'explique ainsi par le fait
qu'il a trouvé un terrain d'accueil favorable à son
développement.
En définitive, voulant assurer une prise de conscience
et exprimer la révolte de plusieurs centaines de milliers de jeunes
confrontés aux problèmes de chômage, de maladie, de
pauvreté, etc., le rap s'est imposé dans un pays comme le
Sénégal ou le terrain d'éclosion s'est trouvé
favorable à son éclosion. Et à l'instar de leurs
collègues des autres continents, les rappeurs Sénégalais
vont lui donner une signification culturelle, idéologique et
musicale.
I - 3 Définition du rap
Phénomène presque récent qui
intéresse principalement les jeunes, le mouvement hip-hop est un mode de
vie dont la partie émergée , donc la plus visible est le rap. Il
inclut la musique et les paroles qui sont l'oeuvre des D.J. mais aussi d'autres
disciplines comme la danse (break-dance, smurf, funk...), la peinture (tags,
graffitis,...) et enfin une certaine tenue vestimentaire.
Le rap est alors considéré comme l'expression
d'une révolte, la dénonciation d'un système et des normes
sociales jugées trop injustes. Par là, les rappeurs entendent
refuser l'étouffement et le bâillonnement et veulent se faire
écouter et entendre. Ainsi Ndiouga Adrien Benga explique que cette
forme d'art a pour nom hip-hop, deux mots issus du slang signifiant
« se défier par la parole, le geste et la
peinture »28(*).
Maïmouna Diakhaté et Amadou Makhtar Samb,dans une étude
à visée pédagogique sur le rap estiment que pour expliquer
le mot « rap », il faut remonter à son origine.
Ainsi écrivent-ils : « l'étymologie du mot
découvre une grande analogie avec l'origine du
phénomène ». En effet, « to rap »
signifie en anglais américain « frapper à coups rapides
et secs » et dans l'acceptation argotique américaine du terme
« bavarder sur un support musical rythmique ». Il n'y a pas
à trop chercher pour y voir une certaine révolution dans la
conception du langage. :
« de la communication humaine qui n'est plus une
claire communication, mais devient comme le conçoit une certaine
poésie un moyen de dire un message en l'enveloppant dans un
hermétisme qui, pour être décodé, exige quelque
effort du lecteur, du moins de l'auditeur » 29(*) .
A ce propos, on peut estimer que
« rapper » revient à « débiter,
cogner, remettre à sa place » comme le souligne Alioune
Badara Dièye qui continue en expliquant que « ce parler
répétitif, saccadé est issu de la longue tradition verbale
des Africains-Américains, qui, elle, est un héritage des griots
Africains »30(*).
On voit ainsi comment le rap surgit et s'exprime à
travers une « déconstruction-reconstruction »
du langage pour exprimer le ras-le bol face à certaines situations
vécues dans les ghettos noirs de New York
« où le jeune noir vit dans un laisser
aller vestimentaire avec une certaine désinvolture dans la
démarche, les signes d'une identité qu'il ne cesse de chercher
dans une société multiraciale et raciste » 31(*).
Déjà, en remontant aux origines et en faisant
référence aux pères proclamés du rap que sont
les Last Poets, on se rend compte que le fondement de leur discours
était celui de l'identité culturelle. Ainsi Alioune Badara
Dièye estime que la rage de dire et la dimension sociale et politique
que revêt le rap actuellement doivent beaucoup à ces poètes
méconnus, les Last Poets. Le lexique et les thèmes des Last poets
axés sur la vie du ghetto ont été repris par les premiers
rappeurs Américains32(*). Surtout qu'il est possible de souligner que les
ghettos américains n'ont jamais été un paradis pour les
Noirs, les Chinois, les Irlandais et les Portoricains qui y ont toujours
habité. D'où l'amertume et la révolte qui
inspirèrent le mouvement hip-hop.
C'est ainsi que tout naturellement le rap s'ancre et se
développe très facilement dans les pays gagnés par les
problèmes économiques et sociaux tels que le chômage, la
précarité, la violence urbaine, l'iniquité du
système éducatif caractérisé par un échec
scolaire massif, le Sida, la drogue, etc. De ce fait, quittant
l'Amérique et passant par l'Europe, le rap aboutit en Afrique où
il semble être le « credo de la jeunesse, mais d'une jeunesse
mécontente et lésée par des régimes politiques,
économiques, sociaux, et peut-être
littéraires »33(*). Il faut souligner que malgré les influences
américaines et françaises, le rap sénégalais a pris
le temps de mûrir et de s'émanciper. Ainsi il se
différencie de son modèle sur plusieurs points et a fait
émerger ce que l'on pourrait appeler le « Senegalese
Touch ».
I-3 Le « Senegalese Touch »
L'une des premières touches particulières
apportées par les rappeurs Sénégalais a été
l'introduction des langues nationales à la place de l'anglais ou
à côté de l'anglais. Ainsi dans leurs textes cohabitent le
français, l'anglais, les langues nationales ou tout simplement
africaines. Cette situation est visible (audible) avec Mbacké Dioum dans
« sama yaye ». Ensuite il y a eu l'utilisation des
instruments de musique africains comme la kora, le tama ou la flûte
peule et le tam-tam avec notamment le Positive Black Soul. A titre d'exemple,
on peut citer le morceau « Je ne sais pas » ou la
flûte joue un rôle primordial dans l'agencement des
sonorités. Ce fut une des premières tentatives d'africanisation
du rap.
Ensuite l'évolution de la rythmique que l'on cherche
à mettre au goût du public a fait apparaître des genres
nouveaux tels que le « Rap Mbalax » avec des
séquences rap introduites dans la musique mbalax de Youssou Ndour qui a
joué en duo avec le Daara J sur le titre
« Solidarité » dans l'Album Lii ! ou
de Omar Pène en duo avec M.C. Lida dans « Bakar
Fagu » dans l'album Nioune Niar. Mais l'expression la plus
achevée de ce mélange des genres sera réalisée par
le Black Mboloo qui lança en 1998 le titre « Alal »
titré de son album Mbidane dou diam.
En plus de l'introduction des langues africaines et des
instruments traditionnels africains pour apporter la touche africaine, sans
pour autant la rendre exotique, il y a le fait que le rap
sénégalais est traversé par des rivalités qui, au
lieu de le miner, ont plutôt contribué à l'enrichir et
à le développer. Ces tendances se lisent sur plusieurs plans.
Sur le plan du rythme , nous avons déjà
souligné la problématique du « Rap Mbalax ».
Ce style, bien apprécié des populations, a été
décrié par ceux qui se disent les puristes. Ces derniers estiment
que cette forme de mélange de genres est indigne d'un vrai rappeur. Ils
s'insurgent également contre le rap dit « soft » ou
« cool » ou "Yé-Yé ». Cette forme
plutôt destinée à l'écoute et à la danse
s'oppose au « hardcore ».
Dans le « hardcore », les rappeurs disent
qu'ils viennent des quartiers populaires de Dakar qu'ils considèrent
comme les ghettos du pays par opposition aux quartiers chics de la capitale et
insistent davantage sur le message en négligeant la musique. Dans le
hardcore, le rythme est très rapide et ne laisse pas de place aux
chants. L'essentiel est que tout soit parole. D'ailleurs, dans les groupes qui
font du hardcore, on note l'absence d'un chanteur « soul »
puisque ces groupes n'en disposent pas. Ce sont des groupes comme le
« Wa B.M .G. » (Bokk Mën Mën Gëstu) 44
( en rapport avec le quartier d'origine où s'était passé
en 1944 le massacre des tirailleurs: Thiaroye), les
« Rapadio », un groupe de la Médina composé
de trois jeunes (Iba, Bibson et K.T.) qui montent sur scène
encagoulés. Ils ont proposé dans leur album Ku Weet Xam Sa
Bop de rendre propre le mouvement hip-hop sénégalais en
rétablissant le vrai rap (real hip-hop). Ce groupe se caractérise
par l'agressivité de ses sonorités et la dureté de ses
propos.
Ce qui caractérise le rap hardcore, c'est la violence
des textes qui , quelquefois, frise l'indécence. A ce propos, on peut
renvoyer à la compilation D Kill Rap de « Fitna
Production ». Par contre, d'autres groupes se sont
spécialisés dans le « rap cool » à
l'image de M.C. Solar en France. Ce sont des groupes tels que l'ex
« Sunu Flavor » devenu Sama Flavor après le
départ de Doctor Mac, le « Jant Bi », etc. En
revanche, il y a des groupes qui jouent sur les deux registres. Ce sont des
groupes comme le Positive Black Soul ( avec Didier Awadi, Amadou Barry dit
Doug E Tee Et le nouveau venu Baye Souley qui sont considérés
comme les doyens du rap sénégalais) et le Daara J (Fadda Freddy,
Aladji Man et Ndongo Daara).
Sur le plan de la thématique et de l'expression de la
thématique, la distinction s'accentue. Les « rappeurs
cool » abordent dans leurs textes les thèmes éternels
que sont l'amour, l `amitié et quelquefois prennent des gants quand
ils sont dans la dénonciation. Ils cherchent à véhiculer
un message positif. C'est cet aspect qui leur est refusé par les
« rappeurs hardcore ». Pour eux le hip-hop et plus
particulièrement le rap ne joue plus le rôle qui est sien s'il
s'inscrit dans cette lancée. Dès lors, ils se posent en
défenseurs du real « hip-hop » incarné par
des groupes comme le Rapadio ou le Bmg 44. Le « real
hip-hop » est expliqué dans l' « intro »
de la compilation D Kill Rap. Ils se définissent comme les
vrais défenseurs du rap authentique. Alors il faut dénoncer tout
ce qui est susceptible d'être dénoncé dans la
société. Ainsi la situation sociale, économique,
politique, les dérives comportementaux sont passés au crible par
ces rappeurs.
Cette distinction entre « rap hardcore »
et « rap cool » a fait apparaître la distinction
entre »rap social » et « rap lyrique ».
Le rap social est associé au rap hardcore ou rap authentique alors que
le rap lyrique renvoie au style cool ou
« yé-yé ».
La rivalité s'explique par le fait que l'objectif
commercial visé n'est pas le même mais dépend du groupe
concerné. Généralement, les groupes qui ont une envergure
internationale comme le PBS et le Daara J font un rap qui se situe à la
frontière entre le soft et le hardcore avec (évidemment) un
dosage plus ou moins variable selon le groupe. Ils font ce que l'on appelle le
« rap marketing » qui répond plutôt à
des exigences commerciales car on cherche à être
compétitif sur le plan international. C'est pourquoi Ndiouga Adrien
Benga écrit qu' « en dix ans, le rap est devenu une question
financière et artistique »34(*).
Les rappeurs hardcore font du rap dit
« underground » ( sous-sol sous terre)). Ces derniers ont
des ambitions plutôt limitées au Sénégal et n'ont
pour la plupart qu'une seule production à l'heure actuelle à leur
actif. Ils se veulent les rappeurs les plus proches du peuple et qui, seuls
peuvent être leurs véritables porte-parole ou comme le reprend de
Césaire les rappeurs du Daara J : « être la bouche
de ceux qui n'ont point de bouche ». Les représentants de ce
courant sont le Bmg 44, le Rapadio, les Da Brains,etc.
Enfin on peut remarquer la langue utilisée. Les
rappeurs de l »underground » utilisent dans leurs textes
essentiellement le wolof ou les autres langues nationales tout en essayant de
s'exprimer dans la langue des jeunes. Par contre, les
« grands » groupes qui font du rap marketing utilisent
outre les langues nationales, le français, l'anglais et les langues
africaines.
Conclusion
En définitive, on peut souligner que le rap
sénégalais s'est scindé en deux groupes regroupant des
formations qui se distinguent sur plusieurs points : sur le plan du style
qui est soit hardcore soit soft, sur le plan de la thématique qui
distingue le rap violent fait de dénonciation et de contestation verbale
du rap lyrique un peu plus modéré et qui se veut plus positif.
Puis on peut noter le rap commercial qui inclut la question financière
et l'envergure nationale ou internationale du groupe qui opposent le rap
marketing au rap underground. Enfin sur le plan linguistique, en fonction des
publics visés, la langue est une ou multipliée.
TROISIEME PARTIE
ANALYSE DU CORPUS
III - LE NIVEAU MORPHOLOGIQUE ET PHONETIQUE :
ETUDE DE L'ARGOT
UTILISE DANS LE RAP
Introduction
Mis à part le fait que le corpus que nous nous
proposons d'analyser recèle d'un certain nombre de langues africaines ou
européennes utilisées de différentes manières,
nous pouvons également le concevoir comme étant un
véritable « gisement argotifère »3(*)8 pour reprendre le mot de Marc
Sourdot. Cette remarque se justifie du fait qu'il est possible de relever
beaucoup de mots qui renvoient à la catégorie des mots
argotiques. Mais avant d'aborder en profondeur ce problème nous nous
proposons de définir dans un premier temps ce concept.
III.1Définitions
Selon Marc Sourdot, l'argot peut être conçu
comme étant un
« ensemble de mots, un lexique, un recueil
figé d'expressions mais aussi une activité sociale de
communication à l'intérieur d'un groupe plus ou moins
soudé, plus ou moins important » 3(*)9.
Reprenant ici une définition proposée par
Denise François-Geiger, il poursuit son argumentaire en précisant
qu'il s'agirait d'un « parler de communautés restreintes
utilisé à des fins cryptiques; il met ainsi l'accent sur le
côté fonctionnel de ces parlers qui servent d'abord à
cacher tout ou une partie du contenu communiqué à ceux qui ne
font pas partie de la communauté restreinte » 4(*)0.
L'argot revêt ainsi un caractère
auto-exclusif proclamé. Ceci est mis en évidence aussi bien par
Pierre Guiraud, Marc Sourdot que par Denise François. A ce propos,
Pierre Guiraud estime qu'
« un argot est une langue spéciale, pourvue
d'un vocabulaire parasite qu'emploient les membres d'un groupe ou d'une
catégorie sociale avec la préoccupation de se distinguer de la
masse sujets parlants » 4(*)1.
L'argot n'est donc rien d'autre qu ' un «
langage spécial » utilisé par une catégorie de
personnes bien déterminée. Et Guiraud entend par langage
spécial toute « façon de parler propre à un groupe
qui partage par ailleurs la langue de la communauté au sein de laquelle
il vit » 4(*)2
Ainsi, il est possible d'affirmer que l'usage de l'argot
vise avant toute chose une exclusion voulue de tous ceux qui ne font pas partie
du groupe considéré. En ce sens, il devient un outil de
communication propre au groupe et un moyen pour ce groupe de s'auto-exclure.
C'est également un phénomène lexical qui consiste
à créer des termes qui doublent le vocabulaire usuel 4(*)3 et qui «
échappent de cette sorte à l'ensemble des individus non -
initiés »
L'argot revêt certaines caractéristiques
qui lui sont propres et son lexique n'est pas forcément une
création de mots effectuée par ceux qui le parlent. Cependant, il
a des traits phonétiques ou morphologiques qui lui sont propres.
Quelquefois même il présente des « particularités
syntaxiques » 4(*)4.
C'est selon Denise François Geiger
:
« un lexique (qui) double le commun mais avec des
résonances connotatives ou si l'on préfère, culturelles
propres(...). Pour l'élaboration de ce lexique, l'argot dispose de
procédés spécifiques ou non: procédés
formels comme la dérivation parasitaire (...) ou la troncation (...)
et des procédés jouant sur les glissements de sens qui ne sont
pas sans évoquer les tropes de la rhétorique
».
Outre cet aspect, on peut souligner que l'argot,
étant d'abord un lexique avant d'être une grammaire
utilisée dans des contextes de communication (surtout dans la
conversation), devrait jouer certains rôles et certaines fonctions dans
la société. Pour Denise François-Geiger, sa
première fonction (ou du moins la plus évidente ) serait celle
dite cryptique. Il s'agit dans ce volet de communiquer exclusivement entre
initiés sans que les autres « étrangers" comprennent le sens
des messages. A ce propos Pierre Guiraud notait déjà que l'argot
à l'origine désignait non une langue, mais la collectivité
des gueux et mendiants qui formait les fameuses Cours des Miracles, le Royaume
de l'Argot; le terme s'est ensuite appliqué à leur langage; on a
dit d'abord « le jargon de l'argot, puis l'argot » 4(*)5
D'autre part, ce moyen de communication a une fonction
ludique dans la mesure où il est conçu comme un jeu auquel les
membres de la communauté qui le parlent prennent plaisir.
A la suite de ces fonctions énoncées
(cryptiques et ludiques), l'argot peut également jouer d'autres
rôles et revêtir d'autres fonctions que l'étude de notre
corpus nous permettra de découvrir, surtout qu'on se situe dans une
perspective assez particulière. Comme en effet nous l'avons vu, l'argot
désigne un langage qui est particulier à un groupe particulier.
Il a des procédés de formation lexicale originaux et joue des
rôles ou des fonctions très importantes sur le plan social. Ce
sont donc ces aspects de la question que nous allons essayer d'illustrer
à partir de notre corpus. Pour ce faire, nous nous servirons des
propositions contenues dans l'article de Verdhelhan Bourgade pour analyser le
corpus à la lumière des procédés sémantiques
qu'elle a énoncés.
III- 2 Procédés de création de
l'argot
Les procédés de création de
l'argot répondent de plusieurs critères en fonction des besoins
d'expressivité dévolus aux mots ou aux expressions
particulières. Ainsi, les mots qui, dans notre corpus peuvent être
rangés dans cette catégorie lexicale se révèlent
relever de plusieurs origines linguistiques et s'insèrent dans les
expressions de telle manière qu'il est difficile de déterminer si
ces mots relèvent de l'emprunt ou du code switching. Les langues qui
prêtent à l'argot sont essentiellement le français,
l'anglais, le wolof et l'arabe. Nous nous attacherons d'abord à regarder
les changements sémantiques avant de voir leur organisation
morphologique.
III-2-1 Les changements sémantiques
Les changements sémantiques concernent des
langues utilisées dans notre corpus. Ils répondent à des
motivations culturelles et idéologiques tout aussi différentes.
Nous tenterons de jeter un regard d'ensemble pour voir comment les mots
s'organisent. Nous ne nous priverons pas d'ouvrir des fenêtres pour voir
ce qui se fait dans d'autres textes de rap.
Certains mots ont perdu leur sens premier et ont pris un
sens nouveau, même si la signification étymologique reste
présente dans le parler ordinaire. Ainsi on peut souligner
« makk sama, rakk sama »
Identité
Ce syntagme est l'inversion à des fins
stylistiques des expressions « sama makk, sama rakk »
qui signifient, « mon grand frère ; mon petit frère
». Ce sont des expressions utilisées pour les jeunes au sein des
groupes pour signifier la hiérarchie, mais aussi pour montrer ce qui lie
ces individus : une amitié ou plus une fraternité
« Une mafia triangulaire
errait, elle s'était accaparée »
Gorée
Dans ces syntagmes, le mot mafia est employé
pour désigner le commerce illicite, odieux et honteux de l'esclavage,
à la fois sournois et flagrant, mais contre lequel personne ne veut
s'insurger, vu la force qu'il avait le commerce. Triangulaire montre la
présence des trois continents que sont l'Afrique, l'Europe et
l'Amérique.
Dans les syntagmes où le code switching est
absent, les glissements sémantiques fonctionnent comme des
métaphores . Ces métaphores dans certaines situations
dépassent le cadre de la comparaison pour désigner un ensemble
plus large (comme dans le cas de mafia triangulaire ).
III-2-2 L'organisation
lexicale
L'organisation lexicale tournera ici essentiellement
autour des emprunts des néologismes et de l'organisation morphologique
et phonétique. Pour analyser cette partie, nous prendrons toujours pour
illustrer une langue pour nous servir de base et nous permettre de mettre en
évidence l' « intrus ». Cette précision s'impose dans
la mesure où il y a deux ou plusieurs langues présentes dans les
expressions analysées.
- Les emprunts au français
Ce sont essentiellement des mots qui, là
où ils sont placés, remplissent une fonction métonymique.
Ils remplacent la chose désignée ou suggérée par la
manière qui a servi à sa fabrication. On peut relever ou
considérer la traduction du syntagme :
« Fo tox tabac sax ñune gisal tox na
bon » Jengouman
( Même quand il prend une cigarette on dit
qu'il fume du chanvre indien )
On voit que le mot « cigarette » est repris ici
grâce au mot « tabac» ». De même on peut souligner
l'absence de déterminant entre le verbe (tox) et le substantif (tabac ).
Cela en fait une sorte de locution figée.
Il est également possible de souligner des
métaphores dans des endroits où on a utilisé un
vocabulaire spécialisé. Par exemple :
« Jaxare » tribord
bâbord (B.Kobor )
L'emprunt au vocabulaire des marins sert à
marquer l'ampleur de la désolation qui s'empare du paysan
confronté qu'il est à la sécheresse et ses
conséquences.
Les glissements sémantiques affectent
également le niveau syntaxique à partir du moment où des
substantifs d'une langue sont utilisés pour jouer le rôle d'un
verbe. Il y a par exemple :
« béer sa borr, guerre sa
borr » (B.Koor )
On soulignera d'abord l'usage de la paire «
Béer / guerre » à des fins stylistiques car elle permet de
procéder à des rimes intérieures, mais on notera aussi que
le substantif «guerre » joue le rôle d'un verbe et signifie
« faire ka guerre » ou « lutter contre ».
Toujours dans le rap procédé de
réduction du sens des mots, il y a la séquence : « nekk
pègre » (Free style)
où le substantif pègre joue le
rôle d'un adjectif qualificatif attribut et désigne ici un
état: c'est l'état dans lequel sont ceux qui vivent de la drogue
ou de ceux qui sont simplement dans le milieu. Dans une acception beaucoup plus
réduite, le mot signifie « bandit » et l'expression «
être un bandit " c'est la désignation de celui qui n'a peur de
rien.
En outre pour rendre le mot plus proche des mots wolof,
des ménagements phonétiques peuvent être
opérés.
« Cheikh Anta Diop la wotel" Xalima
Voter devient Wotel et le sens du mot est plus
élargi et signifie « être d'accord avec ». Ainsi ce
syntagme signifie « j'adhère aux idées de Cheikh Anta Diop
».
-Les emprunts à l'anglais.
C'est le groupe le plus important. Cet état de fait
peut se comprendre dans la mesure où le rap est originaire des Etats-
Unis. Donc les textes chantés en anglais par plupart des chanteurs
américains (précurseurs) ne peuvent pas ne pas influencer tous
les autres jeunes qui font du rap. Mais la réalité
dépasse ce simple constat car l'anglais s'insère dans le parler
argotique et se mélange aussi bien, avec le français qu'avec le
wolof.
Les mots les plus récurrents sont des mots
techniques relatifs à la musique. Ainsi toute la terminologie musicale,
surtout pour ce concerne le rap, est passée en revue. Et les rappeurs
tels des prêcheurs disent c qu'ils voudraient que le rap soit.
Dans ce morceau ils disent ce qu'ils voudraient que le rap
soit.
« Donc lyriques saints sur un riddim
saint prêchant comme un sain » Microphone
Soldat.
« Sama lyriques daflay dugu melni
xal » (mes lyriques entrent en toi comme du charbon ardent )
Free style
Le mot « lyriques » joue sur l'ambivalence
significative et désigne pour la plupart les versets
déclamés et quelques fois, mais rarement, la musique en
entier.
De même que nous l'avons souligné concernant le
Français, les mots empruntés à l'Anglais fonctionnent
comme des métaphores et des métonymies.
Dans le registre des métonymies on peut souligner
:
« Goor gu la check , gissne xalebi
miss la , Mister xalebi miss la »
Systa ( tout homme qui te regarde voit que cette fille est une
« miss » , mister , cette fille est une miss )
.
Le substantif Miss qui signifie ici «
demoiselle » est mis en corrélation avec la manifestation
culturelle qui consiste à élire la fille la plus belle du pays
chaque année. Ainsi, « miss » signifie « belle fille
» . Alors que « mister » désigne un interlocuteur
masculin.
La dérivation phonétique est
également fréquente dans les textes où on trouve des mots
anglais qui ont changé de sens. Par exemple dans le morceau «
Systa » le mot
« syster » revient assez fréquemment.
Notons cette séquence :
« Sama systa kay ma deyla
Sama systa kay ma yela »
Systa
(Ma « systa » viens que je te dise quelque
chose tout bas
Ma « systa » viens que je t'enseigne (
réveille ) quelque chose ).
Systa est la déformation phonétique
de « syster » qui signifie « soeur » dans le sens
familial. Par delà cet élan d'affectivité qui est
sous-jacent au sens du mot, le mot en lui-même tel que perçu dans
les textes renvoie à toute la gente féminine et systa
désigne simplement la « fille ».
Outre cette intrusion de l'Anglais dans le wolof (dont
nous presque exclusivement parlé), il faut noter sa présence
dans les syntagmes chantés en français. On peut noter :
« Mes lyriques sont versets mystiques
» God vs Devil
«Tous les mans qui lovent pour la femme
" Systa
« Donc lyriques saints sur un riddim
saint prêchant comme un saint "
Microphone soldat
Il est évident que la plupart des exemples
relevés montrent des substantifs, mais il est possible aussi de relever
des mots qui sont des verbes ou qui jouent le rôle d'un verbe :
« Goor gu la check, gissne xalebi miss
la »
« Tous les mans qui lovent pour la
femme »
La plupart des mots utilisés sont naturellement
des interjections ou des mots et expressions qui fonctionnent comme tel. Par
exemple :
« Euskey! Akassa!, joxel assaka!
» Borom bi.
Les mots Euskey et Akassa sont des
interjections utilisées lors des séances de lecture du Coran ou
de poèmes dédiés au prophète de l'Islam. Ils
montrent combien le fidèle imprégné est touché par
ce qui est dit et la conséquence de ce qu'il entend dans son coeur. Ce
sont des mots d'encouragement comme qui dirait "bravo ".
-Les emprunts à l'arabe
L'arabe aussi prête des mots qui jouent le rôle
de verbe :
« Ziar na leen » Borom bi
Ziar est un verbe dérivé du mot arabe «
Ziarra » qui est une sorte de pèlerinage dans les lieux saints de
l'Islam ou de visite de courtoisie à une personnalité de
l'Islam.Ici, il s'agit de l'expression d'une déférence et d'un
respect dans le salut qu'on adresse à son auditeur.
Enfin on peut souligner les substantifs :
« Euskey assaka, joxel assaka
» Borom bi.
Akassa est la prononciation sénégalaise de
« Zakat » qui est une aumône ordonnée parmi les cinq
piliers de l'Islam.
« Sama style moy sa aar , di sa moussiba ak sa bala
» Free style
Les mots d'origine arabe dans ce syntagme sont «
moussiba » et « bala » qui, à quelques nuances
près, signifient la même chose. C'est l'expression du malheur et
de la désolation. Ce sont des mots qui figurent dans les versets du
Coran tout comme «barsax» » qui renvoie à
l'au-delà, dans :
« Waye ba barsax, »
Borom bi
Comme on a pu le constater, la majorité des mots
relevés et qui sont d'origine arabe sont des mots qui existent aussi
dans le Coran. Cela suppose une certaine imprégnation de l'Islam dans
l'argot.
Le mode principal d'introduction de la langue arabe est la
religion.
-Les emprunts à l'argot.
Nous avons déjà souligné des
emprunts à l'anglais, à l'arabe et au français
marqués essentiellement par des glissements sémantiques
caractéristiques. Mais il y a aussi des mots qui ne sont pas
empruntés aux langues citées, mais bien à l'argot que les
rappeurs utilisent dans l'élaboration de leur stratégie de
communication. Dans ce cas de figure, toutes les langues sont
concernées.
Ces mots et expressions sont aussi bien utilisés
dans le cadre du code mixte que lorsqu'une seule langue est utilisée.
Nous avons tout d'abord des emprunts à l'argot wolof
:
« Fo tox tabac sax / ñune gisal
tox na bon » Diengouman (Même quand tu prends
une cigarette, on dit regarde il fume du chanvre indien). Bon
est le mot utilisé dans le milieu de la pègre pour
désigner le cannabis.
Si « bon »est un substantif, il faut
souligner que ce ne sont pas seulement des substantifs wolof qui sont
utilisés. Nous avons des expressions qui fonctionnent comme des
slogans.
« Nay jolli na shilly shaley »
Free Style
Dans ce syntagme, le rappeur proclame à l'endroit de
ses confrères rappeurs la volonté nécessaire ne pas
s'arrêter et de continuer de plus belle.
Les rappeurs empruntent également à l'argot
français :
« Dégonflés, non se
défoncer » Microphone Soldat
« En lyriques 9mm je les crible
» Microphone Soldat
Dégonflés est utilisé par les
Français pour désigner le poltron alors que le verbe
cribler rend compte du choc des balles qui sont destinées aux
mauvais rappeurs.
Les rappeurs prennent aussi des mots de l'anglais. par
exemple, il y a :
« Sound boy, don't give up da fight
»
Dans ce verset, on peut souligner d'une part le mot
boy qui peut être considéré comme un emprunt
à l'anglais dans d'autres circonstances d'autant que le mot est
passé dans le langage courant des Sénégalais. Boy
est un substantif qui permet d'apostropher quelqu'un et d'afficher ou bien une
distance par rapport ( rapport d'infériorité ) ou bien une
complicité d'une fraternité ( rapport d'égalité ).
D'autre part , il y a aussi l'article
" da " qui est une déformation phonétique de
"the" très fréquente dans le langage et les chansons
américaines .Cela peut-être une référence au black
English ( cf. labov) ou au reggae etc.
Il y a également ces mots qui ont été
empruntés au vocabulaire de l'armée américaine :
« Distingue le vrai du wack »
Microphone Soldat
Wack signifie « faux »; c'est une
comparaison entre le vrai rap et le faux rap.
«Mes frères, Mey dey, à tous les
microphones soldats » Microphone Soldat.
Meydey qui est un cri d'alarme utilisé
par les soldats américains pour prévenir d'une attaque (
traduction de Aladji Man, Ndongo D ).Ce cri d'alarme s'adresse au rappeurs qui
s'attaquent à eux.
-Les mots d'origine espagnole
Il y a aussi dans le corpus un mot qui renvoie à
l'univers espagnol :
« Détiennent une fama magique
» M.S
Fama signifie reconnaissance trop rapide. Il s'adresse
aux rappeurs qui veulent brûler les étapes, et sans assez
travailler avoir une renommée.
Comme on a pu le constater, il y a une grande richesse et
une grande variété des sources qui alimentent l'argot
utilisé par les rappeurs Sénégalais. Ils empruntent au
français, à l'anglais, et l'arabe de même à l'argot
des différentes langues. Aussi le rappeur ne s'arrête pas
là puisqu'il va user de toutes les possibilités offertes par la
langue pour compléter son lexique. C'est ainsi que nous allons tenter de
voir comment il parvient à créer des mots.
III-2-3 Les procédés de structuration de
l'argot utilisé dans le rap
Divers procédés de re-structuration des mots
sont utilisés dans l'argot employé par les rappeurs. Parmi ces
derniers, il y a les procédés traditionnels et signalés
aussi bien par Pierre Guiraud4(*)6 que par Verdelhan-Bourgade et ceux que l'on pourrait
qualifier de neuf puisque ne figurant ni chez le premier ni chez le second
auteur cité.Parmi les procédés de structuration des mots,
on peut souligner :
L'épellation et la siglaison.
Dans les procédés que nous désignons
par l'épellation il s'agit d'épeler les lettres qui forment le
mot. Ainsi ce sont des mots qui se rapportent au lexique du rap qui sont soumis
à cette technique. Nous pouvons citer quelques exemples :
«D.A.A.R.A. J. P.O.S.S. E". Djengou
Man
« Ma feleti ci M.I.C. bi andack sama P.O.double S.E
»
« Pour le compte du R.A.P. nourri à l'oseille
» Microphone Soldat
« Mécanisme vicié certains veulent
être au T.O.P. » Microphone Soldat
Comme l'écriture le montre, l'épellation fait
état d'un mot. De ce fait nous avons D.A.AR.A. J. P.O.S.S.E., M.I.C.
P.O.S.S.E., R.A.P. et T.O.P. Il y a également les mots qui sont soumis
de la siglaison.
La siglaison
La siglaison consiste à résumer une phrase
entière par les lettres initiales des mots qui la composent. C'est par
exemple le cas dans cette séquence de Politichien (2000) quand
FITNA devient :
« Fight to
Impose Truth in the
Nation of Allah ».
Les abréviations
Pour ce qui concerne les abréviations, nous avons des
coupures qui se terminent par des voyelles (appelées apocopes en
voyelle) ou par des consonnes (appelées apocopes en consonne.
Les apocopes en consonne sont les plus nombreuses. Cette
technique est utilisée depuis très longtemps et est même
caractéristique du mouvement qui a ses mots qui obéissent
à ces règles:
« Affectés par la crise du biz, les
MC's de ma classe » Microphone Soldat
Pour les apocopes en voyelles, on peut souligner les exemples
suivants 4(*)7
« Par les chefs collabos habillés qui
voyaient » Gorée
« Ou de quelques groupies fanas
» Microphone Soldat
Dans ces exemples les mots collabos et fanas
signifient collaborateurs (en rapport avec les collaborateurs de l'armée
allemande en France la deuxième guerre mondiale) et le second renvoie
à la fois aux termes « fanatique » et « fan
».
Parmi les apocopes en consonne on peut citer :
« Drink da mic [ maik] like wondjo
» Free Style
« Plus de prods nazes pour assouvir les
besoins de Sandaga et de quelques groupies » Microphone
Soldat
« Dans le biz on vit les coups bas »
Microphone Soldat
« Affectés par la crise du biz, les
MC'S de ma classe » MS
Les mots mic, prod, et biz
renvoient respectivement à « microphone »,
« production », et « business » désignant
le monde cruel des affaires.
-La troncation
Contrairement à l'abréviation qui consiste
principalement à éliminer la partie finale du mot, la troncation
dans le cadre de cette présente étude, prend en charge le fait
qui consiste à éliminer la partie initiale du mot ainsi on peut
relever :
« Mu mana jubal sunu pliqué
» Borom bi
« Walla ricain bi, bailleur de fonds bi walla
Fmi » Bkoor
En plus de la remarque qui montre qu'il s'agit
bien dans le deuxième exemple d'alternance codique, on peut souligner
que les mots pliqué et ricain désignent les
substantifs explication et Américain
Explication ou pliqué est le mot
habituellement utilisé pour rendre compte du message (contenu) de la
chanson chantée par le rappeur ou simplement de la discussion avec un
interlocuteur pour montrer qu'on essaie d'expliciter le contenu de son
message.
- La suffixation
Dans le procédé de création lexicale, il
arrive que l'on crée des mots ayant pour racine un mot wolof et un
suffixe puisé dans une autre langue généralement,
étrangère et occidentale. C'est le cas par exemple dans
"Jengouman "
« Jengouman, ma lim linga dont »
Jengouman
Nous avons la configuration morphologique suivante :
Jengou (racine wolof) et Man suffixe.
Le suffixe man signifie celui qui exerce une
activité (en langue anglaise du Sénégal) mais
étymologiquement; il désigne l'homme. « Jengou
» signifie la débrouille. Ainsi celui qui se débrouille
est appelé « jengou man »
Pour faire preuve d'érudition, on emploie des mots aux
allures savantes qui obéissent aux mêmes règles de
fabrication on peut souligner :
« Cette maladie rapologique »
Microphone Soldat
« Dolécratie »
P.B.S.
Le mot rap d'origine anglo-américaine est passé
maintenant dans toutes les langues. Le suffixe « logique » a pour
étymologie « logos» qui est un mot d'origine grecque
employé en français dans les mots savants pour désigner
une science qui s'occupe d'un domaine précis et précisé
par la racine du mot qui l'accompagne. Ainsi, on peut considérer que le
mot rapologique renvoie à la science qui s'occupe du rap et de
tout ce qui se trouve autour du rap. La configuration du mot serait :
Rap: racine; logique suffixe.
Dans ce même processus de création lexicale,
surtout pour ce qui concerne la néologie lexicale, on peut
citer PBS qui dit dolécratie. « Dolé
» signifie la force et « cratie », c'est la
gestion de la cité, d'où le substantif crée et qui veut
dire que le Sénégal est gouverné par la force.
Les anglicismes
Il s'agit par ce procédé de donner à un
mot (généralement tronqué) une prononciation anglaise en
lui attribuant une particularité anglaise. De ce fait, il suffit
d'ajouter un « s » pour marquer le pluriel (français)
là où l'anglais l'utilise pour marquer l'appartenance. Cette
particularité est visible dans les exemples suivants :
« Ou miroir qui brille contre diam's, or,
ivoire » Gorée
« Contre cette flopée de M.C.'S
» Microphone Soldat
diams renvoie à diamant alors que
M.C'S est le pluriel de M.C. (Master of Ceremony).
- La verlanisation
Aussi appelée « Kall » en wolof, c'est un
procédé qui consiste à prononcer les mots en les inversant
d'où son appellation « verlan » qui est l'inversion de
l'expression « à l'envers ». C'est un procédé
souvent utilisé par les rappeurs. Dans notre corpus, on peut le
souligner dans les séquences:
«Pas comme un fonce-dé »
M.S.
« Comme un nikovkalash »
Microphone Soldat.
Comme on peut le constater ici, les mots fonce-dé
et nikovkalach, signifient respectivement défoncé
et kalachnikov . ce sont des mots issus qui de l'argot
français, qui du vocabulaire des armées. Le premier mot
désigne ce que le rappeur ne doit pas être: c'est-à-dire un
fou alors que le second met en évidence la violence du choc des coups
promis aux mauvais rappeurs.
-Les onomatopées
Les rappeurs, grâce à ce
procédé, peuvent rendre compte de certains
phénomènes en tenant en considération le bruit qu'ils
provoquent généralement employés pour qu'ils fonctionnent
comme des verbes. Elles servent aussi à marquer la violence d'un choc
:
« Les valeurs humaines bing comme un
nikovkalash » M.S.
« Sama naax bal dilendo touie taî
» Xalima
Dans le premier exemple, on voit que l'onomatopée
« bing » reprend le bruit supposé sorti du
kalachnikov alors que dans le second elle reprend le cri que pousse celui qui
est atteint par le coup de poing ( au plexus ).
-Le décompte
Ici ce ne sont pas les trois premiers chiffres qui ne sont pas
présents et servent à donner le signal du départ de la
chanson :
« One, two, three
Ma fëggëti ci MIC andak sama Posse
» Borombi (je frappe sur le micro en compagnie de mon
posse )
Ce procédé n'est pas une
spécialité du groupe Daara J puisqu'on le retrouve dans d'autres
textes d'autres rappeurs. Nous pouvons souligner :
« 1,2,3, voilà que je pose sur le
beat, mon nom c'est Awadi du P.B.S. »4(*)7.
« Ben ci yow, niar ci man ; Daddy Bibson & Khuman
,bul lajté ku mën »4(*)8. ( Un pour toi, deux pour moi, Daddy Bibson,
Khuman, ne te demande pas qui est le meilleur )
« Benio, niar, beno, niar
Rapadio mo fi diar »
Rapadio 4(*)9
( Un, deux, un deux c'est le rapadio qui est passé
par-là).
En définitive, on peut constater que les rappeurs,
dans leur création de ce langage qui leur est spécifique, ont
passé en revue l'essentiel des mécanismes classiques de
création de l'argot et en ont inventé qui ne figurent pas dans
les ouvrages que nous avons pris comme référence. C'est ainsi que
nous allons tenter maintenant de décrypter leurs valeurs et leurs
fonctions.
III-3 SIGNIFICATION DE L'ARGOT EMPLOYE PAR LES RAPPEURS
Comme l'ont déjà souligné tous les
chercheurs qui ont travaillé sur ce phénomène, les valeurs
premières de l'argot sont ludiques et cryptiques (cf. Guiraud et
François-Geiger4(*)8).
La fonction ludique concerne essentiellement le fait que
l'argot est d'abord un jeu. En effet cette stratégie de communication
repose sur le plaisir. Quant à la fonction cryptique elle consiste
à limiter la compréhension des messages délivrés au
seul groupe des initiés. Cependant dans le cadre qui nous concerne,
l'argot comme moyen de communication, dépasse les premières
significations pour prendre des valeurs très importantes et relatives
d'une part au mouvement hip-hop et à ses réalités et
d'autres part à ses exigences. Il y a enfin la fonction relative
à l'originalité du groupe qui a prêté ses textes
pour servir de corpus et de ses membres.
III-3-1Les dimensions cryptiques et ludiques
Nous l'avons déjà précisé plus
haut, les premières fonctions de l'argot sont d'être cryptiques et
ludiques. Déjà Pierre Guiraud faisait remonter son origine au
dix-septième siècle et le faisait correspondre au langage des
mendiants et des gueux. Plus tard, avec l'évolution, il est devenu le
langage de la drogue et de la délinquance où il est
impératif de ne pas se comprendre du reste de la population5(*)1. Pour des raisons
évidentes de sécurité.
Dans le cadre du langage employé à la fois par
les jeunes dans leur vie quotidienne et les rappeurs dans la création
artistique, le rapport au langage change. Il s'agit bien de se dissimuler par
rapport aux autres, mais aussi de vulgariser sa production d'où son
caractère paradoxal. On relève à cette stratégie de
communication tout cet aspect qui en fait un langage secret ou «code
à clé » pour reprendre le mot de Manuel
Boucher5(*)2.
Mais l'argot demeure lié à la quête du
plaisir à cause de joutes oratoires au cours desquelles les
initiés doivent montrer ce qu'ils peuvent faire. Ensuite l'usage de
l'argot peut permettre de reconnaître les autres qui font partie du
milieu.
II-3-2 L'affirmation d'une identité
Le rappeur sait au moins une chose : il est
différent des autres comme les autres sont différents de lui.
Cette différence se manifeste à travers plusieurs aspects:
vestimentaire, comportemental, langagier, gestuel. De ce fait, son langage
qu'il veut spécial a pour mission de dire cette différence et
d'affirmer cette identité qui lui est propre. En utilisant l'argot avec
tout ce que cela renferme de cryptique, il dit à la face du monde qu'il
existe et qu'il est un messager5(*)2. Son message il le délivre en le maquillant,
obligeant les gens à le décoder. Cela permet de faire le tri des
personnes que cela intéresse et cela lui permet de reconnaître les
membres de cette communauté qui cherche à s'auto-exclure.
Il demeure évident que l'argot pour être
vraiment «bon argot» ne doit pas être diffusé à
grande échelle mais doit révéler le désir d'un
groupe de rester homogène en excluant tous les autres s'il veut
sauvegarder son identité. Mais dans le cadre du rap, le message est
social, politique, et s'occupe des moeurs. Il doit ainsi être
vulgarisé pour que le rappeur puisse jouer véritablement son
rôle de messager. De la sorte, tous les procédés
utilisés pour créer l'argot ont pour mission de montrer n'est pas
un être passif qui vit d'inspiration et qui digère les concepts
venus d'ailleurs sans réagir. Il doit aussi dire comment il trouve le
monde et comment il voudrait qu'il soit.
Ce désir devient possible grâce à cette
sorte de subversion du langage qui reflète la révolte dans
laquelle les jeunes sont plongés et leur désir de voir leur monde
se transfigurer ( dans le sens positif, bien entendu).
Ainsi l'argot permet au rappeur de s'identifier à
son groupe, d'identifier les autres membres de son groupe. Il permet aussi de
s'identifier par rapport aux jeunes de sa génération, de prendre
ses préoccupations et ses problèmes.
Ainsi Doug E.T.du P.B.S. déclarait dans une interview
parue dans le quotidien Le Soleil:
« il arrive souvent que les enfants comprennent
plus vite des choses que les adultes ne comprennent pas. Nous employons le
plus souvent le langage de la rue, le langage des enfants de la rue " ku wax
feñ " par exemple. Un adulte qui entend le mot anglais " kill " dans
notre jargon, pense tout de suite à l'acte de tuer. Or chez nous
ça s'entend autrement » 5(*)4.
Ce langage plutôt réservé
à un groupe tout étant vulgarisé à travers les
médias est la manifestation de l'identité d'un groupe qui a
choisi de crier sa révolte et sa colère.
II-3-3- La subversion du langage comme
moyen de résistance
positive d'un groupe
Le contexte d'apparition et de développement du rap
dans les trois pays que sont les Etats-Unis, la France et le
Sénégal est assez révélateur. Il laisse
apparaître que les jeunes devaient à une époque
précise éprouver le besoin de dire leur refus face à
certaines pratiques et certaines réalités de leur pays. Le texte
de rap donne ainsi l'occasion de dire le « ras le bol »
général et permet de refuser et de résister.
Rappelons qu'aux Etats -Unis, l'apparition du rap a
coïncidé avec la virulence des mouvements racistes qui
considéraient les Noirs, les Hispaniques et les Juifs comme des hommes
plus bas que les animaux ou comme des objets5(*)5. En France, c'est le schéma qui est repris
car les étrangers sont considérés dans ce pays comme des
moins que rien, de même que les enfants des émigrés5(*)6. Enfin on se souviendra qu'au
Sénégal, le mouvement hip-hop a débuté au lendemain
des élections législatives et présidentielles de 1988 et
l'année blanche qui a suivi dans la même année et a
jeté des milliers de jeunes atteints par l'échec scolaire dans la
rue5(*)7.
Ces trois pays ont pour dénominateur commun de voir
l'émergence du mouvement et son évolution être en
étroite corrélation avec des événements peu
ordinaires. Ces événements montrent que les précurseurs du
mouvement dans ces pays sont sujets à une marginalisation de la partie
d'un système qui n'a pas pris en considération leurs
préoccupations, ni pris en charge leur destin. Alors ce qu'ils ont perdu
par leur faute, ils le récupèrent grâce à cette
torture ou cette subversion qu'ils imposent au langage.
La subversion du langage consiste à tirer à
boulets rouges sur le système et en veillant à ce que les
personnes ou les groupes ciblés ne comprennent pas de prime abord ce qui
est dit de plus, on impose à ceux qui veulent comprendre de faire des
efforts pour pouvoir décrypter le message qui est délivré.
Par l'intermédiaire de ces efforts qu'on lui fait faire, on peut de
manière symbolique se venger de lui.
Déjà, dans Rapologie, Philipe Pierre
Adolphe et José Louis-Bocquet voyaient le rap comme un «
cri venu des milieux urbains voués au silence ». Ils
ajoutaient en déclarant que:
« le rap (était ) l'expression directe des
incertitudes de fin de siècle. Cette tchatche hargneuse et
poétique, paradis des mots hybrides assénés comme des
uppercuts, des flots qui s'enchaînent comme des avalanches de coups de
poings, est devenu le symbole de anti-langue-de-bois, comme ennemi naturel du
politiquement incorrect et de la nove langue de la société du
spectacle » 5(*)7
Alors il devient plus aisé de lire les
onomatopées qui reprennent avec violence les coups de poings et d'armes
à feu relevés dans le corpus.
La résistance n'est pas violente dans les actions,
elle l'est dans les paroles. Il s'agit en réalité de transformer
les énergies négatives accumulées par chaque individu en
énergie positive ainsi que le prônait l'un des précurseurs
du mouvement Grand Master Flash. Il s'agit également de prendre une
revanche sur les systèmes politiques et économiques de leur pays
qui ne les a pas pris en compte comme le montre R.Brown dans cette reprise par
Lapassade et Rousselot:
« Quand Brown parle de babouin et
d'éléphant, il fait appel à une ancienne pratique ; celle
du " signifying " dont l'origine est le "signifying monkey " ( le singe vanneur
), le babouin ou encore le macaque, deux surnoms péjoratifs du noir,
mais que celui-ci a récupéré à son profit: il est
malin comme un singe et se venge de l'homme blanc par la parole, le blanc
évoque la lourdeur de l'éléphant » 5(*)7.
Ainsi l'usage de l'argot dans le rapport peut passer comme
l'expression d'une révolte, la résistance d'un groupe qui refuse
d'abdiquer face à un système politique qui ne l'a pas
suffisamment pris en compte.
II-3-4 Un discours teinté de
religiosité
Dans l'observation de notre corpus, il est ressorti toute
une panoplie d'expression d'origine arabe. Ces mots et expressions
reflètent une culture et une religion: la culture islamique et la
religion musulmane.
Les expressions comme « Euskey »et «
Akassa » sont souvent utilisées lors des séances
de lecture du Coran ou de lecture de poèmes dédiés au
prophète de l'Islam. Cela montre qu'il est possible de relever dans
l'expression des rappeurs une certaine lecture religieuse de la
société.
Il faudrait tout d'abord souligner que le mouvement hip-
hop a très tôt été imprégné de
religiosité. A son origine, aux Etats Unis, il y a eu un discours
profondément influencé par l'Islam. Georges Lapassade et Philipe
Rousselot avaient déjà montré la présence de Dieu
dans les textes de rap. D'ailleurs ils soulignent que le rap, qui marque un si
net retour aux symboles de la militance des années 60 reprend totalement
à son compte l'islam noir américain ,celui d'Elija Mohamed, de
Malcom X, de Muhammad Ali de Leroi Jones et celui de Farakhan, Ice T, Public
Ennemi, Divine Styler, autant de prosélytes de cet Islam si particulier:
« Allah-u-akbar, May peace and blessing be
up on Elija Muhammad and Imam W.D. Muhammad, i give thanks for Abdullah servent
of Allah " lit-on sur une couverture de Divine
Styler ; et sur celle de professeur Griff :
«Assalam Alaikum, peace be into your aila praise are to whom none is
grater » 5(*)8
Cette dimension religieuse s'explique du fait que le
rappeur Américain se considère comme un prophète, un
messager de dieu qui doit dire la société et amener une
révélation.
Pour le rap sénégalais il est à
noter que la société est pro ancrée dans la religion
musulmane pratiquée par plus de 90% de la population avec un certain
nombre de confréries existant dans le territoire. Beaucoup de jeunes se
réclament de l'une de ces confréries. Les enfants apprennent le
Coran, dès le bas âge et l'Islam fait partie du quotidien des
sénégalais.
Le rappeur est un messager, un prophète qui doit
révéler ce qui est bon et ce qui est mauvais. Cela se fait
à la lumière de l'Islam, de la morale islamique et de ses
préceptes.
Pour eux cette religion est le recours pour sortir de
la dépravation des moeurs et surtout de la politique politicienne qu'il
convient de dénoncer. L'Islam est ainsi un moyen de sortir de la
délinquance qui guette les jeunes et de ne pas plonger dans la drogue et
la violence
CONCLUSION GENERALE
Parler de rap au Sénégal revient à
parler des jeunes, de ce qui les intéresse, de ce à quoi ils
s'identifient. C'est sortir le miroir dans lequel ils projettent leur image
pour pouvoir la lire. En sociolinguistique, cette image obtenue par
réflexion à permis de voir la manière dont les jeunes
communiquent entre eux et avec les autres membres de la communauté. Cela
a permis de découvrir un certain nombre de positionnements culturels et
idéologiques qui sont en réalité de véritables
revendications que les jeunes posent comme leur plate-forme à ceux qui
tiennent entre leurs mains leur destinée.
Seulement, on ne peut pas évoquer le mouvement hip
hop en passant sous silence son origine et son évolution jusqu'à
son arrivée en Afrique et au Sénégal. Il faut cependant
rappeler que le mouvement englobe une musique le (rap), un art la (peinture ou
graffiti), une mode vestimentaire etc. mais nous nous sommes
intéressé dans un premier temps uniquement à la musique et
plus particulièrement aux textes chantés par Daara J et les
autres rappeurs.
Un bref regard a permis de voir que le rap bien que
né en Jamaïque, a connu une explosion extraordinaire dans les
années 1970 lorsque les jeunes des ghettos de New York ont voulu crier
leur ras le bol face aux traitements auxquels étaient soumis les gens de
couleur aux Etats Unis. Ce même vent de contestation va souffler en
France lorsque les enfants des immigrés africains noirs et arabes se
rendent compte qu'ils étaient sujets à ce même traitement
qui a pour nom chômage, ségrégation, échec scolaire
et social etc.
Même si les conditions ne sont pas les
mêmes que dans ces pays cités, le Sénégal ne sera
pas épargné par le mouvement puisque la jeunesse voudra se lever
et revendiquer sa place dans la société. Ainsi le mouvement hip
hop sénégalais est né et s'est développé
à partir de 1988 lorsque après les élections
législatives et présidentielles perturbées, l'année
blanche va jeter dans la rue des milliers de jeunes. D'ailleurs nombreux sont
les rappeurs qui s'identifient à cette jeunesse sujette à
l'échec scolaire massif. Didier Awadi du Positive Black Soul aime
à rappeler qu'ils font partie ( les rappeurs PBS ) de « cette
classe 1988, 77jeunesse malsaine, génération sacrifiée
». Ensuite, le mouvement prendra son essor et
connaîtra cet essor qu'il a maintenant.
Il est vrai que les tendances sont différentes
et variées, mais cette richesse ne fait que participer au
développement de la culture hip hop. Ce qui fait que ses acteurs sont
devenus des personnages importants dans la vie culturelle du pays, dans la vie
sociale puisque les jeunes s'y reconnaissent et dans la vie économique
puisque le rap est un marché que les producteurs ont commencé
à investir avec force. En outre on peut constater que les rappeurs sont
souvent sollicités pour les campagnes de sensibilisation destinés
aux jeunes.
Dans cette étude que nous avons menée,
nous nous sommes intéressé à l'argot employé par
les rappeurs dans leur création artistique. Nous avons pu souligner la
diversité des procédés employés pour la
constitution du lexique qui le compose. Ceux-ci passent essentiellement par les
glissements sémantiques. Nous avons pu relever entre autres l'emploi de
la métaphore et de la métonymie. Il y a également les
emprunts aux différentes langues qui composent le paysage linguistique
sénégalais. Ce sont l'anglais, le français et l'arabe,
l'argot anglais ou français. Mais le rappeur ne se limite pas seulement
à cela puisqu'il va créer des procédés de
structuration de son langage en procédant à l'épellation,
au verlan, aux abréviations etc.
La richesse des procédés qui permettent la
création lexicale pour la constitution de l'argot est
révélatrice des intentions, des positionnements et des
réclamations véhiculés par les textes du rap. Il demeure
évident que l'allusion à l'anglais renvoie presque
nécessairement à l'Amérique où est originaire le
mouvement et à son influence sur les jeunes. De même, le
français renvoie automatiquement au pays du colonisateur, mais l'argot
dans le rap a bien d'autres significations.
Il est vrai que les premières fonctions que l'on
peut assigner seront les dimensions ludique et cryptique, mais dans ce contexte
la dimension cryptique doit être relativisée. Il n'est point dans
l' intention du rappeur de limiter son auditoire, mais l'argot permet de
procéder d'une part à l'identification des membres de la
communauté. D'autre part, c'est le moyen pour ce groupe presque
rejeté, puisque n'étant pas pris en considération de
prendre sa revanche sur la société qui ne veut pas lui donner la
place qui est sienne. Ainsi il peut prendre sa revanche sur le système
qui n'a pas pris en compte ses préoccupations les plus légitimes.
Il s'impose aussi, vu la teneur subversive de son message.
L'usage de l'argot permet de s'identifier au groupe, de
montrer son appartenance au mouvement mais aussi d'identifier les membres du
groupe. Ce qui montre que la solidarité de «corps» et le
besoin de préserver son identité et son intégrité
sont importants. En plus il faut se venger sur les autres en se mettant
à l'abri et ne pas faire censurer ses textes. Cela est
compréhensible si on connaît la teneur des messages contenus dans
les textes de rap. Aussi, faut-il souligner l'importance que les rappeurs
attachent à la résistance par le biais de la subversion du
langage. Ainsi on montre que l'on refuse d'abdiquer même si on n'est pas
pris en considération par les systèmes politiques et
économiques en vigueur.
Enfin la religion devient un refuge. Comme les
précurseurs du mouvement aux Etats Unis, on se réfugie dans
l'Islam où le rappeur pense qu'il y a une possibilité d'Ascension
et de Rédemption qui pourrait lui permettre de sortir de la
misère sociale et morale qui a plongé ce pays dans cette
situation qu'il décrit dans son texte.
Dans cette esquisse qui se veut une contribution à
une étude sociolinguistique du phénomène hip hop, nous
avons tenté d'apporter une pierre à l'édification de ce
riche terrain d'étude. Nous ne prétendons pas avoir
été exhaustif puisque plusieurs domaines peuvent être
explorés. Et nous espérons avoir apporté un
éclairage sur les pistes que nous visiterons lors de nos prochaines
études sur ce phénomène
I- OUVRAGES SCIENTIFIQUES
1. Appel, René & Muysken, Pierre (1988):
Language contact et bilingualism. Amsterdam,Institute for General
Language, University, Amsterdam.
2. Auzanneau, Michèle (1999) et Alii : Paroles et
musiques du rap, Deuxièmes rencontres de Rapologie, Libreville,
E.N.S.
3. Benga N'diouga Adrien (1998) : L'air de la ville
rend libre, musique urbaine et modernité: des groupes et musique des
années 1900 ( Dakar -Saint-Louis ), Dakar, UCAD , FLSH ,
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4. Becker, Ho Alice (1993) : Les princes du jargon,
Paris, Gallimard.
5. Blonde, Jacques, Dumont, Pierre & Goutier
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Dakar, NEA ,Paris, Edicef..
6. Bloomfield Léonard (1970) : Le langage ,
Editions Payot, Paris.
7. Bocquet, José-Louis & Pierre Adolphe Philippe
(1997): Les petits libres n°14 Rapologie, Editions de minuit.
8. Boucher Manuel (1998) : Rap expression des lascars;
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française, Paris, L'Harmattan.
9. Charaudeau Patrick (1983) : Langage et discours
éléments de sémiolinguistique (pratique et
théorie ), Paris Hachette.
10. Colin Jean Paul (1999): Dictionnaire de l'argot
français et de ses origines (Préfacé par Alphonse
Boudard ), Paris, Editions Larousse.
11. Diakhaté Maïmouna & Samb Amadou Makhtar
(1998) : Thématique et stylistique du rap: classe de
troisième, Dakar, E.N.S, Mémoire de
spécialité.
12. Geiger, Denise François & Goudailler, Jean
Pierre ( Sous la direction de ) (1989): Langue française n° 90
: Parlures Argotiques, Paris Editions Larousse.
13. Guiraud, Pierre: L'Argot, Paris, Collection
« Que-sais-je », PUF.
14. Gumperz, J.J. (1982): Discourse
stratégies, Cambridge, Cambridge University Press.
15. Gumperz, J.J. (1989) : Sociolinguistique interactive
: une approche interprétative. Paris L'Harmattan.
16. Hagège, Claude (1983): La structure des
langues, PUF, Paris, Collection « Que-Sais-Je » n°
2006.
17. Labov, William (1976): Sociolinguistique, Paris
Editions de Minuit.
18. Lapassade, Georges & Rousselot Philippe (1996 ) :
Le rap ou la fureur de dire. Paris Loris Talmart.
19. Ndao, Papa Alioune(1996) : Contact de langues au
Sénégal : Etude du code switching wolof-français en milieu
urbain: approche linguistique, sociolinguistique et pragmatique,
Dakar, UCAD, Doctorat d'Etat.
20. Touré, Abou El Caba ( sous la direction de )
(1997): Commission Nationale de Français: Nouveau Programme de
Français, Dakar, Ministère de l'Education Nationale.
II- ARTICLES SCIENTIFIQUES
1. Billez, Jacqueline (1999) : « Poésie musicale
urbaine, langues et identité enlacées » in
Ecritures et textes d'aujourd'hui; cahier du français contemporain
n°4, sous la (coordination de M.Marquilo ), Paris ENS
éditions.
2. Cadiot, Pierre (1991): « Les mélanges de
langues » in France, pays multilingue tome II : Pratique des langues
en France, Paris L'Harmattan.
3. Melliani, Fabienne (juin 1998): « Le
métissage langagier comme lieu d'affirmation identitaire : le cas des
jeunes issus de l'émigration maghrébine en banlieue rouennaise
» in Les parlers urbains, UPRESA, 60 65,
Université de Rouen.
4. Neury, Philippe (1994): « L'argot en milieu
carcéral » in Actes de la première journée
d'étude de la formation doctorale, Université René
Descartes. Paris V, Paris.
5. Signaté, Diamé (1994), « la norme et
l'usage » in Anales de la Faculté de Lettres et Sciences
Humaines n° 24, Dakar UCAD.
III - ARTICLES DE
JOURNAUX5(*)9
1. Sambou, Cissé : « Rap public en
république » in Le Soleil du 29,30 avril et 1er
mai 2000, p.14.
2. Dia, Alpha: «Sénérap : Les producteurs
locaux» : http : www, africa-server
n / rumba-kali /fr. sene htlm.
3. Dia, Demba Sileye: «Hip-Hop pour les droits de
l'homme» in Walfadjiri Quotidien n° 2088 du 27 28
février 1999 p. 7.
4. Dièye, Alioune Badara: «Les politiciens
parlent de rap» in Sud Détente (Sud Quotidien )
n° 98 du 20 novembre 1999, pp 5-7.
5. Dièye, Alioune Badara: «le hip-hop
sénégalais : Origine et perspectives» in Sud
Détente (Sud Quotidien ) n°63 du 12 février 1999, pp.
7-10.
6. Diouf, Sékou: «Jant-bi : Rapadio a trahi le
rap» in 7 week-end n°11 du 28 janvier 2000 p.7.
7. Fall, Joe Ousmane: « Mutation ou confirmation : non
Daara J, c'est pas seulement du rap » in 7 week - end
n°10 du 10 décembre 1999 p.5.
8. Fall, Joe Ousmane: « Rapadio et Dkill Rap : un seul
objectif: repeindre la société » in 7 week -
end n° 7 du 17 décembre 1999 p.8.
9. Fall, Lamine: « Rapadio : les soldes d'une sortie
fracassante » in 7 week -end n°11 du 28 janvier
2000 p.7.
10. Lô, Mamadou Oumy: « ces nouveaux bastions
conquis par le rap » in 7 week -end n°8 du 7
janvier 2000 p.12.
11. Magazine Groove n°13 février
1998.
12. Thiam, Souleymane: « Mister Kane : le jeune qui
défie Talla Diagne et Sandaga » in Nouvel Horizon
n°240 du 22 septembre 2000 p.19
* 1 Gumperz John J (1989) :
Sociolinguistique interactionnelle :une approche
interprétative, Paris, L'Harmattan.
* 2 Ndao Papa Alioune
(1996) : Contacts de langues au Sénégal :
étude du code switching wolof-français en milieu urbain ;
approche linguistique, sociolinguistique et pragmatique, Dakar, UCAD,
Thèse de Doctorat d'Etat.
* 3 Dumont Pierre
(1983) : Le français et les langues africaines, Paris,
Khartalla
* 4. Appel René &
Muysken Peter (1990) :Languages contact and bilinguism,
Amsterdam, Institute of General Language, University of Amsterdam, p.23.
* 5 Idem : p.24.
* 6 Boucher Manuel
(1998) :Rap : Expression des lascars ; significations et
enjeux du rap dans la société française, Paris,
L'Harmattan, p.10.
* 7 Bocquet José-Louis
& Pierre-Adolphe Philippe (1997): Les petits libres n°14,
Rapologie, Paris, Editions des mille et une nuits, p. 71-72.
* 8 Billiez Jacqueline
(1998): « Poésie musicale urbaine : langues et
identités entrelacées » in Ecritures et textes
d'aujourd'hui ; cahiers du français contemporain n° 4
Paris ENS Editions, p.136.
* 9 Boucher Manuel :
op.cit p.10-11.
* 10 Bocquet José-Louis
& Pierre-Adolphe Philippe (1997):op.cit.p.72.
* 11 Boucher
Manuel :op.cit. p.13-14.
* 12 Commission Nationale de
Français (CNF) (1997): (sous la direction de Abou El Caba
Touré) :Nouveau programme de français, Dakar,
Ministère de l'éducation Nationale.
* 13 Dia Alpha :
Sénérap ; les producteurs locaux ;177p
(http/www.africa/server n/rumba-kali/fr sene/htm.
* 14 Billiez Jacqueline
(1998): op.cit. p. 61.
* 15 Gumperz John J
(1989) :op.cit. p. 61.
* 16 Cadiot Pierre
(1998) : « les mélanges de langues » in
France pays multilingue ; Tome 2 ; Pratiques des langues en
France Paris, p.53.
* 17 Dabène Louise &
Billiez Jacqueline (1998) : « Le parler des jeunes issus de
l'immigration »
* in France pays multilingue ;
Tome 2 ; Pratiques des langues en France ,op.cit.
18 François-Geiger Denise & Goudailler Jean
Pierre (1991) : Langue Française n°90 ; Parlures
Argotiques ; Paris, Larousse éditions.
* 19 idem p 11
* 20 Gumperz John J
(1989) :op.cit. p. 71.
* 21 Guiraud Pierre
(1980) :L'Argot, Paris, PUF,Collection « Que sais
je »,p.6.
* 22 Verdelham-Bourgade
Michelle (1989) : « procédés sémantiques
et lexicaux du français branché »in Langue
Française, op.cit.
* 23 Dieye Alioune
Badara : « le hip-hop sénégalais : origines
et perspectives » in Sud détente(Sud
quotidien),n°63 du 12 février 1999, pp.7-8-9-10.
* 24 Idem.
* 25 Benga Ndiouga Adrien
(1998) : L'air de la ville rend libre ;musique urbaine et
modernité métisse ; des groupes de musique des années
1950 aux possees des années1990 (Dakar - Saint-Louis) ;
Dakar, FLSH, np ; p.11.
* 26 Idem.
* 27 Benga Ndiouga Adrien
(1998) :op.cit.p.11.
* 28 Benga Ndiouga Adrien
(1998) :op.cit.p.10-11.
* 29 Diakhaté
Maïmouna & Samb Amadou Makhtar (1999) : Thématique et
stylistique du rap ; Classe de troisième ; Dakar, Ecole
Normale supérieure, Mémoire de spécialité.
* 30 Dieye Alioune
Badara :op.cit.p.9.
* 31 Diakhaté
Maïmouna & Samb Amadou Makhtar (1999) : op.cit. p 4.
* 32 Dieye Alioune
Badara :op.cit. p 10.
* 33 Diakhaté
Maïmouna & Samb Amadou Makhtar (1999) : op.cit. p.5.
* 34 Benga Ndiouga Adrien
(1998) :op.cit
* 38 Sourdot Marc (1991) :"
Argot ,jargon ,jargot " in Parlures Argotiques : Langage
n°90 (sous la direction de Denise François-Geiger et de Jean
Pierre Goudailler ) Opcit p. 13
39 Idem p .14
* 40 Idem p.16
* 41 Guiraud Pierre(1980),
L'Argot, opcit p.16
* 42 Idem, Ibidem.
* 43 Sourdot Marc opcit
p.17, 18
* 44 François Geiger
Denise (1991) " Panorama des argots contemporains" in Parlures
Argotiques n°90,opcit p.11
* 45 Guiraud, Pierre (1980)
opcit.
* 46 Guiraud P.(1980)
opcit
* 47 5Kiem 1/2Ground Hip Hop
pharmacopée in Dkill Rap.Fitna production 1999
Rapadio Ku weet xam sabop Fitna production 1998.
* 47 P.B.S(1998 ). New
York Paris Dakar : «Why ».
* 48 Bibson et
Khuman,(2000) les frères ennemis, KSF.
* 49 Rapadio : (1998
)Beno , niar ,Ku weet xam sa bop , Fitna Production .
* 50 François Geiger;
Denise; (1990) opcit.
* 51 Guiraud (Pierre )
opcit p.5
* 52 Boucher (Manuel)
Opcit .p.73
* 52 Lapalissade ( Georges )
& Rousselot (Pierre ) opcit p.36
* 54 Cissé (Sambou ). "
P.B.S. : " rap public en république " in Le Soleil du samedi
29,dimanche 30 avril et lundi 1er mai 2000, Dakar p.14 .
* 55 Lapalissade (Georges )
& Rousselet opcit
* 56 Boucher ( Manuel )
opcit
* 57 Benga (Ndiouge Adrien)
opcit
* 57 Lapassade (Georges ) &
Rousselet (Philipe) opcit p.56
* 58 Lapassade & Rousselet
opcit
* 59 Nous donnons à
titre indicatif quelques articles de journaux ; la liste est encore plus
longue.
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