D) Le Plan d'Urbanisme de Détail d'une ville
exutoire ? (Voir la carte en annexe)
Les processus de concertation engagés entre
les niveaux politiques locaux et ministériels cachent mal la
surimposition du projet étatique sur le bâti préexistant,
sauf sur les habitations des premiers arrivants, qui sont remarquablement
peu remises en cause. A contrario, certains groupements Peuls
présents depuis plus de 40 ans n'apparaissent pas sur le plan : cela
montre une volonté manifeste de mise à l'écart de ces
populations par les autorités politiques locales.
D'après les rapports des groupes de travail
élaborés en collaboration avec différents
ministères, les membres des collectivités locales ont
réussi à peser quelque peu sur le processus
décisionnel. Le maire a obtenu le détournement du tracé de
l'autoroute, qui devait passer sur le tissu urbain. Un périmètre
de sécurité devrait être conservé le long des
industries,
à la demande des conseillers municipaux, pour
éviter la situation de la baie de Hann, où les habitants sont
exposés à des risques industriels.
Ainsi, Diamniadio est bien destinée à
devenir une ville industrielle : la surface octroyée à ces
activités est la plus importante, et ce pour deux raisons.
Tout d'abord, les surfaces sont affectées à des industries qui,
faute de place, ne peuvent plus être implantées à Dakar.
Ensuite, des activités considérées trop polluantes, et
comportant des risques pour les habitants seront transférés de
Dakar à Diamniadio. La grande zone industrielle de 130
hectares située au Nord accueillerait des industries
polluantes et dangereuses.
Le domaine industriel situé entre la RN1 et la voie
ferrée est destiné à recevoir des industries moins
polluantes, sur 30 hectares. Le foirail et les abattoirs, localisés au
nord de la voie ferrée, et reliés à la RN 2 par
la route de Ponty, couvriraient une superficie de 27 hectares.
D'après le rapport du groupe chargé
de réfléchir sur le cadre de vie et
l'environnement, des espaces plantés sont prévus sous
forme de bandes de petits jardins et squares dans les centres de
quartiers. Ce type d'équipement devrait couvrir une superficie de
30 hectares. Mais dans la réalité, on
s'aperçoit que ces espaces sont des drains permettant
l'écoulement des eaux de pluie, le sol argilo marneux favorisant le
ruissellement. Ils devraient être utilisés pour
l'évacuation des eaux usées industrielles.
La fonction commerciale de Diamniadio est
fortement dépendante d'activités spatiovores, comme le
stockage de produits agricoles et manufacturés. Le marché
d'intérêt national et les entrepôts (sur 23 hectares) seront
situés à l'entrée de la ville, tout comme la gare de
gros porteurs (13 hectares). Comme rapporté
précédemment, le Port Autonome de Dakar sollicite la mise
à disposition d'un terrain à Diamniadio qui devrait
servir de zone tampon entre le Port de Dakar et son hinterland, pour des
activités destinées à participer à la
résolution des problèmes d'encombrement et d'engorgement
relevés à Dakar.
Concernant la fonction résidentielle de Diamniadio, le
PUD ne rend pas compte des stratégies des acteurs privés pour
s'approprier l'espace. Sur le terrain, les alentours des quartiers
sont entourés de nombreuses parcelles aux contours
matérialisés par des blocs de ciment
aggloméré, qui appartiennent à des Dakarois
aisés. Etrangement, ces espaces sont notés comme zones
agricoles sur la carte, comme si l'Etat voulait donner l'impression
d'être
le seul maître de la terre. Diamniadio deviendra t-elle une
ville dortoir ?
L'appropriation de l'espace par la classe moyenne dakaroise,
et les investissements en infrastructure de transports abondent en ce sens : la
construction de l'autoroute Dakar Thiès garantira un accès
rapide à la capitale. Trois axes supplémentaires devraient
être aménagés afin de contribuer au désenclavement
de la capitale : le prolongement de la VDN entre le golf- club de
Guédiawaye et Diamniadio, l'aménagement en deux fois deux voies
de la route des Niayes-Pikine, et l'aménagement en deux fois deux voies
de la route de Rufisque. Tout est
fait pour pouvoir habiter à Diamniadio tout en
travaillant à Dakar.
Le plan d'urbanisme prévoit une bibliothèque,
un centre social, une salle des fêtes pour l'ensemble de la
commune. Mais il ne dégage pas de réelle
centralité. Les quartiers
actuels comportant les premières implantations
Lébous joueront-ils un rôle de centre urbain ?
Les activités de service qui s'y implantent
progressivement pourraient être le signe d'une centralité
future, non planifiée, qui profiterait de la proximité du
carrefour.
Sur le plan, l'autoroute passe en partie sur le tissu urbain
préexistant. Il y a bien une volonté de surimposition du
projet sur la trame urbaine d'origine : les habitations locales
semblent être une gêne, dont les aménageurs doivent
s'accommoder, à regret.
Les conditions de relogement de personnes
déguerpies feront l'objet de tractations dans lesquelles les
habitants joueront également de leurs réseaux politiques,
ethniques et confrériques. Le plan de l'Etat, en faisant une petite
part aux acteurs locaux, oublie la faculté
des habitants à se regrouper pour entreprendre,
protester et obtenir. Certaines catégories sociales comme les jeunes
ont déjà démontré leur faculté
d'association. Des réseaux peuvent agir et mettre à mal ce projet
ambitieux. Ces acteurs jouent sur différents plans : la
proximité
des travaux puis des usines est pourvoyeuse d'emploi
salarié pour les autochtones. Mais il va falloir lutter contre un
projet néfaste pour le cadre de vie et l'habitat, et adopter une
position ambivalente, proche de l'entre deux.
A ce niveau, on peut avancer sans prendre de risques que le
projet ne sera pas suivi des réalisations annoncées. En effet,
les études de faisabilité sont en cours, sans que les budgets
soient établis définitivement. Dans ce contexte de pénurie
d'espace, quelles sont les chances
de réalisation d'une piscine olympique, ou d'un hippodrome
national, comme mentionné sur
le plan ?
Conclusion : le pouvoir local est dépassé
par un Etat au service des investisseurs privés, mais le problème
d'appropriation précoce de l'espace par les acteurs locaux reste
entier.
Suite à cette analyse, il apparaît que Diamniadio
connaît une évolution guidée par la nécessité
d'avoir un exutoire pour Dakar, et non par une volonté de
créer une vraie ville nouvelle. Dans une telle perspective,
Diamniadio sera un lieu de décompression des nuisances
de la capitale (pollution, spéculation et forte
pression foncière) guidé par des impératifs urbains
et permettant à celle-ci d'accroître son poids sur le
territoire.
Les nouveaux arrivés à Diamniadio transformeront la
commune en ville dortoir. Tout
en conservant leur emploi, ces habitants devraient profiter d'une
meilleure accessibilité suite
au prolongement de la VDN et la construction de l'autoroute Dakar
Thiès. Cette ville ne sera-
t-elle donc qu'une banlieue de plus dans l'histoire de la
capitale ?
L'apparente satisfaction des acteurs politiques locaux,
(« on voulait une nouvelle ville, mais l'Etat s'en charge à notre
place ! », « les industries seront sources d'emplois pour nos jeunes
et de taxes professionnelles pour notre commune») cache mal le
dépassement d'acteurs dépossédés de leur
maîtrise des terres par un Etat accapareur (qualifié de
« rapace » par d'autres interlocuteurs!). La logique
étatique et présidentielle s'inscrit, elle, au sein d'une
demande urbaine puissante, bien antérieure au projet de ville.
Mais en jonglant avec les modes qui agitent les bailleurs de fonds,
l'Etat devient le serviteur des grands acteurs économiques qui
étouffent dans la capitale, et pour lesquels Diamniadio est une
réponse locale d'enjeux s'inscrivant en dehors du seul cadre
national. Cependant, les bailleurs de fonds américains ne sont pas
dupes du processus de concertation inégal qui a été
engagé : ils posent à nouveau le problème de
l'appropriation du projet par les populations locales comme condition sine qua
non du déblocage des fonds. L'Etat sénégalais devrait
revoir a nouveau sa copie, afin de réaliser son très ambitieux
projet.
Tableau 3 : Des grands chantiers en gestation :
état des lieux en juin 2005.
Projets
|
Etat
|
Superficie
(ha)
|
Emplacement
|
Université du Futur Africain
|
Démarrage des
Constructions
|
300
|
Entre l'ex Bud-Sénégal et le quartier de
Déni Malick Guèye
|
APROSI (Sodida/ Parc
Sénégalo-Chinois)
|
Démarrage des installations
|
50
|
Derrière le quartier de
Déni Ndiarkhathie
|
Marché d'intérêt national
(MIN)
|
Non encore démarré
|
52
|
|
Zone Artisanale
|
Terrassement du terrain
|
20
|
Entre la Nationale I et le quartier de Dougar
|
2 Gares de stationnement de gros porteurs
|
Projet non encore démarré
|
40
|
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Zone industrielle
|
Projet non encore démarré
|
180
|
|
Zone d'aménagement concertée
|
Zone en cours de délimitation
|
2 500
|
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Source : Diagnostic participatif, Commune de Diamniadio, 2003
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