Université Louis Pasteur Strasbourg I UFR de
Géographie et d'aménagement
Mémoire de Master I en Géographie
Humaine
L'agriculture périurbaine au risque de la ville
?
Le cas de Diamniadio (Dakar,
Sénégal)
Soutenu devant la commission d'examen composée de
:
Jean-Luc Piermay
François Pesneaud
Présenté par Virgile Mendret
Mai 2006
Avant propos
Je tiens particulièrement à remercier mon Directeur
de mémoire, M. Jean Luc Piermay, pour ses précieux conseils, sa
patience, et sa disponibilité lors de la rédaction de ce
mémoire.
Mes remerciements vont :
A Cheikh Guèye, d'Enda Tiers monde, qui m'a
encadré durant mon séjour, et au personnel d'Enda Syspro,
qui a bien voulu m'accueillir dans leur structure.
Je suis également reconnaissant à la famille
Gaye d'Hamo Grand Yoff pour son accueil durant près de quatre mois, la
famille Boissy du Sébikhotane qui m'a accueilli lors de mon
séjour sur le terrain, la famille Bâ de Kébémer pour
sa chaleur. Je remercie également mes amis Stanislas Natac, Biraan Bah,
Ibrahima Dramé, Abdoulaye Camara, et Pierre Leh pour leur
encouragements durant mon séjour.
Je pense aussi à mes interlocuteurs, agriculteurs
ou responsables, qui subirent mes questions avec patience, et qui
constituent la toile de fond de cette recherche.
Enfin, je remercie ma famille pour son soutien moral et
matériel, me permettant de mener
à bien ce projet qui me tenait à coeur.
Sommaire
Liste des tableaux 8
Liste des photos 8
Liste des cartes 9
Introduction 10
Première partie
L'espace péri-dakarois à l'assaut
15
des espaces ruraux
1 L'espace obligé de croissance d'une grande
ville 16
A) Une ville façonnée sur un site
contraignant... 17
B)...Branchée sur la mondialisation et
polarisant l'ensemble
du territoire national. 19
Conclusion : Une pression urbaine
nécessairement orientée
vers Diamniadio 22
2 Diamniadio, "territoire de projet" : un "territoire"
pour qui ? 23
A) Le projet de ville de Diamniadio, un projet à
la Wade ? 24
B) Le projet des villes secondaires : quel
intérêt de commencer
par Diamniadio ? 25
C) Le face à face entre acteurs locaux et
aménageurs : entre conflits et jeux d'alliances, des
légitimités très relatives face à
la montée des enjeux. 27
D) Le Plan d'Urbanisme de Détail d'une ville
exutoire ? 29
Conclusion : le pouvoir local dépassé
par un Etat au service des investisseurs privés, mais le
problème d'appropriation
précoce de l'espace par les acteurs locaux
reste entier. 31
3 Le cadre législatif et réglementaire de
la croissance urbaine 33
A) Des instruments législatifs
empruntés à la France mais
inadaptés à une pression urbaine aigue.
33
B) Le droit domanial sénégalais, une
inspiration africaine 37
Le domaine national urbain, au risque de l'Etat
et des acteurs
privés. 39
Un futur possible : une ville à la
situation foncière et sociale
duale. 40
Conclusion : un espace rural à la porte de la
ville. 41
Deuxième partie
Plusieurs logiques de fonctionnement
des exploitations agricoles 42
1 Une démarche d'enquête
43
A) Méthodologie de l'enquête 43
B) Le territoire d'étude 46
C) Des villages marqués par une logique de
réseau... 46
...et un environnement difficile pour l'agriculture
47
2 L'agriculture traditionnelle, une activité
à la marge ? 49
A) Une prépondérance du domaine national et
un accès à la
terre par l'héritage et le don. 49
B) Un fonctionnement familial fortement lié
à l'auto- consommation et aux marchés urbains 52
C) Un financement difficile causé par le
désengagement de
l'Etat et un manque de garanties monétaires et
matérielles. 54
Le micro crédit, une réponse
pertinente au manque de
financement ? 55
Conclusion : une agriculture en sursis ? 55
3 Une logique d'entreprise tournée principalement
vers le
marché extérieur 57
A) Accès à la terre et transactions
foncières des exploitations
d'entreprise 58
B) Un fonctionnement déterminé par le
marché international,
et nécessitant des investissements lourds
60
C) Des agriculteurs citadins 63
Une concurrence de débouchés entre
agriculture
d'entreprise et agriculture familiale ? 64
Conclusion : une agriculture « branchée
» sur la ville et son
interface avec le monde. 64
Conclusion : cependant, au delà des
différences entre exploitations, on observe des processus urbains
comparables. 65
Troisième partie
Conflits et mutations d'une agriculture
sous tutelle urbaine
66
1 Accès à l'eau : une compétition
exacerbée face à un
épuisement de la ressource
67
A) Des problèmes de compétition pour une
ressource de plus
en plus rare 68
B) L'arbitrage des demandes : une
généralisation du système
marchand 69
Conclusion : vers une destruction de la ressource ?
71
2 Une agriculture en proie à des pressions
foncières de multiples
acteurs 71
A) Impact de l'émergence de «l'agriculture
d'entreprise» sur
le foncier : une flambée des prix et
des pratiques qui
favorisent une reconversion des petits paysans.
72
Une disparition des prêts de terres 73
Des transactions qui peuvent contourner la
loi sur le
Domaine national 74
B) Impact des projets de l'Etat sur l'agriculture
75
Une expulsion progressive des éleveurs de
l'espace agro-
pastoral 76
C) L'appétit foncier des Dakarois sur les
espaces ruraux :
une appropriation de l'espace en marge des lotissements
qui
reste difficile à appréhender
77
Conclusion : une réforme de la loi sur le
domaine national
nécessaire
78
3 Des mutations professionnelles obligatoires pour les
petits
exploitants 79
A) La montée du salariat agricole : vers une prise
de
conscience de classe ? 79
B)...Mais des emplois industriels sans doute
illusoires pour
les autochtones 81
Conclusion : l'affirmation d'un phénomène
nouveau de pluri
activités 81
Conclusion générale 82
Bibliographie 84
Annexes 86
Liste des tableaux
Numéro
|
Intitulé
|
Page
|
1
|
Evolution démographique de la population dakaroise.
|
17
|
2
|
Des financements obéissant à une logique
internationale.
|
27
|
3
|
Des grands chantiers en gestation : Etat des lieux en juin
2005.
|
32
|
4
|
Répartition des exploitations familiales selon la
superficie.
|
49
|
5
|
Mode d'accès à la terre des exploitations
familiales et types de
droits fonciers.
|
50
|
6
|
Répartition des exploitations d'entreprise selon la
superficie.
|
59
|
7
|
Mode d'accès à la terre des entreprises
agricoles.
|
59
|
Liste des cartes
Numéro
|
Intitulé
|
Page
|
1
|
La presqu'île du Cap Vert.
|
18
|
2
|
Hiérarchie des villes sénégalaise et
macrocéphalie de Dakar en 1988.
|
20
|
3
|
Flux migratoires au Sénégal: la région
dakaroise,
destination principale des migrants.
|
21
|
4
|
Schéma de la situation de Diamniadio : un croisement
stratégique.
|
23
|
5
|
L'agriculture dans le département de Rufisque.
|
46
|
Liste des photos
Numéro
|
Intitulé
|
Page
|
1
|
Absence de mise en valeur des terres : les enquêtes de
terrain se
sont déroulées avant l'hivernage, (saison des
pluies), Mai 2005.
|
53
|
2
|
Un élevage manquant cruellement de moyens : il n'y
a ni
enclos ni parcours de bétail...
|
53
|
3
|
Une parcelle de choux cultivée par un groupement
féminin avec
l'aide de l'ONG Acapes.
|
56
|
4
|
La responsable du groupement féminin Yakkar
lors d'un
entretien.
|
56
|
5
|
Conditionnement de tomates cerise dans une
coopérative de
Sébikhotane.
|
61
|
6
|
Champs de mangues Kent destinées au marché
européen. Un
système d'irrigation par goutte à goutte est
utilisé.
|
61
|
7
|
Champs de haricots à Sébikhotane.
|
62
|
8
|
Triage des haricots avant conditionnement.
|
62
|
9
|
Bâtiment avec chambre froide d'une coopérative
maraîchère.(Sébikhotane).
|
62
|
10
|
Tomates cerise prêtes à être envoyées
sur le marché européen.
|
62
|
11
|
Forage privé d'une entreprise agricole.
|
68
|
12
|
Un puit traditionnel rendu inutilisable par la
course à la
profondeur .
|
68
|
13
|
Départ pour la borne fontaine payante le long de la N1.
|
69
|
14
|
Une retenue colinéaire peu mise en valeur.
|
69
|
15
|
Un village Peul reconstruit après
déguerpissement.
|
75
|
16
|
Les bâtiments de la Sodida/Parc
Sénégalo-chinois en Juin 2005.
|
75
|
Source des photos : V. Mendret
Introduction
Les fondements de la recherche
C'est par l'intermédiaire de Cheick Guèye,
Docteur Géographe à Enda Tiers monde (Dakar) que j'ai eu une
première approche de ce que pouvait être mon territoire
d'étude pour mon mémoire de Maîtrise. Celui-ci était
prêt à m'accueillir comme stagiaire pendant la durée
de mon séjour au Sénégal, sur un sujet en
rapport avec l'agriculture urbaine.
Enda Tiers monde a été créée en
1972 à l'issue de la conférence des Nations Unies sur
l'Environnement tenue à Stockholm (Suède). Rattachée
à l'IDEP (Institut de Développement Economique et de
Planification), elle fut un programme de cours post-universitaires en
aménagement de l'environnement. En 1979, elle est devenue une
ONG internationale. Son siège social est installé à
Dakar conformément au statut diplomatique que lui confère
l'accord
de siège signé avec le Gouvernement de la
République du Sénégal le 27/ 06/ 1978.
Mon intérêt portait tout d'abord sur
région des Niayes. Celle-ci s'inscrit administrativement dans les
quatre régions bordant la frange maritime du nord du pays :
Dakar, Thiès, Louga et Saint-Louis. Elle est généralement
limitée dans sa partie intérieure par
la route nationale Dakar-Saint-Louis. C'est une zone de
production maraîchère qui subit principalement deux types de
contraintes :
- La pression foncière, qui se fait au détriment
des espaces ruraux
- Les risques écologiques liés à
l'épuisement de la nappe aquifère et à la pollution
de l'eau.
Mais c'est la rencontre avec Thierno Seck d'Enda Syspro qui a
permis de déterminer
ce qui allait être mon futur terrain de recherche.
L'entité Syspro était présente sur la commune
de Sébikhotane et avait participé à
l'organisation d'un forum pour le développement de la commune
voisine de Diamniadio. Cette commune d'environ 10 000 habitants
devrait connaître un montant d'investissements supérieur à
un milliard de USD correspondant à une création de plus de 45.000
emplois directs d'ici 2025, selon le ministère de l'urbanisme et de
l'aménagement du territoire (MUAT). Les investisseurs nationaux et
internationaux sont très intéressés par la position de
Diamniadio, carrefour le plus important du pays. Le secteur de
l'agriculture est donc sérieusement en danger sur cette
bordure Sud de la Région des Niayes.
Problématique de travail
L'analyse et la réflexion actuelles
considèrent l'agriculture urbaine comme l'une des solutions viables
et durables pour contrer l'insécurité alimentaire, le
chômage, le sous-emploi
et la dégradation de l'environnement dans les villes des
pays en développement, ainsi que la lutte contre la pauvreté et
l'exclusion (CAMARA, 1986).
On évalue aujourd'hui à 800 millions le
nombre de personnes engagées dans l'agriculture urbaine dans
le monde entier, dont 200 millions de producteurs de marché. Elle
fait l'objet de nombreuses recherches sous différents
angles, s'intéressant à des thèmes comme
la sécurité alimentaire en zone urbaine,
l'éradication de la pauvreté, la santé urbaine, la
planification urbaine et le développement intégré de
la ville. Ce qui la différencie de l'agriculture rurale, ce n'est
pas son emplacement, mais le fait qu'elle est incorporée dans et agit en
interaction avec l'écosystème urbain. C'est « une industrie
placée dans (intra urbain) ou
sur le bord (péri-urbain) d'une ville ou d'une
métropole, qui produit, transforme et distribue une gamme
diversifiée de produits alimentaires et de produits non
alimentaires, employant
des ressources humaines et matérielles, des produits et
des services existant dans et autour de cette zone urbaine et qui fournit en
retour des ressources humaines et matérielles, des produits
et des services à cette zone »1
Sur le plan économique, l'agriculture continue
d'occuper une place importante dans les secteurs d'activités au
Sénégal. Les systèmes de production sont divers, allant de
l'agriculture pluviale pendant l'hivernage à l'agriculture utilisant un
réseau d'irrigation. Les productions maraîchères et
fruitières sont dans leur majeure partie écoulées sur le
marché urbain de Dakar. Mais la situation alimentaire s'est
dégradée à Dakar depuis dix ans. L'urbanisation
importante
de la région dakaroise, la forte concentration de
population (4280 habitants au km2), ainsi que
l'intensification relative des systèmes de production
entraînent des problématiques aux tendances
irréversibles:
- une forte pression anthropique sur les ressources naturelles
qui se raréfient et/ou se dégradent;
1
http://www.interdev-net.org/theme/agriurb/pres1.htm
- une diminution importante et continue des surfaces agricoles du
fait de l'extension
du foncier bâti et souvent du non respect des
zones non constructibles. Actuellement, l'urbanisation empiète de
plus en plus sur le domaine agricole, le principal problème étant
que
les producteurs ne disposent d'aucun titre de
propriété.
Dans ce cadre, le projet de ville de Diamniadio inquiète
certains acteurs du territoire d'étude. Ceux-ci craignent de voir les
activités agricoles « oubliées » par le projet de
l'Etat.
En effet, la position de l'Etat est celle d'un acteur
nouveau venu, qui souhaiterait voire en Diamniadio un espace vacant.
Cependant, la société locale a bien intégré un
changement des enjeux, dont elle peut tirer profit. Ainsi, par
sa situation de bourgade périphérique, Diamniadio,
connaît des mutations quant à l'affectation du sol, et
les règles fondées sur l'utilisation du sol par des
communautés villageoises évoluent vers une marchandisation des
terres, dans un contexte où la spéculation foncière
rapporte bien plus que l'agriculture. Plus encore, c'est la
société rurale dans son ensemble qui est atteinte par cette
rupture: au contact
de la ville, sa composition ethniques et sociale se
diversifie (Piermay, 1993). Alors que le foncier est doté d'un
intérêt très fort, à la croisée des
représentations spatiales de l'Etat et des groupes multinationaux pour
le niveau global, des Dakarois au niveau régional, et du pouvoir
Lébou pour l'échelon local, quelle(s) logique(s) sous-tendent
l'agriculture péri urbaine ? Le milieu retenu nécessite de faire
dialoguer différentes échelles entre elles afin d'espérer
trouver
un ou plusieurs fils conducteurs, ou encore des lignes
de force, qui structureraient les mutations touchant l'agriculture
périurbaine de manière singulière.
Démarche de recherche
Pour mener à bien cette recherche, toute une
littérature des projets de développement urbain, de
l'agriculture urbaine et, dans une plus faible mesure des Ong, est
explorée. Les statuts fonciers ayant cours au
Sénégal doivent être assimilés en premier
lieu pour comprendre les processus d'appropriation que chaque acteur peut
mettre en jeu. Le travail de recherche documentaire se poursuit durant le
séjour, dans les centres de documentation d'ENDA ou de l'IAGU
(Institut Africain de Gestion Urbaine) par exemple, par une collecte
de rapports, séminaires, sur des programmes mis en place
dans ou à proximité du territoire
d'étude.
Tout d'abord, la première rencontre d'un responsable
d'ENDA a permis de choisir le terrain d'étude. La délimitation du
projet de ville de Diamniadio a dû être éclaircie, bien
qu'il soit apparu que la majeure partie des acteurs locaux ait une vision
encore très floue du projet. L'observation des systèmes de
production, des constructions récentes ou en cours, des
investissements visibles des producteurs (systèmes d'arrosage,
véhicules...) est établie dès la première visite.
Il faut être attentif à l'influence de la ville sur le
milieu périurbain lors de l'observation.
Il s'agit ensuite de se poser une série de questions
à un niveau local et très matériel :
Comment fonctionnent les agriculteurs et éleveurs:
c'est à dire quelle relation à la terre, quel statut
foncier, quels investissements productifs observe t-on ? Qui sont les
propriétaires des terrains ? Par rapport aux propriétaires,
qui sont les gens qui travaillent? Quels sont les outils et les
équipements des agriculteurs ? Quels sont les roulements de
cultures, les cultures associées sur les parcelles ? Les
transports sont-ils une contrainte importante pour l'écoulement
de la production ? Comment s'organise l'irrigation des parcelles ?
D'où viennent les eaux d'arrosage ? Qui sont les consommateurs des
produits ?
Quels sont les revenus autres que l'agriculture?
S'agit-il d'emplois à temps plein, saisonniers, ou ponctuels ?
Quelles sont les origines, les perspectives d'avenir des travailleurs agricoles
? Les agriculteurs périurbains se perçoivent-ils comme des
citadins dont le métier
est l'agriculture ? Est-ce qu'ils connaissent des gens qui ont
perdu leur parcelle? Que sont-ils devenus ? Les travailleurs, les
propriétaires ont-ils le sentiment, et/ou la volonté de vivre en
citadins?
Quel est le rôle des coopératives agricoles
et des GIE dans l'organisation des producteurs ? Qui sont les acteurs des
transactions de terrains? La ville est-elle perçue comme une contrainte
ou une aubaine par les producteurs ? Comment sont localisés les
projets pour
la ville sur le secteur? Les agriculteurs les connaissent-ils ?
Qu'en pensent-ils ?
Comment s'est fait le choix du secteur par l'Etat ? Quelle est
sa situation par rapport à Dakar ? Nous essayerons ensuite d'estimer si
l'Etat est réellement proche des populations en première ligne de
ces projets, si ces populations sont incluses dans leur mise en oeuvre et leur
réalisation. La vision de l'agriculture que l'Etat revendique depuis ces
dernières années va-t- elle interférer dans la mise
en oeuvre de la plate forme multimodale ? Comment vont se
dérouler les expropriations des agriculteurs et agro-éleveurs ?
Quelle sera l'attitude de l'Etat
et des collectivités locales envers les
propriétaires coutumiers ?
La distribution, puis le dépouillement d'une
enquête auprès des producteurs et travailleurs a permis
d'affiner la recherche, et de préparer les entretiens auprès du
personnel d'ENDA, de la Fédération des Producteurs
Maraîchers, du Ministère de l'urbanisme et de
l'aménagement du territoire, des mairies de Diamniadio et de
Sébikhotane, des chefs de quartiers, de propriétaires de
terrains, de chefs coutumiers, d'acheteurs de parcelles. D'autres ONG
s'occupant d'agriculture périurbaine ont été
contactées. Ces discussions approfondies étaient susceptibles
d'élargir la vision et d'apporter des éléments de
réponse. Toutes les personnes interrogées ne devaient pas
être incluses dans le territoire d'étude, car un point de vue
extérieur est nécessaire, afin de savoir quelles connaissances
elles avaient du projet et ce qu'elles en pensaient.
Les renseignements issus des différentes sources ont
été comparés, pour que peu à peu apparaissent des
ébauches d'explications. Mais en aucun cas, les enquêtes
ne peuvent apparaître comme des échantillons, les moyens mis en
oeuvre étant bien trop faibles pour en récolter un nombre
significatif. Cependant, elles gardent toute leur pertinence pour
repérer des
processus au sein du territoire d'étude.
Première partie
L'agriculture périurbaine au risque de la ville ? Le cas
de Diamniadio (Dakar, Sénégal)
L'espace péri-dakarois à l'assaut des
espaces ruraux
Avec un rythme d'accroissement démographique
extrêmement rapide de 5,6% par an,
la région capitale est confrontée à de
nombreux dysfonctionnements révélés par de multiples
symptômes : aggravation de la pauvreté, multiplication
des zones d'habitat précaire, monstrueux embouteillages,
pollution industrielle, gestion urbaine inefficace. Au niveau national,
la capitale dévore plus l'espace qu'elle ne le structure, créant
un malaise urbain et une impression de mal-développement.
Paradoxalement signe du succès de la ville, cette tendance
menace de se transformer en « implosion urbaine » en raison
de la précarité des conditions de vie d'une grande
majorité de citadins dakarois qui s'installent dans des quartiers
dortoirs de plus en plus éloignés du centre
ville. Parallèlement, les Dakarois aisés
matérialisent leurs rêves de propriétaires sur l'espace
périurbain, où se transposent les enjeux inhérents
à une demande massive de ville.
En amorçant une politique de grands projets, le
Président Abdoulaye Wade cherche donc à contrebalancer la
macrocéphalie dakaroise, source de trop nombreuses nuisances. Mais
il souhaite aussi, en posant son empreinte sur le territoire
sénégalais, asseoir enfin son autorité politique. Le
retour de l'Etat, en s'exprimant sur les territoires locaux, permet
également aux réseaux ethniques, politiques, associatifs,
voire confrériques de trouver une nouvelle expression autour
d'enjeux très matériels. En créant des alliances avec ces
réseaux, le jeune Etat sénégalais cherche à
parfaire sa légitimité, qu'un cadre législatif et
réglementaire fortement influencé par l'ancien colonisateur
ne pouvait apporter à lui seul. Mais ces instruments juridiques
pourront être dépassés par des acteurs locaux bien
positionnés sur l'échiquier local, et à même
d'anticiper le processus urbain.
1 L'espace obligé de croissance d'une grande
ville
Du fait de la configuration du site et de la
saturation foncière dans les quartiers centraux et dans la proche
banlieue, Dakar se développe vers le nord-est, sans d'autre choix que
de suivre la configuration de la presqu'île. Celle-ci exerce une
influence évidente sur l'organisation spatiale de la ville.
L'étalement de la croissance spatiale ne peut se faire que dans une
seule direction, dans les actuels départements de Pikine et de
Rufisque qui concentrent les réserves foncières de la
Région dakaroise, et ce dans un contexte social où la
construction d'une maison est l'objectif d'une vie.
L'insertion de la ville dans plusieurs échelles
(nationale, sous régionale et mondiale)
nécessite des équipements industriels qui, faute de
place, ne peuvent plus s'implanter à Dakar.
Dans la mondialisation, Dakar est pour le
Sénégal la tête locale de la plupart des
réseaux internationaux qui irriguent le pays : réseaux
économiques, d'affaires, de télécommunications,
diplomatiques, migratoires... Diamniadio, par sa situation de carrefour
principal du pays, à l'intersection des routes de Mbour et Thiès,
à 37 Km de Dakar, apparaît ainsi comme une réponse locale
à des questions insérées dans un contexte bien plus
large.
A) Une ville façonnée sur un site
contraignant...
C'est l'administration coloniale française qui
fonde Dakar en 1857, après être longtemps
restée cantonnée sur l'île de Gorée. Les
lieux sont déjà occupés par plusieurs villages
Lébous, l'ethnie locale probablement implantée depuis le XVIIe
siècle. Lors de leur implantation sur la presqu'île, les
autorités françaises ont tenté d'imposer leur droit
en ignorant les occupants et en décrétant que le sol était
propriété de l'Etat français. Cependant,
les Lébous ont su traiter avec les Français la
reconnaissance de leur droit foncier coutumier,
et conserver une réelle force communautaire.
Les autorités françaises se sont établies
à la pointe de cet îlot volcanique faisant face à
Gorée et rattachée au continent par une
étroite bande sableuse qui mesure à peine plus de 4km
en son point le plus exigu. La capitale (de l'AOF, puis du
Sénégal) s'accroît de 4,9% par an
en moyenne, soit un doublement des effectifs tous les dix ans
environ.
Tableau 1 : Evolution démographique de
l'agglomération dakaroise.
Année
|
Nombre d'habitants
|
1904
|
5 000
|
1926
|
40 000
|
1945
|
190 000
|
1966
|
470 000
|
1990
|
1550 000
|
1995
|
1 870 000
|
2000
|
2 250 000 (estimation)
|
Source : rapport du comité Habitat II, 1996
L'afflux de population s'est accentuée dans les
années 70 en raison de deux faits majeurs :
d'une part, un contexte économique difficile et des
conditions climatiques désastreuses qui
ont favorisés l'exode rural dans l'espoir de
revenus meilleurs ; d'autre part l'attrait d'une modernité
occidentale qui se cristallisant autour de la capitale, au
détriment des villes secondaires.
Pourtant, la région de Dakar est une
presqu'île. Sa forme, son paysage, son relief, contribue à
façonner la ville autant que celle-ci façonne son site :
un seul axe de
circulation permet de communiquer avec le reste du
pays.
Carte 1 : la presqu'île du Cap Vert
Source : Carte IGN édition 2000
Administrativement, la région de Dakar est la plus petite
du Sénégal avec seulement
0,28 % de la superficie totale. Mais, avec 2 350 000 habitants en
2001, elle représente plus de
25% de la population nationale. Elle est
constituée de trois centres urbains que sont Dakar, Pikine et Rufisque
et de petites villes satellites comme Bargny et Guédiawaye.
Deux communautés rurales, Sangalkalm et Yène, se situent à
la limite administrative de la région.
Avec 63,3 % du total de la surface de la région, le
département de Rufisque, à l'Est de
la presqu'île, concentre les enjeux fonciers les
plus massifs : les fronts urbains progressent peu à peu sur les
espaces agricoles, on observe un mitage des espaces ruraux. Le
département
de Pikine, plus saturé, constitue une réserve
foncière bien plus faible avec 21,8% de la surface régionale,
alors que Dakar frise l'asphyxie avec seulement 19,4% des terres, et des voies
de communication saturées.
Cependant, la forme de presqu'île n'est pas
la seule contrainte physique au développement de la ville. La
péninsule, se terminant à l'ouest par des reliefs volcaniques,
les Mamelles, qui culminent à 105 m, comprend une zone
élevée au sud-est, de petites collines et
de plateaux cuirassés (massif de Ndiass). Une zone de
bas plateau constitué de calcaires et de marnes gonflantes pose
des problèmes de fondation (Rufisque, Bargny, Diamniadio,
Sébikhotane). Une zone de dépression intermédiaire
ou Niayes aux sols hydromorphes, domaine des cultures
maraîchères et fruitières, connaît un
affleurement de la nappe phréatique qui rend les bas fonds
inconstructibles.
La mer est très présente et attaque la
petite côte, affaissant les digues. Il existe également
quelques lacs fortement influencés par les dunes, et la langue
salée progresse en rendant les terres impropres à la culture.
Le site impose donc des contraintes techniques
évidentes, et rend difficile les communications entre le
Plateau, où est concentrée la majeure partie des
activités commerciales et administratives, et les communes
périphériques (Pikine, Guédiawaye), qui regroupent une
population plus nombreuse qu'à Dakar. Les voies de
communications convergent vers le Plateau, en créant un
système d'entonnoir qui se transforme en goulot
d'étranglement aux heures de pointe.
B)...branchée sur la mondialisation et polarisant
l'ensemble du territoire national.
La position internationale de Dakar est très
intéressante. Située sur les routes de l'Atlantique
méridionale et centrale, cette ville forme la terre occidentale la plus
rapprochée de l'Amérique, et elle est à la tête d'un
réseau de communication important, avec l'aéroport, le port, les
télécommunications qui la mettent en relation avec
l'extérieur.
Le port et le rail constituent un exutoire de premier plan pour
la République du Mali. Actuellement la principale voie ferrée est
celle reliant Dakar à Bamako (645 km au Sénégal)
par où transitent l'essentiel des échanges entre le
Sénégal d'une part, le Mali et le Niger d'autre
part.
Carte 2 : hiérarchie des villes
sénégalaises et macrocéphalie de Dakar en 1988
Source : Atlas du Sénégal, les éditions
Jeune A, Paris, 2000
Cependant, c'est avec l'Europe que le trafic de
marchandises est le plus important (54 %), viennent ensuite
l'Amérique et l'Afrique avec respectivement 17 % et 12 %. Ces
relations avec les pays de la sous-région seraient plus intenses si les
couloirs internationaux de transport étaient aménagés
(routes internationales Tambacounda / Labé, frontière
Sénégal /
Mali, pont sur la Gambie, ...).
On peut aussi souligner l'importance des
émigrés qui investissent en masse dans le secteur du
logement à Dakar et jouent un rôle pivot dans le marché
foncier. Acteurs riches, ils sont avec les commerçants, très
intéressés par l'achat d'un terrain dans les quartiers
périphériques denses, et contribuent pour beaucoup à la
montée de la pression foncière.
En tant que métropole nationale, Dakar et son double
Pikine, jouent un rôle primordial dans le développement du
Sénégal. La capitale dispose d'une suprématie
absolue dans la hiérarchie urbaine, aucune ville de l'intérieur
n'est en mesure de la concurrencer, ni au niveau
de la population, ni pour les services publics, ni pour les
équipements et l'emploi.
Organisé en étoile, le réseau national
routier favorise les liaisons verticales nécessaires
à l'économie d'exportation (port de Dakar). Il
s'étend de Dakar vers les autres régions du pays,
et s'articule sur quatre axes principaux.
- Dakar / Thiès / Louga / St-Louis / Matam ;
- Dakar / Thiès / Diourbel / Mbacké ;
- Dakar / Mbour / Kaolack / Tambacounda ;
- Dakar / Mbour / Kaolack / Nioro / Ziguinchor.
Ce réseau, héritage de la colonisation,
structure la suprématie de Dakar sur le territoire.
Les études effectuées par le Plan National
d'Aménagement du Territoire (PNAT) indiquent que 75 % des trajets
intérieurs de marchandises ont pour origine ou pour destination Dakar.
Ce déséquilibre résulte du poids économique
de la ville, que le tracé des réseaux routiers et des
voies ferrées a fortement accentué.
La ville constitue un important point d'accueil de
l'immigration en provenance des autres régions, (région de
Saint Louis, Kolda, Ziguinchor...) et d'autres pays d'Afrique de
l'Ouest (Guinée, Mali, Gambie, Sierra Leone, Nigeria...) Cette
situation à la base de la concentration excessive dans cet espace
réduit de la population est source de nuisances, de
tensions diverses, et surtout d'une inflation galopante des prix
du foncier.
Carte 3 : Flux migratoires au Sénégal: la
région dakaroise,
destination principale des migrants
Source : Atlas du Sénégal, les éditions JA,
Paris, 2000.
En plus de l'apport de populations et des
échanges économiques les autres régions
entretiennent de fortes relations avec Dakar, relatives à la
présence de l'administration centrale (siège de tous les
Ministères et de la quasi totalité des Directions des
Services déconcentrés de l'Etat, des Ambassades et des ONG, ...)
à la fréquentation des équipements sociaux, sanitaires,
scolaires et culturels. En effet, la ville de Dakar renferme les principaux
hôpitaux, les Instituts de formation supérieure et les
équipements culturels et de loisirs. En jouant le rôle de capitale
régionale, Dakar polarise également sur le plan administratif les
trois villes, deux Communes et deux Communautés Rurales de la
région.
Les enjeux globaux, sous régionaux et nationaux se
répercutent forcément sur le local. Mais la presqu'île
du Cap Vert, par sa configuration physique, hypothèque gravement
le potentiel de croissance de la ville. La rareté des espaces
habitables et de travail ont poussé la population à occuper
les emprises de l'Aéroport, de la voirie et les réserves
foncières d'équipements prévus par les divers documents
d'urbanisme. Les industries étouffent dans la baie de Hann, et faute de
place, le potentiel des investissements ne peut être
réalisé. Enfin, pour les Sénégalais, l'achat
d'une parcelle et la construction d'une maison constituent l'objectif
d'une vie. Pour beaucoup, posséder une maison individuelle est un
rêve qui ne peut prendre forme qu'à la
périphérie de la ville. Des interactions entre
échelles et des représentations mentales font donc peser des
enjeux puissants sur l'espace péri-urbain.
Conclusion : Une pression urbaine nécessairement
orientée vers Diamniadio
La résolution de l'équation posée
par les contraintes énoncées aboutit à un
déplacement du front urbain vers l'Est ; et par sa situation, Diamniadio
est particulièrement intéressante. Située à
l'extrémité orientale de la région de Dakar, elle est
à la croisée des deux routes nationales. C'est aussi le
point de passage obligé pour accéder à l'ensemble
du territoire. Cette commune est également située entre
les villes de Dakar et Thiès, qui
focalisent 75% de l'activité économique du pays.
Carte 4. Schéma de la situation de Diamniadio : un
croisement stratégique.
Presqu'île du Cap Vert
Réalisation : V. Mendret
Source : fond de carte du Departement of peacekeeping operation,
United Nations
Sur la presqu'île du Cap Vert, l'espace devient donc le
signe d'une crise de croissance
de la ville. En imposant des contraintes de plus en plus
aigues à une société mal préparée à
la forte concentration humaine, il révèle des tensions
multiples. Dans cette perspective, la commune de Diamniadio n'est pas
considérée autrement que comme un exutoire commode pour
résorber les tensions qui agitent la capitale.
2 Diamniadio, "territoire de projet" : un "territoire"
pour qui ?
Par sa situation stratégique, Diamniadio, commune
récente de 30 000 hectares pour
11 500 habitants, fait l'objet de convoitises d'acteurs
multiples. Depuis 1997, les demandes de parcelles par des particuliers
auprès de la mairie ont été supérieures
à 20 000 mais seules
12 000 ont pu être enregistrées. Leurs frais de
bornage ont déjà été encaissés par la
Mairie. Mais l'Etat, en immatriculant à son nom les terres du Domaine
National de la commune, met dans une situation critique ces lotissements
octroyés avant 2001 : les investisseurs américains, chinois, et
sénégalais ont besoin d'une emprise foncière
sécurisée, qui pourrait se surimposer
aux lotissements octroyés par la commune.
Ces investissements, tout en accroissant
considérément les convoitises sur les terres
de Diamniadio, risquent eux-mêmes d'être
compromis par des appropriations précoces de l'espace par d'autres
acteurs urbains. Afin de faire respecter ses plans d'aménagement,
l'Etat
n'a d'autres solutions que d'opérer des alliances avec les
réseaux politiques locaux
Mais tout d'abord, le choix de commencer par Diamniadio
à 37 km de Dakar, pour commencer un programme de villes nouvelles,
est à discuter. L'influence de Dakar, loin d'être
contrebalancée, risque de déséquilibrer encore plus la
hiérarchie urbaine sénégalaise.
Le Président Wade ne cherche-t il pas à poser
son empreinte sur le territoire à l'aide d'une politique de grands
projets, dont Diamniadio est l'une des facettes ? La difficulté de
l'analyse sera de penser l'occupation de l'espace autrement qu'à travers
une matrice spatio-temporelle produite et imposée par l'Etat : il
s'agira de ne pas sous-estimer l'importance des acteurs privés en
eux-mêmes, dans leurs logiques propres, et d'analyser la part
d'interpénétration des secteurs étatiques, populaires, et
industriels.
A) Le projet de ville de Diamniadio, un projet à la
Wade ?
Après l'indépendance, enracinée dans la
tradition politique française, l'élite politique
sénégalaise a estimé que le modèle
démocratique jacobin était le plus adapté à la
construction d'une nouvelle nation. Rupture, en 2000 qui met fin à 40
ans de pouvoir du Parti Socialiste.
En effet, le 21 mars 2000, les électeurs
sénégalais ont votés à plus de 58% en
faveur d'Abdoulaye Wade, assurant une victoire décisive à
l'alternance politique. Mais aussi continuité, car M. Wade et ses
collègues de plus de 50 ans ont tous été formés en
France dans
le culte de l'Etat jacobin fort et centralisateur. Après
25 années d'attente pour cette prise de pouvoir, le chef de l'Etat
semble être pris d'une fièvre bâtisseuse sans
précédent, pour mettre
sur pied d'ambitieux projets :
Une nouvelle capitale doit être
implantée à Mékhé-Pékesse, dans le
département de
Kébémer. Elle couvrirait une superficie de 5000 ha
et accueillerait une population d'environ
200.000 habitants. Cette population pourrait augmenter d'un
million avec l'aménagement de
20.000ha. Un nouvel aéroport international
devrait être construite à Ndiass (à 45
kilomètres
de Dakar, ans la région de Thiès) : il
serait édifié dans une emprise de 1800 ha à 2000
ha contre 800 actuellement. Avec une capacité initiale d'accueil
de 3 millions de passagers extensible à 5 millions, il pourrait
traiter 80.000 mouvements d'avion par an contre 33.000
actuellement. Un nouveau port doit être
mis en place à Bargny.
La construction de ce port minéralier se fera à
travers une jetée "off shore" de 4400
mètres et disposant, entre autres installations, de
desserte terrestre et ferroviaire, de stockage
et de traitement de marchandises, qui permettrait le
chargement de navires de 170.000 tonnes avec un tirant d'eau de 21
mètres. Une autoroute à péage entre Dakar et
Thiès devrait être construite. Enfin, un
projet de villes nouvelles secondaires, qui pourrait enfin
contre balancer la macrocéphalie dakaroise et favoriser une
meilleure répartition des villes, a été
proposé par M. Abdoulaye Wade.
Cette boulimie de projets ne semble pas s'accompagner de
financements à la hauteur
des ambitions du Président : le gouvernement compte sur
les bailleurs de fonds internationaux pour boucler les budgets mais ces
derniers n'ont pas une confiance suffisante dans l'économie
sénégalaise. L'objectif d'une croissance durable de 8% par an
affiché par Wade leur semble trop ambitieux. De plus, les projets
de l'Etat souffrent d'un déficit d'image auprès des
bailleurs vis-à-vis des déguerpissements qui seraient
provoqués. A bien des égards la politique de grands
projets semble plus proche d'une logique électorale, que d'une
réalité fondée sur des financements, et un
calendrier concret. Cependant, le projet de ville de Diamniadio semble
plus enclin que les autres à attirer la convoitise d'investisseurs
nationaux
et internationaux...
B) Le projet des villes secondaires : quel
intérêt de commencer par Diamniadio ?
A l'origine, c'est le président de la
République Maître Abdoulaye Wade qui a demandé au
ministère de l'urbanisme et de l'aménagement du territoire une
nouvelle politique
qui promouvrait des villes secondaires stratégiques. Selon
le ministère, celle-ci doit viser, par
« l'harmonie et la cohérence dans l'occupation
et l'utilisation de l'espace national et de ses ressources, un
développement local généralisé, harmonieux et
durable pour l'ensemble du pays ». En effet, ce
développement des villes secondaires pourrait contre balancer la
macrocéphalie de Dakar sur le territoire sénégalais.
Pour le gouvernement, la promotion de ces villes a des objectifs
tels que :
- Favoriser une meilleure répartition des villes sur le
territoire
- Créer les conditions d'une meilleure valorisation des
activités rurales
- Préparer les villes frontalières à jouer
un rôle de premier plan dans l'intégration sous
régionale.
Commencer par Diamniadio, dans le projet de villes
secondaires, semble bien
incongru à première vue.
Cette commune est un territoire déjà
très convoité, qui, par son développement à
37km de la capitale, risque plus d'accroître la
macrocéphalie dakaroise que de favoriser une répartition
homogène de la population sur le territoire. Mais c'est
à Diamniadio que les investisseurs sont le plus facilement
mobilisables. En effet, à un moment où le
Président Wade cherche désespérément de
l'argent pour financer ses grands travaux, le projet de Diamniadio a
été retenu par un programme d'investissement américain.
Incapable de trouver
par lui-même des crédits pour l'investissement,
l'Etat doit donc recourir à des financements extérieurs, au
risque de devoir composer avec des optiques différentes des siennes.
Le projet consiste en la création d'une
plate forme multidimensionnelle et en l'amélioration des dessertes
routières entre la plateforme et les pôles économiques du
pays. Le coût est estimé à 696 millions de dollars,
et 548 millions de dollars sont attendus du Millenium Challenge Account
(MCA). Le MCA est donc une véritable aubaine pour le chef
de l'Etat sénégalais, qui peut enfin
affirmer son autorité à travers un grand projet. Il
s'agit d'un programme de financement mis en place par le président des
Etats-Unis Georges Bush, afin de « primer les pays qui se sont
distingués par la qualité de leur système de gouvernance
politique et économique, et la cohérence de leur programme de
lutte contre la corruption ».
Le but final annoncé par le bailleur de fonds providentiel
est d'accélérer la croissance en vue
de réduire la pauvreté.
L'intérêt des acteurs industriels pour le
site de Diamniadio crédibilise lui aussi le choix de commencer
par Diamniadio dans le projet de ville secondaires. Ceux-ci sont
très intéressés par la plate forme multi
dimensionnelle, pour deux principales raisons : Dakar pourra être
joint en seulement 30 minutes par le rail, et la concurrence pour l'espace dans
la capitale est trop forte pour permettre l'implantation de nouvelles
industries. Parmi ces acteurs industriels, le Port autonome de Dakar
connaît d'importants problèmes d'encombrement et convoite un
terrain à Diamniadio, qui devrait servir de zone de stockage tampon
entre le Port
de Dakar et son hinterland. La Société des
Industries de Dakar (SODIDA) réserve, elle aussi,
un terrain de 50 hectares pour créer une
cité industrielle de 600 bâtiments préfabriqués
bénéficiant de la proximité de la capitale. Le transfert
à Diamniadio des industries de la baie
de Hann, très polluantes permettrait
d'accroître le potentiel touristique de la baie...
Tableau 2 : Des financements obéissant
à une logique internationale. (Données en dollars
américains)
Volet
|
Total
|
Disponible
|
MCA (Etats-Unis) Fonds en attente
|
Etat
|
Fonds
Kowétien
|
Autres bailleurs (Sénégalais, Taiwanais,
Malaisiens...)
|
Sous total
|
Plateforme
|
223 048 327
|
-
|
-
|
-
|
-
|
223 048 327
|
Mobilité et liaisons interurbaines
|
472 862 454
|
26 951 673
|
63 197 026
|
58 550 186
|
148 698 885
|
324 163 569
|
Total général
|
695 910 781
|
26 951 673
|
63 197 026
|
58 550 186
|
148 698 885
|
547 211 896
|
Source : Ministère de l'urbanisme et de
l'aménagement du territoire, 2004
C) Le face à face entre acteurs locaux et
aménageurs : entre conflits et jeux d'alliances, des
légitimités très relatives face à la montée
des enjeux.
La situation rencontrée s'apparente à une partie
d'échec : face à la montée des enjeux apportés par
le projet de ville de Diamniadio et le MCA, les différents
groupes locaux politiques, ethniques, familiaux, confrériques ou
associatifs développent une stratégie qui dépend de
leur marge de manoeuvre.
Avant tout, la répartition ethnique du conseil
municipal reflète le pouvoir des dignitaires autochtones
Lébous, qui détiennent les postes-clé, tout comme
à l'époque de la communauté rurale de Yène, dont
Diamnadio dépendait avant 2001. Les Lébous sont les plus anciens
occupant du territoire d'étude, et se considèrent comme
les véritables autochtones,
vis-à-vis des « étrangers »
arrivés après eux. Une filière officielle d'acquisition de
parcelles avait été mise en place en 1997 : un lotissement de 12
000 parcelles avait été autorisé, mais depuis, près
de 20 000 demandes ont été reçues. La commission
d'attribution des parcelles pilotée par l'ancienne communauté
rurale exigeait pour les célibataires le versement de la somme
de 31 000 F CFA et de 33 000 F CFA pour les personnes mariées. Mais, la
commune
de Diamniadio craint de devoir reverser cet argent aux
demandeurs de parcelles. La plate forme multimodale, par sa forte
consommation d'espace remet en cause la politique de lotissement
héritée de l'ancienne communauté rurale de
Yène. De plus, cette filière d'acquisition est
contestée par des autochtones, qui ont arrachées les bornes qui
servaient au lotissement pour ne pas céder leur champ. Le comité
de pilotage d'attribution des parcelles
n'arrive donc pas à maîtriser l'emprise
foncière et l'attribution des lots octroyés.
Une filière parallèle d'attribution des
parcelles semble avoir été mise en place, ce qui montre que la
légitimité de l'autorité municipale est toute
relative vis-à-vis de la forte pression foncière. Dès
l'époque de la communauté rurale de Yène, certains
conseillers ruraux Lébous avait mis en place des commissions
parallèles ne se contentant pas de recueillir des demandes de
bornages, mais vendant des terrains de manière illégale,
en profitant de leur situation pour gagner de l'argent.
A ce jour, le problème d'appropriation de l'espace de
manière informelle a atteint une telle ampleur que les
américains du MCA ont demandé au gouvernement du
Sénégal de résoudre de manière précise
le problème avant même de débloquer les fonds. Les
réseaux locaux informels pèsent donc dans un processus de
décision mettant à la fois en jeu des bailleurs de fonds
internationaux et le plus haut niveau de l'Etat sénégalais.
Mais tous les acteurs locaux ne sont pas sur un pied
d'égalité, et certains craignent de rester à
l'écart des nouveaux enjeux. Par exemple, les jeunes, nouveaux venus
dans l'arène politique locale, subissent de plein fouet la forte
spéculation foncière. Ceux-ci contestent de plus en ouvertement
les pratiques foncières des notables. La création du
Mouvement des jeunes pour la défense des intérêts de
Diamnadio révèle la prise de conscience de cette
catégorie sociale face à la montée de la tension
foncière et en même temps traduit une profonde
volonté de s'émanciper de la tutelle des anciens. Ces jeunes, en
organisant un climat
de tensions ont conduit les autorités à suspendre
le programme d'octroi des parcelles, alors même que de nombreuses
personnes, dont des commerçants, avaient déjà reçu
des parcelles
sur la base des délibérations de l'ancien conseil
rural.
Diamnadio est également marqué par une
logique d'accaparement foncier d'une confrérie soufie.
Déjà détenteur de plusieurs titres de
propriété sur le site, notamment au niveau du lieu le
plus stratégique, le croisement des routes de Thiès et
de Mbour, l'actuel khalife des Tidjanes a profité du projet de
lotissement lancé par l'ancienne communauté rurale pour parrainer
une demande de 100 parcelles pour le compte de ses talibés
(disciples).
Face aux pouvoirs publics, les acteurs ne semblent donc pas
avoir la même marge de manoeuvre. Les réseaux ethniques,
confrériques, familiaux et politiques semblent être
efficaces pour accéder au foncier. Mais on peut dès lors tracer
une frontière entre ceux qui ont accès à un réseau
et ceux qui en sont exclus. Par exemple, les agro éleveurs Peuls sont
absents
des réseaux politiques et associatifs, et deviennent
les véritables parias de ce territoire en formation. Par contre
Lébous et Séreres ont un accès aisé aux
informations issues de la
mairie.
Cette multitude d'acteurs sur un territoire restreint
et l'importance de la pression foncière hypothèquent les
projets de l'Etat sur la commune. Le projet est tardif par rapport à
l'anticipation urbaine dont la commune a fait l'objet. C'est pourquoi les
institutions étatiques, manquant cruellement de
légitimité nécessaires à débloquer
les fonds internationaux, cherchent de nouveaux alliés. En
créant un processus de concertation incluant les élus locaux
et des membres de l'équipe municipale, en permettant
à ceux-ci de formuler des doléances concernant le
déroulement du projet, l'Etat s'octroie de nouvelles alliances, bien qu'
à contre courant des sensibilités politiques.
Les groupes de travail ont été
formés à la fois des représentants des
collectivités territoriales, de groupes industriels, et de
différents ministères (Aménagement du Territoire,
équipement, environnement, agriculture et élevage). Ils ont
abouti à la création d'un Plan d'Urbanisme de Détail
(PUD) de Diamniadio.
D) Le Plan d'Urbanisme de Détail d'une ville
exutoire ? (Voir la carte en annexe)
Les processus de concertation engagés entre
les niveaux politiques locaux et ministériels cachent mal la
surimposition du projet étatique sur le bâti préexistant,
sauf sur les habitations des premiers arrivants, qui sont remarquablement
peu remises en cause. A contrario, certains groupements Peuls
présents depuis plus de 40 ans n'apparaissent pas sur le plan : cela
montre une volonté manifeste de mise à l'écart de ces
populations par les autorités politiques locales.
D'après les rapports des groupes de travail
élaborés en collaboration avec différents
ministères, les membres des collectivités locales ont
réussi à peser quelque peu sur le processus
décisionnel. Le maire a obtenu le détournement du tracé de
l'autoroute, qui devait passer sur le tissu urbain. Un périmètre
de sécurité devrait être conservé le long des
industries,
à la demande des conseillers municipaux, pour
éviter la situation de la baie de Hann, où les habitants sont
exposés à des risques industriels.
Ainsi, Diamniadio est bien destinée à
devenir une ville industrielle : la surface octroyée à ces
activités est la plus importante, et ce pour deux raisons.
Tout d'abord, les surfaces sont affectées à des industries qui,
faute de place, ne peuvent plus être implantées à Dakar.
Ensuite, des activités considérées trop polluantes, et
comportant des risques pour les habitants seront transférés de
Dakar à Diamniadio. La grande zone industrielle de 130
hectares située au Nord accueillerait des industries
polluantes et dangereuses.
Le domaine industriel situé entre la RN1 et la voie
ferrée est destiné à recevoir des industries moins
polluantes, sur 30 hectares. Le foirail et les abattoirs, localisés au
nord de la voie ferrée, et reliés à la RN 2 par
la route de Ponty, couvriraient une superficie de 27 hectares.
D'après le rapport du groupe chargé
de réfléchir sur le cadre de vie et
l'environnement, des espaces plantés sont prévus sous
forme de bandes de petits jardins et squares dans les centres de
quartiers. Ce type d'équipement devrait couvrir une superficie de
30 hectares. Mais dans la réalité, on
s'aperçoit que ces espaces sont des drains permettant
l'écoulement des eaux de pluie, le sol argilo marneux favorisant le
ruissellement. Ils devraient être utilisés pour
l'évacuation des eaux usées industrielles.
La fonction commerciale de Diamniadio est
fortement dépendante d'activités spatiovores, comme le
stockage de produits agricoles et manufacturés. Le marché
d'intérêt national et les entrepôts (sur 23 hectares) seront
situés à l'entrée de la ville, tout comme la gare de
gros porteurs (13 hectares). Comme rapporté
précédemment, le Port Autonome de Dakar sollicite la mise
à disposition d'un terrain à Diamniadio qui devrait
servir de zone tampon entre le Port de Dakar et son hinterland, pour des
activités destinées à participer à la
résolution des problèmes d'encombrement et d'engorgement
relevés à Dakar.
Concernant la fonction résidentielle de Diamniadio, le
PUD ne rend pas compte des stratégies des acteurs privés pour
s'approprier l'espace. Sur le terrain, les alentours des quartiers
sont entourés de nombreuses parcelles aux contours
matérialisés par des blocs de ciment
aggloméré, qui appartiennent à des Dakarois
aisés. Etrangement, ces espaces sont notés comme zones
agricoles sur la carte, comme si l'Etat voulait donner l'impression
d'être
le seul maître de la terre. Diamniadio deviendra t-elle une
ville dortoir ?
L'appropriation de l'espace par la classe moyenne dakaroise,
et les investissements en infrastructure de transports abondent en ce sens : la
construction de l'autoroute Dakar Thiès garantira un accès
rapide à la capitale. Trois axes supplémentaires devraient
être aménagés afin de contribuer au désenclavement
de la capitale : le prolongement de la VDN entre le golf- club de
Guédiawaye et Diamniadio, l'aménagement en deux fois deux voies
de la route des Niayes-Pikine, et l'aménagement en deux fois deux voies
de la route de Rufisque. Tout est
fait pour pouvoir habiter à Diamniadio tout en
travaillant à Dakar.
Le plan d'urbanisme prévoit une bibliothèque,
un centre social, une salle des fêtes pour l'ensemble de la
commune. Mais il ne dégage pas de réelle
centralité. Les quartiers
actuels comportant les premières implantations
Lébous joueront-ils un rôle de centre urbain ?
Les activités de service qui s'y implantent
progressivement pourraient être le signe d'une centralité
future, non planifiée, qui profiterait de la proximité du
carrefour.
Sur le plan, l'autoroute passe en partie sur le tissu urbain
préexistant. Il y a bien une volonté de surimposition du
projet sur la trame urbaine d'origine : les habitations locales
semblent être une gêne, dont les aménageurs doivent
s'accommoder, à regret.
Les conditions de relogement de personnes
déguerpies feront l'objet de tractations dans lesquelles les
habitants joueront également de leurs réseaux politiques,
ethniques et confrériques. Le plan de l'Etat, en faisant une petite
part aux acteurs locaux, oublie la faculté
des habitants à se regrouper pour entreprendre,
protester et obtenir. Certaines catégories sociales comme les jeunes
ont déjà démontré leur faculté
d'association. Des réseaux peuvent agir et mettre à mal ce projet
ambitieux. Ces acteurs jouent sur différents plans : la
proximité
des travaux puis des usines est pourvoyeuse d'emploi
salarié pour les autochtones. Mais il va falloir lutter contre un
projet néfaste pour le cadre de vie et l'habitat, et adopter une
position ambivalente, proche de l'entre deux.
A ce niveau, on peut avancer sans prendre de risques que le
projet ne sera pas suivi des réalisations annoncées. En effet,
les études de faisabilité sont en cours, sans que les budgets
soient établis définitivement. Dans ce contexte de pénurie
d'espace, quelles sont les chances
de réalisation d'une piscine olympique, ou d'un hippodrome
national, comme mentionné sur
le plan ?
Conclusion : le pouvoir local est dépassé
par un Etat au service des investisseurs privés, mais le problème
d'appropriation précoce de l'espace par les acteurs locaux reste
entier.
Suite à cette analyse, il apparaît que Diamniadio
connaît une évolution guidée par la nécessité
d'avoir un exutoire pour Dakar, et non par une volonté de
créer une vraie ville nouvelle. Dans une telle perspective,
Diamniadio sera un lieu de décompression des nuisances
de la capitale (pollution, spéculation et forte
pression foncière) guidé par des impératifs urbains
et permettant à celle-ci d'accroître son poids sur le
territoire.
Les nouveaux arrivés à Diamniadio transformeront la
commune en ville dortoir. Tout
en conservant leur emploi, ces habitants devraient profiter d'une
meilleure accessibilité suite
au prolongement de la VDN et la construction de l'autoroute Dakar
Thiès. Cette ville ne sera-
t-elle donc qu'une banlieue de plus dans l'histoire de la
capitale ?
L'apparente satisfaction des acteurs politiques locaux,
(« on voulait une nouvelle ville, mais l'Etat s'en charge à notre
place ! », « les industries seront sources d'emplois pour nos jeunes
et de taxes professionnelles pour notre commune») cache mal le
dépassement d'acteurs dépossédés de leur
maîtrise des terres par un Etat accapareur (qualifié de
« rapace » par d'autres interlocuteurs!). La logique
étatique et présidentielle s'inscrit, elle, au sein d'une
demande urbaine puissante, bien antérieure au projet de ville.
Mais en jonglant avec les modes qui agitent les bailleurs de fonds,
l'Etat devient le serviteur des grands acteurs économiques qui
étouffent dans la capitale, et pour lesquels Diamniadio est une
réponse locale d'enjeux s'inscrivant en dehors du seul cadre
national. Cependant, les bailleurs de fonds américains ne sont pas
dupes du processus de concertation inégal qui a été
engagé : ils posent à nouveau le problème de
l'appropriation du projet par les populations locales comme condition sine qua
non du déblocage des fonds. L'Etat sénégalais devrait
revoir a nouveau sa copie, afin de réaliser son très ambitieux
projet.
Tableau 3 : Des grands chantiers en gestation :
état des lieux en juin 2005.
Projets
|
Etat
|
Superficie
(ha)
|
Emplacement
|
Université du Futur Africain
|
Démarrage des
Constructions
|
300
|
Entre l'ex Bud-Sénégal et le quartier de
Déni Malick Guèye
|
APROSI (Sodida/ Parc
Sénégalo-Chinois)
|
Démarrage des installations
|
50
|
Derrière le quartier de
Déni Ndiarkhathie
|
Marché d'intérêt national
(MIN)
|
Non encore démarré
|
52
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Zone Artisanale
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Terrassement du terrain
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20
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Entre la Nationale I et le quartier de Dougar
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2 Gares de stationnement de gros porteurs
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Projet non encore démarré
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40
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Zone industrielle
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Projet non encore démarré
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180
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Zone d'aménagement concertée
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Zone en cours de délimitation
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2 500
|
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Source : Diagnostic participatif, Commune de Diamniadio, 2003
3 Le cadre législatif et réglementaire de
la croissance urbaine
Depuis l'indépendance, l'Etat sénégalais
tend de plus en plus à réglementer et à diriger
l'occupation de l'espace, qu'il soit rural ou urbain. On peut affirmer
cependant que le droit ne
fait pas la ville : l'extension de Dakar continue de
s'opérer mais sans toujours obéir à la norme
juridique, occupant souvent les emprises d'infrastructures en projet.
Il a aussi été montré que les bailleurs de
fonds cherchent une légitimité autre que celle
apportée uniquement par l'Etat.
Dans un premier lieu, nous verrons que les législateurs
ont eu une propension affirmée
à puiser leur inspiration dans des règles
en vigueur en Europe, où ces instruments visent à
développer la concertation et la participation des
habitants des communes aux choix d'urbanisme. Puis il faudra signaler
la refonte du droit de la domanialité publique, dans un sens qui se veut
assez proche de la tradition africaine. Telle est l'originalité de la
législation relative au domaine national. A l'origine, cette
législation intéresse plus l'aménagement du territoire
rural que l'aménagement des villes, mais elle permet le lancement
d'agglomérations nouvelles, telles Diamniadio. En effet, si les
collectivités locales font autorité pour la gestion
du domaine national en zone rurale, l'Etat s'arroge les
compétences foncières des communes urbaines. L'Etat peut-il faire
la ville ? La question peut étonner, après s'être
attaché à montrer que la pression foncière était la
conséquence d'interactions entre échelles, dépassant
souvent
le cadre national, et d'acteurs privés locaux
bénéficiant de marges de manoeuvre. Mais à
Diamniadio, à l'aide de ressources providentielles, l'Etat veut
réaffirmer son autorité de seul maître de la terre. Quitte
à appliquer la politique du bulldozer.
A) Des instruments législatifs empruntés
à la France mais inadaptés à une pression urbaine
aigue.
L'énumération de quelques outils d'urbanisme
souligne que dès l'origine, l'Etat
sénégalais a intervenu massivement dans la
production et la gestion urbaine, et de manière
particulièrement marquée dans la région du Cap Vert. Mais
il ne faut pas perdre de vue que
ces outils traduisent une mauvaise appréhension du
phénomène urbain. En effet, ceux-ci sont dépassés
par l'ampleur de la croissance urbaine, et ne permettent pas une planification
locale
des équipements, des réseaux et des
réserves foncières à la mesure du
développement que connaît la capitale. Les restructurations
urbaines, les déguerpissements ont été des réponses
apportées a posteriori par l'Etat sénégalais à ses
propres carences en matière de planification
urbaine.
Le Code de l'Urbanisme fait l'objet d'une
loi et comprend une partie législative et une partie
réglementaire. La partie législative traite des
conditions d'élaboration et d'approbation des plans cadres
d'urbanisme ; quant à la partie réglementaire, elle
traite essentiellement des aspects liés aux autorisations de lotir, et
du contrôle des constructions. Ce code se base sur quelques outils
d'aménagement calqués sur le droit français. Ce sont le
Plan Directeur d'Urbanisme (PDU), la Zone d'Aménagement
Concerté (ZAC), le Schéma directeur d'aménagement et
d'urbanisme (SDAU), et enfin le lotissement.
Les plans directeurs d'urbanisme (PDU)
sont élaborés par la Direction de l'Urbanisme
et de l'Aménagement (DUA) du ministère de
l'urbanisme. Sa vocation principale est de permettre aux services de
l'Etat de gérer avec une plus grande précision
l'attribution et l'utilisation du sol urbain qui échappe donc aux
autorités locales, qui, dans les textes sont associées
à l'élaboration du PDU. La part d'association de
celles-ci dépend cependant de la qualification de leur personnel, et
elle fait souvent défaut. Mais, faute d'une mise à jour
régulière, les investissements programmés et non
réalisés par manque de moyens sont reportés d'une
année à l'autre, quelle qu'ait pu être l'évolution
de la ville concernée. Ces PDU fixent les orientations
générales et indiquent les éléments essentiels de
l'aménagement urbain dans le cadre du plan national d'aménagement
du territoire. Ils comportent :
- la répartition et l'orientation du sol en zones suivant
les affectations ;
- le tracé de toutes les voies de circulation ;
- l'organisation générale des transports ;
- les emplacements réservés aux activités
;
- les installations classées et d'intérêt
général ou à usage public ;
- éventuellement les éléments de
programmation et de coût des équipements publics et
d'infrastructures ;
- les schémas directeurs des réseaux.
Les plans d'urbanisme de détails (PUD)
reprennent à plus grande échelle les dispositions
d'aménagement d'une zone ou des parties des plans directeurs et
schémas directeurs d'aménagement et d'urbanisme. Ils doivent
préciser et compléter ces dispositions
en fonction des spécificités de chaque secteur
concerné, notamment la délimitation des zones d'affectation en
considération de la nature des sols. Les plans d'urbanisme de
détails
comportent un règlement qui fixe les servitudes relatives
à l'utilisation du sol.
Les Zones d'Aménagement Concerté
ont pour objet l'aménagement et l'équipement
de terrains, notamment en vue de la réalisations
d'infrastructures et d'équipements collectifs publics ou privés,
de construction à usage d'habitation, de parcelles d'habitation
viabilisées,
de commerce, d'industrie ou de service. Les ZAC doivent
permettre de coordonner ces investissements, dans des zones
stratégiques où la pression foncière est
particulièrement forte.
Le premier projet a été la ZAC de Mbao Gare
(environ 650 hectares) située à l'entrée
de Rufisque, le long des axes principaux de transport (route
nationale et chemin de fer), où de nombreux promoteurs et
coopératives d'habitat se sont procurés des terrains.
L'opération jugée très intéressante
à été étendue à grande échelle avec
la création de
six autres zones d'Aménagement concerté,
dont cinq concernent les villes de l'intérieur (Thiès,
Louga, Kaolack, Saint-Louis, Richard-Toll), et une à Diamniadio, avec
cette fois ci une place importante accordée aux
collectivités locales dans la mise en oeuvre.
L'aménagement des 5 premières zones d'aménagement
concerté fournira 500 hectares aménagés avec 100
hectares par ville.
Par contre, la ZAC de Dakar / Diamniadio concernera
l'organisation et l'aménagement
de 2500 ha, avec une première tranche de 1250
ha, pour offrir des terrains pour l'habitat, l'industrie, l'artisanat
et le commerce. Afin de regrouper toutes les collectivités
locales intéressées par ce projet, les élus ont
demandés la création d'un groupement mixte, tel que
décrit dans le code des collectivités locales.
Les schémas directeurs
d'aménagement et d'urbanisme (SDAU) fixent les
orientations fondamentales de l'aménagement des territoires
concernés, compte tenu des relations entre ces territoires et
les régions avoisinantes et de l'équilibre qu'il convient
de préserver entre l'extension des agglomérations, l'exercice des
activités agricoles, des autres activités industrielles,
économiques et la préservation des sites naturels.
Les schémas directeurs prennent en compte les programmes
de l'Etat, des collectivités locales, des établissements et
services publics et privés. Ils déterminent la destination
générale
des sols, la nature et le tracé des grands
équipements d'infrastructures en particulier de transport, la
localisation des activités les plus importantes, ainsi que les zones
préférentielles d'extension ou de rénovation. Le SDAU
s'applique à une commune, à une communauté
rurale, à un ensemble de communes ou des
communautés rurales.
Les lotissements semblent
considérés, et ce depuis l'ère coloniale, comme le
mode d'aménagement unique de la ville africaine. Tout le centre
de Dakar est marqué par cet urbanisme colonial en damier. Sa
création, coûteuse, relève de plusieurs étapes.
Après l'obtention de l'immatriculation des terrains,
première étape qui peut durer longtemps, un
géomètre quadrille, borne et lotit, en établissant un plan
masse et un règlement de lotissement.
La vente ne peut s'effectuer qu'après approbation
officielle : les lots peuvent être alors titrés
et entrer dans la filière légale de
construction. Ce type de lotissement est la plupart du temps occupé par
les couches sociales moyennes ou supérieures, proches de
l'administration et mieux informées des démarches à
suivre et capables de supporter le coût des titres fonciers et
des travaux demandés.
Comme mentionné précédemment, les
12 000 lots enregistrés par l'ancienne communauté rurale
de Yène sont remis en cause par la ZAC de Diamniadio,
l'enjeu des communes étant de pouvoir honorer les demandes
déjà perçues.
La réalisation de ces SDAU, PDU, PUD,
ZAC et lotissements, en raison des lenteurs des procédures
administratives, du manque de moyens, prend souvent beaucoup de
retard. Aussi ces plans sont très vite dépassés par des
extensions urbaines incontrôlées et irrégulières,
qui hypothèquent souvent la réalisation de certains grands
équipements d'infrastructures prévus (autoroute
Dakar-Thiés, voie de dégagement Nord etc.) et/ou engendrent
des coûts hors prévisions pour leur
réalisation.
Afin de pallier ces occupations spontanées de
l'espace, l'Etat utilise deux pratiques
urbanistiques, qui ne s'appliquent pas à des cas
précis ; leur application varie en fonction des options politiques : on
veut récupérer le terrain (déguerpissement) ou on veut
régulariser la situation de personnes qui ont peu de droits ou pas du
tout (restructuration urbaine).
La restructuration urbaine consiste en une
opération d'aménagement des zones non loties, vétustes
ou insalubres caractérisées par une occupation anarchique
de l'espace avec notamment des parcelles enclavées ou mal desservies,
et un manque d'équipements collectifs.
Il s'agit d'asseoir une utilisation et une organisation plus
rationnelle de l'espace, d'améliorer
le cadre de vie et de régulariser la situation
foncière des ayants droit, conformément à un plan
de restructuration conçue avec la participation des
populations concernées.
La procédure consiste à immatriculer au
nom de l'Etat tous les terrains occupés illégalement, pour
permettre ensuite la production de titres fonciers. Côté
restructuration, il s'agit de libérer des emprises pour une voirie
minimale, de raccorder le quartier aux réseaux
d'électricité et d'eau, en associant les habitants au remodelage
de leur quartier, en dégageant
les zones habitables occupées illégalement.
Un phénomène de spéculation peut se
développer dans les quartiers visés, parvenant à
contourner les règlements pour tirer un profit financier de
l'opération. A Diamniadio, cette opération sera-t-elle
récupérée par les populations solvables et des dakarois
aisés ?
Les déguerpissements concernent certaines
personnes qui se sont installées en dehors
des lotissements, mais ont acheté leur terrain aux
propriétaires coutumiers Lébous. Pour la plupart, ils ont
assuré eux même la construction de leur maison. Lorsque ces
installations sont
sur l'emprise de projets d'aménagements, l'Etat
procède à leur déguerpissement, effectué manu
militari. Le projet de Diamniadio prévoit la destruction d'habitations,
et des expulsions s'apparentant à des déguerpissements ont
déjà eu lieu (sur l'emprise de la Sodida2). A Dakar,
la procédure de déguerpissement ne
constitue pas en soi une politique urbaine mais est
présentée comme la conséquence de l'offre
insuffisante en logements qui provoque l'urbanisation illégale
et souvent anarchique des espaces libres. Cette situation est
aggravée
par la promulgation de la loi sur le domaine national de
1964.
B) Le droit domanial sénégalais, une
inspiration africaine
Le Sénégal a adopté en 1964 une loi
sur le domaine national (loi 64-46 du 16 juin
1964). En milieu rural, la nouvelle législation a
supprimé les droits fonciers coutumiers des lignages et des familles. La
loi stipule en effet (art. 1er ) que «toutes les terres
non classées dans le domaine public, non immatriculées et
dont la propriété n'a pas été transcrite
à la Conservation des hypothèques, constituent de plein
droit le domaine national». La quasi totalité du sol,
95 % environ, a été érigée en domaine
national par la loi 64-46 du 17 juin
1964.
Le principal inspirateur de la loi 64-46 du 17 Juin 1964 relative
au domaine national,
le Président Senghor, parlant de la loi disait
«... il s'agit très simplement de revenir du droit romain au
droit négro-africain, de la conception bourgeoise de la
propriété foncière à la conception socialiste
qui est celle de l'Afrique noire traditionnelle ». Le but
recherché par le législateur de 1964 est essentiellement de
libérer le paysan sénégalais de la main mise « des
maîtres de terres », et sans se substituer à l'Etat colonial,
de lui assurer un accès gratuit à la terre et de le
sécuriser tant que le paysan en assure la mise en valeur.
Ainsi l'occupant du domaine national affectataire d'une terre dispose
d'un « droit d'usage » qui lui permet d'exploiter la terre, en
théorie, avec stabilité et sécurité. Bien que le
droit d'usage ne donne
pas droit sur le sol, la situation de l'affectataire d'une
dépendance du domaine national n'en
est donc pas incertaine ou fragile en zone rurale.
L'éviction de l'occupant ne peut intervenir
que pour cause d'utilité publique ou
d'intérêt général légalement
déclarée, après indemnisation pour les investissements
réalisés, ou en guise de sanction.
Toutefois, le droit de requérir l'immatriculation
a été reconnu aux occupants du domaine national qui,
à la date d'entrée en vigueur de la loi, avaient
réalisé «une mise en valeur à caractère
permanent» des terres. Une telle mise en valeur devait faire l'objet
d'un constat attesté par une décision administrative, à la
demande de l'intéressé dans un délai de 6 mois à
compter de la date de publication du décret d'application de la loi. Les
règles définies pour le constat positif d'une mise en valeur ont
été conçues, plus en fonction des conditions
d'exploitation des plantations ivoiriennes ou de périmètres
hydro-agricoles, que des réalités de l'agriculture
sénégalaise fondée sur le système des cultures sous
pluie, c'est-à-dire seulement trois mois par an.
C'est le cas à Diamniadio, où les
cultures d'hivernage constituent la majorité de la surface. Par
contre, dans la zone des Niayes (surtout sa partie Sud, entre Pikine et
Bayakh), mais également des zones situées à la
périphérie de certains centres urbains (Saint-Louis,
Thiès, Ziguinchor) et des anciennes escales du fleuve
Sénégal une mise en valeur pérenne est souvent
réalisée. A Sébikhotane, une mise en valeur continue est
observée au long de l'année grâce aux nombreuses
plantations de papayers, manguiers et mandariniers.
Du fait des employés expatriés et des
populations autochtones les plus riches, on a assisté au
développement à proximité des centres urbains de jardins
maraîchers, de vergers et
de «résidences de campagne» appartenant aux
couches sociales privilégiées (agents de l'Etat, hommes
d'affaires, commerçants libano syriens, notables etc.).
Ces acteurs proches des centres de décision et
souvent instruits ont pu appréhender sans difficultés les
implications de la nouvelle législation ; ce qui les a conduit à
prendre les dispositions nécessaires à la transcription de
leurs droits fonciers. Cette situation explique l'existence dans
certaines parties du pays, en particulier dans la commune
rurale de Sangalkalm, de vastes domaines fonciers qui ont été
mis en valeur et immatriculés au nom de leurs propriétaires.
Ces derniers ont bénéficié de baux ou de titres
fonciers et pour cette
raison, leurs terres n'ont pas été
intégrées au domaine national.
Ces terres, qui en théorie ne peuvent être
immatriculées qu'au nom de l'Etat, sont réparties en quatre
catégories :
i) les zones urbaines constituées par les terres
du domaine national situées sur le territoire des communes et
des groupements d'urbanisme prévus par la législation
applicable en la matière ; ce sont des réserves foncières
au profit de l'Etat.
ii) les zones classées constituées par les
zones à vocation forestière ou les zones de protection
ayant fait l'objet d'un classement dans les conditions prévues par la
législation particulière qui leur est applicable ;
iii) la zone des terroirs qui correspond aux terres
régulièrement exploitées pour l'habitat rural, la culture
ou l'élevage et dont la gestion est confiée aux
communautés rurales ;
iv) les zones pionnières qui correspondent aux autres
terres.
En dehors du domaine public et des domaines privés
de l'Etat et des particuliers,
les terres agricoles dans la zone des Niayes
relèvent de deux situations : les terres de terroirs et les
terres agricoles situées dans les zones urbaines. Par contre,
les terrains cultivés dans les communes de Sébikhotane et
Diamniadio sont tous situés en zone urbaine, ce qui mérite
de s'y intéresser de plus près.
Le domaine national urbain, au risque de l'Etat et des
acteurs privés.
La loi 64-46 du 17 juin 1964 relative au domaine national
classe dans une catégorie à part certaines dépendances
de ce domaine situées en zones urbaines, qui sont
considérées comme des réserves foncières au
profit de l'Etat. Cependant, pour s'en servir l'Etat doit
requérir l'immatriculation de ces terrains à son nom.
Ainsi des opérations ponctuelles d'immatriculation de terrains du
domaine national situés dans les centres urbains sont souvent
réalisées. L'Etat mène de vastes opérations
d'immatriculation de terrains du domaine national situés en zones
urbaines pour les faire entrer dans le domaine de l'Etat en vue de la
réalisation
des plans d'urbanisme et d'aménagement.
Immatriculer au nom de l'Etat les réserves foncières afin
de les protéger contre les occupations sauvages est la condition sine
qua non pour anticiper sur la création des quartiers irréguliers,
qui pourra entraîner une insécurité de l'occupation
foncière et immobilière. Mais la réalité montre que
cette anticipation étatique est
insuffisante au regard de la pression urbaine aigue qui
caractérise ces espaces.
Une indemnisation est prévue dans certains cas
d'expropriation, mais elle est loin d'assurer la stabilité et la
sécurité de l'occupation foncière en zone urbaine.
L'indemnité est établie en tenant compte exclusivement de
la valeur des constructions, aménagements, plantations et cultures
existants, réalisés et utilisés par le titulaire du titre
d'occupation, ce qui exclu les pâturages et les terres cultivées
quelques mois par an. L'occupant d'une dépendance
du domaine national, ou «le propriétaire
coutumier» peut donc être tenté par la spéculation
foncière, sa crainte étant d'être
dépossédé un jour par l'Etat.
Par ailleurs, d'anciens propriétaires coutumiers se
sentant spoliés par la loi relative au domaine national ont
tenté, individuellement ou en groupe, de s'opposer à
l'application de loi particulièrement à Dakar. On peut
rappeler que les Lébous, autochtones de la capitale
sénégalaise avaient déjà une longue tradition de
résistance à la main mise de l'administration coloniale sur les
terres de leurs ancêtres, dont ils se considèrent comme
les véritables propriétaires malgré les
prétentions de l'Etat français. Les Lébous
s'étaient à maintes occasions opposés à l'Etat
français dans les procédures d'immatriculation sur les
livres fonciers de terrains nécessaires à la réalisation
de certains projets, tels que :
- la construction de l'aéroport Dakar-Yoff en 1934 ;
- l'installation du quartier de la Médina en 1935 ;
- l'édification de l'Institut des Hautes Etudes de
Dakar, aujourd'hui Université
Cheikh Anta Diop (UCAD) en 1956.
Cette même ethnie constitue une part importante des
personnes qui ont été interrogées lors des enquêtes
sur les communes de Sébikhotane et Diamniadio.
Conclusion : Un futur possible, une ville à la
situation foncière et sociale duale.
D'une manière pratique, deux types de droits se
complètent sur le territoire de Diamniadio pour permettre la
création d'un grand plan d'investissement. La loi sur le Domaine
National met à disposition de l'Etat l'espace nécessaire
à la mise en place d'instruments législatifs calqués
sur le droit français, qui permettent la production d'espaces attractifs
pour favoriser les investissements. En effet, aux yeux des investisseurs, une
bonne localisation ne vaut rien sans la sécurité foncière,
et celle-ci exige l'élimination des droits des autochtones. Mais
l'administration aura-t-elle les moyens techniques et intellectuels de
suivre
les orientations données par ces différents SDAU,
PUD, et ZAC ?
Par ailleurs, d'autres filières de production de l'urbain,
parallèles, pourront aboutir à une coupure nette entre d'un
coté la ville de l'Etat de droit, légale et bien
équipée, et de
l'autre une ville de fait, moins équipée, faite
d'habitants peu solvables et moins encadrée par l'administration, comme
cela a toujours été le cas à Dakar.
Les déguerpissements vont s'accompagner d'une
manne financière, qui devra être distribuée au cas
par cas. C'est à ce moment que l'appartenance à des
groupes ethniques, familiaux mais surtout politiques, fera varier
énormément les sommes reçues. Le déploiement
d'instruments législatifs et réglementaires, mêmes
forts, fait donc l'objet d'un jeu entre les populations les mieux
positionnées et l'administration. Celle-ci trouve en ces acteurs
en même temps des adversaires et des collaborateurs conscients
des enjeux qui pèsent sur l'espace et capables de composer avec la
vision étatique de la ville.
Conclusion : un espace rural à la porte de la
ville.
A Diamniadio, on a le paradoxe d'un droit d'inspiration
négro africaine, où la notion même de
propriété privée n'existe pas, qui sert après coup
une logique économique libérale et mondialisée. Cette
véritable invention de l'Etat répond à la demande
croissante d'espace pour
la capitale et se trouve en symbiose avec les modes
qui agitent les principaux bailleurs de fonds. Cependant, la
très forte spéculation foncière vient freiner, voire
hypothéquer la réalisation du projet. Selon le diagnostic
participatif effectué par une partie de la population et
les élus en 2003, et à destination du
ministère de l'Urbanisme et de l'Aménagement, la fonction
dominante de cette collectivité locale reste l'élevage et
l'agriculture. Il s'agit sans conteste d'une position ambivalente : se dire
rural, c'est avant tout montrer un attachement certain à sa terre, pour
pouvoir positionner la ville de Dakar (et surtout les acteurs urbains) en
prédatrice d'espace. Car la frontière entre ville et espace rural
est beaucoup plus floue. Si à toute première vue, la ville
apparaît bien comme un lieu difficile d'accès pour des personnes
issues du monde rural et qui peuvent en être exclus,
peu à peu, on remarque des comportements urbains
caractéristiques d'une bourgade périphérique. C'est dans
ce lieu que
se tiennent des marchés importants, qu'existe un
minimum de confort urbain (électricité et eau courante),
qu'est situé un « garage » (c'est-à-dire une
gare routière) et que les investissements des citadins sont les
plus remarquables. Cet espace qui se dit rural est donc tiré par la
ville et intégré dans la mouvance urbaine. Il s'agit alors
d'approcher ce milieu à travers sa relation de dépendance
à la ville, qui commande la « campagne » qui l'entoure. Les
dynamiques agricoles seront forcément sous tutelle urbaine, et
connaîtront des évolutions qui verront s'affirmer la
prépondérance des citadins sur le jeu des acteurs
socio-économiques
locaux.
Deuxième partie
L'agriculture périurbaine au risque de la ville ? Le cas
de Diamniadio (Dakar, Sénégal)
Plusieurs logiques de fonctionnement des exploitations
agricoles
Les stratégies des agriculteurs et éleveurs
à Diamniadio sont mal connues : pour la plupart, ils sont en
situation d'insécurité foncière : en sont-ils conscients ?
Dans quelle mesure peuvent-ils anticiper le processus d'urbanisation ? Les
stratégies des agriculteurs et éleveurs varient-elles selon les
différents types de statuts fonciers qui ont cours dans cette
zone ? Quelles perceptions et quelles informations ont-ils des services
administratifs et des Ong dakaroises et étrangères qui ont
des projets sur ce secteur? Ces questions n'ont pas été
étudiées à ce jour par les différents
services interrogés. Les enquêtes permettent alors de
connaître des données que l'on ne peut appréhender
par d'autres sources d'information. Aussi, l'information se trouve
inégalement répartie au sein d'un même village ;
elle est généralement bloquée au niveau des chefs de
quartier qui assurent mal leur rôle de courroie de transmission entre le
conseil municipal et les populations. Cela rend obligatoire la recherche
de données sur le terrain, afin d'approcher
une frange importante de la population marginalisée dans le
processus de transformation des dynamiques agricoles et urbaines.
1 Une démarche d'enquête
L'enquête semblait être la meilleure méthode
pour mettre en lumière les stratégies et
les représentations mentales des exploitants par
rapport aux différents types de régimes fonciers et leur
connaissance des Ong et des services administratifs. Un travail
préliminaire a constitué en une recherche sur les productions, la
commercialisation et le fonctionnement des exploitations. S'intéresser
aux stratégies, aux représentations mentales et aux conflits en
prise avec cette agriculture nécessite au préalable la
connaissance des systèmes d'exploitation agro- pastoraux, aux
différentes filières de production, et aux modes d'accès
à la terre.
A) Méthodologie de l'enquête
Pour comprendre la réalité actuelle et
les dynamiques à l'oeuvre au sein des exploitations
agricoles, il est indispensable de prendre en compte la
diversité de ces exploitations et les facteurs en jeu dans le
processus de différenciation agricole.
Nous n'avons pas trouvé d'indications
précises sur la typologie des exploitations agricoles qui se
positionnent sur les filières du maraîchage, des cultures
fruitières et de l'élevage dans les documents de recherche
consacrés à la zone constituée au niveau de
Diamniadio et Sébikhotane. La plupart des travaux de recherche
effectués dans cette région se sont intéressés
davantage aux problématiques agronomiques, à la gestion des
écosystèmes, et
aux risques écologiques qu'à celles des
stratégies des agriculteurs et éleveurs concernant la
question foncière et leur positionnement à
travers un système d'acteurs en compétition sur une
même zone.
Du point de vue de son déroulement, le travail de
terrain s'est fait en deux étapes successives : la première
a été consacrée à des enquêtes exploratoires
auprès d'un échantillon
de 33 exploitations agricoles dont 27 exploitations familiales
et 6 exploitations d'entreprise. Ces unités ont été
choisies de manière raisonnée afin que l'enquête puisse
couvrir toutes les catégories d'exploitations, sauf la filière
avicole, dont le caractère intensif réduit l'impact sur
le territoire d'étude. La composition de
l'échantillon des exploitations d'entreprises a été
modifiée au cours de la phase des enquêtes, à la suite de
certaines contraintes liées à la non disponibilité des
personnes ciblées. Dans ces cas de figure, nous avons choisi
d'autres exploitations agricoles présentant le même profil que
celles qui n'ont pas pu être enquêtées.
L'exploitation des résultats dès les
premières enquêtes a permis de sélectionner plusieurs
personnes ressources aux niveaux d'administrations, d'Ong et
d'organisations de producteurs auprès desquelles des entretiens
approfondis ont été effectuées. Des responsables
de la coopération canadienne, l'IAGU (Institut
Africain de Gestion Urbaine), la Fédération
des Producteurs et Maraîchers des Niayes, la
confédération paysanne Sénégalaise ont
été des interlocuteurs disponibles. Au niveau de
l'administration, le Ministère de l'Urbanisme et de l'Aménagement
du Territoire a permis l'acquisition de données ayant trait au
déroulement du projet de la plate-forme du Millénaire de
Diamniadio. Les mairies de Diamniadio et Sébikhotane ont
été choisies pour la collecte d'informations pouvant être
croisées avec celles collectées par l'intermédiaire des
enquêtes. En effet, ces mairies disposent de récents plans
d'investissements communaux pour lesquels des diagnostics territoriaux
ont été dressés. Ceux-ci concernent différents
secteurs économiques, dont l'élevage et l'agriculture. De plus le
personnel des mairies (secrétaires municipaux, agents voyers) et
les élus ont de bonnes connaissances de l'avancée des
projets de l'Etat grâce à de nombreux ateliers
organisés en partenariat avec le Conseil de la région de Dakar.
Ces personnes rencontrées au niveau des mairies ont souvent
d'excellentes connaissances de leur commune et sont à même de
donner
de précieuses informations sur l'évolution de
l'ensemble du territoire d'étude.
Pour ce qui concerne les conditions de l'enquête, on
retiendra que les investigations
ont été effectuées avec l'aide d'un
traducteur, la majorité des agriculteurs et éleveurs ne
parlant pas le français. On regrettera l'absence de support
logistique, ce qui a rendu les données assez difficiles à
recueillir, ajoutée à des conditions climatiques contraignantes
pour
un néophyte. Cela a allongé considérablement
le temps alloué aux enquêtes.
La recherche aurait dès lors pu être
enrichie par l'étude d'un territoire plus vaste, englobant les
communautés rurales de Yène et de Sangalkalm qui connaissent
elles aussi une très forte pression foncière.
Après le démarrage de l'enquête, il a
fallu peu de temps pour se rendre compte que l'administration des
questionnaires ne suscitait pas de difficultés
particulières, lorsque l'on s'adresse aux exploitations
paysannes familiales. En revanche, les responsables des
exploitations agricoles d'entreprise ont montré quelques
réticences à fournir des informations
sur les activités qu'ils mènent. Une telle
situation s'explique en partie par le fait que les interlocuteurs
rencontrés ne sont pas toujours les promoteurs de ces
entreprises agricoles, mais plutôt des employés. Ainsi,
certains d'entre eux s'estimant peu informés sur les conditions
de création des exploitations agricoles dans lesquelles ils
travaillent, ont préféré renvoyer les enquêteurs
auprès des promoteurs eux-mêmes. Or, ces derniers ne
résident généralement pas dans la zone d'étude et
l'établissement de contact avec eux s'avère, le plus souvent,
difficile. Dans ce cas, les cadres d'Enda Syspro ont été
très utiles en mettant à notre disposition leur réseau de
relations concernant l'agriculture d'entreprise.
Une limite importante de ces enquêtes est liée au
fait que les informations recueillies constituent des données brutes,
qui souvent ne sont pas recoupées par des observations au
niveau des exploitations agricoles. En effet, les personnes ont
été plus souvent sondées sur leur lieu d'habitation
que sur leur lieu de travail. Concernant l'agriculture pluviale, les
exploitants se livraient à d'autres activités que l'agriculture
durant la période de collecte des informations (de mai à juin
2005), alors que les champs sont cultivés pendant l'hivernage
(juillet à octobre). De plus, pour l'arboriculture, les
propriétaires sont rarement sur les vergers en dehors des
périodes de récoltes. La fiabilité des renseignements
obtenus est donc
incertaine et cela impose une grande prudence dans
l'interprétation des résultats.
B) Le territoire d'étude
La zone d'enquête, située dans le département
de Rufisque, comprend les communes
de Diamniadio et Sébikhotane. Cette
dernière ne pourra pas échapper au processus
d'urbanisation, les équipements prévus pour le projet de ville
nouvelle de Diamniadio ayant une emprise sur son territoire. Sébikhotane
a été instituée commune en 1996 et Diamniadio en
2001, dans la mouvance de la réforme
institutionnelle de la Région de Dakar. Notre entité
d'accueil au sein de l'Ong Enda tiers monde, Enda Syspro, possède
à Sébikhotane 3 hectares
de terrains voués à l'agriculture
expérimentale.
Carte 5 : l'agriculture dans le département de
Rufisque
Réalisation : V. Mendret
Source : Atlas du Sénégal
C) Des villages marqués par une logique de
réseau...
A l'exception du village de Sébi Ponty, toutes les
implantations d'habitat ont été crées
par des chefs de groupements familiaux, qui souvent voulaient
fuir des épidémies. Le nom des fondateurs est resté
dans la dénomination des quartiers des communes
étudiées. Les marabouts à l'origine de la
majorité des villages ont, pour la plupart, choisi une installation
auprès d'un arbre remarquable, un vieux fromager (Deny en
Sérère).
Les noms de villages juxtaposent donc le préfixe Deny et
le fondateur du village, ce
qui donne des appellations telles que : Deny Babacar
Diop, Deny Demba Codou, Deny Malick Guèye, Deny Youssouf, Deny
Ndiakhate. Les premières ethnies implantées sont les
Lébous, puis, les Sérères, les Peuhls, les Diolas, et les
Mandjaques. C'est parmi les familles fondatrices des villages que sont
choisis les chefs de quartiers. Les confréries musulmanes
dominantes sont les Tidjanes et les Layennes, alors que les
Mandjaques sont à majorité chrétienne.
L'efficacité des réseaux familiaux et confrériques pour
l'obtention des parcelles d'habitation a été à la
base de regroupements ethniques au sein des quartiers et d'une
occupation anarchique de l'espace. Celle-ci a été quelque
peu corrigée par l'administration lors d'un premier plan de
lotissement en 1994, qui a permis de régulariser les habitations, de
libérer l'emprise de la voirie, et de redimensionner les parcelles.
Pour un même quartier, il peut donc y avoir un chef par
ethnie, donc plusieurs chefs, mais c'est le chef originaire de la
famille fondatrice qui emporte la légitimité auprès
de la collectivité locale. Cela favorise une répartition
inégale des titres fonciers, des équipements (eau,
électricité), des permis de construire, et crée des
frontières au sein d'un même quartier. Les revendications des
habitants n'ont pas la même résonance selon leurs
appartenances respectives, car certains n'ont aucun intermédiaire pour
communiquer avec les élus, ou n'ont accès à aucune
information officielle.
Une catégorie d'allochtones motorisée
s'implante peu à peu, avec une tendance à construire de
belles villas, bien équipées. Ceux-ci semblent
bénéficier de l'appui d'autres réseaux politiques et
familiaux, encore plus efficaces à terme, qui sont en train de se mettre
en place.
...et un environnement difficile pour
l'agriculture
Les communes de Diamniadio et de Sébikhotane se situent en
bordure sud de la zone
des Niayes, qui s'étend sur la frange
côtière de Saint-Louis à Dakar. Le climat est de type
canarien et subit l'influence maritime avec deux grandes saisons :
- Une saison des pluies, chaude et humide qui dure 3
à 4 mois (mi-juin à septembre, appelée hivernage)
- Une saison sèche qui dure 8 à 9 mois (octobre
à mi-juin).
Les vents dominants sont l'harmattan en saison sèche,
l'alizé et la mousson qui donne
la pluie en hivernage. Les températures sont
élevées entre avril et octobre et basses entre novembre et
mars.
Au niveau de ces communes, la végétation est
caractérisée par une steppe arborée. A
l'instar de cette zone sud des Niayes, la composition floristique
est dominée par des baobabs
et des acacias mais également des espèces
telles que des margousiers, des eucalyptus, des tamarins et des
genêts épineux. La ressource faunique a sensiblement
diminué avec la destruction des habitats naturels intervenue sous
l'action combinée de la sécheresse et des hommes. Elle
reste dominée par les oiseaux tels que les perdrix, les grues, les
corbeaux, mais aussi d'animaux comme les chacals, les lièvres, les
lézards.
Des sols de type argilo-sableux (deck-dior) sont aussi
identifiés dans la zone, un sol argileux étant appelé deck
en wolof, un sol sableux dior. La nappe phréatique se situe entre 7
et 30 mètres. Elle est renfermée dans des sables
argilo-marneux du Continental Terminal et
des calcaires du Paléocène du bassin
sédimentaire. On note l'existence de deux vallées
encaissantes dans les villages de Deny Demba Codou, Sebi Ponty et
Ndoyène où s'installent
des mares temporaires en hivernage. Il y a un lac de
barrage appelé lac de Séby-Ponty, à hauteur du
village Gyent Arafat, dont la digue a été construite à
l'époque coloniale. Le relief accidenté et la nature
imperméable des sols favorisent un ruissellement intense des eaux de
pluie. La zone est ainsi fortement lacérée de vallées
où coulent en hivernage des marigots qui fusionnent en piedmont
à hauteur de Diamniadio pour former le marigot de Pantior qui
se perd en mer.
La sécheresse qui a perduré ces dernières
années, le ruissellement de l'eau qui coule vers la mer, la
profondeur de la nappe phréatique imposent de fortes contraintes
pour une agriculture traditionnelle manquant cruellement d'équipements
et de moyens. Concentrée sur trois mois de l'année, pendant les
mois d'hivernage, cette agriculture familiale s'accompagne rarement de la
possession de titres fonciers. Nous allons essayer de
comprendre le fonctionnement de cette agriculture au statut précaire,
puis nous mettrons en perspective une agriculture d'entreprise s'affirmant
des contraintes naturelles, et dominée par des acteurs
urbains.
2 L'agriculture traditionnelle, une activité
à la marge ?
Dans ce chapitre, le milieu paysan apparaît comme
conservateur de traditions et de pratiques foncières
coutumières, à la marge des nouvelles pratiques spatiales
véhiculées par l'Etat et le droit de propriété.
Mais cette traditionnalité n'est peut être qu'une apparence... En
effet, l'entraide laisse progressivement la place à une logique
monétaire, révélatrice d'une remise en cause de
l'intégrité des groupes sociaux. Cette agriculture
connaît également des dynamiques spécifiques
émergeant de la part de groupements féminins et d'ONG venant de
Dakar, doublées d'interactions toujours prégnantes avec la ville.
Mais celles-ci ne semblent
pas suffire à moderniser une agriculture qui conserve des
rendements trop faibles.
A) Une prépondérance du domaine national et
un accès à la terre par l'héritage et le don.
Tableau 4 : Répartition des exploitations
familiales selon la superficie (27 exploitations):
Superficie
(ha)
|
=1
|
[1,1 - 2]
|
[2,1- 4]
|
= 4,1
|
Exploitations
(%)
|
40,4
|
33,3
|
19,9
|
7,4
|
Source : enquêtes personnelles
Nombre total d'exploitations : 27
Concernant les surfaces cultivées, près de
40% des exploitations familiales ont une
superficie inférieure à un hectare. La
faible taille de ces exploitations permet une mise en culture
intensive des terres lors de l'hivernage grâce à la
mobilisation de la main d'oeuvre familiale.
Un faible niveau d'investissement constitue un moindre
désavantage pour l'exploitation d'une parcelle de petite taille dans
laquelle la main d'oeuvre pourra être utilisée
de manière intensive.
Tableau 5 : Modes d'accès à la terre des
exploitations familiales et types de droit foncier
Modes accès à la terre et types droit foncier
|
Droit coutumier
(Domaine national non régularisé)
|
Droit d'usage
(Domaine national régularisé)
Régularisation par la commune ou à l'époque
par les communautés rurales
|
Droit réel
(immatriculation de la parcelle et possession de titre
foncier)
|
Héritage
|
Don
|
Achat
|
Héritage
|
Don
|
Achat
|
Héritage
|
Achat
|
Exploitations
%
|
33,3
|
25,9
|
0
|
14,8
|
0
|
11,1
|
7,4
|
14 ,8
|
Source : enquêtes personnelles
Total : 107,3
Nombre de doublons : deux exploitations ont été
comptées deux fois, le type de droit étant différent pour
les
parcelles secondaires.
Seuls 22,2% des exploitations de l'échantillon
détiennent des droits réels sur les terres qu'elle exploite
(titre foncier). Les droits fonciers des exploitations familiales de la zone
sont
de trois types : droit coutumier détenu par des
propriétaires socialement reconnus comme tels, droit d'usage
résultant d'une affectation, ou droit réel avec un titre
foncier. De nombreux exploitants (59,2%) se contentent des droits
traditionnels hérités ou reçus de leurs parents.
Pour eux, une pareille situation ne pose aucun problème parce
que ces droits reflètent une légitimité de fait.
Comme l'indique l'un de nos interlocuteurs, «chacun sait que
ces terres appartiennent à mes parents depuis de nombreuses
années, voire des générations».
Dans leur grande majorité, les exploitations
familiales ont accédé à la terre par
l'héritage ou par la donation (81,4% des exploitations). Aucun cas de
conflit lié à l'héritage
des terres n'a été relevé. L'analyse des cas
de donation tend à montrer, au sein des familles,
des pratiques qui favorisent la prévention ou la
limitation des risques de conflit. Toutes les donations ont été
effectuées par les propriétaires des parcelles
eux-mêmes, donc de leur vivant. Dans les cas les plus
fréquemment rencontrés, elles sont faites par le père
à ses fils adultes ou par le mari à son épouse. Au
sein de l'échantillon, elles sont toujours le fait de
personnes devenues trop âgées pour pouvoir continuer
l'exploitation de leurs champs.
Cependant, l'achat de terres constitue, dans la zone
d'étude, une forme courante d'accès à la terre, et
surtout pour la possession de droits réels (2/3 des possesseurs de
titres fonciers déclaraient l'avoir acheté). Dans cet
espace péri urbain, la valeur monétaire de la terre semble
être acquise pour tous, mais des différentiels liés
à l'information se créent : des jeunes locaux qui
bénéficient de fonds provenant de la migration
internationale, ou du commerce à Dakar, tentent d'acheter des
parcelles à moindre coût auprès des personnes
âgées moins au courant de la spéculation foncière
qui a cours au sein du le territoire d'étude.
Concernant le droit d'usage et le droit coutumier,
l'importance réelle des transactions foncières est difficile
à évaluer dans la mesure où les ventes se font de
façon «souterraine». Cela s'explique par le fait qu'elles
revêtent un caractère illégal au regard des dispositions
de
la législation foncière qui interdisent la vente
de terres ne faisant pas l'objet de titre foncier. Certains interlocuteurs
déclarent avoir acheté des parcelles mitoyennes pour
agrandir leurs exploitations, sans toutefois accepter de fournir des
indications détaillées sur ces transactions.
C'est seulement 14,8% des exploitants qui ont fait
régulariser leurs droits fonciers coutumiers en sollicitant une
affectation auprès du conseil rural à l'époque à
laquelle les deux communes étaient réunies en formant la
communauté rurale de Yène. Ces affectations constituent de
fait la reconnaissance du droit d'usage par la loi. En règle
générale, cette même démarche a été
adoptée par ceux qui achètent des terres auprès de
propriétaires coutumiers. Ces personnes n'ont manifestement pas eu
suffisamment confiance en la filière coutumière, et sont
conscient qu'une légitimité double (auprès des chefs
coutumiers et du conseil rural) serait plus à même de
sécuriser leur acquisition. En effet, l'obtention d'une
décision d'affectation délivrée par le conseil rural
donne à ces acquéreurs la garantie (théorique) de
bénéficier d'une indemnisation pour les investissements
réalisés, en cas de désaffectation.
En ce qui concerne les propriétaires coutumiers qui ne
bénéficient d'aucun justificatif manuscrit, l'indemnisation en
cas d'expropriation est plus aléatoire. En cas d'agriculture
d'hivernage, le terrain n'est mis en valeur que 3 mois par an. La
mise en valeur est donc considérée comme nulle par la
commune, et les exploitants sont dépossédés
sans contrepartie.
Selon les exploitants interrogés, une autre forme
d'accès au foncier est le prêt. Mais les prêts de terres
sont devenus une pratique de plus en plus rare (aucune
enquête). La raison mise en cause est que certains
bénéficiaires ont tendance à se reconnaître des
droits sur les
parcelles qui leur sont prêtées, au motif qu'ils y
ont effectué une mise en valeur.
Cela les conduit à s'adresser au conseil rural
pour solliciter l'affectation de ces parcelles. De l'avis de plusieurs
interlocuteurs, les prêts de terres ne se font actuellement
qu'entre des personnes entretenant des relations de confiance,
notamment des amis, des individus apparentés ou alliés. En
tout état de cause, il est interdit au bénéficiaire du
planter
des arbres ou de réaliser des investissements
(fonçage de puits, aménagement de réseaux
d'irrigation, construction de bâtiments...) qui pourraient être
considéré comme des mises en valeur.
B) Un fonctionnement familial fortement lié
à l'autoconsommation et aux marchés urbains
Tout d'abord, toutes les exploitations familiales
enquêtées avaient d'autres revenus que l'agriculture et
l'arboriculture qui constituent avant tout des revenus saisonniers pour ces
familles. Cela s'explique par l'absence de cuvette
maraîchère, avec de l'eau disponible à faible
profondeur comme cela est le cas dans les dépressions inter dunaires des
Niayes. Concernant le fonctionnement des exploitations familiales, les
formes d'organisation de la production se caractérisent par une
articulation étroite entre les fonctions de production, de consommation,
d'accumulation d'une part et, par leur aptitude à mettre en
application une logique successorale. Celle-ci vise à garantir le
maintien du patrimoine au sein de la famille. Cette prégnance du groupe
domestique dans l'organisation du travail agricole s'accompagne d'une
orientation des systèmes de production vers l'autoconsommation
élargie qui implique une production pour le marché local ou pour
Dakar.
Au sein d'une exploitation familiale, les membres actifs du
groupe prennent part aux travaux agricoles et les femmes participent en
compagnie des hommes à certaines opérations (désherbage,
récolte, etc.). Dans les exploitations qui disposent d'une force
de travail relativement réduite, toutes les potentialités
en main-d'oeuvre sont mobilisées : hommes, femmes, enfants et
personnes âgées. Les règles observées dans la
consommation alimentaire collective, lors de chaque repas, trouvent leur
fondement dans un travail coopératif qui permet
au groupe familial de produire ou de se procurer les
biens nécessaires à sa survie et à sa
reproduction.
Au niveau des exploitations familiales de la zone
d'étude, la plus grande partie des travaux culturaux est
assurée par les « dépendants » (notamment les
jeunes et les femmes). Seules de rares exploitations font appel à des
saisonniers qu'elles recrutent durant l'hivernage (juillet à septembre).
Ceux-ci bénéficient d'un salaire mensuel ou une
rétribution globale en
fin de cycle. Le recrutement des journaliers au moment
des récoltes devient une pratique courante dans la zone ; cela
traduit un abandon progressif des formes d'entraide entre familles
apparentées ou voisines, au profit du système marchand.
Les exploitations familiales cultivent principalement des
fruits tels que le melon, la pastèque, des
variétés locales de mangues, c'est-à-dire des fruits
et légumes destinés au marché local. Les
légumes cultivés entrent dans la composition des plats
quotidiens des consommateurs, comme le tieb u dien (riz au poisson
accompagné de légumes) l'aubergine, le chou, la tomate, le bissap
sont les plus fréquemment cités.
Pour fertiliser les parcelles, les exploitations
familiales enfouissent de la «poudre d'arachide» (coques
d'arachides déchiquetées), des déchets de poisson, de
l'engrais vert ou alors elles utilisent des engrais chimiques. Le
problème étant de connaître les doses maximales de
produits à respecter, les agriculteurs locaux ayant la
réputation d'avoir la
« main lourde ». Dans les quartiers Peuls,
l'élevage est relativement bien intégré
à l'horticulture par l'utilisation du fumier organique comme
principal engrais et la traction animale comme principale moyen de
transport des hommes et des produits. La matière
organique provient des ruminants et des ânes.
Photo 1-Absence de mise en valeur des
terres : les
enquêtes de terrain se sont déroulées avant
l'hivernage
(Mai 2005)
Photo 2-Un élevage manquant
cruellement de
moyens : il n'y a ni enclos ni parcours de
bétail...
Cependant les pratiques pastorales restent traditionnelles
dans la zone d'étude. Les races ne sont pas
améliorées, la contrainte spatiale est prégnante ; cette
activité pastorale n'a
pas été prise en considération dans les
plans d'occupation de l'espace. L'absence d'itinéraire
de parcours augmente le nombre de conflits, quotidiens,
entre éleveurs et agriculteurs. Des bagarres sanglantes liées
au parcours du bétail éclatent régulièrement. Les
vols durant la nuit,
de bétail et de fourrage par des personnes venant de
Dakar, sont des problèmes très fréquents pour les
éleveurs périurbains interrogés.
Les marchés urbains constituent les principaux
débouchés pour les productions de légumes, de fruits,
de viande, de lait caillé. La région de Dakar, qui concentre plus
de 20% de
la population sénégalaise, constitue le
marché le plus important pour les produits provenant de
la zone d'enquêtes. Le carrefour de Diamniadio,
au croisement de la Nationale 1 et la Nationale 2, est favorable
à la présence d'un marché. C'est le long des
nationales qu'est vendue la majeure partie de la récolte des
exploitations familiales. Durant la période d'hivernage, les «
bana-bana » achètent les productions directement sur les
champs pour les commercialiser sur les marchés de Dakar.
L'enquête a mis en évidence le fossé
important qui existe entre les exploitations familiales et les
entreprises agricoles sur le plan des investissements et des
équipements. Seules trois d'entre elles disposent d'un
réseau d'irrigation.
C) Un financement difficile causé par le
désengagement de l'Etat et un manque de garanties
monétaires et matérielles.
Dans le contexte actuel d'une économie agricole
libéralisée, le financement de l'agriculture dépend des
ressources mobilisées par les producteurs eux-mêmes, et
aucunement
des fonds publics. Dans le cas spécifique des
producteurs de la zone d'étude, ce sont les exploitations
familiales qui ont subi les contrecoups de l'arrêt de la
politique de soutien à l'agriculture, parce qu'elles ont
été privées des possibilités d'approvisionnement en
intrants offertes par les programmes agricoles. Selon les éleveurs
Peuls, les distributions gratuites de d'aliments pour le bétail sont
bien moins nombreuses qu'auparavant. Les petits producteurs se
sentent complètement « oubliés » des
politiques d'intervention étatiques.
Le manque de financement ou le non accès aux
crédits des producteurs est dû à plusieurs facteurs
:
- Il y a d'abord une méconnaissance des
circuits financements de la part des agriculteurs : la majeure partie
des producteurs ignore les processus de recherche des partenaires financiers.
Cela s'explique par la faiblesse des niveaux d'instruction, beaucoup
d'entre eux sont analphabètes.
- Il y a ensuite le manque de sécurité
foncière : l'absence de garantie sur les terres ne favorise pas le
financement à long terme. Sans titre foncier réel,
l'hypothèque du terrain auprès d'une banque est impossible.
- Les agriculteurs n'ont pour la majorité pas de revenus
sur un compte en banque et ne peuvent pas accéder aux circuits bancaires
proposés par exemple, par le crédit mutuel
de Diamniadio.
- La pluriactivité des personnes interrogée
ne dégage pas de revenus suffisants pour influer sur
l'exploitation agricole. Le recours à la migration internationale
(une enquête seulement) a permis l'achat d'un titre
foncier, mais la question des investissements agricole est en suspens.
En effet, pour un agriculteur périurbain, il est plus urgent (et plus
rentable) d'investir dans la spéculation foncière que
dans le matériel agricole.
Le micro crédit, une réponse pertinente au
manque de financement ?
Il existe aujourd'hui dans la région de Dakar, un
réseau de 17 caisses d'épargnes et crédit crées
avec l'appui d'Enda Graff et regroupant quelque 21 000 membres (80%
de femmes, 15% d'hommes et 5% d'organisations). L'activité
principale de ces caisses est constituée de services financiers
offerts aux membres à travers la collecte de l'épargne et la
distribution du crédit. Les caisses sont alimentées pour
25% de cotisations individuelles et pour 75% d'une contribution d'Enda sous
formes de prêts. Les modalités de financement sont
caractérisées par :
- Une somme minimale allouée est fixée à
25 000FCFA et une somme maximale de
300 000 FCFA, pour le prêt individuel.
- Une somme plafonnée à 2 000 000 FCFA pour les
groupements.
- Un taux d'intérêt très
élevé, 16% l'an (généralement 8% sur 6 mois),
calculé sur le montant total.
- Une durée de crédit faible: la durée
maximale est de 12 mois (généralement 6 mois dont un mois de
différé)
- Avant de débloquer l'argent, les caisses exigent de
chaque bénéficiaire une caution de garantie à
l'ouverture du compte et pour chaque groupement une garantie solidaire
supplémentaire.
D'autres organisations, à majorité
féminines, ont été citées lors des
enquêtes pour l'accès au crédit. Les femmes,
organisées en GIE inter-villageois (dans les villages de Deny Youssouf,
Ndoyène I, Ndiassane) de 300 membres, font du crédit revolving
(crédit avec une réserve d'argent, qui se renouvelle
partiellement) grâce à une cotisation mensuelle de 600 Frs.
A Deny Malick Guèye, le Groupement féminin
«Yakkar » comprenant 107 membres fait preuve de dynamisme : les
femmes disposent d'un périmètre maraîcher de 6 ha dont 2 ha
sont mis en valeur grâce au soutien technique et matériel de l'ONG
Association Culturelle d'Auto- Promotion Educative et Sociale (ACAPES).
Elles accordent du crédit revolving permettant aux membres de mener
des activités génératrices de revenus. Ces initiatives ont
pu voir le jour grâce à un financement de 2.000.000 Frs.
L'ONG GROSEF apporte elle aussi un appui
financier à ces femmes et leur permet de suivre des cours
d'alphabétisation.
Photo 3-Une parcelle de choux
cultivée par un groupement féminin avec l'aide de l'ONG
Acapes.
Photo 4-La responsable du
groupement
féminin Yakkar lors d'un entretien.
Ces financements agricoles concernent surtout le fond de
roulement (achat d'intrants
agricoles) grâce à de petites sommes. Ils concernent
rarement l'acquisitions d'équipements et
de matériel, encore moins la réalisation de
constructions et d'infrastructures.
La nature des ressources, leur modicité et les conditions
de crédit ne permettent que des financements à cours terme, le
crédit moyen et long terme étant inexistant.
Conclusion : une agriculture en sursis ?
Bien qu'entretenant de fortes relations avec la ville,
tant pour les entrants (graines, engrais) et l'écoulement de la
production, l'agriculture traditionnelle se trouve face à
l'impossibilité de se moderniser, à cause d'un manque
d'investissements et de moyens. Les machines et outils défectueux sont
rarement remplacés, c'est donc la main d'oeuvre familiale
qui assure encore la quasi-totalité des travaux. Le
recours aux engrais chimiques constitue la seule innovation adoptée
par la majorité. Même si l'intégrité des
groupes sociaux est progressivement remise en cause (une baisse de l'entraide
entre villageois a été soulignée lors
des entretiens), on peut dire que cette agriculture
tend à se reproduire sur elle-même, sans possibilité
réelle d'innovation. Génératrice de revenus pendant
moins de trois mois par an, elle ne fait que compléter le revenu
des personnes interrogées, dont l'activité principale est
l'artisanat (boulanger, charretier, tailleur...), la fonction publique
(douanier, professeur) le petit commerce, ou l'élevage (poulets,
bovidés). L'eau reste inaccessible pour des individus non solvables, et
lorsque qu'une forte somme d'argent est disponible (par la migration d'un ami
d'enfance ou d'un membre de la famille), elle est destinée en premier
lieu à l'achat d'un titre immatriculé. Les investissements
agricoles passent dès lors au second plan. Concernant
les droits d'usage et coutumiers, la mise en valeur
saisonnière est considérée comme nulle par
la loi sur le Domaine National pour l'Etat et les promoteurs
fonciers qui voient en ces champs
des terres vacantes. L'emprise de l'agriculture «
traditionnelle » se trouve donc au coeur des convoitises des acteurs
urbains.
3 Une logique d'entreprise tournée
principalement vers le marché extérieur
L'agriculture d'entreprise se caractérise par un
recours systématique à la main d'oeuvre salariée, un
accès à l'eau permanent, et une exportation des
productions vers l'Europe. Ces exploitations bénéficient
d'appuis bancaires voire politiques. Certains entrepreneurs sont
connus dans tout le Sénégal (Gafari, Filfili...), car ils
détiennent de véritables domaines et bénéficient
de relation au plus haut niveau de l'Etat. Pouvant investir dans des
réseaux commerciaux entre ville et campagne, ils sont au contact du
monde grâce à
la capitale, véritable noeud du système de
transport international.
Ces gros producteurs sont totalement
intégrées à l'économie sénégalaise
et sont, en définitives les plus à même de jouer
des relations ville campagne. C'est donc des acteurs socio
économiques tranchant fortement avec la situation
précédemment exposée, et connaissant un tout autre
rapport à la ville et à ses dynamiques qu'il va falloir
analyser.
A) Accès à la terre et transactions
foncières des exploitations d'entreprise
Les exploitations d'entreprise que nous avons
enquêtées sont localisées dans la commune de
Sébikhotane et de Diamniadio, dans une zone plus
excentrée par rapport au projet de ville. Elles ont des tailles
variables, allant de 1,3 à 150 hectares et les deux tiers
d'entre elles gèrent des domaines dont la superficie est comprise entre
1,5 et 5 hectares.
Tableau 6 : Répartition des exploitations
d'entreprise selon la superficie (6 exploitations)
Superficie
(ha)
|
<3
|
[3,1 ; 5]
|
[5,1 ; 10]
|
[10 ; 90]
|
Exploitations
|
3
|
1
|
1
|
1
|
Source : enquêtes personnelles
La très faible taille de l'échantillon ne
permet pas une interprétation très fiable.
Cependant on a remarqué que ces exploitations
bénéficient d'investissements qui justifient la mise en valeur de
terrains bien plus grands que les exploitations familiales.
Tableau 7 : Modes d'accès à la terre des
entreprises agricoles
Modes d'accès à la terre et types droits
fonciers
|
Droit coutumier (Domaine national non
régularisé)
|
Droit d'usage (Domaine national
régularisé) Régularisation par la
commune ou à l'époque par
les communautés rurales
|
Droit réel (immatriculation de la parcelle et
possession de titre foncier)
|
Achat
|
Affect.
CR
|
Achat régularisé
par affectation
|
Héritage
|
Achat
|
exploitations
|
1
|
2
|
2
|
0
|
2
|
Source : enquêtes personnelles Nombre de doublons : 1 ; un
exploitant bénéficie de deux parcelles : la première,
régularisée par une affectation, a été agrandie par
l'achat d'un titre foncier.
On constate une diversité des modes
d'accès à la terre et de la nature des droits fonciers.
L'achat de terres et l'affectation de parcelles par les conseils ruraux
constituent les modalités les plus courantes d'accès
à la terre des opérateurs agricoles. Dans cinq cas, les
promoteurs ont acheté les terres qu'ils exploitent auprès
des populations locales. Mais les droits détenus sur ces terres ne
sont pas toujours de même nature. Trois cas de figure se sont
présentés :
- La détention d'un droit réel en raison de
l'acquisition de terres faisant l'objet de titres fonciers ;
- La détention d'un droit d'usage reconnu par le
conseil rural (après avoir acheté une parcelle, le promoteur
sollicite une affectation auprès du conseil rural pour
régulariser l'occupation de la terre) ;
- La détention de droits «précaires»
dans les cas où les terres achetées par le promoteur n'ont pas
fait l'objet d'une décision d'affectation (notée «
droit coutumier » dans le tableau). Outre qu'il fragilise
l'exploitation, ce cas de figure a généré un conflit, car
la vente a été faite par un membre de la famille à l'insu
des autres.
Les terres affectées représentent quatre
parcelles exploitées par les entreprises agricoles. Une
affectation atteint 90 hectares pour un seul promoteur. L'importance de
la taille unitaire des parcelles attribuées souvent à des
personnes non originaires de la zone suscite des ressentiments au
niveau des populations villageoises qui éprouvent de
réelles difficultés à obtenir des terres auprès des
administrations locales. Les élus locaux font valoir l'argument selon
lequel les autochtones ne disposent pas toujours de moyens suffisants pour
mettre en valeur les terres. Pour leur part, les villageois estiment
que les promoteurs parviennent à bénéficier
facilement d'affectation de terres, parce qu'ils concluraient des
arrangements avec les élus locaux.
Un habitant natif de Sébikhotane nous a
expliqué comment un investisseur libanais avait acquis plusieurs
dizaines d'hectares sur l'ancienne commune rurale (donc avant 1996).
« Des éleveurs nouveaux venus ont mis en
valeur de grandes parcelles en construisant uniquement des enclos pour
leurs bêtes et en plantant quelques arbres. A l'époque,
cela suffisait pour bénéficier d'une affectation du Conseil
Rural, c'est beaucoup plus difficile
aujourd'hui.
Le libanais et les éleveurs ont alors
effectué une transaction souterraine avec la complicité de
plusieurs élus locaux. Je pense que d'ici quelques
années, le libanais aura transformé ses champs de mangues
en habitations, profitant d'une énorme plus-value, en vendant des
parcelles à des Dakarois ».
Un entrepreneur interrogé a rapporté une
autre version quant au devenir de la parcelle : il avance que «
les investissements mis en oeuvre (pour le système d'irrigation, le
conditionnement, la mise en place d'une logistique) sont les preuves
qu'il y un véritable savoir faire digne d'un professionnel
très efficace, et que le possesseur n'a pas intérêt
à revendre son moyen de production. Ses plantations représentent
trop d'années de travail.»
Ce témoignage montre qu'il est difficile de
connaître les stratégies et les représentations
mentales des entrepreneurs agricoles périurbains: bien que
conscients de la montée du prix des terrains, ceux-ci se
positionnent quasi systématiquement comme de véritables
ruraux, qui font leur travail par vocation, et parlent de développer
leur filière. S'agit
t-il de méfiance vis-à-vis d'un
interlocuteur étranger susceptible de communiquer ses
informations à des acteurs concurrents sur le territoire ?
L'attachement à la terre est-il réellement si fort ?
B) Un fonctionnement déterminé par le
marché international, et nécessitant des investissements
lourds
Les exploitations d'entreprise privilégient des
spéculations destinées à l'exportation (mangue, tomate
cerise), des légumes utilisés dans la préparation de plats
de type européens (haricot, pomme de terre) ou rares sur le
marché à certaines périodes de l'année (arachide).
Les exploitations d'entreprise et les exploitations familiales ne
cultivent pas les mêmes variétés de fruits et
légumes. Par exemple, les entreprises agricoles cultivent une
variété de mangue destinée uniquement au marché
européen, la mangue « Kent », qui est une
variété à chair ferme supportant mieux le stockage
prolongé que les variétés locales. On constate un
désintérêt de ces exploitations vis-à-vis de
productions locales comme les aubergines amères
et les choux par exemple.
Photos 5-Conditionnement de tomates cerises
dans
une coopérative de Sébikhotane.
Photo 6-Champs de mangues Kent
destinées au
marché européen. Un système
d'irrigation par goutte à goutte est utilisé.
Toutes les exploitations d'entreprise de
l'échantillon sont dotées de réseaux
d'irrigation. La connexion au réseau de la
Sénégalaise Des Eaux est le fait de promoteurs qui exploitent
des superficies peu importantes (entre 0,5 et 3 hectares). En
revanche, l'aménagement de forages concerne une exploitation de
l'échantillon qui met en valeur un domaine de 90 hectares.
Les équipements inventoriés sont divers : tracteurs,
groupes électrogènes, véhicules, pulvérisateurs,
semoirs, charrues, charrettes. La plus grande des exploitations
possède sa propre chaîne de conditionnement et sa chambre
froide, les autres utilisent les installations de la fédération
des producteurs maraîchers.
Selon les résultats de l'enquête, la
majorité des exploitations d'entreprise dispose d'un personnel permanent
composé non seulement d'ouvriers agricoles, mais aussi de techniciens
chargés du conseil et du suivi titulaires au minimum du
baccalauréat. Mais parfois, la gestion
de certaines exploitations implique aussi la main-d'oeuvre
familiale. Dans ce cas de figure, les promoteurs font appel à des
membres de la famille (épouses, fils, frères) ou à
d'autres personnes apparentées (neveux, cousins, etc.) pour qu'ils
apportent un appui dans la conduite
des activités en prenant en charge des tâches,
telles que la supervision des ouvriers.
Pour le Président de la Fédération
des producteurs maraîchers, les horticulteurs
sénégalais bénéficient d'un environnement favorable
aux productions de contre-saison pour le marché européen. En
effet, le pays jouit d'une position géographique lui permettant
de se positionner de façon avantageuse sur le créneau de
la fourniture de fruits et légumes hors saison aux clients
européens. Ces produits pourraient également trouver des
débouchés dans
d'autres régions du monde (en particulier, Amérique
du Nord et Moyen-Orient).
L'entité Syspro de l'Ong Enda a effectué durant une
année des exportations d'haricots
à destination des Etats-Unis. Il s'y ajoute que
le transport maritime offre actuellement des possibilités plus
grandes d'exporter des produits réfrigérés vers
l'Europe. Un plus grand recours aux bateaux pourrait permettre d'exporter
des volumes plus importants de légumes à
des coûts inférieurs à ceux du fret
aérien qui concentre plus des trois quarts des exportations
actuelles.
Le développement des exportations de produits
frais se heurte cependant aux contraintes liées aux normes de
calibrage et de qualité exigées par les pays européens :
seuls quelques grands exploitants sont actuellement en mesure de satisfaire les
conditions de qualité
des produits qu'exigent les pays du Nord. Les petits producteurs,
qui sont les plus nombreux
au niveau de la filière horticole,
cherchent à intégrer le cercle des exportateurs par
l'intermédiaire de fédérations maraîchères.
Aujourd'hui, à l'échelle nationale, cinq exploitants
réalisent environ 80% des exportations de produits horticoles
(dont 30% pour la seule
entreprise FilFili).
Photo 7-Champs de haricots à
Sébikhotane Photo 8-Triage des haricots avant
conditionnement
Photo 9-Bâtiment avec chambre froide
d'une
coopérative
maraîchère.(Sébikhotane)
Photo 10 Tomates cerise prêtes à
être envoyées sur le
marché européen
Un rapport élaboré récemment par le
ministère chargé de l'agriculture (MAE, 2001) indique que
l'accroissement du niveau des exportations de produits horticoles est
entravé par trois séries de contraintes qui concernent :
· le non respect des normes de qualité par les
acteurs de la filière ;
· l'insuffisance des infrastructures de base
(entrepôts frigorifiques et infrastructures de transport) ;
· l'inexistence de systèmes de crédit
adapté aux besoins des exportateurs.
Les chefs d'exploitations d'entreprises interrogés ont
déclaré que le projet de marché national, par la
mise en place d'unités de conservation, de transformation,
et de conditionnement favoriserait l'écoulement des produits de la
zone. Cette structure nationale pourrait aussi jouer un rôle
d'information sur les prix des spéculations sur les
marchés internationaux. Le projet de plate-forme multimodale
constitue une aubaine pour ces agriculteurs, qui, lors des
enquêtes, ne se sentaient pas immédiatement concernés
par d'éventuelles expropriations.
La majeure partie des interlocuteurs
rencontrés déclare entretenir des relations cordiales
avec les populations des villages situés à la
périphérie de leurs exploitations. Dans certains cas, des
relations de confiance ont été favorisées entre les
promoteurs agricoles et les villageois, à la suite de
l'intermédiation de ressortissants de la zone lors de
transactions foncières conduites entre autochtones et exploitants
agricoles.
Une concurrence de débouchés entre
agriculture d'entreprise et agriculture familiale ?
De l'avis de certains interlocuteurs, c'est au niveau de
la commercialisation que les exploitants traditionnels subissent le
préjudice le plus important. «Ces gens-là ont les
moyens
de produire de grandes quantités de légumes
et ils inondent les marchés. Forcément, les prix baissent et cela
pose des problèmes aux petits producteurs qui sont obligés de
vendre leurs récoltes à des prix très bas. C'est une perte
énorme de revenus pour nous», rapporte un petit exploitant
lors d'un entretien.
Ces appréciations sont contestées par les
promoteurs des exploitations agricoles qui considèrent que leur
intervention dans la zone n'affecte pas, de façon négative,
l'activité des familles paysannes autochtones. Pour eux, il n'y a
pas véritablement de concurrence sur le marché entre les
deux groupes parce qu'ils ne se positionnent pas sur les mêmes
filières de
production.
Certains d'entre eux considèrent que la situation
créée par l'arrivée des opérateurs agricoles
ouvre des perspectives de développement local et de
création d'emplois pour les jeunes et les femmes des villages de la
zone.
C) Des agriculteurs citadins
Le trait commun à ces exploitations d'entreprises
réside dans le fait qu'elles sont parvenues à mobiliser
des fonds provenant principalement de l'épargne des promoteurs,
d'activités différentes (commerce, fonction publique...) ou
de transferts effectués par des émigrés. Le lieu
de résidence peut être urbain ou rural mais ne se
confond pas avec le bâtiment d'exploitation (villa « moderne
» dans le village ou sur un terrain de la propriété).
Dotés d'un véhicule personnel ils se déplacent
plusieurs fois par semaine à Dakar ou Rufisque. Les enfants
vont à l'université pour étudier le commerce
international, l'administration des entreprises ou l'agronomie, et
souvent à l'étranger. Ils adoptent la semaine de travail
de 5 jours et sont branchés à des réseaux
bancaires, informationnels (connaissance des prix grâce à
Internet), achètent des expertises à des bureaux
d'études, et font appel à des sociétés d'import
export parisiennes et dakaroises. La formation de ces chefs d'entreprises
revêt un caractère primordial pour pouvoir anticiper les
productions par rapport aux demandes du marché international. Un
enquêté possède également deux magasins
à Dakar, qui lui servent occasionnellement à écouler une
partie de sa production. Cet homme de l'articulation ville-campagne
accroît donc ses gains en jouant sur des segments plus étendus
de la filière : à la production, il ajoute le
commerce, la transformation (confiture, concentré de tomates) et la
vente au détail.
Conclusion : une agriculture « branchée
» sur la ville et son interface avec le monde.
La dichotomie ville campagne semble disparaître pour ces
exploitants connectés à des réseaux urbains et
impliqués dans la globalisation des échanges. Cette « petite
bourgeoisie », composée de fonctionnaires et de commerçants,
se situe sur un bassin versant de l'économie mondiale. Elle confond
dès lors ses activités rurales et urbaines grâce à
une bonne mobilité
spatiale et une logistique de production moderne.
Conclusion : cependant, au delà des
différences entre exploitations, on observe des processus urbains
comparables.
Quelque soit le type d'exploitation rencontré,
l'agriculture péri urbaine est aussi, voire avant tout, un moyen de
maintenir et d'alimenter la spéculation foncière, dans une
agriculture d'attente. En effet, le riz (asiatique) et le poisson (de
Mbour, Dakar, Kayar...) consommés lors de presque tous les repas
doivent être achetés. Pour tous les agriculteurs, le lien qui
unit
la cellule familiale au produit de la terre est donc
interrompu et avec lui disparaît un moteur important de la
ruralité. Cette désunion entre production et consommation
est une étape essentielle dans le processus d'urbanisation des
campagnes. Dans bien des cas, les activités extra agricoles permettent
de maintenir la production agricole, concentrée sur une courte
période, mais elles introduisent une distance toujours plus grande entre
l'exploitant et la terre. Dans une telle perspective, les investissements
agricoles sont aussi des moyens d'accroître les chances de conserver
son terrain pour les conserver le plus longtemps possible, dans un
contexte où l'Etat immatricule à tour de bras les terres
du domaine national urbain qu'il
considère comme vacantes.
Troisième partie
L'agriculture périurbaine au risque de la ville ? Le cas
de Diamniadio (Dakar, Sénégal)
Conflits et mutations d'une agriculture sous tutelle
urbaine
La confirmation a été apportée que les
relations entre urbanisation et agriculture ne relèvent pas
d'une coupure simple entre « citadins » et « ruraux
», et entre « ville » et
« campagne ». Cette analyse, trop
réductrice, ne rendrait pas compte de
l'hétérogénéité des intérêts,
et de la capacité des acteurs à jouer sur
différents plans. Le territoire d'étude est
révélateur de césures qui apparaissent lorsque l'on
tente de le décrire. Celles-ci sont dynamiques et autant
révélatrices de contradictions qui se régulent
entre entreprises, collectivités locales, pouvoirs coutumiers et
agriculteurs, grâce à de nouvelles règles du jeu
qui ont pour arrière plan la marchandisation des
ressources. Car même si elle se mondialise et
se libéralise, l'économie ne peut
être indifférente aux ancrages locaux et doit
forcément s'appuyer sur eux pour s'implanter. La problématique de
l'eau, la pression foncière et la quête d'un emploi seront les
entrées d'une grille d'analyse révélatrice de
compétitions et de coopérations entre acteurs d'un même
endroit et nouveaux venus, tout en étant porteuse d'une nouvelle
urbanité.
1 Accès à l'eau : une
compétition exacerbée face à un épuisement de la
ressource
L'un des champs majeurs de confrontation entre l'urbanisation
et son environnement rural est celui de l'usage de l'eau. L'agriculture
irriguée consomme la majeure partie de l'eau disponible, grâce
à des forages profonds dans la nappe souterraine, mais la croissance de
la population dakaroise s'accompagne également d'une augmentation de la
demande par tête. La nappe phréatique est donc
surexploitée alors même que la région a connu des
années de sécheresse successives. Dans les communes de
Diamniadio et Sébikhotane, « tout le monde » veut faire du
maraîchage et planter des manguiers, mais la baisse de la nappe exclut
les petits exploitants dont les puits sont asséchés. Ceux
qui n'abandonnent pas leur exploitation recourent à des quotas d'eau
auprès de la Sénégalaise Des Eaux (SDE), car c'est
désormais le
système marchand qui joue le rôle d'arbitre entre
usages concurrents de la ressource.
A) Des problèmes de compétition pour une
ressource de plus en plus rare
La succession d'années sèches que le pays a
connu au cours de la période écoulée a
entraîné un abaissement progressif de la nappe
phréatique. Cet abaissement est lié non seulement à
la faible recharge, mais aussi à la surexploitation des nappes qui
subissent des prélèvements intensifs pour satisfaire la
forte demande en eau de la ville de Dakar. Actuellement, les
prélèvements effectués dépassent la capacité
de la nappe du paléocène de Sébikotane. En effet, celle-ci
s'est abaissée de 15 mètres depuis la fin des années 70.
Une telle situation entraîne des risques importants de tarissement. La
Sénégalaise des eaux dispose de
5 forages dans la commune et d'un équipement de
pressurisation qui prend part dans l'approvisionnement de la ville de Dakar
et contribuent à l'assèchement de la ressource.
S'agissant des techniques d'exhaure et d'irrigation, il faut
noter que l'exploitation des puis traditionnels n'est plus possible sur la
commune de Sébikhotane, suite à l'abaissement de
la nappe phréatique ces dernières années.
Photo 11-Forage privé d'une entreprise
agricole Photo 12-Un puit traditionnel rendu
inutilisable par la course à la profondeur : le
propriétaire de la parcelle a abandonné
l'arboriculture par manque d'eau.
Celle-ci est attribuée aux 10 forages, dont 5
privés qui permettent une exhaure de l'eau
en profondeur et rendent inutiles les puits traditionnels. Au
niveau de l'arboriculture, la zone était très productive
auparavant avec les mangues, les papayes, les mandarines, les
pamplemousses. Mais la baisse de la nappe phréatique durant ces deux
dernières décennies à causé la perte de plus des
2/3 des manguiers et 3 /4 des mandariniers, surtout chez les petits
producteurs. Le lac de barrage de Séby-Ponty constitue une
réserve d'eau intéressante pour les
exploitations familiales alentours, mais le manque de pompes rend
l'irrigation difficile.
Photo13-Départ pour la borne
fontaine
payante le long de la N1: des quartiers de
Diamniadio ne sont pas encore équipés
Photo 14-Une retenue colinéaire peu
mise
en valeur. Le manque de pompe a été
invoqué par les enquêtés
B) L'arbitrage des demandes : une
généralisation du système marchand
L'eau est considérée comme une marchandise
dont le prix est fixé par l'offre et la demande.
Considérer l'eau en tant que bien économique, c'est
considérer que les mécanismes
du marché vont en assurer la répartition
optimale. Or, dans la logique du marché, la répartition
optimale des ressources signifie amener les ressources ou investir
là où cela rapportera le plus, non pas où cela est le
plus utile socialement et humainement.
L'enquête a mis en évidence le fossé
important qui existe entre les exploitations familiales et les
entreprises agricoles sur le plan des investissements et des équipements
en système d'irrigation. Tout d'abord, on constate que 85.1% des
exploitations familiales n'ont
pas de système d'irrigation et ne cultivent donc que
pendant les mois d'hivernage. Pour les
14,9% restants, le système d'irrigation repose
sur la connexion au réseau de la S.DE. A l'inverse,
toutes les exploitations d'entreprise de l'échantillon sont
dotées de réseaux d'irrigation. Pour assurer
l'approvisionnement en eau, cinq d'entre elles sont connectées à
la SDE et une a accès à des forages privés. Les choix en
matière de système d'alimentation en eau sont raisonnés en
fonction de la superficie des terres exploitées. Dans la plupart des
cas, l'option en faveur de la connexion au réseau de la SDE est le fait
de promoteurs qui exploitent
des superficies peu importantes (entre 0,5 et 3
hectares). En revanche, l'aménagement de forages concerne une
exploitation de l'échantillon qui met en valeur un domaine de
90 hectares. Le fonçage de forages profonds à exhaure
mécanique implique un niveau d'investissement très
élevé qui ne peut être réalisé que par
quelques rares particuliers,
principalement par les industriels.
En prenant en charge des exploitations agricoles
déjà existantes (par exemple l'ex Bud Sénégal,
au Nord du quartier de Deny Malick Guèye), certains promoteurs ont
trouvé sur place quelques investissements de base permettant de
mettre en valeur la terre (réseau d'irrigation, clôtures,
etc.). Mais ceux qui ont créé leurs exploitations eux-mêmes
ont mis au point des plans d'investissement, en accordant la priorité
aux réalisations indispensables pour démarrer l'activité
de production (réseau d'irrigation et alimentation en eau). Dans les
deux
cas de figure mentionnés, des investissements
complémentaires ont été parfois effectués pour
améliorer le système d'irrigation, accroître la
capacité de production ou diversifier les activités.
Les entreprises agricoles qui ont adopté des
systèmes d'approvisionnement en eau coûteux utilisent les
nouvelles techniques d'irrigation par aspersion ou par
goutte-à-goutte plus économes en eau que les techniques
traditionnelles, afin de pallier l'augmentation du prix
de l'eau. Mais ceux ou celles qui sont tentés
d'investir dans un système d'irrigation avec accès au
réseau de la SDE pour mener des activités de
maraîchage sont souvent vite dissuadés par le coût
relativement élevé de l'eau. En effet, les tarifs de l'eau
appliqués aux maraîchers de la zone se présente comme suit
:
- 1ère tranche (0 - 1500 m3) : 105,81 FCFA/m3
;
- 2ème tranche (1500 - 10000 m3) : 149,35 FCFA/m3
;
- 3ème tranche (supérieur à 10000 m3) :
631,47 FCFA/m3.
Les producteurs se plaignent de la révision
à la hausse des tarifs appliqués à l'eau
destinée au maraîchage et du plafonnement des quotas. De plus, ils
se plaignent du système de tarification mensuelle établi par
la SDE. Cette nouvelle politique de l'eau les expose à des
difficultés de trésorerie en cours de campagne, alors que le
système de crédit en vigueur ne prend pas en compte les
besoins financiers liés à l'approvisionnement en eau
des exploitations. Les producteurs sont obligés alors de limiter
les fréquences et les doses d'arrosage, avec pour
conséquence une baisse de la productivité de leurs
exploitations.
Malgré ce coût de l'eau
contraignant, la Sénégalaise des eaux préfère
vendre l'eau à des habitants plutôt qu'accorder des quotas
à des agriculteurs, la marge de la compagnie étant plus
faible avec des agriculteurs qu'avec des particuliers. C'est une forme
de concurrence de la ville qui peut mener à l'abandon de
surfaces agricoles
importantes.
La tentative avortée d'une coopération
entre les exploitants :
Dans un passé récent, beaucoup de producteurs des
Niayes installés dans les secteurs
de Bayakh, Sangalkam, NdoYène et Sébikotane
(329 maraîchers exploitant un domaine de
1.000 hectares) s'approvisionnaient en eau à partir de
forages et du réseau de Beer Thiolane gérés par la
Société Nationale des Eaux du Sénégal (SONEES). En
1996, ces infrastructures
ont été rétrocédées à
un comité de gestion des usagers, sans réhabilitation
préalable. Depuis
1999, elles ne sont plus fonctionnelles, suite à
un contentieux entre le comité et la Société
Sénégalaise d'électricité (SENELEC).
Face à cette contrainte, plusieurs exploitants ont
décidé
de raccorder leurs périmètres au réseau de
la SDE alors qu'une meilleure gestion du forage aurait permis une irrigation
à moindre coût.
Conclusion : vers une destruction de la ressource
?
En plus de tarissement de la nappe, la ressource est
confrontée à de graves risques de pollution par les intrants
chimiques et le fumier utilisés en grande quantité par les
producteurs maraîchers. La plupart de ces producteurs
n'appréhendent pas réellement le danger que
présentent les produits phytosanitaires. Le problème
récurrent est l'analphabétisme des exploitants qui ne
peuvent pas respecter les doses inscrites. Les élevages porcins
du ranch Filfili déversent également des citernes
entières de purin à 200 mètres des forages de la SDE. Les
Ong et les collectivités locales n'apportent malheureusement
aucune réponse qui permettrait une exploitation durable de la
nappe aquifère.
2 Une agriculture en proie à des pressions
foncières de multiples acteurs
La montée des problèmes fonciers est un autre
révélateur de la gravité du problème de
la gestion des ressources par des populations de plus en plus
denses. La compétition pour la terre a durci la concurrence et la
tradition foncière n'arrive plus à cohabiter avec la
modernité.
La loi sur le domaine national montre ses limites en
étant porteuse d'une situation foncière complexe qui laisse la
place au détournement à la fois des parcelles et des
indemnisations. Cette loi montre son inadaptation aux nouveaux enjeux
et ne pourra éviter une réforme foncière que les
acteurs de la pression urbaine, c'est-à-dire l'Etat, les
exploitants, les
investisseurs et les bourgeois urbains appellent de leurs
voeux.
A) Impact de l'émergence de
«l'agriculture d'entreprise» sur le foncier : une
flambée des prix et des pratiques qui favorisent une reconversion des
petits paysans.
Un agro éleveur a relaté s'être fait
exproprier, sans indemnités, un hectare de terres qu'il cultivait
uniquement pendant l'hivernage. Ces terres ont été
affectées par le conseil rural
de l'époque à Enda Syspro, qui a
installé une plantation de haricots destinés au
marché extérieur. L'enquête montre bien qu'en
majorité, les exploitations familiales perçoivent de
façon négative la présence d'entrepreneurs agricoles dans
la zone. Pour elles, ces «nouveaux acteurs» ont en commun le fait
d'être étrangers au milieu, auquel ils ne sont liés que par
leur intérêt immédiat. Tous les paysans rencontrés
affirment que la création d'entreprises agricoles
a entraîné des conséquences importantes sur
la dynamique foncière au niveau local.
De l'avis des entrepreneurs agricoles et des paysans
rencontrés, l'arrivée dans la zone d'investisseurs agricoles
désireux d'acheter des terres a fortement accru la valeur des terres
agricoles et créé un marché foncier très actif, en
particulier à Sébikhotane. Il n'existe pas de barème de
prix, en raison du fait que les transactions touchent des terres du domaine
national dont la vente est prohibée par la législation
foncière. Les prix sont négociés au cas par cas et varient
en fonction de la qualité des sols, de l'accessibilité
du terrain par une piste et de l'accessibilité par un
réseau d'eau.
En ce qui concerne l'évolution du prix de vente
de la terre, les interlocuteurs s'accordent à souligner le fait que
les prix augmentent d'année en année. Cette flambée des
prix est liée à l'accroissement de la demande de terres par des
promoteurs perçus comme des gens riches, disposant de moyens pour
créer des entreprises agricoles rentables. Des terres nues qui
étaient vendues entre 300.000 et 500.000 F CFA par hectare il y a
seulement une dizaine d'années, sont cédées aujourd'hui
à un prix trois à quatre fois plus élevé (entre 1
et 2 millions de francs CFA suivant la qualité des sols). Les prix de
cession atteignent 4 millions
de francs CFA/hectare, lorsqu'il s'agit de terres sur
lesquelles des plantations d'arbres sont réalisées et, 6
à 10 millions de francs pour des parcelles faisant l'objet d'un titre
foncier.
Dans la plupart des cas, les ventes de terres sont
effectuées par les familles qui ne disposent plus de moyens
suffisants pour faire fonctionner leurs exploitations, ou qui ne
peuvent pas vivre correctement de leur activité horticole. Les raisons
invoquées sont liées au coût élevé de
l'irrigation résultant de l'affaissement de la nappe qui
impose des investissements importants pour s'approvisionner en eau
(aménagement de puits profonds ou
de forages, abonnement à la SDE).
L'autre facteur important mentionné par certains
chefs d'exploitations familiales concerne leur incapacité à
résister à la concurrence des exploitations d'entreprise
dont les productions inondent le marché à certaines
périodes. Comme le souligne un paysan enquêté :
«celui qui possède des parcelles qu'il ne peut
pas cultiver est bien obligé de les vendre parce que sa famille doit
manger, s'habiller et résoudre d'autres problèmes qui se posent
à elle». Le risque de se faire spolier est d'autant plus grand
si la parcelle est inutilisée, la vente du terrain pouvant dès
lors revêtir un caractère sécurisant.
Ainsi, acculés par les difficultés qu'ils
rencontrent dans l'agriculture, certains paysans
ont préféré vendre leurs terres pour
se reconvertir dans d'autres activités économiques, ou
pour prendre en charge les frais d'émigration d'un membre de
leurs familles. Une étude récente de ENDA/MUAT (2002)
souligne que «lorsque des dynamiques d'intensification agricole
se mettent en place, la valeur agricole des terres s'accroît. La vente de
terrains à des investisseurs ou à des promoteurs immobiliers
apparaît aux yeux de certains exploitants plus intéressante que
de continuer à les cultiver [...]. Les jeunes et les femmes
des villages ne peuvent plus accéder au foncier ou
préfèrent s'orienter vers les activités
économiques urbaines et le commerce. Une partie des jeunes
scolarisés se détourne du travail de la terre qu'elle
perçoit comme étant sans avenir et préfère l'exode
en ville ; ce qui favorise dans une certaine mesure les ventes de terre en
milieu rural et périurbain».
Une disparition des prêts de terres
En plus de l'effet induit sur le prix de la terre,
le développement des exploitations d'entreprise a amplifié les
transactions foncières, tout en modifiant leur nature. Les prêts
et les locations de terres qui étaient pratiqués couramment
tendent à disparaître. En effet, certains propriétaires
craignent que le locataire ou l'emprunteur ne se fasse affecter les terres
par le conseil rural, après quelques années d'exploitation
S'agissant de la location des terres, les prix pratiqués
sont relativement élevés (entre
50.000 et 125.000 F CFA/hectare/mois). Les engagements
portent sur de courtes durées renouvelables (1 à 3 ans) et
font l'objet de contrats signés.
Des transactions qui peuvent contourner la loi sur le
Domaine national
Dans la plupart des cas recensés (80%), les ventes de
terre concernaient des terres du domaine national surtout à
l'époque de la communauté rurale de Yène. La
pratique est beaucoup plus difficile depuis que la création
des communes de Diamniadio et de Sébikhotane. Selon les
habitants l'affectation d'une parcelle est devenue bien plus difficile
qu'elle ne l'était du temps de la communauté rurale de
Yène.
Les populations procédaient à des transactions
souterraines qui étaient le plus souvent avalisées par les
conseils ruraux. En règle générale, l'acheteur
était introduit auprès du vendeur par une tierce personne
(intermédiaire originaire du village). Il négociait
directement
et concluait le marché avec le vendeur en
présence d'un témoin, souvent un notable du village. Une
fois la transaction effectuée, l'acheteur introduisait auprès du
conseil rural une demande d'affectation de la parcelle. Il obtenait
généralement satisfaction, dés lors que la
décision de cession de la parcelle par le propriétaire
était notifiée au conseil rural.
Aujourd'hui, de telles pratiques «sont encore courantes
dans les communautés rurales
des Niayes depuis que les gens des villes et les
fonctionnaires se sont mis à l'agriculture. Dans la zone, tu
achètes une parcelle ; ensuite tu vas voir le responsable du
CERP et le conseil rural pour obtenir une affectation» selon un
responsable de la mairie de Sébikhotane. Certains interlocuteurs
estiment que les conseillers ruraux ne font pas toujours gratuitement
ces « affectations-régularisations ».
Les conseillers rencontrés récusent de telles accusations
et considèrent que les transactions telles
qu'elles s'effectuent actuellement sont régulières, dans la
mesure où l'exploitant ne vend pas sa terre, mais reçoit un
dédommagement pour les mises en valeur qu'il a
réalisées.
Il n'en reste pas moins que ces pratiques demeurent
illégales au regard de la loi sur le domaine national. En
régularisant les ventes de terres par des affectations a
posteriori, les conseils ruraux ont contribué, volontairement ou non,
au développement de nouvelles formes
de transactions foncières qui favorisent
l'implantation des exploitations d'entreprise, sans
toutefois leur donner des droits réels sur la terre.
B) Impact des projets de l'Etat sur l'agriculture
On peut remarquer à l'aide du tableau 3: «
Situation des Grands Chantiers de l'Etat » p.31, que seuls deux projets
étaient commencés pendant notre recherche : l'université
du futur africain et la Société des industries dakaroise/parc
sénégalo chinois. Au moment de l'enquête cinq chefs
d'exploitation n'avaient plus de champs suite à l'implantation de la
Sodida II, et de
l'université sur leur terrain. Un village situé sur
l'emprise de la Sodida a été déplacé.
Photos 15- Un village Peul reconstruit
après
déguerpissement. Ce village se trouve
sur l'emprise d'un autre projet industriel, et devra être
déplacé à nouveau.
Photos 16- Les bâtiments de la
Sodida/Parc
Sénégalo-chinois en Juin 2005
A partir de Dény Malick Guèye, le village le plus
proche de l'ancienne société Bud
Sénégal, on peut apercevoir l'Université
du Futur qui occupe les deux tiers des champs. Les populations ne peuvent
pardonner à l'Etat la confiscation de leurs champs, qui a
immatriculé à son nom les terres du Domaine National. «
L'Etat a confisqué nos terres pour l'Université du Futur
Africain. Cette année, nous n'avons même pas cultivé nos
champs familiaux. Beaucoup
qui ne comptaient que sur l'agriculture ont gelé leurs
activités, faute de terres », nous a appris
un jeune du village. Il n'y a eu ni sommation, ni
indemnisation de la part de l'Etat. De nombreux jeunes rencontrés
sont obligés d'aller travailler, comme beaucoup d'autres jeunes
des villages environnants, dans les exploitations agricoles
moyennes, le ranch Filifili implanté non loin de son village ne
recrutant plus. Beaucoup de producteurs rencontrés à Diamniadio
pensent que personne ne peut interdire à l'Etat l'implantation d'un
équipement public sur le domaine national. Mais ils pensent que
l'Etat doit éviter toute discrimination : « Filfili
n'exploite que 300 ha mais détient plus de 600 ha en réserve.
Pourquoi mettre la pression sur ceux qui travaillent et pas sur les
autres ? Aujourd'hui, tous les grands projets de l'Etat
esquivent Filfili, à l'étonnement des
populations rurales et des autres producteurs ».
Les producteurs craignent surtout la répétition
du syndrome de la ZAC de Mbao, où toutes les terres cultivables ont
été cédées à des spéculateurs
fonciers. Or, pour eux, «L'ex Bud Sénégal doit
rester un tampon naturel entre Dakar et Thiès. Mais avec cette
poussée urbaine et l'implantation des projets, sous peu, ils vont
atteindre nos exploitations et, avec la législation en vigueur,
mettre la main sur nos terres sans aucune indemnisation alors que
nous avons dix ans de présence et d'investissement ».
Une expulsion progressive des éleveurs de l'espace
agro-pastoral
Les enquêtes ont aussi mis en évidence un
déguerpissement d'environ 120 personnes (25-30 chefs de famille)
à partir du site de la Sodida à 200 mètres de la voie
ferrée Dakar Thiès. Il s'agit du village de Gyent Arafat, qui
fait partie administrativement du quartier de Deni Diakhate. Parmi ces agro
éleveurs Peuls, aucun des ménages propriétaires ne
déclarait avoir de titres légaux, en occupant les terres du
Domaine National depuis 1964. Depuis février
ces agro éleveurs ont été
déplacés à quelques centaines de mètres des
nouvelles implantations. Beaucoup déclaraient être nés sur
l'actuel terrain de la Sodida. Mais l'extrait de naissance ne leur a pas
été délivré à Diamniadio, car ils
étaient considérés comme des étrangers, ce
qui montre une réelle volonté de mise à
l'écart de la part des populations autochtones. Les
infrastructures de ce village sont quasi inexistantes : il n'y a ni fosses
septiques ni dépotoir d'ordures. Celles-ci sont déposées
à coté du village sans qu'il y ait de ramassage. De plus il n'y
a aucun accès à l'eau pour l'ensemble du quartier. Tous
les matins, les femmes et les enfants cherchent de l'eau à la
borne fontaine située le long de la nationale 1. Ce village
forme une communauté homogène, bien différente des
citadins Lébous de l'entrée de la ville
de Diamniadio, même si ils partagent -non sans heurts- le
même territoire.
Les entretiens ont révélé qu'il n'y avait
pas eu de sommation avant l'éviction et un refus de négocier.
Des compensations ont bien été accordées à quelques
occupants (des ordres
de grandeur de 110 000 FCFA pour deux cases ont
été citées) mais une dizaine de chefs de familles n'ont
absolument rien touché. Le chef du quartier de Deni Ndiakhate qui est le
chef pris en considération par la commune, aurait «
oublié » de prendre en compte certaines habitations lorsqu'il
a recensé les ménages qui devaient être
indemnisés. Un entretien contradictoire avec ce chef de quartier
a confirmé que c'est bien lui qui avait recensé les
ménages à indemniser par la commune. Il a expliqué que le
chef de quartier voisin avait une
légitimité pour les habitants du quartier Peul,
mais aucune pour la mairie de Diamniadio.
C'est bien une situation de conflit pour la
légitimité qui a permis un détournement des
premières indemnisations touchant au projet de ville de Diaminiadio.
Lors de l'éviction, le maire et le service technique de la
mairie sont intervenus et des
« menaces » auraient été
proférées « On vous a payés, maintenant il faut
quitter cette place. Si vous avez des problèmes, on ne vous viendra pas
en aide. » Les éleveurs ont cependant été
déplacés dans une zone qui, selon le plan et les
entretiens, sera industrielle d'ici quelques années. Peut-être
s'agit-il d'une volonté d'anticiper sur une deuxième
indemnisation de la part d'autres investisseurs, avec la complicité des
conseillers municipaux.
Le chef coutumier du quartier Peul semble être en grande
difficulté: le terrain où ils étaient installés
était constitué de sable, alors que les sols où ils ont
été déplacés sont argilo- sableux. Une
épaisse couche de boue va donc se développer durant l'hivernage.
La commune
ne leur affecte aucun terrain où ils pourraient construire
un enclos. Ils doivent dès lors dormir avec les bêtes pour lutter
contre les vols de bétail.
Nous avons informé l'entité RUP d'Enda
Tiers Monde, ceux-ci coopérant avec le programme des Nations
Unies pour les établissements humains. En effet, depuis 1996,
le Sénégal avait souscrit une déclaration commune posant
comme objectif l'accès à la sécurité
de l'occupation et aux services de bases. Selon un responsable
d'Enda RUP, le gouvernement
se trouverait dans l'illégalité vu les textes
signés, un recours serait envisageable pour obtenir
un déplacement plus décent de ces populations.
C) L'appétit foncier des Dakarois sur les espaces
ruraux : une appropriation de l'espace
en marge des lotissements qui reste difficile à
appréhender
En dehors des lotissements, on remarque que des
parcelles dont les coins sont matérialisés par des blocs de
ciments agglomérés, et ce au milieu de champs cultivés
lors de l'hivernage. Les habitants se montrent peu loquaces
vis-à-vis de ces appropriations, car il s'agit de ventes
illégales de terres du Domaine national, à usage
d'habitation, en majeure partie au profit d'habitants de Dakar. Ces futures
constructions sont en situation d'insécurité foncière,
mais sont pour le moment tolérées par la commune de
Diamniadio. Les réseaux politiques et familiaux semblent jouer assez
efficacement pour acquérir une parcelle. Mais les habitants non
solvables craignent de ne plus pouvoir acquérir de parcelles pour eux et
leurs
familles. L'appétit foncier des particuliers dakarois
est vécu comme une concurrence
préjudiciable par de nombreux habitants: « La
mairie vend tous les terrains à des Dakarois
qui ont plus des moyens que nous, si cela continue
ainsi, il ne va plus rien nous rester »
rapporte un habitant du quartier basse Casamance à
Sébikhotane.
Par contre, les enquêtés qui possèdent un
titre foncier ont conscience de la facilité à laquelle ils
arriveront à revendre leur parcelle. Cependant, tous
déclarent qu'ils veulent continuer l'agriculture ou bien
construire une maison pour leurs enfants sur le terrain. La vente de
terre à un étranger est perçue comme une situation
d'échec, car elle constitue une perte de patrimoine pour la famille.
Selon les personnes interrogées, la vente de terrains est le
fait de personnes qui ne peuvent plus continuer leurs
activités fautes de moyens. Celles-ci vendent leur parcelle afin
de nourrir leur famille. Selon les enquêtes, ces personnes se
tournent vers le commerce ou l'artisanat, et dans certains cas de
dénuement total, vers la mendicité.
Conclusion : une réforme de la loi sur le domaine
national nécessaire
Les dynamiques foncières en cours dans la zone
d'étude, et ailleurs au Sénégal suscitent des
interrogations sur la législation foncière adoptée
en 1964. Celle-ci semble constituer une entrave au développement
de l'investissement privé, à la modernisation de
l'agriculture et à la sécurité foncière des
exploitants. Si tous les acteurs interrogés, y compris
les autorités politiques, conviennent de la
nécessité de réformer la loi sur le domaine national,
ils n'ont cependant pas une vision partagée des
orientations de la nouvelle législation. Pour cette réforme, un
différend oppose les partisans d'une agriculture familiale
modernisée et ceux qui préconisent une privatisation des
terres pour favoriser le développement de l'entreprenariat
agricole, et l'appropriation par des urbains. L'Etat vient d'adopter
une loi d'orientation agro-sylvo-pastorale (LOAR) dont l'article 23
ordonne qu'une «une nouvelle politique foncière sera
définie et une loi de réforme foncière sera
soumise à l'Assemblée nationale dans un délai de deux
ans, à compter de la promulgation de la présente loi ».
Cette réforme modifiera sans aucun doute les rapports de la
société sénégalaise au sol, en favorisant l'achat
privé des terres du Domaine National. La question serait de savoir dans
quelle mesure
le Domaine National urbain resterait le « fait du prince
», et quelle marge de manoeuvre va-t-
elle être laissée aux acteurs privés.
3 Des mutations professionnelles obligatoires pour les
petits exploitants
Dans un contexte où les terres agricoles deviennent de
plus en plus rares, où l'accès à l'eau demande des
moyens toujours plus élevés, les femmes et les jeunes
multiplient les expériences professionnelles à la fois
rurales et urbaines. Ils convoitent déjà les emplois futurs
qui émergeront du projet de ville. En effet, les jeunes, qui sont de
loin majoritaires sur
le territoire d'étude, perçoivent de
façon négative le concept de paysan,
dévalorisé par de multiples connotations : techniques
archaïques, très faibles revenus, forte sujétion aux
aînés, sujétion des femmes... Ce refus d'être
perçu comme un paysan pousse les jeunes à s'habiller
de fripes occidentales achetées au
marché hebdomadaire au détriment des habits
traditionnels. Parallèlement, le salarié jouit d'une très
bonne considération sociale, car il a le privilège d'un salaire
fixe. La majorité des jeunes interrogés, qui avait
déjà travaillé pour une entreprise dans divers
domaines (hôtellerie, transports, agriculture) souhaite
accéder durablement au statut de salarié, mais le problème
de leur formation reste entier.
A) La montée du salariat agricole : vers une prise
de conscience de classe ?
Le recours à une main-d'oeuvre salariée
pour effectuer les tâches de production constitue une pratique
quasi systématique au niveau des entreprises horticoles. Selon
les résultats de l'enquête, la majorité des
exploitations d'entreprise dispose d'un personnel permanent composé
non seulement d'ouvriers agricoles, mais aussi de techniciens chargés de
l'appui/conseil et du suivi. Les données collectées dans le cadre
des enquêtes montrent que la gestion de certaines exploitations implique
à la fois la main-d'oeuvre familiale et un personnel salarié
(permanent, saisonnier ou journalier). Dans ce cas de figure, les promoteurs
font appel
à des membres de la famille (épouses, fils,
frères) ou à d'autres personnes apparentées
(neveux, cousins, etc.) pour qu'ils apportent un appui dans la
conduite des activités en prenant
en charge certaines tâches spécifiques (supervision
des activités, commercialisation, etc.).
L'implication du promoteur lui-même ou de membres de sa
famille dans la gestion de l'entreprise agricole (organisation des
chantiers, supervision des activités ou exécution de
certaines tâches) permet de recruter un personnel moins nombreux. Il
convient toutefois de mentionner que le recours à la
main-d'oeuvre salariée constitue la règle.
L'effectif des employés permanents varie de 1 à 7
en fonction du volume des activités qu'ils doivent accomplir au
sein de l'exploitation (surveillance des travaux, exécution des travaux
culturaux,
gardiennage, etc.).
Dans la plupart des cas, les employés permanents
perçoivent une rétribution mensuelle dont le montant varie
entre 20.000 et 55.000 F CFA. La faiblesse de la
rémunération est parfois compensée par des avantages en
nature (mise à disposition d'un logement, prise en charge de la
restauration, du déplacement etc.).
Le recrutement d'employés journaliers est devenu
un phénomène général au niveau des
exploitations d'entreprise spécialisées dans l'horticulture et
les cultures fruitières. Cette main- d'oeuvre est mobilisée
principalement pour les opérations de désherbage, de
sarclage et de récolte. En période de récolte,
certaines grandes exploitations (par exemple Safina Filfili à
Sébikhotane) font appel à plusieurs centaines de femmes et de
jeunes originaires des villages environnants. L'utilisation de plus en plus
massive de la main d'oeuvre féminine a fait naître
un intéressant phénomène d'exode urbain
temporaire des femmes des villes environnantes comme Rufisque, Bargny et
Pout vers la zone agricole à la recherche d'emplois saisonniers.
Ces travailleurs sont payés à la
tâche ou au rendement, sans considération des dispositions
de la convention collective. Les rétributions
négociées de gré à gré avec l'employeur
ou son représentant varient de 1000 à 2.000 F CFA pour une
journée de travail, lorsqu'il s'agit du désherbage. Pour les
opérations de récolte, ce personnel est
rémunéré à la journée à raison de
1.400 à 1700 Fcfa/jour. Les femmes sont payées moins que les
hommes.
On retiendra que dans la zone d'étude, l'emploi
salarié concerne une main-d'oeuvre journalière
constituée de femmes et de jeunes originaires des villages environnants,
mais aussi
de techniciens et d'ouvriers agricoles. Les salaires trop
faibles pratiqués par les exploitants
ont déjà déclenché des
grèves des ouvriers agricoles : deux semaines de grèves
ont été organisées par des employés chargés
de la sécurité (engagés au niveau baccalauréat ou
licence universitaire) au sein de l'entreprise Safina Filfili. Une « lutte
de classe » prend donc forme
au sein des plus grandes exploitations. Cependant, au dire des
notables locaux, ces entreprises contribuent à fixer les jeunes sur le
territoire en leur permettant d'accéder à des emplois, sans
lesquels les jeunes adultes seraient tentés par
l'émigration à Dakar. Pour eux, il s'agit
d'apprendre à négocier avec les chefs d'entreprises
et d'ouvrir le dialogue.
B) ...Mais des emplois industriels sans doute illusoires
pour les autochtones
Parmi les enquêtés qui ont perdu leur terrain ou
une partie de leur terrain, beaucoup espèrent des retombées
positives pour eux ou leurs familles. Le projet de plate forme
multidimensionnelle serait une opportunité d'embauche pour les
habitants du site. Le gouvernement a annoncé son intention
de privilégier le recours aux technologies de construction
fondées sur l'utilisation intensive de la main-d'oeuvre (HIMO) et des
ressources locales. Un exemple est la réalisation de voirie en
pavés, qui permettrait d'embaucher une main d'oeuvre peu ou pas
qualifiée. Le personnel de la Sodida a avancé aux
populations locales expropriées qu'elles seraient les
premières à être embauchées. On notera que
pour l'instant aucun engagement n'a été signé et les
personnes enquêtées n'ont fait écho d'aucune embauche au
moment de l'investigation. Des cas similaires ont été
rapportés par des personnes étrangères au terrain
d'étude qui posent une question cruciale : les investisseurs
accepteront-ils d'attendre que les employés locaux soient
formés pour commencer leur activités ? Les personnes
seront-elles employées durablement ou seulement pour un effet
d'annonce ? Si ces questions n'ont pu être élucidées lors
des entretiens, il apparaît néanmoins qu'une nouvelle
mobilité fonctionnelle des habitants tend à s'affirmer.
Conclusion : l'affirmation d'un phénomène
nouveau de pluri activités
La perte du rôle moteur de l'agriculture rend
nécessaire d'autres secteurs. Une femme agricultrice vend des repas
sur le lieu de travail des ouvriers de l'Université du futur,
une autre s'improvise boulangère, un chef de famille élève
des poulets de chair... Cette économie familiale élargie, souple,
est très ouverte sur la ville et révèle une
société rurale dynamique et entreprenante, comme le montre de
nombreux entretiens. Ces stratégies de diversification et
de reconversion permettent aux paysans de s'adapter
à la crise par un redéploiement des activités,
au-delà d'un dualisme entre ville et campagne. Dès lors,
il n'y a pas de coupure mais une mobilité et une fluidité
entre l'urbain et le rural, ce qui laisse entrevoir une frontière
mouvante entre les deux milieux. Avoir un pied dedans et un pied dehors, c'est
aussi mettre
en place une « panoplie anticrise ». Les dynamiques
rurales sont dès lors les inventrices de
nouvelles identités citadines.
Conclusion générale
Le développement n'est plus imaginé qu'en termes
d'intégration au marché mondial,
et cette nouvelle modernité bouleverse
complètement les rapports entre progrès économique,
progrès politique et progrès social. L'Etat
sénégalais a clairement affiché son intention de
confier le développement du monde rural aux initiatives
privées ou populaires. Mais en se réservant le droit
d'encourager, par des mesures appropriées, les investissements
privés lourds étrangers ou nationaux, le pouvoir politique
central a décidé de faire de la zone d'étude une annexe
urbaine plutôt qu'une entité rurale spécifique, dans
une volonté de discipliner l'extension urbaine de Dakar et dans
la mouvance d'un axe de développement privilégié
s'étendant de Dakar à Thiès. L'espace périurbain
est donc géré en fonction des priorités des acteurs
citadins qui le perçoivent comme une zone transitoire. Ces zones
agricoles autour de
la ville sont des zones à raser lorsque le besoin se fera
sentir...
Si des ateliers de concertation locale ont bien permis de faire
émerger le point de vue
des acteurs locaux sur l'évolution souhaitable des
communes concernées par le projet de ville,
il faut rendre compte de la crainte, formulée par
certains acteurs au cours des entretiens de voir les propositions
formulées rester « lettre morte » et que le processus de
concertation ne serve que « d'alibi », pour asseoir la
légitimité de l'Etat. Les agriculteurs redoutent la
répétition du « syndrome de la ZAC de Mbao », où
les agriculteurs n'ont pas été indemnisés,
et les investissements qu'ils avaient effectués n'ont
pas été pris en compte par l'Etat. Dans cette perspective, les
promesses d'embauche consécutives aux expropriations apparaissent
comme des leurres pour des populations locales manquant cruellement de
formation et d'informations. Pour le pouvoir politique, c'est
désormais à la région du fleuve
Sénégal qu'appartient l'avenir agricole du pays. Les
entrepreneurs agricoles les plus avisés ont bien intégrés
cette tendance en s'arrogeant des réserves foncières au sein de
communautés rurales situées dans les départements de Louga
et de Podor.
L'interpénétration ville campagne peut-elle
être facteur de développement pour les agriculteurs
périurbains? D'un point de vue économique, la
réponse est nuancée. Les producteurs de Diamniadio et de
Sébikhotane sont maintenant dépendants du marché
pour
leur subsistance.
Au moment des enquêtes de terrain, la phase de
transition entre économie de subsistance et économie de
marché était largement achevée. Mais ce système
repose sur une politique du prix des céréales importées
d'Asie, qui rend hypothétique les cultures
céréalières,
et impossible le retour à une agriculture rurale
indépendante de la ville. La seule alternative
des agriculteurs réside dans une intensification
de leurs productions tant agricoles que pastorales. Or, celle-ci passera
sans aucun doute par une réforme de la loi sur le Domaine National. La
loi d'orientation agro-sylvo-pastorale adoptée en juin 2003 vise
à définir une nouvelle politique foncière qui
permettrait une appropriation privée de la terre, d'ici quatre à
cinq ans, comme le préconise la Banque mondiale. Celle-ci y voit la
nécessité d'assurer, par le
jeu des hypothèques, un accès au crédit
rural. La privatisation des terres du Domaine National permettrait aussi
l'établissement d'un impôt foncier, nécessaire au
budget de l'Etat. En s'accompagnant d'un remembrement des terres, les
appropriations privées pourraient être une occasion pour
l'ethnie Lébou, qui détient à la fois le pouvoir
politique et coutumier, de chasser les ethnies et entrepreneurs allochtones
de leurs terres.
Le développement de l'espace urbain au
Sénégal semble donc devoir passer par une accentuation des
inégalités, et par l'émergence d'une classe paysanne
pluri fonctionnelle,
intégrée et fortement dépendante de
l'économie de marché.
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Annexes