"en aparté"sur Canal Plus : l'invité, le public et le média comme tiers autoritaire dans une émission de conversation( Télécharger le fichier original )par Marylène Khouri Institut Français de Presse Paris II-Assas - Maà®trise d'information et communication 2005 |
2 - La jugeChez Platon, l'autorité « juste » ou « légitime » repose sur et émane de la « justice », ou « équité ». En appliquant ce précepte à « En aparté », on constate que Pascale Clark se doit d'être juste et équitable envers tous ses invités. En effet, elle valide en quelque sorte le parcours artistique, politique, sportif de son invité. La promesse d'En aparté est de révéler le recul qu'ont les personnalités face à leurs oeuvres. En effet, il est fréquent que l'animatrice demande leurs avis sur des éléments de leur biographie. Ceux-ci ont donc l'occasion ici de justifier de leurs choix parfois hasardeux. En fait, Pascale Clark revêt plus le rôle de confesseur que de juge. Kojève englobe dans cette « autorité du juge » : l'autorité de l'arbitre, du contrôleur, du censeur, du confesseur, de l'homme juste ou honnête. Pascale Clark a donc pour rôle d'être équitable dans ses jugements pour maintenir son autorité ; de ce fait, l'émission « En aparté » a revêtu au cours des années un caractère de « confessionnal » du monde médiatique. On y vient se confier, confesser ses erreurs et se voir rassurer dans son statut de « personnalité ». On y vient conforter son importance. 3- Le maître
La posture de Pascale Clark face à son invité fait par ailleurs penser à la vision d'Aristote du Maître face à l'esclave60(*). « Le Maître a le droit d'exercer une Autorité sur l'Esclave parce qu'il peut prévoir, tandis que ce dernier ne fait qu'enregistrer les besoins immédiats et se fait guider par eux. C'est donc, si l'on veut, l'Autorité de l' « intelligent » sur la « bête », du « civilisé » sur le « barbare » (...) C'est aussi l'autorité de qui passe une commande sur celui qui exécute. Celui qui se rend compte du fait qu'il voit moins bien et moins loin que l'autre se laisse facilement mener ou guider par lui ». En fait, le dispositif d' « En aparté » crée artificiellement un rapport, certes limité dans le temps, de maître sur l'esclave. Le temps d'un entretien, l'animateur contrôle l'invité et de même pose les conditions au sein desquelles son discours va se produire. Pour ce, le discours produit serait considéré pour certains comme dénaturé car « contraint » ; Pierre Bourdieu61(*) par exemple, estime que les « conditions de communication » et le fait que le « sujet soit imposé » conjugué à « la limitation du temps (...) impose au discours des contraintes telles qu'il est peu probable que quelque chose puisse se dire ». En fait, ce dispositif, selon lui ne faciliterait pas l'échange. Pourtant, il ne faut pas oublier que Pierre Bourdieu reste extrêmement sceptique vis-à-vis de la télévision en général et que les contraintes, si elles posent les limites d'un certain discours, n'entravent que peu la liberté de l'invité au final. Celui-ci, en choisissant pour sa promotion d'apparaître au sein de telle ou telle émission sait à quoi s'en tenir. Lui même a choisi plus ou moins sciemment le type de contrainte au sein duquel il souhaitait apparaître. En choisissant une émission dans lesquelles il sait que son corps et ses réponses seront fortement guidés par l'animatrice, il a la possibilité de prévoir ce qu'il va dire et comment il va réagir. Dans ce cadre ci, il reprend de l'autorité sur la Maître originel qu'est Pascale Clark. Il peut aussi renverser la donne et imposer à l'animatrice son rythme, sa volonté. On le voit lors de l'intervention de Charles Berling : Pascale Clark avait prévu un certain emplacement pour le premier entretien qui a lieu normalement d'un certain côté du bar. Or, l'acteur s'est mis de l'autre côté ce qui a surpris l'animatrice - et qui le lui a fait remarquer- Lui, notant sa surprise l'a déstabilisé en y restant. Or, avant chaque enregistrement, des acteurs testent les caméras téléguidées et prévoient les plans ; le parcours de l'invité est planifié. Celui-ci peut aussi s'amuser avec le dispositif, détourner certains codes : Béatrice Dalle, lors de son passage, avait photographié son nombril au lieu du traditionnel portrait. Michel Foucault dans « L'ordre du discours » parle de lieu du discours qui nous impose des comportements et nous installe dans un ordre. Cette définition prend sens ici : un style de discours est imposé, certes, mais on peut toujours avoir la volonté d'en tester les limites. Le dispositif d'En aparté est juste, ou du moins semble juste ; de ce fait, les invités respectent le lieu du discours. De même, deux types d'autorité se confrontent ici, la personnalité médiatique et une personnalité « réfèrent ». L'une porte le sceau de la création, l'autre du jugement. * 60 « La notion de l'autorité », Alexandre Kojève, ed.Gallimard, page73 * 61 « Sur la télévision », Pierre Bourdieu, ed. Raisons d'agir, page 13 |
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