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Vers une victoire verte: l'impact du droit de l'environnement sur les équipementiers textiles et les fédérations sportives - un marathon entre conformité légale et leadership dans le changement


par Mélissa LAMY
Université de Bordeaux - DU droit de l'environnement  2023
  

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Mélissa LAMY - Mémoire DU droit de l'environnement - Université Bordeaux - 2022/2023 14

PARTIE 1. Naviguer sur le droit de

l'environnement: cap sur la responsabilité légale

environnementale des équipementiers textiles et

des fédérations sportives

Nous lèverons l'ancre pour entreprendre une exploration rigoureuse des éléments constitutifs de la responsabilité légale environnementale qui gouverne les équipementiers textiles sportifs et des fédérations sportives (A). Néanmoins, il sera observé que lorsqu'il s'agit de mettre en oeuvre et de réguler ces obligations, nous nous trouvons face à une navigation incertaine, évoquant de manière similaire la légendaire traversée du pot au noir (B).

A. L'équilibre juridique environnemental : Analyse des contours et des paramètres de la responsabilité légale générale

La symbiose entre droit de l'environnement, sport et textile forme un océan juridique complexe. Nous prendrons la barre pour naviguer globalement sur le berceau du droit de l'environnement, dans les eaux internationales, européennes et nationales (françaises).

1/ L'horizon mondial : l'impact du droit international

D'un point de vue général, le droit international, tout en s'efforçant d'amener une pluralité d'États à coexister harmonieusement, assume la gouvernance des relations entre ces entités souveraines, avec pour impératif premier la préservation de leur souveraineté. Plutôt que de la dépasser, le droit international a pour noble fonction de la protéger. Aussi, la Charte de l'ONU, qui, en son article 2 § 1, proclame que "L'Organisation est fondée sur le principe de l'égalité souveraine de tous ses membres".

Qu'en est-il plus spécifiquement du droit international de l'environnement?

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Ce domaine se caractérise par une structure multidimensionnelle. En effet, il est façonné par quatre grandes sources normatives:

- Les traités et conventions : lesquels émergent en tant qu'édifices juridiques de la coopération environnementale, exemplifiés par le Protocole de Kyoto de 1997, qui a joué un rôle crucial dans la configuration du droit international de l'environnement en reflétant les efforts conjoints des États pour atténuer le changement climatique, avec pour objectif principal la réduction des émissions de gaz à effet de serre. De la même manière, la Convention de Bâle de 1989, relative aux mouvements transfrontières de déchets dangereux, et la Convention de Montego Bay de 1982, dédiée au droit de la mer, témoignent de la préoccupation partagée pour la préservation de la diversité biologique. L'accord plus récent et contraignant dit «Accords de Paris», adoptés lors de la COP 21 en 2015, dont la France est évidemment signataire et a procédé à la ratification, incarne une pierre angulaire de cette architecture, visant à maintenir la température mondiale en deçà des niveaux préindustriels. Il énonce des orientations à long terme en vue de guider l'ensemble des nations. Ces orientations impliquent, en premier lieu, une réduction substantielle des émissions mondiales de gaz à effet de serre, avec pour objectif la limitation de l'élévation de la température planétaire à 2 °C au cours du présent siècle, tout en maintenant une volonté résolue de la contenir encore plus fermement à 1,5 °C. De manière itérative, il préconise la réévaluation périodique, tous les cinq ans, des engagements nationaux, permettant ainsi une adaptation continue en fonction des avancées scientifiques et des évolutions du contexte climatique. En outre, une composante cruciale de l'Accord réside dans la mise à disposition de ressources financières substantielles en direction des nations en développement. Cette allocation vise à atténuer les répercussions des changements climatiques, à renforcer leur résilience face à ces défis et à accroître leur capacité d'adaptation aux effets induits par ces transformations environnementales.

Sans aucun doute, il a marqué, en 2015, le début d'une transition vers un monde à zéro émission nette.

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La réalité sur la possibilité d'atteindre cet objectif est aujourd'hui plus controversée. Nous développerons ce point ultérieurement.

- La coutume internationale : elle émerge comme une matrice évolutive, influencée par les décisions juridiques. Des affaires notoires, telles que la Fonderie de Trail (tribunal arbitral, 1941) et le Détroit de Corfou (Cour internationale de Justice, 1949), ont contribué à la façonner, établissant des nouvelles normes internationales dans le domaine environnemental. De même, des cas tels que Lopez Ostra c/ Espagne (Cour européenne des Droits de l'Homme, 1994) et la question de la licéité de la menace ou de l'emploi d'armes nucléaires (Cour internationale de Justice, 1996).

- Les résolutions normatives des organisations internationales : lesquelles jouent un rôle central dans la direction de l'action de préservation de l'environnement. Les textes émanant de l'Union européenne. Des exemples pertinents comme la directive 2009/33/CE du Parlement européen et du Conseil relative à la promotion de véhicules de transport routier propres et économes en énergie, ainsi que des décisions telles que la décision de la Commission concernant les informations sur les biocarburants et les bioliquides à soumettre par les opérateurs économiques aux États membres. Parfois, des conférences internationales, telles que la Déclaration de Stockholm de 1972, ont catalysé la transformation de principes énoncés en normes effectives, grâce à la volonté collective des États.

- Les principes généraux du droit international : le principe "pollueur-payeur" se positionne comme un élément clé. Adopté par l'OCDE en 1972, il illustre la responsabilité des acteurs impliqués dans des activités potentiellement préjudiciables, ce principe reflète la nécessité de réparer les conséquences nuisibles de telles actions. Cependant, son application est entravée par une multitude de défis non résolus, notamment l'attribution de la responsabilité en cas de pollution d'un cours d'eau par un actif polluant. Cette question soulève des interrogations concernant la responsabilité de l'utilisateur, du fabricant, de l'État autorisant l'utilisation ou de celui ne prenant pas les mesures nécessaires pour remédier rapidement à la situation.

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En tant que signataire de conventions majeures telles que le programme de développement durable à l'horizon 2030, comprenant les 17 Objectifs de Développement Durable, l'accord de Paris sur le climat, et le cadre de Sendai pour réduire les risques de catastrophes, l'Union européenne joue un rôle central dans la construction «du navire» juridique du droit international de l'environnement. Ceci est renforcé par le fait que le droit communautaire, établi par les traités européens, demeure un aspect du droit international car les États membres n'ont pas abandonné leur souveraineté, mais ont plutôt choisi de partager certaines compétences avec les institutions européennes.

2/ Les marées européennes : la confluence du droit européen

La réglementation environnementale s'érige en une composante substantielle du corpus législatif européen, tant de manière directe qu'indirecte, cette dernière découle en grande partie des traités internationaux qui requièrent une transposition au sein des législations nationales des États-membres.

L'empreinte de la politique environnementale européenne trouve en réalité ses racines lors du Conseil européen de Paris de 1972, émergeant en réponse à la première conférence des Nations unies sur l'environnement et posant les bases d'une politique communautaire de l'environnement, ancrée dans la préservation environnementale, la protection de la santé humaine et l'usage rationnel des ressources naturelles.

Cette évolution s'épanouit à travers des révisions successives des traités, à l'instar du traité de Maastricht (1992), qui érige l'environnement en domaine d'action officiel de l'Union européenne, instaure la procédure de codécision et instigue le vote à la majorité qualifiée au sein du Conseil.

Le traité d'Amsterdam (1999) solidifie l'obligation d'intégrer la protection environnementale dans toutes les politiques sectorielles, célébrant ainsi le développement durable comme ligne directrice.

Enfin, le traité de Lisbonne (2009) confère une nouvelle dimension, consacrant la «lutte contre le changement climatique» comme objectif spécifique et conférant à l'Union la personnalité juridique pour conclure des accords internationaux.

Enfin, en décembre 2019, la Commission européenne a lancé le pacte vert pour l'Europe. Celui-ci a pour ambition de faire en sorte que les mesures

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prises par l'UE visent à faire de l'Europe le premier continent au monde neutre pour le climat.

Ce droit de l'environnement européen, axé sur la résolution de problèmes environnementaux mondiaux et la préservation holistique de la nature, se distingue par quatre principes fondamentaux:

- le principe de précaution : lequel est défini par le fait de prendre des mesures face à un risque connu

- le principe de prévention : lequel est défini par la réalisation d'actions en vue d'éviter un risque soupçonné mais dont la gravité n'est pas avérée scientifiquement.

Lors de l'épisode de l'encéphalopathie spongiforme bovine par exemple, la CJUE avait estimé justifié les mesures d'embargo prononcées par les Etats membres à l'encontre de la viande bovine en provenance du Royaume-Uni.

- le principe de correction à la source. Il s'agit ici «de supprimer une pollution directement à sa source via des dispositions pour éviter un danger, via des mesures correctives pour dépolluer ou réparer après un accident. Cela préservera de toute évidence les écosystèmes naturels et sera moins coûteux, car le coût de dépollution plus le coût des externalités dépasse toujours le coût de correction à la source. Par principe, il est aussi plus facile de gérer un problème quand il est bien identifié et localisé (une activité polluante pour l'eau dans une usine) que lorsque qu'il faut en tirer les conséquences (gérer la qualité de l'eau de toute une rivière)».15

Ainsi par exemple dans la jurisprudence « déchets Wallons du 9 juillet 1992», la Wallonie avait défendu cet argument auprès de la Cour du Luxembourg (CJUE) précisant qu'il était préférable pour l'environnement de traiter, en priorité les déchets produits sur son territoire, interdisant donc l'importation de déchets d'autres États membres et d'autres provinces belges. Il s'agissait d'une entrave à la libre circulation des marchandises, objectif premier de la création de l'UE. Toutefois, la Cour

15 définition issue de https://direns.mines-paristech.fr/Sites/ISIGE/uved/risques/3.1.3/html/3_2.html

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avait alors estimé que cette mesure était justifiée, en l'espèce en raison de la nature particulière de ces déchets.

- le principe du «pollueur-payeur : principe économique issu de la théorie des externalités d'Arthur Pigou. Les externalités étant des effets du marché demeurant extérieur au processus économique. Il conviendrait de les réintégrer dans ce schéma financier en leur attribuant un prix.

Nous distinguons alors les externalités négatives : paiement d'une taxe si notre activité pollue des externalités positives : aides financières ou déductions fiscales pour ceux qui à contrario exerce une activité dont l'objectif est de respecter l'environnement, la culture de fibres bio par exemple (principe du protecteur payé).

Dans la quête de paix et de sécurité, l'édification de la CECA puis de la CEE et enfin de l'UE s'est attelée à bâtir un espace économique commun où la libre circulation des êtres, des biens et des capitaux règne en maîtresse souveraine. Cependant, malgré cette noble aspiration à l'harmonie, il est indéniable que le droit environnemental européen, par moments, entrave cette suprématie économique.

De ce fait, afin de remplir son office de gardienne de l'environnement, les autorités judiciaires de l'UE ont dû ériger des principes novateurs.

Ce faisant, dans l'arrêt des bouteilles danoises du 20 septembre 1988, la CJUE appose son sceau sur la théorie des exigences impératives d'intérêt général, légitimant ainsi des mesures de préservation environnementale, même au détriment des intérêts économiques. Précurseur de cette doctrine, l'arrêt Cassis de 1979 jette les bases de cette exception au marché commun, adoucie cependant par le filtre du principe de proportionnalité, imposant que l'entrave économique soit proportionnée aux périls environnementaux.

Par la suite, la Cour fondera ses résolutions en faveur de la protection de l'environnement sur les fondements de l'article 36 du TFUE «gardien» de la vie et de la santé des êtres vivants, animaux, végétaux et humains.

La Cour a longtemps appliqué de façon alternative la théorie des exigences impératives d'intérêt général ou l'article 36 du TFUE. Depuis 2009, elle opère une fusion en vue d'une protection environnementale éminente.16

16 CJUE, arrêt affaire des Jet skis suédois du 4 juin 2009

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Le droit européen, sous l'égide de la CJUE, confirme également l'avènement du principe d'effet direct, un pilier de responsabilité juridique. Ainsi, les normes communautaires se muent en droits et obligations, directement opposables aux particuliers, éclairant le cheminement devant les tribunaux nationaux, à condition que ses dispositions soient suffisamment claires, précises et inconditionnelles. 17

Même si la transposition d'une directive en droit interne reste une exigence, le principe d'invocabilité prévaut dans le droit européen, évinçant toute mesure contradictoire à une directive non encore transposée, un principe de prudence énoncé dans l'arrêt inter-environnement Wallonie (1997).

En dernier lieu, en vertu du principe de subsidiarité environnementale, la Cour (CJUE), permet l'application par des entreprises privées par exemple de mesures entravant l'économie, mais en faveur de l'environnement, pour combler les lacunes des États membres. 18

Dans cette symphonie judiciaire, la CEDH se pose également en protectrice par ricochet. En invoquant les articles 2 (droit à la vie), 8 (droit à la vie privée), 6 (droit à un procès équitable) et 13 (droit à un recours effectif devant les instances nationales) de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme de 1950 (entrée en vigueur en 1953), la Cour de Strasbourg exhorte les États membres à honorer leurs engagements en matière de protection de l'environnement, une mission tangible dans l'affaire Urgenda c. Pays-Bas (2019).

Bien que la lancée progressiste en faveur de la protection environnementale sculpte un canevas juridique tourné vers l'avenir, cette entreprise s'accompagne d'un engagement des grandes entreprises et des ONG, cherchant à colmater les fossés environnementaux et les distorsions de concurrence éventuelles nées d'une application inégale de ce droit, un point que nous examinerons ultérieurement au cours de cette étude. (II.B).

Face à ce panorama, on pourrait aisément croire que les instances judiciaires au vue de leurs compétences accompagnés des textes européens, règlements, directives, que nous aborderons précisément prochainement (B), se posent tels

17 CJUE, arrêt Van Gend en Loos du 5 février 1953

18 CJUE, arrêt des abeilles danoises du 3 décembre 1998

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des gardiens protecteurs, palliant les déficiences étatiques et instituant un cadre juridique en vue de la protection de notre aire de jeu, l'Environnement.

Par conséquent, une question persiste en filigrane : quelle est la contribution de la France dans ce vaste océan juridique?

3/ Le rivage national : l'effervescence portuaire du droit français

L'histoire du droit de l'environnement en France s'est façonnée par étapes, marquées par des jalons significatifs qui ont peu à peu érigé les bases d'une reconnaissance légale de la responsabilité environnementale des acteurs, y compris ceux du secteur sportif et textile.

Les prémices du droit de l'environnement français remontent à l'établissement de lois emblématiques telles que la loi sur les Parcs nationaux de 1960 et la loi sur l'eau de 1964.

L'instauration du ministère de l'Environnement en 1971 a ouvert les portes à une attention accrue envers les questions environnementales. Cependant, ce n'était que le début d'un parcours d'évolution constante, rythmé par des mutations organisationnelles et budgétaires.

C'est à partir de la loi du 10 juillet 1976 sur la protection de la nature que nous inaugurons une ère nouvelle pour la législation environnementale française, jetant les bases d'un droit spécifique à l'environnement. Cet acte traduit la volonté du gouvernement français de préserver le patrimoine naturel national, tandis qu'au niveau international, la France s'engageait également dans des conventions pour la préservation du patrimoine mondial.

La consécration constitutionnelle : La Charte de l'Environnement comme
garante des droits écologiques

La consécration constitutionnelle du droit de l'environnement est intervenue avec la charte de l'environnement, insérée dans le corpus constitutionnel depuis le 1er mars 2005. Ce texte, voulu par Jacques Chirac, a été conçu pour créer une troisième génération de droits de l'Homme, ajoutant une nouvelle dimension aux droits subjectifs et sociaux déjà reconnus. Véritable innovation, son rayonnement juridique demeure en partie floue même si cette dernière érige en principes fondamentaux le principe de précaution et le droit de jouir d'un

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environnement préservé dans le respect des équilibres écologiques. Cette démarche engage les pouvoirs publics à instituer des mécanismes d'évaluation des risques.

De plus, depuis 2010, grâce à la question prioritaire de constitutionnalité tout justiciable a la possibilité de contester devant le juge constitutionnel une disposition législative qui porterait atteinte aux droits et libertés garanties par la constitution dont la charte de l'environnement fait donc partie.

Le Grenelle de l'environnement, symbolisé par les lois "Grenelle 1"19 et "Grenelle 2"20, instaure une étape décisive en fixant des objectifs majeurs pour la politique environnementale française. D'autres textes tels que la loi TEPCV21 et la loi sur le devoir de vigilance22 renforcent l'arsenal juridique, la création de nouveaux «principes» comme l'interdiction de l'éco-blanchiment consacrée notamment dans le code de la consommation23 depuis la loi climat et résilience24, la création des REP depuis la loi AGEC25, etc.. entre autres. L'analyse se concentrera sur les textes ayant un impact significatif sur les secteurs sportif et textile, spécialement dans la perspective de leur mise en oeuvre. (B).

Naturellement, la conception et l'élaboration des normes juridiques environnementales en France se trouvent intrinsèquement influencées par le droit international de l'environnement et le droit communautaire, comme précédemment discuté.

Cependant, une question cruciale demeure à explorer : quel est le statut de la reconnaissance d'une responsabilité environnementale dans le cadre du droit français?

Dans le domaine du droit de l'environnement français, un régime de responsabilité environnementale a été incorporé dans le Code de l'environnement par le biais de la loi n°2008-757 du 1er août 2008, également

19 Loi n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement

20 LOI n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement

21 Loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte

22 Loi n° 2017-399 du 27 mars 2017 relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d'ordre

23 Article L121-2 - Code de la consommation

24 Loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets

25 Loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire

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connue sous le nom de "loi relative à la responsabilité environnementale et à diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de l'environnement."26

La célèbre affaire de l'Erika27 a ouvert la voie à la reconnaissance du préjudice écologique pur. Dès 2012, la Cour de cassation a établi la possibilité de réparation de ce préjudice, qui découle d'une atteinte à l'environnement.

L'article 31 du Code de procédure civile énonce que "l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention". En d'autres termes, l'intérêt à agir. L'article 1248 du Code civil établit que "l'action en réparation du préjudice écologique est ouverte à toute personne ayant qualité et intérêt à agir", englobant l'État, l'Office français de la biodiversité, les collectivités territoriales, les établissements publics, et les associations agréées ou établies depuis au moins cinq ans, oeuvrant pour la protection de la nature et la préservation de l'environnement.

Cependant, le terrain environnemental insuffle une complexité, car l'intérêt se forge souvent collectivement, se détachant de la traditionnelle requête d'intérêt individuel prévalant dans le droit positif. La loi du 18 novembre 201628, a ainsi introduit les actions de groupe environnementales, permettant à plusieurs victimes de mandater une association pour représenter leurs intérêts. Bien que saluée par la doctrine, l'efficacité pratique de cette initiative reste limitée, perspective que nous contournerons donc dans notre présente étude.

Depuis 201629, un simple risque de préjudice écologique peut donc suffire à engager la responsabilité civile environnementale en vertu de l'article 1252 du Code civil.

Notons que par principe, le préjudice écologique est réparable en nature, idéalement par une restauration à l'état initial avant le dommage, ou à défaut, dans un état similaire. Si la restitution à l'état initial n'est pas possible, une indemnisation financière peut être envisagée, conformément à l'article 1249 du Code civil.

26 Cette loi constitue la transposition de la directive 2004/35/CE datant du 21 avril 2004

27 Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 25 septembre 2012, 10-82.938

28 Loi du 18 novembre 201 n° 2016-1547 de modernisation de la justice du XXIe siècle

29 Loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages

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À noter toutefois, que nous avons connu une évolution majeure, depuis la loi du 22 août 202130 avec la reconnaissance du délit d'écocide.31 Par conséquent, la production d'une pollution affectant à la fois les écosystèmes physiques et biologiques, ainsi que l'abandon de déchets, sont qualifiés d'écocide lorsque ces actes ont été délibérément commis.

«Qui dit délit, dit infraction de droit pénal».

Aussi, le champ du droit privé offre également la possibilité d'engager la responsabilité pénale environnementale en substitution d'une procédure civile.

Bien que le monopole de l'exercice des poursuites soit détenu par le ministère public en France, les victimes ont la possibilité de se porter parties civiles tout comme les associations agréées de protection de l'environnement32 et les personnes morales de droit public.33

Conformément à l'article 2 du Code de procédure pénale, "tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l'infraction" peuvent engager une action civile.

Cependant, il n'est pas garanti que le ministère public engagera l'action en justice.

Mais, si l'affaire est instruite, l'article 3 du Code de procédure pénale énonce que les parties civiles ont le droit de requérir la réparation de "tous types de dommages, aussi bien matériels que corporels ou moraux, qui découleront des faits objets de la poursuite".

- Le préjudice matériel peut être invoqué par une partie civile afin de solliciter la réparation des frais engagés pour constater ou mettre un terme à une pollution, par exemple.

- Le préjudice moral trouve sa place dans la jurisprudence, autorisant les personnes morales, telles que les Collectivités et les associations agréées, à demander réparation. Dans un arrêt du 20 février 200134, la Chambre criminelle a admis l'existence d'un préjudice moral résultant de l'atteinte

30 LoI n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets

31 Inscrit dans le Code de l'environnement, aux articles L231-1 et suivants

32 Article L141-1 du code de l'environnement

33 Article L142-4 du code de l'environnement

34 Cour de cassation, Chambre criminelle. 20 février 2001, n°00-82.655

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portée aux efforts déployés par des associations de protection des ressources hydriques pour faire respecter les réglementations en vigueur.

- Le préjudice écologique représente un aspect essentiel. Au-delà des indemnisations traditionnelles (matérielles, financières, morales), les victimes d'infractions environnementales ont le droit de prétendre à la réparation d'un préjudice écologique. La Cour de cassation a défini ce concept dans l'affaire du naufrage de l'Erika35 comme étant "l'atteinte directe ou indirecte portée à l'environnement et découlant de l'infraction."

La voie pénale, si elle est empruntée, offre des avantages significatifs comparativement à la voie civile, particulièrement en ce qui concerne les modes de preuve(s). En droit pénal, l'accent est mis sur la quête de la vérité, ce qui entraîne l'acceptation de preuves illicites ou obtenues de manière déloyale, même si celles-ci peuvent exposer ceux qui les présentent à des poursuites civiles ultérieures fondées sur d'autres motifs, indépendamment de l'action pénale initiale.

Cet aspect revêt une importance cruciale dans notre situation actuelle, pouvant représenter un risque considérable pour les équipementiers et les fédérations.

Mais, en droit français, la responsabilité pénale relative à l'environnement est souvent considérée comme étant accessoire au droit administratif. Cette qualification d'« accessoire » trouve sa justification dans le fait que les sanctions pénales présupposent la violation de normes administratives spéciales prévues par le Code de l'environnement ou d'autres textes.

Prenons l'exemple d'une usine de teinture, impression, apprêt, enduction, blanchiment et délavage de matières textiles, laquelle est classée ICPE à cause de la nature intrinsèquement risquée de ses activités pour l'environnement, sous le régime déclaratif.36

Des manquements à la procédure de déclaration ICPE constituent ainsi une violation des règles de police spéciales et l'exploitation devient irrégulière. En conséquence, les autorités administratives ou la justice administrative peuvent prononcer des sanctions à l'encontre de l'auteur (amendes, suspensions d'activité, etc.) et ordonner des mesures de mise en conformité.

35 Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 25 septembre 2012, 10-82.938

36 https://aida.ineris.fr/reglementation/arretes-ministeriels-prescriptions-applicables-icpe-soumises-a-declaration

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Peuvent également constituer un fondement à une procédure ou une sanction administrative, des comportements de résistance ou de non-collaboration avec les autorités administratives, tels que le non-respect de directives, le manquement à faciliter les contrôles, ou la réticence à transmettre des documents.

exemple : Ne pas transmettre le dossier technique d'un produit à la DGCCRF.

Le risque de sanctions est d'autant plus important pour nos équipementiers que le cumul des sanctions pénales et administratives est admis par le droit français en matière environnementale. Néanmoins, dans une décision rendue le 3 décembre 2021 (Société Specitubes, n° 2021-953 QPC), le Conseil constitutionnel s'est prononcé en faveur de l'application du principe de proportionnalité entre les peines administratives et pénales. Par conséquent, l'amende administrative est fixée à un montant maximal de 15 000 euros conformément à l'article L.171-8 du code de l'environnement, et les sanctions pénales applicables sont stipulées à l'article L.173-1 du même code.

L'élément crucial mis en lumière par ces textes, en outre le caractère cumulatif de ces sanctions, est qu'ils permettent aux autorités de contrôle d'appliquer des mesures immédiatement exécutoires sans nécessiter l'intervention d'une juridiction judiciaire.

Aussi, en vertu de ces dispositions, le préfet est habilité, suite à une mise en demeure, à prendre des mesures telles que l'exécution forcée de travaux spécifiques, la suspension ou la fermeture d'une exploitation, ainsi que l'obligation pour l'exploitant de consigner une somme auprès d'un comptable public pour garantir le montant des travaux.

Ces mesures administratives s'appliquent à différents domaines, dont les installations classées, les problématiques liées à l'eau, au bruit, à l'air, aux déchets, aux produits chimiques. Les usines de confection d'équipements sont des ICPE.

Enfin, par principe en droit de la consommation, il n'est pas admis de tromper le consommateur. Aussi, le Code de la consommation sanctionne les pratiques commerciales trompeuses, c'est-à-dire toute pratique qui « repose sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur et portant sur l'un ou plusieurs des éléments [énumérés par le texte] ». Parmi les éléments figurent les caractéristiques essentielles du bien ou du

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service, comprenant sa composition, ses qualités et propriétés mais aussi son impact environnemental. De même, une indication de nature à induire en erreur sur la portée des engagements de l'annonceur, « notamment en matière environnementale », est désormais susceptible d'être qualifiée de trompeuse. 37

Toujours dans l'optique de dissiper les voiles de l'illusion, la loi Climat38 élargit la portée de la notion de pratique commerciale trompeuse pour englober le concept de « greenwashing » ou éco-blanchiment en français, tout en intensifiant les conséquences légales encourues. Lorsque des informations objectivement erronées ou factuellement exactes mais de nature à déformer la réalité sont liées à l'impact environnemental d'un bien ou d'un service, ou à l'étendue des engagements écologiques de l'annonceur, la pratique trompeuse est constatée. Cette infraction, passible de deux ans d'emprisonnement et d'une amende de 300 000 euros, peut atteindre 10 % du chiffre d'affaires annuel ou 50 % des dépenses publicitaires engagées. Dans certains cas, ce taux peut être majoré à 80 % si les allégations concernent l'environnement39. Ainsi, l'impact potentiel sur la réputation causé par ces publicités vertes mensongères se conjugue désormais avec une menace juridique concrète, ce qui pourrait limiter l'abus de telles pratiques et contribuer à une diffusion plus authentique de l'information auprès du public. Ce dispositif légal offre, en effet, des premières garanties pour une utilisation plus fiable et réfléchie des allégations écologiques qui nous entourent au quotidien.

Enfin, par son ordonnance en date du 20 septembre 202240, le Conseil d'État a établi que le droit de chaque individu à jouir d'un environnement équilibré et favorable à la santé est intrinsèquement une "liberté fondamentale". Cette décision du pouvoir judiciaire administratif élargit le champ d'action en permettant la mise en oeuvre du référé-liberté41 pour la préservation de l'environnement, ouvrant ainsi de nouvelles perspectives pour la protection de ces droits environnementaux.

37 Code de la consommation, articles L. 121-2 à L. 121-4

38 LoI n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets

39 Article L.132-2 du Code de la consommation

40 Conseil d'État, 2ème - 7ème chambres réunies, 20/09/2022, 451129

41 Le référé-liberté créé par la loi n° 2000-597 du 30 juin 2000 relative au référé devant les juridictions administratives permet de mettre fin à une mesure administrative qui serait de nature à porter une atteinte grave à l'exercice d'une liberté fondamentale

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L'ampleur de son influence sur la protection de l'environnement restera à évaluer dans les années à venir.

Ayant maintenant tracé les contours de la voie législative environnementale dans laquelle évoluent les équipementiers de textiles techniques sportifs et les fédérations, il est effectivement temps d'embarquer pour explorer leur mise en oeuvre.

B.Hisser les voiles de l'exécution de cette responsabilité juridique environnementale : manoeuvrer difficilement dans le pot au noir?

Dans un panorama où le contentieux en droit de l'environnement s'édifie progressivement, les dernières décennies ont été marquées par des avancées juridiques significatives, à l'instar, en France, de la reconnaissance du préjudice écologique et de l'émergence de l'action de groupe environnementale.

Avant de plonger au coeur de leur responsabilité légale, il est impératif de jeter un regard scrutateur sur la nature juridique des entités qui captivent notre attention : les entreprises, en particulier celles opérant dans le domaine des équipements sportifs, et les fédérations sportives.

Une entreprise, en tant qu'entité de droit privé, est une personne morale, tout comme une fédération sportive. Les secondes, les fédérations, lesquelles ont pour noble dessein d'orchestrer la pratique de diverses disciplines sportives, fonctionnent en toute autonomie en tant qu'associations de type loi 1901, officiellement déclarées en préfecture. Il est crucial de noter que toutes les fédérations sportives doivent obtenir une agréation de l'État pour être officiellement reconnues.

Néanmoins, un dilemme survient lorsque l'on aborde la question des équipementiers, qui, surtout les plus renommés, se déploient souvent à l'échelle internationale. Les grandes marques d'équipements sportifs, telles que Nike, Oxbow, Patagonia, Salomon, Helly Hansen etc.. sont généralement des multinationales, ce qui ajoute une complexité aux questions de responsabilité et de juridiction.

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1/ L'exécution de leur responsabilité juridique internationale

Les multinationales se forment couramment en établissant des filiales distinctes de la société-mère, dotées ou non de personnalité juridique propre. La notion d'entreprise multinationale ou transnationale, du point de vue juridique, reste toutefois délicate à appréhender, car elle pourrait suggérer qu'une société possède plusieurs nationalités, ce qui est juridiquement incohérent. Au lieu de cela, une entreprise transnationale est généralement perçue comme un réseau d'entités nationales interdépendantes, chacune relevant du droit de son propre pays.

Par ailleurs, le concept de "sujet de droit international" se réfère à une entité qui possède des droits et des devoirs en droit international et peut invoquer ces droits par des réclamations internationales. Cela implique la capacité de participer aux relations diplomatiques, de conclure des traités et de présenter des réclamations internationales. Cependant, par principe seuls les États sont des sujets de droit international.

Dans cette optique, une interrogation majeure se dessine : les États, en qualité de régulateurs des activités sur leur territoire, pourraient-ils être tenus responsables des agissements des entreprises agissant sous leur juridiction? En d'autres termes, peut-on imputer la responsabilité aux États pour ne pas avoir suffisamment encadré les activités économiques des multinationales dont les sociétés mères se trouvent sur leur territoire, contribuant ainsi aux atteintes à l'environnement souvent au-delà de leurs frontières?

L'exemple du secteur textile illustre de manière concrète les enjeux environnementaux liés aux activités des entreprises transnationales.

Par exemple, certains procédés industriels classiques dans la fabrication de produits textiles sportifs, tels que les vêtements imperméables42 et les

42 Selon l'ADEME, 20 % de la pollution des eaux dans le monde serait due aux teintures du secteur textile, fragilisant encore les écosystèmes aquatiques. Pour rendre les surfaces imperméables et anti-tâches, ce sont des composés perfluorés (PFC) qui sont privilégiés. Ces produits chimiques, qui peuvent affecter les systèmes reproductif et endocrinien des animaux, sont très volatiles. Lors d'une expédition en 2016, nous les avons retrouvés dans les endroits les plus isolés de la planète, en Patagonie ou dans les Alpes.

https://www.senat.fr/questions/base/2022/qSEQ220700619.html

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combinaisons néoprènes, impliquent notamment l'utilisation intensive de produits chimiques, accentuant les préoccupations environnementales. Par conséquent, une société mère d'équipement sportifpeut être «à l'origine» (par l'intermédiaire de son fournisseur, sous-traitant ou filiale) de pollution de l'eau en Asie, engendrés par des systèmes de traitement des eaux usées insuffisants qui se rejettent directement dans des cours d'eau.

Un aspect crucial concerne également la fin de vie de ces produits, où une pratique courante consiste à les acheminer vers des pays tels que le Ghana, le Chili contribuant à la prolifération des décharges à ciel ouvert, des «tentacules de vêtements envahissent même les plages» contribuant à la détérioration de l'écosystème océanique.43

Face à ces problématiques il s'agit d'interroger les limites et les implications juridiques de la responsabilité des acteurs économiques, ainsi que la responsabilité des États hôtes dans le contrôle et la régulation des activités des entreprises sur leur territoire.

Jusqu'à présent, la Cour internationale de Justice (CIJ) n'a pas prononcé de condamnations à l'encontre d'États pour les actions néfastes de leurs entreprises nationales ou de leurs fédérations sur l'environnement d'autres pays.

Le 2 février 201844, la CIJ avait rendu une décision historique reconnaissant la responsabilité d'un État pour les dommages environnementaux causés à un autre État. Concrètement, elle a établi que les dommages environnementaux donnent droit à une réparation, en plus des coûts de restauration de l'environnement dégradé. Dans cette affaire, le Nicaragua a été condamné à indemniser le Costa Rica pour des dommages résultant de canaux creusés sur un territoire costaricain engendrant notamment de la déforestation. Cette décision établit une jurisprudence pour les futurs litiges impliquant des demandes de réparation environnementale et souligne la nécessité de réparation pour les dommages environnementaux transfrontaliers.

Elle pourrait tout à fait être transposée dans l'industrie du textile, très agricole également quand bien la question de la transfrontalité est plus

43 Documentaire «Sur le front - Où finissent nos vêtements» d'Avril 2023

44 Case «Certain Activities Carried Out by Nicaragua in the Border Area (Costa Rica v. Nicaragua)», Compensation, Judgment, I.C.J. n°113

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délicate dans cette filière, les entreprises étant souvent des acteurs occidentaux.

Néanmoins, certains États, dont la France, ainsi que certaines de leurs entreprises, ont fait l'objet de nombreuses «accusations journalistiques, citoyennes» dans des dossiers sensibles tels que la gestion des déchets textiles au Ghana, la catastrophe du Rana Plaza au Bangladesh ou encore la pollution de l'eau potable en Afrique45 et en Asie, l'utilisation intensive de ressources raréfiables telle que l'eau, la pollution générale liée aux JO à Pékin, à la coupe du monde au Qatar etc..

La CIJ, en tant que tribunal mondial, possède une compétence limitée. Elle règle les différends juridiques entre les États conformément au droit international (compétence contentieuse) et fournit des avis consultatifs sur des questions juridiques posées par les organes des Nations Unies et les institutions spécialisées (compétence consultative).

Le dernier avis consultatif demandé à la CIJ, le 29 mars 2023 par l'Assemblée générale des Nations unies (AGNU), porte sur les obligations des États en matière de climat et d'environnement. Bien que les avis consultatifs n'aient pas la même force contraignante que les décisions contentieuses, ils peuvent avoir des implications significatives sur les principes de droit international applicables aux relations entre les États et sur d'autres procédures législatives nationales ou contentieux climatiques régionaux et nationaux.

Il porte notamment sur les conséquences juridiques des obligations des États en matière de changement climatique et d'environnement, en prenant en compte la vulnérabilité particulière des petits États insulaires en développement.

Les résultats de cet avis pourraient potentiellement bouleverser le système de responsabilité générale en matière environnementale.

En parallèle, une partie de la doctrine quant à elle poursuit ses travaux pour la reconnaissance du crime d'écocide.46 Dès 1985, le "rapport Whitaker" proposa

45 https://www.europarl.europa.eu/news/fr/press-room/20230524IPR91913/le-parlement-veut-rendre-l-industrie-du-textile-et-de-l-habillement-plus-verte

46 Notion apparue après la guerre du Viêt Nam, suite aux conséquences dévastatrices de l'opération Ranch Handau, au cours de laquelle l'agent orange, un puissant herbicide, fut déversé massivement.

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d'intégrer l'écocide en tant que crime autonome aux côtés du génocide à la Commission des droits de l'homme de l'ONU. La définition du terme a connu des évolutions depuis. Les discussions ont porté sur la notion d'intentionnalité. Pour certains juristes, il s'agit de la destruction intentionnelle de l'écosystème mondial, tandis que d'autres soutiennent que la responsabilité d'écocide devrait être de nature objective, reposant sur les conséquences des actes plutôt que sur l'intention.

Toutefois, malgré les avancées pour définir et reconnaître l'écocide, des préoccupations subsistent quant à la complexité de la mise en application d'une loi et à son potentiel impact sur les États. Certains experts, comme le juriste Laurent Neyret, auteur de "Des écocrimes à l'écocide" 47estiment qu'un crime d'écocide devrait englober des projets commis intentionnellement et ayant une portée généralisée ou systématique, ayant des conséquences nuisibles à la planète et à l'environnement.

En attendant, au sein de l'industrie textile et sportive, l'Union européenne (2/) et la France (3/) ont mis en place des stratégies ambitieuses pour réguler ces activités, reflétant une prise de conscience croissante des enjeux environnementaux et des efforts nécessaires pour y répondre de manière efficace et responsable.

2/ La mise en oeuvre de leur responsabilité juridique européenne

En mai 2016, la Commission a lancé l'examen de la mise en oeuvre de la politique environnementale, un nouvel outil conçu pour parvenir à une mise en oeuvre intégrale de la législation environnementale de l'Union, qui va de pair avec son bilan de qualité (programme pour une réglementation affûtée et performante -- «REFIT») concernant les obligations de suivi et de rapport découlant de la législation de l'Union en vigueur afin de la rendre plus simple et moins coûteuse.

En 1990, l'Agence européenne pour l'environnement (AEE), basée à Copenhague, avait déjà été créée afin de soutenir le développement, la mise en oeuvre et l'évaluation de la politique environnementale et d'informer le grand public en la matière. En 2020, elle a publié son 6e rapport concernant la situation et les perspectives de l'environnement en Europe.

47 Bruylant, 2015

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Depuis plus de 3 ans, au sein de l'Union Européenne, nous assistons à une véritable volonté de prendre des mesures en faveur de la protection environnementale dans divers domaines d'activité à commencer par le textile, le sport n'y échappent pas.

Cette démarche s'articule autour de plusieurs réglementations majeures:

l Le règlement Disclosure (Sustainable Finance Disclosure Regulation - (UE) 2019/2088) vise à renforcer la transparence financière en obligeant les acteurs financiers à divulguer des informations institutionnelles et relatives à leurs produits ainsi qu'à leurs politiques générales.

l Le règlement Taxonomie (2020/852) instaure un système de classification des activités durables, établissant une nomenclature en fonction des objectifs d'atténuation et d'adaptation au changement climatique.

l La directive CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive - (EU) 2022/2464) publiée le 16 décembre 2022, entrant en vigueur le 1er janvier 2014 requiert des entreprises européennes un reporting extra-financier détaillé, incluant des informations environnementales fiables, pour offrir une vision complète de leur durabilité.

Cette dernière modifie quatre textes européens existants : la directive Comptable, la directive Transparence, la directive Audit et le règlement Audit. Elle intègre des changements notables comparés à la directive NFRD (Non Financial Reporting Directive), de 2014 :

- Un champ d'application élargi, incluant notamment toutes les sociétés cotées sur les marchés réglementés européens, sauf les micro-entreprises.

- Des obligations de reporting renforcées et standardisées, avec des informations détaillées sur les questions sociales, environnementales et de gouvernance, basées sur le principe de "double matérialité".

- Une localisation unique dans le rapport de gestion dédiée au reporting de durabilité.

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- Un format électronique européen xHTML obligatoire avec des balises pour la taxonomie digitale.

- Une vérification obligatoire par un commissaire aux comptes ou un organisme tiers indépendant, avec une assurance "modérée", évoluant potentiellement vers "raisonnable" à partir de 2028. Les règles encadrant les missions des auditeurs seront renforcées.

Contrairement à la directive NFRD, la nouvelle approche est contraignante pour les entreprises assujetties. L'autorégulation et la liberté en matière de déclaration de performance extra-financière cèdent la place à des normes standardisées, similaires aux rapports financiers et comptables. Ces normes précises assurent une équité de traitement entre les entreprises d'un même secteur. La transition majeure réside dans le passage de la déclaration libre et non vérifiée à l'application de normes contraignantes et réglementées.

Bien que le texte exhorte les États à assurer une mise en oeuvre effective des sanctions et des contrôles, une uniformisation de ces mesures ne sera pas atteinte. Les sanctions pourront revêtir diverses formes, notamment administratives, sous forme d'amendes, et même inclure des interdictions d'accès aux marchés publics. Cependant, il est regrettable de craindre que certains États ne coopéreront pas pleinement en matière de sanctions et de contrôles.

Néanmoins, si le texte est transposé de manière adéquate, il est susceptible de démontrer son efficacité et d'imposer des contraintes aux équipementiers qui relèvent de son champ d'application. Ces acteurs sont déjà en train de se préparer pour se conformer à ces dispositions dès avant même la transposition officielle !

l La proposition de directive CSDDD (Corporate Sustainability Due Diligence Directive) de février 2022, actuellement à l'étude, élargirait le champ d'application du devoir de vigilance à toutes les grandes entreprises européennes ou opérant sur le territoire européen. Ainsi, elle obligerait les entreprises européennes à divulguer des informations sur les risques de durabilité identifiés ainsi que sur les mesures entreprises pour les atténuer, y compris au sein de leurs fournisseurs et prestataires.

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Cependant, le contexte actuel est complexe car il n'y a pas de consensus à atteindre entre les organes européens (Conseil et Commission). Il est donc possible que la version finale qui entrera en vigueur diffère totalement du projet actuel.

l Le remplacement de la directive 2009/125/CE48 relative à l'écoconception. L'actuelle directive sur l'écoconception a établi des exigences en matière d'efficacité énergétique couvrant 31 groupes de produits. Le nouveau règlement quant à lui, dont une proposition a été soumise le 15 mai 202349, devrait élargir le champ d'application des exigences fixées en matière de durabilité environnementale pour y inclure presque tous les types de biens mis sur le marché de l'UE. Il établit un "passeport numérique de produit" et fixe des règles concernant la transparence sur la destruction des biens de consommation invendus et l'interdiction de cette pratique pour certains de ces biens.

l La proposition de directive «Green Claims» relative à lutte contre l'éco blanchiment («greenwashing») du 22 mars 2023.50 Le texte vise à encadrer les allégations environnementales utilisées par les entreprises. Les allégations de "neutralité carbone" devraient ainsi être interdites dans l'Union Européenne si elles ne sont pas accompagnées de "preuves détaillées". Surtout, elles ne pourront pas être "fondées uniquement sur la compensation des émissions carbone". Il encadrerait aussi d'autres allégations vagues et non fondées comme "produit vert", "biodégradable" ou encore "écologique" venant précisément les définir ainsi que leur utilisation.

Bien que le texte suscite encore des critiques et soit perçu comme insuffisant en autorisant toujours la publicité pour les combustibles fossiles en tant que produits durables, son adoption marquerait néanmoins une avancée notable en termes de transparence et d'éducation des consommateurs sur le marché.

Il répondrait à une nécessité accrue compte tenu de la forte augmentation des cas de greenwashing observés depuis 2012, comme en témoignent les

48 https://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:L:2009:285:0010:0035:fr:PDF

49 https://data.consilium.europa.eu/doc/document/ST-9014-2023-INIT/fr/pdf

50 https://environment.ec.europa.eu/publications/proposal-directive-green-claims_en

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informations présentées dans l'annexe 1 (Bilan 2022 Ademe et ARPP) ainsi que les exemples exposés dans l'annexe 2.

Des mesures moins rigoureuses du point de vue juridique, mais établissant des normes sur le marché, ont également été récemment mises en place, telles que la stratégie textile51 ou le plan d'action pour l'économie circulaire dit aussi paquet économie circulaire européen.52

La Commission européenne a pris une mesure significative en mars 2020 en adoptant le nouveau plan d'action pour l'économie circulaire. S'inscrivant comme l'un des piliers centraux du Pacte vert pour l'Europe, cette feuille de route ambitieuse trace la voie vers une transition vers une économie circulaire, visant à atténuer la pression sur les ressources naturelles et à encourager des emplois et une croissance durables. Fondamental pour réaliser l'objectif de neutralité carbone de l'UE d'ici 2050 et pour contrer la perte de biodiversité, ce plan d'action préconise une série d'initiatives qui couvrent l'ensemble du cycle de vie des produits. En influençant leur conception, en faveur de processus d'économie circulaire, en favorisant la consommation durable, et en limitant la production de déchets tout en maximisant la durabilité des ressources utilisées. L'UE et les autorités nationales doivent d'ailleurs s'assurer que les politiques mises en place sont efficaces et potentiellement d'identifier les meilleures pratiques.

En 2023, la Commission a révisé ce cadre de suivi de l'économie circulaire, précédemment adopté en 2018. La révision ajoute de nouveaux indicateurs sur:

l'empreinte matérielle et la productivité des ressources - pour surveiller l'efficacité matérielle

l'empreinte de consommation - pour vérifier si la consommation de l'UE s'inscrit dans les limites planétaires.

Puis, le 30 mars 2022, cette dernière a enrichi et entériné cette volonté de transformation structurelle du marché européen en faveur de pratiques plus responsables en adoptant la stratégie de l'Union européenne en faveur de textiles durables et circulaires, englobant l'intégralité du cycle de vie des produits textiles et proposant des mesures pour transformer notre manière de produire et de consommer ces articles. Cette initiative vise à mettre en oeuvre

51 https://environment.ec.europa.eu/publications/textiles-strategy_fr

52 https://environment.ec.europa.eu/strategy/circular-economy-action-plan_fr

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les engagements énoncés dans le Pacte vert pour l'Europe, le nouveau plan d'action pour l'économie circulaire et la stratégie industrielle pour le secteur textile. Le premier juin 2023, le Parlement a adopté des recommandations pour cette stratégie.

Le texte préconise une durabilité accrue des produits textiles commercialisés au sein de l'UE, encourageant leur facilité de réutilisation, de réparation et de recyclage. Dans l'ensemble de la chaîne d'approvisionnement, la production doit respecter non seulement les droits humains, sociaux et du travail, mais également l'environnement et le bien-être animal. Les députés européens aspirent à mettre fin à la "fast fashion", ou mode éphémère, en instaurant des mesures appropriées ; phénomènes pouvant également être présents dans le domaine sportif, qui plus est, depuis que le sportswear est devenu une mode53.

Parmi les mesures spécifiques à inclure dans la future législation de l'UE, le Parlement insiste sur la nécessité d'accroître l'information à disposition des consommateurs pour faciliter des choix durables. Ils exigent l'interdiction de la destruction des textiles invendus et retournés, ainsi que la mise en place de règles claires pour combattre le "greenwashing" des producteurs. Cette démarche comprend notamment les efforts en cours pour sensibiliser les consommateurs à la transition verte et réglementer les allégations environnementales.

En outre, les députés appellent à l'instauration d'objectifs spécifiques distincts dans la future révision de la directive-cadre relative aux déchets, concernant la prévention, la collecte, la réutilisation et le recyclage des déchets textiles. Ils pressent la Commission de lancer promptement l'initiative visant à minimiser les rejets de microplastiques et de microfibres dans l'environnement.

Toutefois, il convient de souligner que ces diverses dispositions légales plus ou moins contraignantes, s'appliquant majoritairement aux équipementiers plutôt qu'aux fédérations exceptées pour celles liées à la publicité, sont encore très récentes. Il est donc difficile d'évaluer leur efficacité d'un point de vue juridique. Cependant, elles exercent indéniablement une pression sur les équipementiers du marché pour entreprendre des réformes substantielles,

53 Le sportswear est un courant de mode majeur désignant l'utilisation de vêtements de sport dans un usage détourné

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englobant l'ensemble de la chaîne de valeur (cf annexes 3 et 4). Bien que les instances judiciaires européennes n'aient pas encore émis de sanctions en vertu de ces dispositions, elles fournissent néanmoins des fondements juridiques pour l'élaboration de législations nationales lors de la transposition de directives ou autres mesures.

Qu'en est-il de la mise en oeuvre de ces législations nationales, notamment en France?

3/ La mise en oeuvre de leur responsabilité juridique nationale française

Au mois de mai dernier, le Président de la République a fait une demande audacieuse en faveur d'une pause dans l'élaboration de stratégies et de législations environnementales. Cela s'ajoute aux nombreux médias qui font régulièrement écho au constat que "la France accuse un retard par rapport à la moyenne européenne" en matière de questions environnementales. Parallèlement, la France est fréquemment pointée du doigt dans des affaires telles que "l'Affaire du Siècle"54, les décisions "Amis de la Terre"55 ou encore de Grande Synthe56, d'ailleurs la déclaration du président est intervenue le lendemain du rappel à l'ordre par le Conseil d'état quant aux mesures à appliquer dans le cadre de cette affaire pour son inaction et le non-respect des engagements qu'elle a pris, notamment les Accords de Paris.

Néanmoins, elle a également joué un rôle d'inspiration et de précurseur dans certains domaines (devoir de vigilance), ayant contribué à l'élaboration de nouvelles directives et réglementations européennes (CSRD par exemple). Et, de manière générale, la France transpose ces textes au niveau national.

Voyons quel est le contexte judiciaire pour nos acteurs.

a. Le bilan GES

54 TA de Paris, décision du 14 octobre 2021, 4ème section - 1ère chambre, P.1°s 1904967, 1904968, 1904972, 1904976/4-1

55 Dernière décision rendue par le CE le 17octobre 2022, 6ème - 5ème chambres réunies, P.1° 428409

56 CE, décision du 10 mai 2023, 6 ème et 5ème chambres réunies, P.1° 467982

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L'instauration de l'obligation de réaliser un bilan des émissions de gaz à effet de serre (bilan GES) en France émane de la loi Grenelle 2 de 201057, marquant une étape majeure dans le cadre de l'engagement environnemental du pays. Cette exigence s'applique à diverses catégories d'acteurs, notamment les entreprises de plus de 500 salariés, les établissements publics de plus de 250 salariés et les collectivités locales de plus de 50 000 habitants, ainsi que les services de l'État. Decathlon, Intersport, Salomon etc.. y sont par exemple soumis.

Le contenu de ces bilans, dûment publiés tous les trois ans (quatre ans pour les entreprises), doit être accessible en ligne sur la plateforme BEGES site de l'Ademe depuis 2016. L'objectif sous-jacent à cette mesure est d'inciter les organisations à identifier et quantifier les sources d'émissions de gaz à effet de serre inhérentes à leurs activités, tout en initiant des réflexions sur les actions à entreprendre pour en réduire l'impact.

Cependant, la réalité du terrain révèle que cette obligation n'a pas rencontré le succès escompté. En effet, une proportion significative, soit 65% des 4 970 entités assujetties à cette démarche, n'a pas respecté cette exigence en 2021, marquant une nette détérioration par rapport aux 40% de non-conformité observés en 2013. Les raisons de cette réticence varient, allant de l'absence de sanctions significatives à la prédominance d'une approche pédagogique dans les actions de contrôle de la part de l'État58.

Et, pour ceux qui s'y conforment, la qualité des bilans GES laisse parfois à désirer, notamment en raison de leur imprécision. Il est intéressant de noter que la prise en compte du "scope 3", autrement dit les émissions indirectes, était initialement recommandée mais non imposée, compliquant davantage la situation. Concrètement, en cas de non-conformité à cette obligation, l'entreprise s'expose à une amende de 10 000 €, montant pouvant s'élever à 20 000 € en cas de récidive. Pourtant, cette sanction doit être prise au sérieux, car elle témoigne de la gravité de l'infraction. (En 2018, le montant de l'amende était fixé à 1500 € mais il était tellement faible que peu se conformer à cette obligation). (cf annexe 5 - Site Ademe et exemple bilan)

Si l'accomplissement des devoirs légaux relatifs aux bilans GES demeure en équilibre instable et que bon nombre d'équipementiers tirent leur épingle du jeu,

57 Cf note de bas de page n°20

58 https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2023/03/24/l-echec-du-bilan-carbone-obligatoire-symbole-du-mepris-des-enj eux-climatiques_6166785_4355770.html

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la France détient une arme redoutable, susceptible de marquer un précieux but dans la lucarne de l'engagement de la responsabilité : le devoir de vigilance. Ce dernier sort clairement les entreprises de leur zone de confort et les incite à amorcer une transformation profonde.

Dans une perspective à venir, couplée aux nouvelles exigences européennes, il pourrait bien devenir un engin de glisse pour actionner réellement leur responsabilité.

b. Le devoir de vigilance

Contrairement aux normes courantes relatives à la responsabilité des entreprises, lesquelles généralement instaurent un simple devoir de divulgation et d'établissement de rapports, la France a institué un régime d'une nature plus contraignante59. Pour les grandes entreprises, ce régime peut les exposer à des responsabilités tant pénales que civiles pour les préjudices portés aux droits humains, sociaux et environnementaux au sein de leur chaîne de valeur.

L'essence du devoir de vigilance réside dans le principe juridique exigeant des grandes entreprises l'adoption de mesures pour identifier, anticiper et atténuer les risques inhérents aux droits humains, à l'environnement, ainsi qu'à la santé et à la sécurité, tout au long de leur chaîne de valeur. Il se détache par son caractère exceptionnel, en repoussant les frontières de la responsabilité légale : il transforme une obligation de transparence en une obligation de mettre en pratique un plan de vigilance, assorti d'actions tangibles et raisonnables. (cf annexe 6 : exemple d'un plan de vigilance publié par Decathlon en 2023).

Si aucun cas de condamnations dans le domaine de l'industrie textile du sport n'est à ma disposition en ce moment, il demeure impératif de ne pas sous-estimer ce risque car c'est en vertu de celui-ci que la condamnation du groupe Total a pu être prononcée en 2021 pour négligence de son obligation de vigilance, en lien avec une pollution émanant de la raffinerie de Donges en 200860. Et, en 2020, le groupe de distribution français Carrefour a également été traduit en justice pour non-respect de son devoir de vigilance dans le contexte de la gestion de sa chaîne d'approvisionnement en Colombie. Ces affaires ont mis en lumière la responsabilité des entreprises, y compris leurs filiales et fournisseurs, et ont illustré le caractère impératif du devoir de

59 loi mentionnée note de bas de page n°22

60 https://www.dalloz-actualite.fr/flash/devoir-de-vigilance-dans-main-du-tribunal-judiciaire-de-paris

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vigilance pour les entreprises, afin qu'elles assument pleinement leurs responsabilités sociales.

c. La lutte contre le gaspillage et la promotion de l'économie circulaire Bonne élève, afin de respecter ses engagements de transposition du paquet économie circulaire européen, le 11 février 2020, la promulgation de la "Loi anti-gaspillage pour une économie circulaire" (AGEC) a marqué un tournant, bénéficiant d'une adoption quasi-unanime à l'Assemblée Nationale et au Sénat, soulignant l'engagement important de la sphère politique.

Le texte est particulièrement dense et se focalisent sur 4 grands axes :

l La préservation des ressources.

l La mobilisation des acteurs économiques.

l L'information des consommateurs.

l L'amélioration de la collecte des déchets.

Bien que tous les secteurs soient touchés, la filière textile est fortement impactée, et celle des articles de sport plus largement, n'y échappe pas.

Quels sont donc les impacts majeurs?

-9 Logo Triman - autrement dit 'étiquette info-tri afin de guider les consommateurs sur le tri de leurs vêtements à la fin du cycle de vie, obligatoire depuis 2021, article 17 (cf annexe 7).

Cependant, ce logo est fortement controversé, en effet, la Commission européenne a engagé une procédure à l'encontre de la France concernant l'utilisation du logo Triman de la loi AGEC, alléguant une entrave à la libre circulation des marchandises.

-9 Le plastique à usage unique : Bien que la mode ne soit pas directement visée, la loi annonce déjà la fin du plastique jetable d'ici 2040. Dans le textile, mais pour les articles de sport en général, le plastique était largement utilisé pour les emballages. Heureusement, de nombreuses entreprises du secteur avaient déjà entrepris par anticipation et par conviction, des projets ambitieux pour réduire leur usage du plastique, notamment dans leurs emballages.

-9 Interdiction de détruire les invendus : Selon l'article 35, depuis le 31 décembre 2021, les enseignes, producteurs, distributeurs et plateformes en ligne sont tenus de donner ou recycler leurs invendus. Pour encourager

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le don, l'obligation de régulariser la TVA sur les invendus a été levée.

Affichage environnemental : l'article 15 de la loi AGEC prévoyait le développement collaboratif avec l'ADEME d'un affichage environnemental, cet article de la loi AGEC a été abrogé mais repris par l'article 2 de la loi "Climat et résilience61". Aussi, une expérimentation de l'affichage environnemental dans le secteur des textiles d'habillement a eu lieu et s'est achevée le 30 septembre 2022, des acteurs comme Decathlon y ont participé. Son but était d'évaluer différentes approches pour communiquer les performances environnementales des produits textiles, en se basant sur une analyse du cycle de vie. Les méthodes retenues ont désormais étaient soumises à consultation, un décret d'application devrait être publié d'ici la fin de l'année exposant les différentes méthodes retenues et rendant l'affichage obligatoire. La commission européenne s'est aussi intéressée au sujet définissant la Product Environmental Footprint (PEF), une méthode de calcul de l'empreinte environnementale d'un produit, celle-ci devait être en 2022, elle est encore en suspens. (cf annexe 8 - affichage environnemental des produits Decathlon).

Source: Decathlon.fr

Affichage des caractéristiques du produit : selon l'article 13 notamment de :

61 Loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets

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- la traçabilité géographique, à l'échelle du pays, des 3 étapes de fabrication suivantes : la confection, la teinture et l'impression, le tissage et le tricotage.

- la présence de microplastiques : mention «rejette des microfibres plastiques dans l'environnement lors du lavage» lorsque plus de

50% en masse du produit est fait en fibres synthétiques.

- la présence de ubstances dangereuses : sont considérées dangereuses les substances dites SVHC (Substances of Very High Concern) définies par l'article 59 du règlement européen REACH n°1907/2006. 62

- L'incorporation de matière recyclée : mention «produit comportant au moins [%] de matériaux recyclés».

- Primes et pénalités : mention, au plus tard trois mois après leur entrée en vigueur, des primes ou pénalités reçues ou versées par la marque pour ce produit en fonction de critères de performance environnementale.

Promotion des produits respectueux de l'environnement : grâce à un système d'affichage, un mécanisme de bonus/malus sur les contributions aux éco-organismes des filières REP a été établi (mise en oeuvre du principe pollueur-payeur). Cette mesure a d'abord été mise en place sur le textile et les chaussures incluant évidemment les chaussures de sport et les textiles à usage sportif. Elle sera élargie en 2024 aux articles de sport et de loisirs dans leur globalité. Le système des REP n'est pas nouveau en France, ni pour le textile qui y est soumis depuis 2006 (d'où les différentes bornes de collectes par exemple) mais la loi AGEC l'a réformé en profondeur. Aujourd'hui, l'objectif n'est plus seulement de traiter les déchets générés, mais également de les prévenir. Le mécanisme est également nouveau pour les articles de sports et loisirs (depuis 2022).

Pour s'acquitter de leurs obligations, les producteurs ont le choix de mettre en place des structures collectives à but non lucratif, appelées éco-organismes, ou de former leur propre système individuel.

62 Ici, le décret et la FAQ de janvier 2023 prévoient une période de tolérance jusqu'au 1er avril 2023, et proposent deux alternatives.

-> Soit la mention «Contient une substance dangereuse» ou «contient une substance extrêmement préoccupante» et les noms des dites substances, ceci au plus tard 6 mois après leur identification comme dangereuses et lorsque celles-ci représentent au moins 0,1% en masse du produit.

-> Soit un lien internet direct vers l'application Scan4Chem. C'est l'application qui se chargera alors de mettre à disposition du consommateur l'information sur les substances dangereuses.

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Re_Fashion est l'éco-organisme de la filière textile, Ecologic est l'éco-organisme de la filière sport.

Leurs rôles sont les suivants - exemple de Re_fashion ci-dessous transposable à

Ecologic.

Un système d'éco-modulation a été mis en place sur le textile:

Ce dernier a d'ailleurs fait débat. En effet, dans une action intentée en 2017, l'éco-organisme Refashion a contesté la modification du cahier des charges qui alourdit les charges financières de l'éco-organisme en revalorisant les barèmes de soutien aux acteurs de tri dans la filière textile, linge de maison et chaussures relevant de la REP. Cette situation met en lumière la question de savoir si le dispositif de la REP peut être qualifié d'aide d'État selon le droit européen, une qualification qui pourrait remettre en question le système dans son ensemble. Toutefois, la Cour de justice de l'Union européenne sollicité par

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le juge français dans le cadre d'un renvoi préjudiciel, a statué63 que le système de la REP dans la filière textile ne constitue pas une aide d'État, à condition que les subventions restent en contrôle privé et n'empruntent pas la voie des ressources publiques (elle reste donc conforme à l'article 107§1 du Traité). Il faudra désormais attendre la décision du juge français pour être fixé sur l'interprétation de cet éclairage donné par la CJUE à travers . Mais cette affaire maintient l'attention sur la complexité des filières REP.

Toutefois, si cette affaire vient apporter une nuance, la dynamique initiale au profit de l'économie circulaire reste effective. Le 20 avril 2023, Christophe Béchu et Bérangère Couillard ont sollicité une accélération de la mise en oeuvre du bonus réparation pour les articles textiles. De même, en juillet 2023, une annonce a confirmé qu'à partir d'octobre 2023, les citoyens français auront la possibilité de bénéficier d'une assistance financière pour la réparation de leurs vêtements ou chaussures dit «Bonus réparation». Ce soutien financier, variant de 6 à 25 euros, s'inscrit toujours dans le cadre de la loi Agec.

d. Climat, résilience et écoblanchiment

Nous avons abordé cette loi à plusieurs reprises tout au long de notre étude, il n'est pas nécessaire d'y revenir.

En dernier lieu, il serait possible de citer la loi sur la reconquête de la biodiversité du 8 août 2026 qui prévoit un délit de mise en danger de l'environnement. Les personnes ayant exposé l'environnement à un risque de dégradation durable de la faune, de la flore ou de l'eau seront passibles d'une amende de 250 000 € et de trois ans d'emprisonnement.64

Un dispositif contraignant est en place, accompagné de mesures répressives de nature civile, pénale et administrative, visant tant l'entité morale (entreprise) que la personne physique du dirigeant(cadre strict rigoureusement défini dans ce second cas65). Néanmoins, il est manifeste que ce cadre réglementaire demeure

63 21 octobre 2020 (affaire C-556/19)

64 Article L.173-3-1 du Code de l'environnement

65 Le droit pénal de l'environnement recherche la responsabilité propre du dirigeant au-delà de la responsabilité de la personne morale. Il incombe personnellement au dirigeant de veiller au respect de la réglementation et donc sa responsabilité peut être personnellement engagée (Cass. crim., 28 févr. 1956, n° 53-02.879).

Le Code de l'environnement prévoit des peines d'amendes: le fait est punissable dès lors que la matérialité de l'infraction est constatée et des délits avec des peines d'emprisonnement. En cas de faute d'imprudence, de négligence ou de manquement à une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, il y a délits'il est établi que l'auteur des faits n'a pas accompli les diligences normales compte tenu, le cas échéant, de la nature de ses missions ou de ses fonctions, de ses compétences ainsi que du pouvoir et des moyens dont il disposait.

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d'une récente instauration, d'où l'absence actuelle de précédents judiciaires. Toutefois, cette situation semble être sur le point de changer dans un futur proche.

En effet, les sociétés Adidas et New Balance ont récemment été engagées dans une procédure légale à l'initiative d'une plainte émise par l'association Zero Waste France, alléguant des pratiques de greenwashing. À ce stade, l'affaire est encore en cours d'examen. Est-il possible que cette affaire aboutisse à une première décision de principe, susceptible de jeter les bases d'une future jurisprudence?

Le 2 juin 2023, la Commission Suisse pour la Loyauté a reconnu que la FIFA s'est livrée à du "greenwashing" en prétendant que la Coupe du Monde au Qatar était neutre en carbone, ce qui est largement contesté. Bien que cette décision n'ait pas de portée juridique contraignante, la Commission jouit d'une renommée significative, ce qui implique que son avis pourrait exercer une influence considérable sur les futures décisions judiciaires en Suisse et au-delà, voire au niveau international.

D'autres facteurs expliquent la présence limitée de précédents judiciaires jusqu'à présent. Cependant, les sanctions actuellement prononcées demeurent peu nombreuses, en partie en raison des alternatives offertes par le droit pénal, notamment la convention judiciaire environnement.66 Cette convention, ayant une orientation économique marquée, se matérialise sous la forme d'un contrat conclu entre le parquet et le contrevenant environnemental, s'inspirant des principes du droit de la consommation. Son objectif principal étant de préserver la compétitivité des entreprises françaises et de leur permettre de continuer à accéder à des marchés publics et internationaux. En effet, posséder un casier judiciaire peut entraîner l'exclusion de certaines opportunités commerciales, d'où cette alternative.

Par ailleurs, dans le domaine du droit administratif, les mesures favorisent souvent la remise en conformité lors des contrôles, et les amendes ou les poursuites pénales restent des mesures plus rares. Par exemple, parmi les 1 100 établissements soumis à des contrôles en 2021 et 2022 concernant le greenwashing, les enquêteurs de la DGCCRF ont émis 141 avertissements,

66 introduite par la loi n° 2020-1672 du 24 décembre 2020 relative au Parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée

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114 injonctions, et seulement 18 procès-verbaux pénaux ou administratifs ont été dressés67.

Actuellement, il semble évident que le risque le plus pressant ne réside pas dans le domaine juridique, étant donné que les procédures légales sont souvent sujettes à des délais considérables, exigeant probablement un délai de deux à trois ans avant l'émergence des premières jurisprudences. En contraste, le risque réputationnel du "Name and shame" opère à une vitesse vertigineuse. Initié par des consommateurs, des associations ou même des sportifs de haut niveau de mieux en mieux informés grâce aux évolutions législatives récentes, cette tendance s'intensifie, gagnant également en présence sur les réseaux sociaux professionnels, tels que LinkedIn, où des alertes sur le greenwashing abondent. Par exemple, le récent incident médiatique lié au Paris Saint-Germain lors de leur trajet Paris-Nantes en avion reste dans les mémoires.

Néanmoins, malgré ces considérations, de nombreuses entreprises demeurent fidèles à leurs convictions, pleinement conscientes des implications que ces questions suscitent pour le terrain de jeu de leurs utilisateurs sportifs, ainsi que pour leur bien-être mais aussi de la viabilité de leurs activités économiques. Par conséquent, en plus de se conformer rigoureusement aux nouvelles exigences visant à remodeler de manière structurelle leurs modèles économiques et leurs chaînes de valeur, ces entreprises n'hésitent pas à entreprendre volontairement des initiatives environnementales plus ambitieuses, tout en tentant activement d'influencer positivement le marché pour accélérer l'adoption de normes aux exigences plus élevées.

67 Bilan de la première grande enquête de la DGCCRF sur l'écoblanchiment des produits non-alimentaires et des services

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