D'un point de vue général, le droit
international, tout en s'efforçant d'amener une pluralité
d'États à coexister harmonieusement, assume la gouvernance des
relations entre ces entités souveraines, avec pour impératif
premier la préservation de leur souveraineté. Plutôt que de
la dépasser, le droit international a pour noble fonction de la
protéger. Aussi, la Charte de l'ONU, qui, en son article 2
§ 1, proclame que "L'Organisation est fondée sur le principe de
l'égalité souveraine de tous ses membres".
Qu'en est-il plus spécifiquement du droit
international de l'environnement?
Mélissa LAMY - Mémoire DU droit de l'environnement
- Université Bordeaux - 2022/2023 15
Ce domaine se caractérise par une structure
multidimensionnelle. En effet, il est façonné par quatre grandes
sources normatives:
- Les traités et conventions :
lesquels émergent en tant qu'édifices juridiques de la
coopération environnementale, exemplifiés par le Protocole de
Kyoto de 1997, qui a joué un rôle crucial dans la configuration du
droit international de l'environnement en reflétant les efforts
conjoints des États pour atténuer le changement climatique, avec
pour objectif principal la réduction des émissions de gaz
à effet de serre. De la même manière, la Convention de
Bâle de 1989, relative aux mouvements transfrontières de
déchets dangereux, et la Convention de Montego Bay de 1982,
dédiée au droit de la mer, témoignent de la
préoccupation partagée pour la préservation de la
diversité biologique. L'accord plus récent et
contraignant dit «Accords de Paris», adoptés lors de la COP 21
en 2015, dont la France est évidemment signataire et a
procédé à la ratification, incarne une pierre
angulaire de cette architecture, visant à maintenir la
température mondiale en deçà des niveaux
préindustriels. Il énonce des orientations à long terme en
vue de guider l'ensemble des nations. Ces orientations impliquent, en premier
lieu, une réduction substantielle des émissions mondiales de gaz
à effet de serre, avec pour objectif la limitation de
l'élévation de la température planétaire à 2
°C au cours du présent siècle, tout en maintenant une
volonté résolue de la contenir encore plus fermement à 1,5
°C. De manière itérative, il préconise la
réévaluation périodique, tous les cinq ans, des
engagements nationaux, permettant ainsi une adaptation continue en fonction des
avancées scientifiques et des évolutions du contexte climatique.
En outre, une composante cruciale de l'Accord réside dans la mise
à disposition de ressources financières substantielles en
direction des nations en développement. Cette allocation vise à
atténuer les répercussions des changements climatiques, à
renforcer leur résilience face à ces défis et à
accroître leur capacité d'adaptation aux effets induits par ces
transformations environnementales.
Sans aucun doute, il a marqué, en 2015, le
début d'une transition vers un monde à zéro
émission nette.
Mélissa LAMY - Mémoire DU droit de l'environnement
- Université Bordeaux - 2022/2023 16
La réalité sur la possibilité d'atteindre
cet objectif est aujourd'hui plus controversée. Nous
développerons ce point ultérieurement.
- La coutume internationale : elle
émerge comme une matrice évolutive, influencée par les
décisions juridiques. Des affaires notoires, telles que la Fonderie de
Trail (tribunal arbitral, 1941) et le Détroit de Corfou (Cour
internationale de Justice, 1949), ont contribué à la
façonner, établissant des nouvelles normes internationales dans
le domaine environnemental. De même, des cas tels que Lopez Ostra c/
Espagne (Cour européenne des Droits de l'Homme, 1994) et la question de
la licéité de la menace ou de l'emploi d'armes nucléaires
(Cour internationale de Justice, 1996).
- Les résolutions normatives des organisations
internationales : lesquelles jouent un rôle central dans la
direction de l'action de préservation de l'environnement. Les textes
émanant de l'Union européenne. Des exemples pertinents comme la
directive 2009/33/CE du Parlement européen et du Conseil relative
à la promotion de véhicules de transport routier propres et
économes en énergie, ainsi que des décisions telles que la
décision de la Commission concernant les informations sur les
biocarburants et les bioliquides à soumettre par les opérateurs
économiques aux États membres. Parfois, des conférences
internationales, telles que la Déclaration de Stockholm de 1972, ont
catalysé la transformation de principes énoncés en normes
effectives, grâce à la volonté collective des
États.
- Les principes généraux du droit
international : le principe "pollueur-payeur" se positionne comme un
élément clé. Adopté par l'OCDE en 1972, il illustre
la responsabilité des acteurs impliqués dans des activités
potentiellement préjudiciables, ce principe reflète la
nécessité de réparer les conséquences nuisibles de
telles actions. Cependant, son application est entravée par une
multitude de défis non résolus, notamment l'attribution de la
responsabilité en cas de pollution d'un cours d'eau par un actif
polluant. Cette question soulève des interrogations concernant la
responsabilité de l'utilisateur, du fabricant, de l'État
autorisant l'utilisation ou de celui ne prenant pas les mesures
nécessaires pour remédier rapidement à la situation.
Mélissa LAMY - Mémoire DU droit de l'environnement
- Université Bordeaux - 2022/2023 17
En tant que signataire de conventions majeures telles que le
programme de développement durable à l'horizon 2030, comprenant
les 17 Objectifs de Développement Durable, l'accord de Paris sur le
climat, et le cadre de Sendai pour réduire les risques de catastrophes,
l'Union européenne joue un rôle central dans la construction
«du navire» juridique du droit international de l'environnement. Ceci
est renforcé par le fait que le droit communautaire, établi par
les traités européens, demeure un aspect du droit international
car les États membres n'ont pas abandonné leur
souveraineté, mais ont plutôt choisi de partager certaines
compétences avec les institutions européennes.
2/ Les marées européennes : la confluence
du droit européen
La réglementation environnementale s'érige en
une composante substantielle du corpus législatif européen, tant
de manière directe qu'indirecte, cette dernière découle en
grande partie des traités internationaux qui requièrent une
transposition au sein des législations nationales des
États-membres.
L'empreinte de la politique environnementale européenne
trouve en réalité ses racines lors du Conseil européen de
Paris de 1972, émergeant en réponse à la première
conférence des Nations unies sur l'environnement et posant les bases
d'une politique communautaire de l'environnement, ancrée dans la
préservation environnementale, la protection de la santé humaine
et l'usage rationnel des ressources naturelles.
Cette évolution s'épanouit à travers des
révisions successives des traités, à l'instar du
traité de Maastricht (1992), qui érige l'environnement en domaine
d'action officiel de l'Union européenne, instaure la procédure de
codécision et instigue le vote à la majorité
qualifiée au sein du Conseil.
Le traité d'Amsterdam (1999) solidifie l'obligation
d'intégrer la protection environnementale dans toutes les politiques
sectorielles, célébrant ainsi le développement durable
comme ligne directrice.
Enfin, le traité de Lisbonne (2009) confère une
nouvelle dimension, consacrant la «lutte contre le changement
climatique» comme objectif spécifique et conférant à
l'Union la personnalité juridique pour conclure des accords
internationaux.
Enfin, en décembre 2019, la Commission
européenne a lancé le pacte vert pour l'Europe. Celui-ci a pour
ambition de faire en sorte que les mesures
Mélissa LAMY - Mémoire DU droit de l'environnement
- Université Bordeaux - 2022/2023 18
prises par l'UE visent à faire de l'Europe le
premier continent au monde neutre pour le climat.
Ce droit de l'environnement européen, axé sur
la résolution de problèmes environnementaux mondiaux et la
préservation holistique de la nature, se distingue par quatre principes
fondamentaux:
- le principe de précaution : lequel
est défini par le fait de prendre des mesures face à un risque
connu
- le principe de prévention : lequel
est défini par la réalisation d'actions en vue d'éviter un
risque soupçonné mais dont la gravité n'est pas
avérée scientifiquement.
Lors de l'épisode de l'encéphalopathie
spongiforme bovine par exemple, la CJUE avait estimé justifié les
mesures d'embargo prononcées par les Etats membres à l'encontre
de la viande bovine en provenance du Royaume-Uni.
- le principe de correction à la source.
Il s'agit ici «de supprimer une pollution directement à sa
source via des dispositions pour éviter un danger, via des mesures
correctives pour dépolluer ou réparer après un accident.
Cela préservera de toute évidence les écosystèmes
naturels et sera moins coûteux, car le coût de dépollution
plus le coût des externalités dépasse toujours le
coût de correction à la source. Par principe, il est aussi plus
facile de gérer un problème quand il est bien identifié et
localisé (une activité polluante pour l'eau dans une usine) que
lorsque qu'il faut en tirer les conséquences (gérer la
qualité de l'eau de toute une rivière)».15
Ainsi par exemple dans la jurisprudence « déchets
Wallons du 9 juillet 1992», la Wallonie avait défendu cet argument
auprès de la Cour du Luxembourg (CJUE) précisant qu'il
était préférable pour l'environnement de traiter, en
priorité les déchets produits sur son territoire, interdisant
donc l'importation de déchets d'autres États membres et d'autres
provinces belges. Il s'agissait d'une entrave à la libre circulation des
marchandises, objectif premier de la création de l'UE. Toutefois, la
Cour
15 définition issue de
https://direns.mines-paristech.fr/Sites/ISIGE/uved/risques/3.1.3/html/3_2.html
Mélissa LAMY - Mémoire DU droit de l'environnement
- Université Bordeaux - 2022/2023 19
avait alors estimé que cette mesure était
justifiée, en l'espèce en raison de la nature particulière
de ces déchets.
- le principe du «pollueur-payeur :
principe économique issu de la théorie des
externalités d'Arthur Pigou. Les externalités étant des
effets du marché demeurant extérieur au processus
économique. Il conviendrait de les réintégrer dans ce
schéma financier en leur attribuant un prix.
Nous distinguons alors les externalités
négatives : paiement d'une taxe si notre activité pollue des
externalités positives : aides financières ou déductions
fiscales pour ceux qui à contrario exerce une activité dont
l'objectif est de respecter l'environnement, la culture de fibres bio par
exemple (principe du protecteur payé).
Dans la quête de paix et de sécurité,
l'édification de la CECA puis de la CEE et enfin de l'UE s'est
attelée à bâtir un espace économique commun
où la libre circulation des êtres, des biens et des capitaux
règne en maîtresse souveraine. Cependant, malgré cette
noble aspiration à l'harmonie, il est indéniable que le droit
environnemental européen, par moments, entrave cette suprématie
économique.
De ce fait, afin de remplir son office de gardienne de
l'environnement, les autorités judiciaires de l'UE ont dû
ériger des principes novateurs.
Ce faisant, dans l'arrêt des bouteilles danoises du 20
septembre 1988, la CJUE appose son sceau sur la théorie des
exigences impératives d'intérêt
général, légitimant ainsi des mesures de
préservation environnementale, même au détriment des
intérêts économiques. Précurseur de cette doctrine,
l'arrêt Cassis de 1979 jette les bases de cette exception au
marché commun, adoucie cependant par le filtre du principe de
proportionnalité, imposant que l'entrave économique soit
proportionnée aux périls environnementaux.
Par la suite, la Cour fondera ses résolutions en
faveur de la protection de l'environnement sur les fondements de
l'article 36 du TFUE «gardien» de la vie et de la
santé des êtres vivants, animaux, végétaux et
humains.
La Cour a longtemps appliqué de façon
alternative la théorie des exigences impératives
d'intérêt général ou l'article 36 du TFUE. Depuis
2009, elle opère une fusion en vue d'une protection environnementale
éminente.16
16 CJUE, arrêt affaire des Jet
skis suédois du 4 juin 2009
Mélissa LAMY - Mémoire DU droit de l'environnement
- Université Bordeaux - 2022/2023 20
Le droit européen, sous l'égide de la CJUE,
confirme également l'avènement du principe d'effet
direct, un pilier de responsabilité juridique. Ainsi, les
normes communautaires se muent en droits et obligations, directement opposables
aux particuliers, éclairant le cheminement devant les tribunaux
nationaux, à condition que ses dispositions soient suffisamment claires,
précises et inconditionnelles. 17
Même si la transposition d'une directive en droit
interne reste une exigence, le principe d'invocabilité
prévaut dans le droit européen, évinçant
toute mesure contradictoire à une directive non encore
transposée, un principe de prudence énoncé dans
l'arrêt inter-environnement Wallonie (1997).
En dernier lieu, en vertu du principe de
subsidiarité environnementale, la Cour (CJUE), permet
l'application par des entreprises privées par exemple de mesures
entravant l'économie, mais en faveur de l'environnement, pour combler
les lacunes des États membres. 18
Dans cette symphonie judiciaire, la CEDH se pose
également en protectrice par ricochet. En invoquant les articles
2 (droit à la vie), 8 (droit à la vie privée), 6 (droit
à un procès équitable) et 13 (droit à un recours
effectif devant les instances nationales) de la Convention européenne de
sauvegarde des droits de l'Homme de 1950 (entrée en vigueur en
1953), la Cour de Strasbourg exhorte les États membres à honorer
leurs engagements en matière de protection de l'environnement, une
mission tangible dans l'affaire Urgenda c. Pays-Bas (2019).
Bien que la lancée progressiste en faveur de la
protection environnementale sculpte un canevas juridique tourné vers
l'avenir, cette entreprise s'accompagne d'un engagement des grandes entreprises
et des ONG, cherchant à colmater les fossés environnementaux et
les distorsions de concurrence éventuelles nées d'une application
inégale de ce droit, un point que nous examinerons ultérieurement
au cours de cette étude. (II.B).
Face à ce panorama, on pourrait aisément croire
que les instances judiciaires au vue de leurs compétences
accompagnés des textes européens, règlements, directives,
que nous aborderons précisément prochainement (B), se posent
tels
17 CJUE, arrêt Van Gend en Loos du
5 février 1953
18 CJUE, arrêt des abeilles
danoises du 3 décembre 1998
Mélissa LAMY - Mémoire DU droit de l'environnement
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des gardiens protecteurs, palliant les déficiences
étatiques et instituant un cadre juridique en vue de la protection de
notre aire de jeu, l'Environnement.
Par conséquent, une question persiste en filigrane :
quelle est la contribution de la France dans ce vaste océan
juridique?
3/ Le rivage national : l'effervescence portuaire du
droit français
L'histoire du droit de l'environnement en France s'est
façonnée par étapes, marquées par des jalons
significatifs qui ont peu à peu érigé les bases d'une
reconnaissance légale de la responsabilité environnementale des
acteurs, y compris ceux du secteur sportif et textile.
Les prémices du droit de l'environnement
français remontent à l'établissement de lois
emblématiques telles que la loi sur les Parcs nationaux de 1960 et la
loi sur l'eau de 1964.
L'instauration du ministère de l'Environnement en 1971
a ouvert les portes à une attention accrue envers les questions
environnementales. Cependant, ce n'était que le début d'un
parcours d'évolution constante, rythmé par des mutations
organisationnelles et budgétaires.
C'est à partir de la loi du 10 juillet 1976 sur la
protection de la nature que nous inaugurons une ère nouvelle pour la
législation environnementale française, jetant les bases d'un
droit spécifique à l'environnement. Cet acte traduit la
volonté du gouvernement français de préserver le
patrimoine naturel national, tandis qu'au niveau international, la France
s'engageait également dans des conventions pour la préservation
du patrimoine mondial.
La consécration constitutionnelle : La
Charte de l'Environnement comme
garante des droits
écologiques
La consécration constitutionnelle du droit de
l'environnement est intervenue avec la charte de l'environnement,
insérée dans le corpus constitutionnel depuis le 1er mars 2005.
Ce texte, voulu par Jacques Chirac, a été conçu pour
créer une troisième génération de droits de
l'Homme, ajoutant une nouvelle dimension aux droits subjectifs et sociaux
déjà reconnus. Véritable innovation, son rayonnement
juridique demeure en partie floue même si cette dernière
érige en principes fondamentaux le principe de précaution et le
droit de jouir d'un
Mélissa LAMY - Mémoire DU droit de l'environnement
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environnement préservé dans le respect
des équilibres écologiques. Cette démarche engage les
pouvoirs publics à instituer des mécanismes d'évaluation
des risques.
De plus, depuis 2010, grâce à la
question prioritaire de constitutionnalité tout justiciable a la
possibilité de contester devant le juge constitutionnel une disposition
législative qui porterait atteinte aux droits et libertés
garanties par la constitution dont la charte de l'environnement fait donc
partie.
Le Grenelle de l'environnement, symbolisé par les lois
"Grenelle 1"19 et "Grenelle 2"20, instaure une
étape décisive en fixant des objectifs majeurs pour la politique
environnementale française. D'autres textes tels que la loi
TEPCV21 et la loi sur le devoir de vigilance22
renforcent l'arsenal juridique, la création de nouveaux
«principes» comme l'interdiction de l'éco-blanchiment
consacrée notamment dans le code de la consommation23 depuis
la loi climat et résilience24, la création des REP
depuis la loi AGEC25, etc.. entre autres. L'analyse se concentrera
sur les textes ayant un impact significatif sur les secteurs sportif et
textile, spécialement dans la perspective de leur mise en oeuvre.
(B).
Naturellement, la conception et l'élaboration des
normes juridiques environnementales en France se trouvent
intrinsèquement influencées par le droit international de
l'environnement et le droit communautaire, comme précédemment
discuté.
Cependant, une question cruciale demeure à
explorer : quel est le statut de la reconnaissance d'une responsabilité
environnementale dans le cadre du droit français?
Dans le domaine du droit de l'environnement français,
un régime de responsabilité environnementale a été
incorporé dans le Code de l'environnement par le biais de la loi
n°2008-757 du 1er août 2008, également
19 Loi n° 2009-967 du 3 août
2009 de programmation relative à la mise en oeuvre du Grenelle de
l'environnement
20 LOI n° 2010-788 du 12 juillet
2010 portant engagement national pour l'environnement
21 Loi n° 2015-992 du 17 août
2015 relative à la transition énergétique pour la
croissance verte
22 Loi n° 2017-399 du 27 mars 2017
relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des
entreprises donneuses d'ordre
23 Article L121-2 - Code de la
consommation
24 Loi n° 2021-1104 du 22
août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et
renforcement de la résilience face à ses effets
25 Loi n° 2020-105 du 10
février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à
l'économie circulaire
Mélissa LAMY - Mémoire DU droit de l'environnement
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connue sous le nom de "loi relative à la
responsabilité environnementale et à diverses dispositions
d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de
l'environnement."26
La célèbre affaire de l'Erika27 a
ouvert la voie à la reconnaissance du préjudice écologique
pur. Dès 2012, la Cour de cassation a établi la
possibilité de réparation de ce préjudice, qui
découle d'une atteinte à l'environnement.
L'article 31 du Code de procédure civile énonce
que "l'action est ouverte à tous ceux qui ont un
intérêt légitime au succès ou au rejet d'une
prétention". En d'autres termes, l'intérêt à
agir. L'article 1248 du Code civil établit que "l'action en
réparation du préjudice écologique est ouverte à
toute personne ayant qualité et intérêt à
agir", englobant l'État, l'Office français de la
biodiversité, les collectivités territoriales, les
établissements publics, et les associations agréées ou
établies depuis au moins cinq ans, oeuvrant pour la protection de la
nature et la préservation de l'environnement.
Cependant, le terrain environnemental insuffle une
complexité, car l'intérêt se forge souvent collectivement,
se détachant de la traditionnelle requête d'intérêt
individuel prévalant dans le droit positif. La loi du 18 novembre
201628, a ainsi introduit les actions de groupe environnementales,
permettant à plusieurs victimes de mandater une association pour
représenter leurs intérêts. Bien que saluée par la
doctrine, l'efficacité pratique de cette initiative reste
limitée, perspective que nous contournerons donc dans notre
présente étude.
Depuis 201629, un simple risque de
préjudice écologique peut donc suffire à engager la
responsabilité civile environnementale en vertu de l'article 1252 du
Code civil.
Notons que par principe, le préjudice
écologique est réparable en nature, idéalement par une
restauration à l'état initial avant le dommage, ou à
défaut, dans un état similaire. Si la restitution à
l'état initial n'est pas possible, une indemnisation financière
peut être envisagée, conformément à l'article 1249
du Code civil.
26 Cette loi constitue la transposition
de la directive 2004/35/CE datant du 21 avril 2004
27 Cour de cassation, criminelle,
Chambre criminelle, 25 septembre 2012, 10-82.938
28 Loi du 18 novembre 201 n°
2016-1547 de modernisation de la justice du XXIe siècle
29 Loi n° 2016-1087 du 8 août
2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des
paysages
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- Université Bordeaux - 2022/2023 24
À noter toutefois, que nous avons connu une
évolution majeure, depuis la loi du 22 août
202130 avec la reconnaissance du délit
d'écocide.31 Par conséquent, la production
d'une pollution affectant à la fois les écosystèmes
physiques et biologiques, ainsi que l'abandon de déchets, sont
qualifiés d'écocide lorsque ces actes ont été
délibérément commis.
«Qui dit délit, dit infraction de droit
pénal».
Aussi, le champ du droit privé offre également
la possibilité d'engager la responsabilité pénale
environnementale en substitution d'une procédure civile.
Bien que le monopole de l'exercice des poursuites soit
détenu par le ministère public en France, les victimes ont la
possibilité de se porter parties civiles tout comme les associations
agréées de protection de l'environnement32 et les
personnes morales de droit public.33
Conformément à l'article 2 du Code de
procédure pénale, "tous ceux qui ont personnellement souffert
du dommage directement causé par l'infraction" peuvent engager une
action civile.
Cependant, il n'est pas garanti que le ministère
public engagera l'action en justice.
Mais, si l'affaire est instruite, l'article 3 du Code de
procédure pénale énonce que les parties civiles ont le
droit de requérir la réparation de "tous types de dommages, aussi
bien matériels que corporels ou moraux, qui découleront des faits
objets de la poursuite".
- Le préjudice matériel peut être
invoqué par une partie civile afin de solliciter la réparation
des frais engagés pour constater ou mettre un terme à une
pollution, par exemple.
- Le préjudice moral trouve sa place dans la
jurisprudence, autorisant les personnes morales, telles que les
Collectivités et les associations agréées, à
demander réparation. Dans un arrêt du 20 février
200134, la Chambre criminelle a admis l'existence d'un
préjudice moral résultant de l'atteinte
30 LoI n° 2021-1104 du 22
août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et
renforcement de la résilience face à ses effets
31 Inscrit dans le Code de
l'environnement, aux articles L231-1 et suivants
32 Article L141-1 du code de
l'environnement
33 Article L142-4 du code de
l'environnement
34 Cour de cassation, Chambre
criminelle. 20 février 2001, n°00-82.655
Mélissa LAMY - Mémoire DU droit de l'environnement
- Université Bordeaux - 2022/2023 25
portée aux efforts déployés par des
associations de protection des ressources hydriques pour faire respecter les
réglementations en vigueur.
- Le préjudice écologique représente un
aspect essentiel. Au-delà des indemnisations traditionnelles
(matérielles, financières, morales), les victimes d'infractions
environnementales ont le droit de prétendre à la
réparation d'un préjudice écologique. La Cour de cassation
a défini ce concept dans l'affaire du naufrage de l'Erika35
comme étant "l'atteinte directe ou indirecte portée à
l'environnement et découlant de l'infraction."
La voie pénale, si elle est empruntée,
offre des avantages significatifs comparativement à la voie civile,
particulièrement en ce qui concerne les modes de preuve(s). En
droit pénal, l'accent est mis sur la quête de la
vérité, ce qui entraîne l'acceptation de preuves illicites
ou obtenues de manière déloyale, même si celles-ci peuvent
exposer ceux qui les présentent à des poursuites civiles
ultérieures fondées sur d'autres motifs, indépendamment de
l'action pénale initiale.
Cet aspect revêt une importance cruciale dans
notre situation actuelle, pouvant représenter un risque
considérable pour les équipementiers et les
fédérations.
Mais, en droit français, la responsabilité
pénale relative à l'environnement est souvent
considérée comme étant accessoire au droit
administratif. Cette qualification d'« accessoire » trouve
sa justification dans le fait que les sanctions pénales
présupposent la violation de normes administratives spéciales
prévues par le Code de l'environnement ou d'autres textes.
Prenons l'exemple d'une usine de teinture,
impression, apprêt, enduction, blanchiment et délavage de
matières textiles, laquelle est classée ICPE à cause de la
nature intrinsèquement risquée de ses activités pour
l'environnement, sous le régime
déclaratif.36
Des manquements à la procédure de
déclaration ICPE constituent ainsi une violation des règles de
police spéciales et l'exploitation devient irrégulière. En
conséquence, les autorités administratives ou la justice
administrative peuvent prononcer des sanctions à l'encontre de l'auteur
(amendes, suspensions d'activité, etc.) et ordonner des mesures de mise
en conformité.
35 Cour de cassation, criminelle,
Chambre criminelle, 25 septembre 2012, 10-82.938
36
https://aida.ineris.fr/reglementation/arretes-ministeriels-prescriptions-applicables-icpe-soumises-a-declaration
Mélissa LAMY - Mémoire DU droit de l'environnement
- Université Bordeaux - 2022/2023 26
Peuvent également constituer un fondement à une
procédure ou une sanction administrative, des comportements de
résistance ou de non-collaboration avec les autorités
administratives, tels que le non-respect de directives, le manquement à
faciliter les contrôles, ou la réticence à transmettre des
documents.
exemple : Ne pas transmettre le dossier technique d'un
produit à la DGCCRF.
Le risque de sanctions est d'autant plus important pour nos
équipementiers que le cumul des sanctions pénales et
administratives est admis par le droit français en matière
environnementale. Néanmoins, dans une décision rendue le
3 décembre 2021 (Société Specitubes, n° 2021-953
QPC), le Conseil constitutionnel s'est prononcé en faveur de
l'application du principe de proportionnalité entre les
peines administratives et pénales. Par conséquent, l'amende
administrative est fixée à un montant maximal de 15 000 euros
conformément à l'article L.171-8 du code de l'environnement, et
les sanctions pénales applicables sont stipulées à
l'article L.173-1 du même code.
L'élément crucial mis en lumière par ces
textes, en outre le caractère cumulatif de ces sanctions, est qu'ils
permettent aux autorités de contrôle d'appliquer des mesures
immédiatement exécutoires sans nécessiter l'intervention
d'une juridiction judiciaire.
Aussi, en vertu de ces dispositions, le préfet est
habilité, suite à une mise en demeure, à prendre des
mesures telles que l'exécution forcée de travaux
spécifiques, la suspension ou la fermeture d'une exploitation, ainsi que
l'obligation pour l'exploitant de consigner une somme auprès d'un
comptable public pour garantir le montant des travaux.
Ces mesures administratives s'appliquent à
différents domaines, dont les installations classées, les
problématiques liées à l'eau, au bruit, à l'air,
aux déchets, aux produits chimiques. Les usines de confection
d'équipements sont des ICPE.
Enfin, par principe en droit de la consommation, il n'est pas
admis de tromper le consommateur. Aussi, le Code de la consommation
sanctionne les pratiques commerciales trompeuses, c'est-à-dire toute
pratique qui « repose sur des allégations, indications ou
présentations fausses ou de nature à induire en erreur et portant
sur l'un ou plusieurs des éléments [énumérés
par le texte] ». Parmi les éléments figurent les
caractéristiques essentielles du bien ou du
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- Université Bordeaux - 2022/2023 27
service, comprenant sa composition, ses qualités et
propriétés mais aussi son impact environnemental. De
même, une indication de nature à induire en erreur sur la
portée des engagements de l'annonceur, « notamment en
matière environnementale », est désormais susceptible
d'être qualifiée de trompeuse. 37
Toujours dans l'optique de dissiper les voiles de l'illusion,
la loi Climat38 élargit la portée de la notion
de pratique commerciale trompeuse pour englober le concept de «
greenwashing » ou éco-blanchiment en français, tout en
intensifiant les conséquences légales encourues. Lorsque
des informations objectivement erronées ou factuellement exactes mais de
nature à déformer la réalité sont liées
à l'impact environnemental d'un bien ou d'un service, ou à
l'étendue des engagements écologiques de l'annonceur, la pratique
trompeuse est constatée. Cette infraction, passible de deux ans
d'emprisonnement et d'une amende de 300 000 euros, peut atteindre 10 % du
chiffre d'affaires annuel ou 50 % des dépenses publicitaires
engagées. Dans certains cas, ce taux peut être majoré
à 80 % si les allégations concernent
l'environnement39. Ainsi, l'impact potentiel sur la
réputation causé par ces publicités vertes
mensongères se conjugue désormais avec une menace juridique
concrète, ce qui pourrait limiter l'abus de telles pratiques et
contribuer à une diffusion plus authentique de l'information
auprès du public. Ce dispositif légal offre, en effet, des
premières garanties pour une utilisation plus fiable et
réfléchie des allégations écologiques qui nous
entourent au quotidien.
Enfin, par son ordonnance en date du 20 septembre
202240, le Conseil d'État a établi que le droit de
chaque individu à jouir d'un environnement équilibré et
favorable à la santé est intrinsèquement une
"liberté fondamentale". Cette décision du pouvoir judiciaire
administratif élargit le champ d'action en permettant la mise en oeuvre
du référé-liberté41 pour la
préservation de l'environnement, ouvrant ainsi de nouvelles perspectives
pour la protection de ces droits environnementaux.
37 Code de la consommation, articles L.
121-2 à L. 121-4
38 LoI n° 2021-1104 du 22
août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et
renforcement de la résilience face à ses effets
39 Article L.132-2 du Code de la
consommation
40 Conseil d'État, 2ème -
7ème chambres réunies, 20/09/2022, 451129
41 Le
référé-liberté créé par la loi
n° 2000-597 du 30 juin 2000 relative au référé devant
les juridictions administratives permet de mettre fin à une mesure
administrative qui serait de nature à porter une atteinte grave à
l'exercice d'une liberté fondamentale
Mélissa LAMY - Mémoire DU droit de l'environnement
- Université Bordeaux - 2022/2023 28
L'ampleur de son influence sur la protection de
l'environnement restera à évaluer dans les années à
venir.
Ayant maintenant tracé les contours de la voie
législative environnementale dans laquelle évoluent les
équipementiers de textiles techniques sportifs et les
fédérations, il est effectivement temps d'embarquer pour explorer
leur mise en oeuvre.
B.Hisser les voiles de l'exécution de cette
responsabilité juridique environnementale : manoeuvrer difficilement
dans le pot au noir?
Dans un panorama où le contentieux en droit de
l'environnement s'édifie progressivement, les dernières
décennies ont été marquées par des avancées
juridiques significatives, à l'instar, en France, de la reconnaissance
du préjudice écologique et de l'émergence de l'action de
groupe environnementale.
Avant de plonger au coeur de leur responsabilité
légale, il est impératif de jeter un regard scrutateur sur la
nature juridique des entités qui captivent notre attention : les
entreprises, en particulier celles opérant dans le domaine des
équipements sportifs, et les fédérations sportives.
Une entreprise, en tant qu'entité de droit
privé, est une personne morale, tout comme une fédération
sportive. Les secondes, les fédérations, lesquelles ont
pour noble dessein d'orchestrer la pratique de diverses disciplines sportives,
fonctionnent en toute autonomie en tant qu'associations de type loi 1901,
officiellement déclarées en préfecture. Il est crucial de
noter que toutes les fédérations sportives doivent obtenir une
agréation de l'État pour être officiellement reconnues.
Néanmoins, un dilemme survient lorsque l'on aborde la
question des équipementiers, qui, surtout les plus renommés, se
déploient souvent à l'échelle internationale. Les grandes
marques d'équipements sportifs, telles que Nike, Oxbow, Patagonia,
Salomon, Helly Hansen etc.. sont généralement des
multinationales, ce qui ajoute une complexité aux questions de
responsabilité et de juridiction.
Mélissa LAMY - Mémoire DU droit de
l'environnement - Université Bordeaux - 2022/2023 29
1/ L'exécution de leur responsabilité
juridique internationale
Les multinationales se forment couramment en
établissant des filiales distinctes de la
société-mère, dotées ou non de personnalité
juridique propre. La notion d'entreprise multinationale ou
transnationale, du point de vue juridique, reste toutefois délicate
à appréhender, car elle pourrait suggérer qu'une
société possède plusieurs nationalités, ce qui est
juridiquement incohérent. Au lieu de cela, une entreprise transnationale
est généralement perçue comme un réseau
d'entités nationales interdépendantes, chacune relevant du droit
de son propre pays.
Par ailleurs, le concept de "sujet de droit international" se
réfère à une entité qui possède des droits
et des devoirs en droit international et peut invoquer ces droits par des
réclamations internationales. Cela implique la capacité de
participer aux relations diplomatiques, de conclure des traités et de
présenter des réclamations internationales. Cependant, par
principe seuls les États sont des sujets de droit international.
Dans cette optique, une interrogation majeure se dessine :
les États, en qualité de régulateurs des activités
sur leur territoire, pourraient-ils être tenus responsables des
agissements des entreprises agissant sous leur juridiction? En d'autres termes,
peut-on imputer la responsabilité aux États pour ne pas avoir
suffisamment encadré les activités économiques des
multinationales dont les sociétés mères se trouvent sur
leur territoire, contribuant ainsi aux atteintes à l'environnement
souvent au-delà de leurs frontières?
L'exemple du secteur textile illustre de manière
concrète les enjeux environnementaux liés aux activités
des entreprises transnationales.
Par exemple, certains procédés industriels
classiques dans la fabrication de produits textiles sportifs, tels que les
vêtements imperméables42 et les
42 Selon l'ADEME, 20 % de la pollution
des eaux dans le monde serait due aux teintures du secteur textile, fragilisant
encore les écosystèmes aquatiques. Pour rendre les surfaces
imperméables et anti-tâches, ce sont des composés
perfluorés (PFC) qui sont privilégiés. Ces produits
chimiques, qui peuvent affecter les systèmes reproductif et endocrinien
des animaux, sont très volatiles. Lors d'une expédition en 2016,
nous les avons retrouvés dans les endroits les plus isolés de la
planète, en Patagonie ou dans les Alpes.
https://www.senat.fr/questions/base/2022/qSEQ220700619.html
Mélissa LAMY - Mémoire DU droit de l'environnement
- Université Bordeaux - 2022/2023 30
combinaisons néoprènes, impliquent notamment
l'utilisation intensive de produits chimiques, accentuant les
préoccupations environnementales. Par conséquent, une
société mère d'équipement sportifpeut être
«à l'origine» (par l'intermédiaire de son fournisseur,
sous-traitant ou filiale) de pollution de l'eau en Asie, engendrés par
des systèmes de traitement des eaux usées insuffisants qui se
rejettent directement dans des cours d'eau.
Un aspect crucial concerne également la fin de vie de
ces produits, où une pratique courante consiste à les acheminer
vers des pays tels que le Ghana, le Chili contribuant à la
prolifération des décharges à ciel ouvert, des
«tentacules de vêtements envahissent même les plages»
contribuant à la détérioration de
l'écosystème océanique.43
Face à ces problématiques il s'agit
d'interroger les limites et les implications juridiques de la
responsabilité des acteurs économiques, ainsi que la
responsabilité des États hôtes dans le contrôle et la
régulation des activités des entreprises sur leur territoire.
Jusqu'à présent, la Cour internationale
de Justice (CIJ) n'a pas prononcé de condamnations à l'encontre
d'États pour les actions néfastes de leurs entreprises nationales
ou de leurs fédérations sur l'environnement d'autres
pays.
Le 2 février 201844, la CIJ avait rendu une
décision historique reconnaissant la responsabilité d'un
État pour les dommages environnementaux causés à un autre
État. Concrètement, elle a établi que les dommages
environnementaux donnent droit à une réparation, en plus des
coûts de restauration de l'environnement dégradé. Dans
cette affaire, le Nicaragua a été condamné à
indemniser le Costa Rica pour des dommages résultant de canaux
creusés sur un territoire costaricain engendrant notamment de la
déforestation. Cette décision établit une jurisprudence
pour les futurs litiges impliquant des demandes de réparation
environnementale et souligne la nécessité de réparation
pour les dommages environnementaux transfrontaliers.
Elle pourrait tout à fait être
transposée dans l'industrie du textile, très agricole
également quand bien la question de la transfrontalité est
plus
43 Documentaire «Sur le front -
Où finissent nos vêtements» d'Avril 2023
44 Case «Certain Activities Carried
Out by Nicaragua in the Border Area (Costa Rica v. Nicaragua)»,
Compensation, Judgment, I.C.J. n°113
Mélissa LAMY - Mémoire DU droit de l'environnement
- Université Bordeaux - 2022/2023 31
délicate dans cette filière, les
entreprises étant souvent des acteurs occidentaux.
Néanmoins, certains États, dont la France,
ainsi que certaines de leurs entreprises, ont fait l'objet de nombreuses
«accusations journalistiques, citoyennes» dans des dossiers sensibles
tels que la gestion des déchets textiles au Ghana, la catastrophe du
Rana Plaza au Bangladesh ou encore la pollution de l'eau potable en
Afrique45 et en Asie, l'utilisation intensive de ressources
raréfiables telle que l'eau, la pollution générale
liée aux JO à Pékin, à la coupe du monde au Qatar
etc..
La CIJ, en tant que tribunal mondial, possède
une compétence limitée. Elle règle les différends
juridiques entre les États conformément au droit international
(compétence contentieuse) et fournit des avis consultatifs sur des
questions juridiques posées par les organes des Nations Unies et les
institutions spécialisées (compétence
consultative).
Le dernier avis consultatif demandé à la CIJ,
le 29 mars 2023 par l'Assemblée générale des Nations unies
(AGNU), porte sur les obligations des États en matière de climat
et d'environnement. Bien que les avis consultatifs n'aient pas la même
force contraignante que les décisions contentieuses, ils peuvent avoir
des implications significatives sur les principes de droit international
applicables aux relations entre les États et sur d'autres
procédures législatives nationales ou contentieux climatiques
régionaux et nationaux.
Il porte notamment sur les conséquences juridiques des
obligations des États en matière de changement climatique et
d'environnement, en prenant en compte la vulnérabilité
particulière des petits États insulaires en
développement.
Les résultats de cet avis pourraient
potentiellement bouleverser le système de responsabilité
générale en matière environnementale.
En parallèle, une partie de la doctrine quant à
elle poursuit ses travaux pour la reconnaissance du crime
d'écocide.46 Dès 1985, le "rapport Whitaker"
proposa
45
https://www.europarl.europa.eu/news/fr/press-room/20230524IPR91913/le-parlement-veut-rendre-l-industrie-du-textile-et-de-l-habillement-plus-verte
46 Notion apparue après la guerre
du Viêt Nam, suite aux conséquences dévastatrices de
l'opération Ranch Handau, au cours de laquelle l'agent orange, un
puissant herbicide, fut déversé massivement.
Mélissa LAMY - Mémoire DU droit de l'environnement
- Université Bordeaux - 2022/2023 32
d'intégrer l'écocide en tant que crime autonome
aux côtés du génocide à la Commission des droits de
l'homme de l'ONU. La définition du terme a connu des évolutions
depuis. Les discussions ont porté sur la notion
d'intentionnalité. Pour certains juristes, il s'agit de la destruction
intentionnelle de l'écosystème mondial, tandis que d'autres
soutiennent que la responsabilité d'écocide devrait être de
nature objective, reposant sur les conséquences des actes plutôt
que sur l'intention.
Toutefois, malgré les avancées pour
définir et reconnaître l'écocide, des préoccupations
subsistent quant à la complexité de la mise en application d'une
loi et à son potentiel impact sur les États. Certains
experts, comme le juriste Laurent Neyret, auteur de "Des écocrimes
à l'écocide" 47estiment qu'un crime
d'écocide devrait englober des projets commis intentionnellement et
ayant une portée généralisée ou
systématique, ayant des conséquences nuisibles à la
planète et à l'environnement.
En attendant, au sein de l'industrie textile et sportive,
l'Union européenne (2/) et la France (3/) ont mis en place des
stratégies ambitieuses pour réguler ces activités,
reflétant une prise de conscience croissante des enjeux environnementaux
et des efforts nécessaires pour y répondre de manière
efficace et responsable.
2/ La mise en oeuvre de leur responsabilité
juridique européenne
En mai 2016, la Commission a lancé l'examen de la mise
en oeuvre de la politique environnementale, un nouvel outil conçu pour
parvenir à une mise en oeuvre intégrale de la législation
environnementale de l'Union, qui va de pair avec son bilan de qualité
(programme pour une réglementation affûtée et performante
-- «REFIT») concernant les obligations de suivi et de rapport
découlant de la législation de l'Union en vigueur afin de la
rendre plus simple et moins coûteuse.
En 1990, l'Agence européenne pour l'environnement
(AEE), basée à Copenhague, avait déjà
été créée afin de soutenir le développement,
la mise en oeuvre et l'évaluation de la politique environnementale et
d'informer le grand public en la matière. En 2020, elle a publié
son 6e rapport concernant la situation et les perspectives de l'environnement
en Europe.
47 Bruylant, 2015
Mélissa LAMY - Mémoire DU droit de l'environnement
- Université Bordeaux - 2022/2023 33
Depuis plus de 3 ans, au sein de l'Union Européenne,
nous assistons à une véritable volonté de prendre des
mesures en faveur de la protection environnementale dans divers domaines
d'activité à commencer par le textile, le sport n'y
échappent pas.
Cette démarche s'articule autour de plusieurs
réglementations majeures:
l Le règlement Disclosure (Sustainable Finance
Disclosure Regulation - (UE) 2019/2088) vise à renforcer la transparence
financière en obligeant les acteurs financiers à divulguer des
informations institutionnelles et relatives à leurs produits ainsi
qu'à leurs politiques générales.
l Le règlement Taxonomie (2020/852)
instaure un système de classification des activités
durables, établissant une nomenclature en fonction des objectifs
d'atténuation et d'adaptation au changement climatique.
l La directive CSRD (Corporate
Sustainability Reporting Directive - (EU) 2022/2464) publiée le 16
décembre 2022, entrant en vigueur le 1er janvier 2014 requiert des
entreprises européennes un reporting extra-financier
détaillé, incluant des informations environnementales fiables,
pour offrir une vision complète de leur durabilité.
Cette dernière modifie quatre textes européens
existants : la directive Comptable, la directive Transparence, la directive
Audit et le règlement Audit. Elle intègre des changements
notables comparés à la directive NFRD (Non Financial Reporting
Directive), de 2014 :
- Un champ d'application élargi, incluant notamment
toutes les sociétés cotées sur les marchés
réglementés européens, sauf les micro-entreprises.
- Des obligations de reporting renforcées et
standardisées, avec des informations détaillées sur les
questions sociales, environnementales et de gouvernance, basées sur le
principe de "double matérialité".
- Une localisation unique dans le rapport de gestion
dédiée au reporting de durabilité.
Mélissa LAMY - Mémoire DU droit de l'environnement
- Université Bordeaux - 2022/2023 34
- Un format électronique européen xHTML
obligatoire avec des balises pour la taxonomie digitale.
- Une vérification obligatoire par un commissaire aux
comptes ou un organisme tiers indépendant, avec une assurance
"modérée", évoluant potentiellement vers "raisonnable"
à partir de 2028. Les règles encadrant les missions des auditeurs
seront renforcées.
Contrairement à la directive NFRD, la nouvelle
approche est contraignante pour les entreprises assujetties.
L'autorégulation et la liberté en matière de
déclaration de performance extra-financière cèdent la
place à des normes standardisées, similaires aux rapports
financiers et comptables. Ces normes précises assurent une
équité de traitement entre les entreprises d'un même
secteur. La transition majeure réside dans le passage de la
déclaration libre et non vérifiée à l'application
de normes contraignantes et réglementées.
Bien que le texte exhorte les États à assurer
une mise en oeuvre effective des sanctions et des contrôles, une
uniformisation de ces mesures ne sera pas atteinte. Les sanctions pourront
revêtir diverses formes, notamment administratives, sous forme d'amendes,
et même inclure des interdictions d'accès aux marchés
publics. Cependant, il est regrettable de craindre que certains États ne
coopéreront pas pleinement en matière de sanctions et de
contrôles.
Néanmoins, si le texte est transposé de
manière adéquate, il est susceptible de démontrer son
efficacité et d'imposer des contraintes aux équipementiers qui
relèvent de son champ d'application. Ces acteurs sont déjà
en train de se préparer pour se conformer à ces dispositions
dès avant même la transposition officielle !
l La proposition de directive CSDDD
(Corporate Sustainability Due Diligence Directive) de février 2022,
actuellement à l'étude, élargirait le champ d'application
du devoir de vigilance à toutes les grandes entreprises
européennes ou opérant sur le territoire européen. Ainsi,
elle obligerait les entreprises européennes à divulguer des
informations sur les risques de durabilité identifiés ainsi que
sur les mesures entreprises pour les atténuer, y compris au sein de
leurs fournisseurs et prestataires.
Mélissa LAMY - Mémoire DU droit de l'environnement
- Université Bordeaux - 2022/2023 35
Cependant, le contexte actuel est complexe car il n'y a pas de
consensus à atteindre entre les organes européens (Conseil et
Commission). Il est donc possible que la version finale qui entrera en vigueur
diffère totalement du projet actuel.
l Le remplacement de la directive
2009/125/CE48 relative à l'écoconception.
L'actuelle directive sur l'écoconception a établi des
exigences en matière d'efficacité énergétique
couvrant 31 groupes de produits. Le nouveau règlement quant à
lui, dont une proposition a été soumise le 15 mai
202349, devrait élargir le champ d'application des exigences
fixées en matière de durabilité environnementale pour y
inclure presque tous les types de biens mis sur le marché de l'UE. Il
établit un "passeport numérique de produit" et fixe des
règles concernant la transparence sur la destruction des biens de
consommation invendus et l'interdiction de cette pratique pour certains de ces
biens.
l La proposition de directive «Green
Claims» relative à lutte contre l'éco blanchiment
(«greenwashing») du 22 mars 2023.50 Le texte vise à
encadrer les allégations environnementales utilisées par les
entreprises. Les allégations de "neutralité carbone" devraient
ainsi être interdites dans l'Union Européenne si elles ne sont pas
accompagnées de "preuves détaillées". Surtout, elles ne
pourront pas être "fondées uniquement sur la compensation des
émissions carbone". Il encadrerait aussi d'autres allégations
vagues et non fondées comme "produit vert", "biodégradable" ou
encore "écologique" venant précisément les définir
ainsi que leur utilisation.
Bien que le texte suscite encore des critiques et soit
perçu comme insuffisant en autorisant toujours la publicité pour
les combustibles fossiles en tant que produits durables, son adoption
marquerait néanmoins une avancée notable en termes de
transparence et d'éducation des consommateurs sur le marché.
Il répondrait à une nécessité
accrue compte tenu de la forte augmentation des cas de greenwashing
observés depuis 2012, comme en témoignent les
48
https://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:L:2009:285:0010:0035:fr:PDF
49
https://data.consilium.europa.eu/doc/document/ST-9014-2023-INIT/fr/pdf
50
https://environment.ec.europa.eu/publications/proposal-directive-green-claims_en
Mélissa LAMY - Mémoire DU droit de l'environnement
- Université Bordeaux - 2022/2023 36
informations présentées dans
l'annexe 1 (Bilan 2022 Ademe et ARPP) ainsi que les exemples
exposés dans l'annexe 2.
Des mesures moins rigoureuses du point de vue juridique, mais
établissant des normes sur le marché, ont également
été récemment mises en place, telles que la
stratégie textile51 ou le plan d'action pour
l'économie circulaire dit aussi paquet économie circulaire
européen.52
La Commission européenne a pris une mesure
significative en mars 2020 en adoptant le nouveau plan d'action pour
l'économie circulaire. S'inscrivant comme l'un des piliers centraux
du Pacte vert pour l'Europe, cette feuille de route ambitieuse trace la voie
vers une transition vers une économie circulaire, visant à
atténuer la pression sur les ressources naturelles et à
encourager des emplois et une croissance durables. Fondamental pour
réaliser l'objectif de neutralité carbone de l'UE d'ici 2050 et
pour contrer la perte de biodiversité, ce plan d'action préconise
une série d'initiatives qui couvrent l'ensemble du cycle de vie des
produits. En influençant leur conception, en faveur de processus
d'économie circulaire, en favorisant la consommation durable, et en
limitant la production de déchets tout en maximisant la
durabilité des ressources utilisées. L'UE et les autorités
nationales doivent d'ailleurs s'assurer que les politiques mises en place sont
efficaces et potentiellement d'identifier les meilleures pratiques.
En 2023, la Commission a révisé ce
cadre de suivi de l'économie circulaire, précédemment
adopté en 2018. La révision ajoute de nouveaux indicateurs
sur:
l'empreinte matérielle et la
productivité des ressources - pour surveiller l'efficacité
matérielle
l'empreinte de consommation - pour vérifier
si la consommation de l'UE s'inscrit dans les limites
planétaires.
Puis, le 30 mars 2022, cette dernière a enrichi et
entériné cette volonté de transformation structurelle du
marché européen en faveur de pratiques plus responsables en
adoptant la stratégie de l'Union européenne en faveur de
textiles durables et circulaires, englobant
l'intégralité du cycle de vie des produits textiles et proposant
des mesures pour transformer notre manière de produire et de consommer
ces articles. Cette initiative vise à mettre en oeuvre
51
https://environment.ec.europa.eu/publications/textiles-strategy_fr
52
https://environment.ec.europa.eu/strategy/circular-economy-action-plan_fr
Mélissa LAMY - Mémoire DU droit de l'environnement
- Université Bordeaux - 2022/2023 37
les engagements énoncés dans le Pacte vert pour
l'Europe, le nouveau plan d'action pour l'économie circulaire et la
stratégie industrielle pour le secteur textile. Le premier juin 2023, le
Parlement a adopté des recommandations pour cette stratégie.
Le texte préconise une durabilité accrue des
produits textiles commercialisés au sein de l'UE, encourageant leur
facilité de réutilisation, de réparation et de recyclage.
Dans l'ensemble de la chaîne d'approvisionnement, la production doit
respecter non seulement les droits humains, sociaux et du travail, mais
également l'environnement et le bien-être animal. Les
députés européens aspirent à mettre fin
à la "fast fashion", ou mode éphémère, en
instaurant des mesures appropriées ; phénomènes pouvant
également être présents dans le domaine sportif, qui plus
est, depuis que le sportswear est devenu une mode53.
Parmi les mesures spécifiques à inclure dans la
future législation de l'UE, le Parlement insiste sur la
nécessité d'accroître l'information à disposition
des consommateurs pour faciliter des choix durables. Ils exigent l'interdiction
de la destruction des textiles invendus et retournés, ainsi que la mise
en place de règles claires pour combattre le "greenwashing" des
producteurs. Cette démarche comprend notamment les efforts en cours pour
sensibiliser les consommateurs à la transition verte et
réglementer les allégations environnementales.
En outre, les députés appellent à
l'instauration d'objectifs spécifiques distincts dans la future
révision de la directive-cadre relative aux déchets, concernant
la prévention, la collecte, la réutilisation et le recyclage des
déchets textiles. Ils pressent la Commission de lancer promptement
l'initiative visant à minimiser les rejets de microplastiques et de
microfibres dans l'environnement.
Toutefois, il convient de souligner que ces diverses
dispositions légales plus ou moins contraignantes, s'appliquant
majoritairement aux équipementiers plutôt qu'aux
fédérations exceptées pour celles liées à la
publicité, sont encore très récentes. Il est donc
difficile d'évaluer leur efficacité d'un point de vue juridique.
Cependant, elles exercent indéniablement une pression sur les
équipementiers du marché pour entreprendre des réformes
substantielles,
53 Le sportswear est un courant de mode
majeur désignant l'utilisation de vêtements de sport dans un usage
détourné
Mélissa LAMY - Mémoire DU droit de l'environnement
- Université Bordeaux - 2022/2023 38
englobant l'ensemble de la chaîne de valeur
(cf annexes 3 et 4). Bien que les instances judiciaires
européennes n'aient pas encore émis de sanctions en vertu de ces
dispositions, elles fournissent néanmoins des fondements juridiques pour
l'élaboration de législations nationales lors de la transposition
de directives ou autres mesures.
Qu'en est-il de la mise en oeuvre de ces législations
nationales, notamment en France?
3/ La mise en oeuvre de leur responsabilité
juridique nationale française
Au mois de mai dernier, le Président de la
République a fait une demande audacieuse en faveur d'une pause dans
l'élaboration de stratégies et de législations
environnementales. Cela s'ajoute aux nombreux médias qui font
régulièrement écho au constat que "la France accuse un
retard par rapport à la moyenne européenne" en
matière de questions environnementales. Parallèlement, la France
est fréquemment pointée du doigt dans des affaires telles que
"l'Affaire du Siècle"54, les décisions "Amis de la
Terre"55 ou encore de Grande Synthe56, d'ailleurs la
déclaration du président est intervenue le lendemain du rappel
à l'ordre par le Conseil d'état quant aux mesures à
appliquer dans le cadre de cette affaire pour son inaction et le non-respect
des engagements qu'elle a pris, notamment les Accords de Paris.
Néanmoins, elle a également joué un
rôle d'inspiration et de précurseur dans certains domaines (devoir
de vigilance), ayant contribué à l'élaboration de
nouvelles directives et réglementations européennes (CSRD par
exemple). Et, de manière générale, la France transpose ces
textes au niveau national.
Voyons quel est le contexte judiciaire pour nos acteurs.
a. Le bilan GES
54 TA de Paris, décision du 14
octobre 2021, 4ème section - 1ère chambre, P.1°s 1904967,
1904968, 1904972, 1904976/4-1
55 Dernière décision
rendue par le CE le 17octobre 2022, 6ème - 5ème chambres
réunies, P.1° 428409
56 CE, décision du 10 mai 2023, 6
ème et 5ème chambres réunies, P.1° 467982
Mélissa LAMY - Mémoire DU droit de l'environnement
- Université Bordeaux - 2022/2023 39
L'instauration de l'obligation de réaliser un bilan des
émissions de gaz à effet de serre (bilan GES) en France
émane de la loi Grenelle 2 de 201057, marquant une
étape majeure dans le cadre de l'engagement environnemental du pays.
Cette exigence s'applique à diverses catégories d'acteurs,
notamment les entreprises de plus de 500 salariés, les
établissements publics de plus de 250 salariés et les
collectivités locales de plus de 50 000 habitants, ainsi que les
services de l'État. Decathlon, Intersport, Salomon etc.. y sont par
exemple soumis.
Le contenu de ces bilans, dûment publiés tous
les trois ans (quatre ans pour les entreprises), doit être accessible en
ligne sur la plateforme BEGES site de l'Ademe depuis 2016. L'objectif
sous-jacent à cette mesure est d'inciter les organisations à
identifier et quantifier les sources d'émissions de gaz à effet
de serre inhérentes à leurs activités, tout en initiant
des réflexions sur les actions à entreprendre pour en
réduire l'impact.
Cependant, la réalité du terrain
révèle que cette obligation n'a pas rencontré le
succès escompté. En effet, une proportion significative, soit 65%
des 4 970 entités assujetties à cette démarche, n'a pas
respecté cette exigence en 2021, marquant une nette
détérioration par rapport aux 40% de non-conformité
observés en 2013. Les raisons de cette réticence varient, allant
de l'absence de sanctions significatives à la prédominance d'une
approche pédagogique dans les actions de contrôle de la part de
l'État58.
Et, pour ceux qui s'y conforment, la qualité des
bilans GES laisse parfois à désirer, notamment en raison de leur
imprécision. Il est intéressant de noter que la prise en compte
du "scope 3", autrement dit les émissions indirectes, était
initialement recommandée mais non imposée, compliquant davantage
la situation. Concrètement, en cas de non-conformité à
cette obligation, l'entreprise s'expose à une amende de 10 000 €,
montant pouvant s'élever à 20 000 € en cas de
récidive. Pourtant, cette sanction doit être prise au
sérieux, car elle témoigne de la gravité de l'infraction.
(En 2018, le montant de l'amende était fixé à 1500 €
mais il était tellement faible que peu se conformer à cette
obligation). (cf annexe 5 - Site Ademe et exemple
bilan)
Si l'accomplissement des devoirs légaux relatifs aux
bilans GES demeure en équilibre instable et que bon nombre
d'équipementiers tirent leur épingle du jeu,
57 Cf note de bas de page
n°20
58
https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2023/03/24/l-echec-du-bilan-carbone-obligatoire-symbole-du-mepris-des-enj
eux-climatiques_6166785_4355770.html
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la France détient une arme redoutable, susceptible de
marquer un précieux but dans la lucarne de l'engagement de la
responsabilité : le devoir de vigilance. Ce dernier sort clairement les
entreprises de leur zone de confort et les incite à amorcer une
transformation profonde.
Dans une perspective à venir, couplée aux
nouvelles exigences européennes, il pourrait bien devenir un engin de
glisse pour actionner réellement leur responsabilité.
b. Le devoir de vigilance
Contrairement aux normes courantes relatives à la
responsabilité des entreprises, lesquelles généralement
instaurent un simple devoir de divulgation et d'établissement de
rapports, la France a institué un régime d'une nature plus
contraignante59. Pour les grandes entreprises, ce régime peut
les exposer à des responsabilités tant pénales que civiles
pour les préjudices portés aux droits humains, sociaux et
environnementaux au sein de leur chaîne de valeur.
L'essence du devoir de vigilance réside dans
le principe juridique exigeant des grandes entreprises l'adoption de
mesures pour identifier, anticiper et atténuer les risques
inhérents aux droits humains, à l'environnement, ainsi
qu'à la santé et à la sécurité, tout au long
de leur chaîne de valeur. Il se détache par son
caractère exceptionnel, en repoussant les frontières de la
responsabilité légale : il transforme une obligation de
transparence en une obligation de mettre en pratique un plan de vigilance,
assorti d'actions tangibles et raisonnables. (cf annexe 6 : exemple
d'un plan de vigilance publié par Decathlon en 2023).
Si aucun cas de condamnations dans le domaine de l'industrie
textile du sport n'est à ma disposition en ce moment, il demeure
impératif de ne pas sous-estimer ce risque car c'est en vertu de
celui-ci que la condamnation du groupe Total a pu être prononcée
en 2021 pour négligence de son obligation de vigilance, en lien avec une
pollution émanant de la raffinerie de Donges en 200860.
Et, en 2020, le groupe de distribution français Carrefour a
également été traduit en justice pour non-respect de son
devoir de vigilance dans le contexte de la gestion de sa chaîne
d'approvisionnement en Colombie. Ces affaires ont mis en lumière la
responsabilité des entreprises, y compris leurs filiales et
fournisseurs, et ont illustré le caractère impératif du
devoir de
59 loi mentionnée note de bas de
page n°22
60
https://www.dalloz-actualite.fr/flash/devoir-de-vigilance-dans-main-du-tribunal-judiciaire-de-paris
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vigilance pour les entreprises, afin qu'elles assument
pleinement leurs responsabilités sociales.
c. La lutte contre le gaspillage et la promotion de
l'économie circulaire Bonne élève, afin de
respecter ses engagements de transposition du paquet économie circulaire
européen, le 11 février 2020, la promulgation de la "Loi
anti-gaspillage pour une économie circulaire" (AGEC) a marqué un
tournant, bénéficiant d'une adoption quasi-unanime
à l'Assemblée Nationale et au Sénat, soulignant
l'engagement important de la sphère politique.
Le texte est particulièrement dense et se focalisent sur
4 grands axes :
l La préservation des ressources.
l La mobilisation des acteurs économiques.
l L'information des consommateurs.
l L'amélioration de la collecte des déchets.
Bien que tous les secteurs soient touchés, la
filière textile est fortement impactée, et celle des articles de
sport plus largement, n'y échappe pas.
Quels sont donc les impacts majeurs?
-9 Logo Triman - autrement dit
'étiquette info-tri afin de guider les consommateurs sur le tri de leurs
vêtements à la fin du cycle de vie, obligatoire depuis 2021,
article 17 (cf annexe 7).
Cependant, ce logo est fortement controversé, en
effet, la Commission européenne a engagé une procédure
à l'encontre de la France concernant l'utilisation du logo Triman de la
loi AGEC, alléguant une entrave à la libre circulation des
marchandises.
-9 Le plastique à usage unique : Bien
que la mode ne soit pas directement visée, la loi annonce
déjà la fin du plastique jetable d'ici 2040. Dans le textile,
mais pour les articles de sport en général, le plastique
était largement utilisé pour les emballages.
Heureusement, de nombreuses entreprises du secteur avaient
déjà entrepris par anticipation et par conviction, des projets
ambitieux pour réduire leur usage du plastique, notamment dans leurs
emballages.
-9 Interdiction de détruire les invendus :
Selon l'article 35, depuis le 31 décembre 2021, les enseignes,
producteurs, distributeurs et plateformes en ligne sont tenus de donner ou
recycler leurs invendus. Pour encourager
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le don, l'obligation de régulariser la TVA sur les
invendus a été levée.
Affichage environnemental : l'article 15 de
la loi AGEC prévoyait le développement collaboratif avec l'ADEME
d'un affichage environnemental, cet article de la loi AGEC a été
abrogé mais repris par l'article 2 de la loi "Climat et
résilience61". Aussi, une expérimentation de
l'affichage environnemental dans le secteur des textiles d'habillement a eu
lieu et s'est achevée le 30 septembre 2022, des acteurs comme Decathlon
y ont participé. Son but était d'évaluer
différentes approches pour communiquer les performances
environnementales des produits textiles, en se basant sur une analyse du cycle
de vie. Les méthodes retenues ont désormais étaient
soumises à consultation, un décret d'application devrait
être publié d'ici la fin de l'année exposant les
différentes méthodes retenues et rendant l'affichage obligatoire.
La commission européenne s'est aussi intéressée au sujet
définissant la Product Environmental Footprint (PEF), une méthode
de calcul de l'empreinte environnementale d'un produit, celle-ci devait
être en 2022, elle est encore en suspens. (cf annexe 8 -
affichage environnemental des produits Decathlon).
Source:
Decathlon.fr
Affichage des caractéristiques du produit :
selon l'article 13 notamment de :
61 Loi n° 2021-1104 du 22
août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et
renforcement de la résilience face à ses effets
Mélissa LAMY - Mémoire DU droit de l'environnement
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- la traçabilité géographique, à
l'échelle du pays, des 3 étapes de fabrication suivantes : la
confection, la teinture et l'impression, le tissage et le tricotage.
- la présence de microplastiques : mention
«rejette des microfibres plastiques dans l'environnement lors du
lavage» lorsque plus de
50% en masse du produit est fait en fibres
synthétiques.
- la présence de ubstances dangereuses : sont
considérées dangereuses les substances dites SVHC (Substances of
Very High Concern) définies par l'article 59 du règlement
européen REACH n°1907/2006. 62
- L'incorporation de matière recyclée : mention
«produit comportant au moins [%] de matériaux
recyclés».
- Primes et pénalités : mention, au plus tard
trois mois après leur entrée en vigueur, des primes ou
pénalités reçues ou versées par la marque pour ce
produit en fonction de critères de performance environnementale.
Promotion des produits respectueux de
l'environnement : grâce à un système d'affichage,
un mécanisme de bonus/malus sur les contributions aux
éco-organismes des filières REP a été établi
(mise en oeuvre du principe pollueur-payeur). Cette mesure a d'abord
été mise en place sur le textile et les chaussures incluant
évidemment les chaussures de sport et les textiles à usage
sportif. Elle sera élargie en 2024 aux articles de sport et de loisirs
dans leur globalité. Le système des REP n'est pas nouveau en
France, ni pour le textile qui y est soumis depuis 2006 (d'où les
différentes bornes de collectes par exemple) mais la loi AGEC l'a
réformé en profondeur. Aujourd'hui, l'objectif n'est plus
seulement de traiter les déchets générés, mais
également de les prévenir. Le mécanisme est
également nouveau pour les articles de sports et loisirs (depuis
2022).
Pour s'acquitter de leurs obligations, les producteurs ont le
choix de mettre en place des structures collectives à but non lucratif,
appelées éco-organismes, ou de former leur propre système
individuel.
62 Ici, le décret et la FAQ de
janvier 2023 prévoient une période de tolérance jusqu'au
1er avril 2023, et proposent deux alternatives.
-> Soit la mention «Contient une substance
dangereuse» ou «contient une substance extrêmement
préoccupante» et les noms des dites substances, ceci au plus tard 6
mois après leur identification comme dangereuses et lorsque celles-ci
représentent au moins 0,1% en masse du produit.
-> Soit un lien internet direct vers l'application
Scan4Chem. C'est l'application qui se chargera alors de mettre à
disposition du consommateur l'information sur les substances
dangereuses.
Mélissa LAMY - Mémoire DU droit de l'environnement
- Université Bordeaux - 2022/2023 44
Re_Fashion est l'éco-organisme de la
filière textile, Ecologic est l'éco-organisme de la
filière sport.
Leurs rôles sont les suivants - exemple de Re_fashion
ci-dessous transposable à
Ecologic.
Un système d'éco-modulation a été
mis en place sur le textile:
Ce dernier a d'ailleurs fait débat. En effet, dans
une action intentée en 2017, l'éco-organisme Refashion a
contesté la modification du cahier des charges qui alourdit les charges
financières de l'éco-organisme en revalorisant les barèmes
de soutien aux acteurs de tri dans la filière textile, linge de maison
et chaussures relevant de la REP. Cette situation met en lumière la
question de savoir si le dispositif de la REP peut être qualifié
d'aide d'État selon le droit européen, une qualification qui
pourrait remettre en question le système dans son ensemble. Toutefois,
la Cour de justice de l'Union européenne sollicité par
Mélissa LAMY - Mémoire DU droit de l'environnement
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le juge français dans le cadre d'un renvoi
préjudiciel, a statué63 que le système de la
REP dans la filière textile ne constitue pas une aide d'État,
à condition que les subventions restent en contrôle privé
et n'empruntent pas la voie des ressources publiques (elle reste donc conforme
à l'article 107§1 du Traité). Il faudra désormais
attendre la décision du juge français pour être fixé
sur l'interprétation de cet éclairage donné par la CJUE
à travers . Mais cette affaire maintient l'attention sur la
complexité des filières REP.
Toutefois, si cette affaire vient apporter une nuance, la
dynamique initiale au profit de l'économie circulaire reste effective.
Le 20 avril 2023, Christophe Béchu et Bérangère Couillard
ont sollicité une accélération de la mise en oeuvre du
bonus réparation pour les articles textiles. De même, en juillet
2023, une annonce a confirmé qu'à partir d'octobre 2023, les
citoyens français auront la possibilité de
bénéficier d'une assistance financière pour la
réparation de leurs vêtements ou chaussures dit
«Bonus réparation». Ce soutien financier,
variant de 6 à 25 euros, s'inscrit toujours dans le cadre de la loi
Agec.
d. Climat, résilience et
écoblanchiment
Nous avons abordé cette loi à plusieurs
reprises tout au long de notre étude, il n'est pas nécessaire d'y
revenir.
En dernier lieu, il serait possible de citer la loi sur la
reconquête de la biodiversité du 8 août 2026 qui
prévoit un délit de mise en danger de l'environnement. Les
personnes ayant exposé l'environnement à un risque de
dégradation durable de la faune, de la flore ou de l'eau seront
passibles d'une amende de 250 000 € et de trois ans
d'emprisonnement.64
Un dispositif contraignant est en place, accompagné de
mesures répressives de nature civile, pénale et administrative,
visant tant l'entité morale (entreprise) que la personne physique du
dirigeant(cadre strict rigoureusement défini dans ce second
cas65). Néanmoins, il est manifeste que ce cadre
réglementaire demeure
63 21 octobre 2020 (affaire
C-556/19)
64 Article L.173-3-1 du Code de
l'environnement
65 Le droit pénal de
l'environnement recherche la responsabilité propre du dirigeant
au-delà de la responsabilité de la personne morale. Il incombe
personnellement au dirigeant de veiller au respect de la réglementation
et donc sa responsabilité peut être personnellement engagée
(Cass. crim., 28 févr. 1956, n° 53-02.879).
Le Code de l'environnement prévoit des peines
d'amendes: le fait est punissable dès lors que la
matérialité de l'infraction est constatée et des
délits avec des peines d'emprisonnement. En cas de faute d'imprudence,
de négligence ou de manquement à une obligation de prudence ou de
sécurité prévue par la loi ou le règlement, il y a
délits'il est établi que l'auteur des faits n'a pas accompli les
diligences normales compte tenu, le cas échéant, de la nature de
ses missions ou de ses fonctions, de ses compétences ainsi que du
pouvoir et des moyens dont il disposait.
Mélissa LAMY - Mémoire DU droit de l'environnement
- Université Bordeaux - 2022/2023 46
d'une récente instauration, d'où l'absence
actuelle de précédents judiciaires. Toutefois, cette situation
semble être sur le point de changer dans un futur proche.
En effet, les sociétés Adidas et New
Balance ont récemment été engagées dans une
procédure légale à l'initiative d'une plainte émise
par l'association Zero Waste France, alléguant des pratiques de
greenwashing. À ce stade, l'affaire est encore en cours d'examen. Est-il
possible que cette affaire aboutisse à une première
décision de principe, susceptible de jeter les bases d'une future
jurisprudence?
Le 2 juin 2023, la Commission Suisse pour la
Loyauté a reconnu que la FIFA s'est livrée à du
"greenwashing" en prétendant que la Coupe du Monde au Qatar était
neutre en carbone, ce qui est largement contesté. Bien que
cette décision n'ait pas de portée juridique contraignante, la
Commission jouit d'une renommée significative, ce qui implique que son
avis pourrait exercer une influence considérable sur les futures
décisions judiciaires en Suisse et au-delà, voire au niveau
international.
D'autres facteurs expliquent la présence
limitée de précédents judiciaires jusqu'à
présent. Cependant, les sanctions actuellement prononcées
demeurent peu nombreuses, en partie en raison des alternatives offertes par le
droit pénal, notamment la convention judiciaire
environnement.66 Cette convention, ayant une orientation
économique marquée, se matérialise sous la forme d'un
contrat conclu entre le parquet et le contrevenant environnemental, s'inspirant
des principes du droit de la consommation. Son objectif principal étant
de préserver la compétitivité des entreprises
françaises et de leur permettre de continuer à accéder
à des marchés publics et internationaux. En effet,
posséder un casier judiciaire peut entraîner l'exclusion de
certaines opportunités commerciales, d'où cette alternative.
Par ailleurs, dans le domaine du droit administratif, les
mesures favorisent souvent la remise en conformité lors des
contrôles, et les amendes ou les poursuites pénales restent des
mesures plus rares. Par exemple, parmi les 1 100 établissements
soumis à des contrôles en 2021 et 2022 concernant le greenwashing,
les enquêteurs de la DGCCRF ont émis 141
avertissements,
66 introduite par la loi n°
2020-1672 du 24 décembre 2020 relative au Parquet européen,
à la justice environnementale et à la justice pénale
spécialisée
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- Université Bordeaux - 2022/2023 47
114 injonctions, et seulement 18 procès-verbaux
pénaux ou administratifs ont été
dressés67.
Actuellement, il semble évident que le risque le plus
pressant ne réside pas dans le domaine juridique, étant
donné que les procédures légales sont souvent sujettes
à des délais considérables, exigeant probablement un
délai de deux à trois ans avant l'émergence des
premières jurisprudences. En contraste, le risque réputationnel
du "Name and shame" opère à une vitesse
vertigineuse. Initié par des consommateurs, des associations ou
même des sportifs de haut niveau de mieux en mieux informés
grâce aux évolutions législatives récentes, cette
tendance s'intensifie, gagnant également en présence sur les
réseaux sociaux professionnels, tels que LinkedIn, où des alertes
sur le greenwashing abondent. Par exemple, le récent
incident médiatique lié au Paris Saint-Germain lors de leur
trajet Paris-Nantes en avion reste dans les mémoires.
Néanmoins, malgré ces considérations, de
nombreuses entreprises demeurent fidèles à leurs convictions,
pleinement conscientes des implications que ces questions suscitent pour le
terrain de jeu de leurs utilisateurs sportifs, ainsi que pour leur
bien-être mais aussi de la viabilité de leurs activités
économiques. Par conséquent, en plus de se conformer
rigoureusement aux nouvelles exigences visant à remodeler de
manière structurelle leurs modèles économiques et leurs
chaînes de valeur, ces entreprises n'hésitent pas à
entreprendre volontairement des initiatives environnementales plus ambitieuses,
tout en tentant activement d'influencer positivement le marché pour
accélérer l'adoption de normes aux exigences plus
élevées.
67 Bilan de la première grande
enquête de la DGCCRF sur l'écoblanchiment des produits
non-alimentaires et des services