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L'administration coloniale allemande et les pouvoirs politiques traditionnels Duala et Bamun (1884-1916): une analyse de l'histoire politique du Cameroun


par Winnie Patricia Etonde Njayou
Université de Douala - Doctorat 2023
  

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CONCLUSION DU CHAPITRE I

Ce chapitre qui s'achève avait l'ambition de retracer les débuts de la colonisation allemande au Cameroun. Pour y parvenir, nous avons relevé le principe de l'hinterland et l'implantation progressive de l'administration coloniale allemande sur les pouvoirs traditionnelsBamounDuala et Bamun.Concernant les chefs Duala, nous avons établi la chronologie des différents cantons qui constituent sa structure sociale à savoir le canton BELL, AKWA et DEÏDO.Dans ce contexte,on ne peut nier la participation majeure des commerçants et des négociants allemands dans la prise de contact avec les chefs Dualaqui va aboutir à la signature de dizaines de traités dont le plus célèbre est celui du 12 juillet 1884. Ce traité marquera d'ailleurs l'entrée du Cameroun sur la scène internationale.A ce stade, nous avons évoqué l'origine du peuple BamounBamun, qui doit son création au jeune prince TikarNCHARE YEN ainsi que la naissance deux autres dynasties à savoir le peuple Bafia et le peuple Bansoh. Par la suite, le royaume BamounBamun va s'établir de manière durable grâce aux différentes conquêtes établies dont celle du village de Njimom. Partant de là, le Roi NJOYA, en tant que souverain BamounBamun, accueillera les agents allemands en 1902, ce qui marquera les premiers contacts de ce peuple avec les Européens. Les premiers agents seront les soldats et les missionnaires qui établiront dans un premier temps des relations cordiales voire chaleureuses avec le souverain. Et l'exemple le plus illustratif est celui du missionnaire GÖRING et du Roi NJOYA. Mais des dissensions ne tarderont pas à apparaître, et tout particulièrement, dans le domaine de la religion ; les pratiques religieuses chrétiennes seront sans cesse opposées aux pratiques coutumières traditionnelles telles que la polygamie ou la peine de mort.La remarque générale qui se dégage de ce chapitre est que le principe de l'hinterland a permis à l'Allemagne à travers la Conférence de Berlin de conquérir les terres africaines dont le Cameroun. Les peuples autochtones dont les BamounBamun et les Duala ont vu leur équilibre sociétal s'effriter mais cela ne les a pas empêchés d'en tirer profit à un titre ou à un autre.Chaque potentat africain sera à la recherche de son profit personnel au détriment des autres, ce qui conduira à la facilitation et l'asservissement de tous les pouvoirs locaux. Cette analyse nous permettra dans la suite de notre travail, d'aborder les dynamiques et les logiques de domination de l'administration coloniale allemande sur les pouvoirs politiques traditionnels BamounDuala et Bamun.

CHAPITRE II :

LES DYNAMIQUES ET LES LOGIQUES DE DOMINATION DE L'ADMINISTRATION COLONIALE ALLEMANDE SUR LES POUVOIRS POLITIQUES TRADITIONNELS BAMOUNDUALA ET BAMUN

Ce chapitre se consacre à la présentation des dynamiques et des logiques de domination de l'administration coloniale allemande sur les pouvoirs politiques traditionnels BamounDuala et Bamun.

Pour cela, il débute par la logique conflictuelle des relations entre les chefs Duala et les colonisateurs allemands. Par la suite, il nous permet d'apprécier celle de la coopération entre le SultanatBamounBamun et les agents coloniaux allemands.

Cette présentation des dynamiques et des logiques de domination nous permettra d'apprécier, à leur juste valeur, les transformations profondes consécutives à la domination coloniale et aux tentatives d'encadrement des pouvoirs locaux. Donc, l'examen porte successivement sur les dynamiques et logiques conflictuelles entre l'administration coloniale allemande et les chefs Duala(Section I), et sur les dynamiques et logiques conflictuelles entre l'administration coloniale allemande et le SultanatBamounBamun(Section II).

SECTION I : DYNAMIQUES ET LOGIQUESCONFLICTUELLES : CAS DES CHEFS DUALA

La société est histoire. Elle est constamment engagée dans un mouvement historique dans une transformation d'elle-même, de ses membres, de son milieu, des autres sociétés avec lesquelles elle est en rapport. Elle suscite, subit ou accueille sans cesse des forces externes ou internes, qui modifient sa nature, son orientation, sa destinée.

Que ce soit d'une manière brusque, lente ou imperceptible, toute société connait chaque jour des changements qui sont plus ou moins en harmonie avec son passé et suivent un destin ou un projet plus ou moins explicite571(*).

L'accès au commerce et le stationnement des navires marchands étaient par ailleurs subordonnés au paiement des chefs côtiers d'une charge du nom de « Kumi » ou « Comey ». Mais le plan des Malimba d'arrêter et de tuer tous les commerçants allemands établis au bord du fleuve ne réussit pas, ces derniers ayant pris la fuite pour regagner Douala. Lorsque l'explorateur Kurt VON MORGEN arriva dans ce territoire hostile quelques jours seulement après, il fut aussitôt pris pour cible par les Malimba.

Le 18 janvier 1890, YAMBE, le chef supérieur des Malimba débarqua subitement à la factorerie Woermann accompagné d'un deuxième chef rebelle, avec deux grandes pirogues de guerre remplies de guerriers dont la plupart sont armés de fusils modernes à culasse... Dès que les guerriers Malimba descendirent de leurs pirogues, VON MORGEN donna l'ordre à ses hommes de s'emparer d'eux. Mais l'arrestation dégénéra en bataille parce que les Malimba essayaient de se défendre.

Selon les indications de VON MORGEN, il y eut une trentaine de morts dont le chef YAMBE, et de nombreux prisonniers dans le camp adverse. La conséquence immédiate, la plus importante d'ailleurs, de l'anéantissement de la révolte des Malimba, qui, nous l'avons souligné, constituaient une barrière commerciale, fut la liberté de commerce sur toute la Sanaga inférieure.

Cette liberté du commerce fut matérialisée par la signature du traité entre le gouverneur Eugen VON ZIMMERER venu de Douala pour la circonstance, et les Bakoko représentés par leurs chefs qui achetaient les produits aux Edéa pour les revendre aux Malimba. C'est ainsi que le cours inférieur navigable de la Sanaga fut désormais ouvert au commerce jusqu'aux chutes. Peu de temps après, il fut possible à WOERMANN d'ouvrir une factorerie aux chutes mêmes où il pouvait acheter l'ivoire moitié moins cher qu'à l'embouchure du fleuve. Issus du grand Empire du Bornou, les Kanouri comptaient parmi les marchands et les artisans les plus rompus du Soudan central.

Avec leurs caravanes d'ânes chargées d'articles, ils sillonnaient les pistes de ces contrées du nord au sud, vendant les produits du Sahel, à savoir le sel, le natron, les parfums, les perles et les vêtements brodés, contre ceux de la savane, notamment les peaux, la teinture rouge, la cola, l'ivoire, mais surtout les esclaves dont l'Adamaoua était de loin le plus grand pourvoyeur de tout l'Empire peul. Le comité économique colonial décida de se faire renseigner par une mission spéciale, la Deutsche Niger-Benue-Tsadsee-ExpÉdition. Celle-ci quitta Hambourg le 11 février 1902, avec pour objectif d'étudier les procédés commerciaux en usage dans le Nigéria, de remonter la Bénoué pour en analyser le transit, de séjourner un an à Garoua et d'inventorier les ressources économiques de la Haute Bénoué,du Logone et du Chari.

A la fin de l'expédition, FritzBAUER, le chef de l'équipe, envoya à Berlinun volumineux rapport sur la valeur économique de l'Adamaoua et du Bornou. On peut distinguer deux voies de pénétration du commerce allemand dans l'hinterland nord du Cameroun : la voie Niger-Bénoué navigable jusqu'à Garoua, et la voie terrestre, c'est-à-dire à partir de la côte.Dès qu'une personne était proclamée chef par les autorités coloniales, il recevait des documents officiels, un livret, 572(*)une canne, des chapeaux, des drapeaux et des uniformes. Le « Hauptlingsbuch » du chef contenait diverses informations pour les administrateurs allemands comme le nom du chef et la distance séparant son village de la station administrative la plus proche.  En vue de collaborer étroitement avec les chefs, un « jour des chefs »573(*)fut déclaré dans chaque district.

A Douala, par exemple, le « jour des chefs » était le mercredi et le lieu des réunions, le plateau de Joss. Au cours de telles réunions, les administrateurs allemands rappelaient aux chefs leurs devoirs envers le régime. De leur côté, les chefs rendaient compte aux administrateurs des évènements survenus dans leurs régions respectives. Afin d'exécuter les ordres de l'administration, les chefs s'appuyaient sur la « Polizeiwalt », la police coloniale. Celle-ci était responsable du maintien de l'ordre public et agissait comme une force coercitive sur la population. Les autorités coloniales utilisèrent les « Machtcaberschiedsgericht », une institution judiciaire pour intervenir dans les affaires politiques locales, et pour manipuler les chefs traditionnels.Le siège de cette institution se trouvait à Garoua.

JacquesLOMBARD pense que l'étude de la position du chef dans le régime colonial ne donne pas seulement à la recherche un moyen d'élucider le fait politique traditionnel ; elle permet aussi de mettre en valeur une des formes d'opposition les plus complexes à la situation coloniale. Cette dernière a déterminé en effet un ensemble de réactions issues du groupe colonisé, qui ont varié selon les époques, selon la nature des sociétés précoloniales, enfin selon la forme de tutelle imposée par le colonisateur574(*). Pour lui en effet, la colonisation apparaît avant tout comme une domination politique affectant en premier lieu le statut des anciens dirigeants de la société colonisée575(*)576(*).Il suffisait de leur enlever le monopole du commerce intermédiaire - monopole que les Duala s'étaient réservés et qui leur avait été reconnu avant la signature du traité de protectorat - pour les réduire à la pauvreté et pour faire d'eux des autorités vidées d'une importante partie de leur substance577(*)578(*).

Par la suite, nous étudierons la question foncière liée à l'expropriation des terrains (Paragraphe I) et des sanctions encourues en cas de désobéissance des chefs Duala(ParagrapheII).

* 571 G. ROCHER, Introduction à la sociologie générale, Le changement social, Montréal, Éditions HMH, 1968, p. 5. Cité par J. TCHINDA KENFO, Colonisation, quêtes identitaires, pratiques élitistes et dynamiques socio-politiques dans les Bamboutos (Ouest Cameroun), XIXe -XXe siècle , Thèse pour le Doctorat Ph/D en Histoire, DEA en Histoire, Option : Histoire des relations internationales, 2016, p. 1.

* 572 Hauptlingsbuch.

* 573 Hauptlingstag.

* 574 J. LOMBARD,  Autorités traditionnelles et pouvoirs européens en Afrique noire. Le déclin d'une aristocratie sous le régime colonial, Paris, Armand Colin, 1967, p. 16.

* 575 Ibid, p. 91.

* 576 A. P. TEMGOUA, Le Cameroun à l'époque des Allemands (1884 - 1916), L'Harmattan Cameroun, 2014,pp. 101-102.

* 577 J. LOMBARD, Autorités traditionnelles et pouvoirs européens en Afrique noire. Le déclin d'une aristocratie sous le régime colonial, Paris, Armand Colin, 1967, p. 108.

* 578 A. P. TEMGOUA, Le Cameroun à l'époque des Allemands (1884 - 1916), L'Harmattan Cameroun, 2014, p. 102.

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