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Le rôle que joue l'apprentissage du français dans le processus d'intégration des migrants en structures associatives

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par Shazia Nazir
Université d'Avignon - Master didactique du FLE/FLS et éducation interculturelle 2017
  

Disponible en mode multipage

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    1

     

    Mémoire de Master :

    Didactique du FLE/FLS et

    éducation interculturelle

    2016-2017

    LE ROLE QUE JOUE L'APPRENTISSAGE DU
    FRANÇAIS DANS LE PROCESSUS D'INTEGRATION
    DES MIGRANTS EN ASSOCIATION

    Présenté par Shazia NAZIR

    et

    dirigé par M. Luc BIICHLE, Maître de conférences à
    l'université d'Avignon, Laboratoire ICTT

    2

    REMERCIEMENTS

    Je tiens à remercier en premier lieu M. Luc Biichlé de m'avoir accompagné dans ce long périple que représente le mémoire. Je le remercie particulièrement pour sa disponibilité, ses encouragements et la pertinence de ses recherches qui m'ont beaucoup inspiré. Je tiens aussi à saluer son investissement parfois aux dépens de sa vie personnelle.

    Je voudrais aussi exprimer ma gratitude à l'association OGA et particulièrement à Mme France DETHAN, coordinatrice et formatrice du pôle linguistique, de m'avoir ouvert ses portes pour que je puisse effectuer mon recueil de données auprès des apprenants de l'association. J'adresse un grand merci aux apprenants de l'association qui m'ont fait confiance et ont bien voulu m'accorder de leur temps.

    J'adresse également mes remerciements à toute l'équipe enseignante du Master didactique du FLE/FLS et éducation interculturelle de l'université d'Avignon pour leur travail sur ces deux années.

    Enfin, je souhaite remercier ma famille et ma belle mère pour leur soutien et le confort qu'ils m'ont offert pendant cette période intensive de travail. J'envoie pour finir un grand merci à mon mari Samir en Chine pour ses conseils judicieux, son soutien et sa patience à toute épreuve !

    3

    SOMMAIRE

    INTRODUCTION 1

    I- Partie théorique ...4

    CHAPITRE I : LANGUE(S) ET DIDACTIQUE .4

    I-1 Enseigner le français : une nécessaire adaptation 4

    1.1 Catégoriser le français pour mieux cerner son public 4

    1.2 FLM/FLE/FLS 5

    1.3 Illettrisme et alphabétisation 6

    1.4 Des catégories à relativiser : une question de norme(s) 7

    I-2 Qu'est-ce qu'une langue/des langues ? .10

    1.1 Distinguer langue et parole.................................................................................10

    1.2 Une divergence sur la conception de la langue................................................... 11

    CHAPITRE II : LANGUE(S) ET POUVOIR 14

    II-1 Enjeux liés à la connaissance du français 15

    1.1 Parler c'est agir 15

    1.2 Ecarter pour mieux régner : langue vs langues 17

    1.3 Parler français : un facteur d'inclusion et d'exclusion 18

    1.4 Hiérarchiser les langues et leurs usages 19

    II-2 Enjeux liés à l'identité 21

    1.1 Interagir : un moyen de définir à la fois notre identité et notre altérité 21

    1.2 « Vrai français » vs « mauvais français » : une histoire de représentations......... 23

    4

    CHAPITRE III : LANGUE(S) ET INTEGRATION .27

    III-1 L'immigration : de la représentation à la réalité 27

    1.2 Le « problème » de l'immigration.........................................................................27 1.2 Origines et conséquences des représentations sur l'immigration................................29 1.3 Motifs de migration : entre volonté et obligation.....................................................32

    III-2 L'intégration .35

    1.1 Un processus continu et dynamique 35

    1.2 Intégration vs sentiment d'intégration...................................................................37 1.3 La maîtrise de la langue comme facteur d'intégration : conséquences d'une

    représentation prégnante.................................................................................... 38

    II- Méthodologie

    42

    1- Élaboration du projet de mémoire

    42

    2-Présentation du terrain : l'association OGA

    .43

    3-Présentation du corpus : les profils sociolinguistiques

    .44

    4-Les entretiens : l'élaboration du guide d'entretien et le choix de la méthodologie

    d'enquête 46

    5-Recueil des données : avant, pendant et après l'entretien .47

    III- Analyse

    ..52

    CHAPITRE I : LES PARCOURS SOCIOLINGUISTIQUES DE MIGRATION

    .52

    I-1 Les motifs de migration

    52

    1.1 La difficulté de catégoriser les départs de mes enquêtés

    53

    1.2 Les parcours de migration en détail et l'exemple du cas A34 : une migration économique

    et sociale volontaire ? 56

    I-2 Les langues en usage et leurs contextes d'utilisation 56

    1.1 Une démarche préconisée par le CECRL 56.

    1.2 L'arabe marocain et l'arabe classique/fusha 58

    1.3 Le français : une langue d'usage inconsciente 59

    5

    CHAPITRE II : LES EFFETS DE L'IDEALISATION DE LA NORME

    LINGUISTIQUE 60

    II-1 Le pouvoir de la norme ..62

    1.1 Des relations diglossiques entre les langues : le cas de l'arabe et du français...............62 1.2 Des relations hiérarchiques entre les identités : la norme comme indicateur de positionnement identitaire........................................................................................65 1.3 De l'insécurité linguistique comme répercussion : causes, symptômes et conséquence...69 .........................................................................................................69

    II-2 Parler français : entre contournement et affrontement de la norme 74

    1.1 Des représentations erronées des pratiques langagières des apprenants 74

    1.2 Des stratégies de contournement de la norme linguistique 78

    CHAPITRE III : L'APPRENTISSAGE DU FRANÇAIS ET L'INTÉGRATION .82

    III-1 Définir l'intégration ..82

    1.1 Les représentations des enquêtés : l'intégration perçue comme une démarche sociale....82

    1.2 Les difficultés de compréhension pour les niveaux débutants : les cas de M30 et A34 88

    III-2 L'association langue et intégration : une évidence ? 90

    1.1 Le sentiment d'intégration de mes enquêtés : des déclarations mitigées et axées sur l'autre...................................................................................................................90 1.2 Une fois pointée du doigt, le français semble effectivement être un facteur essentiel de leur intégration.............................................................................................................94

    CONCLUSION

    100

    BIBLIOGRAPHIE

    .103

    SITOGRAPHIE

    ..108

    ANNEXES

    112

    6

    INTRODUCTION

    Ce travail vise à prendre en compte de manière générale, l'enseignement et l'apprentissage du FLE/FLS auprès d'un public d'adultes migrants dans les structures sociales françaises. C'est particulièrement envers ce public d'apprenants que je mènerai ma réflexion pour ce mémoire parce que : « les caractéristiques de ces adultes migrants interrogent bien évidemment la didactique de notre discipline » (Barthélémy et al., 2011 : 111) et qu'à la différence des apprenants qui choisissent d'apprendre le français à l'étranger : « pour des raisons intellectuelles, professionnelles ou touristiques, les migrants arrivent le plus généralement contraints ou forcés (raisons familiales, économiques, politiques...) »(Ibid. : 112).

    Il s'agit de se demander au préalable comment est envisagé aujourd'hui la formation linguistique envers ce type de public particulier dont les motivations et attentes diffèrent d'un public FLE que l'on retrouve dans les écoles et centres de formations de type Alliances Françaises, Instituts Français, etc. Il est notamment important j'estime, d'essayer de comprendre comment en tant qu'enseignants de FLE/FLS nous sommes censés faire face à ces besoins d'apprentissage spécifiques. Ce terrain particulier sera l'objet de mon étude car il m'a paru important en tant qu'enseignante de FLE débutante de me préparer aussi à enseigner dans ce type de contexte.

    Mon travail prendra plus précisément en compte les apprenants des cours de FLE/FLS prodigués au sein d'une association avignonnaise nommée Office de Gestion et d'Animation (OGA). L'objectif de ce travail est de faire ressortir les représentations des apprenants sur l'articulation entre langue(s) et intégration. Cette relation quasiment automatique, est bien souvent guidée par une logique politique. Elle sera ici envisagée directement du point de vue des personnes concernées. Mon hypothèse est que la « maîtrise » de la langue du pays d'immigration facilite l'intégration d'un migrant mais qu'elle ne peut reposer que sur ce seul facteur comme on le prétend souvent en politique :

    « la question de l'intégration - notamment linguistique - des migrants est devenue dans un très grand nombre de pays européens un enjeu des politiques publiques - il serait plus juste de dire : un enjeu politique tout court » (Lochak, 2013 : 3).

    7

    En effet, l'apprentissage de la langue du pays d'immigration est souvent l'unique solution proposée pour l'intégration des populations immigrées, ce qui semble par ailleurs soulever un paradoxe entre la volonté de reconnaissance de la diversité culturelle et le choix d'une langue commune : « le partage de la langue commune et la reconnaissance de la diversité culturelle ont l'air de s'opposer » (Archibald & Chiss, 2007 : 7). C'est ainsi que très vite, nous basculons sur la question périlleuse et inévitable de l' « identité française » et de ce qu'elle implique pour les immigrés en termes de langue(s), de culture(s), etc. à adopter :

    « Dès lors, toutes les questions liées à l'immigration retentissent sur la définition de l' « identité française » en général. En ce sens, un travail sur les dimensions linguistiques, culturelles et éducatives de l'intégration des immigrés [...] participe d'un intérêt de connaissance qui importe au fonctionnement global de la société française » (Ibid. : 9).

    Il m'a alors semblé pertinent d'envisager au sein de la didactique du FLE/FLS, une démarche de réflexion dans ce sens. En termes d'approche méthodologique, je pense qu'il est important de s'interroger directement du point de vue des apprenants en situation de migration en leur demandant ce que représente les langues qu'ils pratiquent au quotidien pour eux ? Quelle relation entretiennent-ils avec le français ?, s'agit-il de la seule clé d'intégration pour eux ou existe-t-il d'autres moyens ? Si les réponses obtenues convergent dans ce sens, alors qu'en est-il des apprenants migrants ayant un niveau de maîtrise conséquent du français mais qui ne se sentent pas intégrés ? Pourquoi ne se sentent-ils pas intégrés malgré un niveau de français parfois équivalent à celui d'un natif ? Que leur manque-t-il pour y arriver ? Si la question de l'intégration est si présente dans ce mémoire, c'est tout simplement que j'y ai été confrontée dès mon arrivée sur le terrain. Ma problématique a été guidée par le thème de l'intégration car il m'a semblé être une préoccupation auprès des associations offrant des cours de français.

    J'ai constaté que l'objectif des acteurs au sein de ces espaces associatifs (formateurs et apprenants) vise principalement à permettre aux apprenants une intégration sociale (parfois d'urgence pour les demandeurs d'asile et réfugiés) à travers la langue. C'est pourquoi il m'a paru pertinent de m'intéresser à l'enseignement du FLE/FLS dans cette perspective intégrationnelle. Ce sera là l'occasion d'alimenter une didactique du français orientée vers ces structures sociales françaises.

    On oublie bien souvent qu'apprendre une langue, c'est aussi apprendre à se construire et à s'identifier dans une langue, dans une culture autre et à y trouver des repères en se

    8

    questionnant sur sa propre identité, mais aussi inévitablement sur celle de l'autre : « Quelle place idéale, aurais-je avec cette langue autre ? On voit immédiatement que cette question touche à l'identité mais inévitablement à la constitution de l'altérité » (Ibid.). Je souligne par là, tout l'intérêt de m'intéresser à ces deux perspectives car la réussite du processus d'intégration se fonde sur deux éléments « deux acteurs, la société et le migrant, le système et l'élément » (Biichlé, 2009).

    Pour conclure cette introduction, justifier ma démarche et la positionner au sein de la didactique du FLE/FLS, j'aimerais rappeler que l'enseignement d'une langue passe inévitablement par la confrontation avec la culture de l'autre : « car il n'est pas possible de communiquer dans la vie quotidienne sans mettre en oeuvre la compétence culturelle » (Kandeel, 2013 : 76), il n'est donc pas envisageable d'évoquer la didactique d'une langue étrangère sans aborder la didactique de sa culture (Zarate 1986). En parallèle de l'aspect linguistique, je traiterai également de la représentation de cette culture chez l'apprenant migrant. Cette prise en compte de l'altérité nous amène à soulever la démarche interculturelle préconisée par le CECR qui précise que l'objectif essentiel de l'enseignement des langues consiste à favoriser :

    « le développement harmonieux de la personnalité de l'apprenant et de son identité en réponse à l'expérience enrichissante de l'altérité en matière de langue et de culture. Il revient aux enseignants et aux apprenants eux-mêmes de construire une personnalité saine et équilibrée « (Conseil de l'Europe, 2001 : 9).

    L'enseignement/apprentissage du FLE/FLS parait ainsi étroitement lié aux notions d'identité et d`altérité d'après les recommandations du CECRL, nous pouvons alors aisément permettre un travail d'analyse de ce rapport à soi et à l'autre que sous-tend l'intégration, au sein de la didactique du FLE car « dualism exists in the construction of personal identity : the comparison of the Self to the Other, including both friends and enemies »1 (Tap, 2001 : 2). J'envisagerai ainsi un travail sur les représentations selon deux perspectives : le migrant vis-à-vis de lui-même et le migrant vis-à-vis de sa société d'accueil. Enfin, ce sont toutes ces considérations qui m'ont amenée à m'interroger sur le rôle que joue l'apprentissage du FLE/FLS dans le processus d'intégration des apprenants adultes en situation de migration.

    1 Un dualisme existe dans la construction de l'identité personnelle : la comparaison de soi à l'autre qui inclut à la fois les amis et les ennemis (Tap, 2001 : 2)

    9

    I- PARTIE THÉORIQUE

    CHAPITRE I : LANGUE(S) ET DIDACTIQUE

    Ce chapitre a pour but d'introduire et d'éclairer mon travail de recherche autour des notions de langue(s) et de didactique. Dans un premier temps, je ferai un rappel des notions relatives aux publics d'apprenants essentiellement présents au sein des structures associatives françaises et j'évoquerai la nécessité de s'adapter à son public tout en prenant du recul face aux catégories que j'aborderai (I-1). Dans un second temps, je m'attacherai à aborder la langue/les langues en tant qu'objet d'étude afin de souligner la difficulté éprouvée en tant qu'enseignant de langue à se situer en termes d'approche didactique (I-2).

    I-1 Enseigner le français : une nécessaire adaptation 1.1 Catégoriser le français pour mieux cerner son public

    Je souhaite commencer tout d'abord par préciser les sigles et catégories suivantes : FLM, FLE, FLS, Illettrisme et Alpha, car j'estime que ces informations sont nécessaires si l'on traite de la formation linguistique au sein des structures associatives françaises et plus précisément de celle où j'ai effectué mon recueil de données, car les publics présents ont des profils hétérogènes. Souvent ces profils d'apprenants se retrouvent au sein d'une même classe, par manque de moyens (financiers, matériels, humains, etc.) des structures. Ce qui soulève la difficulté, mais également la nécessité d'identifier pour le formateur, cette diversité de profils d'apprenants et de pouvoir les gérer simultanément, dans l'idéal.

    Ces appellations établissent des parcours d'apprentissage du français distincts les uns par rapport aux autres et sont principalement abordées d'un point de vue méthodologique : « c'est-à-dire au regard des contenus, des méthodes et des fonctions d'enseignement qui les rapprochent et/ou les éloignent les unes des autres » (Goï & Huver, 2012 : 25). Cette démarche de catégorisation du français soulève des besoins d'apprentissage hétérogènes que le formateur se devrait de prendre en compte en théorie, cependant les catégories suivantes :

    « ne peuvent pas être considérées comme des catégories exclusivement objectives
    [...] mais doivent être aussi vues comme subjectivement construites »
    (Ibid. : 25).

    10

    En effet, il ne s'agit pas de placer les apprenants dans des cases aux frontières établies et rigides mais plutôt de se représenter l'apprentissage du français sous la perspective d'un continuum en FLE/FLS/FLM (Auger, 2010 : 73) où l'apprenant serait libre d'évoluer à son rythme.

    Je précise que j'orienterai essentiellement mes explications pour la formation linguistique d'adultes migrants car il s'agit du public ciblé par ce mémoire. Par ailleurs, j'aimerais préciser en amont que la particularité des apprenants de mon étude réside dans le fait qu'ils apprennent la langue du pays d'immigration en situation d'immersion linguistique, ainsi « ils apprennent en milieu guidé, c'est-à-dire pendant les cours de langue, mais également en milieu social, c'est-à-dire « sur le tas » (Adami, 2012 : 20). Tout l'intérêt de cet apprentissage est ainsi de faire sens sur le quotidien de l'apprenant car ce n'est pas l'utilité de la langue qui est ici recherchée mais plutôt l'utilité de son apprentissage qui a: « une portée directe sur la vie quotidienne et les problèmes de motivation » (Ibid. : 20). La pertinence du travail de l'enseignant est ainsi immédiatement vérifiable en dehors du cours et l'apprenant peut juger de son utilité effective et c'est ce paramètre qui différencie ces apprenants des publics FLE traditionnels (Ibid. : 20).

    Désormais, je vais brièvement entrer dans le détail de ces catégories en mettant en avant les profils d'apprenants suggérés par ces dernières, le but étant d'avoir un premier aperçu des profils d'enquêtés constituant mon corpus.

    1.2 FLM/FLE/FLS

    Cette relative distinction se doit d'être explicitée car face à la diversité des sigles existants visant à encadrer les pratiques d'enseignement/apprentissage du français, il nécessaire d'y voir plus clair et de cibler ceux qui me seront utiles pour la bonne compréhension de cette étude.

    Premièrement, il est important de rappeler que je ne peux considérer que le français est la langue maternelle (FLM) ou l'une des langue(s) primaire(s) de socialisation2 de tous les apprenants de français et ainsi je ne peux me permettre de l'enseigner tel quel. Une réflexion didactique autour de l'enseignement du français a donné lieu aux catégories ci-dessous.

    2 Cette lexie a été empruntée à Luc Biichlé dans Langues et parcours d'intégration d'immigrés maghrébins en France, 2007 : 21, et sera utilisé dans cette étude pour les mêmes raisons qu'il évoque : la lexie « langue maternelle » pose problème car elle renvoie à la langue de la mère et écarte ainsi celle(s) du père ou d'autres proches ayant pu transmettre des langues dans l'entourage de mes enquêtés.

    11

    Le FLE prend en compte l'enseignement/apprentissage du français, en France ou à l'étranger, à un public dont la langue primaire de socialisation n'est pas le français. Les dispositifs de formation accueillent bien souvent des publics mixtes : migrants, Français analphabètes ou scolarisés, illettrés français ou francophones, primo arrivants, immigrés installés depuis une longue date, immigrés de seconde génération, etc. A cette diversité des profils d'apprenants s'ajoute une diversité sur la provenance géographique des migrants qui sont souvent de langues et de cultures éloignées du français et du modèle socioculturel français ce qui influence leur rapport au travail, à l'école et au savoir (Archibald & Chiss, 2007 : 273-277). D'autre part les niveaux de scolarisation et de qualifications sont très différents, il y a divers profils au sein d'une même classe ce qui rend les frontières voulues entre les groupes en formation rapidement floues (Ibid. : 274-275).

    Le FLS quant à lui a des acceptions larges selon l'auteur qui le définit et le pays concerné car il s'agit d'un concept lié aux notions de langue et de français et que sur « chacune des aires où il trouve son application, c'est une langue de nature étrangère » (Cuq, 1991 : 139). Il concerne un domaine d'enseignement du français « inscrit dans les pratiques depuis la fin du XIX° siècle, concernant les publics ruraux allophones et les publics scolaires des pays colonisés, mais dénommés comme tel depuis 1969 » (Hamez, 2014 : 1).3 Il s'agit de l'enseignement du français à des personnes dont la langue première de socialisation n'est pas le français mais qui vivent dans une région ou un pays francophone. Le FLS est une « langue non maternelle qui, dans le pays considéré, a un statut particulier » et représente une « langue d'enseignement » (Verdelhan-Bourgade, 2002 : 19). C'est le cas d'une grande partie du public qui compose mon corpus provenant majoritairement du Maroc où le français y est enseigné dans les écoles et est considérée comme une « langue de scolarisation » (Bigot de Préameneu, 2011 : 105). D'un point de vue didactique, le FLS se situe « entre la didactique du français langue étrangère (DFLE) et la didactique du français langue maternelle (DFLM) » (Ibid. : 105).

    3 Tiré sur le site du CASNAV : http://ww2.ac-poitiers.fr/casnav/spip.php?article350, inspiré des travaux dirigés par Jean-Pierre Cuq dans le Dictionnaire de didactique du français langue étrangère et seconde (2003) et dans Le français, langue seconde : origines d'une notion et implications didactiques (1991), consulté le 16/06/2017

    12

    1.3 Illettrisme et alphabétisation

    L'illettrisme concerne des personnes scolarisées en France (ou à l'étranger mais en français) n'ayant pas acquis une maîtrise suffisante de la communication écrite, parfois orale et les autres savoirs et compétences de base (Leclercq & Vicher, 2002). Ce public est constitué bien souvent de jeunes adultes ou d'adultes ayant connu l'échec scolaire et cumulant des difficultés diverses. Il se différencie de l'analphabétisme car il touche une population qui a fréquenté l'école. Les analphabètes et les illettrés ont cependant en commun d'être gravement gênés dans la vie quotidienne et/ou professionnelle (Bouyssière Catusse, Roques, et alii., 2011). En ce qui concerne le public alpha, il s'agit de personnes non ou peu scolarisées dans leur pays d'origine ou en France. Souvent âgé, ce public est constitué d'immigrés de la première génération débutants en lecture/écriture, ils sont parfois en France depuis plusieurs années (entre 10 et 25 ans), parlent et comprennent le français de manière approximative et proviennent majoritairement du Maghreb, d'Afrique de l'Ouest et de Turquie (Archibald & Chiss, 2007 : 276).

    Je rappelle qu'il s'agit là de différences de concept au niveau didactique et non linguistique « Personne ne parle le français langue seconde, pas plus d'ailleurs que le français langue étrangère (FLE) ou le français langue maternelle (FLM) » (Cuq, 1995 : 2). Ces concepts m'amènent aux moyens nécessaires à mettre en oeuvre pour que des apprenants s'approprient au mieux le français. Dans la continuité de cette réflexion didactique autour du français, je vais maintenant amener à relativiser ces notions en abordant la notion de norme(s).

    1.4 Des catégories à relativiser : une question de norme(s)

    Aborder la question de l'enseignement du FLE/FLS auprès des publics dans les associations en France c'est comprendre qu'il est nécessaire en pratique, de prendre du recul face à l'ensemble de ces catégories. L'enseignement du français est en effet à relativiser car il n'existe pas de méthode d'enseignement idéale tout comme il n'existe pas de langue idéale ; chaque formateur, en fonction de sa conception de la langue aura ainsi une conception d'une norme linguistique qui lui sera propre et qui le guidera sur le terrain. Elle prendra bien sûr, différentes formes en fonctions des différentes normes existantes car « la conception de la norme linguistique se manifeste à tous les stades du système d'enseignement français, avec des conséquences formatives diverses » (Debono, 2011 : 89). Par ailleurs, j'observe que ces

    13

    catégorisations ne peuvent pas prendre en compte la portée de l'appropriation qu'en fera le formateur et le sens qui lui donnera en pratique. D'autres facteurs relatifs au contexte d'enseignement/apprentissage sont bien sûr à ne pas négliger : objectifs de la structure et des formateurs, méthodologies mises en place, situation sociolinguistique, parcours personnels, académiques et professionnels des acteurs, etc. (Goï & Huver, 2012 : 26).

    Les enseignants ont comme fil conducteur une même langue (le français) sujette à différentes façons de l'enseigner en fonction de la norme qu'ils appliquent, du standard, ou du modèle qu'ils poursuivent :

    « On parle, on apprend, on acquiert un idiome qui a pour nom français, pluriel dans ses variations observables, bien qu'il soit fortement unifié par une norme écrite à tendance centralisatrice » (Cuq, 2013 : 2).

    En ce qui concerne le français et comme dans beaucoup d'autres langues, la norme qui prédomine pour guider l'oral est bien souvent écrite et se réfère à sa grammaire : « Nul n'est censé ignorer la loi linguistique qui a son corps de juristes, les grammairiens » (Bourdieu, 2001 : 71). J'ai été confrontée au poids de cette norme dans les énoncés de mes enquêtés qui l'ont évoqué comme étant une barrière vis-à-vis de leur intégration. Ces données me donneront ainsi des clés pour mieux comprendre les représentations de mes enquêtés quant à leur intégration en France et leur rapport à la langue. Je remarque en outre, le fait que cette norme linguistique prescrite a un pouvoir restrictif sur la parole, particulièrement pour les personnes en situation de migration qui parlent parfois d'autres variétés de français non reconnues : « un regard réflexif sur les contenus de cette grammaire révèle son caractère répressif à l'égard de la diversité et de l'élasticité des usages effectifs du français en France et hors de France » (Ibid. :71). C'est le cas de mes enquêtés qui ont appris le français au Maroc.

    J'ai pu montrer qu'il existe des sigles dont l'intérêt de les connaître pour l'enseignant est de mieux répondre aux besoins des apprenants par la prise en compte des spécificités de chaque public. Cette réflexion autour de la didactique du français me permet de mieux orienter mes pratiques sur le terrain. Cependant, la complexité et la diversité des terrains d'intervention ne laissent pas souvent de place à l'application de ces directives. Il reste néanmoins utile pour mon étude d'approcher ces notions car je serai amenée à les reprendre. Comme je l'ai brièvement évoqué, ces catégories relèvent de la conception d'une/des normes qu'un locuteur se fait du français et de ce qui entoure son enseignement.

    14

    Je peux d'ores et déjà entrevoir l'enjeu de ma problématique et voir le lien effectué entre l'apprentissage du français et l'intégration. En effet, il s'agit pour ces espaces de formation linguistique d'offrir aux apprenants une formation linguistique rapide et fonctionnelle, faisant office de tremplin vers l'intégration à la société, ainsi apprendre le français aurait pour ces apprenants un double objectif : celui de l'intégration au sein de la classe et plus largement à celle de la société (Chnane-Davin & Cuq, 2009 : 76) :

    « les aspects fonctionnels et la nécessité d'une certaine rapidité dans la formation se rejoignent dans la poursuite d'un objectif spécifique, celui d'une double intégration : à un groupe restreint (classe, groupe professionnel) et à un groupe plus large (communauté scolaire, socialisation dans un environnement francophone) » (Ibid. : 76)

    Enfin, j'ai pu observer que des normes régissent la façon dont on conçoit la langue mais aussi de son enseignement. Je peux me demander en quoi ces normes relatives aux domaines de la didactique et de la linguistique se sont retrouvées mêlées à des considérations politiques et ont menées à l'idée que l'intégration à une société devait passer par la maîtrise de « la langue ».4 C'est pour cela qu'il est utile de prendre connaissance des normes présentes à différents niveaux : que ce soit en didactique comme je viens de le montrer, au niveau institutionnel ou au sein de la recherche scientifique comme je le montrerai plus bas afin de mieux comprendre les représentations de mes enquêtés sur leur rapport à l'intégration en France.

    Je vais maintenant préciser dans la partie qui suit, ce que regroupe la notion de langue en m'appuyant sur des bases linguistiques et sociolinguistiques, toujours dans une volonté de préciser ma pensée pour cette étude mais aussi pour tenter de mieux comprendre les enjeux liés à l'enseignement et l'apprentissage du français.

    4 La langue est ici évoquée au singulier par opposition à « langues ». Distinction que je préciserai dans la partie II/ LANGUE(S) ET POUVOIR

    15

    I-2 Qu'est-ce qu'une langue/des langues ? 1.1 Distinguer langue et parole

    Mieux appréhender la notion de langue permet de mieux diriger son enseignement et amène à mieux comprendre ce que l'on attend des apprenants en classe de langue. Cette partie vise à reprendre et à expliciter l'opposition langue/parole et à positionner ma démarche d'analyse des discours de mes enquêtés.

    La pensée saussurienne effectue une opposition langue/parole : la langue est définie comme un système abstrait de signes qu'il est possible d'apprendre au sein d'une même communauté (De Saussure, 1916). La parole s'oppose à la langue et se définit comme l'usage effectif de la langue. La langue représente « le dispositif interprétatif partagé, présupposé par la parole individuelle » (Achard, 1993 : 4), elle joue un rôle majeur car elle est « nécessaire pour que la parole soit intelligible et produise tous ses effets ; mais celle-ci est nécessaire pour que la langue s'établisse » (De Saussure, 1964 : 37). Je constate alors « une coupure entre langue et parole, entre le système et l'actualisation individuelle - et sociale - de ce système » (Turpin, 1995 : 3). Si j'ai choisi d'aborder brièvement cette conception de la langue, ce n'est pas parce que je cautionne cette approche mais plutôt parce qu'elle constitue encore aujourd'hui une représentation prégnante de ce que doit être la langue et de comment elle doit être enseignée. J'aborderai plus en détail, dans mon analyse, les conséquences d'une telle représentation sur l'apprentissage d'une langue mais aussi sur le processus d'intégration des migrants en situation d'apprentissage.

    En ce qui concerne ce mémoire, c'est sur une perspective de la parole de l'apprenant en situation de communication ou de « discours » pour « l'usage effectif de la parole, acte de langage et non simple actualisation de la langue » (Achard, 1993) que mon étude portera soulevant ainsi le fait qu'il ne suffit pas de connaître une langue, il faut aussi connaître celle-ci au sein de son contexte social, c'est ce qu'on appelle la « compétence de communication » qui se définit comme « la connaissance des règles psychologiques, culturelles et sociales qui commandent l'utilisation de la parole dans un cadre social » (Hymes in Galisson, 1976 : 106). Une nouvelle façon de penser la langue et de l'envisager qui a eu un impact dans les méthodes d'enseignement/apprentissage dites communicatives en prônant l'idée que « pour communiquer, il ne suffit pas de connaître la langue, le système linguistique, il faut également savoir s'en servir en fonction du contexte social » (Hymes, 1974 : 34).

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    En effet, communiquer ne se réduit pas à la maîtrise de certains éléments linguistique, il ne s'agit pas non plus du simple fait d'être capable de parler et de faire une phrase correcte, cela va bien au-delà, il s'agit de comprendre que parler ne relève pas d'une pratique individuelle mais sociale car :

    « La compétence suffisante pour produire des phrases susceptibles d'être comprises peut-être tout à fait insuffisante pour produire des phrases susceptibles d'être écoutées... L'acceptabilité sociale ne se réduit pas à la seule grammaticalité » (Bourdieu, 1982 : 42).

    Je vais dorénavant approcher l'idée que la langue en tant qu'objet d'étude a vu naître une séparation idéologique entre deux domaines de recherche interdépendants : la linguistique et la sociolinguistique. Sans m'écarter de ma problématique, je pense qu'il est important de rappeler que la langue reste un objet d'étude conflictuel pour mieux comprendre les conflits liés à l'intégration à l'échelle de la société et précisément à l'échelle de mes enquêtés.

    1.2 Une divergence sur la conception de la langue

    J'ai traité dans la partie précédente, de la conception saussurienne de la langue comme étant à la fois « un produit social de la faculté du langage et un ensemble de conventions nécessaires adoptées par le corps social pour permettre l'exercice de cette faculté chez les individus » (de Saussure, CLG : 25) et c'est ce qui m'a permis d'aborder la notion de langue selon une perspective bien définie : celle de la linguistique structurale.

    Dans cette conjecture, il est « exclut du champ de la linguistique l'étude des « facteurs externes » influençant la langue, pour se concentrer sur la « linguistique interne » : l'étude de la langue comme système (Azeroual et al., 2016 : 255). Ainsi, la langue se réduirait à un système où les facteurs externes du contexte ne seraient pas pris en compte, on voit par là une perspective idéalisée où « l'étude des langues doit dégager les lois linguistiques qui gouvernent la langue » (Ibid.). On considère ainsi la langue comme un objet idéal qui exclut alors le locuteur et le contexte dans lequel il s'inscrit et se produit, ce qui selon moi ne peut être possible car : « Exclure le social de la langue, c'est exclure la relation entre la langue et qui la parle, c'est d'abord exclure la parole et son sujet » (Chudziñska, 1983 : 156). Pour mon étude, il m'est impensable de privilégier une approche décontextualisée des langues car elle efface la diversité des pratiques langagières existantes. Mes enquêtés parlent tous d'une façon

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    différente, ils sont le reflet de la diversité des variétés de français présentes en France. Leurs propos étaient pourtant tous aussi compréhensibles et exploitables, alors adopter une position de réflexion sur le système langue seulement m'est inimaginable car ce serait « privilégier la logique interne d'un objet abstrait-langue, privilégier le produit, le système et la structure au détriment des conditions de production et d'utilisation de ce produit » (Ibid. : 156).

    Cette conception saussurienne suggère une séparation dualiste entre la langue prise en compte d'une part comme un système et d'autre part considérée comme un fait social, ce qui soulève des critiques auprès des linguistes, amenant ainsi aux débuts d'une nouvelle discipline :

    « la séparation entre la langue comme système et la langue comme fait social a été critiquée par certains linguistes. Le refus de laisser de côté les « facteurs externes « dans l'étude de la langue a donné naissance à la sociolinguistique » (Azeroual et al., 2016 : 255),

    Cette discipline se présente comme « la structure et l'évolution du langage au sein du contexte social formé par la communauté linguistique » (Labov, 1978 : 258) et qui prend pour objet d'étude « les mêmes traits qu'en linguistique - phonologie, morphologie, syntaxe, lexique et sémantique - mais intègre aussi les facteurs sociaux expliquant l'état et les évolutions de la langue » (Azeroual et al., 2016 : 255). Sans pour autant renier les apports de la tradition saussurienne, j'aimerais me permettre de remettre en cause deux de ses postulats. D'une part l'idée que les faits linguistiques ne peuvent être compris « qu'à partir d'autres faits linguistiques (et qu'en particulier les changements linguistiques dépendent essentiellement de pressions et de caractéristiques internes à la structure de la langue) (Forquin, 1978 : 79) ; et d'autre part, le fait qu'un locuteur possède une intuition immédiate et complète de sa langue, de sorte qu' « il n'est pas nécessaire d'aller chercher dans le champ social des données linguistiques que chacun peut trouver en soi déjà toutes constituées et toutes prêtes pour l'analyse » (Ibid.).

    Il pourrait alors paraître redondant, sauf stratégie disciplinaire existentielle, d'inclure le « socio » dans la lexie « sociolinguistique » tant l'étude de la langue ne peut, être envisagée sans une nécessaire prise en compte de tout son aspect social car : « Au sens strict, la sociolinguistique est la linguistique elle-même » (Forquin, 1978 : 79) mais cette lexie tient là tout son sens car elle permet d'inclure ce qui a été négligé : l'aspect essentiellement social de

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    la langue. Ainsi, la sociolinguistique permettrait de prendre en compte « les variations en fonction des contextes (différences stylistiques) et en fonction des groupes sociaux (différences sociales) » (Ibid. : 79), ce qui expliquerait les différences de langage entre locuteurs. C'est cet aspect qui n'a pas été pris en compte par la linguistique, c'est à dire le fait que le système interne de la langue mais aussi l'aspect externe correspondant à son usage en pratique sont imbriqués en un seul et même système. Cette discipline témoigne ainsi des langues dans leur inévitable évolution, ce qui soulève tout l'aspect dynamique et vivant des langues et m'amène ainsi à mieux accepter l'autre et ses langues.

    Toute cette réflexion autour des langues m'a poussé à orienter ma démarche vers un paradigme de recherche se positionnant du point de vue de l'individu qui parle et interagit avec d'autres personnes et qui favorise la diversité des usages car : « No two speakers have the same language, because no two speakers have the same experience of language 5(Hudson, 1980 : 11).

    En conclusion de ce chapitre, j'ai pu établir un rappel des sigles permettant de catégoriser le français d'un point de vue didactique afin de permettre une meilleure lisibilité de ce travail, de me familiariser avec les publics composant mon corpus mais aussi j'ai pu observer des positionnements scientifiques autour de la notion de langue(s) et des divergences qui reflètent toute la complexité du rapport à la langue et de son encadrement tant au niveau didactique (pour les formateurs) qu'au niveau institutionnel (centres de formations, associations, etc.). Ainsi, je ne peux clairement définir ce qu'est une langue sans me heurter aux différentes conceptions des linguistes car au final il n'existe pas de langue unique mais des langues, je ne peux pas non plus donner une méthode d'enseignement idéale du FLE/FLS tant elle ne pourrait pas inclure toutes les spécificités d'un terrain, d'un formateur, d'un public, etc. Néanmoins j'ai pu donner une direction à cette étude en adoptant une position prenant en compte la diversité des usages linguistiques. J'adopterai alors pour mon analyse une position prenant en compte un ensemble d'éléments interdépendants que l'on pourrait qualifier « d'espace sociolinguistique » (Auzanneau et al., 2012 : 48) et considérant tout élément du contexte de production de la parole, qu'il soit sous-jacent ou manifeste, dans la mesure du possible :

    5 Personne n'a la même langue/le même langage parce que personne n'a eu la même expérience de la langue/ du langage. Il y a ici ambiguïté du terme « language » qui signifie en anglais à la fois langue et langage.

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    « des lieux géographiques et/ou socio-symboliques, des situations de communication, des réseaux, des activités et des types de relations interpersonnelles, ainsi que des variétés, langues ou usages, et traits disponibles comme ressources, et les relie dans une non dualité, et qui d'autre part, implique toujours qu'un espace donné soit relié à d'autres espaces sociolinguistiques, proches ou distants, potentiels, latents ou manifestés » (Auzanneau et al., 2012 : 49).

    Désormais, je vais aborder la question de la langue en tant qu'enjeu de pouvoir qui dépasse la sphère de recherche en sciences humaines et touche à notre quotidien et à ceux des apprenants. Comme le suggère ma problématique, il n'est pas anodin que l'apprentissage du FLE/FLS au sein des structures associatives rejoigne une visée intégrationnelle car elle représente un puissant outil de construction identitaire, culturelle mais aussi et surtout politique : « Le contenu symbolique des langues correspond à leur pouvoir identitaire, c'est à dire au reflet qu'elles offrent des nations les plus variées (Hagège, 2003)6. Cependant, cet outil politique qui permet à un individu de se construire une identité, d'intégrer des groupes, etc. l'amène aussi à se déconstruire et à l'écarter d'autres individus car la langue, en tant qu'enjeu de pouvoir « peut être générateur de conflit » (Ibid.). Ce sont ces éléments qui me permettent d'introduire la partie qui suit.

    CHAPITRE II : LANGUE(S) ET POUVOIR

    Les parties précédentes ont traité du rapport entre langue(s) et didactique, ce qui m'a permis d'évoquer le français sous différentes formes d'enseignement mais aussi de relativiser ces questions là. Aussi, j'ai pu traiter de la question de l'omniprésence de la norme linguistique au sein des sphères de la didactique du FLE/FLS et de la recherche en linguistique ou en sociolinguistique. Ces éléments m'ont permis de positionner ma démarche méthodologique d'approche de la langue en tant qu'enseignant de FLE/FLS mais aussi en tant qu'enquêtrice. Dans les parties qui suivent, il sera question de la langue en tant qu'enjeu de pouvoir tant linguistique (II-1) qu'identitaire (II-2).

    6 Issu du site officiel de Claude Hagège http://claude.hagege.free.fr/, consulté le 15/06/2017

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    I-3 Enjeux liés à la connaissance du français

    La connaissance du français est souvent perçue comme élément majeur d'intégration. Parler au quotidien, n'est pas anodin. Il révèle beaucoup de nos intentions sous-jacentes et offre un pouvoir à qui sait l'utiliser. Le migrant en apprentissage peut se sentir très vite écarté du fait de ces fonctions sous-jacentes de la langue. Je traiterai dans un premier temps de ces fonctions du langage puis, il sera question dans un second temps des enjeux liés à la (re)connaissance du français.

    1.1 Parler c'est agir

    J'ai pu montrer que les langues génèrent des divergences parmi les chercheurs qui tentent de les définir et de les encadrer. Si l'approche saussurienne écarte la parole au profit de la langue comme objet idéal, ce n'est pas le cas des approches interactionnistes qui s'intéressent elles à la parole et à son contexte de production : « le concept interactionniste, en revanche et à l'inverse, s'attache exclusivement à la parole et à son contexte (sont-ils dissociables ?) » (Biichlé, 2007 : 30). La parole du locuteur lui confère ainsi un pouvoir, celui d'agir sur autrui et sa réalité : « il est convenu de considérer que la parole a le pouvoir de faire des chose » (Ambroise, 2009 : 1). Ce pouvoir se formalise dans un concept qui est celui de « performativité » ou « d'acte de parole » (Ibid., : 1). C'est au sein de cette approche que l'accent est enfin mis sur la parole du locuteur que l'on retrouve impliqué dans des actes dits « performatifs », désormais « le langage fait autre chose que décrire, même par des phrases d'allure grammaticalement « normale » (Laugier, 2004 : 284).

    Toute l'attention est ainsi portée sur le locuteur dont le sens de ses propos dépasse la simple description de faits. Notons encore une fois qu'établir une phrase grammaticalement correcte ne permettra pas forcément à un interlocuteur d'appréhender le sens correct de cet énoncé.

    Un énoncé analysé hors de son contexte aura bien souvent peu ou pas de lien avec le sens réel de cet énoncé pris dans son contexte, ce qui m'amène encore une fois à ne pas me focaliser seulement sur la forme de l'énoncé en lui-même des discours rapportés par mes enquêtés mais plutôt à rassembler l'ensemble des éléments entourant ces discours et à les analyser tous ensemble car :

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    « l'analyse des actes de langage a montré que la détermination du sens d'un énoncé par des auditeurs a souvent peu ou même pas du tout de rapport direct avec ce que serait le contenu propositionnel de ce même énoncé lorsqu'on l'appréhende en dehors de son contexte » (Gumperz, 1989 : 130).

    Les approches interactionnistes rejoignent l'idée selon laquelle les langues en tant qu'outils de communication agissent sur autrui « Sans doute communiquer, c'est toujours une certaine manière d'agir sur l'autre » (Foucault, 2001 : 1052-1053) et représentent un instrument de pouvoir « Les rapports de communication impliquent des activités finalisées [...] et, sur le seul fait qu'ils modifient le champ informatif des partenaires, ils induisent des effets de pouvoir » (Ibid. : 1052-1053). Parler et donc par le même mouvement interagir, renvoie à différents actes performatifs.

    Je précise ainsi que les paroles qu'un individu profère, ont un poids et sont interprétables comme des actes de parole7 : le simple fait de parler permet à un locuteur d'exercer une influence sur son interlocuteur et son environnement et suggère des actions. Ces actes de langage n'ont de sens que si l'on prend en compte leur contexte social de production car ils « se réalisent dans des activités langagières, celles-ci s'inscrivent elles-mêmes à l'intérieur d'actions en contexte social qui seules leur donnent leur pleine signification » (CECR, 2001 : 15).

    Maintenant, j'aimerais approfondir et expliciter ce sur quoi les approches qui ont été précédemment abordées se sont opposées : la conception de la langue. J'ai pu constater que la langue pouvait se concevoir comme singulière d'un côté écartant ainsi la parole de l'individu (approche structuraliste) ou plurielle d'un autre côté en prenant en compte les variations de celle-ci (approche interactionniste). J'aimerais maintenant m'arrêter sur la représentation textuelle de la langue dans les discours. Cette représentation réveille des tensions qui me ramène encore et toujours à la représentation que l'on se fait d'une langue et soulève pour mon étude toute la difficulté et la naïveté de considérer la langue comme un simple outil de communication.

    7 Speech acts. Théorie des actes de langage développée par John L. Austin (1962)

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    1.2 Ecarter pour mieux régner : langue vs langues

    Il est important de relever que bien souvent lorsque l'on retrouve la lexie « langue » au singulier, elle tend à effacer la pluralité des usages et variétés linguistiques existants, je constate alors qu'une force s'exerce dans le discours, et j'y perçois des enjeux de pouvoir qui m'amènent à une représentation de la langue supposée figée, se référant à un modèle unique auquel l'on se devrait d'adhérer, parfois avec violence « la langue, comme performance de tout langage, n'est ni réactionnaire, ni progressiste ; elle est tout simplement : fasciste ; car le fascisme, ce n'est pas d'empêcher de dire, c'est d'obliger à dire » (Barthes, 1977 : 14). Ainsi, la langue vue sous cette perspective monolithique serait vouée à porter en elle de la violence car nécessairement au service d'un pouvoir : « Dès qu'elle est proférée, fût-ce dans l'intimité la plus profonde du sujet, la langue entre au service d'un pouvoir » (Ibid.). Je souligne par-là, la force introduite dans la dimension politique de la réflexion sur la langue : une langue qui serait réduite à un espace clos qui oblige et impose : « l'espace langagier est en ce sens un espace d'enfermement ou de confinement » (Voisset-Veysseyre, 2013 : 8). Une réflexion qui rejoint ainsi selon moi la thèse saussurienne vue précédemment faisant de la langue un objet idéalisé.

    Il m'est possible d'y voir dans ce combat langue vs langues, la prégnance d'une norme, principalement orientée vers l'écrit en France (Gadet, 2003). Cette norme grammaticale donc, aura de lourdes conséquences sur la norme subjective : celle des représentations « qui, en dépit de sa variabilité selon les individus, induit des attitudes et des comportements particuliers parmi lesquels l'insécurité linguistique » (Biichlé, 2011 : 14).

    Enfin, dans tout rapport de force, il est possible de voir un dominant et un dominé. Si je suppose que nous parlons tous la même langue (une langue dominante), j'écarte et sous-estime alors les autres langues ou usages effectifs de la langue dite (les langues dominées). S'installe alors une hiérarchie dans les langues qui place le locuteur dans un rapport de force avec autrui, ce qui en fait un facteur pouvant tout autant l'intégrer s'il « maitrise » la langue dominante comme l'exclure s'il n'a pas de « maitrise » suffisante de cette même langue dominante qui comme je l'ai précédemment énoncé répond à un certain nombre de normes établies :

    « les représentations communes, incarnées par les langues, fonderont les identités qui génèreront des groupes, lesquels ratifieront, créeront ou changeront les formes linguistiques, générant des représentations qui, si elles sont partagées, fonderont des identités et ainsi de suite » (Biichlé, 2017)

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    C'est dans cette direction, que je propose de poursuivre avec la partie suivante qui traite de l'usage de la langue comme facteur pouvant tout autant inclure quelqu'un dans un groupe que l'écarter.

    1.3 Parler français : un facteur d'inclusion et d'exclusion

    Si les langues possèdent un pouvoir symbolique permettant à un individu de se positionner et qu'elles agissent ainsi sur sa façon d'être, je peux alors clairement faire un lien entre les langues qu'il parle et son identité: « La langue fait partie intégrante de notre identité et elle constitue un élément majeur lors de tout échange culturel et linguistique » (Tsokalidou, 2009 : 195). Ainsi, je peux considérer que ses actes de parole sont des « acts of identity » (Tabouret Keller, 1985). Il semble aujourd'hui important de s'interroger sur ce parallèle récurrent effectué entre la connaissance du français et l'intégration car en plus d'être un enjeu didactique pour les formateurs, la connaissance du français est devenue un enjeu sociétal et politique, critère d'intégration pour les populations immigrées :

    « de plus en plus souvent, c'est au nom de ce critère de la connaissance du français que notre société se propose de déterminer qui est apte à émigrer en France, à y résider et à en adopter la nationalité » (Biichlé, 2007 : 2).

    Les langues dont dispose un locuteur ont une valeur différente selon où il se trouve (géographiquement, socialement, etc.) et selon comment il les utilise. Ainsi la valeur d'une langue dépendrait de la compétence du locuteur à l'utiliser, de son statut social et de l'endroit où il se trouve/provient : « les linguistes ont raison de dire que toutes les langues se valent linguistiquement ; ils ont tort de croire qu'elles se valent socialement » (Bourdieu, 1977 : 23). C'est ainsi le locuteur qui ferait de ses langues soit un outil d'inclusion soit un outil d'exclusion selon sa compétence mais aussi selon le regard de ses interlocuteurs sur cette utilisation effective :

    « Les langues protègent ceux qui font appartenance. Très vite, les autres, les hors sein, les étrangers, les différents, sont mis en position d'exclusion, quand ils ne doivent pas être détruits. La loi des plus forts par la sélection naturelle a ici toute sa place » (Thiberge, 2012 : 75).

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    La façon dont s'exprime un locuteur le positionne vis-à-vis d'autrui et lui permet d'intégrer une identité, une posture plus ou moins légitime qui l'intègre où l'exclut d'un système dominé par des normes. Tout cela fonctionnerait comme un marché où la parole aurait une valeur prédéfinie :

    « Toute situation linguistique fonctionne comme un marché sur lequel le locuteur place ses produits et le produit qu'il produit pour ce marché dépend de l'anticipation qu'il a des prix que vont recevoir ses produits... » (Bourdieu, 1980 : 98).

    Je remarque ici, la comparaison effectuée entre une situation linguistique et le marché au sein duquel les discours seraient des produits ayant une valeur plus ou moins différente selon l'acception qu'un individu en fera et celle qu'autrui estimera. La solution que je pourrais proposer à un apprenant en situation de migration serait alors de lui permettre de comprendre la valeur de ses dires afin qu'il puisse ainsi s'adapter en fonction de la situation. Tout cela implique, qu'apprendre une langue passe alors aussi forcément et simultanément par l'apprentissage de savoirs nous permettant de comprendre : « les conditions d'acceptabilité de ce langage (Ibid. : 98) et d'« apprendre en même temps que ce langage sera payant dans telle ou telle situation » (Ibid. : 98). Ce travail constituerait ainsi l'objet d'un apprentissage prenant en compte le contexte de production des langues ce qui confirme qu'apprendre une langue est avant tout un acte social.

    La connaissance du français convoque un locuteur mais aussi son interlocuteur à des places définies. Ces places sont déterminées en fonction de leur niveau de français qui sera synonyme d'inclusion ou d'exclusion au sein de la société française. Ces notions que j'ai abordé dans cette partie, me permette de mieux comprendre les positions de mes enquêtés sur leur sentiment d'intégration en France et le lien qu'ils en font avec leur niveau de français. Désormais, je vais m'intéresser aux langues et à leur traitement au niveau institutionnel. J'approcherai ainsi la notion de diglossie, et ce que cela implique pour l'apprenant de FLE/FLS.

    1.3 Hiérarchiser les langues et leurs usages

    Mes enquêtés proviennent pour la majorité de pays où la situation sociolinguistique ramène au phénomène de diglossie (Maroc et Liban). En effet, le concept de diglossie (Ferguson, 1959), a été largement inspiré par la situation sociolinguistique des pays du

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    Maghreb (Biichlé, 2007 : 65) et le Liban offre « une situation de diglossie, voire de triglossie entre l'arabe littéraire, l'arabe moderne et l'arabe dialectal libanais » (Habib, 2009 : 7). Ce phénomène correspond à la cohabitation au sein d'un même espace géographique de deux variétés éloignées d'une même langue : une variété haute (« High ») qui correspond dans le cas de mes enquêtés, à l'arabe classique/fusha et une variété basse (« Low ») qui se réfère pour eux à l'arabe dialectal marocain ou libanais.

    Ce qui m'interpelle dans ce phénomène de diglossie, c'est la séparation fonctionnelle des variétés : la variété basse correspond à la langue utilisée quotidiennement (famille, travail, amis) par les locuteurs issus de ces pays et la variété haute n'est jamais utilisée dans les conversations ordinaires, quel que soit le secteur de la communauté (Grosjean, 1982 : 131), elle est réservée aux discours politiques, sermons, cours universitaires, journaux, poésie, etc. (Ferguson, 1959 : 431).

    En ce qui concerne la situation du français en France, je me suis interrogée sur la légitimité d'un tel phénomène car ce pays reste « un cas paradigmatique des tensions entre monolinguisme et plurilinguisme, entre la langue et le pouvoir » (Harguindeguy & Cole, 2009 : 939). Néanmoins, il me semble que de telles interrogations se justifient du fait que la situation sociolinguistique de la France soit ambiguë envers la reconnaissance de ses langues : « dans une France qui a (plus ou moins) reconnu ses « langues régionales » et s'interroge sur sa diversité culturelle, les conflits de langues ont-ils pour autant disparu » (Ottavi, 2013 : 111). Dans mon analyse, je m'interrogerai à situer la situation sociolinguistique de la France et de celle des parlers de mes enquêtés et mettrai en lien ces éléments avec la notion de diglossie que je définis comme la cohabitation de deux variétés parentes en usage dans un même espace géographique :

    « l'une symbole de prestige, généralement associé aux fonctions nobles de la forme écrite d'une langue, variété haute, l'autre symbole des fonctions terre à terre de la vie quotidienne, variété basse chacune remplissant ainsi une part bien à elle dans la société et dans la vie des personnes » (Tabouret-Keller, 2006 : 114)

    Si je souhaite comprendre le rôle que joue l'apprentissage du français dans l'intégration de mes enquêtés, il me parait important de comprendre la situation sociolinguistique dans laquelle ils se trouvent. Les rapports de force engendrés par une situation de diglossie peuvent avoir des répercussions sur la reconnaissance de l'identité des

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    individus. En France, les dénominations des langues ont une importance car elles permettent de situer les pratiques des locuteurs et de déceler une hiérarchie entre elles :

    « La solution la plus communément adoptée, en français du moins, est l'attribution du nom de langue à la langue normalisée, de dialecte à la forme orale, ou d'un autre nom tel que parler, patois, idiome, parler étant le terme le plus général qui désigne l'ensemble des moyens d'expression employés par un groupe ou au sein d'un groupe » (Tabouret-Keller, 2006 : 110).

    Cette partie a été l'occasion pour moi de développer les enjeux liés à la connaissance du français, particulièrement pour des migrants en situation d'apprentissage. La partie suivante se situe dans la continuité de cette réflexion et permettra de développer les enjeux identitaires liés à la connaissance du français.

    II-2 Enjeux liés à l'identité

    La partie suivante vise à exemplifier le lien fort de la langue envers l'identité et le positionnement qui s'opère à la suite des interactions d'un locuteur. Cette partie démontrera également les effets de ces divisions identitaires sur les représentations d'une personne envers une langue et plus précisément sur la pratique du français.

    1.1 Interagir : un moyen de définir à la fois notre identité et notre altérité

    Comme je l'ai précédemment évoqué, la langue constitue un facteur d'exclusion tout comme d'intégration selon l'acception admise par un groupe (la norme dominante) et selon le rapport d'un individu vis-à-vis de cette acception (son niveau de langue face à la norme). Si je m'intéresse à l'identité d'un locuteur, que j'entends plurielle par essence car elle se situe dans une « multi-appartenance » (Charaudeau, 2009 : 3) du fait de son âge, de son sexe, de sa profession, de sa classe sociale, etc. (Ibid. 3) mais aussi du fait de la situation actuelle de mon étude qui s'intéresse au phénomène migratoire et positionne donc dans: « une société qui se diversifie suite à des flux migratoires, l'identité montre différentes facettes notamment celle d'identité plurielle » (Reboul-Touré, 2011 : 17), je peux alors construire un lien fort entre langues et identité. Une identité que j'inscris comme le résultat d'un ensemble d'appartenances et de facettes :

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    « vous vous prétendez français, espagnol, japonais ; non, vous n'êtes pas identiquement, tel ou tel, mais [...] vous appartenez à l'un ou l'autre de ces groupes, de ces nations, de ces langues, de ces cultures » (Serres, 2003 : 114).

    Cette panoplie d'appartenances implique de manière plus ou moins explicite un ensemble de non-appartenances et c'est à travers les langues que ces appartenances et non-appartenances sont perceptibles car : « Notre langue structure notre identité, en ce qu'elle nous différencie de ceux qui parlent d'autres langues et en ce qu'elle spécifie notre mode d'appartenance » (Lamizet, 2002 : 5-6). Les langues de par leur implication identitaire positionnent un individu qu'il le veuille ou non dans un rapport hiérarchique vis-à-vis d'autrui, elles l'impliquent dans certains groupes et le poussent à en rejeter d'autres, ce qui le place ainsi paradoxalement :

    « entre « attirance » et « répulsion », entre identité et altérité [...] c'est « l'équilibre » entre ces deux pôles qui lui donne sa substance. On pressent, en outre, que l'obligation de se situer conduit l'individu à adhérer à des agglomérats sociaux et à en rejeter d'autres » (Biichlé, 2007 : 84).

    Ce rapport à autrui souligne la dualité de l'identité : l'autre est moi et je suis l'autre, l'autre étant mon semblable tout en étant différent de moi, ce qui rend l'identité : « au niveau même de sa définition, dans le paradoxe d'être à la fois ce qui rend semblable et différent, unique et pareil aux autres. Elle oscille donc entre l'altérité radicale et la similarité totale » (Lipiansky, 1992 : 7). En conséquence, pour mieux comprendre son identité, c'est à travers l'altérité et la relation qui s'installe avec autrui qu'il est possible d'y arriver et de mieux se situer : « Chacun accède à son identité à partir et à l'intérieur d'un système de places qui le dépasse (Flahault, 1978 : 58). C'est donc bien à travers les interactions avec autrui, et donc à travers la parole, que le phénomène identitaire prend forme. Cette relation qui s'établit avec et à partir de la parole permet à un individu non seulement de se situer mais aussi de situer l'autre : « il n'est pas de parole qui ne soit émise d'une place et convoque l'interlocuteur à une place corrélative » (Ibid. : 58).

    J'aimerais insister sur le fait que ces deux notions (identité et altérité) sont consubstantielles : on ne peut définir l'identité sans approcher l'altérité. L'identité implique ainsi une relation d'interdépendance entre la conscience de soi qui se construit à travers l'autre « on ne peut être soi-même seul. La conscience de soi ne se construit que dans une relation d'identification et d'opposition à autrui » (Lipiansky, 1993 : 35). Je peux aussi

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    ajouter que l'altérité découle du simple fait de notre existence en société « exister socialement c'est être perçu comme distinct » (Bourdieu, 1980 : 67). Enfin, je précise que l'identité se décline aussi bien de par son versant individuel (« je ») que de par son versant collectif (« nous »), les deux étant imbriqués et indissociables. Pour conclure, je peux dire qu'il est impossible de s'arrêter sur une définition de l'identité tant ce concept est dynamique, pluriel et polysémique « la dynamique identitaire ne peut plus être théorisée uniquement en termes de construction, fut-elle définie comme un processus continu et inachevé » (Demazière, 2007 : 17). Cette difficulté à définir la notion d'identité, je le rappelle, est similaire à celle que j'ai eu face à la notion de langue car toutes les deux sont bien souvent abordées dans leur singularité ce qui efface les autres langues et les autres identités possibles d'une personne.

    J'ai pu montrer que parler c'est interagir avec autrui mais aussi pouvoir se définir en tant qu'individu. Toute l'importance de comprendre pour l'apprenant que parler c'est agir sur ses interlocuteurs réside dans le fait qu'il pourra ainsi mieux appréhender son environnement et avoir un rôle actif dans son processus d'intégration. Je vais dorénavant me pencher sur une forme de pouvoir plus ou moins implicite qui imprègne chacun de nous et qui amène un individu à déterminer le bon du mauvais, à prendre parti, à juger, à évaluer, à analyser, etc. le monde qui l'entoure : il s'agit des représentations sociales (RS), que je vais définir dans la partie qui suit.

    1.2 Une histoire de représentations : « Vrai français » vs « mauvais français »

    Il est d'abord essentiel de comprendre la notion de représentations sociales (RS) car elles sont générées et transmises par le discours, elles « enracinent le discours dans un contexte symbolique familier pour les deux participants classiques de la communication (Negura, 2006 : 5). Ainsi, il parait pertinent de comprendre que « Chaque énoncé peut alors devenir un indicateur des représentations sociales qui participent à sa constitution » (Ibid. : 5) car je serai amenée dans cadre de cette étude à les analyser au sein des discours de mes enquêtés. Les affirmations qualifiant la parole d'un locuteur de « bon » ou de « mauvais » m'amène également à m'orienter vers les représentations sociales qui circulent dans chaque individu et lui permet de se positionner.

    Approcher les RS et leur fonctionnement est essentiel car elles permettent à un individu de se comprendre, de comprendre les autres et ainsi de pouvoir se comporter de manière adéquate en fonction de ces éléments de compréhension. Pour cela, l'individu crée et

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    absorbe des représentations qui lui permettent de se situer dans un espace constitué d'objets, de personnes, d'idées, etc. afin de « bien s'y ajuster, s'y conduire, le maîtriser physiquement ou intellectuellement, identifier et résoudre les problèmes qu'il pose » (Jodelet, 2003). Ces RS constituent « une forme de connaissance, socialement élaborée et partagée, ayant une visée pratique et concourant à la construction d'une réalité commune à un ensemble social » (Ibid.). Il est difficile de parler de représentation individuelle et propre à un individu car la RS possède 2 versants : l'un étant cognitif et individuel car elle émane certes d'un individu et de sa perception du monde et l'autre étant social et collectif car elle dépend d'états sociaux et de la collectivité dans son intégrité ; les deux ne pouvant être séparés car imbriqués (Durkheim, 1898).

    C'est grâce à ces représentations qu'un individu est capable de fonder des groupes, d'y adhérer ou pas, selon que ses représentations convergent ou pas avec celles du groupe fondant ainsi des identités collectives. Il est important de soulever pour mon étude que les RS ont permis à mes enquêtés de s'ajuster à une situation ou du moins à la représentation qu'ils se font d'une situation : ici celle de l'entretien. En effet, j'évoquerai dans mon analyse l'impact des RS sur mes enquêtés, sur leurs interlocuteurs, sur moi-même mais également l'impact de celles-ci sur mon recueil de données.

    Comme je l'évoquerai dans mon analyse, ces RS sont pratiques car elles permettent

    aux individus d'interpréter la réalité et de mieux appréhender l'autre. Elles possèdent une fonction régulatrice importante, en ce qu'elles régissent les relations entre les individus et leur environnement. Il est possible, par ailleurs de distinguer quatre fonctions essentielles de ces RS :

    · Une fonction cognitive, qui permet aux individus d'intégrer, dans leur système de pensées, de nouvelles informations (auxquelles ils adhèrent) afin de mieux comprendre la réalité,

    · Une fonction d'orientation, permettant aux personnes d'adopter des conduites et des comportements appropriés en fonction du contexte, ce qui engendre des attitudes, des opinions et des comportements (la RS possède notamment, un aspect prescriptif en ce qu'elle définit ce qui est licite, tolérable ou inacceptable),

    · Une fonction identitaire, qui a pour but de situer les individus dans leur environnement et de définir une identité sociale et personnelle gratifiante,

    · Une fonction justificatrice, qui permet de justifier telle ou telle pratique dans un contexte social donné (prises de position et comportement d'un groupe)

    (Abric, 1994 : 188).

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    L'importante quantité d'informations (et par conséquent, de représentations sociales) que l'environnement transmet à un individu, le pousse à effectuer un tri parmi celles-ci. Ce tri l'amène à former des stéréotypes définis comme des « croyances partagées concernant les caractéristiques personnelles, généralement des traits de personnalité, mais souvent aussi des comportements, d'un groupe de personnes » (Leyens, Yzerbyt & Schadron, 1996 : 24). Les stéréotypes permettent une économie cognitive considérable en ce qu'elles représentent des outils de simplification de la réalité. Ils aident à mieux comprendre une réalité complexe, constituent un gain de temps essentiel au fonctionnement cognitif d'un individu, j'estime ainsi qu'ils ont :

    « une fonction d'économie cognitive importante dans les activités de jugement et de perception dans la mesure où ils se résument à peu d'informations (quelques adjectifs le plus souvent) et que ces informations sont facilement accessibles » (Charron et alii., 2014 : 281).

    Les RS et les stéréotypes relèvent tous deux d'une activité collective (mais dépendent aussi de l'expérience individuelle) et modèlent non seulement la connaissance que l'individu a du monde mais aussi les interactions sociales. Il convient cependant d'établir une distinction car « la représentation sociale désigne un « univers d'opinions », le stéréotype n'est selon lui que la cristallisation d'un élément ; il sert seulement d'indicateur » (Amossy et alii., 2011). Aussi, l'avantage qu'il est possible d'attribuer à la représentation sociale par rapport au stéréotype, est celui de ne pas être chargée de connotations négatives car en effet « le propre de la stéréotypie, c'est d'être grossière, brutale, rigide et de reposer sur une sorte d'essentialisme simpliste » (Maisonneuve, 1989 : 141).

    En termes de transmission, les RS naissent, circulent et évoluent dans les rapports sociaux, elles sont façonnées par les interactions sociales (Billiez et Millet, 2001 : 33). Pour ce mémoire, je chercherai à comprendre le rôle joué par l'enseignement et l'apprentissage du français au sein du processus d'intégration de migrants et pour cela je serai amenée à prendre en compte leurs difficultés et blocages au sein de leur processus d'apprentissage. Certains apprenants sont affectés par ces RS car « certaines RS sont des obstacles, des voies de garage, voire des freins à l'apprentissage » (Py, 2004 : 15).

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    En conclusion, l'affirmation qui qualifierait le français de « bon » ou « vrai » se rattache à une représentation sociale du bon usage du français qui correspond au « maniement du français légitime, étiqueté comme le « bon » français » (Billiez, 1985 : 101) et qui est parlé par une classe « moyenne » ou « supérieure » : « Il est supposé pratiqué par les locuteurs ayant un statut social élevé, les autres variétés en étant dès lors regardées comme des déviances » (Gadet, 2003 : 18). Ce modèle normatif prônant un usage « correct » de la langue suppose un ensemble de pratiques linguistiques dominantes et légitimes. Par opposition, le « mauvais français » quant à lui correspondrait entre autres à « l`attitude qu'ont les francophones par rapport à la variation linguistique : tout ce qui n'est pas la langue standard est nécessairement mauvais » (Beaudoin-Bégin, 2011). Aussi, il est important de noter que ces représentations reposent sur la comparaison avec un français standard qui se confond bien souvent avec la langue parlée elle-même : « As probably the most highly standardized of European languages, the `French language' has come to be conventionnaly confused with that of standard language (SL) »8 (Twain, 2007 : 241). Ces représentations sociales permettent de mettre en évidence l'un des autres points essentiels de mon analyse : les représentations qu'ont mes enquêtés vis-à-vis de leur niveau de français et le lien qu'ils en font avec l'intégration.

    J'ai pu montrer les rapports entretenus entre les notions de langue(s) et de pouvoir à travers des enjeux définis en termes de pratique du français et d'identité des locuteurs. La prochaine partie fera le lien entre les langue(s) et la notion d'intégration.

    8 Considérée comme étant sûrement la langue européenne la plus standardisée, la « langue française » se confond de manière courante/conventionnelle avec la langue standard (SL) (Twain, 2007 : 241).

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    CHAPITRE III : LANGUE(S) ET INTEGRATION

    Cette partie entre dans le coeur de ma problématique en exposant le lien qu'il est possible d'effectuer entre langue(s) et intégration. Les représentations sociales ont été précédemment définies comme permettant à un individu de se représenter une réalité complexe. Je montrerai dans cette partie que le phénomène migratoire, en tant que processus complexe à appréhender, est particulièrement touché par un amas de représentations souvent péjoratives. Entre représentation et réalité, il semble difficile de comprendre pourquoi ce lien s'opère automatiquement. La part du réel dans cette représentation semble d'autant plus difficile à percevoir car il faut : « inclure dans le réel la représentation du réel » (Bourdieu, 1982 : 136). Je ferai en sorte d'aborder dans les parties suivantes, l'immigration sous l'aspect des RS mais aussi au travers des motifs réels d'arrivée de mes enquêtés (III-1) puis je tenterai de finir ma partie théorique avec les notions d'intégration, de sentiment d'intégration et j'associerai maitrise de la langue et intégration (III-2).

    III-1 L'immigration : de la représentation à la réalité

    1.1 Le « problème » de l'immigration

    Mon corpus comprend majoritairement des femmes et un homme provenant du Maroc mais aussi une femme provenant du Liban et une du Brésil. Ces personnes ont immigré en France pour des raisons diverses (travail, regroupement familial, droit d'asile, etc.). Ces profils parcellaires d'immigrés sont avant tout et simplement des parcours de personnes ayant quitté leur pays. J'entrerai plus en détail dans les profils de mes enquêtés dans la méthodologie. Il ne s'agit pas dans cette partie de reprendre l'histoire de la migration en France ni même d'insister sur le pays d'origine de mes enquêtés et de faire des correspondances de type : pays d'origine équivaut à tel profil d'enquêté, car mon but n'est pas de prendre en compte ces données trop générales pour en faire des liens incongrus avec le sentiment d'intégration de mes enquêtés. Par contre, je prendrai en compte les éléments liés à leur propre apprentissage du français dans le pays d'origine. Aussi, je rappelle que l'objet de ce mémoire reste l'étude des phénomènes linguistiques en lien avec des paramètres sociologiques et qu'il est donc important de soulever quelques aspects de cette discipline.

    Le problème que j'aimerais ici mettre en avant n'est pas celui de l'immigration mais plutôt celui de la problématisation de ce phénomène en France. En effet, depuis quelques

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    années, « la société, les institutions, les individus, prêtent une attention préoccupée au phénomène migratoire. Celui-ci revêt en ce moment des allures d'urgence » (Mahieu & Reca, 2007 : 733). Lorsqu'il est question d'aborder l'immigration et l'immigré, de manière systématique ils sont associés à une série de problèmes :

    « Produit, le plus souvent, d'une problématique imposée de l'extérieur, et à laquelle il n'est pas toujours facile d'échapper le discours (scientifique ou non) tenu sur l'immigré et sur l'immigration se condamne, pour pouvoir parler de son objet, à le coupler avec toute une série d'autres objets ou d'autres problèmes. Est-il d'ailleurs possible d'en parler autrement ? (Sayad, 2006 : 16).

    Bien que l'immigration puisse être approchée et définie d'une manière neutre et simple : « Le terme « immigration », tel que nous l'employons aujourd'hui désigne non seulement le déplacement des individus d'un endroit à un autre, mais aussi le franchissement d'une frontière » (Noiriel, 2007 : 22) avec un raisonnement logique prenant en compte des faits, des personnes et des parcours : « cette immigration ordinaire relève [...] de principes de justification qui lui donnent son sens et sa raison d'être : travail, regroupement familial, recours à des soins, formation professionnelle ou poursuite d'études universitaires » (Laacher, 2005 : 102), elle est souvent détournée et réduite à la personne de l'immigré : L'immigré, c'est avant tout l'étranger qui vient s'installer « chez nous » (Ibid. : 22). Ces discours, contribuent selon moi, à placer les immigrés dans une situation de culpabilité intrinsèque, ils sont ainsi perçus d'emblée comme coupables : « Et comme l'immigré justement, parce qu'il est immigré, est toujours coupable d'une culpabilité qui excède l'infraction qu'il peut avoir commise » (Pallida et al., 2011 : 66). Ainsi, leur seule présence sur le territoire d'accueil suffit à les rendre fautifs : « La présence immigrée est toujours une présence marquée d'incomplétude, présence fautive et coupable en elle-même » (Sayad, 1999 : 401). Je constate que cette position de culpabilité attribuée aux immigrés renvoie à une situation où celui qui attribue est en position de supériorité et le schéma suivant se dessine : « Dominants - les citoyens du pays d'immigration - et dominés - les immigrés » (Pallida, et al., 2011 : 66).

    Après avoir abordé le « problème » de l'immigration, je vais maintenant m'intéresser aux sources qui ont généré de telles représentations et essayer d'en comprendre les raisons ainsi que les conséquences.

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    1.2 Origines et conséquences des représentations sur l'immigration

    Les immigrés suscitent effectivement bien souvent des représentations péjoratives. Il m'a alors semblé pertinent d'essayer d'appréhender les raisons de ces considérations étant donné que cela concerne mes enquêtés et que je pense qu'il est important d'essayer de saisir, en amont, comment ils sont représentés pour mieux comprendre ce à quoi ils sont confrontés dans leur vie. Ainsi, cela me permettra notamment de mieux interpréter leurs réponses lors des entretiens effectués et tenter par là une analyse plus appropriée. Parmi les raisons retenues j'observe que le migrant dérange de par son statut même et que les qualificatifs ne manquent pas pour soulever son étrangéité :

    « l'immigré est atopos, sans lieu, déplacé, inclassable [...] Déplacé, au sens d'incongru et d'importun, il suscite l'embarras; et la difficulté que l'on éprouve à le penser - jusque dans la science, qui reprend souvent, sans le savoir, les présupposés ou les omissions de la vision officielle - ne fait que reproduire l'embarras que crée son inexistence encombrante » (Bourdieu, 2006 : 13)9

    La question qui se pose au sujet de ces représentations sur l'immigré/l'immigration n'est pas de savoir si tout cela est vrai ou faux car chacun choisit d'adhérer ou pas à une opinion comme évoqué dans la partie précédente, mais plutôt de savoir (de manière quelque peu utopique) comment il est possible de stopper de telles idées : « Comment empêcher que se propage le virus d'une métonymie désignant non l'immigration, mais l'immigré comme coupable ? » (Morice, 2011 : 6) car elles contribuent également à l'émergence de représentations péjoratives allant jusqu'à la stigmatisation des migrants qui « subiront une perte de statut et seront discriminés au point de faire partie d'un groupe particulier : il y aura « eux » qui auront une mauvaise réputation et « nous », les normaux » (Noiriel, 2007 : 684).

    Une stigmatisation qui divise et amène à la création de deux groupes opposés, ce qui n'est pas sans me rappeler le « they code » et le « we code » (Gumperz, 1989) : une opposition entre « eux » (ce à quoi on ne s'identifie pas) et « nous » (ce à quoi on s'identifie). Les immigrés sont ainsi pointés du doigt par le groupe de référence « nous » (« notre identité », une identité nationale) représentant la norme du groupe majoritaire, et s'opposeraient par conséquent en s'inscrivant dans le groupe « eux » (« notre altérité »).

    9 Préface du livre d'Abelmalek Sayad : L'immigration ou les paradoxes de l'altérité, tome 1 : L'illusion du provisoire (2006)

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    J'insiste ici sur le fait qu'il s'agit d'une perspective réversible, en effet, la perspective que je viens d'évoquer pourrait très bien s'inverser et ainsi laisser place à la perspective des immigrés. On aurait alors un « we code » qui représenterait les immigrés, les étrangers en fonction de « tout ce qui définit l'idée qu'ils se font d'eux-mêmes, tout l'impensé social par lequel ils se constituent comme "nous" » (Sayad, 1994 : 8) et un « they code » qui correspondrait aux autres : tous les Français.

    L'ensemble de ces représentations placent les migrants et donc mes enquêtés par la même occasion, dans une position inconfortable dès leur arrivée, les laissant penser qu'ils ne sont pas les bienvenus. Si je prends en compte ce contexte représentationnel hostile, je peux déjà y voir l'un des freins potentiels à une intégration réussie.

    Si je cherche à comprendre la provenance de ces représentations au sujet de l'immigré/l'immigration, j'estime d'une manière générale qu'elles prennent source dans « la « pensée d'Etat », base anthropologique sur laquelle reposent tous nos jugements sociaux » (Sayad, 1999 : 400), c'est ce qui fonderait ainsi nos représentations a priori et inciterait certaines personnes à croire que l'immigration porterait en elle-même des maux mais aussi les amèneraient à décupler la culpabilité qu'il leur est attribué en cas d'infraction effective commise ou d'actes conflictuels :

    « Tout se passe comme si c'était l'immigration qui était en elle-même délinquance, délinquance, au regard de nos catégories de pensée qui, en la matière, sont, on ne le dira jamais assez, des catégories nationales » (Ibid. : 401).

    Parallèlement les outils de diffusion de ces représentions péjoratives au sujet de l'immigration contribuent à élaborer la pensée commune certes mais aussi à la rendre de plus en plus accessible à un grand nombre d'individus. Les principaux moteurs de cette propagation sont représentés par les médias et les journaux : « les représentations négatives des immigrants ont été élaborées d'abord dans les rubriques sociale, politique et internationale des grands journaux » (Noiriel, 2007 : 685) mais aussi les « hebdomadaires, [...] actualités télévisées, bref [...] tous les organes d'information qui fabriquent aujourd'hui l'opinion » (Ibid. : 684). Je précise également que les biais par lesquels passent ces représentations ont une importance certaine car ils contribuent à donner une perspective conflictuelle et accrocheuse aux informations diffusées autour de l'immigration :

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    « Ces phénomènes sociaux prennent une résonance particulière lorsqu'ils font l'objet d'un traitement politique ou médiatique : l'immigration s'y présente toujours comme un problème » (Rea & Tripier, 2003 : 3-4).

    Je remarque que le sentiment d'insécurité crée par ces informations provient d'institutions auxquelles, il est souvent accordé du crédit : « les discours politiques et médiatiques sur l'immigration font des immigrés une cause d'insécurité » (Ibid. : 3-4). Ces informations circulent auprès de tous et sont censées refléter la réalité de l'immigration à partir des mots et des discours choisis et construits par les médias, cependant il est intéressant de se demander s'il ne s'agit pas plutôt d'une réalité construite visant à nous influencer dans une vision péjorative des immigrés. En effet, ne serait-il pas là plutôt une question de perspective que de réalité car :

    « S'il est vrai que le langage reflète -- ou tente de refléter -- la réalité et l'interprétation que l'on donne de cette réalité, il est également vrai que ce même langage imprime un sens à la perception de la réalité qu'il interprète. Autrement dit, les mots ont un sens, et leur agencement dans le discours est censé faire sens » (Vianna, 2015 : 3).

    Si j'ai pu constater que l'immigré dérange par son statut, je peux aussi comprendre que l'origine même du mot entraine des peurs de par la difficulté à le définir, se laissant ainsi en proie aux dérives politiques : « Chargé d'incertitude, le mot même d'immigration véhicule des peurs. C'est pourquoi il est si souvent objet de passion politique » (Rea & Tripier, 2003 : 4). Aussi, face à la masse inconsidérable d'informations à ce sujet il est difficile d'empêcher selon moi, la propagation de telles RS car comme je l'ai montré plus haut, elles permettent un gain de temps et facilitent la compréhension des phénomènes complexes qui entourent un individu. C'est pourquoi je ne tenterai pas de définition arrêtée de ce phénomène car l'objet de cette étude sera de traiter des représentations sociales de mes enquêtés sur leur intégration en France et le lien qu'ils en font avec leur apprentissage du français. Cependant, je prends en compte ce qui a été vu dans cette partie comme un lien à ma problématique car : « l'immigration est principalement une question nationale via la problématique de l'intégration » (Favell, 2010 : 44).

    Dans cette partie, il m'a été possible de souligner l'un des premiers freins probables à l'intégration des immigrés : les barrières représentationnelles faisant de ces personnes des cas

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    à problèmes d'emblée. Je m'intéresserai par la suite aux motifs de départ de ces personnes, ce qui me permettra de mieux comprendre les raisons qui les ont poussés à immigrer en France. C'est ce qui m'amènera également par la suite, à émettre des hypothèses sur les écarts dans leurs parcours d'apprentissage du français et me permettra de mieux appréhender leur motivation à s'intégrer.

    1.3 Motifs de migration : entre volonté et obligation

    En ce qui concerne mes enquêtés et leurs choix d'immigrer en France, je peux déjà dire qu'il ne s'agit pas de migrations touristiques à caractère temporaire mais plutôt de migrations politiques et économiques ayant une visée d'installation sur le long terme. Parmi ces types de migrations, deux nécessités ont motivé leur départ : les uns ont choisi de migrer pour améliorer leurs conditions de vie, les autres parce qu'ils y ont été obligés pour sauver leur vie. On distingue alors la migration volontaire de la migration forcée. En ce qui concerne la migration volontaire, il s'agit d'un départ préparé et organisé. Au sein de mon étude il y a des personnes ayant immigré en France pour du travail ou celles ayant bénéficié du regroupement familial :

    « Il s'agit ici de familles où la décision d'émigrer a été prise dans le cadre d'une situation non extrême, où elles ont eu au moins le temps de préparer le déménagement. Les perturbations internes de la famille, ou externes à elle, qui déclenchent l'idée d'émigrer sont variées (raisons professionnelles, mariage avec un étranger, retour au pays après un séjour extérieur prolongé) mais la plupart du temps, elles relèvent d'une stratégie destinée à améliorer les conditions de vie » (Barudy, 1992 : 55).

    La migration forcée se différencie de la migration volontaire car elle n'est pas voulue et qu'elle résulte souvent d'une décision prise en urgence, pour mon étude j'évoquerai le cas des demandeurs d'asile en attente du statut de réfugié :

    « Dans ce cas, il s'agit de perturbations qui, par leur intensité ou leur durée, sont ressenties comme une catastrophe pour les membres de la famille. La décision d'émigrer émerge comme une réponse adaptative prise entre la vie et la mort. C'est le cas, par exemple, de la migration liée à des situations de répression politique, de guerre et de catastrophe naturelle » (Barudy, 1992 : 53).

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    Enfin, que la migration soit volontaire ou non, il y a les sans-papiers, ce sont des personnes entrées illégalement en France sans être en possession des documents nécessaires (passeports et visas) ou qui sont entrés légalement au début mais qui ont prolongé leur séjour au-delà du délai légal, on retrouve notamment les personnes déboutées du droit d'asile (Wihtol de Wenden, 2010 : 54).

    Dans tous ces cas, à leur arrivée en France, les migrants sont confrontés à de nombreux changements en termes d'identité (vêtements, habitudes culinaires, langue(s), etc.). Ce voyage interroge de manière incessante les composantes de leur identité et de celle du pays d'immigration car cette immigration apporte des changements culturels (Sallaberry, 2009). Le changement linguistique apporte le changement culturel pour le migrant car il va devoir apprendre à penser par le discours de la nouvelle langue car « la pensée s'informe dans du discours, et le discours, c'est la langue mise en scène socialement, selon les habitudes culturelles du groupe auquel appartient celui qui parle » (Charaudeau, 2009 : 16) mais aussi à revoir les représentations propres à son pays et à sa/ses langue(s) d'origine car :

    « la migration impose, dans la plupart des cas, la confrontation avec un ou des systèmes linguistiques différents, une sorte de (bi)multilinguisme « obligé », une remise en cause des représentations » (Biichlé, 2007 : 89).

    En effet, quitter son pays, c'est aussi changer de langue et apprendre à se débrouiller avec cette langue : « c'est se trouver en présence non seulement d'un système linguistique différent, mais d'une nouvelle manière de communiquer, de se définir soi-même par rapport au monde » (Lüdi et Py, 1986 : 56). Les migrants se retrouvent ainsi dans une situation de conflit cognitif entre l'identité qu'ils avaient dans leur pays d'origine et celle qu'ils doivent reconstruire/réajuster dans leur pays d'immigration, c'est pour cela que : « La migration reste par excellence un lieu de conflit identitaire » (Lüdi, 1995 : 242). Ce conflit cognitif s'opère également parce que le migrant doit apprendre à s'adapter à un nouveau contexte et ainsi développer de nouvelles aptitudes ce qui bouleverse ses anciennes aptitudes conçues pour son environnement d'origine :

    « la famille avant d'être bouleversée par les événements qui vont la pousser ou la décider à émigrer, avait développé dans son contexte des modalités adaptatives (comportements et croyances) dans le but de faire face à ses changements internes [...] et aux changements de son environnement naturel et social » (Barudy, 1992 : 52)

    La diversité des facettes identitaires présentes chez un individu témoigne de

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    l'impossibilité de considérer l'identité d'un individu comme monolithique. Chez les migrants, il est encore plus difficile de parler d'identité unique car en plein processus migratoire, leur identité évolue sans cesse : « le positionnement identitaire dépendra des pratiques sociales dans lesquelles les individus évoluent, et l'identité prendra de nouvelles formes selon le contexte dans lequel se déroule le discours » (Barbier, 2008 : 5). Ainsi, en prenant en compte tous ces éléments, il me parait plus pertinent d'envisager l'identité des migrants comme plurielle : « L'identité complexe, plurielle, ne serait-elle pas la règle plutôt que l'exception dans des situations de migration ? » (Lüdi, 1995 : 247).

    Les raisons pour lesquelles ces personnes émigrent jouent un rôle essentiel car elles conditionnent leur bonne installation en France. L'intégration de ces personnes en dépendrait même, tout l'enjeu pour ces personnes serait de passer outre ces barrières socioculturelles et de : « surmonter ses ruptures et conflits socioculturels afin de s'intégrer ou de se positionner dans la société globale » (Manço, 2002 : 71) car il se pourrait que ces premiers éléments puissent mettre :

    « en péril le processus de détachement par rapport aux personnes et aux expériences connues dans le milieu d'origine et, en même temps, constituer un obstacle au processus d'ouverture au nouvel environnement » (Barudy, 1992 : 55).

    L'intérêt d'évoquer ces profils de migrants c'est aussi de réaliser qu'en tant enseignants de FLE/FLS nous sommes en face d'apprenants mais surtout de personnes en situation de difficultés au quotidien car ils sont en plein chamboulement identitaire. La particularité de ce public en termes de didactique du FLE/FLS réside dans le fait que ces migrants en apprenant le français ont pour objectif de s'intégrer socialement « les migrants ont, en apprenant la langue du pays d'accueil, un projet et un objectif précis puisqu'il s'agit pour eux de s'intégrer dans la société » (Adami, 2012 : 20). Ainsi, la situation des migrants influencera le travail de l'enseignant qui s'orientera idéalement sur leurs besoins premiers au quotidien.

    J'ai pu constater que la position intermédiaire de migrant pouvait être difficile à porter pour un apprenant de FLE/FLS, dans la partie qui suit, je montrerai en quoi l'apprentissage du français amène à la question de l'intégration et quels sont les enjeux qui reposent autour de ces questions.

    III-2 L'intégration

    40

    1.1 Un processus continu et dynamique

    La question de l'immigration désormais prise en compte, il est maintenant question de l'intégration de ces migrants. En effet, se pose désormais la question de la logique d'intégration à adopter pour ces migrants mais aussi pour moi en tant qu'enquêtrice et individu faisant partie de cette société d'immigration.

    Tout d'abord, je précise que le discours sur l'intégration est un discours fondé dans la croyance (Laacher, 1992), il n'existe pas de définition fondée et prouvée sur le sujet qui amène à un résultat mathématique : tel comportement amène à telle intégration. Il s'agit plutôt d'un ensemble de représentations sur le sujet. En effet : « Tout ce qui touche à l'intégration relève avant tout de la croyance, même si les discours qui la concernent se parent le plus souvent de vertus scientifiques » (Sayad, 1994 : 8). Mon propos ici n'est pas de mesurer l'intégration de mes enquêtés au sein de la société française mais plutôt de comprendre le rôle que joue le français (et ainsi son apprentissage au sein des structures associatives) dans leur processus d'intégration de ces derniers. Je vais d'abord m'attacher à définir ce que j'entends par processus d'intégration et j'insiste ici sur la notion de processus car l'intégration est un cheminement qui n'a ni début ni fin : « C'est un processus continu auquel on ne peut assigner ni commencement ni aboutissement, un processus de tous les instants de la vie, de tous les actes de l'existence » (Sayad, 1994 : 8). En effet, si ce processus est difficilement perceptible car il est : « un processus inconscient, quasi invisible de socialisation, qui ne peut être uniquement le produit d'un volontarisme politique de la société » (Sayad, 1994 : 8), il reste cependant l'objet d'enjeux politiques visibles, que j'aborderai plus bas :

    « l'intégration désigne en sociologie un processus social quand, dans le débat public, il est à la fois un objectif (les politiques d'intégration) et un enjeu politique (la « crise du modèle d'intégration ») » (Tiberj, 2014 : 1).

    Afin de positionner l'intégration, je tiens à préciser qu'elle « s'oppose d'une part à toute forme d'exclusion, de ségrégation ou de marginalisation mais également, à toute forme de dissolution ou d'assimilation » (Biichlé, 2007 : 175). Dans la notion d'intégration, il y a l'idée d'accueillir un nouvel élément dans un système qui rétroaction oblige, modifie ce système et l'élément également :

    41

    « l'élément intégré n'est pas perçu comme devant être neutralisé, comme devant perdre ses caractéristiques initiales, même si des transformations sont supposées, dans le système intégratif comme dans l'élément à intégrer »

    (Tap in Manço, 1999 : 16).

    Il existe 3 cas de figures à la suite de la migration dans le pays que je peux positionner au sein d'un continuum incluant 3 pôles : ségrégation ou marginalisation, intégration et assimilation (Biichlé, 2009 : 36) :

    A chacune de ces positions s'opèrent des pratiques langagières différentes et des sociabilités diverses en lien avec les représentations sociales et les choix identitaires de ces migrants (Ibid. : 36). En ce qui concerne la première extrémité : la ségrégation ou marginalisation, elle correspond à une position d'exclusion volontaire du migrant qui refuse tout contact avec la société, sa langue, ses habitudes et qui « tend à se retrancher, ou à être refoulé derrière une barrière, à former un kyste, un ghetto, une tour d'ivoire » (Tap, 1988 : 12), ou subie par la société car elle peut résulter aussi de l'exclusion de celle-ci, ce sont ainsi les dysfonctionnements de la société et de ses normes qui empêchent l'intégration des populations qui ne correspondent pas d'entrée ou plus assez, à ces normes (Ravaud, 2000). Se retrouvent ainsi exclues du système aussi bien les personnes rejetées de leur plein gré, que celles qui n'y ont jamais eu accès car elles ne rentraient pas dans le cadre des normes établies. A l'inverse, la deuxième extrémité, l'assimilation, tend à effacer tout ce qui fonde l'identité du pays d'origine du migrant et l'amène à se fondre parfaitement dans les caractéristiques du pays d'immigration, il s'agit d' « un processus de convergence uniforme et unilatéral (straight line) des caractéristiques des immigrés vers une sorte de caractéristiques moyennes de la société d'accueil (Mirna, 2011 : 151). Ainsi, le migrant existe au sein « d'un corps unifié et central de la société d'accueil et c'est dans ce noyau que l'assimilation s'opère » (Ibid. : 151). L'assimilation peut pour certains, à tort selon moi, se confondre avec la notion d'intégration, elle est ainsi perçue comme « un processus qui consiste idéalement, à passer de l'altérité la plus radicale à l'identité la plus totale (ou voulue comme telle) » (Sayad, 1994 : 8). Dans ces deux extrêmes, il n'y a pas de confrontation entre les

    42

    représentations et les langues du migrant et celles de la société car il y a évitement des relations entretenues avec le présent (le migrant marginalisé) ou le passé (le migrant assimilé). En effet, il n'y a pas de position intermédiaire comme l'intégration où des mélanges s'opèrent entre l'identité du migrant et celle de la société car l'un se positionne dans un rejet total de la société (marginalisation) et l'autre se fond totalement à l'intérieur avec le rejet de l'identité d'origine (assimilation).

    J'ai pu déterminer ce que j'entends par intégration et ce que j'écarte, désormais j'aimerais préciser que cette étude se dirige vers l'analyse des représentations et des sentiments de mes enquêtés sur la notion d'intégration. Je vais ainsi préciser dans la partie qui suit la distinction qui s'opère entre les deux notions.

    1.2 Intégration vs sentiment d'intégration

    Comme je l'ai précisé, l'intégration est un processus difficilement mesurable, notamment parce qu'il s'agit d'un processus continu et inachevé sur lequel il est difficile de statuer :

    « C'est un processus dont on constate le terme, le résultat, mais qu'on ne peut saisir en cours d'accomplissement car il engage tout l'être social des personnes concernées (i.e. toute leur identité) et aussi la société dans son ensemble » (Sayad, 1994 : 8).

    En effet, un projet de cette ampleur aurait nécessité de réaliser une étude longitudinale et de prendre en compte d'une part, l'évolution sur le long terme des parcours individuels de mes enquêtés car : « le processus migratoire est non seulement un voyage à travers l'espace mais également un périple dans le temps » (Biichlé, 2007 : 270) ce qui confirme bien que « L'intégration en tant que processus introduit l'importance de la dynamique temporelle (historicité, construction, orientation) » (Tap cité par Manço, 1999 : 17) et d'autre part, il aurait fallu mesurer l'implication de la société dans ce processus car « les processus d'intégration sociale concernent autant les structures de la société d'accueil que la volonté des migrants de s'adapter » (De Pietro & Matthey, 2003 : 144).

    Cette étude prendra nécessairement une direction qualitative et se penchera sur le sentiment d'intégration de mes enquêtés car :

    43

    « L'intégration désigne en effet un processus multiforme, un ensemble d'interactions sociales provoquant chez des individus un sentiment d'identification à une société et à ses valeurs, grâce auquel la cohésion sociale est préservée » (Weil, 2005 : 47).

    En effet, l'idée de cette étude est de comprendre d'une part ce que comprennent et ce que pensent mes enquêtés de la notion d'intégration car souvent ce sont des critères personnels qui leur permettent de penser l'intégration : « ce qui frappe dans le point de vue immigré, c'est qu'il met forcément l'accent sur la dimension locale de l'intégration et qu'il associe volontairement intégration et réussite personnelle » (Lamchichi, 1999 : 150). Ensuite, il s'agit d'observer s'ils font un lien avec leur apprentissage du français, si oui lequel, et ainsi d'analyser le rapport qu'ils effectuent entre apprentissage de la langue et l'intégration.

    Cette représentation prégnante qui constitue à dire qu'apprendre le français c'est s'intégrer (Biichlé, 2015) est devenu un lien quasi automatique entre maitrise de la langue du pays d'immigration et intégration, ce qui représente une source d'insécurité pour les apprenants. C'est précisément ce point que je développerai dans la partie suivante.

    1.4 La maîtrise de la langue comme facteur d'intégration : conséquences d'une représentation prégnante

    J'ai pu justifier l'idée que la migration constitue le lieu du conflit identitaire et qu'il devient pesant pour le migrant de se confronter au poids des représentations qui lui sont assignées. La non maitrise de la langue du pays d'immigration peut également représenter une source d'angoisse et d'insécurité linguistique pour le migrant qui aura tendance à comparer son français à la norme d'un français imaginaire, un français enfermé dans une « idéologie uniformisatrice » (Blanchet et al., 2014 : 292). Mes enquêtés, en tant qu'apprenants, doivent se référer à une norme linguistique véhiculée par les institutions qu'ils fréquentent. Cette norme souvent idéalisée, par les formateurs de français eux même parfois, a tendance à écarter la parole des apprenants et à les mettre dans une situation d'insécurité linguistique où ils prennent conscience :

    « d'une distance entre leur idiolecte (ou leur sociolecte) et une langue qu'ils reconnaissent comme légitime parce qu'elle est celle de la classe dominante, ou

    44

    celle d'autres communautés où l'on parle un français « pur », non abâtardi par les interférences avec un autre idiome, ou encore celle de locuteurs fictifs détenteurs de LA norme véhiculée par l'institution scolaire » (Francard et al., 1993 : 13).

    Il est d'autant plus important de désacraliser le standard de la langue pour les apprenants en situation de migration car il s'agit non seulement de locuteurs en situation d'apprentissage parfois débutants et n'ayant pas forcément conscience de ces normes mais aussi de certains apprenants provenant de pays francophones n'utilisant pas la même norme : « La « sacralisation » de ces formes standardisées est l'une des causes de l'insécurité linguistique des locuteurs qui usent d'autres variétés ou d'autres langues » (Blanchet et al., 2014 : 283). En effet, c'est pour cela que le processus d'apprentissage, bien que difficile pour certains, sera déterminant dans le processus d'intégration car il représentera l'un des vecteurs facilitant son intégration et son émancipation au sein de la société par son usage pratique et pourra lui permettre d'exprimer entre autres, ses angoisses : « La langue est à la fois une source d'angoisses très importante, mais apparaît aussi comme une voie (ou voix) permettant la résolution de ces angoisses » (Lhomme-Rigaud & Désir, 2005 : 89).

    Après avoir interrogé mes enquêtés sur le rapport entretenu entre langue(s) et intégration et plus précisément entre apprentissage du français et intégration, il m'a paru intéressant d'aborder et d'envisager ce rapport sous l'angle de l'intégration linguistique perçu comme un processus « où les individus en situation de mobilité expriment, racontent comment la/les langue/s a/ont été un élément, une entrave, un objet de désir ou de rejet dans leurs processus d'intégration » (Calinon, 2013 : 27) et non pas comme un processus mettant en avant « le mythe du rôle primordial et suffisant de la langue dans les processus d'intégration » (Ibid. : 27) que l'on retrouve malheureusement bien souvent « dans les discours des politiques, dans les titres des médias, dans de multiples strates de la société et, parfois, chez les migrants eux-mêmes » (Biichlé, 2009 : 36).

    L'idée d'intégrer les personnes uniquement par la langue est récurrente « C'est par elle que se fait l'intégration sociale et c'est par elle que se forge la symbolique identitaire » (Charaudeau, 2009 : 15). Je postule plutôt pour une reconnaissance des langues/des discours afin de traiter de la question de l'intégration car elles constituent une richesse pour le pays d'accueil si elles sont considérées comme telles. En effet, la langue en tant qu'unique facteur d'intégration pose problème car elle écarte la diversité des pratiques langagières existantes

    45

    dont celles de mes enquêtés mais elle écarte aussi les autres facteurs permettant à un migrant de s'intégrer tels que les difficultés sociales d'accès au logement, à l'emploi, etc. : « La connaissance de la langue française ne suffit pas. Comme l'accès au logement, l'accès à l'emploi est au coeur des freins à l'intégration » (Candide in Archibald & Chiss, 2007 : 198).

    Deux imaginaires sur la langue sont en jeu lorsqu'il est question d'intégration, le débat se pose sur la conception même de la langue (débat déjà soulevé plus tôt avec l'opposition langue et parole) : doit-on traiter de la langue ou du discours lorsqu'il s'agit d'intégration ? D'une part, il est envisagé que l'intégration passe par une langue qui soit le reflet unique et commun à l'ensemble des cultures présentes dans les territoires parlant cette langue :

    « Une représentation unitaire de la langue qui est assez largement partagée dans différentes cultures. Elle dit que les individus s'identifient à une collectivité unique, grâce au miroir d'une langue commune que chacun tendrait à l'autre et dans laquelle tous se reconnaîtraient » (Charaudeau, 2009 : 14).

    On voit par-là, le pouvoir accordé à la langue comme objet de cohésion sociale et la volonté derrière d'homogénéiser et d'effacer la diversité des pratiques langagières au sein d'une seule et même culture, d'une seule et même langue. D'autre part, il y a un deuxième point de vue qui considère que la langue ne peut être représentative de toute une culture, c'est pourquoi il faut plutôt parler de discours :

    « la langue n'est pas le tout de la culture. [...] on peut se demander si c'est la langue qui a un rôle identitaire ou ce que l'on appelle le discours, c'est-à-dire l'usage que l'on fait de la langue [...].Contre une idée bien répandue, il faudrait dissocier langue et culture, et associer discours et culture (Charaudeau, 2009 : 15).

    Enfin, j'entends par-là que la diversité des cultures et des discours présents au sein des territoires francophones n'est que le reflet de la diversité des apports et des parcours de chacun, ces langues témoignent des mouvements d'une culture et participe à son inévitable évolution.

    La prise en compte des parcours de migration devrait permettre à l'enseignant de FLE/FLS de mieux comprendre ses apprenants et contribuer à personnaliser son

    46

    enseignement. Selon moi, la maitrise du français ne constitue pas un élément décisif de l'intégration du migrant. Il est d'autant plus incompréhensible de valider cette doxa qui ne différencie aucun migrant de l'autre, car la diversité des parcours migratoires ne permet pas de raisonner de la même façon. Chaque parcours est différent, par exemple, il m'est impossible de raisonner de la même façon avec une personne ayant fuit son pays en guerre dans l'urgence et n'ayant fait aucun apprentissage du français qu'avec une personne ayant minutieusement préparé son départ et dont l'apprentissage du français a démarré à l'enfance. Entrent également en jeu, les différences entre les systèmes linguistiques des apprenants. Cependant, je peux comprendre que si l'on se focalise autant sur la langue comme moteur de l'intégration, il s'agit peut-être d'un moyen de se détourner d'autres problèmes : « le rôle majeur que l'on octroie à la langue dans le processus d'intégration ne masque-t-il pas d'autres problèmes ? » (Biichlé, 2007 : 245). Ainsi, si j'accepte que la langue constitue certes l'un des facteurs favorisant l'intégration d'un apprenant, alors il est bon de se demander comment faire pour apprendre une langue dans son contexte et ainsi faire entrer l'apprenant au sein de la démarche actionnelle préconisée par le CECR sans d'abord s'intégrer ? Selon moi, la véritable question est bien de savoir si ce n'est pas plutôt en commençant par favoriser l'intégration et donc les interactions qu'on favoriserait l'apprentissage de la langue. Le problème ne se poserait plus en termes de didactique du FLE/FLS uniquement mais impliquerait de comprendre quels sont les autres facteurs à prendre en compte pour améliorer l'intégration des migrants.

    47

    II- MÉTHODOLOGIE

    1-Elaboration du projet de mémoire

    Mon projet de mémoire s'est construit en parallèle de la réalisation de mes deux stages (pédagogique et culturel) que j'ai réalisés au sein de la même structure lors du deuxième semestre du Master 2. J'avais déjà une idée de la thématique que je voulais traiter à ce moment là. En effet, lors de mes deux années de Master à l'Université d'Avignon, j'ai été très inspirée par mes cours traitant des relations entre les langues, l'identité et les représentations. Les stages ont été l'occasion pour moi d'observer des terrains d'enseignement/apprentissage du FLE fortement en lien avec ces cours. Je retrouvais des aspects à traiter qui se trouvaient en cohérence totale avec mes apprentissages théoriques et mon intérêt pour la problématique de l'apprentissage du français en contexte plurilingue. Je ne pouvais presque pas faire autrement en observant les cours là-bas que d'inclure le paramètre « intégration » à côté tant il était omniprésent.

    Que ce soit lors de conversations formelles ou informelles, je me suis rendue compte que l'intégration des populations immigrées en France était un réel enjeu pour les acteurs des terrains de la formation linguistique en associations. Souvent souligné comme un problème, l'intégration de ces personnes interroge. Il m'a aussi interrogé parce que je ne comprenais pas comment autant d'amalgames, de stéréotypes et d'ignorance sur la vie de ces apprenants fréquentant les cours pouvaient circuler et pourquoi l'intégration était toujours perçue à travers la langue et comme un processus engageant seulement les immigrés et non pas les membres de la société d'immigration. Il y avait un réel travail à effectuer au niveau de la conscience de l'autre et de son existence en tant que membre à part entière d'une société. Les démarches interculturelles engagées étaient plutôt des démarches culturelles en proie à un ethnocentrisme exacerbé. Beaucoup d'illusions sur l'enseignement du FLE/FLS comme je l'imaginais sont tombées et je me rendais compte de la dure transition entre l'aspect théorique et l'aspect pratique de ma formation. Au-delà, de ces paramètres, il y avait aussi un facteur affectif à ce sujet de mémoire. En tant que fille d'immigrée, les sensations éprouvées à la vue de ce contexte ne pouvaient que me faire réagir. Les situations observées m'étaient familières. Je voulais mieux les comprendre et aider les formateurs à engager une démarche de réflexion et de compréhension envers ces locuteurs. Ce fut donc un ensemble de circonstances qui m'ont amenée à choisir ma problématique qui est de comprendre le rôle que joue l'apprentissage du français dans le processus d'intégration des personnes en situation de migration.

    48

    2- Le terrain : l'association OGA

    La structure dans laquelle j'ai effectué mon recueil de données est l'association Office de Gestion et d'Animation (OGA) située dans le quartier de la Reine Jeanne, à Avignon. Les données ont été recueillies entre février et mai 2017. Cette structure oeuvre, de manière générale, dans les domaines suivants : soutien à la vie associative locale, animation, accompagnement social, formations linguistiques.

    Elle agit dans le but de créer du lien entre les habitants, les associations locales et les partenaires sociaux et développe également des services de proximité pour les habitants. Elle soutient notamment les initiatives locales. Elle propose sur le Grand Avignon un centre d'examen du DILF et engage des actions en faveur du développement d'un réseau linguistique. Les différents pôles d'actions de cette association sont les suivants : le pôle animation qui permet d'impliquer et de faire participer les habitants à la vie de leur quartier, le pôle accompagnement social qui a pour objectif de conseiller et d'apporter une aide administrative aux personnes en difficulté et le pôle linguistique qui gère les passages d'examen du DILF, les ateliers AEF (Action Educative Familiale), et organise des manifestations, des groupes de travail et de la formation. Il a pour but d'animer un réseau d'acteurs de la formation linguistique à l'échelle du Grand Avignon.

    C'est au sein du pôle linguistique et de l'AEF, en étroite relation avec les autres pôles, que j'ai effectué mes deux stages et recueilli les éléments constitutifs de mon corpus.

    Les publics fréquentant les cours à l'OGA cumulent pour la plupart plusieurs cours proposés par l'association en fonction de leurs besoins et de leurs disponibilités. Nombreuses sont les interventions extérieures au sein de leurs cours autour de la problématique de l'intégration. En effet, l'association, en partenariat avec différents acteurs de la ville et de l'Etat, doit traiter de certains sujets comme la citoyenneté, la laïcité, etc. Une grande majorité des publics présents sur ces cours et ateliers sont issus de pays maghrébins (Maroc et Algérie) et qu'il s'agit pour la plupart de mères de familles (entre 30 et 50 ans) ayant des enfants scolarisés à proximité des lieux de cours. Les cours s'adaptent d'ailleurs à ces caractéristiques en offrant des cours sur des créneaux où les mères peuvent se libérer pour aller chercher leurs enfants (9h-11h et 14h-16h).

    49

    3- Les enquêtés : profils sociolinguistiques

    Critères

     

    LES ENQUÊTÉS (Partie 1)

     

    (données recueillies entre février et mai 2017)

    sociolinguistiques

     

    A34

    F42

    G40

    H50

    H37

    Nationalité

    -Marocaine

    -Marocaine -Française

    -Brésilienne

    -Libanaise

    -Marocaine -Française

    Age

    34 ans

    42 ans

    40 ans

    50 ans

    37 ans

    Sexe

    H

    F

    F

    F

    F

    Statut

    Sans papiers

    Française

    Carte de séjour

    Demandeur d'asile

    Française

    Situation familiale

    -Célibataire -Sans

    enfants

    -Mariée -2 enfants

    -Célibataire

    -3 enfants au
    Brésil

    -Divorcée -3 enfants

    -Mariée

    -2 enfants

    Situation
    professionnelle/
    Qualifications

    - Petits

    travaux de

    BTP -Ancien chauffeur de camion

    - Scolarité :

    -Sans emploi

    -Scolarité :

    - Danseuse et animatrice -Scolarité

    :

    -Sans emploi -Ancienne professeure maths -Scolarité : Lycée

    de

    -Sans emploi -Scolarité :

    collège (Maroc)

    collège (Maroc)

    Lycée (Brésil)

     

    primaire (Maroc)

    Temps passé en
    France

    2 ans

    11 ans

    6 ans

    2 ans

    16 ans

    Motifs d'immigration

    Economiqu e, sociale

    Regroupement familial

    Professionnel

    Réfugiée politique

    Regroupement familial

    Langues

    parlées/comprises

    -Arabe marocain -Français

    -Arabe marocain -Tamazigh -Français

    -Portugais -Italien -Espagnol -Français

    -Arabe fusha -Anglais -Français -Turque

    -Arabe marocain

    et fusha -Français

    Apprentissage du

    français

    -Maroc :

    -Maroc :

    -Brésil : depuis

    à

    -Liban : à l'école

    3

    en

    Maroc : primaire-

    aucun -France :

    primaire-

    collège

    -France : depuis

    le collège -France :

    depuis l'âge de ans et en famille

    -France : depuis

    collège

    -France : stages,

    depuis mars

    2017 à
    l'OGA

    depuis 2017 l'OGA

    depuis 2017 en

    associations

    2016 en

    associations

    janvier 2017

    associations

    Critères

     

    LES ENQUÊTÉS (Partie 2)

     

    (données recueillies entre février et mai 2017)

    sociolinguistiques

     

    K43

    M30

    R46

    R47

    Nationalité

    -Marocaine

    -Marocaine

    -Marocaine

    -Marocaine

    50

     
     
     
     

    -Française

    Age

    43 ans

    30 ans

    46 ans

    47 ans

    Sexe

    F

    F

    F

    F

    Statut

    Carte de séjour

    Carte de séjour

    Sans papiers

    Française

    Situation familiale

    -Mariée -4 enfants

    -Mariée

    -3 enfants

    -Mariée

    -Pas d'enfant

    -Mariée

    -5 enfants

    Situation
    professionnelle/
    Qualifications

    -Femme de

    ménage à temps partiel

    -Scolarité :

    -Sans emploi -Scolarité :

    -Sans emploi -Scolarité : collège

    -Agent de propreté (en arrêt maladie) -Scolarité :

    collège (Maroc)

    (Maroc)

    Primaire (Maroc)

    collège (Maroc)

    Temps passé en
    France

    9 ans

    8 ans

    1 an

    26 ans

    Motifs d'immigration

    Regroupement familial

    Regroupement familial

    Regroupement familial

    Regroupement familial

    Langues

    parlées/comprises

    -Arabe marocain -Français

    -Arabe marocain et fusha

    -Français

    -Arabe marocain -Français

    -Arabe marocain -Berbère -Français

    Apprentissage du
    français

    -Maroc :

    -Maroc : primaire-

    -Maroc : primaire et

    -Maroc : primaire

    primaire-collège

    -France : depuis

    collège -Français :

    collège

    -France : depuis

    -France : stages,

    entourage, depuis 2016 en associations

    2016 en

    associations

    depuis 2016 en

    associations

    2017 en

    associations

    51

    4- Les entretiens : élaboration du guide d'entretien et méthodologie d'enquête

    Mon guide d'entretien (cf. page suivante) s'articule en deux parties : une partie répertoriant les données sur l'identité de mes enquêtés et une partie avec des questions et sous questions relatives à ma problématique.

    La première partie sur l'identité de mes enquêtés était souvent remplie à l'avance, à partir des fiches d'inscriptions des apprenants, pour ne pas perturber le déroulement des entretiens. La deuxième partie comprenant l'ensemble des questions suit une chronologie spécifique. La question 1, est une question de mise en route de l'entretien qui vise à prendre connaissance du parcours socioprofessionnel de mes enquêtés avant leur arrivée en France et leur situation actuelle. Les questions 2 et 3 permettent de recenser les langues de mes enquêtés, leurs contextes d'usages et leur rapport à la pratique du français. Les questions 3 à 7 visent à recueillir leurs représentations sur leur pratique du français et recherchent les situations où ils ont été en difficulté par leur pratique, les moyens évoqués pour y remédier et finit par traiter de leur représentation quant à l'expression « bien parler français ». Les sous questions correspondent à des relances, des reformulations et/ou à des approfondissements de la question principale. Ces questions avaient pour objectif implicite de faire ressortir leur positionnement vis-à-vis de la norme linguistique du français standard et à comprendre si les difficultés rencontrées au quotidien étaient dues au facteur linguistique ou pas. Les questions 8 à 10 soulèvent le coeur de ma problématique et visent de manière implicite à comprendre le lien qu'effectuent mes enquêtés sur la relation langues/intégration. Une dernière question, qui n'apparait pas sur ce guide a été prise en compte pour ces entretiens. En effet, après avoir obtenu les informations souhaitées de manière plus ou moins implicites, j'ai décidé de poser ma problématique de manière plus explicite en leur demandant clairement ce qu'ils pensaient du facteur langue dans l'intégration et parfois même pour les débutants s'ils pensaient que la langue était un facteur d'intégration. Ce procédé était volontaire et viser à croiser les réponses de deux types d'approches méthodologique d'enquêtes : semi-directif et directif.

    L'ensemble des entretiens se sont basées sur une approche semi-directive : je posais des questions et je laissais l'enquêté répondre en toute liberté. J'encourageais l'enquêté à parler, en le relançant, en reformulant mes questions et en laissant des temps de réflexion afin d'obtenir un maximum d'informations spontanées. Les questions qui ont été utilisées sont généralement ouvertes. Il m'est arrivé à plusieurs reprises de recentrer l'entretien sur ma problématique afin de ne pas perdre l'objectif fixé (Blanchet et Gotman, 2010). Cette progression a été réfléchie afin de prendre du temps pour mettre en confiance mes enquêtés et

    52

    aborder la problématique de l'intégration, qui constitue une question difficile et intime. Le choix de cette approche d'enquête par l'entretien individuel enregistré a été fait car, il s'agit selon moi de « la méthode primordiale pour obtenir un ensemble de données solides sur le discours d'une personne» (Labov, 1976 : 94).

    En ce qui concerne les enquêtés ayant un niveau de connaissance du français débutant (A.1.1), je précise que l'approche méthodologique a été légèrement différente. Lorsque j'ai fait le choix d'interroger ces enquêtés, le niveau m'importait peu, bien au contraire je voulais varier les niveaux et expériences vis-à-vis de la langue et du pays afin d'enrichir mon corpus de témoignages divers, de les croiser, les questionner, les analyser, afin de tenter de comprendre si la langue était vraiment le facteur important dans leur intégration. Je ne m'étais pas vraiment posé la question de la difficulté de compréhension d'une notion comme l'intégration car je pensais pouvoir l'expliciter au cas où mes enquêtés en ressentiraient le besoin. Confrontée à cette difficulté, j'ai d'abord reformulé mes questions dans des directions différentes dans l'espoir d'une réponse de leur part : « Connaissez-vous le mot intégration ? Être bien intégré ? Vous l'avez déjà entendu ? L'intégration, jamais vous ne l'avez-entendu ? Être intégré, vous connaissez ? A la télé, dans le journal ? » mais je me suis résignée à poursuivre pour ne pas créer trop de frustration chez ces locuteurs. C'est seulement à ce moment là que j'ai exceptionnellement donné ma représentation de l'intégration afin d'aider deux enquêtés en difficulté linguistique. Dans mon analyse, j'approfondirai ce point là en y exposant une réflexion plus globale tout en prenant comme appui ces deux enquêtés.

    GUIDE D'ENTRETIEN

    Nationalité :

    Nombre d'enfants :

    Situation familiale :

    Sexe :

    Age :

    Période d'arrivée en France et motif : Situation professionnelle/ qualifications : Langues parlées et comprises :

    1/ Expliquez-moi ce que vous faisiez avant d'arriver en France (études, travail, etc.) et ce que vous faites maintenant.

    2/ Quelles langues parlez-vous ? Quelle(s) langue(s)parlez-vous avec votre famille, vos amis ? Dans quelles occasions ? Avez-vous des préférences, lesquelles et pourquoi ?

    3/ Où avez-vous appris le français ? Pendant combien de temps ? Avec qui et quand le parlez-vous ? Avez-vous des amis français ?

    4/ Comment avez-vous connu l'association et depuis combien de temps la fréquentez-vous ? Que vous apporte-t-elle ? Fréquentez-vous d'autres lieux que cette association où vous pouvez pratiquer le français ?

    5/ Quelles sont les situations en France ou vous éprouvez/avez éprouvé le plus de difficultés pour vous faire comprendre ? Savez-vous pourquoi ?

    6/ Qu'en est-il d'aujourd'hui : est-ce qu'il est plus facile de vous faire comprendre ? Qu'est-ce qui vous a permis d'avancer ou qu'est-ce qu'il vous manque pour le faire ? Quels seraient d'après vous les moyens pour améliorer son français ? Le faites-vous ?

    7/ Selon vous, que signifie« bien parler français » ? Pensez-vous le faire ? Pourquoi ?

    8/Selon vous, que signifie l'intégration/ être« bien intégré(e) » ?

    9/ Avez-vous le sentiment d'être « bien intégré(e) » par les Français/la France ? Qu'est-ce qui vous permet de l'affirmer ou pas ? Qu'avez- vous fait pour y arriver ou qu'est-ce qu'il vous faudrait ?

    10/ Pensez-vous qu'il est facile de s'intégrer aujourd'hui en France? Pourquoi ? Quels conseils donneriez-vous à une personne étrangère qui souhaite s'intégrer en France ?

    53

    54

    5- Recueil des données : avant, pendant et après l'entretien

    Avant l'entretien

    Mon recueil de données s'est effectué de différentes façons. Une première prise de contact a été effectuée lors des cours où ma responsable de stage à ce moment là, me présentait comme une étudiante de l'université qui souhaitait interroger des apprenantes pour mieux comprendre le métier d'enseignant de français. Les personnes intéressées devaient m'en informer. Hors mis une ou deux personnes volontaires, le reste était assez méfiant et ne comprenait pas l'objet exact de mon étude. Ils avaient également peur que je travaille pour un organisme de l'immigration et que leurs propos soient rendus publics. J'ai du rassurer ces personnes en prenant le temps de les connaitre et de les rencontrer un par un pour qu'ils constatent que mon but n'était pas de les dénoncer ou de nuire à leur anonymat.

    Une fois ces réticences dissipées, j'ai fait en sorte de trouver un créneau et un lieu qui les arrange. La plupart sont des mères de famille qui assistent aux cours de 9h à 11h et de 14h à 16h afin de pouvoir aller récupérer leurs enfants à l'école. Pour ces personnes, il fallait soit faire vite (10-15 min par entretien) soit attendre les vacances scolaires pour trouver un meilleur créneau mais avec des conditions moins favorables au calme. J'ai été voir directement ces personnes en fin de cours pour leur demander leur accord pour m'entretenir avec eux et enregistrer tout en insistant sur le fait qu'ils resteraient anonymes (pas de nom ni de prénom) et que l'enregistrement ne servirait que dans un but universitaire. Ces personnes étaient rassurées et désiraient m'aider, ils ont tous acceptés, certaines personnes voulant même se faire interroger pour pratiquer le français.

    Pendant l'entretien

    Les entretiens se sont déroulés pour la plupart sur le lieu des cours (salles de classes, bureaux, etc.) ou à proximité lorsque ces lieux n'étaient pas disponibles (café, boulangeries, sur un banc, etc.). Les lieux étaient souvent choisis au dernier moment, en fonction de mes disponibilités et de leurs disponibilités limitées, lorsqu'une personne était d'accord pour s'entretenir avec moi, je sautais sur l'occasion pour réaliser l'entretien. Cela nécessitait que je sois toujours équipée de mon guide d'entretien, de mon PC portable et d'un microphone. Les lieux choisis n'étaient pas toujours calmes, ce qui compliquait l'entente et la compréhension des échanges. Mes enquêtés et moi-même étions proches afin de favoriser la compréhension et la convivialité de l'échange. Les questions posées ne suivaient pas toujours la chronologie du guide d'entretien afin de privilégier le cadre d'une conversation naturelle. Il m'est arrivé

    55

    de me retrouver interrompue par l'arrivée de connaissances de l'enquêté, ces personnes attendaient à proximité et parfois même, participaient à l'entretien, en voulant aider la personne interrogée. Ces interruptions étaient dues au choix des créneaux, soit avant soit après un cours. Il m'a fallut parfois intervenir pour que l'enquêté interrogée soit prioritaire et que son discours soit entendu. Ces personnes intervenant faisaient partie des cours que j'animais, ils m'ont parfois servi d'intermédiaire, lorsque je me trouvais face à une personne nécessitant une traduction français-arabe. Les entretiens ont duré en moyenne entre 20 à 40 minutes pour les plus bavards et ont été effectué à partir du logiciel audacity.

    Après l'entretien

    Ces entretiens ont été analysés en fonction d'une grille d'analyse (cf. tableau « critères d'analyse » de la page suivante). Les critères suivants ont été croisées : temps passé en France, langues parlées dans le réseau de mes enquêtés (famille, amis, travail), exposition au français, niveau de français et sentiment d'intégration. Au-delà des données de l'entretien en lui-même, certaines informations ont été recueillies après l'entretien lors d'échanges informels. Ces informations ont été précieuses et ont été prises en compte avec une note le précisant. Chaque enquêté a été codé par une lettre et un nombre correspondant à l'âge de l'enquêté, exemple : H50. Certaines questions ont été abordées et n'apparaissent pas sur mon guide d'entretien mais ont bien été transcrites. Aucune transcription phonétique des énoncés n'a été réalisée car elle n'apporterait aucune clé de compréhension à cette étude et qu'elle empêcherait sa lisibilité.

    Le traitement des données a nécessité une transcription des enregistrements effectués respectant la convention suivante :

    1. L'enquêteur (moi) : caractères en gras, pas d'italique Ex : Où avez-vous appris le français ?

    2. Les enquêtés : pas de caractères en gras, pas d'italique Ex : Au Maroc au début

    J'ai fait le choix de ne pas utiliser d'italique pour les transcriptions car cela m'a semblé faciliter la lecture des énoncés. Par contre au sein de mon analyse, j'ai estimé qu'il était nécessaire de bien distinguer les énoncés des enquêtés alors, l'utilisation de l'italique et des guillemets a été nécessaire sauf pour les énoncés situés dans un tableau car ils se démarquent de manière claire.

    56

    E N Q

    U Ê T É

    S

    CRITERES D'ANALYSE

    Temps
    passé en
    France

    Langues
    parlées dans le
    réseau
    (familial,
    amical,
    professionnel)

    Exposition au
    français
    (fréquence, lieux,
    personnes, etc.)

    Niveau
    de

    français

    (CECRL)

    Sentiment d'intégration
    (d'après les énoncés des
    enquêtés)

    A34

    2 ans

    Arabe marocain Français

    -Travail

    -OGA(2 /semaine)

    A.1.1

    pour moi [...] je pense,
    beaucoup de manque

    F42

    11 ans

    Arabe marocain Tamazigh

    -Associations (4 x/ semaine) -1 voisine

    B1

    Pas encore [...] je sais pas

    G40

    6 ans

    Français

    -Amis, compagnon -Association (4 x/semaine) -Travail

    B1

    ça dépend des personnes
    [...] par la France, je n'ai
    pas de problèmes

    H50

    1 an

    Arabe fusha Français

    -Associations (tous les jours) -Famille

    B1

    c'est un peu difficile [ ...]
    l'intégration n'est pas
    difficile pour moi jusqu'à
    maintenant

    H37

    16 ans

    Arabe marocain Français

    -OGA

    (2 x/semaine) -1 amie

    B1

    je fais ma possibilité [...] si
    on est
    quelqu'un de bien pourquoi
    pas

    K43

    9 ans

    Arabe marocain Français

    -OGA

    (2 x par semaine)

    B1

    je sais pas si moi est-ce que je suis intégrée ou non

    M30

    8 ans

    Arabe marocain Français

    -OGA (4 x/semaine)

    A.1.1

    oui, oui, oui,

    R46

    1 an

    Arabe marocain Français

    -OGA

    (2 x/semaine)

    B1

    Oui, oui

    [...]je sens bien ici

    R47

    26

    Arabe marocain Berbère

    Français

    -OGA

    (2 x/semaine) -Enfants, Mari

    B1

    oui, moi je

    peux pas si on me dit « vas-y au Maroc »

    57

    III- ANALYSE

    CHAPITRE I : LES PARCOURS SOCIOLINGUISTIQUES DE MIGRATION

    Les personnes ayant immigré en France possèdent des motifs d'arrivée différents. Il est important de comprendre les raisons qui les ont poussés à émigrer pour mieux comprendre leur quotidien en France ainsi que les éventuelles difficultés auxquelles ils sont confrontés car ils ont une influence plus ou moins directe sur leur parcours d'apprentissage du français. En effet, si l'apprentissage du FLE/FLS pour un apprenant (hors parcours de migration) relève d'un acte motivé par des raisons d'enrichissement intellectuel, professionnel ou touristique, (Barthélémy et al., 2011 : 111), pour les migrants en France, les motivations sont différentes et déterminantes pour leur futur dans ce pays car ils « arrivent le plus généralement contraints ou forcés (raisons familiales, économiques, politiques...) » (Ibid. : 111).

    C'est pour cela qu'il me semble pertinent d'analyser en amont les motifs de départs de ces migrants car ils peuvent m'éclairer sur le rôle que joue l'apprentissage du français au sein de leur processus d'intégration.

    I-1 Les motifs de migration

    1.1 La difficulté de catégoriser les départs de mes enquêtés

    Comme je l'ai précisé dans ma partie théorique, mes enquêtés sont issus de migrations économiques et politiques et non pas touristiques. Il est par contre difficile de juger du caractère volontaire ou forcé du départ de leur pays d'origine. En effet, si pour certains il est clair qu'il s'agit d'un cas de migration forcée (H50) car motivé par la fuite d'une guerre, pour les autres (F42, H37, K43, M30, R46, R47, A34, G40), il est parfois difficile de les positionner dans la catégorie « migration volontaire ». Si je m'en tiens à ma théorie qui qualifie la migration volontaire de « départ préparé et organisé » alors oui, je peux qualifier ces départs de volontaires car : « la décision d'émigrer a été prise dans le cadre d'une situation non extrême, où elles [les familles] ont eu au moins le temps de préparer le déménagement » (Barudy, 1992 : 55). Aussi, je peux dire que ces familles avaient pour stratégie commune l'amélioration de leurs conditions de vie (Ibid. : 55).

    Cependant, lorsqu'il s'agit de migrants dont le départ est certes volontaire mais motivé par des raisons parfois similaires à celles de la migration forcée car « il s'agit de perturbations qui, par leur intensité ou leur durée, sont ressenties comme une catastrophe pour les membres de la famille » (Ibid. : 53), comment est-il possible de les positionner ? Ces

    58

    catégories préétablies m'ont fait prendre conscience de la difficulté de traiter dans le cadre de mon analyse de la diversité des parcours de migration existants. Cette difficulté réside dans l'objet même des sciences humaines et sociales qui vise de manière générale à étudier les êtres humains et leurs expériences. Il est donc juste de rappeler ici que mon analyse visera au mieux la prise en compte de la pluralité et de la complexité des parcours respectifs de mes enquêtés sans prétendre à l'exhaustivité.

    Après avoir évoqué ces obstacles, j'aimerais désormais aborder les parcours de migration respectifs de mes enquêtés en évoquant le cas particulier d'un apprenant (A34), dont le motif départ souligne ces difficultés de catégorisation.

    1.2 Les parcours de migration en détail et l'exemple du cas A34 : une migration économique et sociale volontaire ?

    Comme je viens de l'évoquer, positionner une personne dans une catégorie préétablie peut semer la confusion. En effet, les catégories que j'ai pu définir dans ma théorie : migration volontaire et migration forcée, ne m'ont pas permis de positionner tous mes enquêtés de manière cohérente. J'aimerais exemplifier par le cas d'un migrant dont le motif retenu est celui d'une migration économique et sociale (A34) (cf. colonne 4 du tableau 1, ci-dessous).

    Désormais, je vais expliquer plus en détail, à partir du tableau ci-dessous, la perplexité dans laquelle j'ai été plongée au moment où j'ai voulu placer mes enquêtés dans des « cases ». Ces catégories ont été créés à partir des motifs d'arrivée recensées par mes enquêtés.

    Tableau 1 : les motifs de migration

    Motifs de
    migration

    Réfugiée
    politique

    Professionnel

    Regroupement
    familial

    Economique et
    social

    Enquêtés

    1150

    G40

    F42, 1137, K43,
    M30, R46, R47

    A34

    Ces motifs ont été recueillis dès le début de l'entretien, lors de la première question énoncée : 1/ Expliquez-moi ce que vous faisiez avant d'arriver en France (études, travail, etc.) et ce que vous faites maintenant ? et proviennent également d'un recueil d'informations post-entretien. Il m'a semblé essentiel de commencer par ces éléments tout d'abord pour éviter d'entrer dans le vif du sujet épineux de l'intégration mais aussi afin de

    59

    mieux appréhender les parcours personnels de mes apprenants. En effet, je montrerai plus tard que ces motifs permettent d'établir des liens de compréhension avec leurs parcours d'apprenants en France et de croiser certaines variables. Ci-dessous, un complément d'informations permettant d'éclairer les motifs de migration de chaque enquêté présenté dans le tableau 1 et exposant un bref état de leur situation actuelle :

    - La première colonne prend en compte le motif de départ de mon enquêtée H50, il s'agit du cas isolé d'une femme libanaise de 50 ans ayant fui la guerre dans son pays natal avec ses 3 enfants il y a 2 ans. H50 a été scolarisé jusqu'en terminale. Elle était en activité dans son pays d'origine en tant que professeure de mathématiques dans le primaire. A son arrivée en France, elle a effectué une demande de statut de réfugié politique qui a été refusée mais elle a actuellement engagé un recours. Cette enquêtée est un cas de migration forcée pour les raisons expliquées plus haut.

    - La deuxième colonne traite du cas de G40, brésilienne de 40 ans arrivée il y a 6 ans en France par le biais d'une association franco brésilienne dans le cadre d'un projet professionnel de partage des pratiques. Elle était danseuse et animatrice dans son pays d'origine et l'est toujours ici en France. G40 s'est mariée avec un Français pendant cette période et dispose actuellement de la carte de séjour. Elle est aujourd'hui officiellement divorcée et célibataire. G40 est un cas de migration volontaire car il s'agit d'une démarche d'immigration anticipée, voulue et préparée.

    - La troisième colonne traite des cas de 6 migrantes entre 30 et 47 ans, arrivées du Maroc pour la majorité il y a au minimum 8 ans de cela et au maximum il y a 26 ans (F42, H37, K43, M30, R47). Elles ont toutes bénéficié du dispositif de regroupement familial10grâce au travail de leur mari respectif en France, sauf pour le cas particulier de R46, arrivée il y a 1 an par le biais d'une carte de séjour espagnole mais dont l'objectif reste néanmoins similaire à celui des autres migrantes citées précédemment : rejoindre un mari ou un autre membre de leur famille. La majorité de ces enquêtées ont arrêté leur scolarité de manière précoce : au collège (F42, H37, K43, M30, R46) ou au primaire (R47) et se sont mariées à la suite de cette rupture scolaire. Elles sont actuellement pour la majorité sans emploi, parfois sans raison explicite (F42), pour

    10Le regroupement familial est la possibilité pour un étranger non européen, titulaire d'une carte de séjour en France, d'être rejoint par son époux et ses enfants : https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F11166

    60

    d'autres du fait de la présence d'enfants en bas âge à garder (H37 et M30), de contraintes légales (R46 est sans papier) ou de contraintes physiques (R47 est en arrêt maladie). Seule K43 a récemment été employée à temps partiel en tant qu'agent de propreté.

    - La quatrième colonne traite du cas de A34, un homme marocain de 34 ans arrivé il y a 2 ans grâce à un visa touriste. Il a depuis décidé de prolonger son séjour en France au-delà du délai légal. Il est actuellement sans-papiers. A34 est célibataire et n'a aucune famille en France. Il a été scolarisé jusqu'au primaire au Maroc et a commencé à travailler à l'âge de 10 ans. Il était chauffeur de camion et peintre dans son pays d'origine et est aujourd'hui dans la continuité de son activité précédente de peintre en bâtiments et dans la réalisation de travaux d'entretien et de réparation.

    C'est précisément cette dernière colonne qui m'a interpellée. Elle a été particulièrement l'objet de doutes quant au caractère volontaire ou pas de son immigration. En effet, il est difficile de juger pour ce cas du degré d'anticipation et de préparation du voyage d'immigration. A34 venu en tant que touriste avait-il anticipé de rester en France ou pas ? Aurait-il été contraint de quitter son pays s'il n'avait pas eu à faire à la corruption et à la misère économique de sa situation là-bas ? En effet les informations recueillies après l'entretien avec A34 semblent indiquer que l'enquêté était excédé par la situation économique et sociale de son pays d'origine et me laisse donc supposer qu'il avait anticipé de rester en France mais aucune affirmation de sa part ne me permet de déclarer qu'il s'agit bien d'une migration volontaire.

    Les propos recueillis hors entretien (directement auprès de lui mais aussi auprès de la responsable chargée des tests d'entrée) m'ont laissée penser que son départ a été motivé par une situation qu'il estimait extrême. A34 m'a clairement énoncé que sa situation personnelle dans son pays d'origine était devenue insupportable et qu'il n'envisageait aucun avenir là-bas. Ce cas m'a amené à reconsidérer ces catégories de migration volontaire /vs/ forcée car il est difficile de placer selon des critères prédéfinis tous mes enquêtés. En effet, ce que l'on suppose comme volontaire peut ne pas toujours l'être : il m'était impossible de comprendre avant de prendre connaissance de son histoire qu'il s'agissait d'un cas de migration forcée et non volontaire.

    La situation de ce cas particulier me permet de réaliser toute la difficulté d'associer un cas théorique à un cas pratique et le recul nécessaire à adopter face à nos enseignements

    61

    théoriques. Il est également important de souligner la nécessaire adaptation à avoir en tant qu'enseignant de FLE/FLS face à son contexte d'apprentissage. Il m'est aussi possible, par ce cas, d'appuyer toute la subjectivité des constructions de catégories visant à répertorier les êtres humains dans des cases, comme je l'ai précisé dans ma théorie11, à propos de la catégorisation du français en vue de son enseignement :

    « les catégories suivantes f...] ne peuvent pas être considérées comme des catégories exclusivement objectives f...], mais doivent être aussi vues comme subjectivement construites » (Goi & Huver, 2012 : 25).

    Les parcours de migration ainsi évoqués nous ont permis de tracer les itinéraires physiques de mes enquêtés depuis leur pays d'origine à leur pays de migration (la France). Voyons désormais comment ces parcours migratoires se traduisent au niveau linguistique : quelles sont les langues en usage chez mes enquêtés, comment celles-ci interagissent entre elles, comment témoignent-elles des parcours de vie de ces personnes et des réseaux existants et quels en sont les aspects identitaires que l'on retrouve.

    I-2 Les langues en usage et leurs contextes d'utilisation 1.1 Une démarche préconisée par le CECRL

    Les motifs de migration précédemment évoqués ont poussé mes enquêtés à quitter leur pays. Que ces départs soient récents ou lointains, ils ont emporté et conservé ces langues avec eux. Ces langues sont le reflet de parcours d'apprentissage divers, en contexte scolaire ou non, et peuvent permettre aux formateurs de mieux comprendre le parcours d'apprentissage actuel de leurs apprenants. Ainsi cette partie vise à analyser les réponses liées à la deuxième et à la troisième question de mon guide d'entretien :

    2/ Quelles langues parlez-vous ? Quelle(s) langue(s) parlez-vous avec votre famille, vos amis ? Dans quelles occasions ? Avez-vous des préférences, lesquelles et pourquoi ?

    3/ Où avez-vous appris le français ? Pendant combien de temps ? Avec qui et quand le parlez-vous ? Avez-vous des amis français ?

    Ces questions pourraient s'apparenter à une brève biographie langagière (ici réalisée à l'oral) telle qu'elle est recommandée dans le CECRL car elle favorise la réflexion et la prise de conscience de l'apprenant sur ses apprentissages et lui permet de : « présenter son bagage

    11Se référer à la partie : I/LANGUES(S) ET ENSEIGNEMENT, I-1 Enseigner le français : une nécessaire adaptation, 1.1 Catégoriser le français pour mieux cerner son public.

    62

    linguistique et culturel et réfléchir sur ce bagage, par exemple la/les langue(s) de la famille, le voisinage, etc. » (Conseil de l'Europe)12.

    Ce moyen de retracer brièvement les parcours sociolinguistiques de mes enquêtés est selon moi, une étape nécessaire pour améliorer l'arrivée d'un migrant dans un centre de formation. Ce dernier dispose bien souvent de ressources enfouies car il a un passé qui implique bien souvent un bagage linguistique pluriel, une scolarité plus ou moins longue, un contact plus ou moins approfondi avec le français, etc. autant de facteurs qu'il est important de prendre en compte pour faciliter l'enseignement et l'apprentissage de la nouvelle langue. Cette biographie langagière traditionnellement effectuée à l'écrit pourrait très bien se faire à l'oral pour s'adapter aux niveaux débutants comme c'était le cas de certains de mes enquêtés. Elle constituerait un outil indispensable au formateur mais aussi à l'apprenant qui se sentirait considéré car la biographie langagière lui permet de :

    « mentionner ce qu'il sait faire dans chaque langue, ainsi que les expériences linguistiques, culturelles et d'apprentissages vécus dans le contexte éducatif formel ou en dehors de celui-ci. Il est organisé de manière à promouvoir le plurilinguisme, c'est-à-dire le développement des compétences dans plusieurs langues » (Conseil de l'Europe)13.

    Le but de ces questions visait à connaître en premier lieu de manière générale les langues apprises/parlées par mes enquêtés. Le tableau 2 (ci-dessous) répertorie les langues que mes enquêtés utilisent quotidiennement ou quasi quotidiennement, on constate que le français et l'arabe marocain représentent les langues majoritairement parlées par mes enquêtés : soit 7 enquêtés sur 9, mais il y a aussi des langues parlées plus occasionnellement comme l'arabe classique/fusha14, le berbère/tamazigh15, le portugais, l'anglais et le turc. Ces profils révèlent le (bi)plurilinguisme avéré de l'ensemble de mes enquêtés si l'on s'en tient à définir le bilinguisme « comme l'utilisation régulière de deux langues dans la vie quotidienne » (Cavalli, 2003 : 267). Les dénominations sont le fait des enquêtés :

    12 http://www.coe.int/fr/web/portfolio/the-language-biography 13 http://www.coe.int/fr/web/portfolio/the-language-biography

    14Aussi nommée « arabe littéraire ou littéral »ou « standard ».

    15Aussi nommée « langue amazighe », il s'agit ici de la 2ème langue officielle du Maroc depuis juillet 2011 (après l'arabe).

    63

    Tableau 2 : langues en usage

    Langues

    Français

    Arabe marocain

    Arabe classique /fusha

    Berbère/ Tamazigh (Maroc)

    Portugais

    Anglais

    Turc

    Enquêtés

    Tous

    A34,

    1150,

    F42,

    G40

    1150

    1150

     
     

    F42,

    1137,

    R47

     
     
     
     
     

    1137,

    M30

     
     
     
     
     
     

    K43,

     
     
     
     
     
     
     

    M30,

     
     
     
     
     
     
     

    R46, R47

     
     
     
     
     

    1.2 L'arabe marocain et l'arabe classique/fusha

    L'arabe marocain a été cité par la majorité de mes enquêtés (7 sur 9). Il constitue la langue dominante de mon corpus et reflète également la langue majoritairement parlée des publics fréquentant l'association OGA. Cette langue est considérée comme une variété dialectale de l'arabe, elle est également appelée « darija » et dispose au Maroc d'un statut de fait, car elle n'est pas considérée comme une langue officielle contrairement à l'arabe dit classique qui dispose quant à elle d'un statut de droit (Messaoudi, 2013 : 6). L'arabe marocain est l'une des langues primaires de socialisation de ces enquêtés et il est quotidiennement parlé. L'arabe classique constitue « une variété savante [...] ce n'est pas une langue parlée spontanément par tous les citoyens » (Ibid. : 6), elle n'est pas la langue parlée par le peuple bien qu'elle soit considérée comme la langue officielle. L'arabe dit classique est au Maroc : « à la fois langue officielle des institutions publiques, langue liturgique de l'Islam, langue de communication écrite et langue d'enseignement. » (Massacret & Jeansoulin, 1998 : 61).Afin de renforcer cette affirmation, une enquêtée définit l'arabe classique comme : « l'arabe des étudiants, c'est l'arabe, c'est pas comme qu'est-ce qu'on parle naturel, y'a un arabe des étudiants comme on écrit et tout, ça c'est l'arabe de tous les pays « Egyptiens » et tout » (H37). En effet, cette langue n'a été citée qu'à 3 reprises comme langue parlée par mes enquêtés mais il m'a semblé pertinent de soulever les aspects diglossiques (Ferguson, 1959) de ce rapport entre l'arabe classique considéré comme variété haute et l'arabe marocain considéré comme variété basse car j'analyserai plus tard ce rapport hiérarchique qui se retrouve aussi avec le français.

    64

    Désormais, j'aimerais analyser le cas du français, une langue qui n'a été citée qu'à 2 reprises par mes enquêtés comme langue effectivement parlée. Il semble intéressant de se pencher sur les raisons de ces omissions.

    1.3 Le français : une langue d'usage inconsciente

    Le français n'a été que très rarement cité comme langue parlée par mes enquêtées. Bien qu'il apparaisse dans le tableau 2 comme langue d'usage par tous, il n'a pas toujours été une langue d'usage énoncée clairement par mes enquêtés, à l'exception de G40 et de R46. J'ai fait le choix de faire apparaitre le français dans ce tableau car j'ai estimé, d'après mes observations de cours et lors de mes entretiens divers avec eux, que le français est une langue qu'ils utilisent effectivement, même si mes enquêtés ne l'ont pas évoqué. En ce qui concerne les autres enquêtés, il a fallu insister en évoquant les contextes et les interlocuteurs : Et avec les amis ? La famille ? Les enfants ? Pas d'autres langues ? Français aussi ? D'autres langues aussi ? l'arabe, juste l'arabe ? afin qu'ils réalisent que le français est aussi une langue qu'ils parlent, même peu voire très peu et avec des difficultés mais elle reste tout de même une langue dite véhiculaire16, un moyen de communication servant de langue commune entre des usagers de langues premières de socialisation différentes :

    A34 : français aussi, un peu.

    H50 : je commence de parler en français

    H37 : on mélange un peu avec le français [...] je parle avec elle le français, 1 fois par semaine, 2 fois par semaine, elle vient le mardi et le jeudi

    M30 : oui un peu de français

    R46 : ici on parle en français un petit peu

    16 « Les langues véhiculaires sont celles que [...] des individus séparés par leurs variétés adoptent momentanément pour favoriser leurs échanges » (Klinkenberg, 1999 : 72)

    65

    Pour d'autres, le français n'apparait même pas dans leur réponse (F42 et K43) ou comme étant la solution ultime de communication avec son entourage :

    R47 : ceux qui sont arabes qui parlent l'arabe je parle l'arabe, ceux qui sont berbères je parle le berbère, ceux qui savent pas je parle le français

    F42 : quand je parle avec les enfants de mon frère je parle en français parce qu'ils ne parlent pas arabe

    H50 : il faut t'obliger de parler le français ils ou elles parlent l'arabe mais je ne le comprends pas parce que l'accent est très difficile pour moi, oui et je parle la langue française

    Ces éléments m'ont amené à m'interroger sur les raisons de l'inconscience de l'usage d'une langue qu'ils parlent effectivement. Les raisons ont été très vite explicitées par mes enquêtés par la suite et c'est ce qui m'a permis de comprendre ce manque de conscientisation. Dans le chapitre qui suit, il sera question des effets causés par l'idéalisation d'une norme linguistique et du phénomène d'insécurité linguistique : un sentiment qui caractérise l'état dans lequel se trouvent mes enquêtés et qui constitue l'une des raisons de cette inconscience.

    CHAPITRE II : LES EFFETS DE L'IDEALISATION DE LA NORME LINGUISTIQUE

    Dans la partie précédente les différents parcours sociolinguistiques de migration de mes enquêtés ont été traités. Les motifs d'arrivée ainsi que les langues en usage et leurs contextes d'utilisation ont été analysés. Désormais, j'aimerais poursuivre mon analyse sur le rapport étroit entretenu entre les notions de langue(s) et de norme(s) en y abordant les enjeux en termes de didactique du FLE/FLS. Il m'a été difficile d'éviter un tel rapprochement car la notion de norme régit les pratiques langagières de mes enquêtés au quotidien et celles de leurs interlocuteurs car : « les rapports à la norme et à l'autorité sont assez clairement liés aux rapport sociaux » (de Robillard, 2008 : 14) mais aussi plus largement celles de nos pratiques d'enseignement car : « la conception de la norme linguistique se manifeste à tous les stades du système d'enseignement français, avec des conséquences formatives diverses » (Debono, 2010 : 89). Je pense qu'en tant qu'enseignants de FLE/FLS, il est nécessaire de prendre conscience des enjeux du poids de ces normes, que ce soit pour nous orienter vers telle ou

    66

    telle approche d'enseignement d'une langue ou pour nous aider à mieux comprendre nos apprenants et leurs frustrations au quotidien :

    M30 : c'est difficile, j'ai pas content, je veux parler beaucoup français

     

    R46 : quand je sors, je me dis « et pourquoi je vais lui dire ça et ça et pourquoi je ne lui

    dis rien » ça bloque [...J j'ai un petit peu ma tête, elle a bloqué [...] je suis un peu en

    colère

     

    F42 : je sens pas bien quand les autres me pas bien comprendre [...] quand je veux

    expliquer quelque chose [...] pour moi c'est trop difficile

     

    K43 : j'arrive pas à dire qu'est-ce que je veux dire, j'arrive pas à expliquer les gens

    qu'est-ce que je veux dire

     

    R47 : il a beaucoup de choses à dire mais il arrive pas [...] dans sa tête eh beh il est pas

    bien [...] je trouve c'est très dur [...] je connais une femme elle a pleuré, elle peut pas

    parler et pour expliquer

    J'ai évoqué dans ma partie théorique, les différentes façons de catégoriser une même langue : le français. Aussi, j'ai pu montrer que la conception de la langue diverge selon les approches scientifiques. S'il est clair pour moi que cette langue est le terrain de variations langagières et qu'elle ne constitue pas un objet idéal qui exclut la parole du locuteur, ce n'est pas toujours évident de l'envisager ainsi. En tant qu'enseignant de FLE/FLS, je pense qu'il est important d'accueillir les variétés de langue(s) offertes par nos apprenants et de savoir se rendre flexibles face à ces pratiques langagières.

    Approcher la relation langue(s)/norme(s), c'est aussi approcher pour moi l'importance que nous sommes censés donner, en tant qu'enseignants, aux langues des apprenants dans les cours de FLE/FLS et de manière plus large au sein de la société. Cette réflexion me permettra d'apporter des clés de compréhension au rôle que jouent l'enseignement et l'apprentissage du français au sein du processus d'intégration de mes apprenants. Ce deuxième chapitre de mon analyse abordera dans un premier temps, les effets de l'idéalisation de la norme linguistique (II-1), puis dans un second temps, j'entrerai dans le terrain de la pratique du français de mes enquêtés en abordant leurs stratégies de contournement et/ou d'affrontement de la norme (II 2).

    II-1 Le pouvoir de la norme

    67

    J'ai pu traiter dans ma théorie, de la complexité de définir ce qu'est une langue. Une difficulté qui est due au fait qu'il n'existe pas de langue unique mais des langues. Si définition il existe, il y a forcément un enjeu politique, philosophique ou religieux derrière. Cette partie vise à démontrer la difficulté pour mes apprenants de s'identifier à un modèle normatif de langue unique et des effets engendrés par la prégnance de cette norme.

    1.1- Des relations diglossiques entre les langues : le cas de l'arabe et du français

    Les parties précédentes m'ont permis d'affirmer que mes enquêtés sont bi(plurilingues) car ils parlent plusieurs langues et que celles-ci se côtoient quotidiennement, caractéristiques qui rejoignent, ce que j'entends par bilinguisme : « utilisation régulière de deux langues dans la vie » (Cavalli 2003 : 267). J'ai pu constater de manière brève, car ce n'était pas l'objet premier de mes interviews, que certains propos de mes enquêtés soulèvent, une relation hiérarchique entre l'arabe qu'ils parlent quotidiennement : l'arabe marocain, et l'arabe qu'ils ont appris mais qu'ils n'utilisent presque pas : l'arabe classique17 : « l'arabe des étudiants c'est l'arabe, c'est pas comme qu'est-ce qu'on parle naturel, y'a un arabe des étudiants comme on écrit et tout, ça c'est l'arabe de tous les pays » (H37).

    Ce rapport qui a été explicité plus tôt m'a permis d'utiliser le concept de diglossie (Ferguson, 1959), largement inspiré par la situation sociolinguistique des pays du Maghreb (Biichlé, 2007 : 65). Effectivement, mes enquêtés sont pour la majorité (7 sur 9) originaires de pays du Maghreb où le concept de diglossie fait sens car il résulte assez directement des contextes plurilingues de ces pays (Ibid : 3).

    Il m'a paru important de m'interroger sur le contexte sociolinguistique dans lequel mes enquêtés et moi-même nous trouvons, car il influence, de loin ou de près, nos représentations mais ceux aussi des acteurs sur le terrain de la formation linguistique. D'autant plus que la France, offre un terrain particulier en termes de politique linguistique car elle représente : l'un des premiers États occidentaux à avoir établi et maintenu un ensemble de dispositifs tendant à homogénéiser les pratiques linguistiques sur son territoire depuis une époque déjà ancienne (Harguindeguy & Alistair, 2009 : 939). Par comparaison, les pays voisins (Suisse, Belgique, Espagne et Italie) ont tous favorisé la pluralité linguistique (Ibid. : 939). Cependant, bien que la France soit une société prétendument « unilingue », il n'en reste pas moins que la variation existe aussi dans ce type de contexte (Haugen, 1962), car le « paysage linguistique »

    17 I-2 Les langues en usage et leurs contextes d'utilisation 1.2 L'arabe marocain et l'arabe classique/fusha

    68

    n'a pas grand-chose à voir avec la « situation linguistique » (Manzano, 2003 : 54). Il me semble alors approprié de fouiller dans cette direction.

    C'est dans ce sens que j'estime qu'il est possible d'établir une relation de type diglossique pour le français. Il y a bien, selon moi, une séparation/un écart entre le français de mes enquêtés (et de ceux de beaucoup de migrants en situation d'apprentissage, de français illettrés, etc.) que je considère comme la variété basse, et le français de référence que mes enquêtés retrouvent auprès des administrations, des centres de formation, etc. qu'il est possible de considérer comme la variété haute. Je pense que cette situation mérite d'être analysée et que l'on peut y voir une forme de car :

    « Un tel principe de définition s'applique certes à la situation française (il y a bien du « high » et du « low », du « restreint » et de « l'élaboré » etc.). Mais au fond, ce qui est le plus typiquement français c'est bien la séparation radicale du français (langue supra locale de culture, de pouvoir et d'État) et des usages locaux, triviaux, réels, de la langue » (Manzano, 2003 : 53).

    C'est à travers la question n° 5 de mon guide d'entretien : Quelles sont les situations en France ou vous éprouvez/avez éprouvé le plus de difficultés pour vous faire comprendre ? Savez-vous pourquoi ?, que j'ai pu recueillir des situations où leur variété de français a posé des problèmes de compréhension, et où un rapport hiérarchique entre leur parler et celui de leur interlocuteur s'est établi :

    R46 : quand je pars chez un docteur, je parle français mais lui il ne comprend pas ce que je dis,

    je lui explique mais il ne comprend pas

    F42 : quand je veux expliquer quelque chose au téléphone [...] Y'a des gens qui me disent

    `qu'est-ce que vous dites ?'

     

    G40 : quand tu es témoin d'une injustice [...] ils se servent comme tu es étrangère, que tu ne

    parles pas bien le français pour t'écarter du chemin,

     

    H50 : ils savent que je suis étrangère, c'est difficile pour parler le français, pour comprendre

    tout ce qu'ils veulent dire (à la banque)

     

    R47 : pour les banques [...] et des fois pour faire mes papiers [...] j'aimerais bien parler le

    français [...] je suis étranger quand même comme beaucoup de gens

     

    Je constate que l'écart entre leur français et celui de leurs interlocuteurs est ressenti par leurs interlocuteurs qui manifestent leur incompréhension aux enquêtés : « y'a des gens qui

    69

    me disent `qu'est-ce que vous dites ?' » (F42) « il ne comprend pas ce que je dis » (R46). Cette incompréhension avouée verbalement ou de manière sous-entendue par leurs interlocuteurs représente un signe qu'il existe déjà une différence entre ces 2 français pratiqués. Les pratiques de mes enquêtés sont parfois si différentes que les autres locuteurs s'en écartent ou les ignore, ils semblent alors ne pouvoir trouver d'écho que dans l'indifférence ou dans leur différence :

    « j'étais comme on dit « un intru », je peux pas parler pour mes droits [...] quelqu'un qui sait pas parler en français c'est dur pour lui parler (R47), « y'a personne qui parle avec moi [...] Non, juste vous ici [...] Ils ont pas le temps » (K43), « ils ont besoin que tu restes toute petite [...] ils me font penser que je suis transparente (G40) « ils savent que je suis étrangère, c'est difficile pour parler le français » (H50) « ils ont pas l'habitude de parler avec les autres qui ont des difficultés de la langue » (F42).

    Des paroles qui confirment bien l'accueil réservé aux pratiques que je qualifierais de « hors-normes » :

    « Quand elles ne font pas l'objet d'une pure et simple ignorance, les autres pratiques y sont traditionnellement reçues par leur seule différence. Cette différence est affirmée par les déclarations sur le caractère incompréhensible ou résolument exotique de ces pratiques » (Larrivée, 2006 : 103).

    Je voudrais désormais dans la partie qui suit, aborder les répercussions d'une hiérarchie entre les langues en usage au sein d'un même espace géographique. Des répercussions qui affectent l'identité de mes enquêtés car des liens profonds existent entre les notions de langue(s) et d'identité(s) : « La langue fait partie intégrante de notre identité » (Tsokalidou, 2009 : 195). Ainsi, si leur usage du français est considéré par la société d'immigration comme étant incompréhensible, trop différent voire inexistant car non reconnue : « figurent au bas de l'échelle, les variétés ou « non langues » B (la « vraie » langue étant le français), que l'on utilise quotidiennement dans une sphère que l'on peut qualifier d'ordinaire » (Manzano, 2003 : 53), qu'en-est-il de l'impact sur l'identité de ces personnes ?

    La partie qui suit me permettra de poursuivre dans cette direction et de questionner les effets d'une hiérarchie des langues sur l'identité de mes enquêtés.

    1.2- Des relations hiérarchiques entre les identités : la norme comme indicateur de positionnement identitaire

    70

    J'ai essayé de montrer l'existence d'une relation de type diglossique pour ce qui touche à la pratique du français. J'aimerais désormais faire un parallèle entre cette hiérarchie au niveau de la langue et celle qui s'opère au niveau de l'identité de mes enquêtés. Ainsi, s'il est indéniable que les langues pratiquées par un locuteur ont des liens forts avec l'identité18 de celui-ci : « Les langues sont des symboles d'identité ; elles sont utilisées par leurs locuteurs pour marquer leurs identités » (Byram, 2006 : 5), il semble alors intéressant de se pencher sur ce volet.

    Mes enquêtés sont tous issus de l'immigration, il parait aussi pertinent d'évoquer les particularités de ces mouvements en termes d'identité. En effet, des changements importants sont impliqués dans ces mouvements migratoires et affectent l'identité de ces personnes : le climat, la nourriture, les habitudes vestimentaires, etc. mais aussi et surtout la langue. Ces nouveautés font que la migration reste « par excellence un lieu de conflit identitaire » (Lüdi, 1995 : 242) pour mes enquêtés, car elle implique « une nouvelle manière de communiquer, de se définir soi-même par rapport au monde » (Lüdi & Py, 1986 : 56). Cette transition entre deux cultures et donc deux langues n'est pas anodine car elle affecte non seulement les langues de mes enquêtés, mais aussi leur identité. Une situation d'entre-deux culturel qui favorise ainsi l'insécurité identitaire (Van den Avenne, 2002 & Blanchet, 2007 : 25) et nécessite pour les formateurs de FLE/FLS de s'intéresser à la culture de leurs apprenants et de prendre en compte certaines caractéristiques culturelles, celles de l'apprenant:

    H50 : on a des coutumes limitées, des traditions limitées oui, si je suis très ouverte mais je mets ma limite [...] pour rester dans mes coutumes ».

    Il est important de rappeler que les publics présents dans les cours de FLE/FLS sont issus de cultures plus ou moins éloignées les unes des autres et que le rôle de l'enseignant consiste aussi à pondérer ces écarts à la norme culturelle et linguistique en apportant des réponses aux interrogations des apprenants :

    18 Je rappelle que le choix de la lexie « identité » au singulier, est volontaire et renvoie à une identité que j'entends plurielle par essence car elle correspond à une « « multi-appartenance » du fait de notre âge, notre sexe, notre profession, de notre classe sociale, etc. » (Charaudeau, 2009 : 3).

    Se référer à : II/ LANGUE(s) ET POUVOIR, II-2 Enjeux liés à l'identité, 1.1 Interagir : un moyen de définir à la fois notre identité et notre altérité

    71

    R47 : y'en a quelqu'un qui me dit faut pas tutoyer mais moi j'aimerais bien quelqu'un qui me dit voilà « vous » c'est quelqu'un qui est plus grand [...] on fait rentrer des choses au moins il faut que je progresse pour parler bien bien le contexte

    F42 : c'est pas que la langue, il y a aussi le culturel, tu comprends la fonction [...] ça me permet qu'est-ce que je veux ou veux pas faire [...] qu'est-ce qu'ils demandent les autres

    Je pense qu'enseigner le français à l'étranger sous-tend une responsabilité encore plus importante de la part de l'enseignant car en tant que « représentant de la langue française », l'enseignant est aussi considéré comme un « représentant de la culture française » car « la langue et la culture dépendent l'une de l'autre » (Leth Andersen, 2009 : 84) il semble alors essentiel de véhiculer une représentation de cette culture des plus actualisées et authentiques que possible dans nos cours afin de ne pas contribuer encore plus aux écarts et chamboulements culturels des apprenants :

    G40 : c'est particulier, c'est pas comme mon pays par exemple [...] « tiens je vais aller chez ma copine et je vais boire un café ou une bière » mais je n'appelle pas et j'arrive comme ça mais ici il faut appeler, voir si la personne est disponible, si la personne est de bonne humeur,si elle veut bien te voir, tu vois y'a trop cet alignement (barrière)

    R47 : avant c'est vrai [...] j'étais pas bien moralement [...] j'étais comme on dit « un intru » [...] parce que c'est dur les français pour supporter les étrangers

    L'écart de langue constaté dans la partie précédente amène à un écart d'identité certain dans la situation de mes enquêtés, il s'agit d'une distanciation entre l'identité de mes enquêtés et celles de leurs interlocuteurs. Cette distance est clairement ressentie par mes enquêtés car ils se catégorisent eux-mêmes d'étranger et attribuent ce décalage de langue de ce fait. De par cet écart, j'observe une claire opposition entre 2 groupes distincts grâce aux marqueurs discursifs soulignés suivants (pronoms personnels/possessifs et noms) :

    lui il ne comprend pas ce que je dis, y'a des gens qui me disent, comme tu es étrangère, ils savent que je suis étrangère, les gens qui parlent pas la langue, les autres ne me comprennent pas bien, ce qu'ils dit les autres, les autres cultures, mon pays d'origine, dans mon pays, ils verront, les françaises, parler avec eux, sortir avec eux, je parle avec eux gentiment.

    Ces éléments qui ont constitué des critères d'analyse ont été répertoriés dans un tableau situé dans ma méthodologie. Ils m'amènent à revenir sur ma partie théorique dans

    72

    laquelle j'ai pu évoquer le « they code » par opposition au « we code » (Gumperz, 1989) : dans les situations ci-dessus, j'observe l'existence d'un « eux » (les français) et d'un « nous » (les étrangers). Ce sont mes enquêtés eux même ici, qui soulignent leur altérité et qui s'identifient au groupe « étrangers » et cette (auto)catégorisation est énoncée par mes enquêtés mais elle ne résulte pas uniquement d'une perception individuelle, elle est aussi le résultat d'un parcours social guidé par : « tout ce qui définit l'idée qu'ils se font d'eux-mêmes, tout l'impensé social par lequel ils se constituent comme« nous » (Sayad, 1994 : 8). Le reflet qui leur est projeté est en quelque sorte celui de la logique représentationnelle d'autrui : « Penser logiquement, en effet, c'est toujours, en quelque sorte, penser d'une manière impersonnelle » (Marcel, 2017 : 1), c'est une identité qu'ils s'attribuent et qui constitue le résultat « d'un processus de réflexion et d'observations simultanées [...] par lequel l'individu se juge lui-même à la lumière de ce qu'il découvre être la façon dont les autres le jugent » (Erikson, 1972 : 17)

    Je peux voir que la représentation péjorative qu'ils ont de leur niveau de français affecte leur identité, je retiens un exemple représentatif d'insécurité identitaire qui peut aussi être qualifié de schizoglossie (Haugen, 1962) ou maladie linguistique affectant les locuteurs exposés à plus d'une variété de leur propre langue (Prudent, 1981 : 22) et donc à plus d'une identité. Il s'agit du cas d'un de mes enquêtés qui a passé 26 ans en France, qui possède la nationalité française et qui a été qualifié d'un niveau B1 du CECRL dans la structure où elle apprend le français, mais qui oscille entre deux identités, elle se considère toujours comme étrangère mais aussi comme française en même temps :

    « je suis pas moi d'origine française, je suis étranger quand même [...] les autres, ils sont tous français [...] ça fait longtemps que je vis là moi je suis français [...] je leur explique je dis voilà, je suis là c'est vrai je suis étranger mais je veux vivre là et j'ai le droit de vivre là parce que euh je suis comme ont dit avec mes papiers et tout française ça y'est [...] maintenant je peux parler je suis comme une française en France » (R47)

    Ces oscillations identitaires se couplent également d'oscillations linguistiques, l'enquêtée R47 paraît tourmentée entre son attachement pour son pays et ses langues d'origines et son pays actuel :

    73

    « je lui ai dit faut pas que je parle que l'arabe et le berbère, il faut que je rentre un petit peu dans ça, c'est pour ça j'ai dit, il faut que je parle un petit peu le français, il faut que j'arrête de parler trop l'arabe, c'est vrai ça m'intéresse le Maroc mais je vis en France » (R47).

    Ces paroles me permettent d'évoquer la relation diglossique précédemment abordée et d'appuyer le fait que : « chez les migrants maghrébins [...] la diglossie des origines participe souvent à la perplexité identitaire des personnes » (Biichlé, 2017). Je constate effectivement que comme beaucoup de mes enquêtés ces locuteurs souffrent d' « une perte de statut» (Noiriel, 2007 : 684), discriminés par la langue et par l'identité, ils sont mis à part au sein d'un groupe particulier où l'on peut distinguer : « eux » qui auront une mauvaise réputation et « nous », les normaux » (Ibid. : 684). Rappelons qu'en tant qu'enseignants de FLE/FLS, il nous revient de prendre en compte qu'apprendre une langue c'est aussi apprendre à (re)construire une identité, ou du moins à actualiser l'une de ses facettes (Saville-Troike, 1982 : 22) et que dans cette optique, une approche interculturelle est à privilégier afin de ne pas déconsidérer l'apprenant dans son apprentissage et de :

    « favoriser le développement harmonieux de la personnalité de l'apprenant et de son identité en réponse à l'expérience enrichissante de l'altérité en matière de langue et de culture. Il revient aux enseignants et aux apprenants eux-mêmes de construire une personnalité saine et équilibrée à partir des éléments variés qui la composeront » (CECRL, 2001 : 9)

    Je vais poursuivre en analysant en filigrane le pouvoir de la norme sur les pratiques langagières de mes enquêtés mais j'observerai cependant plus en détail les conséquences de cette hiérarchie entre les identités, sur la pratique du français de mes enquêtés, en faisant ressortir les conséquences de la prégnance de cette norme linguistique qui : « selon les individus induit des attitudes et des comportements particuliers parmi lesquels l'insécurité linguistique » (Biichlé, 2007 : 235).

    74

    1.3- De l'insécurité linguistique comme répercussion : causes, symptômes et conséquences

    J'ai pu montrer les effets d'une situation d'entre-deux culturel en termes d'identité, j'aimerais désormais aborder les répercussions de cet entre-deux au niveau linguistique.

    Le recensement des langues parlées par mes enquêtés, effectué dans ma première partie de l'analyse19, m'a permis de comprendre que mes enquêtés ne se sentent pas à l'aise avec l'idée d'affirmer leur pratique effective du français. En effet, le français n'est pas une langue qu'ils estiment parler pour la majorité bien qu'ils la parlent tous quasi quotidiennement (en témoigne notamment leur participation régulière aux cours de français dispensés par l'association et au sein d'autres centres sociaux).

    Ces attitudes reflètent les conséquences, plus ou moins directes, d'une politique unilingue visant à écarter ces parlers qui sont l'exemple même de la variation du français standard, et ce en faveur d'une norme centralisatrice. Pour ceux qui déclarent utiliser le français, j'observe une distance envers leur usage et l'usage qu'ils estiment être la référence/la norme, une distance caractéristique du phénomène d'insécurité linguistique qui se caractérise pour les locuteurs, je le rappelle comme une « prise de conscience [...] d'une distance entre leur idiolecte (ou leur sociolecte) et une langue qu'ils reconnaissent comme légitime » (Francard et al., 1993 : 13).

    Afin de justifier cette distance ressentie, j'aimerais exemplifier avec les réponses obtenues à la question n° 7 : Selon vous, que signifie « bien parler français » ? Pensez-vous le faire ? qui m'ont permis, entre autres, de recenser des marques d'une insécurité linguistique avérée :

    F42 : oui la langue (mon français) c'est pas bien

    K43 : je sais que je débrouille mais je parle pas bien bien le français [...] je dis n'importe quoi des fois [...] j'ai des choses que je veux dire mais j'arrive pas à expliquer

    19 I- LES PARCOURS SOCIOLINGUISTIQUES DE MIGRATION I-2 Les langues en usage et leurs contextes d'utilisation

    75

    R46 : je comprends que je ne sais pas parler en français [...] j'ai parlé avec la dame

    et je lui ai dit « excusez-moi, je ne sais pas bien parler le français [...] quand je rentre

    chez le docteur, j'oublie [...] et pourquoi je ne lui dis rien, ça bloque[...] dans mon

    esprit je dis `je ne sais pas parler en français'

     

    R47 : non, je suis pas top, j'ai des fautes parce que je dis j'ai des fautes

     

    H37 : j'aimerais bien parler correctement avec eux (mes enfants) le français mais

    quelquefois je trouve pas les mots de discuter [...] quand j'entends quelqu'un parler,

    je me dis « moi je parle pas bien »

     

    H50 : c'est difficile de parler le français [...] je suis un peu timide de parler faux, que

    quelqu'un rigole de moi

     

    Ces marques d'insécurité linguistique se manifestent par des attitudes de honte, de repli sur soi, de blocage et de comparaison à la norme de référence du français standard. Ces attitudes constituent des caractéristiques de l'insécurité linguistique qui prennent forme par le biais de vocables forts, typiques de ce phénomène, qui se décline sous « deux versants [...] le premier serait la personne et son auto-évaluation par rapport à une norme » (Biichlé, 2007 : 239) : « je suis un peu timide », « je suis pas top », « je dis n'importe quoi », « c'est pas bien », etc. J'ajoute que cette évaluation reste péjorative et qu'elle constitue une manifestation courante du phénomène d'insécurité linguistique, elle s'affilie même plutôt à une auto-(d) évaluation (Billiez et al., 2002). Le deuxième versant correspond à « la peur du jugement et de la réaction d'autrui » (Biichlé, 2007 : 239) vis-à-vis d'une forme de français produite : « que quelqu'un rigole de moi » (H50), « je ne lui dis rien, ça bloque »(R46), « y'a des gens qui rigolent avec vous mais dans sa tête »(K43), comment je vais faire pour sortir les mots ? [...] ils ne sortent pas (R46).

    Outre la distance entre leur usage et l'usage qu'ils estiment être le bon, je constate aussi que la notion de faute est souvent évoquée, mes enquêtés estiment ainsi ne pas bien parler français du fait des fautes qu'ils commettent : j'ai des fautes parce que je dis j'ai des fautes (R47), beh je fais quand même un peu des fautes de conjugaison (H37) parfois même sont amenés à douter de leur intégration de ce fait : je sais pas moi, est-ce que je suis intégrée ou non parce que je parle pas bien (K43), énoncé qui confirme bien que les représentations politiques de la langue comme principale facteur d'intégration circule « parfois, chez les migrants eux-mêmes » (Biichlé, 2009 : 36).

    76

    Cette distance entre leur parole et une langue de référence m'incite à reprendre l'opposition saussurienne langue/parole évoquée plus tôt dans ma théorie car il m'est possible de voir chez mes enquêtés une opposition entre leur parler et la langue française qu'ils considèrent comme un idéal à atteindre : « il faut qu'on parle français [...] bien parler le français, ça veut dire sans fautes » (R47) car bien qu'ils semblent pouvoir communiquer, se faire comprendre : « ça m'empêche pas de parler ça » (H37), « je sais que je débrouille » (K43), ils semblent quand même gênés à l'idée d'affirmer que leur parole corresponde à du (bon) français. C'est ce qui m'amène à évoquer l'une des causes de cette insécurité linguistique : l'importance donnée à la norme : « La « sacralisation » de ces formes standardisées est l'une des causes de l'insécurité linguistique des locuteurs qui usent d'autres variétés ou d'autres langues » (Blanchet et al., 2014 : 28). Une « mythification de la langue » (Bretegnier & Ledegen, 2002 : 14) qui rend le locuteur incapable de se considérer comme un locuteur francophone, du fait de la culpabilité qu'il ressent face aux fautes qu'il commet, se trouvant ainsi dans l'« incapacité à être dans la norme, de constamment risquer de commettre la faute délégitimante » (Ibid. : 13). Cette situation résume la langue française en un système figé dans le temps et dans l'espace :

    « une sorte de langue entité dont ne peut faire bon usage qu'un modèle de locuteur légitime, pareillement homogène, atemporel, invariant, un être langue, fusionné avec elle » (Ibid. : 14)

    Cette représentation de la langue idéale renvoie à un locuteur idéal dans lequel mes enquêtés ne s'identifient pas, ces énoncés évoquent une personne autre « il » ou un état dans lequel ils ne se projettent pas actuellement « je ne sais pas » :

    « Et qu'est-ce que ça veut dire pour vous « bien parler français ? » K43 : C'est il a réussi (rires), il a de la chance aussi

    R46 : je comprends que je ne sais pas parler en français

    En témoigne également, l'utilisation du futur simple ou du conditionnel présent dans les énoncés ci-dessous, éléments permettant aux enquêtés d'exprimer un désir imminent ou futur :

    « Quelles langues parlez-vous ? »

    H37 : j'aimerai(s) bien parler correctement avec eux le français K43 : j'aimerai(s) bien apprendre le français

    77

    En effet, comme je l'ai montré plus tôt, mes enquêtés ne considèrent pas leur usage du français comme « correct » ou « suffisamment maitrisé » pour l'évoquer et ainsi par peur d'affirmer l'usage même minime ou fautif de cette langue, ils ne préfèrent parfois ne pas l'évoquer du tout.20

    Au-delà des éléments déjà énoncés pour caractériser l'insécurité linguistique de mes enquêtés, j'aimerais appuyer mes dires en énonçant ci-dessous d'autres caractéristiques propices à la manifestation de ce phénomène :

    Premièrement, mes enquêtés proviennent de zones géographiques diglossiques (Van den Avenne, 2002) : le Maroc et le Liban où l'on retrouve également « une situation de diglossie, voire de triglossie entre l'arabe littéraire, l'arabe moderne et l'arabe dialectal libanais » (Habib, 2009 : 7), de plus «la plupart n'a été que faiblement ou pas scolarisée en pays d'origine, ce qui peut également prédisposer à l'insécurité » (Biichlé, 2011 : 19-20).

    Deuxièmement, je relève une autre marque favorisant l'insécurité linguistique : l'isolement social. En effet, j'observe chez mes enquêtés que « la restructuration post-migratoire du réseau social n'a apparemment pas eu lieu » (Biichlé, 2009 : 17) ce qui rend leur « capital social [...] faible avec pour conséquence un réseau social très dense et multiplexe, voire isolant » (Ibid. : 17). Bien qu'il soit difficile d'évaluer l'ampleur du réseau de locuteurs francophones de mes enquêtés, car je n'ai pas ciblé de manière précise ce facteur, il semble probable par leur propos, qu'ils soient assez isolé (à l'exception de H50 d'origine libanaise et de G40, d'origine brésilienne) :

    « non y'a pas d'amis français » (M30), « non j'ai pas beaucoup (d'amis français) » (A34), « personne, juste à l'école » (K43), « avec mes enfants et c'est tout » (R47), « ici (des amis) français non » (R46), « j'ai une amie française, elle vient chez moi 2 fois par semaine pour aider mon fils [...] je parle avec elle le français » (H37), « non, j'ai une voisine en face, de temps en temps mais y'a pas des amis » (F42).

    La raison de cet isolement est aussi clairement énoncée : ils ne sortent que très peu de chez eux et de leurs quartiers où les membres sont essentiellement d'origine maghrébine, la langue parlée étant l'arabe (marocain) : « parce que je connais beaucoup d'arabes ici »(A34), « dans les amis français, je trouve pas parce que j'habite dans les quartiers moi » (F42).

    20 Se référer à la partie : I-LES PARCOURS SOCIOLINGUISTIQUES DE MIGRATION, J-2 Qu'est-ce qu'une/des langue(s)?, 1.3 Le français : une langue d'usage inconsciente

    78

    En ce qui concerne H50 d'origine libanaise et G40 d'origine brésilienne, je remarque que ces enquêtées ne retrouvent pas autant d'interlocuteurs de la même langue primaire de sociabilisation que les enquêtés marocaines citées ci-dessus. Elles parlent respectivement l'arabe classique/libanais pour H50 et le portugais pour G40 et ce en plus du français. Cependant, elles m'expliquent parler français de manière plus fréquente que les enquêtées maghrébines, par obligation ou choix :

    H50 : il faut t'obliger de parler français, ils ou elles parlent l'arabe mais je ne le comprends pas

    G40 : En France, c'est français, français, français [...] chaque fois, ça se passe en français [...] même quand je croise des fois des brésiliens, je parle que français

    Ce que je peux ainsi supposer est que cet isolement social causant l'insécurité linguistique des enquêtés marocaines est dû à la forte présence dans leur réseau proche de locuteurs de la même langue primaire de socialisation et du même pays d'origine. Ces relations sont marquées par une homophilie assez forte, ces enquêtés fréquentent davantage (voire uniquement) des personnes qui leur ressemblent à plusieurs niveaux (pays d'origine, langue, genre, situation familiale, âge, etc.) : ici ce sont pour la plupart des femmes au foyer marocaines, mariées et mères de familles entre 37 et 47 ans ayant en commun le même cours de français à l'association, celles qui travaillent oeuvrent dans des métiers où l'usage du français n'est quasiment pas pratiqué (ménage, cueillette des fruits/légumes, etc.).

    Si aucun accès à des réseaux francophones n'est possible pour mes enquêtés, c'est que leur situation sociale, géographique et professionnelle ne leur permet pas toujours : environnement limité à leurs quartiers majoritairement isolés et dont les membres sont essentiellement d'origine maghrébine, mères devant s'occuper de leurs enfants, pas de mixité socioculturelle au sein des cours de français, fonctions professionnelles sans usage du français, etc. Ainsi, le choix de la langue parlée n'est pas vraiment un choix mais plutôt une conséquence de leur situation actuelle. D'ailleurs, je note que leur environnement et leur réseau social influence leurs pratiques langagières et que le choix de la langue pratiquée se pose plutôt en termes d'exposition à une langue plutôt qu'à une autre : « L'orientation linguistique choisie par le migrant serait d'abord et avant tout tributaire des contacts qu'il établit avec la société d'accueil » (Chamberland, 2005 : 179). Développer un réseau social

    79

    francophone serait donc une solution de première importance en regard d'un apprentissage classique en classe de langue.

    Il est important aussi de rappeler que ces enquêtés sont en situation d'apprentissage du français et qu'il reste inévitablement des lacunes à combler avec le temps. Cette situation d'apprentissage couplée à la situation de migration vécue de manière plus ou moins douloureuse, double les difficultés quotidiennes de mes enquêtés et renforce ainsi le sentiment d'insécurité linguistique.

    Ces discours m'ont amenée à réfléchir sur la place de la parole de l'apprenant dans un cours de FLE/FLS et à la manière de considérer sa parole. Il est bon de rappeler dans ce cas qu'il n'existe pas de format unique d'apprentissage et d'apprenant tout comme il n'existe pas de personne parlant sans fautes, ainsi il est intéressant d'apprécier toute la pertinence de ces quelques lignes : « No two speakers have the same language, because no two speakers have the same experience of language » 21 (Hudson, 1980 : 11).

    Dans la partie suivante, il sera question de l'analyse des pratiques quotidiennes du français de mes enquêtés et des stratégies de contournement et d'affrontement de cette norme.

    II-2 Parler français : entre contournement et/ou affrontement de la norme

    1.1 Une représentation erronée des pratiques langagières des apprenants

    Dans les parties précédentes, j'ai pu montrer les effets négatifs du poids de la norme linguistique sur les représentations de mes enquêtés vis-à-vis d'eux même, mais aussi celles de leurs interlocuteurs vis-à-vis de mes enquêtés. Pourtant, si je prends en compte les profils sociolinguistiques de ces personnes (cf. ci-dessous) je peux démontrer que le problème n'est pas que linguistique car ces personnes sont en capacité de communiquer de manière indépendante et cohérente (cf. analyse plus bas) :

    21 Personne n'a la même langue/le même langage parce que personne n'a eu la même expérience de la langue/ du langage.

    80

    CRITERES
    D'ANALYSE

     

    ENQUÊTÉS

    R46

    F42

    G40

    H50

    R47

    Temps passé

    en France

    1 an

    11ans

    6 ans

    2 ans

    26 ans

    Niveau de

    français (CECRL)

    B1

    B1

    B1

    B1

    B1

    Statut

    Sans papiers

    Nationalité française

    Carte de

    séjour

    Demandeur d'asile

    Nationalité Française

    Exposition au français

    -Primaire et

    collège

    -Depuis janvier 2017 à l'OGA

    -Primaire et

    collège

    -Depuis 2016 dans

    plusieurs associations

    -Collège -Depuis janvier

    2017 à
    l'OGA

    - Depuis l'âge

    de 3 ans : école et famille -Depuis janvier

    2017 en
    associations

    -Primaire

    -Stages intensifs de français -Depuis 2016 en associations

    Ce tableau reprend des éléments qui m'ont semblé pertinent de soulever car ils témoignent de la relation entre mes enquêtés, la France (la reconnaissance officielle de leur statut) et leur niveau de français. Ainsi je constate qu'à l'exception de R46 et de H50 toutes ont passées entre 6 et 26 ans de temps en France. Pour le cas de H50, c'est différent, car bien qu'elle soit arrivée seulement depuis 2 ans en France, elle a été exposée au français depuis ses 3 ans, à l'école et auprès de sa famille car le français fait partie du paysage sociolinguistique du Liban, elle est là-bas une langue présente dans la culture, l'enseignement et dans les interactions quotidiennes. Bien que la durée de présence passée dans le pays d'immigration ne détermine pas le niveau de français des apprenants car, il semble que : « plus que le temps passé en pays d'immigration, ce soit la « quantité » d'exposition à la langue de celui-ci qui favorise l'apprentissage » (Biichlé, 2007 : 287), il m'a semblé pertinent d'évoquer ce critère car il permet d'observer et de se questionner sur le fait qu'une enquêtée ayant passé 26 ans en France se retrouve dans la même situation de difficulté au quotidien avec sa pratique du français qu'une enquêtée arrivée il y a 1 an. Ce critère de durée permet également de comprendre la durée d'exposition de mes enquêtés dans la culture française et ses codes notamment auprès des administrations.

    81

    Le deuxième critère est l'exposition au français de mes enquêtés : ils ont été exposés au français pour l'ensemble depuis le primaire et suivent des cours de FLE/FLS en associations depuis leur arrivée en France. Il semble donc que mes enquêtés soient donc sensibilisés un minimum à la langue française et à sa culture.

    Enfin, j'aimerais exposer des arguments prenant en compte une évaluation extérieure de leur niveau de français : mes enquêtés ont tous été estimés de niveau B1 du CECRL par l'association OGA qui offre une formation linguistique en français et dans laquelle ils prennent des cours depuis 1 an au moins. Ce niveau correspond à un niveau seuil pour un visiteur en pays étranger et stipule que l'utilisateur est indépendant dans ses interactions, il possède : « la capacité à poursuivre une interaction et à obtenir ce que l'on veut dans des situations différentes [...] la capacité de faire face habilement aux problèmes de la vie quotidienne » (CECRL, 2001 : 32). Également, je relève que la compréhension des locuteurs de niveau B1 dépend de la pratique de l'interlocuteur ; je remarque ainsi que ce texte stipule que l'interlocuteur est censé utiliser un langage clair et standard :

    « Peut comprendre les points essentiels quand un langage clair et standard est utilisé [...] Peut produire un discours simple et cohérent [...] décrire un espoir ou un but et exposer brièvement des raisons ou explications pour un projet ou une idée (CECRL, 2001 : 25)

    Ces propos me laissent supposer que les personnes ayant interagi avec mes enquêtés ne parlent peut-être pas un français standard. C'est ce qui m'amène à insister sur la présence d'un phénomène diglossique en France entre un français standard et un français qui l'est moins, correspondant à celui que l'on retrouve dans les administrations et autres instances où norme et autorité se côtoient.

    Un dernier critère officiel que j'aimerais traiter est le statut de mes enquêtés. L'ensemble des enquêtés ci-dessus, à l'exception de R46, dispose d'un titre officiel de séjour en France : carte nationale d'identité française, carte de séjour et exceptionnellement une enquêtée ayant le statut de demandeur d'asile. En ce qui concerne R46, l'obtention de la carte de séjour est soumis : « à la connaissance de la langue française dans le cadre de la signature du contrat d'intégration républicaine (CIR) » (Ministère de l'Intérieur, 2016). De plus, ce titre est soumis à des formations linguistiques entre 50 et 200 heures afin de progresser vers le niveau A1 où le locuteur « Peut communiquer de façon simple si l'interlocuteur parle lentement et distinctement et se montre coopératif » (CECRL, 2001 : 25).

    82

    En ce qui concerne l'acquisition de la carte nationale d'identité française, mes 2 enquêtés l'ayant obtenu ont dû justifier d'un niveau de connaissance du français correspondant au B1 :

    « Le niveau requis est le niveau B1 du cadre européen commun de référence pour les langues (CERL). Il correspond au niveau d'un élève en fin de scolarité obligatoire apte à écouter, prendre part à une conversation et à s'exprimer oralement en continu.Il s'agit de maîtriser le langage nécessaire à la vie quotidienne et aux situations de la vie courante » (Direction de l'information légale et administrative (Premier ministre), 2017).

    Ainsi, que ce soit en centres de formations linguistique, auprès d'institutions officielles ou par mes propres observations sur le terrain, le niveau B1 a été retenu. Tous ces arguments et faits me poussent à chercher ailleurs que sur le simple plan linguistique pour répondre à la question de l'intégration. En effet, j'ai estimé que leur niveau est suffisant pour communiquer au quotidien mais je ne suis pas la seule personne, puisque les organismes de référence en matière de formation en français l'ont aussi notifié et parfois les interlocuteurs sur le terrain de mes enquêtés eux-mêmes le confirme :

    R46 : excusez-moi je ne sais pas parler bien le français », elle m'a dit « non tu sais bien, tu sais parler » et je me suis dit dans ma tête « pourquoi elle m'a dit « tu sais bien parler le français » et moi je sais pas parler beaucoup » [...J les français ils me disent non tu parles bien

    H37 : y'a des gens quand on parle avec quelqu'un, ils nous aide de parler, à parler [...J c'est-à-dire à chaque fois je rencontre des personnes qui m'aident, même tu fais des fautes, continue à parler

    Je me demande alors d'où proviennent les barrières auxquelles sont confrontés mes enquêtés si elles ne sont pas d'ordre linguistique? Il est étonnant de constater que la langue reste avant tout pour certains de mes enquêtés un modèle d'usage presque inaccessible et c'est précisément cette relation fermée entre la langue et la norme qui limite les possibilités des pratiques autres. De plus, cette relation offre une logique et une légitimité à la doxa suivante : maitrise de la langue = intégration, une représentation sur l'intégration qui sera traitée dans la dernière partie de mon analyse car elle amène aux interrogations paradoxales suivantes :

    83

    comment est-il possible de se sentir intégré si on ne maitrise pas la langue du pays et comment est-il possible de maitriser la langue si on n'est pas intégré ?

    Je tenterai d'approfondir cette réflexion au fur et à mesure de mon analyse, mais tout d'abord, je vais m'intéresser aux stratégies de contournement adoptées par mes enquêtés, qui participent à fuir la pression de la norme linguistique et représentent l'une des conséquences de l'insécurité linguistique.

    1.2 Des stratégies de contournement et/ou d'affrontement de la norme linguistique

    J'ai pu traiter des difficultés de mes enquêtés à réaliser que leur pratique du français est suffisante pour interagir avec leur interlocuteur, dorénavant, je voudrais démontrer en pratique, les stratégies qu'ils utilisent pour contourner, éviter ou affronter cette norme linguistique.

    Comme j'ai pu le démontrer, c'est principalement le sentiment d'insécurité linguistique que ressentent mes enquêtés, qui a pour conséquence, de bloquer et d'empêcher ces locuteurs d'assumer l'existence de leurs pratiques et de définir leurs usages comme étant du français aussi, une langue existante. Ces blocages linguistiques ne sont pas anodins car ces personnes « peuvent souffrir de leur incapacité à contrôler le bon code dans les bonnes circonstances» (Prudent, 1981 : 22). C'est ce qui les pousse en quelque sorte à continuer de parler exclusivement arabe ou en substituant le français par l'arabe lorsqu'ils se sentent bloqués car ils se sentent plus à l'aise :

    K43 : je préfère arabe parce que je suis à l'aisemais j'aimerais bien apprendre le français [...] des fois je me mets devant quelqu'un, j'arrive pas à parler [...] les enfants, ils parlent avec moi le français, parce que moi j'ai pas l'habitude de parler le français, c'est dur

    H50 : je commence de parler en français mais lorsqu'on réfléchit par les mots qui manquent, j'arrête et je recommence par l'arabe

    H37 : avec les enfants, j'aimerais bien parler correctement avec eux le français mais quelque fois je trouve pas les mots de discuter, comme on dit c'est pour ça que je mélange arabe et français

    Les stratégies d'évitement sont très fréquentes dans les situations où le français qui doit être utilisé doit être formel, concis et où les enjeux pour les apprenants sont décisifs car

    84

    ils concernent des difficultés et des besoins personnels importants dans leur quotidien : rendez-vous dans une administration, écriture d'une lettre, recours juridique, etc. :

    R47: pour les banques [...]je veux pas tomber dans quelques pièges[...] comme ça on peut expliquer si par exemple je veux aller à la CAF

    G40 : apprendre à se défendre dans la partie juridique [...] pour pas être dépendant des avocats [...] j'ai commencé à apprendre le français à côté du code juridique français et le code juridique brésilien

    F42 : quand je veux faire le rendez-vous par téléphone

    Leur solution est essentiellement, de contourner leur difficulté linguistique en faisant appel à une personne tierce pour les aider, un comportement qui peut résulter d'une grande insécurité linguistique et se manifester par l'usage de stratégies d'évitement (Goffman, 1974 : 20-24) :

    A34 : j'ai besoin quelque chose comme ça et je vais prendre un ami

    R46 : j'ai une amie [...] elle m'a accompagné chez la maison des associations

    R47 : si je suis en difficulté, je vais chez Maria (assistante sociale) pour m'expliquer [...] ma belle-soeur elle vient avec moi 2

    Dans certains cas, la difficulté linguistique et culturelle est tellement grande à surmonter que les solutions résident dans l'isolement de ces locuteurs : « L'une des façons d'éviter la difficulté consiste en un repli identitaire (voire un isolement social) qui évite le contact interculturel » (Blanchet, 2007 : 25) ou le mutisme, un signe caractéristique de l'insécurité linguistique (Gadet, 2003) :

    K43 : je dis pas qu'est-ce que je veux dire mais je comprends ce qu'il me dit les gens [...] je me mets devant quelqu'un, j'arrive pas à parler

    R46 : moi je reste toute seule [...] ils ne sortent pas (les mots) oui mais je comprends

    85

    Dans certains cas, mes enquêtés affrontent/contournent les difficultés linguistiques en comptant sur eux-mêmes et des solutions à leur portée, telles que des applications mobiles de guidage et d'apprentissage de la langue, un déplacement directement à l'endroit du rendezvous pour éviter l'appel téléphonique qui représente une source d'angoisse pour un locuteur en difficulté linguistique, etc. :

    H50 : jusqu'à maintenant, je compte sur moi, sur les applications pour les voies et les transports et c'est très bien jusqu'à maintenant

    F42 : je préfère aller chez le lieu [...] parce que quand je veux expliquer quelque chose au téléphone pour moi c'est trop difficile

    G40 : je faisais des traductions français/brésiliens [...] il y a un site « babbel », tu peux apprendre bien à parler le français

    Ces éléments m'éclairent sur des besoins d'apprentissage en français et des pistes didactiques orientées essentiellement sur des situations authentiques : rendez-vous au téléphone/dans un administration, se repérer sur une carte/un plan, etc. Elles m'incitent également à prendre en compte le désir de mes apprenants à autonomiser leur apprentissage que je considère comme un pas vers l'autonomie langagière (Germain & Netten, 2004 : 58).

    Ces stratégies d'évitement/de confrontation de la norme linguistique sont des choix stimulés par leur environnement, principalement par la composition de leur réseau social proche : « la plupart du temps, c'est le réseau social des personnes qui est pourvoyeur des contextes » (Biichlé, 2017). En effet, G40 et H50 ne sont pas mariées, G40 n'a pas d'enfants, elles dépendent financièrement d'elles-mêmes, ce qui les pousse à être autonomes et entreprenantes au quotidien :

    « Qu'est-ce qui vous a permis d'avancer ? »

    G40 : je m'expose [...] je donne plus de moi [...] je travaille, travaille, travaille [...] La force, le courage, la bienveillance [...] pendant du conflit ou j'ai été, je voyais que j'étais toute seule au milieu de vautours

    H50 : ma personnalité est très forte, c'est la confiance [...] il faut compter sur soi-même [...] travailler bénévole avec argent, sans argent, il faut, c'est-à-dire entrer dans la société de plus en plus bien

    86

    En termes de didactique, on retrouve les stratégies que je viens d'énoncer appliquées au sein de la société également au sein de la classe de cours. En effet, le locuteur migrant adopte aussi ce type de comportement en classe de langue car les difficultés vécues en société sont similaires à celles que ressent l'apprenant en société, la pression normative y étant toute aussi présente :

    « un apprenant qui ignore certains mots ou constructions, ou qui n'est pas sûr de leur emploi, les évite et a recours à des périphrases, change de thème ou même cherche à éviter les situations où il pourrait être contraint à les utiliser »

    (Klein 1989 : 31).

    Il arrive également, à un certain stade d'apprentissage, que le locuteur ayant immigré en France depuis un certain temps (ou pas), s'arrête d'apprendre à un stade élémentaire car il estime avoir atteint ses objectifs en termes de communication avec les autres et que cela lui suffise quotidiennement, ses besoins langagiers sont satisfaits (Robert, 1984 : 40-42). Je n'écarte pas cette possibilité pour mes enquêtés. En effet, c'est peut être pour cette raison que mes enquêtés se retrouvent dans une situation d'insécurité linguistique et identitaire : dans un certain contexte ils se sentiront à l'aise car leurs besoins communicatifs seront satisfaits mais dès lors qu'ils se confronteront à un autre contexte, ces sentiment ressortiront.

    J'aimerais désormais soulever le coeur de ma problématique en traitant dans les parties suivantes, du rôle joué par le français dans le processus d'intégration de mes enquêtés tout en orientant mon étude vers les implications en termes de didactique du FLE/FLS.

    87

    CHAPITRE III : L'APPRENTISSAGE DU FRANÇAIS ET L'INTÉGRATION

    J'ai analysé dans les parties précédentes, les effets de l'idéalisation d'une norme linguistique en abordant les répercussions sur les pratiques du français de mes enquêtés et les représentations des membres de leur société d'immigration sur leur pratique. J'ai constaté qu'une hiérarchie entre les pratiques du français de ces locuteurs s'opère. Un fossé similaire s'est aussi creusé en termes d'identité ce qui m'a permis d'insister sur le lien indéniablement présent entre langues et identité.

    En tant qu'élément stratégique de pouvoir, la langue est guidée par une norme qui permet d'en déterminer le bon usage et écarte ainsi les variations utilisées par des locuteurs de cette même langue. Il semble que la conception de ce que représente une langue et de ce que doit être son usage soient encore aujourd'hui guidés par le structuralisme saussurien qui prône : « une coupure entre langue et parole, entre le système et l'actualisation individuelle - et sociale - de ce système » (Turpin, 1995 : 3). Cette pensée se répercute dans les représentations de mes enquêtés et c'est ce qui m'a poussé à choisir de traiter, au sein de la partie précédente des notions de langue(s) et de norme(s) car : « Si la langue est système chez SAUSSURE, elle est aussi norme ! » (Prudent, 1981 : 14).

    Dans les parties qui suivent, j'aimerais conclure mon analyse en observant le lien qu'il existe entre apprentissage, pratique du français et intégration.

    III-1 Définir l'intégration

    1.1 Les représentations des enquêtés : l'intégration perçue comme une démarche sociale

    Il s'agit dans cette partie de relever les représentations de mes enquêtés sur la notion d'intégration. Ma question n° 8 : Selon vous, que signifie l'intégration/être « bien intégré »? visait à comprendre en premier lieu, les représentations que se font mes enquêtés à ce sujet et de voir, en parallèle, quel rôle ils accordent à la langue dans ce processus.

    Comme j'ai pu l'évoquer plus tôt, il n'existe pas de définition de l'intégration, aucune formule ou mesure mathématique miracle n'est envisageable pour déterminer si un individu est réellement intégré ou pas, tout d'abord parce qu'il s'agit d'un « processus continu auquel on ne peut assigner ni commencement ni aboutissement » (Sayad, 1994 : 8) mais aussi parce que « le discours sur l'intégration est un discours fondé dans la croyance » (Laacher, 1992). J'ai fait en sorte d'intervenir le moins possible au moment de poser les dernières questions de

    88

    mon guide d'entretien car je souhaitais vraiment obtenir des représentations les plus fidèles possibles à leurs énoncés :

    F42 : c'est pas que la langue, la culture, le pays comme tous, pour moi c'est ça être

    intégré [...] pour moi c'est je comprends ou je vais, je comprends bien, c'est pas que la

    langue, il y a aussi le culturel, tu comprends la fonction

     

    R47 : ça veut dire progresser de quelque chose?[...] Progresser ça veut dire être bien

    intégré ? [...] je crois c'est, il faut bien comprendre ce qu'il faut, euh connaitre toutes les

    choses [...] il va adopter/adapter beaucoup de gens, connaitre

     

    H37 : intégration, c'est pas l'amélioration non c'est pas ça, intégration c'est ça ? C'est ça

    le bon mot ? [...] je crois c'est améliorer non ? [...] il faut faire ma place en France ? je

    crois c'est ça le mot non ?

    K43 : être capable de [...]ce qu'on veut faire [...] il qu'est-ce que je veux, pas demander

    quelqu'un il me fait ça, il me fait ça non

    H50 : intégrer, c'est-à-dire entrer ? [...] être social, de plus en plus social et n'avoir peur

    des choses de la vie, c'est-à-dire le timide [...] diminue un peu [...] il faut compter sur

    soi-même oui premièrement

     

    R46 : bien s'installer non ? [...] avant j'habite au Maroc mais quand je rentre en France,

    il faut que je parle avec les françaises, assise avec les françaises, parler avec eux, ça c'est

    l'intégration

    G40 : il faut que tu travailles et que tu t'entraines et que tu respectes [...]je dis

    bonjour[...]je me dis que j'ai fait ma partie et être solidaire, la solidarité ça compte, le

    respect[...] si tu n'as pas le respect, tu ne peux pas t'intégrer, tu vas être détesté vite fait

     

    M30 : moi je continue (rires) je continue pour dire, parler et lire aussi [...] Pour la loi

     

    A34 : C'est la loi ?

     

    Si nous nous en tenons à leurs définitions (ci-dessus), un premier constat peut être fait : aucun enquêté n'a une vision purement linguistique de l'intégration. Seuls 3 enquêtés définissent l'intégration en évoquant un aspect langagier certes mais située dans l'interaction avec autrui, ce qui renforce l'idée que l'apprentissage de la langue se conçoit socialement :

    89

    M30 : moi je continue (rires) je continue pour dire, parler et lire aussi

    G40 : Je vois des gens, je dis bonjour,

    R46 : il faut que je parle avec les françaises, assise avec les françaises, parler avec eux, ça c'est l'intégration

    Ce premier constat, contredit de prime abord, la vision politique de l'intégration précédemment évoquée : maitrise du français = intégration (équation réversible), que l'on retrouve « dans les discours des politiques, dans les titres des médias, dans de multiples strates de la société » (Biichlé, 2009 : 36) et s'oppose également au « mythe du rôle primordial et suffisant de la langue dans les processus d'intégration » (Calinon, 2013 : 27).

    Deux enquêtés déclareront même de manière insistante que : c'est pas que la langue, la culture, le pays comme tous, pour moi c'est ça être intégré [...] c'est pas que la langue, il y a aussi le culturel, tu comprends la fonction (F42), « la langue c'est rien de problème, chaque fois il connait quelque chose voilà [...] non c'est pas un problème » (A34)

    Pour mieux comprendre les propos de F42 un bref rappel de sa situation est nécessaire : cette enquêtée vit en France depuis 11 ans, elle a la nationalité française, a été qualifié d'un niveau B1 du CECRL mais ses interlocuteurs ont du mal à la comprendre, elle me précisait que certains de ses interlocuteurs lui rétorquait clairement « qu'est-ce que vous dites » et lorsque je lui ai demandé de préciser les raisons possibles de cette attitude, elle déclara « peut-être, ils ont pas l'habitude de parler avec les autres qui ont des difficultés de la langue ». Cette situation confirme bien que « La compétence suffisante pour produire des phrases susceptibles d'être comprises peut-être tout à fait insuffisante pour produire des phrases susceptibles d'être écoutées... » (Bourdieu, 1982 : 42) et que « la langue, dans ce qu'on en fait, est un phénomène social. Parler n'est pas uniquement faire des phrases » (Eduscol, 2014). C'est ce qui me permet de rebondir sur la notion de fonction évoquée par F42, qui souligne un point essentiel de l'enseignement/apprentissage d'une langue étrangère. Il s'agit là de comprendre que les apprenants ont besoin d'apprendre une langue et que cet apprentissage puisse faire sens à leur environnement. Cette démarche est clairement préconisée par le CECRL, qui recommande la démarche actionnelle, elle-même devant prendre en compte une compétence pragmatique qui : « recouvre l'utilisation fonctionnelle des ressources de la langue (réalisation de fonctions langagières, d'actes de parole) en s'appuyant sur des scénarios ou des scripts d'échanges interactionnels » (CECRL, 2001 :

    90

    18). Cette notion de « fonction » qui a été ici soulevée par l'enquêtée F42 m'amène à comprendre le rôle que doit jouer l'apprentissage du français pour mes enquêtés dans leur processus d'intégration.

    Quand à A34, au-delà de la langue, il conçoit l'intégration en fonction de ses priorités, sa grande préoccupation est d'être d'abord reconnu officiellement par l'Etat : « je sais pas mais pour l'instant, je suis pas bien [...] tu restes pas tranquille, toujours tu tournes la tête tu tournes, qu'est ce que je vais faire les papiers qu'est-ce que ça, tu vois ».

    Ce premier constat prend également en compte mes interrogations de départ, à savoir s'il ne serait pas plus efficace de favoriser plutôt en premier lieu l'intégration (et les interactions avec l'environnement francophone) pour arriver à la « maitrise » de la langue plutôt que l'inverse. Il confirme également tout l'aspect majoritairement social de l'intégration (Tiberj, 2014 : 1) et celui de langue. C'est ce qui m'amène à privilégier une approche sociale de la langue et à opter pour l'approche communicative comme approche de prédilection pour l'enseignement des langues car « pour communiquer, il ne suffit pas de connaître la langue, le système linguistique, il faut également savoir s'en servir en fonction du contexte social » (Hymes, 1974 : 34).

    Ce qui ressort des représentations de mes enquêtés sur l'intégration sont des aptitudes, des comportements et attitudes à adopter plus qu'une langue à apprendre de manière isolée. En effet, pour eux, l'intégration se manifeste en termes d'actions sur l'avenir. Le moteur n'est pas la langue selon eux mais leur propre comportement au quotidien et aussi les objectifs qu'ils souhaitent atteindre dans le futur. Ils s'inscrivent dans une dynamique en tant qu'acteur social d'un processus sans fin (celui de l'intégration), ce qui confirme bien l'aspect dynamique du processus d'intégration :

    M30 : moi je continue (rires) je continue pour dire, parler et lire aussi

     

    G40 : il faut que tu travailles et que tu t'entraines et que tu respectes,

     

    H50 : je mets dans mon esprit de continuer toute ma vie ici en France, c'est-à-dire,

    il faut intégrer dans la société française [...] être social, de plus en plus social

     

    K43 : amélioration non c'est pas ça [...] je crois c'est améliorer non ? [...] il faut

    faire ma place en France

     

    91

    Mon deuxième constat concerne l'adéquation des représentations de mes enquêtés vis-à-vis de la notion d'intégration telle que je la conçois, un processus qui : « engage tout l'être social des personnes concernées (i.e. toute leur identité) et aussi la société dans son ensemble» (Sayad, 1994 : 8. J'observe bien que les 2 acteurs du processus d'intégration sont présents dans les réponses de mes enquêtés : « la société et le migrant, le système et l'élément » (Biichlé, 2009 : 39). Ces acteurs sont désignés par mes enquêtés eux-mêmes dans leurs réponses :

    G40 : Je vois des gens [...] ils ne me répondent pas, ils me font penser que je suis

    transparente [...] je me dis que j'ai fait ma partie

     

    F42 : les autres m'ont acceptée [...] il y a différents des gens [...] il y a quelque uns

    qui m'acceptent, les autres pas

     

    K43 : pour ma famille oui mais pour la France je sais pas [...] la France [...] c'est

    exigeant, elle fait tout mais il faut les gens ils travaillent, ils fait le bien pour tout

     

    H37 : je fais ma possibilité [...] c'est à lui de réfléchir

     

    Si la réussite du processus d'intégration dépend de ces deux paramètres alors il semble intéressant de se pencher aussi sur la partie qui implique la société d'immigration et ses acteurs car les conséquences d'une mauvaise articulation entre les deux peuvent être néfastes pour le migrant au sein de sa société car : « Si l'un ou l'autre fait défaut, on se retrouve alors dans les configurations moins riches et parfois plus dangereuses (communautarisme, racisme, etc.) que sont l'assimilation et la ségrégation » (Biichlé, 2009 : 39) mais aussi pour l'apprenant en situation d'apprentissage du français, car il lui est nécessaire de pratiquer la langue en contexte et cela lui sera difficile s'il se retrouve isolé ou entouré de locuteurs parlant essentiellement sa langue primaire de socialisation. Aussi, j'aimerais appuyer le fait que la langue structure notre identité et que si mes enquêtés pratiquent plus souvent leur(s) langue(s) primaires de socialisation du fait qu'ils soient isolés des interlocuteurs francophones, alors il est logique qu'une identité plus rattachée à leur pays d'origine soit ressentie comme plus importante chez eux : « Notre langue structure notre identité, en ce qu'elle nous différencie de ceux qui parlent d'autres langues et en ce qu'elle spécifie notre mode d'appartenance [...]et de sociabilité » (Lamizet, 2002 : 5-6).

    Mes enquêtés sont désireux de progresser en français et connaissent la solution qui réside simplement en la pratique de cette langue, ils ont en effet juste besoin de trouver des

    92

    locuteurs avec qui parler français : Qu'est-ce qui vous manque pour avancer en français, est-ce qu'il y a des choses, des moyens pour améliorer votre français ?

    F42 : parler français parce que je parle que ici avec l'association

     

    R47 : J'aimerais bien parler le français [...] parce que regarde ça fait

    longtemps que je rentrais là

    A34 : la langue, juste la langue

     

    H37 : bien communiquer [...] c'est pas rester à la maison

     

    K43 : y'a personne qui parle avec moi [...] ici on est en France, il faut

    qu'on parle français

     

    Dans les discours de mes enquêtés, j'observe que l'intégration constitue davantage une démarche de sociabilité :

    R46 : il faut que je parle avec les françaises, assise avec les françaises,

    parler avec eux, ça c'est l'intégration

     

    H50 : être social, de plus en plus social et n'avoir peur des choses de la

    vie, c'est-à-dire le timide [...] diminue un peu

     

    G40 : Je vois des gens, je dis bonjour,[...] si tu n'as pas le respect, tu ne

    peux pas t'intégrer, tu vas être détesté vite fait

     

    H37 : il faut faire ma place en France

     

    Il s'agit aussi pour eux d'un moyen de comprendre leur environnement, de pouvoir être plus indépendant au quotidien et d'être capable de s'investir dans leur vie sans avoir à compter sur d'autres personnes :

    93

    F42 : pour moi c'est je comprends ou je vais, je comprends bien,

     

    H50 : il faut compter sur soi-même oui premièrement

     

    K43 : être capable de [...] capable de ce qu'on veut faire [...] il faut faire

    qu'est-ce que je veux, pas demander quelqu'un il me fait ça, il me fait ça

    non

    R46 : je crois c'est il faut bien comprendre ce qu'il faut, euh connaitre

    toutes les choses

     

    Ainsi, j'ai pu constater que les moyens évoqués pour s'intégrer ne sont pas linguistiques mais essentiellement sociaux et personnels : que ce soit par le contact direct avec les membres de la société d'immigration et/ou par le travail sur soi.

    Je vais aborder les cas particuliers de deux enquêtés (M30 et A34) qui m'ont questionné et permis de revoir ma méthodologie d'enquête. Ces situations ont été analysées ci-dessous de manière indépendante car les profils d'apprenants me paraissent similaires.

    1.2 Les difficultés de compréhension pour les niveaux débutants : les cas de M30 et A34

    Lors de mes entretiens, j'ai pu remarquer que certains enquêtés se sont retrouvés en difficulté face à la notion d'intégration, qui requiert des apprenants d'avoir atteint un niveau d'apprentissage de la langue prenant en compte un certain niveau d'abstraction.

    Les cas de M30 et A34 sont particuliers. A34, est sans papiers et en France depuis 2 ans et n'a jamais appris le français avant d'arriver en France, il débute les cours, de manière très irrégulière depuis le mois de janvier 2017. M30 est arrivé, il y a 8 ans mais a été très isolé d'un environnement francophone du fait qu'elle ait dû, notamment, élever ses 3 enfants. Elle débute à peine, les cours à l'association car son dernier enfant vient d'être scolarisé. Le niveau qui a été estimé par l'OGA pour ces locuteurs est de l'A.1.1.

    En termes d'exposition en français, ils semblent tous deux limités : M30 et A34 n'ont que le cours de français pour pratiquer la langue. La question de l'intégration n'a pas été la seule difficulté pour eux, j'ai dû tout au long des entretiens effectués avec ces locuteurs, simplifier les termes choisis car à ce niveau, ils sont censés :

    94

    « comprendre quelques expressions familières et quotidiennes [...] ainsi que des énoncés très simples f...] si les messages sont prononcés lentement et / ou distinctement [...] doublés par de l'écrit et répétés » (Perrot, 2017)22

    Ces deux entretiens étaient les premiers et je me suis lancée sans me poser trop de questions, en relativisant l'aspect du niveau de langue car il est aussi intéressant de voir comment « la position de l'observateur dans l'espace modifie sa vision de l'objet observé (à chaque langue sa position d'observation sur la réalité) » (Fuchs, 1997 : 10). J'avais l'intention pour ces locuteurs de simplifier, vulgariser les notions complexes et j'espérais au fond de moi qu'ils auraient un minimum entendu parler de l'intégration au vu de leur situation de migrant assez récente car « l'immigration est principalement une question nationale via la problématique de l'intégration » (Favell, 2010 : 44). Après avoir insisté sur la question n°8, précédemment traitée pour les autres enquêtés, en reformulant plusieurs fois ma question, j'ai obtenu les brèves réponses suivantes :

    M30 : Oui (je connais). Moi je continue (rires) pour dire, parler et lire aussi

    A34 : C'est quoi intégré [...] c'est la loi ?

    Pour A34, j'ai senti à ce moment qu'il ne comprenait pas la notion et éprouvait des inquiétudes (certainement du fait de sa situation irrégulière) alors j'ai estimé qu'il fallait que je lui soumette ma représentation (cf. ci-dessous) de l'intégration, de manière un peu spontanée et forcée car l'entretien se serait arrêté là si je ne l'avais pas fait, en effet, les 2 questions suivantes abordaient également l'intégration :

    « Non, non, ce n'est pas la loi, c'est quand quelqu'un, il arrive en France euh on va lui demander de intégrer en France, de bien s'intégrer, c'est-à-dire, d'être en France et de faire des choses pour être bien avec les autres et que les autres, ils soient bien avec toi »

    A34 : Ah oui, oui

    Pour M30 et A34, il est difficile de réaliser une analyse plus pertinente avec si peu d'éléments, cependant il m'est possible de relever l'aspect formel de leur représentation de

    22 Issu du site delfdalf.fr

    95

    l'intégration. Pour M30, il semble que ce soit par la continuité de ses actions d'apprentissage envers la langue que réside la solution de la bonne intégration « je continue [...] pour dire, parler et lire aussi » et pour A34, l'aspect légal seulement « c'est la loi », pour le moment. Après explicitation, ces deux enquêtés ont évoqué leur sentiment d'intégration et des éléments se sont révélés.

    Une fois les difficultés de compréhension résolues, ces enquêtés ont pu poursuivre l'entretien de manière plus équitable avec leurs pairs, c'est ainsi dans la partie qui suit, dont l'objet est le sentiment d'intégration de mes enquêtés, que je prendrai en compte l'ensemble de mes enquêtés dont M30 et A34.

    III-2 L'association langue et intégration : une évidence ?

    1.1- Le sentiment d'intégration de mes enquêtés : des déclarations mitigées et axées sur l'autre

    Cette partie, engagera une réflexion autour du sentiment d'intégration ressenti par mes enquêtés. C'est grâce à la question n° 9 : Avez-vous le sentiment d'être bien intégré(e) par les français/la France ? Qu'est-ce qui vous permet de l'affirmer ou pas ? Qu'avez-vous fait pour y arriver ou qu'est-ce qu'il vous faudrait ? que j'ai pu recenser ces énoncés :

    R46 : Oui, oui [...] parce que j'aime la France, j'aime la langue française, parce qu'ici, quand

    je sors dans la rue [...] les femmes me disent « bonjour madame, bonsoir madame, ça va

    madame, salut madame » [... ]je sens bien ici

     

    F42 : Pas encore [...] je sais pas [...] les autres m'ont acceptée je sens mais ça dépend [...]

    y'a des moments, je me sens bien, des moments non [...] pas tous [...] il y a différents des gens

    [...] il y a quelques-uns qui m'acceptent, les autres pas

     

    G40 : ça dépend des personnes [...] par la France, je n'ai pas de problèmes [...] ça dépend si

    la personne est positive ou négative

    H50 : pour moi c'est un peu difficile [...]je mets dans mon esprit de continuer toute ma vie ici

    en France [...] il faut intégrer dans la société française oui, mais y'a des limites [...] l'intégration n'est pas difficile pour moi jusqu'à maintenant

     

    H37 : je fais ma possibilité comme une femme de foyer [...] si on est quelqu'un de bien

    pourquoi pas

     

    96

    Les réponses ont été mitigées. En effet, la majorité des enquêtés n'a pas répondu par l'affirmative de manière catégorique sauf les enquêtées M30, R46 et R47 qui se sentent plus ou moins intégrés pour des raisons très personnelles et localisées par des références à leur environnement proche :

    M30 ne voulait pas vraiment s'étaler sur le sujet et n'a cessé de me répondre de manière brève et neutre : "oui, oui, oui," "y'a beaucoup de choses oui", "non non jamais", "non non ça va". Encore une fois, je suppose que son niveau en français ne lui permet pas non plus de s'étendre sur cette problématique qui nécessite un niveau d'accès à la pensée abstraite. Les seuls éléments qui lui permettent de se sentir intégrée sont encore une fois (A34 également avait soulevé cet aspect) : pour la loi [...] les gens.

    R46 est en France depuis moins d'un an, elle m'explique se sentir très seule (elle n'a pas d'enfants, ne travaille pas et son mari travaille toute la journée) et que sa seule occupation est le cours de français à l'association. Les motifs qui lui permettent de se sentir intégrée sont les suivants : parce que j'aime la France, j'aime la langue française, parce qu'ici, quand je sors[...] les femmes me disent "bonjour madame, bonsoir madame, ça va madame, salut madame mais elle déclare aussi se sentir intégrée par comparaison à sa situation en Espagne où son environnement était moins accueillant « elles ne dit pas salut [...] quand ils regardent une femme avec le foulard, il fait comme ça (baisse les yeux » et quand je lui dis « hola », elles ne répond pas [...]ici en France, je ne connais pas les gens et ils me parlent dans la rue (R46). Une grande partie des raisons évoquées implique une reconnaissance des autres et un besoin de sociabilité (R46 déclarera à trois reprises, ne pas vouloir rester seule chez elle et avoir besoin de sortir pour se sentir intégrée), mais elle évoque aussi son goût pour le français et la France.

    R47, en France depuis 26 ans semble avoir pris ses marques en France et se sentir intégré bien que des références à son pays d'origine resurgisse dans sa réponse : « oui, moi je peux pas si on me dit "vas-y au Maroc" moi je peux pas (rires »), mais aussi des références à des problèmes apparaissent dans sa réponse, ce qui me laisse supposer que l'intégration n'a pas été un processus aisé pour elle et qu'elle a dû gagner sa place en se justifiant : « j'habite là, c'est vrai, y'a que moi que je suis là et les autres ils sont tous français, ça m'est arrivé (d'avoir des problèmes) mais après j'ai dit voilà je suis pas, ça fait longtemps que je vis là moi je suis français, j'ai la carte d'identité français et ça va mieux maintenant [...] avant on était

    97

    pas d'accord de beaucoup de choses » (R47). Le paradoxe de sa réponse réside dans le fait que R47 se sente intégré et français mais que son discours indique des actualisations identitaires contraires : une claire distinction entre elle et les autres (they/wecode, Gumperz, 1989) apparait par les marqueurs discursifs « moi » et « les autres », « ils sont tous français », « je parle avec eux » et quelques lignes plus loin, elle déclarera « je leur explique, je dis voilà, je suis là, c'est vrai je suis étranger » et finira par préciser qu'aujourd'hui si elle se sent intégrée, c'est parce qu'elle n'est plus « intru », qu'elle peut « parler » et qu'elle est « comme une française en France ».Ces oscillations reflètent encore une fois, l'aspect dynamique de l'identité en elle-même, et encore plus chez les migrants : « Au fil de la vie, par son caractère extrêmement dynamique et éminemment pluriel, l'identité peut osciller entre identité actuelle et ancienne pour les migrants » (Biichlé, 2017) mais aussi son aspect complexe : « L'identité complexe, plurielle, ne serait-elle pas la règle plutôt que l'exception dans des situations de migration ? » (Lüdi, 1995 : 247).

    Pour les autres enquêtés, certaines réponses ont été semées d'hésitations, en grande partie parce qu'ils ne sentent pas forcément reconnus par les français ou parce qu'ils doutent de leur reconnaissance. La part d'implication de la société dans le processus d'intégration de mes enquêtés semble être difficile à évaluer et à appréhender :

    F42 : pas encore f...] je sais pas f...] les autres m'ont acceptée je sens mais ça dépend f...] y'a

    des moments, je me sens bien, des moments non f...] pas tous f...] il y a différents des gens f...]

    il y a quelques-uns qui m'acceptent, les autres pas

     

    K43 : je sais pas f...] on sait pas f...] pour ma famille oui mais pour la France, je sais pas, je

    sais pas si moi est-ce que je suis intégrée ou non

     

    G40 : ça dépend des personnes f...] ça dépend qui est devant toi, c'est dur parce que tu ne sais

    pas comment cette personne va réagir, tu ne sais pas ce qu'elle va te dire, tu ne sais pas si elle

    va être sympathique avec toi, est-ce qu'elle va être agressive avec toi, si elle va te dire des

    choses de travers, est-ce qu'elle va regarder ton visage, est-ce qu'elle va t'écouter, tu vois ?

     

    H37 : pourquoi pas f...] si je me sens moi, je suis quelqu'un de bien et je fais ma possibilité et

    les choses comme il faut beh si quelqu'un il pense quelque chose de moi pas bien beh c'est à lui

    de réfléchir c'est pas à moi

     

    98

    Certains enquêtés, déclarent ne pas se sentir intégrés du fait qu'ils ne travaillent pas ou pas de manière sereine :

    K43 : je sais pas si moi est-ce que je suis intégrée ou non parce que [...]je travaille pas, je travaille pas

    H50 : pour moi c'est un peu difficile [...] il n'y a pas de choses fortes parce que je ne travaille pas pour le moment

    A34 : pour moi ? [...] je pense, beaucoup de manque [...] je travaille pas tranquille,

    Ces discours me laissent supposer, que l'intégration perçue par mes enquêtés rejoint bien ma représentation de l'intégration évoquée plus tôt comme étant dépendante de deux acteurs : la société et le migrant. Cette représentation me parait plus saine car elle n'implique pas de hiérarchie entre les acteurs, la personne immigrant est à égalité en termes de participation avec les autres membres de la société (Hambye & Romainville, 2015) et « l'élément intégré n'est pas perçu comme devant être neutralisé, comme devant perdre ses caractéristiques initiales » (Tap cité par Manço, 1999 : 16).

    Dans l'ensemble, mes enquêtés se sentent plus ou moins intégrés du fait qu'ils pensent bien faire de leur côté pour y arriver : « je suis quelqu'un de bien et je fais ma possibilité et les choses comme il faut » (H37) « je fais très attention [...] je parle avec eux gentiment » (R47) mais aussi parce qu'ils ont l'impression d'être redevables à leur pays d'immigration « la France [...] elle fait tout mais il faut les gens aussi », « ce n'est pas le pays de t'adapter à toi, c'est toi qui t'adapter à le pays, il faut que tu montres de quoi tu es capable » (G40) mais la non reconnaissance des membres de leur société d'immigration les laisse perplexe quant à affirmer qu'ils soient effectivement intégrés.

    Un dernier élément m'a interpellé dans ces représentations sur l'intégration : ils se réfèrent pour la majorité à leurs interactions avec leur environnement proche pour parler d'intégration : « ce qui frappe dans le point de vue immigré, c'est qu'il met fortement l'accent sur la dimension locale de l'intégration (Lamchichi, 1999 : 150) et certains « associe volontairement intégration et réussite personnelle » (Ibid. : 150) :

    99

    G40 : du moment que je fais mon monde, ma vie, tout va bien, c'est eux qui

     

    payent mes factures ?

     

    K43 : il fait des études, il a son travail, il a sa maison, tout est bien et il fait pas

    mal à les gens f...] pour moi, c'est être bien intégré

     

    H50 : maintenant il n'y a pas de choses fortes pour moi parce que je ne travaille

    pas pour le moment

     

    A34 : je travaille pas tranquille, les papiers, tu sors pas beaucoup, tu fais pas le

    voyage parce que t'as peur, rien de papiers, t'es pas acheté l'habit de bon

    qualité parce que tu travailles bien, rien de voiture, tu marches, tu prends le bus

    ou le vélo

     

    Enfin, seulement deux enquêtés ont soulevé des interrogations sur l'aspect langagier comme étant une barrière ou un moteur à leur intégration :

    K43 : je sais pas si moi est-ce que je suis intégrée ou non parce que je parle pas bien,

    H37 : si je peux quand même continuer les cours de français et parler bien f...] eh beh je crois

    Ces derniers éléments me permettent d'introduire la dernière partie de cette analyse : le rôle, pas encore conscientisé jusqu'à ce moment de l'entretien, que joue le français dans leur représentation de l'intégration.

    1.2- Une fois l'intégration pointée du doigt, le français semble effectivement être un facteur important de leur intégration

    Cette dernière partie a fait l'objet d'une approche méthodologique d'enquête différente du reste de l'entretien. En effet, je n'avais jusque là, à aucun moment, effectué de lien entre intégration et langue. C'est au cours de la dernière partie de l'entretien, après m'être assurée d'avoir obtenu leurs représentations sur la question et attendu de voir si le lien se faisait automatiquement ou pas, que j'ai décidé, de manière imprévue au départ, de pointer du doigt ma problématique de manière claire pour les enquêtés. Je leur ai demandé s'ils pensaient que la langue/le français permettait l'intégration ou parfois, de manière moins explicite, ce qu'ils

    100

    pensaient de la langue dans ce processus. L'ensemble des enquêtés interrogés a répondu par l'affirmative, confirmant ainsi l'importance de ce facteur dans le processus d'intégration :

    R46 : Oui, oui c'est important [... ]quand je parle avec quelqu'un dans la maison des

    associations ou dans l'école,

     

    R47 : Oh oui c'est important, y'a que ça en France, la langue, il faut s'améliorer, le

    courage pour parler, il faut faire, c'est pas grave moi je dis le travail et ça mais pour parler il faut qu'on parle français [...] Ah oui c'est important [...]comme ça on peut

    expliquer ce qu'on veut déjà si par exemple je veux aller à la CAF ou quelque part

    comment je vais l'expliquer, tous les jours il faut attendre quelqu'un qui va avec toi ? [...] j'ai dit il faut que je parle français même y'a des fautes il faut, pour les autres je sais pas

    H37 : c'est important, c'est très très important eh oui si moi j'habite en France et que je

    ne peux pas communiquer, je peux pas parler français, c'est difficile, comme quelqu'un

    qui vient chez vous mon pays par exemple le Maroc, il parle pas ma langue, il parle une

    autre langue, comment il va s'exprimer s'il parle pas la langue, c'est important

     

    G40 : Oui, oui, apprendre à parler le français c'est comme refaire sa porte[...]porte

    pour le monde entier tu es libre, tu as ta liberté en main, c'est comme si tu venais de

    naitre mais tu voles, tu es né et tu voles, avant tu ne volais pas parce que tu ne parlais

    pas le français [...]tu peux pas trouver quelqu'un qui va être auprès de toi pour te faire

    la traduction tout le temps, ça c'est impossible, moi-même pour cette expérience ça m'est arrivé

    K43 : Oui, pour moi oui parce que quand tu vas faire quelque chose tu demandes les

    choses ou tu cherches les choses et c'est facile [...] pour moi c'est le plus important

    d'apprendre le français

    A34 : Euh tu parles tranquille, tu connais l'autre [...] tu entres [...] dans une banque

    tranquille, tu connais, tu parles, tu demandes un papier ou quoi tu connais voilà tu

    parles tranquille, t'as pas besoin de l'autre, à la traduction

     

    F42 : faut, y'a bien la langue, parle avec les gens, avec les Français (inaudible) pour

    moi c'est ça l'intégration [...] bien comprendre les autres [...] pouvoir convaincre

     

    Avant cette intervention consciente de ma part qui consistait à pointer du doigt ma problématique, aucune connexion intégration = maitrise de la langue n'a été souligné par mes

    101

    enquêtés. C'est seulement à ce moment que mes enquêtés ont déclaré que la langue permettait l'intégration en développant ce rapport comme une évidence :

    R46 : Oui, oui c'est important

     

    R47 : Oh oui c'est important, y'a que ça en France, la langue

     

    H37 : c'est important, c'est très très important eh oui

     

    G40 : Oui, oui, apprendre à parler le français c'est comme refaire sa porte[...]porte

    pour le monde entier

     

    K43 : Oui, pour moi oui [...] pour moi c'est le plus important d'apprendre le français

     

    Si je reviens en arrière23, les réponses obtenues à la question de la définition de leur représentation de l'intégration n'indiquaient pas la langue comme facteur d'intégration. Ce retournement de situation était prévisible, je me doutais qu'en guidant les enquêtés vers ce que je souhaitais faire ressortir, ils iraient dans ce sens et c'est pour cette raison que je ne l'ai pas fait au début, en effet en aucun cas, mes questions visaient de manière explicite à induire ces réponses. J'aimerais faire ressortir ici les effets de raison impulsée par une représentation prégnante telle que la maitrise de la langue du pays d'immigration = une intégration réussie. En effet, j'ai pu voir que l'existence de cette représentation dans mon discours a conditionné leur représentation sur l'intégration. Ainsi, je pense qu'a l'échelle du pays d'immigration, l'existence de cette représentation conditionne l'existence de la réalité sur l'intégration.

    Mon but ici n'est pas de dire que la langue ne facilite pas l'intégration, bien au contraire, cependant, il me parait important de rééquilibrer la question de l'intégration des personnes immigrant en France. Trop souvent la langue constitue un facteur décisif au sein des débats publics contemporains, et des enjeux liés à sa maitrise et à son emploi y sont associés (Hambye & Romainville, 2015). Par ailleurs, il devient normal aujourd'hui d'admettre que des facteurs liés aux pratiques linguistiques des migrants jouent un rôle dans les difficultés que rencontrent ces populations pour s'intégrer (Ibid.) parfois même chez les populations concernées elles-mêmes :

    K43 : je sais pas si moi est-ce que je suis intégrée ou non parce que je parle pas bien [...] pour moi c'est le plus important d'apprendre le français

    23Cf. III-1 Définir l'intégration

    1.1- Représentations des enquêtés : l'intégration perçue comme une démarche sociale

    102

    Le paradoxe dans tout ce revirement de situation réside dans le fait que certains de mes enquêtés ont déclaré plus tôt dans l'entretien ne pas parler le français ou ne pas parler bien le français24 et se sentir tout de même intégrés plus tard pour des raisons diverses n'incluant pas la langue 25. A ce stade de l'entretien, la langue devient le principal facteur d'intégration et même les enquêtés qui avaient déclaré de manière plus affirmée se sentir intégrés (R46 et R47) mais ne pas bien parler le français : « non, je suis pas top [...] j'aimerais bien parler le français » (R47), « je ne sais pas parler en français » (R46), y trouvent désormais une logique au rapport intégration = langue et ne jurent que par le facteur langue :

    R47 : oh oui, c'est important, y'a que ça en France la langue [...] c'est pas grave moi je dis le travail [...] mais pour parler, il faut qu'on parle français

    R46 : Oui oui, c'est important [...] je pense que la langue, à mon avis que la langue

    Ces positions révèlent également des attitudes impliquant une certaine culpabilité qui me renvoie à un schéma où les acteurs qui décident de leur intégration par la langue (la France et les français) seraient en position de supériorité en tant que « dominants » et les immigrés seraient les « dominés » (Pallida, et al., 2011 : 66). Des attitudes que j'ai pu relever en leur demandant ce qu'ils avaient fait pour bien s'intégrer en France, s'il était facile de s'y intégrer, si le français était une priorité et si R47 après 20 ans en France, se sentait française :

    R47 : je fais très attention [...] je parle avec eux gentiment [...] mais y'en a qui parlent quelque chose avec moi, je leur explique, je dis voilà je suis là c'est vrai je suis étranger mais je veux vivre là et j'ai le droit de vivre là » [...] je peux parler, je suis comme une française en France

    R46 : ici, oui c'est facile [...] parce que les gens ici ne sont pas méchants, il est très gentil [...] qu'est-ce que tu vas faire dans un pays et que tu ne sais pas parler avec la langue

    24 Cf. I-2 Les langues en usage et leurs contextes d'utilisation 1.3 Le français : une langue d'usage inconsciente

    25 Cf. III-2 L'association langue et intégration : une évidence ?

    1.1- Le sentiment d'intégration de mes enquêtés : des déclarations mitigées et axées sur l'autre

    103

    En effet, comment un tel discours : « je suis étranger mais je veux vivre là et j'ai le droit de vivre là » (R47) peut ne pas révéler une hiérarchie considérant que « L'immigré, c'est avant tout l'étranger qui vient s'installer « chez nous » (Laacher, 2005 : 22).

    Si ces discours prêtent à confusion et amène les enquêtés à ne pas reconnaitre leur pratique du français comme légitime et à légitimer l'apprentissage du français comme facteur premier à une intégration réussie, il m'apparait alors qu'ils adhèrent à la représentation de « la langue comme entité circonscrite, figée, préservée de la mouvance, de la pluralité, de la rencontre » (Bretegnier & Ledegen, 2002 : 13). Je pourrais même faire un parallèle entre ce procédé méthodologique d'induction de la réponse et le procédé de transmission des représentations, en effet il m'est difficile de sous-estimer la force d'attaque des représentations sociales en général sur un individu car : « Elles ont en elles une sorte de force, d'ascendant moral en vertu duquel elles s'imposent aux esprits particuliers » (Durkheim, 1968 : 625), on en est tous imprégnés et elles régissent notre relation au monde et aux autres (Jodelet, 1994) tout comme la force de la représentation suivante : intégration = langue, que j'ai pu transmettre à mes enquêtés en les guidant.

    En termes de didactique du FLE/FLS, il est pertinent de se confronter à cette problématique de l'intégration par la langue et d'en observer les effets sur des locuteurs en apprentissage. En proie à la confusion et aux doutes, l'apprenant d'une langue étrangère se construit de par et avec la langue, il parait alors important en tant qu'enseignants de veiller à accompagner et orienter cette construction vers le désir de la langue apprise et non vers l'obligation. Un désir qui n'exige pas de l'apprenant d'abandonner son passé, ses langues et son identité, qui constituent des richesses à qui veut bien le voir. Aussi, j'aimerais préciser que le bagage linguistique et identitaire d'origine des apprenants ne l'empêchera pas d'avancer dans son processus d'apprentissage et d'intégration, en effet, les langues et identités d'origine et actuelle peuvent cohabiter.

    J'aimerais avant de conclure mon travail de mémoire effectuer une critique soulignant une des failles de mon approche méthodologique. En ce qui concerne les représentations de mes enquêtés sur la question de l'intégration, il m'a été difficile de traiter les réponses obtenues de la même manière. J'ai pu aborder de manière isolée, les difficultés de compréhension de M30 et de A34 26 sur la question de l'intégration et évoquer les raisons

    26 Cf. III-1 Définir l'intégration

    1.2- Difficultés de compréhension pour les niveaux débutants : les cas de M30 et A341.1

    104

    éventuelles de ces difficultés. En termes de méthodologie, il a fallut que je m'adapte. Je ne voulais absolument pas diriger les réponses de mes enquêtés mais je devais rebondir vite dans cette situation car comme je l'ai expliqué, l'entretien se serait achevé à ce moment sans que je ne puisse obtenir plus d'éléments de réponse sur ma problématique. La seule solution que j'ai estimé être appropriée à ce moment et qui me soit venue était de leur expliquer avec mes mots, ma représentation, ce que j'entendais par intégration en m'adaptant à leur niveau : prononciation lente et articulation distincte des vocables, répétition du lexique important « en France », « intégrer » et utilisation d'un lexique simple et familier : « demander », « faire des choses », « bien », « les autres ». Les réponses obtenues n'ont certes pas respecté ma démarche méthodologique de départ mais je les ai quand même prises en compte en les distinguant des autres. L'avantage d'avoir rencontré ces difficultés au départ a été de pouvoir mener une réflexion à ce sujet et d'améliorer les entretiens qui suivirent en les orientant dans une démarche plus flexible. J'aurais dû en effet prévoir lors de la réalisation de mon guide d'entretien ce genre de barrière et prévoir des approches différentes pour les enquêtés d'un niveau plus faible en français (traduction de la notion dans leur langue primaire de socialisation, synonymes moins abstraits, etc.). Ces entretiens m'ont aussi permis d'approcher ce que peut représenter une classe de langue avec des apprenants aux niveaux hétérogènes et de pouvoir réfléchir à des solutions de différenciation pédagogique. Enfin, ces situations me rappellent, qu'être enseignant de FLE/FLS c'est aussi influencer l'apprenant dans son parcours d'apprentissage du français et lui transmettre des représentations (sur la langue, la culture, etc.) qui le guideront au quotidien. Répondre de manière spontanée à un apprenant peut être délicat sur des questions telles l'intégration car elles impliquent l'individu dans un positionnement qui ne peut pas rester neutre. Cet évènement m'a confronté à la difficulté de pouvoir transmettre la « bonne réponse » à mes apprenants et à la responsabilité que celle-ci implique. J'ai fini par réaliser que toutes ces interrogations qui régissent mon rapport à l'autre, que ce soit en didactique du FLE/FLS ou vis-à-vis de la question de l'intégration, relèvent de mon entente face à la norme mais est-il seulement possible de s'en détacher ? si oui, quels sont les conséquences derrière ?

    105

    CONCLUSION

    Ce travail arrivé désormais à sa fin, reste l'objet de préoccupations et de questions restées sans réponses. Il m'a en effet été impossible de me débarrasser de l'ensemble des interrogations survenues tout au long de ce périple où fusaient des interrogations scientifiques, personnelles et professionnelles, qui m'ont poussée à réfléchir de plus en plus et m'ont parfois écartée de mon raisonnement initial. J'ai très vite compris que faire un travail de recherche consiste aussi à savoir se remettre en question et ne pas toujours rester sur ses positions de départ. Je m'étais mise dans une position de défense vis-à-vis de ce que j'estimais être une adroite supercherie politique visant à nous faire croire que seule la langue pouvait aider un migrant à s'intégrer et ne m'étais pas rendue compte que la question devait se poser autrement. Ce qui me semblait être au départ une problématique tournée dans le bon sens : aborder l'apprentissage du français à travers l'optique de l'intégration des populations immigrées, a petit à petit été réorienté par les dires de mes enquêtés. Largement perçue comme une démarche sociale d'interaction vers l'autre, l'intégration ne semble pas se résoudre par l'apprentissage du français. Il aurait été plus pertinent d'aborder le rôle que joue l'intégration de ces publics dans leur processus d'apprentissage du français car il constitue un levier d'action plus important. Leurs parcours d'intégration soulèvent essentiellement des problèmes de reconnaissance sociale, une reconnaissance de l'autre au niveau professionnel, personnel et identitaire.

    Je ne nie pas la prégnance de la représentation visant à surestimer la langue dans l'intégration des migrants et ce que cela implique sur les parcours d'apprentissage de mes enquêtés ni même la force par laquelle elle guide leur pratique au quotidien. Cependant, il me semble juste de ne pas oublier que la langue reste pour mes enquêtés une force d'action, elle représente un outil d'indépendance et d'autonomie, de conviction et de sociabilisation leur permettant d'accéder à l'intégration.

    Au fur et à mesure que j'avançais, je me rendais compte à travers les énoncés de mes enquêtés, qu'ils étaient eux aussi victimes de cette représentation qui semble affecter non seulement leur identité en tant qu'individu mais aussi en tant qu'apprenant. Afin de mieux comprendre mes enquêtés, j'ai essayé de rentrer dans leur logique représentationnelle en me positionnant moi aussi comme une personne immigrant dans un pays étranger. Je me suis souvenue de mes expériences à l'étranger (et même en France) où le sentiment d'insécurité linguistique me pesait et m'empêcher de m'exprimer : cours de langues, rencontres avec des locuteurs allophones, voyages touristiques et familiales, etc. Ces expériences, loin d'être

    106

    comparables à la situation de beaucoup de personnes immigrant en France car elles ont été entreprises dans un but parfois récréatif ou professionnel, ont contribué à remettre en cause mon identité. Nous avons tous eu (ou presque) un jour l'expérience de se retrouver l'étranger de quelqu'un et de se sentir démuni face à une langue qu'on ne maitrise pas ou très peu. La perte de statut qui va avec nous rend conscients que l'apprentissage de la langue du pays d'immigration est un facteur à prendre en compte dans la vie et l'intégration de ces personnes

    car :

    « apprendre à parler le français c'est comme refaire sa porte f...] une porte pour le monde entier, tu es libre, tu as ta liberté en main, c'est comme si tu venais de naitre f...] tu es né et tu voles, avant tu ne volais pas parce que tu ne parlais pas le français » (G40)

    Si apprendre le français amène nécessairement l'apprenant à se définir en tant qu'individu, il semble alors important de préserver cette identité à travers les interactions qu'il a avec le monde extérieur (« face-work », Goffman, 1974). C'est en ce sens que je ne néglige pas l'importance et le rôle que joue la langue pour l'apprenant de FLE/FLS. C'est également dans cette direction qu'en tant qu'enseignant de FLE/FLS nous devons agir afin d'aider l'apprenant dans la construction d'une identité harmonieuse avec et par la langue. Cependant, il reste à prendre en compte que l'intégration est une démarche binaire, elle implique également la part que la société d'immigration offre au migrant afin de contribuer à la réussite de son processus d'intégration (De Pietro et Matthey, 2003 : 144). En effet, si cette partie ne considère pas la personne immigrant en tant qu'individu et locuteur à part entière de cette société, comment est-il possible pour elle de se faire une place ? : « Pour ma famille oui mais pour la France je sais pas, je sais pas si moi [...] je suis intégrée ou non parce que je parle pas bien » (K43).

    Ne pas pouvoir s'exprimer dans un français « correct » représente une source d'inconfort pour les migrants qui ont tendance à s'isoler et ainsi à ne pas pratiquer la langue. S'engage ainsi tout une dynamique d'isolement et d'enfermement auprès de ces personnes. Le phénomène migratoire implique comme j'ai pu l'évoquer, des chamboulements considérables en termes d'identité mais aussi au niveau langagier. S'exprimer dans une langue c'est aussi exprimer une identité et si celle-ci n'est pas considérée, alors l'apprenant aura du mal à s'intégrer. La réponse à ma problématique à savoir : le rôle que joue l'apprentissage du français au sein du processus d'intégration des migrants en France, se trouve confrontée à des résultats mitigés. A première vue, les réponses de mes enquêtés ne m'ont pas menée vers une piste impliquant la langue comme facteur d'intégration, en effet, une majorité d'arguments se

    107

    dirigeaient vers des savoir être et des savoir faire à mettre en pratique en société pour s'intégrer beaucoup plus que l'apprentissage du français. Par la suite, il s'est avéré qu'en reformulant mes questions et en les dirigeant précisément sur ma problématique, ceux-ci se soient retrouvés face à un paradoxe : celui de considérer la langue comme facteur premier d'intégration. Si au départ, je pensais confirmer le fait que la langue n'est pas ressenti comme un facteur d'intégration pour mes enquêtés, il me semble désormais impossible de l'affirmer. La transmission et le guidage vers la représentation langue = intégration me semble avoir été un facteur déclencheur dans ces réponses.

    Je retiendrai alors pour étude qualitative limitée en termes de temps et de corpus, qu'il est difficile d'envisager un travail conséquent en tant que qu'étudiant car l'objet d'un tel travail nécessite un travail de fond et un recul qui survient parfois très tard dans le cheminement de notre recherche. Aussi, ces périodes d'observation et d'enquêtes m'ont fait réaliser l'importance d'instaurer une relation de confiance et d'apaisement en termes de communication avec nos apprenants. En effet, lors de mes entretiens, beaucoup d'apprenants se sont révélés être des personnes très à l'aise avec la langue une fois la pression normative amoindrie : pas d'évaluation ni de jugement de leur parole. J'ai pu voir des apprenants se révéler et interagir de manière aisée. Je pense que le cadre de la classe ne doit pas se réduire à un simple cours de français, il devrait être un échantillon de ce à quoi l'apprenant sera confronté mais aussi un lieu où sa parole devrait être prise en considération dans sa pluralité, j'estime qu'il représente une micro société devant agir comme un tremplin vers la société pour les migrants, une transition accompagnée et guidée par l'enseignant. Quoi qu'il en soit, je pense que les associations permettent cette transition de manière plus ou moins éclairée et que leur travail doit être reconnu, car souvent limités en termes de moyens, elles agissent bien souvent comme elles le peuvent et non comme elles le voudraient toujours.

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    117

    ANNEXES

    ENTRETIEN A34 - 22.15 min

    1/ Expliquez-moi ce que vous faisiez avant d'arriver en France (études, travail, etc.) et ce que vous faites maintenant.

    Travail

    Travail oui, vous travailliez dans quoi ?

    Euh, conducteur, ça veut dire chauffeur ?

    Conducteur oui, c'est ça. Pour ? Chauffeur ?

    Camion.

    Camion, pendant combien de temps ?

    Au Maroc, travail ?

    Oui

    5 ans

    Sans. Et qu'est-ce que vous faites maintenant ? Ça fait longtemps déjà ? (que vous êtes en

    France)

    Euh 2 ans.

    2 ans. D'accord et vous travaillez toujours comme conducteur ?

    Ici

    Oui

    Non

    2/ Quelles langues parlez-vous ? Quelle langue parlez-vous avec votre famille, vos amis ? Dans quelles occasions ? Avez-vous des préférences, lesquelles et pourquoi ?

    Et quelles langues vous parlez ? Toutes les langues (que vous parlez) ?

    Ce n'est pas toutes les langues. Arabe, français

    Arabe, quel arabe ?

    Arabe marocain.

    Oui, juste l'arabe marocain ?

    Oui

    Pas d'autres langues ? Français aussi ?

    Français aussi, un peu.

    118

    Un peu. Et quelles langues vous parlez avec votre famille ?

    Arabe

    Juste arabe ? Les amis ?

    les amis au Maroc ou ici ?

    Les deux.

    Peut-être les amis arabes je parle arabe, les amis français je parle en français.

    Oui. Vous avez beaucoup d'amis français ?

    Non j'ai pas beaucoup.

    Oui, à peu près ?

    (inaudible)

    Oui.

    A34 : 4 personnes

    Oui, vous les voyez souvent ?

    Non

    En quelles occasions vous les voyez ?

    L'occasion ? Travail si je travaille un peu.

    Un peu, vous travaillez dans quoi ?

    Peinture

    La peinture. Et est-ce que vous avez des préférences pour parler (une langue) ?

    [...] Arabe

    Arabe oui, pourquoi ?

    Parce que je connais beaucoup d'arabes ici[...]

    3/ Où avez-vous appris le français ? Pendant combien de temps ? Avec qui et quand le parlez-vous? Avez-vous des amis français ?

    Et, ou est-ce que vous avez appris le français ? Ou vous avez appris le français ?

    [...] Euh pour le travail et comme ça.

    Au Maroc ? non jamais ?

    Non.

    Vous n'avez jamais parlé français au Maroc, c'est depuis que vous êtes en France ?

    Oui.

    Et ça fait combien de temps déjà ?

    2 ans.

    119

    4/ Comment avez-vous connu l'association et depuis combien de temps la fréquentez- Que vous apporte-t-elle ? Fréquentez-vous d'autres lieux que cette association où vous pouvez pratiquer le français ?

    Je connais un ami qui vient ici, il m'a donné l'adresse.

    D'accord, c'est comme ça que vous êtes venu

    Oui, à l'association

    Ça fait combien de temps que vous êtes à l'association ?

    1 mois presque

    1 mois, juste 1 mois, d'accord. Et qu'est-ce qu'elle vous apporte l'association ? Depuis

    que vous êtes là, ça fait 1 mois mais est-ce qu'il y a des choses qu'elle vous a apporté ?

    Ah oui, euh, qu'est-ce que je veux parler avec qui, avec, qu'est-ce que je vais lire (inaudible)

    les factures

    Ah d'accord les factures

    Qu'est-ce que tu tries, voilà

    Est-ce que vous allez dans d'autres endroits que l'association ? d'autres endroits où vous

    parlez le français en dehors, pas l'association ici mais est ce qu'il y d'autres associations

    ou vous allez

    Non que ici.

    Et avec vos amis dehors ?

    Oui

    Aussi

    Oui

    5/ Quelles sont les situations en France ou vous éprouvez/avez éprouvé le plus de difficultés pour vous faire comprendre ? Savez-vous pourquoi ?

    Euh, j'ai besoin quelque chose comme ça et je vais prendre un ami

    Ah oui, c'est jamais vous ?

    Temps en temps parce que j'ai pas parlé bien

    Vous parlez pas bien ?

    Non

    D'accord, et ça pour vous c'est, c'est difficile quand vous allez dehors pour demander

    quelque chose ça vous dérange ?

    Oui

    120

    6/ Qu'en est-il d'aujourd'hui : est-ce qu'il est plus facile de vous faire comprendre ? Qu'est-ce qui vous a permis d'avancer ou qu'est-ce qu'il vous manque pour le faire ? Quels seraient d'après vous les moyens pour améliorer son français ? Le faites-vous ?

    [...] Maintenant ça va, c'est pas comme première année

    La première année oui, qu'est ce qui a changé ?

    Eh beh je connais la mentalité de le plupart euh tu parles un peu

    Oui, la mentalité, c'est ça qui vous aidé ?

    Oui

    Qu'est-ce qui vous manque maintenant pour aller plus loin ? pour vous faire

    comprendre, pour avancer ? qu'est-ce qu'il vous manque ?

    La langue juste la langue

    Juste la langue ?

    Oui

    Rien d'autre ?

    Euh j'ai pas compris bien bien, ils cherchent quoi ou quoi ?

    Non, qu'est-ce qu'il vous manque, qu'est-ce que vous, vous aimeriez avoir pour avancer

    plus ?

    Ah euh beaucoup de choses

    Oui, comme par exemple ?

    La langue, les papiers, une femme pour mariage, voilà

    Oui, et qu'est-ce qui vous empêche de trouver par exemple une femme, de parler en

    français, qu'est-ce qui vous empêche de faire tout ça ?

    Pour la langue, c'est pas beaucoup d'école, juste l'association. Temps en temps je cherche du

    travail comme ça, pas longtemps je viens à l'association voilà et pour l'autre, pour la dame je

    sais pas

    Ah bon (rires). C'est les papiers le problème ?

    (rires) Oui

    7/ Selon vous, que signifie « bien parler français » ? Pensez-vous le faire ? Pourquoi ? [...] J'ai pas compris, après je parle bien qu'est-ce que je vais dire ?

    Non, non, il y a une expression, ça veut dire « bien parler français », qu'est-ce que c'est pour vous bien parler français ?

    121

    Euh je sais pas mais beaucoup de choses, euh j'ai pas mais le (inaudible) et moral

    Est-ce que vous pensez que vous parlez bien le français ?

    Oui

    Oui, d'accord. Pourquoi ? Qu'est-ce qui vous fait dire ça ?

    J'ai pas bien compris (en arabe)

    C'est pas grave, je voulais juste savoir vous, est-ce que vous pensez que vous parlez bien

    français ?

    Oui je pense oui, ouais.

    Oui, qu'est ce qui, pourquoi vous pouvez dire ça ?

    (inaudible) par les autres voilà

    Avec les autres, parce que vous parlez avec les autres ?

    Oui

    8/ Selon vous, que signifie l'intégration/ être « bien intégré(e) » ?

    [ ...] Ah, vous connaissez le mot « intégration » ?

    Non

    Et l'expression « être bien intégré » ?

    Non

    Vous avez jamais entendu ça ?

    Non j'ai pas compris la question

    En fait ma question c'est est-ce que vous connaissez l'expression « être bien intégré » ?

    C'est quoi intégré ?

    [...] Ah « être intégré » par exemple

    C'est la loi ?

    Non, non, ce n'est pas la loi, c'est quand quelqu'un il arrive en France euh on va lui

    demander de bien intégrer la France, de bien s'intégrer c'est-à-dire de, d'être en France

    et de faire des choses pour être bien avec les autres et que les autres ils soient bien avec

    toi

    Ah oui, oui

    9/ Avez-vous le sentiment d'être « bien intégré(e) » par les Français/la France ? Qu'est-ce qui vous permet de l'affirmer ou pas ? Qu'avez - vous fait pour y arriver OU qu'est-ce qu'il vous faudrait ?

    122

    Donc est-ce que vous sentez vous, que vous êtes bien intégré ?

    Pour moi ?

    Oui. Oui, qu'est-ce qui vous fait dire ça ?

    Je parle gentil avec les tous les tous les amis, tous les collègues voilà

    D'accord et qu'est-ce que vous avez fait pour arriver à être bien intégré vous, qu'est-ce

    que vous avez fait pour être bien en France ?

    Pour l'instant rien

    Rien de spécial ?

    Rien de spécial oui

    Et qu'est-ce que vous auriez envie de faire ?

    Pardon ?

    Est-ce que vous avez envie de faire des choses pour être en France, pour être bien

    intégré, qu'est-ce que vous pensez qu'il faut faire ?

    Le travail

    Le travail oui

    Le travail, le médical, le comment s'appelle, le (inaudible-arabe ?) comme ça

    La guerre ?

    Non, tu restes tranquille ici tu restes tranquille comme ça t'as pas peur pour les autres

    Qu'est-ce que ça veut dire rester tranquille ?

    [...] Euh, t'es gentil pour l'autre, les autres et tu fais pas les bêtises (rires)

    Et les autres est-ce que vous pensez que

    La même

    La même chose

    Oui la même chose

    Oui depuis que vous êtes en France, les autres, ils sont gentils avec vous ?

    Oui il est gentil

    Y'a pas, y'a jamais eu de problèmes avec

    Avec eux ?

    Oui

    Non jamais

    Est-ce que vous vous sentez vous maintenant marocain, français ou les deux ? Est-ce que

    un peu plus, vous vous sentez plus marocain ou français ou les deux ?

    [...] Pour l'instant en France, je cherche beaucoup de de choses, j'ai pas habite ici tranquille

    parce que rien de papiers, je travaille pas tranquille, pour l'instant marocain

    Marocain ?

    123

    Oui

    Et qu'est-ce qu'il vous manque pour vous sentir plus français ?

    [...] (inaudible) je pense, beaucoup de manque

    Qu'est-ce qu'il vous manque, c'est-à-dire maintenant vous vous sentez plus marocain, ça

    fait deux ans que vous êtes en France et est-ce que vous pensez que pour vous sentir

    Français, qu'est-ce qu'il faut oui qu'est-ce qu'il vous manque ?

    Euh le travail tranquille oui je travaille pas tranquille, les papiers, tu sors pas beaucoup, tu fais

    pas le voyage parce que t'as peur rien de papiers, t'es pas acheté l'habit de bon qualité parce

    que tu travailles bien, rien de voiture, tu marches, tu prends le bus ou le vélo euh beaucoup de

    choses

    Oui oui, et la langue est-ce que vous pensez que ça aide ?

    Oui la langue, la langue chaque fois il est (inaudible), il apprend une, il connait une autre, une

    phrase, la langue c'est rien de problème, chaque fois il connait quelque chose voilà

    C'est-à-dire à chaque fois vous apprenez

    Oui j'apprenais oui

    Un peu plus

    Oui

    Donc pour vous c'est pas un problème la langue ?

    Non c'est pas un problème

    C'est le reste qui est difficile, tout ce que vous avez dit c'est ça qui vous manque pour

    vous sentir à l'aise

    Oui

    10/ Pensez-vous qu'il est facile de s'intégrer aujourd'hui en France ? Pourquoi ? Quels conseils donneriez-vous à une personne étrangère qui souhaite s'intégrer en France ?

    [...] Je sais pas mais pour l'instant (rires) je je suis pas bien

    [...] Si par exemple y'avait une personne étrangère qui vient en France aujourd'hui et elle vous demande voilà j'ai besoin de savoir qu'est-ce qu'il faut pour être bien intégré en France, quel conseil vous lui donneriez ?

    [...] Juste les papiers, tu rentrer règlement (rires) parceque si tu tu, tu restes pas tranquille Oui, oui, les papiers

    Oui, tu restes pas tranquille, toujours tu tournes la tête tu tournes, qu'est ce que je vais faire les papiers qu'est-ce que ça, tu vois

    [...] Est-ce que tout, si vous aviez les papiers aujourd'hui, on vous donne les papiers

    124

    (rires) est-ce que ça vous aiderait à vous sentir plus français ?

    Oui

    [...] Et la langue, est-ce que si aujourd'hui votre niveau il augmente (rires) et vous

    parlez mieux qu'un français, est -ce que vous pensez que vous seriez mieux en France ?

    Oui

    Oui, pourquoi ?

    Euh tu parles tranquille, tu connais l'autre, tu parles pourquoi voilà et tu entres comme tout à

    l'heure dans une banque tranquille, tu connais, tu parles, tu demandes un papier ou quoi tu

    connais voilà tu parles tranquille, t'as pas besoin de l'autre, à la traduction

    Est-ce que vous pensez que les cours à l'association, ils vous ont aide à comprendre la

    France, les Français ?

    [...] Oui

    C'est quoi qui vous a aide ?[...]

    L'association, il m'a donné beaucoup de choses, je connais un autre ami voilà, je connais le

    droit (les droits) de la France et l'association il a donné le le comment il s'appelle, le courage,

    le courage de rester ici et il a donné la la comment s'appelle (mot « langue » en arabe)

    [...] Ah la langue ?

    La langue oui, voilà.

    125

    ENTRETIEN F42 - 21.39 min

    1/Expliquez-moi ce que vous faisiez avant d'arriver en France (études, travail, etc.) et ce que vous faites maintenant.

    Ça fait 11 ans

    D'accord, et vous êtes d'origine ?

    Marocaine

    Marocaine d'accord, et qu'est-ce que vous faisiez avant de venir en France et

    maintenant qu'est ce que vous faites ?

    Avant j'étais aux Pays-Bas, je travaille pendant 4 ou 5 ans [...] fin 2005 j'ai immigré ici

    Et vous travailliez quand vous étiez aux Pays-Bas ?

    Oui oui mais ici jamais

    Et au niveau des études, vous avez fait des études ?

    Oui jusqu'au lycée [...]

    2/ Quelles langues parlez-vous ? Quelle langue parlez-vous avec votre famille, vos amis ? Dans quelles occasions? Avez-vous des préférences, lesquelles et pourquoi ?

    Euh marocain, arabe

    Arabe, quel arabe ?

    Arabe marocain

    D'accord, et avec les amis ?

    Euh oui marocain ou tamazigh de mon langue d'origine

    D'accord et est-ce que vous préférez une langue, avec toutes les langues que vous parlez

    y'a une langue que vous préférez parler, que vous aimez le plus ?

    Non ça dépend, par exemple quand je parle avec les enfants de mon frère je parle en

    (inaudible) parce qu'ils ne parlent pas arabe

    Vous n'avez pas de préférences ?

    Non, non

    3/Où avez-vous appris le français ? Pendant combien de temps? Avec qui et quand le parlez-vous? Avez-vous des amis français ?

    Euh j'ai appris à Champfleury à la maison pour tous, à Monclar [...] c'est comme ici un peu, une association

    126

    Ça fait combien de temps que vous avez appris ?

    2 ans

    Donc ça fait 2 ans que vous avez commencé à apprendre là bas ?

    Oui, oui, ici c'est la première année

    Et avant jamais vous avez appris ?

    Non non, jamais

    Même au Maroc, aux Pays-Bas ?

    Oui, oui un petit peu [...] à l'école

    Beaucoup de temps ?

    Au Maroc, jusqu'au collège

    Et maintenant que vous êtes en France, avec qui vous parlez en français ?

    Avec les gens qui parlent pas la langue

    Oui, et vous avez des amis français avec qui vous parlez souvent ?

    Euh non, j'ai une voisine en face de temps en temps mais y'a pas des amis pas de

    En français non, c'est quelle langue que vous parlez avec les amis le plus ?

    Arabe [...]

    4/ Comment avez-vous connu l'association ET depuis combien de temps la fréquentez-vous ? Que vous apporte-t-elle ? Fréquentez-vous d'autres lieux que cette association où vous pouvez pratiquer le français ?

    J'habite juste à côté

    D'accord, c'est quelqu'un qui vous en a parlé ?

    Oui, oui, dans les amis français, je trouve pas moi parce que j'habite dans les quartiers moi

    (inaudible) les français, j'ai juste les voisins, voisines c'est tout

    Et ça fait combien de temps que vous êtes dans cette association ?

    3 ou 4 mois je sais pas exactement

    Qu'est-ce qu'elle vous apporte cette association ?

    On parle, on écrit, on lit plusieurs fois par semaine [...]

    Est-ce que vous allez dans d'autres endroits pour apprendre le français ou c'est juste

    ici ?

    Je vais à Monclar aussi, oui 2 fois ici et 2 fois là-bas

    5/Quelles sont les situations en France ou vous éprouvez/avez éprouvé le plus de

    difficultés pour vous faire comprendre ? Savez-vous pourquoi ?

    Oui beaucoup

    Vous avez des exemples ?

    Oui jusqu'à maintenant, aujourd'hui, quand je parle, par exemple quand je veux faire le

    rendez vous par téléphone, je préfère aller chez le lieu c'est facile pour moi parce que c'est

    difficile pour moi parce que quand je veux expliquer quelque chose au téléphone pour moi

    c'est trop difficile

    Vous savez pourquoi c'est difficile ?

    Oui la langue c'est pas bien

    Ah oui, c'est la langue ?

    Oui c'est la langue

    6/Qu'en est-il d'aujourd'hui : est-ce qu'il est plus facile de vous faire comprendre ? Qu'est-ce qui vous a permis d'avancer OU qu'est-ce qu'il vous manque pour le faire ? Quels seraient d'après vous les moyens pour améliorer son français ? Le faites-vous ?

    Et est-ce que depuis que vous êtes arrivée en France, c'est plus facile maintenant pour

    vous ?

    Euh oui c'est moins qu'avant

    Oui et vous savez pourquoi ?

    Euh je suis habituée

    Qu'est-ce que vous avez, vous êtes habituée à quoi ? [...] Qu'est ce qui a fait que

    maintenant c'est plus facile pour vous ?

    Je comprends un peu plus, je sors et je fais, je vais à l'école, les associations, ça c'est un peu

    plus facile

    Et est-ce que aujourd'hui il y a des choses qui vous manquent pour avancer, qu'est ce

    qui vous manque pour avancer plus, par exemple en français est-ce qu'il a des choses,

    des moyens pour améliorer le français, votre français ?

    Parler français parce que je parle que ici avec l'association

    Dehors non ?

    De temps en temps quand même quand j'ai besoin [...]

    127

    7/Selon vous, que signifie « bien parler français » ? Pensez-vous le faire ? Pourquoi ?

    [...] Euh oui, apprendre la langue bien, je comprends bien, je peux parler

    Oui, pour vous c'est bien comprendre ?

    Oui bien comprendre, c'est mieux (inaudible)

    Est-ce que vous pensez que vous parlez bien le français ?

    Non

    Pourquoi ?

    Parce que les autres ne me comprennent pas bien

    Les autres ne vous comprennent pas ? Moi je vous comprends

    Oui, vous mais y'a des gens qui me disent « qu'est ce que vous dites ? »

    Et pourquoi à votre avis, ils ne vous comprennent pas ?

    Euh je sais pas, peut être ils ont pas l'habitude de parler avec les autres qui ont des difficultés

    de la langue je sais pas

    D'accord, pour vous c'est le problème de

    Non c'est de moi aussi mais c'est pas (inaudible)

    8/ Selon vous, que signifie l'intégration/ être« bien intégré(e) » ?

    [...] L'intégration

    « Etre bien intégré en France », vous avez déjà entendu ça ? Qu'est-ce que c'est pour vous « être bien intégré » à votre avis, y'a pas de bonne ou de mauvaise réponse

    (Rires)

    Si vous entendez quelqu'un dire « il faut être bien intégré en France », vous comprenez quoi ?

    Je comprends, ce que je comprends oui je comprends bien (inaudible) c'est pas que la langue, la culture, le pays comme tous, pour moi c'est ça être intégré [...] intégration pour moi c'est je comprends ou je vais, je comprends bien, c'est pas que la langue, il y a aussi le culturel (inaudible) tu comprends la fonction

    Comment ça fonctionne ?

    Ça fonctionne, voir comment les autres, pour moi comprendre bien ou je vais, ça me permet qu'est ce que je veux ou veux pas faire [...] oui qu'est ce qu'ils demandent les autres [...]

    128

    9/Avez-vous le sentiment d'être « bien intégré(e) » par les Français/la France ? Qu'est-ce

    129

    qui vous permet de l'affirmer ou pas ? Qu'avez- vous fait pour y arriver OU qu'est-ce qu'il vous faudrait ?

    Et est-ce que vous pensez que vous êtes bien intégrée vous ? c'est votre ressentiment

    Pas encore

    Pas encore, qu'est-ce qu'il vous manque ?

    Non c'est, je sais pas

    Vous sentez que vous êtes bien intégrée en France ici, ça fait 11 ans déjà

    Je sais pas

    Y'a rien qui vous montre dans la vie de tous les jours (inaudible)

    Les autres m'ont acceptée je sens mais ça dépend [...] oui, y'a des moments, je me sens bien,

    des moments non

    Oui, et pourquoi des fois vous vous sentez pas bien, qu'est ce qui vous fait sentir comme

    ça ?

    Euh

    Y'a pas des choses en particulier,

    Euh

    C'est la langue ?

    Euh oui, c'est pas que la langue mais différent culture, différent (inaudible), c'est mal

    comprendre, commet dire, je sens pas bien quand les autres me pas bien comprendre

    Et est-ce que vous avez l'impression que les français, ils vous acceptent, ils vous ont bien

    intégrée eux ? C'est-à-dire vous, est-ce que vous vous sentez bien en France

    Ça va

    Est-ce que vous sentez que les autres ils vous acceptent en France ?

    Pas tous

    Et pourquoi vous pensez qu'ils ne vous acceptent pas

    Il y a différents des gens (rires) mais c'est pas, il y a quelque uns qui m'acceptent, les autres

    pas

    10/ Pensez-vous qu'il est facile de s'intégrer aujourd'hui en France? Pourquoi ? Quels conseils donneriez-vous à une personne étrangère qui souhaite s'intégrer en France ?

    Ça oui, ça va, ça dépend des gens

    Et si vous aviez des conseils pour une amie qui vient en France, qu'est ce que vous lui donneriez comme conseil pour bien s'intégrer en France ?

    130

    Première chose, faut, y'a bien la langue, parle avec les gens, avec les Français (inaudible) pour moi c'est ça l'intégration [...] bien comprendre les autres [...] pouvoir convaincre

    Est-ce qu'il y a autre chose que la langue pour vous ?

    Euh d'autres [...] mes enfants vont ici dans le, oui entourage

    Ça pour vous c'est une manière de s'intégrer ?

    C'est une manière c'est pas toutes les manières [...]

    Traduction d'une amie : c'est une partie, le fait que ses enfants soient nés ici, que l'entourage soit ici, leurs fréquentations ici, c'est un plus pour elle, on va dire, que ça lui permet de s'intégrer.

    131

    ENTRETIEN G40 - 42.55 min

    1/ Expliquez-moi ce que vous faisiez avant d'arriver en France (études, travail, etc.) et ce que vous faites maintenant.

    Alors avant j'étais toujours danseuse-animatrice et aujourd'hui je continue encore à être danseuse-animatrice

    Et ça fait combien de temps que vous êtes en France ?

    6 ans

    2/ Quelles langues parlez-vous ? Quelle(s) langue(s) parlez-vous avec votre famille, vos amis ? Dans quelles occasions? Avez-vous des préférences, lesquelles ET pourquoi ?

    Je parle le portugais et je peux parler l'italien, l'espagnol comme si comme ça mais le mieux le

    français et le portugais

    Et avec votre famille vous parlez quelle(s) langue(s) ?

    Portugais

    Portugais, juste portugais ou d'autres langues ?

    Non, juste portugais

    Et avec les amis ?

    Ici ou là-bas ?

    Euh les 2

    Ça dépend des personnes, y'a des personnes que je parle brésilien, y'a d'autres personnes que je

    parle français

    D'accord, est-ce que vous avez une préférence pour une langue ?

    Non j'ai pas de préférences, j'aime les 2

    Les 2 langues ?

    Les 2 langues

    Les 2 langues avec facilité. Et dans quelles occasions en fait, vous parlez portugais ?

    Ah l'occasion c'est quand je rentre en contact avec ma famille

    Avec la famille surtout ?

    Oui

    Et en France ?

    En France c'est français, français et français.

    Toujours ?

    132

    Même quand je croise des fois des brésiliens, je parle que français

    Vous avez pas de famille en France ?

    Non

    Et des amis portugais, euh brésiliens ?

    Non plus

    Non plus.

    Bon j'ai des connaissances mais je peux pas dire vraiment ce sont des amis

    D'accord. Et donc ça se passe en français à chaque fois ?

    Chaque fois ça se passe en français. Bon tu parles pas le brésilien et je m'en fiche (rires)

    Et vous parlez souvent avec votre famille au brésil ?

    Oui

    Oui, toutes les semaines ? tous les mois ?

    Mais ça dépend à quel moment ils sont disponibles[...]

    3/ Où avez-vous appris le français ? Pendant combien de temps ? Avec qui et quand le parlez-vous? Avez-vous des amis français ?

    Ah le français, le français c'est une passion

    Oui

    G1 : (inaudible) le français j'avais 10 ans quand j'étais à l'école (inaudible) et j'ai tombé sur un professeur français qui donnait des cours de français et cette époque il faudrait que nous choisit 2 langues ou le français ou l'anglais pour que les classes y sont séparées et moi j'ai préféré le français parce que c'est latin et la langue française fait partie des latinos ici et j'aimais beaucoup mon professeur quand il est arrivé tout dynamique il disait « bonjour tout le monde, comment ça va ? vous allez bien ? » il articulait assez bien et puis je restais passionnée de cette langue française c'était mon rêve un jour apprendre à parler le français.

    A partir de quelle âge à peu près vous avez commencé à apprendre ?

    Là depuis 6 ans

    A partir de l'âge de 6 ans à peu près ?

    Oui ça fait 6 ans que je suis en France mais l'âge vraiment c'est depuis encore 2010, 2011, 2012 j'ai commencé à parler mais c'est un peu comme grignotage

    Ah grignotage ?

    Oui un mélange mais là depuis la fin 2012 à maintenant, j'ai beaucoup progressé même moi je me rendu compte que j'ai beaucoup progressé mais j'ai encore à progresser

    Qu'est-ce qui vous a fait progresser à votre avis ?

    133

    Je pense que la déception. Je pense que la déception si tu veux t'affirmer dans le côté positif, tu

    peux le faire surtout quand tu as un lien avec quelqu'un et que cette personne ne te valorise pas, elle

    te met pas en haut mais elle te tire en bas et toi à un moment tu te regardes en plein milieu du miroir

    et tu te dis « putain mais je suis pas venue au monde pour ça ouais », je sais de quoi je suis capable

    et tu vas tout faire pour montrer que tu es capable mais pas pour prouver aux autres ou à la personne

    mais à toi-même

    Et comment concrètement vous avez fait pour progresser, c'est-à-dire est-ce qu'il y a des

    situations, des choses que vous avez fait pour améliorer votre français ?

    Oui, euh ici, je sais que ça fait pas partie de ta question mais y'a une chose que je sais pas pourquoi

    et pour quelle raison ils ont pas mis encore dans les écoles. Je pense que le public (inaudible)

    apprendre à se défendre dans la partie juridique, à connaitre le code juridique depuis petit pour pas

    être dépendant des avocats surtout des avocats, je pense que ça c'était un programme pour mettre

    dans les écoles [...] et c'est le monde juridique qui m'a fait pousser à lire

    A apprendre ?

    A apprendre à parler le français oui

    Vous aviez besoin de

    J'étais besoin de connaitre mon droit

    Donc vous avez commencé à apprendre le français

    J'ai commencé à apprendre le français à côté du code juridique français et le code juridique

    brésilien

    D'accord, et comment vous avez fait, vous avez lu des livres ?

    Je faisais des traductions français/brésiliens

    Et c'est comme ça que ça vous a aidé à progresser ?

    Voilà et donc (inaudible) pendant du conflit ou que j'ai été, je voyais que j'étais toute seule au

    milieu de de (rires) vautours

    De quoi ?

    Vautours, tu sais c'est la bestiole là qui mange qui mange, il attend que tu meurs pour te manger

    Ah d'accord, les vautours oui je vois, oui j'ai compris

    Ou des hyènes

    Oui je vois

    Et il tourne un paquet autour de toi et il essaye de te manger dans tous les sens et toi t'es là et tu sais

    pas comment parler, tu sais pas comment t'exprimer tu ne sais pas quel mot tu vas dire parce qu'ils

    (inaudible) de de affaiblir la personne, le but c'est d'affaiblir et donc c'est pour ça que moi j'ai un

    peu (rires - gestes effectués)

    Un peu accélérer ?

    Accélérer oui

    Et donc ça fait à peu près combien de temps que vous apprenez le français ?

    Euh là pour améliorer beaucoup mieux ça fait 2014 à maintenant

    D'accord et avant euh avant 2014

    Oui j'ai parlé déjà le français mais je pense qu'aujourd'hui je m'exprime beaucoup mieux

    D'accord, ça fait combien de temps que vous êtes en France ?

    6 ans

    6 ans, c'était en deux mille, deux mille

    Ou que j'ai commencé mieux que brésil c'était 2014 ici. J'arrive à mieux m'exprimer, même que

    (même si) des fois j'ai des mots que je déplace pas dans le bon (rires)

    Et avec qui vous parlez le français le plus ?

    Avec des personnes que je, j'ai la chance d'être animatrice et je pense que j'ai un bon esprit après

    un bon profond ça je sais pas dire, c'est les gens qui vont dire si j'ai un bon profond ou pas mais je

    sais que j'ai un bon esprit, j'ai le bras ouvert et j'ai l'esprit ouvert et je suis une personne prête à

    tendre la main, n'importe quel moment à une personne qui a besoin sans demander le retour

    D'accord, est ce que vous avez des amis français ?

    Oui

    Beaucoup ?

    Euh non pas beaucoup parce que quand même c'est particulier hein c'est particulier ce n'est pas

    comme mon pays par exemple là je suis là avec toi et je dis « tiens tu sais je vais aller chez ma

    copine et je vais boire un café ou une bière » mais je n'appelle pas et j'arrive comme ça mais ici il

    faut appeler voir si la personne est disponible, si la personne est de bonne humeur si elle veut bien

    te voir, tu vois y'a trop cet lignement (barrière)

    D'accord les amis français avec qui vous parlez régulièrement y'en a combien à peu près ?

    Oh pas mal, oui oui j'ai pas mal d'amis oui

    Oui mais des gens avec qui vous parlez le français tous les jours par exemple

    Oui tous les jours oui

    Et avec votre compagnon ?

    Avec mon chéri, je parle le français aussi tout le temps. De toute façon il n'y a pas le choix, il ne

    parle pas le brésilien, il parle français

    4/ Comment avez-vous connu l'association ET depuis combien de temps la fréquentez-vous ? Que vous apporte t-elle ? Fréquentez-vous d'autres lieux que cette association où vous pouvez pratiquer le français ?

    134

    Ah tiens, bonne question c'était un hasard, c'était à travers Michel je pense que c'est Michel

    135

    Qui est Michel ?

    C'est un monsieur de l'association, j'ai oublié le nom c'est un peu compliqué mais

    Une autre association ?

    Une autre association et il m'a vu et là il m'a fait connaitre d'autres gens et d'autres associations et

    voilà et aujourd'hui ça n'a fait que progresser

    Ça fait combien de temps que vous prenez des cours de français à l'association ?

    J'ai commencé en 2017 oui j'ai commencé le 10 de février 2017

    Et avant vous n'aviez jamais pris de cours de français

    Oui mais comme je suis une forme dynamique (inaudible) j'étais beaucoup mieux dans l'oral

    français et, mais en tout cas l'écriture encore aujourd'hui c'est la galère et c'est pour cette raison

    que je suis aujourd'hui à OGA (l'association) parce que je veux apprendre à écrire le français

    Parler ça va ?

    Parler ça va et je peux améliorer les deux si je peux améliorer les deux mais surtout l'écriture

    Et l'écriture, ça vous pose problème aujourd'hui ?

    Oui ça me pose problème aujourd'hui parce que l'écriture française c'est très dur à écrire, y'a trop

    de syllabes dedans, trop de lettres et des fois juste pour dire un truc comme ça (rires) y'a le

    (inaudible) dedans

    Et pourquoi vous avez besoin d'écrire ?

    Parce que j'aime écrire et j'aimerais peut-être réaliser un jour, raconter mon histoire, je voulais faire

    un livre de moi, je voulais raconter mon histoire un jour en français

    Et sinon pour le quotidien, travail et tout ça, vous avez besoin d'écrire ?

    Oui, parce que parfois, ils te demandent, vas chercher quelque chose, tiens on a prévu, est-ce que tu

    peux me remplir ça, rend moi un service et ici pour rendre service t'as besoin par exemple pour moi

    une chose ça me fait plaisir je vois une élève, le nom de l'élève de l'association qui vient vers moi

    et me demande est-ce que tu peux me donner un coup de main, est-ce que tu peux remplir ce papier

    ici parce que je sais pas écrire, c'est pour rendre service aussi au public

    Et par rapport à l'association, qu'est-ce qu'elle vous apporte ?

    Ah l'association qu'est-ce qu'elle m'apporte euh comment je peux dire ça excusez-moi hein euh

    comment je peux dire ça, l'association m'apporte plus de maturité et de l'expérience technique

    Comment elle fait ça l'association ?

    Je pense que j'ai appris quelque chose avec toi-même, analyser (rires)

    D'accord, c'est ça qui vous aide à, ça vous aide à, à analyser quoi

    Oui ça m'aide beaucoup déjà que j'ai tendance à analyser et moi ça m'aide pour voir l'expression

    de la personne, tu peux voir quand la personne aime quelque chose ou qu'elle apprécie (inaudible)

    136

    tu veux un (inaudible) de changement de visage ou de sourire ou coup d'oeil ou regard un peu euh tu vois les signes, les signes

    Les signes du visage ?

    Les signes, les signes (inaudible - fait des gestes)

    Les signes corporels ?

    Oui les signes corporels et spirituels aussi hein

    Oui, c'est ça que vous avez besoin pour

    Non j'ai déjà mais j'ai dans ma culture, j'ai dans ma culture et là j'ai besoin, parce que euh je dis comme ça, quand tu quittes ton pays, l'autre pays va pas te demander que tu viennes, ce n'est pas le pays de t'adapter à toi, c'est toi qui t'adapter à le pays et donc si tu veux rester dans le pays il faut que tu montres de quoi tu es capable. Bon tu as pas besoin d'y aller massacrer les gens (rires) t'as pas besoin de ça (rires) c'est juste que tiens j'ai envie de savoir ce qu'il se passe à Avignon, j'aime bien savoir ce qu'il se passe au centre (inaudible), j'aime bien savoir ce qu'il se passe dans notre mairie, j'aime bien savoir ce qu'il se passe dans notre vie de tous les jours, j'aime bien savoir ce qu'il se passe en général, public

    Est-ce que vous fréquentez d'autres lieux que l'association pour pratiquer le français ?

    Oh oui, l y a un site « babbel », « babbel » aussi, tu peux apprendre bien à parler le français mais ce qui change avec « babbel » , c'est qu'il faut une très bonne écoute parce que ça va trop vite alors que quand tu es avec la personne physique en face de toi, elle va te faire répéter « o », « i », « a », tu vois, les mouvements de la bouche pour la prononciation d'accents qui sont totalement différents D'accord, et à part « babbel », d'autres associations par exemple pour parler français à part l'OGA ?

    Non juste l'association, j'ai « babbel » et après mon entourage c'est déjà bien[...]

    5/ Quelles sont les situations en France ou vous éprouvez/avez éprouvé le plus de difficultés pour vous faire comprendre ? Savez-vous pourquoi ?

    Est-ce qu'il y a eu des situations en France où vous avez eu des difficultés pour vous faire

    comprendre

    Oui

    Lesquelles ?

    Et encore aujourd'hui, j'ai du mal à me faire comprendre

    Dans quelles situations au quotidien ?

    Non le quotidien ça va, ça va, y'a pas de problème, ça j'arrive bien sauf si tu tombes sur quelqu'un

    qui t'emmerdes (rires)

    137

    Non mais parlez hein, c'est pas un problème

    On dit, la liberté de l'expression hein, voilà (rires)

    Exactement [...]

    « Liberté, égalité et fraternité », c'est ça

    Alors c'est dans quelles situations où vous avez du mal à vous faire comprendre ?

    Par exemple, quand tu es témoin d'une injustice [...] ils se servent comme tu es étrangère, que tu ne parles pas bien le français, pour t'écarter du chemin, voilà donc c'est difficile

    D'accord, et ça vous est déjà arrivé ?

    Oui

    Et comment vous avez réagi ?

    Du début j'ai été obligée de faire un gros « d'écart » [...] j'ai fait un gros « french cancan » parce que (inaudible), il y a des bras trop longs et moi je suis un tout petit bras donc j'ai pris un peu d'espace et après que j'ai analysé la situation, j'ai dit, c'est difficile quand tu es témoin d'une situation et que il ne prend pas en compte, ça en tout cas c'est dur,

    Il ne prend pas en compte quoi ?

    Qu'il ne prend pas en compte, comme on dit la défense ne prend pas en compte pour défendre la personne, on te prend pas au sérieux [...] moi je donne simplement le nom "d'abus de pouvoir", voilà c'est ça

    Dans ce genre de situation est ce que c'est pas la langue qui vous manquait, le français ou ? Non non c'est pas ça, c'est pas la langue non, c'est juste que j'ai (inaudible) dans mon pays, tu sais le signe du singe, tu n'as rien vu, tu n'as rien entendu et tu fermes ta bouche et moi je déteste ce signe, je ne supporte pas ce signe, je pense que si dieu voulait que tu sois aveugle, il t'aurait mis aveugle, tel est son désir, s'il voulait que tu sois sourde, il allait pas te donner des oreilles et non plus il ne t'aurait pas donné une bouche, s'il t'a donné tout ça, c'est pour t'en servir, surtout pour une bonne cause

    6/ Qu'en est-il d'aujourd'hui : est-ce qu'il est plus facile de vous faire comprendre ? Qu'est-ce qui vous a permis d'avancer ou qu'est-ce qu'il vous manque pour le faire ? Quels seraient d'après vous les moyens pour améliorer son français ? Le faites-vous ?

    Aujourd'hui est-ce que c'est plus facile de vous faire comprendre que quand vous êtes

    arrivée ?

    Ah oui parce que je m'expose

    Et qu'est-ce qui vous a permis d'avancer ?

    La force, le courage, la bienveillance

    138

    Et qu'est-ce qui vous manque pour avancer plus ?

    L'écriture française (rires)

    Et quels seraient selon vous les moyens pour améliorer le français ?

    Il faut que je donne plus de moi [...] il faut que je travaille, travaille, travaille, travaille

    Est-ce que vous le faites en ce moment ?

    Oui je le fais (rires)

    7/ Selon vous, que signifie « bien parler français » ? Pensez-vous le faire ? Pourquoi ?

    Bien parler le français c'est tu te fais écouter et tu te fais comprendre. Parler bien le français, eux, toi tu vas comprendre ce que je dis, tu vas écouter, tu vas faire (inaudible) ce que t'as compris, pas que tu me regardes et tu dis « madame je comprends pas, j'ai rien compris à ce que vous avez dit » (rires)

    [...] est-ce que vous pensez que vous le faites ?

    Maintenant oui, parce que quand je sens que la personne est en train de se foutre de ma gueule, je dis « va apprendre à parler le portugais et on parlera un jour »

    Et qu'est-ce qui vous permet de dire que vous parlez bien le français ?

    Bon l'accent je ne peux pas changer, l'accent il est toujours là, ça c'est sur et je ne peux pas le changer, jamais

    Et est-ce que ça vous dérange ?

    Non pas du tout, au contraire

    Et est-ce que ça dérange les gens ?

    Non, non, c'est quelque chose que j'ai pas encore repéré, non, non je ne pense pas que ça dérange les gens. Peut-être que c'est, tu sais quand t'es sûr de toi, c'est quelque chose qui gêne les gens, pas tout le monde parce que quelques personnes elles ont l'habitude d'écraser, d'écraser et toi tu as besoin d'être plus forte, ils ont besoin que tu restes toute petite et moi je ne reste pas là et je dis je ne sais pas combien d'études que tu as je ne sais pas combien de diplômes tu as mais on sort de la même catégorie, si tu me cherches, tu me trouves

    8/ Selon vous, que signifie l'intégration/ être « bien intégré(e) » ?

    L'intégration euh franchement je sais pas si je sais te répondre à cette question, intégration, parce que déjà la France, euh mon pays c'est un pays rempli d'immigrés, je pense que le Brésil, c'est un pays où il y a plus d'immigrés que la France parce que le Brésil ne contrôle pas les gens qui viennent là-bas, du moment où tu as traversé la frontière après tu fais ta vie, y'a deux solutions : ou tu quittes, ou tu restes mais en tout cas (inaudible) il faut que tu travailles et que tu t'entraines (inaudible) et que tu respectes, en fait ça joue là-dessus, tu respectes mon pays, tu respectes les brésiliens, tu es respecté

    139

    Et selon vous ça passe par quoi le respect ? quand tu veux respecter un pays, qu'est-ce qu'il faut faire ?

    Bon, déjà ce qu'il faut faire, je pense que je vais prendre mon exemple hein, mon exemple, je sais pas si c'est le bon (rires) je sais pas si c'est le bon, je vois des gens, déjà je dis « bonjour », même que parfois ils ne me répondent pas, il me font penser que je suis transparente mais je fais un beau sourire et je regarde là-haut et je me dis que j'ai fait ma partie et être solidaire, la solidarité, ça compte, le respect, la solidarité et je pense que là il y a tous les ingrédients pour être respecté et pour être intégré, je pense t'as déjà le respect, tu peux déjà t'intégrer parce que le respect et surtout le respect mais si tu n'as pas le respect, tu ne peux pas t'intégrer, tu vas être détesté, tu vas être détesté vite fait

    9/ Avez-vous le sentiment d'être « bien intégré(e) » par les Français/la France ? Qu'est-ce qui vous permet de l'affirmer ou pas ? Qu'avez - vous fait pour y arriver OU qu'est-ce qu'il vous faudrait ?

    Ça dépend des personnes

    Par la France, les français

    Non non, par la France je n'ai pas de problème, ça non, ça j'ai pas de problème mais après ça dépend, sur qui tu vas tomber, qui est devant toi où à quelle porte tu vas frapper et c'est qui la personne qui va être devant toi, là oui c'est dur, parce que tu ne sais pas comment cette personne va réagir, tu ne sais pas ce qu'elle va te dire, tu ne sais pas si elle va être sympathique avec toi, est-ce qu'elle va être agressive avec toi, si elle va te dire des choses de travers, est-ce qu'elle va regarder ton visage, est-ce qu'elle va t'écouter, tu vois ? je ne généralise pas mais y'a pas mal de situations comme ça, moi, peut être toi mais beaucoup d'autres gens, même avec les français

    [...] Est-ce que vous avez eu plus de problèmes au quotidien en France que vous n'aviez pas au Brésil ?

    Oh non, je n'ai pas de problèmes moi [...] oh non il n'y a pas de différences, du moment que je fais mon monde, ma vie, tout va bien (rires) c'est eux qui payent mes factures ? non, c'est moi qui met mes fesses à l'air pour payer mes factures, du moment que je les respecte et ils me respectent tout va bien

    Est qu'est-ce qui vous permet de dire que vous êtes bien intégrée par la France, y'a des choses que vous avez vu ?

    Encore une fois la bonne question, euh c'est pas ma question piège ? [..] euh intégration, j'entends toujours ce mot à la télévision, j'entends tout le temps ce mot « intégration » (x3), j'ai franchement, je sais pas trop quoi répondre là-dessus, parce que moi de mon point de vue, je vois de ma manière

    140

    mais peut-être que les autres personnes extérieures, ils voient d'une autre manière, tu vois ça

    dépend si la personne est négative ou positive

    Est-ce que ça arrive que les personnes soient négatives avec vous ?

    Ah oui, ça m'est déjà arrivé mais je les met à leur place (rires) [...]

    Et dans d'autres situations par exemple comme quand vous allez chercher du travail, est-ce

    que vous avez eu des situations où ça c'est mal passé ?

    Alors avec des hommes, ça se passe bien (rires) mais avec quelques femmes, ça se passe mal oui

    (rires)

    Et pourquoi à votre avis ?

    La jalousie, simplement

    Et au niveau du français, vous pensez que ?

    Non ça n'a rien avoir avec la langue, ça n'a rien avoir, c'est juste de la jalousie physique ou sinon la

    peur de se dire qu'elle a plus de capacités que moi, elle va me piquer ma place, voilà sinon ça va

    [...]

    10/ Pensez-vous qu'il est facile de s'intégrer aujourd'hui en France ? Pourquoi ? Quels conseils donneriez-vous à une personne étrangère qui souhaite s'intégrer en France ?

    Ça, j'ai entendu au journal, y'a un député, je pense que c'était M. Sarkozy, M. Sarkozy il a dit quelque chose qui est vrai, il a dit : la France, elle ne peut pas accueillir toute la misère du monde comme mon pays aussi, mon pays aussi, il ne peut pas accueillir toute la misère du monde, ça serait trop facile après y'a des gens qui ont envie d'évoluer, qui ont envie d'avancer, de travailler, il va tout faire de lui-même pour s'améliorer dans son comportement, pour s'améliorer euh pour montrer que tu as envie à la personne d'apprendre le français, que tu as envie de travailler et faire plein de choses, c'est la personne qui fait [...] mais si la personne vient, par exemple ça fait pas longtemps, la France, elle a accueilli je ne sais pas combien de personnes réfugiés de la guerre [...] ils ont payé des petites villes, ils ont payé pour dormir, à boire, etc. mais je dis toujours, faut pas croire tout ce qui se dit à la télévision, parfois ils mentent, ils ne disent pas la vérité, moi je pense que parfois la télévision ils donnent une mauvaise image des français

    Des français ?

    Oui

    Et des étrangers ? parce que, comment vous les voyez les étrangers quand vous les voyez dans les informations, les médias ?

    Y'en a quelque uns ils sont bien, y'en qui sont mal

    Vous avez une bonne ou une mauvaise image quand vous regardez les informations ?

    141

    Ça dépend comment cette image arrive, parfois elle peut être positive mais aussi ça peut être négative mais c'est ça aussi pour s'entraider, il faut donner de soi [...]

    Et au jour d'aujourd'hui, vous vous sentez comment en France ?

    Moi, je suis bien parce que même si j'ai pas fait 100% de moi [...] j'ai la force et le courage de m'approcher de vous et dire voilà, j'ai besoin d'apprendre à parler le français, j'ai besoin d'apprendre à écrire le français mais pour ça j'ai donné mon respect et j'ai montré mon envie aussi et en plus je travaille, (rires), je travaille, j'ai passé mon permis en France, j'ai ma voiture française, achetée en France, et c'est qui qui m'a donné tout ça ? les deux ensemble, il a travaillé avec moi et j'ai travaillé avec vous et que je compte sur lui, encore aujourd'hui à travailler avec vous

    Et est-ce que vous vous sentez plus française, plus brésilienne ou les deux ?

    Moi je suis mixtée (rires), les deux

    Y'a pas un côté plus que l'autre ?

    Non, non, non et ce côté-là je dis : moitié pour un, moitié pour l'autre (rires), je suis ni française, ni brésilienne, je suis brésilienne et française et ça change pas

    Si vous deviez donner des conseils à une personne étrangère qui vient en France pour s'intégrer, quels conseils vous lui donneriez ?

    Ah ça, alors la première chose : le respect, l'envie d'aller plus loin voilà, le respect et l'envie parce que si tu n'as pas l'envie, tu ne peux pas avancer, si tu n'as pas le courage et la force, tu ne peux pas aller plus loin non plus mais déjà le respect, l'envie, le courage et la force, faut aller en avant, voilà les conseils que je pourrais dire et surtout fais attention à ton entourage ça aussi c'est très important parce que des fois tu ne sais pas qui te veux du bien et qui ne te veux pas du bien parce que ça aussi ça pourrait être dangereux [...]

    [...] dernière question par rapport à la langue, est-ce que vous pouvez dire que la langue elle vous a permis de mieux vous intégrer en France ?

    Oui, oui, apprendre à parler le français c'est comme refaire sa porte, c'est (inaudible) porte pour le monde entier tu es libre, tu as ta liberté en main, c'est comme si tu venais de naitre mais tu voles, tu es né et tu voles, avant tu ne volais pas parce que tu ne parlais pas le français parce que déjà 1, tu peux pas trouver quelqu'un qui va être auprès de toi pour te faire la traduction tout le temps, ça c'est impossible, moi-même pour cette expérience ça m'est arrivé [...]

    Bon y'a la langue, mais à votre avis est-ce qu'il y a autre chose qui permet de mieux s'intégrer dans la vie ?

    Oui, le respect [...] c'est quand tu dis je t'apprécie pas, tu m'apprécie pas beh on se respecte et tout va bien, tu vois, je pense qu'avec le respect tu peux entrer partout [...] ils verront toi-même, ils verront le public et c'est qui qui va perdre sa place ? C'est lui-même, là il n'a pas sa place parce que qu'il n'a pas donné le respect pour s'intégrer, bon c'est ma façon de voir les choses.

    142

    143

    ENTRETIEN H50 - 22.14 min

    1/ Expliquez-moi ce que vous faisiez avant d'arriver en France (études, travail, etc.) et ce que vous faites maintenant.

    Je suis une femme de maison maintenant mais après 8 ans je suis au Liban avec ma famille, mon mari, il voyage et avant j'étais une maitresse pour les enfants jusqu'à CM2, oui, maitresse de mathématiques et après j'étais une maitresse pour les enfants à la maison

    En France ou ?

    N'importe et maintenant je suis ici pour améliorer la langue car je vis en France

    D'accord, ça fait combien de temps que vous êtes en France ?

    Depuis une année et nous sommes réfugiés, nous faisons des démarches, nous avons reçu une réponse négative et on fait le recours

    D'accord, vous et votre mari ?

    Non, moi seul et mes enfants car nous sommes séparés actuellement mais on a 4 enfants, 3 filles et 1 garçon, 3 filles avec moi en France et le garçon au Maroc, il finit ses études là-bas E...]

    3/ Où avez-vous appris le français ? Pendant combien de temps ? Avec qui et quand le parlez-vous? Avez-vous des amis français ?

    Et où est-ce que vous avez appris le français ?

    J'ai appris premièrement à mon pays d'origine, le Liban et après au Liban, la deuxième

    langue, après la langue officielle, c'est le français et nous sommes à la maison, nous

    grandissons sur cette langue, mon père est militaire dans l'armée française lorsque France se

    trouve au Liban depuis 1927 et nous avons appris la langue dans les écoles depuis l'âge de 3

    ans

    Vous avez combien d'heures par semaine par exemple ?

    Depuis l'âge de 3 ans chez ma mère, à la maison mais à l'école, à 6 ans

    D'accord à partir de 6 ans vous avez commencé à apprendre le français à l'école

    Oui, à l'école, les chiffres, les couleurs, les formes comme ça

    Et combien d'heures par semaine à peu près ?

    A peu près par semaine depuis 6 ans ? oui, chaque jour 2 heures maximum

    144

    2/ Quelles langues parlez-vous ? Quelle(s) langue(s) parlez-vous avec votre famille, vos amis ? Dans quelles occasions? Avez-vous des préférences, lesquelles et pourquoi ? D'accord ok et quelle(s) langue(s) vous parlez avec votre famille ?

    L'arabe

    L'arabe oui

    Je commence de parler en français mais lorsqu'on réfléchit par les mots qui manquent, j'arrête

    et je recommence par l'arabe

    D'accord mais le plus c'est arabe c'est ça ?

    Oui oui

    Et quel arabe ?

    L'arabe s'appelle l'arabe classique c'est-à-dire près de la langue, l'arabe littéraire

    D'accord c'est proche ?

    Oui c'est proche

    C'est la langue officielle du Liban

    Oui, du Liban

    Et avec vos amis vous parlez quelle(s) langue(s) ?

    Bien sûr l'arabe

    Oui, pas de français ?

    Ici, maintenant, actuellement en français, il faut t'obliger de parler le français ils ou elles

    parlent l'arabe mais je ne le comprends pas parce que l'accent est très difficile pour moi, oui

    et je parle la langue française

    Parce que vous êtes obligée ?

    Oui oui pour communiquer

    Et vous, vous préférez quelle(s) langue(s) ?

    Après l'arabe, le français et l'anglais

    D'accord, d'abord l'arabe, après le français, après l'anglais [...]

    Je parle un peu le turc car je suis de nationalité turque et libanaise [...]

    4/ Comment avez-vous connu l'association et depuis combien de temps la fréquentez-vous ? Que vous apporte-t-elle ? Fréquentez-vous d'autres lieux que cette association où vous pouvez pratiquer le français ?

    L'assistante, on a l'assistante qui m'a dirigé vers cette association Et ça fait combien de temps que vous êtes ici ?

    145

    3 ou 4 mois, depuis l'année scolaire, cette année scolaire

    D'accord, depuis cette année scolaire. Et qu'est-ce qu'elle vous apporte cette association ?

    Euh elle me donne beaucoup de choses. Premièrement, je l'aime beaucoup, elle est devenue comme ma famille, elle est très tendresse, je sais pas comment on dit mais autre que parler parce que j'arrive du Beyrouth à Paris mais à Paris non, quoi qu'est-ce qu'on dit, là-bas non comme ça, ici très familier, les gens très, que dire de ça, j'aime, j'aime les gens d'ici plus que Paris

    Et est-ce que vous allez dans d'autres endroits que cette association pour apprendre le français ?

    Euh oui, c'est-à-dire en Avignon mais plusieurs séances, je prends beaucoup de séances, pour profiter du temps, améliorer la langue car je suis un petit peu timide de parler faux, que quelqu'un rigole de moi c'est pourquoi [...]

    5/ Quelles sont les situations en France ou vous éprouvez/avez éprouvé le plus de difficultés pour vous faire comprendre ? Savez-vous pourquoi ?

    Jusqu'à maintenant non, je compte sur moi, sur les applications pour les voies et les transports et c'est très bien jusqu'à maintenant [...]

    Et par exemple quand vous êtes dans une administration comme une banque ou le pôle emploi, est-ce qu'il y a eu des difficultés pour vous de ?

    Oui bien sur parce que je ne forme pas bien la phrase ou il est difficile pour chercher les mots qui conviennent oui mais finalement ça va

    D'accord, ça va au final. Et est-ce que vous savez pourquoi vous avez eu des problèmes pour vous faire comprendre quand vous allez à la banque par exemple, est-ce que vous savez pourquoi ?

    Oui parce que, pour moi ou bien les employés là-bas ?

    Les deux

    Les deux, euh ils savent que je suis étrangère, c'est difficile pour parler le français, pour comprendre tout ce qu'ils veulent dirent et moi aussi c'est difficile pour aboutir mes idées aux employés, oui, c'est pourquoi je veux apprendre très vite le français

    6/ Qu'en est-il d'aujourd'hui : est-ce qu'il est plus facile de vous faire comprendre ? Qu'est-ce qui vous a permis d'avancer OU qu'est-ce qu'il vous manque pour le faire

    146

    ? Quels seraient d'après vous les moyens pour améliorer son français ? Le faites-vous ?

    Et aujourd'hui est-ce que c'est plus facile pour vous, de vous faire comprendre ?

    Un petit peu mais il reste difficile

    Et qu'est-ce que vous avez fait pour que ce soit plus facile ?

    Euh j'assiste aux cours, aux séances

    D'accord, c'est surtout ça hein. Et d'après vous qu'est-ce que vous pourriez faire

    d'autre pour améliorer le français ?

    Oui, il faut travailler bénévole avec argent, sans argent, il faut, c'est-à-dire entrer dans la

    société de plus en plus bien, c'est-à-dire, oui ok, moi et mes enfants

    7/ Selon vous, que signifie « bien parler français » ? Pensez-vous le faire ? Pourquoi ?

    Oui d'accord, je comprends, et qu'est-ce que ça veut dire pour vous « bien parler français » ?

    Bien parler français, c'est la personnalité, c'est-à-dire, ma personnalité est très forte, c'est la confiance oui, c'est aider les autres qui ne parlent pas le français

    D'accord, est ce que vous pensez que vous faites ça vous, vous pensez que vous parlez bien le français ?

    Oui, après quelques années, je ne sais pas oui mais je travaille à ça pour améliorer le français pour aider les autres qui comme moi sont débutantes

    8/ Selon vous, que signifie l'intégration/ être « bien intégré(e) » ?

    D'accord, et est-ce que vous connaissez le mot « intégration » ?

    Intégration ?

    Oui

    Non euh elle passait avec le math depuis longtemps, intégrer, intégration et je sais pas ce que

    ça veut dire ça, intégrer c'est-à-dire entrer ?

    Oui, et qu'est-ce que ça veut dire à votre avis « être bien intégré »

    Ah, être social, de plus en plus social et n'avoir peur d'autres choses, des choses de la vie,

    c'est-à-dire le timide devient, diminue un peu

    Ah d'accord, et qu'est-ce qu'il faut faire à votre avis pour être bien intégré ?

    Euh intégré, il faut compter sur soi-même, sur moi-même oui premièrement

    147

    9/ Avez-vous le sentiment d'être « bien intégré(e) » par les Français/la France ? Qu'est-ce qui vous permet de l'affirmer ou pas ? Qu'avez- vous fait pour y arriver ou qu'est-ce qu'il vous faudrait ?

    D'accord, et est-ce que vous avez le sentiment d'être bien intégré en France, par la France et les Français ?

    Il faut ça, il faut, il faut ça mais pour moi c'est un peu difficile car ma personnalité n'est pas très ouverte, on a des coutumes limitées, des traditions limitées oui, si je suis très ouverte mais je mets ma limite

    Et la limite vous la mettez pourquoi ?

    Pour rester dans mes coutumes

    Et est-ce que vous vous sentez bien intégrée en France, est-ce que vous sentez que les gens vous ont bien intégrée en France depuis que vous êtes là ?

    D'après moi, j'aime ça parce que je mets dans mon esprit de continuer toute ma vie ici en France, c'est-à-dire il faut intégrer dans la société française oui, mais mais il y a des limites D'accord, je comprends. Qu'est ce que vous avez fait vous pour arriver à intégrer la France, les efforts ou les choses que vous avez faites ?

    Maintenant il n'y a pas de choses fortes pour moi parce que je ne travaille pas pour le moment Vous travaillez ?

    Non je ne peux pas parce que pas de papiers non mais pour moi, j'aime travailler pour compter sur moi-même, c'est-à-dire l'intégration n'est pas difficile pour moi jusqu'à maintenant

    D'accord, et en face, est-ce que vous pensez que les gens ils, enfin ça pose problème pour eux ou ça va ? Est-ce que vous avez vu des choses peut être depuis que vous êtes en France ?

    Jusqu'à maintenant non, très calme, toute ma vie est calmée, les enfants vont à l'école et moi aussi [...] mais le plus difficile pour moi, ma fille qui est restée à la maison [...]

    10/ Pensez-vous qu'il est facile de s'intégrer aujourd'hui en France ? Pourquoi ? Quels conseils donneriez-vous à une personne étrangère qui souhaite s'intégrer en France ?

    Je dis c'est selon les personnes, chaque personne, les croyances de chaque personne, quelles sont les croyances de chaque personne, quelles sont les limites de chaque personne mais en

    148

    général dans tout les pays, l'intégration est difficile, l'intégration est difficile selon les évènements qui entourent le monde mais il faut t'obliger à t'habituer dans le pays dans lequel tu veux vivre

    Et si vous deviez donner des conseils à quelqu'un qui vient de l'étranger, qui vient d'arriver pour l'aider à s'intégrer, qu'est ce que ça serait comme conseils ?

    Le conseil : reste, marche avec les développements qu'à ce pays mais rester avec ses coutumes, ses traditions

    D'accord, et pour vous la langue est-ce qu'elle peut aider, est-ce qu'elle peut permettre à quelqu'un de s'intégrer ?

    Oui bien sûr, c'est la clé, c'est la clé pour ouvrir n'importe quelle chose, la langue du pays qui a vécu, parce qu'il y a un vécu, c'est la langue premièrement, tu savais ton ennemi il faut savoir son, mais c'est pas un ennemi, c'est un exemple : pour savoir ton ennemi il faut savoir sa langue n'est ce pas et nous sommes sur la terre française, la terre anglaise, libanaise, etc., il faut savoir sa langue pour savoir comment tu penses, comment tu vis, c'est tout

    Et est-ce que vous pensez que ça suffit la langue ?

    Non elle ne suffit pas mais c'est le plus important pour savoir qu'est ce que tu penses, pour penser il faut comprendre ce que tu dis

    Et est-ce que dans les cours que vous prenez dans l'association ça vous aidé à mieux comprendre les français ?[...]

    Un peu, un peu à partir des enseignantes oui, elles me donnent un petit peu, une petite idée [...] des informations sur les coutumes, sur l'échange mais dans chaque pays, chaque personne pense différemment d'une autre, il y a le bien et il y a le mal

    149

    ENTRETIEN H37 - 15.11 min

    1/ Expliquez-moi ce que vous faisiez avant d'arriver en France (études, travail, etc.) et ce que vous faites maintenant.

    Alors est-ce que vous pouvez me dire ce que vous faisiez quand vous étiez au Maroc ou

    en Espagne ?

    On peut commencer avec le Maroc, oui oui, j'étais étudiante, comme on dit j'ai fait mes

    études au Maroc

    D'accord, vous avez fait quoi comme études ?

    Bah j'ai pas continué j'ai fait juste, jusqu'à , parce que je veux dire, j'ai rentré à l'âge de 16

    ans en France et après je me suis mariée

    Et jusqu'à quel âge (les études) ?

    Jusqu'à 15 ans

    Et après vous êtes allée en Espagne ?

    Oui au début, en France j'ai fait 6 mois de stage en France pour apprendre un peu, comme on

    dit, comment on peut parler parce que au début, je parle pas très très bien correctement le

    français et je reste, c'est obligé en plus, si on rentre en France, c'est-à-dire du Maroc en

    France parce que j'ai rentré avec mon père, toute la famille on doit apprendre 6 mois de cours

    de français, c'est obligatoire[...]

    Vous êtes arrivée quand en France ?

    2001

    2001, d'accord, et qu'est-ce que vous faites maintenant que vous êtes en France ?

    Pour le moment, je suis une femme de foyer et en même temps, je prends des cours de

    français

    2/ Quelles langues parlez-vous ? Quelle(s) langue(s) parlez-vous avec votre famille, vos amis ? Dans quelles occasions? Avez-vous des préférences, lesquelles et pourquoi ?

    Et quelles langues vous parlez en famille ?

    A la maison, je parle arabe et on mélange un peu avec le français Et avec les enfants ?

    150

    Oui avec les enfants, j'aimerais bien parler correctement avec eux le français mais quelque fois je trouve pas les mots de discuter, comme on dit c'est pour ça que je mélange arabe et français

    Et avec les amis ?

    Ça dépend, j'ai une amie française, elle vient chez moi 2 fois par semaine, elle vient pour aider mon fils à apprendre les devoirs et tout [...] je parle avec elle le français, 1 fois par semaine, 2 fois par semaine, elle vient le mardi et le jeudi

    D'accord, est-ce que vous avez une préférence pour une langue, plutôt français ou arabe ?

    Non j'ai pas de préférence parce que la langue c'est on habite ici à la France on doit apprendre la langue française, par contre au Maroc aussi nos enfants aussi il faut qu'ils parlent arabe parce qu'il y a des grands parents qui ne savent pas parler, ils sont coincés, s'ils parlent que le français, comment il va parler avec eux ? s'il veut demander quelque chose qu'est-ce qu'il va dire ? L'autre, c'est-à-dire, il comprend pas le français, il parle qu'en arabe. Pour moi c'est mieux de parler français, espagnol, anglais, toutes les langues, si/c'est possible (rires) Et quelles langues vous parlez-vous ?

    Euh arabe

    Oui, arabe, quel arabe ?

    Oui oui, marocain, en plus je parle l'arabe de, comme on dit de, parce qu'il y l'arabe des étudiants, c'est l'arabe, c'est pas comme qu'est ce qu'on parle naturel, y'a un arabe des étudiants comme on écrit et tout, ça c'est l'arabe de tous les pays « Egyptiens » et tout (rires) Et vous, vous parlez quel arabe ? vous parlez cet arabe ?

    Les deux ouais

    Et d'autres langues aussi ?

    Euh français c'est tout

    3/ Où avez-vous appris le français ? Pendant combien de temps ? Avec qui et quand le parlez-vous? Avez-vous des amis français ?

    Au Maroc au début, oui et après ici mais au Maroc c'est pas beaucoup parce que j'ai pas fini mes études

    4/ Comment avez-vous connu l'association et depuis combien de temps la fréquentez-vous ? Que vous apporte-t-elle ? Fréquentez-vous d'autres lieux que cette association où vous pouvez pratiquer le français ?

    151

    L'association, c'est ma tante, elle habite ici à la Reine Jeanne, c'est elle qui m'a proposé cette association parce qu'elle habite ici, y'a des papiers je crois, des publicités, beh c'est elle qui m'a dit, y'a des personnes qui font des cours de français et après je suis venue m'inscrire D'accord et ça fait combien de temps que vous êtes à l'association ?

    Ça fait, j'ai commencé cette année, et l'année dernière j'ai commencé un peu tard, 2 mois je crois

    D'accord et est-ce que vous allez dans d'autres endroits pour apprendre le français ? Oui à Champfleury [...]

    Et qu'est-ce qu'elle vous apporte l'association ici ?

    Beh beaucoup de choses, communiquer, parler, écrire, rencontrer d'autres personnes oui, oui pour moi c'est bien, c'est mieux que de rester à la maison sans rien faire, si j'apprends un mot chaque jour, pour moi c'est bien (rires)

    5/ Quelles sont les situations en France ou vous éprouvez/avez éprouvé le plus de difficultés pour vous faire comprendre ? Savez-vous pourquoi ?

    En France, jamais, jamais parce qu'en Espagne j'avais un peu de difficultés [...]

    Ah voilà ça reprend, alors les situations en France où vous avez eu des difficultés pour qu'on vous comprenne en français ?

    Non moi je trouve, y'a des gens quand on parle avec quelqu'un, il nous aide de parler à parler, à apprendre c'est-à-dire à chaque fois je rencontre des personnes qui m'aident, même tu fais les fautes, continue, continue à parler, faut pas rester coincé, moi je trouve ça m'a aidé beaucoup

    Et jamais depuis que vous êtes arrivée, y'a eu un endroit où vous avez eu des problèmes Non non jamais

    6/ Qu'en est-il d'aujourd'hui : est-ce qu'il est plus facile de vous faire comprendre ? Qu'est-ce qui vous a permis d'avancer ou qu'est-ce qu'il vous manque pour le faire ? Quels seraient d'après vous les moyens pour améliorer son français ? Le faites-vous ?

    Et aujourd'hui, est-ce que quand vous allez dans un endroit vous sentez une différence par rapport au début ? C'est plus facile pour vous ?

    152

    Oui, oui c'est vrai, c'est-à-dire la première année quand je suis arrivée ici en France, c'est pas comme cette année, à chaque fois je fais le progrès de parler, de communiquer, d'apprendre des mots, la progression (rires)

    Pour vous, les moyens d'améliorer le français, ce seraient quels moyens ?

    De faire des cours de français oui, continuer de, c'est pas de rester à la maison (rires)

    7/ Selon vous, que signifie « bien parler français » ? Pensez-vous le faire ? Pourquoi ?

    Pour vous qu'est-ce que ça veut dire de « bien parler français » ?

    Beh de bien communiquer, de bien comprendre (inaudible) surtout de conjuguer les verbes le

    plus important, si on parle du passé, du présent ou du futur quand même faut bien mettre les

    verbes à leur place

    Est-ce que vous pensez que vous parlez bien le français ?

    Moi non

    Pourquoi ?

    Beh je fais quand même un peu des fautes de conjugaison mais ça m'empêche pas de parler ça

    Pour vous, vous parlez pas bien le français ?

    Oui

    Qu'est-ce qu'il faudrait pour bien parler le français ?

    Beh il faut, parce que quand j'entends quelqu'un parler, je me dis « moi je parle pas bien », si

    je dis je parle bien, je continue pas à faire les cours de français, il faut toujours dire, il faut

    parler bien, il faut avancer pas rester dans une voie, c'est-à-dire « je suis quelqu'un de bien »

    non

    8/ Selon vous, que signifie l'intégration/ être « bien intégré(e) » ?

    Est-ce que vous savez ce que ça veut dire « l'intégration » ?

    Non

    « Etre bien intégré », vous avez déjà entendu cette expression ?

    Oui, oui, oui

    Et qu'est-ce que ça veut dire d'après vous « être bien intégré en France » ?

    Euh

    Y'a pas de bonne ou de mauvaise réponse

    Intégration c'est pas l'amélioration non c'est pas ça ? Intégration c'est ça ?

    153

    Pour vous c'est ça ?

    C'est ça le bon mot ? Vous pouvez pas me

    Je sais pas (rires). L'intégration vous l'avez déjà entendu ?

    Oui oui

    Quand quelqu'un vous dit par exemple « il faut bien s'intégrer en France », pour vous

    qu'est-ce que ça veut dire« bien s'intégrer en France » ?

    Euh bien s'intégrer en France, j'ai la tête ailleurs

    Non nonc'est pas grave si vous connaissez pas, y'a pas vraiment de bonne réponse en fait

    Intégration je crois c'est améliorer non ? Améliorer c'est pas ça non ?

    Dans quel sens par exemple, si quelqu'un il vous dit « il faut que je m'intègre bien en

    France », est-ce que vous comprenez ce qu'il vous dit ?

    Il faut faire ma place non en France ? je crois c'est ça le mot non ?

    Oui d'accord, c'est ça [...]

    9/ Avez-vous le sentiment d'être « bien intégré(e) » par les Français/la France ? Qu'est-ce qui vous permet de l'affirmer ou pas ? Qu'avez-vous fait pour y arriver ou qu'est-ce qu'il vous faudrait ?

    Et est-ce que vous, vous vous sentez bien intégrée en France ?

    Beh je fais ma possibilité comme une femme de foyer, si je peux quand même continuer les

    cours de français et parler bien et éduquer mes enfants bien eh beh je crois

    Et est-ce que vous pensez que les français ils vous ont bien intégrée vous en France ?

    Beh si on est quelqu'un de bien pourquoi pas, c'est-à-dire pourquoi nous, pourquoi pas

    Bien sûr

    Si je me sens moi, je suis quelqu'un de bien et je fais ma possibilité et les choses comme il

    faut beh si quelqu'un il pense quelque chose de moi pas bien beh c'est à lui de réfléchir c'est

    pas à moi, c'est-à-dire si je suis d'accord avec moi qu'est ce que je fais

    D'accord et vous sentez qu'en ce moment vous êtes bien intégrée en France, c'est-à-dire

    que les gens, ils vous acceptent [...] et que vous acceptez les autres ?

    Oui oui

    Vous vous sentez aujourd'hui plus marocaine ou française ou les deux ?

    Les deux

    Y'a pas un côté plus que l'autre ?

    Mmmh c'est-à-dire j'aimerais bien mes racines, c'est-à-dire qu'est ce que je me suis, je veux

    pas dire je suis pas marocaine mais par contre j'aimerais bien la liberté de France, être

    154

    quelqu'un de français libre et tout, par contre je suis les 2 (rires) (inaudible) ni de français, ni de marocain

    10/ Pensez-vous qu'il est facile de s'intégrer aujourd'hui en France ? Pourquoi ? Quels conseils donneriez-vous à une personne étrangère qui souhaite s'intégrer en France ?

    Et est-ce que vous pensez qu'aujourd'hui en France, c'est facile de s'intégrer pour les étrangers ?

    En ce moment, c'est difficile

    Pourquoi à votre avis ?

    Avec tout ce qui se passe en France, je crois c'est un peu, je veux pas trop parler politique mais je crois c'est quand même un peu difficile

    Vous savez pourquoi à votre avis ?

    Surtout les gens à l'université, surtout quelqu'un qui porte le foulard ou, c'est (inaudible)

    Et quels conseils vous donneriez à une personne qui vous dit « je veux bien m'intégrer en France » ?

    De continuer qu'est-ce qu'il pense et de pas réfléchir beaucoup qu'est ce qu'ils dit les autres [...] moi si je fais quelque chose et je suis d'accord que c'est bien pour moi, faut pas toujours penser ce que disent les autres, faut toujours avancer sans réfléchir, réfléchie s'il y a quelque chose d'important , faut faire le point, il faut toujours demander à quelqu'un à qui on fait beaucoup de confiance et faut pas entendre ce que disent les autres, mauvaises on bloque Ça pour vous, ça peut aider à bien s'intégrer ?

    Oui oui

    Et la langue, qu'est ce que vous pensez de la langue ?

    C'est important, c'est très très important eh oui si moi j'habite en France et que je ne peux pas communiquer, je peux pas parler français, c'est difficile, comme quelqu'un qui vient chez vous mon pays par exemple le Maroc, il parle pas ma langue, il parle une autre langue, comment il va s'exprimer s'il parle pas la langue, c'est important

    Est-ce qu'il y a d'autres choses que vous voyez à part la langue d'important pour bien s'intégrer en France ?

    Première chose la langue, deuxième chose, pas rester coincé c'est-à-dire fermé, faut quand même, faut voir les autres cultures, parler avec les autres personnes, montrer notre culture c'est-à-dire moi quand je parle avec la personne comme je t'ai dit au début française, elle a beaucoup changé, elle m'a dit moi je vois quelque fois les femmes voilées et tout, quand je vous reconnais parce qu'elle vient chez moi, elle m'a dit « jai changé ma pensée » c'est-à-dire

    155

    quelque fois au magasin on trouve (inaudible) « oh comment qu'est ce qu'elle fait regarde avec ses enfants et tout » maintenant on est tous pareils, chacun il est comme il pense, il faut quand même mélanger avec les autres cultures pour montrer comment on est pour changer un peu la mentalité

    Et comment on peut changer la mentalité ?

    Eh beh de discuter de parler oui de pas rester coincé c'est ça non

    156

    ENTRETIEN K43 - 13.00 min

    1/ Expliquez-moi ce que vous faisiez avant d'arriver en France (études, travail, etc.) et ce que vous faites maintenant.

    Avant, je suis avec mes enfants, j'ai fait un peu de couture à la maison, j'ai fait pour les gens, ils me payent comme ça des choses et je suive mes enfants à l'école, au sport ça ça et ça

    Et maintenant ?

    Maintenant mais c'est la même chose mais je fais les cours de français, maintenant je cherche, avant je cherche pas le travail parce que les enfants ils sont petits maintenant comme les enfants ils sont grands, il me reste que le petit à l'école, je cherche un travail mais j'ai pas trouvé, je fais toujours les cours de français mais je continue pas j'arrête, je fais 2 mois, 3 mois j'arrête mais toujours je fais le français tout ça, toutes les années, je suis à l'école (rires)

    2/ Quelles langues parlez-vous ? Quelle(s) langue(s) parlez-vous avec votre famille, vos amis ? Dans quelles occasions? Avez-vous des préférences, lesquelles ET pourquoi ?

    Et quelles langues vous parlez avec la famille ?

    A la maison ? (inaudible) arabe, les enfants, ils parlent avec moi le français, parce que moi j'ai

    pas l'habitude de parler le français, c'est

    Oui je comprends et avec vos amis ?

    Arabe

    Et est-ce que vous avez des préférences, vous préférez parler en arabe ou en français ?

    Non le français

    Vous préférez ?

    Oui euh non je préfère arabe parce que je suis à l'aise mais j'aimerais bien apprendre le

    français, j'aimerais bien apprendre beaucoup de choses, des fois je me mets devant quelqu'un,

    j'arrive pas à parler

    3/ Où avez-vous appris le français ? Pendant combien de temps ? Avec qui et quand le parlez-vous? Avez-vous des amis français ?

    Et où est-ce que vous avez appris le français ?

    A l'école Stuart Mill, à Saint Lazare, Montfavet, Saint-Jean, toujours

    157

    Ca fait combien de temps que vous êtes en France ?

    Je suis en France depuis 8 ans, presque 9 ans, depuis 2008

    Et avant vous avez appris le français ?

    Avant non jamais, juste l'alphabet, juste a,b,c,d comme ça c'est tout mais pas

    A parler ?

    Non

    Et est-ce que vous avez des amis français avec qui vous parlez en français ?

    Ici, non

    Donc avec qui vous parlez en français ?

    Personne, juste à l'école (inaudible)

    4/ Comment avez-vous connu l'association et depuis combien de temps la fréquentez-vous ? Que vous apporte-t-elle ? Fréquentez-vous d'autres lieux que cette association où vous pouvez pratiquer le français ?

    Ici euh quand je rentre en France pour les enfants à l'école, il m'a conseillé de faire les devoirs chez Olivia (maison des associations), j'ai posé les enfants chez Olivia pour les devoirs pour apprendre le français et moi ils m'ont envoyé une lettre pour apprendre le français au centre ville [...] je fais 4 heures et ils m'ont donné un diplôme (inaudible) après j'ai continué, après ils nous appellent de l'école des parents pour apprendre le français

    Et maintenant, vous êtes que à l'OGA ou vous allez dans d'autres endroits ?

    Non non juste ici

    5/ Quelles sont les situations en France ou vous éprouvez/avez éprouvé le plus de difficultés pour vous faire comprendre ? Savez-vous pourquoi ?

    Des fois mais, on débrouille (rires)

    Est-ce que vous savez pourquoi c'était difficile ?

    Parce que j'arrive pas à dire qu'est-ce que je veux dire, j'arrive pas à expliquer les gens qu'est-

    ce que je veux dire

    Vous savez pourquoi ?

    Oui parce que je parle pas français (rires)

    Vous parlez pas français ?

    Oui (rires)

    Et aujourd'hui est-ce que c'est plus facile ?

    158

    Oui je parle, je dis pas qu'est-ce que je veux dire mais je comprends ce qu'il me dit les gens, je comprends

    6/ Qu'en est-il d'aujourd'hui : est-ce qu'il est plus facile de vous faire comprendre ? Qu'est-ce qui vous a permis d'avancer ou qu'est-ce qu'il vous manque pour le faire ? Quels seraient d'après vous les moyens pour améliorer son français ? Le faites-vous ?

    Et comment vous êtes arrivée à ça aujourd'hui, qu'est-ce qui vous a permis d'avancer ? Pour moi c'est l'école parce que je lis des choses, je rentre à la maison, je demande mes enfants et à mon mari qu'on m'explique parce que mon mari il lit le français et tout et je demande lui, il m'explique, c'est à dire c'est quoi ça ça ça en arabe comme ça j'apprends bien Et selon vous quels seraient les moyens pour améliorer le français, est-ce qu'il y aurait des moyens pour améliorer le français ?

    Oui il faut parler toujours (rires) comme ça j'aurais aimé mais y'a personne qui parle avec moi (rires)

    Oui, y'a personne ?

    Non juste vous ici (rires)

    7/ Selon vous, que signifie « bien parler français » ? Pensez-vous le faire ? Pourquoi ?

    Et est-ce que vous parlez bien le français ?

    Non

    Pourquoi ?

    Parce que je ne connais pas les mots (rires)

    Et qu'est-ce que ça veut dire pour vous « bien parler le français »? Si quelqu'un vous dit,

    « il faut bien parler français »

    C'est il a réussi (rires) il a de la chance aussi (rires)

    Mais pour vous « bien parler le français » qu'est-ce que c'est ?

    Qu'est ce que c'est, c'est (inaudible) ici on est en France, il faut qu'on parle français

    Mais comment, il faut parler français ?

    Il faut qu'on fait des efforts, par l'école, devant la maison, on fait beaucoup pour apprendre

    Et donc vous, vous pensez que vous parlez pas bien le français ?

    Non

    Et pourquoi ?

    Je sais que je débrouille mais je parle pas bien bien le français

    159

    Qu'est-ce qui vous fait dire ça ?

    Parfois j'arrive pas à bien attacher les mots, je dis un mot, je dis pas "je suis", je dis pas ça, je dis n'importe quoi des fois, comme je prends les enfants à l'école, des fois la maitresse elle parle à moi, j'ai des choses que je veux dire mais j'arrive pas à expliquer à la maitresse parce que mois, mes enfants ils parlent pas avec moi toujours

    Ah oui

    Ils ont pas le temps mais moi je demande pas les enfants même je pose mes pieds ici je prends pas mes filles avec moi des fois mais expliquent pas pour moi, ils restent avec moi mais ils expliquent pas des fois elles me disent "maman il t'a dit ça il t'a dit ça", je débrouille parce qu'un jour ils seront partis, j'ai besoin de moi même

    8/ Selon vous, que signifie l'intégration/ être « bien intégré(e) » ?

    Est-ce que vous savez ce que ça veut dire « l'intégration »?

    Non

    Etre bien intégré, vous avez déjà entendu ?

    Oui j'ai entendu mais j'ai pas

    Vous savez ce que ça veut dire ?

    L'intégration non

    A peu près, « être bien intégré » ça veut dire quoi pour vous ?

    Etre capable de (inaudible) je crois ça je sais pas il faut les autres bien, capable de ce qu'on

    veut faire

    Par exemple en France, qu'est ce que ça veut dire "être bien intégré" en France ?

    Moi je pense comme par exemple, il faut faire qu'est-ce que je veux, pas demander quelqu'un

    il me fait ça, il me fait ça non ? Je pense ça

    C'est votre définition, c'est vous, y'a pas de bonne ou de mauvaise réponse, d'accord,

    pour vous c'est ça être bien intégré en France ?

    (inaudible) capable de

    D'accord être capable de, de faire quoi par exemple ?

    De faire quelque chose, il faut être capable, c'est pas on fait n'importe quoi (rires)

    9/ Avez-vous le sentiment d'être « bien intégré(e) » par les Français/la France ? Qu'est-ce qui vous permet de l'affirmer ou pas ? Qu'avez- vous fait pour y arriver OU qu'est-ce qu'il vous faudrait ?

    160

    D'accord et est-ce que vous, vous pensez que vous êtes bien intégrée en France ?

    Pour ma famille oui mais pour la France je sais pas, je sais pas si moi est-ce que je suis

    intégrée ou non parce que je parle pas bien, je travaille pas, je travaille pas mais je demande

    rien, je suis pas au RMI ou quelque chose comme ça mais je sais mais pour ma famille oui, je

    dire ma famille, je dire mes enfants oui ils sont bien, ils sont tous bien

    Et vous aussi ?

    Oui, je suis fière d'eux, de qu'est-ce que j'ai fait (rires)

    Et est-ce que vous pensez que les français, ils vous ont bien intégrée vous ?

    Je sais pas

    Quand vous sortez dehors ou quand vous allez quelque part, est-ce que vous sentez que

    vous êtes bien intégrée par eux ?

    Mais les gens je sais pas qu'est ce qu'il a dans sa tête, y'a des gens qui rigolent avec vous mais

    dans sa tête (rires)

    Vous savez pas trop

    On sait pas

    Et à votre avis, qu'est-ce qu'il faut faire pour être bien intégrée en France ?

    Euh pour (inaudible), pour le monde, il faut on est bien, travaille bien, tout ce que tu fais bien,

    bien, je sais pas comment j'explique mais pour moi c'est bien, c'est pas juste la France,

    partout, Il faut euh les gens être bien euh comment dire par exemple [...] il fait des études, il a

    son travail, il a sa voiture, il a sa maison, tout il est bien et il fait pas mal à les gens [...] pour

    moi c'est être bien integré

    10/ Pensez-vous qu'il est facile de s'intégrer aujourd'hui en France ? Pourquoi ? Quels conseils donneriez-vous à une personne étrangère qui souhaite s'intégrer en France ?

    Est-ce que vous pensez qu'aujourd'hui en France, c'est facile de s'intégrer ?

    Pour moi, y'a quelqu'un il veut, il dit être quelque chose, il va être comme moi je veux apprendre le français, il faut partir tous les jours (rires) c'est pour moi, c'est mon exemple je sais pas mais

    Oui et pour les autres, pour les étrangers qui viennent en France c'est facile aujourd'hui ?

    Parce que la France elle fait des, c'est exigeant, elle fait tout mais il faut les gens aussi ils travaillent, il fait le bien pour tout

    Et si jamais une amie à vous, une copine, elle vient vous voir et elle vous demande « je

    161

    veux m'intégrer en France », comment je fais ? Qu'est-ce que vous lui dites ?

    Non y'a personne dehors

    Si par exemple, on sait jamais là dans le cours il y a quelqu'un qui vient d'arriver en

    France, il va vous dire « voilà je veux être bien intégré en France, qu'est-ce qu'il faut

    faire »?

    Je lui conseille de faire, va a l'école (rires) et aussi les enfants aussi ils font des études [...]

    Oui, ils vont faire quoi à l'école ?

    Ils vont apprendre le français, tu peux travailler, va travailler

    D'accord, est-ce que vous pensez que la langue française, elle permet de s'intégrer ?

    Oui, pour moi oui parce que quand tu vas faire quelque chose tu demandes les choses ou tout

    tu cherches les choses et c'est facile

    Et c'est le plus important pour vous la langue ?

    Oui, pour moi c'est le plus important d'apprendre le français

    C'est ça qui vous manque aujourd'hui ? Plus de français ? Pour vous c'est important ?

    Oui

    Et est-ce qu'il y a autre chose que le français, à part apprendre le français ? Il vous

    manque quelque chose pour être mieux en France ?

    Moi je suis bien comme ça, je suis bien, peut être moi j'apprends le français, mes enfants ils

    continuent, j'aimerais bien continuer pour être bien

    162

    ENTRETIEN M30 - 15.57 min

    1/ Expliquez-moi ce que vous faisiez avant d'arriver en France (études, travail, etc.) et ce que vous faites maintenant.

    Euh je suis Marocaine, euh depuis que j'ai rentré en France depuis 2008

    Et avant, qu'est-ce que vous faisiez au Maroc, vous travailliez ?

    Non, travaille pas

    Et les études ?

    Non

    Vous êtes allée jusqu'à quel âge ?

    Jusqu'à 4ème, collège

    4ème, collège d'accord, et après vous avez arrêté l'école ?

    Oui j'ai arrêté

    2/ Quelles langues parlez-vous ? Quelle(s) langue(s) parlez-vous avec votre famille, vos amis ? Dans quelles occasions? Avez-vous des préférences, lesquelles ET pourquoi ?

    Euh langue(s), l'arabe

    L'arabe, juste l'arabe ?

    Oui juste l'arabe

    Euh quel arabe ?

    Marocain

    Marocain ? et avec votre famille vous parlez quelle langue ?

    Oui marocain, euh le marocain

    Le marocain, et avec les amis ?

    Marocain

    Et est-ce que vous avez des préférences ?

    Oui maintenant je parler le français

    Le français, oui avec qui ?

    Oui un peu de français

    Avec la famille ?

    Oui avec la famille, avec mon mari, avec mes enfants

    Et est-ce que vous avez des amis français avec qui vous parlez ?

    163

    Non

    Non pas d'amis français ?

    Non y'a pas des amis français

    La plupart des amis sont de quelle origine ?

    Euh marocaine, un peu de français

    3/ Où avez-vous appris le français ? Pendant combien de temps ? Avec qui et quand le parlez-vous? Avez-vous des amis français ?

    Ou vous avez appris le français, en France ?

    Oui en France

    Et au Maroc, vous avez appris un peu le français ?

    Le Maroc, un peu oui

    Vous avez appris ou, à l'école ?

    A l'école oui

    A l'école oui, à quel âge vous avez commencé ?

    Euh 9 ans

    9 ans oui, il y avait beaucoup (d'heures) de français par semaine à peu près?

    Euh 3 fois par semaine

    3 fois par semaine ok, et dans la rue est-ce que vous parliez en français avec des gens ?

    Non

    Non, donc avec qui et quand vous parlez le français ?

    Avec mon mari, ma belle-soeur, mes enfants, l'école des parents

    4/ Comment avez-vous connu l'association ET depuis combien de temps la fréquentez-vous ? Que vous apporte-t-elle ? Fréquentez-vous d'autres lieux que cette association où vous pouvez pratiquer le français ?

    Euh parce que moi, j'habite à côté de la maison des associations

    Et c'est qui, qui vous a parlé de l'association, une amie ?

    Non parce que l'assistante sociale elle m'a dit va chez la maison des associations pour langue français, l'école français

    D'accord et est-ce que vous avez besoin de parler français en dehors de la famille, c'est-à-dire pour le travail en France ?

    164

    Oui bien sûr

    Oui, vous cherchez du travail ?

    Oui mais

    Oui et ça a posé problème ?

    Oui un peu de problèmes, (inaudible) parle, mais maintenant j'apprends le français avec vous

    D'accord, et vous venez combien de fois par semaine ?

    Tous les jours samedi et dimanche non, lundi mardi, mercredi, jeudi, vendredi

    D'accord, d'accord, ça fait combien de temps que vous êtes à l'association

    Euh le mois de septembre [...] 2016

    D'accord et qu'est-ce qu'elle vous a apporté l'association ?

    Euh j'apprends le français bien pour écrire pour lire avant non, avant c'est difficile de parler

    le français, de l'écrire, de lire

    C'est plus facile maintenant ?

    Maintenant ça va

    C'est quoi qui vous a le plus aidé, c'est les cours, à l'oral, l'écriture ?

    Euh avec vous

    Oui, c'est vrai ça aide beaucoup le?

    Le lundi et le mardi, le mercredi, le jeudi c'est mieux

    Oui, et qu'est-ce qui est bien dans les cours, qu'est-ce que vous préférez le plus ?

    Euh j'ai préféré les mots, les lectures oui les dictées

    [...] et est-ce que à part cette association, vous allez dans d'autres associations aussi ?

    Non juste cette association [...]

    5/ Quelles sont les situations en France ou vous éprouvez/avez éprouvé le plus de difficultés pour vous faire comprendre ? Savez-vous pourquoi ?

    Non moi j'ai compris euh pour parler non c'est dur

    Ah c'est dur

    C'est dur, je comprends mais pour dire c'est dur

    Qu'est-ce qui est dur en fait ?

    Cour les phrases

    Faire des phrases ?

    Oui des phrases, des phrases c'est difficile

    Et aujourd'hui encore c'est difficile ?

    Aujourd'hui ça va, pour l'ordinateur et écrire les dictées

    165

    Et quand vous allez par exemple à la banque, dans des administrations comme pôle

    emploi, est-ce que vous arrivez à comprendre ce qu'on vous demande?

    Oui oui je comprends

    Et vous arrivez à répondre donc aussi ?

    Un peu

    Oui y'a des fois où c'est pas facile ?

    Oui c'est pas facile

    Et comment vous vous sentez quand ça arrive ? C'est-à-dire quand quelqu'un ne vous

    comprend pas et que vous n'arrivez pas à parler, comment vous vous sentez ?

    Euh c'est difficile, j'ai pas content pour, je veux parler beaucoup français [...]

    6/ Qu'en est-il d'aujourd'hui : est-ce qu'il est plus facile de vous faire comprendre ? Qu'est-ce qui vous a permis d'avancer ou qu'est-ce qu'il vous manque pour le faire ? Quels seraient d'après vous les moyens pour améliorer son français ? Le faites-vous ?

    Qu'est-ce qui vous a aidé à avancer [...] depuis que vous êtes en France ?

    A l'école ici

    Mais avant l'école y'a des choses peut être?

    Non non y'a rien

    Et qu'est-ce qu'il vous manque pour avancer jusqu'au bout, est-ce qu'il y a des choses

    que vous aimeriez bien avoir pour avancer ?

    Euh les mots et les phrases

    Oui plus de mots à apprendre ?

    Oui pour les phrases

    Oui pour faire des phrases

    Maintenant, lire y'a pas de problème pour lire mais la dictée un peu difficile

    Qu'est-ce qui est difficile ?

    Pour le verbe être comme ça

    Ah d'accord, tout ce qui est verbe [...] est-ce que vous savez s'il y aurait des choses à

    faire pour améliorer son français ? [...]

    Moi je continue ici à apprendre le français

    Oui c'est l'association et est-ce que vous pensez qu'en dehors de l'association il y a des

    choses qui peuvent vous aider encore plus vous pensez ?

    Non

    166

    7/ Selon vous, que signifie « bien parler français » ? Pensez-vous le faire ? Pourquoi ?

    Et à votre avis, qu'est ce que ça veut dire « bien parler français » ? Pour vous, quand

    vous entendez, il faut « bien parler en français » qu'est ce que ça veut dire pour vous ?

    Merci beaucoup pour vous

    Ah oui et vous n'avez jamais entendu par exemple à la télévision ?[...] Et quand vous

    entendez « il faut bien parler français », qu'est-ce que ça veut dire pour vous ?

    Euh c'est dur

    C'est dur oui, pourquoi c'est dur ?

    Parce que c'est pas longtemps venu ici à l'association, 6 mois c'est tout

    D'accord, 6 mois c'est tout [...]

    8/ Selon vous, que signifie l'intégration/ être « bien intégré(e) » ?

    Et qu'est-ce que ça veut dire à votre avis « l'intégration », vous avez déjà entendu ce

    mot ?

    Non, l'intégration ?

    L'intégration

    Non jamais

    Jamais ? « Être bien intégré » vous avez déjà entendu ?

    Ah « être bien intégré »

    Oui, vous connaissez ?

    Oui

    Et vous savez ce que ça veut dire quand vous entendez ça ? par exemple quelqu'un vous

    dit « il faut que vous soyez bien intégré », pour vous qu'est-ce que ça veut dire « bien

    intégré »

    Moi je continue (rires) je continue pour dire, parler et lire aussi

    9/ Avez-vous le sentiment d'être « bien intégré(e) » par les Français/la France ? Qu'est-ce qui vous permet de l'affirmer ou pas ? Qu'avez-vous fait pour y arriver OU qu'est-ce qu'il vous faudrait ?

    Et par exemple, est-ce que vous avez l'impression quand vous sortez dehors en France, que vous voyez les français qu'ils vous acceptent, vous sentez qu'ils vous acceptent

    167

    C'est quoi « accepter » ?

    C'est-à-dire qu'ils vous euh ils vous ont bien reçu en France depuis que vous êtes en

    France

    Oui, oui oui

    Oui, qu'est-ce qui vous a montré qu'ils vous ont bien reçu en France, y'a des choses ?

    Y'a beaucoup de choses oui

    Comme par exemple ?

    Pour la loi euh les gens

    Oui les gens, oui, y'a jamais eu de problème ?

    Non non jamais

    Jamais vous avez senti des choses ?

    Non non ça va

    10/ Pensez-vous qu'il est facile de s'intégrer aujourd'hui en France ? Pourquoi ? Quels conseils donneriez-vous à une personne étrangère qui souhaite s'intégrer en France ?

    Ça va ouais. Et qu'est-ce que, à votre avis, pour être bien en France, qu'est-ce qu'il faut

    faire pour euh ? Quelqu'un qui vient par exemple de l'étranger, y'a beaucoup

    d'immigrés en ce moment, alors si on vous demander « voilà je veux savoir qu'est-ce

    qu'il faut faire en France pour être bien intégré, pour que les gens ils m'acceptent »

    qu'est-ce que vous lui diriez vous ? Qu'est-ce qu'il faut faire à votre avis

    Moi je veux apprendre le français, après je veux faire beaucoup de choses pour travail,

    formation, pour examens

    Ça tout ça c'est pour être bien en France, il faut faire tout ça ?

    Oui

    D'accord. Et ça fait combien de temps que vous êtes en France ?

    8 ans

    8 ans, et vous vous sentez plus marocaine, plus française ou les deux ?

    Les deux

    Oui, y'a pas un côté plus ?

    Non les deux [...]

    Si vous aviez un conseil à donner à quelqu'un pour améliorer le français, qu'est-ce que

    vous lui donneriez comme conseil ? [...]

    Allez, va chez la maison des associations (rires) pour marquer le nom et le prénom après ils

    t'appellent pour le cours de français, c'est mieux parce qu'à la maison tu fais rien

    168

    Et pourquoi vous avez eu envie d'apprendre le français vous parce qu'avant, il y avait la maison des associations et vous n'êtes jamais allée ?

    Oui parce que mes enfants ils étaient petits [...] maintenant mon fils il rentre en maternelle moi j'ai marqué ici

    D'accord donc vous venez que quand les enfants sont à l'école. Et pourquoi vous avez envie d'apprendre le français vous ?

    Parce que j'aime apprendre le français pour le bureau, pour mes enfants, le docteur, y'a beaucoup de choses [...]

    169

    ENTRETIEN R46 - 23.47 min

    1/ Expliquez-moi ce que vous faisiez avant d'arriver en France (études, travail, etc.) et ce que vous faites maintenant.

    [...] ça fait combien de temps déjà que vous êtes en France ?

    En France, le mois de 6 ici, depuis juin 2016

    Et qu'est-ce que vous faisiez avant de venir en France ?

    J'étais au Maroc [...] et mon mari il travaille ici 6 ans ou 8 ans maintenant et j'ai marié avec

    mon mari depuis 2010 et je reste 6 ans au Maroc après [...] mes papiers à l'Espagne parce que

    j'ai la carte de séjour de l'Espagne [...]

    Donc vous avez fait Maroc-Espagne, Espagne-France ?

    Oui France, je reste à l'Espagne seulement 1 an, quand les feuilles prêt après j'ai venu ici,

    parce que mon mari il vit ici, il travaille ici avec un contrat et je vis ici avec lui

    Et vous vous faites quoi en France, depuis que vous êtes en France, vous travaillez non ?

    Non non parce que j'ai pas le droit parce que j'ai les papiers de l'Espagne j'ai pas les papiers de la France [...]

    2/ Quelles langues parlez-vous ? Quelle(s) langue(s) parlez-vous avec votre famille, vos amis ? Dans quelles occasions? Avez-vous des préférences, lesquelles ET pourquoi ?

    Français, arabe

    Oui quel arabe ? arabe marocain ?

    Marocain oui

    Et quelle(s) langue(s) vous parlez avec votre famille ?

    Arabe

    Et avec les amis ?

    Ici on parle en français un petit peu en arabe un petit peu[...]

    3/ Où avez-vous appris le français ? Pendant combien de temps ? Avec qui et quand le parlez-vous? Avez-vous des amis français ?

    Le français, dans l'école Dans l'école au Maroc ?

    170

    Oui j'ai niveau 4ème année scolaire, brevet

    A quel âge vous avez commencé à apprendre le français ?

    12 ans ou bien 13, non non, 10 ans [...] CM2 jusqu'à 4ème année [...] j'arrête en 1986 après j'ai travaillé dans des sociétés dans la couture et ça y'est je n'apprends pas depuis quand j'ai rentré dans la société, ni de lecture ni de lire ça y'est, jusqu'à quand je viens à la France je dis il faut que je lis pour apprendre la langue française bien pour parler avec les gens pour faire les courses toute seule parce que j'aime la langue française moi

    Est-ce que vous avez des amis français ici ?

    Ici français non

    4/ Comment avez-vous connu l'association et depuis combien de temps la fréquentez-vous ? Que vous apporte-t-elle ? Fréquentez-vous d'autres lieux que cette association où vous pouvez pratiquer le français ?

    J'ai une amie, il habite ici à la France, il a né ici à la France mais elle est musulmane, il est né

    ici et elle, elle m'a dit pourquoi tu ne pars pas chez la maison des associations pour l'école,

    pour apprendre la langue française et elle, elle m'a accompagné chez la maison des

    associations

    Ça fait combien de temps que vous êtes à l'association ?

    Ça fait 4 mois

    4 mois d'accord et vous prenez des cours de français, combien d'heures à peu près ?

    Oui, euh [...] 4 heures par semaine

    Et qu'est-ce qu'elle vous apporte cette association, depuis que vous êtes dans cette

    association, qu'est-ce qu'elle vous a apporté cette association ?

    Euh j'ai appris beaucoup de choses que je n'ai pas, que j'étais des difficultés

    [...] Est-ce que vous allez dans d'autres endroits que cette association ?

    Non

    5/ Quelles sont les situations en France ou vous éprouvez/avez éprouvé le plus de difficultés pour vous faire comprendre ? Savez-vous pourquoi?

    Oui y'a beaucoup

    Oui, comme par exemple ?

    171

    Quand je pars chez un docteur, je parle français mais lui il ne comprend pas ce que je dis, je lui explique mais il ne comprend pas

    Vous savez pourquoi ?

    Euh [...] moi quand j'ai pensé à ma tête toute seule, je dis « je vais aller chez le docteur, je lui dis ça et ça et ça » mais quand je rentre chez le docteur j'oublie

    Vous savez pourquoi ?

    Quand je sors je me dis « et pourquoi je vais lui dire ça et ça et pourquoi je ne lui dis rien », ça bloque

    6/ Qu'en est-il d'aujourd'hui : est-ce qu'il est plus facile de vous faire comprendre ? Qu'est-ce qui vous a permis d'avancer ou qu'est-ce qu'il vous manque pour le faire ? Quels seraient d'après vous les moyens pour améliorer son français ? Le faites-vous ?

    Maintenant un peu, maintenant que je rentre à la maison des associations et que j'apprends la langue française, un petit peu je (inaudible)

    Mais qu'est-ce qu'il vous manque pour faire avancer plus ?

    Il faut lire, il faut lire lire lire encore l'oral, regarder la télé, les émissions, les films mais moi j'ai un petit peu ma tête elle a bloqué je veux regarder la télé et un petit peu « non ça y'est je ne veux pas, je veux dormir je veux » [...] je suis un peu en colère

    Et d'après vous ce serait quoi les moyens pour améliorer le français, qu'est-ce qu'il faut faire, les moyens pour avancer plus ?

    Je pense que je vais faire plus que 4 heures des leçons, il faut plus d'heures

    7/ Selon vous, que signifie « bien parler français » ? Pensez-vous le faire ? Pourquoi ?

    Bien parler français

    Pour vous, y'a pas de bonne ou mauvaise réponse, si vous entendez quelqu'un qui vous

    dit il faut « bien parler en français » qu'est-ce que vous comprenez ?

    Je comprends que je ne sais pas parler en français

    Et qu'est-ce qu'il faudrait pour bien parler en français ?

    Je pense que je vais apprendre la langue française par lire, lire les journaux, lire les, il faut

    faire des efforts pour bien parler en français, il faut faire des efforts

    Est-ce que vous pensez que vous parlez bien le français ?

    Non c'est pas que je

    172

    Pourquoi ?

    Parce que quand j'apprends la langue française je dis « oh oui » [...] « comment je vais faire sortir les mots »

    Donc pour vous, vous pensez que vous ne parlez pas bien français parce que les mots ils ne sortent pas ?

    Ils ne sortent pas oui mais je comprends je lis, je sais les mots avec la langue française, je lis mais de temps en temps je ne comprends pas qu'est-ce que c'est ça ou qu'est-ce que c'est ça, cette phrase ou bien

    8/ Selon vous, que signifie l'intégration/ être« bien intégré(e) » ?

    Etre bien intégré, c'est pas, je sais pas

    Jamais entendu ? Vous n'avez pas d'idée ?

    Non

    Etre bien intégré en France, c'est-à-dire quand les étrangers ils viennent en France, on

    leur demande de bien s'intégrer

    De bien s'installer non ?

    De bien s'installer oui et de de, de faire en sorte que ça se passe bien en France pour eux

    donc on valeur demander de rentrer, s'intégrer c'est rentrer en France et rester avec les

    français mais y'a plusieurs façons de s'intégrer donc euh

    (R46 parle en arabe avec son amie pour comprendre le mot intégration)

    Est-ce que vous pouvez expliquer en français ce que ça veut dire ?

    (R46 parle en arabe) avant j'habite au Maroc mais quand je rentre en France, il faut que je

    parle avec les françaises, assise avec les françaises, parler avec eux, sortir avec eux, ça c'est

    intégration ?

    Pour vous c'est ça ?

    Oui

    9/ Avez-vous le sentiment d'être « bien intégré(e) » par les Français/la France ? Qu'est-ce qui vous permet de l'affirmer ou pas ? Qu'avez - vous fait pour y arriver ou qu'est-ce qu'il vous faudrait ?

    Oui, oui

    Oui pourquoi ?

    173

    parce que j'aime la France, j'aime la langue française (inaudible) parce qu'ici quand je sors dans la rue [...] les femmes elles me disent « bonjour madame, bonsoir madame, ça va madame, salut madame » mais à l'Espagne non, elles ne dit pas salut, elle ne dit pas bonjour, elle ne dit pas bonsoir, quand ils regardent une femme avec le foulard, il fait comme ça (baisse les yeux) et quand je lui dis, je veux parler avec une femme je lui dis « hola » elle ne répond pas, ici en France, je ne connais pas les gens et ils me parlent dans la rue [...]

    D'accord vous vous sentez bien intégrée ?

    Oui je sens bien ici

    Qu'est-ce que vous avez fait pour arriver à être bien intégrée en France ?[...]

    Parce que mon mari il est parti à Carpentras et moi je reste toute seule et c'est pour cela que je ne veux pas rester toute seule, je veux partir à l'association parce que c'est pour connaitre les gens et parler avec les gens pour ne pas rester toute seule et pour la langue française et quand je pars à l'école je me sens très bien et quand je sors de ma maison à la rue je suis très bien, je ne veux pas rester toute seule à la maison

    10/ Pensez-vous qu'il est facile de s'intégrer aujourd'hui en France ? Pourquoi ? Quels conseils donneriez-vous à une personne étrangère qui souhaite s'intégrer en France ?

    Ici, oui c'est facile pour eux, à mon avis c'est facile parce que les gens ici ne sont pas méchants, il est très gentil, il est très, ça y'est je

    Oui, et si jamais y'a quelqu'un qui vous demande un conseil ou des conseils pour bien s'intégrer en France, elle vient vous voir et vous dit « je veux bien m'intégrer en France, qu'est-ce qu'il faut faire ? » qu'est-ce que vous lui dites ?

    Merci bien vous êtes gentil, je me sens bien dans mon coeur

    Oui, et pour l'aider lui pour qu'il reste en France et qu'il s'intègre, comme vous ça fait déjà quelques mois que vous êtes là, vous lui donneriez quel(s) conseil(s) ? un conseil, vous savez ce que c'est ?

    Conseil oui à qui je vais le conseiller

    Qu'est-ce que vous allez lui donner comme conseil c'est-à-dire qu'est-ce qu'il faut qu'il fasse, qu'est-ce qu'il faut faire pour bien s'intégrer ? [...]

    Je sais pas, ici y'a beaucoup de choses qui sont bien, la santé, tout tout, ici tout il est bien, euh comment dirais-je, il y a la loi ici, il y a la santé, dans l'hôpital [...] il y a beaucoup de choses bien c'est pas comme l'Espagne ou le Maroc [...]

    Et est-ce que vous pensez que la langue, parler français ça aide pour s'intégrer ?

    174

    Oui, oui c'est important mais quand je parle avec quelqu'un dans la maison des associations ou dans l'école, moi je dis un mot, dans mon esprit je dis « je ne sais pas parler en français » mais les français ici ils me disent non tu parles bien, quand je suis partie au planning familial pour voir un gynécologue, je vais faire une consultation là-bas et j'ai parlé avec la dame et je lui ais dit « excusez-moi je ne sais pas bien parler le français », elle m'a dit « non tu sais bien, tu sais parler » et je me suis dit à ma tête « pourquoi elle m'a dit tu sais bien parler le français et moi je sais pas parler beaucoup »

    Pourquoi vous pensez ça vous ?

    Parce que maintenant tu es en train de me questionner et moi je ne réponds pas directement, je vais réfléchir

    C'est parce que vous réfléchissez que vous pensez que vous ne parlez pas bien le français, ça prend du temps, c'est ça ?

    Oui ça prend du temps

    D'accord et la langue pour vous ça aide pour s'intégrer en France ?

    Oui ça aide pour s'intégrer à la France

    Donc vous pensez que c'est la priorité pour quelqu'un qui arrive en France de parler en français ?

    En français, vous êtes française et tu pars en Espagne et tu ne parles pas la langue qu'est-ce que tu vas faire dans un pays et que tu ne sais pas parler avec la langue de, qu'est-ce que tu vas faire quand tu rentres dans une société ou bien dans une banque ou bien dans un supermarché [...] tu vas parler avec la dame en français et elle ne sait pas la langue française Et est-ce qu'il y a autre chose que la langue qui permet de bien s'intégrer ?

    Je pense que la langue, à mon avis que la langue

    175

    ENTRETIEN R47 - 19.37 min

    1/ Expliquez-moi ce que vous faisiez avant d'arriver en France (études, travail, etc.) et ce que vous faites maintenant.

    [...] ça fait combien de temps que vous êtes en France ?

    En France là, je suis rentrée en 1991

    Et qu'est-ce que vous faisiez avant quand vous étiez au Maroc [...] ?

    Je rentrais quand j'étais là-bas au Maroc beh j'ai fini mes études et j'ai fait un métier de la

    couture après je rentrais à l'âge de 17 ans, 18 ans comme ça

    Et en France, vous faites quoi maintenant ?

    Maintenant je suis en maladie

    D'accord, vous travailliez avant ?

    Oui

    Vous travailliez dans quoi ?

    Dans les écoles, maternelle, je fais propreté des ménages

    2/ Quelles langues parlez-vous ? Quelle(s) langue(s) parlez-vous avec votre famille, vos amis ? Dans quelles occasions? Avez-vous des préférences, lesquelles et pourquoi ?

    Beaucoup (rires)

    Dites-moi

    Je parle l'arabe ça parce que je né au Maroc dans une petite ville qui s'appelle (inaudible) et

    je suis d'origine berbère, je parle le berbère

    Le berbère, l'arabe

    Voilà et le français avec mes enfants[...]

    Et quelle langue vous parlez avec votre famille ?

    L'arabe

    Et avec les amis ?

    Y'en a ça dépend, ceux qui sont arabes qui parlent l'arabe je parle l'arabe, ceux qui sont

    berbères je parle le berbère, ceux qui savent pas je parle le français [...]

    Est-ce que vous avez des préférences pour une langue ? de toutes les langues que vous

    parlez, est-ce qu'il y a une préférence entre l'arabe, le français, le berbère ?

    176

    J'aimerais bien parler le français parce que j'aimerais bien pour moi parce que regarde ça fait longtemps que je rentrais là et comme je parle beaucoup berbère avec ma famille [...] et je parle l'arabe beaucoup mais pas beaucoup le français, avec mes enfants et c'est tout mais des fois je parle avec mes enfants l'arabe comme ça j'ai dit il va comprendre un peu hein voilà c'est tout mais avec ma mère je parle beaucoup le berbère

    Et la langue que vous aimez parler le plus, c'est laquelle ?

    Le plus, le français

    3/ Où avez-vous appris le français ? Pendant combien de temps ? Avec qui et quand le parlez-vous? Avez-vous des amis français ?

    En France, j'ai fait les études au Maroc, jusqu'à 6ème marocaine mais écrire un petit peu hein pas parler (rires)

    Donc en France depuis que vous êtes arrivée, en 1991 c'est ça, vous avez appris à parler, comment ?

    Oui, j'ai fait des stages, avec les amis de ma famille et beaucoup beaucoup avec les enfants D'accord, et avec qui vous parlez maintenant en français

    Avec mes enfants

    Oui avec vos enfants surtout, et avec d'autres personnes peut être ?

    Si si je parle avec des gens qui parlent pas, je suis obligée même j'ai des fautes beh (rires) soit quelqu'un qui sait bien bien parler, il me corrige soit quelqu'un qui connait pas il regarde c'est tout, des fois on se comprend des fois

    Est-ce que vous avez des amis français ?

    En France, là sur Avignon je connais 2 ou 3, quand j'étais à Paris oui je connais beaucoup de français

    4/ Comment avez-vous connu l'association et depuis combien de temps la fréquentez-vous ? Que vous apporte-t-elle ? Fréquentez-vous d'autres lieux que cette association où vous pouvez pratiquer le français ?

    Quand j'ai déménagé, ça fait 9 ans

    Ça fait 9 ans que vous connaissez l'association ?

    Oui j'habite en face moi [...]

    Et ça fait combien de temps que vous prenez des cours de français à l'association ?

    Ça fait pas longtemps, 2 ans

    Et qu'est-ce qu'elle vous apporte l'association ?

    Ça va mais pour moi déjà avant je m'ennuie et tout pour connaitre (inaudible) pour l'écriture, pour la dictée, pour parler c'est eux (inaudible) c'est pour ça j'ai dit je vais rester un peu, les études comme ça de français ça va mieux, au moins ma fille je peux faire les devoirs avec elle ça va hein

    Est-ce que vous allez dans d'autres endroits que l'association pour apprendre le français ?

    Non juste cette association

    5/ Quelles sont les situations en France ou vous éprouvez/avez éprouvé le plus de difficultés pour vous faire comprendre ? Savez-vous pourquoi ?

    Parler ?

    Parler ou autre chose quand vous êtes allée par exemple dans une banque ou n'importe quel endroit, est-ce qu'il y a eu des moments ou pour vous y'a eu des difficultés pour vous faire comprendre ?

    Des fois

    Oui lesquelles de situations par exemple ?

    Des fois je dis voilà pour les banques, il faut bien bien qu'ils m'expliquent je veux pas tomber dans quelque(s) piège(s) (rires) et des fois pour faire mes papiers c'est vrai je suis dure pour expliquer qu'est-ce que je veux et pour le comprendre il faut tout doucement avec moi vous voyez je comprends pas vite voilà ça y est [...] moi c'est vrai pour t'expliquer, c'est vrai je peux pas t'expliquer vite vite je te dis voilà il me faut le temps vous voyez , je suis pas moi d'origine française je suis étranger quand même comme beaucoup de gens mais mais ça va mieux on peut dire ça

    6/ Qu'en est-il d'aujourd'hui : est-ce qu'il est plus facile de vous faire comprendre ? Qu'est-ce qui vous a permis d'avancer ou qu'est-ce qu'il vous manque pour le faire ? Quels seraient d'après vous les moyens pour améliorer son français ? Le faites-vous ?

    177

    Et pourquoi vous pouvez dire aujourd'hui ça va mieux, qu'est-ce que vous avez fait ?

    178

    Beh ça va mieux parce que là, je peux lire une lettre, je le lis je le lis jusqu'à que je comprends qu'est-ce qu'il y a ou si je suis en difficulté je viens chez Maria (assistante sociale) pour m'expliquer comme quoi voilà ça va

    Et qu'est-ce que vous avez fait pour arriver à ce résultat ?

    Beh j'arrête pas maintenant il faut que je (inaudible) tout, j'ai dit à ma fille, j'ai mes enfants qui sont grands et j'ai mon mari qui parle bien bien le français parce que lui est rentré à l'âge de 6 ans beh je lui ai dit faut pas que je parle que l'arabe et le berbère, il faut que je rentre un petit peu dans ça c'est pour ça j'ai dit il faut que je parle un petit peu le français, il faut que j'arrête de parler trop l'arabe, c'est vrai ça m'intéresse au Maroc mais je vis en France

    Et pourquoi vous en avez besoin ?

    C'est pour tout, mes papiers, parce que là on fréquente beaucoup de choses, je peux pas aller chez quelqu'un je parle avec lui l'arabe, il faut que je progresse pour parler bien bien le contexte

    Et qu'est-ce qui vous manque pour parler ?

    J'ai des fautes

    Des fautes ?

    Oui je sais que je fais des fautes des fois quand je parle avec quelqu'un, là ça va je dis « toi » parce que je sais qu'il est petit, jeune mais moi je crois que je suis plus grande que toi (rires) mais avant non quelqu'un plus grand je dis « tu » y'en a quelqu'un qui me dit faut pas tutoyer y'en a qui me laisse mais moi j'aimerais bien quelqu'un qui me dit voilà « vous » c'est quelqu'un qui est plus grand, c'est pour ça que je suis en train de faire les études en français pour euh avec France (formatrice) elle dit ça non ça non, on fait rentrer des choses au moins, c'est intéressant [...]

    Pour améliorer le français, comment il faudrait faire ?

    Beh il faut qu'on rate pas les cours déjà pas les absences (rires)

    Oui autre chose peut être ?

    Il faut qu'on concentre, il faut qu'on suive et il faut qu'on demande quelque chose quand on comprend pas parce que moi j'étais chez le centre d'OREL (centre social) [...]

    7/Selon vous, que signifie « bien parler français » ? Pensez-vous le faire ? Pourquoi ?

    Et pour vous qu'est-ce que ça veut dire « bien parler français » ? si je vous dis « il faut bien parler français »

    Comment ?

    Bien parler le français, c'est quoi pour vous ?

    Bien parler le français pour moi, il faut bien parler le français ça veut dire sans fautes, c'est bon c'est intéressant de bien parler le français

    Est-ce que vous pensez que vous parlez bien le français ?

    Non, je suis pas top, j'ai des fautes parce que je dis j'ai des fautes, je peux expliquer, je comprends des choses mais des fois je sais pas

    8/ Selon vous, que signifie l'intégration/ être« bien intégré(e) » ?

    D'accord et qu'est-ce que ça veut dire pour vous « l'intégration » ?

    L'intégration pour moi [...] l'intégration ça veut dire progresser de quelque chose ?

    Euh être bien intégré

    Progresser ça veut dire être bien intégré ?

    Qu'est-ce que ça veut dire pour vous « être bien intégré » ? Vous avez déjà entendu ?

    J'ai entendu progresser, est-ce que « intégrer » c'est pas pareil comme « progresse »r non ?

    Non c'est pas la même chose, à la télé peut-être que vous avez déjà

    entendu « l'intégration en France », « il faut que les étrangers soient bien intégrés » ?

    [...]

    Ça veut dire bien euh je sais pas

    Non vous ne connaissez pas ?

    Ça me dit quelque chose

    Non mais ce n'est pas grave [...]

    Intégration c'est je crois il faut bien comprendre ce qu'il faut, euh connaitre toutes les choses,

    Euh pour vous c'est ça ?

    Pour moi oui

    Quoi d'autre peut-être?

    Euh il va adopter/adapter beaucoup de gens, connaitre comment on dit, euh le logement

    français ça et tout

    9/ Avez-vous le sentiment d'être « bien intégré(e) » par les Français/la France ? Qu'est-ce qui vous permet de l'affirmer ou pas ?Qu'avez - vous fait pour y arriver ou qu'est-ce qu'il vous faudrait ?

    179

    D'accord, est-ce que vous pensez, vous vous sentez bien intégrée en France ?

    180

    En France, oui moi je peux pas si on me dit « vas-y au Maroc » moi je peux pas (rires) ça y'est j'ai pris l'habitude là non je suis bien j'ai pas de difficultés en France

    Oui, les français, vous pensez qu'ils vous ont bien intégrée ?

    Oui moi j'ai pas de problèmes jamais et si j'ai quelque chose je le dis, je dis « pourquoi » Oui, vous avez déjà eu des problèmes ?

    Moi comme j'habite là c'est vrai, y'a que moi que je suis là et les autres ils sont tous français, ça m'est arrivé mais après j'ai dit voilà je suis pas, ça fait longtemps que je vis là moi je suis français, j'ai la carte d'identité français et après ça va mieux maintenant on se comme on dit, avant on était pas d'accord de beaucoup de choses parce que moi j'ai les enfants voilà ils entrent, ils sortent ça fait un peu de bruit et tout, pour eux c'était comme on dit, ils ont pas supporté, ils ont dit peut-être euh je sais pas mais j'ai parlé avec mes voisins [...]

    Et qu'est-ce que vous avez fait pour bien vous intégrer en France ?

    Je fais très très attention déjà, euh je suis pas, je parle avec eux gentiment, s'ils me parlent gentiment mais y'en a qui parlent pas quelque chose avec moi je leur explique je dis voilà, je suis là c'est vrai je suis étranger mais je veux vivre là et j'ai le droit de vivre là parce que je suis euh je suis comme on dit avec mes papiers et tout françaises ça y'est (rires)

    Vous vous sentez française ?

    Là maintenant oui, avant que j'avais pas de papier d'accord [...] mais maintenant je suis française ça fait plus de 19 ans ça va maintenant je suis pas, avant c'est vrai c'était, j'étais pas bien moralement et je peux pas aller ni le bureau parce que j'ai pas le droit, j'étais comme on dit un intru, je peux pas parler pour mes droits mais maintenant non je peux parler de mes droits et tout, je peux parler je suis comme une française en France, ça va maintenant

    10/ Pensez-vous qu'il est facile de s'intégrer aujourd'hui en France ? Pourquoi ? Quels conseils donneriez-vous à une personne étrangère qui souhaite s'intégrer en France ?

    Aujourd'hui non c'est très dur, je trouve, je connais des gens qui sont venus en France pour vivre et je crois c'est dur pour eux

    Oui, pourquoi ?

    Beh déjà pour les droits, si t'a pas les papiers c'est très dur, quand j'ai passé mon et mon frère c'était ça va mais maintenant, c'est un peu dur

    Et si y'avait une personne étrangère qui vous demandait des conseils pour bien s'intégrer en France, qu'est-ce que vous donneriez comme conseil(s) ?

    181

    Du courage et il dit pas comment on dit, il prend comment on dit [...] la patience pour progresser en français pour que tu supportes les gens français parce que c'est dur les français pour supporter les étrangers

    Ah oui, pourquoi à votre avis vous pensez que c'est dur ?

    Beh déjà quelqu'un qui sait pas parler en français pour quelqu'un qui vient de l'étranger il sait rien du tout en français, c'est dur pour lui parler, pour lui expliquer euh par exemple il a beaucoup de choses à dire mais il arrive pas, il est dans son [...] dans sa tête eh beh il est pas bien, je sais qu'il est pas bien parce que je connais beaucoup des femmes, surtout parce que je suis à l'école, y'a des mamans, y'a des gens qui viennent, des italiennes, de l'Espagne qui sait pas, ils ont beaucoup de difficultés à l'école pour expliquer le maître comment il va faire pour sa fille pour ça c'est, moi je trouve c'est très dur pour eux même je connais une femme elle a pleuré, elle a pleuré elle peut pas parler et pour expliquer qu'est-ce qu'ils ont besoin ses enfants et son mari il a pas trouvé le travail et ils n'ont pas le droit pour le loyer, pour la CAF beaucoup de choses, il faut le courage

    Et la langue vous pensez que c'est important ?

    Oh oui c'est important, y'a que ça en France, la langue, il faut s'améliorer, le courage pour parler, il faut faire, c'est pas grave moi je dis le travail et ça mais pour parler il faut qu'on parle français

    Oui, c'est important ?

    Ah oui c'est important

    Pourquoi à votre avis ?

    Moi à mon avis comme ça on peut expliquer ce qu'on veut déjà si par exemple je veux aller à la CAF ou quelque part comment je vais l'expliquer, tous les jours il faut attendre quelqu'un qui va avec toi ? Parce que moi avant quand j'étais à (inaudible) tous les jours ma belle-soeur elle vient avec moi mais des fois ma belle-soeur elle est pas disponible toujours avec moi c'est pour ça j'ai dit il faut que je parle français même y'a des fautes il faut, pour les autres je sais pas






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"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault