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Mémoire de Master :
Didactique du FLE/FLS et
éducation interculturelle
2016-2017
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LE ROLE QUE JOUE L'APPRENTISSAGE DU
FRANÇAIS
DANS LE PROCESSUS D'INTEGRATION
DES MIGRANTS EN ASSOCIATION
Présenté par Shazia NAZIR
et
dirigé par M. Luc BIICHLE, Maître de
conférences à
l'université d'Avignon, Laboratoire
ICTT
2
REMERCIEMENTS
Je tiens à remercier en premier lieu M. Luc
Biichlé de m'avoir accompagné dans ce long périple que
représente le mémoire. Je le remercie particulièrement
pour sa disponibilité, ses encouragements et la pertinence de ses
recherches qui m'ont beaucoup inspiré. Je tiens aussi à saluer
son investissement parfois aux dépens de sa vie personnelle.
Je voudrais aussi exprimer ma gratitude à l'association
OGA et particulièrement à Mme France DETHAN, coordinatrice et
formatrice du pôle linguistique, de m'avoir ouvert ses portes pour que je
puisse effectuer mon recueil de données auprès des apprenants de
l'association. J'adresse un grand merci aux apprenants de l'association qui
m'ont fait confiance et ont bien voulu m'accorder de leur temps.
J'adresse également mes remerciements à toute
l'équipe enseignante du Master didactique du FLE/FLS et éducation
interculturelle de l'université d'Avignon pour leur travail sur ces deux
années.
Enfin, je souhaite remercier ma famille et ma belle
mère pour leur soutien et le confort qu'ils m'ont offert pendant cette
période intensive de travail. J'envoie pour finir un grand merci
à mon mari Samir en Chine pour ses conseils judicieux, son soutien et sa
patience à toute épreuve !
3
SOMMAIRE
INTRODUCTION 1
I- Partie théorique ...4
CHAPITRE I : LANGUE(S) ET DIDACTIQUE .4
I-1 Enseigner le français : une nécessaire
adaptation 4
1.1 Catégoriser le français pour mieux cerner
son public 4
1.2 FLM/FLE/FLS 5
1.3 Illettrisme et alphabétisation 6
1.4 Des catégories à relativiser : une question
de norme(s) 7
I-2 Qu'est-ce qu'une langue/des langues ? .10
1.1 Distinguer langue et
parole.................................................................................10
1.2 Une divergence sur la conception de la
langue................................................... 11
CHAPITRE II : LANGUE(S) ET POUVOIR 14
II-1 Enjeux liés à la connaissance du
français 15
1.1 Parler c'est agir 15
1.2 Ecarter pour mieux régner : langue vs langues
17
1.3 Parler français : un facteur d'inclusion et
d'exclusion 18
1.4 Hiérarchiser les langues et leurs usages
19
II-2 Enjeux liés à l'identité
21
1.1 Interagir : un moyen de définir à la fois
notre identité et notre altérité 21
1.2 « Vrai français » vs « mauvais
français » : une histoire de représentations.........
23
4
CHAPITRE III : LANGUE(S) ET INTEGRATION .27
III-1 L'immigration : de la représentation
à la réalité 27
1.2 Le « problème » de
l'immigration.........................................................................27
1.2 Origines et conséquences des représentations sur
l'immigration................................29 1.3 Motifs de
migration : entre volonté et
obligation.....................................................32
III-2 L'intégration .35
1.1 Un processus continu et dynamique 35
1.2 Intégration vs sentiment
d'intégration...................................................................37
1.3 La maîtrise de la langue comme facteur d'intégration :
conséquences d'une
représentation
prégnante....................................................................................
38
II- Méthodologie
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42
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1- Élaboration du projet de mémoire
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42
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2-Présentation du terrain : l'association OGA
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.43
|
3-Présentation du corpus : les profils
sociolinguistiques
|
.44
|
4-Les entretiens : l'élaboration du guide d'entretien et
le choix de la méthodologie
d'enquête 46
5-Recueil des données : avant, pendant et après
l'entretien .47
III- Analyse
|
..52
|
CHAPITRE I : LES PARCOURS SOCIOLINGUISTIQUES DE
MIGRATION
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.52
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I-1 Les motifs de migration
|
52
|
1.1 La difficulté de catégoriser les
départs de mes enquêtés
|
53
|
1.2 Les parcours de migration en détail et l'exemple
du cas A34 : une migration économique
et sociale volontaire ? 56
I-2 Les langues en usage et leurs contextes d'utilisation
56
1.1 Une démarche préconisée par le CECRL
56.
1.2 L'arabe marocain et l'arabe classique/fusha 58
1.3 Le français : une langue d'usage inconsciente
59
5
CHAPITRE II : LES EFFETS DE L'IDEALISATION DE LA
NORME
LINGUISTIQUE 60
II-1 Le pouvoir de la norme ..62
1.1 Des relations diglossiques entre les langues : le cas de
l'arabe et du français...............62 1.2 Des relations
hiérarchiques entre les identités : la norme comme indicateur de
positionnement
identitaire........................................................................................65
1.3 De l'insécurité linguistique comme répercussion :
causes, symptômes et conséquence...69
.........................................................................................................69
II-2 Parler français : entre contournement et
affrontement de la norme 74
1.1 Des représentations erronées des pratiques
langagières des apprenants 74
1.2 Des stratégies de contournement de la norme
linguistique 78
CHAPITRE III : L'APPRENTISSAGE DU FRANÇAIS ET
L'INTÉGRATION .82
III-1 Définir l'intégration
..82
1.1 Les représentations des enquêtés :
l'intégration perçue comme une démarche sociale....82
1.2 Les difficultés de compréhension pour les
niveaux débutants : les cas de M30 et A34 88
III-2 L'association langue et intégration : une
évidence ? 90
1.1 Le sentiment d'intégration de mes
enquêtés : des déclarations mitigées et axées
sur
l'autre...................................................................................................................90
1.2 Une fois pointée du doigt, le français semble
effectivement être un facteur essentiel de leur
intégration.............................................................................................................94
CONCLUSION
|
100
|
BIBLIOGRAPHIE
|
.103
|
SITOGRAPHIE
|
..108
|
ANNEXES
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112
|
6
INTRODUCTION
Ce travail vise à prendre en compte de manière
générale, l'enseignement et l'apprentissage du FLE/FLS
auprès d'un public d'adultes migrants dans les structures sociales
françaises. C'est particulièrement envers ce public d'apprenants
que je mènerai ma réflexion pour ce mémoire parce que :
« les caractéristiques de ces adultes migrants interrogent bien
évidemment la didactique de notre discipline »
(Barthélémy et al., 2011 : 111) et qu'à la
différence des apprenants qui choisissent d'apprendre le français
à l'étranger : « pour des raisons intellectuelles,
professionnelles ou touristiques, les migrants arrivent le plus
généralement contraints ou forcés (raisons familiales,
économiques, politiques...) »(Ibid. : 112).
Il s'agit de se demander au préalable comment est
envisagé aujourd'hui la formation linguistique envers ce type de public
particulier dont les motivations et attentes diffèrent d'un public FLE
que l'on retrouve dans les écoles et centres de formations de type
Alliances Françaises, Instituts Français, etc. Il est notamment
important j'estime, d'essayer de comprendre comment en tant qu'enseignants de
FLE/FLS nous sommes censés faire face à ces besoins
d'apprentissage spécifiques. Ce terrain particulier sera l'objet de mon
étude car il m'a paru important en tant qu'enseignante de FLE
débutante de me préparer aussi à enseigner dans ce type de
contexte.
Mon travail prendra plus précisément en compte
les apprenants des cours de FLE/FLS prodigués au sein d'une association
avignonnaise nommée Office de Gestion et d'Animation (OGA). L'objectif
de ce travail est de faire ressortir les représentations des apprenants
sur l'articulation entre langue(s) et intégration. Cette relation
quasiment automatique, est bien souvent guidée par une logique
politique. Elle sera ici envisagée directement du point de vue des
personnes concernées. Mon hypothèse est que la «
maîtrise » de la langue du pays d'immigration facilite
l'intégration d'un migrant mais qu'elle ne peut reposer que sur ce seul
facteur comme on le prétend souvent en politique :
« la question de l'intégration
- notamment linguistique - des migrants
est devenue dans un très grand nombre de pays européens
un enjeu des politiques publiques - il serait plus juste de dire : un
enjeu politique tout court » (Lochak, 2013 : 3).
7
En effet, l'apprentissage de la langue du pays d'immigration
est souvent l'unique solution proposée pour l'intégration des
populations immigrées, ce qui semble par ailleurs soulever un paradoxe
entre la volonté de reconnaissance de la diversité culturelle et
le choix d'une langue commune : « le partage de la langue commune et
la reconnaissance de la diversité culturelle ont l'air de s'opposer
» (Archibald & Chiss, 2007 : 7). C'est ainsi que très
vite, nous basculons sur la question périlleuse et inévitable de
l' « identité française » et de ce qu'elle implique
pour les immigrés en termes de langue(s), de culture(s), etc. à
adopter :
« Dès lors, toutes les questions liées
à l'immigration retentissent sur la définition de l' «
identité française » en
général. En ce sens, un travail sur les dimensions
linguistiques, culturelles et éducatives de
l'intégration des immigrés [...] participe d'un
intérêt de connaissance qui importe au fonctionnement
global de la société française »
(Ibid. : 9).
Il m'a alors semblé pertinent d'envisager au sein de la
didactique du FLE/FLS, une démarche de réflexion dans ce sens. En
termes d'approche méthodologique, je pense qu'il est important de
s'interroger directement du point de vue des apprenants en situation de
migration en leur demandant ce que représente les langues qu'ils
pratiquent au quotidien pour eux ? Quelle relation entretiennent-ils avec le
français ?, s'agit-il de la seule clé d'intégration pour
eux ou existe-t-il d'autres moyens ? Si les réponses obtenues convergent
dans ce sens, alors qu'en est-il des apprenants migrants ayant un niveau de
maîtrise conséquent du français mais qui ne se sentent pas
intégrés ? Pourquoi ne se sentent-ils pas intégrés
malgré un niveau de français parfois équivalent à
celui d'un natif ? Que leur manque-t-il pour y arriver ? Si la question de
l'intégration est si présente dans ce mémoire, c'est tout
simplement que j'y ai été confrontée dès mon
arrivée sur le terrain. Ma problématique a été
guidée par le thème de l'intégration car il m'a
semblé être une préoccupation auprès des
associations offrant des cours de français.
J'ai constaté que l'objectif des acteurs au sein de ces
espaces associatifs (formateurs et apprenants) vise principalement à
permettre aux apprenants une intégration sociale (parfois d'urgence pour
les demandeurs d'asile et réfugiés) à travers la langue.
C'est pourquoi il m'a paru pertinent de m'intéresser à
l'enseignement du FLE/FLS dans cette perspective intégrationnelle. Ce
sera là l'occasion d'alimenter une didactique du français
orientée vers ces structures sociales françaises.
On oublie bien souvent qu'apprendre une langue, c'est aussi
apprendre à se construire et à s'identifier dans une langue, dans
une culture autre et à y trouver des repères en se
8
questionnant sur sa propre identité, mais aussi
inévitablement sur celle de l'autre : « Quelle place
idéale, aurais-je avec cette langue autre ? On voit immédiatement
que cette question touche à l'identité mais inévitablement
à la constitution de l'altérité »
(Ibid.). Je souligne par là, tout l'intérêt
de m'intéresser à ces deux perspectives car la réussite du
processus d'intégration se fonde sur deux éléments
« deux acteurs, la société et le migrant, le
système et l'élément » (Biichlé,
2009).
Pour conclure cette introduction, justifier ma démarche
et la positionner au sein de la didactique du FLE/FLS, j'aimerais rappeler que
l'enseignement d'une langue passe inévitablement par la confrontation
avec la culture de l'autre : « car il n'est pas possible de
communiquer dans la vie quotidienne sans mettre en oeuvre la compétence
culturelle » (Kandeel, 2013 : 76), il n'est donc pas envisageable
d'évoquer la didactique d'une langue étrangère sans
aborder la didactique de sa culture (Zarate 1986). En parallèle de
l'aspect linguistique, je traiterai également de la
représentation de cette culture chez l'apprenant migrant. Cette prise en
compte de l'altérité nous amène à soulever la
démarche interculturelle préconisée par le CECR qui
précise que l'objectif essentiel de l'enseignement des langues consiste
à favoriser :
« le développement harmonieux
de la personnalité de l'apprenant et de son
identité en réponse à l'expérience
enrichissante de l'altérité en matière de
langue et de culture. Il revient aux enseignants et aux
apprenants eux-mêmes de construire une personnalité saine
et équilibrée « (Conseil de l'Europe, 2001 :
9).
L'enseignement/apprentissage du FLE/FLS parait ainsi
étroitement lié aux notions d'identité et
d`altérité d'après les recommandations du CECRL, nous
pouvons alors aisément permettre un travail d'analyse de ce rapport
à soi et à l'autre que sous-tend l'intégration, au sein de
la didactique du FLE car « dualism exists in the construction of
personal identity : the comparison of the Self to the Other, including both
friends and enemies »1 (Tap, 2001 : 2). J'envisagerai
ainsi un travail sur les représentations selon deux perspectives : le
migrant vis-à-vis de lui-même et le migrant vis-à-vis de sa
société d'accueil. Enfin, ce sont toutes ces
considérations qui m'ont amenée à m'interroger sur le
rôle que joue l'apprentissage du FLE/FLS dans le processus
d'intégration des apprenants adultes en situation de
migration.
1 Un dualisme existe dans la construction de
l'identité personnelle : la comparaison de soi à l'autre qui
inclut à la fois les amis et les ennemis (Tap, 2001 : 2)
9
I- PARTIE THÉORIQUE
CHAPITRE I : LANGUE(S) ET DIDACTIQUE
Ce chapitre a pour but d'introduire et d'éclairer mon
travail de recherche autour des notions de langue(s) et de didactique. Dans un
premier temps, je ferai un rappel des notions relatives aux publics
d'apprenants essentiellement présents au sein des structures
associatives françaises et j'évoquerai la nécessité
de s'adapter à son public tout en prenant du recul face aux
catégories que j'aborderai (I-1). Dans un second temps,
je m'attacherai à aborder la langue/les langues en tant qu'objet
d'étude afin de souligner la difficulté éprouvée en
tant qu'enseignant de langue à se situer en termes d'approche didactique
(I-2).
I-1 Enseigner le français : une nécessaire
adaptation 1.1 Catégoriser le français pour mieux cerner son
public
Je souhaite commencer tout d'abord par préciser les
sigles et catégories suivantes : FLM, FLE, FLS, Illettrisme et Alpha,
car j'estime que ces informations sont nécessaires si l'on traite de la
formation linguistique au sein des structures associatives françaises et
plus précisément de celle où j'ai effectué mon
recueil de données, car les publics présents ont des profils
hétérogènes. Souvent ces profils d'apprenants se
retrouvent au sein d'une même classe, par manque de moyens (financiers,
matériels, humains, etc.) des structures. Ce qui soulève la
difficulté, mais également la nécessité
d'identifier pour le formateur, cette diversité de profils d'apprenants
et de pouvoir les gérer simultanément, dans l'idéal.
Ces appellations établissent des parcours
d'apprentissage du français distincts les uns par rapport aux autres et
sont principalement abordées d'un point de vue méthodologique :
« c'est-à-dire au regard des contenus, des méthodes et
des fonctions d'enseignement qui les rapprochent et/ou les éloignent les
unes des autres » (Goï & Huver, 2012 : 25). Cette
démarche de catégorisation du français soulève des
besoins d'apprentissage hétérogènes que le formateur se
devrait de prendre en compte en théorie, cependant les catégories
suivantes :
« ne peuvent pas être considérées
comme des catégories exclusivement objectives
[...] mais doivent
être aussi vues comme subjectivement construites »
(Ibid. : 25).
10
En effet, il ne s'agit pas de placer les apprenants dans des
cases aux frontières établies et rigides mais plutôt de se
représenter l'apprentissage du français sous la perspective d'un
continuum en FLE/FLS/FLM (Auger, 2010 : 73) où l'apprenant serait libre
d'évoluer à son rythme.
Je précise que j'orienterai essentiellement mes
explications pour la formation linguistique d'adultes migrants car il s'agit du
public ciblé par ce mémoire. Par ailleurs, j'aimerais
préciser en amont que la particularité des apprenants de mon
étude réside dans le fait qu'ils apprennent la langue du pays
d'immigration en situation d'immersion linguistique, ainsi « ils
apprennent en milieu guidé, c'est-à-dire pendant les cours de
langue, mais également en milieu social, c'est-à-dire « sur
le tas » (Adami, 2012 : 20). Tout l'intérêt de cet
apprentissage est ainsi de faire sens sur le quotidien de l'apprenant car ce
n'est pas l'utilité de la langue qui est ici recherchée mais
plutôt l'utilité de son apprentissage qui a: « une
portée directe sur la vie quotidienne et les problèmes de
motivation » (Ibid. : 20). La pertinence du travail de
l'enseignant est ainsi immédiatement vérifiable en dehors du
cours et l'apprenant peut juger de son utilité effective et c'est ce
paramètre qui différencie ces apprenants des publics FLE
traditionnels (Ibid. : 20).
Désormais, je vais brièvement entrer dans le
détail de ces catégories en mettant en avant les profils
d'apprenants suggérés par ces dernières, le but
étant d'avoir un premier aperçu des profils
d'enquêtés constituant mon corpus.
1.2 FLM/FLE/FLS
Cette relative distinction se doit d'être
explicitée car face à la diversité des sigles existants
visant à encadrer les pratiques d'enseignement/apprentissage du
français, il nécessaire d'y voir plus clair et de cibler ceux qui
me seront utiles pour la bonne compréhension de cette étude.
Premièrement, il est important de rappeler que je ne
peux considérer que le français est la langue maternelle
(FLM) ou l'une des langue(s) primaire(s) de
socialisation2 de tous les apprenants de français et ainsi je
ne peux me permettre de l'enseigner tel quel. Une réflexion didactique
autour de l'enseignement du français a donné lieu aux
catégories ci-dessous.
2 Cette lexie a été empruntée
à Luc Biichlé dans Langues et parcours d'intégration
d'immigrés maghrébins en France, 2007 : 21, et sera
utilisé dans cette étude pour les mêmes raisons qu'il
évoque : la lexie « langue maternelle » pose problème
car elle renvoie à la langue de la mère et écarte ainsi
celle(s) du père ou d'autres proches ayant pu transmettre des langues
dans l'entourage de mes enquêtés.
11
Le FLE prend en compte
l'enseignement/apprentissage du français, en France ou à
l'étranger, à un public dont la langue primaire de socialisation
n'est pas le français. Les dispositifs de formation accueillent bien
souvent des publics mixtes : migrants, Français analphabètes ou
scolarisés, illettrés français ou francophones, primo
arrivants, immigrés installés depuis une longue date,
immigrés de seconde génération, etc. A cette
diversité des profils d'apprenants s'ajoute une diversité sur la
provenance géographique des migrants qui sont souvent de langues et de
cultures éloignées du français et du modèle
socioculturel français ce qui influence leur rapport au travail,
à l'école et au savoir (Archibald & Chiss, 2007 : 273-277).
D'autre part les niveaux de scolarisation et de qualifications sont très
différents, il y a divers profils au sein d'une même classe ce qui
rend les frontières voulues entre les groupes en formation rapidement
floues (Ibid. : 274-275).
Le FLS quant à lui a des acceptions
larges selon l'auteur qui le définit et le pays concerné car il
s'agit d'un concept lié aux notions de langue et de français et
que sur « chacune des aires où il trouve son application, c'est
une langue de nature étrangère » (Cuq, 1991 : 139). Il
concerne un domaine d'enseignement du français « inscrit dans
les pratiques depuis la fin du XIX° siècle, concernant les publics
ruraux allophones et les publics scolaires des pays colonisés, mais
dénommés comme tel depuis 1969 » (Hamez, 2014 :
1).3 Il s'agit de l'enseignement du français à des
personnes dont la langue première de socialisation n'est pas le
français mais qui vivent dans une région ou un pays francophone.
Le FLS est une « langue non maternelle qui, dans le pays
considéré, a un statut particulier » et
représente une « langue d'enseignement »
(Verdelhan-Bourgade, 2002 : 19). C'est le cas d'une grande partie du
public qui compose mon corpus provenant majoritairement du Maroc où le
français y est enseigné dans les écoles et est
considérée comme une « langue de scolarisation »
(Bigot de Préameneu, 2011 : 105). D'un point de vue didactique, le
FLS se situe « entre la didactique du français langue
étrangère (DFLE) et la didactique du français langue
maternelle (DFLM) » (Ibid. : 105).
3 Tiré sur le site du CASNAV
:
http://ww2.ac-poitiers.fr/casnav/spip.php?article350,
inspiré des travaux dirigés par Jean-Pierre Cuq dans le
Dictionnaire de didactique du français langue étrangère et
seconde (2003) et dans Le français, langue seconde : origines d'une
notion et implications didactiques (1991), consulté le 16/06/2017
12
1.3 Illettrisme et
alphabétisation
L'illettrisme concerne des personnes
scolarisées en France (ou à l'étranger mais en
français) n'ayant pas acquis une maîtrise suffisante de la
communication écrite, parfois orale et les autres savoirs et
compétences de base (Leclercq & Vicher, 2002). Ce public est
constitué bien souvent de jeunes adultes ou d'adultes ayant connu
l'échec scolaire et cumulant des difficultés diverses. Il se
différencie de l'analphabétisme car il touche une population qui
a fréquenté l'école. Les analphabètes et les
illettrés ont cependant en commun d'être gravement
gênés dans la vie quotidienne et/ou professionnelle
(Bouyssière Catusse, Roques, et alii., 2011). En ce qui
concerne le public alpha, il s'agit de personnes non ou peu
scolarisées dans leur pays d'origine ou en France. Souvent
âgé, ce public est constitué d'immigrés de la
première génération débutants en
lecture/écriture, ils sont parfois en France depuis plusieurs
années (entre 10 et 25 ans), parlent et comprennent le français
de manière approximative et proviennent majoritairement du Maghreb,
d'Afrique de l'Ouest et de Turquie (Archibald & Chiss, 2007 : 276).
Je rappelle qu'il s'agit là de différences de
concept au niveau didactique et non linguistique « Personne ne parle
le français langue seconde, pas plus d'ailleurs que le français
langue étrangère (FLE) ou le français langue maternelle
(FLM) » (Cuq, 1995 : 2). Ces concepts m'amènent aux moyens
nécessaires à mettre en oeuvre pour que des apprenants
s'approprient au mieux le français. Dans la continuité de cette
réflexion didactique autour du français, je vais maintenant
amener à relativiser ces notions en abordant la notion de norme(s).
1.4 Des catégories à relativiser : une
question de norme(s)
Aborder la question de l'enseignement du FLE/FLS auprès
des publics dans les associations en France c'est comprendre qu'il est
nécessaire en pratique, de prendre du recul face à l'ensemble de
ces catégories. L'enseignement du français est en effet à
relativiser car il n'existe pas de méthode d'enseignement idéale
tout comme il n'existe pas de langue idéale ; chaque formateur, en
fonction de sa conception de la langue aura ainsi une conception d'une norme
linguistique qui lui sera propre et qui le guidera sur le terrain. Elle prendra
bien sûr, différentes formes en fonctions des différentes
normes existantes car « la conception de la norme linguistique se
manifeste à tous les stades du système d'enseignement
français, avec des conséquences formatives diverses »
(Debono, 2011 : 89). Par ailleurs, j'observe que ces
13
catégorisations ne peuvent pas prendre en compte la
portée de l'appropriation qu'en fera le formateur et le sens qui lui
donnera en pratique. D'autres facteurs relatifs au contexte
d'enseignement/apprentissage sont bien sûr à ne pas
négliger : objectifs de la structure et des formateurs,
méthodologies mises en place, situation sociolinguistique, parcours
personnels, académiques et professionnels des acteurs, etc. (Goï
& Huver, 2012 : 26).
Les enseignants ont comme fil conducteur une même langue
(le français) sujette à différentes façons de
l'enseigner en fonction de la norme qu'ils appliquent, du standard, ou du
modèle qu'ils poursuivent :
« On parle, on apprend, on acquiert un idiome qui a
pour nom français, pluriel dans ses variations
observables, bien qu'il soit fortement unifié
par une norme écrite à tendance
centralisatrice » (Cuq, 2013 : 2).
En ce qui concerne le français et comme dans beaucoup
d'autres langues, la norme qui prédomine pour guider l'oral est bien
souvent écrite et se réfère à sa grammaire :
« Nul n'est censé ignorer la loi linguistique qui a son corps
de juristes, les grammairiens » (Bourdieu, 2001 : 71). J'ai
été confrontée au poids de cette norme dans les
énoncés de mes enquêtés qui l'ont
évoqué comme étant une barrière vis-à-vis de
leur intégration. Ces données me donneront ainsi des clés
pour mieux comprendre les représentations de mes enquêtés
quant à leur intégration en France et leur rapport à la
langue. Je remarque en outre, le fait que cette norme linguistique prescrite a
un pouvoir restrictif sur la parole, particulièrement pour les personnes
en situation de migration qui parlent parfois d'autres variétés
de français non reconnues : « un regard réflexif sur les
contenus de cette grammaire révèle son caractère
répressif à l'égard de la diversité et de
l'élasticité des usages effectifs du français en France et
hors de France » (Ibid. :71). C'est le cas de mes
enquêtés qui ont appris le français au Maroc.
J'ai pu montrer qu'il existe des sigles dont
l'intérêt de les connaître pour l'enseignant est de mieux
répondre aux besoins des apprenants par la prise en compte des
spécificités de chaque public. Cette réflexion autour de
la didactique du français me permet de mieux orienter mes pratiques sur
le terrain. Cependant, la complexité et la diversité des terrains
d'intervention ne laissent pas souvent de place à l'application de ces
directives. Il reste néanmoins utile pour mon étude d'approcher
ces notions car je serai amenée à les reprendre. Comme je l'ai
brièvement évoqué, ces catégories relèvent
de la conception d'une/des normes qu'un locuteur se fait du français et
de ce qui entoure son enseignement.
14
Je peux d'ores et déjà entrevoir l'enjeu de ma
problématique et voir le lien effectué entre l'apprentissage du
français et l'intégration. En effet, il s'agit pour ces espaces
de formation linguistique d'offrir aux apprenants une formation linguistique
rapide et fonctionnelle, faisant office de tremplin vers l'intégration
à la société, ainsi apprendre le français aurait
pour ces apprenants un double objectif : celui de l'intégration au sein
de la classe et plus largement à celle de la société
(Chnane-Davin & Cuq, 2009 : 76) :
« les aspects fonctionnels et la
nécessité d'une certaine rapidité dans la formation se
rejoignent dans la poursuite d'un objectif spécifique, celui d'une
double intégration : à un groupe
restreint (classe, groupe professionnel) et à un groupe
plus large (communauté scolaire, socialisation dans un
environnement francophone) » (Ibid. : 76)
Enfin, j'ai pu observer que des normes régissent la
façon dont on conçoit la langue mais aussi de son enseignement.
Je peux me demander en quoi ces normes relatives aux domaines de la didactique
et de la linguistique se sont retrouvées mêlées à
des considérations politiques et ont menées à
l'idée que l'intégration à une société
devait passer par la maîtrise de « la langue ».4
C'est pour cela qu'il est utile de prendre connaissance des normes
présentes à différents niveaux : que ce soit en didactique
comme je viens de le montrer, au niveau institutionnel ou au sein de la
recherche scientifique comme je le montrerai plus bas afin de mieux comprendre
les représentations de mes enquêtés sur leur rapport
à l'intégration en France.
Je vais maintenant préciser dans la partie qui suit, ce
que regroupe la notion de langue en m'appuyant sur des bases linguistiques et
sociolinguistiques, toujours dans une volonté de préciser ma
pensée pour cette étude mais aussi pour tenter de mieux
comprendre les enjeux liés à l'enseignement et l'apprentissage du
français.
4 La langue est ici évoquée au
singulier par opposition à « langues ». Distinction que je
préciserai dans la partie II/ LANGUE(S) ET POUVOIR
15
I-2 Qu'est-ce qu'une langue/des langues ? 1.1
Distinguer langue et parole
Mieux appréhender la notion de langue permet de mieux
diriger son enseignement et amène à mieux comprendre ce que l'on
attend des apprenants en classe de langue. Cette partie vise à reprendre
et à expliciter l'opposition langue/parole et à
positionner ma démarche d'analyse des discours de mes
enquêtés.
La pensée saussurienne effectue une opposition
langue/parole : la langue est définie comme un
système abstrait de signes qu'il est possible d'apprendre au
sein d'une même communauté (De Saussure, 1916). La parole
s'oppose à la langue et se définit comme l'usage
effectif de la langue. La langue représente « le dispositif
interprétatif partagé, présupposé par la parole
individuelle » (Achard, 1993 : 4), elle joue un rôle majeur car
elle est « nécessaire pour que la parole soit intelligible et
produise tous ses effets ; mais celle-ci est nécessaire pour que la
langue s'établisse » (De Saussure, 1964 : 37). Je constate
alors « une coupure entre langue et parole, entre le système et
l'actualisation individuelle - et sociale - de ce système »
(Turpin, 1995 : 3). Si j'ai choisi d'aborder brièvement cette
conception de la langue, ce n'est pas parce que je cautionne cette approche
mais plutôt parce qu'elle constitue encore aujourd'hui une
représentation prégnante de ce que doit être la langue et
de comment elle doit être enseignée. J'aborderai plus en
détail, dans mon analyse, les conséquences d'une telle
représentation sur l'apprentissage d'une langue mais aussi sur le
processus d'intégration des migrants en situation d'apprentissage.
En ce qui concerne ce mémoire, c'est sur une
perspective de la parole de l'apprenant en situation de communication ou de
« discours » pour « l'usage effectif de la parole, acte de
langage et non simple actualisation de la langue » (Achard, 1993) que
mon étude portera soulevant ainsi le fait qu'il ne suffit pas de
connaître une langue, il faut aussi connaître celle-ci au sein de
son contexte social, c'est ce qu'on appelle la « compétence de
communication » qui se définit comme « la connaissance des
règles psychologiques, culturelles et sociales qui commandent
l'utilisation de la parole dans un cadre social » (Hymes in
Galisson, 1976 : 106). Une nouvelle façon de penser la langue et de
l'envisager qui a eu un impact dans les méthodes
d'enseignement/apprentissage dites communicatives en prônant
l'idée que « pour communiquer, il ne suffit pas de
connaître la langue, le système linguistique, il faut
également savoir s'en servir en fonction du contexte social »
(Hymes, 1974 : 34).
16
En effet, communiquer ne se réduit pas à la
maîtrise de certains éléments linguistique, il ne s'agit
pas non plus du simple fait d'être capable de parler et de faire une
phrase correcte, cela va bien au-delà, il s'agit de comprendre que
parler ne relève pas d'une pratique individuelle mais sociale car :
« La compétence suffisante pour produire des
phrases susceptibles d'être comprises peut-être tout à fait
insuffisante pour produire des phrases susceptibles d'être
écoutées... L'acceptabilité sociale ne se
réduit pas à la seule grammaticalité »
(Bourdieu, 1982 : 42).
Je vais dorénavant approcher l'idée que la
langue en tant qu'objet d'étude a vu naître une séparation
idéologique entre deux domaines de recherche interdépendants : la
linguistique et la sociolinguistique. Sans m'écarter de ma
problématique, je pense qu'il est important de rappeler que la langue
reste un objet d'étude conflictuel pour mieux comprendre les conflits
liés à l'intégration à l'échelle de la
société et précisément à l'échelle de
mes enquêtés.
1.2 Une divergence sur la conception de la langue
J'ai traité dans la partie précédente, de
la conception saussurienne de la langue comme étant à la fois
« un produit social de la faculté du langage et un ensemble de
conventions nécessaires adoptées par le corps social pour
permettre l'exercice de cette faculté chez les individus » (de
Saussure, CLG : 25) et c'est ce qui m'a permis d'aborder la notion de langue
selon une perspective bien définie : celle de la linguistique
structurale.
Dans cette conjecture, il est « exclut du champ de la
linguistique l'étude des « facteurs externes »
influençant la langue, pour se concentrer sur la « linguistique
interne » : l'étude de la langue comme système
(Azeroual et al., 2016 : 255). Ainsi, la langue se
réduirait à un système où les facteurs externes du
contexte ne seraient pas pris en compte, on voit par là une perspective
idéalisée où « l'étude des langues doit
dégager les lois linguistiques qui gouvernent la langue »
(Ibid.). On considère ainsi la langue comme un objet
idéal qui exclut alors le locuteur et le contexte dans lequel il
s'inscrit et se produit, ce qui selon moi ne peut être possible car :
« Exclure le social de la langue, c'est exclure la relation entre la
langue et qui la parle, c'est d'abord exclure la parole et son sujet
» (Chudziñska, 1983 : 156). Pour mon étude, il m'est
impensable de privilégier une approche décontextualisée
des langues car elle efface la diversité des pratiques
langagières existantes. Mes enquêtés parlent tous d'une
façon
17
différente, ils sont le reflet de la diversité
des variétés de français présentes en France. Leurs
propos étaient pourtant tous aussi compréhensibles et
exploitables, alors adopter une position de réflexion sur le
système langue seulement m'est inimaginable car ce serait «
privilégier la logique interne d'un objet abstrait-langue,
privilégier le produit, le système et la structure au
détriment des conditions de production et d'utilisation de ce produit
» (Ibid. : 156).
Cette conception saussurienne suggère une
séparation dualiste entre la langue prise en compte d'une part comme un
système et d'autre part considérée comme un fait social,
ce qui soulève des critiques auprès des linguistes, amenant ainsi
aux débuts d'une nouvelle discipline :
« la séparation entre la langue comme
système et la langue comme fait social a été
critiquée par certains linguistes. Le refus de laisser de
côté les « facteurs externes « dans l'étude de la
langue a donné naissance à la sociolinguistique
» (Azeroual et al., 2016 : 255),
Cette discipline se présente comme « la
structure et l'évolution du langage au sein du contexte social
formé par la communauté linguistique » (Labov, 1978 :
258) et qui prend pour objet d'étude « les mêmes traits
qu'en linguistique - phonologie, morphologie, syntaxe, lexique et
sémantique - mais intègre aussi les facteurs sociaux expliquant
l'état et les évolutions de la langue » (Azeroual
et al., 2016 : 255). Sans pour autant renier les apports de la
tradition saussurienne, j'aimerais me permettre de remettre en cause deux de
ses postulats. D'une part l'idée que les faits linguistiques ne peuvent
être compris « qu'à partir d'autres faits linguistiques
(et qu'en particulier les changements linguistiques dépendent
essentiellement de pressions et de caractéristiques internes à la
structure de la langue) (Forquin, 1978 : 79) ; et d'autre part, le fait
qu'un locuteur possède une intuition immédiate et complète
de sa langue, de sorte qu' « il n'est pas nécessaire d'aller
chercher dans le champ social des données linguistiques que chacun peut
trouver en soi déjà toutes constituées et toutes
prêtes pour l'analyse » (Ibid.).
Il pourrait alors paraître redondant, sauf
stratégie disciplinaire existentielle, d'inclure le « socio »
dans la lexie « sociolinguistique » tant l'étude de la langue
ne peut, être envisagée sans une nécessaire prise en compte
de tout son aspect social car : « Au sens strict, la sociolinguistique
est la linguistique elle-même » (Forquin, 1978 : 79) mais cette
lexie tient là tout son sens car elle permet d'inclure ce qui a
été négligé : l'aspect essentiellement social de
18
la langue. Ainsi, la sociolinguistique permettrait de prendre
en compte « les variations en fonction des contextes
(différences stylistiques) et en fonction des groupes sociaux
(différences sociales) » (Ibid. : 79), ce
qui expliquerait les différences de langage entre locuteurs. C'est cet
aspect qui n'a pas été pris en compte par la linguistique, c'est
à dire le fait que le système interne de la langue mais aussi
l'aspect externe correspondant à son usage en pratique sont
imbriqués en un seul et même système. Cette discipline
témoigne ainsi des langues dans leur inévitable évolution,
ce qui soulève tout l'aspect dynamique et vivant des langues et
m'amène ainsi à mieux accepter l'autre et ses langues.
Toute cette réflexion autour des langues m'a
poussé à orienter ma démarche vers un paradigme de
recherche se positionnant du point de vue de l'individu qui parle et interagit
avec d'autres personnes et qui favorise la diversité des usages car :
« No two speakers have the same language, because no two speakers have
the same experience of language 5(Hudson, 1980 : 11).
En conclusion de ce chapitre, j'ai pu établir un rappel
des sigles permettant de catégoriser le français d'un point de
vue didactique afin de permettre une meilleure lisibilité de ce travail,
de me familiariser avec les publics composant mon corpus mais aussi j'ai pu
observer des positionnements scientifiques autour de la notion de langue(s) et
des divergences qui reflètent toute la complexité du rapport
à la langue et de son encadrement tant au niveau didactique (pour les
formateurs) qu'au niveau institutionnel (centres de formations, associations,
etc.). Ainsi, je ne peux clairement définir ce qu'est une langue sans me
heurter aux différentes conceptions des linguistes car au final il
n'existe pas de langue unique mais des langues, je ne peux pas non plus donner
une méthode d'enseignement idéale du FLE/FLS tant elle ne
pourrait pas inclure toutes les spécificités d'un terrain, d'un
formateur, d'un public, etc. Néanmoins j'ai pu donner une direction
à cette étude en adoptant une position prenant en compte la
diversité des usages linguistiques. J'adopterai alors pour mon analyse
une position prenant en compte un ensemble d'éléments
interdépendants que l'on pourrait qualifier « d'espace
sociolinguistique » (Auzanneau et al., 2012 : 48) et
considérant tout élément du contexte de production de la
parole, qu'il soit sous-jacent ou manifeste, dans la mesure du possible :
5 Personne n'a la même langue/le
même langage parce que personne n'a eu la même expérience de
la langue/ du langage. Il y a ici ambiguïté du terme «
language » qui signifie en anglais à la fois langue et langage.
19
« des lieux géographiques et/ou
socio-symboliques, des situations de communication, des réseaux, des
activités et des types de relations interpersonnelles, ainsi que des
variétés, langues ou usages, et traits disponibles comme
ressources, et les relie dans une non dualité, et qui d'autre part,
implique toujours qu'un espace donné soit relié à d'autres
espaces sociolinguistiques, proches ou distants, potentiels, latents ou
manifestés » (Auzanneau et al., 2012 : 49).
Désormais, je vais aborder la question de la langue en
tant qu'enjeu de pouvoir qui dépasse la sphère de recherche en
sciences humaines et touche à notre quotidien et à ceux des
apprenants. Comme le suggère ma problématique, il n'est pas
anodin que l'apprentissage du FLE/FLS au sein des structures associatives
rejoigne une visée intégrationnelle car elle représente un
puissant outil de construction identitaire, culturelle mais aussi et surtout
politique : « Le contenu symbolique des langues correspond à
leur pouvoir identitaire, c'est à dire au reflet qu'elles offrent des
nations les plus variées (Hagège, 2003)6.
Cependant, cet outil politique qui permet à un individu de se construire
une identité, d'intégrer des groupes, etc. l'amène aussi
à se déconstruire et à l'écarter d'autres individus
car la langue, en tant qu'enjeu de pouvoir « peut être
générateur de conflit » (Ibid.). Ce
sont ces éléments qui me permettent d'introduire la partie qui
suit.
CHAPITRE II : LANGUE(S) ET POUVOIR
Les parties précédentes ont traité du
rapport entre langue(s) et didactique, ce qui m'a permis d'évoquer le
français sous différentes formes d'enseignement mais aussi de
relativiser ces questions là. Aussi, j'ai pu traiter de la question de
l'omniprésence de la norme linguistique au sein des sphères de la
didactique du FLE/FLS et de la recherche en linguistique ou en
sociolinguistique. Ces éléments m'ont permis de positionner ma
démarche méthodologique d'approche de la langue en tant
qu'enseignant de FLE/FLS mais aussi en tant qu'enquêtrice. Dans les
parties qui suivent, il sera question de la langue en tant qu'enjeu de pouvoir
tant linguistique (II-1) qu'identitaire
(II-2).
6 Issu du site officiel de Claude Hagège
http://claude.hagege.free.fr/,
consulté le 15/06/2017
20
I-3 Enjeux liés à la connaissance du
français
La connaissance du français est souvent perçue
comme élément majeur d'intégration. Parler au quotidien,
n'est pas anodin. Il révèle beaucoup de nos intentions
sous-jacentes et offre un pouvoir à qui sait l'utiliser. Le migrant en
apprentissage peut se sentir très vite écarté du fait de
ces fonctions sous-jacentes de la langue. Je traiterai dans un premier temps de
ces fonctions du langage puis, il sera question dans un second temps des enjeux
liés à la (re)connaissance du français.
1.1 Parler c'est agir
J'ai pu montrer que les langues génèrent des
divergences parmi les chercheurs qui tentent de les définir et de les
encadrer. Si l'approche saussurienne écarte la parole au profit de la
langue comme objet idéal, ce n'est pas le cas des approches
interactionnistes qui s'intéressent elles à la parole et à
son contexte de production : « le concept interactionniste, en
revanche et à l'inverse, s'attache exclusivement à la parole et
à son contexte (sont-ils dissociables ?) » (Biichlé,
2007 : 30). La parole du locuteur lui confère ainsi un pouvoir, celui
d'agir sur autrui et sa réalité : « il est convenu de
considérer que la parole a le pouvoir de faire des chose »
(Ambroise, 2009 : 1). Ce pouvoir se formalise dans un concept qui est
celui de « performativité » ou « d'acte de parole »
(Ibid., : 1). C'est au sein de cette approche que l'accent est enfin
mis sur la parole du locuteur que l'on retrouve impliqué dans des actes
dits « performatifs », désormais «
le langage fait autre chose que décrire, même par des phrases
d'allure grammaticalement « normale » (Laugier, 2004 : 284).
Toute l'attention est ainsi portée sur le locuteur dont
le sens de ses propos dépasse la simple description de faits. Notons
encore une fois qu'établir une phrase grammaticalement correcte ne
permettra pas forcément à un interlocuteur d'appréhender
le sens correct de cet énoncé.
Un énoncé analysé hors de son contexte
aura bien souvent peu ou pas de lien avec le sens réel de cet
énoncé pris dans son contexte, ce qui m'amène encore une
fois à ne pas me focaliser seulement sur la forme de
l'énoncé en lui-même des discours rapportés par mes
enquêtés mais plutôt à rassembler l'ensemble des
éléments entourant ces discours et à les analyser tous
ensemble car :
21
« l'analyse des actes de langage a montré que
la détermination du sens d'un énoncé par
des auditeurs a souvent peu ou même pas du tout de rapport direct
avec ce que serait le contenu propositionnel de ce
même énoncé lorsqu'on l'appréhende en dehors
de son contexte » (Gumperz, 1989 : 130).
Les approches interactionnistes rejoignent l'idée selon
laquelle les langues en tant qu'outils de communication agissent sur autrui
« Sans doute communiquer, c'est toujours une certaine manière
d'agir sur l'autre » (Foucault, 2001 : 1052-1053) et
représentent un instrument de pouvoir « Les rapports de
communication impliquent des activités finalisées [...] et, sur
le seul fait qu'ils modifient le champ informatif des partenaires, ils
induisent des effets de pouvoir » (Ibid. : 1052-1053).
Parler et donc par le même mouvement interagir, renvoie à
différents actes performatifs.
Je précise ainsi que les paroles qu'un individu
profère, ont un poids et sont interprétables comme des actes de
parole7 : le simple fait de parler permet à un locuteur
d'exercer une influence sur son interlocuteur et son environnement et
suggère des actions. Ces actes de langage n'ont de sens que si l'on
prend en compte leur contexte social de production car ils « se
réalisent dans des activités langagières, celles-ci
s'inscrivent elles-mêmes à l'intérieur d'actions en
contexte social qui seules leur donnent leur pleine signification »
(CECR, 2001 : 15).
Maintenant, j'aimerais approfondir et expliciter ce sur quoi
les approches qui ont été précédemment
abordées se sont opposées : la conception de la langue. J'ai pu
constater que la langue pouvait se concevoir comme singulière d'un
côté écartant ainsi la parole de l'individu (approche
structuraliste) ou plurielle d'un autre côté en prenant en compte
les variations de celle-ci (approche interactionniste). J'aimerais maintenant
m'arrêter sur la représentation textuelle de la langue dans les
discours. Cette représentation réveille des tensions qui me
ramène encore et toujours à la représentation que l'on se
fait d'une langue et soulève pour mon étude toute la
difficulté et la naïveté de considérer la langue
comme un simple outil de communication.
7 Speech acts. Théorie des
actes de langage développée par John L. Austin (1962)
22
1.2 Ecarter pour mieux régner : langue vs langues
Il est important de relever que bien souvent lorsque l'on
retrouve la lexie « langue » au singulier, elle tend à effacer
la pluralité des usages et variétés linguistiques
existants, je constate alors qu'une force s'exerce dans le discours, et j'y
perçois des enjeux de pouvoir qui m'amènent à une
représentation de la langue supposée figée, se
référant à un modèle unique auquel l'on se devrait
d'adhérer, parfois avec violence « la langue, comme performance
de tout langage, n'est ni réactionnaire, ni progressiste ; elle est tout
simplement : fasciste ; car le fascisme, ce n'est pas d'empêcher de dire,
c'est d'obliger à dire » (Barthes, 1977 : 14). Ainsi,
la langue vue sous cette perspective monolithique serait vouée à
porter en elle de la violence car nécessairement au service d'un pouvoir
: « Dès qu'elle est proférée, fût-ce dans
l'intimité la plus profonde du sujet, la langue entre au service d'un
pouvoir » (Ibid.). Je souligne par-là, la force introduite
dans la dimension politique de la réflexion sur la langue : une langue
qui serait réduite à un espace clos qui oblige et impose :
« l'espace langagier est en ce sens un espace d'enfermement ou de
confinement » (Voisset-Veysseyre, 2013 : 8).
Une réflexion qui rejoint ainsi selon moi la thèse
saussurienne vue précédemment faisant de la langue un objet
idéalisé.
Il m'est possible d'y voir dans ce combat langue vs langues,
la prégnance d'une norme, principalement orientée vers
l'écrit en France (Gadet, 2003). Cette norme grammaticale donc, aura de
lourdes conséquences sur la norme subjective : celle des
représentations « qui, en dépit de sa variabilité
selon les individus, induit des attitudes et des comportements particuliers
parmi lesquels l'insécurité linguistique »
(Biichlé, 2011 : 14).
Enfin, dans tout rapport de force, il est possible de voir un
dominant et un dominé. Si je suppose que nous parlons tous la même
langue (une langue dominante), j'écarte et sous-estime alors les autres
langues ou usages effectifs de la langue dite (les langues dominées).
S'installe alors une hiérarchie dans les langues qui place le locuteur
dans un rapport de force avec autrui, ce qui en fait un facteur pouvant tout
autant l'intégrer s'il « maitrise » la langue dominante comme
l'exclure s'il n'a pas de « maitrise » suffisante de cette même
langue dominante qui comme je l'ai précédemment
énoncé répond à un certain nombre de normes
établies :
« les représentations communes,
incarnées par les langues, fonderont les identités qui
génèreront des groupes, lesquels ratifieront,
créeront ou changeront les formes linguistiques, générant
des représentations qui, si elles sont partagées,
fonderont des identités et ainsi de suite »
(Biichlé, 2017)
23
C'est dans cette direction, que je propose de poursuivre avec
la partie suivante qui traite de l'usage de la langue comme facteur pouvant
tout autant inclure quelqu'un dans un groupe que l'écarter.
1.3 Parler français : un facteur d'inclusion et
d'exclusion
Si les langues possèdent un pouvoir symbolique
permettant à un individu de se positionner et qu'elles agissent ainsi
sur sa façon d'être, je peux alors clairement faire un lien entre
les langues qu'il parle et son identité: « La langue fait
partie intégrante de notre identité et elle constitue un
élément majeur lors de tout échange culturel et
linguistique » (Tsokalidou, 2009 : 195). Ainsi, je peux
considérer que ses actes de parole sont des « acts of identity
» (Tabouret Keller, 1985). Il semble aujourd'hui important de
s'interroger sur ce parallèle récurrent effectué entre la
connaissance du français et l'intégration car en plus
d'être un enjeu didactique pour les formateurs, la connaissance du
français est devenue un enjeu sociétal et politique,
critère d'intégration pour les populations immigrées :
« de plus en plus souvent, c'est au nom de ce
critère de la connaissance du français que notre
société se propose de déterminer qui est apte
à émigrer en France, à y résider et
à en adopter la nationalité » (Biichlé, 2007 :
2).
Les langues dont dispose un locuteur ont une valeur
différente selon où il se trouve (géographiquement,
socialement, etc.) et selon comment il les utilise. Ainsi la valeur d'une
langue dépendrait de la compétence du locuteur à
l'utiliser, de son statut social et de l'endroit où il se
trouve/provient : « les linguistes ont raison de dire que toutes les
langues se valent linguistiquement ; ils ont tort de croire qu'elles se valent
socialement » (Bourdieu, 1977 : 23). C'est ainsi le locuteur qui
ferait de ses langues soit un outil d'inclusion soit un outil d'exclusion selon
sa compétence mais aussi selon le regard de ses interlocuteurs sur cette
utilisation effective :
« Les langues protègent ceux qui font
appartenance. Très vite, les autres, les hors sein, les
étrangers, les différents, sont mis en position d'exclusion,
quand ils ne doivent pas être détruits. La loi des plus forts par
la sélection naturelle a ici toute sa place » (Thiberge, 2012
: 75).
24
La façon dont s'exprime un locuteur le positionne
vis-à-vis d'autrui et lui permet d'intégrer une identité,
une posture plus ou moins légitime qui l'intègre où
l'exclut d'un système dominé par des normes. Tout cela
fonctionnerait comme un marché où la parole aurait une valeur
prédéfinie :
« Toute situation linguistique fonctionne comme un
marché sur lequel le locuteur place ses produits et le produit qu'il
produit pour ce marché dépend de l'anticipation qu'il a des prix
que vont recevoir ses produits... » (Bourdieu, 1980 : 98).
Je remarque ici, la comparaison effectuée entre une
situation linguistique et le marché au sein duquel les discours seraient
des produits ayant une valeur plus ou moins différente selon l'acception
qu'un individu en fera et celle qu'autrui estimera. La solution que je pourrais
proposer à un apprenant en situation de migration serait alors de lui
permettre de comprendre la valeur de ses dires afin qu'il puisse ainsi
s'adapter en fonction de la situation. Tout cela implique, qu'apprendre une
langue passe alors aussi forcément et simultanément par
l'apprentissage de savoirs nous permettant de comprendre : « les
conditions d'acceptabilité de ce langage (Ibid. : 98) et
d'« apprendre en même temps que ce langage sera payant dans
telle ou telle situation » (Ibid. : 98). Ce travail
constituerait ainsi l'objet d'un apprentissage prenant en compte le contexte de
production des langues ce qui confirme qu'apprendre une langue est avant tout
un acte social.
La connaissance du français convoque un locuteur mais
aussi son interlocuteur à des places définies. Ces places sont
déterminées en fonction de leur niveau de français qui
sera synonyme d'inclusion ou d'exclusion au sein de la société
française. Ces notions que j'ai abordé dans cette partie, me
permette de mieux comprendre les positions de mes enquêtés sur
leur sentiment d'intégration en France et le lien qu'ils en font avec
leur niveau de français. Désormais, je vais m'intéresser
aux langues et à leur traitement au niveau institutionnel. J'approcherai
ainsi la notion de diglossie, et ce que cela implique pour l'apprenant de
FLE/FLS.
1.3 Hiérarchiser les langues et leurs usages
Mes enquêtés proviennent pour la majorité
de pays où la situation sociolinguistique ramène au
phénomène de diglossie (Maroc et Liban). En effet, le concept de
diglossie (Ferguson, 1959), a été largement inspiré par la
situation sociolinguistique des pays du
25
Maghreb (Biichlé, 2007 : 65) et le Liban offre
« une situation de diglossie, voire de triglossie entre l'arabe
littéraire, l'arabe moderne et l'arabe dialectal libanais »
(Habib, 2009 : 7). Ce phénomène correspond à la
cohabitation au sein d'un même espace géographique de deux
variétés éloignées d'une même langue : une
variété haute (« High ») qui correspond dans le cas de
mes enquêtés, à l'arabe classique/fusha et une
variété basse (« Low ») qui se réfère
pour eux à l'arabe dialectal marocain ou libanais.
Ce qui m'interpelle dans ce phénomène de
diglossie, c'est la séparation fonctionnelle des variétés
: la variété basse correspond à la langue utilisée
quotidiennement (famille, travail, amis) par les locuteurs issus de ces pays et
la variété haute n'est jamais utilisée dans les
conversations ordinaires, quel que soit le secteur de la communauté
(Grosjean, 1982 : 131), elle est réservée aux discours
politiques, sermons, cours universitaires, journaux, poésie, etc.
(Ferguson, 1959 : 431).
En ce qui concerne la situation du français en France,
je me suis interrogée sur la légitimité d'un tel
phénomène car ce pays reste « un cas paradigmatique des
tensions entre monolinguisme et plurilinguisme, entre la langue et le pouvoir
» (Harguindeguy & Cole, 2009 : 939). Néanmoins, il me
semble que de telles interrogations se justifient du fait que la situation
sociolinguistique de la France soit ambiguë envers la reconnaissance de
ses langues : « dans une France qui a (plus ou moins) reconnu
ses « langues régionales » et s'interroge sur
sa diversité culturelle, les conflits de langues
ont-ils pour autant disparu » (Ottavi, 2013
: 111). Dans mon analyse, je m'interrogerai à situer la situation
sociolinguistique de la France et de celle des parlers de mes
enquêtés et mettrai en lien ces éléments avec la
notion de diglossie que je définis comme la cohabitation de deux
variétés parentes en usage dans un même espace
géographique :
« l'une symbole de prestige,
généralement associé aux fonctions nobles de la forme
écrite d'une langue, variété haute,
l'autre symbole des fonctions terre à terre de la vie quotidienne,
variété basse chacune remplissant ainsi une part
bien à elle dans la société et dans la vie des personnes
» (Tabouret-Keller, 2006 : 114)
Si je souhaite comprendre le rôle que joue
l'apprentissage du français dans l'intégration de mes
enquêtés, il me parait important de comprendre la situation
sociolinguistique dans laquelle ils se trouvent. Les rapports de force
engendrés par une situation de diglossie peuvent avoir des
répercussions sur la reconnaissance de l'identité des
26
individus. En France, les dénominations des langues ont
une importance car elles permettent de situer les pratiques des locuteurs et de
déceler une hiérarchie entre elles :
« La solution la plus communément
adoptée, en français du moins, est l'attribution du nom de
langue à la langue normalisée, de
dialecte à la forme orale, ou d'un autre nom
tel que parler, patois,
idiome, parler étant
le terme le plus général qui désigne l'ensemble des moyens
d'expression employés par un groupe ou au sein d'un groupe »
(Tabouret-Keller, 2006 : 110).
Cette partie a été l'occasion pour moi de
développer les enjeux liés à la connaissance du
français, particulièrement pour des migrants en situation
d'apprentissage. La partie suivante se situe dans la continuité de cette
réflexion et permettra de développer les enjeux identitaires
liés à la connaissance du français.
II-2 Enjeux liés à l'identité
La partie suivante vise à exemplifier le lien fort de
la langue envers l'identité et le positionnement qui s'opère
à la suite des interactions d'un locuteur. Cette partie
démontrera également les effets de ces divisions identitaires sur
les représentations d'une personne envers une langue et plus
précisément sur la pratique du français.
1.1 Interagir : un moyen de définir à la fois
notre identité et notre altérité
Comme je l'ai précédemment évoqué,
la langue constitue un facteur d'exclusion tout comme d'intégration
selon l'acception admise par un groupe (la norme dominante) et selon le rapport
d'un individu vis-à-vis de cette acception (son niveau de langue face
à la norme). Si je m'intéresse à l'identité d'un
locuteur, que j'entends plurielle par essence car elle se situe dans une
« multi-appartenance » (Charaudeau, 2009 : 3) du fait de son
âge, de son sexe, de sa profession, de sa classe sociale, etc. (Ibid.
3) mais aussi du fait de la situation actuelle de mon étude qui
s'intéresse au phénomène migratoire et positionne donc
dans: « une société qui se diversifie suite à des
flux migratoires, l'identité montre différentes facettes
notamment celle d'identité plurielle » (Reboul-Touré,
2011 : 17), je peux alors construire un lien fort entre langues et
identité. Une identité que j'inscris comme le résultat
d'un ensemble d'appartenances et de facettes :
27
« vous vous prétendez français,
espagnol, japonais ; non, vous n'êtes pas identiquement, tel ou tel, mais
[...] vous appartenez à l'un ou l'autre de ces groupes, de ces nations,
de ces langues, de ces cultures » (Serres, 2003 : 114).
Cette panoplie d'appartenances implique de manière plus
ou moins explicite un ensemble de non-appartenances et c'est à travers
les langues que ces appartenances et non-appartenances sont perceptibles car :
« Notre langue structure notre identité, en ce qu'elle nous
différencie de ceux qui parlent d'autres langues et en ce qu'elle
spécifie notre mode d'appartenance » (Lamizet, 2002 : 5-6).
Les langues de par leur implication identitaire positionnent un individu qu'il
le veuille ou non dans un rapport hiérarchique vis-à-vis
d'autrui, elles l'impliquent dans certains groupes et le poussent à en
rejeter d'autres, ce qui le place ainsi paradoxalement :
« entre « attirance » et
« répulsion », entre identité et
altérité [...] c'est « l'équilibre » entre ces
deux pôles qui lui donne sa substance. On pressent, en outre, que
l'obligation de se situer conduit l'individu à adhérer
à des agglomérats sociaux et à en rejeter
d'autres » (Biichlé, 2007 : 84).
Ce rapport à autrui souligne la dualité de
l'identité : l'autre est moi et je suis l'autre, l'autre étant
mon semblable tout en étant différent de moi, ce qui rend
l'identité : « au niveau même de sa définition,
dans le paradoxe d'être à la fois ce qui rend
semblable et différent, unique et pareil aux
autres. Elle oscille donc entre l'altérité
radicale et la similarité totale »
(Lipiansky, 1992 : 7). En conséquence, pour mieux comprendre son
identité, c'est à travers l'altérité et la relation
qui s'installe avec autrui qu'il est possible d'y arriver et de mieux se situer
: « Chacun accède à son identité à partir
et à l'intérieur d'un système de places qui le
dépasse (Flahault, 1978 : 58). C'est donc bien à travers les
interactions avec autrui, et donc à travers la parole, que le
phénomène identitaire prend forme. Cette relation qui
s'établit avec et à partir de la parole permet à un
individu non seulement de se situer mais aussi de situer l'autre : «
il n'est pas de parole qui ne soit émise d'une place et convoque
l'interlocuteur à une place corrélative » (Ibid.
: 58).
J'aimerais insister sur le fait que ces deux notions
(identité et altérité) sont consubstantielles : on ne peut
définir l'identité sans approcher l'altérité.
L'identité implique ainsi une relation d'interdépendance entre la
conscience de soi qui se construit à travers l'autre « on ne
peut être soi-même seul. La conscience de soi ne se construit que
dans une relation d'identification et d'opposition à autrui »
(Lipiansky, 1993 : 35). Je peux aussi
28
ajouter que l'altérité découle du simple
fait de notre existence en société « exister socialement
c'est être perçu comme distinct » (Bourdieu, 1980 : 67).
Enfin, je précise que l'identité se décline aussi bien de
par son versant individuel (« je ») que de par son versant collectif
(« nous »), les deux étant imbriqués et indissociables.
Pour conclure, je peux dire qu'il est impossible de s'arrêter sur une
définition de l'identité tant ce concept est dynamique, pluriel
et polysémique « la dynamique identitaire ne peut plus
être théorisée uniquement en termes de construction,
fut-elle définie comme un processus continu et inachevé »
(Demazière, 2007 : 17). Cette difficulté à
définir la notion d'identité, je le rappelle, est similaire
à celle que j'ai eu face à la notion de langue car toutes les
deux sont bien souvent abordées dans leur singularité ce qui
efface les autres langues et les autres identités possibles d'une
personne.
J'ai pu montrer que parler c'est interagir avec autrui mais
aussi pouvoir se définir en tant qu'individu. Toute l'importance de
comprendre pour l'apprenant que parler c'est agir sur ses interlocuteurs
réside dans le fait qu'il pourra ainsi mieux appréhender son
environnement et avoir un rôle actif dans son processus
d'intégration. Je vais dorénavant me pencher sur une forme de
pouvoir plus ou moins implicite qui imprègne chacun de nous et qui
amène un individu à déterminer le bon du mauvais, à
prendre parti, à juger, à évaluer, à analyser, etc.
le monde qui l'entoure : il s'agit des représentations sociales (RS),
que je vais définir dans la partie qui suit.
1.2 Une histoire de représentations : « Vrai
français » vs « mauvais français »
Il est d'abord essentiel de comprendre la notion de
représentations sociales (RS) car elles sont
générées et transmises par le discours, elles «
enracinent le discours dans un contexte symbolique familier pour les deux
participants classiques de la communication (Negura, 2006 : 5).
Ainsi, il parait pertinent de comprendre que « Chaque
énoncé peut alors devenir un indicateur des
représentations sociales qui participent à sa constitution
» (Ibid. : 5) car je serai amenée dans cadre de cette
étude à les analyser au sein des discours de mes
enquêtés. Les affirmations qualifiant la parole d'un locuteur de
« bon » ou de « mauvais » m'amène également
à m'orienter vers les représentations sociales qui circulent dans
chaque individu et lui permet de se positionner.
Approcher les RS et leur fonctionnement est essentiel car
elles permettent à un individu de se comprendre, de comprendre les
autres et ainsi de pouvoir se comporter de manière adéquate en
fonction de ces éléments de compréhension. Pour cela,
l'individu crée et
29
absorbe des représentations qui lui permettent de se
situer dans un espace constitué d'objets, de personnes, d'idées,
etc. afin de « bien s'y ajuster, s'y conduire, le maîtriser
physiquement ou intellectuellement, identifier et résoudre les
problèmes qu'il pose » (Jodelet, 2003). Ces RS constituent
« une forme de connaissance, socialement élaborée et
partagée, ayant une visée pratique et concourant à la
construction d'une réalité commune à un ensemble social
» (Ibid.). Il est difficile de parler de
représentation individuelle et propre à un individu car la RS
possède 2 versants : l'un étant cognitif et
individuel car elle émane certes d'un individu et de sa
perception du monde et l'autre étant social et collectif
car elle dépend d'états sociaux et de la
collectivité dans son intégrité ; les deux ne pouvant
être séparés car imbriqués (Durkheim, 1898).
C'est grâce à ces représentations qu'un
individu est capable de fonder des groupes, d'y adhérer ou pas, selon
que ses représentations convergent ou pas avec celles du groupe fondant
ainsi des identités collectives. Il est important de soulever pour mon
étude que les RS ont permis à mes enquêtés de
s'ajuster à une situation ou du moins à la représentation
qu'ils se font d'une situation : ici celle de l'entretien. En effet,
j'évoquerai dans mon analyse l'impact des RS sur mes
enquêtés, sur leurs interlocuteurs, sur moi-même mais
également l'impact de celles-ci sur mon recueil de données.
Comme je l'évoquerai dans mon analyse, ces RS sont
pratiques car elles permettent
aux individus d'interpréter la réalité et
de mieux appréhender l'autre. Elles possèdent une fonction
régulatrice importante, en ce qu'elles régissent les relations
entre les individus et leur environnement. Il est possible, par ailleurs de
distinguer quatre fonctions essentielles de ces RS :
· Une fonction cognitive, qui permet
aux individus d'intégrer, dans leur système de pensées, de
nouvelles informations (auxquelles ils adhèrent) afin de mieux
comprendre la réalité,
· Une fonction d'orientation,
permettant aux personnes d'adopter des conduites et des comportements
appropriés en fonction du contexte, ce qui engendre des attitudes, des
opinions et des comportements (la RS possède notamment, un aspect
prescriptif en ce qu'elle définit ce qui est licite, tolérable ou
inacceptable),
· Une fonction identitaire, qui a pour
but de situer les individus dans leur environnement et de définir une
identité sociale et personnelle gratifiante,
· Une fonction justificatrice, qui
permet de justifier telle ou telle pratique dans un contexte social
donné (prises de position et comportement d'un groupe)
(Abric, 1994 : 188).
30
L'importante quantité d'informations (et par
conséquent, de représentations sociales) que l'environnement
transmet à un individu, le pousse à effectuer un tri parmi
celles-ci. Ce tri l'amène à former des
stéréotypes définis comme des «
croyances partagées concernant les caractéristiques personnelles,
généralement des traits de personnalité, mais souvent
aussi des comportements, d'un groupe de personnes » (Leyens, Yzerbyt
& Schadron, 1996 : 24). Les stéréotypes permettent une
économie cognitive considérable en ce qu'elles
représentent des outils de simplification de la réalité.
Ils aident à mieux comprendre une réalité complexe,
constituent un gain de temps essentiel au fonctionnement cognitif d'un
individu, j'estime ainsi qu'ils ont :
« une fonction d'économie cognitive
importante dans les activités de jugement et de perception dans
la mesure où ils se résument à peu d'informations
(quelques adjectifs le plus souvent) et que ces informations sont
facilement accessibles » (Charron et alii.,
2014 : 281).
Les RS et les stéréotypes relèvent tous
deux d'une activité collective (mais dépendent aussi de
l'expérience individuelle) et modèlent non seulement la
connaissance que l'individu a du monde mais aussi les interactions sociales. Il
convient cependant d'établir une distinction car « la
représentation sociale désigne un « univers d'opinions
», le stéréotype n'est selon lui que la cristallisation d'un
élément ; il sert seulement d'indicateur » (Amossy
et alii., 2011). Aussi, l'avantage qu'il est possible d'attribuer
à la représentation sociale par rapport au
stéréotype, est celui de ne pas être chargée de
connotations négatives car en effet « le propre de la
stéréotypie, c'est d'être grossière, brutale, rigide
et de reposer sur une sorte d'essentialisme simpliste » (Maisonneuve,
1989 : 141).
En termes de transmission, les RS naissent, circulent et
évoluent dans les rapports sociaux, elles sont façonnées
par les interactions sociales (Billiez et Millet, 2001 : 33). Pour ce
mémoire, je chercherai à comprendre le rôle joué par
l'enseignement et l'apprentissage du français au sein du processus
d'intégration de migrants et pour cela je serai amenée à
prendre en compte leurs difficultés et blocages au sein de leur
processus d'apprentissage. Certains apprenants sont affectés par ces RS
car « certaines RS sont des obstacles, des voies de garage, voire des
freins à l'apprentissage » (Py, 2004 : 15).
31
En conclusion, l'affirmation qui qualifierait le
français de « bon » ou « vrai » se rattache à
une représentation sociale du bon usage du français qui
correspond au « maniement du français légitime,
étiqueté comme le « bon » français »
(Billiez, 1985 : 101) et qui est parlé par une classe «
moyenne » ou « supérieure » : « Il est
supposé pratiqué par les locuteurs ayant un statut social
élevé, les autres variétés en étant
dès lors regardées comme des déviances » (Gadet,
2003 : 18). Ce modèle normatif prônant un usage « correct
» de la langue suppose un ensemble de pratiques linguistiques dominantes
et légitimes. Par opposition, le « mauvais français »
quant à lui correspondrait entre autres à «
l`attitude qu'ont les francophones par rapport à la
variation linguistique : tout ce qui n'est pas la langue standard est
nécessairement mauvais » (Beaudoin-Bégin, 2011). Aussi,
il est important de noter que ces représentations reposent sur la
comparaison avec un français standard qui se confond bien souvent avec
la langue parlée elle-même : « As probably the most
highly standardized of European languages, the `French language' has come to be
conventionnaly confused with that of standard language (SL)
»8 (Twain, 2007 : 241). Ces
représentations sociales permettent de mettre en évidence l'un
des autres points essentiels de mon analyse : les représentations qu'ont
mes enquêtés vis-à-vis de leur niveau de français et
le lien qu'ils en font avec l'intégration.
J'ai pu montrer les rapports entretenus entre les notions de
langue(s) et de pouvoir à travers des enjeux définis en termes de
pratique du français et d'identité des locuteurs. La prochaine
partie fera le lien entre les langue(s) et la notion d'intégration.
8 Considérée comme étant
sûrement la langue européenne la plus standardisée, la
« langue française » se confond de manière
courante/conventionnelle avec la langue standard (SL) (Twain, 2007 :
241).
32
CHAPITRE III : LANGUE(S) ET INTEGRATION
Cette partie entre dans le coeur de ma problématique en
exposant le lien qu'il est possible d'effectuer entre langue(s) et
intégration. Les représentations sociales ont été
précédemment définies comme permettant à un
individu de se représenter une réalité complexe. Je
montrerai dans cette partie que le phénomène migratoire, en tant
que processus complexe à appréhender, est particulièrement
touché par un amas de représentations souvent péjoratives.
Entre représentation et réalité, il semble difficile de
comprendre pourquoi ce lien s'opère automatiquement. La part du
réel dans cette représentation semble d'autant plus difficile
à percevoir car il faut : « inclure dans le réel la
représentation du réel » (Bourdieu, 1982 : 136). Je
ferai en sorte d'aborder dans les parties suivantes, l'immigration sous
l'aspect des RS mais aussi au travers des motifs réels d'arrivée
de mes enquêtés (III-1) puis je tenterai de finir
ma partie théorique avec les notions d'intégration, de sentiment
d'intégration et j'associerai maitrise de la langue et
intégration (III-2).
III-1 L'immigration : de la représentation à
la réalité
1.1 Le « problème » de l'immigration
Mon corpus comprend majoritairement des femmes et un homme
provenant du Maroc mais aussi une femme provenant du Liban et une du
Brésil. Ces personnes ont immigré en France pour des raisons
diverses (travail, regroupement familial, droit d'asile, etc.). Ces profils
parcellaires d'immigrés sont avant tout et simplement des parcours de
personnes ayant quitté leur pays. J'entrerai plus en détail dans
les profils de mes enquêtés dans la méthodologie. Il ne
s'agit pas dans cette partie de reprendre l'histoire de la migration en France
ni même d'insister sur le pays d'origine de mes enquêtés et
de faire des correspondances de type : pays d'origine équivaut à
tel profil d'enquêté, car mon but n'est pas de prendre en compte
ces données trop générales pour en faire des liens
incongrus avec le sentiment d'intégration de mes enquêtés.
Par contre, je prendrai en compte les éléments liés
à leur propre apprentissage du français dans le pays d'origine.
Aussi, je rappelle que l'objet de ce mémoire reste l'étude des
phénomènes linguistiques en lien avec des paramètres
sociologiques et qu'il est donc important de soulever quelques aspects de cette
discipline.
Le problème que j'aimerais ici mettre en avant n'est
pas celui de l'immigration mais plutôt celui de la
problématisation de ce phénomène en France. En effet,
depuis quelques
33
années, « la société, les
institutions, les individus, prêtent une attention
préoccupée au phénomène migratoire. Celui-ci
revêt en ce moment des allures d'urgence » (Mahieu & Reca,
2007 : 733). Lorsqu'il est question d'aborder l'immigration et
l'immigré, de manière systématique ils sont
associés à une série de problèmes :
« Produit, le plus souvent, d'une
problématique imposée de l'extérieur, et
à laquelle il n'est pas toujours facile d'échapper le
discours (scientifique ou non) tenu sur l'immigré
et sur l'immigration se condamne, pour pouvoir parler de son objet,
à le coupler avec toute une série
d'autres objets ou d'autres problèmes. Est-il d'ailleurs
possible d'en parler autrement ? (Sayad, 2006 : 16).
Bien que l'immigration puisse être approchée et
définie d'une manière neutre et simple : « Le terme
« immigration », tel que nous l'employons aujourd'hui désigne
non seulement le déplacement des individus d'un endroit à un
autre, mais aussi le franchissement d'une frontière »
(Noiriel, 2007 : 22) avec un raisonnement logique prenant en compte des
faits, des personnes et des parcours : « cette immigration ordinaire
relève [...] de principes de justification qui lui donnent son sens et
sa raison d'être : travail, regroupement familial, recours à des
soins, formation professionnelle ou poursuite d'études universitaires
» (Laacher, 2005 : 102), elle est souvent détournée et
réduite à la personne de l'immigré : L'immigré,
c'est avant tout l'étranger qui vient s'installer « chez nous
» (Ibid. : 22). Ces discours, contribuent selon moi,
à placer les immigrés dans une situation de culpabilité
intrinsèque, ils sont ainsi perçus d'emblée comme
coupables : « Et comme l'immigré justement, parce qu'il est
immigré, est toujours coupable d'une culpabilité qui
excède l'infraction qu'il peut avoir commise » (Pallida et
al., 2011 : 66). Ainsi, leur seule présence sur le territoire
d'accueil suffit à les rendre fautifs : « La présence
immigrée est toujours une présence marquée
d'incomplétude, présence fautive et coupable en
elle-même » (Sayad, 1999 : 401). Je constate que cette
position de culpabilité attribuée aux immigrés renvoie
à une situation où celui qui attribue est en position de
supériorité et le schéma suivant se dessine : «
Dominants - les citoyens du pays d'immigration - et dominés - les
immigrés » (Pallida, et al., 2011 : 66).
Après avoir abordé le « problème
» de l'immigration, je vais maintenant m'intéresser aux sources qui
ont généré de telles représentations et essayer
d'en comprendre les raisons ainsi que les conséquences.
34
1.2 Origines et conséquences des
représentations sur l'immigration
Les immigrés suscitent effectivement bien souvent des
représentations péjoratives. Il m'a alors semblé pertinent
d'essayer d'appréhender les raisons de ces considérations
étant donné que cela concerne mes enquêtés et que je
pense qu'il est important d'essayer de saisir, en amont, comment ils sont
représentés pour mieux comprendre ce à quoi ils sont
confrontés dans leur vie. Ainsi, cela me permettra notamment de mieux
interpréter leurs réponses lors des entretiens effectués
et tenter par là une analyse plus appropriée. Parmi les raisons
retenues j'observe que le migrant dérange de par son statut même
et que les qualificatifs ne manquent pas pour soulever son
étrangéité :
« l'immigré est atopos, sans
lieu, déplacé, inclassable
[...] Déplacé, au sens d'incongru et
d'importun, il suscite l'embarras; et la difficulté que
l'on éprouve à le penser - jusque dans la science, qui reprend
souvent, sans le savoir, les présupposés ou les omissions de la
vision officielle - ne fait que reproduire l'embarras que crée son
inexistence encombrante » (Bourdieu, 2006 :
13)9
La question qui se pose au sujet de ces représentations
sur l'immigré/l'immigration n'est pas de savoir si tout cela est vrai ou
faux car chacun choisit d'adhérer ou pas à une opinion comme
évoqué dans la partie précédente, mais plutôt
de savoir (de manière quelque peu utopique) comment il est possible de
stopper de telles idées : « Comment empêcher que se
propage le virus d'une métonymie désignant non l'immigration,
mais l'immigré comme coupable ? » (Morice, 2011 : 6) car elles
contribuent également à l'émergence de
représentations péjoratives allant jusqu'à la
stigmatisation des migrants qui « subiront une perte de statut et
seront discriminés au point de faire partie d'un groupe particulier : il
y aura « eux » qui auront une mauvaise réputation et «
nous », les normaux » (Noiriel, 2007 : 684).
Une stigmatisation qui divise et amène à la
création de deux groupes opposés, ce qui n'est pas sans me
rappeler le « they code » et le « we code » (Gumperz, 1989)
: une opposition entre « eux » (ce à quoi on ne s'identifie
pas) et « nous » (ce à quoi on s'identifie). Les
immigrés sont ainsi pointés du doigt par le groupe de
référence « nous » (« notre identité
», une identité nationale) représentant la norme du groupe
majoritaire, et s'opposeraient par conséquent en s'inscrivant dans le
groupe « eux » (« notre altérité »).
9 Préface du livre d'Abelmalek Sayad :
L'immigration ou les paradoxes de l'altérité, tome 1
: L'illusion du provisoire (2006)
35
J'insiste ici sur le fait qu'il s'agit d'une perspective
réversible, en effet, la perspective que je viens d'évoquer
pourrait très bien s'inverser et ainsi laisser place à la
perspective des immigrés. On aurait alors un « we code » qui
représenterait les immigrés, les étrangers en fonction de
« tout ce qui définit l'idée qu'ils se font
d'eux-mêmes, tout l'impensé social par lequel ils se constituent
comme "nous" » (Sayad, 1994 : 8) et un « they code » qui
correspondrait aux autres : tous les Français.
L'ensemble de ces représentations placent les migrants
et donc mes enquêtés par la même occasion, dans une position
inconfortable dès leur arrivée, les laissant penser qu'ils ne
sont pas les bienvenus. Si je prends en compte ce contexte
représentationnel hostile, je peux déjà y voir l'un des
freins potentiels à une intégration réussie.
Si je cherche à comprendre la provenance de ces
représentations au sujet de l'immigré/l'immigration, j'estime
d'une manière générale qu'elles prennent source dans
« la « pensée d'Etat », base anthropologique sur
laquelle reposent tous nos jugements sociaux » (Sayad, 1999 : 400),
c'est ce qui fonderait ainsi nos représentations a priori et
inciterait certaines personnes à croire que l'immigration porterait en
elle-même des maux mais aussi les amèneraient à
décupler la culpabilité qu'il leur est attribué en cas
d'infraction effective commise ou d'actes conflictuels :
« Tout se passe comme si c'était
l'immigration qui était en elle-même
délinquance, délinquance, au regard de nos
catégories de pensée qui, en la matière, sont, on
ne le dira jamais assez, des catégories nationales
» (Ibid. : 401).
Parallèlement les outils de diffusion de ces
représentions péjoratives au sujet de l'immigration contribuent
à élaborer la pensée commune certes mais aussi à la
rendre de plus en plus accessible à un grand nombre d'individus. Les
principaux moteurs de cette propagation sont représentés par les
médias et les journaux : « les représentations
négatives des immigrants ont été élaborées
d'abord dans les rubriques sociale, politique et internationale des grands
journaux » (Noiriel, 2007 : 685) mais aussi les «
hebdomadaires, [...] actualités télévisées, bref
[...] tous les organes d'information qui fabriquent aujourd'hui l'opinion
» (Ibid. : 684). Je précise également que les
biais par lesquels passent ces représentations ont une importance
certaine car ils contribuent à donner une perspective conflictuelle et
accrocheuse aux informations diffusées autour de l'immigration :
36
« Ces phénomènes sociaux prennent une
résonance particulière lorsqu'ils font l'objet
d'un traitement politique ou médiatique :
l'immigration s'y présente toujours comme un
problème » (Rea & Tripier, 2003 : 3-4).
Je remarque que le sentiment d'insécurité
crée par ces informations provient d'institutions auxquelles, il est
souvent accordé du crédit : « les discours politiques et
médiatiques sur l'immigration font des immigrés une cause
d'insécurité » (Ibid. : 3-4). Ces informations
circulent auprès de tous et sont censées refléter la
réalité de l'immigration à partir des mots et des discours
choisis et construits par les médias, cependant il est
intéressant de se demander s'il ne s'agit pas plutôt d'une
réalité construite visant à nous influencer dans une
vision péjorative des immigrés. En effet, ne serait-il pas
là plutôt une question de perspective que de réalité
car :
« S'il est vrai que le langage reflète -- ou
tente de refléter -- la réalité et l'interprétation
que l'on donne de cette réalité, il est également vrai que
ce même langage imprime un sens à la perception de la
réalité qu'il interprète. Autrement dit,
les mots ont un sens, et leur agencement dans le discours est
censé faire sens » (Vianna, 2015 : 3).
Si j'ai pu constater que l'immigré dérange par
son statut, je peux aussi comprendre que l'origine même du mot entraine
des peurs de par la difficulté à le définir, se laissant
ainsi en proie aux dérives politiques : « Chargé
d'incertitude, le mot même d'immigration véhicule des peurs. C'est
pourquoi il est si souvent objet de passion politique » (Rea &
Tripier, 2003 : 4). Aussi, face à la masse inconsidérable
d'informations à ce sujet il est difficile d'empêcher selon moi,
la propagation de telles RS car comme je l'ai montré plus haut, elles
permettent un gain de temps et facilitent la compréhension des
phénomènes complexes qui entourent un individu. C'est pourquoi je
ne tenterai pas de définition arrêtée de ce
phénomène car l'objet de cette étude sera de traiter des
représentations sociales de mes enquêtés sur leur
intégration en France et le lien qu'ils en font avec leur apprentissage
du français. Cependant, je prends en compte ce qui a été
vu dans cette partie comme un lien à ma problématique car :
« l'immigration est principalement une question nationale via la
problématique de l'intégration » (Favell, 2010 :
44).
Dans cette partie, il m'a été possible de
souligner l'un des premiers freins probables à l'intégration des
immigrés : les barrières représentationnelles faisant de
ces personnes des cas
37
à problèmes d'emblée. Je
m'intéresserai par la suite aux motifs de départ de ces
personnes, ce qui me permettra de mieux comprendre les raisons qui les ont
poussés à immigrer en France. C'est ce qui m'amènera
également par la suite, à émettre des hypothèses
sur les écarts dans leurs parcours d'apprentissage du français et
me permettra de mieux appréhender leur motivation à
s'intégrer.
1.3 Motifs de migration : entre volonté et
obligation
En ce qui concerne mes enquêtés et leurs choix
d'immigrer en France, je peux déjà dire qu'il ne s'agit pas de
migrations touristiques à caractère temporaire mais plutôt
de migrations politiques et économiques ayant une visée
d'installation sur le long terme. Parmi ces types de migrations, deux
nécessités ont motivé leur départ : les uns ont
choisi de migrer pour améliorer leurs conditions de vie, les autres
parce qu'ils y ont été obligés pour sauver leur vie. On
distingue alors la migration volontaire de la migration forcée. En ce
qui concerne la migration volontaire, il s'agit d'un
départ préparé et organisé. Au sein de mon
étude il y a des personnes ayant immigré en France pour du
travail ou celles ayant bénéficié du regroupement familial
:
« Il s'agit ici de familles
où la décision d'émigrer a été prise dans le
cadre d'une situation non extrême, où elles ont
eu au moins le temps de préparer le
déménagement. Les perturbations internes de la famille, ou
externes à elle, qui déclenchent l'idée d'émigrer
sont variées (raisons professionnelles, mariage avec un étranger,
retour au pays après un séjour extérieur prolongé)
mais la plupart du temps, elles relèvent d'une
stratégie destinée à améliorer les
conditions de vie » (Barudy, 1992 : 55).
La migration forcée se
différencie de la migration volontaire car elle n'est pas voulue et
qu'elle résulte souvent d'une décision prise en urgence, pour mon
étude j'évoquerai le cas des demandeurs d'asile en attente du
statut de réfugié :
« Dans ce cas, il s'agit de perturbations
qui, par leur intensité ou leur durée, sont
ressenties comme une catastrophe pour les membres de la
famille. La décision d'émigrer émerge comme une
réponse adaptative prise entre la vie et la mort. C'est
le cas, par exemple, de la migration liée à des situations de
répression politique, de guerre et de catastrophe naturelle
» (Barudy, 1992 : 53).
38
Enfin, que la migration soit volontaire ou non, il y a
les sans-papiers, ce sont des personnes entrées
illégalement en France sans être en possession des documents
nécessaires (passeports et visas) ou qui sont entrés
légalement au début mais qui ont prolongé leur
séjour au-delà du délai légal, on retrouve
notamment les personnes déboutées du droit d'asile (Wihtol de
Wenden, 2010 : 54).
Dans tous ces cas, à leur arrivée en France, les
migrants sont confrontés à de nombreux changements en termes
d'identité (vêtements, habitudes culinaires, langue(s), etc.). Ce
voyage interroge de manière incessante les composantes de leur
identité et de celle du pays d'immigration car cette immigration apporte
des changements culturels (Sallaberry, 2009). Le changement
linguistique apporte le changement culturel pour le migrant car il va devoir
apprendre à penser par le discours de la nouvelle langue car «
la pensée s'informe dans du discours, et le discours, c'est la langue
mise en scène socialement, selon les habitudes culturelles du groupe
auquel appartient celui qui parle » (Charaudeau, 2009 : 16) mais
aussi à revoir les représentations propres à son pays et
à sa/ses langue(s) d'origine car :
« la migration impose, dans la plupart des cas, la
confrontation avec un ou des systèmes linguistiques différents,
une sorte de (bi)multilinguisme « obligé », une remise en
cause des représentations » (Biichlé, 2007 : 89).
En effet, quitter son pays, c'est aussi changer de langue et
apprendre à se débrouiller avec cette langue : « c'est
se trouver en présence non seulement d'un système linguistique
différent, mais d'une nouvelle manière de communiquer, de se
définir soi-même par rapport au monde » (Lüdi et
Py, 1986 : 56). Les migrants se retrouvent ainsi dans une situation de conflit
cognitif entre l'identité qu'ils avaient dans leur pays d'origine et
celle qu'ils doivent reconstruire/réajuster dans leur pays
d'immigration, c'est pour cela que : « La migration reste par
excellence un lieu de conflit identitaire » (Lüdi, 1995 : 242).
Ce conflit cognitif s'opère également parce que le migrant doit
apprendre à s'adapter à un nouveau contexte et ainsi
développer de nouvelles aptitudes ce qui bouleverse ses anciennes
aptitudes conçues pour son environnement d'origine :
« la famille avant d'être
bouleversée par les événements qui vont la
pousser ou la décider à émigrer, avait
développé dans son contexte des modalités
adaptatives (comportements et croyances) dans le but de faire face
à ses changements internes [...] et aux changements de son environnement
naturel et social » (Barudy, 1992 : 52)
La diversité des facettes identitaires présentes
chez un individu témoigne de
39
l'impossibilité de considérer l'identité
d'un individu comme monolithique. Chez les migrants, il est encore plus
difficile de parler d'identité unique car en plein processus migratoire,
leur identité évolue sans cesse : « le positionnement
identitaire dépendra des pratiques sociales dans lesquelles les
individus évoluent, et l'identité prendra de nouvelles formes
selon le contexte dans lequel se déroule le discours »
(Barbier, 2008 : 5). Ainsi, en prenant en compte tous ces
éléments, il me parait plus pertinent d'envisager
l'identité des migrants comme plurielle : « L'identité
complexe, plurielle, ne serait-elle pas la règle plutôt que
l'exception dans des situations de migration ? » (Lüdi, 1995 :
247).
Les raisons pour lesquelles ces personnes émigrent
jouent un rôle essentiel car elles conditionnent leur bonne installation
en France. L'intégration de ces personnes en dépendrait
même, tout l'enjeu pour ces personnes serait de passer outre ces
barrières socioculturelles et de : « surmonter ses ruptures et
conflits socioculturels afin de s'intégrer ou de se positionner dans la
société globale » (Manço, 2002 : 71) car il se
pourrait que ces premiers éléments puissent mettre :
« en péril le processus de détachement
par rapport aux personnes et aux expériences connues dans le milieu
d'origine et, en même temps, constituer un obstacle au processus
d'ouverture au nouvel environnement » (Barudy, 1992 : 55).
L'intérêt d'évoquer ces profils de
migrants c'est aussi de réaliser qu'en tant enseignants de FLE/FLS nous
sommes en face d'apprenants mais surtout de personnes en situation de
difficultés au quotidien car ils sont en plein chamboulement
identitaire. La particularité de ce public en termes de didactique du
FLE/FLS réside dans le fait que ces migrants en apprenant le
français ont pour objectif de s'intégrer socialement «
les migrants ont, en apprenant la langue du pays d'accueil, un projet et un
objectif précis puisqu'il s'agit pour eux de s'intégrer dans la
société » (Adami, 2012 : 20). Ainsi, la
situation des migrants influencera le travail de l'enseignant qui s'orientera
idéalement sur leurs besoins premiers au quotidien.
J'ai pu constater que la position intermédiaire de
migrant pouvait être difficile à porter pour un apprenant de
FLE/FLS, dans la partie qui suit, je montrerai en quoi l'apprentissage du
français amène à la question de l'intégration et
quels sont les enjeux qui reposent autour de ces questions.
III-2 L'intégration
40
1.1 Un processus continu et dynamique
La question de l'immigration désormais prise en compte,
il est maintenant question de l'intégration de ces migrants. En effet,
se pose désormais la question de la logique d'intégration
à adopter pour ces migrants mais aussi pour moi en tant
qu'enquêtrice et individu faisant partie de cette société
d'immigration.
Tout d'abord, je précise que le discours sur
l'intégration est un discours fondé dans la croyance (Laacher,
1992), il n'existe pas de définition fondée et prouvée sur
le sujet qui amène à un résultat mathématique : tel
comportement amène à telle intégration. Il s'agit
plutôt d'un ensemble de représentations sur le sujet. En effet :
« Tout ce qui touche à l'intégration relève avant
tout de la croyance, même si les discours qui la concernent se parent le
plus souvent de vertus scientifiques » (Sayad, 1994 : 8). Mon propos
ici n'est pas de mesurer l'intégration de mes enquêtés au
sein de la société française mais plutôt de
comprendre le rôle que joue le français (et ainsi son
apprentissage au sein des structures associatives) dans leur processus
d'intégration de ces derniers. Je vais d'abord m'attacher à
définir ce que j'entends par processus d'intégration et j'insiste
ici sur la notion de processus car l'intégration est un cheminement qui
n'a ni début ni fin : « C'est un processus continu
auquel on ne peut assigner ni commencement ni
aboutissement, un processus de tous les instants de la vie, de tous
les actes de l'existence » (Sayad, 1994 : 8). En effet, si ce
processus est difficilement perceptible car il est : « un processus
inconscient, quasi invisible de
socialisation, qui ne peut être uniquement le produit d'un volontarisme
politique de la société » (Sayad, 1994 : 8), il reste
cependant l'objet d'enjeux politiques visibles, que j'aborderai plus bas :
« l'intégration désigne en sociologie
un processus social quand, dans le débat public, il est à la fois
un objectif (les politiques d'intégration) et un
enjeu politique (la « crise du modèle d'intégration
») » (Tiberj, 2014 : 1).
Afin de positionner l'intégration, je tiens à
préciser qu'elle « s'oppose d'une part à toute forme
d'exclusion, de ségrégation ou de marginalisation mais
également, à toute forme de dissolution ou d'assimilation »
(Biichlé, 2007 : 175). Dans la notion d'intégration, il y a
l'idée d'accueillir un nouvel élément dans un
système qui rétroaction oblige, modifie ce système et
l'élément également :
41
« l'élément intégré n'est
pas perçu comme devant être neutralisé, comme devant perdre
ses caractéristiques initiales, même si des transformations sont
supposées, dans le système intégratif comme dans
l'élément à intégrer »
(Tap in Manço, 1999 : 16).
Il existe 3 cas de figures à la suite de la migration dans
le pays que je peux positionner au sein d'un continuum incluant 3 pôles :
ségrégation ou marginalisation, intégration et
assimilation (Biichlé, 2009 : 36) :
A chacune de ces positions s'opèrent des pratiques
langagières différentes et des sociabilités diverses en
lien avec les représentations sociales et les choix identitaires de ces
migrants (Ibid. : 36). En ce qui concerne la première
extrémité : la ségrégation ou
marginalisation, elle correspond à une position d'exclusion
volontaire du migrant qui refuse tout contact avec la société, sa
langue, ses habitudes et qui « tend à se retrancher, ou
à être refoulé derrière une barrière,
à former un kyste, un ghetto, une tour d'ivoire » (Tap, 1988 :
12), ou subie par la société car elle peut résulter aussi
de l'exclusion de celle-ci, ce sont ainsi les dysfonctionnements de la
société et de ses normes qui empêchent l'intégration
des populations qui ne correspondent pas d'entrée ou plus assez,
à ces normes (Ravaud, 2000). Se retrouvent ainsi exclues du
système aussi bien les personnes rejetées de leur plein
gré, que celles qui n'y ont jamais eu accès car elles ne
rentraient pas dans le cadre des normes établies. A l'inverse, la
deuxième extrémité, l'assimilation, tend
à effacer tout ce qui fonde l'identité du pays d'origine du
migrant et l'amène à se fondre parfaitement dans les
caractéristiques du pays d'immigration, il s'agit d' « un
processus de convergence uniforme et unilatéral (straight line) des
caractéristiques des immigrés vers une sorte de
caractéristiques moyennes de la société d'accueil
(Mirna, 2011 : 151). Ainsi, le migrant existe au sein « d'un
corps unifié et central de la société d'accueil et c'est
dans ce noyau que l'assimilation s'opère » (Ibid. :
151). L'assimilation peut pour certains, à tort selon moi, se confondre
avec la notion d'intégration, elle est ainsi perçue comme
« un processus qui consiste idéalement, à passer de
l'altérité la plus radicale à l'identité la plus
totale (ou voulue comme telle) » (Sayad, 1994 : 8). Dans ces deux
extrêmes, il n'y a pas de confrontation entre les
42
représentations et les langues du migrant et celles de
la société car il y a évitement des relations entretenues
avec le présent (le migrant marginalisé) ou le passé (le
migrant assimilé). En effet, il n'y a pas de position
intermédiaire comme l'intégration où des mélanges
s'opèrent entre l'identité du migrant et celle de la
société car l'un se positionne dans un rejet total de la
société (marginalisation) et l'autre se fond totalement à
l'intérieur avec le rejet de l'identité d'origine
(assimilation).
J'ai pu déterminer ce que j'entends par
intégration et ce que j'écarte, désormais j'aimerais
préciser que cette étude se dirige vers l'analyse des
représentations et des sentiments de mes enquêtés sur la
notion d'intégration. Je vais ainsi préciser dans la partie qui
suit la distinction qui s'opère entre les deux notions.
1.2 Intégration vs sentiment
d'intégration
Comme je l'ai précisé, l'intégration est
un processus difficilement mesurable, notamment parce qu'il s'agit d'un
processus continu et inachevé sur lequel il est difficile de statuer
:
« C'est un processus dont on constate le terme, le
résultat, mais qu'on ne peut saisir en cours d'accomplissement car il
engage tout l'être social des personnes concernées
(i.e. toute leur identité) et aussi la
société dans son ensemble » (Sayad, 1994 :
8).
En effet, un projet de cette ampleur aurait
nécessité de réaliser une étude longitudinale et de
prendre en compte d'une part, l'évolution sur le long terme des parcours
individuels de mes enquêtés car : « le processus
migratoire est non seulement un voyage à travers l'espace mais
également un périple dans le temps » (Biichlé,
2007 : 270) ce qui confirme bien que « L'intégration en tant
que processus introduit l'importance de la dynamique temporelle
(historicité, construction, orientation) » (Tap cité
par Manço, 1999 : 17) et d'autre part, il aurait fallu mesurer
l'implication de la société dans ce processus car « les
processus d'intégration sociale concernent autant les structures de la
société d'accueil que la volonté des migrants de s'adapter
» (De Pietro & Matthey, 2003 : 144).
Cette étude prendra nécessairement une direction
qualitative et se penchera sur le sentiment d'intégration de mes
enquêtés car :
43
« L'intégration désigne en effet un
processus multiforme, un ensemble d'interactions sociales provoquant chez des
individus un sentiment d'identification à une
société et à ses valeurs, grâce auquel la
cohésion sociale est préservée » (Weil, 2005 :
47).
En effet, l'idée de cette étude est de
comprendre d'une part ce que comprennent et ce que pensent mes
enquêtés de la notion d'intégration car souvent ce sont des
critères personnels qui leur permettent de penser l'intégration :
« ce qui frappe dans le point de vue immigré, c'est qu'il met
forcément l'accent sur la dimension locale de l'intégration et
qu'il associe volontairement intégration et réussite
personnelle » (Lamchichi, 1999 : 150). Ensuite, il s'agit
d'observer s'ils font un lien avec leur apprentissage du français, si
oui lequel, et ainsi d'analyser le rapport qu'ils effectuent entre
apprentissage de la langue et l'intégration.
Cette représentation prégnante qui constitue
à dire qu'apprendre le français c'est s'intégrer
(Biichlé, 2015) est devenu un lien quasi automatique entre maitrise de
la langue du pays d'immigration et intégration, ce qui représente
une source d'insécurité pour les apprenants. C'est
précisément ce point que je développerai dans la partie
suivante.
1.4 La maîtrise de la langue comme facteur
d'intégration : conséquences d'une représentation
prégnante
J'ai pu justifier l'idée que la migration constitue le
lieu du conflit identitaire et qu'il devient pesant pour le migrant de se
confronter au poids des représentations qui lui sont assignées.
La non maitrise de la langue du pays d'immigration peut également
représenter une source d'angoisse et d'insécurité
linguistique pour le migrant qui aura tendance à comparer son
français à la norme d'un français imaginaire, un
français enfermé dans une « idéologie
uniformisatrice » (Blanchet et al., 2014 : 292). Mes
enquêtés, en tant qu'apprenants, doivent se référer
à une norme linguistique véhiculée par les institutions
qu'ils fréquentent. Cette norme souvent idéalisée, par les
formateurs de français eux même parfois, a tendance à
écarter la parole des apprenants et à les mettre dans une
situation d'insécurité linguistique où ils prennent
conscience :
« d'une distance entre leur
idiolecte (ou leur sociolecte) et une langue
qu'ils reconnaissent comme légitime parce
qu'elle est celle de la classe dominante, ou
44
celle d'autres communautés où l'on parle un
français « pur », non abâtardi par les
interférences avec un autre idiome, ou encore celle de locuteurs fictifs
détenteurs de LA norme véhiculée par
l'institution scolaire » (Francard et al., 1993 : 13).
Il est d'autant plus important de désacraliser le
standard de la langue pour les apprenants en situation de migration car il
s'agit non seulement de locuteurs en situation d'apprentissage parfois
débutants et n'ayant pas forcément conscience de ces normes mais
aussi de certains apprenants provenant de pays francophones n'utilisant pas la
même norme : « La « sacralisation » de ces formes
standardisées est l'une des causes de l'insécurité
linguistique des locuteurs qui usent d'autres variétés ou
d'autres langues » (Blanchet et al., 2014 : 283). En effet,
c'est pour cela que le processus d'apprentissage, bien que difficile pour
certains, sera déterminant dans le processus d'intégration car il
représentera l'un des vecteurs facilitant son intégration et son
émancipation au sein de la société par son usage pratique
et pourra lui permettre d'exprimer entre autres, ses angoisses : « La
langue est à la fois une source d'angoisses très importante, mais
apparaît aussi comme une voie (ou voix) permettant la résolution
de ces angoisses » (Lhomme-Rigaud & Désir, 2005 : 89).
Après avoir interrogé mes enquêtés
sur le rapport entretenu entre langue(s) et intégration et plus
précisément entre apprentissage du français et
intégration, il m'a paru intéressant d'aborder et d'envisager ce
rapport sous l'angle de l'intégration linguistique perçu comme un
processus « où les individus en situation de mobilité
expriment, racontent comment la/les langue/s a/ont été un
élément, une entrave, un objet de désir ou de rejet dans
leurs processus d'intégration » (Calinon, 2013 : 27) et non
pas comme un processus mettant en avant « le mythe du rôle
primordial et suffisant de la langue dans les processus d'intégration
» (Ibid. : 27) que l'on retrouve malheureusement bien
souvent « dans les discours des politiques, dans les titres des
médias, dans de multiples strates de la société et,
parfois, chez les migrants eux-mêmes » (Biichlé, 2009 :
36).
L'idée d'intégrer les personnes uniquement par
la langue est récurrente « C'est par elle que se fait
l'intégration sociale et c'est par elle que se forge la symbolique
identitaire » (Charaudeau, 2009 : 15). Je postule
plutôt pour une reconnaissance des langues/des discours afin de traiter
de la question de l'intégration car elles constituent une richesse pour
le pays d'accueil si elles sont considérées comme telles. En
effet, la langue en tant qu'unique facteur d'intégration pose
problème car elle écarte la diversité des pratiques
langagières existantes
45
dont celles de mes enquêtés mais elle
écarte aussi les autres facteurs permettant à un migrant de
s'intégrer tels que les difficultés sociales d'accès au
logement, à l'emploi, etc. : « La connaissance de la langue
française ne suffit pas. Comme l'accès au logement,
l'accès à l'emploi est au coeur des freins à
l'intégration » (Candide in Archibald & Chiss,
2007 : 198).
Deux imaginaires sur la langue sont en jeu lorsqu'il est
question d'intégration, le débat se pose sur la conception
même de la langue (débat déjà soulevé plus
tôt avec l'opposition langue et parole) : doit-on traiter de la langue ou
du discours lorsqu'il s'agit d'intégration ? D'une part, il est
envisagé que l'intégration passe par une langue qui soit le
reflet unique et commun à l'ensemble des cultures présentes dans
les territoires parlant cette langue :
« Une représentation unitaire de la
langue qui est assez largement partagée dans différentes
cultures. Elle dit que les individus s'identifient à une
collectivité unique, grâce au miroir d'une langue commune
que chacun tendrait à l'autre et dans laquelle tous se
reconnaîtraient » (Charaudeau, 2009 : 14).
On voit par-là, le pouvoir accordé à la
langue comme objet de cohésion sociale et la volonté
derrière d'homogénéiser et d'effacer la diversité
des pratiques langagières au sein d'une seule et même culture,
d'une seule et même langue. D'autre part, il y a un deuxième point
de vue qui considère que la langue ne peut être
représentative de toute une culture, c'est pourquoi il faut plutôt
parler de discours :
« la langue n'est pas le tout de la
culture. [...] on peut se demander si c'est la langue qui a un
rôle identitaire ou ce que l'on appelle le discours,
c'est-à-dire l'usage que l'on fait de la langue
[...].Contre une idée bien répandue, il faudrait
dissocier langue et culture, et associer discours et culture (Charaudeau,
2009 : 15).
Enfin, j'entends par-là que la diversité des
cultures et des discours présents au sein des territoires francophones
n'est que le reflet de la diversité des apports et des parcours de
chacun, ces langues témoignent des mouvements d'une culture et participe
à son inévitable évolution.
La prise en compte des parcours de migration devrait permettre
à l'enseignant de FLE/FLS de mieux comprendre ses apprenants et
contribuer à personnaliser son
46
enseignement. Selon moi, la maitrise du français ne
constitue pas un élément décisif de l'intégration
du migrant. Il est d'autant plus incompréhensible de valider cette doxa
qui ne différencie aucun migrant de l'autre, car la diversité des
parcours migratoires ne permet pas de raisonner de la même façon.
Chaque parcours est différent, par exemple, il m'est impossible de
raisonner de la même façon avec une personne ayant fuit son pays
en guerre dans l'urgence et n'ayant fait aucun apprentissage du français
qu'avec une personne ayant minutieusement préparé son
départ et dont l'apprentissage du français a
démarré à l'enfance. Entrent également en jeu, les
différences entre les systèmes linguistiques des apprenants.
Cependant, je peux comprendre que si l'on se focalise autant sur la langue
comme moteur de l'intégration, il s'agit peut-être d'un moyen de
se détourner d'autres problèmes : « le rôle majeur
que l'on octroie à la langue dans le processus d'intégration ne
masque-t-il pas d'autres problèmes ? » (Biichlé, 2007 :
245). Ainsi, si j'accepte que la langue constitue certes l'un des facteurs
favorisant l'intégration d'un apprenant, alors il est bon de se demander
comment faire pour apprendre une langue dans son contexte et ainsi faire entrer
l'apprenant au sein de la démarche actionnelle préconisée
par le CECR sans d'abord s'intégrer ? Selon moi, la véritable
question est bien de savoir si ce n'est pas plutôt en commençant
par favoriser l'intégration et donc les interactions qu'on favoriserait
l'apprentissage de la langue. Le problème ne se poserait plus en termes
de didactique du FLE/FLS uniquement mais impliquerait de comprendre quels sont
les autres facteurs à prendre en compte pour améliorer
l'intégration des migrants.
47
II- MÉTHODOLOGIE
1-Elaboration du projet de mémoire
Mon projet de mémoire s'est construit en
parallèle de la réalisation de mes deux stages
(pédagogique et culturel) que j'ai réalisés au sein de la
même structure lors du deuxième semestre du Master 2. J'avais
déjà une idée de la thématique que je voulais
traiter à ce moment là. En effet, lors de mes deux années
de Master à l'Université d'Avignon, j'ai été
très inspirée par mes cours traitant des relations entre les
langues, l'identité et les représentations. Les stages ont
été l'occasion pour moi d'observer des terrains
d'enseignement/apprentissage du FLE fortement en lien avec ces cours. Je
retrouvais des aspects à traiter qui se trouvaient en cohérence
totale avec mes apprentissages théoriques et mon intérêt
pour la problématique de l'apprentissage du français en contexte
plurilingue. Je ne pouvais presque pas faire autrement en observant les cours
là-bas que d'inclure le paramètre « intégration
» à côté tant il était omniprésent.
Que ce soit lors de conversations formelles ou informelles, je
me suis rendue compte que l'intégration des populations immigrées
en France était un réel enjeu pour les acteurs des terrains de la
formation linguistique en associations. Souvent souligné comme un
problème, l'intégration de ces personnes interroge. Il m'a aussi
interrogé parce que je ne comprenais pas comment autant d'amalgames, de
stéréotypes et d'ignorance sur la vie de ces apprenants
fréquentant les cours pouvaient circuler et pourquoi
l'intégration était toujours perçue à travers la
langue et comme un processus engageant seulement les immigrés et non pas
les membres de la société d'immigration. Il y avait un
réel travail à effectuer au niveau de la conscience de l'autre et
de son existence en tant que membre à part entière d'une
société. Les démarches interculturelles engagées
étaient plutôt des démarches culturelles en proie à
un ethnocentrisme exacerbé. Beaucoup d'illusions sur l'enseignement du
FLE/FLS comme je l'imaginais sont tombées et je me rendais compte de la
dure transition entre l'aspect théorique et l'aspect pratique de ma
formation. Au-delà, de ces paramètres, il y avait aussi un
facteur affectif à ce sujet de mémoire. En tant que fille
d'immigrée, les sensations éprouvées à la vue de ce
contexte ne pouvaient que me faire réagir. Les situations
observées m'étaient familières. Je voulais mieux les
comprendre et aider les formateurs à engager une démarche de
réflexion et de compréhension envers ces locuteurs. Ce fut donc
un ensemble de circonstances qui m'ont amenée à choisir ma
problématique qui est de comprendre le rôle que joue
l'apprentissage du français dans le processus d'intégration des
personnes en situation de migration.
48
2- Le terrain : l'association OGA
La structure dans laquelle j'ai effectué mon recueil de
données est l'association Office de Gestion et d'Animation (OGA)
située dans le quartier de la Reine Jeanne, à Avignon.
Les données ont été recueillies entre février et
mai 2017. Cette structure oeuvre, de manière générale,
dans les domaines suivants : soutien à la vie associative locale,
animation, accompagnement social, formations linguistiques.
Elle agit dans le but de créer du lien entre les
habitants, les associations locales et les partenaires sociaux et
développe également des services de proximité pour les
habitants. Elle soutient notamment les initiatives locales. Elle propose sur le
Grand Avignon un centre d'examen du DILF et engage des actions en faveur du
développement d'un réseau linguistique. Les différents
pôles d'actions de cette association sont les suivants : le pôle
animation qui permet d'impliquer et de faire participer les
habitants à la vie de leur quartier, le pôle
accompagnement social qui a pour objectif de conseiller et
d'apporter une aide administrative aux personnes en difficulté et le
pôle linguistique qui gère les passages d'examen
du DILF, les ateliers AEF (Action Educative Familiale), et organise des
manifestations, des groupes de travail et de la formation. Il a pour but
d'animer un réseau d'acteurs de la formation linguistique à
l'échelle du Grand Avignon.
C'est au sein du pôle linguistique et de l'AEF, en
étroite relation avec les autres pôles, que j'ai effectué
mes deux stages et recueilli les éléments constitutifs de mon
corpus.
Les publics fréquentant les cours à l'OGA
cumulent pour la plupart plusieurs cours proposés par l'association en
fonction de leurs besoins et de leurs disponibilités. Nombreuses sont
les interventions extérieures au sein de leurs cours autour de la
problématique de l'intégration. En effet, l'association, en
partenariat avec différents acteurs de la ville et de l'Etat, doit
traiter de certains sujets comme la citoyenneté, la laïcité,
etc. Une grande majorité des publics présents sur ces cours et
ateliers sont issus de pays maghrébins (Maroc et Algérie) et
qu'il s'agit pour la plupart de mères de familles (entre 30 et 50 ans)
ayant des enfants scolarisés à proximité des lieux de
cours. Les cours s'adaptent d'ailleurs à ces caractéristiques en
offrant des cours sur des créneaux où les mères peuvent se
libérer pour aller chercher leurs enfants (9h-11h et 14h-16h).
49
3- Les enquêtés : profils
sociolinguistiques
Critères
|
|
LES ENQUÊTÉS (Partie 1)
|
|
(données recueillies entre février et mai
2017)
|
sociolinguistiques
|
|
A34
|
F42
|
G40
|
H50
|
H37
|
Nationalité
|
-Marocaine
|
-Marocaine -Française
|
-Brésilienne
|
-Libanaise
|
-Marocaine -Française
|
Age
|
34 ans
|
42 ans
|
40 ans
|
50 ans
|
37 ans
|
Sexe
|
H
|
F
|
F
|
F
|
F
|
Statut
|
Sans papiers
|
Française
|
Carte de séjour
|
Demandeur d'asile
|
Française
|
Situation familiale
|
-Célibataire -Sans
enfants
|
-Mariée -2 enfants
|
-Célibataire
-3 enfants au Brésil
|
-Divorcée -3 enfants
|
-Mariée
-2 enfants
|
Situation professionnelle/ Qualifications
|
- Petits
travaux de
BTP -Ancien chauffeur de camion
- Scolarité :
|
-Sans emploi
-Scolarité :
|
- Danseuse et animatrice -Scolarité
|
:
|
-Sans emploi -Ancienne professeure maths -Scolarité :
Lycée
|
de
|
-Sans emploi -Scolarité :
|
collège (Maroc)
|
collège (Maroc)
|
Lycée (Brésil)
|
|
primaire (Maroc)
|
Temps passé en France
|
2 ans
|
11 ans
|
6 ans
|
2 ans
|
16 ans
|
Motifs d'immigration
|
Economiqu e, sociale
|
Regroupement familial
|
Professionnel
|
Réfugiée politique
|
Regroupement familial
|
Langues
parlées/comprises
|
-Arabe marocain -Français
|
-Arabe marocain -Tamazigh -Français
|
-Portugais -Italien -Espagnol -Français
|
-Arabe fusha -Anglais -Français -Turque
|
-Arabe marocain
et fusha -Français
|
Apprentissage du
français
|
-Maroc :
|
-Maroc :
|
-Brésil : depuis
|
à
|
-Liban : à l'école
|
3
en
|
Maroc : primaire-
|
aucun -France :
|
primaire-
collège
-France : depuis
|
le collège -France :
|
depuis l'âge de ans et en famille
-France : depuis
|
collège
-France : stages,
|
depuis mars
2017 à l'OGA
|
depuis 2017 l'OGA
|
depuis 2017 en
associations
|
2016 en
associations
|
janvier 2017
associations
|
Critères
|
|
LES ENQUÊTÉS (Partie 2)
|
|
(données recueillies entre février et mai
2017)
|
sociolinguistiques
|
|
K43
|
M30
|
R46
|
R47
|
Nationalité
|
-Marocaine
|
-Marocaine
|
-Marocaine
|
-Marocaine
|
50
|
|
|
|
-Française
|
Age
|
43 ans
|
30 ans
|
46 ans
|
47 ans
|
Sexe
|
F
|
F
|
F
|
F
|
Statut
|
Carte de séjour
|
Carte de séjour
|
Sans papiers
|
Française
|
Situation familiale
|
-Mariée -4 enfants
|
-Mariée
-3 enfants
|
-Mariée
-Pas d'enfant
|
-Mariée
-5 enfants
|
Situation professionnelle/ Qualifications
|
-Femme de
ménage à temps partiel
-Scolarité :
|
-Sans emploi -Scolarité :
|
-Sans emploi -Scolarité : collège
|
-Agent de propreté (en arrêt maladie)
-Scolarité :
|
collège (Maroc)
|
(Maroc)
|
Primaire (Maroc)
|
collège (Maroc)
|
Temps passé en France
|
9 ans
|
8 ans
|
1 an
|
26 ans
|
Motifs d'immigration
|
Regroupement familial
|
Regroupement familial
|
Regroupement familial
|
Regroupement familial
|
Langues
parlées/comprises
|
-Arabe marocain -Français
|
-Arabe marocain et fusha
-Français
|
-Arabe marocain -Français
|
-Arabe marocain -Berbère -Français
|
Apprentissage du français
|
-Maroc :
|
-Maroc : primaire-
|
-Maroc : primaire et
|
-Maroc : primaire
|
primaire-collège
-France : depuis
|
collège -Français :
|
collège
-France : depuis
|
-France : stages,
|
entourage, depuis 2016 en associations
|
2016 en
associations
|
depuis 2016 en
associations
|
2017 en
associations
|
51
4- Les entretiens : élaboration du guide
d'entretien et méthodologie d'enquête
Mon guide d'entretien (cf. page suivante) s'articule en deux
parties : une partie répertoriant les données sur
l'identité de mes enquêtés et une partie avec des questions
et sous questions relatives à ma problématique.
La première partie sur l'identité de mes
enquêtés était souvent remplie à l'avance, à
partir des fiches d'inscriptions des apprenants, pour ne pas perturber le
déroulement des entretiens. La deuxième partie comprenant
l'ensemble des questions suit une chronologie spécifique. La question
1, est une question de mise en route de l'entretien qui vise
à prendre connaissance du parcours socioprofessionnel de mes
enquêtés avant leur arrivée en France et leur situation
actuelle. Les questions 2 et 3 permettent de recenser les
langues de mes enquêtés, leurs contextes d'usages et leur rapport
à la pratique du français. Les questions 3 à 7
visent à recueillir leurs représentations sur leur
pratique du français et recherchent les situations où ils ont
été en difficulté par leur pratique, les moyens
évoqués pour y remédier et finit par traiter de leur
représentation quant à l'expression « bien parler
français ». Les sous questions correspondent à des relances,
des reformulations et/ou à des approfondissements de la question
principale. Ces questions avaient pour objectif implicite de faire ressortir
leur positionnement vis-à-vis de la norme linguistique du
français standard et à comprendre si les difficultés
rencontrées au quotidien étaient dues au facteur linguistique ou
pas. Les questions 8 à 10 soulèvent le coeur de
ma problématique et visent de manière implicite à
comprendre le lien qu'effectuent mes enquêtés sur la relation
langues/intégration. Une dernière question, qui n'apparait pas
sur ce guide a été prise en compte pour ces entretiens. En effet,
après avoir obtenu les informations souhaitées de manière
plus ou moins implicites, j'ai décidé de poser ma
problématique de manière plus explicite en leur demandant
clairement ce qu'ils pensaient du facteur langue dans l'intégration et
parfois même pour les débutants s'ils pensaient que la langue
était un facteur d'intégration. Ce procédé
était volontaire et viser à croiser les réponses de deux
types d'approches méthodologique d'enquêtes : semi-directif et
directif.
L'ensemble des entretiens se sont basées sur une
approche semi-directive : je posais des questions et je laissais
l'enquêté répondre en toute liberté. J'encourageais
l'enquêté à parler, en le relançant, en reformulant
mes questions et en laissant des temps de réflexion afin d'obtenir un
maximum d'informations spontanées. Les questions qui ont
été utilisées sont généralement ouvertes. Il
m'est arrivé à plusieurs reprises de recentrer l'entretien sur ma
problématique afin de ne pas perdre l'objectif fixé (Blanchet et
Gotman, 2010). Cette progression a été réfléchie
afin de prendre du temps pour mettre en confiance mes enquêtés
et
52
aborder la problématique de l'intégration, qui
constitue une question difficile et intime. Le choix de cette approche
d'enquête par l'entretien individuel enregistré a
été fait car, il s'agit selon moi de « la méthode
primordiale pour obtenir un ensemble de données solides sur le discours
d'une personne» (Labov, 1976 : 94).
En ce qui concerne les enquêtés ayant un niveau
de connaissance du français débutant (A.1.1), je précise
que l'approche méthodologique a été
légèrement différente. Lorsque j'ai fait le choix
d'interroger ces enquêtés, le niveau m'importait peu, bien au
contraire je voulais varier les niveaux et expériences vis-à-vis
de la langue et du pays afin d'enrichir mon corpus de témoignages
divers, de les croiser, les questionner, les analyser, afin de tenter de
comprendre si la langue était vraiment le facteur important dans leur
intégration. Je ne m'étais pas vraiment posé la question
de la difficulté de compréhension d'une notion comme
l'intégration car je pensais pouvoir l'expliciter au cas où mes
enquêtés en ressentiraient le besoin. Confrontée à
cette difficulté, j'ai d'abord reformulé mes questions dans des
directions différentes dans l'espoir d'une réponse de leur part :
« Connaissez-vous le mot intégration ? Être bien
intégré ? Vous l'avez déjà entendu ?
L'intégration, jamais vous ne l'avez-entendu ? Être
intégré, vous connaissez ? A la télé, dans le
journal ? » mais je me suis résignée à
poursuivre pour ne pas créer trop de frustration chez ces locuteurs.
C'est seulement à ce moment là que j'ai exceptionnellement
donné ma représentation de l'intégration afin d'aider deux
enquêtés en difficulté linguistique. Dans mon analyse,
j'approfondirai ce point là en y exposant une réflexion plus
globale tout en prenant comme appui ces deux enquêtés.
GUIDE D'ENTRETIEN
Nationalité :
Nombre d'enfants :
Situation familiale :
Sexe :
Age :
Période d'arrivée en France et motif :
Situation professionnelle/ qualifications : Langues parlées et comprises
:
1/ Expliquez-moi ce que vous faisiez avant
d'arriver en France (études, travail, etc.) et ce que vous faites
maintenant.
2/ Quelles langues parlez-vous ? Quelle(s)
langue(s)parlez-vous avec votre famille, vos amis ? Dans quelles occasions ?
Avez-vous des préférences, lesquelles et pourquoi ?
3/ Où avez-vous appris le
français ? Pendant combien de temps ? Avec qui et quand le parlez-vous ?
Avez-vous des amis français ?
4/ Comment avez-vous connu l'association et
depuis combien de temps la fréquentez-vous ? Que vous apporte-t-elle ?
Fréquentez-vous d'autres lieux que cette association où vous
pouvez pratiquer le français ?
5/ Quelles sont les situations en France ou
vous éprouvez/avez éprouvé le plus de difficultés
pour vous faire comprendre ? Savez-vous pourquoi ?
6/ Qu'en est-il d'aujourd'hui : est-ce qu'il
est plus facile de vous faire comprendre ? Qu'est-ce qui vous a permis
d'avancer ou qu'est-ce qu'il vous manque pour le faire ? Quels seraient
d'après vous les moyens pour améliorer son français ? Le
faites-vous ?
7/ Selon vous, que signifie« bien parler
français » ? Pensez-vous le faire ? Pourquoi ?
8/Selon vous, que signifie l'intégration/
être« bien intégré(e) » ?
9/ Avez-vous le sentiment d'être «
bien intégré(e) » par les Français/la France ?
Qu'est-ce qui vous permet de l'affirmer ou pas ? Qu'avez- vous fait pour y
arriver ou qu'est-ce qu'il vous faudrait ?
10/ Pensez-vous qu'il est facile de
s'intégrer aujourd'hui en France? Pourquoi ? Quels conseils
donneriez-vous à une personne étrangère qui souhaite
s'intégrer en France ?
53
54
5- Recueil des données : avant, pendant et
après l'entretien
Avant l'entretien
Mon recueil de données s'est effectué de
différentes façons. Une première prise de contact a
été effectuée lors des cours où ma responsable de
stage à ce moment là, me présentait comme une
étudiante de l'université qui souhaitait interroger des
apprenantes pour mieux comprendre le métier d'enseignant de
français. Les personnes intéressées devaient m'en
informer. Hors mis une ou deux personnes volontaires, le reste était
assez méfiant et ne comprenait pas l'objet exact de mon étude.
Ils avaient également peur que je travaille pour un organisme de
l'immigration et que leurs propos soient rendus publics. J'ai du rassurer ces
personnes en prenant le temps de les connaitre et de les rencontrer un par un
pour qu'ils constatent que mon but n'était pas de les dénoncer ou
de nuire à leur anonymat.
Une fois ces réticences dissipées, j'ai fait en
sorte de trouver un créneau et un lieu qui les arrange. La plupart sont
des mères de famille qui assistent aux cours de 9h à 11h et de
14h à 16h afin de pouvoir aller récupérer leurs enfants
à l'école. Pour ces personnes, il fallait soit faire vite (10-15
min par entretien) soit attendre les vacances scolaires pour trouver un
meilleur créneau mais avec des conditions moins favorables au calme.
J'ai été voir directement ces personnes en fin de cours pour leur
demander leur accord pour m'entretenir avec eux et enregistrer tout en
insistant sur le fait qu'ils resteraient anonymes (pas de nom ni de
prénom) et que l'enregistrement ne servirait que dans un but
universitaire. Ces personnes étaient rassurées et
désiraient m'aider, ils ont tous acceptés, certaines personnes
voulant même se faire interroger pour pratiquer le français.
Pendant l'entretien
Les entretiens se sont déroulés pour la plupart
sur le lieu des cours (salles de classes, bureaux, etc.) ou à
proximité lorsque ces lieux n'étaient pas disponibles
(café, boulangeries, sur un banc, etc.). Les lieux étaient
souvent choisis au dernier moment, en fonction de mes disponibilités et
de leurs disponibilités limitées, lorsqu'une personne
était d'accord pour s'entretenir avec moi, je sautais sur l'occasion
pour réaliser l'entretien. Cela nécessitait que je sois toujours
équipée de mon guide d'entretien, de mon PC portable et d'un
microphone. Les lieux choisis n'étaient pas toujours calmes, ce qui
compliquait l'entente et la compréhension des échanges. Mes
enquêtés et moi-même étions proches afin de favoriser
la compréhension et la convivialité de l'échange. Les
questions posées ne suivaient pas toujours la chronologie du guide
d'entretien afin de privilégier le cadre d'une conversation naturelle.
Il m'est arrivé
55
de me retrouver interrompue par l'arrivée de
connaissances de l'enquêté, ces personnes attendaient à
proximité et parfois même, participaient à l'entretien, en
voulant aider la personne interrogée. Ces interruptions étaient
dues au choix des créneaux, soit avant soit après un cours. Il
m'a fallut parfois intervenir pour que l'enquêté interrogée
soit prioritaire et que son discours soit entendu. Ces personnes intervenant
faisaient partie des cours que j'animais, ils m'ont parfois servi
d'intermédiaire, lorsque je me trouvais face à une personne
nécessitant une traduction français-arabe. Les entretiens ont
duré en moyenne entre 20 à 40 minutes pour les plus bavards et
ont été effectué à partir du logiciel audacity.
Après l'entretien
Ces entretiens ont été analysés en
fonction d'une grille d'analyse (cf. tableau « critères d'analyse
» de la page suivante). Les critères suivants ont été
croisées : temps passé en France, langues parlées dans le
réseau de mes enquêtés (famille, amis, travail), exposition
au français, niveau de français et sentiment
d'intégration. Au-delà des données de l'entretien en
lui-même, certaines informations ont été recueillies
après l'entretien lors d'échanges informels. Ces informations ont
été précieuses et ont été prises en compte
avec une note le précisant. Chaque enquêté a
été codé par une lettre et un nombre correspondant
à l'âge de l'enquêté, exemple : H50. Certaines
questions ont été abordées et n'apparaissent pas sur mon
guide d'entretien mais ont bien été transcrites. Aucune
transcription phonétique des énoncés n'a été
réalisée car elle n'apporterait aucune clé de
compréhension à cette étude et qu'elle empêcherait
sa lisibilité.
Le traitement des données a nécessité une
transcription des enregistrements effectués respectant la convention
suivante :
1. L'enquêteur (moi) : caractères en gras,
pas d'italique Ex : Où avez-vous appris le français
?
2. Les enquêtés : pas de caractères
en gras, pas d'italique Ex : Au Maroc au début
|
J'ai fait le choix de ne pas utiliser d'italique pour les
transcriptions car cela m'a semblé faciliter la lecture des
énoncés. Par contre au sein de mon analyse, j'ai estimé
qu'il était nécessaire de bien distinguer les
énoncés des enquêtés alors, l'utilisation de
l'italique et des guillemets a été nécessaire sauf pour
les énoncés situés dans un tableau car ils se
démarquent de manière claire.
56
E N Q
U Ê T É
S
|
CRITERES D'ANALYSE
|
Temps passé en France
|
Langues parlées dans
le réseau (familial, amical, professionnel)
|
Exposition
au français (fréquence, lieux, personnes,
etc.)
|
Niveau de
français
(CECRL)
|
Sentiment
d'intégration (d'après les énoncés
des enquêtés)
|
A34
|
2 ans
|
Arabe marocain Français
|
-Travail
-OGA(2 /semaine)
|
A.1.1
|
pour moi [...] je pense, beaucoup de manque
|
F42
|
11 ans
|
Arabe marocain Tamazigh
|
-Associations (4 x/ semaine) -1 voisine
|
B1
|
Pas encore [...] je sais pas
|
G40
|
6 ans
|
Français
|
-Amis, compagnon -Association (4 x/semaine) -Travail
|
B1
|
ça dépend des personnes [...] par la
France, je n'ai pas de problèmes
|
H50
|
1 an
|
Arabe fusha Français
|
-Associations (tous les jours) -Famille
|
B1
|
c'est un peu difficile [ ...] l'intégration n'est
pas difficile pour moi jusqu'à maintenant
|
H37
|
16 ans
|
Arabe marocain Français
|
-OGA
(2 x/semaine) -1 amie
|
B1
|
je fais ma possibilité [...] si on
est quelqu'un de bien pourquoi pas
|
K43
|
9 ans
|
Arabe marocain Français
|
-OGA
(2 x par semaine)
|
B1
|
je sais pas si moi est-ce que je suis intégrée
ou non
|
M30
|
8 ans
|
Arabe marocain Français
|
-OGA (4 x/semaine)
|
A.1.1
|
oui, oui, oui,
|
R46
|
1 an
|
Arabe marocain Français
|
-OGA
(2 x/semaine)
|
B1
|
Oui, oui
[...]je sens bien ici
|
R47
|
26
|
Arabe marocain Berbère
Français
|
-OGA
(2 x/semaine) -Enfants, Mari
|
B1
|
oui, moi je
peux pas si on me dit « vas-y au Maroc »
|
57
III- ANALYSE
CHAPITRE I : LES PARCOURS SOCIOLINGUISTIQUES DE
MIGRATION
Les personnes ayant immigré en France possèdent
des motifs d'arrivée différents. Il est important de comprendre
les raisons qui les ont poussés à émigrer pour mieux
comprendre leur quotidien en France ainsi que les éventuelles
difficultés auxquelles ils sont confrontés car ils ont une
influence plus ou moins directe sur leur parcours d'apprentissage du
français. En effet, si l'apprentissage du FLE/FLS pour un apprenant
(hors parcours de migration) relève d'un acte motivé par des
raisons d'enrichissement intellectuel, professionnel ou touristique,
(Barthélémy et al., 2011 : 111), pour les migrants en
France, les motivations sont différentes et déterminantes pour
leur futur dans ce pays car ils « arrivent le plus
généralement contraints ou forcés (raisons familiales,
économiques, politiques...) » (Ibid. : 111).
C'est pour cela qu'il me semble pertinent d'analyser en amont
les motifs de départs de ces migrants car ils peuvent m'éclairer
sur le rôle que joue l'apprentissage du français au sein de leur
processus d'intégration.
I-1 Les motifs de migration
1.1 La difficulté de catégoriser les
départs de mes enquêtés
Comme je l'ai précisé dans ma partie
théorique, mes enquêtés sont issus de migrations
économiques et politiques et non pas touristiques. Il est par contre
difficile de juger du caractère volontaire ou forcé du
départ de leur pays d'origine. En effet, si pour certains il est clair
qu'il s'agit d'un cas de migration forcée (H50) car
motivé par la fuite d'une guerre, pour les autres (F42, H37,
K43, M30, R46, R47, A34, G40), il est parfois difficile de les
positionner dans la catégorie « migration volontaire ». Si je
m'en tiens à ma théorie qui qualifie la migration volontaire de
« départ préparé et organisé » alors oui,
je peux qualifier ces départs de volontaires car : « la
décision d'émigrer a été prise dans le cadre d'une
situation non extrême, où elles [les familles] ont eu au moins le
temps de préparer le déménagement » (Barudy,
1992 : 55). Aussi, je peux dire que ces familles avaient pour stratégie
commune l'amélioration de leurs conditions de vie (Ibid. :
55).
Cependant, lorsqu'il s'agit de migrants dont le départ
est certes volontaire mais motivé par des raisons parfois similaires
à celles de la migration forcée car « il s'agit de
perturbations qui, par leur intensité ou leur durée, sont
ressenties comme une catastrophe pour les membres de la famille »
(Ibid. : 53), comment est-il possible de les positionner ? Ces
58
catégories préétablies m'ont fait prendre
conscience de la difficulté de traiter dans le cadre de mon analyse de
la diversité des parcours de migration existants. Cette
difficulté réside dans l'objet même des sciences humaines
et sociales qui vise de manière générale à
étudier les êtres humains et leurs expériences. Il est donc
juste de rappeler ici que mon analyse visera au mieux la prise en compte de la
pluralité et de la complexité des parcours respectifs de mes
enquêtés sans prétendre à l'exhaustivité.
Après avoir évoqué ces obstacles,
j'aimerais désormais aborder les parcours de migration respectifs de mes
enquêtés en évoquant le cas particulier d'un apprenant
(A34), dont le motif départ souligne ces
difficultés de catégorisation.
1.2 Les parcours de migration en détail et
l'exemple du cas A34 : une migration économique et sociale volontaire
?
Comme je viens de l'évoquer, positionner une personne
dans une catégorie préétablie peut semer la confusion. En
effet, les catégories que j'ai pu définir dans ma théorie
: migration volontaire et migration forcée, ne m'ont pas permis de
positionner tous mes enquêtés de manière cohérente.
J'aimerais exemplifier par le cas d'un migrant dont le motif retenu est celui
d'une migration économique et sociale (A34) (cf.
colonne 4 du tableau 1, ci-dessous).
Désormais, je vais expliquer plus en détail,
à partir du tableau ci-dessous, la perplexité dans laquelle j'ai
été plongée au moment où j'ai voulu placer mes
enquêtés dans des « cases ». Ces catégories ont
été créés à partir des motifs
d'arrivée recensées par mes enquêtés.
Tableau 1 : les motifs de
migration
Motifs de migration
|
Réfugiée politique
|
Professionnel
|
Regroupement familial
|
Economique et social
|
Enquêtés
|
1150
|
G40
|
F42, 1137, K43, M30, R46, R47
|
A34
|
Ces motifs ont été recueillis dès le
début de l'entretien, lors de la première question
énoncée : 1/ Expliquez-moi ce que vous faisiez avant
d'arriver en France (études, travail, etc.) et ce que vous faites
maintenant ? et proviennent également d'un recueil
d'informations post-entretien. Il m'a semblé essentiel de commencer par
ces éléments tout d'abord pour éviter d'entrer dans le vif
du sujet épineux de l'intégration mais aussi afin de
59
mieux appréhender les parcours personnels de mes
apprenants. En effet, je montrerai plus tard que ces motifs permettent
d'établir des liens de compréhension avec leurs parcours
d'apprenants en France et de croiser certaines variables. Ci-dessous, un
complément d'informations permettant d'éclairer les motifs de
migration de chaque enquêté présenté dans le
tableau 1 et exposant un bref état de leur situation
actuelle :
- La première colonne prend en compte
le motif de départ de mon enquêtée H50, il
s'agit du cas isolé d'une femme libanaise de 50 ans ayant fui la guerre
dans son pays natal avec ses 3 enfants il y a 2 ans. H50 a
été scolarisé jusqu'en terminale. Elle était en
activité dans son pays d'origine en tant que professeure de
mathématiques dans le primaire. A son arrivée en France, elle a
effectué une demande de statut de réfugié politique qui a
été refusée mais elle a actuellement engagé un
recours. Cette enquêtée est un cas de migration forcée pour
les raisons expliquées plus haut.
- La deuxième colonne traite du cas de
G40, brésilienne de 40 ans arrivée il y a 6 ans
en France par le biais d'une association franco brésilienne dans le
cadre d'un projet professionnel de partage des pratiques. Elle était
danseuse et animatrice dans son pays d'origine et l'est toujours ici en France.
G40 s'est mariée avec un Français pendant cette
période et dispose actuellement de la carte de séjour. Elle est
aujourd'hui officiellement divorcée et célibataire. G40
est un cas de migration volontaire car il s'agit d'une démarche
d'immigration anticipée, voulue et préparée.
- La troisième colonne traite des cas
de 6 migrantes entre 30 et 47 ans, arrivées du Maroc pour la
majorité il y a au minimum 8 ans de cela et au maximum il y a 26 ans
(F42, H37, K43, M30, R47). Elles ont toutes
bénéficié du dispositif de regroupement
familial10grâce au travail de leur mari respectif en France,
sauf pour le cas particulier de R46, arrivée il y a 1 an par le biais
d'une carte de séjour espagnole mais dont l'objectif reste
néanmoins similaire à celui des autres migrantes citées
précédemment : rejoindre un mari ou un autre membre de leur
famille. La majorité de ces enquêtées ont
arrêté leur scolarité de manière précoce : au
collège (F42, H37, K43, M30,
R46) ou au primaire (R47) et se sont
mariées à la suite de cette rupture scolaire. Elles sont
actuellement pour la majorité sans emploi, parfois sans raison explicite
(F42), pour
10Le regroupement familial est la
possibilité pour un étranger non européen, titulaire d'une
carte de séjour en France, d'être rejoint par son époux et
ses enfants :
https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F11166
60
d'autres du fait de la présence d'enfants en bas
âge à garder (H37 et M30), de
contraintes légales (R46 est sans papier) ou de
contraintes physiques (R47 est en arrêt maladie). Seule
K43 a récemment été employée
à temps partiel en tant qu'agent de propreté.
- La quatrième colonne traite du cas
de A34, un homme marocain de 34 ans arrivé il y a 2 ans
grâce à un visa touriste. Il a depuis décidé de
prolonger son séjour en France au-delà du délai
légal. Il est actuellement sans-papiers. A34 est
célibataire et n'a aucune famille en France. Il a été
scolarisé jusqu'au primaire au Maroc et a commencé à
travailler à l'âge de 10 ans. Il était chauffeur de camion
et peintre dans son pays d'origine et est aujourd'hui dans la continuité
de son activité précédente de peintre en bâtiments
et dans la réalisation de travaux d'entretien et de
réparation.
C'est précisément cette dernière colonne
qui m'a interpellée. Elle a été particulièrement
l'objet de doutes quant au caractère volontaire ou pas de son
immigration. En effet, il est difficile de juger pour ce cas du degré
d'anticipation et de préparation du voyage d'immigration. A34
venu en tant que touriste avait-il anticipé de rester en France
ou pas ? Aurait-il été contraint de quitter son pays s'il n'avait
pas eu à faire à la corruption et à la misère
économique de sa situation là-bas ? En effet les informations
recueillies après l'entretien avec A34 semblent
indiquer que l'enquêté était excédé par la
situation économique et sociale de son pays d'origine et me laisse donc
supposer qu'il avait anticipé de rester en France mais aucune
affirmation de sa part ne me permet de déclarer qu'il s'agit bien d'une
migration volontaire.
Les propos recueillis hors entretien (directement
auprès de lui mais aussi auprès de la responsable chargée
des tests d'entrée) m'ont laissée penser que son départ a
été motivé par une situation qu'il estimait extrême.
A34 m'a clairement énoncé que sa situation
personnelle dans son pays d'origine était devenue insupportable et qu'il
n'envisageait aucun avenir là-bas. Ce cas m'a amené à
reconsidérer ces catégories de migration volontaire /vs/
forcée car il est difficile de placer selon des critères
prédéfinis tous mes enquêtés. En effet, ce que l'on
suppose comme volontaire peut ne pas toujours l'être : il m'était
impossible de comprendre avant de prendre connaissance de son histoire qu'il
s'agissait d'un cas de migration forcée et non volontaire.
La situation de ce cas particulier me permet de
réaliser toute la difficulté d'associer un cas théorique
à un cas pratique et le recul nécessaire à adopter face
à nos enseignements
61
théoriques. Il est également important de
souligner la nécessaire adaptation à avoir en tant qu'enseignant
de FLE/FLS face à son contexte d'apprentissage. Il m'est aussi possible,
par ce cas, d'appuyer toute la subjectivité des constructions de
catégories visant à répertorier les êtres humains
dans des cases, comme je l'ai précisé dans ma
théorie11, à propos de la catégorisation du
français en vue de son enseignement :
« les catégories suivantes f...] ne peuvent
pas être considérées comme des catégories
exclusivement objectives f...], mais doivent être aussi vues comme
subjectivement construites » (Goi & Huver, 2012 : 25).
Les parcours de migration ainsi évoqués nous ont
permis de tracer les itinéraires physiques de mes enquêtés
depuis leur pays d'origine à leur pays de migration (la France). Voyons
désormais comment ces parcours migratoires se traduisent au niveau
linguistique : quelles sont les langues en usage chez mes
enquêtés, comment celles-ci interagissent entre elles, comment
témoignent-elles des parcours de vie de ces personnes et des
réseaux existants et quels en sont les aspects identitaires que l'on
retrouve.
I-2 Les langues en usage et leurs contextes d'utilisation
1.1 Une démarche préconisée par le
CECRL
Les motifs de migration précédemment
évoqués ont poussé mes enquêtés à
quitter leur pays. Que ces départs soient récents ou lointains,
ils ont emporté et conservé ces langues avec eux. Ces langues
sont le reflet de parcours d'apprentissage divers, en contexte scolaire ou non,
et peuvent permettre aux formateurs de mieux comprendre le parcours
d'apprentissage actuel de leurs apprenants. Ainsi cette partie vise à
analyser les réponses liées à la deuxième et
à la troisième question de mon guide d'entretien :
2/ Quelles langues parlez-vous ? Quelle(s) langue(s)
parlez-vous avec votre famille, vos amis ? Dans quelles occasions ? Avez-vous
des préférences, lesquelles et pourquoi ?
3/ Où avez-vous appris le français ?
Pendant combien de temps ? Avec qui et quand le parlez-vous ? Avez-vous des
amis français ?
Ces questions pourraient s'apparenter à une
brève biographie langagière (ici réalisée à
l'oral) telle qu'elle est recommandée dans le CECRL car elle favorise la
réflexion et la prise de conscience de l'apprenant sur ses
apprentissages et lui permet de : « présenter son
bagage
11Se référer à la partie :
I/LANGUES(S) ET ENSEIGNEMENT, I-1 Enseigner le français
: une nécessaire adaptation, 1.1 Catégoriser le français
pour mieux cerner son public.
62
linguistique et culturel et réfléchir sur ce
bagage, par exemple la/les langue(s) de la famille, le voisinage, etc. »
(Conseil de l'Europe)12.
Ce moyen de retracer brièvement les parcours
sociolinguistiques de mes enquêtés est selon moi, une étape
nécessaire pour améliorer l'arrivée d'un migrant dans un
centre de formation. Ce dernier dispose bien souvent de ressources enfouies car
il a un passé qui implique bien souvent un bagage linguistique pluriel,
une scolarité plus ou moins longue, un contact plus ou moins approfondi
avec le français, etc. autant de facteurs qu'il est important de prendre
en compte pour faciliter l'enseignement et l'apprentissage de la nouvelle
langue. Cette biographie langagière traditionnellement effectuée
à l'écrit pourrait très bien se faire à l'oral pour
s'adapter aux niveaux débutants comme c'était le cas de certains
de mes enquêtés. Elle constituerait un outil indispensable au
formateur mais aussi à l'apprenant qui se sentirait
considéré car la biographie langagière lui permet de :
« mentionner ce qu'il sait faire dans chaque
langue, ainsi que les expériences linguistiques,
culturelles et d'apprentissages vécus dans le contexte
éducatif formel ou en dehors de celui-ci. Il est organisé de
manière à promouvoir le plurilinguisme,
c'est-à-dire le développement des compétences dans
plusieurs langues » (Conseil de l'Europe)13.
Le but de ces questions visait à connaître en
premier lieu de manière générale les langues
apprises/parlées par mes enquêtés. Le tableau 2
(ci-dessous) répertorie les langues que mes
enquêtés utilisent quotidiennement ou quasi quotidiennement, on
constate que le français et l'arabe marocain représentent les
langues majoritairement parlées par mes enquêtés : soit 7
enquêtés sur 9, mais il y a aussi des langues parlées plus
occasionnellement comme l'arabe classique/fusha14, le
berbère/tamazigh15, le portugais, l'anglais et le turc. Ces
profils révèlent le (bi)plurilinguisme avéré de
l'ensemble de mes enquêtés si l'on s'en tient à
définir le bilinguisme « comme l'utilisation
régulière de deux langues dans la vie quotidienne »
(Cavalli, 2003 : 267). Les dénominations sont le fait des
enquêtés :
12
http://www.coe.int/fr/web/portfolio/the-language-biography
13
http://www.coe.int/fr/web/portfolio/the-language-biography
14Aussi nommée « arabe littéraire
ou littéral »ou « standard ».
15Aussi nommée « langue amazighe
», il s'agit ici de la 2ème langue officielle du Maroc
depuis juillet 2011 (après l'arabe).
63
Tableau 2 : langues en usage
Langues
|
Français
|
Arabe marocain
|
Arabe classique /fusha
|
Berbère/ Tamazigh (Maroc)
|
Portugais
|
Anglais
|
Turc
|
Enquêtés
|
Tous
|
A34,
|
1150,
|
F42,
|
G40
|
1150
|
1150
|
|
|
F42,
|
1137,
|
R47
|
|
|
|
|
|
1137,
|
M30
|
|
|
|
|
|
|
K43,
|
|
|
|
|
|
|
|
M30,
|
|
|
|
|
|
|
|
R46, R47
|
|
|
|
|
|
1.2 L'arabe marocain et l'arabe
classique/fusha
L'arabe marocain a été cité par la
majorité de mes enquêtés (7 sur 9). Il constitue la langue
dominante de mon corpus et reflète également la langue
majoritairement parlée des publics fréquentant l'association OGA.
Cette langue est considérée comme une variété
dialectale de l'arabe, elle est également appelée « darija
» et dispose au Maroc d'un statut de fait, car elle n'est pas
considérée comme une langue officielle contrairement à
l'arabe dit classique qui dispose quant à elle d'un statut de droit
(Messaoudi, 2013 : 6). L'arabe marocain est l'une des langues primaires de
socialisation de ces enquêtés et il est quotidiennement
parlé. L'arabe classique constitue « une variété
savante [...] ce n'est pas une langue parlée spontanément par
tous les citoyens » (Ibid. : 6), elle n'est pas la langue
parlée par le peuple bien qu'elle soit considérée comme la
langue officielle. L'arabe dit classique est au Maroc : « à la
fois langue officielle des institutions publiques, langue liturgique de
l'Islam, langue de communication écrite et langue d'enseignement. »
(Massacret & Jeansoulin, 1998 : 61).Afin de renforcer cette
affirmation, une enquêtée définit l'arabe classique comme
: « l'arabe des étudiants, c'est l'arabe,
c'est pas comme qu'est-ce qu'on parle naturel, y'a un arabe des
étudiants comme on écrit et tout, ça c'est l'arabe de tous
les pays « Egyptiens » et tout » (H37). En
effet, cette langue n'a été citée qu'à 3 reprises
comme langue parlée par mes enquêtés mais il m'a
semblé pertinent de soulever les aspects diglossiques (Ferguson, 1959)
de ce rapport entre l'arabe classique considéré comme
variété haute et l'arabe marocain considéré comme
variété basse car j'analyserai plus tard ce rapport
hiérarchique qui se retrouve aussi avec le français.
64
Désormais, j'aimerais analyser le cas du
français, une langue qui n'a été citée qu'à
2 reprises par mes enquêtés comme langue effectivement
parlée. Il semble intéressant de se pencher sur les raisons de
ces omissions.
1.3 Le français : une langue d'usage
inconsciente
Le français n'a été que très
rarement cité comme langue parlée par mes enquêtées.
Bien qu'il apparaisse dans le tableau 2 comme langue d'usage
par tous, il n'a pas toujours été une langue d'usage
énoncée clairement par mes enquêtés, à
l'exception de G40 et de R46. J'ai fait le
choix de faire apparaitre le français dans ce tableau car j'ai
estimé, d'après mes observations de cours et lors de mes
entretiens divers avec eux, que le français est une langue qu'ils
utilisent effectivement, même si mes enquêtés ne l'ont pas
évoqué. En ce qui concerne les autres enquêtés, il a
fallu insister en évoquant les contextes et les interlocuteurs :
Et avec les amis ? La famille ? Les enfants ? Pas d'autres langues
? Français aussi ? D'autres langues aussi ? l'arabe, juste l'arabe ?
afin qu'ils réalisent que le français est aussi une
langue qu'ils parlent, même peu voire très peu et avec des
difficultés mais elle reste tout de même une langue dite
véhiculaire16, un moyen de communication servant de langue
commune entre des usagers de langues premières de socialisation
différentes :
A34 : français aussi, un peu.
|
H50 : je commence de parler en
français
|
H37 : on mélange un peu avec le
français [...] je parle avec elle le français, 1 fois par
semaine, 2 fois par semaine, elle vient le mardi et le jeudi
|
M30 : oui un peu de français
|
R46 : ici on parle en français un
petit peu
|
16 « Les langues
véhiculaires sont celles que [...] des individus
séparés par leurs variétés adoptent
momentanément pour favoriser leurs échanges » (Klinkenberg,
1999 : 72)
65
Pour d'autres, le français n'apparait même pas
dans leur réponse (F42 et K43) ou comme étant la
solution ultime de communication avec son entourage :
R47 : ceux qui sont arabes qui parlent
l'arabe je parle l'arabe, ceux qui sont berbères je parle le
berbère, ceux qui savent pas je parle le français
F42 : quand je parle avec les enfants de
mon frère je parle en français parce qu'ils ne parlent pas
arabe
H50 : il faut t'obliger de parler le
français ils ou elles parlent l'arabe mais je ne le comprends pas parce
que l'accent est très difficile pour moi, oui et je parle la langue
française
Ces éléments m'ont amené à
m'interroger sur les raisons de l'inconscience de l'usage d'une langue qu'ils
parlent effectivement. Les raisons ont été très vite
explicitées par mes enquêtés par la suite et c'est ce qui
m'a permis de comprendre ce manque de conscientisation. Dans le chapitre qui
suit, il sera question des effets causés par l'idéalisation d'une
norme linguistique et du phénomène d'insécurité
linguistique : un sentiment qui caractérise l'état dans lequel se
trouvent mes enquêtés et qui constitue l'une des raisons de cette
inconscience.
CHAPITRE II : LES EFFETS DE L'IDEALISATION DE LA NORME
LINGUISTIQUE
Dans la partie précédente les différents
parcours sociolinguistiques de migration de mes enquêtés ont
été traités. Les motifs d'arrivée ainsi que les
langues en usage et leurs contextes d'utilisation ont été
analysés. Désormais, j'aimerais poursuivre mon analyse sur le
rapport étroit entretenu entre les notions de langue(s) et de norme(s)
en y abordant les enjeux en termes de didactique du FLE/FLS. Il m'a
été difficile d'éviter un tel rapprochement car la notion
de norme régit les pratiques langagières de mes
enquêtés au quotidien et celles de leurs interlocuteurs car :
« les rapports à la norme et à
l'autorité sont assez clairement liés aux
rapport sociaux » (de Robillard, 2008 : 14) mais
aussi plus largement celles de nos pratiques d'enseignement car : « la
conception de la norme linguistique se manifeste à tous les
stades du système d'enseignement français, avec des
conséquences formatives diverses » (Debono,
2010 : 89). Je pense qu'en tant qu'enseignants de FLE/FLS, il est
nécessaire de prendre conscience des enjeux du poids de ces normes, que
ce soit pour nous orienter vers telle ou
66
telle approche d'enseignement d'une langue ou pour nous aider
à mieux comprendre nos apprenants et leurs frustrations au quotidien
:
M30 : c'est difficile, j'ai pas content, je
veux parler beaucoup français
|
|
R46 : quand je sors, je me dis « et
pourquoi je vais lui dire ça et ça et pourquoi je ne lui
|
dis rien » ça bloque [...J j'ai un petit peu ma
tête, elle a bloqué [...] je suis un peu en
|
colère
|
|
F42 : je sens pas bien quand les autres me
pas bien comprendre [...] quand je veux
|
expliquer quelque chose [...] pour moi c'est trop
difficile
|
|
K43 : j'arrive pas à dire qu'est-ce
que je veux dire, j'arrive pas à expliquer les gens
|
qu'est-ce que je veux dire
|
|
R47 : il a beaucoup de choses à dire
mais il arrive pas [...] dans sa tête eh beh il est pas
|
bien [...] je trouve c'est très dur [...] je connais
une femme elle a pleuré, elle peut pas
|
parler et pour expliquer
|
J'ai évoqué dans ma partie théorique, les
différentes façons de catégoriser une même langue :
le français. Aussi, j'ai pu montrer que la conception de la langue
diverge selon les approches scientifiques. S'il est clair pour moi que cette
langue est le terrain de variations langagières et qu'elle ne constitue
pas un objet idéal qui exclut la parole du locuteur, ce n'est pas
toujours évident de l'envisager ainsi. En tant qu'enseignant de FLE/FLS,
je pense qu'il est important d'accueillir les variétés de
langue(s) offertes par nos apprenants et de savoir se rendre flexibles face
à ces pratiques langagières.
Approcher la relation langue(s)/norme(s), c'est aussi
approcher pour moi l'importance que nous sommes censés donner, en tant
qu'enseignants, aux langues des apprenants dans les cours de FLE/FLS et de
manière plus large au sein de la société. Cette
réflexion me permettra d'apporter des clés de
compréhension au rôle que jouent l'enseignement et l'apprentissage
du français au sein du processus d'intégration de mes apprenants.
Ce deuxième chapitre de mon analyse abordera dans un premier temps, les
effets de l'idéalisation de la norme linguistique
(II-1), puis dans un second temps, j'entrerai dans le terrain
de la pratique du français de mes enquêtés en abordant
leurs stratégies de contournement et/ou d'affrontement de la norme
(II 2).
II-1 Le pouvoir de la norme
67
J'ai pu traiter dans ma théorie, de la
complexité de définir ce qu'est une langue. Une difficulté
qui est due au fait qu'il n'existe pas de langue unique mais des langues. Si
définition il existe, il y a forcément un enjeu politique,
philosophique ou religieux derrière. Cette partie vise à
démontrer la difficulté pour mes apprenants de s'identifier
à un modèle normatif de langue unique et des effets
engendrés par la prégnance de cette norme.
1.1- Des relations diglossiques entre les langues :
le cas de l'arabe et du français
Les parties précédentes m'ont permis d'affirmer
que mes enquêtés sont bi(plurilingues) car ils parlent plusieurs
langues et que celles-ci se côtoient quotidiennement,
caractéristiques qui rejoignent, ce que j'entends par bilinguisme :
« utilisation régulière de deux langues dans la vie
» (Cavalli 2003 : 267). J'ai pu constater de manière
brève, car ce n'était pas l'objet premier de mes interviews, que
certains propos de mes enquêtés soulèvent, une relation
hiérarchique entre l'arabe qu'ils parlent quotidiennement : l'arabe
marocain, et l'arabe qu'ils ont appris mais qu'ils n'utilisent presque pas :
l'arabe classique17 : « l'arabe des étudiants c'est
l'arabe, c'est pas comme qu'est-ce qu'on parle naturel, y'a un arabe
des étudiants comme on écrit et tout, ça c'est
l'arabe de tous les pays » (H37).
Ce rapport qui a été explicité plus
tôt m'a permis d'utiliser le concept de diglossie (Ferguson, 1959),
largement inspiré par la situation sociolinguistique des pays du Maghreb
(Biichlé, 2007 : 65). Effectivement, mes enquêtés sont pour
la majorité (7 sur 9) originaires de pays du Maghreb où le
concept de diglossie fait sens car il résulte assez directement des
contextes plurilingues de ces pays (Ibid : 3).
Il m'a paru important de m'interroger sur le contexte
sociolinguistique dans lequel mes enquêtés et moi-même nous
trouvons, car il influence, de loin ou de près, nos
représentations mais ceux aussi des acteurs sur le terrain de la
formation linguistique. D'autant plus que la France, offre un terrain
particulier en termes de politique linguistique car elle représente :
l'un des premiers États occidentaux à avoir établi et
maintenu un ensemble de dispositifs tendant à
homogénéiser les pratiques linguistiques sur son
territoire depuis une époque déjà ancienne
(Harguindeguy & Alistair, 2009 : 939). Par comparaison, les
pays voisins (Suisse, Belgique, Espagne et Italie) ont tous favorisé la
pluralité linguistique (Ibid. : 939). Cependant, bien que la
France soit une société prétendument « unilingue
», il n'en reste pas moins que la variation existe aussi dans ce type de
contexte (Haugen, 1962), car le « paysage linguistique »
17 I-2 Les langues en usage
et leurs contextes d'utilisation 1.2 L'arabe marocain et l'arabe
classique/fusha
68
n'a pas grand-chose à voir avec la « situation
linguistique » (Manzano, 2003 : 54). Il me semble alors
approprié de fouiller dans cette direction.
C'est dans ce sens que j'estime qu'il est possible
d'établir une relation de type diglossique pour le français. Il y
a bien, selon moi, une séparation/un écart entre le
français de mes enquêtés (et de ceux de beaucoup de
migrants en situation d'apprentissage, de français illettrés,
etc.) que je considère comme la variété basse, et le
français de référence que mes enquêtés
retrouvent auprès des administrations, des centres de formation, etc.
qu'il est possible de considérer comme la variété haute.
Je pense que cette situation mérite d'être analysée et que
l'on peut y voir une forme de car :
« Un tel principe de définition
s'applique certes à la situation française (il y
a bien du « high » et du « low », du « restreint
» et de « l'élaboré » etc.). Mais au fond, ce qui
est le plus typiquement français c'est bien la séparation
radicale du français (langue supra locale de culture, de pouvoir et
d'État) et des usages locaux, triviaux, réels,
de la langue » (Manzano, 2003 : 53).
C'est à travers la question n° 5
de mon guide d'entretien : Quelles sont les situations en
France ou vous éprouvez/avez éprouvé le plus de
difficultés pour vous faire comprendre ? Savez-vous pourquoi ?,
que j'ai pu recueillir des situations où leur
variété de français a posé des problèmes de
compréhension, et où un rapport hiérarchique entre leur
parler et celui de leur interlocuteur s'est établi :
R46 : quand je pars chez un docteur, je
parle français mais lui il ne comprend pas ce que je dis,
|
je lui explique mais il ne comprend pas
|
F42 : quand je veux expliquer quelque chose
au téléphone [...] Y'a des gens qui me disent
|
`qu'est-ce que vous dites ?'
|
|
G40 : quand tu es témoin d'une
injustice [...] ils se servent comme tu es étrangère, que tu
ne
|
parles pas bien le français pour t'écarter du
chemin,
|
|
H50 : ils savent que je suis
étrangère, c'est difficile pour parler le français, pour
comprendre
|
tout ce qu'ils veulent dire (à la banque)
|
|
R47 : pour les banques [...] et des fois
pour faire mes papiers [...] j'aimerais bien parler le
|
français [...] je suis étranger quand
même comme beaucoup de gens
|
|
Je constate que l'écart entre leur français et
celui de leurs interlocuteurs est ressenti par leurs interlocuteurs qui
manifestent leur incompréhension aux enquêtés : «
y'a des gens qui
69
me disent `qu'est-ce que vous dites ?' »
(F42) « il ne comprend pas ce que je dis
» (R46). Cette incompréhension avouée
verbalement ou de manière sous-entendue par leurs interlocuteurs
représente un signe qu'il existe déjà une
différence entre ces 2 français pratiqués. Les pratiques
de mes enquêtés sont parfois si différentes que les autres
locuteurs s'en écartent ou les ignore, ils semblent alors ne pouvoir
trouver d'écho que dans l'indifférence ou dans leur
différence :
« j'étais comme on dit « un intru
», je peux pas parler pour mes droits [...] quelqu'un qui sait pas parler
en français c'est dur pour lui parler (R47),
« y'a personne qui parle avec moi [...] Non,
juste vous ici [...] Ils ont pas le temps »
(K43), « ils ont besoin que tu restes toute
petite [...] ils me font penser que je suis
transparente (G40) « ils savent
que je suis étrangère, c'est difficile pour parler le
français » (H50) « ils ont pas
l'habitude de parler avec les autres qui ont des difficultés de la
langue » (F42).
Des paroles qui confirment bien l'accueil
réservé aux pratiques que je qualifierais de « hors-normes
» :
« Quand elles ne font pas l'objet d'une pure et
simple ignorance, les autres pratiques y sont
traditionnellement reçues par leur seule différence.
Cette différence est affirmée par les
déclarations sur le caractère incompréhensible
ou résolument exotique de ces
pratiques » (Larrivée, 2006 : 103).
Je voudrais désormais dans la partie qui suit, aborder
les répercussions d'une hiérarchie entre les langues en usage au
sein d'un même espace géographique. Des répercussions qui
affectent l'identité de mes enquêtés car des liens profonds
existent entre les notions de langue(s) et d'identité(s) : « La
langue fait partie intégrante de notre identité
» (Tsokalidou, 2009 : 195). Ainsi, si leur usage du français
est considéré par la société d'immigration comme
étant incompréhensible, trop différent voire inexistant
car non reconnue : « figurent au bas de
l'échelle, les variétés ou « non
langues » B (la « vraie » langue
étant le français), que l'on utilise quotidiennement
dans une sphère que l'on peut qualifier d'ordinaire »
(Manzano, 2003 : 53), qu'en-est-il de l'impact sur l'identité de
ces personnes ?
La partie qui suit me permettra de poursuivre dans cette
direction et de questionner les effets d'une hiérarchie des langues sur
l'identité de mes enquêtés.
1.2- Des relations hiérarchiques entre les
identités : la norme comme indicateur de positionnement
identitaire
70
J'ai essayé de montrer l'existence d'une relation de
type diglossique pour ce qui touche à la pratique du français.
J'aimerais désormais faire un parallèle entre cette
hiérarchie au niveau de la langue et celle qui s'opère au niveau
de l'identité de mes enquêtés. Ainsi, s'il est
indéniable que les langues pratiquées par un locuteur ont des
liens forts avec l'identité18 de celui-ci : « Les
langues sont des symboles d'identité ; elles sont
utilisées par leurs locuteurs pour marquer leurs
identités » (Byram, 2006 : 5), il semble alors
intéressant de se pencher sur ce volet.
Mes enquêtés sont tous issus de l'immigration, il
parait aussi pertinent d'évoquer les particularités de ces
mouvements en termes d'identité. En effet, des changements importants
sont impliqués dans ces mouvements migratoires et affectent
l'identité de ces personnes : le climat, la nourriture, les habitudes
vestimentaires, etc. mais aussi et surtout la langue. Ces nouveautés
font que la migration reste « par excellence un lieu de conflit
identitaire » (Lüdi, 1995 : 242) pour mes enquêtés,
car elle implique « une nouvelle manière de communiquer, de se
définir soi-même par rapport au monde » (Lüdi &
Py, 1986 : 56). Cette transition entre deux cultures et donc deux langues n'est
pas anodine car elle affecte non seulement les langues de mes
enquêtés, mais aussi leur identité. Une situation
d'entre-deux culturel qui favorise ainsi l'insécurité identitaire
(Van den Avenne, 2002 & Blanchet, 2007 : 25) et nécessite pour les
formateurs de FLE/FLS de s'intéresser à la culture de leurs
apprenants et de prendre en compte certaines caractéristiques
culturelles, celles de l'apprenant:
H50 : on a des coutumes
limitées, des traditions limitées oui, si je suis très
ouverte mais je mets ma limite [...] pour rester dans mes coutumes
».
Il est important de rappeler que les publics présents
dans les cours de FLE/FLS sont issus de cultures plus ou moins
éloignées les unes des autres et que le rôle de
l'enseignant consiste aussi à pondérer ces écarts à
la norme culturelle et linguistique en apportant des réponses aux
interrogations des apprenants :
18 Je rappelle que le choix de la lexie «
identité » au singulier, est volontaire et renvoie à une
identité que j'entends plurielle par essence car elle correspond
à une « « multi-appartenance » du fait de notre
âge, notre sexe, notre profession, de notre classe sociale, etc. »
(Charaudeau, 2009 : 3).
Se référer à : II/ LANGUE(s) ET
POUVOIR, II-2 Enjeux liés à l'identité, 1.1
Interagir : un moyen de définir à la fois notre identité
et notre altérité
71
R47 : y'en a quelqu'un qui me dit faut
pas tutoyer mais moi j'aimerais bien quelqu'un qui me dit voilà
« vous » c'est quelqu'un qui est plus grand [...] on fait
rentrer des choses au moins il faut que je progresse pour parler bien bien
le contexte
F42 : c'est pas que la langue, il y a
aussi le culturel, tu comprends la fonction [...] ça me permet
qu'est-ce que je veux ou veux pas faire [...] qu'est-ce qu'ils
demandent les autres
Je pense qu'enseigner le français à
l'étranger sous-tend une responsabilité encore plus importante de
la part de l'enseignant car en tant que « représentant de la langue
française », l'enseignant est aussi considéré comme
un « représentant de la culture française » car
« la langue et la culture dépendent l'une de l'autre »
(Leth Andersen, 2009 : 84) il semble alors essentiel de véhiculer
une représentation de cette culture des plus actualisées et
authentiques que possible dans nos cours afin de ne pas contribuer encore plus
aux écarts et chamboulements culturels des apprenants :
G40 : c'est particulier,
c'est pas comme mon pays par exemple [...] « tiens je vais aller
chez ma copine et je vais boire un café ou une bière » mais
je n'appelle pas et j'arrive comme ça mais ici il faut appeler, voir
si la personne est disponible, si la personne est de bonne humeur,si elle veut
bien te voir, tu vois y'a trop cet alignement
(barrière)
R47 : avant c'est vrai [...]
j'étais pas bien moralement [...] j'étais comme on dit
« un intru » [...] parce que c'est dur les français
pour supporter les étrangers
L'écart de langue constaté dans la partie
précédente amène à un écart
d'identité certain dans la situation de mes enquêtés, il
s'agit d'une distanciation entre l'identité de mes enquêtés
et celles de leurs interlocuteurs. Cette distance est clairement ressentie par
mes enquêtés car ils se catégorisent eux-mêmes
d'étranger et attribuent ce décalage de langue de ce fait. De par
cet écart, j'observe une claire opposition entre 2 groupes distincts
grâce aux marqueurs discursifs soulignés suivants (pronoms
personnels/possessifs et noms) :
lui il ne comprend pas ce que je dis, y'a
des gens qui me disent, comme tu es étrangère,
ils savent que je suis étrangère, les gens qui parlent
pas la langue, les autres ne me comprennent pas bien, ce qu'ils dit
les autres, les autres cultures, mon pays d'origine, dans mon
pays, ils verront, les françaises, parler avec eux,
sortir avec eux, je parle avec eux gentiment.
Ces éléments qui ont constitué des
critères d'analyse ont été répertoriés dans
un tableau situé dans ma méthodologie. Ils m'amènent
à revenir sur ma partie théorique dans
72
laquelle j'ai pu évoquer le « they code » par
opposition au « we code » (Gumperz, 1989) : dans les situations
ci-dessus, j'observe l'existence d'un « eux » (les français)
et d'un « nous » (les étrangers). Ce sont mes
enquêtés eux même ici, qui soulignent leur
altérité et qui s'identifient au groupe « étrangers
» et cette (auto)catégorisation est énoncée par mes
enquêtés mais elle ne résulte pas uniquement d'une
perception individuelle, elle est aussi le résultat d'un parcours social
guidé par : « tout ce qui définit l'idée qu'ils
se font d'eux-mêmes, tout l'impensé social par
lequel ils se constituent comme« nous » (Sayad, 1994 : 8). Le
reflet qui leur est projeté est en quelque sorte celui de la logique
représentationnelle d'autrui : « Penser logiquement, en effet,
c'est toujours, en quelque sorte, penser d'une manière impersonnelle
» (Marcel, 2017 : 1), c'est une identité qu'ils s'attribuent
et qui constitue le résultat « d'un processus de
réflexion et d'observations simultanées [...] par lequel
l'individu se juge lui-même à la lumière
de ce qu'il découvre être la façon dont
les autres le jugent » (Erikson, 1972 : 17)
Je peux voir que la représentation péjorative
qu'ils ont de leur niveau de français affecte leur identité, je
retiens un exemple représentatif d'insécurité identitaire
qui peut aussi être qualifié de schizoglossie (Haugen,
1962) ou maladie linguistique affectant les locuteurs exposés à
plus d'une variété de leur propre langue (Prudent, 1981 : 22) et
donc à plus d'une identité. Il s'agit du cas d'un de mes
enquêtés qui a passé 26 ans en France, qui possède
la nationalité française et qui a été
qualifié d'un niveau B1 du CECRL dans la structure où elle
apprend le français, mais qui oscille entre deux identités, elle
se considère toujours comme étrangère mais aussi comme
française en même temps :
« je suis pas moi d'origine française, je
suis étranger quand même [...] les autres, ils sont tous
français [...] ça fait longtemps que je vis là moi je
suis français [...] je leur explique je dis voilà, je suis
là c'est vrai je suis étranger mais je veux vivre
là et j'ai le droit de vivre là parce que euh je suis comme ont
dit avec mes papiers et tout française ça y'est [...]
maintenant je peux parler je suis comme une française en France
» (R47)
|
Ces oscillations identitaires se couplent également
d'oscillations linguistiques, l'enquêtée R47
paraît tourmentée entre son attachement pour son pays et
ses langues d'origines et son pays actuel :
73
« je lui ai dit faut pas que je parle que l'arabe
et le berbère, il faut que je rentre un petit peu dans ça,
c'est pour ça j'ai dit, il faut que je parle un petit peu le
français, il faut que j'arrête de parler trop l'arabe,
c'est vrai ça m'intéresse le Maroc mais je vis en France »
(R47).
Ces paroles me permettent d'évoquer la relation
diglossique précédemment abordée et d'appuyer le fait que
: « chez les migrants maghrébins [...] la diglossie des
origines participe souvent à la perplexité
identitaire des personnes » (Biichlé, 2017). Je
constate effectivement que comme beaucoup de mes enquêtés ces
locuteurs souffrent d' « une perte de statut» (Noiriel, 2007
: 684), discriminés par la langue et par l'identité, ils sont mis
à part au sein d'un groupe particulier où l'on peut distinguer :
« eux » qui auront une mauvaise réputation et « nous
», les normaux » (Ibid. : 684). Rappelons qu'en tant
qu'enseignants de FLE/FLS, il nous revient de prendre en compte qu'apprendre
une langue c'est aussi apprendre à (re)construire une identité,
ou du moins à actualiser l'une de ses facettes (Saville-Troike, 1982 :
22) et que dans cette optique, une approche interculturelle est à
privilégier afin de ne pas déconsidérer l'apprenant dans
son apprentissage et de :
« favoriser le développement
harmonieux de la personnalité de l'apprenant et de son
identité en réponse à
l'expérience enrichissante de l'altérité
en matière de langue et de
culture. Il revient aux enseignants et aux apprenants
eux-mêmes de construire une personnalité saine et
équilibrée à partir des éléments
variés qui la composeront » (CECRL, 2001 : 9)
Je vais poursuivre en analysant en filigrane le pouvoir de la
norme sur les pratiques langagières de mes enquêtés mais
j'observerai cependant plus en détail les conséquences de cette
hiérarchie entre les identités, sur la pratique du
français de mes enquêtés, en faisant ressortir les
conséquences de la prégnance de cette norme linguistique qui
: « selon les individus induit des attitudes et des comportements
particuliers parmi lesquels l'insécurité linguistique
» (Biichlé, 2007 : 235).
74
1.3- De l'insécurité linguistique comme
répercussion : causes, symptômes et
conséquences
J'ai pu montrer les effets d'une situation d'entre-deux
culturel en termes d'identité, j'aimerais désormais aborder les
répercussions de cet entre-deux au niveau linguistique.
Le recensement des langues parlées par mes
enquêtés, effectué dans ma première partie de
l'analyse19, m'a permis de comprendre que mes enquêtés
ne se sentent pas à l'aise avec l'idée d'affirmer leur pratique
effective du français. En effet, le français n'est pas une langue
qu'ils estiment parler pour la majorité bien qu'ils la parlent tous
quasi quotidiennement (en témoigne notamment leur participation
régulière aux cours de français dispensés par
l'association et au sein d'autres centres sociaux).
Ces attitudes reflètent les conséquences, plus
ou moins directes, d'une politique unilingue visant à écarter ces
parlers qui sont l'exemple même de la variation du français
standard, et ce en faveur d'une norme centralisatrice. Pour ceux qui
déclarent utiliser le français, j'observe une distance envers
leur usage et l'usage qu'ils estiment être la référence/la
norme, une distance caractéristique du phénomène
d'insécurité linguistique qui se caractérise pour les
locuteurs, je le rappelle comme une « prise de conscience [...] d'une
distance entre leur idiolecte (ou leur sociolecte)
et une langue qu'ils reconnaissent comme
légitime » (Francard et al., 1993 :
13).
Afin de justifier cette distance ressentie, j'aimerais
exemplifier avec les réponses obtenues à la question
n° 7 : Selon vous, que signifie « bien parler français
» ? Pensez-vous le faire ? qui m'ont permis, entre autres, de
recenser des marques d'une insécurité linguistique
avérée :
F42 : oui la langue (mon français)
c'est pas bien
K43 : je sais que je débrouille
mais je parle pas bien bien le français [...] je dis n'importe
quoi des fois [...] j'ai des choses que je veux dire mais j'arrive pas
à expliquer
19 I- LES PARCOURS
SOCIOLINGUISTIQUES DE MIGRATION I-2 Les langues en usage et leurs contextes
d'utilisation
75
R46 : je comprends que je ne sais pas parler
en français [...] j'ai parlé avec la dame
|
et je lui ai dit « excusez-moi, je ne sais pas bien
parler le français [...] quand je rentre
|
chez le docteur, j'oublie [...] et pourquoi je ne lui dis
rien, ça bloque[...] dans mon
|
esprit je dis `je ne sais pas parler en
français'
|
|
R47 : non, je suis pas top, j'ai des fautes
parce que je dis j'ai des fautes
|
|
H37 : j'aimerais bien parler correctement
avec eux (mes enfants) le français mais
|
quelquefois je trouve pas les mots de discuter [...] quand
j'entends quelqu'un parler,
|
je me dis « moi je parle pas bien »
|
|
H50 : c'est difficile de parler le
français [...] je suis un peu timide de parler faux, que
|
quelqu'un rigole de moi
|
|
Ces marques d'insécurité linguistique se
manifestent par des attitudes de honte, de repli sur soi, de blocage et de
comparaison à la norme de référence du français
standard. Ces attitudes constituent des caractéristiques de
l'insécurité linguistique qui prennent forme par le biais de
vocables forts, typiques de ce phénomène, qui se décline
sous « deux versants [...] le premier serait la personne et son
auto-évaluation par rapport à une norme
» (Biichlé, 2007 : 239) : « je suis un peu
timide », « je suis pas top », « je dis
n'importe quoi », « c'est pas bien »,
etc. J'ajoute que cette évaluation reste péjorative
et qu'elle constitue une manifestation courante du phénomène
d'insécurité linguistique, elle s'affilie même plutôt
à une auto-(d) évaluation (Billiez et
al., 2002). Le deuxième versant correspond à
« la peur du jugement et de la
réaction d'autrui » (Biichlé, 2007 :
239) vis-à-vis d'une forme de français produite : « que
quelqu'un rigole de moi » (H50), «
je ne lui dis rien, ça bloque
»(R46), « y'a des gens qui rigolent avec
vous mais dans sa tête »(K43), comment
je vais faire pour sortir les mots ? [...] ils ne sortent
pas (R46).
Outre la distance entre leur usage et l'usage qu'ils estiment
être le bon, je constate aussi que la notion de faute est souvent
évoquée, mes enquêtés estiment ainsi ne pas bien
parler français du fait des fautes qu'ils commettent : j'ai des
fautes parce que je dis j'ai des fautes
(R47), beh je fais quand même un peu des
fautes de conjugaison (H37) parfois même sont
amenés à douter de leur intégration de ce fait : je
sais pas moi, est-ce que je suis intégrée ou non parce que je
parle pas bien (K43), énoncé qui
confirme bien que les représentations politiques de la langue comme
principale facteur d'intégration circule « parfois, chez les
migrants eux-mêmes » (Biichlé, 2009 : 36).
76
Cette distance entre leur parole et une langue de
référence m'incite à reprendre l'opposition saussurienne
langue/parole évoquée plus tôt dans ma théorie car
il m'est possible de voir chez mes enquêtés une opposition entre
leur parler et la langue française qu'ils considèrent comme un
idéal à atteindre : « il faut qu'on parle
français [...] bien parler le français,
ça veut dire sans fautes » (R47)
car bien qu'ils semblent pouvoir communiquer, se faire comprendre :
« ça m'empêche pas de parler ça »
(H37), « je sais que je débrouille »
(K43), ils semblent quand même gênés
à l'idée d'affirmer que leur parole corresponde à du (bon)
français. C'est ce qui m'amène à évoquer l'une des
causes de cette insécurité linguistique : l'importance
donnée à la norme : « La « sacralisation
» de ces formes standardisées est l'une
des causes de l'insécurité linguistique des
locuteurs qui usent d'autres variétés ou d'autres langues »
(Blanchet et al., 2014 : 28). Une «
mythification de la langue » (Bretegnier &
Ledegen, 2002 : 14) qui rend le locuteur incapable de se considérer
comme un locuteur francophone, du fait de la culpabilité qu'il ressent
face aux fautes qu'il commet, se trouvant ainsi dans l'«
incapacité à être dans la
norme, de constamment risquer de commettre la faute
délégitimante » (Ibid. : 13).
Cette situation résume la langue française en un
système figé dans le temps et dans l'espace :
« une sorte de langue entité
dont ne peut faire bon usage qu'un modèle de locuteur
légitime, pareillement homogène, atemporel, invariant, un
être langue, fusionné avec elle » (Ibid. :
14)
Cette représentation de la langue idéale renvoie
à un locuteur idéal dans lequel mes enquêtés ne
s'identifient pas, ces énoncés évoquent une personne autre
« il » ou un état dans lequel ils ne se projettent
pas actuellement « je ne sais pas » :
« Et qu'est-ce que ça veut dire pour
vous « bien parler français ? » K43 : C'est il
a réussi (rires), il a de la chance aussi
R46 : je comprends que je ne sais pas
parler en français
|
En témoigne également, l'utilisation du futur
simple ou du conditionnel présent dans les énoncés
ci-dessous, éléments permettant aux enquêtés
d'exprimer un désir imminent ou futur :
« Quelles langues parlez-vous ? »
H37 : j'aimerai(s) bien parler
correctement avec eux le français K43 :
j'aimerai(s) bien apprendre le français
|
77
En effet, comme je l'ai montré plus tôt, mes
enquêtés ne considèrent pas leur usage du français
comme « correct » ou « suffisamment maitrisé » pour
l'évoquer et ainsi par peur d'affirmer l'usage même minime ou
fautif de cette langue, ils ne préfèrent parfois ne pas
l'évoquer du tout.20
Au-delà des éléments déjà
énoncés pour caractériser l'insécurité
linguistique de mes enquêtés, j'aimerais appuyer mes dires en
énonçant ci-dessous d'autres caractéristiques propices
à la manifestation de ce phénomène :
Premièrement, mes enquêtés proviennent de
zones géographiques diglossiques (Van den Avenne, 2002)
: le Maroc et le Liban où l'on retrouve également « une
situation de diglossie, voire de triglossie entre l'arabe littéraire,
l'arabe moderne et l'arabe dialectal libanais » (Habib, 2009 : 7), de
plus «la plupart n'a été que faiblement ou pas
scolarisée en pays d'origine, ce qui peut également
prédisposer à l'insécurité »
(Biichlé, 2011 : 19-20).
Deuxièmement, je relève une autre marque
favorisant l'insécurité linguistique : l'isolement
social. En effet, j'observe chez mes enquêtés que
« la restructuration post-migratoire du réseau social n'a
apparemment pas eu lieu » (Biichlé, 2009 : 17) ce qui rend
leur « capital social [...] faible avec pour conséquence un
réseau social très dense et multiplexe, voire isolant »
(Ibid. : 17). Bien qu'il soit difficile d'évaluer
l'ampleur du réseau de locuteurs francophones de mes
enquêtés, car je n'ai pas ciblé de manière
précise ce facteur, il semble probable par leur propos, qu'ils soient
assez isolé (à l'exception de H50 d'origine
libanaise et de G40, d'origine brésilienne) :
« non y'a pas d'amis français »
(M30), « non j'ai pas beaucoup (d'amis
français) » (A34), « personne,
juste à l'école » (K43),
« avec mes enfants et c'est tout » (R47),
« ici (des amis) français non »
(R46), « j'ai une amie française,
elle vient chez moi 2 fois par semaine pour aider mon fils [...] je
parle avec elle le français » (H37),
« non, j'ai une voisine en face, de temps en temps mais y'a
pas des amis » (F42).
La raison de cet isolement est aussi clairement
énoncée : ils ne sortent que très peu de chez eux et de
leurs quartiers où les membres sont essentiellement d'origine
maghrébine, la langue parlée étant l'arabe (marocain) :
« parce que je connais beaucoup d'arabes ici
»(A34), « dans les amis français,
je trouve pas parce que j'habite dans les quartiers moi »
(F42).
20 Se référer
à la partie : I-LES PARCOURS SOCIOLINGUISTIQUES DE
MIGRATION, J-2 Qu'est-ce qu'une/des langue(s)?, 1.3 Le
français : une langue d'usage inconsciente
78
En ce qui concerne H50 d'origine libanaise et
G40 d'origine brésilienne, je remarque que ces
enquêtées ne retrouvent pas autant d'interlocuteurs de la
même langue primaire de sociabilisation que les enquêtés
marocaines citées ci-dessus. Elles parlent respectivement l'arabe
classique/libanais pour H50 et le portugais pour G40
et ce en plus du français. Cependant, elles m'expliquent parler
français de manière plus fréquente que les
enquêtées maghrébines, par obligation ou choix :
H50 : il faut t'obliger de parler
français, ils ou elles parlent l'arabe mais je ne le comprends
pas
G40 : En France, c'est
français, français, français [...] chaque fois,
ça se passe en français [...] même quand je croise des
fois des brésiliens, je parle que français
Ce que je peux ainsi supposer est que cet isolement social
causant l'insécurité linguistique des enquêtés
marocaines est dû à la forte présence dans leur
réseau proche de locuteurs de la même langue primaire de
socialisation et du même pays d'origine. Ces relations sont
marquées par une homophilie assez forte, ces enquêtés
fréquentent davantage (voire uniquement) des personnes qui leur
ressemblent à plusieurs niveaux (pays d'origine, langue, genre,
situation familiale, âge, etc.) : ici ce sont pour la plupart des femmes
au foyer marocaines, mariées et mères de familles entre 37 et 47
ans ayant en commun le même cours de français à
l'association, celles qui travaillent oeuvrent dans des métiers
où l'usage du français n'est quasiment pas pratiqué
(ménage, cueillette des fruits/légumes, etc.).
Si aucun accès à des réseaux francophones
n'est possible pour mes enquêtés, c'est que leur situation
sociale, géographique et professionnelle ne leur permet pas toujours :
environnement limité à leurs quartiers majoritairement
isolés et dont les membres sont essentiellement d'origine
maghrébine, mères devant s'occuper de leurs enfants, pas de
mixité socioculturelle au sein des cours de français, fonctions
professionnelles sans usage du français, etc. Ainsi, le choix de la
langue parlée n'est pas vraiment un choix mais plutôt une
conséquence de leur situation actuelle. D'ailleurs, je note que leur
environnement et leur réseau social influence leurs pratiques
langagières et que le choix de la langue pratiquée se pose
plutôt en termes d'exposition à une langue plutôt
qu'à une autre : « L'orientation linguistique choisie par le
migrant serait d'abord et avant tout tributaire des contacts qu'il
établit avec la société d'accueil »
(Chamberland, 2005 : 179). Développer un réseau social
79
francophone serait donc une solution de première
importance en regard d'un apprentissage classique en classe de langue.
Il est important aussi de rappeler que ces
enquêtés sont en situation d'apprentissage du français et
qu'il reste inévitablement des lacunes à combler avec le temps.
Cette situation d'apprentissage couplée à la situation de
migration vécue de manière plus ou moins douloureuse, double les
difficultés quotidiennes de mes enquêtés et renforce ainsi
le sentiment d'insécurité linguistique.
Ces discours m'ont amenée à
réfléchir sur la place de la parole de l'apprenant dans un cours
de FLE/FLS et à la manière de considérer sa parole. Il est
bon de rappeler dans ce cas qu'il n'existe pas de format unique d'apprentissage
et d'apprenant tout comme il n'existe pas de personne parlant sans fautes,
ainsi il est intéressant d'apprécier toute la pertinence de ces
quelques lignes : « No two speakers have the same language, because no
two speakers have the same experience of language » 21 (Hudson, 1980
: 11).
Dans la partie suivante, il sera question de l'analyse des
pratiques quotidiennes du français de mes enquêtés et des
stratégies de contournement et d'affrontement de cette norme.
II-2 Parler français : entre contournement et/ou
affrontement de la norme
1.1 Une représentation erronée des
pratiques langagières des apprenants
Dans les parties précédentes, j'ai pu montrer
les effets négatifs du poids de la norme linguistique sur les
représentations de mes enquêtés vis-à-vis d'eux
même, mais aussi celles de leurs interlocuteurs vis-à-vis de mes
enquêtés. Pourtant, si je prends en compte les profils
sociolinguistiques de ces personnes (cf. ci-dessous) je peux démontrer
que le problème n'est pas que linguistique car ces personnes sont en
capacité de communiquer de manière indépendante et
cohérente (cf. analyse plus bas) :
21 Personne n'a la même langue/le
même langage parce que personne n'a eu la même expérience de
la langue/ du langage.
80
CRITERES
D'ANALYSE
|
ENQUÊTÉS
|
R46
|
F42
|
G40
|
H50
|
R47
|
Temps passé
en France
|
1 an
|
11ans
|
6 ans
|
2 ans
|
26 ans
|
Niveau de
français (CECRL)
|
B1
|
B1
|
B1
|
B1
|
B1
|
Statut
|
Sans papiers
|
Nationalité française
|
Carte de
séjour
|
Demandeur d'asile
|
Nationalité Française
|
Exposition au français
|
-Primaire et
collège
-Depuis janvier 2017 à l'OGA
|
-Primaire et
collège
-Depuis 2016 dans
plusieurs associations
|
-Collège -Depuis janvier
2017 à l'OGA
|
- Depuis l'âge
de 3 ans : école et famille -Depuis janvier
2017 en associations
|
-Primaire
-Stages intensifs de français -Depuis 2016 en
associations
|
Ce tableau reprend des éléments qui m'ont
semblé pertinent de soulever car ils témoignent de la relation
entre mes enquêtés, la France (la reconnaissance officielle de
leur statut) et leur niveau de français. Ainsi je constate qu'à
l'exception de R46 et de H50 toutes ont
passées entre 6 et 26 ans de temps en France. Pour le cas de
H50, c'est différent, car bien qu'elle soit
arrivée seulement depuis 2 ans en France, elle a été
exposée au français depuis ses 3 ans, à l'école et
auprès de sa famille car le français fait partie du paysage
sociolinguistique du Liban, elle est là-bas une langue présente
dans la culture, l'enseignement et dans les interactions quotidiennes. Bien que
la durée de présence passée dans le pays
d'immigration ne détermine pas le niveau de français des
apprenants car, il semble que : « plus que le temps passé en
pays d'immigration, ce soit la « quantité » d'exposition
à la langue de celui-ci qui favorise l'apprentissage »
(Biichlé, 2007 : 287), il m'a semblé pertinent
d'évoquer ce critère car il permet d'observer et de se
questionner sur le fait qu'une enquêtée ayant passé 26 ans
en France se retrouve dans la même situation de difficulté au
quotidien avec sa pratique du français qu'une enquêtée
arrivée il y a 1 an. Ce critère de durée permet
également de comprendre la durée d'exposition de mes
enquêtés dans la culture française et ses codes notamment
auprès des administrations.
81
Le deuxième critère est l'exposition au
français de mes enquêtés : ils ont
été exposés au français pour l'ensemble depuis le
primaire et suivent des cours de FLE/FLS en associations depuis leur
arrivée en France. Il semble donc que mes enquêtés soient
donc sensibilisés un minimum à la langue française et
à sa culture.
Enfin, j'aimerais exposer des arguments prenant en compte une
évaluation extérieure de leur niveau de français
: mes enquêtés ont tous été estimés
de niveau B1 du CECRL par l'association OGA qui offre une formation
linguistique en français et dans laquelle ils prennent des cours depuis
1 an au moins. Ce niveau correspond à un niveau seuil pour un visiteur
en pays étranger et stipule que l'utilisateur est indépendant
dans ses interactions, il possède : « la capacité
à poursuivre une interaction et à obtenir ce que l'on veut dans
des situations différentes [...] la capacité de faire face
habilement aux problèmes de la vie quotidienne » (CECRL, 2001
: 32). Également, je relève que la compréhension des
locuteurs de niveau B1 dépend de la pratique de l'interlocuteur ; je
remarque ainsi que ce texte stipule que l'interlocuteur est censé
utiliser un langage clair et standard :
« Peut comprendre les points essentiels quand un
langage clair et standard est utilisé [...] Peut
produire un discours simple et cohérent [...]
décrire un espoir ou un but et exposer brièvement des
raisons ou explications pour un projet ou une
idée (CECRL, 2001 : 25)
Ces propos me laissent supposer que les personnes ayant
interagi avec mes enquêtés ne parlent peut-être pas un
français standard. C'est ce qui m'amène à insister sur la
présence d'un phénomène diglossique en France entre un
français standard et un français qui l'est moins, correspondant
à celui que l'on retrouve dans les administrations et autres instances
où norme et autorité se côtoient.
Un dernier critère officiel que j'aimerais traiter est
le statut de mes enquêtés. L'ensemble des
enquêtés ci-dessus, à l'exception de R46,
dispose d'un titre officiel de séjour en France : carte
nationale d'identité française, carte de séjour et
exceptionnellement une enquêtée ayant le statut de demandeur
d'asile. En ce qui concerne R46, l'obtention de la carte de
séjour est soumis : « à la connaissance de la
langue française dans le cadre de la signature du contrat
d'intégration républicaine (CIR) » (Ministère de
l'Intérieur, 2016). De plus, ce titre est soumis à des formations
linguistiques entre 50 et 200 heures afin de progresser vers le niveau A1
où le locuteur « Peut communiquer de façon
simple si l'interlocuteur parle lentement et distinctement et se
montre coopératif » (CECRL, 2001 : 25).
82
En ce qui concerne l'acquisition de la carte nationale
d'identité française, mes 2 enquêtés l'ayant obtenu
ont dû justifier d'un niveau de connaissance du français
correspondant au B1 :
« Le niveau requis est le niveau B1
du cadre européen commun de référence pour les
langues (CERL). Il correspond au niveau d'un élève en fin de
scolarité obligatoire apte à écouter,
prendre part à une conversation et à
s'exprimer oralement en continu.Il s'agit de maîtriser
le langage nécessaire à la vie quotidienne et aux situations de
la vie courante » (Direction de l'information légale
et administrative (Premier ministre), 2017).
Ainsi, que ce soit en centres de formations linguistique,
auprès d'institutions officielles ou par mes propres observations sur le
terrain, le niveau B1 a été retenu. Tous ces arguments et faits
me poussent à chercher ailleurs que sur le simple plan linguistique pour
répondre à la question de l'intégration. En effet, j'ai
estimé que leur niveau est suffisant pour communiquer au quotidien mais
je ne suis pas la seule personne, puisque les organismes de
référence en matière de formation en français l'ont
aussi notifié et parfois les interlocuteurs sur le terrain de mes
enquêtés eux-mêmes le confirme :
R46 : excusez-moi je ne sais pas
parler bien le français », elle m'a dit « non tu sais
bien, tu sais parler » et je me suis dit dans ma tête «
pourquoi elle m'a dit « tu sais bien parler le français » et
moi je sais pas parler beaucoup » [...J les français ils me
disent non tu parles bien
H37 : y'a des gens quand on parle
avec quelqu'un, ils nous aide de parler, à parler [...J
c'est-à-dire à chaque fois je rencontre des personnes qui
m'aident, même tu fais des fautes, continue à parler
Je me demande alors d'où proviennent les
barrières auxquelles sont confrontés mes enquêtés si
elles ne sont pas d'ordre linguistique? Il est étonnant de constater que
la langue reste avant tout pour certains de mes enquêtés un
modèle d'usage presque inaccessible et c'est précisément
cette relation fermée entre la langue et la norme qui limite les
possibilités des pratiques autres. De plus, cette relation offre une
logique et une légitimité à la doxa suivante : maitrise de
la langue = intégration, une représentation sur
l'intégration qui sera traitée dans la dernière partie de
mon analyse car elle amène aux interrogations paradoxales suivantes :
83
comment est-il possible de se sentir intégré si
on ne maitrise pas la langue du pays et comment est-il possible de maitriser la
langue si on n'est pas intégré ?
Je tenterai d'approfondir cette réflexion au fur et
à mesure de mon analyse, mais tout d'abord, je vais m'intéresser
aux stratégies de contournement adoptées par mes
enquêtés, qui participent à fuir la pression de la norme
linguistique et représentent l'une des conséquences de
l'insécurité linguistique.
1.2 Des stratégies de contournement et/ou
d'affrontement de la norme linguistique
J'ai pu traiter des difficultés de mes
enquêtés à réaliser que leur pratique du
français est suffisante pour interagir avec leur interlocuteur,
dorénavant, je voudrais démontrer en pratique, les
stratégies qu'ils utilisent pour contourner, éviter ou affronter
cette norme linguistique.
Comme j'ai pu le démontrer, c'est principalement le
sentiment d'insécurité linguistique que ressentent mes
enquêtés, qui a pour conséquence, de bloquer et
d'empêcher ces locuteurs d'assumer l'existence de leurs pratiques et de
définir leurs usages comme étant du français aussi, une
langue existante. Ces blocages linguistiques ne sont pas anodins car ces
personnes « peuvent souffrir de leur incapacité à
contrôler le bon code dans les bonnes circonstances»
(Prudent, 1981 : 22). C'est ce qui les pousse en quelque sorte à
continuer de parler exclusivement arabe ou en substituant le français
par l'arabe lorsqu'ils se sentent bloqués car ils se sentent plus
à l'aise :
K43 : je préfère arabe
parce que je suis à l'aisemais j'aimerais bien apprendre le
français [...] des fois je me mets devant quelqu'un, j'arrive pas
à parler [...] les enfants, ils parlent avec moi le français,
parce que moi j'ai pas l'habitude de parler le français, c'est
dur
H50 : je commence de parler en
français mais lorsqu'on réfléchit par les mots qui
manquent, j'arrête et je recommence par l'arabe
H37 : avec les enfants, j'aimerais
bien parler correctement avec eux le français mais quelque fois
je trouve pas les mots de discuter, comme on dit c'est pour ça
que je mélange arabe et français
Les stratégies d'évitement sont très
fréquentes dans les situations où le français qui doit
être utilisé doit être formel, concis et où les
enjeux pour les apprenants sont décisifs car
84
ils concernent des difficultés et des besoins
personnels importants dans leur quotidien : rendez-vous dans une
administration, écriture d'une lettre, recours juridique, etc. :
R47: pour les banques [...]je veux
pas tomber dans quelques pièges[...] comme ça on peut expliquer
si par exemple je veux aller à la CAF
G40 : apprendre à se
défendre dans la partie juridique [...] pour pas être
dépendant des avocats [...] j'ai commencé à apprendre
le français à côté du code juridique
français et le code juridique brésilien
F42 : quand je veux faire le rendez-vous
par téléphone
Leur solution est essentiellement, de contourner leur
difficulté linguistique en faisant appel à une personne tierce
pour les aider, un comportement qui peut résulter d'une grande
insécurité linguistique et se manifester par l'usage de
stratégies d'évitement (Goffman, 1974 : 20-24) :
A34 : j'ai besoin quelque chose comme
ça et je vais prendre un ami
R46 : j'ai une amie [...] elle m'a
accompagné chez la maison des associations
R47 : si je suis en difficulté, je
vais chez Maria (assistante sociale) pour m'expliquer [...] ma
belle-soeur elle vient avec moi 2
Dans certains cas, la difficulté linguistique et
culturelle est tellement grande à surmonter que les solutions
résident dans l'isolement de ces locuteurs : « L'une des
façons d'éviter la difficulté consiste en un repli
identitaire (voire un isolement social) qui
évite le contact interculturel » (Blanchet,
2007 : 25) ou le mutisme, un signe caractéristique de
l'insécurité linguistique (Gadet, 2003) :
K43 : je dis pas qu'est-ce que je veux
dire mais je comprends ce qu'il me dit les gens [...] je me mets devant
quelqu'un, j'arrive pas à parler
R46 : moi je reste toute seule
[...] ils ne sortent pas (les mots) oui mais je comprends
85
Dans certains cas, mes enquêtés
affrontent/contournent les difficultés linguistiques en comptant sur
eux-mêmes et des solutions à leur portée, telles que des
applications mobiles de guidage et d'apprentissage de la langue, un
déplacement directement à l'endroit du rendezvous pour
éviter l'appel téléphonique qui représente une
source d'angoisse pour un locuteur en difficulté linguistique, etc. :
H50 : jusqu'à maintenant, je
compte sur moi, sur les applications pour les voies et les
transports et c'est très bien jusqu'à maintenant
F42 : je préfère aller
chez le lieu [...] parce que quand je veux expliquer quelque chose au
téléphone pour moi c'est trop difficile
G40 : je faisais des traductions
français/brésiliens [...] il y a un site « babbel
», tu peux apprendre bien à parler le français
Ces éléments m'éclairent sur des besoins
d'apprentissage en français et des pistes didactiques orientées
essentiellement sur des situations authentiques : rendez-vous au
téléphone/dans un administration, se repérer sur une
carte/un plan, etc. Elles m'incitent également à prendre en
compte le désir de mes apprenants à autonomiser leur
apprentissage que je considère comme un pas vers l'autonomie
langagière (Germain & Netten, 2004 : 58).
Ces stratégies d'évitement/de confrontation de
la norme linguistique sont des choix stimulés par leur environnement,
principalement par la composition de leur réseau social proche : «
la plupart du temps, c'est le réseau social des personnes qui est
pourvoyeur des contextes » (Biichlé, 2017). En effet,
G40 et H50 ne sont pas mariées,
G40 n'a pas d'enfants, elles dépendent
financièrement d'elles-mêmes, ce qui les pousse à
être autonomes et entreprenantes au quotidien :
« Qu'est-ce qui vous a permis d'avancer ?
»
G40 : je m'expose [...] je
donne plus de moi [...] je travaille, travaille, travaille [...]
La force, le courage, la bienveillance [...] pendant du conflit ou j'ai
été, je voyais que j'étais toute seule au milieu de
vautours
H50 : ma personnalité est
très forte, c'est la confiance [...] il faut compter
sur soi-même [...] travailler bénévole avec
argent, sans argent, il faut, c'est-à-dire entrer dans la
société de plus en plus bien
86
En termes de didactique, on retrouve les stratégies que
je viens d'énoncer appliquées au sein de la société
également au sein de la classe de cours. En effet, le locuteur migrant
adopte aussi ce type de comportement en classe de langue car les
difficultés vécues en société sont similaires
à celles que ressent l'apprenant en société, la pression
normative y étant toute aussi présente :
« un apprenant qui ignore certains
mots ou constructions, ou qui n'est pas sûr de leur
emploi, les évite et a recours à des
périphrases, change de thème ou même cherche
à éviter les situations où il pourrait être
contraint à les utiliser »
(Klein 1989 : 31).
Il arrive également, à un certain stade
d'apprentissage, que le locuteur ayant immigré en France depuis un
certain temps (ou pas), s'arrête d'apprendre à un stade
élémentaire car il estime avoir atteint ses objectifs en termes
de communication avec les autres et que cela lui suffise quotidiennement, ses
besoins langagiers sont satisfaits (Robert, 1984 : 40-42). Je n'écarte
pas cette possibilité pour mes enquêtés. En effet, c'est
peut être pour cette raison que mes enquêtés se retrouvent
dans une situation d'insécurité linguistique et identitaire :
dans un certain contexte ils se sentiront à l'aise car leurs besoins
communicatifs seront satisfaits mais dès lors qu'ils se confronteront
à un autre contexte, ces sentiment ressortiront.
J'aimerais désormais soulever le coeur de ma
problématique en traitant dans les parties suivantes, du rôle
joué par le français dans le processus d'intégration de
mes enquêtés tout en orientant mon étude vers les
implications en termes de didactique du FLE/FLS.
87
CHAPITRE III : L'APPRENTISSAGE DU FRANÇAIS ET
L'INTÉGRATION
J'ai analysé dans les parties
précédentes, les effets de l'idéalisation d'une norme
linguistique en abordant les répercussions sur les pratiques du
français de mes enquêtés et les représentations des
membres de leur société d'immigration sur leur pratique. J'ai
constaté qu'une hiérarchie entre les pratiques du français
de ces locuteurs s'opère. Un fossé similaire s'est aussi
creusé en termes d'identité ce qui m'a permis d'insister sur le
lien indéniablement présent entre langues et identité.
En tant qu'élément stratégique de
pouvoir, la langue est guidée par une norme qui permet d'en
déterminer le bon usage et écarte ainsi les variations
utilisées par des locuteurs de cette même langue. Il semble que la
conception de ce que représente une langue et de ce que doit être
son usage soient encore aujourd'hui guidés par le structuralisme
saussurien qui prône : « une coupure entre
langue et parole, entre le système et
l'actualisation individuelle - et sociale - de ce
système » (Turpin, 1995 : 3). Cette pensée se
répercute dans les représentations de mes enquêtés
et c'est ce qui m'a poussé à choisir de traiter, au sein de la
partie précédente des notions de langue(s) et de norme(s) car :
« Si la langue est système chez SAUSSURE, elle est aussi
norme ! » (Prudent, 1981 : 14).
Dans les parties qui suivent, j'aimerais conclure mon analyse
en observant le lien qu'il existe entre apprentissage, pratique du
français et intégration.
III-1 Définir l'intégration
1.1 Les représentations des
enquêtés : l'intégration perçue comme une
démarche sociale
Il s'agit dans cette partie de relever les
représentations de mes enquêtés sur la notion
d'intégration. Ma question n° 8 : Selon
vous, que signifie l'intégration/être « bien
intégré »? visait à comprendre en premier
lieu, les représentations que se font mes enquêtés à
ce sujet et de voir, en parallèle, quel rôle ils accordent
à la langue dans ce processus.
Comme j'ai pu l'évoquer plus tôt, il n'existe pas
de définition de l'intégration, aucune formule ou mesure
mathématique miracle n'est envisageable pour déterminer si un
individu est réellement intégré ou pas, tout d'abord parce
qu'il s'agit d'un « processus continu auquel on ne
peut assigner ni commencement ni aboutissement »
(Sayad, 1994 : 8) mais aussi parce que « le discours sur
l'intégration est un discours fondé dans la croyance
» (Laacher, 1992). J'ai fait en sorte d'intervenir le moins
possible au moment de poser les dernières questions de
88
mon guide d'entretien car je souhaitais vraiment obtenir des
représentations les plus fidèles possibles à leurs
énoncés :
F42 : c'est pas que la langue, la culture,
le pays comme tous, pour moi c'est ça être
|
intégré [...] pour moi c'est je comprends ou je
vais, je comprends bien, c'est pas que la
|
langue, il y a aussi le culturel, tu comprends la
fonction
|
|
R47 : ça veut dire progresser de
quelque chose?[...] Progresser ça veut dire être bien
|
intégré ? [...] je crois c'est, il faut bien
comprendre ce qu'il faut, euh connaitre toutes les
|
choses [...] il va adopter/adapter beaucoup de gens,
connaitre
|
|
H37 : intégration, c'est pas
l'amélioration non c'est pas ça, intégration c'est
ça ? C'est ça
|
le bon mot ? [...] je crois c'est améliorer non ?
[...] il faut faire ma place en France ? je
|
crois c'est ça le mot non ?
|
K43 : être capable de [...]ce qu'on
veut faire [...] il qu'est-ce que je veux, pas demander
|
quelqu'un il me fait ça, il me fait ça
non
|
H50 : intégrer, c'est-à-dire
entrer ? [...] être social, de plus en plus social et n'avoir
peur
|
des choses de la vie, c'est-à-dire le timide [...]
diminue un peu [...] il faut compter sur
|
soi-même oui premièrement
|
|
R46 : bien s'installer non ? [...] avant
j'habite au Maroc mais quand je rentre en France,
|
il faut que je parle avec les françaises, assise avec
les françaises, parler avec eux, ça c'est
|
l'intégration
|
G40 : il faut que tu travailles et que tu
t'entraines et que tu respectes [...]je dis
|
bonjour[...]je me dis que j'ai fait ma partie et être
solidaire, la solidarité ça compte, le
|
respect[...] si tu n'as pas le respect, tu ne peux pas
t'intégrer, tu vas être détesté vite fait
|
|
M30 : moi je continue (rires) je continue
pour dire, parler et lire aussi [...] Pour la loi
|
|
A34 : C'est la loi ?
|
|
Si nous nous en tenons à leurs définitions
(ci-dessus), un premier constat peut être fait : aucun
enquêté n'a une vision purement linguistique de
l'intégration. Seuls 3 enquêtés définissent
l'intégration en évoquant un aspect langagier certes mais
située dans l'interaction avec autrui, ce qui renforce l'idée que
l'apprentissage de la langue se conçoit socialement :
89
M30 : moi je continue (rires) je continue
pour dire, parler et lire aussi
G40 : Je vois des gens, je dis
bonjour,
R46 : il faut que je parle avec
les françaises, assise avec les françaises, parler avec
eux, ça c'est l'intégration
Ce premier constat, contredit de prime abord, la vision
politique de l'intégration précédemment
évoquée : maitrise du français = intégration
(équation réversible), que l'on retrouve « dans les
discours des politiques, dans les titres des
médias, dans de multiples strates de la
société » (Biichlé, 2009 : 36) et s'oppose
également au « mythe du rôle primordial et
suffisant de la langue dans les processus d'intégration »
(Calinon, 2013 : 27).
Deux enquêtés déclareront même de
manière insistante que : c'est pas que la
langue, la culture, le pays comme tous, pour moi c'est ça être
intégré [...] c'est pas que la langue, il y a aussi le
culturel, tu comprends la fonction (F42),
« la langue c'est rien de problème, chaque fois
il connait quelque chose voilà [...] non c'est pas un
problème » (A34)
Pour mieux comprendre les propos de F42 un
bref rappel de sa situation est nécessaire : cette enquêtée
vit en France depuis 11 ans, elle a la nationalité française, a
été qualifié d'un niveau B1 du CECRL mais ses
interlocuteurs ont du mal à la comprendre, elle me précisait que
certains de ses interlocuteurs lui rétorquait clairement «
qu'est-ce que vous dites » et lorsque je lui ai demandé de
préciser les raisons possibles de cette attitude, elle déclara
« peut-être, ils ont pas l'habitude de parler avec les autres
qui ont des difficultés de la langue ». Cette situation
confirme bien que « La compétence suffisante pour produire des
phrases susceptibles d'être comprises peut-être
tout à fait insuffisante pour produire des
phrases susceptibles d'être écoutées...
» (Bourdieu, 1982 : 42) et que « la langue, dans ce qu'on en
fait, est un phénomène social. Parler
n'est pas uniquement faire des phrases » (Eduscol, 2014).
C'est ce qui me permet de rebondir sur la notion de fonction
évoquée par F42, qui souligne un point essentiel
de l'enseignement/apprentissage d'une langue étrangère. Il s'agit
là de comprendre que les apprenants ont besoin d'apprendre une langue et
que cet apprentissage puisse faire sens à leur environnement. Cette
démarche est clairement préconisée par le CECRL, qui
recommande la démarche actionnelle, elle-même devant prendre en
compte une compétence pragmatique qui : « recouvre
l'utilisation fonctionnelle des ressources de la langue
(réalisation de fonctions langagières, d'actes de parole)
en s'appuyant sur des scénarios ou des scripts d'échanges
interactionnels » (CECRL, 2001 :
90
18). Cette notion de « fonction » qui a
été ici soulevée par l'enquêtée F42
m'amène à comprendre le rôle que doit jouer
l'apprentissage du français pour mes enquêtés dans leur
processus d'intégration.
Quand à A34, au-delà de la
langue, il conçoit l'intégration en fonction de ses
priorités, sa grande préoccupation est d'être d'abord
reconnu officiellement par l'Etat : « je sais pas mais pour l'instant,
je suis pas bien [...] tu restes pas tranquille, toujours tu tournes la
tête tu tournes, qu'est ce que je vais faire les papiers qu'est-ce que
ça, tu vois ».
Ce premier constat prend également en compte mes
interrogations de départ, à savoir s'il ne serait pas plus
efficace de favoriser plutôt en premier lieu l'intégration (et les
interactions avec l'environnement francophone) pour arriver à la «
maitrise » de la langue plutôt que l'inverse. Il confirme
également tout l'aspect majoritairement social de l'intégration
(Tiberj, 2014 : 1) et celui de langue. C'est ce qui m'amène à
privilégier une approche sociale de la langue et à opter pour
l'approche communicative comme approche de prédilection pour
l'enseignement des langues car « pour communiquer, il ne suffit pas de
connaître la langue, le système linguistique, il faut
également savoir s'en servir en fonction du contexte social
» (Hymes, 1974 : 34).
Ce qui ressort des représentations de mes
enquêtés sur l'intégration sont des aptitudes, des
comportements et attitudes à adopter plus qu'une langue à
apprendre de manière isolée. En effet, pour eux,
l'intégration se manifeste en termes d'actions sur l'avenir. Le moteur
n'est pas la langue selon eux mais leur propre comportement au quotidien et
aussi les objectifs qu'ils souhaitent atteindre dans le futur. Ils s'inscrivent
dans une dynamique en tant qu'acteur social d'un processus sans fin (celui de
l'intégration), ce qui confirme bien l'aspect dynamique du processus
d'intégration :
M30 : moi je continue (rires) je continue
pour dire, parler et lire aussi
|
|
G40 : il faut que tu travailles et que tu
t'entraines et que tu respectes,
|
|
H50 : je mets dans mon esprit de continuer
toute ma vie ici en France, c'est-à-dire,
|
il faut intégrer dans la société
française [...] être social, de plus en plus social
|
|
K43 : amélioration non c'est pas
ça [...] je crois c'est améliorer non ? [...] il faut
|
faire ma place en France
|
|
91
Mon deuxième constat concerne l'adéquation des
représentations de mes enquêtés vis-à-vis de la
notion d'intégration telle que je la conçois, un processus qui :
« engage tout l'être social des personnes
concernées (i.e. toute leur identité) et aussi
la société dans son ensemble» (Sayad,
1994 : 8. J'observe bien que les 2 acteurs du processus d'intégration
sont présents dans les réponses de mes enquêtés :
« la société et le
migrant, le système et
l'élément » (Biichlé, 2009 :
39). Ces acteurs sont désignés par mes enquêtés
eux-mêmes dans leurs réponses :
G40 : Je vois des gens [...] ils ne me
répondent pas, ils me font penser que je suis
|
transparente [...] je me dis que j'ai fait ma partie
|
|
F42 : les autres m'ont acceptée [...]
il y a différents des gens [...] il y a quelque uns
|
qui m'acceptent, les autres pas
|
|
K43 : pour ma famille oui mais pour la
France je sais pas [...] la France [...] c'est
|
exigeant, elle fait tout mais il faut les gens ils
travaillent, ils fait le bien pour tout
|
|
H37 : je fais ma possibilité [...]
c'est à lui de réfléchir
|
|
Si la réussite du processus d'intégration
dépend de ces deux paramètres alors il semble intéressant
de se pencher aussi sur la partie qui implique la société
d'immigration et ses acteurs car les conséquences d'une mauvaise
articulation entre les deux peuvent être néfastes pour le migrant
au sein de sa société car : « Si l'un ou l'autre fait
défaut, on se retrouve alors dans les configurations moins riches et
parfois plus dangereuses (communautarisme, racisme, etc.) que sont
l'assimilation et la ségrégation » (Biichlé,
2009 : 39) mais aussi pour l'apprenant en situation d'apprentissage du
français, car il lui est nécessaire de pratiquer la langue en
contexte et cela lui sera difficile s'il se retrouve isolé ou
entouré de locuteurs parlant essentiellement sa langue primaire de
socialisation. Aussi, j'aimerais appuyer le fait que la langue structure notre
identité et que si mes enquêtés pratiquent plus souvent
leur(s) langue(s) primaires de socialisation du fait qu'ils soient
isolés des interlocuteurs francophones, alors il est logique qu'une
identité plus rattachée à leur pays d'origine soit
ressentie comme plus importante chez eux : « Notre langue structure
notre identité, en ce qu'elle nous différencie de ceux qui
parlent d'autres langues et en ce qu'elle spécifie notre mode
d'appartenance [...]et de sociabilité » (Lamizet, 2002 :
5-6).
Mes enquêtés sont désireux de progresser
en français et connaissent la solution qui réside simplement en
la pratique de cette langue, ils ont en effet juste besoin de trouver des
92
locuteurs avec qui parler français : Qu'est-ce
qui vous manque pour avancer en français, est-ce qu'il y a des choses,
des moyens pour améliorer votre français ?
F42 : parler français parce que je
parle que ici avec l'association
|
|
R47 : J'aimerais bien parler le
français [...] parce que regarde ça fait
|
longtemps que je rentrais là
|
A34 : la langue, juste la langue
|
|
H37 : bien communiquer [...] c'est pas
rester à la maison
|
|
K43 : y'a personne qui parle avec moi [...]
ici on est en France, il faut
|
qu'on parle français
|
|
Dans les discours de mes enquêtés, j'observe que
l'intégration constitue davantage une démarche de
sociabilité :
R46 : il faut que je parle avec les
françaises, assise avec les françaises,
|
parler avec eux, ça c'est l'intégration
|
|
H50 : être social, de plus en plus
social et n'avoir peur des choses de la
|
vie, c'est-à-dire le timide [...] diminue un
peu
|
|
G40 : Je vois des gens, je dis bonjour,[...]
si tu n'as pas le respect, tu ne
|
peux pas t'intégrer, tu vas être
détesté vite fait
|
|
H37 : il faut faire ma place en
France
|
|
Il s'agit aussi pour eux d'un moyen de comprendre leur
environnement, de pouvoir être plus indépendant au quotidien et
d'être capable de s'investir dans leur vie sans avoir à compter
sur d'autres personnes :
93
F42 : pour moi c'est je comprends ou je
vais, je comprends bien,
|
|
H50 : il faut compter sur soi-même oui
premièrement
|
|
K43 : être capable de [...] capable de
ce qu'on veut faire [...] il faut faire
|
qu'est-ce que je veux, pas demander quelqu'un il me fait
ça, il me fait ça
|
non
|
R46 : je crois c'est il faut bien comprendre
ce qu'il faut, euh connaitre
|
toutes les choses
|
|
Ainsi, j'ai pu constater que les moyens évoqués
pour s'intégrer ne sont pas linguistiques mais essentiellement sociaux
et personnels : que ce soit par le contact direct avec les membres de la
société d'immigration et/ou par le travail sur soi.
Je vais aborder les cas particuliers de deux
enquêtés (M30 et A34) qui m'ont
questionné et permis de revoir ma méthodologie d'enquête.
Ces situations ont été analysées ci-dessous de
manière indépendante car les profils d'apprenants me paraissent
similaires.
1.2 Les difficultés de compréhension
pour les niveaux débutants : les cas de M30 et A34
Lors de mes entretiens, j'ai pu remarquer que certains
enquêtés se sont retrouvés en difficulté face
à la notion d'intégration, qui requiert des apprenants d'avoir
atteint un niveau d'apprentissage de la langue prenant en compte un certain
niveau d'abstraction.
Les cas de M30 et A34 sont
particuliers. A34, est sans papiers et en France depuis 2 ans
et n'a jamais appris le français avant d'arriver en France, il
débute les cours, de manière très
irrégulière depuis le mois de janvier 2017. M30
est arrivé, il y a 8 ans mais a été très
isolé d'un environnement francophone du fait qu'elle ait dû,
notamment, élever ses 3 enfants. Elle débute à peine, les
cours à l'association car son dernier enfant vient d'être
scolarisé. Le niveau qui a été estimé par l'OGA
pour ces locuteurs est de l'A.1.1.
En termes d'exposition en français, ils semblent tous
deux limités : M30 et A34 n'ont que le cours de
français pour pratiquer la langue. La question de l'intégration
n'a pas été la seule difficulté pour eux, j'ai dû
tout au long des entretiens effectués avec ces locuteurs, simplifier les
termes choisis car à ce niveau, ils sont censés :
94
« comprendre quelques expressions
familières et quotidiennes [...] ainsi que des
énoncés très simples f...] si les
messages sont prononcés lentement et / ou distinctement
[...] doublés par de l'écrit et
répétés » (Perrot,
2017)22
Ces deux entretiens étaient les premiers et je me suis
lancée sans me poser trop de questions, en relativisant l'aspect du
niveau de langue car il est aussi intéressant de voir comment «
la position de l'observateur dans l'espace modifie sa vision de l'objet
observé (à chaque langue sa position d'observation sur la
réalité) » (Fuchs, 1997 : 10). J'avais l'intention pour
ces locuteurs de simplifier, vulgariser les notions complexes et
j'espérais au fond de moi qu'ils auraient un minimum entendu parler de
l'intégration au vu de leur situation de migrant assez récente
car « l'immigration est principalement une question nationale via la
problématique de l'intégration » (Favell, 2010 : 44).
Après avoir insisté sur la question n°8,
précédemment traitée pour les autres
enquêtés, en reformulant plusieurs fois ma question, j'ai obtenu
les brèves réponses suivantes :
M30 : Oui (je connais). Moi je continue
(rires) pour dire, parler et lire aussi
A34 : C'est quoi intégré [...]
c'est la loi ?
Pour A34, j'ai senti à ce moment qu'il
ne comprenait pas la notion et éprouvait des inquiétudes
(certainement du fait de sa situation irrégulière) alors j'ai
estimé qu'il fallait que je lui soumette ma représentation (cf.
ci-dessous) de l'intégration, de manière un peu spontanée
et forcée car l'entretien se serait arrêté là si je
ne l'avais pas fait, en effet, les 2 questions suivantes abordaient
également l'intégration :
« Non, non, ce n'est pas la loi, c'est quand
quelqu'un, il arrive en France euh on va lui demander de intégrer en
France, de bien s'intégrer, c'est-à-dire, d'être en France
et de faire des choses pour être bien avec les autres et que les autres,
ils soient bien avec toi »
A34 : Ah oui, oui
Pour M30 et A34, il est
difficile de réaliser une analyse plus pertinente avec si peu
d'éléments, cependant il m'est possible de relever l'aspect
formel de leur représentation de
22 Issu du site
delfdalf.fr
95
l'intégration. Pour M30, il semble que
ce soit par la continuité de ses actions d'apprentissage envers la
langue que réside la solution de la bonne intégration «
je continue [...] pour dire, parler et lire aussi »
et pour A34, l'aspect légal seulement «
c'est la loi », pour le moment. Après explicitation,
ces deux enquêtés ont évoqué leur sentiment
d'intégration et des éléments se sont
révélés.
Une fois les difficultés de compréhension
résolues, ces enquêtés ont pu poursuivre l'entretien de
manière plus équitable avec leurs pairs, c'est ainsi dans la
partie qui suit, dont l'objet est le sentiment d'intégration de mes
enquêtés, que je prendrai en compte l'ensemble de mes
enquêtés dont M30 et A34.
III-2 L'association langue et intégration : une
évidence ?
1.1- Le sentiment d'intégration de mes
enquêtés : des déclarations mitigées et axées
sur l'autre
Cette partie, engagera une réflexion autour du
sentiment d'intégration ressenti par mes enquêtés. C'est
grâce à la question n° 9 : Avez-vous le sentiment
d'être bien intégré(e) par les français/la France ?
Qu'est-ce qui vous permet de l'affirmer ou pas ? Qu'avez-vous fait pour y
arriver ou qu'est-ce qu'il vous faudrait ? que j'ai pu recenser ces
énoncés :
R46 : Oui, oui [...] parce que j'aime la
France, j'aime la langue française, parce qu'ici, quand
|
je sors dans la rue [...] les femmes me disent « bonjour
madame, bonsoir madame, ça va
|
madame, salut madame » [... ]je sens bien ici
|
|
F42 : Pas encore [...] je sais pas [...] les
autres m'ont acceptée je sens mais ça dépend [...]
|
y'a des moments, je me sens bien, des moments non [...] pas
tous [...] il y a différents des gens
|
[...] il y a quelques-uns qui m'acceptent, les autres
pas
|
|
G40 : ça dépend des personnes
[...] par la France, je n'ai pas de problèmes [...] ça
dépend si
|
la personne est positive ou négative
|
H50 : pour moi c'est un peu difficile
[...]je mets dans mon esprit de continuer toute ma vie ici
|
en France [...] il faut intégrer dans la
société française oui, mais y'a des limites [...]
l'intégration n'est pas difficile pour moi jusqu'à
maintenant
|
|
H37 : je fais ma possibilité comme
une femme de foyer [...] si on est quelqu'un de bien
|
pourquoi pas
|
|
96
Les réponses ont été mitigées. En
effet, la majorité des enquêtés n'a pas répondu par
l'affirmative de manière catégorique sauf les
enquêtées M30, R46 et R47 qui se
sentent plus ou moins intégrés pour des raisons très
personnelles et localisées par des références à
leur environnement proche :
M30 ne voulait pas vraiment s'étaler
sur le sujet et n'a cessé de me répondre de manière
brève et neutre : "oui, oui, oui," "y'a beaucoup de choses oui",
"non non jamais", "non non ça va". Encore une fois, je suppose que
son niveau en français ne lui permet pas non plus de s'étendre
sur cette problématique qui nécessite un niveau d'accès
à la pensée abstraite. Les seuls éléments qui lui
permettent de se sentir intégrée sont encore une fois
(A34 également avait soulevé cet aspect) :
pour la loi [...] les gens.
R46 est en France depuis moins d'un an, elle
m'explique se sentir très seule (elle n'a pas d'enfants, ne travaille
pas et son mari travaille toute la journée) et que sa seule occupation
est le cours de français à l'association. Les motifs qui lui
permettent de se sentir intégrée sont les suivants : parce
que j'aime la France, j'aime la langue française, parce qu'ici,
quand je sors[...] les femmes me disent "bonjour madame, bonsoir
madame, ça va madame, salut madame mais elle déclare
aussi se sentir intégrée par comparaison à sa situation en
Espagne où son environnement était moins accueillant «
elles ne dit pas salut [...] quand ils regardent une femme avec le
foulard, il fait comme ça (baisse les yeux » et quand je lui dis
« hola », elles ne répond pas [...]ici en France, je
ne connais pas les gens et ils me parlent dans la rue (R46).
Une grande partie des raisons évoquées implique une
reconnaissance des autres et un besoin de sociabilité (R46
déclarera à trois reprises, ne pas vouloir rester seule
chez elle et avoir besoin de sortir pour se sentir intégrée),
mais elle évoque aussi son goût pour le français et la
France.
R47, en France depuis 26 ans semble avoir
pris ses marques en France et se sentir intégré bien que des
références à son pays d'origine resurgisse dans sa
réponse : « oui, moi je peux pas si on me dit "vas-y au
Maroc" moi je peux pas (rires »), mais aussi des
références à des problèmes apparaissent dans sa
réponse, ce qui me laisse supposer que l'intégration n'a pas
été un processus aisé pour elle et qu'elle a dû
gagner sa place en se justifiant : « j'habite là, c'est vrai,
y'a que moi que je suis là et les autres ils sont tous
français, ça m'est arrivé (d'avoir des
problèmes) mais après j'ai dit voilà je suis pas,
ça fait longtemps que je vis là moi je suis français,
j'ai la carte d'identité français et ça va mieux
maintenant [...] avant on était
97
pas d'accord de beaucoup de choses »
(R47). Le paradoxe de sa réponse réside
dans le fait que R47 se sente intégré et
français mais que son discours indique des actualisations identitaires
contraires : une claire distinction entre elle et les autres (they/wecode,
Gumperz, 1989) apparait par les marqueurs discursifs « moi
» et « les autres », « ils
sont tous français », « je parle avec
eux » et quelques lignes plus loin, elle déclarera
« je leur explique, je dis voilà, je suis là, c'est vrai
je suis étranger » et finira par préciser
qu'aujourd'hui si elle se sent intégrée, c'est parce qu'elle
n'est plus « intru », qu'elle peut «
parler » et qu'elle est « comme une française en
France ».Ces oscillations reflètent encore une fois,
l'aspect dynamique de l'identité en elle-même, et encore plus chez
les migrants : « Au fil de la vie, par son caractère
extrêmement dynamique et éminemment pluriel, l'identité
peut osciller entre identité actuelle et ancienne pour les migrants
» (Biichlé, 2017) mais aussi son aspect complexe : «
L'identité complexe, plurielle, ne serait-elle pas la règle
plutôt que l'exception dans des situations de migration ? »
(Lüdi, 1995 : 247).
Pour les autres enquêtés, certaines
réponses ont été semées d'hésitations, en
grande partie parce qu'ils ne sentent pas forcément reconnus par les
français ou parce qu'ils doutent de leur reconnaissance. La part
d'implication de la société dans le processus
d'intégration de mes enquêtés semble être difficile
à évaluer et à appréhender :
F42 : pas encore f...] je sais pas f...] les
autres m'ont acceptée je sens mais ça dépend f...]
y'a
|
des moments, je me sens bien, des moments non f...] pas tous
f...] il y a différents des gens f...]
|
il y a quelques-uns qui m'acceptent, les autres pas
|
|
K43 : je sais pas f...] on sait pas f...]
pour ma famille oui mais pour la France, je sais pas, je
|
sais pas si moi est-ce que je suis intégrée ou
non
|
|
G40 : ça dépend des personnes
f...] ça dépend qui est devant toi, c'est dur parce que tu ne
sais
|
pas comment cette personne va réagir, tu ne sais pas
ce qu'elle va te dire, tu ne sais pas si elle
|
va être sympathique avec toi, est-ce qu'elle va
être agressive avec toi, si elle va te dire des
|
choses de travers, est-ce qu'elle va regarder ton visage,
est-ce qu'elle va t'écouter, tu vois ?
|
|
H37 : pourquoi pas f...] si je me sens moi,
je suis quelqu'un de bien et je fais ma possibilité et
|
les choses comme il faut beh si quelqu'un il pense quelque
chose de moi pas bien beh c'est à lui
|
de réfléchir c'est pas à moi
|
|
98
Certains enquêtés, déclarent ne pas se sentir
intégrés du fait qu'ils ne travaillent pas ou pas de
manière sereine :
K43 : je sais pas si moi est-ce que je
suis intégrée ou non parce que [...]je travaille pas, je
travaille pas
H50 : pour moi c'est un peu difficile
[...] il n'y a pas de choses fortes parce que je ne travaille pas
pour le moment
A34 : pour moi ? [...] je pense, beaucoup
de manque [...] je travaille pas tranquille,
Ces discours me laissent supposer, que l'intégration
perçue par mes enquêtés rejoint bien ma
représentation de l'intégration évoquée plus
tôt comme étant dépendante de deux acteurs : la
société et le migrant. Cette représentation me parait plus
saine car elle n'implique pas de hiérarchie entre les acteurs, la
personne immigrant est à égalité en termes de
participation avec les autres membres de la société (Hambye &
Romainville, 2015) et « l'élément intégré
n'est pas perçu comme devant être
neutralisé, comme devant perdre ses
caractéristiques initiales » (Tap cité par
Manço, 1999 : 16).
Dans l'ensemble, mes enquêtés se sentent plus ou
moins intégrés du fait qu'ils pensent bien faire de leur
côté pour y arriver : « je suis quelqu'un de bien et
je fais ma possibilité et les choses comme il faut »
(H37) « je fais très attention
[...] je parle avec eux gentiment » (R47)
mais aussi parce qu'ils ont l'impression d'être redevables
à leur pays d'immigration « la France [...] elle fait
tout mais il faut les gens aussi », «
ce n'est pas le pays de t'adapter à toi, c'est toi qui
t'adapter à le pays, il faut que tu montres de quoi tu es
capable » (G40) mais la non reconnaissance des
membres de leur société d'immigration les laisse perplexe quant
à affirmer qu'ils soient effectivement intégrés.
Un dernier élément m'a interpellé dans
ces représentations sur l'intégration : ils se
réfèrent pour la majorité à leurs interactions avec
leur environnement proche pour parler d'intégration : « ce qui
frappe dans le point de vue immigré, c'est qu'il met fortement l'accent
sur la dimension locale de l'intégration
(Lamchichi, 1999 : 150) et certains « associe
volontairement intégration et réussite personnelle
» (Ibid. : 150) :
99
G40 : du moment que je fais mon monde, ma
vie, tout va bien, c'est eux qui
|
payent mes factures ?
|
|
K43 : il fait des études, il a son
travail, il a sa maison, tout est bien et il fait pas
|
mal à les gens f...] pour moi, c'est être bien
intégré
|
|
H50 : maintenant il n'y a pas de choses
fortes pour moi parce que je ne travaille
|
pas pour le moment
|
|
A34 : je travaille pas tranquille, les
papiers, tu sors pas beaucoup, tu fais pas le
|
voyage parce que t'as peur, rien de papiers, t'es pas
acheté l'habit de bon
|
qualité parce que tu travailles bien, rien de voiture,
tu marches, tu prends le bus
|
ou le vélo
|
|
Enfin, seulement deux enquêtés ont soulevé
des interrogations sur l'aspect langagier comme étant une
barrière ou un moteur à leur intégration :
K43 : je sais pas si moi est-ce que je
suis intégrée ou non parce que je parle pas bien,
H37 : si je peux quand même
continuer les cours de français et parler bien f...] eh beh je
crois
Ces derniers éléments me permettent d'introduire
la dernière partie de cette analyse : le rôle, pas encore
conscientisé jusqu'à ce moment de l'entretien, que joue le
français dans leur représentation de l'intégration.
1.2- Une fois l'intégration pointée
du doigt, le français semble effectivement être un facteur
important de leur intégration
Cette dernière partie a fait l'objet d'une approche
méthodologique d'enquête différente du reste de
l'entretien. En effet, je n'avais jusque là, à aucun moment,
effectué de lien entre intégration et langue. C'est au cours de
la dernière partie de l'entretien, après m'être
assurée d'avoir obtenu leurs représentations sur la question et
attendu de voir si le lien se faisait automatiquement ou pas, que j'ai
décidé, de manière imprévue au départ, de
pointer du doigt ma problématique de manière claire pour les
enquêtés. Je leur ai demandé s'ils pensaient que la
langue/le français permettait l'intégration ou parfois, de
manière moins explicite, ce qu'ils
100
pensaient de la langue dans ce processus. L'ensemble des
enquêtés interrogés a répondu par l'affirmative,
confirmant ainsi l'importance de ce facteur dans le processus
d'intégration :
R46 : Oui, oui c'est important [... ]quand
je parle avec quelqu'un dans la maison des
|
associations ou dans l'école,
|
|
R47 : Oh oui c'est important, y'a que
ça en France, la langue, il faut s'améliorer, le
|
courage pour parler, il faut faire, c'est pas grave moi je
dis le travail et ça mais pour parler il faut qu'on parle
français [...] Ah oui c'est important [...]comme ça on
peut
|
expliquer ce qu'on veut déjà si par exemple je
veux aller à la CAF ou quelque part
|
comment je vais l'expliquer, tous les jours il faut
attendre quelqu'un qui va avec toi ? [...] j'ai dit il faut que je parle
français même y'a des fautes il faut, pour les autres je sais
pas
|
H37 : c'est important, c'est très
très important eh oui si moi j'habite en France et que je
|
ne peux pas communiquer, je peux pas parler français,
c'est difficile, comme quelqu'un
|
qui vient chez vous mon pays par exemple le Maroc, il parle
pas ma langue, il parle une
|
autre langue, comment il va s'exprimer s'il parle pas la
langue, c'est important
|
|
G40 : Oui, oui, apprendre à parler le
français c'est comme refaire sa porte[...]porte
|
pour le monde entier tu es libre, tu as ta liberté en
main, c'est comme si tu venais de
|
naitre mais tu voles, tu es né et tu voles, avant tu
ne volais pas parce que tu ne parlais
|
pas le français [...]tu peux pas trouver quelqu'un qui
va être auprès de toi pour te faire
|
la traduction tout le temps, ça c'est impossible,
moi-même pour cette expérience ça m'est
arrivé
|
K43 : Oui, pour moi oui parce que quand tu
vas faire quelque chose tu demandes les
|
choses ou tu cherches les choses et c'est facile [...] pour
moi c'est le plus important
|
d'apprendre le français
|
A34 : Euh tu parles tranquille, tu connais
l'autre [...] tu entres [...] dans une banque
|
tranquille, tu connais, tu parles, tu demandes un papier ou
quoi tu connais voilà tu
|
parles tranquille, t'as pas besoin de l'autre, à la
traduction
|
|
F42 : faut, y'a bien la langue, parle avec
les gens, avec les Français (inaudible) pour
|
moi c'est ça l'intégration [...] bien
comprendre les autres [...] pouvoir convaincre
|
|
Avant cette intervention consciente de ma part qui consistait
à pointer du doigt ma problématique, aucune connexion
intégration = maitrise de la langue n'a été
souligné par mes
101
enquêtés. C'est seulement à ce moment que mes
enquêtés ont déclaré que la langue permettait
l'intégration en développant ce rapport comme une évidence
:
R46 : Oui, oui c'est important
|
|
R47 : Oh oui c'est important, y'a que
ça en France, la langue
|
|
H37 : c'est important, c'est très
très important eh oui
|
|
G40 : Oui, oui, apprendre à parler le
français c'est comme refaire sa porte[...]porte
|
pour le monde entier
|
|
K43 : Oui, pour moi oui [...] pour moi c'est
le plus important d'apprendre le français
|
|
Si je reviens en arrière23, les
réponses obtenues à la question de la définition de leur
représentation de l'intégration n'indiquaient pas la langue comme
facteur d'intégration. Ce retournement de situation était
prévisible, je me doutais qu'en guidant les enquêtés vers
ce que je souhaitais faire ressortir, ils iraient dans ce sens et c'est pour
cette raison que je ne l'ai pas fait au début, en effet en aucun cas,
mes questions visaient de manière explicite à induire ces
réponses. J'aimerais faire ressortir ici les effets de raison
impulsée par une représentation prégnante telle que la
maitrise de la langue du pays d'immigration = une intégration
réussie. En effet, j'ai pu voir que l'existence de cette
représentation dans mon discours a conditionné leur
représentation sur l'intégration. Ainsi, je pense qu'a
l'échelle du pays d'immigration, l'existence de cette
représentation conditionne l'existence de la réalité sur
l'intégration.
Mon but ici n'est pas de dire que la langue ne facilite pas
l'intégration, bien au contraire, cependant, il me parait important de
rééquilibrer la question de l'intégration des personnes
immigrant en France. Trop souvent la langue constitue un facteur décisif
au sein des débats publics contemporains, et des enjeux liés
à sa maitrise et à son emploi y sont associés (Hambye
& Romainville, 2015). Par ailleurs, il devient normal aujourd'hui
d'admettre que des facteurs liés aux pratiques linguistiques des
migrants jouent un rôle dans les difficultés que rencontrent ces
populations pour s'intégrer (Ibid.) parfois même chez les
populations concernées elles-mêmes :
K43 : je sais pas si moi est-ce que je
suis intégrée ou non parce que je parle pas bien
[...] pour moi c'est le plus important d'apprendre le
français
23Cf. III-1 Définir
l'intégration
1.1- Représentations des enquêtés :
l'intégration perçue comme une démarche sociale
102
Le paradoxe dans tout ce revirement de situation réside
dans le fait que certains de mes enquêtés ont
déclaré plus tôt dans l'entretien ne pas parler le
français ou ne pas parler bien le français24 et se
sentir tout de même intégrés plus tard pour des raisons
diverses n'incluant pas la langue 25. A ce stade de l'entretien, la
langue devient le principal facteur d'intégration et même les
enquêtés qui avaient déclaré de manière plus
affirmée se sentir intégrés (R46 et
R47) mais ne pas bien parler le français : «
non, je suis pas top [...] j'aimerais bien parler le français »
(R47), « je ne sais pas parler en
français » (R46), y trouvent désormais
une logique au rapport intégration = langue et ne jurent que par le
facteur langue :
R47 : oh oui, c'est important, y'a que
ça en France la langue [...] c'est pas grave moi je dis le
travail [...] mais pour parler, il faut qu'on parle français
R46 : Oui oui, c'est important [...] je
pense que la langue, à mon avis que la langue
Ces positions révèlent également des
attitudes impliquant une certaine culpabilité qui me renvoie à un
schéma où les acteurs qui décident de leur
intégration par la langue (la France et les français) seraient en
position de supériorité en tant que « dominants » et
les immigrés seraient les « dominés » (Pallida, et
al., 2011 : 66). Des attitudes que j'ai pu relever en leur demandant ce
qu'ils avaient fait pour bien s'intégrer en France, s'il était
facile de s'y intégrer, si le français était une
priorité et si R47 après 20 ans en France, se
sentait française :
R47 : je fais très
attention [...] je parle avec eux gentiment [...] mais y'en a qui
parlent quelque chose avec moi, je leur explique, je dis voilà je
suis là c'est vrai je suis étranger mais je veux vivre
là et j'ai le droit de vivre là » [...] je peux
parler, je suis comme une française en France
R46 : ici, oui c'est facile [...] parce que
les gens ici ne sont pas méchants, il est très gentil [...]
qu'est-ce que tu vas faire dans un pays et que tu ne sais pas parler avec la
langue
24 Cf. I-2 Les langues en usage et leurs
contextes d'utilisation 1.3 Le français : une langue
d'usage inconsciente
25 Cf. III-2 L'association langue et
intégration : une évidence ?
1.1- Le sentiment d'intégration de mes
enquêtés : des déclarations mitigées et axées
sur l'autre
103
En effet, comment un tel discours : « je suis
étranger mais je veux vivre là et j'ai le droit
de vivre là » (R47) peut ne
pas révéler une hiérarchie considérant que
« L'immigré, c'est avant tout l'étranger qui vient
s'installer « chez nous » (Laacher, 2005 : 22).
Si ces discours prêtent à confusion et
amène les enquêtés à ne pas reconnaitre leur
pratique du français comme légitime et à légitimer
l'apprentissage du français comme facteur premier à une
intégration réussie, il m'apparait alors qu'ils adhèrent
à la représentation de « la langue comme entité
circonscrite, figée, préservée de la mouvance, de la
pluralité, de la rencontre » (Bretegnier & Ledegen, 2002 :
13). Je pourrais même faire un parallèle entre ce
procédé méthodologique d'induction de la réponse et
le procédé de transmission des représentations, en effet
il m'est difficile de sous-estimer la force d'attaque des
représentations sociales en général sur un individu car :
« Elles ont en elles une sorte de force,
d'ascendant moral en vertu duquel elles s'imposent aux
esprits particuliers » (Durkheim, 1968 : 625), on en est
tous imprégnés et elles régissent notre relation au monde
et aux autres (Jodelet, 1994) tout comme la force de la représentation
suivante : intégration = langue, que j'ai pu transmettre à mes
enquêtés en les guidant.
En termes de didactique du FLE/FLS, il est pertinent de se
confronter à cette problématique de l'intégration par la
langue et d'en observer les effets sur des locuteurs en apprentissage. En proie
à la confusion et aux doutes, l'apprenant d'une langue
étrangère se construit de par et avec la langue, il parait alors
important en tant qu'enseignants de veiller à accompagner et orienter
cette construction vers le désir de la langue apprise et non vers
l'obligation. Un désir qui n'exige pas de l'apprenant d'abandonner son
passé, ses langues et son identité, qui constituent des richesses
à qui veut bien le voir. Aussi, j'aimerais préciser que le bagage
linguistique et identitaire d'origine des apprenants ne l'empêchera pas
d'avancer dans son processus d'apprentissage et d'intégration, en effet,
les langues et identités d'origine et actuelle peuvent cohabiter.
J'aimerais avant de conclure mon travail de mémoire
effectuer une critique soulignant une des failles de mon approche
méthodologique. En ce qui concerne les représentations de mes
enquêtés sur la question de l'intégration, il m'a
été difficile de traiter les réponses obtenues de la
même manière. J'ai pu aborder de manière isolée, les
difficultés de compréhension de M30 et de
A34 26 sur la question de l'intégration et
évoquer les raisons
26 Cf. III-1 Définir
l'intégration
1.2- Difficultés de compréhension pour les
niveaux débutants : les cas de M30 et A341.1
104
éventuelles de ces difficultés. En termes de
méthodologie, il a fallut que je m'adapte. Je ne voulais absolument pas
diriger les réponses de mes enquêtés mais je devais
rebondir vite dans cette situation car comme je l'ai expliqué,
l'entretien se serait achevé à ce moment sans que je ne puisse
obtenir plus d'éléments de réponse sur ma
problématique. La seule solution que j'ai estimé être
appropriée à ce moment et qui me soit venue était de leur
expliquer avec mes mots, ma représentation, ce que j'entendais par
intégration en m'adaptant à leur niveau : prononciation lente et
articulation distincte des vocables, répétition du lexique
important « en France », «
intégrer » et utilisation d'un lexique simple et familier
: « demander », « faire des choses », « bien
», « les autres ». Les réponses obtenues n'ont
certes pas respecté ma démarche méthodologique de
départ mais je les ai quand même prises en compte en les
distinguant des autres. L'avantage d'avoir rencontré ces
difficultés au départ a été de pouvoir mener une
réflexion à ce sujet et d'améliorer les entretiens qui
suivirent en les orientant dans une démarche plus flexible. J'aurais
dû en effet prévoir lors de la réalisation de mon guide
d'entretien ce genre de barrière et prévoir des approches
différentes pour les enquêtés d'un niveau plus faible en
français (traduction de la notion dans leur langue primaire de
socialisation, synonymes moins abstraits, etc.). Ces entretiens m'ont aussi
permis d'approcher ce que peut représenter une classe de langue avec des
apprenants aux niveaux hétérogènes et de pouvoir
réfléchir à des solutions de différenciation
pédagogique. Enfin, ces situations me rappellent, qu'être
enseignant de FLE/FLS c'est aussi influencer l'apprenant dans son parcours
d'apprentissage du français et lui transmettre des
représentations (sur la langue, la culture, etc.) qui le guideront au
quotidien. Répondre de manière spontanée à un
apprenant peut être délicat sur des questions telles
l'intégration car elles impliquent l'individu dans un positionnement qui
ne peut pas rester neutre. Cet évènement m'a confronté
à la difficulté de pouvoir transmettre la « bonne
réponse » à mes apprenants et à la
responsabilité que celle-ci implique. J'ai fini par réaliser que
toutes ces interrogations qui régissent mon rapport à l'autre,
que ce soit en didactique du FLE/FLS ou vis-à-vis de la question de
l'intégration, relèvent de mon entente face à la norme
mais est-il seulement possible de s'en détacher ? si oui, quels sont les
conséquences derrière ?
105
CONCLUSION
Ce travail arrivé désormais à sa fin,
reste l'objet de préoccupations et de questions restées sans
réponses. Il m'a en effet été impossible de me
débarrasser de l'ensemble des interrogations survenues tout au long de
ce périple où fusaient des interrogations scientifiques,
personnelles et professionnelles, qui m'ont poussée à
réfléchir de plus en plus et m'ont parfois écartée
de mon raisonnement initial. J'ai très vite compris que faire un travail
de recherche consiste aussi à savoir se remettre en question et ne pas
toujours rester sur ses positions de départ. Je m'étais mise dans
une position de défense vis-à-vis de ce que j'estimais être
une adroite supercherie politique visant à nous faire croire que seule
la langue pouvait aider un migrant à s'intégrer et ne
m'étais pas rendue compte que la question devait se poser autrement. Ce
qui me semblait être au départ une problématique
tournée dans le bon sens : aborder l'apprentissage du français
à travers l'optique de l'intégration des populations
immigrées, a petit à petit été
réorienté par les dires de mes enquêtés. Largement
perçue comme une démarche sociale d'interaction vers l'autre,
l'intégration ne semble pas se résoudre par l'apprentissage du
français. Il aurait été plus pertinent d'aborder le
rôle que joue l'intégration de ces publics dans leur processus
d'apprentissage du français car il constitue un levier d'action plus
important. Leurs parcours d'intégration soulèvent essentiellement
des problèmes de reconnaissance sociale, une reconnaissance de l'autre
au niveau professionnel, personnel et identitaire.
Je ne nie pas la prégnance de la représentation
visant à surestimer la langue dans l'intégration des migrants et
ce que cela implique sur les parcours d'apprentissage de mes
enquêtés ni même la force par laquelle elle guide leur
pratique au quotidien. Cependant, il me semble juste de ne pas oublier que la
langue reste pour mes enquêtés une force d'action, elle
représente un outil d'indépendance et d'autonomie, de conviction
et de sociabilisation leur permettant d'accéder à
l'intégration.
Au fur et à mesure que j'avançais, je me rendais
compte à travers les énoncés de mes enquêtés,
qu'ils étaient eux aussi victimes de cette représentation qui
semble affecter non seulement leur identité en tant qu'individu mais
aussi en tant qu'apprenant. Afin de mieux comprendre mes enquêtés,
j'ai essayé de rentrer dans leur logique représentationnelle en
me positionnant moi aussi comme une personne immigrant dans un pays
étranger. Je me suis souvenue de mes expériences à
l'étranger (et même en France) où le sentiment
d'insécurité linguistique me pesait et m'empêcher de
m'exprimer : cours de langues, rencontres avec des locuteurs allophones,
voyages touristiques et familiales, etc. Ces expériences, loin
d'être
106
comparables à la situation de beaucoup de personnes
immigrant en France car elles ont été entreprises dans un but
parfois récréatif ou professionnel, ont contribué à
remettre en cause mon identité. Nous avons tous eu (ou presque) un jour
l'expérience de se retrouver l'étranger de quelqu'un et de se
sentir démuni face à une langue qu'on ne maitrise pas ou
très peu. La perte de statut qui va avec nous rend conscients que
l'apprentissage de la langue du pays d'immigration est un facteur à
prendre en compte dans la vie et l'intégration de ces personnes
car :
« apprendre à parler le
français c'est comme refaire sa porte f...]
une porte pour le monde entier, tu es libre, tu as ta liberté en
main, c'est comme si tu venais de naitre f...] tu es né
et tu voles, avant tu ne volais pas parce que tu ne parlais pas le
français » (G40)
Si apprendre le français amène
nécessairement l'apprenant à se définir en tant
qu'individu, il semble alors important de préserver cette
identité à travers les interactions qu'il a avec le monde
extérieur (« face-work », Goffman, 1974). C'est en ce sens que
je ne néglige pas l'importance et le rôle que joue la langue pour
l'apprenant de FLE/FLS. C'est également dans cette direction qu'en tant
qu'enseignant de FLE/FLS nous devons agir afin d'aider l'apprenant dans la
construction d'une identité harmonieuse avec et par la langue.
Cependant, il reste à prendre en compte que l'intégration est une
démarche binaire, elle implique également la part que la
société d'immigration offre au migrant afin de contribuer
à la réussite de son processus d'intégration (De Pietro et
Matthey, 2003 : 144). En effet, si cette partie ne considère pas la
personne immigrant en tant qu'individu et locuteur à part entière
de cette société, comment est-il possible pour elle de se faire
une place ? : « Pour ma famille oui mais pour la France je
sais pas, je sais pas si moi [...] je suis intégrée ou non
parce que je parle pas bien »
(K43).
Ne pas pouvoir s'exprimer dans un français «
correct » représente une source d'inconfort pour les migrants qui
ont tendance à s'isoler et ainsi à ne pas pratiquer la langue.
S'engage ainsi tout une dynamique d'isolement et d'enfermement auprès de
ces personnes. Le phénomène migratoire implique comme j'ai pu
l'évoquer, des chamboulements considérables en termes
d'identité mais aussi au niveau langagier. S'exprimer dans une langue
c'est aussi exprimer une identité et si celle-ci n'est pas
considérée, alors l'apprenant aura du mal à
s'intégrer. La réponse à ma problématique à
savoir : le rôle que joue l'apprentissage du français au sein du
processus d'intégration des migrants en France, se trouve
confrontée à des résultats mitigés. A
première vue, les réponses de mes enquêtés ne m'ont
pas menée vers une piste impliquant la langue comme facteur
d'intégration, en effet, une majorité d'arguments se
107
dirigeaient vers des savoir être et des savoir faire
à mettre en pratique en société pour s'intégrer
beaucoup plus que l'apprentissage du français. Par la suite, il s'est
avéré qu'en reformulant mes questions et en les dirigeant
précisément sur ma problématique, ceux-ci se soient
retrouvés face à un paradoxe : celui de considérer la
langue comme facteur premier d'intégration. Si au départ, je
pensais confirmer le fait que la langue n'est pas ressenti comme un facteur
d'intégration pour mes enquêtés, il me semble
désormais impossible de l'affirmer. La transmission et le guidage vers
la représentation langue = intégration me semble avoir
été un facteur déclencheur dans ces réponses.
Je retiendrai alors pour étude qualitative
limitée en termes de temps et de corpus, qu'il est difficile d'envisager
un travail conséquent en tant que qu'étudiant car l'objet d'un
tel travail nécessite un travail de fond et un recul qui survient
parfois très tard dans le cheminement de notre recherche. Aussi, ces
périodes d'observation et d'enquêtes m'ont fait réaliser
l'importance d'instaurer une relation de confiance et d'apaisement en termes de
communication avec nos apprenants. En effet, lors de mes entretiens, beaucoup
d'apprenants se sont révélés être des personnes
très à l'aise avec la langue une fois la pression normative
amoindrie : pas d'évaluation ni de jugement de leur parole. J'ai pu voir
des apprenants se révéler et interagir de manière
aisée. Je pense que le cadre de la classe ne doit pas se réduire
à un simple cours de français, il devrait être un
échantillon de ce à quoi l'apprenant sera confronté mais
aussi un lieu où sa parole devrait être prise en
considération dans sa pluralité, j'estime qu'il représente
une micro société devant agir comme un tremplin vers la
société pour les migrants, une transition accompagnée et
guidée par l'enseignant. Quoi qu'il en soit, je pense que les
associations permettent cette transition de manière plus ou moins
éclairée et que leur travail doit être reconnu, car souvent
limités en termes de moyens, elles agissent bien souvent comme elles le
peuvent et non comme elles le voudraient toujours.
108
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117
ANNEXES
ENTRETIEN A34 - 22.15 min
1/ Expliquez-moi ce que vous faisiez avant d'arriver en
France (études, travail, etc.) et ce que vous faites
maintenant.
Travail
Travail oui, vous travailliez dans quoi ?
Euh, conducteur, ça veut dire chauffeur ?
Conducteur oui, c'est ça. Pour ? Chauffeur
?
Camion.
Camion, pendant combien de temps ?
Au Maroc, travail ?
Oui
5 ans
Sans. Et qu'est-ce que vous faites maintenant ? Ça
fait longtemps déjà ? (que vous êtes en
France)
Euh 2 ans.
2 ans. D'accord et vous travaillez toujours comme
conducteur ?
Ici
Oui
Non
2/ Quelles langues parlez-vous ? Quelle langue
parlez-vous avec votre famille, vos amis ? Dans quelles occasions ? Avez-vous
des préférences, lesquelles et pourquoi ?
Et quelles langues vous parlez ? Toutes les langues (que
vous parlez) ?
Ce n'est pas toutes les langues. Arabe, français
Arabe, quel arabe ?
Arabe marocain.
Oui, juste l'arabe marocain ?
Oui
Pas d'autres langues ? Français aussi
?
Français aussi, un peu.
118
Un peu. Et quelles langues vous parlez avec votre famille
?
Arabe
Juste arabe ? Les amis ?
les amis au Maroc ou ici ?
Les deux.
Peut-être les amis arabes je parle arabe, les amis
français je parle en français.
Oui. Vous avez beaucoup d'amis français
?
Non j'ai pas beaucoup.
Oui, à peu près ?
(inaudible)
Oui.
A34 : 4 personnes
Oui, vous les voyez souvent ?
Non
En quelles occasions vous les voyez ?
L'occasion ? Travail si je travaille un peu.
Un peu, vous travaillez dans quoi ?
Peinture
La peinture. Et est-ce que vous avez des
préférences pour parler (une langue) ?
[...] Arabe
Arabe oui, pourquoi ?
Parce que je connais beaucoup d'arabes ici[...]
3/ Où avez-vous appris le français ?
Pendant combien de temps ? Avec qui et quand le parlez-vous? Avez-vous des amis
français ?
Et, ou est-ce que vous avez appris le français ?
Ou vous avez appris le français ?
[...] Euh pour le travail et comme ça.
Au Maroc ? non jamais ?
Non.
Vous n'avez jamais parlé français au Maroc,
c'est depuis que vous êtes en France ?
Oui.
Et ça fait combien de temps déjà
?
2 ans.
119
4/ Comment avez-vous connu l'association et depuis
combien de temps la fréquentez- Que vous apporte-t-elle ?
Fréquentez-vous d'autres lieux que cette association où vous
pouvez pratiquer le français ?
Je connais un ami qui vient ici, il m'a donné
l'adresse.
D'accord, c'est comme ça que vous êtes
venu
Oui, à l'association
Ça fait combien de temps que vous êtes
à l'association ?
1 mois presque
1 mois, juste 1 mois, d'accord. Et qu'est-ce qu'elle vous
apporte l'association ? Depuis
que vous êtes là, ça fait 1 mois mais
est-ce qu'il y a des choses qu'elle vous a apporté ?
Ah oui, euh, qu'est-ce que je veux parler avec qui, avec,
qu'est-ce que je vais lire (inaudible)
les factures
Ah d'accord les factures
Qu'est-ce que tu tries, voilà
Est-ce que vous allez dans d'autres endroits que
l'association ? d'autres endroits où vous
parlez le français en dehors, pas l'association
ici mais est ce qu'il y d'autres associations
ou vous allez
Non que ici.
Et avec vos amis dehors ?
Oui
Aussi
Oui
5/ Quelles sont les situations en France ou vous
éprouvez/avez éprouvé le plus de difficultés pour
vous faire comprendre ? Savez-vous pourquoi ?
Euh, j'ai besoin quelque chose comme ça et je vais prendre
un ami
Ah oui, c'est jamais vous ?
Temps en temps parce que j'ai pas parlé bien
Vous parlez pas bien ?
Non
D'accord, et ça pour vous c'est, c'est difficile
quand vous allez dehors pour demander
quelque chose ça vous dérange ?
Oui
120
6/ Qu'en est-il d'aujourd'hui : est-ce qu'il est plus
facile de vous faire comprendre ? Qu'est-ce qui vous a permis d'avancer ou
qu'est-ce qu'il vous manque pour le faire ? Quels seraient d'après vous
les moyens pour améliorer son français ? Le faites-vous
?
[...] Maintenant ça va, c'est pas comme
première année
La première année oui, qu'est ce qui a
changé ?
Eh beh je connais la mentalité de le plupart euh tu parles
un peu
Oui, la mentalité, c'est ça qui vous
aidé ?
Oui
Qu'est-ce qui vous manque maintenant pour aller plus loin
? pour vous faire
comprendre, pour avancer ? qu'est-ce qu'il vous manque
?
La langue juste la langue
Juste la langue ?
Oui
Rien d'autre ?
Euh j'ai pas compris bien bien, ils cherchent quoi ou quoi ?
Non, qu'est-ce qu'il vous manque, qu'est-ce que vous,
vous aimeriez avoir pour avancer
plus ?
Ah euh beaucoup de choses
Oui, comme par exemple ?
La langue, les papiers, une femme pour mariage, voilà
Oui, et qu'est-ce qui vous empêche de trouver par
exemple une femme, de parler en
français, qu'est-ce qui vous empêche de
faire tout ça ?
Pour la langue, c'est pas beaucoup d'école, juste
l'association. Temps en temps je cherche du
travail comme ça, pas longtemps je viens à
l'association voilà et pour l'autre, pour la dame je
sais pas
Ah bon (rires). C'est les papiers le problème
?
(rires) Oui
7/ Selon vous, que signifie « bien parler
français » ? Pensez-vous le faire ? Pourquoi ? [...] J'ai
pas compris, après je parle bien qu'est-ce que je vais dire ?
Non, non, il y a une expression, ça veut dire
« bien parler français », qu'est-ce que c'est pour vous bien
parler français ?
121
Euh je sais pas mais beaucoup de choses, euh j'ai pas mais le
(inaudible) et moral
Est-ce que vous pensez que vous parlez bien le
français ?
Oui
Oui, d'accord. Pourquoi ? Qu'est-ce qui vous fait dire
ça ?
J'ai pas bien compris (en arabe)
C'est pas grave, je voulais juste savoir vous, est-ce que
vous pensez que vous parlez bien
français ?
Oui je pense oui, ouais.
Oui, qu'est ce qui, pourquoi vous pouvez dire ça
?
(inaudible) par les autres voilà
Avec les autres, parce que vous parlez avec les autres
?
Oui
8/ Selon vous, que signifie l'intégration/
être « bien intégré(e) » ?
[ ...] Ah, vous connaissez le mot «
intégration » ?
Non
Et l'expression « être bien
intégré » ?
Non
Vous avez jamais entendu ça ?
Non j'ai pas compris la question
En fait ma question c'est est-ce que vous connaissez
l'expression « être bien intégré » ?
C'est quoi intégré ?
[...] Ah « être intégré »
par exemple
C'est la loi ?
Non, non, ce n'est pas la loi, c'est quand quelqu'un il
arrive en France euh on va lui
demander de bien intégrer la France, de bien
s'intégrer c'est-à-dire de, d'être en France
et de faire des choses pour être bien avec les
autres et que les autres ils soient bien avec
toi
Ah oui, oui
9/ Avez-vous le sentiment d'être « bien
intégré(e) » par les Français/la France ? Qu'est-ce
qui vous permet de l'affirmer ou pas ? Qu'avez - vous fait pour y arriver OU
qu'est-ce qu'il vous faudrait ?
122
Donc est-ce que vous sentez vous, que vous êtes
bien intégré ?
Pour moi ?
Oui. Oui, qu'est-ce qui vous fait dire ça
?
Je parle gentil avec les tous les tous les amis, tous les
collègues voilà
D'accord et qu'est-ce que vous avez fait pour arriver
à être bien intégré vous, qu'est-ce
que vous avez fait pour être bien en France
?
Pour l'instant rien
Rien de spécial ?
Rien de spécial oui
Et qu'est-ce que vous auriez envie de faire
?
Pardon ?
Est-ce que vous avez envie de faire des choses pour
être en France, pour être bien
intégré, qu'est-ce que vous pensez qu'il
faut faire ?
Le travail
Le travail oui
Le travail, le médical, le comment s'appelle, le
(inaudible-arabe ?) comme ça
La guerre ?
Non, tu restes tranquille ici tu restes tranquille comme
ça t'as pas peur pour les autres
Qu'est-ce que ça veut dire rester tranquille
?
[...] Euh, t'es gentil pour l'autre, les autres et tu fais pas
les bêtises (rires)
Et les autres est-ce que vous pensez que
La même
La même chose
Oui la même chose
Oui depuis que vous êtes en France, les autres,
ils sont gentils avec vous ?
Oui il est gentil
Y'a pas, y'a jamais eu de problèmes
avec
Avec eux ?
Oui
Non jamais
Est-ce que vous vous sentez vous maintenant marocain,
français ou les deux ? Est-ce que
un peu plus, vous vous sentez plus marocain ou
français ou les deux ?
[...] Pour l'instant en France, je cherche beaucoup de de
choses, j'ai pas habite ici tranquille
parce que rien de papiers, je travaille pas tranquille, pour
l'instant marocain
Marocain ?
123
Oui
Et qu'est-ce qu'il vous manque pour vous sentir plus
français ?
[...] (inaudible) je pense, beaucoup de manque
Qu'est-ce qu'il vous manque, c'est-à-dire
maintenant vous vous sentez plus marocain, ça
fait deux ans que vous êtes en France et est-ce que
vous pensez que pour vous sentir
Français, qu'est-ce qu'il faut oui qu'est-ce qu'il
vous manque ?
Euh le travail tranquille oui je travaille pas tranquille, les
papiers, tu sors pas beaucoup, tu fais
pas le voyage parce que t'as peur rien de papiers, t'es pas
acheté l'habit de bon qualité parce
que tu travailles bien, rien de voiture, tu marches, tu prends le
bus ou le vélo euh beaucoup de
choses
Oui oui, et la langue est-ce que vous pensez que
ça aide ?
Oui la langue, la langue chaque fois il est (inaudible), il
apprend une, il connait une autre, une
phrase, la langue c'est rien de problème, chaque fois il
connait quelque chose voilà
C'est-à-dire à chaque fois vous
apprenez
Oui j'apprenais oui
Un peu plus
Oui
Donc pour vous c'est pas un problème la langue
?
Non c'est pas un problème
C'est le reste qui est difficile, tout ce que vous avez
dit c'est ça qui vous manque pour
vous sentir à l'aise
Oui
10/ Pensez-vous qu'il est facile de s'intégrer
aujourd'hui en France ? Pourquoi ? Quels conseils donneriez-vous à une
personne étrangère qui souhaite s'intégrer en France
?
[...] Je sais pas mais pour l'instant (rires) je je suis pas
bien
[...] Si par exemple y'avait une personne
étrangère qui vient en France aujourd'hui et elle vous demande
voilà j'ai besoin de savoir qu'est-ce qu'il faut pour être bien
intégré en France, quel conseil vous lui donneriez ?
[...] Juste les papiers, tu rentrer règlement (rires)
parceque si tu tu, tu restes pas tranquille Oui, oui, les
papiers
Oui, tu restes pas tranquille, toujours tu tournes la tête
tu tournes, qu'est ce que je vais faire les papiers qu'est-ce que ça, tu
vois
[...] Est-ce que tout, si vous aviez les papiers
aujourd'hui, on vous donne les papiers
124
(rires) est-ce que ça vous aiderait à
vous sentir plus français ?
Oui
[...] Et la langue, est-ce que si aujourd'hui votre
niveau il augmente (rires) et vous
parlez mieux qu'un français, est -ce que vous
pensez que vous seriez mieux en France ?
Oui
Oui, pourquoi ?
Euh tu parles tranquille, tu connais l'autre, tu parles
pourquoi voilà et tu entres comme tout à
l'heure dans une banque tranquille, tu connais, tu parles, tu
demandes un papier ou quoi tu
connais voilà tu parles tranquille, t'as pas besoin de
l'autre, à la traduction
Est-ce que vous pensez que les cours à
l'association, ils vous ont aide à comprendre la
France, les Français ?
[...] Oui
C'est quoi qui vous a aide ?[...]
L'association, il m'a donné beaucoup de choses, je
connais un autre ami voilà, je connais le
droit (les droits) de la France et l'association il a
donné le le comment il s'appelle, le courage,
le courage de rester ici et il a donné la la comment
s'appelle (mot « langue » en arabe)
[...] Ah la langue ?
La langue oui, voilà.
125
ENTRETIEN F42 - 21.39 min
1/Expliquez-moi ce que vous faisiez avant d'arriver en
France (études, travail, etc.) et ce que vous faites
maintenant.
Ça fait 11 ans
D'accord, et vous êtes d'origine ?
Marocaine
Marocaine d'accord, et qu'est-ce que vous faisiez avant
de venir en France et
maintenant qu'est ce que vous faites ?
Avant j'étais aux Pays-Bas, je travaille pendant 4 ou 5
ans [...] fin 2005 j'ai immigré ici
Et vous travailliez quand vous étiez aux Pays-Bas
?
Oui oui mais ici jamais
Et au niveau des études, vous avez fait des
études ?
Oui jusqu'au lycée [...]
2/ Quelles langues parlez-vous ? Quelle langue
parlez-vous avec votre famille, vos amis ? Dans quelles occasions? Avez-vous
des préférences, lesquelles et pourquoi ?
Euh marocain, arabe
Arabe, quel arabe ?
Arabe marocain
D'accord, et avec les amis ?
Euh oui marocain ou tamazigh de mon langue d'origine
D'accord et est-ce que vous préférez une
langue, avec toutes les langues que vous parlez
y'a une langue que vous préférez parler,
que vous aimez le plus ?
Non ça dépend, par exemple quand je parle avec les
enfants de mon frère je parle en
(inaudible) parce qu'ils ne parlent pas arabe
Vous n'avez pas de préférences
?
Non, non
3/Où avez-vous appris le français ? Pendant
combien de temps? Avec qui et quand le parlez-vous? Avez-vous des amis
français ?
Euh j'ai appris à Champfleury à la maison pour
tous, à Monclar [...] c'est comme ici un peu, une association
126
Ça fait combien de temps que vous avez appris
?
2 ans
Donc ça fait 2 ans que vous avez commencé
à apprendre là bas ?
Oui, oui, ici c'est la première année
Et avant jamais vous avez appris ?
Non non, jamais
Même au Maroc, aux Pays-Bas ?
Oui, oui un petit peu [...] à l'école
Beaucoup de temps ?
Au Maroc, jusqu'au collège
Et maintenant que vous êtes en France, avec qui
vous parlez en français ?
Avec les gens qui parlent pas la langue
Oui, et vous avez des amis français avec qui vous
parlez souvent ?
Euh non, j'ai une voisine en face de temps en temps mais y'a pas
des amis pas de
En français non, c'est quelle langue que vous
parlez avec les amis le plus ?
Arabe [...]
4/ Comment avez-vous connu l'association ET depuis
combien de temps la fréquentez-vous ? Que vous apporte-t-elle ?
Fréquentez-vous d'autres lieux que cette association où vous
pouvez pratiquer le français ?
J'habite juste à côté
D'accord, c'est quelqu'un qui vous en a parlé
?
Oui, oui, dans les amis français, je trouve pas moi parce
que j'habite dans les quartiers moi
(inaudible) les français, j'ai juste les voisins, voisines
c'est tout
Et ça fait combien de temps que vous êtes
dans cette association ?
3 ou 4 mois je sais pas exactement
Qu'est-ce qu'elle vous apporte cette association
?
On parle, on écrit, on lit plusieurs fois par semaine
[...]
Est-ce que vous allez dans d'autres endroits pour
apprendre le français ou c'est juste
ici ?
Je vais à Monclar aussi, oui 2 fois ici et 2 fois
là-bas
5/Quelles sont les situations en France ou vous
éprouvez/avez éprouvé le plus de
difficultés pour vous faire comprendre ?
Savez-vous pourquoi ?
Oui beaucoup
Vous avez des exemples ?
Oui jusqu'à maintenant, aujourd'hui, quand je parle, par
exemple quand je veux faire le
rendez vous par téléphone, je préfère
aller chez le lieu c'est facile pour moi parce que c'est
difficile pour moi parce que quand je veux expliquer quelque
chose au téléphone pour moi
c'est trop difficile
Vous savez pourquoi c'est difficile ?
Oui la langue c'est pas bien
Ah oui, c'est la langue ?
Oui c'est la langue
6/Qu'en est-il d'aujourd'hui : est-ce qu'il est plus
facile de vous faire comprendre ? Qu'est-ce qui vous a permis d'avancer OU
qu'est-ce qu'il vous manque pour le faire ? Quels seraient d'après vous
les moyens pour améliorer son français ? Le faites-vous
?
Et est-ce que depuis que vous êtes arrivée
en France, c'est plus facile maintenant pour
vous ?
Euh oui c'est moins qu'avant
Oui et vous savez pourquoi ?
Euh je suis habituée
Qu'est-ce que vous avez, vous êtes habituée
à quoi ? [...] Qu'est ce qui a fait que
maintenant c'est plus facile pour vous ?
Je comprends un peu plus, je sors et je fais, je vais à
l'école, les associations, ça c'est un peu
plus facile
Et est-ce que aujourd'hui il y a des choses qui vous
manquent pour avancer, qu'est ce
qui vous manque pour avancer plus, par exemple en
français est-ce qu'il a des choses,
des moyens pour améliorer le français,
votre français ?
Parler français parce que je parle que ici avec
l'association
Dehors non ?
De temps en temps quand même quand j'ai besoin [...]
127
7/Selon vous, que signifie « bien parler
français » ? Pensez-vous le faire ? Pourquoi ?
[...] Euh oui, apprendre la langue bien, je comprends bien, je
peux parler
Oui, pour vous c'est bien comprendre ?
Oui bien comprendre, c'est mieux (inaudible)
Est-ce que vous pensez que vous parlez bien le
français ?
Non
Pourquoi ?
Parce que les autres ne me comprennent pas bien
Les autres ne vous comprennent pas ? Moi je vous
comprends
Oui, vous mais y'a des gens qui me disent « qu'est ce que
vous dites ? »
Et pourquoi à votre avis, ils ne vous
comprennent pas ?
Euh je sais pas, peut être ils ont pas l'habitude de
parler avec les autres qui ont des difficultés
de la langue je sais pas
D'accord, pour vous c'est le problème
de
Non c'est de moi aussi mais c'est pas (inaudible)
8/ Selon vous, que signifie l'intégration/
être« bien intégré(e) » ?
[...] L'intégration
« Etre bien intégré en France
», vous avez déjà entendu ça ? Qu'est-ce que c'est
pour vous « être bien intégré » à votre
avis, y'a pas de bonne ou de mauvaise réponse
(Rires)
Si vous entendez quelqu'un dire « il faut
être bien intégré en France », vous comprenez quoi
?
Je comprends, ce que je comprends oui je comprends bien
(inaudible) c'est pas que la langue, la culture, le pays comme tous, pour moi
c'est ça être intégré [...] intégration pour
moi c'est je comprends ou je vais, je comprends bien, c'est pas que la langue,
il y a aussi le culturel (inaudible) tu comprends la fonction
Comment ça fonctionne ?
Ça fonctionne, voir comment les autres, pour moi
comprendre bien ou je vais, ça me permet qu'est ce que je veux ou veux
pas faire [...] oui qu'est ce qu'ils demandent les autres [...]
128
9/Avez-vous le sentiment d'être « bien
intégré(e) » par les Français/la France ?
Qu'est-ce
129
qui vous permet de l'affirmer ou pas ? Qu'avez- vous fait
pour y arriver OU qu'est-ce qu'il vous faudrait ?
Et est-ce que vous pensez que vous êtes bien
intégrée vous ? c'est votre ressentiment
Pas encore
Pas encore, qu'est-ce qu'il vous manque ?
Non c'est, je sais pas
Vous sentez que vous êtes bien
intégrée en France ici, ça fait 11 ans
déjà
Je sais pas
Y'a rien qui vous montre dans la vie de tous les jours
(inaudible)
Les autres m'ont acceptée je sens mais ça
dépend [...] oui, y'a des moments, je me sens bien,
des moments non
Oui, et pourquoi des fois vous vous sentez pas bien,
qu'est ce qui vous fait sentir comme
ça ?
Euh
Y'a pas des choses en particulier,
Euh
C'est la langue ?
Euh oui, c'est pas que la langue mais différent culture,
différent (inaudible), c'est mal
comprendre, commet dire, je sens pas bien quand les autres me pas
bien comprendre
Et est-ce que vous avez l'impression que les
français, ils vous acceptent, ils vous ont bien
intégrée eux ? C'est-à-dire vous,
est-ce que vous vous sentez bien en France
Ça va
Est-ce que vous sentez que les autres ils vous acceptent
en France ?
Pas tous
Et pourquoi vous pensez qu'ils ne vous acceptent
pas
Il y a différents des gens (rires) mais c'est pas, il y a
quelque uns qui m'acceptent, les autres
pas
10/ Pensez-vous qu'il est facile de s'intégrer
aujourd'hui en France? Pourquoi ? Quels conseils donneriez-vous à une
personne étrangère qui souhaite s'intégrer en France
?
Ça oui, ça va, ça dépend des gens
Et si vous aviez des conseils pour une amie qui vient en
France, qu'est ce que vous lui donneriez comme conseil pour bien
s'intégrer en France ?
130
Première chose, faut, y'a bien la langue, parle avec les
gens, avec les Français (inaudible) pour moi c'est ça
l'intégration [...] bien comprendre les autres [...] pouvoir
convaincre
Est-ce qu'il y a autre chose que la langue pour vous
?
Euh d'autres [...] mes enfants vont ici dans le, oui entourage
Ça pour vous c'est une manière de
s'intégrer ?
C'est une manière c'est pas toutes les manières
[...]
Traduction d'une amie : c'est une partie, le
fait que ses enfants soient nés ici, que l'entourage soit ici, leurs
fréquentations ici, c'est un plus pour elle, on va dire, que ça
lui permet de s'intégrer.
131
ENTRETIEN G40 - 42.55 min
1/ Expliquez-moi ce que vous faisiez avant d'arriver en
France (études, travail, etc.) et ce que vous faites
maintenant.
Alors avant j'étais toujours danseuse-animatrice et
aujourd'hui je continue encore à être danseuse-animatrice
Et ça fait combien de temps que vous êtes en
France ?
6 ans
2/ Quelles langues parlez-vous ? Quelle(s) langue(s)
parlez-vous avec votre famille, vos amis ? Dans quelles occasions? Avez-vous
des préférences, lesquelles ET pourquoi ?
Je parle le portugais et je peux parler l'italien, l'espagnol
comme si comme ça mais le mieux le
français et le portugais
Et avec votre famille vous parlez quelle(s) langue(s)
?
Portugais
Portugais, juste portugais ou d'autres langues
?
Non, juste portugais
Et avec les amis ?
Ici ou là-bas ?
Euh les 2
Ça dépend des personnes, y'a des personnes que je
parle brésilien, y'a d'autres personnes que je
parle français
D'accord, est-ce que vous avez une
préférence pour une langue ?
Non j'ai pas de préférences, j'aime les 2
Les 2 langues ?
Les 2 langues
Les 2 langues avec facilité. Et dans quelles
occasions en fait, vous parlez portugais ?
Ah l'occasion c'est quand je rentre en contact avec ma famille
Avec la famille surtout ?
Oui
Et en France ?
En France c'est français, français et
français.
Toujours ?
132
Même quand je croise des fois des brésiliens, je
parle que français
Vous avez pas de famille en France ?
Non
Et des amis portugais, euh brésiliens
?
Non plus
Non plus.
Bon j'ai des connaissances mais je peux pas dire vraiment ce sont
des amis
D'accord. Et donc ça se passe en français
à chaque fois ?
Chaque fois ça se passe en français. Bon tu parles
pas le brésilien et je m'en fiche (rires)
Et vous parlez souvent avec votre famille au
brésil ?
Oui
Oui, toutes les semaines ? tous les mois ?
Mais ça dépend à quel moment ils sont
disponibles[...]
3/ Où avez-vous appris le français ?
Pendant combien de temps ? Avec qui et quand le parlez-vous? Avez-vous des amis
français ?
Ah le français, le français c'est une passion
Oui
G1 : (inaudible) le français j'avais 10 ans quand
j'étais à l'école (inaudible) et j'ai tombé sur un
professeur français qui donnait des cours de français et cette
époque il faudrait que nous choisit 2 langues ou le français ou
l'anglais pour que les classes y sont séparées et moi j'ai
préféré le français parce que c'est latin et la
langue française fait partie des latinos ici et j'aimais beaucoup mon
professeur quand il est arrivé tout dynamique il disait « bonjour
tout le monde, comment ça va ? vous allez bien ? » il articulait
assez bien et puis je restais passionnée de cette langue
française c'était mon rêve un jour apprendre à
parler le français.
A partir de quelle âge à peu près
vous avez commencé à apprendre ?
Là depuis 6 ans
A partir de l'âge de 6 ans à peu près
?
Oui ça fait 6 ans que je suis en France mais
l'âge vraiment c'est depuis encore 2010, 2011, 2012 j'ai commencé
à parler mais c'est un peu comme grignotage
Ah grignotage ?
Oui un mélange mais là depuis la fin 2012
à maintenant, j'ai beaucoup progressé même moi je me rendu
compte que j'ai beaucoup progressé mais j'ai encore à
progresser
Qu'est-ce qui vous a fait progresser à votre avis
?
133
Je pense que la déception. Je pense que la
déception si tu veux t'affirmer dans le côté positif, tu
peux le faire surtout quand tu as un lien avec quelqu'un et
que cette personne ne te valorise pas, elle
te met pas en haut mais elle te tire en bas et toi à un
moment tu te regardes en plein milieu du miroir
et tu te dis « putain mais je suis pas venue au monde
pour ça ouais », je sais de quoi je suis capable
et tu vas tout faire pour montrer que tu es capable mais pas
pour prouver aux autres ou à la personne
mais à toi-même
Et comment concrètement vous avez fait pour
progresser, c'est-à-dire est-ce qu'il y a des
situations, des choses que vous avez fait pour
améliorer votre français ?
Oui, euh ici, je sais que ça fait pas partie de ta
question mais y'a une chose que je sais pas pourquoi
et pour quelle raison ils ont pas mis encore dans les
écoles. Je pense que le public (inaudible)
apprendre à se défendre dans la partie
juridique, à connaitre le code juridique depuis petit pour pas
être dépendant des avocats surtout des avocats,
je pense que ça c'était un programme pour mettre
dans les écoles [...] et c'est le monde juridique qui
m'a fait pousser à lire
A apprendre ?
A apprendre à parler le français oui
Vous aviez besoin de
J'étais besoin de connaitre mon droit
Donc vous avez commencé à apprendre le
français
J'ai commencé à apprendre le français
à côté du code juridique français et le code
juridique
brésilien
D'accord, et comment vous avez fait, vous avez lu des
livres ?
Je faisais des traductions
français/brésiliens
Et c'est comme ça que ça vous a
aidé à progresser ?
Voilà et donc (inaudible) pendant du conflit ou que
j'ai été, je voyais que j'étais toute seule au
milieu de de (rires) vautours
De quoi ?
Vautours, tu sais c'est la bestiole là qui mange qui
mange, il attend que tu meurs pour te manger
Ah d'accord, les vautours oui je vois, oui j'ai
compris
Ou des hyènes
Oui je vois
Et il tourne un paquet autour de toi et il essaye de te manger
dans tous les sens et toi t'es là et tu sais
pas comment parler, tu sais pas comment t'exprimer tu ne sais
pas quel mot tu vas dire parce qu'ils
(inaudible) de de affaiblir la personne, le but c'est
d'affaiblir et donc c'est pour ça que moi j'ai un
peu (rires - gestes effectués)
Un peu accélérer ?
Accélérer oui
Et donc ça fait à peu près combien
de temps que vous apprenez le français ?
Euh là pour améliorer beaucoup mieux ça fait
2014 à maintenant
D'accord et avant euh avant 2014
Oui j'ai parlé déjà le français mais
je pense qu'aujourd'hui je m'exprime beaucoup mieux
D'accord, ça fait combien de temps que vous
êtes en France ?
6 ans
6 ans, c'était en deux mille, deux
mille
Ou que j'ai commencé mieux que brésil
c'était 2014 ici. J'arrive à mieux m'exprimer, même que
(même si) des fois j'ai des mots que je déplace pas
dans le bon (rires)
Et avec qui vous parlez le français le plus
?
Avec des personnes que je, j'ai la chance d'être animatrice
et je pense que j'ai un bon esprit après
un bon profond ça je sais pas dire, c'est les gens qui
vont dire si j'ai un bon profond ou pas mais je
sais que j'ai un bon esprit, j'ai le bras ouvert et j'ai l'esprit
ouvert et je suis une personne prête à
tendre la main, n'importe quel moment à une personne qui a
besoin sans demander le retour
D'accord, est ce que vous avez des amis français
?
Oui
Beaucoup ?
Euh non pas beaucoup parce que quand même c'est particulier
hein c'est particulier ce n'est pas
comme mon pays par exemple là je suis là avec toi
et je dis « tiens tu sais je vais aller chez ma
copine et je vais boire un café ou une bière »
mais je n'appelle pas et j'arrive comme ça mais ici il
faut appeler voir si la personne est disponible, si la personne
est de bonne humeur si elle veut bien
te voir, tu vois y'a trop cet lignement (barrière)
D'accord les amis français avec qui vous parlez
régulièrement y'en a combien à peu près
?
Oh pas mal, oui oui j'ai pas mal d'amis oui
Oui mais des gens avec qui vous parlez le français
tous les jours par exemple
Oui tous les jours oui
Et avec votre compagnon ?
Avec mon chéri, je parle le français aussi tout le
temps. De toute façon il n'y a pas le choix, il ne
parle pas le brésilien, il parle français
4/ Comment avez-vous connu l'association ET depuis
combien de temps la fréquentez-vous ? Que vous apporte t-elle ?
Fréquentez-vous d'autres lieux que cette association où vous
pouvez pratiquer le français ?
134
Ah tiens, bonne question c'était un hasard, c'était
à travers Michel je pense que c'est Michel
135
Qui est Michel ?
C'est un monsieur de l'association, j'ai oublié le nom
c'est un peu compliqué mais
Une autre association ?
Une autre association et il m'a vu et là il m'a fait
connaitre d'autres gens et d'autres associations et
voilà et aujourd'hui ça n'a fait que
progresser
Ça fait combien de temps que vous prenez des
cours de français à l'association ?
J'ai commencé en 2017 oui j'ai commencé le 10 de
février 2017
Et avant vous n'aviez jamais pris de cours de
français
Oui mais comme je suis une forme dynamique (inaudible)
j'étais beaucoup mieux dans l'oral
français et, mais en tout cas l'écriture encore
aujourd'hui c'est la galère et c'est pour cette raison
que je suis aujourd'hui à OGA (l'association) parce que
je veux apprendre à écrire le français
Parler ça va ?
Parler ça va et je peux améliorer les deux si je
peux améliorer les deux mais surtout l'écriture
Et l'écriture, ça vous pose
problème aujourd'hui ?
Oui ça me pose problème aujourd'hui parce que
l'écriture française c'est très dur à
écrire, y'a trop
de syllabes dedans, trop de lettres et des fois juste pour
dire un truc comme ça (rires) y'a le
(inaudible) dedans
Et pourquoi vous avez besoin d'écrire
?
Parce que j'aime écrire et j'aimerais peut-être
réaliser un jour, raconter mon histoire, je voulais faire
un livre de moi, je voulais raconter mon histoire un jour en
français
Et sinon pour le quotidien, travail et tout ça,
vous avez besoin d'écrire ?
Oui, parce que parfois, ils te demandent, vas chercher quelque
chose, tiens on a prévu, est-ce que tu
peux me remplir ça, rend moi un service et ici pour
rendre service t'as besoin par exemple pour moi
une chose ça me fait plaisir je vois une
élève, le nom de l'élève de l'association qui vient
vers moi
et me demande est-ce que tu peux me donner un coup de main,
est-ce que tu peux remplir ce papier
ici parce que je sais pas écrire, c'est pour rendre
service aussi au public
Et par rapport à l'association, qu'est-ce
qu'elle vous apporte ?
Ah l'association qu'est-ce qu'elle m'apporte euh comment je
peux dire ça excusez-moi hein euh
comment je peux dire ça, l'association m'apporte plus
de maturité et de l'expérience technique
Comment elle fait ça l'association
?
Je pense que j'ai appris quelque chose avec toi-même,
analyser (rires)
D'accord, c'est ça qui vous aide à,
ça vous aide à, à analyser quoi
Oui ça m'aide beaucoup déjà que j'ai
tendance à analyser et moi ça m'aide pour voir l'expression
de la personne, tu peux voir quand la personne aime quelque
chose ou qu'elle apprécie (inaudible)
136
tu veux un (inaudible) de changement de visage ou de sourire
ou coup d'oeil ou regard un peu euh tu vois les signes, les signes
Les signes du visage ?
Les signes, les signes (inaudible - fait des gestes)
Les signes corporels ?
Oui les signes corporels et spirituels aussi hein
Oui, c'est ça que vous avez besoin
pour
Non j'ai déjà mais j'ai dans ma culture, j'ai
dans ma culture et là j'ai besoin, parce que euh je dis comme ça,
quand tu quittes ton pays, l'autre pays va pas te demander que tu viennes, ce
n'est pas le pays de t'adapter à toi, c'est toi qui t'adapter à
le pays et donc si tu veux rester dans le pays il faut que tu montres de quoi
tu es capable. Bon tu as pas besoin d'y aller massacrer les gens (rires) t'as
pas besoin de ça (rires) c'est juste que tiens j'ai envie de savoir ce
qu'il se passe à Avignon, j'aime bien savoir ce qu'il se passe au centre
(inaudible), j'aime bien savoir ce qu'il se passe dans notre mairie, j'aime
bien savoir ce qu'il se passe dans notre vie de tous les jours, j'aime bien
savoir ce qu'il se passe en général, public
Est-ce que vous fréquentez d'autres lieux que
l'association pour pratiquer le français ?
Oh oui, l y a un site « babbel », « babbel
» aussi, tu peux apprendre bien à parler le français mais ce
qui change avec « babbel » , c'est qu'il faut une très bonne
écoute parce que ça va trop vite alors que quand tu es avec la
personne physique en face de toi, elle va te faire répéter «
o », « i », « a », tu vois, les mouvements de la
bouche pour la prononciation d'accents qui sont totalement différents
D'accord, et à part « babbel », d'autres associations
par exemple pour parler français à part l'OGA ?
Non juste l'association, j'ai « babbel » et
après mon entourage c'est déjà bien[...]
5/ Quelles sont les situations en France ou vous
éprouvez/avez éprouvé le plus de difficultés pour
vous faire comprendre ? Savez-vous pourquoi ?
Est-ce qu'il y a eu des situations en France où
vous avez eu des difficultés pour vous faire
comprendre
Oui
Lesquelles ?
Et encore aujourd'hui, j'ai du mal à me faire
comprendre
Dans quelles situations au quotidien ?
Non le quotidien ça va, ça va, y'a pas de
problème, ça j'arrive bien sauf si tu tombes sur quelqu'un
qui t'emmerdes (rires)
137
Non mais parlez hein, c'est pas un
problème
On dit, la liberté de l'expression hein, voilà
(rires)
Exactement [...]
« Liberté, égalité et fraternité
», c'est ça
Alors c'est dans quelles situations où vous avez
du mal à vous faire comprendre ?
Par exemple, quand tu es témoin d'une injustice [...]
ils se servent comme tu es étrangère, que tu ne parles pas bien
le français, pour t'écarter du chemin, voilà donc c'est
difficile
D'accord, et ça vous est déjà
arrivé ?
Oui
Et comment vous avez réagi ?
Du début j'ai été obligée de faire
un gros « d'écart » [...] j'ai fait un gros « french
cancan » parce que (inaudible), il y a des bras trop longs et moi je suis
un tout petit bras donc j'ai pris un peu d'espace et après que j'ai
analysé la situation, j'ai dit, c'est difficile quand tu es
témoin d'une situation et que il ne prend pas en compte, ça en
tout cas c'est dur,
Il ne prend pas en compte quoi ?
Qu'il ne prend pas en compte, comme on dit la défense
ne prend pas en compte pour défendre la personne, on te prend pas au
sérieux [...] moi je donne simplement le nom "d'abus de pouvoir",
voilà c'est ça
Dans ce genre de situation est ce que c'est pas la
langue qui vous manquait, le français ou ? Non non c'est pas
ça, c'est pas la langue non, c'est juste que j'ai (inaudible)
dans mon pays, tu sais le signe du singe, tu n'as rien vu, tu
n'as rien entendu et tu fermes ta bouche et moi je déteste ce signe, je
ne supporte pas ce signe, je pense que si dieu voulait que tu sois aveugle, il
t'aurait mis aveugle, tel est son désir, s'il voulait que tu sois
sourde, il allait pas te donner des oreilles et non plus il ne t'aurait pas
donné une bouche, s'il t'a donné tout ça, c'est pour t'en
servir, surtout pour une bonne cause
6/ Qu'en est-il d'aujourd'hui : est-ce qu'il est plus
facile de vous faire comprendre ? Qu'est-ce qui vous a permis d'avancer ou
qu'est-ce qu'il vous manque pour le faire ? Quels seraient d'après vous
les moyens pour améliorer son français ? Le faites-vous
?
Aujourd'hui est-ce que c'est plus facile de vous faire
comprendre que quand vous êtes
arrivée ?
Ah oui parce que je m'expose
Et qu'est-ce qui vous a permis d'avancer ?
La force, le courage, la bienveillance
138
Et qu'est-ce qui vous manque pour avancer plus
?
L'écriture française (rires)
Et quels seraient selon vous les moyens pour
améliorer le français ?
Il faut que je donne plus de moi [...] il faut que je travaille,
travaille, travaille, travaille
Est-ce que vous le faites en ce moment ?
Oui je le fais (rires)
7/ Selon vous, que signifie « bien parler
français » ? Pensez-vous le faire ? Pourquoi ?
Bien parler le français c'est tu te fais écouter
et tu te fais comprendre. Parler bien le français, eux, toi tu vas
comprendre ce que je dis, tu vas écouter, tu vas faire (inaudible) ce
que t'as compris, pas que tu me regardes et tu dis « madame je comprends
pas, j'ai rien compris à ce que vous avez dit » (rires)
[...] est-ce que vous pensez que vous le faites
?
Maintenant oui, parce que quand je sens que la personne est en
train de se foutre de ma gueule, je dis « va apprendre à parler le
portugais et on parlera un jour »
Et qu'est-ce qui vous permet de dire que vous parlez bien
le français ?
Bon l'accent je ne peux pas changer, l'accent il est toujours
là, ça c'est sur et je ne peux pas le changer, jamais
Et est-ce que ça vous dérange ?
Non pas du tout, au contraire
Et est-ce que ça dérange les gens
?
Non, non, c'est quelque chose que j'ai pas encore
repéré, non, non je ne pense pas que ça dérange les
gens. Peut-être que c'est, tu sais quand t'es sûr de toi, c'est
quelque chose qui gêne les gens, pas tout le monde parce que quelques
personnes elles ont l'habitude d'écraser, d'écraser et toi tu as
besoin d'être plus forte, ils ont besoin que tu restes toute petite et
moi je ne reste pas là et je dis je ne sais pas combien d'études
que tu as je ne sais pas combien de diplômes tu as mais on sort de la
même catégorie, si tu me cherches, tu me trouves
8/ Selon vous, que signifie l'intégration/
être « bien intégré(e) » ?
L'intégration euh franchement je sais pas si je sais te
répondre à cette question, intégration, parce que
déjà la France, euh mon pays c'est un pays
rempli d'immigrés, je pense que le Brésil, c'est un pays
où il y a plus d'immigrés que la France parce que le
Brésil ne contrôle pas les gens qui viennent là-bas, du
moment où tu as traversé la frontière après tu fais
ta vie, y'a deux solutions : ou tu quittes, ou tu restes mais en tout cas
(inaudible) il faut que tu travailles et que tu t'entraines (inaudible) et que
tu respectes, en fait ça joue là-dessus, tu respectes mon pays,
tu respectes les brésiliens, tu es respecté
139
Et selon vous ça passe par quoi le respect ?
quand tu veux respecter un pays, qu'est-ce qu'il faut faire ?
Bon, déjà ce qu'il faut faire, je pense que je
vais prendre mon exemple hein, mon exemple, je sais pas si c'est le bon (rires)
je sais pas si c'est le bon, je vois des gens, déjà je dis «
bonjour », même que parfois ils ne me répondent pas, il me
font penser que je suis transparente mais je fais un beau sourire et je regarde
là-haut et je me dis que j'ai fait ma partie et être solidaire, la
solidarité, ça compte, le respect, la solidarité et je
pense que là il y a tous les ingrédients pour être
respecté et pour être intégré, je pense t'as
déjà le respect, tu peux déjà t'intégrer
parce que le respect et surtout le respect mais si tu n'as pas le respect, tu
ne peux pas t'intégrer, tu vas être détesté, tu vas
être détesté vite fait
9/ Avez-vous le sentiment d'être « bien
intégré(e) » par les Français/la France ? Qu'est-ce
qui vous permet de l'affirmer ou pas ? Qu'avez - vous fait pour y arriver OU
qu'est-ce qu'il vous faudrait ?
Ça dépend des personnes
Par la France, les français
Non non, par la France je n'ai pas de problème,
ça non, ça j'ai pas de problème mais après
ça dépend, sur qui tu vas tomber, qui est devant toi où
à quelle porte tu vas frapper et c'est qui la personne qui va être
devant toi, là oui c'est dur, parce que tu ne sais pas comment cette
personne va réagir, tu ne sais pas ce qu'elle va te dire, tu ne sais pas
si elle va être sympathique avec toi, est-ce qu'elle va être
agressive avec toi, si elle va te dire des choses de travers, est-ce qu'elle va
regarder ton visage, est-ce qu'elle va t'écouter, tu vois ? je ne
généralise pas mais y'a pas mal de situations comme ça,
moi, peut être toi mais beaucoup d'autres gens, même avec les
français
[...] Est-ce que vous avez eu plus de problèmes
au quotidien en France que vous n'aviez pas au Brésil ?
Oh non, je n'ai pas de problèmes moi [...] oh non il
n'y a pas de différences, du moment que je fais mon monde, ma vie, tout
va bien (rires) c'est eux qui payent mes factures ? non, c'est moi qui met mes
fesses à l'air pour payer mes factures, du moment que je les respecte et
ils me respectent tout va bien
Est qu'est-ce qui vous permet de dire que vous
êtes bien intégrée par la France, y'a des choses que vous
avez vu ?
Encore une fois la bonne question, euh c'est pas ma question
piège ? [..] euh intégration, j'entends toujours ce mot à
la télévision, j'entends tout le temps ce mot «
intégration » (x3), j'ai franchement, je sais pas trop quoi
répondre là-dessus, parce que moi de mon point de vue, je vois de
ma manière
140
mais peut-être que les autres personnes
extérieures, ils voient d'une autre manière, tu vois ça
dépend si la personne est négative ou positive
Est-ce que ça arrive que les personnes soient
négatives avec vous ?
Ah oui, ça m'est déjà arrivé mais je
les met à leur place (rires) [...]
Et dans d'autres situations par exemple comme quand vous
allez chercher du travail, est-ce
que vous avez eu des situations où ça c'est
mal passé ?
Alors avec des hommes, ça se passe bien (rires) mais avec
quelques femmes, ça se passe mal oui
(rires)
Et pourquoi à votre avis ?
La jalousie, simplement
Et au niveau du français, vous pensez que
?
Non ça n'a rien avoir avec la langue, ça n'a rien
avoir, c'est juste de la jalousie physique ou sinon la
peur de se dire qu'elle a plus de capacités que moi, elle
va me piquer ma place, voilà sinon ça va
[...]
10/ Pensez-vous qu'il est facile de s'intégrer
aujourd'hui en France ? Pourquoi ? Quels conseils donneriez-vous à une
personne étrangère qui souhaite s'intégrer en France
?
Ça, j'ai entendu au journal, y'a un
député, je pense que c'était M. Sarkozy, M. Sarkozy il a
dit quelque chose qui est vrai, il a dit : la France, elle ne peut pas
accueillir toute la misère du monde comme mon pays aussi, mon pays
aussi, il ne peut pas accueillir toute la misère du monde, ça
serait trop facile après y'a des gens qui ont envie d'évoluer,
qui ont envie d'avancer, de travailler, il va tout faire de lui-même pour
s'améliorer dans son comportement, pour s'améliorer euh pour
montrer que tu as envie à la personne d'apprendre le français,
que tu as envie de travailler et faire plein de choses, c'est la personne qui
fait [...] mais si la personne vient, par exemple ça fait pas longtemps,
la France, elle a accueilli je ne sais pas combien de personnes
réfugiés de la guerre [...] ils ont payé des petites
villes, ils ont payé pour dormir, à boire, etc. mais je dis
toujours, faut pas croire tout ce qui se dit à la
télévision, parfois ils mentent, ils ne disent pas la
vérité, moi je pense que parfois la télévision ils
donnent une mauvaise image des français
Des français ?
Oui
Et des étrangers ? parce que, comment vous les
voyez les étrangers quand vous les voyez dans les informations, les
médias ?
Y'en a quelque uns ils sont bien, y'en qui sont mal
Vous avez une bonne ou une mauvaise image quand vous
regardez les informations ?
141
Ça dépend comment cette image arrive, parfois
elle peut être positive mais aussi ça peut être
négative mais c'est ça aussi pour s'entraider, il faut donner de
soi [...]
Et au jour d'aujourd'hui, vous vous sentez comment en
France ?
Moi, je suis bien parce que même si j'ai pas fait 100%
de moi [...] j'ai la force et le courage de m'approcher de vous et dire
voilà, j'ai besoin d'apprendre à parler le français, j'ai
besoin d'apprendre à écrire le français mais pour
ça j'ai donné mon respect et j'ai montré mon envie aussi
et en plus je travaille, (rires), je travaille, j'ai passé mon permis en
France, j'ai ma voiture française, achetée en France, et c'est
qui qui m'a donné tout ça ? les deux ensemble, il a
travaillé avec moi et j'ai travaillé avec vous et que je compte
sur lui, encore aujourd'hui à travailler avec vous
Et est-ce que vous vous sentez plus française,
plus brésilienne ou les deux ?
Moi je suis mixtée (rires), les deux
Y'a pas un côté plus que l'autre
?
Non, non, non et ce côté-là je dis :
moitié pour un, moitié pour l'autre (rires), je suis ni
française, ni brésilienne, je suis brésilienne et
française et ça change pas
Si vous deviez donner des conseils à une
personne étrangère qui vient en France pour s'intégrer,
quels conseils vous lui donneriez ?
Ah ça, alors la première chose : le respect,
l'envie d'aller plus loin voilà, le respect et l'envie parce que si tu
n'as pas l'envie, tu ne peux pas avancer, si tu n'as pas le courage et la
force, tu ne peux pas aller plus loin non plus mais déjà le
respect, l'envie, le courage et la force, faut aller en avant, voilà les
conseils que je pourrais dire et surtout fais attention à ton entourage
ça aussi c'est très important parce que des fois tu ne sais pas
qui te veux du bien et qui ne te veux pas du bien parce que ça aussi
ça pourrait être dangereux [...]
[...] dernière question par rapport à la
langue, est-ce que vous pouvez dire que la langue elle vous a permis de mieux
vous intégrer en France ?
Oui, oui, apprendre à parler le français c'est
comme refaire sa porte, c'est (inaudible) porte pour le monde entier tu es
libre, tu as ta liberté en main, c'est comme si tu venais de naitre mais
tu voles, tu es né et tu voles, avant tu ne volais pas parce que tu ne
parlais pas le français parce que déjà 1, tu peux pas
trouver quelqu'un qui va être auprès de toi pour te faire la
traduction tout le temps, ça c'est impossible, moi-même pour cette
expérience ça m'est arrivé [...]
Bon y'a la langue, mais à votre avis est-ce
qu'il y a autre chose qui permet de mieux s'intégrer dans la vie
?
Oui, le respect [...] c'est quand tu dis je t'apprécie
pas, tu m'apprécie pas beh on se respecte et tout va bien, tu vois, je
pense qu'avec le respect tu peux entrer partout [...] ils verront
toi-même, ils verront le public et c'est qui qui va perdre sa place ?
C'est lui-même, là il n'a pas sa place parce que qu'il n'a pas
donné le respect pour s'intégrer, bon c'est ma façon de
voir les choses.
142
143
ENTRETIEN H50 - 22.14 min
1/ Expliquez-moi ce que vous faisiez avant d'arriver
en France (études, travail, etc.) et ce que vous faites
maintenant.
Je suis une femme de maison maintenant mais après 8 ans
je suis au Liban avec ma famille, mon mari, il voyage et avant j'étais
une maitresse pour les enfants jusqu'à CM2, oui, maitresse de
mathématiques et après j'étais une maitresse pour les
enfants à la maison
En France ou ?
N'importe et maintenant je suis ici pour améliorer la
langue car je vis en France
D'accord, ça fait combien de temps que vous
êtes en France ?
Depuis une année et nous sommes réfugiés,
nous faisons des démarches, nous avons reçu une réponse
négative et on fait le recours
D'accord, vous et votre mari ?
Non, moi seul et mes enfants car nous sommes
séparés actuellement mais on a 4 enfants, 3 filles et 1
garçon, 3 filles avec moi en France et le garçon au Maroc, il
finit ses études là-bas E...]
3/ Où avez-vous appris le français ?
Pendant combien de temps ? Avec qui et quand le parlez-vous? Avez-vous des amis
français ?
Et où est-ce que vous avez appris le
français ?
J'ai appris premièrement à mon pays d'origine,
le Liban et après au Liban, la deuxième
langue, après la langue officielle, c'est le
français et nous sommes à la maison, nous
grandissons sur cette langue, mon père est militaire
dans l'armée française lorsque France se
trouve au Liban depuis 1927 et nous avons appris la langue
dans les écoles depuis l'âge de 3
ans
Vous avez combien d'heures par semaine par exemple
?
Depuis l'âge de 3 ans chez ma mère, à la
maison mais à l'école, à 6 ans
D'accord à partir de 6 ans vous avez
commencé à apprendre le français à
l'école
Oui, à l'école, les chiffres, les couleurs, les
formes comme ça
Et combien d'heures par semaine à peu
près ?
A peu près par semaine depuis 6 ans ? oui, chaque jour
2 heures maximum
144
2/ Quelles langues parlez-vous ? Quelle(s) langue(s)
parlez-vous avec votre famille, vos amis ? Dans quelles occasions? Avez-vous
des préférences, lesquelles et pourquoi ? D'accord ok et
quelle(s) langue(s) vous parlez avec votre famille ?
L'arabe
L'arabe oui
Je commence de parler en français mais lorsqu'on
réfléchit par les mots qui manquent, j'arrête
et je recommence par l'arabe
D'accord mais le plus c'est arabe c'est ça
?
Oui oui
Et quel arabe ?
L'arabe s'appelle l'arabe classique c'est-à-dire
près de la langue, l'arabe littéraire
D'accord c'est proche ?
Oui c'est proche
C'est la langue officielle du Liban
Oui, du Liban
Et avec vos amis vous parlez quelle(s) langue(s)
?
Bien sûr l'arabe
Oui, pas de français ?
Ici, maintenant, actuellement en français, il faut
t'obliger de parler le français ils ou elles
parlent l'arabe mais je ne le comprends pas parce que l'accent
est très difficile pour moi, oui
et je parle la langue française
Parce que vous êtes obligée ?
Oui oui pour communiquer
Et vous, vous préférez quelle(s) langue(s)
?
Après l'arabe, le français et l'anglais
D'accord, d'abord l'arabe, après le
français, après l'anglais [...]
Je parle un peu le turc car je suis de nationalité turque
et libanaise [...]
4/ Comment avez-vous connu l'association et depuis
combien de temps la fréquentez-vous ? Que vous apporte-t-elle ?
Fréquentez-vous d'autres lieux que cette association où vous
pouvez pratiquer le français ?
L'assistante, on a l'assistante qui m'a dirigé vers cette
association Et ça fait combien de temps que vous êtes ici
?
145
3 ou 4 mois, depuis l'année scolaire, cette
année scolaire
D'accord, depuis cette année scolaire. Et
qu'est-ce qu'elle vous apporte cette association ?
Euh elle me donne beaucoup de choses. Premièrement, je
l'aime beaucoup, elle est devenue comme ma famille, elle est très
tendresse, je sais pas comment on dit mais autre que parler parce que j'arrive
du Beyrouth à Paris mais à Paris non, quoi qu'est-ce qu'on dit,
là-bas non comme ça, ici très familier, les gens
très, que dire de ça, j'aime, j'aime les gens d'ici plus que
Paris
Et est-ce que vous allez dans d'autres endroits que
cette association pour apprendre le français ?
Euh oui, c'est-à-dire en Avignon mais plusieurs
séances, je prends beaucoup de séances, pour profiter du temps,
améliorer la langue car je suis un petit peu timide de parler faux, que
quelqu'un rigole de moi c'est pourquoi [...]
5/ Quelles sont les situations en France ou vous
éprouvez/avez éprouvé le plus de difficultés pour
vous faire comprendre ? Savez-vous pourquoi ?
Jusqu'à maintenant non, je compte sur moi, sur les
applications pour les voies et les transports et c'est très bien
jusqu'à maintenant [...]
Et par exemple quand vous êtes dans une
administration comme une banque ou le pôle emploi, est-ce qu'il y a eu
des difficultés pour vous de ?
Oui bien sur parce que je ne forme pas bien la phrase ou il
est difficile pour chercher les mots qui conviennent oui mais finalement
ça va
D'accord, ça va au final. Et est-ce que vous
savez pourquoi vous avez eu des problèmes pour vous faire comprendre
quand vous allez à la banque par exemple, est-ce que vous savez pourquoi
?
Oui parce que, pour moi ou bien les employés là-bas
?
Les deux
Les deux, euh ils savent que je suis étrangère,
c'est difficile pour parler le français, pour comprendre tout ce qu'ils
veulent dirent et moi aussi c'est difficile pour aboutir mes idées aux
employés, oui, c'est pourquoi je veux apprendre très vite le
français
6/ Qu'en est-il d'aujourd'hui : est-ce qu'il est plus
facile de vous faire comprendre ? Qu'est-ce qui vous a permis d'avancer OU
qu'est-ce qu'il vous manque pour le faire
146
? Quels seraient d'après vous les moyens pour
améliorer son français ? Le faites-vous ?
Et aujourd'hui est-ce que c'est plus facile pour vous, de
vous faire comprendre ?
Un petit peu mais il reste difficile
Et qu'est-ce que vous avez fait pour que ce soit plus
facile ?
Euh j'assiste aux cours, aux séances
D'accord, c'est surtout ça hein. Et d'après
vous qu'est-ce que vous pourriez faire
d'autre pour améliorer le français
?
Oui, il faut travailler bénévole avec argent, sans
argent, il faut, c'est-à-dire entrer dans la
société de plus en plus bien, c'est-à-dire,
oui ok, moi et mes enfants
7/ Selon vous, que signifie « bien parler
français » ? Pensez-vous le faire ? Pourquoi ?
Oui d'accord, je comprends, et qu'est-ce que ça
veut dire pour vous « bien parler français » ?
Bien parler français, c'est la personnalité,
c'est-à-dire, ma personnalité est très forte, c'est la
confiance oui, c'est aider les autres qui ne parlent pas le français
D'accord, est ce que vous pensez que vous faites
ça vous, vous pensez que vous parlez bien le français
?
Oui, après quelques années, je ne sais pas oui mais
je travaille à ça pour améliorer le français pour
aider les autres qui comme moi sont débutantes
8/ Selon vous, que signifie l'intégration/
être « bien intégré(e) » ?
D'accord, et est-ce que vous connaissez le mot «
intégration » ?
Intégration ?
Oui
Non euh elle passait avec le math depuis longtemps,
intégrer, intégration et je sais pas ce que
ça veut dire ça, intégrer
c'est-à-dire entrer ?
Oui, et qu'est-ce que ça veut dire à votre
avis « être bien intégré »
Ah, être social, de plus en plus social et n'avoir peur
d'autres choses, des choses de la vie,
c'est-à-dire le timide devient, diminue un peu
Ah d'accord, et qu'est-ce qu'il faut faire à votre
avis pour être bien intégré ?
Euh intégré, il faut compter sur soi-même,
sur moi-même oui premièrement
147
9/ Avez-vous le sentiment d'être « bien
intégré(e) » par les Français/la France ? Qu'est-ce
qui vous permet de l'affirmer ou pas ? Qu'avez- vous fait pour y arriver ou
qu'est-ce qu'il vous faudrait ?
D'accord, et est-ce que vous avez le sentiment
d'être bien intégré en France, par la France et les
Français ?
Il faut ça, il faut, il faut ça mais pour moi c'est
un peu difficile car ma personnalité n'est pas très ouverte, on a
des coutumes limitées, des traditions limitées oui, si je suis
très ouverte mais je mets ma limite
Et la limite vous la mettez pourquoi ?
Pour rester dans mes coutumes
Et est-ce que vous vous sentez bien
intégrée en France, est-ce que vous sentez que les gens vous ont
bien intégrée en France depuis que vous êtes là
?
D'après moi, j'aime ça parce que je mets dans mon
esprit de continuer toute ma vie ici en France, c'est-à-dire il faut
intégrer dans la société française oui, mais mais
il y a des limites D'accord, je comprends. Qu'est ce que vous avez fait
vous pour arriver à intégrer la France, les efforts ou les choses
que vous avez faites ?
Maintenant il n'y a pas de choses fortes pour moi parce que je ne
travaille pas pour le moment Vous travaillez ?
Non je ne peux pas parce que pas de papiers non mais pour moi,
j'aime travailler pour compter sur moi-même, c'est-à-dire
l'intégration n'est pas difficile pour moi jusqu'à maintenant
D'accord, et en face, est-ce que vous pensez que les gens
ils, enfin ça pose problème pour eux ou ça va ? Est-ce que
vous avez vu des choses peut être depuis que vous êtes en France
?
Jusqu'à maintenant non, très calme, toute ma vie
est calmée, les enfants vont à l'école et moi aussi [...]
mais le plus difficile pour moi, ma fille qui est restée à la
maison [...]
10/ Pensez-vous qu'il est facile de s'intégrer
aujourd'hui en France ? Pourquoi ? Quels conseils donneriez-vous à une
personne étrangère qui souhaite s'intégrer en France
?
Je dis c'est selon les personnes, chaque personne, les croyances
de chaque personne, quelles sont les croyances de chaque personne, quelles sont
les limites de chaque personne mais en
148
général dans tout les pays, l'intégration
est difficile, l'intégration est difficile selon les
évènements qui entourent le monde mais il faut t'obliger à
t'habituer dans le pays dans lequel tu veux vivre
Et si vous deviez donner des conseils à
quelqu'un qui vient de l'étranger, qui vient d'arriver pour l'aider
à s'intégrer, qu'est ce que ça serait comme conseils
?
Le conseil : reste, marche avec les développements
qu'à ce pays mais rester avec ses coutumes, ses traditions
D'accord, et pour vous la langue est-ce qu'elle peut
aider, est-ce qu'elle peut permettre à quelqu'un de s'intégrer
?
Oui bien sûr, c'est la clé, c'est la clé
pour ouvrir n'importe quelle chose, la langue du pays qui a vécu, parce
qu'il y a un vécu, c'est la langue premièrement, tu savais ton
ennemi il faut savoir son, mais c'est pas un ennemi, c'est un exemple : pour
savoir ton ennemi il faut savoir sa langue n'est ce pas et nous sommes sur la
terre française, la terre anglaise, libanaise, etc., il faut savoir sa
langue pour savoir comment tu penses, comment tu vis, c'est tout
Et est-ce que vous pensez que ça suffit la langue
?
Non elle ne suffit pas mais c'est le plus important pour
savoir qu'est ce que tu penses, pour penser il faut comprendre ce que tu dis
Et est-ce que dans les cours que vous prenez dans
l'association ça vous aidé à mieux comprendre les
français ?[...]
Un peu, un peu à partir des enseignantes oui, elles me
donnent un petit peu, une petite idée [...] des informations sur les
coutumes, sur l'échange mais dans chaque pays, chaque personne pense
différemment d'une autre, il y a le bien et il y a le mal
149
ENTRETIEN H37 - 15.11 min
1/ Expliquez-moi ce que vous faisiez avant d'arriver en
France (études, travail, etc.) et ce que vous faites
maintenant.
Alors est-ce que vous pouvez me dire ce que vous faisiez
quand vous étiez au Maroc ou
en Espagne ?
On peut commencer avec le Maroc, oui oui, j'étais
étudiante, comme on dit j'ai fait mes
études au Maroc
D'accord, vous avez fait quoi comme études
?
Bah j'ai pas continué j'ai fait juste, jusqu'à ,
parce que je veux dire, j'ai rentré à l'âge de 16
ans en France et après je me suis mariée
Et jusqu'à quel âge (les études)
?
Jusqu'à 15 ans
Et après vous êtes allée en Espagne
?
Oui au début, en France j'ai fait 6 mois de stage en
France pour apprendre un peu, comme on
dit, comment on peut parler parce que au début, je parle
pas très très bien correctement le
français et je reste, c'est obligé en plus, si on
rentre en France, c'est-à-dire du Maroc en
France parce que j'ai rentré avec mon père, toute
la famille on doit apprendre 6 mois de cours
de français, c'est obligatoire[...]
Vous êtes arrivée quand en France
?
2001
2001, d'accord, et qu'est-ce que vous faites maintenant
que vous êtes en France ?
Pour le moment, je suis une femme de foyer et en même
temps, je prends des cours de
français
2/ Quelles langues parlez-vous ? Quelle(s) langue(s)
parlez-vous avec votre famille, vos amis ? Dans quelles occasions? Avez-vous
des préférences, lesquelles et pourquoi ?
Et quelles langues vous parlez en famille ?
A la maison, je parle arabe et on mélange un peu avec le
français Et avec les enfants ?
150
Oui avec les enfants, j'aimerais bien parler correctement avec
eux le français mais quelque fois je trouve pas les mots de discuter,
comme on dit c'est pour ça que je mélange arabe et
français
Et avec les amis ?
Ça dépend, j'ai une amie française, elle
vient chez moi 2 fois par semaine, elle vient pour aider mon fils à
apprendre les devoirs et tout [...] je parle avec elle le français, 1
fois par semaine, 2 fois par semaine, elle vient le mardi et le jeudi
D'accord, est-ce que vous avez une
préférence pour une langue, plutôt français ou arabe
?
Non j'ai pas de préférence parce que la langue
c'est on habite ici à la France on doit apprendre la langue
française, par contre au Maroc aussi nos enfants aussi il faut qu'ils
parlent arabe parce qu'il y a des grands parents qui ne savent pas parler, ils
sont coincés, s'ils parlent que le français, comment il va parler
avec eux ? s'il veut demander quelque chose qu'est-ce qu'il va dire ? L'autre,
c'est-à-dire, il comprend pas le français, il parle qu'en arabe.
Pour moi c'est mieux de parler français, espagnol, anglais, toutes les
langues, si/c'est possible (rires) Et quelles langues vous parlez-vous
?
Euh arabe
Oui, arabe, quel arabe ?
Oui oui, marocain, en plus je parle l'arabe de, comme on dit de,
parce qu'il y l'arabe des étudiants, c'est l'arabe, c'est pas comme
qu'est ce qu'on parle naturel, y'a un arabe des étudiants comme on
écrit et tout, ça c'est l'arabe de tous les pays « Egyptiens
» et tout (rires) Et vous, vous parlez quel arabe ? vous parlez
cet arabe ?
Les deux ouais
Et d'autres langues aussi ?
Euh français c'est tout
3/ Où avez-vous appris le français ?
Pendant combien de temps ? Avec qui et quand le parlez-vous? Avez-vous des amis
français ?
Au Maroc au début, oui et après ici mais au
Maroc c'est pas beaucoup parce que j'ai pas fini mes études
4/ Comment avez-vous connu l'association et depuis
combien de temps la fréquentez-vous ? Que vous apporte-t-elle ?
Fréquentez-vous d'autres lieux que cette association où vous
pouvez pratiquer le français ?
151
L'association, c'est ma tante, elle habite ici à la Reine
Jeanne, c'est elle qui m'a proposé cette association parce qu'elle
habite ici, y'a des papiers je crois, des publicités, beh c'est elle qui
m'a dit, y'a des personnes qui font des cours de français et
après je suis venue m'inscrire D'accord et ça fait
combien de temps que vous êtes à l'association ?
Ça fait, j'ai commencé cette année, et
l'année dernière j'ai commencé un peu tard, 2 mois je
crois
D'accord et est-ce que vous allez dans d'autres endroits
pour apprendre le français ? Oui à Champfleury [...]
Et qu'est-ce qu'elle vous apporte l'association ici
?
Beh beaucoup de choses, communiquer, parler, écrire,
rencontrer d'autres personnes oui, oui pour moi c'est bien, c'est mieux que de
rester à la maison sans rien faire, si j'apprends un mot chaque jour,
pour moi c'est bien (rires)
5/ Quelles sont les situations en France ou vous
éprouvez/avez éprouvé le plus de difficultés pour
vous faire comprendre ? Savez-vous pourquoi ?
En France, jamais, jamais parce qu'en Espagne j'avais un peu de
difficultés [...]
Ah voilà ça reprend, alors les
situations en France où vous avez eu des difficultés pour qu'on
vous comprenne en français ?
Non moi je trouve, y'a des gens quand on parle avec quelqu'un,
il nous aide de parler à parler, à apprendre c'est-à-dire
à chaque fois je rencontre des personnes qui m'aident, même tu
fais les fautes, continue, continue à parler, faut pas rester
coincé, moi je trouve ça m'a aidé beaucoup
Et jamais depuis que vous êtes arrivée, y'a
eu un endroit où vous avez eu des problèmes Non non
jamais
6/ Qu'en est-il d'aujourd'hui : est-ce qu'il est plus
facile de vous faire comprendre ? Qu'est-ce qui vous a permis d'avancer ou
qu'est-ce qu'il vous manque pour le faire ? Quels seraient d'après vous
les moyens pour améliorer son français ? Le faites-vous
?
Et aujourd'hui, est-ce que quand vous allez dans un
endroit vous sentez une différence par rapport au début ? C'est
plus facile pour vous ?
152
Oui, oui c'est vrai, c'est-à-dire la première
année quand je suis arrivée ici en France, c'est pas comme cette
année, à chaque fois je fais le progrès de parler, de
communiquer, d'apprendre des mots, la progression (rires)
Pour vous, les moyens d'améliorer le
français, ce seraient quels moyens ?
De faire des cours de français oui, continuer de, c'est
pas de rester à la maison (rires)
7/ Selon vous, que signifie « bien parler
français » ? Pensez-vous le faire ? Pourquoi ?
Pour vous qu'est-ce que ça veut dire de «
bien parler français » ?
Beh de bien communiquer, de bien comprendre (inaudible) surtout
de conjuguer les verbes le
plus important, si on parle du passé, du présent ou
du futur quand même faut bien mettre les
verbes à leur place
Est-ce que vous pensez que vous parlez bien le
français ?
Moi non
Pourquoi ?
Beh je fais quand même un peu des fautes de conjugaison
mais ça m'empêche pas de parler ça
Pour vous, vous parlez pas bien le français
?
Oui
Qu'est-ce qu'il faudrait pour bien parler le
français ?
Beh il faut, parce que quand j'entends quelqu'un parler, je me
dis « moi je parle pas bien », si
je dis je parle bien, je continue pas à faire les cours de
français, il faut toujours dire, il faut
parler bien, il faut avancer pas rester dans une voie,
c'est-à-dire « je suis quelqu'un de bien »
non
8/ Selon vous, que signifie l'intégration/
être « bien intégré(e) » ?
Est-ce que vous savez ce que ça veut dire «
l'intégration » ?
Non
« Etre bien intégré », vous avez
déjà entendu cette expression ?
Oui, oui, oui
Et qu'est-ce que ça veut dire d'après vous
« être bien intégré en France » ?
Euh
Y'a pas de bonne ou de mauvaise
réponse
Intégration c'est pas l'amélioration non c'est pas
ça ? Intégration c'est ça ?
153
Pour vous c'est ça ?
C'est ça le bon mot ? Vous pouvez pas me
Je sais pas (rires). L'intégration vous l'avez
déjà entendu ?
Oui oui
Quand quelqu'un vous dit par exemple « il faut bien
s'intégrer en France », pour vous
qu'est-ce que ça veut dire« bien
s'intégrer en France » ?
Euh bien s'intégrer en France, j'ai la tête
ailleurs
Non nonc'est pas grave si vous connaissez pas, y'a pas
vraiment de bonne réponse en fait
Intégration je crois c'est améliorer non ?
Améliorer c'est pas ça non ?
Dans quel sens par exemple, si quelqu'un il vous dit
« il faut que je m'intègre bien en
France », est-ce que vous comprenez ce qu'il vous
dit ?
Il faut faire ma place non en France ? je crois c'est ça
le mot non ?
Oui d'accord, c'est ça [...]
9/ Avez-vous le sentiment d'être « bien
intégré(e) » par les Français/la France ? Qu'est-ce
qui vous permet de l'affirmer ou pas ? Qu'avez-vous fait pour y arriver ou
qu'est-ce qu'il vous faudrait ?
Et est-ce que vous, vous vous sentez bien
intégrée en France ?
Beh je fais ma possibilité comme une femme de foyer, si je
peux quand même continuer les
cours de français et parler bien et éduquer mes
enfants bien eh beh je crois
Et est-ce que vous pensez que les français ils
vous ont bien intégrée vous en France ?
Beh si on est quelqu'un de bien pourquoi pas, c'est-à-dire
pourquoi nous, pourquoi pas
Bien sûr
Si je me sens moi, je suis quelqu'un de bien et je fais ma
possibilité et les choses comme il
faut beh si quelqu'un il pense quelque chose de moi pas bien beh
c'est à lui de réfléchir c'est
pas à moi, c'est-à-dire si je suis d'accord avec
moi qu'est ce que je fais
D'accord et vous sentez qu'en ce moment vous êtes
bien intégrée en France, c'est-à-dire
que les gens, ils vous acceptent [...] et que vous
acceptez les autres ?
Oui oui
Vous vous sentez aujourd'hui plus marocaine ou
française ou les deux ?
Les deux
Y'a pas un côté plus que l'autre
?
Mmmh c'est-à-dire j'aimerais bien mes racines,
c'est-à-dire qu'est ce que je me suis, je veux
pas dire je suis pas marocaine mais par contre j'aimerais bien la
liberté de France, être
154
quelqu'un de français libre et tout, par contre je suis
les 2 (rires) (inaudible) ni de français, ni de marocain
10/ Pensez-vous qu'il est facile de s'intégrer
aujourd'hui en France ? Pourquoi ? Quels conseils donneriez-vous à une
personne étrangère qui souhaite s'intégrer en France
?
Et est-ce que vous pensez qu'aujourd'hui en France,
c'est facile de s'intégrer pour les étrangers ?
En ce moment, c'est difficile
Pourquoi à votre avis ?
Avec tout ce qui se passe en France, je crois c'est un peu, je
veux pas trop parler politique mais je crois c'est quand même un peu
difficile
Vous savez pourquoi à votre avis ?
Surtout les gens à l'université, surtout quelqu'un
qui porte le foulard ou, c'est (inaudible)
Et quels conseils vous donneriez à une personne
qui vous dit « je veux bien m'intégrer en France »
?
De continuer qu'est-ce qu'il pense et de pas
réfléchir beaucoup qu'est ce qu'ils dit les autres [...] moi si
je fais quelque chose et je suis d'accord que c'est bien pour moi, faut pas
toujours penser ce que disent les autres, faut toujours avancer sans
réfléchir, réfléchie s'il y a quelque chose
d'important , faut faire le point, il faut toujours demander à quelqu'un
à qui on fait beaucoup de confiance et faut pas entendre ce que disent
les autres, mauvaises on bloque Ça pour vous, ça peut
aider à bien s'intégrer ?
Oui oui
Et la langue, qu'est ce que vous pensez de la langue
?
C'est important, c'est très très important eh
oui si moi j'habite en France et que je ne peux pas communiquer, je peux pas
parler français, c'est difficile, comme quelqu'un qui vient chez vous
mon pays par exemple le Maroc, il parle pas ma langue, il parle une autre
langue, comment il va s'exprimer s'il parle pas la langue, c'est important
Est-ce qu'il y a d'autres choses que vous voyez
à part la langue d'important pour bien s'intégrer en France
?
Première chose la langue, deuxième chose, pas
rester coincé c'est-à-dire fermé, faut quand même,
faut voir les autres cultures, parler avec les autres personnes, montrer notre
culture c'est-à-dire moi quand je parle avec la personne comme je t'ai
dit au début française, elle a beaucoup changé, elle m'a
dit moi je vois quelque fois les femmes voilées et tout, quand je vous
reconnais parce qu'elle vient chez moi, elle m'a dit « jai changé
ma pensée » c'est-à-dire
155
quelque fois au magasin on trouve (inaudible) « oh
comment qu'est ce qu'elle fait regarde avec ses enfants et tout »
maintenant on est tous pareils, chacun il est comme il pense, il faut quand
même mélanger avec les autres cultures pour montrer comment on est
pour changer un peu la mentalité
Et comment on peut changer la mentalité
?
Eh beh de discuter de parler oui de pas rester coincé
c'est ça non
156
ENTRETIEN K43 - 13.00 min
1/ Expliquez-moi ce que vous faisiez avant d'arriver
en France (études, travail, etc.) et ce que vous faites
maintenant.
Avant, je suis avec mes enfants, j'ai fait un peu de couture
à la maison, j'ai fait pour les gens, ils me payent comme ça des
choses et je suive mes enfants à l'école, au sport ça
ça et ça
Et maintenant ?
Maintenant mais c'est la même chose mais je fais les
cours de français, maintenant je cherche, avant je cherche pas le
travail parce que les enfants ils sont petits maintenant comme les enfants ils
sont grands, il me reste que le petit à l'école, je cherche un
travail mais j'ai pas trouvé, je fais toujours les cours de
français mais je continue pas j'arrête, je fais 2 mois, 3 mois
j'arrête mais toujours je fais le français tout ça, toutes
les années, je suis à l'école (rires)
2/ Quelles langues parlez-vous ? Quelle(s) langue(s)
parlez-vous avec votre famille, vos amis ? Dans quelles occasions? Avez-vous
des préférences, lesquelles ET pourquoi ?
Et quelles langues vous parlez avec la famille
?
A la maison ? (inaudible) arabe, les enfants, ils parlent avec
moi le français, parce que moi j'ai
pas l'habitude de parler le français, c'est
Oui je comprends et avec vos amis ?
Arabe
Et est-ce que vous avez des préférences,
vous préférez parler en arabe ou en français ?
Non le français
Vous préférez ?
Oui euh non je préfère arabe parce que je suis
à l'aise mais j'aimerais bien apprendre le
français, j'aimerais bien apprendre beaucoup de choses,
des fois je me mets devant quelqu'un,
j'arrive pas à parler
3/ Où avez-vous appris le français ?
Pendant combien de temps ? Avec qui et quand le parlez-vous? Avez-vous des amis
français ?
Et où est-ce que vous avez appris le
français ?
A l'école Stuart Mill, à Saint Lazare, Montfavet,
Saint-Jean, toujours
157
Ca fait combien de temps que vous êtes en France
?
Je suis en France depuis 8 ans, presque 9 ans, depuis 2008
Et avant vous avez appris le français
?
Avant non jamais, juste l'alphabet, juste a,b,c,d comme ça
c'est tout mais pas
A parler ?
Non
Et est-ce que vous avez des amis français avec qui
vous parlez en français ?
Ici, non
Donc avec qui vous parlez en français
?
Personne, juste à l'école (inaudible)
4/ Comment avez-vous connu l'association et depuis
combien de temps la fréquentez-vous ? Que vous apporte-t-elle ?
Fréquentez-vous d'autres lieux que cette association où vous
pouvez pratiquer le français ?
Ici euh quand je rentre en France pour les enfants à
l'école, il m'a conseillé de faire les devoirs chez Olivia
(maison des associations), j'ai posé les enfants chez Olivia pour les
devoirs pour apprendre le français et moi ils m'ont envoyé une
lettre pour apprendre le français au centre ville [...] je fais 4 heures
et ils m'ont donné un diplôme (inaudible) après j'ai
continué, après ils nous appellent de l'école des parents
pour apprendre le français
Et maintenant, vous êtes que à l'OGA ou vous
allez dans d'autres endroits ?
Non non juste ici
5/ Quelles sont les situations en France ou vous
éprouvez/avez éprouvé le plus de difficultés pour
vous faire comprendre ? Savez-vous pourquoi ?
Des fois mais, on débrouille (rires)
Est-ce que vous savez pourquoi c'était difficile
?
Parce que j'arrive pas à dire qu'est-ce que je veux dire,
j'arrive pas à expliquer les gens qu'est-
ce que je veux dire
Vous savez pourquoi ?
Oui parce que je parle pas français (rires)
Vous parlez pas français ?
Oui (rires)
Et aujourd'hui est-ce que c'est plus facile ?
158
Oui je parle, je dis pas qu'est-ce que je veux dire mais je
comprends ce qu'il me dit les gens, je comprends
6/ Qu'en est-il d'aujourd'hui : est-ce qu'il est plus
facile de vous faire comprendre ? Qu'est-ce qui vous a permis d'avancer ou
qu'est-ce qu'il vous manque pour le faire ? Quels seraient d'après vous
les moyens pour améliorer son français ? Le faites-vous
?
Et comment vous êtes arrivée à
ça aujourd'hui, qu'est-ce qui vous a permis d'avancer ? Pour
moi c'est l'école parce que je lis des choses, je rentre à la
maison, je demande mes enfants et à mon mari qu'on m'explique parce que
mon mari il lit le français et tout et je demande lui, il m'explique,
c'est à dire c'est quoi ça ça ça en arabe comme
ça j'apprends bien Et selon vous quels seraient les moyens pour
améliorer le français, est-ce qu'il y aurait des moyens pour
améliorer le français ?
Oui il faut parler toujours (rires) comme ça j'aurais
aimé mais y'a personne qui parle avec moi (rires)
Oui, y'a personne ?
Non juste vous ici (rires)
7/ Selon vous, que signifie « bien parler
français » ? Pensez-vous le faire ? Pourquoi ?
Et est-ce que vous parlez bien le français
?
Non
Pourquoi ?
Parce que je ne connais pas les mots (rires)
Et qu'est-ce que ça veut dire pour vous «
bien parler le français »? Si quelqu'un vous dit,
« il faut bien parler français
»
C'est il a réussi (rires) il a de la chance aussi
(rires)
Mais pour vous « bien parler le français
» qu'est-ce que c'est ?
Qu'est ce que c'est, c'est (inaudible) ici on est en France, il
faut qu'on parle français
Mais comment, il faut parler français
?
Il faut qu'on fait des efforts, par l'école, devant la
maison, on fait beaucoup pour apprendre
Et donc vous, vous pensez que vous parlez pas bien le
français ?
Non
Et pourquoi ?
Je sais que je débrouille mais je parle pas bien bien le
français
159
Qu'est-ce qui vous fait dire ça ?
Parfois j'arrive pas à bien attacher les mots, je dis
un mot, je dis pas "je suis", je dis pas ça, je dis n'importe quoi des
fois, comme je prends les enfants à l'école, des fois la
maitresse elle parle à moi, j'ai des choses que je veux dire mais
j'arrive pas à expliquer à la maitresse parce que mois, mes
enfants ils parlent pas avec moi toujours
Ah oui
Ils ont pas le temps mais moi je demande pas les enfants
même je pose mes pieds ici je prends pas mes filles avec moi des fois
mais expliquent pas pour moi, ils restent avec moi mais ils expliquent pas des
fois elles me disent "maman il t'a dit ça il t'a dit ça", je
débrouille parce qu'un jour ils seront partis, j'ai besoin de moi
même
8/ Selon vous, que signifie l'intégration/
être « bien intégré(e) » ?
Est-ce que vous savez ce que ça veut dire «
l'intégration »?
Non
Etre bien intégré, vous avez
déjà entendu ?
Oui j'ai entendu mais j'ai pas
Vous savez ce que ça veut dire ?
L'intégration non
A peu près, « être bien
intégré » ça veut dire quoi pour vous ?
Etre capable de (inaudible) je crois ça je sais pas il
faut les autres bien, capable de ce qu'on
veut faire
Par exemple en France, qu'est ce que ça veut dire
"être bien intégré" en France ?
Moi je pense comme par exemple, il faut faire qu'est-ce que je
veux, pas demander quelqu'un
il me fait ça, il me fait ça non ? Je pense
ça
C'est votre définition, c'est vous, y'a pas de
bonne ou de mauvaise réponse, d'accord,
pour vous c'est ça être bien
intégré en France ?
(inaudible) capable de
D'accord être capable de, de faire quoi par exemple
?
De faire quelque chose, il faut être capable, c'est pas on
fait n'importe quoi (rires)
9/ Avez-vous le sentiment d'être « bien
intégré(e) » par les Français/la France ? Qu'est-ce
qui vous permet de l'affirmer ou pas ? Qu'avez- vous fait pour y arriver OU
qu'est-ce qu'il vous faudrait ?
160
D'accord et est-ce que vous, vous pensez que vous
êtes bien intégrée en France ?
Pour ma famille oui mais pour la France je sais pas, je sais pas
si moi est-ce que je suis
intégrée ou non parce que je parle pas bien, je
travaille pas, je travaille pas mais je demande
rien, je suis pas au RMI ou quelque chose comme ça mais je
sais mais pour ma famille oui, je
dire ma famille, je dire mes enfants oui ils sont bien, ils sont
tous bien
Et vous aussi ?
Oui, je suis fière d'eux, de qu'est-ce que j'ai fait
(rires)
Et est-ce que vous pensez que les français, ils
vous ont bien intégrée vous ?
Je sais pas
Quand vous sortez dehors ou quand vous allez quelque
part, est-ce que vous sentez que
vous êtes bien intégrée par eux
?
Mais les gens je sais pas qu'est ce qu'il a dans sa tête,
y'a des gens qui rigolent avec vous mais
dans sa tête (rires)
Vous savez pas trop
On sait pas
Et à votre avis, qu'est-ce qu'il faut faire pour
être bien intégrée en France ?
Euh pour (inaudible), pour le monde, il faut on est bien,
travaille bien, tout ce que tu fais bien,
bien, je sais pas comment j'explique mais pour moi c'est bien,
c'est pas juste la France,
partout, Il faut euh les gens être bien euh comment dire
par exemple [...] il fait des études, il a
son travail, il a sa voiture, il a sa maison, tout il est bien et
il fait pas mal à les gens [...] pour
moi c'est être bien integré
10/ Pensez-vous qu'il est facile de s'intégrer
aujourd'hui en France ? Pourquoi ? Quels conseils donneriez-vous à une
personne étrangère qui souhaite s'intégrer en France
?
Est-ce que vous pensez qu'aujourd'hui en France, c'est
facile de s'intégrer ?
Pour moi, y'a quelqu'un il veut, il dit être quelque chose,
il va être comme moi je veux apprendre le français, il faut partir
tous les jours (rires) c'est pour moi, c'est mon exemple je sais pas mais
Oui et pour les autres, pour les étrangers qui
viennent en France c'est facile aujourd'hui ?
Parce que la France elle fait des, c'est exigeant, elle fait tout
mais il faut les gens aussi ils travaillent, il fait le bien pour tout
Et si jamais une amie à vous, une copine, elle
vient vous voir et elle vous demande « je
161
veux m'intégrer en France », comment je
fais ? Qu'est-ce que vous lui dites ?
Non y'a personne dehors
Si par exemple, on sait jamais là dans le cours
il y a quelqu'un qui vient d'arriver en
France, il va vous dire « voilà je veux
être bien intégré en France, qu'est-ce qu'il
faut
faire »?
Je lui conseille de faire, va a l'école (rires) et
aussi les enfants aussi ils font des études [...]
Oui, ils vont faire quoi à l'école
?
Ils vont apprendre le français, tu peux travailler, va
travailler
D'accord, est-ce que vous pensez que la langue
française, elle permet de s'intégrer ?
Oui, pour moi oui parce que quand tu vas faire quelque chose
tu demandes les choses ou tout
tu cherches les choses et c'est facile
Et c'est le plus important pour vous la langue
?
Oui, pour moi c'est le plus important d'apprendre le
français
C'est ça qui vous manque aujourd'hui ? Plus de
français ? Pour vous c'est important ?
Oui
Et est-ce qu'il y a autre chose que le
français, à part apprendre le français ? Il
vous
manque quelque chose pour être mieux en France
?
Moi je suis bien comme ça, je suis bien, peut
être moi j'apprends le français, mes enfants ils
continuent, j'aimerais bien continuer pour être bien
162
ENTRETIEN M30 - 15.57 min
1/ Expliquez-moi ce que vous faisiez avant d'arriver en
France (études, travail, etc.) et ce que vous faites
maintenant.
Euh je suis Marocaine, euh depuis que j'ai rentré en
France depuis 2008
Et avant, qu'est-ce que vous faisiez au Maroc, vous
travailliez ?
Non, travaille pas
Et les études ?
Non
Vous êtes allée jusqu'à quel
âge ?
Jusqu'à 4ème, collège
4ème, collège d'accord, et
après vous avez arrêté l'école ?
Oui j'ai arrêté
2/ Quelles langues parlez-vous ? Quelle(s) langue(s)
parlez-vous avec votre famille, vos amis ? Dans quelles occasions? Avez-vous
des préférences, lesquelles ET pourquoi ?
Euh langue(s), l'arabe
L'arabe, juste l'arabe ?
Oui juste l'arabe
Euh quel arabe ?
Marocain
Marocain ? et avec votre famille vous parlez quelle
langue ?
Oui marocain, euh le marocain
Le marocain, et avec les amis ?
Marocain
Et est-ce que vous avez des préférences
?
Oui maintenant je parler le français
Le français, oui avec qui ?
Oui un peu de français
Avec la famille ?
Oui avec la famille, avec mon mari, avec mes enfants
Et est-ce que vous avez des amis français avec qui
vous parlez ?
163
Non
Non pas d'amis français ?
Non y'a pas des amis français
La plupart des amis sont de quelle origine ?
Euh marocaine, un peu de français
3/ Où avez-vous appris le français ?
Pendant combien de temps ? Avec qui et quand le parlez-vous? Avez-vous des amis
français ?
Ou vous avez appris le français, en France
?
Oui en France
Et au Maroc, vous avez appris un peu le français
?
Le Maroc, un peu oui
Vous avez appris ou, à l'école
?
A l'école oui
A l'école oui, à quel âge vous avez
commencé ?
Euh 9 ans
9 ans oui, il y avait beaucoup (d'heures) de
français par semaine à peu près?
Euh 3 fois par semaine
3 fois par semaine ok, et dans la rue est-ce que vous
parliez en français avec des gens ?
Non
Non, donc avec qui et quand vous parlez le
français ?
Avec mon mari, ma belle-soeur, mes enfants, l'école des
parents
4/ Comment avez-vous connu l'association ET depuis
combien de temps la fréquentez-vous ? Que vous apporte-t-elle ?
Fréquentez-vous d'autres lieux que cette association où vous
pouvez pratiquer le français ?
Euh parce que moi, j'habite à côté de la
maison des associations
Et c'est qui, qui vous a parlé de l'association,
une amie ?
Non parce que l'assistante sociale elle m'a dit va chez la maison
des associations pour langue français, l'école français
D'accord et est-ce que vous avez besoin de parler
français en dehors de la famille, c'est-à-dire pour le travail en
France ?
164
Oui bien sûr
Oui, vous cherchez du travail ?
Oui mais
Oui et ça a posé problème
?
Oui un peu de problèmes, (inaudible) parle, mais
maintenant j'apprends le français avec vous
D'accord, et vous venez combien de fois par semaine
?
Tous les jours samedi et dimanche non, lundi mardi, mercredi,
jeudi, vendredi
D'accord, d'accord, ça fait combien de temps que
vous êtes à l'association
Euh le mois de septembre [...] 2016
D'accord et qu'est-ce qu'elle vous a apporté
l'association ?
Euh j'apprends le français bien pour écrire pour
lire avant non, avant c'est difficile de parler
le français, de l'écrire, de lire
C'est plus facile maintenant ?
Maintenant ça va
C'est quoi qui vous a le plus aidé, c'est les
cours, à l'oral, l'écriture ?
Euh avec vous
Oui, c'est vrai ça aide beaucoup le?
Le lundi et le mardi, le mercredi, le jeudi c'est mieux
Oui, et qu'est-ce qui est bien dans les cours, qu'est-ce
que vous préférez le plus ?
Euh j'ai préféré les mots, les lectures oui
les dictées
[...] et est-ce que à part cette association, vous
allez dans d'autres associations aussi ?
Non juste cette association [...]
5/ Quelles sont les situations en France ou vous
éprouvez/avez éprouvé le plus de difficultés pour
vous faire comprendre ? Savez-vous pourquoi ?
Non moi j'ai compris euh pour parler non c'est dur
Ah c'est dur
C'est dur, je comprends mais pour dire c'est dur
Qu'est-ce qui est dur en fait ?
Cour les phrases
Faire des phrases ?
Oui des phrases, des phrases c'est difficile
Et aujourd'hui encore c'est difficile ?
Aujourd'hui ça va, pour l'ordinateur et écrire les
dictées
165
Et quand vous allez par exemple à la banque, dans
des administrations comme pôle
emploi, est-ce que vous arrivez à comprendre ce
qu'on vous demande?
Oui oui je comprends
Et vous arrivez à répondre donc aussi
?
Un peu
Oui y'a des fois où c'est pas facile ?
Oui c'est pas facile
Et comment vous vous sentez quand ça arrive ?
C'est-à-dire quand quelqu'un ne vous
comprend pas et que vous n'arrivez pas à parler,
comment vous vous sentez ?
Euh c'est difficile, j'ai pas content pour, je veux
parler beaucoup français [...]
6/ Qu'en est-il d'aujourd'hui : est-ce qu'il est plus
facile de vous faire comprendre ? Qu'est-ce qui vous a permis d'avancer ou
qu'est-ce qu'il vous manque pour le faire ? Quels seraient d'après vous
les moyens pour améliorer son français ? Le faites-vous
?
Qu'est-ce qui vous a aidé à avancer [...]
depuis que vous êtes en France ?
A l'école ici
Mais avant l'école y'a des choses peut
être?
Non non y'a rien
Et qu'est-ce qu'il vous manque pour avancer jusqu'au
bout, est-ce qu'il y a des choses
que vous aimeriez bien avoir pour avancer ?
Euh les mots et les phrases
Oui plus de mots à apprendre ?
Oui pour les phrases
Oui pour faire des phrases
Maintenant, lire y'a pas de problème pour lire mais la
dictée un peu difficile
Qu'est-ce qui est difficile ?
Pour le verbe être comme ça
Ah d'accord, tout ce qui est verbe [...] est-ce que vous
savez s'il y aurait des choses à
faire pour améliorer son français ?
[...]
Moi je continue ici à apprendre le français
Oui c'est l'association et est-ce que vous pensez qu'en
dehors de l'association il y a des
choses qui peuvent vous aider encore plus vous pensez
?
Non
166
7/ Selon vous, que signifie « bien parler
français » ? Pensez-vous le faire ? Pourquoi ?
Et à votre avis, qu'est ce que ça veut dire
« bien parler français » ? Pour vous, quand
vous entendez, il faut « bien parler en
français » qu'est ce que ça veut dire pour vous
?
Merci beaucoup pour vous
Ah oui et vous n'avez jamais entendu par exemple à
la télévision ?[...] Et quand vous
entendez « il faut bien parler français
», qu'est-ce que ça veut dire pour vous ?
Euh c'est dur
C'est dur oui, pourquoi c'est dur ?
Parce que c'est pas longtemps venu ici à l'association, 6
mois c'est tout
D'accord, 6 mois c'est tout [...]
8/ Selon vous, que signifie l'intégration/
être « bien intégré(e) » ?
Et qu'est-ce que ça veut dire à votre avis
« l'intégration », vous avez déjà entendu
ce
mot ?
Non, l'intégration ?
L'intégration
Non jamais
Jamais ? « Être bien intégré
» vous avez déjà entendu ?
Ah « être bien intégré »
Oui, vous connaissez ?
Oui
Et vous savez ce que ça veut dire quand vous
entendez ça ? par exemple quelqu'un vous
dit « il faut que vous soyez bien
intégré », pour vous qu'est-ce que ça veut dire
« bien
intégré »
Moi je continue (rires) je continue pour dire, parler et lire
aussi
9/ Avez-vous le sentiment d'être « bien
intégré(e) » par les Français/la France ? Qu'est-ce
qui vous permet de l'affirmer ou pas ? Qu'avez-vous fait pour y arriver OU
qu'est-ce qu'il vous faudrait ?
Et par exemple, est-ce que vous avez l'impression quand
vous sortez dehors en France, que vous voyez les français qu'ils vous
acceptent, vous sentez qu'ils vous acceptent
167
C'est quoi « accepter » ?
C'est-à-dire qu'ils vous euh ils vous ont bien
reçu en France depuis que vous êtes en
France
Oui, oui oui
Oui, qu'est-ce qui vous a montré qu'ils vous ont
bien reçu en France, y'a des choses ?
Y'a beaucoup de choses oui
Comme par exemple ?
Pour la loi euh les gens
Oui les gens, oui, y'a jamais eu de problème
?
Non non jamais
Jamais vous avez senti des choses ?
Non non ça va
10/ Pensez-vous qu'il est facile de s'intégrer
aujourd'hui en France ? Pourquoi ? Quels conseils donneriez-vous à une
personne étrangère qui souhaite s'intégrer en France
?
Ça va ouais. Et qu'est-ce que, à votre
avis, pour être bien en France, qu'est-ce qu'il faut
faire pour euh ? Quelqu'un qui vient par exemple de
l'étranger, y'a beaucoup
d'immigrés en ce moment, alors si on vous demander
« voilà je veux savoir qu'est-ce
qu'il faut faire en France pour être bien
intégré, pour que les gens ils m'acceptent »
qu'est-ce que vous lui diriez vous ? Qu'est-ce qu'il faut
faire à votre avis
Moi je veux apprendre le français, après je veux
faire beaucoup de choses pour travail,
formation, pour examens
Ça tout ça c'est pour être bien en
France, il faut faire tout ça ?
Oui
D'accord. Et ça fait combien de temps que vous
êtes en France ?
8 ans
8 ans, et vous vous sentez plus marocaine, plus
française ou les deux ?
Les deux
Oui, y'a pas un côté plus ?
Non les deux [...]
Si vous aviez un conseil à donner à
quelqu'un pour améliorer le français, qu'est-ce que
vous lui donneriez comme conseil ? [...]
Allez, va chez la maison des associations (rires) pour marquer le
nom et le prénom après ils
t'appellent pour le cours de français, c'est mieux parce
qu'à la maison tu fais rien
168
Et pourquoi vous avez eu envie d'apprendre le
français vous parce qu'avant, il y avait la maison des associations et
vous n'êtes jamais allée ?
Oui parce que mes enfants ils étaient petits [...]
maintenant mon fils il rentre en maternelle moi j'ai marqué ici
D'accord donc vous venez que quand les enfants sont
à l'école. Et pourquoi vous avez envie d'apprendre le
français vous ?
Parce que j'aime apprendre le français pour le bureau,
pour mes enfants, le docteur, y'a beaucoup de choses [...]
169
ENTRETIEN R46 - 23.47 min
1/ Expliquez-moi ce que vous faisiez avant d'arriver en
France (études, travail, etc.) et ce que vous faites
maintenant.
[...] ça fait combien de temps déjà
que vous êtes en France ?
En France, le mois de 6 ici, depuis juin 2016
Et qu'est-ce que vous faisiez avant de venir en France
?
J'étais au Maroc [...] et mon mari il travaille ici 6 ans
ou 8 ans maintenant et j'ai marié avec
mon mari depuis 2010 et je reste 6 ans au Maroc après
[...] mes papiers à l'Espagne parce que
j'ai la carte de séjour de l'Espagne [...]
Donc vous avez fait Maroc-Espagne, Espagne-France
?
Oui France, je reste à l'Espagne seulement 1 an, quand les
feuilles prêt après j'ai venu ici,
parce que mon mari il vit ici, il travaille ici avec un contrat
et je vis ici avec lui
Et vous vous faites quoi en France, depuis que vous
êtes en France, vous travaillez non ?
Non non parce que j'ai pas le droit parce que j'ai les papiers de
l'Espagne j'ai pas les papiers de la France [...]
2/ Quelles langues parlez-vous ? Quelle(s) langue(s)
parlez-vous avec votre famille, vos amis ? Dans quelles occasions? Avez-vous
des préférences, lesquelles ET pourquoi ?
Français, arabe
Oui quel arabe ? arabe marocain ?
Marocain oui
Et quelle(s) langue(s) vous parlez avec votre famille
?
Arabe
Et avec les amis ?
Ici on parle en français un petit peu en arabe un petit
peu[...]
3/ Où avez-vous appris le français ?
Pendant combien de temps ? Avec qui et quand le parlez-vous? Avez-vous des amis
français ?
Le français, dans l'école Dans
l'école au Maroc ?
170
Oui j'ai niveau 4ème année scolaire,
brevet
A quel âge vous avez commencé à
apprendre le français ?
12 ans ou bien 13, non non, 10 ans [...] CM2 jusqu'à
4ème année [...] j'arrête en 1986 après
j'ai travaillé dans des sociétés dans la couture et
ça y'est je n'apprends pas depuis quand j'ai rentré dans la
société, ni de lecture ni de lire ça y'est, jusqu'à
quand je viens à la France je dis il faut que je lis pour apprendre la
langue française bien pour parler avec les gens pour faire les courses
toute seule parce que j'aime la langue française moi
Est-ce que vous avez des amis français ici
?
Ici français non
4/ Comment avez-vous connu l'association et depuis
combien de temps la fréquentez-vous ? Que vous apporte-t-elle ?
Fréquentez-vous d'autres lieux que cette association où vous
pouvez pratiquer le français ?
J'ai une amie, il habite ici à la France, il a né
ici à la France mais elle est musulmane, il est né
ici et elle, elle m'a dit pourquoi tu ne pars pas chez la maison
des associations pour l'école,
pour apprendre la langue française et elle, elle m'a
accompagné chez la maison des
associations
Ça fait combien de temps que vous êtes
à l'association ?
Ça fait 4 mois
4 mois d'accord et vous prenez des cours de
français, combien d'heures à peu près ?
Oui, euh [...] 4 heures par semaine
Et qu'est-ce qu'elle vous apporte cette association,
depuis que vous êtes dans cette
association, qu'est-ce qu'elle vous a apporté
cette association ?
Euh j'ai appris beaucoup de choses que je n'ai pas, que
j'étais des difficultés
[...] Est-ce que vous allez dans d'autres endroits que
cette association ?
Non
5/ Quelles sont les situations en France ou vous
éprouvez/avez éprouvé le plus de difficultés pour
vous faire comprendre ? Savez-vous pourquoi?
Oui y'a beaucoup
Oui, comme par exemple ?
171
Quand je pars chez un docteur, je parle français mais
lui il ne comprend pas ce que je dis, je lui explique mais il ne comprend
pas
Vous savez pourquoi ?
Euh [...] moi quand j'ai pensé à ma tête
toute seule, je dis « je vais aller chez le docteur, je lui dis ça
et ça et ça » mais quand je rentre chez le docteur
j'oublie
Vous savez pourquoi ?
Quand je sors je me dis « et pourquoi je vais lui dire
ça et ça et pourquoi je ne lui dis rien », ça
bloque
6/ Qu'en est-il d'aujourd'hui : est-ce qu'il est plus
facile de vous faire comprendre ? Qu'est-ce qui vous a permis d'avancer ou
qu'est-ce qu'il vous manque pour le faire ? Quels seraient d'après vous
les moyens pour améliorer son français ? Le faites-vous
?
Maintenant un peu, maintenant que je rentre à la maison
des associations et que j'apprends la langue française, un petit peu je
(inaudible)
Mais qu'est-ce qu'il vous manque pour faire avancer
plus ?
Il faut lire, il faut lire lire lire encore l'oral, regarder
la télé, les émissions, les films mais moi j'ai un petit
peu ma tête elle a bloqué je veux regarder la télé
et un petit peu « non ça y'est je ne veux pas, je veux dormir je
veux » [...] je suis un peu en colère
Et d'après vous ce serait quoi les moyens pour
améliorer le français, qu'est-ce qu'il faut faire, les moyens
pour avancer plus ?
Je pense que je vais faire plus que 4 heures des
leçons, il faut plus d'heures
7/ Selon vous, que signifie « bien parler
français » ? Pensez-vous le faire ? Pourquoi ?
Bien parler français
Pour vous, y'a pas de bonne ou mauvaise
réponse, si vous entendez quelqu'un qui vous
dit il faut « bien parler en français
» qu'est-ce que vous comprenez ?
Je comprends que je ne sais pas parler en français
Et qu'est-ce qu'il faudrait pour bien parler en
français ?
Je pense que je vais apprendre la langue française par
lire, lire les journaux, lire les, il faut
faire des efforts pour bien parler en français, il faut
faire des efforts
Est-ce que vous pensez que vous parlez bien le
français ?
Non c'est pas que je
172
Pourquoi ?
Parce que quand j'apprends la langue française je dis
« oh oui » [...] « comment je vais faire sortir les mots
»
Donc pour vous, vous pensez que vous ne parlez pas bien
français parce que les mots ils ne sortent pas ?
Ils ne sortent pas oui mais je comprends je lis, je sais les mots
avec la langue française, je lis mais de temps en temps je ne comprends
pas qu'est-ce que c'est ça ou qu'est-ce que c'est ça, cette
phrase ou bien
8/ Selon vous, que signifie l'intégration/
être« bien intégré(e) » ?
Etre bien intégré, c'est pas, je sais pas
Jamais entendu ? Vous n'avez pas d'idée
?
Non
Etre bien intégré en France,
c'est-à-dire quand les étrangers ils viennent en France,
on
leur demande de bien s'intégrer
De bien s'installer non ?
De bien s'installer oui et de de, de faire en sorte que
ça se passe bien en France pour eux
donc on valeur demander de rentrer, s'intégrer
c'est rentrer en France et rester avec les
français mais y'a plusieurs façons de
s'intégrer donc euh
(R46 parle en arabe avec son amie pour comprendre le mot
intégration)
Est-ce que vous pouvez expliquer en français ce
que ça veut dire ?
(R46 parle en arabe) avant j'habite au Maroc mais quand je rentre
en France, il faut que je
parle avec les françaises, assise avec les
françaises, parler avec eux, sortir avec eux, ça c'est
intégration ?
Pour vous c'est ça ?
Oui
9/ Avez-vous le sentiment d'être « bien
intégré(e) » par les Français/la France ? Qu'est-ce
qui vous permet de l'affirmer ou pas ? Qu'avez - vous fait pour y arriver ou
qu'est-ce qu'il vous faudrait ?
Oui, oui
Oui pourquoi ?
173
parce que j'aime la France, j'aime la langue française
(inaudible) parce qu'ici quand je sors dans la rue [...] les femmes elles me
disent « bonjour madame, bonsoir madame, ça va madame, salut madame
» mais à l'Espagne non, elles ne dit pas salut, elle ne dit pas
bonjour, elle ne dit pas bonsoir, quand ils regardent une femme avec le
foulard, il fait comme ça (baisse les yeux) et quand je lui dis, je veux
parler avec une femme je lui dis « hola » elle ne répond pas,
ici en France, je ne connais pas les gens et ils me parlent dans la rue
[...]
D'accord vous vous sentez bien intégrée
?
Oui je sens bien ici
Qu'est-ce que vous avez fait pour arriver à
être bien intégrée en France ?[...]
Parce que mon mari il est parti à Carpentras et moi je
reste toute seule et c'est pour cela que je ne veux pas rester toute seule, je
veux partir à l'association parce que c'est pour connaitre les gens et
parler avec les gens pour ne pas rester toute seule et pour la langue
française et quand je pars à l'école je me sens
très bien et quand je sors de ma maison à la rue je suis
très bien, je ne veux pas rester toute seule à la maison
10/ Pensez-vous qu'il est facile de s'intégrer
aujourd'hui en France ? Pourquoi ? Quels conseils donneriez-vous à une
personne étrangère qui souhaite s'intégrer en France
?
Ici, oui c'est facile pour eux, à mon avis c'est facile
parce que les gens ici ne sont pas méchants, il est très gentil,
il est très, ça y'est je
Oui, et si jamais y'a quelqu'un qui vous demande un
conseil ou des conseils pour bien s'intégrer en France, elle vient vous
voir et vous dit « je veux bien m'intégrer en France, qu'est-ce
qu'il faut faire ? » qu'est-ce que vous lui dites ?
Merci bien vous êtes gentil, je me sens bien dans mon
coeur
Oui, et pour l'aider lui pour qu'il reste en France et
qu'il s'intègre, comme vous ça fait déjà quelques
mois que vous êtes là, vous lui donneriez quel(s) conseil(s) ? un
conseil, vous savez ce que c'est ?
Conseil oui à qui je vais le conseiller
Qu'est-ce que vous allez lui donner comme conseil
c'est-à-dire qu'est-ce qu'il faut qu'il fasse, qu'est-ce qu'il faut
faire pour bien s'intégrer ? [...]
Je sais pas, ici y'a beaucoup de choses qui sont bien, la
santé, tout tout, ici tout il est bien, euh comment dirais-je, il y a la
loi ici, il y a la santé, dans l'hôpital [...] il y a beaucoup de
choses bien c'est pas comme l'Espagne ou le Maroc [...]
Et est-ce que vous pensez que la langue, parler
français ça aide pour s'intégrer ?
174
Oui, oui c'est important mais quand je parle avec quelqu'un
dans la maison des associations ou dans l'école, moi je dis un mot, dans
mon esprit je dis « je ne sais pas parler en français » mais
les français ici ils me disent non tu parles bien, quand je suis partie
au planning familial pour voir un gynécologue, je vais faire une
consultation là-bas et j'ai parlé avec la dame et je lui ais dit
« excusez-moi je ne sais pas bien parler le français », elle
m'a dit « non tu sais bien, tu sais parler » et je me suis dit
à ma tête « pourquoi elle m'a dit tu sais bien parler le
français et moi je sais pas parler beaucoup »
Pourquoi vous pensez ça vous ?
Parce que maintenant tu es en train de me questionner et moi
je ne réponds pas directement, je vais réfléchir
C'est parce que vous réfléchissez que
vous pensez que vous ne parlez pas bien le français, ça prend du
temps, c'est ça ?
Oui ça prend du temps
D'accord et la langue pour vous ça aide pour
s'intégrer en France ?
Oui ça aide pour s'intégrer à la France
Donc vous pensez que c'est la priorité pour
quelqu'un qui arrive en France de parler en français ?
En français, vous êtes française et tu pars
en Espagne et tu ne parles pas la langue qu'est-ce que tu vas faire dans un
pays et que tu ne sais pas parler avec la langue de, qu'est-ce que tu vas faire
quand tu rentres dans une société ou bien dans une banque ou bien
dans un supermarché [...] tu vas parler avec la dame en français
et elle ne sait pas la langue française Et est-ce qu'il y a
autre chose que la langue qui permet de bien s'intégrer ?
Je pense que la langue, à mon avis que la langue
175
ENTRETIEN R47 - 19.37 min
1/ Expliquez-moi ce que vous faisiez avant d'arriver en
France (études, travail, etc.) et ce que vous faites
maintenant.
[...] ça fait combien de temps que vous êtes
en France ?
En France là, je suis rentrée en 1991
Et qu'est-ce que vous faisiez avant quand vous
étiez au Maroc [...] ?
Je rentrais quand j'étais là-bas au Maroc beh j'ai
fini mes études et j'ai fait un métier de la
couture après je rentrais à l'âge de 17 ans,
18 ans comme ça
Et en France, vous faites quoi maintenant ?
Maintenant je suis en maladie
D'accord, vous travailliez avant ?
Oui
Vous travailliez dans quoi ?
Dans les écoles, maternelle, je fais propreté des
ménages
2/ Quelles langues parlez-vous ? Quelle(s) langue(s)
parlez-vous avec votre famille, vos amis ? Dans quelles occasions? Avez-vous
des préférences, lesquelles et pourquoi ?
Beaucoup (rires)
Dites-moi
Je parle l'arabe ça parce que je né au Maroc dans
une petite ville qui s'appelle (inaudible) et
je suis d'origine berbère, je parle le berbère
Le berbère, l'arabe
Voilà et le français avec mes enfants[...]
Et quelle langue vous parlez avec votre famille
?
L'arabe
Et avec les amis ?
Y'en a ça dépend, ceux qui sont arabes qui parlent
l'arabe je parle l'arabe, ceux qui sont
berbères je parle le berbère, ceux qui savent pas
je parle le français [...]
Est-ce que vous avez des préférences pour
une langue ? de toutes les langues que vous
parlez, est-ce qu'il y a une préférence
entre l'arabe, le français, le berbère ?
176
J'aimerais bien parler le français parce que j'aimerais
bien pour moi parce que regarde ça fait longtemps que je rentrais
là et comme je parle beaucoup berbère avec ma famille [...] et je
parle l'arabe beaucoup mais pas beaucoup le français, avec mes enfants
et c'est tout mais des fois je parle avec mes enfants l'arabe comme ça
j'ai dit il va comprendre un peu hein voilà c'est tout mais avec ma
mère je parle beaucoup le berbère
Et la langue que vous aimez parler le plus, c'est
laquelle ?
Le plus, le français
3/ Où avez-vous appris le français ?
Pendant combien de temps ? Avec qui et quand le parlez-vous? Avez-vous des amis
français ?
En France, j'ai fait les études au Maroc,
jusqu'à 6ème marocaine mais écrire un petit peu hein pas
parler (rires)
Donc en France depuis que vous êtes
arrivée, en 1991 c'est ça, vous avez appris à parler,
comment ?
Oui, j'ai fait des stages, avec les amis de ma famille et
beaucoup beaucoup avec les enfants D'accord, et avec qui vous parlez
maintenant en français
Avec mes enfants
Oui avec vos enfants surtout, et avec d'autres personnes
peut être ?
Si si je parle avec des gens qui parlent pas, je suis
obligée même j'ai des fautes beh (rires) soit quelqu'un qui sait
bien bien parler, il me corrige soit quelqu'un qui connait pas il regarde c'est
tout, des fois on se comprend des fois
Est-ce que vous avez des amis français
?
En France, là sur Avignon je connais 2 ou 3, quand
j'étais à Paris oui je connais beaucoup de français
4/ Comment avez-vous connu l'association et depuis
combien de temps la fréquentez-vous ? Que vous apporte-t-elle ?
Fréquentez-vous d'autres lieux que cette association où vous
pouvez pratiquer le français ?
Quand j'ai déménagé, ça fait 9 ans
Ça fait 9 ans que vous connaissez l'association
?
Oui j'habite en face moi [...]
Et ça fait combien de temps que vous prenez des
cours de français à l'association ?
Ça fait pas longtemps, 2 ans
Et qu'est-ce qu'elle vous apporte l'association
?
Ça va mais pour moi déjà avant je
m'ennuie et tout pour connaitre (inaudible) pour l'écriture, pour la
dictée, pour parler c'est eux (inaudible) c'est pour ça j'ai dit
je vais rester un peu, les études comme ça de français
ça va mieux, au moins ma fille je peux faire les devoirs avec elle
ça va hein
Est-ce que vous allez dans d'autres endroits que
l'association pour apprendre le français ?
Non juste cette association
5/ Quelles sont les situations en France ou vous
éprouvez/avez éprouvé le plus de difficultés pour
vous faire comprendre ? Savez-vous pourquoi ?
Parler ?
Parler ou autre chose quand vous êtes
allée par exemple dans une banque ou n'importe quel endroit, est-ce
qu'il y a eu des moments ou pour vous y'a eu des difficultés pour vous
faire comprendre ?
Des fois
Oui lesquelles de situations par exemple ?
Des fois je dis voilà pour les banques, il faut bien
bien qu'ils m'expliquent je veux pas tomber dans quelque(s) piège(s)
(rires) et des fois pour faire mes papiers c'est vrai je suis dure pour
expliquer qu'est-ce que je veux et pour le comprendre il faut tout doucement
avec moi vous voyez je comprends pas vite voilà ça y est [...]
moi c'est vrai pour t'expliquer, c'est vrai je peux pas t'expliquer vite vite
je te dis voilà il me faut le temps vous voyez , je suis pas moi
d'origine française je suis étranger quand même comme
beaucoup de gens mais mais ça va mieux on peut dire ça
6/ Qu'en est-il d'aujourd'hui : est-ce qu'il est plus
facile de vous faire comprendre ? Qu'est-ce qui vous a permis d'avancer ou
qu'est-ce qu'il vous manque pour le faire ? Quels seraient d'après vous
les moyens pour améliorer son français ? Le faites-vous
?
177
Et pourquoi vous pouvez dire aujourd'hui ça va
mieux, qu'est-ce que vous avez fait ?
178
Beh ça va mieux parce que là, je peux lire une
lettre, je le lis je le lis jusqu'à que je comprends qu'est-ce qu'il y a
ou si je suis en difficulté je viens chez Maria (assistante sociale)
pour m'expliquer comme quoi voilà ça va
Et qu'est-ce que vous avez fait pour arriver à ce
résultat ?
Beh j'arrête pas maintenant il faut que je (inaudible)
tout, j'ai dit à ma fille, j'ai mes enfants qui sont grands et j'ai mon
mari qui parle bien bien le français parce que lui est rentré
à l'âge de 6 ans beh je lui ai dit faut pas que je parle que
l'arabe et le berbère, il faut que je rentre un petit peu dans ça
c'est pour ça j'ai dit il faut que je parle un petit peu le
français, il faut que j'arrête de parler trop l'arabe, c'est vrai
ça m'intéresse au Maroc mais je vis en France
Et pourquoi vous en avez besoin ?
C'est pour tout, mes papiers, parce que là on
fréquente beaucoup de choses, je peux pas aller chez quelqu'un je parle
avec lui l'arabe, il faut que je progresse pour parler bien bien le contexte
Et qu'est-ce qui vous manque pour parler ?
J'ai des fautes
Des fautes ?
Oui je sais que je fais des fautes des fois quand je parle
avec quelqu'un, là ça va je dis « toi » parce que je
sais qu'il est petit, jeune mais moi je crois que je suis plus grande que toi
(rires) mais avant non quelqu'un plus grand je dis « tu » y'en a
quelqu'un qui me dit faut pas tutoyer y'en a qui me laisse mais moi j'aimerais
bien quelqu'un qui me dit voilà « vous » c'est quelqu'un qui
est plus grand, c'est pour ça que je suis en train de faire les
études en français pour euh avec France (formatrice) elle dit
ça non ça non, on fait rentrer des choses au moins, c'est
intéressant [...]
Pour améliorer le français, comment il
faudrait faire ?
Beh il faut qu'on rate pas les cours déjà pas les
absences (rires)
Oui autre chose peut être ?
Il faut qu'on concentre, il faut qu'on suive et il faut qu'on
demande quelque chose quand on comprend pas parce que moi j'étais chez
le centre d'OREL (centre social) [...]
7/Selon vous, que signifie « bien parler
français » ? Pensez-vous le faire ? Pourquoi ?
Et pour vous qu'est-ce que ça veut dire «
bien parler français » ? si je vous dis « il faut bien parler
français »
Comment ?
Bien parler le français, c'est quoi pour vous
?
Bien parler le français pour moi, il faut bien parler le
français ça veut dire sans fautes, c'est bon c'est
intéressant de bien parler le français
Est-ce que vous pensez que vous parlez bien le
français ?
Non, je suis pas top, j'ai des fautes parce que je dis j'ai des
fautes, je peux expliquer, je comprends des choses mais des fois je sais pas
8/ Selon vous, que signifie l'intégration/
être« bien intégré(e) » ?
D'accord et qu'est-ce que ça veut dire pour vous
« l'intégration » ?
L'intégration pour moi [...] l'intégration
ça veut dire progresser de quelque chose ?
Euh être bien intégré
Progresser ça veut dire être bien
intégré ?
Qu'est-ce que ça veut dire pour vous «
être bien intégré » ? Vous avez déjà
entendu ?
J'ai entendu progresser, est-ce que « intégrer »
c'est pas pareil comme « progresse »r non ?
Non c'est pas la même chose, à la
télé peut-être que vous avez déjà
entendu « l'intégration en France »,
« il faut que les étrangers soient bien intégrés
» ?
[...]
Ça veut dire bien euh je sais pas
Non vous ne connaissez pas ?
Ça me dit quelque chose
Non mais ce n'est pas grave [...]
Intégration c'est je crois il faut bien comprendre ce
qu'il faut, euh connaitre toutes les choses,
Euh pour vous c'est ça ?
Pour moi oui
Quoi d'autre peut-être?
Euh il va adopter/adapter beaucoup de gens, connaitre comment on
dit, euh le logement
français ça et tout
9/ Avez-vous le sentiment d'être « bien
intégré(e) » par les Français/la France ? Qu'est-ce
qui vous permet de l'affirmer ou pas ?Qu'avez - vous fait pour y arriver ou
qu'est-ce qu'il vous faudrait ?
179
D'accord, est-ce que vous pensez, vous vous sentez bien
intégrée en France ?
180
En France, oui moi je peux pas si on me dit « vas-y au
Maroc » moi je peux pas (rires) ça y'est j'ai pris l'habitude
là non je suis bien j'ai pas de difficultés en France
Oui, les français, vous pensez qu'ils vous ont
bien intégrée ?
Oui moi j'ai pas de problèmes jamais et si j'ai quelque
chose je le dis, je dis « pourquoi » Oui, vous avez
déjà eu des problèmes ?
Moi comme j'habite là c'est vrai, y'a que moi que je
suis là et les autres ils sont tous français, ça m'est
arrivé mais après j'ai dit voilà je suis pas, ça
fait longtemps que je vis là moi je suis français, j'ai la carte
d'identité français et après ça va mieux maintenant
on se comme on dit, avant on était pas d'accord de beaucoup de choses
parce que moi j'ai les enfants voilà ils entrent, ils sortent ça
fait un peu de bruit et tout, pour eux c'était comme on dit, ils ont pas
supporté, ils ont dit peut-être euh je sais pas mais j'ai
parlé avec mes voisins [...]
Et qu'est-ce que vous avez fait pour bien vous
intégrer en France ?
Je fais très très attention déjà,
euh je suis pas, je parle avec eux gentiment, s'ils me
parlent gentiment mais y'en a qui parlent pas quelque chose avec moi
je leur explique je dis voilà, je suis là c'est vrai je suis
étranger mais je veux vivre là et j'ai le droit de vivre
là parce que je suis euh je suis comme on dit avec mes papiers et tout
françaises ça y'est (rires)
Vous vous sentez française ?
Là maintenant oui, avant que j'avais pas de papier
d'accord [...] mais maintenant je suis française ça fait plus de
19 ans ça va maintenant je suis pas, avant c'est vrai c'était,
j'étais pas bien moralement et je peux pas aller ni le bureau parce que
j'ai pas le droit, j'étais comme on dit un intru, je peux pas parler
pour mes droits mais maintenant non je peux parler de mes droits et tout, je
peux parler je suis comme une française en France, ça va
maintenant
10/ Pensez-vous qu'il est facile de s'intégrer
aujourd'hui en France ? Pourquoi ? Quels conseils donneriez-vous à une
personne étrangère qui souhaite s'intégrer en France
?
Aujourd'hui non c'est très dur, je trouve, je connais
des gens qui sont venus en France pour vivre et je crois c'est dur pour eux
Oui, pourquoi ?
Beh déjà pour les droits, si t'a pas les papiers
c'est très dur, quand j'ai passé mon et mon frère
c'était ça va mais maintenant, c'est un peu dur
Et si y'avait une personne étrangère qui
vous demandait des conseils pour bien s'intégrer en France, qu'est-ce
que vous donneriez comme conseil(s) ?
181
Du courage et il dit pas comment on dit, il prend comment on
dit [...] la patience pour progresser en français pour que tu supportes
les gens français parce que c'est dur les français pour supporter
les étrangers
Ah oui, pourquoi à votre avis vous pensez que
c'est dur ?
Beh déjà quelqu'un qui sait pas parler en
français pour quelqu'un qui vient de l'étranger il sait rien du
tout en français, c'est dur pour lui parler, pour lui expliquer euh par
exemple il a beaucoup de choses à dire mais il arrive pas, il est dans
son [...] dans sa tête eh beh il est pas bien, je sais qu'il est pas bien
parce que je connais beaucoup des femmes, surtout parce que je suis à
l'école, y'a des mamans, y'a des gens qui viennent, des italiennes, de
l'Espagne qui sait pas, ils ont beaucoup de difficultés à
l'école pour expliquer le maître comment il va faire pour sa fille
pour ça c'est, moi je trouve c'est très dur pour eux même
je connais une femme elle a pleuré, elle a pleuré elle peut pas
parler et pour expliquer qu'est-ce qu'ils ont besoin ses enfants et son mari il
a pas trouvé le travail et ils n'ont pas le droit pour le loyer, pour la
CAF beaucoup de choses, il faut le courage
Et la langue vous pensez que c'est important
?
Oh oui c'est important, y'a que ça en France, la
langue, il faut s'améliorer, le courage pour parler, il faut faire,
c'est pas grave moi je dis le travail et ça mais pour parler il faut
qu'on parle français
Oui, c'est important ?
Ah oui c'est important
Pourquoi à votre avis ?
Moi à mon avis comme ça on peut expliquer ce
qu'on veut déjà si par exemple je veux aller à la CAF ou
quelque part comment je vais l'expliquer, tous les jours il faut attendre
quelqu'un qui va avec toi ? Parce que moi avant quand j'étais à
(inaudible) tous les jours ma belle-soeur elle vient avec moi mais des fois ma
belle-soeur elle est pas disponible toujours avec moi c'est pour ça j'ai
dit il faut que je parle français même y'a des fautes il faut,
pour les autres je sais pas