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La dimension contracyclique des politiques de régulation financière macroprudentielles

( Télécharger le fichier original )
par Pouysegur Etienne
SciencesPo Toulouse -  2017
  

Disponible en mode multipage

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Mémoire de recherche réalisé à l'Institut d'études politiques de Toulouse

LA DIMENSION CONTRACYCLIQUE DES POLITIQUES DE REGULATION
FINANCIERE MACROPRUDENTIELLES

1

Etienne Pouysegur

Sous la direction d'Olivier Brossard

Septembre 2017

2

Sommaire

Remerciements Page 3

Liste des acronymes employés Page 4

Introduction Page 5

Objectifs de l'étude Page 12

Hypothèses de recherche Page 10

Chapitre 1 : Marchés financiers et économie mondiale à l'épreuve de la faiblesse des systèmes de régulation Page 14

Partie 1 : Facteurs et mécanique financière de la crise des crédits hypothécaires Page 14

Partie 2 : Interdépendance croissante des sphères financières et économiques Page 22

Chapitre 2 : Une réponse conjoncturelle aux carences des systèmes de régulation Page 29

Partie 1 : Les pouvoirs publics face à la crise de liquidité Page 29

Partie 2 : Les pouvoirs publics face à la récession économique Page 36

Chapitre 3 : Une réponse structurelle aux mécanismes de formation des crises Page 44

Partie 1 : Mifid 2 - L'Union Européenne pionnière de la régulation du marché des instruments financiers Page 46

Partie 2 : Bâle 3 - Qualité des fonds propres et niveau élevé de liquidité au coeur de la régulation Page 53

Conclusion Page 58

Sources & Bibliographie Page 59

Remerciements

3

Je dédie ce mémoire de recherche à mes parents.

4

Liste des acronymes employés

MiFiD : Markets in Financial Instruments Directive

MiFiR : Markets in Financial Instruments Regulation

CSSF : Commission de surveillance du secteur financier

GDP : Gross domestic product

RBC : Real Business Cycle Theory

CDS : Credit default swap

CDO : Collateralized debt obligations

OTC : Over the counter

RMBS : Residential mortgage-backed security

SVP : Special purpose vehicle

ABS : Asset-backed security

OMC : Organisation Mondiale du Commerce

AMF : Autorité des marchés financiers

EURIBORD : Euro interbank offered rate

IBORD : Interbank offered rate

EONIA : Euro OverNight Index Average

REFI : Taux de refinancement

QE : Quantitative easing

OCDE : Organisation de coopération et de développement économiques

5

1. INTRODUCTION

Le 15 septembre 2008, disparaîssait la banque d'investissement Lehman Brothers Holdings Inc, se déclarant en faillite suite à l'impossibilité de solder ses positions sur les crédits hypothécaires américains dits « subprimes ». Nous retiendrons, dix ans plus tard, ce jour, comme le moment et l'élément déclencheur d'une crise d'abord financière, portée par une crise de liquidité entre les acteurs bancaires eux-mêmes, puis une crise économique, par les difficultés engendrées dans l'octroi de crédit aux entreprises par les banques de second rang.

Cette crise financière et économique, remarquable par ses conséquences pour les économies de marché mondialisées, conséquences qui sont encore aujourd'hui en 2017 particulièrement prégnantes, ne semble cependant pas être un événement insolite au regard de l'histoire des économies de marché. Un bref recul historique sur l'histoire économique, ainsi que sur l'histoire des théories économiques, nous permet en effet de mettre en évidence le caractère cyclique des économies de marché, mais aussi le caractère instable des marchés financiers.

L'économiste C. Juglar a été un des premiers théoriciens à mettre en évidence la pertinence de l'analyse économique au prisme de la notion de cycle1. Il a ainsi démontré l'existence d'un cycle éponyme, le cycle Juglar, constitué de trois phases, à savoir une première phase d'expansion, puis de crise, et enfin de liquidation. La théorie économique s'est enrichie des analyses fournies par C. Juglar afin d'identifier de manière plus précise le caractère instable de la croissance des économies de marché. Ainsi, certains théoriciens ont mis en exergue l'existence de cycles plus complexes, à savoir des cycles intégrant de plus nombreuses phases. L'apport théorique proposé J. Kitchin, N. Kondratiev, et S. Kuznets, renforce la première analyse formulée par C. Juglar, en ce sens qu'elle fait apparaître l'existence de variables exogènes et endogènes susceptibles d'avoir un impact récurrent sur le niveau d'activité économique et donc sur la stabilité globale des économies de marché. L'analyse dite des « real business cycle theory » (RBC) fondée par Finn E. Kydland et Edward C. Prescott renforce l'idée selon laquelle la survenance de périodes dites de crises semble intrinsèquement corrélée à l'impact de ces variables exogènes sur le fonctionnement économique2.

1 A Spectral Analysis of World GDP Dynamics : Kondratieff Waves, Kuznets Swings, Juglar and Kitchin Cycles in Global Economic Development, and the 2008-2009 Economic Crisis, Structure and Dynamics, 4(1), Korotayev, Andrey V, Tsirel, Sergey V, University Of California.

2 International Real Business Cycles David K. Backus ; Patrick J. Kehoe ; Finn E. Kydland The Journal of Political Economy, Vol. 100, No. 4. (Aug., 1992), pp. 745-775.

6

Cette instabilité intrinsèque au fonctionnement des économies nous amènera dans le cadre de cette étude à mieux cerner la notion et les implications de la notion de « crise ». Crise financière d'une part, mais aussi économique d'autre part, en raison des canaux de transmission importants des vecteurs d'instabilité de la sphère dite « financière » vers la sphère économique. En effet, si comme nous venons de l'évoquer, il existe effectivement des cycles économiques qui permettent de rendre compte des fluctuations du niveau d'activité mesurées par l'évolution du Produit Intérieur Brut (PIB) au sein des économies de marché, il faut également s'interroger sur l'existence de ces mêmes cycles dans la sphère financière.

En ce sens, les analyses menées par l'économiste et historien Charles Kindleberger nous permettent de mieux cerner l'imbrication des mécanismes de cycle affectant les marchés financiers aux mécanismes de cycle affectant le niveau général de l'activité d'une économie. Kindleberger, sur un modèle relativement similaire aux différentes phases identifiées par C. Juglar, met en évidence, par une étude historique des crises financières mondiales, l'existence de quatre phases du cycle dit « financier ». La première phase identifiée par Kindleberger, dite de « développement », est caractérisée par une augmentation du niveau d'activité suscitée par l'apparition d'un élément exogène (on peut y voir par exemple ici une analogie négative avec l'analyse proposée par J. Schumpeter concernant l'apparition d'une innovation). La seconde phase, d'euphorie, est caractérisée par un optimisme des anticipations des acteurs sur les marchés, entraînant un certain aveuglement au risque et à la hausse générale des prix sur le marché. La troisième phase est une phase de transition et de bouleversement durant laquelle les anticipations des acteurs sur le marché deviennent défavorables, suscitant une aversion au risque plus importante et une baisse du niveau général des prix. C'est cette troisième phase qui, au sens strictement économique du terme, correspond à la notion de crise économique. Dans une dernière et quatrième phrase, les marchés financiers sont victimes d'une déflation générale du niveau des prix, alimentée par la volonté de se désengager de la part des acteurs et de réduire leur niveau d'endettement. Si les analyses formulées par Kindleberger dans sa théorie de la stabilité hégémonique suscitent de nombreuses interrogations que nous ne traiterons pas directement dans cette étude, elles ont cependant retenu notre intérêt en ce sens qu'elles posent comme nécessité la question d'une régulation du système économique à échelle mondiale, en vue d'atteindre un fonctionnement beaucoup plus stable des économies de marché.

Les travaux menés par C. Minsky proposent une analyse approfondie des mécanismes inhérents au fonctionnement des cycles d'investissement. La nature du mode de financement rend selon lui le

7

fonctionnement des économies de marché (à moyen et long terme) caractérisé par des phases de développement, puis de contraction économique. Au sens de Minsky, qui élabore une théorie reprenant en partie les travaux menés par J.M. Keynes, on peut distinguer trois formes différentes d'investisseurs dans les économies de marché. Les premiers, effectuant des « hedge financing », ont recours à de la dette afin de réaliser leur investissement. Les revenus de cet investissement permettent le remboursement du principal, d'une part, mais également des intérêts, d'autre part. Les seconds, dits de « speculative financing », ont eux pour objectif de s'endetter afin de réaliser une opération basée sur le rendement espéré de l'investissement pour rembourser les intérêts, le principal étant constamment reconduit par la génération d'une nouvelle dette. Enfin, la dernière typologie d'investisseurs identifiée par Minsky, les investisseurs dits de « Ponzi », réalisent leurs opérations sur le postulat d'une génération toujours plus importante de dette afin de supporter le projet d'investissement.

Au sens de Minsky, c'est l'alternance entre ces différentes typologies de comportement d'investissement sur les marchés financiers qui est à l'origine d'une instabilité intrinsèque à leur fonctionnement. En effet, en phase de croissance forte de l'économie, les comportements d'investissement sont encouragés par le climat des affaires propice à la réalisation de nouvelles opérations. Les investissements se font de plus en plus risqués et l'endettement de plus en plus fort, conduisant les pouvoirs publics à recourir à des politiques de restriction de la masse monétaire afin de lutter contre l'inflation. Les schémas de croissance des deux dernières typologies d'investisseurs, et à plus forte raison, des investisseurs de type Ponzi, se voient mis à mal par ce resserrement de la masse monétaire et cette impossibilité de refinancer leur schéma d'investissement.

La liquidité en provenance des banques centrales se faisant de plus en plus rare, les acteurs cherchent alors à vendre à tout prix leurs actifs, ce qui entraîne baisse des prix et défiance généralisée sur les marchés. Cette première analyse de la typologie des investisseurs, proposée par C. Minsky, nous permet ainsi de mettre en évidence les mécanismes à l'oeuvre dans ce qui est qualifié comme étant le deuxième théorème de l'instabilité de Minsky. En effet, pour Dominique Plihon dans Minsky, théoricien de l'instabilité financière3 : « Une des intuitions majeures de Minsky, qui s'est encore vérifiée récemment, est que l'accumulation de la dette joue un rôle central dans le processus d'instabilité et de crises financières. C'est parce que les ménages américains ont contracté

3 Les Possibles -- No. 10 été, 2016, Minsky, théoricien de l'instabilité financière, mardi 28 juin 2016, par Dominique Plihon.

8

une dette excessive et sont devenus insolvables que la crise financière des subprimes a éclaté en 2007.(É) L'originalité de cette crise est que ce sont les ménages (et non les entreprises) qui ont été à l'origine de la crise de la dette à partir de 2007. Les ménages américains ont été victimes d'agents Ponzi (les banques et les courtiers) qui les ont incités à s'endetter au-delà de leurs capacités. » Poursuivant l'analyse, Minsky démontre ce qu'on qualifie de second théorème d'instabilité des marchés financiers, à savoir que plus la phase d'expansion connue par l'économie de marché retenue à l'étude est longue, plus la phase de redressement que l'on peut qualifier de « contrecoup » monétaire est violente.

L'analyse proposée par l'économiste Michel Aglietta est également riche d'enseignement en ce sens qu'il propose lui aussi d'éclairer les crises du capitalisme par une perspective historique des ressorts inhérentes à chacune d'entre elles. L'analyse proposée par Michel Aglietta sur la récurrence des crises financières des économies de marché est, comme pour celle proposée par Minsky, caractérisée par certaines étapes clés du retournement de la situation économique4. L'analyse proposée par Aglietta, avant même d'évoquer la notion de crise en elle-même, et le système économique dans sa globalité, élabore une théorie des cycles financiers, qui, par différents canaux de transmission à l'économie, irradient et perturbent son fonctionnement. Afin d'élaborer sa théorie reposant sur la notion de cycles financiers, il reprend la typologie d'évolution classique de formation d'un cycle financier, à savoir une phase d'inflation monétaire engendrée par une hausse importante de niveau de la dette, suivie d'une hausse irrationnelle de la valeur des actifs engendrée par les comportements erratiques des comportements sur le marché. Cette phase de surévaluation de la valeur des actifs se trouve supplantée en raison d'évènements rationnels (contraction de l'activité de crédit) ou irrationnels (business climate) sur le marché, entraînant des comportements de vente, et donc de dépréciation de la valeur des actifs.

Par la reprise de cette typologie et de cette analyse du caractère profondément instable de l'équilibre sur les marchés financiers, Aglietta met lui aussi en évidence le caractère singulier des systèmes d'autorégulation propres aux marchés financiers. Mettant en évidence une « instabilité structurelle » des marchés financiers, il corrobore ainsi les analyses keynésiennes et post-keynésiennes démontrant le lien de causalité entre la nature même du fonctionnement des marchés financiers et la façon dont ils se structurent avec les comportements irrationnels des agents qui le composent. En ce sens, Michel Aglietta, en analysant le processus de formation des crises financières et notamment la crise touchant les pays d'Asie en 1997, ainsi que la crise de 2008, a formulé un certain

4 Michel Aglietta, Macro économie financière (cinquième édition), La Découverte, Paris, 2008.

9

nombre de propositions visant à endiguer le processus d'emballement et de formation de surévaluation des actifs financiers sur les marchés.

A la suite de la crise économique et financière de 2008, celui-ci a proposé dans son ouvrage La crise : pourquoi en est-on arrivé là ? Comment en sortir ? différents leviers d'action concernant les acteurs opérant sur les marchés financiers à savoir :

- Levier d'endettement : Une optimisation de la réglementation relative au potentiel de création de dette par les organismes bancaires par un contrôle poussé de leur niveau d'endettement et une augmentation des exigences en fonds propres afin de générer une nouvelle activité de crédit.

- Uniformité des statuts : Mettre en place une structure juridique élargie à tous les acteurs financiers opérant sur les marchés financiers et permettre ainsi de mieux contrôler l'existence de statuts juridiques exemptoires de reporting juridique, comptable et financier (par exemple, les fonds de pension- hedge funds).

- Transparence sur les marchés et les opérations : l'opacité étant un élément-clé de la formation des crises, il recommande également la mise en place de systèmes juridiques garantissant la transparence des montages financiers.

- Banques extraterritoriales : uniformisation du processus de normalisation des activités de marchés imposée aux acteurs (en particulier aux Caraïbes, Malte, Luxembourg, Iles anglo-Normandes...)

- Evaluation : refondation du processus d'évaluation de la valeur des actifs financiers afin de limiter les processus de surévaluation des actifs alimentant les phases d'essor incontrôlés de la deuxième étape du cycle financier constatée après l'augmentation du niveau d'activité de crédit.

L'analyse formulée par Michel Aglietta nous permet ainsi de mettre d'une part en évidence le caractère profondément incertain de l'existence de mécanismes d'autorégulation sur les marchés financiers, et, d'autre part, la nécessaire imposition d'une réglementation et d'un système de normes visant à réduire les possibilités de dérives lors des phases d'expansion d'un cycle financier.

10

1. 1. OBJECTIFS DE L'ETUDE

Lors de cette étude, notre objectif sera d'évaluer, à la lumière des facteurs d'instabilité structurels des économies de marché financiarisées, la capacité des Etats, prêteurs de dernier ressort, à mettre en place - au delà des solutions conjoncturelles à des situations de « crise financière », de « crise économique » - des solutions de long terme visant à encadrer les pratiques des acteurs sur les marchés afin d'avoir une influence sur les cycles économiques et financiers ou du moins sur l'ampleur de ces phénomènes. En ce sens, notre étude s'attachera à progresser selon trois moments d'analyse biens distincts, à savoir :

Un premier temps consacré à l'étude des ressorts et mécanismes de formation des crises, avec une attention particulière à la crise économique et financière mondiale de 2008. Un second temps dédié à l'analyse de la réponse formulée par les pouvoirs publics, au sein de l'Union Européenne, mais aussi aux Etats-Unis, dans une perspective comparatiste. Ainsi, ce second temps de recherche et d'analyse s'attachera à évaluer le dimensionnement et la pertinence de la réponse conjoncturelle apportée par les Etats aux conséquences de la crise économique et financière. Un dernier temps, au cours duquel il s'agira, à la lumière des éléments que nous aurons pu aborder dans ces deux premiers temps d'analyse, d'évaluer la réponse que nous pourrons qualifier de structurelle, de long terme, apportée par les pouvoirs publics au sein de l'Union Européenne et au niveau mondial par le Comité de Bâle. Ce dernier temps d'analyse sera ainsi consacré à un dispositif mis en place par la commission européenne par le biais d'une directive européenne, la directive MiFid 2, ainsi qu'aux recommandations formulées par le Comité de Bâle III.

1. 2. HYPOTHESES DE RECHERCHE

Il s'agira donc lors de cette étude de questionner, par nos divers travaux de recherche, puis par l'analyse des différents éléments relatifs à la nature des crises économique et financière, la pertinence de l'intervention cojoncturelle et structurelle des pouvoirs publics consécutive à la crise économique et financière de 2008. Nous interrogerons et analyserons la pertinence de ces interventions dans une perspective exploratoire de réduction de l'ampleur des crises à long terme. En effet, si nous analyserons la réponse conjoncturelle apportée par les pouvoirs publics aux conséquences de la crise de 2008, il s'agira ici de mettre en évidence la réponse de long terme apportée par le régulateur et d'évaluer son potentiel de stabilisation des marchés. En définitive, nos travaux de recherche auront pour enjeu de répondre à la question suivante :

11

Dans quelle mesure peut-on considérer la réponse structurelle de réglementation
croissante du marché des capitaux comme vectrice de stabilisation et d'efficience des
marchés financiers
?

1. 3. CONCEPTS ET TYPOLOGIES

Lors de cette étude, nous ferons appel à plusieurs typologies d'acteurs et de concepts que nous définirons en amorce de cette étude afin de prévenir toute confusion ou interprétation pour le lecteur. Nous emploierons, lors de ces travaux de recherche, la notion de « pouvoirs publics ». Par cette formule, nous ferons référence à toutes les autorités détentrices d'un pouvoir de réglementation, d'édiction de normes, visant à encadrer les actions des acteurs sur un territoire déterminé. Nous désignerons, lorsque cela l'exige, l'autorité compétente du domaine concerné. En l'occurrence nous ferons principalement référence à l'Union Européenne, à ses institutions et en particulier la Commission, et les Etats membres de l'U.E. Dans une perspective théorique, nous aurons couramment référence à cette formule afin d'épurer le contenu de notre présentation.

Nous ferons également référence à la notion de régulation, que nous entendrons ici dans une perspective académique comme tout élément de loi, de règles, de normes, mais également de discours, visant à influer, à diriger, à encadrer, les actions des acteurs sur un marché, que ce soit de manière coercitive, ou de manière incitative. Nous tenons à insister sur la distinction que nous souhaitons établir entre la notion de réglementation, faisant référence à une mesure déterminée, liée à un corpus juridique, réglementaire ou normatif, et la notion de régulation, qui recouvre des réalités plus larges de l'éventail d'actions publiques à la disposition des pouvoirs publics.

Nos travaux de recherche étant articulés autour d'un des évènements majeurs rencontrés par les économies de marché, événements qualifiés de « crises », il nous apparaît indispensable d'en fixer les contours afin d'aborder ce concept dans son sens le plus strict. En effet, nous distinguerons d'une part la notion de crise économique, et d'autre part la notion de crise financière. Si la diversité des crises, de par leur ampleur, leur nature, et leurs conséquences, est très importante, nous définirons ici une situation de crise comme un état de l'économie connaissant une « dégradation sur une période de temps limitée de plusieurs indicateurs économiques et financiers »5 (tels que la

5 Charles Poor Kindleberger, Manias, panics and crashes : A history of financial crises, 1989, p. 6.

12

croissance du produit intérieur brut). Nous remettrons partiellement en cause cette vision de la notion de crise en ce sens qu'elle sous-entend une notion de limite dans le temps, correspondant à une situation conjoncturelle, alors même que les crises et leurs conséquences peuvent avoir des conséquences structurelles, structurantes, et de long terme.

Afin de mieux comprendre les contours parfois complexes, ambigus, de la notion de crise financière, nous choisirons ici volontairement d'avoir recours à une définition proposée par Jean-Paul Fitoussi des crises financières qui met particulièrement en évidence le rôle prépondérant joué par la psychologie des acteurs sur les marchés. Il propose en effet d'aborder la notion de crise financière comme étant « la conséquence d'une rupture de confiance sur les marchés financiers. Une crise de confiance plus qu'une crise financière, mais qui a des conséquences financières réelles. La crise de confiance vient de ce que les opérateurs sur les marchés financiers achètent des titres qu'ils pensent non risqués, alors qu'ils le sont considérablement. » 6

De manière plus générale, il nous faut mettre en évidence l'existence d'une typologie variée des différentes crises financières. La crise bancaire (Banking Crisis), par exemple, correspond à un type de crise bien spécifique lors de laquelle nous constatons des difficultés importantes de financement et refinancement rencontrées par une ou plusieurs institutions financières nécessitant l'intervention des pouvoirs publics afin de poursuivre son activité. Ces crises bancaires ont été constatées à plusieurs reprises dans l'histoire. Parmi les plus célèbres « Bank Runs», on peut citer, dans l'ordre, la Faillite de Law à Paris en 1720, l'Overend Gurney en Angleterre en 1866, qui marque la première intervention de la banque centrale anglaise en tant que prêteur de dernier ressort.

On peut également citer la faillite de la Barings aux Etats-Unis en 1873 qui entraîne la chute de plusieurs institutions financières. Enfin, on peut également évoquer, plus récemment, le « Bank Run » de la banque Northen Rock au Royaume-Uni en 2008 qui s'est vu nationalisée par l'Etat britannique. Au-delà des crises bancaires, le système financier a également connu des crises affectant un élément particulier du système financier ; on peut citer notamment les crises de la dette (debt crisis), qui peuvent être souveraines (domestic debt) ou étrangères (foreign curency). Les crises monétaires sont également récurrentes dans l'histoire économique, caractérisées par un affaiblissement brutal des réserves de change et d'une baisse subséquente de la valeur de la monnaie nationale.

6 Jean-Paul Fitoussi, pour le Monde économie, dans « La crise financière ne devrait pas avoir de conséquences importantes en Europe ».

13

Lors de ce premier chapitre, il s'agira de mettre en évidence les mécanismes des économies de marché ayant entraîné, d'une part, l'apparition d'une crise financière qui s'est progressivement répandue sur tous les marchés financiers mondiaux, et d'autre part, les conséquences de cette crise financière sur le fonctionnement de l'économie à travers les différents mécanismes de transmission reliant la sphère financière à la sphère économique.

14

CHAPITRE 1

MARCHES FINANCIERS ET ECONOMIE MONDIALE A L'EPREUVE DE LA

FAIBLESSE DES SYSTEMES DE REGULATION

Nous étudierons, dans le premier temps de ce chapitre, le contexte économique et financier (contexte macro-économique, contexte réglementaire) ayant favorisé l'apparition ainsi que la dissémination de crédits hypothécaires à haut niveau de risque, régulièrement qualifiés dans la littérature économique mais aussi dans la culture populaire de « crédits subprimes ». Nous nous attacherons particulièrement à mettre en évidence, lors de ce moment de notre étude les mécanismes économiques à l'origine de la formation de cette crise. L'objectif sera ainsi de mieux comprendre et mieux évaluer la pertinence des modes de régulation employés par les pouvoirs publics, cela en vue de limiter la récurrence de ces évènements économiques dont la financiarisation de l'économie mondiale et l'interconnexion croissante des économies ont eu pour conséquence d'internationaliser les logiques financières et leurs conséquences.

2.1 FACTEURS ET MECANIQUE FINANCIERE DE LA CRISE DES CREDITS HYPOTHECAIRES

Avant même d'aborder les questions relatives au démarrage du processus de « crise » à proprement parlé, il convient de positionner notre analyse dans une perspective historique plus longue, sur les années 2000, afin de comprendre le contexte économique, réglementaire et politique des années ayant précédé la survenue de cette crise. En effet, si cette crise a ses mécanismes propres, le contexte ayant précédé celle-ci est riche d'enseignement sur la nature des enchaînements des cycles financiers en périodes pré-crises. En ce sens, en vue de mieux comprendre le contexte économique inhérent à cette période, nous attachons une grande attention à un discours prononcé par Ben S. Bernanke, au mois de février 2004, intitulé « The Great Moderation »7. Ben Bernanke, à ce moment encore conseiller économique auprès de la Maison Blanche (il sera nommé Président de la Réserve Fédérale Américaine (FED) un an plus tard) amorce alors sa prise de parole par un constat simple : « One of the Most striking features of the economic landscape, over the past twenty years, or so has been a subsantial decline in macroeconomic volatility » / « L'une des plus frappantes caractéristiques du paysage économique des 20

7 The Federal Reserve Board, Remarks by Governor Ben S. Bernanke, At the meetings of the Eastern Economic Association, Washington, DC, February 20, 2004, The Great Moderation.

15

dernières années a été le déclin substantiel de la volatilité macroéconomique. » Ben Bernanke appuie ses dires sur des constatations effectuées par les économistes Olivier Blanchard et John Simon dans un célèbre articule intitulé « The Long and Large Decline in U.S. Output Volatility »8

A l'appui du graphique que nous proposons ci-dessous, les auteurs mettent ainsi en évidence dans cet article que le niveau de variation du PIB (à prix constants) est deux fois moins important à la fin des années 1990 que celui constaté 20 ans plus tôt, au début des années 1980. Les auteurs mettent également en exergue dans cet article un deuxième indicateur économique fondamental qui serait également touché par cette vague de grande modération, à savoir l'inflation. Ils démontrent en effet que cette période dite de « grande modération » est également caractérisée par une diminution drastique du niveau de volatilité de l'inflation au cours de cette période. Sans même évoquer de lien de causalité, ils affirment la relation suivante : « We show that there is a strong relationship both between output volatility and the level of inflation, and between output volatility and inflation volatility. Both volatilities went up in the 1970s and have come down since. Correlation does not, however, imply causality. »

9

8 Olivier Blanchard (MIT), John Simon (Reserve Bank of Australia), The long and Large Decline in U.S. Output Volatility.

9 Op. Cit. 8.

16

« On peut démontrer qu'il existe un lien entre la volatilité de la production et le niveau d'inflation, et entre la volatilité de la production et la volatilité de l'inflation. Les deux volatilités ont augmenté dans les années 1970 et ont diminué depuis. La corrélation n'implique toutefois pas la causalité. » 10

Cette analyse proposée par Olivier Blanchard et John Simon, reprise par Ben Bernanke, alors un acteur déjà très influent, et dont la parole est écoutée sur les marchés, nous renseigne à plusieurs titres sur le contexte économique et financier qui régnait alors. Sans apporter d'éléments visant à remettre en cause la vision portée par ces économistes sur l'évolution des niveaux de volatilité constatés, on peut observer que l'analyse faite par Minsky, que nous évoquions plus tôt, correspond en de nombreux points à ce qu'il évoquait comme étant son deuxième théorème d'instabilité.

En effet, nous constatons, comme le prévoit Aglietta, une phase de surévaluation des actifs, suivie d'une violente, et sur une période très brève, chute de la valeur de ces actifs à l'été 2007. Comme le démontrait Minsky, nous constatons que plus la phase de stabilité a été durable, plus le contrecoup est violent. En effet, avant cette période, comme le montrent Jean-Charles Bricongne, Jean-Marc Fournier, Vincent LapeÌgue et Olivier Monso dans « de la crise financière à la crise économique : l'impact des perturbations financières de 2007 et 2008 sur la croissance des sept pays industrialisés », nous constatons à cette période des comportements d'agents sur le marché qui sous-évaluent structurellement la nature et l'ampleur des risques liés à la détention des actifs financiers.

Cette vision tronquée de la nature du risque par les investisseurs est selon ces auteurs11 directement liée à cette « apparente stabilité économique » que nous notons dans le travail des économistes et dans les prises de parole publiques des acteurs institutionnels de l'époque (Ben Bernanke) avec des communications axées sur le concept de « grande modération ». Nous remarquons en effet, comme le montrent ces auteurs à cette période, une baisse générale de la perception du risque et donc des primes qui y sont adossées en fonction de l'évaluation qui en est faite, notamment par les agences de notation financières qui font alors référence sur les marchés financiers (Standard & Poors, Moody's, Fitch...). Selon ces auteurs, cette sous-évaluation massive de la nature et de l'ampleur des

10 Source : Estimations de Olivier Blanchard et John Simon basées sur les données du BEA (Bureau of Economic Analysis).

11 Jean-Charles Bricongne, Jean-Marc fournier, Vincent LapeÌgue, et Olivier Monso, dans « de la crise financieÌre aÌ la crise économique : l'impact des perturbations financières de 2007 et 2008 sur la croissance des sept pays industrialiseìs » économie et statistique n° 438-440, 2010.

17

risques, corrélée à la faiblesse des taux d'intérêt, conduit les acteurs sur les marchés à avoir recours à l'endettement de manière massive et irrationnelle pour effectuer des achats d'actifs financiers mobiliers mais aussi immobiliers pour les acteurs privés.

Il nous faut également préciser que la crise financière qui allait s'amorcer en 2007, contrairement aux précédentes crises financières, a été favorisée12 par des techniques d'ingénierie financière particulièrement élaborées. Ces techniques, avant le déclenchement de la crise, ont en effet connu un essor important et peuvent être directement considérées comme des facteurs ayant favorisé l'apparition d'un risque systémique13. Parmi ces différentes techniques d'ingénierie financières utilisées alors, l'une d'entre elles est considérée comme ayant joué un rôle moteur dans la crise de 2008, à savoir le procédé de titrisation. Le principal objectif d'un processus de titrisation est de permettre la négociation sur des marchés financiers de titres de créances adossés à des opérations immobilières (crédits hypothécaires). Ces titres sont ainsi échangés sur des marchés financiers, hors structure boursière, sur des marchés dits « Over the Counter » (OTC) ou de gré à gré, qui présentent l'avantage d'une réglementation quasi-inexistante de la part des autorités de contrôle. On a ainsi vu une part des transactions financières augmenter de façon extrêmement importante sur ces marchés peu ou pas réglementés14. La négociation de ces titres sur les marchés financiers (en particulier le marché des capitaux), nécessite la création d'une structure dont l'unique rôle est de transformer ces titres de créances en titres échangeables. Ces structures, dites « Special Purpose Vehicle » (SPV) permettent la sortie immédiate du risque de la structure du bilan de l'institution qui cède la créance.

En revanche, si ces titres de créances se voient transférés vers un autre portefeuille (celui d'un investisseur financier X), le risque lié à l'opération qui y est adossée (ici une opération immobilière) y reste adossé. Afin de mieux gérer la fréquence de survenue des échecs et de déterminer la valeur de ces actifs, l'ensemble de ces créances sont regroupées dans des portefeuilles de créances appelées des pools, pools dont la « valeur » sur le marché est déterminée par la probabilité d'un incident de remboursement sur le sous-jacent de l'actif financier, à savoir le crédit.

12 Brennan et al, 2009.

13 Vinod Kothari, Securitization - The Financial Instrument of the Future, Wiley Finance, New York, 2006, 992 pp.

14 J. MacKrank, "Dark markets may be more harmful than high-frequency trading", Reuters, 6 avril 2014.

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Ainsi, ces actifs financiers (les titres émis par la banque via son SVP) sont regroupés en trois tranches selon le niveau de risque des créances contenues dans le pool de créances achetées aux institutions de crédit :

- Dette « super senior » dont la probabilité de remboursement est élevée mais la rentabilité est plus faible étant donné le niveau limité de risque qui est y adossé.

- Dette « mezzanine » qui présente un niveau de risque modéré, une probabilité de remboursement plus faible, dont la rentabilité espérée par l'investisseur est supérieure à la dette « super senior ».

- Dette « equity », qui est considérée comme la tranche présentant le niveau de risque le plus élevé, et donc le niveau de rémunération espéré par les investisseurs le plus élevé des trois tranches.

Les titres ainsi créés à l'issue de leur transit, via le special vehicule purpose mis en place par les banques d'investissement, sont à l'origine des titres qualifiés de ABS pour Asset Backed Security et correspondent à des actifs financiers dont la valeur est assurée par la valeur de l'actif sous-jacent générateur de revenu (les intérêts du prêt). Ainsi créé et transféré sur le marché OTC par la banque d'investissement, l'ABS peut s'échanger sur ce marché et permettre un transfert du risque de l'opérateur vendeur vers l'opérateur acheteur du titre, le bilan de l'institution émettrice se voyant de fait consolidé par l'opération réalisée. Le principal intérêt présenté par ce processus de titrisation, constitue également la raison pour laquelle il est générateur d'un risque systémique sur l'ensemble des opérateurs du marché. En effet, s'il permet effectivement de réduire le niveau de risque à l'échelle d'une institution singulière, telle qu'une banque commerciale de détail distribuant des crédits immobiliers, il entraîne également la dispersion de ce risque vers un nombre très important de portefeuilles sans que les opérateurs n'aient de moyen d'évaluer le risque réel présenté par les actifs auxquels sont adossés ces risques.

En effet, la gestion de l'évaluation du risque, déléguée à des institutions financières spécialisées, qualifiées d'agence de notation (les plus importantes, Moody's, Standard & Poors, Fitch) a entraîné une sous-évaluation aux conséquences dramatiques du risque sous-jacent sur le marché des titres de créances hypothécaires. En effet, cette mission d'évaluation du risque, confiée à ces agences, s'est vue particulièrement complexifiée par la création de sous-catégories de produits ABS dont la

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technicité des montages a été croissante au cours des années 2000 sur le marché des subprimes américains. Ainsi, via les SVP, les émetteurs de titres ont fait preuve d'innovation et ont mis en place des produits issus de la titrisation dont le niveau de risque qui leur était inhérent était de plus en plus difficile à saisir pour les opérateurs sur le marché. Différents produits ABS, tels que les CDO pour collateralized debt obligation, les CDS Credit Default Swap, ont été commercialisés par des institutions financières désirant proposer des solutions d'assurance sur la valeur des titres achetés par les opérateurs. Comme l'illustre le graphique ci-dessous, on a ainsi pu observer une augmentation extrêmement importante de l'émission de ces produits dits « structurés ». L'innovation financière croissante sur ces produits financiers a même conduit à la création de produits synthétiques qualifiés de « naked- CDS » qui correspondent donc à des CDS classiques, mais sans exposition au risque crédit du sous-jacent et dont l'intérêt de la détention se situe dans la réalisation d'une opération de spéculation sur la probabilité d'un événement de crédit de se produire (pari sur l'échec de remboursement du crédit par l'emprunteur du crédit hypothécaire sous-jacent).

Graphique : Les eìmissions de produits structurés. Source : Estimations FMI d'apreÌs les donneìes de JP Morgan Chase, le Conseil des gouverneurs de la Fed et Inside Mortgage Finance. »

Or, il s'agit précisément de l'évaluation du risque adossé à la détention de ces produits structurés par les porteurs qui a été largement sous-estimée avant la crise de 2008. L'évaluation de ces risques est à la fois fastidieuse pour les acteurs sur le marché, voire impossible lorsque les produits sont

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trop complexes, et donc très coûteuse. Dans un souci d'efficacité, les opérateurs sur le marché des titres adossés à des crédits hypothécaires ont ainsi très largement eu recours aux services d'agences spécialisées dans l'évaluation du niveau de risque de crédit porté par les détenteurs de titres. L'information sur le niveau et la nature du risque est mise à disposition des investisseurs de manière lisible, synthétique, souvent par le biais de notes données par une lettre (A, B, C, ou D) ainsi que d'un signe (+ ou -) afin d'affiner l'évaluation. Les informations sont mises à disposition de manière condensée à destination des investisseurs ayant recours à leurs services. La réglementation relative au rôle joué par ces agences avant l'éclatement de la crise des subprimes, alors très accommandante, leur confère pour la plupart d'entre elles un rôle de structure externe d'évaluation du risque crédit.

Cependant, comme nous allons le voir, le recul historique nous permet aujourd'hui d'affirmer qu'une sous-évaluation massive des niveaux de risques inhérents aux produits financiers (titres), adossés aux crédits hypothécaires, a été réalisée par ces agences de notation. Cette sous-évaluation massive du risque, permise d'une part par une profonde déréglementation du système de notation, rendue possible par Bâle II, et d'autre part des marchés de gré à gré, a été à l'origine du déclenchement d'une crise majeure de l'économie mondiale. Le fonctionnement de la mécanique financière que nous avons abordé reposait donc sur la logique suivante :

- Endettement privé par le biais d'un crédit subprime adossé sur la valeur du bien immobilier (réglementation quasi inexistante, absence de vérification des capacités de remboursement réelles des ménages)

- Remboursement des intérêts générateurs de flux de revenus futurs pour les investisseurs sur les marchés financiers

- Mise en vente des créances sous forme de produits dits « structurés » qui permet de sortir le risque du bilan de la banque prêteuse et à l'investisseur de choisir son produit selon son profil (du plus risqué au moins risqué - du plus rémunérateur au moins rémunérateur)

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Cette mécanique financière supposait donc, afin de garantir la pérennité des revenus futurs :

- Le remboursement effectif des échéances de prêt par les emprunteurs

- Le maintien, voire l'augmentation, de la valeur du produit sous-jacent (le bien immobilier), en cas de défaillance de l'emprunteur

Or, comme on peut le voir dans la note n°40 de la D.G. Trésor du mois de juillet 2008 15 , si on a bien constaté, entre les années 2000 et 2006, une hausse nominale d'environ 60% des prix de l'immobilier, c'est bien à l'été 2007 que la mécanique d'augmentation de valeur des biens immobiliers s'est enrayée. Les estimations de la Direction Générale du Trésor concernant la surévaluation des biens immobiliers atteignent au moment de la surévaluation maximale, en 2006, plus de 30% entre la simulation dynamique d'évaluation du prix d'équilibre par rapport aux prix réels constatés selon les données fournies par l'indice OFHEO (Office for Federal Housing Enterprise Oversight) et les calculs réalisés par la DGTPE. Il nous faut cependant préciser que les analyses d'écart entre les simulations dynamiques réalisées par la DGTPE, sur la base des données de l'OFHEO, sont selon les économistes de la DGTPE eux-mêmes sous-évalués :

« L'indice de l'OFHEO est essentiellement construit grâce aux données collectées par Freddie Mac et Fannie Mae, les deux organismes de prêt hypothécaire bénéficiant de la garantie implicite de l'État américain et supervisés par l'OFHEO. Il couvre bien l'ensemble du territoire américain, mais ne tient pas compte du prix des logements achetés grâce à des prêts de type jumbo (montant supérieur à 417 000 $ en 2007) ou subprime, puisque Freddie Mac et Fannie Mae ne sont pas habilités à proposer ce type de prêts. ».

La pérennité d'un modèle financier de titrisation, dont la valeur de l'actif sous-jacent était largement surévaluée, et le niveau de risque inhérent à la détention de ce titre (probabilité ou non de réalisation d'un événement de crédit) clairement sous-évalué, a eu pour conséquence directe, consécutivement à la chute brutale des prix de l'immobilier, une dévaluation massive de tous les produits financiers qui y étaient adossés (CDO, CDO2, MBS, ABS, ABCP).

De manière synthétique, on peut ainsi retenir que les principaux facteurs ayant conduit à une surévaluation massive des titres produits par les SVP ont été d'un point de vue macro-économique :

15 N° 40 - Trésor Eco - Juillet 2008, Direction Générale du Trésor et de la Politique Economique, Eclatement de la bulle sur le marché immobilier américain.

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- Un allégement des prérequis à la souscription d'un crédit

- Une politique accomodante de la Banque Centrale Américaine (FED), particulièrement favorable au levier de création monétaire

On peut également retenir, d'un point de vue financier :

- Le processus de titrisation pour un échange sur les marchés OTC de produits liés à des créances hypothécaires

- La complexification des méthodes d'ingénierie financière qui conduisent à une sous-évaluation de la nature du risque

- L'absence de réglementation sur les méthodes et les structures habilitées à effectuer une mission d'évaluation de risque crédit

Nous allons ainsi aborder, dans ce second temps, les ressorts du déclenchement de ce mécanisme de crise financière et ses conséquences sur le fonctionnement de la sphère économique à proprement parlé, via notamment son nécessaire recours à l'endettement, de manière intermédiée ou désintermédiée.

2.2 L'INTERDEPENDANCE CROISSANTE DES SPHERES FINANCIERES ET ECONOMIQUES : MECANIQUE DE TRANSMISSION DES CRISES, DE L'EMBALLEMENT DE LA CRISE FINANCIERE A LA RUPTURE ECONOMIQUE SYSTEMIQUE

Comme le montrent Jean-Charles Bricongne, Jean-Marc Fournier, Vincent Lapègue et Olivier Monso dans « De la crise financière à la crise économique : L'impact des perturbations financières de 2007 et 2008 sur la croissance des sept pays industrialisés », on constate que les niveaux de prime pratiqués pour couvrir le risque ont très sensiblement augmenté, du fait de la la chute des prix de l'immobilier et la hausse des incidents de crédit dus à la hausse des mensualités de crédit (car souscrits selon la règle ARM, adjustable rate morgage) 16. Très vite, le problème rencontré par les opérateurs sur le

16 Jean-Charles Bricongne, Jean-Marc fournier, Vincent Lapègue, et Olivier Monso, dans « de la crise financieÌre à la crise économique : l'impact des perturbations financières de 2007 et 2008 sur la croissance des sept pays industrialiseìs » économie et statistique n° 438-440, 2010.

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marché est d'évaluer le niveau de risque contenu dans les portefeuilles remplis de titres dont ils disposent, suite à la constatation du défaut d'analyse de risque réalisé par les agences de notation, et prenant conscience de l'euphorie s'étant emparée du marché. On peut alors parler du déclenchement d'une crise, qui, d'abord, se veut être une crise de confiance entre les opérateurs de marché eux-mêmes, ne souhaitant plus se porter acquéreurs de titres qu'ils considèrent à présent comme extrêmement risqués.

Ainsi, comme le constate F. Mishkin à la fin de l'année 2008 17 : « Les SVP et les conduits ont joué un ro^le crucial. (É) Quand la qualité des actifs offerts en collatéral des émissions a été dégradée par les agences de notation, les SVP et les conduits ont été rapidement incapables de continuer à se financer. L'impossibilité de se refinancer a tari le paiement des coupons sur les titres, détériorant ainsi davantage leur valeur dans une spirale sans fin. (É) La plupart des SIV et des conduits ont alors été précipitamment fermés. ». La dynamique de crise financière s'est alors enclenchée, lorsque les agents sur les marchés, en besoin de financement, ont dû se tourner vers des produits pour lesquels les actifs adossés présentaient un niveau de risque adossé beaucoup moins important. Ainsi, les agents (et notamment les banques) se voient en difficulté pour trouver des financements liquides dans un contexte très incertain, la confiance entre les agents étant rompue sur les marchés. Afin de mieux appréhender la dynamique de développement de la crise financière, puis du développement d'une crise, nous proposons de nous appuyer sur le schéma suivant, issu du numéro 438 d'économie et statistique18.

Nous constatons en effet que les défauts de crédit ont eu trois principales conséquences directes sur les marchés financiers, à savoir une diminution de la valeur des actifs financiers ayant eu pour conséquence directe, corrélée aux défauts de crédits, une dégradation importante des bilans bancaires et donc une diminution du degré de solvabilité de ces institutions censées porter le financement de la sphère économique. Ce schéma nous permet ainsi de mettre en évidence le degré de dépendance extrêmement élevé entre les acteurs financiers, mais également l'imbrication de la sphère financière dans les schèmes de fonctionnement de la sphère économique et le niveau d'activité intérieure.

17 F. Mishkin, C. Bordes, P-C. Hautcoeur, D. Lacoue-Labarthe, X. Ragot 2010 Pearson Education France - Monnaie, banque et marchés financiers.

18 Op. Cit. 16.

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A l'automne 2008, la crise financière est installée et commence à faire ses premières victimes, avec la chute et la mise sous tutelle gouvernementale le 7 octobre 2008 des institutions Freddie Mac et Fannie Mae, les deux institutions soutenues par l'Etat américain pour l'octroi de crédit aux particuliers. Une semaine plus tard, le 15 octobre 2008, c'est la banque d'investissement Lehman Brothers qui se déclare en faillite, après avoir en vain cherché à établir des partenariats stratégiques avec d'autres acteurs de la place, qui, par défaut de confiance, n'ont pas souhaité poursuivre leur opération de rachat et de soutien de la banque d'investissement.

La transmission de la dynamique de crise, déjà bien installée à l'automne 2008, de la sphère financière vers la sphère économique, s'amorce, et cela par différents biais qui relient directement les deux mécanismes de fonctionnement aux logiques apparemment indépendantes. Un des premiers éléments catalyseurs du développement de cette crise a été la crise de liquidité connue par les institutions financières. En effet, les titres véhiculés, via les conduits ou SVP, l'ont été au cours des années 2000 de manière très importante en volume, mais aussi, vu l'interconnexion croissante des places financières, de manière très étendue « géographiquement ». C'est ainsi une crise financière, qui loin de se cantonner au marché américain, touche de nombreuses institutions financières, notamment en Europe. Pour illustrer la tension qui sévit à la fin de l'année 2008 sur le marché du financement interbancaire, une coupure d'un article de presse du Figaro datant du 10 octobre 2008 illustre parfaitement cette situation :

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« On ne prête plus aujourd'hui son cash qu'à échéance du lendemain. Ce qui implique que chaque jour, les directions financières des banques vont chercher l'argent qui leur permettra de passer la journée. La Banque centrale européenne a d'ailleurs mis hier à disposition des banques 50 milliards d'euros prêtés sur trois jours, de quoi tenir le week-end en fait. »19 La crise de liquidité n'est qu'un seul des éléments qui se conjuguent pour effectuer un mécanisme de transmission vers la sphère économique des problématiques rencontrées sur le plan financier, puisqu'on constate également, de la part des agents économiques, des comportements relatifs à un effet de richesse entraîné par la dévaluation massive de la valeur des titres des portefeuilles de bourse.

En effet, on peut constater à cette période des comportements d'épargne beaucoup plus notables. Comme le montre Valérie Chauvin 20, un comportement relatif à un effet de richesse a pu avoir lieu consécutivement à la crise de 2008. Dans la lignée des travaux effectués par la chercheuse sur la France et l'Italie, elle met en évidence qu'une dévaluation de la valeur des actifs peut constituer un mécanisme déclencheur de la chute du niveau de croissance de l'économie. En effet, elle distingue l'existence de différents mécanismes de transmission, telle que la hausse du prix d'acquisition du financement pour les entrepreneurs entretenue par la baisse du prix des actifs. De plus, selon elle, c'est le mécanisme du crédit qui s'en voit affecté par la diminution de la valeur des collatéraux pris en garantie des actifs financés. Enfin, elle met en évidence l'existence de l'effet de richesse, qui consiste, pour les agents économiques, à épargner plus, afin de compenser la baisse du rendement des placements financiers en contexte de crise.

Pour Robert Boyer, dans « Feu le régime d'accumulation tiré par la finance, la crise des subprimes en perspective historique », la caractéristique principale de cette activité de titrisation est que ces « innovations peuvent se diffuser très rapidement car leur processus de production est immatériel, donc avoir des conséquences majeures sur la stabilité macroéconomique du fait des externalités qui les caractérisent. C'est le processus qui est intervenu pour les produits dérivés du crédit hypothécaire. »21 Robert Boyer, en s'intéressant aux ressorts de la crise financière de 2008, tend à

19 La crise de liquidités atteint un seuil critique et s'étend aux entreprises, Le Figaro économie, Par Bertille Bayart. Mis à jour le 03/10/2008 à 20 :47 Publié le 04/10/2008 à 20:46.

20 Chauvin Valérie, Damette Olivier. Effets de richesse : le cas français. In : Economie et statistique, n°438-440, 2010. pp. 111-140.

21 Robert Boyer, « Feu le régime d'accumulation tiré par la finance », Revue de la régulation [En ligne], 5 | 1er semestre / Spring 2009, mis en ligne le 10 avril 2009, consulté le 26 juillet 2017. URL : http://regulation.revues.org/7367.

démontrer que cette crise, comparable à certaines crises historiques du capitalisme, et notamment celle de 1929, marque cependant une rupture dans sa nature, en ce sens qu'elle se distingue par ses conséquences particulièrement délétères sur le fonctionnement de la sphère économique et par l'interdépendance croissante des économies entre elles. Elle se distingue également, selon lui, par la difficulté intrinsèque d'implantation d'un système de régulation efficace en raison de la complexité croissante des produits financiers issus de la titrisation et ayant été à l'origine du développement d'une sous-évaluation massive de la nature du risque, le prix n'étant plus la garantie d'une réduction de l'asymétrie d'information entre les acteurs sur le marché. Cette sous-évaluation du risque, d'une part, et sa dissémination, d'autre part, a eu pour conséquence directe de conduire à une crise de confiance généralisée entre les opérateurs sur les marchés avec pour effet d'induire un ralentissement extrêmement important du financement de l'économie et donc de la croissance de ces économies mesurée par la croissance du Produit Intérieur Brut (PIB). Comme nous pouvons en effet le constater à l'aide du graphique produit ci-dessous, nous observons, pour les cinq pays industrialisés retenus à l'étude, un point de rupture du niveau de croissance de ces économies qui débute au T2 de l'année 2008, pour atteindre un plus bas historique du niveau de récession économique au T1 de l'année 2019.

 

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22 Jean-Charles Bricongne, Jean-Marc fournier, Vincent Lapègue et Olivier Monso, dans « de la crise financieÌre aÌ la crise économique : l'impact des perturbations financières de 2007 et 2008 sur la croissance des sept pays industrialiseìs » économie et statistique n° 438-440, 2010 : « Lecture : au quatrième trimestre 2008 et au premier trimestre 2009, les principales économies développées ont enregistré un recul simultané et notable de leur activité ; cette chute a été particulièrement marquée au premier trimestre 2009 au Japon (-4,2 %) et en Allemagne (-3,4 %). Champ : Allemagne, États-Unis, France, Japon et Royaume-Uni ».

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A l'aide d'un modèle économétrique d'évaluation des mécanismes de transmission de la crise financière au niveau de la demande intérieure d'une économie, les économistes Jean-Charles Bricongne, Jean-Marc fournier, Vincent Lapègue et Olivier Monso démontrent que la hausse des primes de risques consécutive à la crise est à l'origine d'une augmentation du coût du capital, ce qui a eu pour conséquence une réduction de l'investissement porté par les entreprises, d'une part, et les ménages, d'autre part. Ils démontrent également un lien de causalité entre la variation du prix des actions qui aurait eu pour conséquence une réduction significative du patrimoine financier des ménages et donc du niveau de consommation à disposition de l'économie afin de soutenir la croissance de son activité.

Comme le démontrent Philippe Martin et Thierry Mayer dans « l'effondrement du commerce dans la crise mondiale de 2008-2009 : à qui la faute ? » : en plus d'entraîner une spirale récessive par la contraction du marché interbancaire et le resserrement des conditions de crédit accordées aux entreprises, la spécificité de la crise de 2008 tient à ses conséquences extrêmement importantes sur le volume des échanges du commerce international entre les pays ayant été touchés par les conséquences de la crise financière. Ils mettent en effet en évidence qu'il s'est opéré une rupture encore plus marquée en terme d'évolution entre la chute de la croissance des économies mesurée par le PIB et le volume des échanges du commerce international à partir de l'année 2009. Dans une perspective comparatiste avec les précédentes crises financières, ils mettent en évidence l'impact beaucoup plus important sur le niveau des échanges généré par la crise financière de 2008, en comparaison avec la période de « grande dépression » des années 1930.

Pour ces auteurs, ces conséquences très importantes sur le volume du commerce international, tiennent à ce que la nature des échanges repose dans une plus grande mesure que le commerce intérieur sur une intermédiation poussée via la sphère financière. On constate ainsi, dans le rapport de l'année 2013 fourni par l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC), les conséquences sur la chute du commerce mondial de la crise financière mais aussi le rôle particulièrement important du financement sur le niveau des échanges internationaux.

L'OMC met ainsi en évidence que : « La crise financière de 2008-2009 pourrait avoir des effets à long terme si elle entraîne une contraction durable du secteur financier ou des fluctuations non temporaires des taux de change. Le financement est ce qui permet de fluidifier les rouages du

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commerce. La crise financière a eu une incidence négative sur l'offre de financement du commerce bien que celui-ci soit normalement peu risqué. »23

Au total, nous constatons que la crise financière de 2008 présente des caractéristiques différenciantes des autres crises financières, d'une part par sa nature et les innovations financières qui la caractérisent, et d'autre part par ses conséquences sur le fonctionnement de la sphère économique. Cela par l'interdépendance croissante des sphères économiques et financières et d'autre part par l'interconnexion croissante des marchés financiers et des économies entre elles.

Nous allons maintenant voir dans ce deuxième chapitre que loin de favoriser l'émergence d'un marché autorégulateur et particulièrement efficient, la faiblesse des systèmes de régulation a été à l'origine de la nécessaire intervention des pouvoirs publics afin, d'une part, d'éviter une faillite généralisée des institutions financières et, d'autre part, de permettre à la sphère économique de résister aux conséquences de la crise financière. Ce second chapitre sera donc consacré à l'analyse des réponses conjoncturelles apportées par les pouvoirs publics. Nous verrons, par l'ampleur de celles-ci, qu'elles nécessitent la mise en place de solutions structurelles aux dynamiques de formation des crises financières.

23 Rapport sur le commerce mondial 2013 : Facteurs déterminants l'avenir du commerce mondial.

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CHAPITRE 2

UNE REPONSE CONJONCTURELLE A LA CRISE : LES CARENCES DES
SYSTEMES DE REGULATION
A L'ORIGINE DE L'INTERVENTIONNISME

Ce second chapitre de notre étude aura pour objectif de rendre compte de la nature et de l'ampleur de l'intervention publique nécessaire à la résolution, ou du moins à la diminution, des effets directs et indirects générés par les crises financières. Nous allons pour cela nous intéresser tout particulièrement à la réponse apportée par les pouvoirs publics, à échelle mondiale d'une part, mais également, plus précisément, à échelle européenne, à la crise financière de 2008 et à ses « externalités ». Nous étudierons donc les solutions mises en place par les instances de création monétaire, donc les banques centrales, mais également par les Etats ainsi que les entités politiques supranationales telles que l'Union Européenne. Il s'agira de mettre en évidence que la faiblesse des systèmes de régulation ayant permis l'émergence de produits financiers structurés (tels que les CDO et les CDS) a été à l'origine de la nécessité d'une intervention encore plus importante des pouvoirs publics à moyen terme. Dans une perspective d'efficience globale du système économique, nous nous attacherons donc, à la suite de ce chapitre, à mettre en évidence et à évaluer des solutions de long terme proposées par les pouvoirs publics afin de prévenir l'apparition de ces comportements des acteurs sur le marché.

Dans un premier temps, nous soulignerons l'importance des plans de sauvetage du secteur financier ayant été mis en place par les Etats, afin de palier à la crise de confiance et de liquidité relative au secteur bancaire. Nous nous attacherons dans un deuxième temps à présenter les mesures ciblées ayant eu pour vocation d'atteindre une relance de la croissance économique.

3.1 LES POUVOIRS PUBLICS FACE A LA CRISE DE LIQUIDITE

Comme nous l'évoquions lors du premier chapitre de cette étude, la diffusion de créances titrisées, dont les niveaux de risques adossés étaient très élevés et difficilement évaluables par les acteurs, a été à l'origine d'une crise de confiance entre les acteurs financiers. A défaut de connaitre le niveau de risque porté par l'acteur avec lequel on peut effectuer une transaction, une défiance généralisée s'est installée au point de ne plus permettre la réalisation des transactions vitales au fonctionnement de la sphère financière. Les titres de créances sont présents dans la quasi-totalité des bilans des acteurs financiers (en particulier les banques), mais aucun acteur n'est en capacité de savoir dans

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quelle mesure, et donc quel est le niveau d'exposition au risque propre à chaque acteur financier. Pour mieux comprendre les implications d'un déficit de confiance entre les acteurs bancaires, il nous faut de prime abord préciser quels sont les mécanismes de fonctionnement du financement (ou refinancement) bancaire dans nos économies de marché. Afin d'effectuer une opération de refinancement sur une opération de crédit, une banque de second rang (par opposition à une banque de premier rang, dite centrale) dispose de trois principaux canaux de financement.

Le premier canal dont elle dispose est constitué des revenus issus de l'activité bancaire qu'elle réalise (les intérêts), ainsi que des dépôts constitués en produits d'épargne de ses clients. Ce premier canal fait l'objet d'un contrôle extrêmement rigoureux de la part des autorités de contrôle prudentiel afin d'assurer un niveau très élevé de solvabilité et de liquidité aux clients des organismes bancaires. Le second canal, dont disposent les organismes de financement (sous licence d'activité bancaire) afin de réaliser une opération de re-financement, est d'avoir recours aux fonds mis à disposition par le processus de création monétaire géré par les banques centrales. Cette opération de refinancement, dont le prix est déterminé par le taux dit de refinancement (REFI), est une solution de « dernier ressort » mise en place par les banques centrales en cas de difficultés sur le marché interbancaire. En effet, le troisième et dernier canal de refinancement, dont disposent les acteurs bancaires afin de soutenir leur activité de crédit, est d'avoir recours aux solutions de refinancement proposées par un acteur concurrent qui se trouve être dans une situation excédentaire de liquidité et qui cherche donc à optimiser le rendement de ces liquidités.

Ainsi, les banques assurent entre elles, en période de stabilité économique et financière, les opérations de refinancement dont elles ont besoin pour effectuer leurs activités de financement de l'économie. Cette mécanique de refinancement est basée, pour un prêt d'une journée, sur le prix de l'argent fixé par « l'EONIA » pour Euro Overnight Index Average, ou pour des solutions de refinancement sur plus long terme, sur « l'EURIBORD » pour Euro Interbank Offered Rate. Les mécanismes de refinancement sur le marché interbancaires fonctionnement et permettent de soutenir le niveau de liquidité nécessaire aux activités bancaires des acteurs en cas de stabilité économique et financière et de relative confiance sur les niveaux de solvabilité des acteurs entre eux. Or c'est précisément cette connaissance du niveau de solvabilité des acteurs entre eux, et donc les inquiétudes relatives à la nature du bilan de ces acteurs, qui va être à l'origine d'une impossibilité des acteurs bancaires à effectuer ces opérations de refinancement sur le marché interbancaire durant l'année 2008.

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Comme le montrent Nicolas Couderc et Olivia Montel-Dupont24, les banques font alors face à une crise de liquidité, mais également à une crise de capital. En effet, la dégradation de la confiance sur la valeur des actifs des banques les conduisent à avoir recours à la vente d'actifs considérés comme étant de très bonne qualité afin d'obtenir malgré tout des possibilités de financement et ainsi éviter la faillite. Par ce processus de vente massive des actifs de bonne qualité, les auteurs démontrent que l'ajustement structurel du marché entre l'offre et la demande conduit à une baisse conséquente du prix de revente des ces actifs de bonne qualité qui assurent encore la solidité des organismes bancaires. Ces actifs de bonne qualité, qui permettent aux banques de garantir un certain niveau de solvabilité aux acteurs qui assurent encore leur refinancement, vont voir leur valeur sur le marché se dégrader progressivement et ainsi ne plus constituer une garantie suffisante à leur refinancement nécessaire pour éviter la faillite généralisée des acteurs du système bancaire. Afin d'éviter le déclenchement d'une faillite généralisée des acteurs du système bancaire, faute de possibilité de refinancement, la crise financière entre alors dans une spirale de dévaluation des actifs qui s'auto-entretient et dont la seule issue semble alors être l'intervention des institutions et des pouvoirs publics.

Aux Etats-Unis d'abord, à l'automne 2008, la situation de blocage sur le marché interbancaire et les menaces d'insolvabilité des organismes est telle qu'une intervention politique est devenue indispensable. Elle prend la forme d'un plan, porté par le secrétaire d'Etat au Trésor des Etats-Unis, Henry Paulson. Ce plan a plusieurs objectifs, d'abord celui de permettre de réintroduire un certain niveau de liquidité afin de permettre à nouveau aux organismes financiers de se refinancer entres eux et, en chaîne, d'assurer le financement de l'économie qui est au point mort, suite au gel des échanges sur le marché interbancaire. Le second objectif, qui découle du premier, est d'éviter les faillites et les réactions en chaîne (effet domino financier), qui sont d'ores et déjà à l'oeuvre au moment du vote au Congrès de ce plan. En effet, au mois de septembre 2008, le géant américain des produits d'assurance AIG accuse une baisse importante de sa note de solvabilité émise par les agences de notation, et enregistre sur l'année courante plus de 100 milliards USD de pertes financières. Particulièrement implantée dans la vente de produits titrisés, et notamment dans la vente de CDS, la situation d'AIG atteint un tel niveau de dégradation que l'entreprise est en situation de faillite.

24 Couderc N., Montel-Dumont O. (2009), Des subprimes aÌ la reìcession : comprendre la crise, Paris, La Documentation francaise/France info.

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En ce qui concerne Lehman Brothers, elle aussi très impliquée dans la vente de produits financiers issus des créances hypothécaires, après une chute de plus de 78% de sa valeur en bourse dans l'année 2008, elle fait faillite dans la nuit du 14 au 15 septembre 2008. A la fin du mois de septembre, loin de se stabiliser, la situation s'empire encore avec la fermeture de la Washington Mutual (WaMu), plus grosse banque de dépôt en produits d'épargne des Etats- Unis alors. En effet, la banque, suite à la faillite de la banque d'investissement Lehman Brothers, a dû faire face à une ruée de retraits de ses déposants, craignant d'être victimes d'une lourde perte financière consécutive à une faillite prochaine de l'organisme financier. La faillite de la WaMu est encore aujourd'hui considérée comme la plus importante faillite d'un organisme bancaire aux Etats-Unis. 25

Dans ce contexte particulièrement problématique pour la sphère financière et les institutions la composant, ainsi que pour la sphère économique, le Plan Paulson dit TARP (« Treasury Asset Relief Program »), par le biais d'une loi dite EESA (« Emergency Economic Stabilization Act »), a pour principal objet d'assainir le bilan des organismes financiers largement engagés dans les crédits subprimes afin de renouer avec un certain niveau de confiance entre les acteurs du système financiers et ainsi relancer le marché interbancaire. Afin de mener à bien cette opération d'assainissement des actifs, la décision est prise de procéder à une opération de rachats massive de titres issus des crédits hypothécaires (portant précisément sur le rachat de Mortgage Backed Securities - MBS) à hauteur de 700 milliards USD.

Pour certaines institutions, dont ne fait pas partie Lehman Brothers, déjà en faillite, des opérations de refinancement par injection de liquidités au capital sont envisagées dans le Plan TARP. Ce plan massif de sauvetage des organismes financiers a ainsi permis le sauvetage de plus de 700 organismes financiers26. De nombreux économistes, dans une lettre adressée au Congrès27, ont cependant remis en cause la pertinence de ce plan, au regard de la faible transparence qui entourait la nature des actifs dont l'Etat, et donc le contribuable américain, se faisait porteur, et ont également remis en

25 Le monde.fr avec AFP et Reuters, La banque Washington Mutual en faillite : La sixième banque des Etats-Unis a été fermée jeudi soir par les autorités. JPMorgan Chase a racheté ses activités pour 1,9 milliard de dollars.

26 F. Mishkin, C. Bordes, P-C. Hautcoeur, D. Lacoue-Labarthe, X. Ragot 2010 Pearson Education France - Monnaie, banque et marchés financiers.

27 Lettre au congrès signée par 200 économistes universitaires américains envoyée le 24 septembre 2008.

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question cette vision de l'économie de marché sous l'expression consacrée de « privatisation des bénéfices et de nationalisation des pertes ».

Ils reprochent ainsi l'inconséquence des acteurs financiers dans leur prise de risque :

« Investors who took risks to earn profits must also bear the losses. Not every business failure carries «systemic

risk. »

Malgré les critiques essuyées par le TARP pour son imperfection et la validation implicite de certaines pratiques de marchés qu'il induisait, l'effectivité de ce plan apparaît rétrospectivement comme une mesure ayant permis de réintroduire un certain niveau de liquidité des échanges sur le marché interbancaire aux Etats-Unis. En revanche, comme nous l'avons abordé plus tôt, une des caractéristiques majeures de la crise financière de 2008 tient au niveau de dispersion très important dans la sphère financière mondiale, et en particulier européenne, de titres financiers adossés à des créances hypothécaires douteuses. Loin de permettre un retour à la stabilité financière à échelle mondiale, ce sont également les marchés européens et les institutions financières européennes particulièrement implantées sur le marché des produits issus de créances titrisées qui sont alors en difficulté.

Si nous ne traiterons pas directement dans cette étude des conséquences directes et indirectes de la crise des subprimes sur l'endettement des Etats et la crise de la zone euro survenue à partir de l'année 2010, nous allons en effet voir que l'instabilité financière, générée par l'éclatement de la bulle immobilière aux Etats-Unis, a eu des conséquences lourdes sur la stabilité des organismes financiers européens. Comme le montrent Mathieu Plane et Georges Pujals dans « les banques dans la crise » 28, à l'appui du graphique ci-dessous, les banques de la zone euro font elles aussi l'objet d'une chute vertigineuse de leurs sources de revenus mesurées par le résultat net de ces organismes financiers. On peut ainsi constater sur le graphique ci-dessous que la chute des résultats nets des organismes financiers s'est propagée des Etats-Unis vers les pays européens comme une « onde de choc » entraînée par la dynamique américaine de chute des résultats bancaires. Nous observons en 2007, que le décrochage des banques de la zone euro intervient un an plus tard, dans une phase de décrochage semblable à celle connue aux Etats-Unis, passant de résultats nets agrégés supérieurs à 100 Milliards USD fin 2007 à un résultat net déficitaire en début d'année 2008.

28 Mathieu Plane, Georges Pujals, Les Banques dans la crise, Dossier II, Revue de l'OFCE, Juillet 2009.

34

Graphique issu des données Thomson Financial et des calculs réalisés par l'OFCE, l'évolution du résultat net des organismes bancaires entre 2000 et 2008 :

29

Les dispositifs européens mis en place pour faire face à la propagation de l'onde de choc issue de la crise des subprimes varient par la nature des dispositions prises par les pouvoirs publics et par leur ampleur. En ce qui concerne le cas français, deux structures sont ainsi mises en place afin d'assurer la recapitalisation des organismes bancaires, la Société de financement de l'économie française (SFEF), ainsi que la Société des Participations Publiques de l'Etat (SPPE). Concernant la Société des Participations Publiques de l'Etat (SPPE), comme le montrent Mathieu Plane et Georges Pujals, elle a pour objectif d'opérer un plan massif de soutien par apport de capital aux banques en difficulté, suite à la crise des subprimes. Si ces aides ont pour vocation d'éviter la faillite du système bancaire européen, elles sont cependant limitées dans le temps et dans les montants alloués.

29 Données Thomson Financial, en milliards USD, sur les calculs réalisés par l'OFCE (observatoire français des conjonctures économiques).

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Ainsi, en ce qui concerne la zone euro réduite (Allemagne, France, Italie, Espagne, Pays-Bas), le plafonnement des aides est fixé à 1000 Mds€, comprenant des plafonds respectifs de 400 Mds€ pour l'Allemagne, 320 Mds€ pour la France, une absence de plafonnement pour l'Italie, 100 Mds€ pour l'Espagne, et enfin 200 Mds€ pour les Pays-Bas.30 La zone euro doit en effet faire face à cette période à une défiance généralisée des acteurs sur le système interbancaire, notamment du fait que certains organismes bancaires, et notamment Dexia, dont le cas est particulièrement révélateur de l'internationalisation du processus d'émissions et d'achats de produits titrisés, sont particulièrement touchés en Europe. En effet, Dexia, mastodonte bancaire franco-belge, spécialiste historique de la production de crédits destinés aux collectivités territoriales, a dû faire l'objet d'une recapitalisation massive de la part des pouvoirs publics, conduisant malgré tout à sa mise en liquidation, sous la pression de la crise des dettes souveraines, en dépit de l'action répétée des pouvoirs publics.

La première opération de sauvetage de la banque franco-belge est organisée par les pouvoirs publics (l'Etat belge ainsi que l'Etat français), alors en pleine crise des subprimes. La banque a en effet été l'un des premiers clients européens de produits titrisés issus du marché du crédit hypothécaire américain, se voyant d'emblée mise en position extrêmement délicate lors de l'éclatement de la crise financière aux Etats-Unis. L'analogie avec la situation de Lehman Brothers est claire, au détail près que le géant bancaire européen représente, par le poids de son bilan, 1,5 fois celui de la banque d'investissement Lehman. 31

La diffusion de l'onde de choc financière venue des Etats-Unis fait également craindre des faillites d'autres organismes financiers, en Belgique avec la situation de BNP Paribas Fortis (ex Fortis), ainsi que la banque allemande IKB. En effet, la banque Fortis est largement exposée aux emprunts toxiques : « un paquet de CDO d'un montant de 5,75 Milliards USD, dont 1,254 milliard d'euros est de type Mezzanine CDO, la tranche la plus vulnérable car la première à pâtir des non-remboursements ».32 En Allemagne, la banque IKB Deutsche Industriebank AG a fait l'objet d'un plan massif d'aides publiques, rachat et d'une recapitalisation par la banque publique KfW

30 Mathieu Plane, Georges Pujals, Les Banques dans la crise, Dossier II, Revue de l'OFCE, Juillet 2009.

31 Dexia : faillite collective, le groupe franco-belge est en cours de démantèlement. Toute la vérité n'a pas encore été livrée sur ce fiasco, qui promet d'être le plus coûteux de l'histoire des banques en Europe. Le Monde | 08.05.2012 à 15h29
· Mis à jour le 05.10.2012 à 16h00 | Par Anne Michel.

32 Le soir, « Fortis a caché son exposition au phénomène des subprimes en 2007 » 29/10/08.

36

(Kreditanstalt für Wiederaufbau). La Commission européenne a ainsi permis la mise en place d'une aide d'un montant de 7 Mds€. 33

Nous constatons au total qu'au lendemain de la crise provenant de l'éclatement de la bulle immobilière aux Etats-Unis, de nombreuses institutions européennes sont largement touchées du fait de leur niveau d'exposition élevé à des produits risqués, et, par voie de conséquence, que l'ensemble du système bancaire est menacé par une crise de solvabilité de ses organismes financiers et d'une paralysie du système interbancaire, de manière analogue à la situation connue aux Etats-Unis plusieurs mois auparavant. La logique de la crise s'est internationalisée, avec de lourdes conséquences sur le financement de la sphère économique et donc sur le niveau d'activité économique qui en dépend. L'absence de processus de contrôles et de normes d'évaluations pertinentes des actifs financiers a ainsi permis la mise en place de plans d'investissements massifs dans des opérations dont la rentabilité était manifestement surévaluée et le niveau de risque mal voire pas évalué.

3.2 LES POUVOIRS PUBLICS FACE A LA RECESSION ECONOMIQUE

Les conséquences de la propagation de l'onde de choc financière venue des Etats-Unis, avec pour principale conséquence directe d'avoir mis en péril la stabilité du système bancaire européen, est à l'origine d'une contraction notable de l'activité de crédit aux Etats-Unis et en Europe. L'activité de crédit constitue un des rouages fondamentaux du fonctionnement des entreprises et de leurs opérations d'investissement. La rupture de confiance opérée sur le marché interbancaire entraîne un déclin important de l'activité économique qui va nécessiter, nous allons le voir, une intervention massive des pouvoirs publics afin de pérenniser l'activité économique. La sphère économique va en effet être prise en tenaille sous le double effet d'une part de la contraction de l'activité de crédit, et d'autre part par la dépréciation du capital des entreprises qui ne leur permet plus d'avoir recours à un niveau suffisant de financement sur les marchés financiers.

Les solutions mises en oeuvre par les pouvoirs publics afin de parvenir à une stabilisation du système bancaire, si elles ont permis d'éviter l'effondrement du système bancaire et financier, ne suffisent cependant pas à enrayer la dynamique de réduction de l'activité économique amorcée.

33 La Commission européenne a donné lundi son feu vert à une nouvelle aide publique du gouvernement allemand à la banque IKB, l'une des premières victimes de la crise des subprime. Cette aide, d'un montant maximum de 7 milliards d'euros, s'ajoute aux cinq milliards déjà injectés par Berlin. - Publié le 17 Août 2009 par EasyBourse.

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Aux plans de sauvetage des banques vont donc se succéder des plans de relance de type post-keynésiens.

« Ce jour marque le début de la fin [...], les premiers pas nécessaires pour replacer notre économie sur des
fondations plus solides et pour ouvrir la voie à la croissance et à la prospérité à long terme ».

Barack Obama, Président des Etats-Unis, le 27 Février 2009

Le premier plan de relance de l'économie mis en place par les pouvoirs publics se fait sans surprise aux Etats-Unis, étant donné la chronologie de développement de la crise financière. Ce plan, censé « mettre les américains au travail »34 a pour objectif de mettre en place, par des dépenses d'Etat, un mécanisme contracyclique de rupture avec la récession économique à l'oeuvre à l'issue de la crise financière. Ce plan, d'un montant total de 789 Mds$, repose sur une répartition intersectorielle de l'effort de relance.

Il prévoit ainsi notamment une baisse de la fiscalité portant sur les entreprises (environ 70 Md$), la mise en place de crédits d'impôt, la modernisation et la réalisation de nouvelles infrastructures d'Etat (écoles, routes, ponts) d'un montant de 150 Mds$, ainsi que la mise en place d'une banque spécialisée dans le développement des infrastructures publiques, pour environ 10 Mds$ 35, ainsi que l'énergie, la recherche, le système de santé. Le plan de relance américain décidé par Barack Obama est un dispositif extrêmement lourd par le montant des dépenses publiques engagées pour susciter un stimulus économique de relance de la demande. Il est également conséquent par la diversité des secteurs visés par ce dispositif. La méthode employée est ainsi comparable à celle décidée par le Président Roosevelt en 1933, politique dite du « New Deal », afin de faire face aux conséquences de la crise financière et ses conséquences ayant eu lieu en 1929.

En dépit de sa très faible exposition aux produits financiers issus des crédits hypothécaires américains, le Japon a cependant fait l'objet, suite à la crise financière de 2008, d'une forte récession économique. En effet, comme nous l'expliquions plus tôt dans cette étude, un des facteurs de

34 Obama signe un plan de relance de 787 milliards de dollars : Selon le président américain, ce plan marque le "début de la fin" de la crise économique et pose les conditions d'une prospérité durable. Journal Le monde, avec AFP et Reuters, 17.02.2009.

35 Key Provisions : American Recovery and Reinvestment Act, Pew Center on Global Climate Change, March 2009.

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transmission globale de la crise économique demeure celui du commerce international qui est très lourdement affecté par la chute de la demande de la part des principaux partenaires commerciaux du Japon, à savoir l'Union Européenne et les Etats-Unis. Comme le montre Gabriel Grésillon, la très forte exposition et donc dépendance des pays asiatiques vis-à-vis des exportations de produits manufacturiers en a fait des économies particulièrement vulnérables aux chocs exogènes subis par l'économie mondiale. Les entreprises japonaises sont ainsi victimes d'un taux très élevé de défaillances d'entreprises qui sont lourdes de conséquences pour l'emploi et pour la demande intérieure de l'économie japonaise. Selon un rapport Business France36, en juin 2009, l'économie japonaise est celle qui connaît le niveau de récession le plus élevé des économies de l'OCDE (organisation de coopération et de développement économiques). On observe en effet sur les données issues des comptes nationaux des pays de l'OCDE que la récession japonaise atteint au premier trimestre 2009 un taux de récession économique de -4%, contre -3,8% en Allemagne, - 1,9% au Royaume-Uni, -1,6% aux Etats-Unis, -1,2% en France. La seule économie (hors OCDE) plus violemment frappée par la récession économique est la Corée du Sud, qui connaît une récession économique à -5,1% de taux d'évolution du PIB trimestriel au T1 2009.

Les pouvoirs publics japonais, afin d'enrayer la dégradation de la situation économique, vont décider, au courant de l'année 2008, d'avoir recours d'une part à des mesures de relance budgétaires, et d'autre part à des mesures financières de soutien au financement de l'économie. En ce qui concerne les mesures budgétaires à proprement parler, le stimulus économique est organisé selon une aide en quatre tranches. La première tranche, d'octobre 2008, est de seulement 15 Milliards d'euros. Les trois suivantes seront d'un montant de 35 Milliards USD, puis 45 Milliards USD, puis 115 Milliards, pour atteindre à la fin de l'année 2009 plus de 210 Milliards USD. Ces aides des pouvoirs publics vont principalement être orientées vers l'investissement, les aides aux ménages, ainsi que la protection sociale. Cependant, l'économie japonaise, en plus de faire face à des difficultés dues à une baisse de la demande internationale pour ses produits manufacturiers, fait également face à une hausse de la valeur de sa monnaie nationale, le Yen, qui s'apprécie par rapport à l'Euro de plus de 35%, en moins d'un an, au début de l'année 2009. Ainsi, sur le plan financier, plusieurs mesures à visées contracycliques sont prises par les pouvoirs publics Japonais. La BoJ, Banque Centrale Japonaise, procède à une baisse drastique de ses taux d'intérêts directeurs, pour atteindre 0,1% sur le principal taux directeur de la BoJ à la fin de l'année 2008. A ces mesures de

36 Business France, Opportunités de la relance japonaise, Service économique régional de Tokyo Ambassade de France LM Morris, chef des services économiques de l'Ambassade de France au Japon.

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Quantitative Easing (QE) vont également être adjointes des mesures ponctuelles d'augmentation de capital sur des organismes financiers (principalement des banques), ainsi que des prises de participation actionnariales de l'Etat dans des moyennes et grandes entreprises japonaises.

En Amérique du Nord, c'est le voisin direct des Etats-Unis, le Canada, qui voit son activité économique largement affectée par la récession mondiale qui touche alors indistinctement tous les pays de l'OCDE, sans aucune exception notable. Les pouvoirs publics Canadiens vont eux aussi alors avoir recours à des mesures de relance budgétaire avec pour principal objectif de préserver l'économie Canadienne d'une augmentation conséquente du taux de chômage. C'est dans ce contexte qu'est élaboré le « plan d'action économique du Canada » 37. Le Canada, lourdement affecté lui aussi, met en place un plan de relance qui se veut par son ampleur moins ambitieux que celui décidé par les pouvoirs publics Japonais, mais néanmoins conséquent. La Banque Centrale du Canada procède, à l'instar de la BoJ, à une diminution conséquente des taux directeurs. Cependant les mesures budgétaires de soutien à l'emploi atteindront des montants relativement moins importants.38 Les mesures de relance budgétaire, principalement affectées aux infrastructures, atteignent 33 Milliards USD. Elles consistent également en la mise en place de mesures d'allégement fiscal pour les entreprises de taille intermédiaire afin de favoriser le maintien du niveau d'emploi.

Au niveau européen, le dispositif instauré par les pouvoirs publics est à la mesure de l'ampleur du choc subi par toutes les économies de l'Union Européenne, à des degrés divers. C'est ainsi la Commission Européenne, dans un plan lancé en novembre 2008, qui va prendre la mesure de l'intensité de la crise et décider de la mise en place d'un plan coordonné et dont la contribution sera communautaire, pour faire face aux conséquences de la crise économique et financière39.

Le plan de relance organisé par la commission revêt ainsi plusieurs objectifs synthétisés dans ce document mis à disposition par la Commission :

37 Le rendement du Canada 2008-2009 : La Contribution du Gouvernement du Canada - Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada / Treasury Board of Canada Secretariat.

38 Les échos, Le Canada annonce un plan de relance de 40 milliards de dollars canadiens, le 28/01/2009.

39 Eur-Lex, Un plan européen pour la relance économique, EUR-Lex - ec0004 - EN, Dernière modification le : 13.02.2009.

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- « Stimuler la demande »

- « Soutien des personnes vulnérables au ralentissement économique »

- « Préparer l'Europe à être plus compétitive en vue de la croissance future »

- « Tirer parti de cette période de bouleversements afin d'accélérer l'instauration d'une

économie plus propre et soucieuse de l'environnement. »

Le plan de relance proposé par la Commission Européenne, atteint au total un montant d'environ 200 milliards d'euros de soutien par les pouvoirs publics 40. Il représente ainsi une part relative de 1,5% du PIB annuel des états-membres de l'Union Européenne. Une aide spécifique est de plus adoptée afin de réduire l'impact de la crise économique sur des secteurs particulièrement touchés. Le secteur de l'industrie, automobile notamment, bénéficie ainsi d'un assouplissement des conditions d'octroi du « fonds d'ajustement à la mondialisation ».

Dans la lignée du plan de relance britannique, ayant pour l'essentiel consisté en une recapitalisation de son industrie bancaire, l'Union Européenne se dote elle-aussi d'un levier budgétaire contra-cyclique. A l'échelle des états-membres, des plans spécifiques et indépendants de relance vont également être mis en place.

En France, notamment, selon les données fournies par la mission « plan de relance de l'économie Française » 41, le plan d'action a, comme au Canada, pour objectif principal de limiter l'impact en termes de diminution de l'activité et de réduction du niveau d'emploi. Les exigences imposées par l'Union Européenne sur les règles imposées par les Traités constitutifs étant levées temporairement, afin de faire face à la crise, la France peut ainsi mettre en place un plan de soutien à l'économie qui engage son niveau d'endettement par rapport au PIB d'environ 4%, dont environ 1,3% directement alloués à la relance du niveau d'activité. Ainsi, selon le rapport, l'Etat s'engage fortement en faveur du soutien aux entreprises avec 11 milliards alloués à l'allègement des charges qui pèsent sur leur trésorerie, 10 milliards d'euros consacrés à des investissements publics, 2 milliards d'euros alloués à des secteurs mis en difficulté par la crise, et enfin 2 milliards dédiés aux

40 Le Monde, Un plan de relance européen de 200 milliards d'euros Le plan de relance de la Commission européenne représentera 1,5 % du produit intérieur brut européen. Les fonds seront déployés en 2009. Publié le 26.11.2008.

41 Mission plan de relance de l'économie, Conseil des Ministres - Plan de Relance : Synthèse.

41

contribuables dont les revenus sont dans la tranche la plus faible d'imposition. Ces projets de relance sont ainsi mis en place par le biais du vote de la loi de finance rectificative votée en 2008, ainsi que par la mise en place de décrets spécifiques. On peut ainsi lire dans la stratégie inhérente au programme de relance mise en avant par le gouvernement que l'objectif est le suivant : « Face au ralentissement économique, l'Etat a décidé d'accélérer en 2009 la réalisation des grands programmes d'équipement et la rénovation de son patrimoine. Cet effort exceptionnel d'investissement de près de 4 Md€ permettra d'augmenter l'effort d'investissement de l'Etat de 16% en 2009. (É) Les projets retenus l'ont été pour leur impact de court terme sur l'activité économique et l'emploi et pour leur contribution à long terme au redressement de notre potentiel de croissance économique. »

Au total, en 2010, c'est plus de 40 milliards d'euros, dédiés à la relance de l'économie, qui ont été mis à la disposition par les pouvoirs publics pour faire face à la crise42. Cela permet ainsi à la France d'atteindre un niveau de récession économique comparativement plus faible que celui connu par ses voisins sur la même période, notamment en raison de la rapidité de mise en oeuvre et de l'ampleur de ce plan de relance de l'économie au regard de l'impact sur l'activité de la crise économique et financière.

En vue d'évaluer la pertinence de ces plans de relance de l'économie, mis en place consécutivement à la crise de 2008, différentes études d'évaluation de l'impact sur l'économie et les finances publiques ont été diligentées par différents organismes, et notamment par la Banque de France.43 Elles mettent en évidence, pour la plupart, une nécessité pour les pouvoirs publics d'intervenir en complément des stabilisateurs automatiques afin d'enrayer la baisse du niveau d'activité économique, en dépit des conséquences importantes entraînées par « l'effet de ciseau » généré d'une part par la contraction de l'activité économique et d'autre part par l'augmentation des dépenses de l'Etat et des collectivités. Le rapport de la Banque de France insiste sur le rôle prépondérant joué par les stabilisateurs automatiques (niveau relativement plus important de dépenses publiques entraînant une moindre élasticité à l'évolution de la conjoncture). Au total, le rapport met en évidence, à l'appui des données fournies par la Cour des Comptes44, que l'impact des plans de

42 Net-iris, Le Droit à l'information juridique, Dossier d'actualité, Le Plan de relance de l'économie française 2009-2010, le 26/11/2013.

43 Banque de France, les effets conjoncturels de la crise de 2007-2008 sur l'endettement public, L'effet des politiques de relance pendant la crise.

44 Rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques françaises (juin 2011).

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relance de l'économie française sur les finances publiques aura été respectivement de 1% du PIB pour la première année (2009) puis de 0,3% et enfin 0,1% du PIB après deux ans (2011).

Nous constatons au total que les conséquences financières de la crise endémique survenue sur le marché des crédits hypothécaires a entraîné une dégradation généralisée, d'une part de la sphère financière, et d'autre part, de la sphère économique, dans une onde de choc caractérisée par une propagation rapide à tous les acteurs de l'économie. Cette dégradation notable de la situation économique, caractérisée par une diminution du niveau d'activité constatée sur la quasi-totalité des secteurs de l'économie, a nécessité une intervention publique forte et extrêmement coûteuse en dépenses publiques.

A la fin de l'année 2008, les pouvoirs publics semblaient être le seul recours à cette situation de rupture de confiance, d'insolvabilité, et de crise de liquidité touchant en cascade les organismes financiers et l'activité économique. Au total, en dépit des effets ricardiens de thésaurisation des agents économiques prévoyant une augmentation future des niveaux de prélèvement obligatoires pour compenser les plans de relance, ces plans semblent rétrospectivement avoir été le seul élément susceptible de réduire les impacts de la crise financière sur l'activité économique.

On peut donc conclure, à l'aune de ces différentes analyses, que l'absence de régulation globale des systèmes financiers a été à l'origine de la nécessité d'implémenter des politiques conjoncturelles de régulation du système économique par la mise en place de politiques publiques contracycliques destinées à permettre l'atteinte d'un nouvel équilibre de l'activité économique. Paradoxe historiquement constant de l'histoire de la régulation économique, on constate en effet que le recul des pouvoirs publics dans la sphère financière a été à l'origine de la nécessité d'une intervention, a posteriori, d'autant plus forte que l'absence de réglementation était prononcée. Ces interventions publiques étant largement coûteuses et sous-optimales pour le fonctionnement stable des économies, les pouvoirs publics, au lendemain de la crise financière de 2008, vont amorcer plusieurs chantiers visant à encadrer de manière plus importante les pratiques ayant été identifiées comme particulièrement problématiques et génératrices de comportements de sous-évaluation de la nature du risque.

Lors de ce troisième et dernier chapitre, il s'agira de mettre en évidence et d'évaluer la pertinence de la réponse structurelle apportée par les pouvoirs publics afin de mettre en place un corpus de régulation efficace dans la lutte contre le processus de formation des crises. A l'aune de cette

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analyse, il s'agira donc de distinguer les différents dispositifs mis en place et leurs implications, ainsi que d'évaluer, au regard des processus ayant été à l'origine de la formation de la crise de 2008, le potentiel de stabilisation de la sphère économique et financière conséquente à la mise en place de ces différents dispositifs. Nous étudierons ainsi la réponse formulée de manière globale (édiction de normes par les pouvoirs publics, mais également accords spécifiques aux organismes financiers) aux fondements des crises économiques et de manière plus spécifique, à l'aide des analyses formulées dans les deux premiers chapitres, à la crise économique et financière de 2008.

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CHAPITRE 3

UNE REPONSE STRUCTURELLE AUX MECANISMES INHERENTS A LA FORMATION DES CRISES : TRANSPARENCE ET SOLVABILITE AU COEUR DES NOUVEAUX SYSTEMES DE BALE III ET MIFID II

« La crise actuelle valide un certain nombre de points clés de l'analyse régulationniste. En même temps, elle en souligne l'inachèvement, et, en particulier, le manque criant d'une théorie microéconomique hétérodoxe, fondée sur une approche des déterminants collectifs de la subjectivité individuelle. Une telle théorie rendrait possible une analyse globale des institutions et de leurs effets sur l'ensemble du spectre des niveaux d'observations (du micro au macro en passant par le meso) et sur l'ensemble des temporalités. »45

Nous faisons le choix d'aborder ce troisième chapitre par une citation de l'économiste Jacques Sapir, dans un article intitulé « Une décade prodigieuse. La crise financière entre temps court et temps long » dans lequel l'auteur met en évidence le rôle prépondérant joué par l'absence de système de régulation efficace des comportements sur le marché, dans l'apparition de comportements ayant favorisé et incité à la mise en place de schémas financiers complexes, opaques et instables. L'auteur nuance cependant son propos, dans le même article, en affirmant qu'aucune régulation efficace du système financier n'aurait pu être mise en place, ajoutant que la cause de la crise financière est à chercher dans des déterminants structurels inhérents au fonctionnement des économies capitalistes.

Lors de ce chapitre, sans désavouer l'analyse qui peut être faite par certains économistes percevant la régulation comme une solution sous-optimale, contre-productive, voire inefficace ou inapplicable, nous nous attacherons à montrer que les pouvoirs publics disposent précisément de moyens d'action afin de mettre en place des politiques de régulation efficientes des systèmes économiques et financiers. Nous montrerons également les paradoxes auxquels doivent faire face les politiques de régulation, et notamment la difficulté de concilier une régulation efficace d'une part, et la compétitivité d'un système économique, d'autre part. En ce sens, nous inscrirons l'analyse

45 Jacques Sapir, « Une décade prodigieuse. La crise financière entre temps court et temps long », Revue de la régulation, 2e semestre/Autumn 2008, mis en ligne le 30 septembre 2008, consulté le 01 juillet 2017. URL : http://regulation.revues.org/4032.

45

de nos résultats au prisme essentiel de la poursuite de l'intérêt général dans une perspective analytique inter-temporelle de long terme d'efficacité des politiques publiques.

Afin de mieux appréhender les contours de l'élaboration d'un corpus de régulation du système financier, nous nous attacherons à analyser, d'une part, les démarches entreprises au niveau européen et, d'autre part, les démarches entreprises au niveau mondial. Il s'agira en effet lors de ce chapitre de mettre en évidence les tentatives de réglementation adaptées à l'impératif de stabilité mises en place par les acteurs du système financier à échelle mondiale, et notamment par le biais des recommandations formulées :

- Par une organisation ad hoc créée à la suite de la crise, le Financial Stability Board (FSB),

- Par une institution plus ancienne, la Banque des Règlements Internationaux (BRI), conglomérat réunissant l'ensemble des banques centrales du système économique mondial.

Il s'agira également d'évaluer les tentatives de régulation du système financier par la voie réglementaire, implémentées au sein de l'Union Européenne par le biais d'une directive faisant suite à un premier dispositif de réglementation, la directive MiFID 1. Ce nouveau dispositif, que nous analyserons ici, entrera en application en janvier 2018 dans tous les Etats Membres de l'Union Européenne. Mis en place afin de palier aux carences inhérentes au premier système de régulation MiFID 1, nous nous proposerons d'analyser les nouvelles dispositions prévues par le dispositif réglementaire mis en place par la directive MiFID 2 ainsi que par le règlement MiFIR.

Ce chapitre tentera également de porter une grande attention aux liens que peuvent entretenir le niveau d'activité économique d'une zone déterminée sur laquelle une réglementation particulière est applicable et la performance économique et financière de cette même zone. En d'autres termes, il s'agira de déterminer l'impact potentiel de la mise en place d'une réglementation plus contraignante sur le niveau d'activité des marchés financiers, la compétitivité des places financières, et donc les conséquences sur le niveau d'activité global. Nous tenterons également de mettre en évidence les difficultés rencontrées par les pouvoirs publics en vue d'imposer à des acteurs privés et notamment à des organismes financiers des réglementations parfois complexes et opaques. Elles peuvent être, selon certains acteurs, paradaxolament génératrices de complexification importante et de défiance des acteurs vis-à-vis de ces règles. En ce sens, le cas des IFRS (International Financial Reporting Standards), dont l'absence d'efficacité a été largement soulignée par les acteurs

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financiers, constitue un parangon de tentative régulatrice génératrice de pratiques financières opaques et inefficientes dans la lutte contre le risque systémique.46 Des interrogations relatives au coût d'implantation et de révision des processus productifs des systèmes financiers sont également au centre des interrogations des acteurs des marchés financiers. Sur ce point les normes IFRS ont elles-mêmes été désignées comme génératrices de surcoûts très importants pour les entreprises ayant pour obligation d'appliquer un cadre comptable plus contraignant, tel que celui proposé par ces standards internationaux.

Il s'agit donc, pour les pouvoirs publics, de faire preuve de justesse dans la mise en place de nouvelles structures de régulation des marchés financiers, mais également de prendre en compte la multitude d'exigences relatives aux nombreuses parties prenantes du système financier. La mise en place d'un système économique et financier régulé de façon optimale, suppose pour les pouvoirs publics la prise en compte, d'une part, des enjeux inhérents à la correction des mécanismes générateurs de crises, et, d'autre part, la mise en place de règles qui supposent l'efficience des acteurs sur le marché. A la lumière de ces deux enjeux majeurs, nous tenterons de mettre en évidence lors de ce chapitre la pertinence et l'efficience des systèmes de régulation financière à échelle européenne en ce qui concerne la directive MiFID 2, et à échelle mondiale avec les troisièmes accords de Bâle sur la solvabilité des organismes financiers et la lutte contre le risque systémique.

4.1. L'UNION EUROPEENNE PIONNIERE DE LA REGULATION DU MARCHE DES INSTRUMENTS FINANCIERS

Afin de mieux comprendre la mise en place de la nouvelle directive MIFID 2, consécutive à la crise des subprimes, nous proposons d'établir un bref rappel historique de la construction de la réglementation du marché des instruments financiers au sein de l'Union Européenne. En effet, si la crise a pu constituer un accélérateur de la réglementation à ce sujet, les années précédant l'adoption de ce texte n'ont pas été, au sein de l'UE, des années où les acteurs sur le marché exerçaient pour autant en l'absence de cadre réglementaire sur les pratiques de marché. En ce sens, comme nous allons le voir, la nouvelle directive constitue à la fois un approfondissement des

46 Lionel Escaffre, Reda Sefsaf. L'impact comptable de la crise financière sur la volatilité des titres bancaires : Cas de la France, l'Italie et l'Allemagne. Crises et nouvelles problématiques de la Valeur, May 2010, Nice, France.

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mesures déjà prises dans la directive MIFID 1, mais également un élargissement du périmètre de cette dernière.

Comme le met en évidence le texte original de la directive MIFID 2 présenté au Journal Officiel47, le corpus juridique, antérieur à la situation de crise financière connue en 2008, était constitué d'un corpus de deux directives constituant MIFID 1, à savoir la directive 93/22/CEE, ainsi que la directive 2004/39/CE. Ces deux directives s'inscrivaient ainsi dans un plan plus large, le plan d'action pour les services financiers (PASF), destiné à créer un marché unifié, commun à tous les Etats Membres, sur les marchés des instruments financiers. L'objectif de ces mesures du PASF est constitué à la fois d'une volonté de sécurisation des échanges entre les acteurs de marché présents dans différents Etats membres pour réaliser une transaction, et d'autre part de fluidifier ces échanges et de les stimuler. Déjà à l'époque, on constate que le dilemme était de mettre en place une réglementation à la fois capable de régulation, de sécurisation, de stabilisation du système financier, sans pour autant engendrer de distorsions trop importantes sur les marchés.48

Le processus d'harmonisation de la régulation du marché des instruments financiers est donc un chantier amorcé à la fin des années 1990, et qui n'a eu de cesse d'élargir les champs auxquels il s'intéresse, avec entre autres, au sein du PASF à fin 2017, la « directive sur le crédit hypothécaire », la « directive sur la distribution des produits d'assurance », et la « directive sur les comptes de paiement »49. Le processus de transposition des normes s'inscrivant sur le temps long au sein de l'Union Européenne, la mise en application des principes de MIFID 1 contenus dans la directive 2014/65/UE s'est faite progressivement au sein des Etats Membres, pour une entrée en application directe au cours de l'année 2007 par tous les Etats Membres de l'Union Européenne. A l'application directe des décrets au sein des Etats Membres, elle prend ainsi effet de plein droit sur les acteurs des marchés financiers et remplace de plein droit les dispositions prévues par la directive précédente 93/22/EEC (ISD). Or ce processus, particulièrement long et fastidieux, s'il avait pour vocation de mettre en place un cadre de régulation efficace des pratiques de marché, s'est très vite

47 Directive 2014/65/UE du parlement européen et du conseil du 15 mai 2014 concernant les marchés d'instruments financiers et modifiant la directive 2002/92/CE et la directive 2011/61/ UE.

48 Euractiv, Le Plan d'action sur les services financiers, 5 mai 2007.

49 Commission Européenne - fiche d'information - plan d'action relatif aux services financiers pour les consommateurs : de meilleurs produits, un plus grand choix, davantage d'opportunités Bruxelles, le 23 mars 2017.

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heurté (comme nous avons pu le voir lors de nos deux premiers chapitres) à une vitesse relative beaucoup plus marquée des innovations et de la complexification des mécanismes financiers. Trois phénomènes de fond ont ainsi lieu au cours des années 2000 :

- Intensification des pratiques de recours aux services financiers

- Complexification des schémas de fonctionnement des produits financiers

- Elargissement du panel des produits financiers distribués

Ainsi au sujet de la directive historique 93/22/EEC (ISD) ainsi que de la directive MIFID 1 (2004/ 39/CE), les pouvoirs publics européens ont dû faire face à une double problématique, à savoir d'une part, la correction des faiblesses inhérentes au fonctionnement efficient de la régulation prévue par ses deux directives, et d'autre part, l'adaptation à des nouvelles pratiques de marché dont les évolutions sont extrêmement rapides et dont la complexification s'accélère. Ainsi, de l'aveu même de la Commission Européenne, dans sa publication au Journal Officiel, la directive 2004/39/CE a dû faire face au fait que « La crise financière a révélé des faiblesses en termes de fonctionnement et de transparence des marchés financiers. L'évolution des marchés financiers a mis en lumière la nécessité de renforcer le cadre prévu pour la réglementation des marchés d'instruments financiers, notamment lorsque les transactions effectuées sur ces marchés ont lieu de gré à gré, afin d'accroître la transparence, de mieux protéger les investisseurs, d'affermir la confiance, de s'attaquer aux domaines non réglementés et de faire en sorte que les autorités de surveillance soient dotées de pouvoirs adéquats pour remplir leur mission. » 50

Les imbrications potentielles entre la crise financière, comme nous l'avions évoqué plus tôt dans notre chapitre 1, et la faiblesse des systèmes de régulation sont clairement affirmées par la Commission Européenne qui statue : « La crise financière a révélé des faiblesses en termes de fonctionnement et de transparence des marchés financiers ». De plus, les précédentes directives, et en particulier la directive MIFID 1 2004/39/CE a fait l'objet de nombreuses critiques, sur le volet de l'efficience, en ce qui concerne le potentiel important de fragmentation de la liquidité introduite

50 Directive 2014/65/UE du parlement européen et du conseil du 15 mai 2014 concernant les marchés d'instruments financiers et modifiant la directive 2002/92/CE et la directive 2011/61/UE

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par la plus grande mise en concurrence des acteurs sur les marchés financiers permise, par cette réglementation.

Pour ces raisons, c'est en décembre 2014 que les pouvoirs publics européens décident d'une actualisation et d'un approfondissement de la régulation du marché des instruments financiers, par la mise en place d'une directive, MIFID 2 (Markets in Financial Instrument Directive 2), ainsi que d'un règlement, MIFIR (600 - 2014). Ces deux dispositions, applicables dans tous les états-membres, ont pour date butoir de mise en application au sein des états-membres le mois de janvier 2018. 51 Tel que le met en évidence l'Autorité des marchés Financiers (AMF)52, cette révision du système réglementaire, portant sur le cadre du marché des instruments financiers au sein de l'Union Européenne, revêt un triple objectif opérationnel.

Ce triple objectif s'articule ainsi sur des éléments de régulation des marchés financiers qui ont précisément fait défaut dans la première directive relative aux marchés des instruments financiers et également pu jouer un rôle (notamment les questions relatives aux transparences sur les transactions) lors de la crise financière de 2008 :

- Modification de la structuration des marchés financiers

- Accroissement du niveau de transparence sur les marchés financiers

- Protection des consommateurs de produits financiers

En ce qui concerne le premier volet, celui de la modification de la structuration des marchés financiers, il s'attache à résoudre une problématique inhérente au processus de formation de la crise de 2008, et cela à plusieurs titres. En effet, comme nous l'avons vu, le processus de formation de la crise de 2008 a été rendu possible par la création de produits financiers de titrisation des crédits hypothécaires dans l'objectif initial d'accroître le niveau de liquidité de ces produits dans le bilan

51 Commission de Surveillance du Secteur Financier (CSSF), Surveillance, MIFID II/ MiFir, le 3 février 2017.

52 Autorité des Marchés Financiers (AMF) Dossiers thématiques marchés : Marchés d'instruments financiers (MIF) La nouvelle directive et le règlement Marché d'instruments financiers (MiFID et MiFIR) ont été publiés. Publié le 15 septembre 2014.

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des organismes financiers. Ainsi, ces produits titrisés avaient pour principal « lieu » d'échange les marchés dits « OTC », pour Over The Counter, ou de gré à gré.

Ces marchés financiers ont pour caractéristique majeure de n'exister que par la simple rencontre entre un opérateur offreur et un opérateur demandeur et par la réalisation de cette transaction, en l'absence de structure organisationnelle déterminée. L'existence de ce marché résulte ainsi d'un commun accord par l'acte de la transaction entre un acheteur et un vendeur sur le marché. Ils sont ainsi caractérisés également par leur faible niveau de réglementation applicable à leurs échanges, par une relative fluidité des échanges, mais aussi par leur manque important de transparence. Or il s'agit précisément d'un des objectifs majeurs formulés dans la directive MIFID 2 2014/65/UE de mettre en place une régulation beaucoup plus stricte encadrant ces échanges, afin de permettre un niveau de structuration plus important du marché des instruments financiers. La législation européenne impose dès lors aux acteurs de n'avoir recours à une transaction sur un marché de gré à gré que dans une typologie de situation prédéterminée.

Ainsi, comme le met en évidence l'Autorité des Marchés Financiers : « une transaction sur actions ne pourra être effectuée de gré à gré seulement si elle présente un caractère « irrégulier, peu fréquent et non systématique », ou si elle est effectuée par des professionnels ou contreparties éligibles et qu'elle ne participe pas à la formation du prix. »53. En ce sens, on peut considérer que la prise de position des pouvoirs publics sur la question du recours aux transactions via un marché OTC, dont le niveau de contrôle très faible, est générateur de comportements risqués, constitue un mécanisme stabilisateur efficace contre la survenue des processus de formation des crises. Les pouvoirs publics européens, par la mise en place de cette directive portant sur le marché des instruments financiers, ne souhaitent pas seulement revoir les principes de structuration des marchés, à savoir le recul des transactions réalisées sur les marchés OTC ; ils ont également pour objectif de réglementer les pratiques de marché. En effet, MIFID 2 constitue une réelle rupture, plus qu'une évolution par rapport à MIFID 1, en ce sens qu'elle prévoit un élargissement considérable des produits soumis à un régime strict de transparence quant à l'effectivité de leur négociation sur les plateformes réglementées.

Ainsi, si les actions étaient déjà concernées par ce régime de transparence pré et post-trade dans le cadre réglementaire prévu par MIFID 1, ce sont tous les produits qualifiés de « non equity » tels

53 Autorité des Marchés Financiers (AMF) Dossiers thématiques marchés : Marchés d'instruments financiers (MIF) La nouvelle directive et le règlement Marché d'instruments financiers (MiFID et MiFIR) ont été publiés. Publié le 15 septembre 2014.

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que les obligations, les produits dérivés, qui sont maintenant concernés par cette obligation de transparence. Nous émettons cependant un certain nombre de réserves quant aux nombreuses possibilités dérogatoires ouvertes par le cadre réglementaire MIFID 2, en ce qui concerne des produits qualifiés de peu liquides, et qui pourraient éventuellement constituer des « niches » de produits qui passeraient hors du contrôle du régulateur.

On peut cependant considérer qu'en dépit de ces possibilités ouvertes par le cadre réglementaire de soustraire certains produits à l'obligation de transparence pré et post-trade, ces mesures d'obligation de reporting et de transparence, introduites par l'Union Européenne constituent une rupture dans les méthodes employées jusqu'alors sur les marchés des instruments financiers et constituent un moyen efficace de lutter contre la formation de cycles spéculatifs hors de contrôle du régulateur. Les mesures ainsi prises en terme de structuration, par la mise en place d'obligations de recours à des marchés contrôlés, corrélées à des obligations de transparence, constituent des éléments qui, rétrospectivement, auraient pu jouer un rôle de régulation efficace dans les mécanismes ayant eu cours lors de la formation de la crise des subprimes. Un autre élément, particulièrement vecteur de stabilisation des marchés financiers, porté par la directive MIFID 2, concerne l'encadrement des pratiques de trading algorithmique. En effet, les pratiques de marchés ont, depuis les années 2000, recours de façon exponentielle à des programmes informatiques qui procèdent, à la place des historiques opérateurs de marché, aux ordres d'achat et de vente de produits financiers en fonction d'actions prédéterminées par des algorithmes qui évaluent les évolutions de marché. Or ces pratiques peuvent constituer un vecteur d'instabilité important sur les marchés financiers en ce sens qu'elles peuvent être les actrices d'une surinterprétation irrationnelle d'évènements non significatifs qui peuvent être à l'origine d'un retournement de marché, et cela dans un laps de temps très court.

Afin de mieux comprendre les difficultés inhérentes aux pratiques de trading algorithmique non régulées, on peut par exemple citer la chute vertigineuse d'environ 10% de la valeur, et cela en quelques secondes, connue à la bourse de New York en 2010. Elle fut provoquée par un enchaînement de décisions prises par des algorithmes, sans action humaine de référence et de contrôle, afin de vérifier la pertinence ou non des décisions prises en fonction de la situation de marché. Elles constituent, en ce sens, un puissant vecteur d'instabilité sur les marchés financiers. Ainsi, de nouvelles typologies de dépréciation générale du niveau des prix sur les marchés financiers sont apparues avec ces innovations technologiques et financières. Les analystes financiers parlent ainsi de « flash krach », lorsque ceux-ci sont la résultante d'un fonctionnement « irrationnel » des

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algorithmes entraînant sur un laps de temps extrêmement réduit la chute d'une ou plusieurs valeurs sur un marché financier. La directive européenne de réglementation du marché des instruments financiers MIFID 2, en s'attachant à réguler des activités de marché historiquement vectrices d'instabilité d'une part, ainsi qu'en apportant un corpus réglementaire à des pratiques innovantes et récentes, est vectrice d'une profonde rupture de l'environnement de marché. En ce sens, le 26 avril 2014, l'hebdomadaire The Economist titrait à propos de MIFID 2 « MiFID 2 : « A bigger bang A bold new law will reshape Europe's capital markets ». En ce sens, comme le montrent Guido Ferrarini et Eddy Wymeersch54, cette directive est porteuse de lourds enjeux, notamment en terme de compétitivité internationale des places financières européennes, elle constitue un moyen de palier aux écueils de la précédente directive qui apparaîssait être génératrice d'un certain niveau de fragmentation de la liquidité sur les marchés financiers européens. La création d'un corpus de normes visant à encadrer les droits et les mesures de protection relatives aux investisseurs par la réglementation des « inducements » (rétrocessions, commissions), si elles sont vectrices d'une profonde mutation des modes de distribution et des business model inhérents aux acteurs financiers, semblent présenter une substantielle avancée dans la protection des consommateurs de produits financiers en Europe.

Comme nous l'avons vu lors des deux premiers chapitres de cette étude, si la régulation du comportement des acteurs sur les marchés financiers constitue un élément central dans le processus de lutte contre la formation des crises financières, nous avons également vu qu'un des mécanismes d'aggravation de l'intensité de la crise était constitué dans des problématiques relatives au niveau de solvabilité et de liquidité des organismes bancaires. En ce sens, nous étudierons dans la dernière partie de ce chapitre les propositions formulées par le comité de Bâle à la suite de la crise financière de 2008.

4.2. QUALITE DES FONDS PROPRES ET NIVEAU ELEVE DE LIQUIDITE DES ORGANISMES BANCAIRES : PIERRE ANGULAIRE DE L'EQUILIBRE DES MARCHES FINANCIERS

Mathieu Plane et Georges Pujal, dans la Revue de l'OFCE du mois de juillet 2010, insistent sur la situation particulièrement détériorée des organismes bancaires en terme de solvabilité lors de la

54 Investor Protection in Europe : Corporate Law Making, The MiFID and Beyond Edited by Guido Ferrarini and Eddy Wymeersch, Published: 26 October 2006.

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crise financière et le rôle amplificateur de cette situation sur le mécanisme de formation de la crise et de sa transition d'une crise bancaire à une crise financière : « Les dépréciations d'actifs qui ont entraîné des pertes colossales ont mis en péril la solvabilité de très nombreuses banques à travers le monde. Les pertes de capitalisation boursière et la hausse des taux de défaut n'ont fait qu'amplifier ce phénomène. Dans un contexte de défiance généralisée des investisseurs, le monde a assisté à un retour en force de l'État, l'intervention des pouvoirs publics devenant indispensable pour éviter une insolvabilité générale du système financier et un bank run.»55 La crise de 2008 constitue un paradoxe au regard de l'analyse de la solidité financière des organismes bancaires dans la période précédent la crise financière de 2008. En effet, comme le montrent Mathieu Plane et George Pujal, à l'aide du graphique que nous vous proposons d'analyser ci-dessous, on peut constater que la solidité financière des organismes bancaires en terme de solvabilité analysée au prisme du Ratio Tier 1 était d'autant plus importante que le pays allait être impacté par la crise financière :

En % Ratios de Solvabilité Tiers 1 à la fin 2008

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On peut en effet constater à l'appui de ce graphique réalisé par l'OFCE, que les niveaux de solvabilité (selon les indicateurs mis en place par les Accords de Bâle correspondant à un ratio Tiers 1) entre l'année 2007 et l'année 2008, s'améliorent sensiblement, notamment pour les banques

55 Plane, Mathieu, et Georges Pujals. « Les banques dans la crise », Revue de l'OFCE, vol. 110, no. 3, 2009, pp. 179-219.

56 Source : Extrait de la revue de l'OFCE sur la situation des banques pendant la crise par Plane et Pujals.

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américaines, qui affichent à la fin de l'année 2008 les meilleurs ratios de solvabilité Tiers 1 des pays industrialisés. Le ratio Tiers 1 de solvabilité d'un organisme bancaire constitue un indicateur fiable et pertinent de l'état de santé financière d'un organisme bancaire. En ce sens, il s'attache à calculer le niveau des fonds propres d'une banque, fonds propres hiérarchisés en deux typologies, les fonds propres dits de Common Equity Tiers 1, eux-mêmes agrégés à l'Additional Tier 157.

Le mode de calcul, alors en vigueur en 2007, était celui correspondant aux décisions prises par les accords de Bâle II sur la gestion prudentielle du risque bancaire. Le ratio Tiers 1 résultant de l'agrégation de CET1 et de AT1 (ratios McDonough), qui eux-mêmes succédaient aux Ratios Cooke (Premier accord de Bâle). Les accords de Bâle II prévoyaient ainsi, dès 2004, des exigences élevées en terme de solvabilité des organismes bancaires, allant plus loin que les exigences portées par les Ratio Cooke qui mettaient seulement en évidence la nécessité de détention d'un montant minimum de fonds propres pour un niveau de risque déterminé. Ainsi, ces accords préconisent aux acteurs de marché de recourir à un calcul de leur niveau de solvabilité selon un Ratio McDonough.

Les fonds propres des banques doivent alors :

- Etre supérieurs à 8 % des risques de crédits (85 % du ratio)

- Etre supérieurs à 8% des risques de marché (5 % du ratio)

- Être supérieurs à 8% des risques opérationnels (10 % du ratio)

Le calcul des fonds propres se fait alors selon la formule suivante58 :

Total des fonds propres

= Ratio de fonds propres (> 8%)

Risque de crédit + Risques de marché + Risque opérationnel

57 ACPR Banque de France : Secrétariat Général de l'Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution, Direction des Affaires Internationales, Service des Affaires internationales Banques, « notice » modalités de calcul des ratios prudentiels dans le cadre de la CRDIV (version du 20/05/2014).

58 Actualité Bancaire, Réforme du Ratio de Solvabilité, Les grandes lignes du nouveau ratio McDonough, N°448, 08/02/01.

55

L'approfondissement du contrôle prudentiel des organismes bancaires, par l'élargissement de l'évaluation des risques, non seulement inhérents à l'activité de crédit, mais également aux activités de marchés ainsi qu'au risque opérationnel, constituait ainsi une avancée notable permise par les accords de Bâle II. Or, plusieurs éléments ont été à l'origine d'une défaillance des systèmes bancaires en dépit de ces règles de contrôle prudentiel lors de la crise de 2008. Il nous faut d'abord préciser que la nature institutionnelle du Comité de Bâle en fait un organe consultatif ad hoc qui ne permet pas l'imposition des normes établies lors de ses différents Comités.

Le corpus réglementaire mis en place lors de ces Comités constitue un référentiel pour les organismes financiers, mais ne constitue en aucune manière une régulation des activités financières au sens strict du terme, le régime juridique des décisions prises lors des comités de Bâle ne faisant l'objet de la part de ses membres que d'un engagement moral à respecter les accords. On a ainsi pu constater que les décisions de contrôle prudentiel, prises à l'issue des accords de Bâle II ont été très peu suivies d'effet par les organismes bancaires américains.59 Il nous faut cependant préciser que si les décisions prises lors des accords de Bâle, et notamment lors de Bâle II, étaient pavées de bonne intentions, elles n'ont cependant pas eu l'effet escompté par les organismes financiers signataires du texte, en ce sens qu'elles ont promu un mode de fonctionnement et de contrôle de l'économie qui s'est avéré défaillant.

Nous affirmons en effet qu'une des racines de la sous-évaluation du risque financier à la genèse de l'apparition de la crise des subprimes a été l'absence d'information pertinente et fiable sur le niveau de risque présenté par les produits, censée être donnée par les agences de notation. Les accords de Bâle II, par l'extension des variables prises en compte dans le calcul du niveau de solvabilité des organismes bancaires et la complexité des mesures mises en place, ont d'une part complexifié les standards et entraîné une défiance des acteurs vis-à-vis de cet accord. D'autre part, par la complexité induite par ces accords, ils ont ouvert la voie à une évaluation industrialisée du risque par des entreprises aux potentiels conflits d'intérêt multiples : les agences de notation. Selon Andrew Cornford (économiste de la régulation, chercheur associé à l'UNCTAD/CNUCED) dans « Bâle II et le rôle des agences de notation » 60, nous constatons, non seulement aux Etats-Unis, mais

59 Le Monde Economie, De Herstatt à Lehman Brothers : trois accords de Bâle et 35 ans de régulation bancaire. Pourquoi des banques françaises réputées sont-elles dans le collimateur des marchés alors que le comité de Bâle établit des règles destinées à assurer la solidité du secteur depuis trente-cinq ans ? Le Monde.fr | 03.10.2011 à 19h05
· Mis à jour le 03.10.2011 à 22h07 | Par Audrey Fournier.

60 Interview de Andrew Cornford, Propos recueillis par Mohammad Farrokh « Bâle II et le rôle des

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également au sein de l'Union Européenne, un niveau de défiance élevé vis-à-vis de l'accord consécutif au Comité Bâle II : « Question à Andrew Cornford : L'accord de Bâle II n'a-t-il pas permis de clarifier la position des banques en matière de fonds propres ?

- Au contraire, c'est un accord très compliqué. Les banques se plaignent moins des règles adoptées que de la façon dont elles sont appliquées, notamment dans le domaine du financement du négoce.

- Cela dit, il est difficile d'apprécier les conséquences de la révision à la baisse de la notation d'un pays sur les besoins en fonds propres des principales banques européennes dans la mesure où elles ont tendance à préférer une approche interne avec leurs propres seuils, à l'approche dite standardisée de Bâle II. »

Ainsi au lendemain de la crise financière de 2008, se pose au comité de Bâle la question d'aborder la régulation des organismes financiers à la fois de manière plus efficiente, ciblée sur les enjeux inhérents à la formation de la crise, et d'autre part, que la régulation soit suivie et mise en place par les différents acteurs afin de prévenir la survenue d'un risque systémique. Bâle III, dans la droite lignée formulée par Bâle II, va poursuivre un certain niveau de focalisation sur la pondération du risque crédit des portefeuilles des organismes bancaires et du niveau des fonds propres nécessaire. Cependant, Bâle III introduit une dimension financière plus contraignante aux organismes financiers en ce sens qu'il considère le niveau de fonds propres nécessaires pour un niveau donné de « risk weighted assets » passe de 2% (Bâle II) à 7% (Bâle III). En ce qui concerne ce point, il est difficile d'évaluer l'impact d'une telle prise de position du Comité de Bâle sur la stabilité du système financier en ce sens que les pratiques bancaires, en ce qui concerne le niveau de fonds propres sur les risk weighted assets, étaient bien souvent mieux disantes que la recommandation formulée par Bâle II, et d'autre part que cela n'apporte pas de réponse à la question de la liquidité. En effet, c'est précisément la question de la liquidité qui a constitué un des mécanismes amplificateurs de l'intensité de la crise de 2008.

En ce sens, la réforme de Bâle III est selon nous particulièrement ajustée aux nouveaux enjeux posés par la crise des crédits hypothécaires américains et ses conséquences. En effet, la réforme

agences de notation », Finance & Bien Commun 2009/2 (No 34-35), p. 78-78. DOI 10.3917/fbc.034.0078.

57

dite de Bâle III, introduit la question de la liquidité, et non plus seulement de la solvabilité, au coeur de son corpus de recommandations. Cette réforme des recommandations met ainsi en évidence la nécessité de mettre en place des « stress-test » afin d'évaluer la solidité financière en terme de liquidité des organismes bancaires. Concrètement, il s'agit de contrôler d'une part le niveau des dépôts dans une banque, d'autre part le niveau de fuite de liquidité de l'organisme bancaire, et cela sur une période donnée (30 jours). Bâle III met ainsi en place deux indicateurs propres au contrôle du niveau de liquidité (en plus des indicateurs propres au contrôle du niveau de solvabilité)61 :

- Liquidity Coverage Ratio (LCR) : il s'agit d'un ratio d'évaluation « de liquidité à court terme », sur une période de 30 jours. Il s'agit donc d'un indicateur de flux.

« LCR = actifs liquides / (flux sortants - flux entrants) à un mois 2 100 % »62

- Net Stable Funding Ratio (NSFR) : il s'agit d'un ratio d'évaluation « de la liquidité à long terme », sur une période d'un an. Il s'agit donc d'un indicateur de stock.

« NSFR = ressources stables à un an / besoins de financement stables à un an 2 100 % »63

Ces deux ratios font l'objet de nombreuses interrogations de la part de la profession bancaire au regard de leur aspect particulièrement contraignant64. Elles constituent cependant un moyen particulièrement efficace de prévenir une crise de liquidité semblable à celle survenue en 2009 sur les marchés interbancaires internationaux.

61 Bank For International Settlement, Basel III: The Liquidity Coverage Ratio and liquidity risk monitoring tools January 2013.

62 Revue-Banque, De Bâle III à la CRD 4 : ce qui pose problème dans les ratios de liquidité.

63 Op.Cit. 62.

64 Revue-Banque, Ratio de liquidité du Comité de Bâle : vers plus de réalisme, Le 29/01/2013.

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Conclusion

Lors de cette étude, nous avons donc mis en évidence les ressorts économiques et financiers à l'oeuvre dans le déclenchement de la crise financière de 2008 ainsi que ses conséquences économiques. Nous avons ainsi pu identifier un certain nombre de facteurs de risques systémiques portés par les comportements des acteurs sur les marchés financiers. A la lumière des comportements à risques identifiés, nous avons également pu voir les conséquences in concreto des défaillances de marché sur le fonctionnement pérenne et stable des organisations et des institutions financières.

Au prisme de ces comportements de marché marqués par une rationalité limitée dont ont pu faire preuve les agents économiques, nous avons ainsi pu identifier le rôle central joué par les pouvoirs publics dans leur globalité dans les mécanismes de résolution des crises. Nous avons démontré le rôle crucial joué par les institutions d'un point de vue conjoncturel par la mise en place de politiques de relances, mais aussi de manière structurelle par la réponse apportée par le régulateur.

Nous avons également démontré le rôle particulièrement déterminant des structures de régulation en tant que stabilisateur des cycles financiers et des conséquences inhérentes à leur formation. Si de nombreuses interrogations demeurent quant à l'évaluation de la nature et de l'ampleur du risque financier au sein des marchés, nous affirmons la nécessité d'une réponse à un niveau systèmique de la part des régulateurs, à l'image des initiatives prises par le régulateur européen avec la mise en place de la directive MIFID2.

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Sources & Bibliographie

Ouvrages

· Investor Protection in Europe: Corporate Law Making, the MiFID and Beyond 1st Edition by Guido Ferrarini (Editor), Eddy Wymeersch (Editor)

· Stabilizing an Unstable Economy, by Hyman P. Minsky, Yale University Press, 1986

· La Crise. Comment en est-on arrivé là ? Comment s'en sortir ? par Michel Aglietta Ed. Michalon, 2008, 126 p.

Principaux articles de recherche

· Bernanke, B., Gertler, M., Gilchrist, S. (1999), « The Financial Accelerator in a Quantitative Business Cycle Frame- work », in Taylor, J. B. et Woodford M. (eds), The Handbook of Macroeconomics

· Pierre Gille, « Hyman P. Minski, L'hypothèse d'instabilité financière », Lectures [En ligne], Les comptes rendus, 2013, mis en ligne le 25 juillet 2013, consulté le 16 mai 2017. URL : http://lectures.revues.org/11977

· A Spectral Analysis of World GDP Dynamics : Kondratieff Waves, Kuznets Swings, Juglar and Kitchin Cycles in Global Economic Development, and the 2008-2009 Economic Crisis, Structure and Dynamics, 4(1), Korotayev, Andrey V, Tsirel, Sergey V, University Of California.

Rapports et études :

· MiFID II: Preparation Without Delay By Rob Flatley, Michael Aldridge, Philippe Morel, Thomas Garside, Radi Khasawneh, William L'Heveder

·

60

Régulation financière européenne, le bilan depuis la crise de 2007, résumé du rapport du Groupe des Verts/ALE au Parlement européen « `Regulatory rollback' in EU financial services legislation »

· Mathieu Plane, Georges Pujals, Les Banques dans la crise, Dossier II, Revue de l'OFCE, Juillet 2009

Textes juridiques & réglementaires :

· Directive 2014/65/UE du Parlement Européen et du Conseil du 15 mai 2014 concernant les marchés d'instruments financiers et modifiant la directive 2002/92/CE et la directive 2011/61/UE (refonte) (Texte présentant de l'intérêt pour l'EEE)

Thèses et mémoires de recherche :

· L'évolution de la réglementation financière européenne suite à la crise 2007-2010 - Mémoire présenté pour l'obtention du Master en études européennes Par Beata Wachalowicz-Garcia






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