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L'usage et l'appropriation des réseaux sociaux par les jeunes: Le cas de FACEBOOK

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par Julia Denat
Institut de la communication - Université de Lyon 2  - Master 1 Communication des Organisations  2016
  

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Institut de la Communication

Mémoire de Master 1 - Communication des Organisations - 2016-2017

L'usage et l'appropriation des réseaux sociaux

par les jeunes :

Le cas de FACEBOOK

Présenté par Julia Denat

Sous la direction de Monsieur Alain Girod
Année universitaire 2016 - 2017

2

Résumé

Ce mémoire de recherche présente une étude de l'usage des jeunes de la Génération Y et de la Génération Z, les `'Digital Natives» sur Facebook.

A l'heure de l'avènement des nouvelles technologies et celle de l'internet, l'ouverture du débat sur le sujet des `'hyper-connectés» et leur comportement face au digital a suscité de nombreux questionnements. Cet usage, parfois mal compris et critiqué par manque de connaissances ou par appréhension, a bel et bien provoqué un changement dans les habitudes des individus notamment au niveau de leurs relations sociales et de leurs interactions.

Aujourd'hui, le Web Social s'est développé et ne cesse d'innover en termes de dispositifs sociaux. Facebook étant le média social le plus utilisé dans le monde est l'objet de cette recherche. Dans notre société moderne qui prône l'individualisme, les médias sociaux se sont imposés comme supports de liens sociaux en offrant la possibilité d'interactions instantanées et mondiales.

La Génération Y, dont le nom provient de la forme des écouteurs audio, est la première communauté ayant côtoyée et utilisée cette innovation d'internet.

Les marques, sont les premières à avoir profité de ce rapport au digital que font les jeunes individus. En 2017, au-delà de l'aspect social, Facebook est un parfait dispositif de ciblage des consommateurs et notamment des plus jeunes.

Comprendre, le comportement de cette génération, née à l'effervescence du Web 2.0, est le but de cette étude. L'adéquation d'une société individualiste et digitale réunie sur un support numérique aussi puissant est l'objet de cette recherche qui interroge toujours autant à l'heure du dixième anniversaire de Facebook.

3

Remerciements

Parce que plusieurs pensées valent mieux qu'une et permettent de prendre du recul, je tiens à remercier mes amies Sarah, Noémie, Marine, Nabil et Isabeau pour ces nombreux débats durant lesquels nous avons pu échanger des opinions nécessaires à mon raisonnement pour la production de ce mémoire.

Un grand merci à Marina qui, lors de mon incident de matériel, m'a réconforté en me prêtant un ordinateur pour travailler ainsi que pour sa patience et sa relecture de mon travail.

Merci à mes proches et mes parents qui ont su me soutenir pendant les moments difficiles et qui ont accordé du temps à la relecture de mon travail en me donnant des conseils notamment à Nila qui a su donner de son temps pour des suggestions et des corrections précieuses.

Un grand merci aussi à Monsieur Baptista, mon tuteur de stage, ainsi qu'à Marie Souveton et Emilie Margerard, mes collègues, qui ont su m'apporter toute l'attention et la reconnaissance dans les projets que j'entreprenais, me permettant prendre confiance en mon travail.

Enfin, un grand merci à monsieur Girod, pour tous ses conseils et les réponses qu'il m'a apporté pendant les moments de doute et de remise en question ; pour le temps qu'il m'a consacré en discussions tout autant qu'en corrections.

4

Table des matières

Résumé 2

Remerciements 3

INTRODUCTION 6

PARTIE 1 : MUTATION DES PROFILS DES INDIVIDUS ET

AVENEMENT D'INTERNET CHEZ LES JEUNES 14

Introduction de la partie 15

I.1. Le contexte : Le passage d'une société traditionnelle à une société moderne 16

I.1.1. L'âge moderne et la théorie de l'individu par excès 16

I.1.2. Le processus de socialisation dans la création de l'identité. 18

I.1.3. Le pouvoir de l'avènement des TIC et de l'Internet 21

I.2. Facebook, un dispositif permettant la liberté à « la génération `'je m'exprime par

l'image» ». 24

I.2.1. Un lien étroit entre la société et les réseaux sociaux 24

I.2.2. Le principe de fonctionnement des réseaux sociaux et de Facebook 25

I.2.3. Génération Y, une culture de l'identité numérique 29

I.3. Les limites des réseaux sociaux et du Web 2.0 chez les jeunes 32

I.3.1. Quand le harcèlement devient virtuel 32

I.3.2. Le développement de l'isolement social 35

I.3.3. Un nouveau dispositif d'influence pour les leaders d'opinion et les entreprises 38

Conclusion de la partie 42

PARTIE 2 : L'ANALYSE DES USAGES DE 8 INDIVIDUS AGES

DE 15 A 25 ANS 44

Introduction de la partie 45

II.1. Les divers usages des 15, 25 ans sur Facebook 47

II.1.2. Deux grandes catégories d'usage sur Facebook 47

II.1.2. Usage passif 51

II.1.3. Un moyen d'émettre son opinion et de revendiquer une cause 56

II.2. Facebook, un outil de revendication d'une identité travaillée 61

II.2.1. Les photos de profil et de couverture : un enjeu identitaire 61

II.2.2. L'opportunité de mettre en avant une nouvelle version de soi 67

II.2.3. Le sentiment du contrôle et de la maîtrise de son identité virtuelle 72

II.3. Les individus ont-ils conscience des conséquences de leurs usages ? 76

5

II.3.1. L'acceptation ou non de l'exploitation de ses données personnelles 76

II.3.2. Une conscience et une connaissance approfondies de Facebook chez les plus âgés

81

II.3.3. Facebook : un outil marketing encore mal connu de la Génération Y 85

Conclusion de la partie 90

CONCLUSION 92

Bibliographie 96

Annexe 99

6

Introduction

A l'ère de la troisième mondialisation, celle de l'Internet, le web apparaît comme un dispositif de communication et d'informations total.

En effet, il permet l'information, le commerce, le service, l'initiative du citoyen, la documentation tout en proposant un accès direct aux sources et à des liens. Le mode de diffusion mass médiatique originel repose, aujourd'hui, sur une interface personnelle.

Celle-ci reprend les logiques éditoriales classiques de la communication mais y ajoute trois modes originaux : que le mode institutionnel, l'interactivité et une compétence méta-éditoriale. En tant qu'agrégats de médias personnels, reliés les uns aux autres, les médias sociaux représentent une véritable alternative à la communication de masse permettant la naissance de communautés qui court-circuitent les institutions et concurrencent les instances culturelles traditionnelles.

Durant l'époque de la «postmodernité», d'après Anthony Giddens, nous avons affaire à un individu singulier qui n'hésite pas à affirmer son identité publiquement en s'émancipant de sa place de récepteur ou consommateur de l'information. Il est en mesure de devenir un agent médiatique à part entière. Henry Jenkins évoque l'émergence d'une `' communauté participative `' élaborant des supports informationnels.

Toutefois, cette individualisation des parcours biographiques et professionnels s'ajoute, sur le plan socio-économique, à la montée des pratiques de la société de consommation. Celle-ci a contribué à l'émergence de sujets prompts à se définir par leurs modes de consommation, leurs apparences extérieures et leurs supports de présentation de soi. Le rôle accru conféré au choix, à l'évaluation et à la notation comme mode d'exposition et de définition de soi, a renforcé le poids des choix et des usages individuels. 1

1 GIDDENS Anthony, 1994, Les conséquences de la modernité, Paris, L'Harmattan, 192p: Dans ce compte rendu, il caractérise la « postmodernité » par l'époque du développement des systèmes d'information et de communication, une connaissance scientifique de la société et la conscience de soi.

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L'ouverture à laquelle on assiste est celle d'un espace de parole et d'expression, qui est autant un espace de lutte contre le pouvoir politique contrôlant la parole publique qu'un espace d'expression et d'exposition de soi.1

John B. Thompson parlera lui d'une `' Transformation de la visibilité `' qui aurait lieu, aujourd'hui, de la part des individus. Celle-ci demande des capacités que l'individu peut maîtriser jusqu'à une certaine limite.

« La gestion de la visibilité - un art intrinsèquement imparfait. »2

La mutation de l'individu social vers la singularité, à travers sa volonté de rendre visible son identité, est un sujet qui suscite beaucoup de questions sur l'usage de ces nouveaux dispositifs que sont les réseaux sociaux. Martucceli Danilo dit à ce sujet :

« Ce qui hier était censé être octroyé par les institutions et les formes sociales, est désormais censé être produit de manière réflexive par les individus eux-mêmes. En bref, notre modernité serait inséparable d'une injonction spécifique contraignant les individus à devenir des individus. » 3

Les réseaux sociaux auraient tendance à engendrer une transparence accrue sur la vie privée des usagers qui seraient contraints à faire des choix dans leurs pratiques. Ces nouveaux dispositifs ont un rôle primordial chez les jeunes d'aujourd'hui. Ils leur permettent certaines revendications de la sphère privée dans un espace public.

Ce sujet de transparence ouvre de nombreux débats et suscite des critiques. Pour autant, nous pourrions nous poser la question de la conscience des conséquences

1 JENKINS Henry, 2013 La culture de la convergence, Des médias aux transmédias, [2006]: En étudiant la communauté des fans, il évoque leur capacité de s'exprimer sur les transmédias en s'appropriant leur culture. Les possibilités (de la part des usagers), de manipulation de l'image, de travestissement des documents médiatiques et de parodies présentant des vertus pédagogiques, pendant les premières décennies du 21ième siècle.

1 THOMPSON John B, 2000, Communiquer à l'ère des réseaux (n°100), Transformation de la visibilité, p187215

3 MARTUCCELI Danilo, 2001, La société singulariste, p.38

8

que cette transparence impose et comment les jeunes qui ont connu l'effervescence du web2.0 utilisent les nombreux dispositifs d'un réseau social à des fins personnelles. Pour cette étude sur l'usage des réseaux sociaux, j'ai choisi de me concentrer sur le cas de Facebook. Pourquoi ce réseau social ?

Tout d'abord, parce que Facebook est un réseau social qui inclut de nombreux outils permettant les interactions entre les usagers tout en étant un dispositif propice à une construction de son identité virtuelle. De nombreux articles scientifiques ont été publiés à ce sujet.

Le sujet des réseaux sociaux a été abordé, en particulier, par Danah Boyd et Nicole Ellison dans leur article `' Sociality through Social Network Sites `'1. Comme l'indique Nicole Ellison lors d'une interview dans Hermès, La Revue :

« Les recherches dans ce domaine évoluent si rapidement qu'il est difficile de se tenir au courant de tout ce qui est publié, même si c'est dans sa langue maternelle. »2

En effet, à l'heure de l'avènement des nouvelles technologies de l'information et de la communication, les innovations ne cessent de progresser, sans parler de l'internet et de tous les nouveaux dispositifs qui y sont liés.

Toutefois, je tiens à participer à la compréhension de ce nouveau dispositif mêlant intimement une logique informationnelle et une logique communicationnelle, tout en analysant l'usage de ses jeunes utilisateurs. La génération qui a grandi avec la naissance du web a tendance à être pointée du doigt comme une génération hyper-connectée. Ce terme péjoratif est notamment appuyé par le fait que les jeunes d'aujourd'hui seraient inconscients des dangers d'internet et des réseaux sociaux. Ils publieraient ouvertement leur vie privée sans réfléchir aux conséquences que cela peut engendrer.

1 BOYED Danah est une chercheuse en sciences humaines et sociale avec Nicole Ellison, professeure universitaire en télécommunication elles ont écrit l'article Sociality through Social Network Sites publié dans The Oxford Handbook of Internet Studies en 2013

2 ELLISON Nicole, 2011, Réseaux sociaux et capital social, Hermès, La Revue 2011, n°59

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Personnellement, je me questionne sur ces idées reçues car faisant partie de cette génération, je ne pense pas que les jeunes soient inconscients de la puissance de l'internet, des possibilités et des fonctionnalités de Facebook.

Une autre question se pose : que veut dire être né avec internet ? Si cette affirmation définit le fait que les enfants nés au milieu des années 90 seraient des usagers incontestables d'internet, alors tout le monde aurait eu un ordinateur dans son foyer à la fin des années 90 et tous ces jeunes l'auraient utilisé. Cette question mériterait une réflexion plus approfondie.

Plus objectivement, nous pourrions donc axer notre réflexion sur le fait que cette génération a plutôt connu la transition entre la vie sans internet et la vie avec. Ce détail qui semble anodin pourrait changer beaucoup de choses au niveau comportemental sur les réseaux sociaux des jeunes.

Cette hypothèse m'a permis d'élaborer mon étude pour comprendre cette différence des usages entre les jeunes de 21 ans et 29 ans et ceux de 15 ans à 20 ans, nés alors qu'internet et les ordinateurs prenaient une plus grande part dans leur quotidien que la génération précédente.

Dans cette étude, il s'agira d'analyser plus précisément et plus intimement l'usage de Facebook que font les jeunes. Comment l'utilisent-ils ? Pourquoi ? Ont-ils conscience des conséquences d'un `' like `' ou d'un commentaire sous la publication d'un proche ou d'un article public ? D'après Monique Dagnaud :

« Les jeunes s'exprimeraient en roue libre sur la Toile, s'exhiberaient sans en mesurer les conséquences... »1

Ce réseau social aujourd'hui utilisé à des fins liées au marketing de la part des entreprises, permet aussi le développement de l'exposition de la sphère privée des individus provoquant un potentiel danger pour l'usager.

1 DAGNAUD Monique, 2011, Génération Y, Les jeunes et les réseaux sociaux de la dérision à la subversion, SciencesPo Les presse, p.17

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En effet, Facebook est un média social dans lequel se côtoient commerce, politique et vie privée mais il permet aussi à chacun d'être émetteur, récepteur, éditeur dans un espace-temps réduit. Alors Facebook serait-il en quelque sorte un dispositif propice à la création d'une identité virtuelle chez les jeunes ?

Facebook est critiqué au sujet de la transparence entre le secteur privé et le secteur public et notamment sur le respect de la vie privée. Les adolescents, de par leur manque de maturité et leur enthousiasme à se proclamer libre et pas comme les autres, ont aujourd'hui, l'opportunité de créer leur propre image virtuelle en revendiquant publiquement ce qu'ils sont et ce qu'ils aiment. Les questions que l'on se pose sont donc :

Les utilisateurs ont-ils conscience de toutes les fonctions et les opportunités que Facebook propose y compris pour les entreprises commerciales et politiques ? Ou en d'autres termes : Ont-ils conscience des conséquences de leur usage sur ce média social ? Ont-ils conscience de l'utilisation par Facebook des données qu'ils diffusent ?

Tout en prenant en compte le grand nombre d'utilisateurs dans le monde, j'ai décidé de cibler les jeunes français, faisant partie de la génération Y : les personnes nées entre 1994 et 1982 d'après Monique Dagnaud.

Marc Prensky, sociologue américain définira cette génération comme les `' Digital Natives `', les jeunes qui sont nés avec le Web. Ce choix est donc en lien avec mon sujet car il désigne une génération qui a grandi pendant l'avènement du Web social (Web 2.0). 1

Auteure de ce mémoire et faisant partie de la génération dite `' Digital Native `', je suis moi-même utilisatrice de ce réseau social qui compte 1.13 milliards d'utilisateurs actifs dans le monde à la fin du deuxième trimestre de 2016.2

De plus, d'après une étude du Petit Digital publié en 2015, 87% des usagers de Facebook auraient entre 18 et 29 ans.

1 PRENSKY Marc, 2001, Digital Natives, Digital Immigrants, art MCB University Press, Vol.1, N°5

2 D'après une étude du Journal du net.

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Monique Dagnaud définit la Génération Y comme les enfants étant nés entre 1982 et 19941, je m'intéresse à des individus de cette génération, compris entre 22 et 29 ans. Ce panel étant assez étroit, je décide de l'élargir aussi à la Génération Z qui succède à la Génération Y, c'est-à-dire les personnes nées après 1994. Celle-ci est plutôt définie dans le secteur du marketing par rapport à l'étude de son comportement afin d'établir des stratégies marketing pour influencer à la consommation.

Toutefois, il me semble intéressant de prendre en compte cette génération qui est susceptible de présenter des usages différents sur Facebook que la génération Y. Je m'intéresserai donc à une partie des adolescents pour une cible comprenant les deux générations, c'est-à-dire une partie des individus de la Génération Y et une partie des individus de la Génération Z soit, la tranche d'âge des 15 ans - 29 ans. Je pense qu'étudier l'usage et la conscience des personnes provenant de la tranche d'âge des 15 ans - 29 ans, me permettrait de mettre en lumière des données pertinentes pour mon étude.

Ma première hypothèse est que Facebook génère divers usages de la part des utilisateurs âgés de 15 à 25 ans. Ma deuxième hypothèse suppose que Facebook est un outil de revendication d'une identité travaillée. Enfin, ma dernière hypothèse s'interroge sur la conscience des conséquences des usages des utilisateurs de mon échantillon (15-25 ans), en évoquant que les plus jeunes n'ont pas forcément conscience des conséquences de leur usage sur Facebook contrairement aux plus âgés.

Mon travail de recherche consiste donc à comprendre l'usage de Facebook auprès des jeunes et d'analyser la conscience des conséquences de leur usage sur ce réseau social. Pour cette étude je fais le choix d'un raisonnement empirico-déductif2 qui, à l'aide de ma problématique, me permet d'établir des hypothèses susceptibles d'être validées à la fin de ce travail de recherche. J'aborderai, pour cette étude, un travail méthodologique qui s'appuiera sur des données qualitatives.

1 DAGNAUD Monique, op.cit, p8

2 PALLIE Pierre et MUCHIELLI Alex, 2008, L'analyse qualitative en sciences humaines et sociales, Armand Colin, p.140 -155

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Mon objectif sera donc de comprendre comment les jeunes utilisent Facebook et dans quel but, tout en essayant d'analyser leur conscience sur les conséquences de leurs usages.

Mon travail de recherche se fondera, en première partie, sur une approche théorique et conceptuelle, des études qui ont déjà été menées par des chercheurs et des sociologues afin de comprendre les mutations de la société pour arriver à définir le comportement des individus d'aujourd'hui dans la société moderne.

Celle-ci me permettra de comprendre les individus d'aujourd'hui et plus particulièrement le comportement des jeunes entre 15 et 29 ans pour le mettre en lien avec le réseau social Facebook, sujet de ma recherche. Dans cette partie, je définirai la société et la sociologie des individus du 21ème siècle tout en évoquant la société du 19ème siècle pour comprendre la mutation dont elle a fait l'objet. Il est important de cadrer le contexte de ma recherche en faisant une analyse globale des comportements des individus de la société contemporaine avec l'aide des théories et des concepts élaborés par les chercheurs et les sociologues.

Toujours, dans cette partie j'étudierai le Web 2.0 (web social), les réseaux sociaux, leurs dispositifs et le lien qu'ils entretiennent avec les individus de la société d'aujourd'hui. Pour se recentrer sur la problématique de ce travail de recherche, je me concentrerai sur Facebook, avec une recherche théorique sur ce qui a déjà été analysé au sujet de ce réseau social.

Dans cette partie, j'évoquerai aussi le comportement des adolescents à l'effigie de ce réseau en m'aidant des études des sociologues et chercheurs à ce sujet. La première partie de cette approche théorique m'aidera donc à faire le lien entre les individus contemporains et le fonctionnement de Facebook pour essayer de comprendre leurs usages.

Enfin, il me semble primordial de comprendre le public des jeunes français pour centrer ma recherche sur un public spécifique, car à mon échelle, il sera impossible de pouvoir généraliser les conclusions de la recherche que j'aurai mené avec une technique empirique qualitative. Je définirai donc ce public qui sera la cible de toute ma recherche.

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Dans une deuxième partie, je me confronterai à la réalité en mettant en place la technique des entretiens semi-directifs auprès de huit personnes ayant entre 15 et 25 ans.

Lors de cette étude empirique qualitative reposant sur des entretiens semi-directifs, le but sera, tout d'abord de comprendre comment les individus utilisent Facebook. J'appliquerai la technique des entretiens sur huit individus de différents âges afin de faire émerger des usages divers de Facebook. Le but de ces entretiens sera donc de valider ma première hypothèse sur le fait que les individus utilisent ce réseau social pour pouvoir se créer plus ou moins une identité virtuelle.

J'ai conscience que mes données ne sont pas totalement représentatives de la réalité étant donné que, selon mes moyens, je n'ai réalisé que huit entretiens. Mon travail sera donc fondé exclusivement sur du qualitatif, et mes données ne me permettront pas de de généraliser les comportements que j'aurai pu faire émerger après mon analyse. Toujours à l'aide de la technique des entretiens avec des individus d'âges différents j'évoquerai la question des consciences de ceux-ci sur leur usage de Facebook. Mes deux hypothèses étant liées, je n'ai réalisé qu'un entretien pour chaque individu tout en évoquant mes deux hypothèses.

Enfin, je conclurai ma recherche par une synthèse mettant en lien l'approche théorique et les données relevées lors de mon enquête de terrain pour pouvoir valider mes hypothèses.

14

Partie 1 : Mutation des profils des individus et avènement d'internet chez les jeunes

15

Introduction de la partie

Dans cette étude je m'appuierai, en premier lieu, sur une approche théorique pour définir les individus de la société d'aujourd'hui afin de comprendre le lien de ces individus et leurs pratiques communicationnelles sur les réseaux sociaux.

Pour cela, je mettrai en lumière certaines théories déjà élaborées par les chercheurs et les sociologues pour comprendre la nouvelle conception de la communication à travers l'internet et notamment Facebook. Il est donc important de définir les thèmes abordés dans ce mémoire et les concepts sur lesquels s'appuient les sciences de l'information et de la communication dans les dispositifs que proposent les réseaux sociaux.

Pour comprendre les jeunes usagers de Facebook, je tiens tout d'abord, à étudier la mutation de la société depuis le 19ème siècle. Il me semble primordial de resituer le contexte de ma recherche à l'heure de l'utilisation des réseaux sociaux.

Dans cette partie, j'articulerai plusieurs théories et concepts étudiant les comportements de la société dans sa globalité afin de me recentrer sur les réseaux sociaux et plus particulièrement Facebook.

Enfin, j'évoquerai les limites de Facebook tout en mettant à l'appui les critiques et les dangers retenus par les études de ce réseau social, notamment chez les plus jeunes.

16

I.1. Le contexte : Le passage d'une société traditionnelle à une société moderne

I.1.1. L'âge moderne et la théorie de l'individu par excès

Tout d'abord, il existe une réelle mutation du profil de l'individu social. `' L'âge moderne»1, débutant au 19ème siècle d'après Michel Foucault, inclut une société d'autodiscipline comme le déplacement vers une nouvelle forme de nouveau pouvoir (bio-pouvoir 2), calculant techniquement la vie en termes de population, de santé et d'intérêt national.

Habermas évoquera dans L'espace Public une `' subversion du principe de publicité `' 3, nous amenant à faire face à la mutation des institutions physiques comme l'école par exemple, qui à l'époque de l'Etat Nation véhiculaient l'information et l'éducation. Aujourd'hui, nous avons à faire face à un Etat Providence dont découlent les fonctions régaliennes de l'Etat4. Cet Etat Providence est devenu Etat Social dans lequel l'individu social, et donc la société, sont pris en compte.

Il me semble important d'évoquer cette mutation dans ce mémoire, car les changements de l'individu social et la mutation de la société vers une société moderne avec de nouveaux principes est d'autant plus liée à l'usage des réseaux sociaux.

L'épistème de `' l'âge moderne `', pour évoquer la globalité de la société, renvoie à une mutation de l'individu social qui devient de plus en plus `' singulariste `'5. Cela s'oppose à l'idée de l'individu déjà constitué, plus en adéquation avec l'Etat Nation dans lequel s'exerçait une société traditionnelle. Nous devons passer

1 FOUCAULT Michel, 1966, Les mots et les choses, Une archéologie des sciences humaines, Gallimard, 404.p, p133

M. Foucault repère une transformation du pouvoir pendant l'épistème de « l'Age Moderne >. Il appelle « bio-pouvoir > les techniques spécifiques du pouvoir s'exerçant sur les corps individuels et les populations, hétérogènes aux mécanismes juridico-politiques du pouvoir souverain. Il parlera « d'individus singularistes >.

2 Ibid.

3 HABERMAS Jürgen, 1988, L'espace public, Critique de la Politique, p.330

4 Au nombre de 4, les fonctions régaliennes de l'Etat visent à assurer la sécurité extérieure par la diplomatie et la défense du territoire ; assurer la sécurité intérieure et le maintien de l'ordre public avec, notamment, des forces de police ; définir le droit et rendre la justice ; détenir la souveraineté monétaire en émettant de la monnaie, notamment par le biais d'une banque centrale la diplomatie et la défense du territoire.

5 MAETUCCELI Danil, op.cit, p.6

17

à une prise en compte des individus en tant que processus historique en construction, se constituant par et dans les rapports sociaux et non plus uniquement par rapport aux institutions de l'Etat. Cette montée structurelle de la singularité de l'individu impose une nouvelle sensibilité sociale. Cette vision des sociétés modernes s'oppose à la vision de la société industrielle, beaucoup plus traditionnaliste et patriarcale.

Nous faisons face aujourd'hui, à un changement qui impose une certaine singularité de l'individu capable de se construire par lui-même avec ses propres ressources. L'Etat providence, est une certaine preuve de la prise en compte de l'individu social qui a été longtemps mis à part dans une société gérée à travers des institutions « physiques » et une vision imposant un ordre social auquel les individus étaient soumis inconsciemment.

Au 21ème siècle, cette vision a bien évolué avec l'émergence de l'individu `' singulariste `' ainsi que celle de la prise en considération de celui-ci notamment au niveau de l'Etat.

Dans les sociétés modernes nous avons donc à faire face au développement d'un grand nombre d'individus dits : `'par excès `'1 possédant la capacité d'être autosuffisant. C'est-à-dire qu'ils ont en eux-mêmes ou croient avoir en eux-mêmes les supports nécessaires pour assurer leur indépendance sociale.

Tout au long de sa vie l'individu va se créer une identité propre en additionnant plusieurs identités en fonction des groupes sociaux auxquels il appartient. Il est important de souligner le fait que, dans certains cas, ces individus `' croient `' avoir en eux-mêmes toutes les fonctions nécessaires pour assurer leur indépendance sociale. Nous ne pouvons pas ignorer l'influence implicite ou non des institutions `' physiques `' que l'individu côtoie et côtoiera dans sa vie. Cette façon de voir les choses est parfaitement synthétisée par la phrase de Martucceli Danilo : `' les individus deviennent des individus `'.2

Par cette première étude, j'ai mis en lumière la mutation de la société et de l'individu, tous deux prônant une transformation vers l'individualisme. Prendre du

1 CASTEL Robertl, 2009, La montée des incertitudes, Paris, Seuil, p.134

2 MARTUCCELI Danil, op. cit, p.6

18

recul pour analyser à une plus grande échelle l'évolution socio-culturelle nous aidera à comprendre, plus tard dans cette recherche, l'individu plus jeune qui se construit au travers de ce processus de mutation de la société.

A cette société du 21ème siècle s'ajoute la nouveauté de la 3ème mondialisation, celle d'internet et du Web Social (Web 2.0) d'autant plus liée à cette singularité de l'individu des sociétés modernes.

I.1.2. Le processus de socialisation dans la création de l'identité.

Dans cette recherche, il est important de définir en quelques lignes le processus de création de l'identité de l'individu pour la mettre en lien avec Facebook afin de comprendre l'usage de ce réseau social chez les jeunes.

Pour comprendre le processus de création de l'identité de l'individu j'évoquerai, en premier lieu, l'un des grands noms de la sociologie du 20ème siècle, Pierre Bourdieu. En effet, il est essentiel de définir la théorie de la socialisation élaborée par Bourdieu.

Tout d'abord, celui-ci souligne que l'individu vivra différents moments de socialisation qui ne sont pas équivalents. Sa première socialisation dite `' primaire `'1 découle de l'institution familiale, souvent issue du milieu socioprofessionnel des parents, qui fait référence au début de sa vie et qui provient de la première éducation.

Durant cette période une vision du monde lui est véhiculée, celle-ci est forte est restera plus ou moins ancrée dans son esprit toute sa vie. La socialisation `' primaire `' va s'additionner à d'autres références provenant d'autres institutions comme l'école, la religion, les groupes de pairs ou son univers professionnel qui vont construire, à leur tour, son identité en continu jusqu'à sa mort. Pierre Bourdieu définit celle-ci comme `' socialisation secondaire `'.

1 Pierre Bourdieu, Le sens pratique, Paris, Edition de Minuit coll. `'Le Sens Commun», 1980, 475p

En sociologie, un habitus désigne une manière d'être, une allure générale, une tenue, une disposition d'esprit.

19

La `' socialisation primaire `', d'après l'auteur, est précoce, intense, durable et pendant un certain temps, sans concurrence. Pendant `'la seconde socialisation `', administrée par l'école et les groupes institutionnels que l'individu côtoiera tout au long sa vie, sa `'socialisation primaire `' et ce que celle-ci lui aura inculqué sera plus ou moins présente dans sa vie d'adulte.

Etudiant les jeunes de 15 ans à 29 ans, il me semble important d'évoquer cette précision sur l'impact de la `'socialisation primaire `' dont aura à faire l'individu mais aussi la transition du passage de l'âge enfant à l'âge adulte afin de comprendre leur comportement face aux nouvelles technologies de l'information et de la communication et plus précisément les réseaux sociaux qui proposent une liberté totale d' `' expression de soi `' à l'individu.

Durant l'adolescence, phase de croissance et de développement entre l'enfance et l'âge adulte, l'individu fait face à une perspective longue qui englobe non seulement la maturation physique mais aussi les aspects psychologiques, socio éducatifs de cette évolution. Pour autant, nous pouvons penser que `' la socialisation primaire `' et les `' habitus `' que l'individu a connu au début de sa vie persisteront implicitement pendant son adolescence dans les choix qu'il entreprendra pour son avenir.

La construction identitaire s'apparente donc à un processus dynamique qui mettrait en relation deux processus contradictoires : d'une part, celui de la conformité à un ordre institutionnel des choses et le monde social intériorisé et, d'autre part, celui de la différentiation plus ou moins prononcée vis-à-vis d'un tel monde ou d'un tel ordre. Cette théorie de La construction sociale de la réalité1, de Berger et Luckmann va plus loin et reprend les types de socialisation primaire et secondaire de Pierre Bourdieu en mettant en avant des processus beaucoup plus complexes mais pour autant indissociables.

Berger et Luckmann proposent donc une théorie plus générale de la société, envisagée comme un ensemble de données construites par des acteurs individuels et collectifs. S'inscrivant dans les perspectives de phénoménologie, élaborées par le

1 BERGER Peter L. Berger et LUCKMANN Thomas, La construction sociale de la réalité, Armand Colin, 1997, 296.p

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sociologue de la connaissance Alfred Schüts (1967), les auteurs développent l'idée centrale selon laquelle la socialisation est, à la fois, immersion dans un monde vécu et connaissances forgées sur ce monde. C'est dans ce cas que nous pouvons affirmer que cette vision n'est pas fondée exclusivement sur les structures sociales comme le prône Pierre Bourdieu.

Toutefois, selon la théorie de George H. Mead1, la formation de l'identité reste étroitement liée au processus de socialisation qui l'a nourri à travers une dualisation entre la tendance à l'adaptation et la tendance à l'affirmation. Rappelons que la `'socialisation primaire `' évoqué par Bourdieu, s'apparente à l'appréhension du monde social, en tant que réalité signifiante par le biais de l'institution familiale. La `' socialisation secondaire `' permet à l'individu, déjà socialisé, d'absorber de nouvelles réalités liées à son investissement dans de nouveaux secteurs de la vie sociale.

« La socialisation secondaire est l'intériorisation de « sous-monde »

institutionnels ou basés sur des institutions. »2

Cette définition proposée par par Berger et Luckmann reste classique. Cependant, les auteurs évoquent une complexification du processus. Pour eux, la condition sociale et les socialisateurs ont leur influence.

« L'enfant des classes inferieures absorbe-t-il une perspective propre à sa classe sur le monde social, mais selon une coloration idiosyncrasique3 donnée par ses parents (ou par tout individu qui s'occupe de sa socialisation primaire). En conséquence, l'enfant des classes inférieures finira non seulement par habiter un mode très différent de celui des enfants des classes supérieures, mais aussi par se différencier de son voisin qui appartient pourtant à la même classe que lui. »4

Si nous prenons en considération que la socialisation primaire reste importante et ancrée dans ce qui va commanditer le comportement de l'individu, nous pouvons, toutefois, préciser que la socialisation s'établit en permanence, ce qui

1 MEAD George H., 2006, L'esprit, le soi et la société, Lien Social, 434.p, p24

2 BERGER P.L , LUCKMANN T, op. cit., p.15

3 Dictionnaire de français LAROUSSE : « Manière d'être particulière à chaque individu qui l'amène à avoir tel type de réaction, de comportement qui lui est propre. »

4 BERGER P.L , LUCKMANN T, op. cit., p.15

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relativise le poids attribué à la socialisation des premières années de la vie de l'individu et agit sur le réaménagement identitaire pendant l'adolescence de l'individu puis dans sa vie d'adulte.

« L'intériorisation de la société, l'identité et la réalité ne sont pas des données définies une fois pour toute, ni en une fois. La socialisation totale n'est jamais terminée. » 1

En outre, nous pouvons comprendre que le processus de socialisation dépend de plusieurs facteurs plus ou moins importants à prendre en compte. Par ces théories, nous pouvons évoquer le fait que le comportement de l'individu sur Facebook et internet en général serait plus ou moins influencé par la socialisation que celui-ci aura connu depuis le début de sa vie. Toutefois, celle-ci continuera à agir tout au long de sa vie.

I.1.3. Le pouvoir de l'avènement des TIC et de l'Internet

L'avènement des nouvelles technologies de l'information et de la communication reprend et appuie cette vision de l'individu « par excès » et cette transition du passage de l'individu enfant à l'individu adulte, en proposant un dispositif comprenant une logique informationnelle et une logique communicationnelle à travers l'interaction des usagers et une réduction de l'espace-temps.

En effet, Internet offre l'opportunité d'avoir recours à de l'information instantanée et partout dans le monde. Ce dispositif est en parfaite adéquation avec l'individu `' par-excès `' dans notre société moderne.

Les réseaux sociaux offrent la possibilité de devenir émetteur de son propre contenu et permet de le rendre public. Avec les dispositifs que proposent les réseaux sociaux, les frontières entre l'enfant et l'adulte sont plus qu'incertaines. Ce qui était autrefois diffusé par les institutions n'a plus de cadre et perd son pouvoir dans l'éducation des adolescents. Durant cette phase de la vie, l'individu a besoin de s'affirmer en tant que futur adulte. C'est à ce moment-là que l'enfant adopte un

1 BERGER P.L , LUCKMANN T, op. cit. p.15

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comportement qui suscite la création d'une identité singulière propre à son image, ou à ce qu'il veut véhiculer comme image.

Pourtant celui-ci est dans une période importante de sa vie pendant laquelle il n'a pas forcément toutes les ressources nécessaires pour pourvoir assurer son autonomie sans danger. Avec cette volonté de revendiquer une certaine identité et donc une image de soi, Monique Dagnaud définit ces jeunes individus comme :

« La génération `'je m'exprime par l'image» »1

Ces nouveaux dispositifs engendrent une fracture entre les missions d'éducation des institutions et facilite la possibilité d'une certaine liberté à exprimer son identité facilement et publiquement. David Buckingham ira jusqu'à évoquer `' la mort de l'enfance»2 par cette fracture qu'internet et les réseaux sociaux infligent aux adolescents. Pour lui, les enfants n'ont plus qu'un pas à faire pour s'immerger dans la vie d'adulte avec ces dispositifs.

Les Technologies de l'Information et de la Communication et notamment les réseaux sociaux offrent aux jeunes la possibilité de franchir le cap dans la prise d'autonomie. `'La culture de la chambre»3 définie par Hervé Gléverac illustre la communication par le biais des technologies chez l'adolescent et marque le premier pas de l'individuation hors du cocon familial.

Jamais les défis posés par les évolutions techniques sociétales n'ont été aussi immenses pour les institutions éducatives. Comment combiner les potentialités des Technologies de l'Information et de la Communication et des réseaux sociaux avec les missions fondamentales de l'école ou de la famille, telles que la transmission des savoirs et de la formation d'individus à l'autonomie intellectuelle et cognitive ?

1 DAGNAUD Monique, op. cit. p.08

2 BUCKINGHAM David, 2010, La mort de l'enfance. Grandir à l'âge des médias, Paris INA/Armand Colin, p.40-42

3 GLAVEREC Hervé, 2009, La Culture de la chambre. Préadolescence et culture contemporaine dans l'espace familial, Paris, La documentation française, p110-128

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Joshua Meyrowit1 affirme que les médias modernes modifient profondément les conditions d'apprentissage et d'appréhension du monde, plongeant les enfants à un âge précoce dans l'univers des adultes et entraînent dès lors un réaménagement des relations qui unissent les jeunes et leurs éducateurs (parents, enseignants).

L'avènement des nouvelles technologies appuie cet effet de transition précoce chez les enfants. L'éducation scolaire ne se fait plus par paliers avec une certaine hiérarchie d'apprentissage. Le savoir est aujourd'hui hétérogène car les sources d'informations sont véhiculées par d'autres institutions que l'école très tôt. Joshua Meyrowitz évoque :

« Les enfants continuent à passer par une succession de phases cognitives et psychologiques, mais les stades sociaux d'exposition à l'information ont été brouillés. »

Si l'individu reçoit une éducation dans sa socialisation toute sa vie à travers ses expériences, les groupes qu'il côtoie et ses différentes identités, tout en connaissant un court-circuit dans sa formation pour devenir un individu, nous pouvons affirmer que celui-ci n'aura peut-être pas toutes les clefs en main pour devenir indépendant sans se faire piéger et influencer par les nouveaux dispositifs que propose le Web 2.0.

Si à cela s'ajoute le fait que l'individu entre dans la vie d'adulte en ignorant les différentes étapes par lesquelles passe l'enfant pour se construire en tant qu'adulte, nous pourrions penser que les réseaux sociaux offrent une opportunité de s'initier à la vie d'adulte en un clic et de se créer sa propre identité à l'âge où l'on veut s'émanciper et s'affirmer en tant qu'adulte.

D'après les théories abordées précédemment nous pouvons donc constater l'impact des deux socialisations énoncées par Bourdieu et l'importance de la socialisation primaire, qui d'après lui, permet un fondement plus ou moins solide qui influera sur le comportement de l'individu autant dans la vie réelle que dans la vie virtuelle, et plus particulièrement d'un jeune en pleine construction de son identité.

1 MEYROWITZ Joshua, 1985, No Sens of Place. The impact of Electronic Media on Behaviou, Oxford, Oxford University Press

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Par cette analyse, nous pouvons mettre en lumière la difficulté qu'entraînent les Technologies de l'Information et la Communication (TIC) pour les instances éducatives. Les raccourcis qu'impose Internet à l'éducation pourrait au mieux provoquer une maturité précoce, au pire représenter un réel danger

Toutefois, le comportement des jeunes sur internet et sur les réseaux sociaux dépend de plusieurs facteurs dont l'importance de la socialisation primaire que l'individu reçoit dès le plus jeune âge. Les parents ont donc une certaine responsabilité face à cet avènement de l'internet et des TIC qui n'est pas pour autant reconnu par tous.

I.2. Facebook, un dispositif permettant la liberté à « la
génération `'je m'exprime par l'image» ».

I.2.1. Un lien étroit entre la société et les réseaux sociaux

Lors de la première vague du Web à partir de 1994 - 1995, le mot d'ordre fut `' le contenu est roi `'. Un changement entre le Web 1.0, dont les capacités d'exploitation étaient plus concentrées sur la diffusion d'informations en masse à travers un réseau multipliant les possibilités d'accès libre à la culture a eu lieu avec le passage au Web 2.0 qui ajoute à l'échange, la possibilité d'interagir et de partager. C'est la naissance du Web Social. Pouvons-nous pour autant parler de Web Social en évoquant un dispositif virtuel ?

Précédemment j'ai défini les caractéristiques de la mutation de la société ainsi que celle de l'individu social pour comprendre le lien entre les individus du 21ème et les réseaux sociaux. J'ai évoqué des théories de la société réelle car, en effet, le lien entre le comportement de l'individu d'une société et son comportement au travers d'un écran virtuel n'est pas aussi éloigné que ce que l'on pourrait penser.

Un réseau social implique des faits sociaux mais nous ne pouvons pas pour autant définir un fait dans le monde virtuel comme nous l'entendons dans la vie réelle. Pourtant, de nombreuses similitudes existent dans ces réseaux virtuels car nous pouvons affirmer qu'ils permettent de reproduire dans un certain sens, des

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comportements que l'on retrouve dans une société physique. Nous parlons d'interactions qui suscitent la présence d'au moins deux personnes pour qu'un fait social existe. Le développement de nouveaux médias de communication a ainsi donné naissance à une nouvelle forme de publicité déspécialisée liée à la forme intime de présentation de soi et libérée des contraintes de la coprésence. Ces conditions ont favorisé l'émergence de ce que John B Thompson appelle `' La société de révélation de soi `' 1. Une société dans laquelle il devient possible, et de plus en plus habituel, pour les individus d'apparaitre devant des spectateurs éloignés et de mettre à nu quelques aspects de leur `'moi `' ou de leur vie professionnelle.

Pour reprendre le lien entre un fait social dans une société physique et les réseaux sociaux virtuels John B. Thompson évoquera une nouvelle forme de publicité. Le caractère public des individus, des actions ou des évènements ne dépend plus du partage d'un même espace. La publicité d'une action ou d'un événement est assurée par son enregistrement et sa diffusion pour des personnes qui ne sont pas physiquement présentes au moment et sur les lieux de son déroulement. Pourtant cette nouvelle forme de publicité n'a pas pour autant effacé la publicité traditionnelle. Celle-ci continue à jouer un rôle important dans les sociétés modernes, comme le prouve les réunions publiques, les manifestations de masse, les débats politiques en face à face.

I.2.2. Le principe de fonctionnement des réseaux sociaux et de Facebook

La révolution numérique ne cesse de se développer dans nos sociétés modernes et s'impose de plus en plus dans la vie des individus que cela soit professionnellement ou personnellement. Aujourd'hui, le Web s'est imposé dans notre esprit et dans nos habitudes, en proposant la plus grande base de documents du monde, disponible du bout des doigts, c'est-à-dire qu'il permet l'interaction et la diffusion de l'interaction.

1 THOMPSON John B, 2000, Communiquer à l'ère des réseaux (n°100), Transformation de la visibilité, p187-215

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D'après Danah Boyd et Nicole Ellison, les services des réseaux sociaux se définissent comme étant des services web qui permettent aux individus de construire un profil public ou semi-public dans le cadre d'un système délimité tout en organisant une liste d'autres utilisateurs avec lesquels ils partagent des relations. Enfin, ils permettent aussi de voir et de croiser leurs listes de relations et celles créées par d'autres.

C'est alors que la `' liste d'amis `' qui se développerait progressivement serait le principal outil de navigation sur un réseau social. Dominique Cardon évoque ce principe en le comparant à la Théorie des `' 6 degrés de séparation `' vérifié par Stanley Milgram dans `'La théorie du Petit Monde `' L'expérimentation sur `' Les six degrés de séparation `' serait aujourd'hui réduite à une moyenne de 4,74 personnes avant qu'un message ne parvienne au destinataire final sur les réseaux sociaux. 1.

Les nouvelles technologies et les environnements numériques, dont font partie les réseaux sociaux et notamment Facebook, ont bouleversé nos comportements et ce, au niveau spatio-temporel, comportemental, cognitif, économique et sociétal. Il est important de comprendre le fonctionnement des réseaux sociaux avant d'étudier et d'analyser l'usage des jeunes sur Facebook. C'est pourquoi je m'appuierai sur un article de Dominique Cardon qui m'a permis de comprendre le fonctionnement de l'algorithme de Facebook pour le mettre en lien avec le comportement des jeunes individus.

Dominique Cardon, dans son article `' Du lien au like sur Internet `'2 évoquera les deux grandes différences de mesure de réputation sur internet. Il explique, tout d'abord le PageRank, l'algorithme du moteur de recherche Google qui mesure l'impact d'une page à travers ces liens, et le Edgerank de Facebook, qui mesure les likes autour d'un contenu.

1 MILGRAM Stanley met en place une expérimentation en 1967 s'inspirant de la théorie des « Six degrés de séparation » qu'il nomme « Le phénomène du Petit Monde ». Celle-ci consiste à confier une lettre à un échantillon de trois cents personnes américaines, leur demandant de la faire parvenir à un même destinataire précis. Les consignes sont de ne pas passer par la voie postale et confier la lettre à une personne susceptible de connaitre le destinataire. Lorsque la lettre arrive au destinataire final, celle-ci est passée entre cinq et six personnes en moyenne.

2 CARDON Dominique, 2013, « Du lien au like sur Internet. Deux mesures de la réputation », Communications 2013/2 (n°93), p. 173 - 186.

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Le PageRank existe depuis l'origine de Google, celui-ci permet la mesure de contenus qui étaient à l'époque diffusés par les pionniers d'internet ou par des individus ayant les capacités intellectuelles pour créer et diffuser du contenu à travers l'hypertexte ou les flux.

Aujourd'hui, à l'heure du Web Social, le Edgerank permet de mesurer le contenu de tout individu étant émetteur d'informations sur les réseaux sociaux par exemple. Différents dispositifs ont été mis en place comme le `'like» ou les commentaires permettant à chacun de s'exprimer.

Ces petits éléments qui paraissent anodins divulguent pourtant un grand nombre d'informations sur les internautes qui les utilisent.

De façon implicite, l'algorithme de Facebook considère que, selon une loi d'homophilie fréquemment observée dans les travaux de sociologie des pratiques culturelles, la proximité relationnelle est un bon outil d'approximation des goûts partagés. L'Edgerank personnalise pour chaque utilisateur le flux d'informations qu'il filtre à partir des publications de ses `'amis `'. La réputation d'une page, d'une image ou même d'un article est mesurée en partie grâce à ces nouveaux dispositifs qui ne cessent d'évoluer pour être de plus en plus pertinents sur les informations du profil des individus qui les mettent en fonction.

Pour résumer, l'algorithme de Facebook met en place un traçage des profils par rapport aux goûts des individus. Ces données sont donc une aubaine pour les marques afin d'atteindre leurs cibles.

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Cette opportunité qu'a chacun de devenir son propre émetteur et diffuseur de son contenu rapproche considérablement l'écriture en ligne des formes oralisées de la conversation ordinaire. Nous pourrions penser que cette simple mutation rapproche la réalité et le virtuel tout en laissant une place prépondérante à la subjectivité. D'ailleurs Eli Pariser écrit :

« Que Facebook ait choisit « Like » plutôt que, par exemple, « Important », est une petite décision dans le design du site qui a des conséquences lointaines bien plus importantes. »1

Facebook, ou du moins son algorithme, classe des jugements subjectifs que s'échangent des personnes liées par des relations d'affinité (la liste d'amis).

De plus, cette transformation des services et du design des sites est guidée par l'évolution des rapports de forces sociaux et culturels entre les différents publics. Dominique Cardon ajoute que :

« Cet élargissement du Web à des publics plus jeunes, davantage dispersés géographiquement et plus `'populaires» s'est aussi « payé » par un abaissement de la contrainte de distanciation que l'espace public traditionnel impose à la prise de parole des individus. »

C'est alors une nouvelle manière de construire la réputation qui fait jour en s'appuyant moins sur le mérite que sur la quête de visibilité. Cette fonctionnalité qui se cache derrière un design est donc une belle opportunité pour les entreprises privées ou politiques de pouvoir tracer les profils susceptibles de consommer. Avec un éventail de stratégies marketing ayant pour destinataire la jeunesse dynamique et connectée, il parait logique que Facebook apparaisse comme un outil de marketing important pour les marques.

1PARISIER Eli, 2011, The filter Bubble. What the Internet is Hinding from You, New York , The Penguin Press, p.149

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I.2.3. Génération Y, une culture de l'identité numérique

Aujourd'hui, avec l'avènement des nouvelles technologies de l'information et de la communication dans nos sociétés, le changement de nos comportements, qu'il soit volontaire ou involontaire, est donc incontournable. Ce rapport au digital et à l'Internet s'introduit dans le quotidien des individus.

Pour comprendre la sociologie des usages des individus aujourd'hui, les sociologues américains ont divisé le 20ième siècle en cinq générations. Le principe même de ce concept est de faire de l'âge le facteur essentiel de l'identité. Ce principe repose sur une nouvelle conception du temps dans lequel la jeunesse est valorisée car elle est plus adaptable aux innovations technologiques et digitales, étant donné qu'elle a grandi avec l'avènement du Web Social.

Toutefois, je tiens à souligner que le fait de catégoriser une génération par rapport à son âge n'est pas vraiment objectif. La culture d'un individu ou même son identité provient assurément de plusieurs éléments importants à prendre en compte en plus de l'âge comme j'ai pu l'évoquer précédemment dans le processus de socialisation.

Cependant, Monique Dagnaud, dans son livre qui s'intitule `' la Génération Y, Les jeunes et les réseaux sociaux de la dérision à la subversion `' 1 évoque cette génération dite `' Y `' pour regrouper les jeunes nés avec le Web Social. Dans cette étude j'utilise le même terme qu'elle afin de catégoriser ces jeunes tout en ayant conscience de la subjectivité de cette définition.

Comment caractériser la culture adolescente sur le Web 2.0 ? Blog ou réseaux sociaux sont très éloignés de l'exploration intérieure conduite dans les journaux intimes, explique Monique Dagnaud2. Elle précise que les jeunes y travaillent plutôt leur image de soi qu'une recherche d'explication de soi.

Irwin Altman précise :

1 Monique Dagnaud, op. p.08

2 Ibid.

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« La réflexivité demeure mais l'internaute ne perd jamais à l'esprit que sa subjectivité va être publicisé et qu'elle doit être affinée sous un angle original. »1

Dominique Cardon parle, lui, d' `' extériorisation et de simulation de soi `'2.

En effet, il est utile de décomposer les différents traits qu'un individu peut être amené à rendre visible sur les réseaux sociaux. Le design de l'identité dans l'espace numérique présente un caractère beaucoup plus stratégique que la `' gestion de la face `' ou `' le management des impressions `' et font preuve dans les interactions face à face. La présentation de soi sur le Web articule étroitement les instructions des interfaces d'enregistrement et les calculs que font les utilisateurs pour produire la meilleure impression d'eux même.

L'identité numérique serait alors une coproduction où se rencontre les stratégies des plateformes et les tactiques des utilisateurs. Il n'est pas nécessaire de postuler d'emblée la pluralité d'un individu à facettes multiples, pour observer que les différents éléments de l'identité personnelle appartiennent à des familles de repères identitaires très différents et que le seul fait de `' choisir `' entre ces familles contribue à produire des définitions différentes de la personne.

Aujourd'hui, l'identité numérique serait soumise à un double mouvement d'extériorisation de soi dans des signes et des réglages réflexifs de la distance à soi.

Une étude de l'IFOP3 en 2010 montre que les jeunes de 18 et 24 ans sont adeptes d'une certaine transparence : 85% mettent en ligne leur nom de famille, 86% déposent des photographies d'eux-mêmes, 65% des photos de leurs proches, 79 % y dévoilent leurs passions ou leurs intérêts personnels, 51% dévoilent leur orientation sexuelle et 42% y mettent leur CV. En 2010, tous ces scores ont chuté après 25 ans et se réduisent au fur et à mesure. Ces données personnelles sont par ailleurs rendues visibles aux seuls amis pour 43 % des 18 à 24 ans - un chiffre supérieur aux autres catégories d'âge.

1 ALTMAN Irwin, 1975, The Environment and Social Behavior, Monterey (Calif.), Brook/Cole

2 CARDON Dominique, 2008, « Le design de la visibilité », Réseaux sociaux, p152

3 Source Etude IFOP 2010 sur les réseaux sociaux.

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Les adolescents se construiraient donc une identité `' trompe-l'oeil `' par le biais du design et des opportunités que leur propose Facebook, c'est-à-dire les `' likes`', le partage, les commentaires mais aussi les discussions instantanées.

Pour autant, cette génération, qui a été longtemps connotée comme une génération égocentrique publiant sur son mur, a été devancée par une définition différente parmi trois grandes catégories de profil sur Facebook. Un article de Le Monde1 paru en 2015 met à l'appui l'étude de 12 700 pages Facebook par des chercheurs et notamment le sociologue Dominique Cardon. Cette étude bouleverse les idées reçues et les études précédentes en mettant en lumière le fait que les jeunes ne sont pas majoritairement ceux qui publient à tout va et qui sont soucieux de l'image qu'ils renvoient.

Ces renseignements proviennent d'une première étude du projet Algopol lancée en 2013 par un collège de chercheurs dont le sociologue Dominique Cardon. Les participants à l'analyse ont pu ensuite voir le tracé de leurs échanges de données. Il s'avère qu'après plusieurs mois de recherches et d'analyses trois grandes catégories de profils sont apparues : `' publier chez soi `', `' publier chez les autres `' et `'regarder sans publier `'.

A la grande surprise des chercheurs la catégorie des jeunes dite `' égocentrique `' en quête de visibilité ne représentent que 15% de l'échantillon global, c'est la plus petite part des catégories analysées. Les plus jeunes font en réalité partie de la catégorie `' publier chez les autres `' d'après cette étude. Dominique Cardon interprétera cet usage comme `' une forme de chat `'. Il représente 30 % des usagers et ce sont les plus jeunes, soit une part de la génération Y et une part de la Génération Z.

Enfin, le sociologue met en lumière la première catégorie d'usager qu'il dit être souvent oubliée dans les recherches sur l'usage de Facebook. Ce sont les spectateurs et partageurs qui s'apparentent à une activité de veille passive sur Facebook.

1 http://www.lemonde.fr/pixels/article/2015/04/17/une-etude-revele-les-trois-grands-profils-d-utilisateurs-sur-facebook_4618227_4408996.html

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Après cette première conclusion fragile par la subjectivité des résultats et un échantillon se réduisant à 12 700 personnes sur un réseau social qui compte des millions d'utilisateurs, les chercheurs ont pu établir une cartographie des goûts de chacun avant que Facebook n'améliore ces paramètres de sécurité.

« C'est à notre connaissance la première carte du Web obtenue depuis les usages d'un réseau social. Auparavant ce genre de cartes était construit sur les liens hypertextes présents sur ces sites », souligne Dominique Cardon.

Une fois cette carte obtenue, il est possible d'y accoler les typologies repérées ou les catégories socioprofessionnelles. Ce qui donne des nuages violets plus ou moins intenses dans les régions de la carte très `' partagées `'.

Les professions libérales et intellectuelles partagent ainsi beaucoup de liens d'informations en provenance des médias de référence étrangers, mais peu issus de la sphère des médias grand public, contrairement aux ouvriers et employés. Ces derniers apprécient aussi les sites de mobilisation et de pétitions comme www.change.org, ou de loisirs (sport, vidéos, etc.)

I.3. Les limites des réseaux sociaux et du Web 2.0 chez les

jeunes

I.3.1. Quand le harcèlement devient virtuel

Toute cette analyse théorique de la société, des jeunes et du fonctionnement des réseaux sociaux nous mène à nous poser de nombreuses questions. Les TIC ont été le sujet de nombreuses critiques négatives à propos des violations de la vie privée au profit des lobbies ou du cyber harcèlement.

Ces nouvelles technologies et ces dispositifs qu'elles nous proposent ont évolué tellement rapidement que la société semble être dépassée.

L'être humain n'aime pas forcément le changement, peut-être par peur de l'inconnu et de non contrôle des choses. Le grand boom des TIC aurait-il, pour autant,

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changé beaucoup de choses au niveau du fond par rapport à la forme de nos comportements ?

J'ai précisé précédemment que les réseaux sociaux représentaient une sorte de reflet de la société dans lequel chacun avait l'opportunité de façonner l'image qu'il renvoie selon ces envies. Cependant, chaque utilisateur, surtout chez les jeunes, ne possède pas forcément toutes les connaissances pour se protéger entièrement face à la puissance d'internet et de l'algorithme de Facebook.

En s'exprimant sur les réseaux sociaux les jeunes n'ont pas forcément conscience des dangers auxquels ils s'exposent. Monique Dagnaud évoque le synopsis d'une attaque massive qui s'est passée aux Etats Unis en 2010 contre une préadolescente de 11 ans définie par le pseudonyme Jessi Slaughter, `' slaughter `' signifiant massacre en anglais.1

Commençant par le partage d'une simple vidéo dont elle est l'auteure, Jessi y exprime ses goûts musicaux, ses passions et plus particulièrement son admiration pour le groupe Blood on the Dancefloor. De cette vidéo se répand la rumeur qu'elle aurait eu un rapport sexuel avec le chanteur du groupe avec qui elle a une photo qu'elle aurait posté sur les réseaux sociaux. Inconsciente de la diffusion massive et rapide qu'engendrent les dispositifs d'internet, la jeune fille répond aux rumeurs en accusant ses détracteurs d'être jaloux dans un langage particulièrement grossier. S'en suit un harcèlement perpétuel envers Jessi. Ses adresses internet, son compte Facebook en particulier et ses données personnelles sont divulguées. Des centaines de commandes sont passées à son nom et elle reçoit des menaces de mort. La famille se mêle de l'affaire toujours dans des échanges virtuels, pour ensuite être placée sous protection judiciaire par les autorités américaines. Cette affaire dépasse les frontières et on en parle dans le monde entier en ouvrant le débat sur la protection des données sur le web. Après une absence sur internet de quelques mois ce cauchemar disparait de la toile, comme si cette affaire n'avait jamais eu lieu.

1 DAGNAUD Monique, op. cit. p.9

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Comment peut-on passer d'une simple vidéo à une affaire aussi violente et dépassant le virtuel, puis qui devient inexistante quelques mois après ? Cette question a ouvert de nombreux débats sur la puissance d'internet et des réseaux sociaux.

D'après cette histoire, nous pouvons affirmer qu'internet et les réseaux sociaux présentent un danger réel potentiel sur la violation de la vie privée et que les jeunes insouciants peuvent en être les premières victimes. Ce dispositif, promulguant l'instantanéité et le partage massif peut prendre des proportions inimaginables partant de problèmes quotidiens, peu importants et privés.

Tout d'abord, comme je l'ai mis en lumière plusieurs fois, la tranche d'âge et le passage de l'individu de l'enfance à l'âge adulte implique un comportement d'émancipation du cocon familial. Cette volonté d'être adulte pendant l'adolescence est une période particulière dans la vie de l'individu. S'ajoutent à cela les médias. Philip Jenkins évoque ce fait divers comme `' une panique morale `'1 , expression qui dans la littérature sociologique désigne l'exagération par les médias d'un phénomène social et l'accaparement du débat par des personnes comptant sur une posture morale.

En 2010, une étude2 menée dans 25 pays européens auprès des jeunes de 9 à 16 ans incite à relativiser les dangers d'internet : 12% d'entre eux affirment avoir été confrontés à quelque chose qui les a gênés ou bouleversés au cours de leur navigation et 5% disent avoir été insultés ou harcelés.

Ce n'est donc pas une expérience rare puisque, d'après cette étude, 19% des jeunes disent avoir connu ce problème dans ou hors de l'internet.

C'est donc dans les rapports adolescents que règne cette violence. Le web stimulerait ou prolongerai cette violence qui existe dans la vie réelle des jeunes. Cela serait donc un stimulus plus simple et plus rapide des moeurs qui existent dans la réalité, d'où la facilité pour une simple histoire de devenir une polémique nationale voire internationale.

1 JENKINS Philip, 1992, Intimate Ennemies. Moral Panic in Contempory Great Britain, New York, Aldine de Gruyster

2 « Riskand Safety on the Internet, The perspective of EuropeanChildren », The London School of Economics and Political Science , 2010

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I.3.2. Le développement de l'isolement social

« Les situations objectives d'isolement sont actuellement mal connues, notamment à cause de l'imprécision des définitions. Les chercheurs qui travaillent sur le sentiment de solitude ont donc tendance à séparer le vécu subjectif des contextes sociaux dans lesquels sont inscrits les solitaires, d'autant qu'il peut sembler qu'il n'y ait pas de corrélation entre isolement et solitude. » explique Jean-Claude Kaufmann1.

Ici, nous entendons que l'isolement ne s'apparente pas forcément à une personne seule, mais plutôt à un état d'esprit qui peut être le résultat de nombreuses causes sociales. S'ajoute à cela le regard que l'individu porte sur sa propre situation et de son jugement de la solitude. De plus, la notion de sociabilité en sociologie se réfère aux relations que les individus entretiennent entre eux :

«Le tissu des relations entre chaque individu constitue le fondement de la société » évoque Norbert Elias2.

Toutefois, selon Forsé pour analyser la sociabilité, `' il ne s'agit pas de mettre en évidence la sociabilité comme qualité intrinsèque des individus mais de montrer les relations qu'un individu entretient avec autrui, varient en grande partie selon des facteurs sociaux, économiques, ou démographiques. `'

Facebook, qui fonctionne sur les relations et l'interaction entre celles-ci, reproduit, en quelque sorte, cette sociabilité au niveau virtuel.

Pour Casilli, les réseaux sociaux, grâce à leurs fonctionnalités, deviennent une nouvelle façon d'interagir et permettent la socialisation :

« On assiste plus vraisemblablement à une reconfiguration de la manière d'être ensemble et de vivre en société en permettant à chacun de choisir les bonnes distances à établir avec les autres plutôt qu'à une érosion de la socialité. Les réseaux sociaux

1 KAUFMANN Jean-Claude, 1993, Célibat, ménage d'une personne, isolement, solitude : un état des savoirs, rapport pour la Commission des Communautés Européennes, 227p, p56

2 ELIAS Norbert, 2000, Pour une sociologie non-normative, L'Harmattan, p. 127-141

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permettent d'ailleurs de diversifier les moyens d'être en relation avec les autres. Les réseaux sociaux permettent d'augmenter les interactions avec des personnes que l'on fréquente habituellement dans la vie réelle mais permettent également de cultiver des relations occasionnelles, distantes ou éphémères. »1

Pour autant, pouvons-nous en conclure que suivant le capital social de l'individu sur Facebook celui-ci est en possession d'une sociabilité plus ou moins dense ? De plus, est-ce qu'un individu qui a 300 `' amis `' sur Facebook est forcément un individu qui ne ressent pas la solitude ou l'isolement ?

Partant du principe que le sentiment de solitude est très subjectif, dans un couple, l'un des deux individus peut se sentir complètement isolé : c'est ce que l'on peut retrouver aussi chez les jeunes avec leurs relations virtuelles sur les réseaux sociaux.

Dantchev2 évoque le cycle de vie, dont la période dans laquelle l'individu se trouve, alimente plus moins ce sentiment d'isolement et de solitude. C'est pourquoi la solitude est fréquente et profonde à l'adolescence, en dehors de la situation d'isolement caractérisée. Le cycle de vie correspond à une accentuation de l'autonomie individuelle, nécessaire à la construction identitaire. Ce processus atteindrait son apogée lorsque changent les repères de la socialisation « primaire » d'après Dantchev. Alors, les réseaux sociaux et Facebook seraient des outils pour remédier à ce sentiment de solitude chez les jeunes, d'où cette promotion de l'image de soi que revendique Monique Dagnaud3.

Pour autant, nous pourrions penser que derrière tous ces affichages et publications sur les réseaux sociaux, se cache un sentiment d'isolement et de solitude chez certains adolescents.

Cet isolement ou vie virtuelle qu'engendrent les réseaux sociaux peut s'avérer dangereuse par le fait qu'elle propose une forme d'isolement social dans la vie réelle. A cela s'ajoute en général toutes les nouveaux supports médiatiques (jeux vidéo,

1 CASILLI Antonio. A., 2010, Les liaisons numériques, vers une nouvelle sociabilité ?, Éditions du Seuil, Paris. 334p, p223-242

2 DANTCHEV Nicolas, 1986, L'adolescent parmi les autres, Information Sociales, n°3, p37-p41

3 DAGNAUD Monique, op. cit. p.08

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programmes télévisuels, séries télévisées, etc). Cette théorie nous ramène à celle de Hervé Glévarec sur la culture de la chambre 1 . Celle-ci s'apparente à une individualisation des pratiques culturelles chez les jeunes avec l'utilisation des nouveaux outils médiatiques et technologiques. L'étude du chercheur démontre un isolement des préadolescents dans la vie domestique familiale. En résumé, le jeune adolescent s'enferme dans sa chambre et se distrait à travers les nouvelles technologies de l'information et de la communication, soit internet et les réseaux sociaux.

Cet isolement volontaire du préadolescent semble être logique à l'âge où l'individu s'émancipe de sa place d'enfant et veut se revendiquer en tant qu'adulte. Pour autant, un isolement virtuel sur les réseaux sociaux peut entraîner un isolement réel mais aussi un danger pour les plus jeunes.

En effet, contrairement à la télévision qui peut se regarder en famille, d'après Hervé Glévarec, le Web fait souvent l'objet d'une appropriation individuelle dans l'espace privée des jeunes. D'ailleurs, beaucoup de parents en sont mis à l'écart. Les jeunes parlent peu de leurs parents et n'ont souvent aucun lien avec eux dans le virtuel. Pourtant, le risque de harcèlement, de visualisation d'images à caractère pornographique ou de rencontres de personnes dangereuses existe.

« Internet est le média dont les parents se méfient le plus en raison des mauvaises rencontres possibles et des images violentes ou pornographiques aux quelles leur progéniture peut être exposée. »2

L'interactivité des réseaux sociaux fait que le risque qu'encourt les mineurs ne peut être dissocié de leur comportement. En effet, sur Facebook les jeunes créent eux-mêmes le contenu qu'ils échangent et entrent parfois en contact avec de parfaits inconnus. Ils n'ont pas conscience de dangers réels comme l'usurpation d'identité, même si parfois il leur arrive de masquer leur âge ou de revendiquer un autre genre que le leur.

1 GLEVAREC Hervé, 2009, La Culture de la chambre. Préadolescence et culture contemporaine dans l'espace familial, Paris, La documentation française, 184p

2 JEHEL Sophie, 2011, Parents ou médias, qui éduque les adolescents ?, Toulouse, Erès , 248 p, p10-45

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I.3.3. Un nouveau dispositif d'influence pour les leaders d'opinion et les entreprises

Les réseaux sociaux sont largement fondés sur les interactions sociales comme nous l'avons vu précédemment. Dans ce contexte, Richard Lardwin évoque dans son article Influence sociale et attitude à l'égard de la publicité sur Facebook, le fait qu'il est primordial de déterminer l'impact du besoin d'appartenance sociale, de variables caractérisant les relations interpersonnelles et de la connexion de soi à la marque sur l'attitude à l'égard de la publicité sur les réseaux sociaux.

Rappelons que l'expérience de la marque est souvent apparentée aux émotions, sensations, réponses comportementales en lien avec l'offre proposée1. Dans ce cas Lardwin, évoque Facebook comme une aubaine pour cette conception de la marque. Il affirme d'ailleurs :

« Cette expérience de Facebook est susceptible d'être riche et intéressante pour les utilisateurs de Facebook. Cela suppose de passer d'une conception de Facebook, comme un réseau social, à une conception de Facebook comme une communauté de marque. »2

Dans son étude, celui-ci relève que le besoin d'appartenance sociale est important. En effet, cela peut contribuer à l'adoption de rôles sociaux liés au leadership d'opinion ainsi qu'à la susceptibilité à l'influence interpersonnelle, c'est-à-dire la relation mutuelle entre deux individus.

La connexion de soi à la marque semble jouer un rôle pivot dans l'articulation entre les variables psychologiques et l'attitude à l'égard des publicités Facebook. Elle agirait comme médiateur total en ce qui concerne les leaders d'opinion et comme un médiateur partiel en ce qui concerne la susceptibilité à l'influence interpersonnelle.

1 BRAKUS J.J., SCHMITT B.H., ZARANTONELLO. L. ,2009,. «Brand experience : What is it ? How is it measured ? Does it affect loyalty ?», Journal of Marketing, 73, Mai, p. 52-68.

2 LARDWIN Richard, Influence sociale et attitude à l'égard de la publicité sur Facebook, La revue Française de Gestion, Lavoisier, n°244, 2014, p.33-51, 190 pages

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Les exigences de coopération inhérentes au fonctionnement de toutes les organisations humaines font intervenir les phénomènes de pouvoir, entendu ici comme la capacité d'un individu à modifier le comportement d'un autre. En outre, c'est exactement la logique publicitaire.

Comme nous l'avons vu précédemment, le leadership d'opinion joue quand même un rôle important dans la promotion d'une marque et notamment sur Facebook. Pour Edgar Morin, l'influence sociale s'inscrit dans un processus d'interaction entre celui qui exerce le pouvoir et la cible de ce pouvoir. Si l'on prend le cas des organisations, Edgar Morin nous dit :

« L'influence sociale vise à provoquer des changements, à produire des comportements susceptibles de permettre à une organisation d'atteindre les objectifs qu'elle s'est fixé. »1

Ici, nous nous confrontons toujours à des approches théoriques de l'accord et de la régulation dans les organisations pour comprendre les formes d'influence. Pourtant, dans le cas de Facebook et de la publicité sur ce réseau social, nous pouvons penser que le processus est généralement le même. L'influence sociale engendrée par la publicité passe soit, par un leader d'opinion dans un groupe donné, soit, dans les relations qu'il entretient sur Facebook avec sa liste d'amis.

De plus, sur Facebook, les individus peuvent être confrontés à d'autres influences partagées par des `' amis `' venant de leur propre liste `' d'amis `'. A cela s'ajoute une autre vision des choses qui n'est pas forcément la leur.

Toutefois, certaines publications ont plus de poids que d'autres par rapport à l'identité de son émetteur, d'où la notion de leader d'opinion dans le marketing politique cherchant à influencer son public.

Il n'existe pas de style de leadership meilleur qu'un autre. Luc Boltanski et Laurent Thévenot prennent en considération les processus d'interprétation des acteurs eux-mêmes, ce qui les amènent à rompre avec la construction Bourdieusienne

1 EDGAR Morin,1996, Les psychologies au travail, Montréal, Gaétan Morin, 512p, p175

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des prédispositions inscrites dans les habitus1. Pour Boltanski et Thévenot, c'est dans cette rupture que naissent les « grandeurs > pour exprimer la motivation qu'ont les personnes à se grandir pour accéder à l'espace public. Pour le cas de Facebook, nous avons affaire là, à un dispositif qui permet à chacun de s'exprimer et de donner son opinion dans un espace public virtuel.

L'hypothèse des auteurs ici, est que l'identification à certains mondes est une phase nécessaire pour construire des accords. Sur Facebook, les interactions et les publications qui apparaissent sur le mur des internautes proposent plusieurs modes de pensées plus ou moins proches qui s'apparentent à différents mondes. Pour les sociologues, il s'agit de dépasser la notion de régulation sociale qui est trop centrée sur les questions de pouvoir.

Nous sommes, aujourd'hui, dans une société de solidarité plutôt organique d'après Durkheim, dans laquelle le lien social déterminé par des interactions entre les différentes fonctions sociales forme un tout hétérogène qui se retrouve dans un espace public commun. Dans le cas de Facebook, les individus se confrontent à différents mondes plus ou moins proches avec des « amis > ayant plusieurs opinions selon leur identité. 2

Lors de cette première partie, j'ai essayé de comprendre le comportement d'après les théories, les études et les recherches qui ont été élaborées en sciences humaines et sociales. Nous avons vu le fonctionnement de Facebook par son algorithme. Par sa puissance, ce dernier retrace les partages ou les affinités. En résumé, il expose les interactions entre les individus. Dans ce cas, les marques et les publicités, par le biais des algorithmes de Google et de Facebook, peuvent se permettre d'étudier des profils susceptibles de participer à la e-réputation de la marque mais surtout de consommer.

1 BOLTANSKI Luc & THEVENOT Laurent, 1991, De la justification les économies de la grandeur, Paris, Gallimard, 464p

2 La solidarité organique a été introduite par Émile Durkheim dans son ouvrage fondateur De la division du travail social (1893). Elle décrit un type de lien social caractérisant la société moderne. Dans ce type de solidarité, la cohésion sociale est fondée sur la différenciation et sur l'interdépendance des individus entre eux que favorise la division du travail. Elle est caractéristique de sociétés qui fonctionnent autour d'une force centrifuge : qui éloigne les individus les uns des autres en encourageant les différences.

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Ayant pris en compte le fonctionnement de Facebook, admettons qu'un individu clique sur la publicité d'une marque pour regarder les produits proposés par celle-ci. Le Edgerank et le PageRank de Google vont retracer et enregistrer le comportement de l'individu. Dans ce cas, le fait que celui-ci ait cliqué sur un lien plutôt qu'un autre va prendre de l'importance. Ainsi, sur le compte de cet individu les marques vont afficher des publicités en lien avec sa recherche afin de lui proposer les produits les plus susceptibles de l'intéresser.

Un individu n'ayant aucune conscience du fonctionnement de Facebook est susceptible d'être plus exposé à ce mode de fonctionnement de la part des marques.

Même si les jeunes publient sans but précis, n'auraient-ils pas en tête certains leaders d'opinion dans leur liste d'amis ? Nous pouvons aussi nous poser la question de leur fonction auprès des marques, peut-être, plus orientées dans le marketing politique que dans la consommation auprès des jeunes.

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Conclusion de la partie

Afin de conclure cette partie de ma recherche, je peux affirmer que différents facteurs influent, plus ou moins, sur le comportement des jeunes et notamment de les Génération Y et Z sur les réseaux sociaux.

Un lien réel existe donc entre la socio-culture de notre société dont font preuve les individus modernes et les réseaux sociaux. Facebook pourrait être comparé à une plateforme réunissant les individus provenant les différentes groupes communautaires et identitaires de la société moderne. Ce dispositif, très utilisé chez les jeunes, génère un comportement plus ou moins contradictoire de la part de la Génération Y et des adolescents. Lorsque l'on étudie la société dans laquelle nous vivons, une tendance émerge quant au comportement des 15 ans - 29 ans sur Facebook. C'est ce lien que j'ai voulu illustrer dans cette recherche théorique pour pouvoir, dans une seconde partie, me confronter à la réalité.

Afin de comprendre le changement des individus, il était primordial de remonter dans le temps pour mettre en lien la mutation de la société des siècles précédents avec l'individu des sociétés modernes pour, ensuite, se concentrer sur le comportement des jeunes de 15 à 25 ans.

A cette mutation, s'ajoute l'avènement des nouvelles technologies qui permettent aux préadolescents et adolescents d'exprimer leurs opinions et leur identité sans contrainte et instantanément. La période de l'adolescence est atypique dans le processus identitaire de l'individu, d'où le fait que mon attention soit portée sur ces générations qui ont grandi avec la croissance des nouvelles technologies de l'information et de la communication et du Web 2.0.

Enfin, j'ai fait émerger certaines limites des réseaux sociaux, auxquels les jeunes peuvent être confrontés. Facebook peut-être un réel danger surtout chez les préadolescents. Les individus, ayant peu de connaissances sur le fonctionnement réel de Facebook, sont susceptibles d'être les premières cibles des marques via le marketing que celles-ci opèrent sur les réseaux sociaux.

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Pour autant, pouvons-nous affirmer qu'ils n'ont aucune conscience de ces stratégies misent en place par les marques ?

D'après cette première recherche, il semblerait que les jeunes ne prêtent pas attention à l'influence du réseau social dont ils feraient l'objet.

Principalement, ils semblent utiliser la plateforme pour leurs besoins personnels via les dispositifs que Facebook propose, tels que la communication et le partage entre pairs sans prendre en compte les autres possibilités de la plateforme.

La deuxième partie prend en considération la recherche théorique de ce mémoire pour mon enquête de terrain afin me confronter à la réalité.

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Partie 2 : L'analyse des usages de 8 individus

âgés de 15 à 25 ans

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Introduction de la partie

Dans cette partie, j'exposerai mon enquête de terrain. La première partie de cette étude servant de point de départ à mon raisonnement, j'ai décidé, ensuite, de pratiquer huit entretiens semi directifs avec des jeunes âgés de 15 à 25 ans.

L'objectif de l'étude est de confronter la réalité avec mes recherches théoriques pour pouvoir comprendre l'usage de Facebook chez les jeunes de 15 ans à 25 ans afin de valider les hypothèses qui ont contribué à ma recherche.

Toutefois, j'ai conscience que huit entretiens ne permettront pas de refléter la réalité et que mon échantillon n'est pas représentatif de tous les jeunes français de 15 à 25 ans.

Néanmoins, à l'aide de la méthode qualitative, il me semble intéressant de mettre en lumière ce que révèlent les entretiens afin d'analyser les témoignages et le comportement de mon échantillon sur Facebook.

J'ai pu observer des similitudes entre les théories des chercheurs et la réalité du terrain. Assez rapidement, j'ai analysé des liens entre ce qui a été dit lors des entretiens et les concepts et théories des grands auteurs de la sociologie.

Dans cette partie, j'analyserai donc mes entretiens en mettant en lumière divers usages de Facebook et différents niveaux de conscience des conséquences qui en découlent. L'analyse du comportement des jeunes sur Facebook me permettra d'identifier leurs usages ainsi que si ce réseau social est un dispositif identitaire pour eux et leur degré de conscience des conséquences de leurs actes.

Dans ces huit entretiens, l'échantillon de la population mère de mon étude correspond aux jeunes faisant partie de la Génération dite « Y » et à une partie de la Génération dite « Z ». Pour faciliter l'échange avec les plus jeunes issues d'une autre génération que la mienne et éviter qu'ils ne voient en moi une position dominante d'enquêteur, j'ai fait en sorte de faire oublier la définition que l'on pourrait entendre par le terme `'entretien». En me plaçant au même niveau que mes interviewés, ces

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derniers ne se sentaient pas analysés et nous avons pu discuter librement sans préjugés ou contrôle. C'est grâce à contexte que j'ai pu récupérer des témoignages approfondis et plus intimes de leur part.

Les entretiens se sont déroulés face à face, un part un. J'ai interrogé cinq d'entre-deux dans une salle mise à ma disposition pour cet usage avant un entrainement de natation, dans un centre aquatique de la banlieue lyonnaise. Lors de ces entretiens, j'ai pu interroger des individus de 15 ans (2), 18 ans, 17 ans et 25 ans. Les trois autres »interviews» ce sont déroulées un autre jour avec des étudiants universitaires âgés de 22, 23 et 24 ans provenant de différentes filières (droit des affaires, communication, lettre) à l'Université Lyon II.

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II.1. Les divers usages des 15, 25 ans sur Facebook

II.1.2. Deux grandes catégories d'usage sur Facebook

Au sein de mon échantillon, 7 interviewés sur 8 sont des utilisateurs modérés voir passifs de Facebook. Le dernier n'étant pas un utilisateur de Facebook, j'ai axé mon entretien sur un autre réseau social très similaire

La majorité ont des pratiques similaires sur ce réseaux social par rapport à ceux qui restent très passifs. L'un des interviewés n'est pas utilisateur de Facebook. Toutefois, de son âge, (15 ans) j'ai pris la décision de l'interroger sur d'autres réseaux sociaux reprenant plus ou moins les fonctionnalités de Facebook.

Les grands usages de Facebook restent le partage et la communication via l'application Messenger qui est rattachée à Facebook pour communiquer instantanément. Lorsque j'ai interrogé mes interlocuteurs sur cette pratique, tous sauf un, m'ont répondu qu'ils utilisaient Messenger quotidiennement pour communiquer avec leur entourage.

Messenger leur permet essentiellement de communiquer avec des personnes proches, côtoyées dans le réel, plus rarement, avec des personnes qu'ils n'ont pas l'occasion de voir souvent.

« Dans ma liste d'amis j'écris qu'à mon entourage, après il y a des gens que je ne vois jamais dans ma liste, mais c'est cool pour recontacter des gens que je vois pas souvent ou à qui je ne parle que très rarement, c'est pratique. »

Facebook, leur permet donc de garder le lien avec des personnes qu'ils ne côtoient pas régulièrement. A cet usage, s'ajoute le partage de contenus, les `'likes `' et les identifications d'amis sous certaines publications. Les identifications se retrouvent plutôt dans le cadre du divertissement pour les sept usagers.

« Je commente toujours pour identifier quelqu'un de ma liste d'amis sur des trucs pas très sérieux et rigolos pour partager. »

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C'est donc majoritairement dans ce cas que les usagers commentent une publication. Sept des interviewés pratiquent plus ou moins ces trois usages techniques que leur propose le réseau social.

En plus, de ces pratiques l'une des interviewés étant voyageuse de 23 ans, évoque qu'elle partage aussi beaucoup de photos. C'est l'une des rares (2 sur 8 interrogés) qui publie des photos sur le réseau social. Cette action rejoint la motivation des autres dans le but de partager et communiquer avec ses proches. Cela lui permet de garder un lien avec son entourage quand elle est loin ainsi que de témoigner de ses activités à travers des photos.

Cette première réponse, de la part de sept individus interviewés, me permet de mettre en lien l'analyse de Monique Dagnaud1 qui met en lumière l'utilisation de Facebook par les jeunes de la Génération Y, comme un outil de partage permettant de converser avec son entourage instantanément.

Pour eux, Facebook est donc une sorte de chat comme l'évoquait Dominique Cardon dans l'article du Monde concernant l'étude Algopol. Dans cet article, les chercheurs sociologues définissent que la catégorie dont les jeunes font majoritairement partie est celle `' des gens qui ne publient rien mais qui regardent `'. 2

En effet, pour tous les individus interrogés ces trois principales pratiques de Facebook sont omniprésentes.

De plus, trois des individus ont évoqué la pratique de l'espionnage avec un peu de gêne :

« Je pratique aussi dans le sens de... (hésitation) beh... l'espionnage (en souriant puis rire). Tout le monde a Facebook donc c'est un moyen simple de communiquer et de voir la vie des gens en vrai, puis il faut arrêter, on sait très bien que tout le monde fait ça. »

1 DAGNAUD Monique, op.cit., p8

2 Projet Algopol, op.cit., p.23

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Ce n'est jamais au début de l'entretien que cette réponse a surgi. Lorsque je demandais leur usage sur Facebook ce n'était pas l'espionnage qu'ils mentionnaient en premier lieu mais les autres pratiques énoncées précédemment.

En plus, d'évoquer cet usage plus tard dans l'entretien, tous les interviewés l'ayant affirmé, ont présenté une certaine gêne représentée par un sourire, une hésitation ou un rire.

Par ce comportement, nous pouvons analyser une certaine anticipation au jugement que j'aurai pu laisser paraitre, peut-être, par mon profil d'étudiante en master et le fait que la plupart des interrogés soient plus jeunes que moi. J'ai donc fait l'effort de ne pas laisser voir de jugement en allant dans leur sens en légitiment cet usage quand j'ai avoué pratiquer le même comportement sur le réseau social.

En plus, de cette gêne qu'ils ont manifestée à mon égard, une des interviewés a senti le besoin de se justifier par l'évocation de généralités dans le but de se déculpabiliser. Il généralise son comportement en l'étendant à tous les internautes, en considérant qu'ils font comme lui, comme pour se rassurer voire minimiser des faits qui finalement semble le mettre mal à l'aise :

« ...Il faut arrêter, on sait très bien que tout le monde fait ça. »

Ceci, me laisse penser qu'ils ont une certaine honte de cet usage de Facebook, car nous savons que l'espionnage est connoté péjorativement. Avec la position que j'ai prise avec les interviewés, j'ai toutefois, réussi à dissimuler mon jugement à plusieurs reprises, ce qui m'a permis de recueillir des données pertinentes et plus approfondies sur ce genre de réponses.

Une des jeunes lycéennes de 18 ans va même plus loin dans cette pratique de l'espionnage. Elle admet essayer de voir la vie des gens et surtout la vie de ceux qu'elle n'aime pas, même s'ils ne sont pas dans sa liste d'amis et qu'ils ont bloqué la visibilité de leur profil. Je lui ai donc demandé comment elle faisait puisqu'elle n'avait pas accès à plus d'informations que leur nom, leur photo de profil et leur photo de couverture.

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Sa stratégie est donc de demander le portable d'un proche qui aurait le profil concerné dans sa liste d'amis Facebook pour pouvoir aller le consulter. Si personne ne peut lui donner cet accès alors l'usager admet se connecter sur Twitter pour essayer d'avoir des informations.

Paradoxalement, la majorité des interrogés m'ont affirmé qu'ils ne publiaient presque rien sur Facebook (1 à 2 photos par an et aucun statut). Ayant conscience qu'aucune ou presque pas de publications ne proviennent de leurs actions, nous pourrions penser qu'il n'y a rien d'intéressant à analyser sur leurs profils. Leur principal intérêt dans cette pratique est de pouvoir voir les photos des autres usagers. Ce premier élément sur l'usage des jeunes interrogés me permet d'émettre l'interprétation suivante.

L'importance de l'apparence physique et les activités de la vie de chacun témoignées par des photos est l'un des premiers éléments à prendre en compte pour ces usagers afin de se faire une opinion sur la personne concernée. Cette quête d'informations sur autrui se traduit par de la veille passive afin de pouvoir émettre un premier jugement subjectif sur la personne qui les intéresse. A cela s'ajoute le fait qu'ils aient une certaine gêne de cet usage et m'ont tous précisé aller sur Facebook lorsqu'ils s'ennuyaient.

Pour eux, c'est un divertissement dont l'un des principaux intérêts au-delà du partage et de la communication, est de recueillir des informations sur les autres utilisateurs.

Nous pouvons donc définir deux principales activités sur Facebook. L'une étant connue et à la vue de tous car elle fait partie des fonctions principales revendiquées par le réseau social : le partage et la communication.

Puis, une autre activité moins explicite mais qui apparait être pratiquée par l'unanimité des usagers de mon échantillon : l'espionnage.

Cette quête d'informations sur autrui se traduit par la quête de photos, ceci peut nous renvoyer à la réflexion d'un premier élément sur l'importance de l'identité virtuelle sur Facebook que j'approfondirai dans une autre partie.

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Pour faire un résumé de cette première analyse, je peux affirmer que cet usage de l'espionnage, qui est plus ou moins pratiqué par les interrogés aurait pour principale motivation la recherche de photos mais aussi d'autres éléments subjectifs.

Lors des entretiens à plusieurs reprises les interviewés ont mentionné d'autres stratégies d'espionnage par rapport à ce qui les intéresse sur autrui comme la mention de participation à un évènement ou la géolocalisation qui peut informer sur l'endroit où l'on se trouve et à quel moment. Toute cette quête de l'information sur autrui s'avère être toute une stratégie bien réfléchie. Néanmoins, celle-ci demande une certaine conscience du fonctionnement de ce réseau social.

Par cette première analyse de comportement, nous pouvons définir que l'usage de Facebook parait être un usage personnel autour de la fonction divertissante que Facebook propose. Le fait qu'ils utilisent tous ce réseau social lorsqu'ils s'ennuient appuie le divertissement via la plateforme.

En outre, ce réseau social ne semble pas être pris au sérieux et permet de rire ou d'échanger entre amis à tout moment de la journée, où que l'on se trouve, toujours dans un but distractif et très souvent peu sérieux ou professionnel mais personnel. En adéquation avec le divertissement, entre en compte un usage pris plus au sérieux par les individus lorsqu'il s'agit de l'image qu'ils renvoient vis-à-vis de leur liste d'amis.

II.1.2. Usage passif

Comme il a été présenté ci-dessus, divers usages de Facebook existent chez les jeunes internautes. Ils pratiquent tous, plus ou moins, l'interaction via le partage, les commentaires, la messagerie instantanée ou les publications. Facebook leur permet aussi d'espionner les profils des autres usagers.

Toutefois dans ces usages, certains utilisateurs restent très passifs voire inactifs sur le réseau social. Les plus jeunes, âgés de 15 ans, semblent être inactifs sur la plateforme, l'un des interrogeras ne possède pas de profil Facebook mais utilise d'autres applications ayant les mêmes fonctionnalités.

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En plus de ce profil, deux autres des enquêtés ont décrit leur usage comme extrêmement passif. Ils expliquaient qu'ils ne prêtaient pas vraiment attention à Facebook et qu'ils n'y passaient pas autant de temps que sur d'autres réseaux sociaux.

En effet, pour les plus jeunes de mon échantillon (ceux âgés de 15 ans) c'est Snapchat et Instagram qui sont les plus utilisés, devant Facebook.

Snapchat est une application permettant de prendre une photo ou un selfie et de l'envoyer instantanément à un autre usager qui fait partie de ses abonnés. Lorsque le récepteur la reçoit, la photo s'affiche temporairement entre 1 et 10 secondes. Les utilisateurs peuvent aussi faire des vidéos et les mettre en « Story ». Dans ce cas, elles restent consultables pendant 24h pour la liste des abonnés de l'émetteur. A cet usage principal, s'ajoute l'onglet «Discovery ». Celui-ci permet de voir de courtes présentations vidéo sur des sujets divers de certaines marques ou journaux comme Le Monde ou Kombini. On peut s'abonner aux marques et aux personnalités qui nous intéressent. Snapchat permet de suivre les personnes ayant une notoriété publique et de créer des discutions instantanées.

Pour les deux jeunes abonnés grands utilisateurs de cette application, `'Snapchat est en 2017 ce que Facebook était en 2008 pour les jeunes`'. Lorsque l'un des interrogés m'a dit ne pas posséder Facebook, je lui ai alors demandé la raison, et celui-ci m'a répondu :

« Je sais pas, je trouve que c'est beaucoup trop compliqué et trop ouvert. Tu vois de tout et n'importe quoi qui arrive sur ton fil d'actualité, tu sais même pas d'où ça vient. »

Par cette réponse, nous pouvons comprendre que l'utilisateur, même s'il n'utilise pas Facebook, connaît pour autant son dispositif. Lorsque je l'interroge à propos de la récurrence de ce comportement pour ses amis et s'ils possèdent au moins un profil Facebook, il me répond que c'est le cas à des fins d'espionnage seulement. Suite à cette réponse surprenante, l'interrogé ajoute qu'il fait la même chose sur Instagram, un autre réseau social dont la principale fonctionnalité est de publier des photos. Instagram reprend toutefois les fonctionnalités de Messenger et de Snapchat. Le principal point commun de ces trois applications dans leur fonctionnalité est la

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messagerie instantanée, avec aujourd'hui la possibilité de publier des `' Stories» sur les activités que l'ont fait dans la journée.

« En fait comme j'ai Instagram et Snapchat pour parler, je trouve que Facebook ça ne sert à rien. »

On comprend bien que Facebook pour cet interviewé ne sert à rien de plus que d'autres applications. Elle ne trouve pas d'intérêt à avoir un profil Facebook. Pourtant, le point commun entre les individus passifs et les usagers réguliers est l'espionnage. Peu importe l'application utilisée pour cet usage.

Le deuxième interrogé de 15 ans utilise aussi en priorité Snapchat et Instagram, toutefois il a un profil Facebook et confie avoir beaucoup regardé les actualités pendant la campagne électorale.

« Quand j'ai plus rien à faire sur Snapchat, quand j'ai vu toutes les stories qui m'intéressent et que j'ai fait un tour sur Instagram, je vais sur Facebook. Surtout pendant les élections présidentielles, j'ai beaucoup regardé les actualités et les clashs en commentaires avec mes potes. Puis, sinon, j'avais une pote qui avait perdu son téléphone du coup j'utilisais Messenger pour lui parler. »

L'usager utilise donc Facebook afin de s'informer sur l'actualité politique mais pour plus particulièrement du divertissement en regardant les commentaires des internautes se disputant ou débattant sur des sujets politiques. Il utilise aussi comme la majorité, Messenger pour communiquer avec son entourage. Suite à cette description de son usage du réseau social il ajoute :

« J'utilise de moins en moins Facebook, maintenant je n'y fait rien dessus, c'est juste pour regarder l'actualité entre autres. »

On peut alors comprendre que Facebook lui permet avant toutes autres choses de suivre l'actualité. Il choisit les articles qu'il va lire ou les vidéos en fonction d'un titre. Ceci s'apparente à la pratique du `'put a click» (`'piège à clic `'en français). Cette pratique est bien connu dans le monde du marketing des entreprises. Le but étant de mettre à profit un titre accrocheur parfois dénué de sens et très peu

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révélateur du contenu de l'article ou de la vidéo afin d'inciter la cible curieuse à cliquer sur l'article. L'interviewé avoue choisir ces articles par rapport à des suggestions que lui propose Facebook ainsi que dans les propositions qu'il peut découvrir sur son fil d'actualité par le partage établi entre les personnes de sa liste d'amis.

On peut en conclure que pour cet usager, aucune réflexion objective n'est faite dans le choix de son article. Il n'est donc pas acteur de ses choix, mais laisse la communauté virtuelle l'influencer. C'est aussi le cas dans son usage de Messenger, la messagerie instantanée qui fait partie des dispositifs de Facebook. Il l'utilise car c'est le seul moyen de communiquer avec son interlocuteur.

Un autre utilisateur de Facebook évoque un usage passif. La différence réside principalement dans l'âge de l'enquêté (24 ans) et le fait qu'il soit indépendant et dans la vie active. Ces informations peuvent nous permettre d'anticiper des intérêts et un usage du réseau social divergent en comparaison avec ceux des étudiants ou des lycéens.

Celui-ci, utilise Facebook furtivement lorsqu'il s'ennuie. Pour lui, Facebook relève d'une distraction.

« Je vais sur Facebook quand je me fais chier, j'y vais un peu pour regarder, je fais un petit tour et puis je sors. Je ne publie absolument rien, je ne like rien non plus et je ne partage rien. »

Dans ce témoignage le choix des termes est intéressant. L'enquêté semble considérer la plateforme virtuelle comme un lieu physique dans lequel il pénètre et qu'il peut visiter puis quitter quand bon lui semble : `'Je fais un petit tour puis je sors `'.

Cette métaphore semble refléter l'ampleur et la primauté du virtuel face au réel. Une tendance phare du rapport de la Génération Y au virtuel. Celui-ci, présente une utilisation passive tout en ayant profondément intériorisé l'ampleur du réseau social. On pointe du doigt, ainsi, un élément important car même dans l'utilisation passive du réseau social nous pouvons observer une intériorisation profonde de son ampleur.

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Le seul outil qu'il utilise de plus en plus est Messenger pour communiquer avec des plus jeunes que lui comme dans l'usage analysé ci-dessus.

L'influence de la génération qui suit la sienne se fait donc ressentir. L'enquêté est dans l'obligation implicite de s'adapter au numérique pour converser avec des proches plus jeunes que lui qui utilisent exclusivement les réseaux sociaux pour communiquer.

Pour ces trois cas, nous pouvons analyser que Facebook, par son usage, ne possède pas forcément une place importante dans leur vie. Les deux plus jeunes interrogés évoquent la complexité du réseau social et le fait qu'il soit ouvert et moins personnel que Snapchat et Instagram.

Pourtant, ils pratiquent la quête d'informations sur autrui via d'autres plateformes. Leur principale activité sur Facebook serait motivée par le fait de se tenir au courant sur l'actualité et de se divertir.

Dans ces pratiques, nous retrouvons la catégorie `' je regarde mais je ne publie rien `' qu'évoque Dominique Cardon dans le projet Algopol. Contrairement à l'analyse de nombreux sociologues comme Monique Dagnaud, Nicole Ellison ou Dana Boyd nous pouvons remarquer que par tous ces différents usages les individus ne s'expriment pas pour autant sans réflexion sur Facebook. Je tiens à souligner le fait que ces premières études sociologiques du comportement des jeunes sur Facebook datent des années 2010 et que le réseau social n'a cessé d'évoluer et de s'adapter à son public pendant 7 ans. Ceci expliquerait, peut-être, la différence entre les jeunes catégorisés comme `'égocentrique» qui `'publient à tout va» en 2010 et ce même jeune qui ne publie rien mais qui regarde ou qui enquête sur ses congénères relevé dans le projet Algopol en 2013. 1

De plus, s'ajoute à ce comportement passif sur Facebook la réflexion des conséquences de cet usage par rapport à leur image virtuelle. L'interviewé énoncé précédemment, m'a fait part d'une expérience vécue. Son patron s'est lui à fait

1 Projet Algopol, op.cit., p.23

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remarquer que son profil Facebook n'était pas sécurisé. L'enquêté évoque qu'il fut surpris de cette remarque que son patron avait enquêté sur lui via Facebook.

Toutefois, il précise qu'il ne fut pas trop inquiet de ce que son profil démontrait sachant qu'il était très passif sur le réseau social.

Dans ce cas, comme pour beaucoup d'autres, cet aspect réflexif de l'image que l'on renvoie sur Facebook est plus ou moins omniprésent à travers différentes pratiques.

Ces divers grands usages de Facebook ont pour dénominateur commun une image construite et réfléchie de soi-même. Cet aspect reprend l'hypothèse qui évoque que Facebook est un dispositif qui permet aux jeunes de revendiquer une certaine identité travaillée et choisie.

C'est dans une dernière sous partie que je traiterai cet élément en analysant plus particulièrement le comportement de ces jeunes interviewés par rapport à cette identité qu'ils travaillent sur ce réseau social.

II.1.3. Un moyen d'émettre son opinion et de revendiquer une cause

Pour trois des interrogés, Facebook permet aussi de revendiquer son opinion publiquement sur des causes sérieuses.

En effet, les trois interviewés concernés (18 ans, 23 ans et 21 ans) utilisent Facebook afin de sensibiliser leur entourage sur la cause animale. Pour cela, ils partagent directement sur leur mur d'actualité des articles ou des vidéos parfois choquantes afin de revendiquer la cause qu'ils défendent. L'un des interviewés de 23 ans évoque que c'est un moyen :

« Hyper rapide et efficace pour sensibiliser les gens à une cause. »

Ils avouent tous les trois être victimes dans la vie réelle de critiques sur leurs pratiques virtuelles. En effet, ils s'autorisent à manifester leurs opinions sur leurs publications, même hors du contexte virtuel.

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A plusieurs reprises, lors de ces trois entretiens et plus particulièrement pour un, j'ai compris que malgré que Facebook soit un outil virtuel, ce dispositif occupe une place importante dans la vie de la plupart des jeunes usagers. De ce constat nous pouvons mettre en lumière une nouvelle fois l'intériorisation du virtuel face au réel et la barrière infime qui existe entre ces deux dimensions.

Une des interviewés admettra que lorsqu'une personne la bloque, c'est-à-dire la supprime de ces amis et ne l'autorise plus à avoir contact avec elle, que ça la touche personnellement et que ça peut aller jusqu'à la rendre triste.

Elle soutient aussi le fait d'être triste lorsque, à cause des conflits, elle doit se supprimer de certains groupes de communauté autour d'une cause qu'elle défendait.

En effet, à plusieurs reprises il lui est arrivé de se disputer à propos d'un sujet car elle avait émis une opinion qui allait à l'encontre de celle des autres internautes. Quand elle se remémore ce sujet, elle confie que ça la rendait triste parfois plus d'une heure après l'arrêt de son activité sur Facebook. L'utilisatrice éprouve donc de la difficulté à se détacher de ce monde virtuel qui impacte sa vie réelle.

Toutefois, cette même enquêtée avoue s'être rendu compte de la gravité de l'impact que Facebook avait sur sa vie réelle. Elle a donc fait en sorte d'ériger une barrière entre ses activités virtuelles et réelles. Par ce comportement, nous mettons le doigt sur une prise de conscience envers Facebook qui fait l'objet d'une puissante intériorisation du virtuel face au réel. Les dispositifs numériques comme ce réseau social, travaillent leur design afin d'engendrer un tel comportement d'intériorisation de la part des utilisateurs.

Ces trois personnes, étant liées par leurs pratiques s'autorisent à commenter des publications ainsi qu'à publier des statuts régulièrement sur leur mur. Sur les 7 usagers de Facebook interrogés ce sont les trois seuls qui sont autant actifs sur ce réseau social.

Par leurs publications ils admettent revendiquer leurs centres d'intérêts que cela soit sur le plan politique, culturel ou personnel. L'un des enquêtés, commente

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aussi des publications publiques afin de débattre avec les autres usagers de Facebook qu'il ne connait pas. Ainsi que deux autres individus, il évoque des affrontements par commentaires ou le fait qu'il soit victime de critiques dans la vie réelle.

Cette analyse renvoie à la théorie émise, en première partie de cette recherche, évoquant que le virtuel et la vie réelle sont liés et que les barrières entre la vie privée et la vie publique sont sujettes à devenir invisibles dans le contexte du numérique.

De plus, avec les commentaires, Facebook facilite l'échange violent qui peut mener à du harcèlement.

Les autres usagers ne commentent pas les publications publiques et très peu celles dont l'émetteur est dans leur liste d'amis.

L'un des interviewés dont l'usage des commentaires est fréquent, explique avoir déjà commenté une publication puis y revenir supprimer le commentaire. Lorsqu'il a évoqué la cause de cette indécision, il m'a expliqué qu'après avoir réfléchi aux personnes susceptibles de voir son action, il pourrait être victime de jugements ou de renvoyer une image de lui qu'il ne souhaite finalement pas revendiquer.

Une enquêtée raconte l'anecdote sur la petite soeur de son ancien petit ami qui lui demande de partager quelque chose qui lui tient à coeur. L'interviewée, par son récit, fait comprendre qu'elle était face à un dilemme reposant sur l'acceptation ou le refus du service demandé par rapport au jeune profil de son interlocutrice : il s'agit en effet de prendre le risque de moqueries si le sujet ne correspond pas aux attentes des autres membres de sa liste d'amis.

« Ah aussi, si j'aime un ami qui me demande de partager un projet pour une marque ou une musique je le fait avec plaisir pour le soutenir. Par contre, l'autre fois, la petite soeur de mon ex copain qui m'a demandé de partager un truc sur les poneys, là c'était plus chiant parce que tout le monde pouvais le voir et c'est la honte. Mais je l'ai fait quand même parce que je n'avais pas d'excuse pour pas le faire. »

Encore une fois, nous pouvons remarquer que l'usager a pensé spontanément à l'image qu'elle renvoyait à son entourage qui la suit sur Facebook. Elle mentionne

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que partager quelque chose venant d'un ami ne lui pose pas de problème sans énoncer si le sujet de la publication l'intéresse. Le premier élément qui entre en compte pour elle, est simplement la relation qu'elle entretien avec son interlocuteur.

On peut mettre le doigt, ici, sur l'importance de l'influence des groupes pairs sur Facebook sur le comportement de l'usager.

En effet, cette stratégie de publier, partager ou non par rapport à l'image que l'on renvoie reste importante dans les pratiques des jeunes. Celle-ci est donc calculée. On pourrait même interpréter cette pratique par de l'autocensure pour éviter le jugement d'autrui. Ce qui est contradictoire avec la visée de Facebook où la parole se veut spontanée, libérée, il semblerait donc que des sortes de règles implicites se mettent en place pour certains internautes sur ce dispositif. La puissance des groupes pairs semble être très présente pour des jeunes usagers de 15 à 25 ans sur la plateforme.

Lorsque l'interviewé de 18 ans évoque la défense de la cause animale, elle nous donne un exemple de l'influence qui existe sur Facebook. Contrairement au récit précédent, pour ce cas c'est plutôt une influence qui lui permet d'afficher un centre d'intérêt sur lequel elle reste discrète dans la vie réelle. Cet usage correspond à se dire `' Je ne suis pas la seule personne à penser ça donc je peux m'exprimer `'.

D'une autre façon qui pousse justement à revendiquer, ce que l'on est, l'influence d'un groupe, agit sur le comportement de l'individu.

« Je trouve qu'il y a pas mal d'influence sur les réseaux sociaux sur ça et les abattoirs. Il y a beaucoup de pétitions aussi sur Facebook. Je me suis déjà dit toute seule que je mangerai plus de viande mais avec Facebook c'est un plus sur mon influence. J'ai pris ma décision toute seule car mes amis ne comprennent pas. »

Par ce témoignage, je peux remarquer que l'individu interrogé se retrouve parmi une communauté à travers un centre d'intérêt en commun qui lui permet de pouvoir émettre son opinion plus ouvertement qu'elle ne l'aurait fait dans la vie réelle. Par le dispositif de Facebook, celle-ci, a trouvé un moyen l'encourageant à donner son opinion ainsi qu'à changer son comportement dans ses habitudes alimentaires.

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En effet, suite à cette réponse celle-ci évoque qu'elle mange de moins en moins de viande quand elle le peut sans que ses parents le sachent. Peut-être que sans ce réseau social l'intéressée n'aurait jamais eu l'opportunité de pouvoir changer son comportement ou revendiquer son opinion à propos de la cause animale.

Par cette analyse, nous pouvons affirmer que Facebook lui permet aussi de côtoyer des personnes ou des groupes de personnes dans lesquels elle se reconnait et se sent liée par un intérêt commun qui n'est pas forcément partagé par les personnes de son entourage. C'est d'ailleurs confirmé lorsqu'elle dit ne pas en parler à ses parents pour éviter un conflit.

« D'ailleurs je mange de moins en moins de viande et tout mais je l'ai pas encore dit à ma mère car je vais me faire tuer (rire). »

De plus, c'est la seule des usagers interviewés qui semble se ficher de l'opinion d'autrui sur Facebook et qui pratique ces usages sans trop réfléchir à l'image qu'elle renvoie sur internet. Lorsqu'elle commente les publications si une personne est en désaccord avec elle, en aucun cas elle ne s'empêche de s'exprimer allant même jusqu'à utiliser des insultes envers des usagers qu'elle ne connait pas.

Nous pourrions interpréter son comportement par le désir de reconnaissance et la recherches de communauté ayant les mêmes centres d'intérêt qu'elle, qui n'existerait pas vraiment dans sa vie réelle auprès de son entourage. S'ajoute à cela, sont âge (18 ans) qui permet de refléter le moment du passage de l'âge enfant à l'âge adulte évoqué dans la première partie de ce mémoire.

En effet, pour cette usagère, Facebook, permet d'être, en quelque sorte, un échappatoire, un dispositif qui va engendrer un certain réconfort dans ses opinions par le biais des groupes communautaires autour d'une cause que l'on peut retrouver sur les réseaux sociaux.

Cette référence est d'autant plus liée à la période de l'adolescence. Une phase de transition dans la vie de l'individu qui exprime le besoin de trouver son identité. Le

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contexte virtuel de Facebook lui permet de s'affirmer par rapport à la vie réelle dans laquelle ne pas manger de viande serait une source de conflit.

II.2. Facebook, un outil de revendication d'une identité

travaillée

II.2.1. Les photos de profil et de couverture : un enjeu identitaire

Ci-dessus, nous avons pu évoquer l'importance de dégager la meilleure image de soi vis à vis de sa liste d'amis pour revendiquer l'identité souhaitée.

Dans cette partie, j'approfondirai l'analyse de cette stratégie plus ou moins réfléchie et contrôlée que mettent en place les usagers de mon échantillon, tout en évoquant les dispositifs qu'ils leur permettent de travailler et de revendiquer leur identité via Facebook.

Pour commencer, tous les interviewés utilisateurs de Facebook ont, sans exception, émis qu'ils choisissaient une `' jolie `' photo de profil sans pour autant évoquer la photo de couverture, celle qui apparait en bandeau en haut d'une page Facebook. C'est alors que je me suis posée la question de ce que signifiait pour eux le terme `' jolie `'. C'est par ce qu'ils ont, en grande majorité, évoqué qu'ils choisissaient leur photo de profil en fonction des autres utilisateurs du réseau social composant leur liste d'amis, que j'ai compris que `'jolie» signifiait aussi `'jolie pour les autres». La photo est donc le premier élément à prendre en compte pour leur identité. Celle-ci n'est pas choisie sans réflexion ainsi que la photo de couverture. Pour faire le lien avec les analyses précédentes, c'est aussi le premier détail qu'ils évoquent dans leur quête d'informations sur autrui.

Lorsque l'on visite le profil d'une personne sur Facebook, avec le prénom et le nom, la photo de profil et la photo de couverture sont, en effet, les premiers éléments que l'on peut trouver. Il est donc important pour les usagers de travailler cette première image de soi qu'ils renvoient. Ce n'est pas pour autant que les interrogés ont tous évoqué la photo de couverture.

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J'en conclu que la principale photo qui reste la plus importante car, surement plus personnelle, est la photo de profil qui en général ressemble à une photo d'identité et qui fait apparaitre la majorité du temps la personne à qui le profil appartient. Un des interviewés avoue sans hésitation qu'il choisit cette photo par rapport à sa liste d'amis :

« Je choisi ma photo en fonction des gens quand même, je choisi une jolie photo donc dans ce cas c'est comme un peu une vitrine de mon identité »

Par ce témoignage, le concerné allie `'photo» à `'identité», comme si une apparence physique projetée par une photo dévoilait l'identité d'une personne. Nous pouvons analyser la grande importance qui est apportée par une simple photo et comment elle est interprété par les usagers au risque de détenir des informations très subjectives sur la personne concernée. Le rapport à la photo d'une page Facebook se compare à la photo sur un CV.

Pour marquer l'importance du choix de la photo de profil, un des interviewés évoque :

« Moi quand j'utilise Facebook, c'est plutôt un usage personnel que professionnel pour entretenir une relation avec mes amis. [...] Les critères de mon choix de photos de profil sont un peu bizarres. (rire) D'abord, il faut qu'elle me plaise et que je me trouve jolie dessus tout en pensant que je vais garder la même pendant 3,4 ou 6 mois, histoire de ne pas paraitre égocentrique à changer ma photo tous le temps. »

Avec cette réponse, nous pouvons encore une fois, analyser l'importance de l'image renvoyée à sa liste d'amis qui prend le dessus sur son envie personnelle comme une autocensure qu'il s'impose à lui-même. Contrairement aux autres enquêtés, l'individu réfléchi au choix de sa photo par rapport au nombre de fois qu'elle effectuera l'action de la changer dans le but de ne pas donner l'image d'une personne égocentrique.

De plus, par la marque d'une pause dans son discours pour rire, je peux observer une gêne occasionnée lorsqu'il annonce les raisons de son choix de photo. De cette information nous pouvons en déduire qu'il ressent un peu de honte de faire

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ces choix par rapport à autrui, d'autant plus qu'avant de divulguer cette information, il avoue faire de Facebook un usage personnel dans lequel il reste en relation avec ses amis. Ce paradoxe démontre à quel point le regard d'autrui reste tout de même important dans notre société même dans la vie virtuelle.

Nous pouvons aussi souligner ce que l'individu entend par le terme `'amis `' et qu'inconsciemment, il utilise la définition de Facebook et de la liste d'amis qui, pour autant, n'est pas obligatoirement la définition courante d'un proche que l'on côtoie, que l'on connait bien et à qui l'on inspire confiance mais quelqu'un que l'on ne connait pas forcément ou que l'on a croisé rarement dans sa vie. Cette information est appuyée par la démonstration de son choix de photo de profil et par le rire qui exprime sa gêne.

La décision des termes `'liste d'amis» et `'amis» de la part de Facebook, ne me laisse pas indifférente quant aux conséquences du rapport à ces mots sur les individus. Ce choix anodin du design de la plateforme laisse présager l'intention de l'intériorisation du virtuel, encore une fois, face à la réalité.

Comme l'enquêté précédent, une usagée de 25 ans va aussi loin dans le choix de sa photo de profil dans le but de dégager deux messages.

Tout d'abord comme les autres, elle choisit une photo de profil dans le but d'envoyer des informations sur son apparence physique, afin de se présenter sous son `'meilleur jour». Lorsqu'elle évoque sa photo de profil durant l'entretien elle affirme :

« Moi j'annonce directement la couleur, sur ma photo de profil je suis affichée avec mon mec comme ça pas besoin de m'ajouter ou de venir me parler pour me draguer. »

Par ce témoignage l'interviewée renvoie un message implicite en plus du premier message explicite qui démontre qui elle est physiquement.

En effet, elle met en oeuvre toute une stratégie pour informer les visiteurs de sa situation amoureuse à travers sa photo de profil. Par ce comportement, elle

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divulgue qu'elle a clairement conscience de l'usage de Facebook par d'autres utilisateurs `'espions `' à la recherche d'informations sur autrui.

C'est d'ailleurs l'enquêtée qui fait l'objet d'une analyse antérieure de la sous partie évoquant les usagers passifs. Lorsqu'elle a évoqué que son patron lui avait fait la remarque qu'il avait pu voir des photos de son profil Facebook, elle fut surprise mais pas pour autant inquiète.

« On dit que ça n'a pas d'importance mais quand votre patron vous fait ce genre de remarque ça surprend. Je peux vous dire que je me suis connectée directement après qu'il m'ai dit ça et j'ai bloqué tous mes paramètres de sécurité afin que plus personne ne se trouvant pas dans ma liste d'amis ne puisse m'espionner. »

Cette information, divulgue aussi que l'interrogée à conscience que Facebook est utilisé pour la recherche d'éléments sur autrui. Comme je l'ai évoqué, le premier intérêt des curieux est la photo. Peut-être parce qu'une simple photo peut divulguer de nombreux éléments sur la personne concernée.

Pourtant, cette analyse superficielle peut être complétement faussée et subjective. Cet intérêt pour les photographies où l'image est partagée par toutes générations confondues dans nos sociétés modernes à l'heure du numérique. Cette promotion superficielle et d'autant plus publicisée par les marques qui font de nos sociétés, des sociétés de l'image.

Pour prendre un exemple récent, j'évoquerai les dernières stratégies de communication lors des dernières élections présidentielles qui qui ont de grandes similitudes avec les campagnes publicitaires préconisant la mise en avant de l'image et la mise en arrière de la réflexion objective pour approfondir certains sujets. On s'arrête sur l'image et on ne va pas plus loin. C'est ainsi que les photos sur Facebook semblent prendre un intérêt superficiel et subjectif comme une vitrine de chaque individu qui a pour but d'être jugé sur la qualité ou non que la photo renvoie.

La seule interviewée ayant évoquée la photo de couverture est âgée de 23 ans. Celle-ci, choisit sa photo de couverture en fonction de sa photo de profil. En effet, l'esthétisme est important pour elle.

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« Il faut impérativement que ma photo de profil soit assortie à ma photo de couverture. Par exemple, si ma photo de profil est en noir et blanc, alors ma photo de couverture sera en noir et blanc. »

Dans ce cas, nous pourrions aussi analyser que l'usager va plus loin dans son choix de photo et divulgue aussi un message implicite sur son caractère ou sa personnalité. A travers ce sens de l'esthétisme, nous pouvons interpréter cet usage en pensant que cette personne a un certain rapport à la coordination et l'organisation juste à travers les premières photos que l'on peut voir sur son profil.

Dans ce cas, aussi nous pouvons émettre l'hypothèse que l'âge et le fait qu'elle soit étudiante peut être un des facteurs qui influence son comportement stratégique par rapport aux photos qui apparaissent en premier sur son profil.

Ces témoignages et cette analyse démontre la réflexion d'Irwin Altman, énoncée dans la première partie de ce mémoire.

Celle-ci postule que la réflexivité de chaque individu sur Facebook demeure mais celui-ci ne perd jamais à l'esprit que sa subjectivité va être publicisée. Nous retrouvons ce postulat dans tous les usages de Facebook chez les interrogés. 1

Aussi, `' l'extériorisation et la simulation de soi `' évoquées par Dominique Cardon sont bien entendu refléter dans ce choix de la photo de profil.

Nous pouvons, ainsi, confirmer l'analyse du sociologue qui avance que le design et l'identité sur cette plateforme présentent un caractère beaucoup plus stratégique sur des informations subjectives comme les photographies. Le calcul de la meilleure impression d'eux même ou, dans d'autres cas, l'impression qu'ils souhaitent renvoyer, renvoie donc à tout un calcul stratégique même envers les moindres détails à commencer par la photo de profil et la photo de couverture.

1 ALTMAN Irwin, op.cit. p.23

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Les photos ne sont toutefois pas le seul élément à prendre en compte pour l'image que les individus revendiquent. Comme le dit Dominique Cardon :

« Il est utile de décomposer les différents traits qu'un individu peut être amené à rendre visible sur les réseaux sociaux. »

Il catégorise cette pratique non pas par `' une gestion de la face» mais `'au management des impressions `' d'où l'importance de l'opinion de la liste d'ami.

C'est alors aussi par les autres usages, que les utilisateurs de Facebook travaillent ce management des impressions. Par le partage les `'likes» et les commentaires. Ils se permettent ou non de divulguer des informations sur leur identité.1

Tout au long de cette analyse d'entretiens je mettrai en lumière ces postulats qui sont en permanence présents dans les usages des interviewés comme en témoignent divers éléments provenant des entretiens. C'est donc toujours une image de soi plutôt qu'une explication de soi que renvoient les jeunes usagers de Facebook.

Par ailleurs, tous ces calculs mis en exergue ci-dessus, sont plus ou moins réfléchis selon le profil des individus.

En effet, selon l'âge ou la catégorie socioprofessionnelle dont ils sont issus, des comportements et des réflexions différents sur leurs usages apparaissent.

Cependant, tous travaillent plus ou moins stratégiquement l'image qu'ils renvoient par ces deux photos importantes qui donnent un premier caractère subjectif qui développe une opinion sur le profil concerné aux visiteurs.

1 CARDON Dominique, op.cit. p.24

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II.2.2. L'opportunité de mettre en avant une nouvelle version de soi

Malgré tout ce travail autours de l'image renvoyée d'eux-mêmes, les personnes interrogées estiment que leur profil renvoie une image fidèle d'eux-mêmes. Tous, ont évoqué que Facebook était une vitrine virtuelle, ou un dispositif numérique permettant de divulguer leur E-identité.

« C'est tout moi, ça représente bien mon identité. Quand je regarde mon mur je me dis : `'ah beh ouais c'est moi ça !» Je m'y reconnais totalement. »

Sans hésitation, les 7 utilisateurs de Facebook que j'ai interrogé, ont répondu ce genre d'affirmation.

Toutefois, certains des interviewés vont plus loin dans cette explication de revendication identitaire. Pour trois d'entre eux, la plateforme peut leur permettre de démontrer une autre version d'eux même qu'ils n'auraient pas l'occasion d'illustrer si explicitement dans la vie réelle.

Un individu de 18 ans s'exprime sur la facilité de pouvoir révéler des aspects de leur personnalité par rapport à une rencontre physique.

« Il y a deux aspects de moi sur Facebook. Moi, la fille qui fait la fête et celle qui s'engage plus sérieusement sur la cause animale. [...] J'utilise Facebook, justement, pour faire passer des messages que je ne fais pas passer en réalité. »

Par ce témoignage, nous pouvons remarquer que Facebook permet aux individus de s'exprimer librement sur leur personne sans attendre un contexte adéquat pour évoquer certains traits de personnalité comme cela se produirait dans la vie réelle.

Le réseau social permet la liberté d'exprimer ce que l'on est et ce que l'on veut revendiquer de soi dans l'instantanéité et au moment où nous le décidons. Les barrières de la vie réelle disparaissent. Certains usagers s'autorisent donc, par le biais, de Facebook, à s'exprimer sur eux et sur ce qu'ils pensent.

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Une autre interviewée, quand je lui ai fait la suggestion que Facebook était un dispositif qui lui permettait de mettre en image son identité virtuelle, m'a répondu que oui est que c'était même beaucoup plus facile qu'en vrai. Elle poursuit même en ajoutant que ce réseau social lui permet de `'se créer une personnalité». Je l'ai donc questionné sur ces termes afin d'en savoir plus.

Elle entend par là, qu'elle choisit ce qu'elle permet de rendre public ou non ainsi que sa photo de profil en fonction de l'image qu'elle veut donner tout en prenant en compte que des professionnels peuvent voir son profil et elle en joue. Elle va adapter le contenu qu'elle publie en fonction de ce qu'elle est réellement tout en ayant conscience que son profil peut être examiné à des fins professionnelles.

Par ce témoignage, nous pouvons analyser que Facebook est un support dont elle semble connaitre très bien le fonctionnement et l'usage qu'en font les internautes.

Sa stratégie est donc d'inverser les rôles et de rendre son profil attractif en prenant en compte le fait que l'espionnage est un usage fréquent sur Facebook notamment de la part des professionnels. Elle met en place une alliance entre sa personnalité réelle tout en faisant attention à mettre en avant le côté qui pourrait intéresser un professionnel. C'est en se mettant à la place de l'individu espion qu'elle calcule sa stratégie de revendication identitaire sur le réseau social comme si elle mettait en lumière un CV virtuel plus personnel.

Cette analyse exprime une stratégie plus poussée que l'on pourrait comparer à `'l'arroseur arrosé». Pour autant, elle avoue ne pas cacher sa personnalité et dit pouvoir s'exprimer plus facilement sur des aspects personnels qui n'apparaitraient pas en premier lieu dans la vie réelle.

Par cet usage nous pouvons analyser que l'interrogée ne prend pas en compte, exclusivement, sa liste d'amis et son entourage comme récepteur de ce qu'elle revendique sur son mur et son profil Facebook contrairement à la majorité des interviewés.

De plus, elle avoue connaitre parfaitement le fonctionnement de l'algorithme de Facebook et connait sa puissance, d'où sa stratégie d'utilisation.

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Un des interviewé qui n'utilise presque pas Facebook affirme que pour lui le réseau social n'illustre pas forcément son identité. Il ajoute :

« Sachant que j'ai Facebook depuis longtemps et qu'aujourd'hui je ne publie rien ; d'ailleurs je crois que j'ai la même photo de profil depuis trois quatre ans ; je pense pas que mon profil soit cohérent avec ma personnalité. En fait, c'est comme si il reflétai moi à l'époque donc pas au même âge avec peut être plus les mêmes centres d'intérêt... enfin je sais pas mais je pense vraiment pas que ça soit un reflet de mon identité à part avec ma photo de profil ou mon nom peut être. »

Dans ce témoignage l'usager évoque le fait que Facebook divulguerait une autre version de lui que celle qu'il est aujourd'hui dans la vie réelle.

En effet, en disant qu'il n'utilise plus trop Facebook et que sa photo date de trois ans, on pourrait penser que les informations qu'il y a sur son profil ne sont pas vraiment fidèles à ce qu'il est aujourd'hui. Facebook illustrerait donc une version de lui plus jeune, à l'époque où il utilisait le réseau social plus fréquemment en publiant un minimum d'éléments ou en partageant et en utilisant la mention `'j'aime».

Un autre usager témoigne que Facebook lui permet de se divertir tout en jouant un rôle sur l'identité qu'il revendique. Il s'en sert aussi pour se moquer des autres utilisateurs.

« Quand je commente quelque chose en général c'est pour identifier toujours le même ami. Des fois, en plus de l'identification, je mets un message que je travaille toujours sur le ton de l'ironie ou de l'humour pour justement piéger les gens et ne pas divulguer ce que je pense réellement, mais mon ami me comprend. En fait, je fais en sorte que le commentaire puisse être compris dans deux sens complètement contradictoires pour qu'on ne sache pas ce que je pense réellement à part mon ami qui me connait bien. Parfois, il arrive que sous les publications publiques des gens s'introduisent dans la conversation et ça nous fait tellement rire car ils sont vraiment sérieux, et ils partent dans des débats complètement débiles, dans ce cas j'essaie de leur faire comprendre qu'ils sont ridicules toujours ironiquement et je coupe très court

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à la discussion parce que ce n'est pas mon délire de m'afficher sur un réseau social avec mon ami. »

Par ce témoignage, encore une fois nous pouvons analyser que l'utilisateur fait en sorte de ne pas dévoiler ses centres d'intérêts notamment en politique. Le caractère subjectif de ces commentaires peut laisser penser à une autre version qu'il témoigne sur le réseau social pour les personnes qui ne le connaissent pas vraiment. L'usager met donc en place une stratégie pour se divertir en choisissant qui peut comprendre et qui ne peut pas comprendre de quel côté il se positionne tout en choisissant dans quel rôle il se positionne.

« Il m'est arrivée que quelqu'un de ma liste d'amis croit vraiment des trucs qui vont à l'encontre de mes opinions réelles. J'ai encore plus rigolé avec mon ami car c'est vraiment mal me connaitre. Un jour aussi j'ai partagé un article du Gorafi, un journal satirique qui reprend l'actualité en livrant des informations complètement fausses mais dont l'écriture pourrait provenir d'un article officiel, en gros ils sont très forts sur l'écriture et peuvent parvenir à semer le doute dans l'information qu'ils donnent. Quand j'ai partagé cet article j'étais choqué de voir des gens de ma liste d'ami y croire et commenter. »

Dans ses dires l'usager démontre encore une fois que Facebook est un divertissement dans lequel il aime bien piéger les gens. Par son usage de Facebook, nous pouvons démontrer qu'il s'amuse à illustrer une version de lui qui n'est pas forcément lui au quotidien dans la vie réelle.

Aussi, son comportement prouve qu'il a une certaine conscience de celui des usagers sur le réseau social et qu'il s'amuse de cet usage en piégeant les autres utilisateurs de Facebook même ceux de sa liste d'amis.

Par ce comportement, l'enquêté divulgue qu'il ne prend pas Facebook au sérieux et qu'il joue un rôle et se moque de l'aspect sérieux que les individus évoque sur le réseau social. Dans ce cas, celui-ci, révèle des informations subjectives qui peuvent faire penser à une autre version de lui qu'il renvoie sur le réseau social. Ce comportement lui permet de cacher son identité réelle, son opinion et ses centres d'intérêts jusqu'à un certain degré.

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Par ces quatre analyses nous pouvons mettre en lumière que l'image renvoyée de son identité sur Facebook est plus ou moins travaillée par rapport à plusieurs éléments.

Pour tous les interrogés, le récepteur est au centre de la stratégie de la version de soi que l'on veut divulguer dans le cas où l'usager met en place toute une stratégie pour valoriser son image par rapport à ce qu'il a envie de démontrer de lui.

Certains, utilisent principalement Facebook pour se divertir sans être sérieux dans ce qu'ils démontrent. Dans ce cas l'usager met en place une stratégie tout en aillant la conscience du comportement des autres sur le réseau social et en joue pour se moquer d'eux. Cet usage demande une certaine capacité à prendre du recul.

Dans ces deux cas, les enquêtés démontrent une certaine maturité et une conscience des possibilités de Facebook au-delà de leur entourage ce qui leur permet de mettre en place une stratégie plus poussée en terme d'identité virtuelle.

Facebook peut aussi permettre à l'émetteur de dévoiler un aspect de lui-même qu'il serait contraint de démontrer dans sa vie réelle à son entourage.

Enfin, le dernier cas illustre l'usager qui ne se sert pas vraiment de Facebook car pour lui ce n'est pas important. Il ne réfléchit pas à la version de soi qu'il renvoie sans la mettre à jour car il n'est pas actif sur le réseau social. Ici aussi, l'individu entre dans un jeu de rôle d'une autre version de lui que la plateforme lui permet de revendiquer.

Ce constat peut me permettre d'affirmer que les informations récoltées sur Facebook peuvent être plus ou moins biaisées et d'autant plus très subjectives.

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II.2.3. Le sentiment du contrôle et de la maîtrise de son identité virtuelle

S'il y a bien un élément qui est présenté tout au long de cette analyse d'entretien, c'est la liste d'amis.

En effet, pour tous les usagers de Facebook, la liste d'amis reste importante et en tête dans chaque usage du réseau social. Ce constat reprend l'analyse de Danah Boyd et Nicole Ellison qui relèvent que la liste d'ami sur Facebook serait le principal outil de navigation sur un réseau social et que la plateforme permettrait aux utilisateurs de voir et de croiser leurs listes de relations avec celles créées par d'autres.1 Je peux, donc, affirmer qu'à plusieurs reprises dans cette partie les usagers se comportent sur Facebook plus ou moins en fonction des individus qu'ils ont dans leur liste d'amis.

Il est important de savoir aussi qui ils ont dans leurs listes d'amis. Pour les sept interrogés, cette liste comporte autant des personnes de leur entourage proche, voire très proches que des connaissances qu'ils ont croisées une fois ou deux ou même jamais dans certains cas. La liste d'amis des plus âgés des interrogés, comprend entre 200 et 400 personnes, dont ils ont à l'esprit lors de leur usage qu'une petite partie qui les intéressent réellement.

Lorsque un interrogé de 18 ans m'a donné le nombre de personnes qu'il avait dans sa liste d'amis après avoir fait un tri récemment, j'ai pu comprendre que son usage de Facebook n'est plus vraiment un usage personnel mais beaucoup plus public que certains autres car il compte exactement 666 amis.

« J'ai fait un tri, il y a pas longtemps parce que j'avais beaucoup trop d'amis, maintenant j'en ai 666. »

Pour cet interviewé qui dit avoir fait le tri et avoir maintenant 666 amis dans sa liste nous laisse penser qu'il accepte des ajouts de personnes qu'il ne connait pas

1 BOYED Danah et ELLISON Nicole, op.cit., p.23

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vraiment comme des amis selon la définition de Facebook et non d'après le terme commun.

Il est probable que l'individu n'est que quelques personnes de cette liste en tête lorsqu'il fait quelque chose sur Facebook, sachant que c'est le même interrogé qui dit faire attention à ce qu'il met par rapport à sa future vie professionnelle. Paradoxalement, il se permet aussi d'insulter en commentaires les gens dans des commentaires politiques, selon ses envies.

Ce comportement laisse l'impression d'être peu réfléchi en terme de stratégies. L'hypothèse que cet individu n'a pas forcément le contrôle de ce qu'il laisse paraitre à ses 666 amis qui suivent son profil peut donc être évoquée.

On pourrait systématiquement penser que les interviewés contrôlent, ou pensent contrôler leur image par rapport à leur liste d'amis mais ce n'est pas automatiquement le cas, car pour cela, il faudrait qu'ils aient en têtes tous ces individus à chaque fois qu'ils réfléchissent à leur action sur le réseau social. Lors des entretiens, un grand nombre de contradictions entre leurs dires et leurs actions s'est manifesté et plus particulièrement chez les plus jeunes (15 ans à 20 ans). Peut-être est-ce dû à un manque de maturité.

Lorsque, ensuite, je leur ai demandé s'ils avaient leur parents sur Facebook, juste deux individus m'ont dit que oui, qu'ils faisaient partie de leur liste d'amis. Cet élément reprend la théorie de la `' culture de la chambre `' d'Hervé Glaverec 1. Facebook est une plateforme sur laquelle les adolescents peuvent s'exprimer hors du cocon familial. Les parents sont donc tenus à l'écart de la liste d'amis de leur enfant.

Tous les interrogés affirment ne pas accepter les inconnus qui demandent un ajout dans la liste d'amis. Un va même jusqu'à signaler l'ajout lorsque c'est quelqu'un qu'il ne connait pas du tout ou s'il n'a aucun ami en commun avec lui.

« Il m'arrive de bloquer ou de signaler ceux qui m'ajoutent et que je ne connais pas quand c'est des gens d'un autre pays et qu'il y a aucun rapport avec moi. »

1 GLAVEREC Hervé, op.cit., p. 18

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Après de nombreuses plaintes, Facebook a mis en place des paramètres de sécurité et de confidentialité poussés afin que chacun ait plus ou moins le contrôle de montrer ce qu'il veut à qui il veut. Tous les interrogés ont émis qu'ils avaient donc le contrôle de l'image qu'ils renvoient, du moins c'est ce que l'entreprise Facebook laisse à croire.

« Déjà mon mur si tu n'es pas mon ami tu ne peux pas le voir et je pars du principe que chacun, à côté de sa vie professionnelle, a sa vie personnelle et je ne vois pas où peut être le mal. Je ne publie rien et surtout pas n'importe quoi en plus alors peu importe. Puis j'ai bien réglé mes paramètres de sécurité et de confidentialité donc je gère qui peut me retrouver ou à qui je veux montrer des choses. »

Dans ce témoignage l'interrogé semble être sûr de lui à propos du contrôle de son mur et de son profil Facebook. Pourtant, après cette réponse, plus tard dans l'entretien celui-ci indique :

« Il m'est arrivé un truc l'autre fois. Je suis sortie faire la fête et j'ai vu un gars puis quelques jours après je l'ai eu en suggestion d'ami... Je ne savais pas comment ça se faisait il n'avait pas mon nom, ni moi mais je l'avais quand même en suggestion et ça m'a fait un peu peur. »

Son incompréhension peut paraitre contradictoire avec ce qu'il a annoncé un peu avant, quand il affirme qu'il contrôle son image sur Facebook ou qu'il connait la fonctionnalité du réseau social. Lorsque l'interrogé dit que son profil est bloqué, il pense que son prénom et son nom sont obligatoires pour le retrouver car il est surpris que quelqu'un qui ne connait ni son nom, ni son prénom soit en suggestion de ses amis.

Cette analyse, peut me permettre de postuler que l'usager concerné pense qu'il contrôle Facebook par lui-même sans pour autant estimer les possibilités de l'algorithme du réseau social. Le fait que Facebook ait développé ses paramètres de sécurité en laissant choisir le moindre élément à son utilisateur peut engendrer la pensée que l'utilisateur peut tout contrôler lui-même.

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Or, il s'avère que dans le second récit, l'individu ne comprend pas comment cette suggestion d'ami ait pu être faite.

Par ce constat, je peux évoquer qu'il ne connait pas forcément le principe de Facebook qui est rattaché à Google et donc à la géolocalisation que les algorithmes ont retracé avec cet individu pour, ensuite, lui faire une suggestion d'ami via son profil Facebook.

Trois des interviewés disent ne pas comprendre qu'ils aient des ajouts de personnes étrangères. Ce détail confirme aussi que les usagers n'ont pas forcément conscience de la puissance des algorithmes et qu'ils ne contrôlent pas totalement leur profil.

En effet, en partageant certaines publications qui ont été partagées un grand nombre de fois les individus permettent un tracé de leur profil qui peut être répercuté dans le monde entier en très peu de temps. Cet effet qui reprend `'Le phénomène des petits mondes»1 de S. Milgram, peut avoir des conséquences inimaginables.

Si les internautes ne vérifient pas la source des publications, il suffit d'une mention `' j'aime `', d'un commentaire ou d'un partage pour que des inconnus retrouvent leur profil sans forcément les connaitre.

Pour résumer, les usagers de Facebook pensent être contrôleurs de leur identité virtuelle sur ce réseau social mais, parfois, contre leur grès ou par manque de connaissance des fonctionnalités de Facebook, il s'avère qu'ils donnent de nombreuses occasions de pouvoir retrouver leur coordonnées ou leurs profils via un simple clic.

Connaissant la puissance et la fonctionnalité de Facebook avec le EdgeRank et le PageRank de Google, que j'ai détaillé dans la première partie de ce mémoire, si la traçabilité peut se faire par ces moyens, même si les paramètres du réseau social laissent l'impression de pouvoir contrôler sa sécurité et son identité, nous pouvons

1 MILGRAM Stanley, op. cit., p.25

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penser qu'il existe des failles qui peuvent permettre à des individus inconnus de pouvoir récolter des informations personnelles sur chaque profil.1

Ce détail stratégique élaboré par l'entreprise dans la sécurité, comme la définition des termes `'liste d'amis» provenant du design, donne l'impression d'être contrôleur total de son profil.

Avec ces témoignages nous pouvons affirmer que, malgré ce que les individus pensent connaitre du fonctionnement de Facebook, des lacunes demeurent et ne leur permettent pas d'avoir le contrôle total de leur identité virtuelle sur le réseau social même si les paramètres de sécurité et de confidentialité sont plus élaborées qu'à la création de Facebook en 2004.

II.3. Les individus ont-ils conscience des conséquences de leurs usages ?

II.3.1. L'acceptation ou non de l'exploitation de ses données personnelles

La majorité des interviewés ont émis qu'ils étaient conscients de divulguer des informations personnelles en utilisant Facebook.

Lorsqu'ils ont évoqué cette réponse les interrogés argumentent qu'ils ne publient jamais rien, donc qu'ils ne donnent pas de réelles informations.

« Sur toutes les informations que je donne ça me fait pas peur. En fait, je sais que l'Etat a déjà toutes ces informations. Et alors ? Ils vont faire quoi ? Rien. Je fais partie, comme tout le monde, des gens qui utilisent internet en plus je ne publie jamais rien alors je m'en fiche un peu... »

Par cette réponse, l'interrogé est conscient que ses données sont enregistrées et peuvent être utilisées.

1 Le PageRank et le EdgeRank sont les algorithmes de Google et Facebook définies avec les fonctionnalités du réseau social, op.cit., p.22

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Cependant, il n'est pas inquiet et se rassure en disant que tout le monde utilise internet, donc qu'il n'est pas le seul à divulguer des données privées. Il se déculpabilise par l'annonce de généralités.

Toutefois, l'individu ajoute qu'il ne publie rien et qu'il ne risque pas grand-chose. Il est vrai que publier régulièrement peut-être un risque supplémentaire, mais nous avons pu analyser précédemment que les partages, les commentaires et les mentions `' j'aime `' ainsi que la géolocalisation peuvent permettre la récupération de données.

De plus, l'usager évoque l'Etat directement en ce qui concerne les détenteurs de ces coordonnés personnelles. Je peux penser par ce témoignage, que l'individu se sent donc suivi virtuellement quoi qu'il fasse. Cette personne accepte et trouve même normal qu'il n'existe plus vraiment de vie privée.

D'autres enquêtés expliquent, au même sens que ci-dessus, qu'ils ont conscience que leurs données personnelles peuvent être exploitées contre leur gré, mais que c'est le risque lorsqu'ils s'inscrivent sur Facebook.

Dans ce cas, ils acceptent majoritairement l'exploitation de leurs données. Leurs arguments sont souvent portés sur la théorie que beaucoup de monde utilise internet et les réseaux sociaux aujourd'hui. Beaucoup d'entre eux répètent que leur entourage les a assez prévenus sur les risques. Ils évoquent que nous sommes au 21ème siècle et qu'internet fait partie de notre société, c'est un fait qu'il faut l'accepter. La possible exploitation de leurs données personnelles est un fait totalement accepté et intégré.

Instagram et Snapchat pratiquant plus ou moins les mêmes fonctions implicites que Facebook sont aussi en mesure d'exploiter les données de leurs usagers. Pourtant, lorsque j'ai interrogé les plus jeunes utilisant exclusivement les applications ci-dessus, ils m'ont avoué que Facebook était plus dangereux en termes d'exploitations que les deux autres plateformes.

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« Snapchat ou Instagram sont plus personnels dans l'utilisation que Facebook je trouve. En gros, ce que tu publies c'est clairement en petit comité et ça peut pas trop être partagé sur un mur commun comme sur Facebook. Du coup, je trouve que ces applications sont moins complexes et plus personnelles, donc il y a moins de risques que l'on prenne nos données personnelles quoi. »

Par les fonctionnalités de ces deux applications les interrogés se disent plus maîtres et contrôleurs de leur identité virtuelle que sur Facebook. Sur ces applications, selon leurs dires, le croisement de leur liste d'amis, par exemple, ne se fait pas et n'est pas non plus regroupé sur un fil d'actualité commun sur Facebook. Un design quelque peu différent suffit à donner l'apparence d'une plus grande intimité sur ces plateformes.

Pourtant, sachant que les utilisateurs révèlent des données personnelles sur ces réseaux sociaux, il est logique que les entreprises des plateformes soient les premiers détenteurs des informations que les usagers décident de divulguer, sans qu'il soient tous conscients dans quel but ces données peuvent être enregistrées.

Le design et les dispositifs de Facebook, leur donnent l'impression d'être plus maîtres de leur identité virtuelle sans qu'ils aient l'impression de divulguer des informations personnelles à l'entreprise Facebook.

De plus, les individus sont susceptibles de révéler leurs données personnelles à n'importe qui veut et a les capacités de rechercher des informations moins évidentes à trouver comme les entreprises qui retracent les profils des consommateurs afin de s'adapter à leur cible pour les pousser à la consommer.

Les plus jeunes des individus interrogés (15- 20 ans) ont l'impression d'envoyer des informations sur eux, juste à un cercle restreint qui fait partie de leur entourage, même quand ces applications sont plus personnelles que Facebook, car elles partagent un fonctionnement tacite similaires à celui Facebook. La grande différence avec Facebook est que ces applications proposent un design et une logique dans laquelle l'utilisateur peut se sentir au centre des fonctionnalités par l'effet personnel qu'elles engendrent, permettant à celui-ci de se sentir contrôleur de son profil.

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Un autre individu, plus âgé cette fois (24 ans), évoque qu'il ne lui pose aucun problème de divulguer sa date de naissance, son nom ou son adresse mail sur le réseau social. Il ajoute :

« Même dans la vie réelle c'est facile de trouver les coordonnées de quelqu'un, il faut arrêter tout ce cinéma autour d'internet et des réseaux sociaux. C'est bon on est au 21ème siècle I »

Ce qui le dérange le plus, serait de voir une photo de lui réutilisée pour un autre usage par une autre personne, c'est pourquoi il a bloqué tous les paramètres de confidentialité et va même vérifier de temps en temps sur Google en tapant son nom et prénom pour regarder si des photos lui appartenant n'apparaissent pas dans les images Google.

Par ce comportement, nous pouvons remarquer que l'individu reste lucide et connais les risques de Facebook tout en prenant en considération qu'il n'est pas dominant face à la plateforme mais qu'il est susceptible d'être une `'victime» du réseau social car tout simplement il l'utilise et qu'il est donc impossible pour lui de tout contrôler.

Un autre interviewé, âgé de 25 ans, a conscience de donner des informations personnelles à Facebook, il fait partie des personnes étant passives sur le réseau social. Il ne publie rien, ne commente presque pas et ne partage rien, justement car il est conscient de cette récolte de données de la part de Facebook ou de Google qui permettrait à quelqu'un ayant les capacités de retrouver ses données.

C'est l'une des causes de l'utilisation moindre de Facebook de la part de cet usager. Le réseau social ne lui sert juste à regarder l'actualité, d'ailleurs sa liste d'amis compte moins de 100 personnes afin de restreindre les individus à qui il donne des informations. C'est aussi l'un des rares interrogés qui ne clique jamais sur les publicités que Facebook lui propose. D'ailleurs, le réseau social lui en propose peu, et des publicités qui ne l'intéressent pas surement par manque d'informations sur son profil et donc sur ses centres d'intérêts.

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Cet usager contrôle ses données en utilisant à minima les fonctionnalités que Facebook lui propose. C'est pour lui une sécurité car il a conscience qu'en faisant une action minime il peut permettre à quiconque le veut de récupérer des données personnelles à son sujet. Ce même individu évoque :

« Toute manière Facebook ne me sert pas à grand-chose et je pense supprimer mon profil très prochainement. Parce que, toute manière, à partir du moment où tu utilises Facebook forcément tu acceptes de divulguer des informations personnelles sur toi faut pas se voiler la face. Moi j'aime pas trop, mais bon, aujourd'hui, avec tous les gens qui utilisent ce genre de réseau social on sait très bien qu'on peut être pisté à tout moment surtout avec les attentats qu'on a eu ces dernières années et c'est normal. »

Par ce témoignage l'usager a donc bien conscience que le contrôle de ses données ne dépend pas forcément de lui et qu'il y a des limites.

De plus, c'est l'un des rares interrogés qui évoque le contexte actuel de la France et les attentats terroristes que l'Europe subit. Il a donc conscience que ces données peuvent être exploitées à tout moment et trouve ça normal, il accepte donc cet usage de ces données par rapport au contexte que subit la France.

En majorité, nous pouvons conclure que les utilisateurs de Facebook, acceptent plus ou moins l'exploitation de leurs données par Facebook.

Toutefois, ils ne savent pas exactement pour quelle raison et par qui ces données personnelles sont exploitées, certains évoquent l'Etat, d'autres des inconnus et d'autres Facebook.

Il est pourtant évident que Facebook, l'entreprise elle-même, est la première réceptrice à exploiter les données personnelles de ses utilisateurs. Dès lors que nous créons un simple profil, nous sommes consciemment ou non en train de divulguer des informations personnelles telles que le nom, le prénom, la date de naissance.

Peu de personnes interrogées ont évoqué Facebook comme exploiteur de ces données.

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Pourtant, ce même comportement dans la vie réelle serait surement mal perçu par les individus. Une fois de plus, cette barrière entre la vie privée et la vie publique semble s'effacer dans le monde virtuel.

Le second argument que les interrogés énoncent, est le fait que `'tout le monde utilise Facebook donc tout le monde accepte l'exploitation de données personnelles alors pourquoi pas moi ?» .

Dans ce cas, les utilisateurs ont conscience de l'exploitation de leurs données et l'acceptent car pour eux c'est le contexte d'une époque, celle des nouvelles technologies de l'information et de la communication et on ne peut y échapper

Avec cet argument, un utilisateur évoque l'envie de supprimer son profil car cette exploitation de données le dérange. Le fait de pouvoir être suivi ou que l'on retrace son profil lui parait évident dans le contexte actuel de notre société mais, pour autant, il envisage de supprimer son compte par son utilisation minimale de Facebook et par cette connaissance d'exploitation des données personnelles. Dans ce cas l'exploitation de données est moins acceptée par l'utilisateur.

II.3.2. Une conscience et une connaissance approfondies de Facebook chez les plus âgés

Depuis, le début de cette partie, nous pouvons analyser une connaissance plus ou moins développée de Facebook de la part des individus interrogés. Je peux affirmer que les fonctionnalités explicites du réseau social sont connues par tous étant donné que chacun utilise la plateforme à sa manière et les dispositifs qu'elle propose. C'est souvent sur la liste d'amis qu'ils sont utilisés, en ayant toujours comme arrière-pensée que telle ou telle personne peut voir ce qu'ils font sur le réseau social. Ils étudient les répercussions de leurs usages de la plateforme sur d'autres individus faisant partie de leur liste d'amis.

Toutefois, nous pouvons remarquer certaines lacunes sur la connaissance des possibilités que Facebook engendre par ces utilisations. J'ai évoqué ci-dessus l'incompréhension de la suggestion d'ajouts d'inconnus voire d'étrangers à des utilisateurs. Cette incompréhension provient d'un manque de connaissance de

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l'algorithme de Facebook et plus généralement des réseaux sociaux et d'internet. Cet élément ressort le plus souvent du témoignage des plus jeunes interviewés de mon échantillon, soit les 17, 18, 20 ans. Certains ajoutent :

« Des fois, quand je fais du shopping en ligne sur Google, après quand je me connecte sur Facebook il y a des publicités sur mon mur d'actualité je retrouve les produits que je suis allé voir sur les sites en ligne, je ne comprends pas comment ça se fait. »

Je m'aperçois, encore une fois, que les usagers n'ont pas conscience du fonctionnement du EdgeRank et du PageRank que Facebook et Google mettent en place.

Les utilisateurs prouvent ici, qu'ils s'arrêtent à la connaissance des fonctionnalités les liant les uns aux autres et l'image qu'ils renvoient à leur liste d'amis sans pour autant penser aux autres opportunités que Facebook accorde aux lobbies ou aux institutions.

Un autre témoignage m'a interpelé par la façon dont la personne parait sûre d'elle sur l'image qu'elle renvoie et semble assumer totalement qui elle est sur Facebook en allant plus loin dans ses revendications tout en ayant l'impression de contrôler son image. L'individu concerné a 18 ans et c'est aussi l'usager qui m'a répondu être parfaitement conscient du fonctionnement de Facebook et avoir le contrôle de son profil. Cette même personne, a aussi, évoqué ne pas comprendre pourquoi des individus étrangers lui envoyaient des demande d'ajout à sa liste d'amis. Nous pouvons souligner, ici, une contradiction faisant référence à ses capacités sur les connaissances du fonctionnement de Facebook assez minimes. De plus, l'individu ajoute :

« Professionnellement je fais attention à ce que je mets, plus ou moins sur Facebook. C'est sûr qu'il faut faire attention. Par exemple, si tu es nazie (rire), non mais faut voir les choses en grand I Si t'es un nazie tu ne vas pas mettre `'Ouais je suis nazie, je suis pour Hitler `' sur Facebook. Après, j'assume tout à fait l'image politique et mes opinions que je démontre. Moi je m'en fou, je vais te dire que j'ai voté Marine Le Pen et j'étais à fond pour elle, je l'assume totalement. »

Ce témoignage, assez paradoxal, peut évoquer un manque de connaissance du réseau social et peut être de maturité dans son comportement.

En effet, cette même personne étant pour la défense des animaux fait ce discours. Etant assez surprise de ses réponses pendant tout l'entretien, j'ai donc eu à faire l'effort de cacher mon jugement pour qu'il continu ses témoignages. L'analyse du comportement que j'ai pratiqué me permet de démettre l'hypothèse que cet individu est l'un des plus influençables par le biais du réseau social. En effet, son usage de Facebook et le discours qu'il tient sont contradictoires.

En évoquant qu'il fait attention à ce qu'il dit sur Facebook en proposant l'exemple d'Hitler mais en dévoilant son opinion politique tout en défendant la cause animale, me laisse observer que l'individu possède des connaissances obsolètes même en terme de culture générale. Ceci me permet d'interpréter que c'est le profil type de l'usager qui pense contrôler son profil mais qui, contrairement à ça, peut facilement se laisser « piéger » par l'algorithme de Facebook.

« La probabilité qu'il m'arrive un danger sur Facebook est la même que celle d'avoir un accident de voiture ... Je ne suis pas naïf au point de parler à n'importe qui sur Facebook et j'arrive à identifier les personnes ou les éléments malsains, il suffit de bloquer ou de signaler. Je connais le fonctionnement de Facebook et j'assume ce que je divulgue sur moi. Donc non, je ne suis pas un parano au point de penser tous les jours à ça. »

Par ces dires, contrairement aux précédents témoignages, nous pouvons remarquer une certaine lucidité de l'usager et sa connaissance des risques qu'il met en jeu en utilisant la plateforme. L'interrogé a une prise de recul sur Facebook et dédramatise l'usage du réseau social en le comparant à la vie réelle. Il est alors pour lui évident qu'il divulgue des informations personnelles. Il en a conscience semble maîtriser son profil par la connaissance qu'il a du fonctionnement du réseau social. Cet individu fait aussi l'objet d'une précédente analyse qui évoque que ses connaissances et sa maturité lui permettent de divulguer une autre version de lui sur la plateforme.

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Toutefois, un des interrogés de 25 ans évoque :

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« Oui, je connais Facebook, oui je sais que Facebook a un certain contrôle sur mon comportement mais c'est pas pour autant que je ne maîtrise pas mon profil et mon image sur ce réseau social. Je sais, par exemple, comment fonctionnent les suggestions d'amis. Si quelqu'un va souvent sur ton profil sans être dans ta liste d'amis. Il y a de grande chance que ça soit quelqu'un qui fasse partie de ton entourage ou qui est ami avec quelqu'un de ta liste au second ou troisième degré. C'est logique, quand tu connais le fonctionnement de Facebook. Puis, Facebook enregistre que la personne a tapé plusieurs fois ton nom dans la barre de recherche donc il te le suggère en ami. Ils ne sont pas très futés les gens qui le font si c'est pour espionner c'est grillé.(rire)»

Par cet argument nous pouvons clairement analyser que l'usager est totalement conscient de la puissance de Facebook et qu'il est dans l'incapacité de tout contrôler notamment son profil et son image à 100%.

Cependant, par sa connaissance des possibilités de Facebook, l'interrogé est capable d'anticiper le comportement des autres usagers et donc de faire attention à son usage sur le réseau social afin de divulguer le moins d'informations possible à son sujet.

Il ajoute aussi, qu'il regarde toujours la source des publications qu'il consulte et s'abonne qu'au page dont il connait les sources. Ce qui lui permet une certaine sécurité même s'il partage, commente ou « like » les publications provenant des sources officielles qu'il connait. Dans ce cas, pour cet usager nous pouvons dire qu'il contrôle aisément son identité virtuelle et son profil sur Facebook par sa, connaissance de la puissance du réseau social et la logique de son algorithme.

De plus, cet enquêté fait aussi l'objet d'une analyse de la version de soi qu'il revendique en amont de cette observation dans une autre partie de cette recherche. Dans celle-ci, j'ai mis en lumière que l'usager jouait un rôle sur le réseau social en travaillant une image neutre de lui. Pour cela, il utilisait l'ironie pour utiliser le réseau social avec humour afin de rester neutre sur sa réelle personnalité.

Par ces deux observations, je peux mettre en lumière que son comportement fait émerger une maturité et une lucidité qui lui permettent de déjouer les effets

puissants que Facebook engendre chez les individus les plus influençables. Dans ce cas, par sa maturité, l'usager se trouve dans la posture de pouvoir contrôler son identité et son profil virtuel sur la plateforme.

II.3.3. Facebook : un outil marketing encore mal connu de la Génération Y

Avec le recul et la conscience du fonctionnement des algorithmes de Facebook et Google provenant de ma recherche, j'ai aujourd'hui acquis une meilleure vision des possibilités de Facebook.

Ce réseau social qui promeut la possibilité d'établir des relations et des interactions, dans le milieu privé des usagers est aussi utile pour d'autres communautés et institutions qui ne sont pas forcément prisent en compte par les interrogés. Précédemment, j'ai relevé que beaucoup des utilisateurs ne mentionnaient pas Facebook comme premier détenteur de données personnelles.

Lorsque j'ai interrogé les individus pour savoir s'ils lisaient la politique de confidentialité du réseau social, lors des mises à jour régulièrement proposées, il s'avère qu'aucun des enquêtés n'a répondu positivement. Ils valident donc unanimement la politique de confidentialité de Facebook sans pour autant en prendre connaissance.

Par cet, acte il est possible d'affirmer que pour ces utilisateurs la politique de confidentialité du réseau social n'est pas importante, nous pouvons donc imaginer qu'ils la connaissent plus ou moins.

Pourtant, il est évident que ce grand texte expliquant les dispositifs de Facebook et comment fonctionne la confidentialité, peut permettre aux usagers de pouvoir contrôler leur profil en adaptant un comportement susceptible de protéger leurs données personnelles.

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Toutefois, la plupart des individus ont évoqué :

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« Des fois, quand je fais du shopping en ligne sur un site, après, quand je vais sur Facebook j'ai des publicités sur les articles que j'ai regardé ou sur le site concerné, quand ça me plait je clique oui. C'est pratique quand même. »

Dans ce témoignage, l'interviewé évoque sa satisfaction quand il trouve une publicité sur son mur Facebook. Celui-ci va jusqu'à y cliquer dessus pour visionner le site. Un lien existe entre sa recherche Google et le réseau social et il semble en être content sans pour autant se poser la question de comment cette publicité est arrivée jusqu'à son mur Facebook.

Pourtant, s'il prenait cette conséquence en compte il pourrait comprendre qu'il existe le même lien entre les personnes qu'il ne connait pas d'où la suggestion d'un individu dont on ne connait aucune coordonnée ou l'ajout d'étrangers.

De plus, connaissant un minimum les dispositifs de Facebook qui engendrent la traçabilité des profils par la liste d'amis et les interactions, il est logique que ce fonctionnement ne se limite pas qu'à l'entourage.

Au titre de leur usage personnel, les internautes semblent oublier la capacité de Facebook sur la traçabilité des profils par le biais de l'enregistrement des usages et des données personnelles de chaque utilisateur.

D'ailleurs lors d'un chat entre Marc Zuckerberg, le fondateur de Facebook, et un ami étudiant en 2010, le célèbre créateur avoue ne pas comprendre ce manque de réflexions de la part des usagers de la plateforme :

Marc : « I have over 4.000 e-mail, pictures, adresses. » His friend : « What ? How'd you manage that one ? » Marc : « People juste submitted it. I don't know why... They « trust me. » Marc : « Dumbs fucks. »1

1 Extrait d'un chat entre Marc Zuckerberg et un ami étudiant au début de Facebook, 13 mai 2010, Bisness Insider :

Marc : « J'ai plus de 4 000 e-mails, photos et adresses. » Son ami : « Quoi ? Comment tu as réussi à obtenir ça ? » Marc : « Les gens me les ont juste donné. Je ne sais pas pourquoi... Ils me font `'confiance.» » Marc : « Putains d'abrutis. »

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Par ce dialogue, je peux analyser le caractère moqueur de Marc Zuckerberg par l'insulte `'putains d'abrutis».

En effet, le fondateur ne comprend pas le comportement des usagers et ne s'en cache pas. Le fait que les internautes divulguent leurs données personnelles à un parfait inconnu semble si aberrant qu'il parait dénué de sens.

Pourtant ce comportement semble être complétement intériorisé par tous les usagers interrogés, d'où leur dévaluation des risques de l'influence des marques à la consommation sur le réseau social.

En effet, à plusieurs reprises dans cette partie nous avons pu étudier une mauvaise prise de conscience sur la puissance et les opportunités que Facebook offre aux institutions autres que l'entourage ou la liste d'amis des individus. Par la fonction implicite de traçabilité des profils, Facebook permet d'être un support pour les marques afin de s'adapter à leurs cibles.

Les usagers ne prennent pas cette fonction en considération et ne se focalisent que sur leur entourage sans comprendre certains faits. L'individu évoquant son incompréhension lorsqu'il reçoit des invitations de personnes étrangères ayant aucun lien avec son entourage ou celui qui évoque qu'il a eu en suggestion une personne croisée en soirée sans pour autant lui avoir donner son nom et son prénom prouve ce manque de lucidité et d'analyse.

Par ces indices, les interrogés auraient pu avoir les capacités de comprendre le pourquoi du comment tout en essayant d'analyser les fonctionnalités implicites de Facebook qu'ils utilisent eux-mêmes pour espionner ou enquêter sur leur entourage.

En évoquant l'Etat et leur entourage, nous retrouvons une certaine opposition entre deux extrêmes chez certains des individus, prouvant qu'ils ont conscience de divulguer des données personnelle à une institution beaucoup plus importante que les communautés proches.

Pourtant, ils n'ont pas eu la capacité de s'interroger sur d'autres institutions et communautés qui apparaissent sur le réseau social au quotidien sans penser que ceux-

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ci sont aussi dans la faculté de recueillir des données personnelles afin d'établir des profils propices à la consommation de telle ou telle marque.

Par ce comportement se rapportant à eux en tant que personne et l'engagement qu'ils prennent pour proposer l'image qu'ils souhaitent à leur entourage, nous fait prendre conscience de l'individualisme qui règne dans notre société moderne.

Depuis le début de cette analyse, nous pouvons voir que l'image que l'on renvoie et le comportement engendré dont l'objectif est une promotion de sa propre identité sous son meilleur jour, démontre un certain égocentrisme dans le comportement des usagers interrogés. La perception de mon image par autrui est tous ce qui importe.

L'individualisme et ce rapport à soi et à autrui traduit un manque de recul et de vision plus large qui, pour la plupart, à tendance à se retourner contre eux alors qu'ils ont tous les éléments en main de comprendre le fonctionnement et la puissance de Facebook.

Le paradoxe central de cette analyse, postule que les individus sont individualistes mais aussi interdépendants sur la plateforme. C'est autrui, qui est dans la position du jugement de chaque profil. C'est donc en pensant à autrui que les individus calculent leur stratégie identitaire sur le réseau social et le plus souvent par rapport à leurs pairs.

C'est dans ce comportement que nous retrouvons plus ou moins d'autocensure chez les usagers.

Ce manque de prise en compte des capacités de Facebook sur les conséquences autres que sur leur entourage, paraît être quelque chose d'anodin et de peu important.

Pourtant, vivant dans une société de consommation dans laquelle les marques ont compris ce manque de prise en compte des jeunes individus utilisateurs de Facebook il est évident que le marketing digital a su faire sa place auprès de cette cible et a su prendre les devants pour s'y adapter.

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Le constat relevé par cette analyse est que par leur comportement individualiste, beaucoup d'individus n'élargissent pas leur vision et ne s'arrête qu'à la frontière de leur cercle proche sans prendre en compte que ceux qu'ils font sur Facebook d'autres peuvent le faire aussi et plus efficacement car eux, ont été sujets de cette prise de conscience.

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Conclusion de la partie

Par l'analyse d'entretiens, j'ai mis en lumière le comportement d'individus sur Facebook âgés de 15 à 25 ans.

Sur plusieurs aspects nous pouvons évoquer que les enquêtés ont des points communs dans leur usage, notamment sur les dispositifs principaux que Facebook propose tels que l'application Messenger, le partage des publications, les mentions `'j'aime» et les identifications entre amis.

En globalité, tous évoquent qu'ils ne publient jamais ou très rarement sur leur mur et qu'ils font donc partie de la catégorie de profil « je regarde mais je ne fais rien » évoqué par Dominique Cardon dans le projet Algopol.

De nombreuses similitudes sont apparues entre les analyses et les études évoquées par les sociologues dans la première partie de ce mémoire , tel que le travail de l'impression de soi que les usagers revendiquent sans pour autant travailler une explication de soi comme l'évoque Monique Dagnaud.

La grande tendance qui se dégage de ces entretiens me permet de postuler que les individus de mon échantillon se trouvant dans la tranche d'âge des 15, 25 ans ont plus ou moins conscience des conséquences de leurs actes sur Facebook.

Les plus âgés semblent avoir une vision plus élargie et moins égocentrique pour comprendre les fonctionnalités de Facebook. Par leurs connaissances et leur maturité, ils sont lucides et évoquent être conscient d'être, en quelque sorte, une cible des institutions privée ou publiques ainsi que l'entreprise Facebook.

Dans ce cas ils sont en capacité d'affirmer être conscients des risques qu'ils encourent en divulguant des informations personnelle à partir du moment où ils s'inscrivent sur le réseau social. Ils sont d'ailleurs, plus légitimes lorsqu'ils annoncent assumer l'image qu'ils renvoient car ils ont tendance à contrôler d'une meilleure façon leur profil par les capacités intellectuelles qu'ils possèdent à l'égard du réseau social.

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Contrairement à ces profils, les plus jeunes semblent avoir l'impression de contrôler leur image virtuelle sur le réseau social et leur vie privée. Pourtant, beaucoup de contradictions ont été identifiées lors de ces huit entretiens qui prouvent leur manque de connaissance de la puissance de Facebook.

Pour tous les enquêtés, excepté l'individu ne possédant pas de profil Facebook, les fonctionnalités principales sont partagées dans leur usage. Les différences font surface dans leur stratégie individuelle en adéquation avec leur niveau de connaissances intellectuelles d'internet, de Facebook et peut-être aussi par leur expérience personnelle et leur âge mûr.

J'ai pu mettre en exergue le caractère identitaire dont font usage tous les individus de mon échantillon à des fin personnelles ou professionnelles.

Enfin, nous pouvons résumer que dans toute cette partie j'ai pu mettre en lumière la conscience plus ou moins présente des conséquences engendrées lors de leur usage sur le réseau social.

Les plus âgés de mon échantillon semblent être davantage lucides et prennent en compte chaque conséquences de chaque usage, jusqu'à élaborer des stratégies poussées qui démontrent qu'ils détiennent dans leurs compétences la capacité de maîtriser et de contrôler leur image en faisant leur propre choix sur la plateforme sans pour autant se laisser influencer par les marques qui utilisent Facebook afin d'inciter à la consommation.

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Conclusion

Cette recherche sur le comportement des jeunes de 15 à 25 ans sur Facebook s'appuie sur trois hypothèses.

Tout d'abord, Facebook génère divers usages de la part des utilisateurs.

En effet, les fonctionnalités explicites pour lesquelles le réseau social a été créé font part du premier usage des individus. La plateforme, permet la possibilité d'interagir instantanément entre les individus. C'est alors, que le réseau social rend possible la communication par le biais du partage, des commentaires, de la messagerie instantanée et des mentions `'j'aime».

D'après Dominique Cardon, les jeunes utilisateurs de Facebook représentent 30% de la catégorie `'Je regarde mais je ne publie pas». C'est donc par le biais des usages précisés ci-dessus que les internautes communiquent entre eux. 1

Toutefois, un usage plus implicite est mis en exergue d'après mon étude et reprend la catégorie analysée par le sociologue. L'espionnage est, par l'unanimité de mon échantillon, une activité qu'ils pratiquent via Facebook ou d'autres plateformes utilisant les mêmes fonctions de partage. L'intérêt principal de cet usage conduit généralement par le sentiment de curiosité, et s'apparente à la récolte d'informations sur autrui. Par cette analyse, je peux affirmer que ma première hypothèse est validée.

Ma seconde hypothèse postule que Facebook est un outil de revendication d'une identité travaillée pour les usagers de 15 à 25 ans.

Tout au long de ma recherche, le processus identitaire a été évoqué puisqu'il est omniprésent pendant la période durant laquelle l'individu enfant cherche à s'émanciper pour devenir un individu adulte.

Dans la seconde partie de mon travail, il a été analysé que l'un des principaux intérêts des individus, était le travail stratégique de la promotion de soi, ayant comme

1 Projet Algopol, op.cit., p.23

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principal récepteur les individus composant leur liste d'amis. Ce constat me permet d'affirmer que la deuxième hypothèse de ce mémoire de recherche est validée.

Enfin, ma troisième et dernière hypothèse me permettait de m'interroger sur la conscience des conséquences des usages des utilisateurs de mon échantillon.

Par mon analyse, je peux affirmer que les plus âgés des interrogés, soit les 23, à 25 ans ont une conscience plus développée sur les conséquences de leur usage par leur connaissance des fonctionnalités du réseau social. Ces usagers font partie de la Génération Y reprenant les individus nés à même temps que l'avènement du Web 2.0.

Contrairement, à cette partie de mon échantillon les plus jeunes interrogés semblent être moins conscients des conséquences de leurs usages sur le réseau social, par manque de connaissance des fonctionnalités que Facebook peut exercer.

Ma troisième hypothèse est donc validée, dans le sens où différentes consciences plus ou moins développées existent au sein des utilisateurs de Facebook.

La grande tendance de ce mémoire repose sur le lien étroit qui existe entre la socio-culture de nos sociétés modernes et le comportement des jeunes individus sur la plateformes numérique.

« Plus le voile des connaissances, des instruments, des plans et des stratégies s'épaissit, plus nous sommes séparés de nos milieux naturels par le milieu technique que nous construisons et plus nous nous tournons vers nous-mêmes, vers nos calculs et nos hypothèses, mais aussi vers nos exigences et nos principes. Nous devenons de plus en plus puissants, mais aussi de plus en plus fragiles. À mesure que nous devenons des créateurs plus habiles, nous nous mettons davantage en danger, car nul ne peut être à la fois créature et créateur. j...] C'est alors que nous pouvons nous soumettre entièrement à notre rôle de créateurs, au point de dissoudre notre subjectivité dans notre recherche de subjectivation. La créature en nous échappe en partie au créateur que nous sommes devenus, et c'est sur les ruines du moi que s'élève le sujet. »1

1 TOURAINE Alain, 2013, La fin des sociétés. Paris, Éditions du Seuil p. 603-604p

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Ce travail de recherche et d'analyse nous amène à la révélation d'une société individualiste comme l'évoque Alain Touraine dans cette citation.

Par les stratégies mises en place de la part des individus sur Facebook, auxquelles s'ajoutent le rapport à autrui, la simple identité de l'internaute se retrouve biaisée par un surplus de techniques et de calculs pour la promotion de soi. L'intériorisation du monde numérique face au réel est devenue commun dans les sociétés modernes. On parle d' ''amis» pour définir un inconnu, ou de `'mur» comme si l'on évoquait le mur de sa chambre. Toute cette mise en scène du design de la plateforme participe aisément à l'intériorisation du monde de Facebook, supprimant ainsi, la barrière entre le réel et le virtuel.

Facebook serait une mise en scène représentative de la société réelle dans laquelle les adolescents s'expriment, sans pour autant, en mesurer toutes les conséquences.

Facebook, met à contribution une plateforme sur laquelle se révèlent les individus de la société, qui sont à la fois, individuels et interdépendants.

La Génération Y (les individus nés entre 1982 et 1994) définit en tant que `'Digital Natives» 1, parfois évoquée sous le nom péjoratif des `'Digital Naïve» semble être plus consciente des dangers et des limites de Facebook que leurs successeurs.

Toutefois, tous les individus de mon échantillon ont intériorisé le monde virtuel dans lequel ils divulguent plus ou moins leur vie privée.

A l'heure de la société numérique, Facebook est comparé à un outil marketing regroupant toutes les données d'une cible susceptible de consommer. Les marques l'ont bien comprise, et peuvent voir en cette plateforme, un portefeuille de diverses communautés auxquelles elles savent s'adapter pour pousser à la consommation.

Nous pourrions donc pousser plus loin cette recherche en étudiant l'autre côté utilitaire de Facebook en analysant la stratégie des marques pour comprendre leur adaptation à ces individus connectés et influençables.

1 PRENSKY Marc, op. cit., p9

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Lors des élections présidentielles américaines, ont été évoquées, les stratégies de traçabilité des profils dans le but de proposer aux individus susceptibles d'être convaincus par un candidat plutôt qu'un autre, le contenu adéquat qui le poussera à l'action. C'est à travers les réseaux sociaux comme Facebook que les marques diffusent du contenu marketing qui incite à un comportement. Il serait donc intéressant de pousser notre réflexion sur les stratégies politiques mises en place et leur pouvoir dans nos sociétés de l'image afin de comprendre les campagnes de communication politiques dont nous faisons l'objet en 2017.

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Annexe

Cartographie de l'analyse du projet Algopol

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"Soit réservé sans ostentation pour éviter de t'attirer l'incompréhension haineuse des ignorants"   Pythagore