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Institut de la Communication
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Mémoire de Master 1 - Communication des
Organisations - 2016-2017
L'usage et l'appropriation des réseaux
sociaux
par les jeunes :
Le cas de FACEBOOK
Présenté par Julia Denat
Sous la direction de Monsieur Alain
Girod Année universitaire 2016 - 2017
2
Résumé
Ce mémoire de recherche présente une
étude de l'usage des jeunes de la Génération Y et de la
Génération Z, les `'Digital Natives» sur
Facebook.
A l'heure de l'avènement des nouvelles technologies et
celle de l'internet, l'ouverture du débat sur le sujet des
`'hyper-connectés» et leur comportement face au digital a
suscité de nombreux questionnements. Cet usage, parfois mal compris et
critiqué par manque de connaissances ou par appréhension, a bel
et bien provoqué un changement dans les habitudes des individus
notamment au niveau de leurs relations sociales et de leurs interactions.
Aujourd'hui, le Web Social s'est développé et ne
cesse d'innover en termes de dispositifs sociaux. Facebook étant le
média social le plus utilisé dans le monde est l'objet de cette
recherche. Dans notre société moderne qui prône
l'individualisme, les médias sociaux se sont imposés comme
supports de liens sociaux en offrant la possibilité d'interactions
instantanées et mondiales.
La Génération Y, dont le nom provient de la
forme des écouteurs audio, est la première communauté
ayant côtoyée et utilisée cette innovation d'internet.
Les marques, sont les premières à avoir
profité de ce rapport au digital que font les jeunes individus. En 2017,
au-delà de l'aspect social, Facebook est un parfait dispositif de
ciblage des consommateurs et notamment des plus jeunes.
Comprendre, le comportement de cette génération,
née à l'effervescence du Web 2.0, est le but de cette
étude. L'adéquation d'une société individualiste et
digitale réunie sur un support numérique aussi puissant est
l'objet de cette recherche qui interroge toujours autant à l'heure du
dixième anniversaire de Facebook.
3
Remerciements
Parce que plusieurs pensées valent mieux qu'une et
permettent de prendre du recul, je tiens à remercier mes amies Sarah,
Noémie, Marine, Nabil et Isabeau pour ces nombreux débats durant
lesquels nous avons pu échanger des opinions nécessaires à
mon raisonnement pour la production de ce mémoire.
Un grand merci à Marina qui, lors de mon incident de
matériel, m'a réconforté en me prêtant un ordinateur
pour travailler ainsi que pour sa patience et sa relecture de mon travail.
Merci à mes proches et mes parents qui ont su me
soutenir pendant les moments difficiles et qui ont accordé du temps
à la relecture de mon travail en me donnant des conseils notamment
à Nila qui a su donner de son temps pour des suggestions et des
corrections précieuses.
Un grand merci aussi à Monsieur Baptista, mon tuteur de
stage, ainsi qu'à Marie Souveton et Emilie Margerard, mes
collègues, qui ont su m'apporter toute l'attention et la reconnaissance
dans les projets que j'entreprenais, me permettant prendre confiance en mon
travail.
Enfin, un grand merci à monsieur Girod, pour tous ses
conseils et les réponses qu'il m'a apporté pendant les moments de
doute et de remise en question ; pour le temps qu'il m'a consacré en
discussions tout autant qu'en corrections.
4
Table des matières
Résumé 2
Remerciements 3
INTRODUCTION 6
PARTIE 1 : MUTATION DES PROFILS DES INDIVIDUS ET
AVENEMENT D'INTERNET CHEZ LES JEUNES 14
Introduction de la partie 15
I.1. Le contexte : Le passage d'une
société traditionnelle à une société moderne
16
I.1.1. L'âge moderne et la théorie de l'individu
par excès 16
I.1.2. Le processus de socialisation dans la création de
l'identité. 18
I.1.3. Le pouvoir de l'avènement des TIC et de l'Internet
21
I.2. Facebook, un dispositif permettant la
liberté à « la génération `'je m'exprime
par
l'image» ». 24
I.2.1. Un lien étroit entre la société et
les réseaux sociaux 24
I.2.2. Le principe de fonctionnement des réseaux sociaux
et de Facebook 25
I.2.3. Génération Y, une culture de
l'identité numérique 29
I.3. Les limites des réseaux sociaux et du Web
2.0 chez les jeunes 32
I.3.1. Quand le harcèlement devient virtuel 32
I.3.2. Le développement de l'isolement social 35
I.3.3. Un nouveau dispositif d'influence pour les leaders
d'opinion et les entreprises 38
Conclusion de la partie 42
PARTIE 2 : L'ANALYSE DES USAGES DE 8 INDIVIDUS AGES
DE 15 A 25 ANS 44
Introduction de la partie 45
II.1. Les divers usages des 15, 25 ans sur Facebook
47
II.1.2. Deux grandes catégories d'usage sur Facebook
47
II.1.2. Usage passif 51
II.1.3. Un moyen d'émettre son opinion et de revendiquer
une cause 56
II.2. Facebook, un outil de revendication d'une
identité travaillée 61
II.2.1. Les photos de profil et de couverture : un enjeu
identitaire 61
II.2.2. L'opportunité de mettre en avant une nouvelle
version de soi 67
II.2.3. Le sentiment du contrôle et de la maîtrise
de son identité virtuelle 72
II.3. Les individus ont-ils conscience des
conséquences de leurs usages ? 76
5
II.3.1. L'acceptation ou non de l'exploitation de ses
données personnelles 76
II.3.2. Une conscience et une connaissance approfondies de
Facebook chez les plus âgés
81
II.3.3. Facebook : un outil marketing encore mal connu de la
Génération Y 85
Conclusion de la partie 90
CONCLUSION 92
Bibliographie 96
Annexe 99
6
Introduction
A l'ère de la troisième mondialisation, celle de
l'Internet, le web apparaît comme un dispositif de communication et
d'informations total.
En effet, il permet l'information, le commerce, le service,
l'initiative du citoyen, la documentation tout en proposant un accès
direct aux sources et à des liens. Le mode de diffusion mass
médiatique originel repose, aujourd'hui, sur une interface
personnelle.
Celle-ci reprend les logiques éditoriales classiques de
la communication mais y ajoute trois modes originaux : que le mode
institutionnel, l'interactivité et une compétence
méta-éditoriale. En tant qu'agrégats de médias
personnels, reliés les uns aux autres, les médias sociaux
représentent une véritable alternative à la communication
de masse permettant la naissance de communautés qui court-circuitent les
institutions et concurrencent les instances culturelles traditionnelles.
Durant l'époque de la
«postmodernité», d'après Anthony Giddens, nous
avons affaire à un individu singulier qui n'hésite pas à
affirmer son identité publiquement en s'émancipant de sa place de
récepteur ou consommateur de l'information. Il est en mesure de devenir
un agent médiatique à part entière. Henry Jenkins
évoque l'émergence d'une `' communauté participative
`' élaborant des supports informationnels.
Toutefois, cette individualisation des parcours biographiques
et professionnels s'ajoute, sur le plan socio-économique, à la
montée des pratiques de la société de consommation.
Celle-ci a contribué à l'émergence de sujets prompts
à se définir par leurs modes de consommation, leurs apparences
extérieures et leurs supports de présentation de soi. Le
rôle accru conféré au choix, à l'évaluation
et à la notation comme mode d'exposition et de définition de soi,
a renforcé le poids des choix et des usages individuels. 1
1 GIDDENS Anthony, 1994, Les conséquences de la
modernité, Paris, L'Harmattan, 192p: Dans ce compte rendu, il
caractérise la « postmodernité » par
l'époque du développement des systèmes d'information et de
communication, une connaissance scientifique de la société et la
conscience de soi.
7
L'ouverture à laquelle on assiste est celle d'un espace de
parole et d'expression, qui est autant un espace de lutte contre le pouvoir
politique contrôlant la parole publique qu'un espace d'expression et
d'exposition de soi.1
John B. Thompson parlera lui d'une `' Transformation de la
visibilité `' qui aurait lieu, aujourd'hui, de la part des
individus. Celle-ci demande des capacités que l'individu peut
maîtriser jusqu'à une certaine limite.
« La gestion de la visibilité - un art
intrinsèquement imparfait. »2
La mutation de l'individu social vers la singularité,
à travers sa volonté de rendre visible son identité, est
un sujet qui suscite beaucoup de questions sur l'usage de ces nouveaux
dispositifs que sont les réseaux sociaux. Martucceli Danilo dit à
ce sujet :
« Ce qui hier était censé être
octroyé par les institutions et les formes sociales, est
désormais censé être produit de manière
réflexive par les individus eux-mêmes. En bref, notre
modernité serait inséparable d'une injonction spécifique
contraignant les individus à devenir des individus. » 3
Les réseaux sociaux auraient tendance à
engendrer une transparence accrue sur la vie privée des usagers qui
seraient contraints à faire des choix dans leurs pratiques. Ces nouveaux
dispositifs ont un rôle primordial chez les jeunes d'aujourd'hui. Ils
leur permettent certaines revendications de la sphère privée dans
un espace public.
Ce sujet de transparence ouvre de nombreux débats et
suscite des critiques. Pour autant, nous pourrions nous poser la question de la
conscience des conséquences
1 JENKINS Henry, 2013 La culture de la
convergence, Des médias aux transmédias, [2006]: En
étudiant la communauté des fans, il évoque leur
capacité de s'exprimer sur les transmédias en
s'appropriant leur culture. Les possibilités (de la part des usagers),
de manipulation de l'image, de travestissement des documents médiatiques
et de parodies présentant des vertus pédagogiques, pendant les
premières décennies du 21ième siècle.
1 THOMPSON John B, 2000, Communiquer à l'ère
des réseaux (n°100), Transformation de la
visibilité, p187215
3 MARTUCCELI Danilo, 2001, La société
singulariste, p.38
8
que cette transparence impose et comment les jeunes qui ont
connu l'effervescence du web2.0 utilisent les nombreux dispositifs d'un
réseau social à des fins personnelles. Pour cette étude
sur l'usage des réseaux sociaux, j'ai choisi de me concentrer sur le cas
de Facebook. Pourquoi ce réseau social ?
Tout d'abord, parce que Facebook est un réseau social
qui inclut de nombreux outils permettant les interactions entre les usagers
tout en étant un dispositif propice à une construction de son
identité virtuelle. De nombreux articles scientifiques ont
été publiés à ce sujet.
Le sujet des réseaux sociaux a été
abordé, en particulier, par Danah Boyd et Nicole Ellison dans leur
article `' Sociality through Social Network Sites `'1.
Comme l'indique Nicole Ellison lors d'une interview dans Hermès, La
Revue :
« Les recherches dans ce domaine évoluent si
rapidement qu'il est difficile de se tenir au courant de tout ce qui est
publié, même si c'est dans sa langue maternelle. »2
En effet, à l'heure de l'avènement des nouvelles
technologies de l'information et de la communication, les innovations ne
cessent de progresser, sans parler de l'internet et de tous les nouveaux
dispositifs qui y sont liés.
Toutefois, je tiens à participer à la
compréhension de ce nouveau dispositif mêlant intimement une
logique informationnelle et une logique communicationnelle, tout en analysant
l'usage de ses jeunes utilisateurs. La génération qui a grandi
avec la naissance du web a tendance à être pointée du doigt
comme une génération hyper-connectée. Ce terme
péjoratif est notamment appuyé par le fait que les jeunes
d'aujourd'hui seraient inconscients des dangers d'internet et des
réseaux sociaux. Ils publieraient ouvertement leur vie privée
sans réfléchir aux conséquences que cela peut
engendrer.
1 BOYED Danah est une chercheuse en sciences humaines et
sociale avec Nicole Ellison, professeure universitaire en
télécommunication elles ont écrit l'article Sociality
through Social Network Sites publié dans The Oxford Handbook of
Internet Studies en 2013
2 ELLISON Nicole, 2011, Réseaux sociaux et capital
social, Hermès, La Revue 2011, n°59
9
Personnellement, je me questionne sur ces idées
reçues car faisant partie de cette génération, je ne pense
pas que les jeunes soient inconscients de la puissance de l'internet, des
possibilités et des fonctionnalités de Facebook.
Une autre question se pose : que veut dire être
né avec internet ? Si cette affirmation définit le fait que les
enfants nés au milieu des années 90 seraient des usagers
incontestables d'internet, alors tout le monde aurait eu un ordinateur dans son
foyer à la fin des années 90 et tous ces jeunes l'auraient
utilisé. Cette question mériterait une réflexion plus
approfondie.
Plus objectivement, nous pourrions donc axer notre
réflexion sur le fait que cette génération a plutôt
connu la transition entre la vie sans internet et la vie avec. Ce détail
qui semble anodin pourrait changer beaucoup de choses au niveau comportemental
sur les réseaux sociaux des jeunes.
Cette hypothèse m'a permis d'élaborer mon
étude pour comprendre cette différence des usages entre les
jeunes de 21 ans et 29 ans et ceux de 15 ans à 20 ans, nés alors
qu'internet et les ordinateurs prenaient une plus grande part dans leur
quotidien que la génération précédente.
Dans cette étude, il s'agira d'analyser plus
précisément et plus intimement l'usage de Facebook que font les
jeunes. Comment l'utilisent-ils ? Pourquoi ? Ont-ils conscience des
conséquences d'un `' like `' ou d'un commentaire sous la
publication d'un proche ou d'un article public ? D'après Monique Dagnaud
:
« Les jeunes s'exprimeraient en roue libre sur la
Toile, s'exhiberaient sans en mesurer les conséquences...
»1
Ce réseau social aujourd'hui utilisé à
des fins liées au marketing de la part des entreprises, permet aussi le
développement de l'exposition de la sphère privée des
individus provoquant un potentiel danger pour l'usager.
1 DAGNAUD Monique, 2011, Génération Y, Les
jeunes et les réseaux sociaux de la dérision à la
subversion, SciencesPo Les presse, p.17
10
En effet, Facebook est un média social dans lequel se
côtoient commerce, politique et vie privée mais il permet aussi
à chacun d'être émetteur, récepteur, éditeur
dans un espace-temps réduit. Alors Facebook serait-il en quelque sorte
un dispositif propice à la création d'une identité
virtuelle chez les jeunes ?
Facebook est critiqué au sujet de la transparence entre
le secteur privé et le secteur public et notamment sur le respect de la
vie privée. Les adolescents, de par leur manque de maturité et
leur enthousiasme à se proclamer libre et pas comme les autres, ont
aujourd'hui, l'opportunité de créer leur propre image virtuelle
en revendiquant publiquement ce qu'ils sont et ce qu'ils aiment. Les questions
que l'on se pose sont donc :
Les utilisateurs ont-ils conscience de toutes les fonctions et
les opportunités que Facebook propose y compris pour les entreprises
commerciales et politiques ? Ou en d'autres termes : Ont-ils conscience des
conséquences de leur usage sur ce média social ? Ont-ils
conscience de l'utilisation par Facebook des données qu'ils diffusent
?
Tout en prenant en compte le grand nombre d'utilisateurs dans
le monde, j'ai décidé de cibler les jeunes français,
faisant partie de la génération Y : les personnes nées
entre 1994 et 1982 d'après Monique Dagnaud.
Marc Prensky, sociologue américain définira
cette génération comme les `' Digital Natives `', les
jeunes qui sont nés avec le Web. Ce choix est donc en lien avec mon
sujet car il désigne une génération qui a grandi pendant
l'avènement du Web social (Web 2.0). 1
Auteure de ce mémoire et faisant partie de la
génération dite `' Digital Native `', je suis
moi-même utilisatrice de ce réseau social qui compte 1.13
milliards d'utilisateurs actifs dans le monde à la fin du
deuxième trimestre de 2016.2
De plus, d'après une étude du Petit Digital
publié en 2015, 87% des usagers de Facebook auraient entre 18 et 29
ans.
1 PRENSKY Marc, 2001, Digital Natives, Digital
Immigrants, art MCB University Press, Vol.1, N°5
2 D'après une étude du Journal du net.
11
Monique Dagnaud définit la Génération Y
comme les enfants étant nés entre 1982 et 19941, je
m'intéresse à des individus de cette génération,
compris entre 22 et 29 ans. Ce panel étant assez étroit, je
décide de l'élargir aussi à la Génération Z
qui succède à la Génération Y, c'est-à-dire
les personnes nées après 1994. Celle-ci est plutôt
définie dans le secteur du marketing par rapport à l'étude
de son comportement afin d'établir des stratégies marketing pour
influencer à la consommation.
Toutefois, il me semble intéressant de prendre en
compte cette génération qui est susceptible de présenter
des usages différents sur Facebook que la génération Y. Je
m'intéresserai donc à une partie des adolescents pour une cible
comprenant les deux générations, c'est-à-dire une partie
des individus de la Génération Y et une partie des individus de
la Génération Z soit, la tranche d'âge des 15 ans - 29 ans.
Je pense qu'étudier l'usage et la conscience des personnes provenant de
la tranche d'âge des 15 ans - 29 ans, me permettrait de mettre en
lumière des données pertinentes pour mon étude.
Ma première hypothèse est que Facebook
génère divers usages de la part des utilisateurs
âgés de 15 à 25 ans. Ma deuxième hypothèse
suppose que Facebook est un outil de revendication d'une identité
travaillée. Enfin, ma dernière hypothèse s'interroge sur
la conscience des conséquences des usages des utilisateurs de mon
échantillon (15-25 ans), en évoquant que les plus jeunes n'ont
pas forcément conscience des conséquences de leur usage sur
Facebook contrairement aux plus âgés.
Mon travail de recherche consiste donc à comprendre
l'usage de Facebook auprès des jeunes et d'analyser la conscience des
conséquences de leur usage sur ce réseau social. Pour cette
étude je fais le choix d'un raisonnement
empirico-déductif2 qui, à l'aide de ma
problématique, me permet d'établir des hypothèses
susceptibles d'être validées à la fin de ce travail de
recherche. J'aborderai, pour cette étude, un travail
méthodologique qui s'appuiera sur des données qualitatives.
1 DAGNAUD Monique, op.cit, p8
2 PALLIE Pierre et MUCHIELLI Alex, 2008, L'analyse qualitative
en sciences humaines et sociales, Armand Colin, p.140 -155
12
Mon objectif sera donc de comprendre comment les jeunes
utilisent Facebook et dans quel but, tout en essayant d'analyser leur
conscience sur les conséquences de leurs usages.
Mon travail de recherche se fondera, en première
partie, sur une approche théorique et conceptuelle, des études
qui ont déjà été menées par des chercheurs
et des sociologues afin de comprendre les mutations de la société
pour arriver à définir le comportement des individus
d'aujourd'hui dans la société moderne.
Celle-ci me permettra de comprendre les individus
d'aujourd'hui et plus particulièrement le comportement des jeunes entre
15 et 29 ans pour le mettre en lien avec le réseau social Facebook,
sujet de ma recherche. Dans cette partie, je définirai la
société et la sociologie des individus du 21ème
siècle tout en évoquant la société du
19ème siècle pour comprendre la mutation dont elle a
fait l'objet. Il est important de cadrer le contexte de ma recherche en faisant
une analyse globale des comportements des individus de la société
contemporaine avec l'aide des théories et des concepts
élaborés par les chercheurs et les sociologues.
Toujours, dans cette partie j'étudierai le Web 2.0 (web
social), les réseaux sociaux, leurs dispositifs et le lien qu'ils
entretiennent avec les individus de la société d'aujourd'hui.
Pour se recentrer sur la problématique de ce travail de recherche, je me
concentrerai sur Facebook, avec une recherche théorique sur ce qui a
déjà été analysé au sujet de ce
réseau social.
Dans cette partie, j'évoquerai aussi le comportement
des adolescents à l'effigie de ce réseau en m'aidant des
études des sociologues et chercheurs à ce sujet. La
première partie de cette approche théorique m'aidera donc
à faire le lien entre les individus contemporains et le fonctionnement
de Facebook pour essayer de comprendre leurs usages.
Enfin, il me semble primordial de comprendre le public des
jeunes français pour centrer ma recherche sur un public
spécifique, car à mon échelle, il sera impossible de
pouvoir généraliser les conclusions de la recherche que j'aurai
mené avec une technique empirique qualitative. Je définirai donc
ce public qui sera la cible de toute ma recherche.
13
Dans une deuxième partie, je me confronterai à
la réalité en mettant en place la technique des entretiens
semi-directifs auprès de huit personnes ayant entre 15 et 25 ans.
Lors de cette étude empirique qualitative reposant sur
des entretiens semi-directifs, le but sera, tout d'abord de comprendre comment
les individus utilisent Facebook. J'appliquerai la technique des entretiens sur
huit individus de différents âges afin de faire émerger des
usages divers de Facebook. Le but de ces entretiens sera donc de valider ma
première hypothèse sur le fait que les individus utilisent ce
réseau social pour pouvoir se créer plus ou moins une
identité virtuelle.
J'ai conscience que mes données ne sont pas totalement
représentatives de la réalité étant donné
que, selon mes moyens, je n'ai réalisé que huit entretiens. Mon
travail sera donc fondé exclusivement sur du qualitatif, et mes
données ne me permettront pas de de généraliser les
comportements que j'aurai pu faire émerger après mon analyse.
Toujours à l'aide de la technique des entretiens avec des individus
d'âges différents j'évoquerai la question des consciences
de ceux-ci sur leur usage de Facebook. Mes deux hypothèses étant
liées, je n'ai réalisé qu'un entretien pour chaque
individu tout en évoquant mes deux hypothèses.
Enfin, je conclurai ma recherche par une synthèse
mettant en lien l'approche théorique et les données
relevées lors de mon enquête de terrain pour pouvoir valider mes
hypothèses.
14
Partie 1 : Mutation des profils des individus et
avènement d'internet chez les jeunes
15
Introduction de la partie
Dans cette étude je m'appuierai, en premier lieu, sur
une approche théorique pour définir les individus de la
société d'aujourd'hui afin de comprendre le lien de ces individus
et leurs pratiques communicationnelles sur les réseaux sociaux.
Pour cela, je mettrai en lumière certaines
théories déjà élaborées par les chercheurs
et les sociologues pour comprendre la nouvelle conception de la communication
à travers l'internet et notamment Facebook. Il est donc important de
définir les thèmes abordés dans ce mémoire et les
concepts sur lesquels s'appuient les sciences de l'information et de la
communication dans les dispositifs que proposent les réseaux sociaux.
Pour comprendre les jeunes usagers de Facebook, je tiens tout
d'abord, à étudier la mutation de la société depuis
le 19ème siècle. Il me semble primordial de resituer
le contexte de ma recherche à l'heure de l'utilisation des
réseaux sociaux.
Dans cette partie, j'articulerai plusieurs théories et
concepts étudiant les comportements de la société dans sa
globalité afin de me recentrer sur les réseaux sociaux et plus
particulièrement Facebook.
Enfin, j'évoquerai les limites de Facebook tout en
mettant à l'appui les critiques et les dangers retenus par les
études de ce réseau social, notamment chez les plus jeunes.
16
I.1. Le contexte : Le passage d'une
société traditionnelle à une société
moderne
I.1.1. L'âge moderne et la théorie de
l'individu par excès
Tout d'abord, il existe une réelle mutation du profil
de l'individu social. `' L'âge moderne»1,
débutant au 19ème siècle d'après Michel
Foucault, inclut une société d'autodiscipline comme le
déplacement vers une nouvelle forme de nouveau pouvoir (bio-pouvoir
2), calculant techniquement la vie en termes de population, de
santé et d'intérêt national.
Habermas évoquera dans L'espace Public une
`' subversion du principe de publicité `' 3, nous
amenant à faire face à la mutation des institutions physiques
comme l'école par exemple, qui à l'époque de l'Etat Nation
véhiculaient l'information et l'éducation. Aujourd'hui, nous
avons à faire face à un Etat Providence dont découlent les
fonctions régaliennes de l'Etat4. Cet Etat Providence est
devenu Etat Social dans lequel l'individu social, et donc la
société, sont pris en compte.
Il me semble important d'évoquer cette mutation dans ce
mémoire, car les changements de l'individu social et la mutation de la
société vers une société moderne avec de nouveaux
principes est d'autant plus liée à l'usage des réseaux
sociaux.
L'épistème de `' l'âge moderne `',
pour évoquer la globalité de la société,
renvoie à une mutation de l'individu social qui devient de plus en plus
`' singulariste `'5. Cela s'oppose à l'idée
de l'individu déjà constitué, plus en adéquation
avec l'Etat Nation dans lequel s'exerçait une société
traditionnelle. Nous devons passer
1 FOUCAULT Michel, 1966, Les mots et les choses, Une
archéologie des sciences humaines, Gallimard, 404.p, p133
M. Foucault repère une transformation du pouvoir
pendant l'épistème de « l'Age Moderne >. Il appelle
« bio-pouvoir > les techniques spécifiques du pouvoir
s'exerçant sur les corps individuels et les populations,
hétérogènes aux mécanismes juridico-politiques du
pouvoir souverain. Il parlera « d'individus singularistes >.
2 Ibid.
3 HABERMAS Jürgen, 1988, L'espace public, Critique de la
Politique, p.330
4 Au nombre de 4, les fonctions régaliennes de l'Etat
visent à assurer la sécurité extérieure par la
diplomatie et la défense du territoire ; assurer la
sécurité intérieure et le maintien de l'ordre public avec,
notamment, des forces de police ; définir le droit et rendre la justice
; détenir la souveraineté monétaire en émettant de
la monnaie, notamment par le biais d'une banque centrale la diplomatie et la
défense du territoire.
5 MAETUCCELI Danil, op.cit, p.6
17
à une prise en compte des individus en tant que
processus historique en construction, se constituant par et dans les rapports
sociaux et non plus uniquement par rapport aux institutions de l'Etat. Cette
montée structurelle de la singularité de l'individu impose une
nouvelle sensibilité sociale. Cette vision des sociétés
modernes s'oppose à la vision de la société industrielle,
beaucoup plus traditionnaliste et patriarcale.
Nous faisons face aujourd'hui, à un changement qui
impose une certaine singularité de l'individu capable de se construire
par lui-même avec ses propres ressources. L'Etat providence, est une
certaine preuve de la prise en compte de l'individu social qui a
été longtemps mis à part dans une société
gérée à travers des institutions « physiques »
et une vision imposant un ordre social auquel les individus étaient
soumis inconsciemment.
Au 21ème siècle, cette vision a bien
évolué avec l'émergence de l'individu `' singulariste
`' ainsi que celle de la prise en considération de celui-ci
notamment au niveau de l'Etat.
Dans les sociétés modernes nous avons donc
à faire face au développement d'un grand nombre d'individus dits
: `'par excès `'1 possédant la
capacité d'être autosuffisant. C'est-à-dire qu'ils ont en
eux-mêmes ou croient avoir en eux-mêmes les supports
nécessaires pour assurer leur indépendance sociale.
Tout au long de sa vie l'individu va se créer une
identité propre en additionnant plusieurs identités en fonction
des groupes sociaux auxquels il appartient. Il est important de souligner le
fait que, dans certains cas, ces individus `' croient `' avoir en
eux-mêmes toutes les fonctions nécessaires pour assurer leur
indépendance sociale. Nous ne pouvons pas ignorer l'influence implicite
ou non des institutions `' physiques `' que l'individu côtoie et
côtoiera dans sa vie. Cette façon de voir les choses est
parfaitement synthétisée par la phrase de Martucceli Danilo :
`' les individus deviennent des individus `'.2
Par cette première étude, j'ai mis en
lumière la mutation de la société et de l'individu, tous
deux prônant une transformation vers l'individualisme. Prendre du
1 CASTEL Robertl, 2009, La montée des
incertitudes, Paris, Seuil, p.134
2 MARTUCCELI Danil, op. cit, p.6
18
recul pour analyser à une plus grande échelle
l'évolution socio-culturelle nous aidera à comprendre, plus tard
dans cette recherche, l'individu plus jeune qui se construit au travers de ce
processus de mutation de la société.
A cette société du 21ème
siècle s'ajoute la nouveauté de la 3ème
mondialisation, celle d'internet et du Web Social (Web 2.0) d'autant plus
liée à cette singularité de l'individu des
sociétés modernes.
I.1.2. Le processus de socialisation dans la
création de l'identité.
Dans cette recherche, il est important de définir en
quelques lignes le processus de création de l'identité de
l'individu pour la mettre en lien avec Facebook afin de comprendre l'usage de
ce réseau social chez les jeunes.
Pour comprendre le processus de création de
l'identité de l'individu j'évoquerai, en premier lieu, l'un des
grands noms de la sociologie du 20ème siècle, Pierre
Bourdieu. En effet, il est essentiel de définir la théorie de la
socialisation élaborée par Bourdieu.
Tout d'abord, celui-ci souligne que l'individu vivra
différents moments de socialisation qui ne sont pas équivalents.
Sa première socialisation dite `' primaire `'1
découle de l'institution familiale, souvent issue du milieu
socioprofessionnel des parents, qui fait référence au
début de sa vie et qui provient de la première
éducation.
Durant cette période une vision du monde lui est
véhiculée, celle-ci est forte est restera plus ou moins
ancrée dans son esprit toute sa vie. La socialisation `' primaire `'
va s'additionner à d'autres références provenant
d'autres institutions comme l'école, la religion, les groupes de pairs
ou son univers professionnel qui vont construire, à leur tour, son
identité en continu jusqu'à sa mort. Pierre Bourdieu
définit celle-ci comme `' socialisation secondaire `'.
1 Pierre Bourdieu, Le sens pratique, Paris, Edition de
Minuit coll. `'Le Sens Commun», 1980, 475p
En sociologie, un habitus désigne une manière
d'être, une allure générale, une tenue, une disposition
d'esprit.
19
La `' socialisation primaire `', d'après
l'auteur, est précoce, intense, durable et pendant un certain temps,
sans concurrence. Pendant `'la seconde socialisation `',
administrée par l'école et les groupes institutionnels que
l'individu côtoiera tout au long sa vie, sa `'socialisation primaire
`' et ce que celle-ci lui aura inculqué sera plus ou moins
présente dans sa vie d'adulte.
Etudiant les jeunes de 15 ans à 29 ans, il me semble
important d'évoquer cette précision sur l'impact de la
`'socialisation primaire `' dont aura à faire l'individu mais
aussi la transition du passage de l'âge enfant à l'âge
adulte afin de comprendre leur comportement face aux nouvelles technologies de
l'information et de la communication et plus précisément les
réseaux sociaux qui proposent une liberté totale d' `' expression
de soi `' à l'individu.
Durant l'adolescence, phase de croissance et de
développement entre l'enfance et l'âge adulte, l'individu fait
face à une perspective longue qui englobe non seulement la maturation
physique mais aussi les aspects psychologiques, socio éducatifs de cette
évolution. Pour autant, nous pouvons penser que `' la socialisation
primaire `' et les `' habitus `' que l'individu a connu au
début de sa vie persisteront implicitement pendant son adolescence dans
les choix qu'il entreprendra pour son avenir.
La construction identitaire s'apparente donc à un
processus dynamique qui mettrait en relation deux processus contradictoires :
d'une part, celui de la conformité à un ordre institutionnel des
choses et le monde social intériorisé et, d'autre part, celui de
la différentiation plus ou moins prononcée vis-à-vis d'un
tel monde ou d'un tel ordre. Cette théorie de La construction
sociale de la réalité1, de Berger et Luckmann va
plus loin et reprend les types de socialisation primaire et secondaire de
Pierre Bourdieu en mettant en avant des processus beaucoup plus complexes mais
pour autant indissociables.
Berger et Luckmann proposent donc une théorie plus
générale de la société, envisagée comme un
ensemble de données construites par des acteurs individuels et
collectifs. S'inscrivant dans les perspectives de phénoménologie,
élaborées par le
1 BERGER Peter L. Berger et LUCKMANN Thomas, La construction
sociale de la réalité, Armand Colin, 1997, 296.p
20
sociologue de la connaissance Alfred Schüts (1967), les
auteurs développent l'idée centrale selon laquelle la
socialisation est, à la fois, immersion dans un monde vécu et
connaissances forgées sur ce monde. C'est dans ce cas que nous pouvons
affirmer que cette vision n'est pas fondée exclusivement sur les
structures sociales comme le prône Pierre Bourdieu.
Toutefois, selon la théorie de George H.
Mead1, la formation de l'identité reste étroitement
liée au processus de socialisation qui l'a nourri à travers une
dualisation entre la tendance à l'adaptation et la tendance à
l'affirmation. Rappelons que la `'socialisation primaire `'
évoqué par Bourdieu, s'apparente à
l'appréhension du monde social, en tant que réalité
signifiante par le biais de l'institution familiale. La `' socialisation
secondaire `' permet à l'individu, déjà
socialisé, d'absorber de nouvelles réalités liées
à son investissement dans de nouveaux secteurs de la vie sociale.
« La socialisation secondaire est
l'intériorisation de « sous-monde »
institutionnels ou basés sur des institutions.
»2
Cette définition proposée par par Berger et
Luckmann reste classique. Cependant, les auteurs évoquent une
complexification du processus. Pour eux, la condition sociale et les
socialisateurs ont leur influence.
« L'enfant des classes inferieures absorbe-t-il une
perspective propre à sa classe sur le monde social, mais selon une
coloration idiosyncrasique3 donnée par ses parents (ou par
tout individu qui s'occupe de sa socialisation primaire). En
conséquence, l'enfant des classes inférieures finira non
seulement par habiter un mode très différent de celui des enfants
des classes supérieures, mais aussi par se différencier de son
voisin qui appartient pourtant à la même classe que lui.
»4
Si nous prenons en considération que la socialisation
primaire reste importante et ancrée dans ce qui va commanditer le
comportement de l'individu, nous pouvons, toutefois, préciser que la
socialisation s'établit en permanence, ce qui
1 MEAD George H., 2006, L'esprit, le soi et la
société, Lien Social, 434.p, p24
2 BERGER P.L , LUCKMANN T, op. cit., p.15
3 Dictionnaire de français LAROUSSE : «
Manière d'être particulière à chaque individu qui
l'amène à avoir tel type de réaction, de comportement qui
lui est propre. »
4 BERGER P.L , LUCKMANN T, op. cit., p.15
21
relativise le poids attribué à la socialisation
des premières années de la vie de l'individu et agit sur le
réaménagement identitaire pendant l'adolescence de l'individu
puis dans sa vie d'adulte.
« L'intériorisation de la
société, l'identité et la réalité ne sont
pas des données définies une fois pour toute, ni en une fois. La
socialisation totale n'est jamais terminée. » 1
En outre, nous pouvons comprendre que le processus de
socialisation dépend de plusieurs facteurs plus ou moins importants
à prendre en compte. Par ces théories, nous pouvons
évoquer le fait que le comportement de l'individu sur Facebook et
internet en général serait plus ou moins influencé par la
socialisation que celui-ci aura connu depuis le début de sa vie.
Toutefois, celle-ci continuera à agir tout au long de sa vie.
I.1.3. Le pouvoir de l'avènement des TIC et de
l'Internet
L'avènement des nouvelles technologies de l'information
et de la communication reprend et appuie cette vision de l'individu «
par excès » et cette transition du passage de l'individu
enfant à l'individu adulte, en proposant un dispositif
comprenant une logique informationnelle et une logique communicationnelle
à travers l'interaction des usagers et une réduction de
l'espace-temps.
En effet, Internet offre l'opportunité d'avoir recours
à de l'information instantanée et partout dans le monde. Ce
dispositif est en parfaite adéquation avec l'individu `'
par-excès `' dans notre société moderne.
Les réseaux sociaux offrent la possibilité de
devenir émetteur de son propre contenu et permet de le rendre public.
Avec les dispositifs que proposent les réseaux sociaux, les
frontières entre l'enfant et l'adulte sont plus qu'incertaines. Ce qui
était autrefois diffusé par les institutions n'a plus de cadre et
perd son pouvoir dans l'éducation des adolescents. Durant cette phase de
la vie, l'individu a besoin de s'affirmer en tant que futur adulte. C'est
à ce moment-là que l'enfant adopte un
1 BERGER P.L , LUCKMANN T, op. cit. p.15
22
comportement qui suscite la création d'une
identité singulière propre à son image, ou à ce
qu'il veut véhiculer comme image.
Pourtant celui-ci est dans une période importante de sa
vie pendant laquelle il n'a pas forcément toutes les ressources
nécessaires pour pourvoir assurer son autonomie sans danger. Avec cette
volonté de revendiquer une certaine identité et donc une image de
soi, Monique Dagnaud définit ces jeunes individus comme :
« La génération `'je m'exprime par
l'image» »1
Ces nouveaux dispositifs engendrent une fracture entre les
missions d'éducation des institutions et facilite la possibilité
d'une certaine liberté à exprimer son identité facilement
et publiquement. David Buckingham ira jusqu'à évoquer `' la
mort de l'enfance»2 par cette fracture qu'internet et les
réseaux sociaux infligent aux adolescents. Pour lui, les enfants n'ont
plus qu'un pas à faire pour s'immerger dans la vie d'adulte avec ces
dispositifs.
Les Technologies de l'Information et de la Communication et
notamment les réseaux sociaux offrent aux jeunes la possibilité
de franchir le cap dans la prise d'autonomie. `'La culture de la
chambre»3 définie par Hervé Gléverac
illustre la communication par le biais des technologies chez l'adolescent et
marque le premier pas de l'individuation hors du cocon familial.
Jamais les défis posés par les évolutions
techniques sociétales n'ont été aussi immenses pour les
institutions éducatives. Comment combiner les potentialités des
Technologies de l'Information et de la Communication et des réseaux
sociaux avec les missions fondamentales de l'école ou de la famille,
telles que la transmission des savoirs et de la formation d'individus à
l'autonomie intellectuelle et cognitive ?
1 DAGNAUD Monique, op. cit. p.08
2 BUCKINGHAM David, 2010, La mort de l'enfance. Grandir
à l'âge des médias, Paris INA/Armand Colin, p.40-42
3 GLAVEREC Hervé, 2009, La Culture de la chambre.
Préadolescence et culture contemporaine dans l'espace familial,
Paris, La documentation française, p110-128
23
Joshua Meyrowit1 affirme que les médias
modernes modifient profondément les conditions d'apprentissage et
d'appréhension du monde, plongeant les enfants à un âge
précoce dans l'univers des adultes et entraînent dès lors
un réaménagement des relations qui unissent les jeunes et leurs
éducateurs (parents, enseignants).
L'avènement des nouvelles technologies appuie cet effet
de transition précoce chez les enfants. L'éducation scolaire ne
se fait plus par paliers avec une certaine hiérarchie d'apprentissage.
Le savoir est aujourd'hui hétérogène car les sources
d'informations sont véhiculées par d'autres institutions que
l'école très tôt. Joshua Meyrowitz évoque :
« Les enfants continuent à passer par une
succession de phases cognitives et psychologiques, mais les stades sociaux
d'exposition à l'information ont été brouillés.
»
Si l'individu reçoit une éducation dans sa
socialisation toute sa vie à travers ses expériences, les groupes
qu'il côtoie et ses différentes identités, tout en
connaissant un court-circuit dans sa formation pour devenir un individu, nous
pouvons affirmer que celui-ci n'aura peut-être pas toutes les clefs en
main pour devenir indépendant sans se faire piéger et influencer
par les nouveaux dispositifs que propose le Web 2.0.
Si à cela s'ajoute le fait que l'individu entre dans la
vie d'adulte en ignorant les différentes étapes par lesquelles
passe l'enfant pour se construire en tant qu'adulte, nous pourrions penser que
les réseaux sociaux offrent une opportunité de s'initier à
la vie d'adulte en un clic et de se créer sa propre identité
à l'âge où l'on veut s'émanciper et s'affirmer en
tant qu'adulte.
D'après les théories abordées
précédemment nous pouvons donc constater l'impact des deux
socialisations énoncées par Bourdieu et l'importance de la
socialisation primaire, qui d'après lui, permet un fondement plus ou
moins solide qui influera sur le comportement de l'individu autant dans la vie
réelle que dans la vie virtuelle, et plus particulièrement d'un
jeune en pleine construction de son identité.
1 MEYROWITZ Joshua, 1985, No Sens of Place. The impact of
Electronic Media on Behaviou, Oxford, Oxford University Press
24
Par cette analyse, nous pouvons mettre en lumière la
difficulté qu'entraînent les Technologies de l'Information et la
Communication (TIC) pour les instances éducatives. Les raccourcis
qu'impose Internet à l'éducation pourrait au mieux provoquer une
maturité précoce, au pire représenter un réel
danger
Toutefois, le comportement des jeunes sur internet et sur les
réseaux sociaux dépend de plusieurs facteurs dont l'importance de
la socialisation primaire que l'individu reçoit dès le plus jeune
âge. Les parents ont donc une certaine responsabilité face
à cet avènement de l'internet et des TIC qui n'est pas pour
autant reconnu par tous.
I.2. Facebook, un dispositif permettant la
liberté à « la génération `'je m'exprime
par l'image» ».
I.2.1. Un lien étroit entre la
société et les réseaux sociaux
Lors de la première vague du Web à partir de
1994 - 1995, le mot d'ordre fut `' le contenu est roi `'. Un
changement entre le Web 1.0, dont les capacités d'exploitation
étaient plus concentrées sur la diffusion d'informations en masse
à travers un réseau multipliant les possibilités
d'accès libre à la culture a eu lieu avec le passage au Web 2.0
qui ajoute à l'échange, la possibilité d'interagir et de
partager. C'est la naissance du Web Social. Pouvons-nous pour autant parler de
Web Social en évoquant un dispositif virtuel ?
Précédemment j'ai défini les
caractéristiques de la mutation de la société ainsi que
celle de l'individu social pour comprendre le lien entre les individus du
21ème et les réseaux sociaux. J'ai
évoqué des théories de la société
réelle car, en effet, le lien entre le comportement de l'individu d'une
société et son comportement au travers d'un écran virtuel
n'est pas aussi éloigné que ce que l'on pourrait penser.
Un réseau social implique des faits sociaux mais nous
ne pouvons pas pour autant définir un fait dans le monde virtuel comme
nous l'entendons dans la vie réelle. Pourtant, de nombreuses similitudes
existent dans ces réseaux virtuels car nous pouvons affirmer qu'ils
permettent de reproduire dans un certain sens, des
25
comportements que l'on retrouve dans une société
physique. Nous parlons d'interactions qui suscitent la présence d'au
moins deux personnes pour qu'un fait social existe. Le développement de
nouveaux médias de communication a ainsi donné naissance à
une nouvelle forme de publicité déspécialisée
liée à la forme intime de présentation de soi et
libérée des contraintes de la coprésence. Ces conditions
ont favorisé l'émergence de ce que John B Thompson appelle `'
La société de révélation de soi `'
1. Une société dans laquelle il devient possible,
et de plus en plus habituel, pour les individus d'apparaitre devant des
spectateurs éloignés et de mettre à nu quelques aspects de
leur `'moi `' ou de leur vie professionnelle.
Pour reprendre le lien entre un fait social dans une
société physique et les réseaux sociaux virtuels John B.
Thompson évoquera une nouvelle forme de publicité. Le
caractère public des individus, des actions ou des
évènements ne dépend plus du partage d'un même
espace. La publicité d'une action ou d'un événement est
assurée par son enregistrement et sa diffusion pour des personnes qui ne
sont pas physiquement présentes au moment et sur les lieux de son
déroulement. Pourtant cette nouvelle forme de publicité n'a pas
pour autant effacé la publicité traditionnelle. Celle-ci continue
à jouer un rôle important dans les sociétés
modernes, comme le prouve les réunions publiques, les manifestations de
masse, les débats politiques en face à face.
I.2.2. Le principe de fonctionnement des réseaux
sociaux et de Facebook
La révolution numérique ne cesse de se
développer dans nos sociétés modernes et s'impose de plus
en plus dans la vie des individus que cela soit professionnellement ou
personnellement. Aujourd'hui, le Web s'est imposé dans notre esprit et
dans nos habitudes, en proposant la plus grande base de documents du monde,
disponible du bout des doigts, c'est-à-dire qu'il permet l'interaction
et la diffusion de l'interaction.
1 THOMPSON John B, 2000, Communiquer à l'ère
des réseaux (n°100), Transformation de la
visibilité, p187-215
26
D'après Danah Boyd et Nicole Ellison, les services des
réseaux sociaux se définissent comme étant des services
web qui permettent aux individus de construire un profil public ou semi-public
dans le cadre d'un système délimité tout en organisant une
liste d'autres utilisateurs avec lesquels ils partagent des relations. Enfin,
ils permettent aussi de voir et de croiser leurs listes de relations et celles
créées par d'autres.
C'est alors que la `' liste d'amis `' qui se
développerait progressivement serait le principal outil de navigation
sur un réseau social. Dominique Cardon évoque ce principe en le
comparant à la Théorie des `' 6 degrés de
séparation `' vérifié par Stanley Milgram dans
`'La théorie du Petit Monde `' L'expérimentation sur
`' Les six degrés de séparation `' serait aujourd'hui
réduite à une moyenne de 4,74 personnes avant qu'un message ne
parvienne au destinataire final sur les réseaux sociaux.
1.
Les nouvelles technologies et les environnements
numériques, dont font partie les réseaux sociaux et notamment
Facebook, ont bouleversé nos comportements et ce, au niveau
spatio-temporel, comportemental, cognitif, économique et
sociétal. Il est important de comprendre le fonctionnement des
réseaux sociaux avant d'étudier et d'analyser l'usage des jeunes
sur Facebook. C'est pourquoi je m'appuierai sur un article de Dominique Cardon
qui m'a permis de comprendre le fonctionnement de l'algorithme de Facebook pour
le mettre en lien avec le comportement des jeunes individus.
Dominique Cardon, dans son article `' Du lien au like sur
Internet `'2 évoquera les deux grandes
différences de mesure de réputation sur internet. Il explique,
tout d'abord le PageRank, l'algorithme du moteur de recherche Google
qui mesure l'impact d'une page à travers ces liens, et le Edgerank
de Facebook, qui mesure les likes autour d'un contenu.
1 MILGRAM Stanley met en place une expérimentation en
1967 s'inspirant de la théorie des « Six degrés de
séparation » qu'il nomme « Le phénomène
du Petit Monde ». Celle-ci consiste à confier une lettre
à un échantillon de trois cents personnes américaines,
leur demandant de la faire parvenir à un même destinataire
précis. Les consignes sont de ne pas passer par la voie postale et
confier la lettre à une personne susceptible de connaitre le
destinataire. Lorsque la lettre arrive au destinataire final, celle-ci est
passée entre cinq et six personnes en moyenne.
2 CARDON Dominique, 2013, « Du lien au like sur
Internet. Deux mesures de la réputation », Communications
2013/2 (n°93), p. 173 - 186.
27
Le PageRank existe depuis l'origine de Google,
celui-ci permet la mesure de contenus qui étaient à
l'époque diffusés par les pionniers d'internet ou par des
individus ayant les capacités intellectuelles pour créer et
diffuser du contenu à travers l'hypertexte ou les flux.
Aujourd'hui, à l'heure du Web Social, le Edgerank
permet de mesurer le contenu de tout individu étant émetteur
d'informations sur les réseaux sociaux par exemple. Différents
dispositifs ont été mis en place comme le `'like»
ou les commentaires permettant à chacun de s'exprimer.
Ces petits éléments qui paraissent anodins
divulguent pourtant un grand nombre d'informations sur les internautes qui les
utilisent.
De façon implicite, l'algorithme de Facebook
considère que, selon une loi d'homophilie fréquemment
observée dans les travaux de sociologie des pratiques culturelles, la
proximité relationnelle est un bon outil d'approximation des goûts
partagés. L'Edgerank personnalise pour chaque utilisateur le
flux d'informations qu'il filtre à partir des publications de ses
`'amis `'. La réputation d'une page, d'une image ou même
d'un article est mesurée en partie grâce à ces nouveaux
dispositifs qui ne cessent d'évoluer pour être de plus en plus
pertinents sur les informations du profil des individus qui les mettent en
fonction.
Pour résumer, l'algorithme de Facebook met en place un
traçage des profils par rapport aux goûts des individus. Ces
données sont donc une aubaine pour les marques afin d'atteindre leurs
cibles.
28
Cette opportunité qu'a chacun de devenir son propre
émetteur et diffuseur de son contenu rapproche considérablement
l'écriture en ligne des formes oralisées de la conversation
ordinaire. Nous pourrions penser que cette simple mutation rapproche la
réalité et le virtuel tout en laissant une place
prépondérante à la subjectivité. D'ailleurs Eli
Pariser écrit :
« Que Facebook ait choisit « Like »
plutôt que, par exemple, « Important », est une petite
décision dans le design du site qui a des conséquences lointaines
bien plus importantes. »1
Facebook, ou du moins son algorithme, classe des jugements
subjectifs que s'échangent des personnes liées par des relations
d'affinité (la liste d'amis).
De plus, cette transformation des services et du design des sites
est guidée par l'évolution des rapports de forces sociaux et
culturels entre les différents publics. Dominique Cardon ajoute que :
« Cet élargissement du Web à des
publics plus jeunes, davantage dispersés géographiquement et plus
`'populaires» s'est aussi « payé » par un abaissement de
la contrainte de distanciation que l'espace public traditionnel impose à
la prise de parole des individus. »
C'est alors une nouvelle manière de construire la
réputation qui fait jour en s'appuyant moins sur le mérite que
sur la quête de visibilité. Cette fonctionnalité qui se
cache derrière un design est donc une belle opportunité pour les
entreprises privées ou politiques de pouvoir tracer les profils
susceptibles de consommer. Avec un éventail de stratégies
marketing ayant pour destinataire la jeunesse dynamique et connectée, il
parait logique que Facebook apparaisse comme un outil de marketing important
pour les marques.
1PARISIER Eli, 2011, The filter Bubble.
What the Internet is Hinding from You, New York , The Penguin Press,
p.149
29
I.2.3. Génération Y, une culture de
l'identité numérique
Aujourd'hui, avec l'avènement des nouvelles
technologies de l'information et de la communication dans nos
sociétés, le changement de nos comportements, qu'il soit
volontaire ou involontaire, est donc incontournable. Ce rapport au digital et
à l'Internet s'introduit dans le quotidien des individus.
Pour comprendre la sociologie des usages des individus
aujourd'hui, les sociologues américains ont divisé le
20ième siècle en cinq générations. Le
principe même de ce concept est de faire de l'âge le facteur
essentiel de l'identité. Ce principe repose sur une nouvelle conception
du temps dans lequel la jeunesse est valorisée car elle est plus
adaptable aux innovations technologiques et digitales, étant
donné qu'elle a grandi avec l'avènement du Web Social.
Toutefois, je tiens à souligner que le fait de
catégoriser une génération par rapport à son
âge n'est pas vraiment objectif. La culture d'un individu ou même
son identité provient assurément de plusieurs
éléments importants à prendre en compte en plus de
l'âge comme j'ai pu l'évoquer précédemment dans le
processus de socialisation.
Cependant, Monique Dagnaud, dans son livre qui s'intitule
`' la Génération Y, Les jeunes et les réseaux sociaux
de la dérision à la subversion `' 1 évoque cette
génération dite `' Y `' pour regrouper les jeunes nés avec
le Web Social. Dans cette étude j'utilise le même terme qu'elle
afin de catégoriser ces jeunes tout en ayant conscience de la
subjectivité de cette définition.
Comment caractériser la culture adolescente sur le Web
2.0 ? Blog ou réseaux sociaux sont très éloignés de
l'exploration intérieure conduite dans les journaux intimes, explique
Monique Dagnaud2. Elle précise que les jeunes y travaillent
plutôt leur image de soi qu'une recherche d'explication de soi.
Irwin Altman précise :
1 Monique Dagnaud, op. p.08
2 Ibid.
30
« La réflexivité demeure mais
l'internaute ne perd jamais à l'esprit que sa subjectivité va
être publicisé et qu'elle doit être affinée sous un
angle original. »1
Dominique Cardon parle, lui, d' `' extériorisation
et de simulation de soi `'2.
En effet, il est utile de décomposer les
différents traits qu'un individu peut être amené à
rendre visible sur les réseaux sociaux. Le design de l'identité
dans l'espace numérique présente un caractère beaucoup
plus stratégique que la `' gestion de la face `' ou `' le
management des impressions `' et font preuve dans les interactions face
à face. La présentation de soi sur le Web articule
étroitement les instructions des interfaces d'enregistrement et les
calculs que font les utilisateurs pour produire la meilleure impression d'eux
même.
L'identité numérique serait alors une
coproduction où se rencontre les stratégies des plateformes et
les tactiques des utilisateurs. Il n'est pas nécessaire de postuler
d'emblée la pluralité d'un individu à facettes multiples,
pour observer que les différents éléments de
l'identité personnelle appartiennent à des familles de
repères identitaires très différents et que le seul fait
de `' choisir `' entre ces familles contribue à produire des
définitions différentes de la personne.
Aujourd'hui, l'identité numérique serait soumise
à un double mouvement d'extériorisation de soi dans des signes et
des réglages réflexifs de la distance à soi.
Une étude de l'IFOP3 en 2010 montre que les
jeunes de 18 et 24 ans sont adeptes d'une certaine transparence : 85% mettent
en ligne leur nom de famille, 86% déposent des photographies
d'eux-mêmes, 65% des photos de leurs proches, 79 % y dévoilent
leurs passions ou leurs intérêts personnels, 51% dévoilent
leur orientation sexuelle et 42% y mettent leur CV. En 2010, tous ces scores
ont chuté après 25 ans et se réduisent au fur et à
mesure. Ces données personnelles sont par ailleurs rendues visibles aux
seuls amis pour 43 % des 18 à 24 ans - un chiffre supérieur aux
autres catégories d'âge.
1 ALTMAN Irwin, 1975, The Environment and Social Behavior,
Monterey (Calif.), Brook/Cole
2 CARDON Dominique, 2008, « Le design de la
visibilité », Réseaux sociaux, p152
3 Source Etude IFOP 2010 sur les réseaux sociaux.
31
Les adolescents se construiraient donc une identité `'
trompe-l'oeil `' par le biais du design et des opportunités que leur
propose Facebook, c'est-à-dire les `' likes`', le partage, les
commentaires mais aussi les discussions instantanées.
Pour autant, cette génération, qui a
été longtemps connotée comme une génération
égocentrique publiant sur son mur, a été devancée
par une définition différente parmi trois grandes
catégories de profil sur Facebook. Un article de Le
Monde1 paru en 2015 met à l'appui l'étude de 12
700 pages Facebook par des chercheurs et notamment le sociologue Dominique
Cardon. Cette étude bouleverse les idées reçues et les
études précédentes en mettant en lumière le fait
que les jeunes ne sont pas majoritairement ceux qui publient à tout va
et qui sont soucieux de l'image qu'ils renvoient.
Ces renseignements proviennent d'une première
étude du projet Algopol lancée en 2013 par un collège de
chercheurs dont le sociologue Dominique Cardon. Les participants à
l'analyse ont pu ensuite voir le tracé de leurs échanges de
données. Il s'avère qu'après plusieurs mois de recherches
et d'analyses trois grandes catégories de profils sont apparues : `'
publier chez soi `', `' publier chez les autres `' et `'regarder sans publier
`'.
A la grande surprise des chercheurs la catégorie des
jeunes dite `' égocentrique `' en quête de
visibilité ne représentent que 15% de l'échantillon
global, c'est la plus petite part des catégories analysées. Les
plus jeunes font en réalité partie de la catégorie `'
publier chez les autres `' d'après cette étude. Dominique
Cardon interprétera cet usage comme `' une forme de chat `'. Il
représente 30 % des usagers et ce sont les plus jeunes, soit une part de
la génération Y et une part de la Génération Z.
Enfin, le sociologue met en lumière la première
catégorie d'usager qu'il dit être souvent oubliée dans les
recherches sur l'usage de Facebook. Ce sont les spectateurs et partageurs qui
s'apparentent à une activité de veille passive sur Facebook.
1
http://www.lemonde.fr/pixels/article/2015/04/17/une-etude-revele-les-trois-grands-profils-d-utilisateurs-sur-facebook_4618227_4408996.html
32
Après cette première conclusion fragile par la
subjectivité des résultats et un échantillon se
réduisant à 12 700 personnes sur un réseau social qui
compte des millions d'utilisateurs, les chercheurs ont pu établir une
cartographie des goûts de chacun avant que Facebook n'améliore ces
paramètres de sécurité.
« C'est à notre connaissance la
première carte du Web obtenue depuis les usages d'un réseau
social. Auparavant ce genre de cartes était construit sur les liens
hypertextes présents sur ces sites », souligne Dominique
Cardon.
Une fois cette carte obtenue, il est possible d'y accoler les
typologies repérées ou les catégories
socioprofessionnelles. Ce qui donne des nuages violets plus ou moins intenses
dans les régions de la carte très `' partagées `'.
Les professions libérales et intellectuelles partagent
ainsi beaucoup de liens d'informations en provenance des médias de
référence étrangers, mais peu issus de la sphère
des médias grand public, contrairement aux ouvriers et employés.
Ces derniers apprécient aussi les sites de mobilisation et de
pétitions comme
www.change.org, ou de
loisirs (sport, vidéos, etc.)
I.3. Les limites des réseaux sociaux et du Web 2.0
chez les
jeunes
I.3.1. Quand le harcèlement devient
virtuel
Toute cette analyse théorique de la
société, des jeunes et du fonctionnement des réseaux
sociaux nous mène à nous poser de nombreuses questions. Les TIC
ont été le sujet de nombreuses critiques négatives
à propos des violations de la vie privée au profit des
lobbies ou du cyber harcèlement.
Ces nouvelles technologies et ces dispositifs qu'elles nous
proposent ont évolué tellement rapidement que la
société semble être dépassée.
L'être humain n'aime pas forcément le changement,
peut-être par peur de l'inconnu et de non contrôle des choses. Le
grand boom des TIC aurait-il, pour autant,
33
changé beaucoup de choses au niveau du fond par rapport
à la forme de nos comportements ?
J'ai précisé précédemment que les
réseaux sociaux représentaient une sorte de reflet de la
société dans lequel chacun avait l'opportunité de
façonner l'image qu'il renvoie selon ces envies. Cependant, chaque
utilisateur, surtout chez les jeunes, ne possède pas forcément
toutes les connaissances pour se protéger entièrement face
à la puissance d'internet et de l'algorithme de Facebook.
En s'exprimant sur les réseaux sociaux les jeunes n'ont
pas forcément conscience des dangers auxquels ils s'exposent. Monique
Dagnaud évoque le synopsis d'une attaque massive qui s'est passée
aux Etats Unis en 2010 contre une préadolescente de 11 ans
définie par le pseudonyme Jessi Slaughter, `' slaughter
`' signifiant massacre en anglais.1
Commençant par le partage d'une simple vidéo
dont elle est l'auteure, Jessi y exprime ses goûts musicaux, ses passions
et plus particulièrement son admiration pour le groupe Blood on the
Dancefloor. De cette vidéo se répand la rumeur qu'elle
aurait eu un rapport sexuel avec le chanteur du groupe avec qui elle a une
photo qu'elle aurait posté sur les réseaux sociaux. Inconsciente
de la diffusion massive et rapide qu'engendrent les dispositifs d'internet, la
jeune fille répond aux rumeurs en accusant ses détracteurs
d'être jaloux dans un langage particulièrement grossier. S'en suit
un harcèlement perpétuel envers Jessi. Ses adresses internet, son
compte Facebook en particulier et ses données personnelles sont
divulguées. Des centaines de commandes sont passées à son
nom et elle reçoit des menaces de mort. La famille se mêle de
l'affaire toujours dans des échanges virtuels, pour ensuite être
placée sous protection judiciaire par les autorités
américaines. Cette affaire dépasse les frontières et on en
parle dans le monde entier en ouvrant le débat sur la protection des
données sur le web. Après une absence sur internet de quelques
mois ce cauchemar disparait de la toile, comme si cette affaire n'avait jamais
eu lieu.
1 DAGNAUD Monique, op. cit. p.9
34
Comment peut-on passer d'une simple vidéo à une
affaire aussi violente et dépassant le virtuel, puis qui devient
inexistante quelques mois après ? Cette question a ouvert de nombreux
débats sur la puissance d'internet et des réseaux sociaux.
D'après cette histoire, nous pouvons affirmer
qu'internet et les réseaux sociaux présentent un danger
réel potentiel sur la violation de la vie privée et que les
jeunes insouciants peuvent en être les premières victimes. Ce
dispositif, promulguant l'instantanéité et le partage massif peut
prendre des proportions inimaginables partant de problèmes quotidiens,
peu importants et privés.
Tout d'abord, comme je l'ai mis en lumière plusieurs
fois, la tranche d'âge et le passage de l'individu de l'enfance à
l'âge adulte implique un comportement d'émancipation du cocon
familial. Cette volonté d'être adulte pendant l'adolescence est
une période particulière dans la vie de l'individu. S'ajoutent
à cela les médias. Philip Jenkins évoque ce fait divers
comme `' une panique morale `'1 , expression qui dans la
littérature sociologique désigne l'exagération par les
médias d'un phénomène social et l'accaparement du
débat par des personnes comptant sur une posture morale.
En 2010, une étude2 menée dans 25
pays européens auprès des jeunes de 9 à 16 ans incite
à relativiser les dangers d'internet : 12% d'entre eux affirment avoir
été confrontés à quelque chose qui les a
gênés ou bouleversés au cours de leur navigation et 5%
disent avoir été insultés ou harcelés.
Ce n'est donc pas une expérience rare puisque,
d'après cette étude, 19% des jeunes disent avoir connu ce
problème dans ou hors de l'internet.
C'est donc dans les rapports adolescents que règne
cette violence. Le web stimulerait ou prolongerai cette violence qui existe
dans la vie réelle des jeunes. Cela serait donc un stimulus plus simple
et plus rapide des moeurs qui existent dans la réalité,
d'où la facilité pour une simple histoire de devenir une
polémique nationale voire internationale.
1 JENKINS Philip, 1992, Intimate Ennemies. Moral Panic in
Contempory Great Britain, New York, Aldine de Gruyster
2 « Riskand Safety on the Internet, The perspective of
EuropeanChildren », The London School of Economics and Political
Science , 2010
35
I.3.2. Le développement de l'isolement
social
« Les situations objectives d'isolement sont
actuellement mal connues, notamment à cause de l'imprécision des
définitions. Les chercheurs qui travaillent sur le sentiment de solitude
ont donc tendance à séparer le vécu subjectif des
contextes sociaux dans lesquels sont inscrits les solitaires, d'autant qu'il
peut sembler qu'il n'y ait pas de corrélation entre isolement et
solitude. » explique Jean-Claude Kaufmann1.
Ici, nous entendons que l'isolement ne s'apparente pas
forcément à une personne seule, mais plutôt à un
état d'esprit qui peut être le résultat de nombreuses
causes sociales. S'ajoute à cela le regard que l'individu porte sur sa
propre situation et de son jugement de la solitude. De plus, la notion de
sociabilité en sociologie se réfère aux relations que les
individus entretiennent entre eux :
«Le tissu des relations entre chaque individu
constitue le fondement de la société » évoque
Norbert Elias2.
Toutefois, selon Forsé pour analyser la
sociabilité, `' il ne s'agit pas de mettre en évidence la
sociabilité comme qualité intrinsèque des individus mais
de montrer les relations qu'un individu entretient avec autrui, varient en
grande partie selon des facteurs sociaux, économiques, ou
démographiques. `'
Facebook, qui fonctionne sur les relations et l'interaction
entre celles-ci, reproduit, en quelque sorte, cette sociabilité au
niveau virtuel.
Pour Casilli, les réseaux sociaux, grâce à
leurs fonctionnalités, deviennent une nouvelle façon d'interagir
et permettent la socialisation :
« On assiste plus vraisemblablement à une
reconfiguration de la manière d'être ensemble et de vivre en
société en permettant à chacun de choisir les bonnes
distances à établir avec les autres plutôt qu'à une
érosion de la socialité. Les réseaux sociaux
1 KAUFMANN Jean-Claude, 1993, Célibat, ménage
d'une personne, isolement, solitude : un état des savoirs, rapport
pour la Commission des Communautés Européennes, 227p, p56
2 ELIAS Norbert, 2000, Pour une sociologie
non-normative, L'Harmattan, p. 127-141
36
permettent d'ailleurs de diversifier les moyens
d'être en relation avec les autres. Les réseaux sociaux permettent
d'augmenter les interactions avec des personnes que l'on fréquente
habituellement dans la vie réelle mais permettent également de
cultiver des relations occasionnelles, distantes ou
éphémères. »1
Pour autant, pouvons-nous en conclure que suivant le capital
social de l'individu sur Facebook celui-ci est en possession d'une
sociabilité plus ou moins dense ? De plus, est-ce qu'un individu qui a
300 `' amis `' sur Facebook est forcément un individu qui ne
ressent pas la solitude ou l'isolement ?
Partant du principe que le sentiment de solitude est
très subjectif, dans un couple, l'un des deux individus peut se sentir
complètement isolé : c'est ce que l'on peut retrouver aussi chez
les jeunes avec leurs relations virtuelles sur les réseaux sociaux.
Dantchev2 évoque le cycle de vie, dont la
période dans laquelle l'individu se trouve, alimente plus moins ce
sentiment d'isolement et de solitude. C'est pourquoi la solitude est
fréquente et profonde à l'adolescence, en dehors de la situation
d'isolement caractérisée. Le cycle de vie correspond à une
accentuation de l'autonomie individuelle, nécessaire à la
construction identitaire. Ce processus atteindrait son apogée lorsque
changent les repères de la socialisation « primaire »
d'après Dantchev. Alors, les réseaux sociaux et Facebook seraient
des outils pour remédier à ce sentiment de solitude chez les
jeunes, d'où cette promotion de l'image de soi que revendique Monique
Dagnaud3.
Pour autant, nous pourrions penser que derrière tous
ces affichages et publications sur les réseaux sociaux, se cache un
sentiment d'isolement et de solitude chez certains adolescents.
Cet isolement ou vie virtuelle qu'engendrent les
réseaux sociaux peut s'avérer dangereuse par le fait qu'elle
propose une forme d'isolement social dans la vie réelle. A cela s'ajoute
en général toutes les nouveaux supports médiatiques (jeux
vidéo,
1 CASILLI Antonio. A., 2010, Les liaisons numériques,
vers une nouvelle sociabilité ?, Éditions du Seuil, Paris.
334p, p223-242
2 DANTCHEV Nicolas, 1986, L'adolescent parmi les autres,
Information Sociales, n°3, p37-p41
3 DAGNAUD Monique, op. cit. p.08
37
programmes télévisuels, séries
télévisées, etc). Cette théorie nous ramène
à celle de Hervé Glévarec sur la culture de la chambre
1 . Celle-ci s'apparente à une individualisation des
pratiques culturelles chez les jeunes avec l'utilisation des nouveaux outils
médiatiques et technologiques. L'étude du chercheur
démontre un isolement des préadolescents dans la vie domestique
familiale. En résumé, le jeune adolescent s'enferme dans sa
chambre et se distrait à travers les nouvelles technologies de
l'information et de la communication, soit internet et les réseaux
sociaux.
Cet isolement volontaire du préadolescent semble
être logique à l'âge où l'individu s'émancipe
de sa place d'enfant et veut se revendiquer en tant qu'adulte. Pour autant, un
isolement virtuel sur les réseaux sociaux peut entraîner un
isolement réel mais aussi un danger pour les plus jeunes.
En effet, contrairement à la télévision
qui peut se regarder en famille, d'après Hervé Glévarec,
le Web fait souvent l'objet d'une appropriation individuelle dans l'espace
privée des jeunes. D'ailleurs, beaucoup de parents en sont mis à
l'écart. Les jeunes parlent peu de leurs parents et n'ont souvent aucun
lien avec eux dans le virtuel. Pourtant, le risque de harcèlement, de
visualisation d'images à caractère pornographique ou de
rencontres de personnes dangereuses existe.
« Internet est le média dont les parents se
méfient le plus en raison des mauvaises rencontres possibles et des
images violentes ou pornographiques aux quelles leur progéniture peut
être exposée. »2
L'interactivité des réseaux sociaux fait que le
risque qu'encourt les mineurs ne peut être dissocié de leur
comportement. En effet, sur Facebook les jeunes créent eux-mêmes
le contenu qu'ils échangent et entrent parfois en contact avec de
parfaits inconnus. Ils n'ont pas conscience de dangers réels comme
l'usurpation d'identité, même si parfois il leur arrive de masquer
leur âge ou de revendiquer un autre genre que le leur.
1 GLEVAREC Hervé, 2009, La Culture de la chambre.
Préadolescence et culture contemporaine dans l'espace familial,
Paris, La documentation française, 184p
2 JEHEL Sophie, 2011, Parents ou médias, qui
éduque les adolescents ?, Toulouse, Erès , 248 p, p10-45
38
I.3.3. Un nouveau dispositif d'influence pour les
leaders d'opinion et les entreprises
Les réseaux sociaux sont largement fondés sur
les interactions sociales comme nous l'avons vu précédemment.
Dans ce contexte, Richard Lardwin évoque dans son article Influence
sociale et attitude à l'égard de la publicité sur
Facebook, le fait qu'il est primordial de déterminer l'impact du
besoin d'appartenance sociale, de variables caractérisant les relations
interpersonnelles et de la connexion de soi à la marque sur l'attitude
à l'égard de la publicité sur les réseaux
sociaux.
Rappelons que l'expérience de la marque est souvent
apparentée aux émotions, sensations, réponses
comportementales en lien avec l'offre proposée1. Dans ce cas
Lardwin, évoque Facebook comme une aubaine pour cette conception de la
marque. Il affirme d'ailleurs :
« Cette expérience de Facebook est susceptible
d'être riche et intéressante pour les utilisateurs de Facebook.
Cela suppose de passer d'une conception de Facebook, comme un réseau
social, à une conception de Facebook comme une communauté de
marque. »2
Dans son étude, celui-ci relève que le besoin
d'appartenance sociale est important. En effet, cela peut contribuer à
l'adoption de rôles sociaux liés au leadership d'opinion ainsi
qu'à la susceptibilité à l'influence interpersonnelle,
c'est-à-dire la relation mutuelle entre deux individus.
La connexion de soi à la marque semble jouer un
rôle pivot dans l'articulation entre les variables psychologiques et
l'attitude à l'égard des publicités Facebook. Elle agirait
comme médiateur total en ce qui concerne les leaders d'opinion et comme
un médiateur partiel en ce qui concerne la susceptibilité
à l'influence interpersonnelle.
1 BRAKUS J.J., SCHMITT B.H., ZARANTONELLO. L. ,2009,. «Brand
experience : What is it ? How is it measured ? Does it affect loyalty ?»,
Journal of Marketing, 73, Mai, p. 52-68.
2 LARDWIN Richard, Influence sociale et attitude à
l'égard de la publicité sur Facebook, La revue
Française de Gestion, Lavoisier, n°244, 2014, p.33-51, 190 pages
39
Les exigences de coopération inhérentes au
fonctionnement de toutes les organisations humaines font intervenir les
phénomènes de pouvoir, entendu ici comme la capacité d'un
individu à modifier le comportement d'un autre. En outre, c'est
exactement la logique publicitaire.
Comme nous l'avons vu précédemment, le
leadership d'opinion joue quand même un rôle important dans la
promotion d'une marque et notamment sur Facebook. Pour Edgar Morin, l'influence
sociale s'inscrit dans un processus d'interaction entre celui qui exerce le
pouvoir et la cible de ce pouvoir. Si l'on prend le cas des organisations,
Edgar Morin nous dit :
« L'influence sociale vise à provoquer des
changements, à produire des comportements susceptibles de permettre
à une organisation d'atteindre les objectifs qu'elle s'est fixé.
»1
Ici, nous nous confrontons toujours à des approches
théoriques de l'accord et de la régulation dans les organisations
pour comprendre les formes d'influence. Pourtant, dans le cas de Facebook et de
la publicité sur ce réseau social, nous pouvons penser que le
processus est généralement le même. L'influence sociale
engendrée par la publicité passe soit, par un leader d'opinion
dans un groupe donné, soit, dans les relations qu'il entretient sur
Facebook avec sa liste d'amis.
De plus, sur Facebook, les individus peuvent être
confrontés à d'autres influences partagées par des `' amis
`' venant de leur propre liste `' d'amis `'. A cela s'ajoute une autre vision
des choses qui n'est pas forcément la leur.
Toutefois, certaines publications ont plus de poids que
d'autres par rapport à l'identité de son émetteur,
d'où la notion de leader d'opinion dans le marketing politique cherchant
à influencer son public.
Il n'existe pas de style de leadership meilleur qu'un autre.
Luc Boltanski et Laurent Thévenot prennent en considération les
processus d'interprétation des acteurs eux-mêmes, ce qui les
amènent à rompre avec la construction Bourdieusienne
1 EDGAR Morin,1996, Les psychologies au travail,
Montréal, Gaétan Morin, 512p, p175
40
des prédispositions inscrites dans les
habitus1. Pour Boltanski et Thévenot, c'est dans cette
rupture que naissent les « grandeurs > pour exprimer la motivation
qu'ont les personnes à se grandir pour accéder à l'espace
public. Pour le cas de Facebook, nous avons affaire là, à un
dispositif qui permet à chacun de s'exprimer et de donner son opinion
dans un espace public virtuel.
L'hypothèse des auteurs ici, est que l'identification
à certains mondes est une phase nécessaire pour construire des
accords. Sur Facebook, les interactions et les publications qui apparaissent
sur le mur des internautes proposent plusieurs modes de pensées plus ou
moins proches qui s'apparentent à différents mondes. Pour les
sociologues, il s'agit de dépasser la notion de régulation
sociale qui est trop centrée sur les questions de pouvoir.
Nous sommes, aujourd'hui, dans une société de
solidarité plutôt organique d'après Durkheim, dans laquelle
le lien social déterminé par des interactions entre les
différentes fonctions sociales forme un tout
hétérogène qui se retrouve dans un espace public commun.
Dans le cas de Facebook, les individus se confrontent à
différents mondes plus ou moins proches avec des « amis > ayant
plusieurs opinions selon leur identité. 2
Lors de cette première partie, j'ai essayé de
comprendre le comportement d'après les théories, les
études et les recherches qui ont été
élaborées en sciences humaines et sociales. Nous avons vu le
fonctionnement de Facebook par son algorithme. Par sa puissance, ce dernier
retrace les partages ou les affinités. En résumé, il
expose les interactions entre les individus. Dans ce cas, les marques et les
publicités, par le biais des algorithmes de Google et de Facebook,
peuvent se permettre d'étudier des profils susceptibles de participer
à la e-réputation de la marque mais surtout de consommer.
1 BOLTANSKI Luc & THEVENOT Laurent, 1991, De la
justification les économies de la grandeur, Paris, Gallimard,
464p
2 La solidarité organique a été
introduite par Émile Durkheim dans son ouvrage fondateur De la
division du travail social (1893). Elle décrit un type de lien
social caractérisant la société moderne. Dans ce type de
solidarité, la cohésion sociale est fondée sur la
différenciation et sur l'interdépendance des individus entre eux
que favorise la division du travail. Elle est caractéristique de
sociétés qui fonctionnent autour d'une force centrifuge : qui
éloigne les individus les uns des autres en encourageant les
différences.
41
Ayant pris en compte le fonctionnement de Facebook, admettons
qu'un individu clique sur la publicité d'une marque pour regarder les
produits proposés par celle-ci. Le Edgerank et le PageRank
de Google vont retracer et enregistrer le comportement de l'individu. Dans
ce cas, le fait que celui-ci ait cliqué sur un lien plutôt qu'un
autre va prendre de l'importance. Ainsi, sur le compte de cet individu les
marques vont afficher des publicités en lien avec sa recherche afin de
lui proposer les produits les plus susceptibles de l'intéresser.
Un individu n'ayant aucune conscience du fonctionnement de
Facebook est susceptible d'être plus exposé à ce mode de
fonctionnement de la part des marques.
Même si les jeunes publient sans but précis,
n'auraient-ils pas en tête certains leaders d'opinion dans leur liste
d'amis ? Nous pouvons aussi nous poser la question de leur fonction
auprès des marques, peut-être, plus orientées dans le
marketing politique que dans la consommation auprès des jeunes.
42
Conclusion de la partie
Afin de conclure cette partie de ma recherche, je peux
affirmer que différents facteurs influent, plus ou moins, sur le
comportement des jeunes et notamment de les Génération Y et Z sur
les réseaux sociaux.
Un lien réel existe donc entre la socio-culture de
notre société dont font preuve les individus modernes et les
réseaux sociaux. Facebook pourrait être comparé à
une plateforme réunissant les individus provenant les différentes
groupes communautaires et identitaires de la société moderne. Ce
dispositif, très utilisé chez les jeunes, génère un
comportement plus ou moins contradictoire de la part de la
Génération Y et des adolescents. Lorsque l'on étudie la
société dans laquelle nous vivons, une tendance émerge
quant au comportement des 15 ans - 29 ans sur Facebook. C'est ce lien que j'ai
voulu illustrer dans cette recherche théorique pour pouvoir, dans une
seconde partie, me confronter à la réalité.
Afin de comprendre le changement des individus, il
était primordial de remonter dans le temps pour mettre en lien la
mutation de la société des siècles
précédents avec l'individu des sociétés modernes
pour, ensuite, se concentrer sur le comportement des jeunes de 15 à 25
ans.
A cette mutation, s'ajoute l'avènement des nouvelles
technologies qui permettent aux préadolescents et adolescents d'exprimer
leurs opinions et leur identité sans contrainte et
instantanément. La période de l'adolescence est atypique dans le
processus identitaire de l'individu, d'où le fait que mon attention soit
portée sur ces générations qui ont grandi avec la
croissance des nouvelles technologies de l'information et de la communication
et du Web 2.0.
Enfin, j'ai fait émerger certaines limites des
réseaux sociaux, auxquels les jeunes peuvent être
confrontés. Facebook peut-être un réel danger surtout chez
les préadolescents. Les individus, ayant peu de connaissances sur le
fonctionnement réel de Facebook, sont susceptibles d'être les
premières cibles des marques via le marketing que celles-ci
opèrent sur les réseaux sociaux.
43
Pour autant, pouvons-nous affirmer qu'ils n'ont aucune conscience
de ces stratégies misent en place par les marques ?
D'après cette première recherche, il semblerait que
les jeunes ne prêtent pas attention à l'influence du réseau
social dont ils feraient l'objet.
Principalement, ils semblent utiliser la plateforme pour leurs
besoins personnels via les dispositifs que Facebook propose, tels que la
communication et le partage entre pairs sans prendre en compte les autres
possibilités de la plateforme.
La deuxième partie prend en considération la
recherche théorique de ce mémoire pour mon enquête de
terrain afin me confronter à la réalité.
44
Partie 2 : L'analyse des usages de 8 individus
âgés de 15 à 25 ans
45
Introduction de la partie
Dans cette partie, j'exposerai mon enquête de terrain.
La première partie de cette étude servant de point de
départ à mon raisonnement, j'ai décidé, ensuite, de
pratiquer huit entretiens semi directifs avec des jeunes âgés de
15 à 25 ans.
L'objectif de l'étude est de confronter la
réalité avec mes recherches théoriques pour pouvoir
comprendre l'usage de Facebook chez les jeunes de 15 ans à 25 ans afin
de valider les hypothèses qui ont contribué à ma
recherche.
Toutefois, j'ai conscience que huit entretiens ne permettront
pas de refléter la réalité et que mon échantillon
n'est pas représentatif de tous les jeunes français de 15
à 25 ans.
Néanmoins, à l'aide de la méthode
qualitative, il me semble intéressant de mettre en lumière ce que
révèlent les entretiens afin d'analyser les témoignages et
le comportement de mon échantillon sur Facebook.
J'ai pu observer des similitudes entre les théories des
chercheurs et la réalité du terrain. Assez rapidement, j'ai
analysé des liens entre ce qui a été dit lors des
entretiens et les concepts et théories des grands auteurs de la
sociologie.
Dans cette partie, j'analyserai donc mes entretiens en mettant
en lumière divers usages de Facebook et différents niveaux de
conscience des conséquences qui en découlent. L'analyse du
comportement des jeunes sur Facebook me permettra d'identifier leurs usages
ainsi que si ce réseau social est un dispositif identitaire pour eux et
leur degré de conscience des conséquences de leurs actes.
Dans ces huit entretiens, l'échantillon de la
population mère de mon étude correspond aux jeunes faisant partie
de la Génération dite « Y » et à une partie de
la Génération dite « Z ». Pour faciliter
l'échange avec les plus jeunes issues d'une autre
génération que la mienne et éviter qu'ils ne voient en moi
une position dominante d'enquêteur, j'ai fait en sorte de faire oublier
la définition que l'on pourrait entendre par le terme `'entretien».
En me plaçant au même niveau que mes interviewés, ces
46
derniers ne se sentaient pas analysés et nous avons pu
discuter librement sans préjugés ou contrôle. C'est
grâce à contexte que j'ai pu récupérer des
témoignages approfondis et plus intimes de leur part.
Les entretiens se sont déroulés face à
face, un part un. J'ai interrogé cinq d'entre-deux dans une salle mise
à ma disposition pour cet usage avant un entrainement de natation, dans
un centre aquatique de la banlieue lyonnaise. Lors de ces entretiens, j'ai pu
interroger des individus de 15 ans (2), 18 ans, 17 ans et 25 ans. Les trois
autres »interviews» ce sont déroulées un autre
jour avec des étudiants universitaires âgés de 22, 23 et 24
ans provenant de différentes filières (droit des affaires,
communication, lettre) à l'Université Lyon II.
47
II.1. Les divers usages des 15, 25 ans sur Facebook
II.1.2. Deux grandes catégories d'usage sur
Facebook
Au sein de mon échantillon, 7 interviewés sur 8
sont des utilisateurs modérés voir passifs de Facebook. Le
dernier n'étant pas un utilisateur de Facebook, j'ai axé mon
entretien sur un autre réseau social très similaire
La majorité ont des pratiques similaires sur ce
réseaux social par rapport à ceux qui restent très
passifs. L'un des interviewés n'est pas utilisateur de Facebook.
Toutefois, de son âge, (15 ans) j'ai pris la décision de
l'interroger sur d'autres réseaux sociaux reprenant plus ou moins les
fonctionnalités de Facebook.
Les grands usages de Facebook restent le partage et la
communication via l'application Messenger qui est rattachée à
Facebook pour communiquer instantanément. Lorsque j'ai interrogé
mes interlocuteurs sur cette pratique, tous sauf un, m'ont répondu
qu'ils utilisaient Messenger quotidiennement pour communiquer avec leur
entourage.
Messenger leur permet essentiellement de communiquer avec des
personnes proches, côtoyées dans le réel, plus rarement,
avec des personnes qu'ils n'ont pas l'occasion de voir souvent.
« Dans ma liste d'amis j'écris qu'à mon
entourage, après il y a des gens que je ne vois jamais dans ma liste,
mais c'est cool pour recontacter des gens que je vois pas souvent ou à
qui je ne parle que très rarement, c'est pratique. »
Facebook, leur permet donc de garder le lien avec des
personnes qu'ils ne côtoient pas régulièrement. A cet
usage, s'ajoute le partage de contenus, les `'likes `' et les
identifications d'amis sous certaines publications. Les identifications se
retrouvent plutôt dans le cadre du divertissement pour les sept
usagers.
« Je commente toujours pour identifier quelqu'un de
ma liste d'amis sur des trucs pas très sérieux et rigolos pour
partager. »
48
C'est donc majoritairement dans ce cas que les usagers
commentent une publication. Sept des interviewés pratiquent plus ou
moins ces trois usages techniques que leur propose le réseau social.
En plus, de ces pratiques l'une des interviewés
étant voyageuse de 23 ans, évoque qu'elle partage aussi beaucoup
de photos. C'est l'une des rares (2 sur 8 interrogés) qui publie des
photos sur le réseau social. Cette action rejoint la motivation des
autres dans le but de partager et communiquer avec ses proches. Cela lui permet
de garder un lien avec son entourage quand elle est loin ainsi que de
témoigner de ses activités à travers des photos.
Cette première réponse, de la part de sept
individus interviewés, me permet de mettre en lien l'analyse de Monique
Dagnaud1 qui met en lumière l'utilisation de Facebook par les
jeunes de la Génération Y, comme un outil de partage permettant
de converser avec son entourage instantanément.
Pour eux, Facebook est donc une sorte de chat comme
l'évoquait Dominique Cardon dans l'article du Monde concernant
l'étude Algopol. Dans cet article, les chercheurs sociologues
définissent que la catégorie dont les jeunes font majoritairement
partie est celle `' des gens qui ne publient rien mais qui regardent `'.
2
En effet, pour tous les individus interrogés ces trois
principales pratiques de Facebook sont omniprésentes.
De plus, trois des individus ont évoqué la
pratique de l'espionnage avec un peu de gêne :
« Je pratique aussi dans le sens de...
(hésitation) beh... l'espionnage (en souriant puis rire). Tout le monde
a Facebook donc c'est un moyen simple de communiquer et de voir la vie des gens
en vrai, puis il faut arrêter, on sait très bien que tout le monde
fait ça. »
1 DAGNAUD Monique, op.cit., p8
2 Projet Algopol, op.cit., p.23
49
Ce n'est jamais au début de l'entretien que cette
réponse a surgi. Lorsque je demandais leur usage sur Facebook ce
n'était pas l'espionnage qu'ils mentionnaient en premier lieu mais les
autres pratiques énoncées précédemment.
En plus, d'évoquer cet usage plus tard dans
l'entretien, tous les interviewés l'ayant affirmé, ont
présenté une certaine gêne représentée par un
sourire, une hésitation ou un rire.
Par ce comportement, nous pouvons analyser une certaine
anticipation au jugement que j'aurai pu laisser paraitre, peut-être, par
mon profil d'étudiante en master et le fait que la plupart des
interrogés soient plus jeunes que moi. J'ai donc fait l'effort de ne pas
laisser voir de jugement en allant dans leur sens en légitiment cet
usage quand j'ai avoué pratiquer le même comportement sur le
réseau social.
En plus, de cette gêne qu'ils ont manifestée
à mon égard, une des interviewés a senti le besoin de se
justifier par l'évocation de généralités dans le
but de se déculpabiliser. Il généralise son comportement
en l'étendant à tous les internautes, en considérant
qu'ils font comme lui, comme pour se rassurer voire minimiser des faits qui
finalement semble le mettre mal à l'aise :
« ...Il faut arrêter, on sait très bien que
tout le monde fait ça. »
Ceci, me laisse penser qu'ils ont une certaine honte de cet
usage de Facebook, car nous savons que l'espionnage est connoté
péjorativement. Avec la position que j'ai prise avec les
interviewés, j'ai toutefois, réussi à dissimuler mon
jugement à plusieurs reprises, ce qui m'a permis de recueillir des
données pertinentes et plus approfondies sur ce genre de
réponses.
Une des jeunes lycéennes de 18 ans va même plus
loin dans cette pratique de l'espionnage. Elle admet essayer de voir la vie des
gens et surtout la vie de ceux qu'elle n'aime pas, même s'ils ne sont pas
dans sa liste d'amis et qu'ils ont bloqué la visibilité de leur
profil. Je lui ai donc demandé comment elle faisait puisqu'elle n'avait
pas accès à plus d'informations que leur nom, leur photo de
profil et leur photo de couverture.
50
Sa stratégie est donc de demander le portable d'un
proche qui aurait le profil concerné dans sa liste d'amis Facebook pour
pouvoir aller le consulter. Si personne ne peut lui donner cet accès
alors l'usager admet se connecter sur Twitter pour essayer d'avoir des
informations.
Paradoxalement, la majorité des interrogés m'ont
affirmé qu'ils ne publiaient presque rien sur Facebook (1 à 2
photos par an et aucun statut). Ayant conscience qu'aucune ou presque pas de
publications ne proviennent de leurs actions, nous pourrions penser qu'il n'y a
rien d'intéressant à analyser sur leurs profils. Leur principal
intérêt dans cette pratique est de pouvoir voir les photos des
autres usagers. Ce premier élément sur l'usage des jeunes
interrogés me permet d'émettre l'interprétation
suivante.
L'importance de l'apparence physique et les activités
de la vie de chacun témoignées par des photos est l'un des
premiers éléments à prendre en compte pour ces usagers
afin de se faire une opinion sur la personne concernée. Cette
quête d'informations sur autrui se traduit par de la veille passive afin
de pouvoir émettre un premier jugement subjectif sur la personne qui les
intéresse. A cela s'ajoute le fait qu'ils aient une certaine gêne
de cet usage et m'ont tous précisé aller sur Facebook lorsqu'ils
s'ennuyaient.
Pour eux, c'est un divertissement dont l'un des principaux
intérêts au-delà du partage et de la communication, est de
recueillir des informations sur les autres utilisateurs.
Nous pouvons donc définir deux principales
activités sur Facebook. L'une étant connue et à la vue de
tous car elle fait partie des fonctions principales revendiquées par le
réseau social : le partage et la communication.
Puis, une autre activité moins explicite mais qui
apparait être pratiquée par l'unanimité des usagers de mon
échantillon : l'espionnage.
Cette quête d'informations sur autrui se traduit par la
quête de photos, ceci peut nous renvoyer à la réflexion
d'un premier élément sur l'importance de l'identité
virtuelle sur Facebook que j'approfondirai dans une autre partie.
51
Pour faire un résumé de cette première
analyse, je peux affirmer que cet usage de l'espionnage, qui est plus ou moins
pratiqué par les interrogés aurait pour principale motivation la
recherche de photos mais aussi d'autres éléments subjectifs.
Lors des entretiens à plusieurs reprises les
interviewés ont mentionné d'autres stratégies d'espionnage
par rapport à ce qui les intéresse sur autrui comme la mention de
participation à un évènement ou la géolocalisation
qui peut informer sur l'endroit où l'on se trouve et à quel
moment. Toute cette quête de l'information sur autrui s'avère
être toute une stratégie bien réfléchie.
Néanmoins, celle-ci demande une certaine conscience du fonctionnement de
ce réseau social.
Par cette première analyse de comportement, nous
pouvons définir que l'usage de Facebook parait être un usage
personnel autour de la fonction divertissante que Facebook propose. Le fait
qu'ils utilisent tous ce réseau social lorsqu'ils s'ennuient appuie le
divertissement via la plateforme.
En outre, ce réseau social ne semble pas être
pris au sérieux et permet de rire ou d'échanger entre amis
à tout moment de la journée, où que l'on se trouve,
toujours dans un but distractif et très souvent peu sérieux ou
professionnel mais personnel. En adéquation avec le divertissement,
entre en compte un usage pris plus au sérieux par les individus
lorsqu'il s'agit de l'image qu'ils renvoient vis-à-vis de leur liste
d'amis.
II.1.2. Usage passif
Comme il a été présenté ci-dessus,
divers usages de Facebook existent chez les jeunes internautes. Ils pratiquent
tous, plus ou moins, l'interaction via le partage, les commentaires, la
messagerie instantanée ou les publications. Facebook leur permet aussi
d'espionner les profils des autres usagers.
Toutefois dans ces usages, certains utilisateurs restent
très passifs voire inactifs sur le réseau social. Les plus
jeunes, âgés de 15 ans, semblent être inactifs sur la
plateforme, l'un des interrogeras ne possède pas de profil Facebook mais
utilise d'autres applications ayant les mêmes fonctionnalités.
52
En plus de ce profil, deux autres des enquêtés
ont décrit leur usage comme extrêmement passif. Ils expliquaient
qu'ils ne prêtaient pas vraiment attention à Facebook et qu'ils
n'y passaient pas autant de temps que sur d'autres réseaux sociaux.
En effet, pour les plus jeunes de mon échantillon (ceux
âgés de 15 ans) c'est Snapchat et Instagram qui sont les plus
utilisés, devant Facebook.
Snapchat est une application permettant de prendre une photo
ou un selfie et de l'envoyer instantanément à un autre
usager qui fait partie de ses abonnés. Lorsque le récepteur la
reçoit, la photo s'affiche temporairement entre 1 et 10 secondes. Les
utilisateurs peuvent aussi faire des vidéos et les mettre en «
Story ». Dans ce cas, elles restent consultables pendant 24h pour la
liste des abonnés de l'émetteur. A cet usage principal, s'ajoute
l'onglet «Discovery ». Celui-ci permet de voir de courtes
présentations vidéo sur des sujets divers de certaines marques ou
journaux comme Le Monde ou Kombini. On peut s'abonner aux marques et aux
personnalités qui nous intéressent. Snapchat permet de suivre les
personnes ayant une notoriété publique et de créer des
discutions instantanées.
Pour les deux jeunes abonnés grands utilisateurs de
cette application, `'Snapchat est en 2017 ce que Facebook était en
2008 pour les jeunes`'. Lorsque l'un des interrogés m'a dit ne pas
posséder Facebook, je lui ai alors demandé la raison, et celui-ci
m'a répondu :
« Je sais pas, je trouve que c'est beaucoup trop
compliqué et trop ouvert. Tu vois de tout et n'importe quoi qui arrive
sur ton fil d'actualité, tu sais même pas d'où ça
vient. »
Par cette réponse, nous pouvons comprendre que
l'utilisateur, même s'il n'utilise pas Facebook, connaît pour
autant son dispositif. Lorsque je l'interroge à propos de la
récurrence de ce comportement pour ses amis et s'ils possèdent au
moins un profil Facebook, il me répond que c'est le cas à des
fins d'espionnage seulement. Suite à cette réponse surprenante,
l'interrogé ajoute qu'il fait la même chose sur Instagram, un
autre réseau social dont la principale fonctionnalité est de
publier des photos. Instagram reprend toutefois les fonctionnalités de
Messenger et de Snapchat. Le principal point commun de ces trois applications
dans leur fonctionnalité est la
53
messagerie instantanée, avec aujourd'hui la
possibilité de publier des `' Stories» sur les
activités que l'ont fait dans la journée.
« En fait comme j'ai Instagram et Snapchat pour
parler, je trouve que Facebook ça ne sert à rien. »
On comprend bien que Facebook pour cet interviewé ne
sert à rien de plus que d'autres applications. Elle ne trouve pas
d'intérêt à avoir un profil Facebook. Pourtant, le point
commun entre les individus passifs et les usagers réguliers est
l'espionnage. Peu importe l'application utilisée pour cet usage.
Le deuxième interrogé de 15 ans utilise aussi en
priorité Snapchat et Instagram, toutefois il a un profil Facebook et
confie avoir beaucoup regardé les actualités pendant la campagne
électorale.
« Quand j'ai plus rien à faire sur Snapchat,
quand j'ai vu toutes les stories qui m'intéressent et que j'ai fait un
tour sur Instagram, je vais sur Facebook. Surtout pendant les élections
présidentielles, j'ai beaucoup regardé les actualités et
les clashs en commentaires avec mes potes. Puis, sinon, j'avais une pote qui
avait perdu son téléphone du coup j'utilisais Messenger pour lui
parler. »
L'usager utilise donc Facebook afin de s'informer sur
l'actualité politique mais pour plus particulièrement du
divertissement en regardant les commentaires des internautes se disputant ou
débattant sur des sujets politiques. Il utilise aussi comme la
majorité, Messenger pour communiquer avec son entourage. Suite à
cette description de son usage du réseau social il ajoute :
« J'utilise de moins en moins Facebook, maintenant je
n'y fait rien dessus, c'est juste pour regarder l'actualité entre
autres. »
On peut alors comprendre que Facebook lui permet avant toutes
autres choses de suivre l'actualité. Il choisit les articles qu'il va
lire ou les vidéos en fonction d'un titre. Ceci s'apparente à la
pratique du `'put a click» (`'piège à clic `'en
français). Cette pratique est bien connu dans le monde du marketing des
entreprises. Le but étant de mettre à profit un titre accrocheur
parfois dénué de sens et très peu
54
révélateur du contenu de l'article ou de la
vidéo afin d'inciter la cible curieuse à cliquer sur l'article.
L'interviewé avoue choisir ces articles par rapport à des
suggestions que lui propose Facebook ainsi que dans les propositions qu'il peut
découvrir sur son fil d'actualité par le partage établi
entre les personnes de sa liste d'amis.
On peut en conclure que pour cet usager, aucune
réflexion objective n'est faite dans le choix de son article. Il n'est
donc pas acteur de ses choix, mais laisse la communauté virtuelle
l'influencer. C'est aussi le cas dans son usage de Messenger, la messagerie
instantanée qui fait partie des dispositifs de Facebook. Il l'utilise
car c'est le seul moyen de communiquer avec son interlocuteur.
Un autre utilisateur de Facebook évoque un usage
passif. La différence réside principalement dans l'âge de
l'enquêté (24 ans) et le fait qu'il soit indépendant et
dans la vie active. Ces informations peuvent nous permettre d'anticiper des
intérêts et un usage du réseau social divergent en
comparaison avec ceux des étudiants ou des lycéens.
Celui-ci, utilise Facebook furtivement lorsqu'il s'ennuie.
Pour lui, Facebook relève d'une distraction.
« Je vais sur Facebook quand je me fais chier, j'y
vais un peu pour regarder, je fais un petit tour et puis je sors. Je ne publie
absolument rien, je ne like rien non plus et je ne partage rien. »
Dans ce témoignage le choix des termes est
intéressant. L'enquêté semble considérer la
plateforme virtuelle comme un lieu physique dans lequel il
pénètre et qu'il peut visiter puis quitter quand bon lui semble :
`'Je fais un petit tour puis je sors `'.
Cette métaphore semble refléter l'ampleur et la
primauté du virtuel face au réel. Une tendance phare du rapport
de la Génération Y au virtuel. Celui-ci, présente une
utilisation passive tout en ayant profondément intériorisé
l'ampleur du réseau social. On pointe du doigt, ainsi, un
élément important car même dans l'utilisation passive du
réseau social nous pouvons observer une intériorisation profonde
de son ampleur.
55
Le seul outil qu'il utilise de plus en plus est Messenger pour
communiquer avec des plus jeunes que lui comme dans l'usage analysé
ci-dessus.
L'influence de la génération qui suit la sienne
se fait donc ressentir. L'enquêté est dans l'obligation implicite
de s'adapter au numérique pour converser avec des proches plus jeunes
que lui qui utilisent exclusivement les réseaux sociaux pour
communiquer.
Pour ces trois cas, nous pouvons analyser que Facebook, par
son usage, ne possède pas forcément une place importante dans
leur vie. Les deux plus jeunes interrogés évoquent la
complexité du réseau social et le fait qu'il soit ouvert et moins
personnel que Snapchat et Instagram.
Pourtant, ils pratiquent la quête d'informations sur
autrui via d'autres plateformes. Leur principale activité sur Facebook
serait motivée par le fait de se tenir au courant sur l'actualité
et de se divertir.
Dans ces pratiques, nous retrouvons la catégorie `'
je regarde mais je ne publie rien `' qu'évoque Dominique Cardon
dans le projet Algopol. Contrairement à l'analyse de nombreux
sociologues comme Monique Dagnaud, Nicole Ellison ou Dana Boyd nous pouvons
remarquer que par tous ces différents usages les individus ne
s'expriment pas pour autant sans réflexion sur Facebook. Je tiens
à souligner le fait que ces premières études sociologiques
du comportement des jeunes sur Facebook datent des années 2010 et que le
réseau social n'a cessé d'évoluer et de s'adapter à
son public pendant 7 ans. Ceci expliquerait, peut-être, la
différence entre les jeunes catégorisés comme
`'égocentrique» qui `'publient à tout va» en
2010 et ce même jeune qui ne publie rien mais qui regarde ou qui
enquête sur ses congénères relevé dans le projet
Algopol en 2013. 1
De plus, s'ajoute à ce comportement passif sur Facebook
la réflexion des conséquences de cet usage par rapport à
leur image virtuelle. L'interviewé énoncé
précédemment, m'a fait part d'une expérience vécue.
Son patron s'est lui à fait
1 Projet Algopol, op.cit., p.23
56
remarquer que son profil Facebook n'était pas
sécurisé. L'enquêté évoque qu'il fut surpris
de cette remarque que son patron avait enquêté sur lui via
Facebook.
Toutefois, il précise qu'il ne fut pas trop inquiet de
ce que son profil démontrait sachant qu'il était très
passif sur le réseau social.
Dans ce cas, comme pour beaucoup d'autres, cet aspect
réflexif de l'image que l'on renvoie sur Facebook est plus ou moins
omniprésent à travers différentes pratiques.
Ces divers grands usages de Facebook ont pour
dénominateur commun une image construite et réfléchie de
soi-même. Cet aspect reprend l'hypothèse qui évoque que
Facebook est un dispositif qui permet aux jeunes de revendiquer une certaine
identité travaillée et choisie.
C'est dans une dernière sous partie que je traiterai
cet élément en analysant plus particulièrement le
comportement de ces jeunes interviewés par rapport à cette
identité qu'ils travaillent sur ce réseau social.
II.1.3. Un moyen d'émettre son opinion et de
revendiquer une cause
Pour trois des interrogés, Facebook permet aussi de
revendiquer son opinion publiquement sur des causes sérieuses.
En effet, les trois interviewés concernés (18
ans, 23 ans et 21 ans) utilisent Facebook afin de sensibiliser leur entourage
sur la cause animale. Pour cela, ils partagent directement sur leur mur
d'actualité des articles ou des vidéos parfois choquantes afin de
revendiquer la cause qu'ils défendent. L'un des interviewés de 23
ans évoque que c'est un moyen :
« Hyper rapide et efficace pour sensibiliser les gens
à une cause. »
Ils avouent tous les trois être victimes dans la vie
réelle de critiques sur leurs pratiques virtuelles. En effet, ils
s'autorisent à manifester leurs opinions sur leurs publications,
même hors du contexte virtuel.
57
A plusieurs reprises, lors de ces trois entretiens et plus
particulièrement pour un, j'ai compris que malgré que Facebook
soit un outil virtuel, ce dispositif occupe une place importante dans la vie de
la plupart des jeunes usagers. De ce constat nous pouvons mettre en
lumière une nouvelle fois l'intériorisation du virtuel face au
réel et la barrière infime qui existe entre ces deux
dimensions.
Une des interviewés admettra que lorsqu'une personne la
bloque, c'est-à-dire la supprime de ces amis et ne l'autorise plus
à avoir contact avec elle, que ça la touche personnellement et
que ça peut aller jusqu'à la rendre triste.
Elle soutient aussi le fait d'être triste lorsque,
à cause des conflits, elle doit se supprimer de certains groupes de
communauté autour d'une cause qu'elle défendait.
En effet, à plusieurs reprises il lui est arrivé
de se disputer à propos d'un sujet car elle avait émis une
opinion qui allait à l'encontre de celle des autres internautes. Quand
elle se remémore ce sujet, elle confie que ça la rendait triste
parfois plus d'une heure après l'arrêt de son activité sur
Facebook. L'utilisatrice éprouve donc de la difficulté à
se détacher de ce monde virtuel qui impacte sa vie réelle.
Toutefois, cette même enquêtée avoue
s'être rendu compte de la gravité de l'impact que Facebook avait
sur sa vie réelle. Elle a donc fait en sorte d'ériger une
barrière entre ses activités virtuelles et réelles. Par ce
comportement, nous mettons le doigt sur une prise de conscience envers Facebook
qui fait l'objet d'une puissante intériorisation du virtuel face au
réel. Les dispositifs numériques comme ce réseau social,
travaillent leur design afin d'engendrer un tel comportement
d'intériorisation de la part des utilisateurs.
Ces trois personnes, étant liées par leurs
pratiques s'autorisent à commenter des publications ainsi qu'à
publier des statuts régulièrement sur leur mur. Sur les 7 usagers
de Facebook interrogés ce sont les trois seuls qui sont autant actifs
sur ce réseau social.
Par leurs publications ils admettent revendiquer leurs centres
d'intérêts que cela soit sur le plan politique, culturel ou
personnel. L'un des enquêtés, commente
58
aussi des publications publiques afin de débattre avec
les autres usagers de Facebook qu'il ne connait pas. Ainsi que deux autres
individus, il évoque des affrontements par commentaires ou le fait qu'il
soit victime de critiques dans la vie réelle.
Cette analyse renvoie à la théorie émise,
en première partie de cette recherche, évoquant que le virtuel et
la vie réelle sont liés et que les barrières entre la vie
privée et la vie publique sont sujettes à devenir invisibles dans
le contexte du numérique.
De plus, avec les commentaires, Facebook facilite
l'échange violent qui peut mener à du harcèlement.
Les autres usagers ne commentent pas les publications
publiques et très peu celles dont l'émetteur est dans leur liste
d'amis.
L'un des interviewés dont l'usage des commentaires est
fréquent, explique avoir déjà commenté une
publication puis y revenir supprimer le commentaire. Lorsqu'il a
évoqué la cause de cette indécision, il m'a
expliqué qu'après avoir réfléchi aux personnes
susceptibles de voir son action, il pourrait être victime de jugements ou
de renvoyer une image de lui qu'il ne souhaite finalement pas revendiquer.
Une enquêtée raconte l'anecdote sur la petite
soeur de son ancien petit ami qui lui demande de partager quelque chose qui lui
tient à coeur. L'interviewée, par son récit, fait
comprendre qu'elle était face à un dilemme reposant sur
l'acceptation ou le refus du service demandé par rapport au jeune profil
de son interlocutrice : il s'agit en effet de prendre le risque de moqueries si
le sujet ne correspond pas aux attentes des autres membres de sa liste
d'amis.
« Ah aussi, si j'aime un ami qui me demande de
partager un projet pour une marque ou une musique je le fait avec plaisir pour
le soutenir. Par contre, l'autre fois, la petite soeur de mon ex copain qui m'a
demandé de partager un truc sur les poneys, là c'était
plus chiant parce que tout le monde pouvais le voir et c'est la honte. Mais je
l'ai fait quand même parce que je n'avais pas d'excuse pour pas le faire.
»
Encore une fois, nous pouvons remarquer que l'usager a
pensé spontanément à l'image qu'elle renvoyait à
son entourage qui la suit sur Facebook. Elle mentionne
59
que partager quelque chose venant d'un ami ne lui pose pas de
problème sans énoncer si le sujet de la publication
l'intéresse. Le premier élément qui entre en compte pour
elle, est simplement la relation qu'elle entretien avec son interlocuteur.
On peut mettre le doigt, ici, sur l'importance de l'influence
des groupes pairs sur Facebook sur le comportement de l'usager.
En effet, cette stratégie de publier, partager ou non
par rapport à l'image que l'on renvoie reste importante dans les
pratiques des jeunes. Celle-ci est donc calculée. On pourrait même
interpréter cette pratique par de l'autocensure pour éviter le
jugement d'autrui. Ce qui est contradictoire avec la visée de Facebook
où la parole se veut spontanée, libérée, il
semblerait donc que des sortes de règles implicites se mettent en place
pour certains internautes sur ce dispositif. La puissance des groupes pairs
semble être très présente pour des jeunes usagers de 15
à 25 ans sur la plateforme.
Lorsque l'interviewé de 18 ans évoque la
défense de la cause animale, elle nous donne un exemple de l'influence
qui existe sur Facebook. Contrairement au récit précédent,
pour ce cas c'est plutôt une influence qui lui permet d'afficher un
centre d'intérêt sur lequel elle reste discrète dans la vie
réelle. Cet usage correspond à se dire `' Je ne suis pas la
seule personne à penser ça donc je peux m'exprimer `'.
D'une autre façon qui pousse justement à
revendiquer, ce que l'on est, l'influence d'un groupe, agit sur le comportement
de l'individu.
« Je trouve qu'il y a pas mal d'influence sur les
réseaux sociaux sur ça et les abattoirs. Il y a beaucoup de
pétitions aussi sur Facebook. Je me suis déjà dit toute
seule que je mangerai plus de viande mais avec Facebook c'est un plus sur mon
influence. J'ai pris ma décision toute seule car mes amis ne comprennent
pas. »
Par ce témoignage, je peux remarquer que l'individu
interrogé se retrouve parmi une communauté à travers un
centre d'intérêt en commun qui lui permet de pouvoir
émettre son opinion plus ouvertement qu'elle ne l'aurait fait dans la
vie réelle. Par le dispositif de Facebook, celle-ci, a trouvé un
moyen l'encourageant à donner son opinion ainsi qu'à changer son
comportement dans ses habitudes alimentaires.
60
En effet, suite à cette réponse celle-ci
évoque qu'elle mange de moins en moins de viande quand elle le peut sans
que ses parents le sachent. Peut-être que sans ce réseau social
l'intéressée n'aurait jamais eu l'opportunité de pouvoir
changer son comportement ou revendiquer son opinion à propos de la cause
animale.
Par cette analyse, nous pouvons affirmer que Facebook lui
permet aussi de côtoyer des personnes ou des groupes de personnes dans
lesquels elle se reconnait et se sent liée par un intérêt
commun qui n'est pas forcément partagé par les personnes de son
entourage. C'est d'ailleurs confirmé lorsqu'elle dit ne pas en parler
à ses parents pour éviter un conflit.
« D'ailleurs je mange de moins en moins de viande et
tout mais je l'ai pas encore dit à ma mère car je vais me faire
tuer (rire). »
De plus, c'est la seule des usagers interviewés qui
semble se ficher de l'opinion d'autrui sur Facebook et qui pratique ces usages
sans trop réfléchir à l'image qu'elle renvoie sur
internet. Lorsqu'elle commente les publications si une personne est en
désaccord avec elle, en aucun cas elle ne s'empêche de s'exprimer
allant même jusqu'à utiliser des insultes envers des usagers
qu'elle ne connait pas.
Nous pourrions interpréter son comportement par le
désir de reconnaissance et la recherches de communauté ayant les
mêmes centres d'intérêt qu'elle, qui n'existerait pas
vraiment dans sa vie réelle auprès de son entourage. S'ajoute
à cela, sont âge (18 ans) qui permet de refléter le moment
du passage de l'âge enfant à l'âge adulte
évoqué dans la première partie de ce mémoire.
En effet, pour cette usagère, Facebook, permet
d'être, en quelque sorte, un échappatoire, un dispositif qui va
engendrer un certain réconfort dans ses opinions par le biais des
groupes communautaires autour d'une cause que l'on peut retrouver sur les
réseaux sociaux.
Cette référence est d'autant plus liée
à la période de l'adolescence. Une phase de transition dans la
vie de l'individu qui exprime le besoin de trouver son identité. Le
61
contexte virtuel de Facebook lui permet de s'affirmer par
rapport à la vie réelle dans laquelle ne pas manger de viande
serait une source de conflit.
II.2. Facebook, un outil de revendication d'une
identité
travaillée
II.2.1. Les photos de profil et de couverture : un enjeu
identitaire
Ci-dessus, nous avons pu évoquer l'importance de
dégager la meilleure image de soi vis à vis de sa liste d'amis
pour revendiquer l'identité souhaitée.
Dans cette partie, j'approfondirai l'analyse de cette
stratégie plus ou moins réfléchie et
contrôlée que mettent en place les usagers de mon
échantillon, tout en évoquant les dispositifs qu'ils leur
permettent de travailler et de revendiquer leur identité via
Facebook.
Pour commencer, tous les interviewés utilisateurs de
Facebook ont, sans exception, émis qu'ils choisissaient une `' jolie
`' photo de profil sans pour autant évoquer la photo de couverture,
celle qui apparait en bandeau en haut d'une page Facebook. C'est alors que je
me suis posée la question de ce que signifiait pour eux le terme `'
jolie `'. C'est par ce qu'ils ont, en grande majorité,
évoqué qu'ils choisissaient leur photo de profil en fonction des
autres utilisateurs du réseau social composant leur liste d'amis, que
j'ai compris que `'jolie» signifiait aussi `'jolie pour les
autres». La photo est donc le premier élément à
prendre en compte pour leur identité. Celle-ci n'est pas choisie sans
réflexion ainsi que la photo de couverture. Pour faire le lien avec les
analyses précédentes, c'est aussi le premier détail qu'ils
évoquent dans leur quête d'informations sur autrui.
Lorsque l'on visite le profil d'une personne sur Facebook,
avec le prénom et le nom, la photo de profil et la photo de couverture
sont, en effet, les premiers éléments que l'on peut trouver. Il
est donc important pour les usagers de travailler cette première image
de soi qu'ils renvoient. Ce n'est pas pour autant que les interrogés ont
tous évoqué la photo de couverture.
62
J'en conclu que la principale photo qui reste la plus
importante car, surement plus personnelle, est la photo de profil qui en
général ressemble à une photo d'identité et qui
fait apparaitre la majorité du temps la personne à qui le profil
appartient. Un des interviewés avoue sans hésitation qu'il
choisit cette photo par rapport à sa liste d'amis :
« Je choisi ma photo en fonction des gens quand
même, je choisi une jolie photo donc dans ce cas c'est comme un peu une
vitrine de mon identité »
Par ce témoignage, le concerné allie
`'photo» à `'identité», comme si une apparence physique
projetée par une photo dévoilait l'identité d'une
personne. Nous pouvons analyser la grande importance qui est apportée
par une simple photo et comment elle est interprété par les
usagers au risque de détenir des informations très subjectives
sur la personne concernée. Le rapport à la photo d'une page
Facebook se compare à la photo sur un CV.
Pour marquer l'importance du choix de la photo de profil, un
des interviewés évoque :
« Moi quand j'utilise Facebook, c'est plutôt un
usage personnel que professionnel pour entretenir une relation avec mes amis.
[...] Les critères de mon choix de photos de profil sont un peu
bizarres. (rire) D'abord, il faut qu'elle me plaise et que je me trouve jolie
dessus tout en pensant que je vais garder la même pendant 3,4 ou 6 mois,
histoire de ne pas paraitre égocentrique à changer ma photo tous
le temps. »
Avec cette réponse, nous pouvons encore une fois,
analyser l'importance de l'image renvoyée à sa liste d'amis qui
prend le dessus sur son envie personnelle comme une autocensure qu'il s'impose
à lui-même. Contrairement aux autres enquêtés,
l'individu réfléchi au choix de sa photo par rapport au nombre de
fois qu'elle effectuera l'action de la changer dans le but de ne pas donner
l'image d'une personne égocentrique.
De plus, par la marque d'une pause dans son discours pour
rire, je peux observer une gêne occasionnée lorsqu'il annonce les
raisons de son choix de photo. De cette information nous pouvons en
déduire qu'il ressent un peu de honte de faire
63
ces choix par rapport à autrui, d'autant plus qu'avant
de divulguer cette information, il avoue faire de Facebook un usage personnel
dans lequel il reste en relation avec ses amis. Ce paradoxe démontre
à quel point le regard d'autrui reste tout de même important dans
notre société même dans la vie virtuelle.
Nous pouvons aussi souligner ce que l'individu entend par le
terme `'amis `' et qu'inconsciemment, il utilise la définition
de Facebook et de la liste d'amis qui, pour autant, n'est pas obligatoirement
la définition courante d'un proche que l'on côtoie, que l'on
connait bien et à qui l'on inspire confiance mais quelqu'un que l'on ne
connait pas forcément ou que l'on a croisé rarement dans sa vie.
Cette information est appuyée par la démonstration de son choix
de photo de profil et par le rire qui exprime sa gêne.
La décision des termes `'liste d'amis» et
`'amis» de la part de Facebook, ne me laisse pas
indifférente quant aux conséquences du rapport à ces mots
sur les individus. Ce choix anodin du design de la plateforme laisse
présager l'intention de l'intériorisation du virtuel, encore une
fois, face à la réalité.
Comme l'enquêté précédent, une
usagée de 25 ans va aussi loin dans le choix de sa photo de profil dans
le but de dégager deux messages.
Tout d'abord comme les autres, elle choisit une photo de
profil dans le but d'envoyer des informations sur son apparence physique, afin
de se présenter sous son `'meilleur jour». Lorsqu'elle
évoque sa photo de profil durant l'entretien elle affirme :
« Moi j'annonce directement la couleur, sur ma photo
de profil je suis affichée avec mon mec comme ça pas besoin de
m'ajouter ou de venir me parler pour me draguer. »
Par ce témoignage l'interviewée renvoie un
message implicite en plus du premier message explicite qui démontre qui
elle est physiquement.
En effet, elle met en oeuvre toute une stratégie pour
informer les visiteurs de sa situation amoureuse à travers sa photo de
profil. Par ce comportement, elle
64
divulgue qu'elle a clairement conscience de l'usage de
Facebook par d'autres utilisateurs `'espions `' à la recherche
d'informations sur autrui.
C'est d'ailleurs l'enquêtée qui fait l'objet
d'une analyse antérieure de la sous partie évoquant les usagers
passifs. Lorsqu'elle a évoqué que son patron lui avait fait la
remarque qu'il avait pu voir des photos de son profil Facebook, elle fut
surprise mais pas pour autant inquiète.
« On dit que ça n'a pas d'importance mais
quand votre patron vous fait ce genre de remarque ça surprend. Je peux
vous dire que je me suis connectée directement après qu'il m'ai
dit ça et j'ai bloqué tous mes paramètres de
sécurité afin que plus personne ne se trouvant pas dans ma liste
d'amis ne puisse m'espionner. »
Cette information, divulgue aussi que l'interrogée
à conscience que Facebook est utilisé pour la recherche
d'éléments sur autrui. Comme je l'ai évoqué, le
premier intérêt des curieux est la photo. Peut-être parce
qu'une simple photo peut divulguer de nombreux éléments sur la
personne concernée.
Pourtant, cette analyse superficielle peut être
complétement faussée et subjective. Cet intérêt pour
les photographies où l'image est partagée par toutes
générations confondues dans nos sociétés modernes
à l'heure du numérique. Cette promotion superficielle et d'autant
plus publicisée par les marques qui font de nos sociétés,
des sociétés de l'image.
Pour prendre un exemple récent, j'évoquerai les
dernières stratégies de communication lors des dernières
élections présidentielles qui qui ont de grandes similitudes avec
les campagnes publicitaires préconisant la mise en avant de l'image et
la mise en arrière de la réflexion objective pour approfondir
certains sujets. On s'arrête sur l'image et on ne va pas plus loin. C'est
ainsi que les photos sur Facebook semblent prendre un intérêt
superficiel et subjectif comme une vitrine de chaque individu qui a pour but
d'être jugé sur la qualité ou non que la photo renvoie.
La seule interviewée ayant évoquée la
photo de couverture est âgée de 23 ans. Celle-ci, choisit sa photo
de couverture en fonction de sa photo de profil. En effet, l'esthétisme
est important pour elle.
65
« Il faut impérativement que ma photo de
profil soit assortie à ma photo de couverture. Par exemple, si ma photo
de profil est en noir et blanc, alors ma photo de couverture sera en noir et
blanc. »
Dans ce cas, nous pourrions aussi analyser que l'usager va
plus loin dans son choix de photo et divulgue aussi un message implicite sur
son caractère ou sa personnalité. A travers ce sens de
l'esthétisme, nous pouvons interpréter cet usage en pensant que
cette personne a un certain rapport à la coordination et l'organisation
juste à travers les premières photos que l'on peut voir sur son
profil.
Dans ce cas, aussi nous pouvons émettre
l'hypothèse que l'âge et le fait qu'elle soit étudiante
peut être un des facteurs qui influence son comportement
stratégique par rapport aux photos qui apparaissent en premier sur son
profil.
Ces témoignages et cette analyse démontre la
réflexion d'Irwin Altman, énoncée dans la première
partie de ce mémoire.
Celle-ci postule que la réflexivité de chaque
individu sur Facebook demeure mais celui-ci ne perd jamais à l'esprit
que sa subjectivité va être publicisée. Nous retrouvons ce
postulat dans tous les usages de Facebook chez les interrogés.
1
Aussi, `' l'extériorisation et la simulation de soi
`' évoquées par Dominique Cardon sont bien entendu
refléter dans ce choix de la photo de profil.
Nous pouvons, ainsi, confirmer l'analyse du sociologue qui
avance que le design et l'identité sur cette plateforme
présentent un caractère beaucoup plus stratégique sur des
informations subjectives comme les photographies. Le calcul de la meilleure
impression d'eux même ou, dans d'autres cas, l'impression qu'ils
souhaitent renvoyer, renvoie donc à tout un calcul stratégique
même envers les moindres détails à commencer par la photo
de profil et la photo de couverture.
1 ALTMAN Irwin, op.cit. p.23
66
Les photos ne sont toutefois pas le seul élément
à prendre en compte pour l'image que les individus revendiquent. Comme
le dit Dominique Cardon :
« Il est utile de décomposer les
différents traits qu'un individu peut être amené à
rendre visible sur les réseaux sociaux. »
Il catégorise cette pratique non pas par `' une
gestion de la face» mais `'au management des impressions `'
d'où l'importance de l'opinion de la liste d'ami.
C'est alors aussi par les autres usages, que les utilisateurs
de Facebook travaillent ce management des impressions. Par le partage les
`'likes» et les commentaires. Ils se permettent ou non de divulguer
des informations sur leur identité.1
Tout au long de cette analyse d'entretiens je mettrai en
lumière ces postulats qui sont en permanence présents dans les
usages des interviewés comme en témoignent divers
éléments provenant des entretiens. C'est donc toujours une image
de soi plutôt qu'une explication de soi que renvoient les jeunes usagers
de Facebook.
Par ailleurs, tous ces calculs mis en exergue ci-dessus, sont
plus ou moins réfléchis selon le profil des individus.
En effet, selon l'âge ou la catégorie
socioprofessionnelle dont ils sont issus, des comportements et des
réflexions différents sur leurs usages apparaissent.
Cependant, tous travaillent plus ou moins
stratégiquement l'image qu'ils renvoient par ces deux photos importantes
qui donnent un premier caractère subjectif qui développe une
opinion sur le profil concerné aux visiteurs.
1 CARDON Dominique, op.cit. p.24
67
II.2.2. L'opportunité de mettre en avant une
nouvelle version de soi
Malgré tout ce travail autours de l'image
renvoyée d'eux-mêmes, les personnes interrogées estiment
que leur profil renvoie une image fidèle d'eux-mêmes. Tous, ont
évoqué que Facebook était une vitrine virtuelle, ou un
dispositif numérique permettant de divulguer leur E-identité.
« C'est tout moi, ça représente bien
mon identité. Quand je regarde mon mur je me dis : `'ah beh ouais c'est
moi ça !» Je m'y reconnais totalement. »
Sans hésitation, les 7 utilisateurs de Facebook que
j'ai interrogé, ont répondu ce genre d'affirmation.
Toutefois, certains des interviewés vont plus loin dans
cette explication de revendication identitaire. Pour trois d'entre eux, la
plateforme peut leur permettre de démontrer une autre version d'eux
même qu'ils n'auraient pas l'occasion d'illustrer si explicitement dans
la vie réelle.
Un individu de 18 ans s'exprime sur la facilité de
pouvoir révéler des aspects de leur personnalité par
rapport à une rencontre physique.
« Il y a deux aspects de moi sur Facebook. Moi, la
fille qui fait la fête et celle qui s'engage plus sérieusement sur
la cause animale. [...] J'utilise Facebook, justement, pour faire passer des
messages que je ne fais pas passer en réalité. »
Par ce témoignage, nous pouvons remarquer que Facebook
permet aux individus de s'exprimer librement sur leur personne sans attendre un
contexte adéquat pour évoquer certains traits de
personnalité comme cela se produirait dans la vie réelle.
Le réseau social permet la liberté d'exprimer ce
que l'on est et ce que l'on veut revendiquer de soi dans
l'instantanéité et au moment où nous le décidons.
Les barrières de la vie réelle disparaissent. Certains usagers
s'autorisent donc, par le biais, de Facebook, à s'exprimer sur eux et
sur ce qu'ils pensent.
68
Une autre interviewée, quand je lui ai fait la
suggestion que Facebook était un dispositif qui lui permettait de mettre
en image son identité virtuelle, m'a répondu que oui est que
c'était même beaucoup plus facile qu'en vrai. Elle poursuit
même en ajoutant que ce réseau social lui permet de `'se
créer une personnalité». Je l'ai donc questionné
sur ces termes afin d'en savoir plus.
Elle entend par là, qu'elle choisit ce qu'elle permet
de rendre public ou non ainsi que sa photo de profil en fonction de l'image
qu'elle veut donner tout en prenant en compte que des professionnels peuvent
voir son profil et elle en joue. Elle va adapter le contenu qu'elle publie en
fonction de ce qu'elle est réellement tout en ayant conscience que son
profil peut être examiné à des fins professionnelles.
Par ce témoignage, nous pouvons analyser que Facebook
est un support dont elle semble connaitre très bien le fonctionnement et
l'usage qu'en font les internautes.
Sa stratégie est donc d'inverser les rôles et de
rendre son profil attractif en prenant en compte le fait que l'espionnage est
un usage fréquent sur Facebook notamment de la part des professionnels.
Elle met en place une alliance entre sa personnalité réelle tout
en faisant attention à mettre en avant le côté qui pourrait
intéresser un professionnel. C'est en se mettant à la place de
l'individu espion qu'elle calcule sa stratégie de revendication
identitaire sur le réseau social comme si elle mettait en lumière
un CV virtuel plus personnel.
Cette analyse exprime une stratégie plus poussée
que l'on pourrait comparer à `'l'arroseur arrosé».
Pour autant, elle avoue ne pas cacher sa personnalité et dit pouvoir
s'exprimer plus facilement sur des aspects personnels qui n'apparaitraient pas
en premier lieu dans la vie réelle.
Par cet usage nous pouvons analyser que l'interrogée ne
prend pas en compte, exclusivement, sa liste d'amis et son entourage comme
récepteur de ce qu'elle revendique sur son mur et son profil Facebook
contrairement à la majorité des interviewés.
De plus, elle avoue connaitre parfaitement le fonctionnement
de l'algorithme de Facebook et connait sa puissance, d'où sa
stratégie d'utilisation.
69
Un des interviewé qui n'utilise presque pas Facebook
affirme que pour lui le réseau social n'illustre pas forcément
son identité. Il ajoute :
« Sachant que j'ai Facebook depuis longtemps et
qu'aujourd'hui je ne publie rien ; d'ailleurs je crois que j'ai la même
photo de profil depuis trois quatre ans ; je pense pas que mon profil soit
cohérent avec ma personnalité. En fait, c'est comme si il
reflétai moi à l'époque donc pas au même âge
avec peut être plus les mêmes centres d'intérêt...
enfin je sais pas mais je pense vraiment pas que ça soit un reflet de
mon identité à part avec ma photo de profil ou mon nom peut
être. »
Dans ce témoignage l'usager évoque le fait que
Facebook divulguerait une autre version de lui que celle qu'il est aujourd'hui
dans la vie réelle.
En effet, en disant qu'il n'utilise plus trop Facebook et que
sa photo date de trois ans, on pourrait penser que les informations qu'il y a
sur son profil ne sont pas vraiment fidèles à ce qu'il est
aujourd'hui. Facebook illustrerait donc une version de lui plus jeune, à
l'époque où il utilisait le réseau social plus
fréquemment en publiant un minimum d'éléments ou en
partageant et en utilisant la mention `'j'aime».
Un autre usager témoigne que Facebook lui permet de se
divertir tout en jouant un rôle sur l'identité qu'il revendique.
Il s'en sert aussi pour se moquer des autres utilisateurs.
« Quand je commente quelque chose en
général c'est pour identifier toujours le même ami. Des
fois, en plus de l'identification, je mets un message que je travaille toujours
sur le ton de l'ironie ou de l'humour pour justement piéger les gens et
ne pas divulguer ce que je pense réellement, mais mon ami me comprend.
En fait, je fais en sorte que le commentaire puisse être compris dans
deux sens complètement contradictoires pour qu'on ne sache pas ce que je
pense réellement à part mon ami qui me connait bien. Parfois, il
arrive que sous les publications publiques des gens s'introduisent dans la
conversation et ça nous fait tellement rire car ils sont vraiment
sérieux, et ils partent dans des débats complètement
débiles, dans ce cas j'essaie de leur faire comprendre qu'ils sont
ridicules toujours ironiquement et je coupe très court
70
à la discussion parce que ce n'est pas mon
délire de m'afficher sur un réseau social avec mon ami.
»
Par ce témoignage, encore une fois nous pouvons
analyser que l'utilisateur fait en sorte de ne pas dévoiler ses centres
d'intérêts notamment en politique. Le caractère subjectif
de ces commentaires peut laisser penser à une autre version qu'il
témoigne sur le réseau social pour les personnes qui ne le
connaissent pas vraiment. L'usager met donc en place une stratégie pour
se divertir en choisissant qui peut comprendre et qui ne peut pas comprendre de
quel côté il se positionne tout en choisissant dans quel
rôle il se positionne.
« Il m'est arrivée que quelqu'un de ma liste
d'amis croit vraiment des trucs qui vont à l'encontre de mes opinions
réelles. J'ai encore plus rigolé avec mon ami car c'est vraiment
mal me connaitre. Un jour aussi j'ai partagé un article du Gorafi, un
journal satirique qui reprend l'actualité en livrant des informations
complètement fausses mais dont l'écriture pourrait provenir d'un
article officiel, en gros ils sont très forts sur l'écriture et
peuvent parvenir à semer le doute dans l'information qu'ils donnent.
Quand j'ai partagé cet article j'étais choqué de voir des
gens de ma liste d'ami y croire et commenter. »
Dans ses dires l'usager démontre encore une fois que
Facebook est un divertissement dans lequel il aime bien piéger les gens.
Par son usage de Facebook, nous pouvons démontrer qu'il s'amuse à
illustrer une version de lui qui n'est pas forcément lui au quotidien
dans la vie réelle.
Aussi, son comportement prouve qu'il a une certaine conscience
de celui des usagers sur le réseau social et qu'il s'amuse de cet usage
en piégeant les autres utilisateurs de Facebook même ceux de sa
liste d'amis.
Par ce comportement, l'enquêté divulgue qu'il ne
prend pas Facebook au sérieux et qu'il joue un rôle et se moque de
l'aspect sérieux que les individus évoque sur le réseau
social. Dans ce cas, celui-ci, révèle des informations
subjectives qui peuvent faire penser à une autre version de lui qu'il
renvoie sur le réseau social. Ce comportement lui permet de cacher son
identité réelle, son opinion et ses centres
d'intérêts jusqu'à un certain degré.
71
Par ces quatre analyses nous pouvons mettre en lumière
que l'image renvoyée de son identité sur Facebook est plus ou
moins travaillée par rapport à plusieurs
éléments.
Pour tous les interrogés, le récepteur est au
centre de la stratégie de la version de soi que l'on veut divulguer dans
le cas où l'usager met en place toute une stratégie pour
valoriser son image par rapport à ce qu'il a envie de démontrer
de lui.
Certains, utilisent principalement Facebook pour se divertir
sans être sérieux dans ce qu'ils démontrent. Dans ce cas
l'usager met en place une stratégie tout en aillant la conscience du
comportement des autres sur le réseau social et en joue pour se moquer
d'eux. Cet usage demande une certaine capacité à prendre du
recul.
Dans ces deux cas, les enquêtés démontrent
une certaine maturité et une conscience des possibilités de
Facebook au-delà de leur entourage ce qui leur permet de mettre en place
une stratégie plus poussée en terme d'identité
virtuelle.
Facebook peut aussi permettre à l'émetteur de
dévoiler un aspect de lui-même qu'il serait contraint de
démontrer dans sa vie réelle à son entourage.
Enfin, le dernier cas illustre l'usager qui ne se sert pas
vraiment de Facebook car pour lui ce n'est pas important. Il ne
réfléchit pas à la version de soi qu'il renvoie sans la
mettre à jour car il n'est pas actif sur le réseau social. Ici
aussi, l'individu entre dans un jeu de rôle d'une autre version de lui
que la plateforme lui permet de revendiquer.
Ce constat peut me permettre d'affirmer que les informations
récoltées sur Facebook peuvent être plus ou moins
biaisées et d'autant plus très subjectives.
72
II.2.3. Le sentiment du contrôle et de la
maîtrise de son identité virtuelle
S'il y a bien un élément qui est
présenté tout au long de cette analyse d'entretien, c'est la
liste d'amis.
En effet, pour tous les usagers de Facebook, la liste d'amis
reste importante et en tête dans chaque usage du réseau social. Ce
constat reprend l'analyse de Danah Boyd et Nicole Ellison qui relèvent
que la liste d'ami sur Facebook serait le principal outil de navigation sur un
réseau social et que la plateforme permettrait aux utilisateurs de voir
et de croiser leurs listes de relations avec celles créées par
d'autres.1 Je peux, donc, affirmer qu'à plusieurs reprises
dans cette partie les usagers se comportent sur Facebook plus ou moins en
fonction des individus qu'ils ont dans leur liste d'amis.
Il est important de savoir aussi qui ils ont dans leurs listes
d'amis. Pour les sept interrogés, cette liste comporte autant des
personnes de leur entourage proche, voire très proches que des
connaissances qu'ils ont croisées une fois ou deux ou même jamais
dans certains cas. La liste d'amis des plus âgés des
interrogés, comprend entre 200 et 400 personnes, dont ils ont à
l'esprit lors de leur usage qu'une petite partie qui les intéressent
réellement.
Lorsque un interrogé de 18 ans m'a donné le
nombre de personnes qu'il avait dans sa liste d'amis après avoir fait un
tri récemment, j'ai pu comprendre que son usage de Facebook n'est plus
vraiment un usage personnel mais beaucoup plus public que certains autres car
il compte exactement 666 amis.
« J'ai fait un tri, il y a pas longtemps parce que
j'avais beaucoup trop d'amis, maintenant j'en ai 666. »
Pour cet interviewé qui dit avoir fait le tri et avoir
maintenant 666 amis dans sa liste nous laisse penser qu'il accepte des ajouts
de personnes qu'il ne connait pas
1 BOYED Danah et ELLISON Nicole, op.cit., p.23
73
vraiment comme des amis selon la définition de Facebook
et non d'après le terme commun.
Il est probable que l'individu n'est que quelques personnes de
cette liste en tête lorsqu'il fait quelque chose sur Facebook, sachant
que c'est le même interrogé qui dit faire attention à ce
qu'il met par rapport à sa future vie professionnelle. Paradoxalement,
il se permet aussi d'insulter en commentaires les gens dans des commentaires
politiques, selon ses envies.
Ce comportement laisse l'impression d'être peu
réfléchi en terme de stratégies. L'hypothèse que
cet individu n'a pas forcément le contrôle de ce qu'il laisse
paraitre à ses 666 amis qui suivent son profil peut donc être
évoquée.
On pourrait systématiquement penser que les
interviewés contrôlent, ou pensent contrôler leur image par
rapport à leur liste d'amis mais ce n'est pas automatiquement le cas,
car pour cela, il faudrait qu'ils aient en têtes tous ces individus
à chaque fois qu'ils réfléchissent à leur action
sur le réseau social. Lors des entretiens, un grand nombre de
contradictions entre leurs dires et leurs actions s'est manifesté et
plus particulièrement chez les plus jeunes (15 ans à 20 ans).
Peut-être est-ce dû à un manque de maturité.
Lorsque, ensuite, je leur ai demandé s'ils avaient leur
parents sur Facebook, juste deux individus m'ont dit que oui, qu'ils faisaient
partie de leur liste d'amis. Cet élément reprend la
théorie de la `' culture de la chambre `' d'Hervé
Glaverec 1. Facebook est une plateforme sur laquelle les adolescents
peuvent s'exprimer hors du cocon familial. Les parents sont donc tenus à
l'écart de la liste d'amis de leur enfant.
Tous les interrogés affirment ne pas accepter les
inconnus qui demandent un ajout dans la liste d'amis. Un va même
jusqu'à signaler l'ajout lorsque c'est quelqu'un qu'il ne connait pas du
tout ou s'il n'a aucun ami en commun avec lui.
« Il m'arrive de bloquer ou de signaler ceux qui
m'ajoutent et que je ne connais pas quand c'est des gens d'un autre pays et
qu'il y a aucun rapport avec moi. »
1 GLAVEREC Hervé, op.cit., p. 18
74
Après de nombreuses plaintes, Facebook a mis en place
des paramètres de sécurité et de confidentialité
poussés afin que chacun ait plus ou moins le contrôle de montrer
ce qu'il veut à qui il veut. Tous les interrogés ont émis
qu'ils avaient donc le contrôle de l'image qu'ils renvoient, du moins
c'est ce que l'entreprise Facebook laisse à croire.
« Déjà mon mur si tu n'es pas mon ami
tu ne peux pas le voir et je pars du principe que chacun, à
côté de sa vie professionnelle, a sa vie personnelle et je ne vois
pas où peut être le mal. Je ne publie rien et surtout pas
n'importe quoi en plus alors peu importe. Puis j'ai bien réglé
mes paramètres de sécurité et de confidentialité
donc je gère qui peut me retrouver ou à qui je veux montrer des
choses. »
Dans ce témoignage l'interrogé semble être
sûr de lui à propos du contrôle de son mur et de son profil
Facebook. Pourtant, après cette réponse, plus tard dans
l'entretien celui-ci indique :
« Il m'est arrivé un truc l'autre fois. Je
suis sortie faire la fête et j'ai vu un gars puis quelques jours
après je l'ai eu en suggestion d'ami... Je ne savais pas comment
ça se faisait il n'avait pas mon nom, ni moi mais je l'avais quand
même en suggestion et ça m'a fait un peu peur. »
Son incompréhension peut paraitre contradictoire avec
ce qu'il a annoncé un peu avant, quand il affirme qu'il contrôle
son image sur Facebook ou qu'il connait la fonctionnalité du
réseau social. Lorsque l'interrogé dit que son profil est
bloqué, il pense que son prénom et son nom sont obligatoires pour
le retrouver car il est surpris que quelqu'un qui ne connait ni son nom, ni son
prénom soit en suggestion de ses amis.
Cette analyse, peut me permettre de postuler que l'usager
concerné pense qu'il contrôle Facebook par lui-même sans
pour autant estimer les possibilités de l'algorithme du réseau
social. Le fait que Facebook ait développé ses paramètres
de sécurité en laissant choisir le moindre élément
à son utilisateur peut engendrer la pensée que l'utilisateur peut
tout contrôler lui-même.
75
Or, il s'avère que dans le second récit,
l'individu ne comprend pas comment cette suggestion d'ami ait pu être
faite.
Par ce constat, je peux évoquer qu'il ne connait pas
forcément le principe de Facebook qui est rattaché à
Google et donc à la géolocalisation que les algorithmes ont
retracé avec cet individu pour, ensuite, lui faire une suggestion d'ami
via son profil Facebook.
Trois des interviewés disent ne pas comprendre qu'ils
aient des ajouts de personnes étrangères. Ce détail
confirme aussi que les usagers n'ont pas forcément conscience de la
puissance des algorithmes et qu'ils ne contrôlent pas totalement leur
profil.
En effet, en partageant certaines publications qui ont
été partagées un grand nombre de fois les individus
permettent un tracé de leur profil qui peut être
répercuté dans le monde entier en très peu de temps. Cet
effet qui reprend `'Le phénomène des petits
mondes»1 de S. Milgram, peut avoir des conséquences
inimaginables.
Si les internautes ne vérifient pas la source des
publications, il suffit d'une mention `' j'aime `', d'un commentaire ou d'un
partage pour que des inconnus retrouvent leur profil sans forcément les
connaitre.
Pour résumer, les usagers de Facebook pensent
être contrôleurs de leur identité virtuelle sur ce
réseau social mais, parfois, contre leur grès ou par manque de
connaissance des fonctionnalités de Facebook, il s'avère qu'ils
donnent de nombreuses occasions de pouvoir retrouver leur coordonnées ou
leurs profils via un simple clic.
Connaissant la puissance et la fonctionnalité de
Facebook avec le EdgeRank et le PageRank de Google, que j'ai
détaillé dans la première partie de ce mémoire, si
la traçabilité peut se faire par ces moyens, même si les
paramètres du réseau social laissent l'impression de pouvoir
contrôler sa sécurité et son identité, nous
pouvons
1 MILGRAM Stanley, op. cit., p.25
76
penser qu'il existe des failles qui peuvent permettre à
des individus inconnus de pouvoir récolter des informations personnelles
sur chaque profil.1
Ce détail stratégique élaboré par
l'entreprise dans la sécurité, comme la définition des
termes `'liste d'amis» provenant du design, donne l'impression
d'être contrôleur total de son profil.
Avec ces témoignages nous pouvons affirmer que,
malgré ce que les individus pensent connaitre du fonctionnement de
Facebook, des lacunes demeurent et ne leur permettent pas d'avoir le
contrôle total de leur identité virtuelle sur le réseau
social même si les paramètres de sécurité et de
confidentialité sont plus élaborées qu'à la
création de Facebook en 2004.
II.3. Les individus ont-ils conscience des
conséquences de leurs usages ?
II.3.1. L'acceptation ou non de l'exploitation de ses
données personnelles
La majorité des interviewés ont émis
qu'ils étaient conscients de divulguer des informations personnelles en
utilisant Facebook.
Lorsqu'ils ont évoqué cette réponse les
interrogés argumentent qu'ils ne publient jamais rien, donc qu'ils ne
donnent pas de réelles informations.
« Sur toutes les informations que je donne ça
me fait pas peur. En fait, je sais que l'Etat a déjà toutes ces
informations. Et alors ? Ils vont faire quoi ? Rien. Je fais partie, comme tout
le monde, des gens qui utilisent internet en plus je ne publie jamais rien
alors je m'en fiche un peu... »
Par cette réponse, l'interrogé est conscient que
ses données sont enregistrées et peuvent être
utilisées.
1 Le PageRank et le EdgeRank sont les
algorithmes de Google et Facebook définies avec les
fonctionnalités du réseau social, op.cit., p.22
77
Cependant, il n'est pas inquiet et se rassure en disant que
tout le monde utilise internet, donc qu'il n'est pas le seul à divulguer
des données privées. Il se déculpabilise par l'annonce de
généralités.
Toutefois, l'individu ajoute qu'il ne publie rien et qu'il ne
risque pas grand-chose. Il est vrai que publier régulièrement
peut-être un risque supplémentaire, mais nous avons pu analyser
précédemment que les partages, les commentaires et les mentions
`' j'aime `' ainsi que la géolocalisation peuvent permettre la
récupération de données.
De plus, l'usager évoque l'Etat directement en ce qui
concerne les détenteurs de ces coordonnés personnelles. Je peux
penser par ce témoignage, que l'individu se sent donc suivi
virtuellement quoi qu'il fasse. Cette personne accepte et trouve même
normal qu'il n'existe plus vraiment de vie privée.
D'autres enquêtés expliquent, au même sens
que ci-dessus, qu'ils ont conscience que leurs données personnelles
peuvent être exploitées contre leur gré, mais que c'est le
risque lorsqu'ils s'inscrivent sur Facebook.
Dans ce cas, ils acceptent majoritairement l'exploitation de
leurs données. Leurs arguments sont souvent portés sur la
théorie que beaucoup de monde utilise internet et les réseaux
sociaux aujourd'hui. Beaucoup d'entre eux répètent que leur
entourage les a assez prévenus sur les risques. Ils évoquent que
nous sommes au 21ème siècle et qu'internet fait partie
de notre société, c'est un fait qu'il faut l'accepter. La
possible exploitation de leurs données personnelles est un fait
totalement accepté et intégré.
Instagram et Snapchat pratiquant plus ou moins les mêmes
fonctions implicites que Facebook sont aussi en mesure d'exploiter les
données de leurs usagers. Pourtant, lorsque j'ai interrogé les
plus jeunes utilisant exclusivement les applications ci-dessus, ils m'ont
avoué que Facebook était plus dangereux en termes d'exploitations
que les deux autres plateformes.
78
« Snapchat ou Instagram sont plus personnels dans
l'utilisation que Facebook je trouve. En gros, ce que tu publies c'est
clairement en petit comité et ça peut pas trop être
partagé sur un mur commun comme sur Facebook. Du coup, je trouve que ces
applications sont moins complexes et plus personnelles, donc il y a moins de
risques que l'on prenne nos données personnelles quoi. »
Par les fonctionnalités de ces deux applications les
interrogés se disent plus maîtres et contrôleurs de leur
identité virtuelle que sur Facebook. Sur ces applications, selon leurs
dires, le croisement de leur liste d'amis, par exemple, ne se fait pas et n'est
pas non plus regroupé sur un fil d'actualité commun sur Facebook.
Un design quelque peu différent suffit à donner l'apparence d'une
plus grande intimité sur ces plateformes.
Pourtant, sachant que les utilisateurs révèlent
des données personnelles sur ces réseaux sociaux, il est logique
que les entreprises des plateformes soient les premiers détenteurs des
informations que les usagers décident de divulguer, sans qu'il soient
tous conscients dans quel but ces données peuvent être
enregistrées.
Le design et les dispositifs de Facebook, leur donnent
l'impression d'être plus maîtres de leur identité virtuelle
sans qu'ils aient l'impression de divulguer des informations personnelles
à l'entreprise Facebook.
De plus, les individus sont susceptibles de
révéler leurs données personnelles à n'importe qui
veut et a les capacités de rechercher des informations moins
évidentes à trouver comme les entreprises qui retracent les
profils des consommateurs afin de s'adapter à leur cible pour les
pousser à la consommer.
Les plus jeunes des individus interrogés (15- 20 ans)
ont l'impression d'envoyer des informations sur eux, juste à un cercle
restreint qui fait partie de leur entourage, même quand ces applications
sont plus personnelles que Facebook, car elles partagent un fonctionnement
tacite similaires à celui Facebook. La grande différence avec
Facebook est que ces applications proposent un design et une logique dans
laquelle l'utilisateur peut se sentir au centre des fonctionnalités par
l'effet personnel qu'elles engendrent, permettant à celui-ci de se
sentir contrôleur de son profil.
79
Un autre individu, plus âgé cette fois (24 ans),
évoque qu'il ne lui pose aucun problème de divulguer sa date de
naissance, son nom ou son adresse mail sur le réseau social. Il ajoute
:
« Même dans la vie réelle c'est facile
de trouver les coordonnées de quelqu'un, il faut arrêter tout ce
cinéma autour d'internet et des réseaux sociaux. C'est bon on est
au 21ème siècle I »
Ce qui le dérange le plus, serait de voir une photo de
lui réutilisée pour un autre usage par une autre personne, c'est
pourquoi il a bloqué tous les paramètres de
confidentialité et va même vérifier de temps en temps sur
Google en tapant son nom et prénom pour regarder si des photos lui
appartenant n'apparaissent pas dans les images Google.
Par ce comportement, nous pouvons remarquer que l'individu
reste lucide et connais les risques de Facebook tout en prenant en
considération qu'il n'est pas dominant face à la plateforme mais
qu'il est susceptible d'être une `'victime» du réseau social
car tout simplement il l'utilise et qu'il est donc impossible pour lui de tout
contrôler.
Un autre interviewé, âgé de 25 ans, a
conscience de donner des informations personnelles à Facebook, il fait
partie des personnes étant passives sur le réseau social. Il ne
publie rien, ne commente presque pas et ne partage rien, justement car il est
conscient de cette récolte de données de la part de Facebook ou
de Google qui permettrait à quelqu'un ayant les capacités de
retrouver ses données.
C'est l'une des causes de l'utilisation moindre de Facebook de
la part de cet usager. Le réseau social ne lui sert juste à
regarder l'actualité, d'ailleurs sa liste d'amis compte moins de 100
personnes afin de restreindre les individus à qui il donne des
informations. C'est aussi l'un des rares interrogés qui ne clique jamais
sur les publicités que Facebook lui propose. D'ailleurs, le
réseau social lui en propose peu, et des publicités qui ne
l'intéressent pas surement par manque d'informations sur son profil et
donc sur ses centres d'intérêts.
80
Cet usager contrôle ses données en utilisant
à minima les fonctionnalités que Facebook lui propose. C'est pour
lui une sécurité car il a conscience qu'en faisant une action
minime il peut permettre à quiconque le veut de récupérer
des données personnelles à son sujet. Ce même individu
évoque :
« Toute manière Facebook ne me sert pas
à grand-chose et je pense supprimer mon profil très
prochainement. Parce que, toute manière, à partir du moment
où tu utilises Facebook forcément tu acceptes de divulguer des
informations personnelles sur toi faut pas se voiler la face. Moi j'aime pas
trop, mais bon, aujourd'hui, avec tous les gens qui utilisent ce genre de
réseau social on sait très bien qu'on peut être
pisté à tout moment surtout avec les attentats qu'on a eu ces
dernières années et c'est normal. »
Par ce témoignage l'usager a donc bien conscience que
le contrôle de ses données ne dépend pas forcément
de lui et qu'il y a des limites.
De plus, c'est l'un des rares interrogés qui
évoque le contexte actuel de la France et les attentats terroristes que
l'Europe subit. Il a donc conscience que ces données peuvent être
exploitées à tout moment et trouve ça normal, il accepte
donc cet usage de ces données par rapport au contexte que subit la
France.
En majorité, nous pouvons conclure que les utilisateurs
de Facebook, acceptent plus ou moins l'exploitation de leurs données par
Facebook.
Toutefois, ils ne savent pas exactement pour quelle raison et
par qui ces données personnelles sont exploitées, certains
évoquent l'Etat, d'autres des inconnus et d'autres Facebook.
Il est pourtant évident que Facebook, l'entreprise
elle-même, est la première réceptrice à exploiter
les données personnelles de ses utilisateurs. Dès lors que nous
créons un simple profil, nous sommes consciemment ou non en train de
divulguer des informations personnelles telles que le nom, le prénom, la
date de naissance.
Peu de personnes interrogées ont évoqué
Facebook comme exploiteur de ces données.
81
Pourtant, ce même comportement dans la vie réelle
serait surement mal perçu par les individus. Une fois de plus, cette
barrière entre la vie privée et la vie publique semble s'effacer
dans le monde virtuel.
Le second argument que les interrogés énoncent,
est le fait que `'tout le monde utilise Facebook donc tout le monde accepte
l'exploitation de données personnelles alors pourquoi pas moi ?»
.
Dans ce cas, les utilisateurs ont conscience de l'exploitation
de leurs données et l'acceptent car pour eux c'est le contexte d'une
époque, celle des nouvelles technologies de l'information et de la
communication et on ne peut y échapper
Avec cet argument, un utilisateur évoque l'envie de
supprimer son profil car cette exploitation de données le
dérange. Le fait de pouvoir être suivi ou que l'on retrace son
profil lui parait évident dans le contexte actuel de notre
société mais, pour autant, il envisage de supprimer son compte
par son utilisation minimale de Facebook et par cette connaissance
d'exploitation des données personnelles. Dans ce cas l'exploitation de
données est moins acceptée par l'utilisateur.
II.3.2. Une conscience et une connaissance
approfondies de Facebook chez les plus âgés
Depuis, le début de cette partie, nous pouvons analyser
une connaissance plus ou moins développée de Facebook de la part
des individus interrogés. Je peux affirmer que les
fonctionnalités explicites du réseau social sont connues par tous
étant donné que chacun utilise la plateforme à sa
manière et les dispositifs qu'elle propose. C'est souvent sur la liste
d'amis qu'ils sont utilisés, en ayant toujours comme
arrière-pensée que telle ou telle personne peut voir ce qu'ils
font sur le réseau social. Ils étudient les répercussions
de leurs usages de la plateforme sur d'autres individus faisant partie de leur
liste d'amis.
Toutefois, nous pouvons remarquer certaines lacunes sur la
connaissance des possibilités que Facebook engendre par ces
utilisations. J'ai évoqué ci-dessus l'incompréhension de
la suggestion d'ajouts d'inconnus voire d'étrangers à des
utilisateurs. Cette incompréhension provient d'un manque de connaissance
de
82
l'algorithme de Facebook et plus généralement
des réseaux sociaux et d'internet. Cet élément ressort le
plus souvent du témoignage des plus jeunes interviewés de mon
échantillon, soit les 17, 18, 20 ans. Certains ajoutent :
« Des fois, quand je fais du shopping en ligne sur
Google, après quand je me connecte sur Facebook il y a des
publicités sur mon mur d'actualité je retrouve les produits que
je suis allé voir sur les sites en ligne, je ne comprends pas comment
ça se fait. »
Je m'aperçois, encore une fois, que les usagers n'ont
pas conscience du fonctionnement du EdgeRank et du PageRank
que Facebook et Google mettent en place.
Les utilisateurs prouvent ici, qu'ils s'arrêtent
à la connaissance des fonctionnalités les liant les uns aux
autres et l'image qu'ils renvoient à leur liste d'amis sans pour autant
penser aux autres opportunités que Facebook accorde aux lobbies ou aux
institutions.
Un autre témoignage m'a interpelé par la
façon dont la personne parait sûre d'elle sur l'image qu'elle
renvoie et semble assumer totalement qui elle est sur Facebook en allant plus
loin dans ses revendications tout en ayant l'impression de contrôler son
image. L'individu concerné a 18 ans et c'est aussi l'usager qui m'a
répondu être parfaitement conscient du fonctionnement de Facebook
et avoir le contrôle de son profil. Cette même personne, a aussi,
évoqué ne pas comprendre pourquoi des individus étrangers
lui envoyaient des demande d'ajout à sa liste d'amis. Nous pouvons
souligner, ici, une contradiction faisant référence à ses
capacités sur les connaissances du fonctionnement de Facebook assez
minimes. De plus, l'individu ajoute :
« Professionnellement je fais attention à ce
que je mets, plus ou moins sur Facebook. C'est sûr qu'il faut faire
attention. Par exemple, si tu es nazie (rire), non mais faut voir les choses en
grand I Si t'es un nazie tu ne vas pas mettre `'Ouais je suis nazie, je suis
pour Hitler `' sur Facebook. Après, j'assume tout à fait l'image
politique et mes opinions que je démontre. Moi je m'en fou, je vais te
dire que j'ai voté Marine Le Pen et j'étais à fond pour
elle, je l'assume totalement. »
Ce témoignage, assez paradoxal, peut évoquer un
manque de connaissance du réseau social et peut être de
maturité dans son comportement.
En effet, cette même personne étant pour la
défense des animaux fait ce discours. Etant assez surprise de ses
réponses pendant tout l'entretien, j'ai donc eu à faire l'effort
de cacher mon jugement pour qu'il continu ses témoignages. L'analyse du
comportement que j'ai pratiqué me permet de démettre
l'hypothèse que cet individu est l'un des plus influençables par
le biais du réseau social. En effet, son usage de Facebook et le
discours qu'il tient sont contradictoires.
En évoquant qu'il fait attention à ce qu'il dit
sur Facebook en proposant l'exemple d'Hitler mais en dévoilant son
opinion politique tout en défendant la cause animale, me laisse observer
que l'individu possède des connaissances obsolètes même en
terme de culture générale. Ceci me permet d'interpréter
que c'est le profil type de l'usager qui pense contrôler son profil mais
qui, contrairement à ça, peut facilement se laisser «
piéger » par l'algorithme de Facebook.
« La probabilité qu'il m'arrive un danger sur
Facebook est la même que celle d'avoir un accident de voiture ... Je ne
suis pas naïf au point de parler à n'importe qui sur Facebook et
j'arrive à identifier les personnes ou les éléments
malsains, il suffit de bloquer ou de signaler. Je connais le fonctionnement de
Facebook et j'assume ce que je divulgue sur moi. Donc non, je ne suis pas un
parano au point de penser tous les jours à ça. »
Par ces dires, contrairement aux précédents
témoignages, nous pouvons remarquer une certaine lucidité de
l'usager et sa connaissance des risques qu'il met en jeu en utilisant la
plateforme. L'interrogé a une prise de recul sur Facebook et
dédramatise l'usage du réseau social en le comparant à la
vie réelle. Il est alors pour lui évident qu'il divulgue des
informations personnelles. Il en a conscience semble maîtriser son profil
par la connaissance qu'il a du fonctionnement du réseau social. Cet
individu fait aussi l'objet d'une précédente analyse qui
évoque que ses connaissances et sa maturité lui permettent de
divulguer une autre version de lui sur la plateforme.
83
Toutefois, un des interrogés de 25 ans évoque :
84
« Oui, je connais Facebook, oui je sais que Facebook
a un certain contrôle sur mon comportement mais c'est pas pour autant que
je ne maîtrise pas mon profil et mon image sur ce réseau social.
Je sais, par exemple, comment fonctionnent les suggestions d'amis. Si quelqu'un
va souvent sur ton profil sans être dans ta liste d'amis. Il y a de
grande chance que ça soit quelqu'un qui fasse partie de ton entourage ou
qui est ami avec quelqu'un de ta liste au second ou troisième
degré. C'est logique, quand tu connais le fonctionnement de Facebook.
Puis, Facebook enregistre que la personne a tapé plusieurs fois ton nom
dans la barre de recherche donc il te le suggère en ami. Ils ne sont pas
très futés les gens qui le font si c'est pour espionner c'est
grillé.(rire)»
Par cet argument nous pouvons clairement analyser que l'usager
est totalement conscient de la puissance de Facebook et qu'il est dans
l'incapacité de tout contrôler notamment son profil et son image
à 100%.
Cependant, par sa connaissance des possibilités de
Facebook, l'interrogé est capable d'anticiper le comportement des autres
usagers et donc de faire attention à son usage sur le réseau
social afin de divulguer le moins d'informations possible à son
sujet.
Il ajoute aussi, qu'il regarde toujours la source des
publications qu'il consulte et s'abonne qu'au page dont il connait les sources.
Ce qui lui permet une certaine sécurité même s'il partage,
commente ou « like » les publications provenant des sources
officielles qu'il connait. Dans ce cas, pour cet usager nous pouvons dire qu'il
contrôle aisément son identité virtuelle et son profil sur
Facebook par sa, connaissance de la puissance du réseau social et la
logique de son algorithme.
De plus, cet enquêté fait aussi l'objet d'une
analyse de la version de soi qu'il revendique en amont de cette observation
dans une autre partie de cette recherche. Dans celle-ci, j'ai mis en
lumière que l'usager jouait un rôle sur le réseau social en
travaillant une image neutre de lui. Pour cela, il utilisait l'ironie pour
utiliser le réseau social avec humour afin de rester neutre sur sa
réelle personnalité.
Par ces deux observations, je peux mettre en lumière
que son comportement fait émerger une maturité et une
lucidité qui lui permettent de déjouer les effets
puissants que Facebook engendre chez les individus les plus
influençables. Dans ce cas, par sa maturité, l'usager se trouve
dans la posture de pouvoir contrôler son identité et son profil
virtuel sur la plateforme.
II.3.3. Facebook : un outil marketing encore mal connu de
la Génération Y
Avec le recul et la conscience du fonctionnement des
algorithmes de Facebook et Google provenant de ma recherche, j'ai aujourd'hui
acquis une meilleure vision des possibilités de Facebook.
Ce réseau social qui promeut la possibilité
d'établir des relations et des interactions, dans le milieu privé
des usagers est aussi utile pour d'autres communautés et institutions
qui ne sont pas forcément prisent en compte par les interrogés.
Précédemment, j'ai relevé que beaucoup des utilisateurs ne
mentionnaient pas Facebook comme premier détenteur de données
personnelles.
Lorsque j'ai interrogé les individus pour savoir s'ils
lisaient la politique de confidentialité du réseau social, lors
des mises à jour régulièrement proposées, il
s'avère qu'aucun des enquêtés n'a répondu
positivement. Ils valident donc unanimement la politique de
confidentialité de Facebook sans pour autant en prendre connaissance.
Par cet, acte il est possible d'affirmer que pour ces
utilisateurs la politique de confidentialité du réseau social
n'est pas importante, nous pouvons donc imaginer qu'ils la connaissent plus ou
moins.
Pourtant, il est évident que ce grand texte expliquant
les dispositifs de Facebook et comment fonctionne la confidentialité,
peut permettre aux usagers de pouvoir contrôler leur profil en adaptant
un comportement susceptible de protéger leurs données
personnelles.
85
Toutefois, la plupart des individus ont évoqué :
86
« Des fois, quand je fais du shopping en ligne sur un
site, après, quand je vais sur Facebook j'ai des publicités sur
les articles que j'ai regardé ou sur le site concerné, quand
ça me plait je clique oui. C'est pratique quand même.
»
Dans ce témoignage, l'interviewé évoque
sa satisfaction quand il trouve une publicité sur son mur Facebook.
Celui-ci va jusqu'à y cliquer dessus pour visionner le site. Un lien
existe entre sa recherche Google et le réseau social et il semble en
être content sans pour autant se poser la question de comment cette
publicité est arrivée jusqu'à son mur Facebook.
Pourtant, s'il prenait cette conséquence en compte il
pourrait comprendre qu'il existe le même lien entre les personnes qu'il
ne connait pas d'où la suggestion d'un individu dont on ne connait
aucune coordonnée ou l'ajout d'étrangers.
De plus, connaissant un minimum les dispositifs de Facebook
qui engendrent la traçabilité des profils par la liste d'amis et
les interactions, il est logique que ce fonctionnement ne se limite pas
qu'à l'entourage.
Au titre de leur usage personnel, les internautes semblent
oublier la capacité de Facebook sur la traçabilité des
profils par le biais de l'enregistrement des usages et des données
personnelles de chaque utilisateur.
D'ailleurs lors d'un chat entre Marc Zuckerberg, le fondateur
de Facebook, et un ami étudiant en 2010, le célèbre
créateur avoue ne pas comprendre ce manque de réflexions de la
part des usagers de la plateforme :
Marc : « I have over 4.000 e-mail, pictures, adresses.
» His friend : « What ? How'd you manage that one ? »
Marc : « People juste submitted it. I don't know why... They
« trust me. » Marc : « Dumbs fucks. »1
1 Extrait d'un chat entre Marc Zuckerberg et un ami
étudiant au début de Facebook, 13 mai 2010, Bisness Insider :
Marc : « J'ai plus de 4 000 e-mails, photos et adresses.
» Son ami : « Quoi ? Comment tu as réussi à
obtenir ça ? » Marc : « Les gens me les ont juste
donné. Je ne sais pas pourquoi... Ils me font `'confiance.» »
Marc : « Putains d'abrutis. »
87
Par ce dialogue, je peux analyser le caractère moqueur
de Marc Zuckerberg par l'insulte `'putains d'abrutis».
En effet, le fondateur ne comprend pas le comportement des
usagers et ne s'en cache pas. Le fait que les internautes divulguent leurs
données personnelles à un parfait inconnu semble si aberrant
qu'il parait dénué de sens.
Pourtant ce comportement semble être complétement
intériorisé par tous les usagers interrogés, d'où
leur dévaluation des risques de l'influence des marques à la
consommation sur le réseau social.
En effet, à plusieurs reprises dans cette partie nous
avons pu étudier une mauvaise prise de conscience sur la puissance et
les opportunités que Facebook offre aux institutions autres que
l'entourage ou la liste d'amis des individus. Par la fonction implicite de
traçabilité des profils, Facebook permet d'être un support
pour les marques afin de s'adapter à leurs cibles.
Les usagers ne prennent pas cette fonction en
considération et ne se focalisent que sur leur entourage sans comprendre
certains faits. L'individu évoquant son incompréhension lorsqu'il
reçoit des invitations de personnes étrangères ayant aucun
lien avec son entourage ou celui qui évoque qu'il a eu en suggestion une
personne croisée en soirée sans pour autant lui avoir donner son
nom et son prénom prouve ce manque de lucidité et d'analyse.
Par ces indices, les interrogés auraient pu avoir les
capacités de comprendre le pourquoi du comment tout en essayant
d'analyser les fonctionnalités implicites de Facebook qu'ils utilisent
eux-mêmes pour espionner ou enquêter sur leur entourage.
En évoquant l'Etat et leur entourage, nous retrouvons
une certaine opposition entre deux extrêmes chez certains des individus,
prouvant qu'ils ont conscience de divulguer des données personnelle
à une institution beaucoup plus importante que les communautés
proches.
Pourtant, ils n'ont pas eu la capacité de s'interroger
sur d'autres institutions et communautés qui apparaissent sur le
réseau social au quotidien sans penser que ceux-
88
ci sont aussi dans la faculté de recueillir des
données personnelles afin d'établir des profils propices à
la consommation de telle ou telle marque.
Par ce comportement se rapportant à eux en tant que
personne et l'engagement qu'ils prennent pour proposer l'image qu'ils
souhaitent à leur entourage, nous fait prendre conscience de
l'individualisme qui règne dans notre société moderne.
Depuis le début de cette analyse, nous pouvons voir que
l'image que l'on renvoie et le comportement engendré dont l'objectif est
une promotion de sa propre identité sous son meilleur jour,
démontre un certain égocentrisme dans le comportement des usagers
interrogés. La perception de mon image par autrui est tous ce qui
importe.
L'individualisme et ce rapport à soi et à autrui
traduit un manque de recul et de vision plus large qui, pour la plupart,
à tendance à se retourner contre eux alors qu'ils ont tous les
éléments en main de comprendre le fonctionnement et la puissance
de Facebook.
Le paradoxe central de cette analyse, postule que les
individus sont individualistes mais aussi interdépendants sur la
plateforme. C'est autrui, qui est dans la position du jugement de chaque
profil. C'est donc en pensant à autrui que les individus calculent leur
stratégie identitaire sur le réseau social et le plus souvent par
rapport à leurs pairs.
C'est dans ce comportement que nous retrouvons plus ou moins
d'autocensure chez les usagers.
Ce manque de prise en compte des capacités de Facebook
sur les conséquences autres que sur leur entourage, paraît
être quelque chose d'anodin et de peu important.
Pourtant, vivant dans une société de
consommation dans laquelle les marques ont compris ce manque de prise en compte
des jeunes individus utilisateurs de Facebook il est évident que le
marketing digital a su faire sa place auprès de cette cible et a su
prendre les devants pour s'y adapter.
89
Le constat relevé par cette analyse est que par leur
comportement individualiste, beaucoup d'individus n'élargissent pas leur
vision et ne s'arrête qu'à la frontière de leur cercle
proche sans prendre en compte que ceux qu'ils font sur Facebook d'autres
peuvent le faire aussi et plus efficacement car eux, ont été
sujets de cette prise de conscience.
90
Conclusion de la partie
Par l'analyse d'entretiens, j'ai mis en lumière le
comportement d'individus sur Facebook âgés de 15 à 25
ans.
Sur plusieurs aspects nous pouvons évoquer que les
enquêtés ont des points communs dans leur usage, notamment sur les
dispositifs principaux que Facebook propose tels que l'application Messenger,
le partage des publications, les mentions `'j'aime» et les
identifications entre amis.
En globalité, tous évoquent qu'ils ne publient
jamais ou très rarement sur leur mur et qu'ils font donc partie de la
catégorie de profil « je regarde mais je ne fais rien »
évoqué par Dominique Cardon dans le projet Algopol.
De nombreuses similitudes sont apparues entre les analyses et
les études évoquées par les sociologues dans la
première partie de ce mémoire , tel que le travail de
l'impression de soi que les usagers revendiquent sans pour autant travailler
une explication de soi comme l'évoque Monique Dagnaud.
La grande tendance qui se dégage de ces entretiens me
permet de postuler que les individus de mon échantillon se trouvant dans
la tranche d'âge des 15, 25 ans ont plus ou moins conscience des
conséquences de leurs actes sur Facebook.
Les plus âgés semblent avoir une vision plus
élargie et moins égocentrique pour comprendre les
fonctionnalités de Facebook. Par leurs connaissances et leur
maturité, ils sont lucides et évoquent être conscient
d'être, en quelque sorte, une cible des institutions privée ou
publiques ainsi que l'entreprise Facebook.
Dans ce cas ils sont en capacité d'affirmer être
conscients des risques qu'ils encourent en divulguant des informations
personnelle à partir du moment où ils s'inscrivent sur le
réseau social. Ils sont d'ailleurs, plus légitimes lorsqu'ils
annoncent assumer l'image qu'ils renvoient car ils ont tendance à
contrôler d'une meilleure façon leur profil par les
capacités intellectuelles qu'ils possèdent à
l'égard du réseau social.
91
Contrairement à ces profils, les plus jeunes semblent
avoir l'impression de contrôler leur image virtuelle sur le réseau
social et leur vie privée. Pourtant, beaucoup de contradictions ont
été identifiées lors de ces huit entretiens qui prouvent
leur manque de connaissance de la puissance de Facebook.
Pour tous les enquêtés, excepté l'individu
ne possédant pas de profil Facebook, les fonctionnalités
principales sont partagées dans leur usage. Les différences font
surface dans leur stratégie individuelle en adéquation avec leur
niveau de connaissances intellectuelles d'internet, de Facebook et
peut-être aussi par leur expérience personnelle et leur âge
mûr.
J'ai pu mettre en exergue le caractère identitaire dont
font usage tous les individus de mon échantillon à des fin
personnelles ou professionnelles.
Enfin, nous pouvons résumer que dans toute cette partie
j'ai pu mettre en lumière la conscience plus ou moins présente
des conséquences engendrées lors de leur usage sur le
réseau social.
Les plus âgés de mon échantillon semblent
être davantage lucides et prennent en compte chaque conséquences
de chaque usage, jusqu'à élaborer des stratégies
poussées qui démontrent qu'ils détiennent dans leurs
compétences la capacité de maîtriser et de contrôler
leur image en faisant leur propre choix sur la plateforme sans pour autant se
laisser influencer par les marques qui utilisent Facebook afin d'inciter
à la consommation.
92
Conclusion
Cette recherche sur le comportement des jeunes de 15 à
25 ans sur Facebook s'appuie sur trois hypothèses.
Tout d'abord, Facebook génère divers usages de la
part des utilisateurs.
En effet, les fonctionnalités explicites pour
lesquelles le réseau social a été créé font
part du premier usage des individus. La plateforme, permet la
possibilité d'interagir instantanément entre les individus. C'est
alors, que le réseau social rend possible la communication par le biais
du partage, des commentaires, de la messagerie instantanée et des
mentions `'j'aime».
D'après Dominique Cardon, les jeunes utilisateurs de
Facebook représentent 30% de la catégorie `'Je regarde mais
je ne publie pas». C'est donc par le biais des usages
précisés ci-dessus que les internautes communiquent entre eux.
1
Toutefois, un usage plus implicite est mis en exergue
d'après mon étude et reprend la catégorie analysée
par le sociologue. L'espionnage est, par l'unanimité de mon
échantillon, une activité qu'ils pratiquent via Facebook ou
d'autres plateformes utilisant les mêmes fonctions de partage.
L'intérêt principal de cet usage conduit
généralement par le sentiment de curiosité, et s'apparente
à la récolte d'informations sur autrui. Par cette analyse, je
peux affirmer que ma première hypothèse est validée.
Ma seconde hypothèse postule que Facebook est un outil
de revendication d'une identité travaillée pour les usagers de 15
à 25 ans.
Tout au long de ma recherche, le processus identitaire a
été évoqué puisqu'il est omniprésent pendant
la période durant laquelle l'individu enfant cherche à
s'émanciper pour devenir un individu adulte.
Dans la seconde partie de mon travail, il a été
analysé que l'un des principaux intérêts des individus,
était le travail stratégique de la promotion de soi, ayant
comme
1 Projet Algopol, op.cit., p.23
93
principal récepteur les individus composant leur liste
d'amis. Ce constat me permet d'affirmer que la deuxième hypothèse
de ce mémoire de recherche est validée.
Enfin, ma troisième et dernière hypothèse
me permettait de m'interroger sur la conscience des conséquences des
usages des utilisateurs de mon échantillon.
Par mon analyse, je peux affirmer que les plus
âgés des interrogés, soit les 23, à 25 ans ont une
conscience plus développée sur les conséquences de leur
usage par leur connaissance des fonctionnalités du réseau social.
Ces usagers font partie de la Génération Y reprenant les
individus nés à même temps que l'avènement du Web
2.0.
Contrairement, à cette partie de mon échantillon
les plus jeunes interrogés semblent être moins conscients des
conséquences de leurs usages sur le réseau social, par manque de
connaissance des fonctionnalités que Facebook peut exercer.
Ma troisième hypothèse est donc validée,
dans le sens où différentes consciences plus ou moins
développées existent au sein des utilisateurs de Facebook.
La grande tendance de ce mémoire repose sur le lien
étroit qui existe entre la socio-culture de nos sociétés
modernes et le comportement des jeunes individus sur la plateformes
numérique.
« Plus le voile des connaissances, des instruments,
des plans et des stratégies s'épaissit, plus nous sommes
séparés de nos milieux naturels par le milieu technique que nous
construisons et plus nous nous tournons vers nous-mêmes, vers nos calculs
et nos hypothèses, mais aussi vers nos exigences et nos principes. Nous
devenons de plus en plus puissants, mais aussi de plus en plus fragiles.
À mesure que nous devenons des créateurs plus habiles, nous nous
mettons davantage en danger, car nul ne peut être à la fois
créature et créateur. j...] C'est alors que nous pouvons nous
soumettre entièrement à notre rôle de créateurs, au
point de dissoudre notre subjectivité dans notre recherche de
subjectivation. La créature en nous échappe en partie au
créateur que nous sommes devenus, et c'est sur les ruines du moi que
s'élève le sujet. »1
1 TOURAINE Alain, 2013, La fin des sociétés.
Paris, Éditions du Seuil p. 603-604p
94
Ce travail de recherche et d'analyse nous amène
à la révélation d'une société individualiste
comme l'évoque Alain Touraine dans cette citation.
Par les stratégies mises en place de la part des
individus sur Facebook, auxquelles s'ajoutent le rapport à autrui, la
simple identité de l'internaute se retrouve biaisée par un
surplus de techniques et de calculs pour la promotion de soi.
L'intériorisation du monde numérique face au réel est
devenue commun dans les sociétés modernes. On parle d'
''amis» pour définir un inconnu, ou de `'mur»
comme si l'on évoquait le mur de sa chambre. Toute cette mise en
scène du design de la plateforme participe aisément à
l'intériorisation du monde de Facebook, supprimant ainsi, la
barrière entre le réel et le virtuel.
Facebook serait une mise en scène représentative
de la société réelle dans laquelle les adolescents
s'expriment, sans pour autant, en mesurer toutes les conséquences.
Facebook, met à contribution une plateforme sur
laquelle se révèlent les individus de la société,
qui sont à la fois, individuels et interdépendants.
La Génération Y (les individus nés entre
1982 et 1994) définit en tant que `'Digital Natives»
1, parfois évoquée sous le nom péjoratif
des `'Digital Naïve» semble être plus consciente des
dangers et des limites de Facebook que leurs successeurs.
Toutefois, tous les individus de mon échantillon ont
intériorisé le monde virtuel dans lequel ils divulguent plus ou
moins leur vie privée.
A l'heure de la société numérique,
Facebook est comparé à un outil marketing regroupant toutes les
données d'une cible susceptible de consommer. Les marques l'ont bien
comprise, et peuvent voir en cette plateforme, un portefeuille de diverses
communautés auxquelles elles savent s'adapter pour pousser à la
consommation.
Nous pourrions donc pousser plus loin cette recherche en
étudiant l'autre côté utilitaire de Facebook en analysant
la stratégie des marques pour comprendre leur adaptation à ces
individus connectés et influençables.
1 PRENSKY Marc, op. cit., p9
95
Lors des élections présidentielles
américaines, ont été évoquées, les
stratégies de traçabilité des profils dans le but de
proposer aux individus susceptibles d'être convaincus par un candidat
plutôt qu'un autre, le contenu adéquat qui le poussera à
l'action. C'est à travers les réseaux sociaux comme Facebook que
les marques diffusent du contenu marketing qui incite à un comportement.
Il serait donc intéressant de pousser notre réflexion sur les
stratégies politiques mises en place et leur pouvoir dans nos
sociétés de l'image afin de comprendre les campagnes de
communication politiques dont nous faisons l'objet en 2017.
96
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