1.1.1. Une retenue aux capacités physiques
considérables
Les capacités physiques de la retenue de Maga sont a
priori, le premier facteur à même d'expliquer l'abondance relative
des ressources. Par ordre d'importance relative décroissante, on retient
les ouvrages géotechniques de la retenue et les données
climatiques.
1.1.1.1. Les ouvrages géotechniques de la
retenue
Ces ouvrages sont suffisamment nombreux et importants à
telle enseigne que la création du réservoir de Maga n'a pas
laissé l'environnement indemne. On peut noter :
? Le réservoir de
Maga-Kaï-kaï
Avec une profondeur moyenne de 3 m, le réservoir de
Maga-Kaï-Kaï (image 1) s'étend sur une superficie
variante entre 240 et 360 km2 selon les saisons (Le
Competing-Bet, 2006) et peut contenir jusqu'à 625 millions de
m3 d'eau. La cote la plus basse du système se trouve au
niveau de l'évacuateur de Vrick, constitué par 10 vannes
(planche 1). Le volume prélevé pour l'irrigation des 700
hectares de rizières de l'unité II de la SEMRY est estimé
à 200 millions de
36
m3 d'eau par an. Une bonne partie de cette eau est
drainée par le Mayo Vrick et P2 pour alimenter les Casiers rizicoles.
Photo 1: Le réservoir de
Maga-Kaï-kaï
La démarcation en rouge illustre la zone d'impact
du lac de Maga. Le miroir d'eau couvre habituellement cette surface.
Selon les rapports des bureaux d'études, « Le
Competing-Bet » (2006) et « ERE-Développement »
(2012), les cours d'eaux qui alimentent le lac, transportent des
quantités importantes de sédiments et débris organiques
qui se déposent à l'entrée et dans les dépressions
de la retenue. Il n'y a pas des données permettant une quantification de
l'envasement, la réduction de la profondeur du réservoir et du
volume d'emmagasinement d'eau, mais il est certain que la capacité du
réservoir s'est réduite. Et la pêche y pratiquée, a
à y voir pour beaucoup. Le miroir d'eau aurait aujourd'hui une
superficie de 109 Km2 en période de décrue.
C'est dans ce plan d'eau que s'effectuent les captures, et
c'est dans et autour de celui-ci que se trouvent les villages des
pêcheurs.
37
? La digue-barrage Guirvidig-Maga-Pouss
La retenue est soutenue au Nord par le barrage en terre
compactée de Maga long de 27 km qui va de Pouss à Guirvidig via
Maga orienté d'Est en Ouest (voir figure 02). Construit en 1979
il a eu une hauteur originelle d'environ 4 à 5 m et une largeur en
crête de 3,5m. Ladite digue est formée de sable argileux et
limoneux peu compressible et compactée en couches d'environ 15 cm
d'épaisseur. Quatre ouvrages de prise d'eau aménagés sur
la digue servent à irriguer par gravité les
périmètres rizicoles de la SEMRY.
Au stade de son fonctionnement optimum, les eaux du
réservoir doivent être vidées avant les apports de la
prochaine saison de pluies. Elle peut être une solution durable,
écologique et économique au problème d'inondation dans la
plaine, à condition d'assurer pleinement sa fonction d'irrigation et que
les apports des sédiments qui comblent progressivement le lac soient
maîtrisés. Car, jusqu'en 2012, elle était dans un
état de dégradation avancée à cause d'un entretien
insuffisant et de certains défauts originels aussi bien de conception
que de construction.
Heureusement qu'aujourd'hui les travaux de
réhabilitation entrepris dans le cadre du projet dénommé
PULCI18 semblent transformer celle-ci en un véritable
boulevard utilisable à la fois par les piétons, les cyclistes et
les engins à moteurs (photo 2) vont lui redonner fonctions.
Coordonnées de prise de vue : x=10° 49'
58» y - 14° 57' 10» E Photo 2 : Vue de
dessus de la digue barrage de Maga en réhabilitation
18 Le Plan d'Urgence de Lutte Contre les
Inondations est un projet en cours actuellement dans la localité.
Financé à la fois par l'État et la banque mondiale.
En plus du soutien de la Digue-barrage, pour fonctionner, ce
plan d'eau a aussi besoin d'autres infrastructures annexes au nombre
desquelles, la prise d'eau sur le Logone, le déversoir de Pouss et
l'évacuateur de Vrick.
? Le pont sur le Mayo Vrick
L'ouvrage assure la vidange partielle de la retenue en cas de
montée rapide et menaçante du niveau d'eau. Il est situé
sur la digue-barrage au point PK 15+864, entre Maga et Guirvidig. Cet ouvrage
est constitué d'une batterie de dix dalots au niveau de la
digue-barrage. Dix vannes à glissement NEYRTEC 1400 x 1400 mm
contrôlent le débit de l'ouvrage (planche 01, a). Le
bassin de dissipation d'énergie à l'aval de l'ouvrage se prolonge
par un revêtement en enrochements du chenal d'évacuation,
constitué de gros moellons et qui débouche dans le Mayo Vrick,
principal axe de drainage de l'aménagement (b, planche 01).
Les talus de berges situés à l'amont de la digue
barrage, de part et d'autre de l'ouvrage de Vrick ont fait l'objet
d'enrochements jointoyés au mortier de ciment sur une faible pente, afin
d'assurer leur protection contre l'érosion et le batillage.
a
b
Coordonnées des prises de vues :
X= 10°50'14» - y=14°55'24»
X=10°50'14» -y=E 14°55'24»
38
Planche 1 : Pont sur le Mayo Vrick
39
Seulement 6 vannes peuvent être
opérées pour réduire le niveau du réservoir. Les
autres ne le sont pas à cause du manque d'entretien et du vandalisme.
Les enrochements à l'aval des bassins de dissipation ont aussi fait
l'objet de vandalisme et par conséquent, des symptômes de sape et
d'érosion apparaissent un peu partout, même si les vannes
opèrent seulement à environ 60% de la capacité totale de
l'évacuateur.
? La prise d'eau de Djafga
Quand les volumes d'eau apportés par les cours d'eau ne
peuvent satisfaire à eux seuls les besoins de la retenue, un volume
d'eau complémentaire est prélevé du Logone par un canal
aménagé au niveau de la localité de Djafga (Photo
03). Le canal de conduite des eaux évacuées est mal
entretenu et se trouve obstrué par des dépôts de
sédiments sur lesquels s'est développée une dense
végétation herbacée (UICN et CBLT, 2007).
Coordonnées de prise de vue : x= 10° 47' 02 `'-
y= 14° 55' 53»
Photo 3 : Vue partielle du canal
d'alimentation du lac par le Logone à Djafga
Ce canal d'alimentation tel que présenté
dans la photo, est un haut lieu de pêche comme d'ailleurs toutes les
infrastructures annexes de la retenue ou les canaux d'irrigation de la SEMRY.
Avant d'arriver dans le lac, les poissons contenus dans les eaux
d'écoulement du canal sont prélevés majoritairement par
les pêcheurs à nasses et ceux à éperviers.
40
? Le déversoir de Logone-Pouss
Cet ouvrage à une longueur de 750 m (tableau 04).
Il est situé à quelques centaines de mètres au sud de
Pouss. Il met en communication la retenue et le fleuve Logone, lorsque le plan
d'eau de la première atteint la cote de calage du seuil de l'ouvrage ou
vice-versa. Il est constitué d'un mur en béton de 0,60 m de large
enterré sur une profondeur de 2,50 m, avec une crête à la
cote 312,19 m. Des talus en terre compactée étaient
disposés de part et d'autre. Pour limiter les effets de
l'érosion, des enrochements ont été mis en place à
l'amont et à l'aval du seuil du déversoir. L'ouvrage est à
présent submergé et a subi des dégâts dans les
enrochements et la piste Pouss-Yagoua. Le PULCI travaille actuellement de
façon à le réhabiliter avant la prochaine sortie des eaux
propres aux inondations des yaerés.
41
Tableau 4 : Caractéristiques du
système Maga-Vrick-Logone
OEuvres
|
Caractéristiques
|
Réservoir de Maga
|
Création en 1979
|
Capacité maximale
|
Environ 620 millions de m3
|
Profondeur moyenne
|
Comprise entre 3 et 4 m
|
Extension en étiage
|
36.000 Ha
|
Côte d'alerte en inondation
|
Côte d'alerte contre les inondations : 312.5 m
|
Entrées d'eau
|
Par apports naturels et artificiels
|
Digue / barrage
|
Création en 1978 ; 38 ans
|
Matériel
|
Terre compactée
|
Longitude
|
27 km (de Pouss à Guirvidig)
|
Largeur de la crête
|
3,5 m
|
Hauteur moyenne
|
4,0 m
|
Côte à la crête
|
314,5 m
|
Ouvrages d'évacuation Vrick
|
Dix vannes avec capacité de 100 m3/s (dont seulement
6 fonctionnelles)
|
Déversoir Logone-Pouss
|
Déversoir Logone-Pouss
|
Côte d'échange-calage
|
312,19 m
|
Mur en béton
|
0,60 m largeur, 750 m longueur profondeur 2,5 m
|
Canal d'alimentation artificiel de
Djafga
|
voir figure 01 plus haut
|
Longueur
|
11 km
|
Apport
|
De 19 à 30 m3/s
|
Digue de Logone
|
Digue en terre compactée de 45 km de longueur, de
Djogoide (Yagoua) à Bégué Palam largeur de crête de
1 à 1,5 m
Digue Logone en terre non compactée 27 km, de
Bégué Palam à Pouss
|
Source : Données du bureau
d'études Le-competing-Bet, 2006
Bref, les capacités physiques de la retenue sont
considérables. Raison pour laquelle, sa création va non
seulement bouleverser l'équilibre écologique de la plaine du
Logone, mais aussi, dégrader son tissu socio-économique au profit
de la pêche artisanale lacustre.
42
En effet, les études antérieures (Naah, 1990
; Sighomnou et al., 1997) ont montré que l'absence des inondations
enregistrée dans le Yaéré résulte des effets
conjugués de la péjoration climatique des trente dernières
années et des aménagements de la SEMRY dans le cadre du barrage
de Maga. La présence des digues limite les débordements du Logone
vers la plaine, alors que la rétention des eaux chargées en
limons des Mayo Tsanaga et Boula dans le barrage de Maga prive la plaine des
limons et autres minéraux dissous qui jouent un rôle important sur
sa fertilité.
De plus une analyse du fonctionnement hydraulique du barrage
montre que le volume moyen des eaux déviées vers le Logone chaque
année est relativement important. Avec une moyenne supérieure
à 0,5 milliard de m3, il dépasse de loin certaines
années, le volume total des eaux que les Mayo Tsanaga et Boula
drainaient vers la plaine par le passé. L'analyse des hydrogrammes
enregistrés à diverses stations du fleuve avant et après
les aménagements de 1979 le confirme (Molinier et al.,
2000).
Ainsi, il s'en est résulté, un dysfonctionnement
écologique et socio-économique dans la plaine du Logone. Cette
tendance, qui a été accentuée par une baisse
généralisée de la pluviosité dans la zone
soudano-sahélienne (UICN et CBLT, 2007), a provoqué de
nombreux phénomènes entre autres :
- La diminution des surfaces inondées d'environ 60 % ;
Le déplacement d'environ 10 000 personnes (Sighomnou et al., 2002)
;
- Le déplacement d'environ 10 000 personnes (Sighomnou
et al., 2002) ;
- La perte de pâturage de bonne qualité ;
- divagation des animaux sauvages, en dehors du Parc National de
Waza,
- entraînant des dégâts matériels et
même humains ;
- La baisse des rendements de pêche de plus de 90 % avec
pour conséquence le
détournement des pêcheurs vers d'autres
activités comme le braconnage (Noordji, 1988) ;
- La prolifération des canaux de pêche et la
baisse de la biodiversité végétale (Saleh et al.,
1997) etc.
Pour beaucoup d'experts, les objectifs de la construction de
ce barrage ne sont pas atteints. Car, le barrage devait par exemple assurer
initialement l'irrigation de 7000 ha de rizière, en
réalité il alimente moins de la moitié de cette surface de
nos jours en raison des difficultés financières de la SEMRY et
des problèmes que rencontrent les populations locales pour la
maîtrise des nouvelles techniques culturales.
43
L'attention de la communauté internationale a
été attirée sur la gravité de la situation, et des
études ont été entreprises au début des
années 1990 avec pour objectif la réhabilitation des inondations
dans le Yaéré, sans perturber les installations mises en place
par la SEMRY. Les premiers résultats des études, qui ont
coûté deux fois plus chers que les aménagements mis en
place, ont montré que la réouverture de l'un des principaux
défluents du Logone fermé en 1979, conduit à un
rétablissement de la dynamique de submersion de la plaine et à la
restauration des inondations dans une partie très importante de la
plaine (Sighomnou et al., 1997). En effet, l'environnement change dans
le temps sous l'influence des processus d'origine naturelle ou anthropique.
Toutefois ces grandes mutations ont contribué à
transformer le lac de Maga, un « bled perdu19 »
en une pêcherie connue de tous dans la Région de
l'extrême-Nord Cameroun qui doit son abondance en ressources halieutiques
à la conjonction de plusieurs facteurs géographiques au nombre
desquels, son appartenance climatique.
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