UNIVERSITE DE LUBUMBASHI
Faculté des Sciences Sociales,
Politiques
et Administratives
Département de Sociologie
B.P.1825 LUBUMBASHI
Genre, pauvreté et stratégies de survie
des
ménages dans la ville de Lubumbashi.
Contribution à l'analyse sociologique d'une économie de la
débrouille.
Par DIKASA Engondo Modeste
Diplômé d'Etudes Approfondies en
Sociologie Chef de Travaux
Thèse présentée et soutenue en
vue äe l'obtention du Grade de Docteur en Sociologie
Promoteur : Raphael Bushabu Piema Kuete Professeur
Ordinaire
DEDICACE
A Mon père Engondo Osongo Emile ;
A ma mère Asele Mbutshu Marie ;
A mon épouse Ngombe Kamwanya Marie-Josée ;
A mes enfants et mes petits-fils ;
A mes frères et soeurs ;
A tous les pleure-misères de la ville de Lubumbashi,
vous qui ne demandez
pas de bien vivre à tout jamais mais à vivre
quand même;
Aux ménages pauvres de la République
Démocratique du Congo, en général
et de Lubumbashi en particulier;
A tous ceux qui m'ont poussé à grimper l'arbre
pour savourer les fruits, au lieu
de rester en bas et attendre la chute de ces fruits.
II
REMERCIEMENTS
Au terme de ces années de recherches, mes premiers
remerciements s'adressent au Professeur Raphaël BUSHABU Piema Kuete, mon
promoteur de thèse qui m'a apporté un précieux soutien, en
se montrant toujours disponible et exigeant pour l'achèvement de ce
travail.
Mes remerciements aussi aux Professeurs TSHIMPAKA Yanga et
KAYIBA Bukasa pour avoir accepté d'assurer mon encadrement scientifique
tout au long de mes recherches. Leurs conseils, remarques et enrichissements de
la thématique ont beaucoup contribué à
l'élaboration de cette thèse.
Au fait, de Raphaël BUSHABU Piema Kuete, TSHIMPAKA Yanga
et KAYIBA Bukasa, j'ai beaucoup appris. Ils m'ont inculqué le sens de la
communication, d'orientation, d'analyse dans ce domaine de pauvreté et
du genre qui suscite l'intérêt de beaucoup de chercheurs.
Mes remerciements s'adressent également à toutes
les autorités académiques et décanales de
l'Université de Lubumbashi, particulièrement le Recteur et
Professeur KISHIBA Fitula Gilbert, les membres du
comité de gestion pour l'encadrement de doctorants et le
développement de la recherche à l'Université de
Lubumbashi.
Je n'oublierai pas de remercier les membres des Comités
de Gestion de l'Institut Supérieur de Statistique de Lubumbashi et de
l'Institut Universitaire Maria Malkia pour toutes les facilités qu'ils
m'ont accordées tout au long de mes recherches.
Je pense enfin à mes amis Crispin BAKATUSEKA,
Jean-Pierre TSHIBANGU et Léopold MUKALENGE. Je remercie Crispin et Jean
Pierre pour avoir accepté de temps en temps de lire le manuscrit de
cette thèse et de m'aider à identifier quelques coquilles
malencontreuses et Léopold pour m'avoir aidé dans le traitement
statistique des données d'enquête.
Je remercie tous mes collègues enseignants de
l'Institut Supérieur de Statistique de Lubumbashi, les étudiants
de troisième graduat et
III
de deuxième licence Statistique qui m'ont
prêté main forte lors de l'enquête de terrain, sans oublier
les ménages de Lubumbashi qui ont accepté de répondre
à mes questions d'enquête.
Je serais ingrat si, à cette occasion, je ne disais pas
merci à toute la communauté du Plus Grand Nom, il s'agit de la
communauté Baha'ie de la République Démocratique du Congo
; je dis également merci à tous les Atetela de Lubumbashi pour
leur encouragement et leur soutien, plus particulièrement au Professeur
Ordinaire Jacques ANYENYOLA Welo qui m'a encouragé à grimper sur
cet arbre de connaissances scientifiques.
Je n'aurais jamais achevé ce travail sans l'assistance
du Tout-Puissant, votre créateur et le mien. Qu'il soit loué
à cette occasion, qu'il reste notre guide. Que Sa main
généreuse nous couve et nous garantisse ses grâces.
A vous tous, mes sincères remerciements.
Modeste DIKASA Engondo
IV
SIGLES ET ABREVIATIONS
AGR : Activités Génératrices de
Revenus
ANR : Agence Nationale des Renseignements
BCC : Banque Centrale du Congo
BCDC : Banque Commerciale du Congo
BIAC : Banque Internationale Africaine au Congo
BOA: Bank of Africa
BM: Banque Mondiale
Chemaf: Chemical of Africa
DEA : Diplôme d'Etudes Approfondies
DGM : Direction Générale de Migrations
DPI : Direction Provinciale des Impôts
ESU : Enseignement Supérieur et Universitaire
GAD : Gender and Development
Gécamines: Générale des Carrières
et de Mines
GED: Genre et Développement
IDH : Indicateur du Développement Humain
IFD : Intégration des femmes au développement
LLC : Low Level Corruption
OCA : Office des Cités Africaines
OCC : Office Congolais de Contrôle
OMD : Objectifs du Millénaire pour le
Développement
ONG : Organisation Non Gouvernementale
ONL : Office National de Logement
ONU : Organisation des Nations-Unies
PAS : Programmes d'Ajustement Structurel
PIB : Produits Intérieurs Bruts
PNUD : Programmes de Nations-Unies pour le
Développement
RDC : République Démocratique du Congo
V
SNCC : Société Nationale de Chemin de Fer du
Congo
SNEL: Société Nationale d'Electricité
SPSS: Statistical Package for the Social Sciences
TFM: Tenke Fungurume Mining
TMB: Trust Merchand Bank
UMHK : Union Minière du Haut-Katanga
UNICEF : Fonds de Nations-Unies pour l'Enfance UNIFEM : Fonds de
Nations-Unies pour la Femme
WID: Women's Integration in Development
1
INTRODUCTION GENERALE
1. Présentation du sujet et objet de la
recherche
La République Démocratique du Congo, comme de
nombreux pays africains, vit une profonde crise marquée par la
dégradation des conditions de vie des populations avec comme corollaire
le recul du pouvoir d'achat, la diminution des revenus, l'accroissement du
coût de la vie, l'augmentation du taux de chômage, l'aggravation de
la pauvreté, l'effondrement du système scolaire, etc. Face
à une telle situation, le travail-source de bonheur matériel,
social et spirituel, devient une préoccupation de toutes les composantes
de la société.
Si la division du travail est depuis plus d'un siècle
un concept central en organisation des entreprises, elle n'a pas encore requis
l'attention qu'elle mérite au sein des ménages pour mieux
comprendre les comportements de ceux-ci dans leurs dimensions culturelles,
sociales et surtout économiques en cas de précarité
matérielle.
Bien souvent, ce sont les femmes qui sont les principales
victimes de situations désastreuses. Elles sont victimes de la
misère, et de toutes sortes de discrimination alors qu'elles restent la
cheville ouvrière du pays. Elles assurent habituellement la survie des
ménages par leur production et leur petit commerce. Ainsi, partant de
l'exemple concret de la ville de Lubumbashi et nous servant du genre comme
outil de travail, nous voulons réfléchir sur
l'amélioration de la situation et du statut de la femme en
étudiant les mécanismes de survie des ménages dans une
économie de la débrouille. C'est pourquoi cette thèse
s'intitule : Genre, pauvreté et stratégies de survie des
ménages dans la ville de Lubumbashi. Contribution à l'analyse
sociologique d'une économie de la débrouille.
L'objet de cette recherche est d'appréhender d'une
part, l'état de la pauvreté aussi bien des hommes que des femmes,
et d'autre part, l'influence de la relation homme-femme sur la survie des
ménages dans la
(1) MULUMBATI Ngasha, Manuel de sociologie
générale, Lubumbashi, Ed. Africa, 1980, p.20
2
ville de Lubumbashi. Ainsi, dans le cadre de cette
thèse, l'influence des relations homme-femme est
appréhendée par rapport au sexe du chef de ménage ainsi
que par la façon dont les ménages mobilisent l'ensemble des
ressources dans la quête des moyens de subsistance, afin de mieux faire
face à la pauvreté. Il s'agit donc de voir, s'il existe, des
écarts significatifs entre les ménages dirigés par des
femmes et ceux dirigés par des hommes dans le contrôle et la
mobilisation de leurs forces économiques et sociales pour une bonne
lutte contre la pauvreté et pour la survie des ménages.
2. Choix et intérêt du sujet
La première des choses que doit faire quiconque veut
s'engager dans toute recherche scientifique c'est de motiver le choix et
l'intérêt du sujet. Le choix du sujet, ses délimitations
ainsi que l'intérêt qu'il présente pour le chercheur
conditionnent le déroulement de l'étude et sa réussite
finale.(1)
Rien n'a été donc fait au hasard dans cette
étude. Il revient néanmoins de préciser que le choix et
l'intérêt portés à cette question sociale
s'inscrivent dans la perspective de la sociologie du développement et de
l'approche genre. Dans le chéminement de notre réflexion nous
avons été motivés par un triple souci: personnel, social
et scientifique, qu'au départ il convient de légitimer.
2.1. Intérêt personnel
Sur le plan personnel, par cette étude nous cherchons
à apporter aussi notre contribution à l'approche genre et
développement. En effet, même si les femmes sont les plus
nombreuses en République Démocratique du Congo en
général et à Lubumbashi en particulier, la majorité
d'entre elles demeurent très pauvres et travaillent dans des
conditions
3
nettement inférieures à celles des hommes. Cette
vulnérabilité du genre qui frise la discrimination et l'exclusion
de la femme dans les processus de développement s'est accrue, d'autant
que les femmes ont une quadruple charge d'encadrement quotidien des enfants,
d'entretien de la maison, des activités de subsistance et du confort
voire de l'entretien du mari. On les retrouve seules au front de cette lutte
caractérisée surtout par leur isolement et par l'absence du
soutien du conjoint lui aussi noyé dans la débrouillardise. Afin
de compléter les revenus familiaux, là où ils existent, la
femme est appelée à travailler durement pour refuser de mourir,
elle et les siens.
Au moment où la femme commence à se
déterminer et à se débarrasser d'anciennes
considérations autour de sa personne, il nous paraît vraiment
impérieux de nous pencher sur le rôle et la place à elle
réservés pour le développement de notre
société. D'autres éléments confortent autant le
choix de ce sujet : la femme est appelée à revendiquer ses droits
et à gravir aussi les hiérarchies professionnelles, son apport au
travail productif étant devenu visible à tous les niveaux de la
vie (pays, ville, foyer). Combattre ainsi les positions anachroniques sur les
droits de la femme, restituer à cette dernière ses droits en tant
qu'être humain appelé à s'épanouir, voilà
autant d'éléments qui justifient l'intérêt personnel
de l'approche genre et de ce sujet.
2.2. Intérêt social
A travers cette étude, nous voudrions aider la femme
à comprendre que la quête d'égalité entre l'homme et
la femme doit intégrer la reconnaissance selon laquelle
l'égalité va de pair avec et ne menace pas ni moins encore ne
contredit la reconnaissance de la différence et de la
complémentarité qui existent entre l'homme et la femme. Car sans
cette reconnaissance, la lutte pour l'égalité ne serait pas non
seulement authentique mais se caractériserait par une approche
antagoniste mettant en exergue les oppositions entre les hommes et les femmes.
De la sorte, la femme se dresserait davantage contre l'homme et vice-versa, et
toute quête d'identité se baserait sur la négation de
l'autre. L'approche genre conduit cependant à la
4
reconnaissance réciproque de l'identité et du
rôle de l'un à l'égard de l'autre dans la recherche des
voies et moyens pour la survie des ménages et le bien-être de
tous.
La vision consiste à réduire, ou même
à nier totalement les différences artificielles entre les hommes
et les femmes afin d'éviter la domination d'un sexe sur l'autre ; leurs
différences sont à considérer comme de simples
conséquences de conditionnements historiques et culturels. La
différence physique, bien que réelle, est relativisée,
tandis que la dimension purement culturelle est mise en exergue et
considérée comme primordiale. Cette ambiguité
sémantique qui existe actuellement à propos des
différences (biologique/culturelle) a des conséquences sur la
stabilité de la société, des ménages et sur la
qualité des relations entre les hommes et les femmes.
L'adoption de l'approche genre dans cette thèse montre
qu'il y a une différence dans les besoins spécifiques des hommes
et des femmes et permet aussi d'évaluer les incidences, à la
faveur des femmes comme des hommes dans la lutte contre la pauvreté.
2.3. Intérêt scientifique
Sur le plan scientifique, les rapports nationaux sur le
développement humain durable soulèvent aujourd'hui une question
d'actualité qui est celle du genre et de la lutte contre la
pauvreté. Les préoccupations affichées par les
organisations internationales et nationales sur les discriminations et les
inégalités de sexe pèsent sur la croissance du pays. Il
faut donc aider les femmes à contribuer au développement. Car
bien qu'étant les plus pauvres, surtout les plus vulnérables et
les plus défavorisées, les femmes utilisent davantage leurs
ressources économiques pour le bien-être de la famille et de leur
ménage : dépenses alimentaires, d'éducation ou de
santé, alors que les hommes sont souvent accusés de gaspiller
leurs revenus en consommation non productive.
5
L'accès aux droits humains fondamentaux passe aussi par
l'accès de chaque membre de la famille humaine au travail. La
présente thèse sur la pauvreté, genre et stratégies
de survie des ménages à Lubumbashi tente de mettre en
lumière les différentes théories relatives à
l'intégration de l'approche genre dans le processus du
développement afin de faire ressortir leurs portées et leurs
limites. S'écartant des nombreuses études consacrées aux
activités des femmes tout comme des très jeunes personnes, que
l'on considère parfois comme des formes d'esclavage ou d'exploitation,
cette thèse propose un autre type de lecture des activités de
toutes ces personnes considérées comme vulnérables dans un
contexte social de pauvreté et de fragilité. Elle cherche
à bien cerner les processus qui conduisent les femmes, les hommes et
même les adolescents, bref tous les membres d'un ménage à
se débrouiller pour survivre dans un environnement précaire.
3. Délimitation du sujet
Toute recherche scientifique doit être
délimitée en rapport avec le temps, l'espace et le domaine de
recherche. Dans le temps, cette étude porte sur la période allant
de 2006 à 2011, soit une période de cinq ans. Nous aurions voulu
aller jusqu'à 2012, mais faute des données statistiques
consolidées de la population au niveau de l'administration urbaine
jusqu'en mars 2013, nous nous sommes contenté de la période
où les données étaient déjà publiées.
Le choix de l'année 2006 se justifie par le fait que le régime
démocratique a toujours été considéré par
beaucoup de gens comme celui qui s'occupe plus de l'amélioration des
conditions de vie de sa population. En République Démocratique du
Congo, l'année 2006 correspond à l'année de l'organisation
des premières élections démocratiques dans le pays. 2011
est aussi l'année qui a amené la République
Démocratique du Congo à l'organisation des ses deuxièmes
élections démocratiques. Nous n'avons pas considéré
ces limites (2006 et 2011) en tenant compte seulement du côté
politique mais surtout du fait que nous pensons que cette vocation à
l'amélioration des conditions de vie que prône la
démocratie peut amener
6
l'administration à fournir des données
statistiques fiables capables de soutenir une bonne interpretation des
données.
Dans l'espace, la ville de Lubumbashi constitue notre cadre de
référence.
Du point de vue du domaine d'étude, cette thèse
s'inscrit dans le cadre de la sociologie du développement. Il s'agit de
voir comment la femme congolaise en général et la lushoise en
particulier, confrontée à une situation de
précarité due à la crise multiforme, se
démène comme tout être humain pour assurer sa survie et
lutter contre la pauvreté.
4. Etat de la question
Dans toute recherche scientifique, l'état de la
question est l'une des étapes la plus importante dans la mesure
où il permet au chercheur de faire l'inventaire des travaux
antérieurs et de dégager une certaine originalité par
rapport à toutes ces productions scientifiques qui se rapprochent du
sujet traité. Pour mieux saisir les contours de notre étude, nous
nous sommes servi de quelques ouvrages, articles, thèses et
mémoires de Diplôme d'Etudes Approfondies (DEA) qui traitent des
aspects en rapport avec notre sujet, notamment les thèmes touchant au
genre, à la pauvreté et à la survie des ménages.
Après inventaire de tous ces travaux, notre revue de la
littérature est subdivisée en trois parties: la première
concerne le concept genre tandis que la deuxième porte sur celui du
concept pauvreté et enfin dans la troisième partie nous parlons
de stratégies de survie.
4. A. Le genre.
A propos du genre nous avons retenu les travaux très
captivants de Buawa Kadanyi, Kayiba Bukasa, Mulang N'daal, Odile Goerg,
Albertine Tshibilondi Ngoyi, Bisiliat Jeanne et Christine Verschuur, Luc
7
Sindjoun, Catherine Coquery-Vidrovitch, Régine
Bonnardel, Mwilambwe Mwende, Angèle Osako Onowamba et Donatien Dibwe dia
Mwembu.
Buawa Kadanyi(1) dans sa thèse sur:
Genre et égalité à l'éducation dans le
territoire de Luiza. Contribution à la théorie
de
management scolaire, montre que les
femmes sont l'objet d'une organisation discriminatoire. Leur statut social,
économique, culturel et surtout juridique est remis en cause par la
société au nom d'une certaine tradition, d'un héritage
colonial ou d'une certaine religion. Pourtant théoriquement on ne cesse
de clamer qu'elle a les mêmes droits que l'homme. Cherchant à
restaurer l'égalité entre l'homme et la femme par l'adoption de
l'approche genre, il a voulu savoir si les filles (femmes) ont les mêmes
chances d'accès à l'éducation que les garçons
(hommes). Après analyse et interprétation de ses résultats
d'enquête, il est arrivé à la conclusion que le nombre
très réduit des filles qui poursuivent normalement les
études dans le territoire de Luiza est dû au manque d'un certain
niveau d'instruction des parents, au taux élevé de
fécondité, à un haut degré de pauvreté et
des facteurs socioculturels qui soustendent une certaine discrimination
à l'égard de la femme. Il propose le changement des
mentalités et des attitudes culturelles par l'élimination de
toutes formes de discrimination à l'égard des femmes et des
jeunes filles.
Kayiba Bukasa(2), dans sa thèse sur :
Femme et travail : analyse critique de la problématique de
la parité dans les entreprises publiques à
Lubumbashi, montre que le travail assurant une certaine
indépendance à l'homme a affranchi les femmes travaillant dans
les entreprises publiques. Cependant elle déplore leur nombre qui reste
encore insignifiant à cause du fait qu'elles n'ont pas pu avoir les
mêmes opportunités que les hommes. La scolarisation inégale
entre garçons et filles, la pauvreté,
(1) BUAWA Kadanyi, Genre et égalité
à l'éducation dans le territoire de Luiza. Contribution à
la théorie de management scolaire, Thèse de
doctorat en Sociologie, FSSPA, UNILU, 2011, p.310-316
(2) KAYIBA Bukasa, Femme et travail : Analyse
critique de la problématique de la parité dans les Entreprises
publiques à Lubumbashi, Thèse de doctorat en
Sociologie, FSSPA, UNILU, 2010
8
le mariage précoce et la prostitution figurent parmi
les éléments qui justifient, d'après l'auteur, la faible
représentation de la femme dans les entreprises publiques.
Elle reconnait cependant que beaucoup d'efforts ont
été faits pour améliorer les rapports entre l'homme et la
femme sur le plan de travail surtout dans les entreprises publiques, mais ils
sont encore insignifiants. Elle plaide pour un changement de mentalité.
Elle soutient que l'on doit cesser de considérer la femme comme
étant faible, comme une rivale de l'homme car elle ne vient pas
remplacer l'homme sur le lieu de travail, mais plutôt comme celle qui
vient prester au même titre que l'homme en mettant en valeur ses
capacités tant physiques qu'intellectuelles. Donc la
société congolaise doit apprendre à accepter le travail de
la femme comme une réalité effective et faire tomber tous les
stéréotypes qui le mystifient.
Si dans la vision traditionnelle, la femme devait seulement
rester à la cuisine, entretenir la maison et s'occuper des enfants et de
son époux, avec la modernisation par contre elle évolue aux
cotés de l'homme et est même appelée à intervenir
financièrement à la survie du foyer. A travers une analyse
dialectique elle a montré enfin que le passage du mode de production
lignager au mode de production capitaliste du travail a affranchi la femme de
son état d'infériorité à elle imposé par la
culture traditionnelle. Le travail donne aussi à la femme autant
qu'à l'homme les mêmes avantages et les mêmes
satisfactions.
Pour sa part Fernand Mulang N'daal, dans sa thèse de
doctorat en Histoire intitulée Femme et économie
quotidienne Histoire de la construction de la féminité à
partir des marchés informels lushois(1), montre
que la femme crée et occupe désormais une place dans
l'économie quotidienne. Son rôle économique
prépondérant entraine sur le plan social la
(1) MULANG N'daal F, Femme et
économie quotidienne Histoire de la construction de la
féminité à partir des marchés informels lushois,
Thèse de doctorat en Histoire, UNILU, 2010
(1) GOERG, O., Perspectives historiques sur le genre
en Afrique, Paris, L'Harmattan, 2007
9
recomposition des rôles, du pouvoir et des fonctions.
Son étude montre en outre comment le déclin de l'économie
formelle a poussé les femmes à travailler pour la subsistance du
groupe domestique et à devenir dans beaucoup de cas des chefs de
familles. Il soutient que lorsque les individus sont dans une situation de
survie, ils sont contraints coûte que coûte à la
débrouille. Donc pour lui, le recours à l'économie
quotidienne est dû à l'impossibilité pour beaucoup de
Lushois d'assurer leur propre subsistance et celle de leur famille qui les
oblige à mener de front des activités dans les marchés
informels à travers leurs épouses.
Pour notre part, nous partageons le même point de vue
avec Fernand Mulang N'daal sur le fait que la situation économique
précaire qui s'est manifestée de manière frappante depuis
1990 est à la base d'une nouvelle économie quotidienne ou de la
débrouille dans la dynamique urbaine lushoise. Cependant, en nous
référant à l'approche genre, nous voulons montrer que ces
mécanismes de survie ne sont pas seulement l'apanage des femmes, mais
aussi des hommes. Tous développent des mécanismes qui leur
permettent de s'adapter aux contraintes politiques et économiques.
Odile Goerg(1), dans son ouvrage «
Perspectives historiques sur le genre en Afrique
», montre le rôle très actif des femmes,
c'est-à-dire leur rôle comme agents de bouleversement social dans
la société joola. Ce rôle est même
réaffirmé dans le cadre du mouvement indépendantiste. Sous
des parures conservatoires et une volonté affichée de
préserver leur position, les femmes entraînent, paradoxalement et
- peut-être - à leur corps défendant, de profondes
modifications des rapports de genre. Par leur mobilisation collective face
à des enjeux destructeurs du lien social, leur capacité
d'initiative et leurs stratégies économiques (métiers
urbains de la domesticité et des services), les femmes assument des
dynamiques de
10
changement même si elles ont encore peu d'accès
aux métiers liés à la scolarisation et s'inventent
d'autres voies.
Pour appuyer ses arguments, Odile Goerg note encore qu'en
réponse à leur marginalisation économique ou politique au
Sénégal et à leur position déstabilisée par
l'activisme féminin, les hommes confinent les femmes à leur
rôle traditionnel en faisant appel à leur devoir de mère et
en niant les forces de changement à l'oeuvre. Il n'est donc pas
étonnant que les femmes se positionnent différemment dans le
mouvement indépendantiste. En maintenant la figure de la mère,
venant au secours des enfants en danger, les femmes se mettent en avant dans
les initiatives de paix et dans les efforts pour la survie là où
les hommes se sont avoués incapables.
Ainsi depuis l'époque de la lutte anticolonialiste en
Afrique, le fil rouge de la mobilisation féminine est la protestation
contre les conditions socioéconomiques du pays. Chaque fois que ces
situations socioéconomiques les empêchent de remplir
complètement leur rôle de mère et d'épouse, elles se
mobilisent pour trouver des solutions appropriées et survivre.
Par la diversité des cas et des thématiques,
l'approche genre d'Odile Goerg nous permet par le biais de la discipline
historique de prendre conscience des mutations mais aussi des permanences qui
marquent les rapports de genre.
Cependant, nous pensons, comme Jean Fonkoué, qu'il y a
lieu de se méfier un peu de l'emploi d'une certaine terminologie
relative à la culture traditionnelle dite primitive : «des formules
devenues classiques - ` peuples primitifs' ` sans histoire', `
sociétés segmentaires', etc. comportaient en elles-mêmes de
lourdes équivoques. Des sociétés contemporaines devenaient
` primitives' au même titre que les sociétés
mésopotamiennes aujourd'hui complétement disparues. De telles
formules permettaient ensuite une lecture aisément mécaniste,
évolutionniste et raciste des sociétés africaines. Il est
dans la logique de l'évolutionnisme d'inventer les `étapes
élémentaires` pour
11
dissimuler ses prises de position politique et
idéologique en faveur de l'esclavage et du colonialisme. »(1)
Albertine Tshibilondi Ngoyi(2), à travers
son ouvrage sur « Enjeux de l'éducation de la femme en
Afrique. Cas des femmes congolaises du Kasaï », part
d'un souci de rechercher des solutions susceptibles d'aider au
développement participatif des femmes kasaïennes dans la
perspective genre. Pour ce faire, elle a porté son attention sur
l'impact qu'ont pu exercer les modes de formation traditionnelle et moderne sur
la mentalité des femmes et des possibilités nouvelles de leur
épanouissement, donc leur apport au développement de la
province.
Au terme de ses recherches, Albertine Tshibilondi trouve que
les Kasaïennes, comme toutes les autres femmes africaines, ont en mains le
destin du continent. Néanmoins, sur le chemin de leur
épanouissement se dressent de nombreuses difficultés, notamment
les conditions socioculturelles, les conditions juridiques et la discrimination
dont elles sont victimes dans le domaine de la formation.
Sur ce, elle pense que la libération, la reconnaissance
et le respect des droits fondamentaux des femmes, en général et
des Kasaiennes en particulier, en tant que personnes humaines suppose une
révolution mentale, scolaire et juridique qui les valorise. Ainsi
Albertine Tshibilondi propose que les institutions étatiques et les
Organisations Non Gouvernementales contribuent, en donnant un coup de main pour
l'enseignement des filles et en stimulant les parents, souvent sans revenus,
à envoyer leurs filles à l'école au lieu de
préférer souvent à investir dans les études des
garçons et obliger les filles à des mariages précoces.
Elle préconise concrètement, pour une réelle
autonomisation de la femme de favoriser l'éducation des filles par une
discrimination positive en faveur des filles et des femmes qui leur permettrait
de se former et d'avoir accès aux
(1) FONKOUE, J., Différence et
identité. Les sociologues africains face à la
sociologie, Paris, Silex, 1985, p.144
(2) TSHIBILONDI Ngoyi A., Enjeux de
l'éducation de la femme en Afrique. Cas des femmes congolaises du
Kasaï, Paris, L'Harmattan, 2005, p.212-214
12
autres ressources. Tshibilondi propose également un
encadrement des filles et des femmes par la création des foyers et des
projets socioéconomiques afin d'améliorer leurs conditions de
réussite, de les protéger du mariage précoce et de la
prostitution en facilitant l'accès au travail, en accroissant leurs
droits et leurs revenus.
Albertine Tshibilondi tout comme Buawa Kadanyi se sont plus
apesantis sur l'éducation de la femme et de la jeune fille comme facteur
d'autonomisation de celles-ci par l'amélioration de leurs conditions
soci-économiques, conditions intellectuelles, spirituelles et
éthiques. On peut certes voir se réaliser certaines performances
dans ce domaine. Créer des écoles et facilter l'accès aux
filles ne suffisent pas pour que la condition de la femme dans la vie sociale
soit profondement changée. Peut-être les revenus
génerés par l'instruction et l'éducation de la femme
engagée dans le mode de production capitaliste font voir cette
amélioration, mais il n'est pas sûr que l'opération
améliore sensiblement la situation de la femme dans une
société marquée par la prépondérance
masculine, à Lubumbashi, à Luiza ou dans le Kasai qui a servi de
champ d'investigation de leurs recherches. Rien ne permet d'affirmer que
l'apprentissage d'un métier, d'une science fait absolument retrouver
à la femme le droit à la parole dans la société
où elle vit. Ce genre de prise de position risque de modeler la femme
selon un système dans lequel on lui fait oublier, comme le soulignait
Jean Marc Ela, les injustices qui pesent sur elle. « Certains insistent
unilatéralement sur le rôle primordial de la femme dans
l'éducation, la santé ou l'alimentation de l'enfant comme s'il ne
s'agissait pas là des problèmes du couple. On ne voit pas comment
ces problèmes ne pourraient concerner que la femme quand on sait que les
ressources monétaires de la famille sont habituellement
gérées par l'homme, selon son bon vouloir. Combien des femmes
finissent par vite oublier les nouvelles connaissances acquises parce que le
mari refuse tout changement ? »(1)
(1) ELA, J.M., L'Afrique des
villages, Paris, Karthala, 1982, p.137
(1) BISILLIAT, J. et VERACHUUR, C., Le
genre : un outil nécessaire, Paris, L'Harmattan, 2000,
p.58
13
Pour notre part, l'approche genre a été suivie
dans le travail d'Albertine dans la mesure où il touche au rôle
productif des femmes dans les activités de développement. Mais
nous déplorons cependant le fait qu'elle s'est beaucoup plus appesantie
sur la socialisation de la femme africaine par l'éducation. Nous pensons
montrer comment la précarité des conditions de vie pousse les
hommes tout comme les femmes à une économie de la
débrouille pour la survie de leurs ménages. Ces nouvelles
conditions dans les ménages peuvent servir de catalyseur du changement
social, tel que l'autonomie de la femme. Car les relations de travail tout
comme celles basées sur le sexe changent et desserrent ainsi les
préjugés négatifs à l'endroit de la femme.
Dans leur ouvrage intitulé : Le genre : un
outil nécessaire(1) Jeanne Bisilliat et
Christine Verschuur ont voulu créer un espace de connaissance autour de
thématiques genre et développement, et apporter aux femmes
francophones et bien évidemment aux hommes des outils de
réflexion, cela dans un esprit d'ouverture envers leurs devanciers
anglais, américains et latino-américains. Elles ont repris des
concepts féministes ou en ont forgé des nouveaux pour les adapter
aux situations spécifiques créées par les politiques et
les projets de développement. Elles se présentent comme des
repères intellectuels pour toutes celles et tous ceux qui cherchent,
avec bonne volonté, à comprendre la formidable complexité
du développement afin que leur action soit plus efficace, plus
complète, et non plus source de distorsions socioéconomiques
préjudiciables à tous, ou pire, source de détresses
matérielles et psychologiques.
Ce livre de Jeanne Bisilliat et Christine Verschuur a
l'avantage d'être un outil conceptuel sur la question du genre et
développement. Nous pensons, à travers notre étude,
être beaucoup plus pragmatique en traitant l'approche du genre dans le
paradigme de lutte contre la pauvreté en analysant les stratégies
de survie des ménages dans la ville de Lubumbashi.
14
Abordant encore quelques études de cas, nous citons
l'ouvrage de Luc Sindjoun intitulé : La biographie sociale
du sexe, genre, société et politique au
Cameroun(1). Dans cet ouvrage, Luc Sindjoun
présente le genre comme une configuration qui implique la
nécessité analytique d'historiciser les rapports hommes-femmes
dans leur dimension concrète et imaginaire. Ainsi, il relève que
la domination masculine est une domination qui renvoie toujours à des
significations et des réalités diverses au fil de temps. Il
conclut que le genre est un système d'interdépendances sociales
qui entraîne d'une part la prise en considération des normes et
des significations sociales dans l'action et la perception des individus et
d'autre part, l'analyse des pratiques féminines dans un contexte de
domination masculine.
Pour notre part, nous pensons que la femme congolaise en
général et lushoise en particulier, soumise à
l'accélération vertigineuse de la mondialisation de l'histoire
humaine et de l'évolution des idées et de leur diffusion
instantanée à travers le monde, est encore contrariée par
une vision traditionnelle rétrograde d'écartèlement,
d'exclusion qui paralyse ses efforts. Elle charrie encore aujourd'hui une
conscience erronée d'incapacité, d'irresponsabilité par
rapport à l'homme. D'où notre préoccupation de voir
comment elle doit concilier, avec plus ou moins de bonheur, sa
spécificité constitutionnelle ou biologique de mère,
créatrice de vie, d'épouse et ce que doit être
désormais son rôle dans ce nouveau paradigme du rôle social
qui se dessine depuis un certain temps à Lubumbashi, pour la survie des
ménages.
Presque dans le même sens, nous notons l'ouvrage de
Catherine Coquery-Vidrovitch intitulé : Les Africaines,
histoire des femmes d'Afrique noire du 19e au 20e
siècle(2) . Dans cet ouvrage, l'auteur fait
ressortir deux tendances dans la conception de la femme : celle d'une femme
surchargée par le travail essentiellement basé sur la subsistance
de la famille et celle d'une femme placée dans une économie
monétaire dont les hommes
(1) SINDJOUN, L., La biographie sociale du sexe,
genre, société et politique au Cameroun, Paris,
Karthala, 2000.p.13-15
(2) COQUERY-VIDROVITCH, C., Les Africaines,
histoire des femmes d'Afrique noire du 19e au 20e
siècle, Paris, Des Jonquière, 1994.
(1) BONNARDEL, R.,« Femme et changement
économique et social dans les pays en voie de développement
», in CDVLPT, N°15, Paris, 1983, pp.
525-541.
15
sont bénéficiaires. Et, elle note que les femmes
qui sont exclusivement absorbées par leur fonction de reproduction et de
production pour la subsistance étaient économiquement et
socialement en état de régression.
Nous sommes alors tenté de dire que cette étude
fait une bonne peinture de la condition de la femme lushoise. Car en effet sauf
exception, le rôle de la femme dans les programmes de
développement n'a pas encore été suffisamment
envisagé. Pourtant l'évolution s'est fait sentir là
où la femme a pris rapidement conscience de ses conditions de travail et
surtout l'habitude de se suffire à elle-même. C'est-à-dire
que le changement des mentalités des femmes est particulièrement
important là où elles exercent elles-mêmes plus de
responsabilités. En abordant la question du « Genre et
stratégies de survie des ménages à Lubumbashi », nous
tenons à faire reconnaître et à dénoncer le fait que
la femme lushoise ait vécu depuis longtemps par et pour les autres
seulement. Elle doit donc maintenant se voir donner, au même titre que
son partenaire homme, les mêmes chances au départ de survie et de
réussite personnelle, en explorant ses capacités encore en friche
par la réduction des écarts qui la séparent encore de
l'homme.
Dans cette même perspective Régine
Bonnardel(1) dans son article « Femme et changement
économique et social dans les pays en voie de développement
» souligne que les femmes des sociétés
primitives sont, par-dessus tout, épouses et mères dont la vie
est centrée sur la maison et la famille. Lors du mariage, la femme passe
de l'autorité du père à celle du mari. Elle conclut que
les femmes sont perçues comme des participantes passives dans un univers
social et culturel que structurent les hommes. Elles sont chosifiées par
le fait de leur valeur sexuelle et reproductrice ; placées au rang de
commodités et, comme telles, entièrement subordonnées aux
hommes.
Pour nous, nous comptons montrer à travers cette
thèse que les femmes ne doivent plus être tenues pour longtemps
à l'écart de la
16
production sociale, ou ravalées indéfiniment au
rang de simples et passives consommatrices de la nouvelle civilisation
mondiale. Elles doivent plutôt avoir désormais le contrôle
des forces économiques, sociales et politiques qui gouvernent leurs
activités et leur vie. Car pour une bonne lutte contre la
pauvreté et pour la survie des ménages, les occupations
féminines et masculines doivent être étroitement
imbriquées.
Claude Mwilambwe Mwende, dans son article sur «
Femme et changement social à Lubumbashi
»(1), présente les associations
féminines en général et l'association des « Maman
Kipendano » comme laboratoires du changement social. C'est-à-dire
des espaces au sein desquels les femmes développent des
stratégies appropriées en vue de se promouvoir au rang de
partenaires des hommes dans l'évangélisation et dans la lutte
pour la survie.
Osako Onowamba, dans « Femme et
économie de la débrouille à Lubumbashi, incidence
linguistique »(2) met en exergue la place combien
déterminante de la femme dans les stratégies de survie. Encore,
dans « Kazi et les femmes
lushoises»(3), elle montre que les femmes
lushoises ont compris que le « kazi » ne peut plus être
considéré comme l'apanage des hommes, mais comme « toute
activité impliquant des efforts humains déployés soit par
les hommes soit par les femmes pour satisfaire à un besoin ». C'est
cette conception qui anime maintenant plusieurs Lushoises à
déserter le secteur formel pour s'adonner plus à l'informel. Les
femmes lushoises marquent significativement leur présence dans les
activités informelles. Les Lushoises considèrent actuellement le
« kazi » comme un indéniable facteur de leur autonomie
financière et de leur libération tant du joug économique
de l'homme que des multiples préjugés entretenus en leur
défaveur et pour leur humiliation.
(1) MWILAMBWE Mwende, C., « Femmes et changement social
à Lubumbashi », in Les cahiers du CRESA,
n°Spécial, Juin 2005, ISES/Lubumbashi, pp.409-437
(2) OSAKO Onowamba A., « Femme et économie de la
débrouille à Lubumbashi incidence linguistique», in
Les cahiers du CRESA, n°29, Octobre 2007, ISES/Lubumbashi,
pp.110-145
(3) OSAKO Onowamba A., « Kazi et les femmes lushoises
», In Le travail hier et aujourd'hui Mémoire de
Lubumbashi, Paris, L'Harmattan, 2004, pp.177-189
17
Dibwe dia Mwembu Donatien, dans son ouvrage intitulé :
Bana Shaba abandonnés par leur père : structures de
l'autorité et histoire sociale de la famille ouvrière au Katanga
1910-1997(1), analyse l'histoire de la famille
ouvrière à l'époque de l'Union Minière du
Haut-Katanga et ensuite de la Gécamines. La famille plus que l'individu
- une famille ouvrière centrée sur le père - était
au coeur de l'identité des Bana-Shaba (les enfants du cuivre). Le statut
de salarié marquait la dépendance de l'homme au travail
industriel, tout comme celui de dépendance de la famille à la
condition salariale de son chef. La crise des années 1990 est venue
mettre brutalement fin à l'autorité du travail industriel de la
Gécamines et à celle du chef de la famille, donc du
salarié. Cet ébranlement de la structure familiale à la
suite de la crise connue par la Gécamines a, d'après lui,
donné lieu à l'émergence des familles « matrifocales
», c'est-à-dire des familles au sein desquelles la survie des
ménages dépend dans une large mesure des femmes et de la mise en
contribution des enfants.
Cette étude de Dibwe dia Mwembu aborde le
problème de la survie et de l'autorité familiale. Nous allons
nous en démarquer en abordant l'aspect de la pauvreté dans la
perspective genre. Nous voulons analyser comment la population de Lubumbashi se
débrouille pour la survie de leur ménage. Et dans cette
perspective genre nous analysons les contributions aussi bien des hommes que
des femmes dans la survie des ménages.
4. B. La notion de pauvreté
En ce qui concerne cette notion, nous avons été
intéressé par les travaux d'Esse Amouzou, de Fréderic
Sandron et de Bénédicte Gastineau.
Esse Amouzou(2), dans son ouvrage dont le titre
est: Pourquoi la pauvreté s'aggrave-t-elle en Afrique noire
? analyse les causes de la
(1) DIBWE dia Mwembu, D., Bana Shaba
abandonnés par leur père : structures de l'autorité et
histoire sociale de la famille ouvrière au Katanga
1910-1997, Paris, L'Harmattan, 2001
(2) ESSE Amouzou, Pourquoi la pauvreté
s'aggrave-t-elle en Afrique noire ?, Paris, L'Harmattan, 2009,
p.201-202
18
pauvreté en Afrique noire. Pour lui, la crise
socio-économique qui frappe les populations urbaines africaines
découle de la combinaison des circonstances multiples et variées
: dette intérieure et extérieure, désarticulation de
l'économie, mauvaise exploitation du potentiel humain, gestion
tendancieuse des ressources publiques, lacunes dans la planification et
l'aménagement du territoire, etc.
Face à cette situation de crise, les gouvernements
africains ont envisagé les Programmes d'Ajustement Structurel (PAS)
comme une voie de solution à la conjoncture, comme une solution-miracle
pour la résolution des difficultés auxquelles étaient
confrontés les pays d'Afrique noire et comme outils indispensables
à la croissance économique. Mais à l'analyse de la
situation sur terrain, il s'avère que les programmes d'ajustement
structurel sont allés de pair avec les problèmes qu'ils devaient
combattre et ont même ajouté aux anciennes difficultés de
nouvelles comme le recul des conditions de vie, l'envolée du
chômage, la réduction du pouvoir d'achat, la flambée des
coûts des services médicaux, etc.
Ainsi aux termes d'interprétations des données
des enquêtes menées auprès des populations urbaines
d'Afrique de 1980 à 2000, Esse Amouzou est arrivé à
conclure que les Programmes d'ajustement structurel (PAS), loin de stimuler
l'emploi, n'ont fait qu'arrêter les recrutements des jeunes
diplômés, réduire le volume salarial au moyen des retraites
précoces, des licenciements à tour de bras et de la privatisation
des entreprises publiques. C'est-à-dire qu'au lieu d'encourager la
mobilisation des investissements en faveur de domaines sociaux, les PAS ont
obligé les gouvernements africains à réduire
considérablement les budgets alloués à ces secteurs qu'ils
ont accusés d'être moins rentables. Conséquence : le recul
des conditions d'existence des masses citadines africaines.
Pour lui, les causes qui sous-tendent ce recul des conditions
d'existence sont à trouver dans le décalage entre les PAS et les
spécificités socioéconomiques des populations ; dans la
mesure où l'avènement des PAS a désarticulé le mode
de vie de nombreux africains en introduisant de façon
(1) SANDRON, F. et GASTINEAU, B.,
Fécondité et pauvreté en Kroumire
(Tunisie), Paris, L'Harmattan, 2002.
19
arbitraire des mutations dans les habitudes
économiques, les contraignant à redistribuer leurs revenus sur
les multiples besoins du ménage.
Alors que la vision africaine du développement est
centrée sur l'homme ; « la personne vaut plus que l'argent »,
les PAS n'ont jamais gardé dans leur préoccupation le volet
social. D'où, d'après Esse Amouzou, il faut recentrer les PAS
autour des objectifs de développement à long terme qui
considèrent l'homme à la fois comme la source, l'objet et la
finalité du développement. En d'autres termes, l'homme se trouve
en amont et en aval de la dynamique des mutations quantitatives et qualitatives
des conditions d'existence.
Cette analyse critique de la situation de pauvreté des
pays d'Afrique noire mérite aussi bien l'attention des politiques que
des scientifiques africains. Mais tout en considérant la situation de
bas revenus et tous ses corollaires. Nous voulons, pour notre part,
étudier comment ces Africains noirs, particulièrement ceux de
Lubumbashi se démènent pour la survie de leurs ménages.
Fréderic Sandron et Bénédicte
Gastineau(1), dans leur ouvrage intitulé,
Fécondité et pauvreté en Kroumire (Tunisie)
apportent une contribution à la connaissance de la
relation entre la fécondité et la pauvreté à partir
des données collectées à l'échelle du
ménage, partant d'un parti pris clairement affiché
d'appréhender le ménage comme une unité
décisionnelle dans les domaines économiques et
démographiques. Ils ont voulu savoir si la richesse et la
modernité déterminent des comportements de
fécondité particuliers ou si la pauvreté au coté de
la modernité aussi détermine des comportements opposés.
Après l'analyse de cette question, ils tiennent la
pauvreté comme déterminant majeur de la fécondité
et la considère comme une composante de stratégies familiales
dans le contexte de pauvreté. Donc, parmi les nouvelles
stratégies de prévention contre les chocs de tous ordres,
(1) ADUAYI Diop R., Survivre à la
pauvreté et à l'exclusion. Le travail des adolescentes dans les
marchés de Dakar, Paris, Karthala, 2010.
20
le travail féminin en est une et essentielle. Que ce
soit pour participer au revenu familial ou pour soutenir ses parents
âgés, la femme acquiert un statut nouveau dans la sphère de
la production et n'est plus cantonnée à celle de la reproduction.
Sa capacité à occuper un emploi et sa loyauté induisent
des changements de mentalité et de configuration dans l'organisation du
travail familial qui rejaillissent sur les comportements de
fécondité.
Dans la région de Kroumire, en Tunisie, la
scolarisation des jeunes enfants, la réduction de la
préférence pour les enfants de sexe masculin, le travail des
filles et la baisse de la fécondité sont
interprétés comme des conséquences de la lutte contre la
pauvreté que comme la volonté d'accéder à des
valeurs véhiculées par la modernisation.
4. C. La notion de survie des
ménages
Au sujet de cette notion, nous avons retenu les travaux de
Rosalie Aduayi Diop, de César Nkuku Khonde, de Pierre Petit et de
Raphaël Bushabu Piema Kuete.
Rosalie Aduayi Diop(1) dans son ouvrage
intitulé : Survivre à la pauvreté et à
l'exclusion. Le travail des adolescentes dans les marchés de Dakar,
fait remarquer qu'à l'instar du travail des enfants et des
femmes, celui des adolescentes constitue un phénomène complexe et
difficile à saisir puisqu'il prend des formes multiples et
variées. Il suscite des controverses et des condamnations excessives, au
point qu'on se demande de fois s'il faut le tolérer, l'interdire ou
l'éliminer ? Elle pense que la réponse catégorique
à ces questions par oui ou par non réduirait ce
phénomène social complexe dans un espace géographique,
socioculturel et conjoncturel spécifique et à une vision
incomplète et simpliste. Elle invite plutôt le scientifique
à une analyse fine.
Après une enquête qui lui a permis d'entrer en
contact avec la réalité du phénomène et de
rencontrer les adolescentes, elle est arrivée à
(1) NKUKU Khonde C. et REMON, M., Stratégies
de survie à Lubumbashi (R-D Congo), Paris, L'Harmattan,
2006
21
relativiser les jugements et récuser certains a priori,
en reconnaissant les pièges d'une sociologie spontanée. Pour
elle, l'étude des conditions de travail montre également qu'il
est impossible aujourd'hui d'étudier les réactions des
adolescentes à partir de théories objectives. Car cet exercice
demande aussi une prise de distance par rapport aux idées
préconçues et amène à une lecture plus globale du
travail des enfants et des adolescentes. C'est ainsi que certains scientifiques
ont relayé certaines ONG qui se sont basées sur des images
négatives, choquantes et parfois intolérables des adolescentes
pour parler de l'exploitation des enfants et arriver à la stigmatisation
des familles.
Elle pense que cette démarche vise une
représentation négative de l'Afrique comme « une Afrique
perdue », entretenue par un courant « afro pessimiste » qui ne
projette que des images d'apocalypse, de corruption, de tristesse, de
consternation, d'humiliation, de misère et de guerre en occultant
l'autre Afrique et ses dynamiques, les capacités d'innovation, les
formes de créativités, les stratégies des femmes et des
enfants. Pour elle donc, les femmes, les enfants et même les adolescentes
considérées à tort comme maillons faibles de la
société s'investissent massivement dans les activités
informelles dans les villes africaines pour lutter contre la pauvreté et
pour améliorer leurs conditions de vie et oeuvrer contre le processus
d'exclusion. C'est pourquoi elle recommande également de faire une
différence entre l'exploitation et le travail.
Pour leur part, César Nkuku Khonde et Remon Marc, dans:
Stratégies de survie à Lubumbashi (R-D
Congo)(1) montrent que bien que le salaire reste la
source principale du revenu ménager, l'emploi n'offre plus les
mêmes avantages. Le salaire, souvent irrégulier, ne suffit plus
pour couvrir les dépenses ordinaires d'un ménage moyen. Il laisse
de plus en plus la place au petit commerce, aux activités
libérales et à l'agriculture. La débrouille est devenue la
source secondaire à laquelle recourent la plupart des ménages
pour augmenter leur revenu ménager, surtout qu'en milieu urbain la
solidarité
22
africaine hors famille tend à disparaître pour
faire place à l'individualisme urbain. Plus que par le passé, la
femme prend une part active dans la constitution du revenu ménager. En
plus des travaux domestiques, elle s'est engagée dans la
débrouille en faisant du petit commerce, de petits travaux, de
l'agriculture et bien d'autres activités. Ces activités lui
permettent de financer l'alimentation du ménage, la santé et la
scolarisation des enfants et l'achat de quelques biens domestiques.
A travers une analyse scientifique bien fouillée les
auteurs qui rendent compte des résultats d'une enquête
socioéconomique faite sur la population de la ville de Lubumbashi en
Août 2002, trouvent que cette population est majoritairement jeune,
pendant que le marché de l'emploi disparaît progressivement, le
niveau de vie s'amenuise davantage et les charges sociales de la population
adulte deviennent de plus en plus importantes. D'où le
développement par la population des différentes stratégies
pour survivre à la crise socioéconomique qui secoue la ville de
Lubumbashi.
En rapport à l'étude de César Nkuku et
Remon Marc, nous savons que la profession exercée est un indicateur du
niveau de vie d'un ménage, du moins un indicateur de ses ressources pour
vivre ou survivre. Mais dans cette thèse, il ne s'agit pas seulement de
la profession réelle mais de toute occupation génératrice
des revenus pour l'individu. Car la notion de profession nous obligerait
à limiter celle-ci aux personnes ayant l'âge permis pour exercer
un travail dans la société.
En outre, en abordant la question de survie des ménages
dans l'approche genre nous voulons montrer que la lutte contre la
pauvreté ne peut être gagnée que lorsque les
différences entre les sexes seront reconnues et
considérées comme complémentaires et que
l'élément culturel du genre sera compris dans son contexte
spécifique. Concrètement, cela signifie qu'il faut affronter les
pratiques discriminatoires qui excluent la femme des processus du
développement.
23
Louvrage publié sous la direction de Pierre Petit,
intitulé : Ménages de Lubumbashi entre
précarité et recomposition(1), montre
que le visage qu'affiche aujourd'hui la ville de Lubumbashi est
différent de celui d'hier. De nouvelles habitudes, bonnes ou mauvaises,
ont bousculé et archivé d'anciennes, mauvaises ou bonnes ; des
habitations ont remplacé des espaces verts qui faisaient jadis la
fierté de Lubumbashi. Concernant le monde du travail, l'ouvrage
relève la diminution significative de la proportion de travailleurs
salariés depuis le début de la crise en novembre 1973,
l'accroissement du nombre des chômeurs, l'expansion de l'économie
informelle. Il soutient, après l'observation et l'enquête
menée auprès de 84 ménages en 2000 avec une équipe
de chercheurs à Lubumbashi, que l'informel est ici la soupape de
sécurité du formel. Car le travailleur salarié,
lui-même ou son épouse ou encore un autre membre de sa famille
doit exercer des activités commerciales informelles pour la survie du
ménage. Il montre, en outre, que longtemps protégée de la
crise grâce à sa rente minière et à ses puissantes
entreprises de modèle paternaliste, Lubumbashi a vécu son grand
déclin depuis les années 1990, suite à l'effondrement de
l'industrie minière et aux contrecoups d'une transition politique
avortée. Les Lushois durent alors composer avec les voies de
l'économie seconde. Les salariés se
métamorphosèrent en petits trafiquants, en néo
agriculteurs voire en « choqueurs » vendant leurs services pour
assurer le seul repas familial quotidien.
Nous pouvons ajouter que l'escroquerie, le détournement
des biens des entreprises, la surfacturation etc sont autant des pratiques
auxquelles recourent des salariés comme activités informelles sur
le lieu de travail pour relier les deux bouts du mois.
La préoccupation de Pierre Petit sur les conditions de
vie des ménages rencontre certes notre souci, mais nous pensons pour
notre part
(1) PETIT, P. (Dir),
Ménages de Lubumbashi entre précarité et
recomposition, Paris, L'Harmattan, 2003
(1) BUSHABU Piema Kuete R., Famille et
urbanité à Lubumbashi, Thèse de doctorat en
Sociologie, Lubumbashi, FSSPA, UNILU, 1994.
24
analyser cela dans l'approche genre afin de valoriser les
efforts de tous : hommes, femmes, enfants et tout autre intervenant dans le
cadre du ménage quant à la recherche des voies et moyens pour
survivre dans une situation de pauvreté, comme celle que connaît
depuis un temps la ville de Lubumbashi.
Dans sa thèse de doctorat en Sociologie sur Famille et
urbanité à Lubumbashi, Raphaël Bushabu Piema
Kuete(1) montre à travers une étude fouillée
sur 300 familles tirées de l'agglomération urbaine de Lubumbashi
que la stagnation de l'activité économico-industrielle,
l'augmentation des taux de chômage, la détérioration de
l'état de santé et l'insuffisance de transports intra-urbains
à Lubumbashi constituaient quelques unes des preuves manifestes de la
crise économique au Zaïre (actuellement République
Démocratique du Congo) en général et à Lubumbashi
en particulier et ont été aussi vécus comme des
épreuves personnelles et comme enjeux collectifs de l'existence
familiale en milieu urbain lushois. Cette situation a eu comme
conséquences, l'exode rural des jeunes et des familles entières,
la dislocation familiale et clanique, l'abandon des traditions et des moeurs
anciennes, le relâchement de l'autorité du chef de famille,
l'inadaptation des parents et des enfants aux nouveaux modèles et styles
de vie. Ainsi devant ce manque d'encadrement familial et une carence dans la
surveillance et le contrôle social primaire exercé jadis par le
clan et la tribu, suite à l'insuffisance des moyens financiers,
matériels et culturels que lui offre la société nationale
(Zaîroise), la famille abandonnée à elle-même
utilise, par l'entremise de ses membres, toutes les voies, même
illicites, pour satisfaire ses besoins et réaliser ses projets
d'avenir.
Il soutient, en outre, que l'existence familiale à
Lubumbashi se trouvait théoriquement confrontée aux
problèmes situationnels liés à une urbanité
inégalement et/ou incomplètement vécue. Ainsi va-t-il
retenir comme hypothèse de recherche ce qui suit : « L'urbanisation
étant inégalement
25
répartie, les différences dans les modes de
comportements socio-familiaux face aux problèmes éco-urbains sont
partiellement liées, d'une part, aux particularités urbanistiques
de chaque quartier de résidence et, d'autre part, aux
spécificités matérielles, formelles et mentales de chaque
famille »(1). En cas de marginalité familiale, celle-ci
ne serait qu'une singularité conséquente de la marginalité
urbaine répartie différentiellement dans le temps et dans
l'espace ; laquelle marginalité ne constituant elle-même qu'un cas
particulier de la marginalité d'un système social global, au
niveau national, international ou mondial.
Enfin, Il a démontré que la famille étant
non seulement une cellule-mère de la société, mais
également une écostructure en situation dialectique dans toute
totalité sociale, tout problème social ou toute crise
sociomatérielle, socioformelle et sociomentale provoque des
réactions comportementales typiques du groupe familial pour sa survie.
C'est donc dans ce cadre qu'il a essayé de saisir les stratégies
et les comportements de la famille dans la lutte pour la survie quotidienne en
s'appuyant sur le concept urbanité de subsistance, qui d'après
Bresse G. signifierait une économie de subsistance.
Gabriel Kalaba Mutabusha(2), dans «
Le travail hier et aujourd'hui. Transformation du corps social
urbain » montre que bien que la ville de Lubumbashi est
née du travail industriel: aujourd'hui, elle a pris une autre
destinée. Elle est devenue une ville cosmopolite à la fonction
principale politico-administrative, celle d'être ville parlementaire et
chef-lieu de la province du Katanga. Sa population n'est plus uniquement
constituée des travailleurs industriels, et le travail lui-même
n'est plus ce qu'il était auparavant. Hier, 85% de sa population active
étaient constitués de salariés. Aujourd'hui, cette
population est tombée à 42% et tout le monde cherche la
(1) BUSHABU Piema Kuete R., op. cit,
p.23
(2) KALABA Mutabusha G., « Le travail hier et
aujourd'hui.Transformation du corps social urbain », In Le
travail hier et aujourd'hui Mémoire de Lubumbashi, Paris, L'Harmattan,
2004, pp.126-141
L'approche genre développée par Buawa Kandanyi,
Kayiba Bukasa, Mulang Ndaal, Odile Goerg, Tshibilondi ou Luc Sindjou tend
à
26
survie dans les activités informelles. Le travail
formel ne suffit plus à réaliser le bien-être
matériel et social des gens. Et un homme sans travail n'est plus qu'un
paria.
Nous pensons que l'auteur, au nom de cette obligation sociale
et éthique qui pousse les gens à chercher leur valeur par
l'exercice d'un travail rénuméré, devait aussi analyser
d'autres aspects qui amènent les gens à la misère et
à la perte de valeur sociale, c'est, par exemple, des sanctions
punitives infligées à certains chefs de ménages consistant
à la privation totale ou partielle de salaire les dépouillant
ainsi de moyens pour subvenir tant soit peu aux besoins de leurs
ménages. Dans le même cadre aussi analyser la pratique injuste au
vu et au su de tout le monde, consistant pour certains à occuper, on ne
sait pas au nom de quelle loi, deux ou trois voire quatre emplois sans en avoir
réellement l'exclusivité de la compétence, pendant que
d'autres compatriotes en cherchent ne fût-ce qu'un seul pour la survie,
mais n'en trouvent pas et deviennent, donc sans le vouloir et sans être
incompétents, de traînes-misères.
Pour notre part, l'analyse basée sur l'approche genre
bien que reconnaissant qu'il y a une différence dans les besoins
spécifiques de l'homme et de la femme, - et que la femme
représente un groupe discriminé et défavorisé par
rapport aux hommes, exprime surtout la volonté de concrétiser
l'égalité entre l'homme et la femme. L'intégration de
cette approche permet d'évaluer les incidences de l'activité de
la femme, de l'enfant et de l'homme dans un processus de lutte pour la survie
du ménage. Il s'agit d'une stratégie visant à incorporer
les préoccupations et les expériences tant des femmes que des
hommes.
Cette revue de la littérature nous permet à ce
point d'envisager une synthèse théorique.
27
montrer le rôle productif de la femme dans les
activités de développement. Mais tout en restant dans cette
perspective, nous voulons montrer comment la précarité des
conditions de vie, tout comme la situation de bas revenus et ses corollaires
qu'analysent Esse Amouzou, Fréderic Sandron, Bénédicte
Gastineau, etc., pousse aussi bien les hommes que les femmes et les enfants de
Lubumbashi à une économie de la débrouille pour la survie
de leur ménage. En plus, nous voulons aussi montrer comment ces
nouvelles conditions de vie des ménages ont servi de catalyseur au
changement social, tel que l'autonomisation de la femme. La femme lushoise a,
grace à l'autonomisation, abandonné l'image de la femme-meuble de
la maison, « lido ya ndako » en lingala,
c'est-à-dire « le rideau de la maison » pour retrouver son
rôle productif traditionnel, celui de `'femme des champs et des
rivières`'. Par ailleurs, bien que César Nkuku, Pierre Petit et
Bushabu reconnaissent la profession comme indicateur du niveau de vie des
ménages, nous allons exploiter toutes les activités
génératrices de revenus comme stratégie de survie. Car la
profession nous obligerait à tenir compte de l'âge légal,
et dans certains cas, l'autorisation d'exercer un travail
rémunéré (emploi).
5. Problématique
Dans les pays africains en général et en
République Démocratique du Congo en particulier, les ressources
humaines sont abondantes et peuvent ainsi constituer un facteur de croissance
si des politiques économiques appropriées permettent de
mobiliser, dans des activités productives, toute la main-d'oeuvre
potentielle. Cette dernière, on le sait, est constituée en
majorité des femmes qui, malgré leur nombre, sont moins
nombreuses que les hommes à investir effectivement le marché du
travail. Cependant que la communauté internationale a, depuis longtemps,
pris conscience de cette inégalité. Elle a, à plusieurs
reprises, souligné l'importance de l'activité féminine
dans le développement (Conférence
28
Internationale sur la Population et le Développement de
1994 au Caire(1), Conférence mondiale sur les
femmes(2) : lutte pour l'égalité, le
développement et la paix tenue à Beijin du 4 au 15 septembre
1995)
En République Démocratique du Congo, la prise de
conscience de l'importance de la participation des femmes à
l'activité économique se traduit au niveau national par de
nombreux débats et travaux sur l'élaboration de la politique
nationale du genre et par l'intégration de cette politique dans les
stratégies nationales de lutte contre la pauvreté.
Pourtant, en dépit du rôle reconnu important de
la femme dans le développement économique, la femme africaine en
général et congolaise en particulier occupe toujours une position
défavorable sur le marché du travail, au point que sa situation
de précarité économique soulève un sérieux
problème de survie de ménages.
La République Démocratique du Congo, à
croire l'étude de Pierre Petit, traverse une profonde crise
multidimensionnelle depuis le début des années 1970. Celle-ci
s'est amplifiée au début des années 1990, période
de transition politique. La Générale des Carrières et des
Mines, poumon et thermomètre de l'économie congolaise, est
pratiquement en faillite. L'état de
(1) La conférence internationale sur la population et
le développement a fait suite au sommet de la Terre de Rio, dans le but
de consolider les principes du développement durable. Elle a
été marquée par un consensus signé par 179 pays,
pour la promotion d'un programme d'action étalée sur 20 ans. Elle
s'est fixée trois principaux objectifs au cours de cette période
: - la réduction de la mortalité infantile et maternelle, -
l'accessibilité universelle à l'éducation
(particulièrement pour les filles), - l'accessibilité universelle
aux soins en matière de santé reproductive avant 2015.
http.//www. cms.unige ch>...>confrences site mobile- consulté le
22 mars 2014
(2) Les thèmes principaux : la promotion et
l'autonomie de la femme dans les contextes suivants : les droits fondamentaux
de la femme, les femmes et la pauvreté, les femmes et la prise de
décisions, la fillette, la violence à l'égard des femmes,
et autres problèmes préoccupants. Les problèmes
soulevés dans le programme d'action de la Conférence de Bejin
sont universels. Des attitudes et pratiques pronfondement enracinées
perpétuent l'inégalité et la discrimination à
l'égard des femmes, tant dans la vie privée que publique, partout
dans le monde. En conséquence, l'exécution du programme d'action
exige des changements de valeurs, d'attitudes, de pratiques et de
priorités à tous les niveaux. Elle s'engageait résolument
en faveur de normes et critères internationaux pour
l'égalité entre l'homme et la femme ; les mesures visant à
protéger et promouvoir les droits fondamentaux de la femme et de la
fillette, qui font partie intégrante des droits universels de la
personne, doivent servir de base à toute action ; et qu'il faut
réorienter les instrictions à toutes les institutions pour
accélérer la mise en oeuvre. http.//
www.un.org. > daw> bejing> pdf
consulté le 22 mars 2014
29
santé économique du pays en
général et de la ville de Lubumbashi en particulier est
défectueux. La population des salariés a beaucoup diminué
et la proportion de sans-emplois a considérablement augmenté. Les
véritables salariés n'existent quasiment plus. Les revenus ne
sont plus assurés et les dépenses ne sont plus planifiées.
Le chef de ménage n'est plus l'unique ravitailleur du ménage.
Tout le monde compte sur la participation de tous et sur la capacité
créatrice de chaque membre du ménage. Les Lushois achètent
et vendent souvent selon ce qu'ils possèdent à un moment
précis. Donc la vie à Lubumbashi devient de plus en plus
difficile.
Dénonçant ce qu'il appelle « le cancer de
la Macromafia » qui se manifeste dans le coeur de la République
Démocratique du Congo, Aimé Mukena montre comment aujourd'hui la
population congolaise se compose de trois catégories de population : la
population Serve, la population Cadre et la population Low Level Corruption.
Pour lui, La population Serve est la plus importante en terme numérique,
car elle s'élève à plus de 70% de la population
congolaise. Elle est constituée des misérables, des
nécessiteux, et autres pauvres, doublés par quelques
débrouillards qui luttent contre la pauvreté. La population
Cadre, quant à elle, se compose d'une minorité de fonctionnaires
de l'Etat et qui croient encore fermément en l'avenir de leur Nation.
L'auteur place Joseph Kabila comme chef de file de cette population. Il est
suivi de près par une minorité sectorielle composée des
Députés et Sénateurs, des Ministres, de Chefs
d'entreprises et une certaine frange des responsables des services publics de
l'Etat, bref des catégories des survivants qui n'attendent pas la venue
du messie mais se constituent eux-mêmes en messies. La troisième
catégorie, à l'opposé des deux populations
déjà décrites ; la Low Level Corruption (LLC), est la
population la moins nombreuse. Cette véritable minorité qu'il
qualifie d'une sorte de société secrète où quelques
esprits tordus parmi ceux qui assurent la direction ou le contrôle des
affaires d'Etat et quelques cerveaux qui n'observent pas l'hygiène de la
morale décident de se fondre dans une même classe
économico-politique qui n'appelle ni conflit ni affrontement. La LLC est
composée
30
essentiellement d'un peu de tout : quelques intelligences de
l'Armée, de la police, de la sûreté de l'Etat, de
l'Immigration, de la Réprésentation nationale, du Gouvernement
central et des Institutions provinciales. Cette catégorie de la
population, souligne Aimé Mukena, poursuit un double objectif :
accéder à l'enrichissement facile via l'action politique pour les
hommes politiques et, pour les Mafiosi, obtenir la protection de l'Etat via
l'argent sale afin d'opérer à toute aise.
Cependant Aimé Mukena note encore l'apparition des
nouveaux pauvres dont on ne parle pas encore assez : « on
parle aussi beaucoup de ce qui a fondamentalement changé dans notre
espace social local. Les médias présentent un tableau optimiste
et souvent fanatisé d'une société en plein essor
définitivement débarassée de dictatures d'Etat, des
guerres d'agression et des forces négatives, du centralisme politique et
économique, etc. Mais ce que l'on ne présente pas souvent, c'est
le déclin inexorable du statut des hauts fonctionnaires de l'Etat. On a
peur de dire à haute voix que leur situation est en train de se
dégrader dangereusement et que le requiem pour ces nouveaux pauvres est
déjà entonné. On ne s'est guère étendu sur
l'accélération des rythmes de la précarité et de la
pauvreté qui ôte aux hauts fonctionnaires de l'Etat toute
possibilité de vivre dignement du fruit de leur statut d'agents
hautement qualifiés. Aujourd'hui, la déqualification du statut du
professeur d'université, du médecin, du magistrat favorise
l'émergence d'une nouvelle couche de la population congolaise qui a
basculé définitivement dans la pauvreté. Avec un revenu
mensuel de 600$US, le professeur d'université se contente
misérablement de 20$US par jour. De la sorte, son passage du statut du
haut fonctionnaire à la précarité et à la
pauvreté altère dans son essence sa propre relation à la
vie et à la dignité
humaine. Cela explique, peut-être, pourquoi aujourd'hui
un nombre grandissant de professeurs, de médecins, de juges
n'agissent plus que
31
comme débrouillards qui vendent leurs services aux
clients en dehors de toute norme déontologique. »(1)
Face à cette situation, les femmes Lushoises- au moins
certaines d'entre elles- semblent plus aptes à saisir des niches
économiques pour la survie du ménage. Aujourd'hui, elles jouent
un rôle décisif pour la survie de leurs ménages grâce
aux revenus souvent acquis suite à toute une gamme d'activités
informelles. Ainsi peut-il advenir un certain renversement des rapports de
genre à l'intérieur des ménages.
Au vu de tout ce qui précède, nous voulons dans
cette thèse, étudier l'émergence de ce nouveau
modèle de rôle social de la femme Lushoise à travers
l'approche genre, et dans un contexte de crise économique qui la
condamne, elle et son ménage, à vivre dans la pauvreté.
Alors, les questions ci-après exigent des réponses:
? Comment les ménages de Lubumbashi se
démènent-ils pour survivre dans cette situation de
pauvreté presque généralisée?
? Quel est l'apport de la femme, des enfants et des autres
acteurs au sein du ménage dans ce mécanisme de survie?
? Que faire et que proposer ?
6. Hypothèses et thèse de
l'étude
Au regard de cette problématique, nous avons
tenté d'apporter quelques réponses provisoires qui, du reste,
sous-tendent notre thèse dans cette dissertation.
En rapport à la question de savoir comment les
ménages de Lubumbashi se démènent pour survivre, nous
disons que la crise économique multidimensionnelle et la pauvreté
auxquelles les populations de la ville de Lubumbashi sont confrontées
durant plus de deux décennies maintenant, ont
(1) MUKENA, A., J'accuse! Motion
incidentielle adressée à l'Assemblée
plénière contre les cancers politiques qui gangrènent la
RDC, Louvain-la-Neuve, Lajino, 2010, p.346347
En outre, les interactions entre les ménages, les
marchés et les institutions expliqueraient la structure de rythme
d'accroissement de taux
32
induit des stratégies nouvelles tendant à faire
non seulement face à l'effritement du tissu social mais également
aux difficultés croissantes à un niveau plus individuel. Ainsi,
pour faire face aux multiples facettes de la pauvreté, les
ménages de Lubumbashi tenteraient de renforcer les stratégies
individuelles par une assise collective qui consisterait à mobiliser
l'ensemble des actifs dans la quête des moyens de subsistance, afin de
mieux faire face à la pauvreté.
Dans cette recherche des moyens de survie que d'aucuns
récuseraient un bouleversement du rôle social de l'homme et de la
femme à travers la pluriactivité, la mise au travail de quasiment
toute la famille, une forte croissance de l'emploi informel, l'extension des
cultures vivrières pour atteindre l'autosatisfaction des besoins
alimentaires constitueraient les différentes stratégies de survie
pour les ménages de Lubumbashi.
Quant à l'apport de la femme dans la recherche des
moyens de survie, nous pensons, contrairement à la théorie du
capital humain, que l'accroissement de la participation de la femme à
l'activité économique, surtout dans les ménages pauvres
serait lié au processus de lutte pour la survie quotidienne qui
entraîne une mobilisation de toute la main-d'oeuvre disponible,
même celle des femmes faiblement qualifiées ou celles des
ménages nantis. C'est cela la théorie des stratégies de
survie, à laquelle nous adhérons dans cette thèse. Donc,
à Lubumbashi comme dans d'autres villes de la République
Démocratique du Congo où sévit la pauvreté,
l'option pour la débrouille, résulterait des mécanismes de
survie. Les stratégies économiques de survie consisteraient donc
en un réaménagement des fonctions à l'intérieur des
ménages, en accentuant la participation économique de tous ou de
la plupart des membres : le père, la mère, les enfants, voire
même les mineurs, et les corésidents et permettraient dans la
grande majorité des cas de compenser les salaires et dépenses
mensuelles incompressibles des ménages.
33
d'activité féminine. Lorsqu'une femme
décide de travailler en dehors du foyer, c'est en raison à la
fois de l'évolution de ses propres revenus et de l'évolution des
revenus de son ménage. Lorsque les signaux donnés par le
marché, les institutions formelles et la progression des revenus
assemblent leurs effets pour appuyer la participation de la femme, la
parité entre les hommes et les femmes peut s'améliorer et, de
fait, s'améliorer très rapidement. Cette amélioration
dépendrait aussi de l'évolution des institutions informelles,
notamment les normes sociales qui décident ce qui est
considéré « approprié » pour les hommes et les
femmes.
L'approche genre à laquelle souscrit cette thèse
s'inscrit donc dans le cadre des programmes d'amélioration de la
condition de la femme. Cette condition va du respect accru de la part des
hommes à la reconnaissance en tant que membre apportant une contribution
importante à la société. Donc, on ne peut aujourd'hui
parler des stratégies de survie des ménages en sous-estimant le
rôle fondamental du genre dans l'amélioration de la condition de
la femme.
Sur ce, une action permemente et collective de la femme
à l'égard du marché et des institutions tant formelles
qu'informelles permettrait de changer les normes qui renforcent les
inégalités entre les sexes et une bonne amélioration des
conditions de vie des hommes et des femmes.
7. Méthodologie de la recherche
7.1. Méthode de recherche
La méthode de recherche revêt une importance
capitale dans le processus de production des connaissances. Car comme
l'écrit Buawa, « il n'y a pas de connaissances scientifiques qui ne
se construisent sans assises méthodologiques. Le savoir est fondé
sur la méthode, il fait corps avec elle dans la mesure où elle
détermine et construit les énoncés relatifs à
toutes les questions que soulève une discipline. La méthode ne
constitue pas seulement
34
l'arrière fond des analyses sociologiques. Elle est
aussi elle-même un domaine d'études pour les sociologues
»(1).
La méthode est définie par Roger Pinto et
Madeleine Grawitz comme étant la démarche rationnelle de
l'entreprise pour arriver à la vérité. C'est un ensemble
d'opérations intellectuelles par lesquelles une discipline cherche
à atteindre les vérités qu'elle poursuit, les
démontrer et les vérifier(2). Maurice Duverger, quant
à lui, soutient que la méthode est toute démarche
scientifique qui est un mode de raisonnement théorique et qui aide le
chercheur à étudier un sujet donné.(3) KAMBAJI
wa Kambaji la considère comme une démarche d'esprit, un mode de
raisonnement et de combinaison d'un ensemble cohérent
d'opérations, de principes et de stratégies qu'un chercheur doit
adopter (...) et appliquer tout au long de sa recherche pour une intelligence
approximative de la réalité sociale(4). En effet, bien
que la sociologie dispose des méthodes spécifiques sur lesquelles
un bon nombre de chercheurs réfléchissent constamment, mais comme
le note Bushabu Piema Kuete « la méthode n'est pas susceptible
d'être étudiée séparément des recherches
où elle est employée, ou du moins, ce n'est là qu'une
étude morte incapable de féconder l'esprit qui s'y livre. On
devrait donc considérer que si le choix de la méthode contient
une part d'arbitraire, ce choix est principalement dicté par les
questions que le chercheur se pose et que la recherche
soulève.(5) La notion de méthode tout comme celle de
théorie, reste relative car toute méthode est méthode de
problèmes précis, de même toute théorie est
théorie de phénomène précis. De la sorte, tout
praticien doit être à lui-même son propre théoricien,
ce qui revient à dire qu'il doit être un artisan
(1) BWAWA Kadanyi, Op. Cit, p.25
(2) PINTO R, et GRAWITZ, M., Méthodes des
sciences sociales, Paris, Dalloz, 1971, p.360.
(3) DUVERGER, M., Méthodes des Sciences
Sociales, Paris, PUF, 1961, p.40
(4) KABANJI Wa Kabanji., Epistémologie du
Kambajisme, Lubumbashi, Ed. Dialectique, 1997, p.9
(5) BUSHABU Piema Kuete R., Famille et
urbanité à Lubumbashi, Thèse de doctorat en
Sociologie, FSSPA, Lubumbashi, UNILU, 1994, p.23
35
intellectuel »(1). Ainsi considérant
notre objet d'études nous avons opté pour la méthode
dialectique, plus précisément de la méthode dialectique
marxiste.
Avant de justifier le choix de cette méthode et de dire
en quoi elle consiste dans le cadre de cette étude, il convient d'abord
de préciser la théorie sur le marxisme.
Le marxisme est, d'après le Dictionnaire Universel, une
théorie selon laquelle la réalité fondamentale est
matière et que toute autre réalité y est d'une
façon ou d'une autre réductible(2). La matière
est, d'après le marxisme, toujours en mouvement et obéit aux lois
entendues comme des liaisons entre les phénomènes établies
par la nature interne des phénomènes se trouvant en
corrélation. Ce mouvement de la matière obéit, selon le
marxisme, à quatre lois : la loi de la connexion universelle ou la loi
de l'action réciproque, la loi de la conversion des changements
quantitatifs en changements qualitatifs, la loi de l'unité et de la
lutte des contraires, la loi de la négation de la négation.
Le matérialisme est donc inséparable du
caractère dialectique de la matière dont la
propriété essentielle est le mouvement. Et que la matière
n'est matière qu'en se transformant, en s'aliénant, qu'elle
contienne des contradictions et qu'elle est unie à une pratique qu'elle
permet d'organiser et de transformer.
Confirmant ce caractère dialectique du marxisme,
Bernard Chavance, dans son ouvrage sur Marx et le capitalisme. La
dialectique d'un système note que l'oeuvre de Marx recèle
plusieurs schémas de l'évolution historique qui, malgré
leurs différences, voire leurs divergences, ont en commun la
thématique évolutionniste et celle d'une dialectique du
progrès(3). Lui-même Marx dans la préface du
Capital écrit que le but de son ouvrage est
(1) BUSHABU Piema Kuete R., op. cit.,
p.23
(2) Dictionnaire Universel, Paris,
Hachettes-Edicef, 1999, p.52
(3) CHAVANCE, B., Marx et le capitalisme. La
dialectique d'un système, 2e édition,
Paris, Armand Colin, 2009, p. 16
36
« de dévoiler la loi d'évolution
économique de la société moderne », et précise
que sa perspective consiste « à appréhender le
développement de la formation économico-sociale comme un
processus historique naturel ».(1) Pour le marxisme, la
succession des formes et des modes de production dans l'histoire, à
travers les contradictions structurelles (forces productives/rapports de
production) et sociales, constitue un mouvement complexe mais progressif.
C'est ainsi qu'en analysant l'émergence d'un nouveau
modèle de rôle social de la femme lushoise dans un contexte de
crise économique qui la condamne à vivre dans la pauvreté
avec son ménage, nous recourons à la méthode dialectique
marxiste. Car d'après le marxisme, la vie en société, son
développement et les idées que les hommes créent, sont
déterminés par les conditions matérielles qui affectent le
mode de production.
Pour Bernard Chavance, « la production est le point de
départ de la théorie économique de K. Marx. Forces
productives, rapports de production, mode de production : tels sont les grands
concepts explicatifs du système économique et de sa dynamique.
Dans son introduction à la critique de l'économie politique
(1857), il note que la production, la distribution, l'échange et la
consommation constituent divers moments d'une totalité, `' des
différences au sein d'une unité» entre lesquelles s'exerce
une action réciproque. Toutefois, la production est le moment
déterminant : les rapports de répartition sont
conditionnés par les relations établies dans la production ; la
consommation suppose la production, l'échange étant le mouvement
intermédiaire entre ces deux moments »(2).
Chavance souligne aussi que « Dans la vision marxiste, la
production doit être considérée dans le temps, comme un
processus répété : c'est la reproduction. Dans ce
mécanisme de production et de reproduction une double dimension est en
jeu: la dimension matérielle, qui concerne les produits en tant que
choses, et la dimension sociale, celle des rapports
(1) MARX, K. Le Capital, Livre 1,
Paris, PUF, Collection « Quadrige », 2006, p.6
(2) CHAVANCE, B., Op. Cit, p. 13
37
sociaux entre individus ou classes »(1). C'est
ainsi que l'analyse de la pauvreté, genre et stratégies de survie
des ménages dans la ville de Lubumbashi nous permet de voir comment les
hommes et les femmes dans leurs processus d'appropriation de la nature et de
production des moyens de subsistance arrivent à satisfaire leurs besoins
et à lutter pour la survie de leurs ménages. Et aussi comment
s'établissent les rapports sociaux entre Hommes-Femmes. Car comme le
souligne Bernard Chavance, « les moyens de travail ne permettent pas
seulement de mesurer le degré de développement de la force de
travail humaine, ils sont l'indicateur des rapports sociaux dans lesquels le
travail a lieu »(2).
La méthode dialectique marxiste considère le
développement comme un processus qui passe des changements quantitatifs
insignifiants et latents à des changements apparents et radicaux,
à des changements qualitatifs. Elle considère dans cette
perspective, le processus de développement comme un mouvement
progressif, ascendant, comme le passage de l'état qualitatif ancien
à un nouvel état qualitatif, comme un développement qui va
du simple au complexe, de l'inférieur au supérieur. Etant entendu
que le développement des phénomènes de la nature
impliquent des conditions internes qui ont tous un côté
négatif et un côté positif, un passé et un avenir,
tous ont des éléments qui disparaissent ou qui se
développent, la méthode dialectique marxiste considère que
le processus de développement de l'inférieur au supérieur
ne s'effectue pas sur le plan d'une évolution harmonieuse des
phénomènes, mais sur celui de la mise à jour des
contradictions inhérentes aux objets, aux phénomènes qui
agissent sur base de ces contradictions(3).
Dans la même perspective, Bernard Chavance soutient que
la dialectique possède diverses dimensions et significations, elle peut
être
(1) CHAVANCE, B., Op. Cit, p.13
(2) Idem, p.14
(3) MULUMBATI Ngasha, Manuel de sociologie
générale, Lubumbashi, Africa, 2001, p.1920
38
schématiquement interprétée comme une
logique de la contradiction, fondée sur la notion d'unité des
contraires et sur l'idée que le développement résulte du
mouvement des contradictions(1).
C'est ainsi que nous pensons analyser le genre,
pauvreté et stratégies de survie des ménages à
travers les quatre lois de la dialectique marxiste, à savoir : la loi de
la conversion des changements quantitatifs en changements qualitatifs, la loi
de l'unité et de la lutte des contraires, la loi de la connexion
universelle ou la loi de l'action réciproque et, la loi de la
négation de la négation.
7.1.A. Le principe de la conversion des changements
quantitatifs en changements qualitatifs.
Le principe de la conversion des changements quantitatifs en
changements qualitatifs porte sur le mécanisme interne de la formation
des qualités nouvelles. La qualité est une
propriété interne, c'est- à- dire liée à
l'objet même, c'est l'ensemble de tous ses traits essentiels grâce
auxquels l'objet acquiert une stabilité relative et se distingue des
autres objets. La qualité des choses se manifeste à travers leurs
propriétés. Dans le mouvement, la matière connaît
des formes de conversion d'une qualité à une autre en fonction de
la nature des phénomènes en voie de modification et des
conditions dans lesquelles ils se modifient. D'après PINTO R. et GRAWITZ
M, les changements qualitatifs ne se produisent qu'à travers les
changements quantitatifs par addition ou par soustraction(2). Ceci
démontre la pertinence de cette loi dans le cadre de la présente
étude. Car les conditions de vie d'une communauté sont un
processus cumulatif de plusieurs transformations qualitatives s'opérant
à des divers aspects de la réalité sociale. Les rapports
sociaux de production changent avec l'évolution des moyens
matériels de production.
(1) CHAVANCE, B., op. cit, p.23
(2) PINTO R, et GRAWITZ, M., op. cit,
p.285
39
Au sujet du changement quantitatif en changement qualitatif,
l'idée est que la réalité sociale peut naturellement se
présenter comme étant bonne ou mauvaise. Dans un monde où
les coutumes et l'argent condamnent la femme à l'exclusion et à
la résignation, penser au genre dans la lutte contre la pauvreté
est un défi à la tradition et pourquoi pas à l'ordre
divin. Dès lors que le système financier n'a plus aucun sens :
l'argent ne profite qu'à ceux qui en ont déjà beaucoup.
Ceux qui en ont vraiment besoin et qui veulent travailler pour en avoir se
heurtent toujours à des refus, sous prétexte qu'ils n'ont pas de
travail, alors qu'on ne leur donne pas les moyens d'exercer leurs
compétences! Ceux qui ont besoin des prêts à la banque se
voient refuser sous prétexte qu'ils sont de gagnent-petits, et
même lorsqu'on améliore leur situation salariale, on les rejette
parce qu'ils sont avancés en âge. La solution humaine consiste
à donner à ces personnes démunies les conditions qui leur
permettent de s'accomplir en tant qu'êtres humains. On n'est pas
obligé de travailler pour quelqu'un d'autre pour acquérir la
dignité. Nul d'entre nous ne connaît vraiment son potentiel, ses
limites, parce que la société nous impose une foule de
restrictions de toutes natures. Comme ceux qui sont exclus du système
bancaire traditionnel tout simplement parce qu'ils sont pauvres et celles qui
sont exclues du débat et de la lutte contre la pauvreté parce
qu'elles sont femmes et pauvres. C'est donc cela que nous pensons être la
conversion des changements quantitatifs en changements qualitatifs.
La conversion des changements quantitatifs en changements
qualitatifs que les phénomènes de la nature connaissent ou
subissent est commandée par la lutte et l'unité des
contraires.
7.1. B. La loi de la lutte et de l'unité des
contraires,
En ce qui concerne la loi de la lutte et de l'unité des
contraires, le marxisme considère que les contraires sont les
phénomènes ou certains de leurs aspects qui s'excluent. Il
considère ensuite que les phénomènes étant en
mouvement perpétuel, des aspects différents ne cessent de se
manifester en leur sein ; certains de ces aspects vieillissent, meurent,
d'autres, de nouveaux
40
naissent et se développent. Il y a donc toujours dans
les phénomènes des contradictions. Albert Brimo soutient que pour
Marx, « l'homme est essentiellement un être des besoins
(matérialisme historique), besoins élémentaires (...), ces
exigences matérielles sont l'élément essentiel de la
praxis humaine, c'est par elle que l'homme développe sa conscience et
c'est sur elles que se construit toute société. Ainsi, toute
transformation est opérée par la lutte organisée de la
classe opprimée, aliènée des moyens de production, du
pouvoir politique et de la culture, contre la classe dominante
».(1) Entre les contraires, il existe d'après le
marxisme, une relation telle qu'ils ne peuvent exister en dehors d'elle. Il y a
ainsi unité des contraires qui consiste dans le fait que les
phénomènes sont liés entre eux indissolublement et
constituent ensemble un processus contradictoire unique. Donc les contraires
n'existent que parce qu'ils sont contraires. Le marxisme soutient que ce n'est
pas l'unité des contraires qui joue un rôle important dans le
mouvement et l'évolution de la matière, mais plutôt la
lutte qui est permanente dans la mesure où les aspects ou composantes de
la matière s'excluent mutuellement. C'est dans la lutte que
réside le sens des rapports réciproques des contraires; c'est
cette lutte qui est la force motrice du changement.
En effet, la réalité sociale se conçoit
en termes d'éléments opposés qui sont en lutte : c'est la
lutte des contraires. Concrètement il apparaît des contradictions
dans l'approche genre et lutte contre la pauvreté. En effet, la
République Démocratique du Congo est un pays pauvre très
endetté. Comment concevoir que celui qui est pauvre lutte contre la
pauvreté et s'engage à entreprendre quelques activités
pour la survie de son ménage, dans une conjoncture
d'austérité budgétaire. Comment concevoir aussi que la
femme qui a été depuis longtemps éduquée de
façon à se contenter d'une position de subordonnée au sein
de la société, et par rapport à l'homme, puisse se
débarrasser de ses coutumes sociales et s'engage dans la lutte
(1) BRIMO, A., Les methodes des sciences
sociales, Paris, Montchrestien, 1972, p.72
(1) BASILE, J., Des nouveaux scripteurs
d'hommes, un enseignement pour débloquer notre
société, Bruxelles, Ed. La Renaissance, 1977,
p.26
41
contre la pauvreté tout en revendiquant son autonomie.
C'est là quelques arguments qui justifient ce principe de
contradiction.
7.1. C. La loi de la connexion universelle ou la loi de l'action
réciproque.
Les oppositions énoncées dans les lois
précédentes agissent les unes sur leurs opposées et vice
versa : c'est là la loi de l'action réciproque. Par ailleurs, les
éléments de la totalité finissent par leur unité
plutôt que par la destruction de l'un par l'autre. Cette loi de la
connexion universelle enrichit, selon Basile, l'option selon laquelle ceux qui
s'opposent coopèrent et ce qui divergent procèdes d'une plus
belle harmonie. Dans la connexion universelle, aucun phénomène ne
peut être étudié isolément dans la
société. Mais plutôt comme immergé dans une
véritable totalité organique et vivante (...) la dialectique est
la voie prise par l'humanité en marche pour saisir les totalités
mouvantes qui portent, de près ou de loin, son empreinte.(1)
L'égalité entre les sexes, de par sa définition, suppose
la participation conjointe des hommes et des femmes à la recherche de la
justice et aux avantages qui découlent de l'égalité. Nous
pouvons même dire que l'égalité entre les sexes est, en
somme, un changement de mode de vie caractérisé par une lutte
visant à obtenir pour les femmes les mêmes traitements,
possibilités et privilèges que ceux accordés aux hommes.
C'est dans ce cadre que nous soutenons que le genre et l'autonomisation de la
femme ne tiennent pas à réduire ou à nier totalement les
différences entre les hommes et les femmes, mais à
reconnaître les différences entre les sexes tout en
considérant comme complémentaires leurs efforts dans la lutte
pour la survie des ménages dans une conjoncture de
précarité.
Le non-respect de l'égalité des droits sociaux
des hommes et des femmes n'a toujours pas connu la même ampleur dans
toutes les sociétés humaines en général et en
République Démocratique du Congo en particulier, depuis des temps
immémoriaux (esclavage, colonisation et l'impérialisme
42
capitaliste actuel). Il a évolué à
travers le temps et l'espace. Il y a peu, l'approche genre et lutte contre la
pauvreté n'était pas une préoccupation majeure qu'elle ne
l'est aujourd'hui. Elle attire désormais l'attention non seulement des
dirigeants, mais aussi celle des mécanismes et instruments de protection
et de propagation du capitalisme international, ainsi que celle de nombreux
chercheurs. Encouragés et initiés par ceux-là mêmes
qui passent pour leurs défenseurs, les inégalités,
l'autonomie de la femme ou encore la pauvreté doivent être
analysées non seulement comme un principe historique mais aussi comme
répondant au principe de contradiction que nous venons d'expliquer.
7.1. D. La loi de la négation de la négation
Quant à la loi de la négation de la
négation, son essence réside dans le fait que, dans le processus
du développement, chaque degré supérieur nie,
élimine le degré précédent, et en même temps
il l'élève à un niveau et conserve tout le contenu positif
acquis au cours de son évolution. La loi de la négation de la
négation implique le point de départ d'une intégration par
incorporation d'une nouvelle. Elle constitue le lien organique entre ce qui
disparaît et ce qui naît en un processus d'auto-négation. La
dialectique suppose donc la conservation et la négation,
c'est-à-dire la conservation de ce qu'il y a de positif et la
négation de ce qu'il y a de négatif dans le
phénomène. La loi de la négation de la négation
favorise ou explique le progrès dans le monde dans la mesure où
la négation marque non pas le rejet mais le dépassement du
degré précédent de l'évolution.
En abordant l'objet de notre étude sous le contexte
d'exclusion, de la domination et de manque de reconnaissance sociale de la
production de la femme, nous voulons en respectant cette loi de la
négation de la négation mettre en évidence des aspects
négatifs du statut de la femme qui nécessite d'être
envisagé sous une forme nouvelle.
43
Enfin, nous pensons que l'introduction aujourd'hui de
technologies nouvelles, de formes d'organisations du travail nouvelles et plus
adaptées à la nouvelle économie mondiale, la
nécessité de connaissances professionnelles approfondies
entraînent une transformation de plus en plus irréversible dans la
vie des Lushois et stimule une analyse scientifique objective qui justifie sans
doute le recours à une analyse marxiste du prolétariat
africain.
7.2. Techniques de recherche
Par technique, nous entendons l'ensemble des
procédés de recherche se situant au niveau de la collecte de
l'information. Autrement dit ce sont les moyens utilisés afin de
concrétiser une méthode quelconque. Pour Brimo, la technique est
un procédé pour collecter les faits qui apparaissent les mieux
adaptés à l'objet de la recherche(1).
En ce qui concerne cette étude, nous avons fait usage
des techniques ci-après : l'observation indirecte ou documentaire et
l'interview.
7.2. A. L'observation indirecte ou
documentaire
Celle-ci nous a permis d'épulcher certaines
informations qui ont servi à élaborer théoriquement et
pratiquement cette thèse. Nous avons lu différents écrits
qui nous ont aidé à récolter les données ayant
servi a l'élaboration des théories tant sur le genre, sur la
pauvreté que sur les stratégies de survie de ménage.
Pratiquement, nous nous sommes servi, dans le cadre de l'observation
documentaire, des ouvrages, archives, rapports et articles pour rédiger
la majeure partie de ce mémoire.
7.2. B. L'interview
L'interview est, selon Albert Brimo, une technique qui a pour
but d'organiser un rapport de communication verbale entre deux personnes,
à
(1) BRIMO, A., op. cit., p.
207
44
savoir l'enquêteur et l'enquêté, afin de
permettre à l'enquêteur de recueillir certaines informations de
l'enquête concernant un objet précis.(1)
Spécialement dans le cadre de ce travail nous nous
sommes servi de l'interview directe et de l'interview structurée.
L'interview directe nous a permis de savoir directement, par
le jeu des questions et réponses, ce que les sujets
enquêtés pensent, ressentent, désirent, savent, font ou
sont. Pendant que l'interview structurée est celle à travers
laquelle l'enquêté a répondu à une série de
questions dont le nombre, l'ordre et l'énoncé ont
été fixés à l'avance dans le protocole
d'interview.
8. Présentation synthétique de la
thèse
Notre étude sur le Genre, pauvreté et
stratégies de survie des ménages dans la ville de Lubumbashi,
outre l'introduction générale et la conclusion
générale, se subdivise en cinq chapitres.
Dans le premier chapitre, intitulé Cadres conceptuel et
théorique, nous tâchons de restituer aux concepts de base de notre
étude leur signification afin de comprendre ce qu'ils recouvrent selon
les écoles, les auteurs, ainsi que suivant le contexte de la
présente recherche avant de revisiter les théories sur le genre
et sur les stratégies de survie. Dans le deuxième chapitre, nous
présentons notre cadre d'étude. Il s'agira ici de donner le cadre
historique, géographique, culturel et socioéconomique de la ville
de Lubumbashi. Le troisième chapitre porte sur le Genre et situation des
ménages dans la ville de Lubumbashi. Il est, donc question dans ce
chapitre de décrire la situation de pauvreté, d'exclusion et de
fragilisation sociale de la femme lushoise avant de dégager les nouveaux
mécanismes (stratégies) de survie de ménages dans une
économie de la débrouille. Le quatrième est
essentiellement basé sur le cadre méthodologique et la
présentation des résultats des enquêtes
socio-économiques de notre étude. Cet avant-dernier
(1) BRIMO, A., op. cit, p.
207
45
chapitre porte essentiellement sur l'organisation de
l'opération d'enquêtes de terrain, de l'échantillonnage et
du mode de collecte des données, du déroulement de
l'enquête, des tests statistiques utilisés. Il porte aussi sur la
présentation et l'analyse des résultats d'enquête afin de
voir les inadéquations entre le budget et les revenus de ménage
et de comprendre le recours aux revenus extraordinaires par des
activités de la débrouille comme stratégies de survie.
Enfin, le cinquième et dernier chapitre est
consacré à une discussion générale sur le genre et
les stratégies de survie des ménages. Ce chapitre nous permet
d'analyser les motivations, la représentation et les obstacles du
travail de la femme afin de comprendre ses efforts pour son autonomisation et
pour la survie des ménages à Lubumbashi. Il nous permet aussi de
comprendre ce nouveau modèle de rôle social qui se dessine
maintenant dans un processus de lutte contre la pauvreté afin de
confirmer ou de nuancer certaines positions théoriques visant à
occulter ou à valoriser le dynamisme et les capacités
d'innovation de la femme.
46
CHAPITRE I : CADRES CONCEPTUEL ET THEORIQUE 1.1.
Introduction
Citant Georges Gurvitch, Bushabu Piema Kuete dans sa
thèse sur la famille et urbanité à Lubumbashi note que
l'adéquation du langage scientifique au réel n'est pas une
question qui se situe en dehors de l'histoire, mais qui épouse une
évolution dialectique variant selon le milieu de culture(1).
C'est que les concepts, les mots, que nous scientifiques utilisons, doivent
être non seulement saisis dans leur évolution, mais aussi peuvent
avoir plusieurs significations suivant les milieux et suivant les cultures.
C'est ainsi qu'ils doivent être soigneusement interprétés
en tant qu'outils et produits sociaux.
Pour sa part, Gaspàr Fajth, Chef de l'Unité
d'analyse économique et de Politique Sociale à l'UNICEF dit que
la façon de définir un concept détermine comment nous
allons l'aborder ; le concept détermine l'action, la façon dont
un canon va projeter la balle en direction de sa cible. La conceptualisation
est essentielle à l'élaboration des politiques. Les concepts, en
effet, définissent la façon dont les données sont
compilées et/ou analysées, et posent les principes directeurs de
l'action et du débat sur la politique sociale, mais aussi de la
promotion, du contrôle et du suivi des politiques(2).
Voilà pourquoi nous pensons qu'avant d'aborder cette
étude, il est nécessaire de commencer par restituer aux concepts
principaux de notre sujet leurs significations premières. Toutefois,
comme pour beaucoup d'autres concepts sociologiques qui sont encore loin de
gagner l'unanimité des chercheurs en sciences sociales, nous n'avons pas
ici la prétention de croire que les définitions que nous donnons
rencontrent déjà la préoccupation de tous.
Néanmoins, elles nous chemineront vers l'atteinte de nos objectifs de
recherche tant sur le plan conceptuel que sur le plan théorique.
(1) BUSHABU Piema Kuete R., Op. Cit.
p, 32.
(2) FAJTH, G., La pauvreté des enfants en
perspective,
http://www.unicef-cdc.org/publications/pdf/repcard1e.pdf,
consulté le 14 février 2012
47
1.2. Cadre conceptuel
1.2.1. Les concepts opératoires 1.2.1.1. Le
concept de genre
D'après le rapport de la Banque Mondiale sur les
politiques de développement Genre et développement
économique, le concept genre fait référence à des
manières d'être particulières, à des comportements
imposés par la société ainsi qu'à des attentes
spécifiques associées à chaque sexe. Les hommes et les
femmes sont différents sur le plan biologique. Les femmes peuvent donner
naissance à des enfants et les nourrir au sein, ce que les hommes ne
peuvent pas faire. Pris donc dans ce sens, le concept Genre prend une dimension
sociale qui établit dans une large mesure l'harmonisation, la
complémentarité, la chance, l'intégration, la
participation et la valorisation d'un individu dans la
société.
La notion du genre se réfère à
l'interprétation socioculturelle de l'identité masculine et
féminine. Elle recherche l'équilibre et l'harmonie des rapports
sociaux entre l'homme et la femme dans la société. Donc il ne
s'agit pas des différences biologiques, mais des différences
établies par la société : les professions exercées
par les hommes et les femmes, la répartition des tâches
ménagères, les rôles assumés par les hommes et les
femmes, les comportements qu'on attend d'eux. Ceci dénote qu'il existe
entre les hommes et les femmes des différences de deux natures :
biologique et sociale.
Le sexe se réfère aux différences
biologiques qui sont universelles tandis que le genre fait
référence aux différences sociales qui sont acquises et
qui varient dans le temps et dans l'espace.
Les femmes sont certes seules à mettre au monde les
enfants, mais la biologie ne détermine pas qui élèvera les
enfants. De ce fait, la femme qui donne naissance aux enfants, est une
donnée biologique, mais que ce soit alors elle qui reste à la
maison pour soigner un enfant malade, garder la
(1) OAKLEY, A., Sex, Gender and
Society, London, Gower Publishing, 1972, Cité par Rosalie
Aduayi Diop, Survivre à la pauvreté et
l'exclusion, Paris, Karthala, 2010, p.95
48
maison, préparer la nourriture, faire la lessive, etc.,
est un comportement imposé par la société.
Abordant dans ce sens aussi, Ann Oakley, dans son ouvrage :
«Sex, Gender and Society» propose une
distinction entre le biologique (le sexe) et le culturel (le genre) et souligne
que le genre vise à appréhender le statut des femmes dans la
société et cherche les moyens de lutte les plus opérants
permettant de réduire les inégalités économiques ou
politiques dont elles sont victimes du fait de leur sexe ou des
préjugés sociaux(1). Or on sait que les
inégalités se trouvent à tous les niveaux : santé,
éducation, nutrition, accès à l'emploi, aux ressources
économiques et financières, aux prises de décision. Donc
le recours à cet outil d'analyse qu'est le Genre dans cette thèse
est sous-tendu par le fait que nous voulons étudier la transformation
des rôles de la femme dans ses efforts de lutte pour la survie des
ménages à Lubumbashi. Surtout lorsque l'on reconnait que les
activités de la femme contribuent dans une large mesure au bon
fonctionnement de la communauté, mais sont pour la plupart invisibles et
ne sont guère valorisées, voire complètement
méconnues, à savoir: le rôle des femmes dans
l'éducation des enfants, les soins prodigués aux enfants et aux
vieux, l'approvisionnement en eau, en énergie et en nourriture, leur
participation à la vie sociale et culturelle. Toutes ces immenses
contributions ne sont pas seulement prises en compte dans le calcul du produit
national brut mais aussi sont considérées comme des
réservoirs inépuisables, acquis une fois pour toutes.
Le concept de genre est une notion sociale. Pour Luc Sindjoun,
le genre est une configuration dynamique qui implique la
nécessité analytique d'historiciser les rapports hommes/femmes
dans leur dimension concrète et imaginaire. C'est un système
d'interdépendances sociales qui entrainent, d'une part, la prise en
considération des normes et significations sociales dans
49
l'action et la perception des individus et d'autre part,
l'analyse des pratiques féminines dans un contexte de domination
masculine.(1)
Pour leur part Jeanne Bisilliat et Christine Verschuur
définissent le genre (gender) comme le sexe, féminin et ou
masculin socialement construit en même temps qu'un processus de
construction hiérarchique interdépendante et
complémentaire entre les hommes et les femmes. Le genre renvoie donc de
ce point de vue aux catégories sociales (féminin ou masculin) et
non aux catégories sexuelles (hommes et femmes). Il implique un savoir
sur la différence sexuelle et reflète un pouvoir qui est aussi
une manière d'ordonner le monde, inséparable de l'organisation
sociale de la différence sexuelle(2).
De son côté, Marguerite Lena considère que
la différence sexuelle ouvre la voie dans l'histoire de
l'humanité à la dialectique de l'homme et de la femme,
irréductible à celle du maître et de l'esclave en
soulignant la relation de l'homme et de la femme sur la seule dialectique de
domination(3). Pour soutenir son point de vue, elle argumente de
cette façon : il est significatif qu'actuellement un certain nombre de
nos problèmes de société et de nos débats majeurs
qui concernent la famille, les institutions et autres, se tiennent sur des
seuils dont la femme est traditionnellement la gardienne. A titre d'exemple,
notons que les femmes font face à des charges de ménages souvent
excessives et pourtant, à l'heure actuelle, il faut les
considérer comme des productrices à part entière et non
comme des aides occasionnelles et des petites mains. Les hommes se sont
déchargés sur les femmes de toutes les tâches relatives aux
enfants et de soins à apporter à la sphère domestique, ils
ont investi les domaines publics et économiques pour fonder un pouvoir
qu'ils imposent aux femmes. Elle note à titre d'exemple de cette
domination masculine, celle de pater familias qui, dans la Rome antique,
était le maître de
(1) SINDJOUN, L. Analyse de genre et dynamiques
sociales, Paris, Karthala, 2000, p.8.
(2) BISILLIAT, J et VERSCHUUR, Ch., Lutte
féministe et développement, perspective historique,
Paris, Karthala, 2000, P.14.
(3) LENA, M. « L'éducation des filles » in
Communio, n° VII, 4- juillet-Aout 1982, pp
31-39
50
maisonnée et qui jouissait de droit de vie ou de mort
sur l'ensemble des êtres vivant sous son toit. De même que celui de
l'emprise des grandes religions qui bien que n'ayant attribué à
Dieu le sexe masculin se trouve dirigées et fondées par des
prophètes qui sont tous des hommes, elle cite : Bouddha, Christ,
Mohamad, Confucius et autres.
En rapport à cette démarche Isabelle Jacquet
considère que pour aider efficacement une population, il faut comprendre
comment elle s'organise, comment les hommes et les femmes se
répartissent les tâches et les rôles, ce qui est important
pour eux, ce qu'ils désirent, ce qu'ils sont prêts à
changer et tenir compte des effets que l'action entreprise aura sur eux. Pour
obtenir cette information, on doit réaliser ce que l'on appelle une
approche selon le genre.(1)
1.2.1.2. Le concept de la pauvreté
La pauvreté se définit selon Larousse comme
l'état d'une personne ou d'une chose pauvre. Alors que le pauvre
désigne celui qui a peu de ressources, peu de biens, donc
dépourvu de biens et de ressources.
En effet, comme le souligne Gaspar Fajth, la pauvreté -
qui s'entend très souvent comme le manque grave de ressources - est un
concept chargé de connotations négatives. C'est une question que
bien des gouvernements, notamment les régimes autoritaires
indétrônables, tendent à éluder le plus possible et
n'ont guère envie d'évoquer et pourtant elle est un miroir, elle
nous renvoie l'image des sociétés telles qu'elles sont et non pas
telles qu'elles se prétendent être grâce à des
discours idéologiques et politiques(2). Il cite pour
référence les anciens régimes communistes d'Europe
orientale qui bien qu'ayant un revenu national modeste, considéraient la
pauvreté comme un sujet tabou et disaient officiellement qu'ils
l'avaient
(1) JACQUET, I. La situation des femmes dans le
monde, Bruxelles, AGCD, 1994, p.35.
(2) FAJTH, G., op. cit,
http://www.unicef-
cdc.org/publications/pdf/repcard1e.pdf
13 mars 2012
(1) GOUGUET J.J., Réflexions
méthodologiques sur la connaissance de la pauvreté,
Thèse d'Etat- Université de Bordeaux 1, 1978. p.118
51
éradiqué au moyen d'une stratégie
combinant plein emploi et services sociaux accessibles à tous.
L'analyse de la pauvreté est un bon moyen pour
apprécier l'ampleur de la crise que traverse l'économie mondiale.
Les approches de la pauvreté couvrent tout un éventail de
concepts, des droits de l'homme au droit à la charité et à
l'assistance sociale. Dans ces conditions, certaines de ces approches sont
accusées de faire plus de mal que de bien en ouvrant la porte à
des conceptions détournées du bien-être, ou en
renforçant l'exclusion sociale parce que ciblée sur un trop
étroit segment de la société et par conséquent les
programmes d'aide deviennent comme des filets de sécurité
réservés aux individus se trouvant dans l'incapacité de
s'en sortir par leurs propres moyens. C'est ainsi que dans le cadre de cette
étude notre intérêt est porté non seulement à
la définition ou à la mesure de la pauvreté mais à
évaluer aussi les projets et les politiques de lutte contre la
pauvreté.
La difficulté essentielle que l'on rencontre dans la
définition de la pauvreté provient du fait qu'elle
présente deux caractéristiques fondamentales difficiles à
formaliser : sa relativité dans l'espace et dans le temps ; son double
niveau de responsabilité (individuel ou social). Ce qui poussera
à parler de l'approche culturelle de la pauvreté afin de mieux
aborder le phénomène et poser tout l'enjeu de l'efficacité
des politiques de sa lutte.
Jean Jacques Gouguet, soutient que toutes les approches
définitionnelles commencent très souvent par une
présentation des critères utilisés pour définir et
mesurer la pauvreté. Le plus souvent la tentative consiste à
effectuer des estimations monétaires de besoins jugés comme
essentiels : les seuils de pauvreté(1). Devant les
insuffisances d'une telle définition en termes de flux, des estimations
en termes de stock de capital humain ont été proposées.
Nous montrons le réductionnisme de ces analyses
52
traditionnelles pour appréhender la pauvreté
dans toute sa complexité, et nous présentons la
nécessité d'une approche culturelle qui pose tout l'enjeu de la
gouvernance face à la pauvreté.
Tout homme quel qu'il soit et où qu'il se trouve a
besoin de manger et de boire pour vivre. C'est de cette notion
élémentaire de minimum physiologique que sont partis les premiers
chercheurs pour définir la pauvreté. On retenait ainsi comme
critère de pauvreté le revenu monétaire correspondant ou
non à la satisfaction des besoins vitaux indispensables à la
survie (essentiellement la nourriture). Cette conception de la pauvreté
absolue étant néanmoins trop étroite, le concept de
minimum physiologique au sens strict s'est peu à peu élargi pour
inclure d'autres éléments que la seule nourriture : logement,
habillement.... Ce qui posait de nouveaux problèmes, pour savoir
jusqu'où aller dans le niveau de satisfaction de nouveaux besoins.
En effet, le minimum physiologique avait eu la faveur des
premiers auteurs au début du 20ième siècle
(comme Booth et Rowntree cités par Gouguet(1)) car on pouvait
ainsi définir scientifiquement la pauvreté sur les bases de la
science nutritionnelle. Or, la pauvreté contemporaine ne pouvant plus se
limiter aux besoins vitaux, elle doit se définir par rapport aux normes
couramment admises dans une société donnée à un
moment donné. C'est ainsi que les chercheurs ont tenté de
définir la notion de minimum social par opposition à la notion de
minimum physiologique : quantité minimale de biens et services
considérée comme normale par la société et dont
devrait disposer n'importe lequel de ses membres. La difficulté est
toujours de déterminer ensuite le revenu correspondant nécessaire
pour couvrir ces besoins, ce que montre la très grande diversité
des montants proposés traduisant une ambiguïté : - dans la
conception des besoins minima qui varient selon les instances qui calculent ces
seuils, - et dans le fait de savoir si les individus disposant d'un tel montant
d'argent peuvent effectivement satisfaire les besoins
précédents.
(1) GOUGUET, J.J., op. cit,
p 118
(1) GOUGUET, J.J., L'éradication de
la pauvreté : de la nécessité d'une
alternative, Paris, CRIDEAU-CRN, 1999, p.119
53
On peut s'interroger ainsi sur le seuil des 1$ ou 2$ par jour
utilisé par la Banque Mondiale ou le PNUD. Si cela donne une image de la
répartition géographique de la pauvreté la plus
extrême et de son ampleur globale, un tel seuil n'est guère
opérationnel. Les seuils fixes de pauvreté présentent
l'énorme inconvénient de ne pas refléter le
caractère essentiel de relativité de la pauvreté.
Voilà pourquoi des propositions ont été faites pour
définir la pauvreté selon une base relative et non plus absolue.
On prend par exemple (Union Européenne) un pourcentage (40% ou 50%) du
revenu moyen disponible dans un Etat comme critère du montant dont
devrait disposer tout individu pour s'intégrer normalement dans la
société(1).
On voit donc ici commencer à se dessiner tous les
débats qui auront lieu sur les inégalités de revenus. Le
problème est de déterminer la dose d'inégalité
qu'une société est prête à tolérer en son
sein : quel écart est considéré comme acceptable entre les
pauvres (ceux au bas de l'échelle des revenus) et les autres groupes
sociaux, ou, à l'inverse, quel écart maximum entre les plus
pauvres et les plus riches est tolérable pour correspondre à une
certaine idée de la justice sociale ?
Il faut bien reconnaître à l'heure actuelle que
l'ampleur des inégalités de richesse à l'intérieur
des pays du Sud ou entre le Nord et le Sud est indécente (PNUD. 1998).
Ce dernier rapport note par exemple que les trois personnes les plus riches du
monde ont une fortune supérieure au PIB total des 48 pays en
développement les plus pauvres de la planète ! Là encore,
des indicateurs plus ou moins sophistiqués et composites sont
utilisés pour dresser un état des lieux de la pauvreté
planétaire et pour faire comprendre que ces inégalités
sont structurelles. Néanmoins, pour comprendre l'origine même de
la pauvreté et agir efficacement, d'autres indicateurs sont
nécessaires. En effet, étudier la pauvreté selon la seule
référence monétaire
54
revient à se priver de l'explication de l'origine de
ces flux qui est déterminante dans l'élaboration d'une politique
de lutte efficace.
C'est dans ce cadre que s'inscrivent les études sur
l'égalité des chances des individus dans le processus de lutte
contre la pauvreté. Il s'agit donc de déterminer le stock de
capital humain (éducation, santé, qualification...) dont tout
individu a besoin pour s'intégrer dans la société. Comme
le souligne encore une fois J.J.Gouguet, pour respecter la justice sociale, il
suffirait ensuite d'améliorer la dotation en capital humain des plus
démunis. C'est le sens profond du deuxième principe de la justice
de J.Rawls : une société est juste si elle permet
l'amélioration des aspirations de ceux qui sont au bas de
l'échelle sociale. Lutter contre la pauvreté revient ainsi
à promouvoir une politique d'égalité des chances, ce qui
implique la connaissance de la relation entre capital humain et pauvreté
: être ou de devenir pauvre dépend du fait de posséder ou
non certaines caractéristiques sociodémographiques : sexe,
âge, localisation géographique, éducation.... La
corrélation établie entre ces caractéristiques et la
pauvreté donne une mesure du risque de pauvreté et permet
d'établir des profils de pauvres(1).
Ce genre de calcul peut être intéressant comme
première approche mais la première critique qui peut être
adressée à ce critère concerne le fait que les variables
retenues (santé, éducation..) avaient une dimension individuelle.
Cela présente l'avantage de personnaliser la pauvreté, de
descendre au niveau microéconomique mais, à l'inverse, cela a
l'inconvénient de masquer l'aspect macroéconomique de la
pauvreté. Si le risque de pauvreté évite de
considérer le pauvre comme véritablement responsable de sa
situation, on en reste quand même aux causes individuelles de
pauvreté, les facteurs extérieurs à l'individu sont
négligés. Il est donc nécessaire de remonter aux causes
macroéconomiques de la pauvreté : un individu peut être au
chômage et cela va entraîner pour lui un risque de pauvreté
mais le vrai problème est de savoir pourquoi il est au
(1) GOUGUET, J .J. op. cit. ,
p.120
55
chômage, et de même qu'il existe un chômage
involontaire, il y a aussi une pauvreté involontaire. Une telle analyse
macroéconomique se fera à travers l'étude des poches de
pauvreté.
Le concept poches de pauvreté que développe
Jean-Jacques Gouguet est né du constat que le risque de pauvreté
varie dans l'espace : les individus qui naissent et vivent dans certaines zones
ont un risque élevé de devenir pauvres. D'une certaine
façon, leur pauvreté devient involontaire. A partir de cette
constatation, on a pu définir les poches de pauvreté : ce sont
les zones où le niveau de vie est particulièrement bas, où
les possibilités d'emploi sont limitées, l'éducation
précaire, les logements insalubres...C'est un véritable risque de
pauvreté au niveau régional ou local.
Néanmoins, ce n'est pas la localisation
géographique en soi de la pauvreté qui est importante. Il s'agit
en fait d'analyser la relation entre certaines caractéristiques
concentrées géographiquement (emploi, santé,
éducation, logement...) et les caractéristiques personnelles
correspondantes. Bien sûr qu'il faut dépasser ce seul constat de
la concentration géographique des pauvres en analysant la structure
économique de ces zones ainsi repérées. En
caractérisant les principales insuffisances en services de base
(santé, éducation, logement, emploi...), le concept de poche de
pauvreté acquiert une certaine opérationnalité.
Néanmoins, une question importante se pose : l'efficacité du
concept dépendra de la capacité à analyser la relation qui
existe entre chaque élément de la structure économique de
la zone et la pauvreté des individus qui y résident. Il faut
connaître les relations particulières emploi - pauvreté,
éducation - pauvreté...c'est-à-dire connaître les
différents risques de pauvreté et leur cumul.
Dans cette perspective, il se pose généralement
le problème de la hiérarchisation des objectifs à
l'intérieur d'une poche de pauvreté, c'est-à-dire de
savoir quel facteur faut-il mieux privilégier :
56
· Une politique de création d'emploi peut
s'avérer inefficace si les individus ne sont pas formés,
· Une politique d'éducation et de formation peut
échouer si les débouchés n'existent pas.
Une telle analyse pose en fait la nécessité
d'une approche globale, intégrée et dynamique de la
pauvreté qui remet en cause les politiques sociales traditionnelles
pensées sectoriellement. On évitera donc de procéder par
une conception réductrice qui repose sur l'ignorance des populations
étudiées en tant qu'acteurs, au profit d'une approche qui
considère uniquement les pauvres comme objet d'étude. C'est dans
la culture de pauvreté qu'il s'agit de pénétrer si l'on
veut avoir quelque espoir de modifier les tendances actuelles de l'exclusion,
notamment de la femme. Comment sortir la femme lushoise, frappée des
préjugés idéologiques et culturels, de la misère,
de la pauvreté. Nous allons constater que la culture de pauvreté
remet ainsi en cause la plupart des politiques sociales contemporaines.
Dans le débat autour de la culture de pauvreté,
on note que le risque de pauvreté ne faisait que constater froidement
une certaine probabilité de devenir pauvre à un moment
donné. Or, on peut penser a priori que ce risque est d'autant plus fort
que l'on naît dans un milieu pauvre et qu'il y a transmission de la
pauvreté de génération en génération. C'est
ce qu'on a appelé la culture de pauvreté. Ce concept a
soulevé de nombreuses polémiques puisque l'on suppose que le
pauvre hérite de sa pauvreté et la transmet à ses propres
enfants. Où qu'il existerait actuellement des zones, des quartiers
essentiellement pour les pauvres. Il y aurait un cercle vicieux dont on ne
pourrait sortir, ce qui a heurté nombre de chercheurs et praticiens en
sciences sociales. Nous disons pour notre part que la prise en compte de la
pauvreté selon ses poches comme présentée par Jean-Jacques
Gouguet est une négation d'une réalité sociale, combien de
gens sont devenus riches à Lubumbashi parce que leurs parents
étaient riches ? Combien d'enfants des pauvres et issus des milieux
très pauvres et ayant étudié dans les conditions
57
les plus difficiles sont devenus riches ? Peut-on alors croire
que tous les grands directeurs de sociétés, tous les grands
commerçants de Lubumbashi ou d'ailleurs sont nécessairement les
enfants des riches ? Non, croire à une telle théorie c'est
vouloir plaquer des clichés à une société, c'est
penser que la société n'évolue pas, elle est stagnante,
donc sans histoire. Et il est même possible de se demander devant
l'ampleur et l'accentuation du phénomène de pauvreté en
République Démocratique du Congo en général et dans
la ville de Lubumbashi en particulier si l'on peut parler des poches de
pauvreté ou plutôt des ilots de richesses au milieu d'un
océan de pauvreté. A Lubumbashi faute d'une politique bien
planifiée d'urbanisation, chacun construit en fonction de
disponibilité des terrains et des ressources dont il dispose. Dans quel
quartier on ne voit pas des immeubles superbement construit à
côté des taudis et autres formes d'habitat qui traduisent la
pauvreté de leurs occupants. Se basant sur le niveau de satisfaction des
besoins fondamentaux, d'accès aux services de base et de
vulnérabilité, les ménages de Lubumbashi supposés
être riches ne représentent qu'une goutte dans un grand bassin
d'eau, surtout lorsqu'on tient compte de ceux qui effectivement cherchent
à satisfaire leurs besoins de base dans des supermarchés, les
marchés officiels et les marchés pirates. Ceux qui sont
nés dans des quartiers jadis planifiés ou urbanisés,
supposés à en croire la théorie de poche de
pauvreté, ne se trouveraient pas nombreux dans les quartiers dits
pauvres comme Kasungami, Congo Kigoma, etc.
C'est certainement Oscar Lewis qui doit être
considéré comme l'inventeur du concept : « réaction
et adaptation des pauvres à leur situation marginale
»(1). S. Latouche dirait plus simplement que la culture est une
réponse que les groupes humains apportent au problème de leur
existence sociale(2). Mais le point intéressant chez Lewis
est la tentative de généralisation qu'il a essayé de faire
en comparant les pauvres de pays différents pour aboutir à la
conclusion qu'ils se comportaient de la même
(1) LEWIS, O., La vida, Paris,
Gallimard, 1969, p.87
(2) GOUGUET, J.J, op. cit., p.121
58
façon, que l'on soit dans un bidonville de Mexico ou un
ghetto de New York. La culture de pauvreté transcenderait les
frontières pour caractériser la nature profonde d'un
système économique qui ne prévoit rien pour les perdants
dans la compétition. De façon générale cette
théorie a été fortement contestée sur la base de
deux éléments: son degré d'intériorisation par les
individus ; le fait de savoir si l'on acquiert cette culture par
héritage ou par basculement.
Pour le degré d'intériorisation, Il s'agit de
savoir avec quelle intensité certaines normes de conduite persisteraient
si certaines opportunités économiques se présentaient.
L'approche de l'exclusion par la culture de pauvreté revient à
essayer de découvrir :
· La rapidité avec laquelle les pauvres vont changer
leur conduite si on leur offre de nouvelles opportunités
économiques ;
· Le type d'opportunités qu'il faudrait
éventuellement proposer pour que les pauvres, compte tenu de leur
culture, puissent en profiter.
Dans le premier cas, on suppose que le degré
d'intériorisation de la culture de pauvreté n'est pas trop
élevé et qu'il existe des possibilités réelles
d'insertion sociale. Dans le second cas, on suppose que les valeurs des plus
pauvres ne sont pas modifiables à court terme. Il serait donc plus
facile d'adapter des opportunités économiques à cette
culture, ce qui n'est pas véritablement envisageable dans une
société productiviste où chaque facteur de production doit
être rentable.
Pour l'héritage ou basculement, il n'est pas simple de
répondre à une telle question : pourquoi des individus
sortent-ils de la pauvreté alors que d'autres n'y arrivent pas ?
Voilà pourquoi la culture de pauvreté a soulevé de vives
controverses dans la mesure où la thèse de la transmission
intergénérationnelle de la pauvreté condamnait le pauvre
à être exclu à tout jamais de la société. A
l'inverse, les études en Europe sur les « nouveaux pauvres »
soutenaient la thèse du basculement : des individus bien
intégrés dans la société basculaient dans la
pauvreté à la suite d'un événement
59
personnel malheureux (perte d'emploi, divorce, mauvais
placement des fonds...), et vice versa.
Il est difficile de trancher entre les deux thèses mais
nous mentionnons cependant les conclusions du rapport Wresinski qui rappelait
que la pauvreté ne frappait pas au hasard. Il apparaît clairement
que, quand on remonte dans la lignée familiale des plus pauvres, on
arrive à trouver des éléments de fragilisation sociale qui
permettent de douter de la thèse du basculement. Cela ne veut pas dire
que cette explication est dénuée de tout sens mais que, en
règle générale, les éléments constitutifs de
l'histoire des individus sont déterminants pour comprendre leur
trajectoire sociale(1). I'auteur souligne également que
« les politiques d'appui au secteur informel, dans les pays en voie de
développement, rencontrent les difficultés liées au
non-respect des valeurs culturelles spécifiques, c'est-à-dire
qu'il est toujours hasardeux de vouloir faire le bonheur des gens malgré
eux, par rapport à des normes qui leur sont extérieures et
étrangères. N'est-ce pas là que s'inscrit l'ambition de
bon nombre d'organisations internationales de relire le phénomène
de la pauvreté au travers du concept de gouvernance pour montrer
l'inefficacité des politiques menées et la
nécessité de les repenser en tenant compte des multiples acteurs
concernés (institutions, ONG, ...et les pauvres eux - mêmes !).
Cela impliquerait en particulier l'invention de nouvelles formes de
négociation collective pour éviter d'imposer des modèles
inadaptés au contexte local »(2).
1.2.1.3. Le concept genre dans la lutte contre la
pauvreté
Afin de mieux cerner l'incidence du concept de genre sur
l'efficacité de la lutte contre la pauvreté, il nous semble
utile, dans un premier temps, de rappeler brièvement les
évolutions des concepts concernant la
(1) WRESINSKI, J., « Grande pauvreté et
précarité économique et sociale, Avis et rapport du
Conseil Economique et Social », in Journal
Officiel, Paris, 1987, p.30
(2) Idem, p.31
60
pauvreté et la manière dont l'on
considère la femme dans la lutte contre la pauvreté.
Pendant de très nombreuses années, à
l'instar des institutions de Bretton Woods, l'approche de la pauvreté
est surtout restée monétaire et se basait essentiellement sur le
critère du revenu : était pauvre celui qui avait un revenu
inférieur à un dollar américain par jour. Si cette
approximation peut avoir une certaine utilité, notamment pour des
comparaisons internationales, elle s'avérait toutefois trop
réductrice pour capter les multiples dimensions de la
réalité des vies des êtres humains concernés.
Avec le Rapport Mondial sur le Développement Humain du
PNUD en 1990, le concept de développement humain a eu très
rapidement des répercussions sur l'approche de la pauvreté.
Celle-ci se caractérise non plus uniquement par le faible niveau de
revenu ou de consommation, mais également par un faible niveau
d'instruction, par une santé précaire et un vieillissement
précoce. L'édition de 1997 de ce rapport introduit en outre le
concept de "pauvreté humaine", tout en soulignant que l'indicateur
élaboré à cette occasion(1) ne saisit pas la
totalité des aspects de ce concept. La pauvreté y est alors
désormais considérée comme "la négation des
opportunités et des possibilités de choix les plus essentielles
au développement humain - longévité, santé,
créativité, mais aussi conditions de vie décentes,
dignité, respect de soi-même et des autres, accès à
tout ce qui donne sa valeur à la vie" (PNUD, 1998).
L'économiste Armatya Sen est l'un des penseurs qui a le
plus fortement influencé cette évolution du concept. Selon lui,
la pauvreté est avant tout une privation des capacités
élémentaires même si "cette définition ne vise en
aucune manière à nier l'évidence : un revenu faible
constitue bien une des causes essentielles de la pauvreté, pour la
raison, au moins, que l'absence de ressources est la principale source de
privation des capacités d'un individu"(2).
(1) L'IPH ou Indicateur de Pauvreté Humaine.
(2) ARMATYA Sen, Un nouveau modèle
économique : développement, justice,
liberté, Paris, Odile Jacob, 2000, p.57
(1) NARAYAN, D, « Silence et impuissance : le lot
des pauvres », in Finances et
Développement, FMI, Washington, vol. 37, n° 4,
2000
61
Ce théoricien de la pauvreté a également
développé le concept de capital social qu'il envisage comme un
phénomène inhérent aux interactions sociales,
c'est-à-dire à la structure des relations entre les personnes,
qu'il s'agisse de relations intragroupes, intergroupes ou environnementales. Le
capital social d'un agent (de l'individu à l'Etat) apparaît ainsi
comme une ressource sociale dont la faiblesse est l'une des
caractéristiques de la pauvreté. Il est issu des interactions
culturelles et/ou structurelles, avec d'autres agents capables de
générer des externalités durables qui changent leur
situation économique. On retrouve ici le principe des économies
d'échelle, qui induit des diminutions des coûts individuels et
donc un gain d'efficience.
L'autre évolution remarquable du concept de
pauvreté a été le passage vers une vision plus dynamique
du phénomène. Un tel élargissement peut être
illustré à travers l'exemple de la pauvreté
monétaire. Les ménages ou les individus considérés
comme "pauvres" ne se situent désormais plus simplement à un
niveau stable, en dessous du seuil de la pauvreté, et la lutte contre la
pauvreté ne peut plus se réduire à l'idée de
rehausser ce niveau au-dessus de ce seuil. Des analyses plus fines ont en effet
démontré que le revenu est sujet à des fluctuations
importantes et que la pauvreté se traduit aussi par une
incapacité de maintenir un niveau de bien-être
spécifié. C'est en effet l'absence de stabilité qui
caractérise ces situations de pauvreté et qui rend les individus
ou les ménages très vulnérables.
Cette complexité du concept de pauvreté a
récemment été confirmée par une large enquête
menée par la Banque Mondiale et destinée à montrer la
pauvreté telle que la ressentent les plus démunis. Les
statistiques obtenues expriment ainsi des facettes multiples de la
pauvreté ayant surtout trait à des formes d'impuissance et de
mal-être. Un des aspects évoqués par les femmes concerne
par exemple les relations conflictuelles et inégales avec l'autre
sexe(1).
62
De 1975 à 1985, la "Décennie de la Femme" a eu
le mérite de focaliser l'attention de l'ensemble des pays sur la
condition féminine. En témoigne la forte augmentation du nombre
d'analyses, d'études et de publications sur les femmes du tiers monde,
concernant notamment la division sexuelle du travail et l'impact des projets de
développement sur les femmes. Les résultats de ces études
et leurs répercussions ont alors sorti les femmes des "mystifications
sociales" du développement en leur reconnaissant un rôle
productif.
Cette période a ainsi vu naître l'approche
Intégration des Femmes dans le Développement (IFD) qui tentait
d'intégrer les femmes dans le processus de développement
existant, afin de le rendre plus efficient et efficace. A travers des projets
pour femme, ou des projets intégrant des volets "femmes", cette approche
visait à accroître la productivité et le revenu des femmes.
On essayait donc de surmonter la pauvreté en agissant sur la faiblesse
des ressources et des compétences, sans pour autant s'adresser aux
causes de cette faiblesse. Cette approche a été remise en
question progressivement, principalement pour deux raisons : en premier lieu,
parce que les tentatives de considérer les femmes d'une manière
isolée se sont avérées finalement peu
opérationnelles, en deuxième lieu, parce que ce type d'approche
n'a pas pu surmonter le fait que le modèle de développement ne
reconnaissait pas aux femmes de place égale avec les hommes.
L'approche "genre" qui succède à l'approche IFD
vers les années 1990, tente de pallier cette dernière lacune.
Elle met ainsi l'accent sur les relations inégales de pouvoir comme
facteur majeur conditionnant la situation des femmes. Le terme "genre" fait ici
désormais référence à la construction sociale des
rôles féminins ou masculins qui ne sont donc pas seulement
définis par le caractère biologique du sexe mais comme le
résultat des conditions de production et de reproduction propres
à chaque société et en constante évolution. "Les
genres ont une base culturelle ; ils sont définis par la
société qui en détermine les activités, les
statuts, les caractéristiques
63
psychologiques, culturelles et démographiques, dont le
point de départ est la différence sexuelle, mais qui ne peuvent
pas se résumer ou se justifier par cette seule différence
sexuelle"(1).
De plus en plus fréquemment, les chercheurs
intègrent cet aspect genre dans l'analyse de la
pauvreté(2). Le cadre d'analyse se complexifie et construit
une vision plus large des causes. A titre d'exemple, on peut citer la
distinction entre intérêts pratiques et intérêts
stratégiques des femmes(3). Alors que les
intérêts pratiques concernent surtout la satisfaction des besoins
fondamentaux et l'accès à une source de revenu stable, les
intérêts stratégiques remettent en question la position de
la femme dans la société. En effet, des analyses selon le genre
montrent que des aspects tels que le contrôle masculin de la force de
travail des femmes ou encore leur accès limité au pouvoir
politique et à des ressources à forte valeur sociale et
économique sont à l'origine de leur accès limité
à une source de revenu. Ces résultats ont de toute
évidence des répercussions sur les politiques de lutte contre la
pauvreté. D'un point de vue opérationnel, il s'agit d'identifier
en même temps les besoins pratiques et les intérêts
stratégiques des femmes afin qu'elles puissent sortir durablement de
leur condition de pauvreté.
Les enjeux stratégiques se retrouvent ainsi dans le
concept d'autonomisation de la femme que certains auteurs comme
Jacquet(4) désignent par l'empowerment. L'autonomisation
correspond à l'acquisition d'un droit à la parole et à la
reconnaissance sociale. Ce concept fait ainsi référence à
la nature des structures décisionnelles dans des contextes particuliers
: qui prend les décisions ? Par quels processus sont-elles prises ?
Comment ce processus peut-il être modifié ? Le terme
autonomisation ou
(1) HOFMANN, E. et cie, L'approche genre dans la
lutte contre la pauvreté ; l'exemple de la microfinance,
Paris, Presses Universitaires de Bordeaux III, 2003, P .4
(2) LACHAUD, J.P, Pauvreté, ménages
et genre en Afrique subsaharienne, CED, Série de recherche
3, Université Montesquieu, Bordeaux IV, 1999, p.56
(3) HOFMANN, E. et Cie, Op. Cit,
p.4
(4) JACQUET, I., Développement au
masculin, féminin - le genre, outil d'un nouveau concept,
Paris, L'Harmattan, 1995, p.75
64
empowerment décrit donc un processus vers
l'égalité entre les hommes et les femmes.
Les acteurs de la mondialisation, notamment la Banque Mondiale
et les organismes liés à l'ONU, font de plus en plus
référence au concept de genre. Ils insistent sur la contribution
nécessaire des programmes de développement à
l'autonomisation des femmes, comme le prouve le dernier rapport de
l'UNIFEM(1). Plus précisément, l'intégration
des rapports de genre dans des programmes ou projets de développement
signifie que ces derniers visent une modification des rapports de genre en
faveur des femmes ; en d'autres termes, ils ont l'objectif de contribuer
à l'autonomisation de celles-ci, par l'amélioration du
bien-être. Donc l'accès plus large aux ressources
économiques et financières permet aux femmes d'augmenter le bien
être de leur foyer et par cela d'améliorer leur statut au sein du
ménage et de la communauté. Ceci leur donne une plus grande
confiance en elles, une part plus grande dans les dépenses de
consommation, on suppose que l'autonomisation des femmes et la réduction
de la pauvreté se renforcent mutuellement et de façon
inévitable.
Ce n'est pas un hasard si l'évolution des approches par
rapport aux femmes dans le contexte du développement s'est produite
parallèlement à l'évolution du concept de la
pauvreté. Sen a en effet fortement insisté sur l'importance de la
fonction d'agent ("agency") des femmes, en ces termes : "Elles ne sont plus les
destinataires passives d'une réforme affectant leur statut, mais les
actrices du changement, les initiatrices dynamiques de transformations
sociales, visant à modifier l'existence des hommes aussi bien que la
leur"(2). Dubois applique son cadre d'analyse de la pauvreté
à dimensions multiples pour vérifier si les politiques de lutte
contre la pauvreté
(1) UNIFEM, The progress of women, empowerment and
economic, 2000
(2) ARMATYA Sen, Un nouveau modèle
économique : développement, justice,
liberté, Paris, Odile Jacob, 2000, p.87
65
prennent en compte les "inégalités
sexuées"(1). Quant aux diverses formes d'impuissance qui
caractérisent la pauvreté, il est évident qu'elles ne
concernent pas uniquement les conditions de vie des femmes pauvres. Or, en plus
des discriminations ou des conditions défavorables qui touchent
également les hommes (dues à l'ethnie, l'âge, la classe, la
caste, etc.), les femmes subissent des relations inégales avec les
hommes.
Comme le souligne si bien Dweme-Le-Mpina Mintara, les
problèmes de la société moderne ont atteint un
degré de complexité telle que la femme d'hier est obligée
de sortir de sa cellule familiale, pour assumer pleinement ses
responsabilités, son destin. Malheureusement sa disponibilité
naturelle n'est plus suffisante, il lui faut être compétente,
compétitive, dans ses nombreux rôles pour faire face aux
situations devenues de plus en plus complexes à gérer. Le
renforcement des capacités de la femme doit se faire dans tous les
domaines. Pour faire face à tous ces défis, le renforcement des
capacités de la femme devient alors une exigence à laquelle nous
devons faire face, si l'on veut une société plus
équilibrée et plus juste. La femme est une force, une force qui
s'ignore, une force qui peut changer l'humanité(2).
Le concept d'autonomisation, associé à cette
étude, ne prétend pas pour autant que les femmes forment un
groupe homogène face aux rapports de genre. Les différences
restent énormes entre la condition de femmes de différentes
classes à l'intérieur d'une seule société, aussi
bien qu'entre femmes de différentes cultures. Il s'agit plutôt
d'analyser dans chaque contexte culturel ce que l'autonomisation peut signifier
pour un groupe donné. Ceci est crucial dans le domaine de la lutte
contre la pauvreté : l'augmentation durable des revenus
contrôlés par les femmes peut représenter un indicateur
d'autonomisation (parmi d'autres), si elle est la manifestation visible
d'une
(1) DUBOIS, J-L ; Comment les politiques de lutte contre la
pauvreté peuvent-elles prendre en compte les inégalités
sexuées ? In Rapports de genre et questions de population,
dossiers et recherches, n°85, INED, Paris, 2000
(2) DWEME-LE-MPINA Mintara, « La problématique du
renforcement des capacités et de la motivation des femmes », In
Actes du SEMINAIRE international RAAC, Kinshasa,
2005, p.78
66
série de changements plus fondamentaux et structurels.
Ces derniers se trouvent aux niveaux de l'accès et du contrôle des
ressources ainsi que du partage des responsabilités et ils se situent au
coeur des rapports de genre.
1.2.1.4. Le concept de stratégie
Selon Rosalie Aduayi Diop, le concept de stratégie a
été d'abord emprunté à l'art militaire puis au
monde des affaires. Le concept de stratégie a été
récemment repris en sciences sociales pour rendre compte d'un ensemble
de comportements mis en oeuvre par les acteurs sociaux afin d'atteindre des
résultats(1).
Pour Crozier et Friedberg, la stratégie est le
fondement inféré et porte des régularités de
comportements observées empiriquement. Autrement dit, elle est la
résultante du comportement des acteurs et se laisse voir à
travers leurs pratiques. Ceux-ci poursuivent des objectifs qui prennent en
compte la « zone d'incertitude » et sont fonction du contexte dans
lequel ils évoluent(2). Pour ces auteurs, la principale vertu
de ce concept est introduite dans le cadre de la sociologie des organisations
et du travail où l'individu, en tant qu'acteur, joue un rôle
important. Dans ce cadre, la stratégie permet à chaque individu
ou acteur de mobiliser des ressources et des moyens disponibles pour renforcer
sa situation et contrôler les zones d'incertitude que lui confère
le pouvoir. Ainsi, que ce soit dans la famille ou dans le champ politique, les
acteurs sont dans la logique du jeu où chacun utilise des
stratégies gagnantes (conscientes ou inconscientes) pour mettre plus de
chance de son côté.
En étudiant la relation du pouvoir dans l'organisation,
Dreyfus et Rabinow(3) définissent la stratégie comme
le choix des moyens employés
(1) ADUAYI Diop R., Survivre à la
pauvreté et à l'exclusion. Le travail des adolescentes dans la
ville de Dakar, Paris, Karthala, 2010, p.26
(2) CROZIER, M et Friedberg, E, L'acteur et le
système : les contraintes de l'action collective, Paris,
Seuil, 1977, p.57
(3) DREYFUS, H. L, RABINOW, P, et FOUCAULT, M, Un
parcours philosophique : au-delà de l'objectivité,
Paris, Gallimard, 1984, p.318
67
pour parvenir à une fin ; il s'agit de la
rationalité mise en oeuvre pour atteindre un objectif. Cependant, selon
Crozier et Friedberg, la stratégie permet aux acteurs de faire
fonctionner ou de maintenir un dispositif de pouvoir. D'où le concept de
stratégie de pouvoir utilisé très souvent dans les
écrits de Michel Crozier.
En lien avec son concept d'habitus, Bourdieu considère
la stratégie comme le produit du sens pratique comme sens du jeu, un jeu
social particulier, historiquement défini, qui s'acquiert dès
l'enfance en participant aux activités sociales(1). Ainsi,
les valeurs sociales sont incorporées dans le corps de l'individu par le
biais de la socialisation. Dans ce cas, les stratégies sont conformes
aux intérêts et objectifs de leurs auteurs et s'acquièrent
par l'expérience.
La stratégie, ou plutôt les stratégies
renvoient au comportement visant à atteindre un but, un stade,
collectivement ou individuellement. Elles peuvent être offensives ou
défensives. Offensives quand elles entrent dans un processus de lutte
contre les contraintes techniques et socioéconomiques ;
défensives en ce sens que les réponses élaborées
sont destinées à se protéger contre les risques propres
aux modes de vie. Cependant, cette distinction entre les stratégies est
schématique et complexe, car les démarcations sont difficiles
à établir.
Si l'on se réfère aux différentes
conceptions de la stratégie, il est évident que les
ménages de Lubumbashi sont engagés dans une logique de la
débrouille et adoptent en fait un ensemble de stratégies
conscientes et inconscientes pour survivre. Toutefois, ces stratégies
peuvent aussi se situer hors des organisations sociales conventionnelles
normatives en tant que manifestations de contrôle, de zones de pouvoir ou
de zones d'incertitude pertinente.
(1) BOURDIEU, P., Le sens
pratique, Paris, Minuit, 1980, p.79
68
1.2.1.5. Le concept de stratégies de
survie
La notion de stratégie de survie trouve son origine
dans la littérature latino-américaine et s'applique à des
populations très défavorisées. Selon
Schoemaker(1), le développement de ce concept constitue une
réponse à une inquiétude pour interpréter et saisir
un phénomène visible et caractéristique de tous les pays
non développés, celui de l'existence de vastes couches
marginales, exclues des progrès économiques de leurs pays, qui
doivent chercher des moyens d'assurer leur subsistance ou atténuer leur
condition de pauvreté, voire d'extrême pauvreté. La
stratégie familiale de survie économique consiste en un
réaménagement des fonctions à l'intérieur des
unités familiales, en accentuant la participation économique de
tous ou de la plupart des membres : la mère, les enfants ainés,
les mineurs, les co-résidents, et même les proches. En d'autres
termes, elle consiste à optimiser le nombre de personnes qui contribuent
aux activités rentables de l'unité domestique et se manifeste
principalement par la multiplication des fonctions productrices dans la
famille. Les stratégies de survie seraient les différentes
actions conduisant à minimiser le risque d'un appauvrissement plus
critique ou à trouver une plus grande probabilité d'assurer la
subsistance du groupe familial.
Développant la théorie de la production
marchande simple, Bernard Chavance montre que lorsque le salariat et
l'entreprise sont absents, la motivation essentielle des producteurs (hommes et
femmes) consiste à se procurer, une grande partie par l'échange
de leur force, des moyens de subsistance pour eux-mêmes et leurs
familles(2).
Cette vision économiciste de la notion de
stratégie de survie va être renforcée par une argumentation
démographique développée par Mathias
(1) SCHOEMAKER, J., Stratégies de survies
et procréation : une étude des bidonvilles d'Asunción
(Paraguay), Montréal, Université de
Montréal, Thèse de doctorat en démographie, 1987, p.23
(2) CHAVANCE, B., Op Cit. p.28
69
et par Torrado(1) . Ces auteurs parlent de
stratégies de survie familiale ou stratégie familiale de vie qui
englobe les aspects de reproduction matérielle et biologique des groupes
et renvoie au processus de création. Dans le même cadre
Marcoux(2) utilise le concept de stratégies en y introduisant
une dimension sociodémographique privilégiant une approche sous
l`angle du ménage, qui devient l'unité centrale d'analyse. Une
relation étroite est établie entre la structure des
ménages et les comportements démographiques adoptés par
ceux-ci afin d'assurer leur subsistance.
Dans la plupart d'études sur les stratégies de
survie, la dimension économique ou démographique a davantage
retenu l'attention de Marcoux. Mais Il semble cependant nécessaire
d'élargir ce concept en y introduisant de nouvelles dimensions,
sociologiques entre autres. Car la stratégie de survie des populations
pauvres et marginalisées dépend non seulement de facteurs
démographiques et économiques, mais surtout d'un ensemble de
facteurs sociaux qui interagissent. Ainsi Ndione Emmanuel Seynia montre que,
devant les difficultés à gérer le budget familial
déficitaire, les familles dakaroises déploient des
stratégies éco sociales de survie à partir des terroirs
qui renvoient à des réseaux familiaux et sociaux incluant
à la fois toute la famille, les voisins et les
associations(3).
A la lumière du développement de ce concept et
des observations de terrain, il est dès lors évident qu'il existe
plusieurs stratégies-sociologique, économique, politique,
démographique, religieuse, sociale - qui interagissent et sont mises en
oeuvre par les ménages dans la ville de Lubumbashi, tant par les acteurs
individuels que par les groupes sociaux.
(1) ADUAYI Diop R., Survivre à la
pauvreté et à l'exclusion, le travail des adolescentes dans les
marchés de Dakar, Paris, Karthala, 2010, p.27
(2) MARCOUX, R., L'école ou le travail.
L'activité des enfants et les caractéristiques des ménages
en milieu urbain au Mali, Montréal, Université de
Montréal, Thèse de doctorat en démographie, 1993
(3) NDIONE, E. S., Le don et le recours :
ressorts de l'économie urbaine, Dakar, Enda Editions,
1992, p. 57
70
La stratégie de survie fait allusion enfin à la
notion de vie et de mort. Devant l'impérieuse nécessité de
sauver sa vie l'homme en général et le Lushois en particulier
adopte des comportements visant à lui garantir la vie ou mieux à
refuser de mourir par manque des moyens. C'est dans ce cadre que l'on constate
que chaque fois que l'on est confronté au manque des moyens de
subsistance, au manque d'argent donc, il y a dislocation de beaucoup des
familles congolaises à cause de repas devenu rare et insuffisant, au
morcellement de parcelles ou le partage de la maison principale entre les
locataires et le bailleur, le recours à des activités autrefois
jugées indignes pour certaines personnes : de crieurs et vendeurs
ambulants, les acheteurs des moitiés de billets de banque ou des
batteries de véhicule hors d'usage, le commerce de détail
microscopique (Huile, sucre, riz, viande ou poisson dans des unités de
mesure hors du commun), les ramasseurs de toutes les pièces
usagées en fer ou en cuivre, la vente d'eau en sachet, les ramasseurs et
vendeurs des bouteilles en plastique, la mendicité, etc. Et il convient
de souligner, la mendicité à Lubumbashi a changé de
physionomie : les mendiants ne sont plus seulement des personnes physiquement
handicapées, mais aussi un homme ou une femme chiquement
habillés, parcourant la ville en demandant aux inconnus son ticket de
bus ; ou encore ces pasteurs évangélistes ambulants qui
envahissent les bus au dessein de récolter quelque chose auprès
des passagers. A eux s'ajoutent les femmes « Meza Moto » (celles qui
avalent du feu) qui agissent souvent en groupes bien organisés,
subtilisent les articles de traite dans les magasins et les revendent à
vil prix. Les stratégies de survie sont nombreuses et peuvent seules
constituer le sujet d'une autre thèse.
1.2.1.6. Le concept de ménage
Selon Marc Pilon, Mouhamadou Seidou Mama et Christine Tichit
dans leur article intitulé « Les femmes chefs de ménage :
Aperçu général et études de cas » le
ménage est généralement défini comme une
unité collective ou un groupe formé d'individus apparentés
ou non vivant sous
71
le même toit, et qui ont en commun leurs ressources et
dépenses(1). En analysant cette définition, nous
remarquons que l'unité d'habitation est la caractéristique la
plus souvent citée dans les définitions, avant le lien de
parenté, les conditions de ressources et dépenses communes ainsi
que le partage de repas. Ce qui nous fait craindre un problème
d'interprétation surtout en Afrique où l'unité
résidentielle est toujours identifiée à l'unité
familiale.
De son côté Sala Diakanda définit le
ménage comme un ensemble constitué par un petit groupe de
personnes apparentées ou non, qui reconnaissent l'autorité d'une
seule et même personne, vivent dans un même logement, prennent
souvent leur repas en commun et subviennent en commun aux dépenses
courantes.(2)
D'après Kuepie Mathias, le ménage peut se
définir comme un ensemble d'individus vivant sous le même toit et
prenant, le plus souvent, leur repas ensemble. Mais, si les membres d'un
même ménage ont en commun le lieu de résidence et les
repas, ils sont hétérogènes du point de vue d'une
multitude de critères (âge, sexe, statut, etc.) et occupent des
fonctions différentes au sein de la
maisonnée(3).
Dans cette étude, tenant compte de l'inquiétude
que nous venons d'exprimer après la définition de Marc Pilon et
autres, sur la possibilité d'identifier le ménage à
l'unité familiale, nous optons pour la définition de Pierre
Petit.
Pour Pierre Petit, le ménage est "une unité
socioéconomique des personnes qui partagent les mêmes repas et qui
vivent régulièrement
(1) PILON, M., MUOUHAMADOU Seidou Mama et TICHIT, C., «
Les femmes chefs de ménage : Aperçu général et
études de cas », in Ménages et familles en Afrique,
Approches des dynamiques contemporaines, les Etudes du CEPED
n°15, Lomé, 4-8 décembre 1995, p.168.
(2) SALA Diakanda D., « Problèmes conceptuels et
pratiques liés aux informations disponibles sur la structure des
ménages en Afrique ainsi qu'à son analyse », Actes
de Congres africain de population, Dakar 1988, p.1-16.
(3) KUEPIE, M., Revenu du chef de ménage
et stratégies de survie des ménages pauvres : une comparaison
Dakar/ Bamako, in document de travail de la conférence
sur « pauvreté et accès aux besoins essentiels »
organisée par le CEPS/INSTEAD les 6-8 novembre 2007 à
Differdange, Luxembourg.
72
ensemble, le plus souvent sous le même toit, en
partageant leurs ressources". Il ne s'agit donc pas du foyer au sens
biologique, puisque le ménage s'étend bien souvent à
d'autres personnes que celles de la famille nucléaire, qui en constitue
généralement le noyau central(1).
Cependant, la littérature économique relative
aux questions de pauvreté révèle un recours
systématique au concept de chef de ménage. Surtout lorsqu'on met
en rapport les caractéristiques du chef de ménage avec le niveau
de vie de ménage, il nous semble important de préciser notre
position dans cette étude.
En fait, le concept de chef de ménage comporte deux
hypothèses implicites qu'il conviendrait de caractériser avant de
donner notre position. La première, stipule une relation
hiérarchique entre les membres du ménage désignant le chef
comme membre le plus important. Cette première pour nous manque de
fondement quant à l'établissement de cette hiérarchie. La
seconde hypothèse indique que le chef est celui qui est
régulièrement présent à la maison, qui a
l'autorité prépondérante dans la décision à
prendre concernant le ménage, et qui fournit un soutien
économique consistant et central. Cette dernière hypothèse
souffre aussi comme la première de l'absence de justification formelle,
et est surtout fonction de la perception des arrangements intra ménages.
Elle risque dans notre contexte de créer de conflits internes surtout
avec le système patriarcal de gouvernance et d'allocation des
ressources. Car cette dernière hypothèse désignerait comme
chef le membre du ménage bénéficiant du revenu
d'activité le plus élevé au sein de ce dernier.
Pour notre thèse, nous référant à
l'article 444 du code de la famille(2) en vigueur en
République Démocratique du Congo et à la culture
(1) PETIT, P., op. cit, p.88
(2) Code de la famille en République du
Zaïre, Kinshasa, N°87/010 du 1er Août 1987
(Art 444 « le mari est le chef de ménage, il doit
protection à sa femme qui doit obéissance à son mari
» ; voir aussi Les Codes Larcier de la République
Démocratique du Congo, Tome 1 Droit Civil et judiciaire,
Larcier, Bruxelles, 2003, p.35
(1) KOKO Siaka Koné., « pauvreté,
genre et stratégies de survie des ménages en Côte d'ivoire
», Document de travail n°73, p.6
73
africaine en précisant comme l'écrit Koko Siaka
Koné : « dans les sociétés africaines, lorsque le
ménage compte un homme adulte, ce dernier, quel que soit son statut
socioprofessionnel, sera désigné comme chef. »(1)
Donc les chefs de ménage, dans notre étude, seront
généralement les hommes, mais aussi des femmes dans le cas des
veuves, des divorcées et de femmes seules ou célibataires).
1.2.1.7. Le concept d'économie de la
débrouille
Très souvent associé à une
économie populaire ou informelle, le concept de la débrouille ou
de l'économie de la débrouille prend racine dans un contexte de
crise économique comme un mécanisme de survie des acteurs. Elle
est présentée à la fois comme une forme d'organisation et
comme un ensemble des pratiques spécifiques qui caractérisent le
tissu social productif dans la lutte contre la pauvreté par la
création des richesses/moyens qui permettent de satisfaire des besoins
fondamentaux non couverts par les systèmes officiels.
L'économie de la débrouille est aussi une
culture de l'action sociale concrète où les personnes sont
actrices de leur vie. Etant elles-mêmes appelées à agir
dans un environnement qui leur est imposé et qui les contraint à
l'extinction ou l'exclusion.
Générallement se débrouiller veut dire se
démener, se battre,
lutter.
Joseph Houyoux définit l'économie de la
débrouille comme un univers informel qui vient à la rescousse de
l'économie formelle pour combler le manque à gagner. Ceci allait
de la prolifération des petits marchés, boutiques et kiosques
jusqu'à la prostitution, en passant par les vols opérés
74
dans les milieux de travail, la multiplication de
débits de boissons, la divagation des femmes commerçantes
ambulantes, etc.(1)
Certains auteurs vont même à vouloir lui refuser
ce qualificatif d'informel. Pour Leclercq, par exemple, parler de
l'économie informelle ne signifie pas que l'informel n'a pas de forme,
est atypique ou composite. Mais le caractère informel de cette
économie dite de la dernière chance ou de la débrouille
vient du fait qu'elle tient du bricolage, de l'expédient,
témoigne d'une grande ingénieuse débrouille et n'assumant
souvent qu'une survie précaire.(2) Mais il soutient
cependant, comme beaucoup d'autres personnes, que cette économie dite de
la débrouille ou populaire informelle forme finalement un système
plus solide qu'il n'apparaît à première vue comme une
machinerie économique et sociale, étonnamment forte, souple et
très résistante à la contraction sévère de
l'économie moderne comme aux agressions de l'inflation et même de
l'hyperinflation.(3) Shanyungu bien que la qualifiant d'une
économie des pauvres à cause du fait que ses activités
marchandes ne procurent à leurs opérateurs qu'un très
faible revenu individuel, tente de dégager son origine : de
l'inefficacité de l'intervention de l'Etat, du chômage urbain, de
la baisse du pouvoir d'achat des consommateurs, de la défaillance de
l'économie capitaliste périphérique.
Dans son article intitulé « La lutte pour la
survie : le cas des Zaïrois » Shanyungu note que l'économie ne
roule pas comme il faut ; que le plan de relance agricole 1981-1984 est
compromis ; que l'insuffisance de la rémunération réduit
le fonctionnaire à une vie infrahumaine, etc.(4) Ce qui
naturellement implique la recherche d'autres ressources pour survivre,
lesquelles s'inscrivent dans l'économie de la débrouille.
(1) HOUYOUX, J., Kisangani. Etude des budgets
ménagers, Kisangani, Sicai, 1972, Cité par PETIT,
P., op.cit, p.187
(2) LECLERCQ, H., « L'économie populaire
informelle de Kinshasa, approche macroéconomique » in
Zaïre-Afrique, N°271, Janvier 1993, p.17
(3) Idem, op.cit. p.17
(4) SHANYUNGU Mpenda Watu., « La lutte pour la survie :
le cas des Zaïrois », in Zaire-Afrique
n°181, 1984, p.57-58.
75
Fixant notre étude dans le cadre de cette
économie de la débrouille, nous voulons à travers cette
Thèse étudier les stratégies que le Congolais de
Lubumbashi ou plus précisément les ménages utilisent
maintenant pour arriver à nouer les deux bouts du mois et ou à
survivre.
1.2.2. Les concepts connexes
Avant de quitter cette section consacrée au cadre
conceptuel, nous nous permettons de noter quelque chose en rapport avec les
forces, les rapports et les modes de production.
Le fondement de l'histoire humaine réside dans la
production des conditions d'existence matérielle des hommes en
société. La production matérielle se présente sous
un double aspect : un processus entre les hommes et la nature, et les relations
sociales à l'intérieur desquelles ce processus se déroule.
Pour produire, les hommes établissent entre eux des liens et des
rapports bien déterminés : leur contact avec la nature s'effectue
uniquement dans le cadre de ces liens et de ces rapports sociaux. C'est ainsi
que l'analyse de la pauvreté tout comme du genre dans cette
thèse, nous oblige à préciser les concepts ci
haut-cités.
1.2.2.1. Les forces productives
Les forces productives représentent les conditions
matérielles de l'appropriation de la nature par les hommes dans le but
de satisfaire des besoins socialement déterminés, tandis que les
rapports de production en sont les conditions sociales. Pour Marx, les forces
de production sont des facteurs qui conditionnent directement la
productivité du travail. Ils relèvent en particulier le
degré moyen d'habilité des travailleurs, le niveau de
développement de la science et de ses possibilités d'application
technologique, la « combinaison sociale du processus de production »
ou organisation de la production, l'« ampleur et la capacité
opérative des moyens de production », enfin des données
naturelles. Parmi ces facteurs, l'étendue et l'efficacité des
moyens de production résument en quelque sorte tous les
76
autres : « les moyens de travail ne permettent pas
seulement de mesurer le degré de développement de la force de
travail humain, ils sont l'indicateur des rapports sociaux dans lesquels le
travail a lieu ».(1)
1.2.2.2. Les rapports de production
Les rapports de production sont les relations qui
s'établissent entre les hommes dans le processus de production. Elles
reposent sur l'appropriation des moyens de production, qui conditionne
l'appropriation des produits, c'est-à-dire les rapports de
répartition. Les rapports de production entretiennent avec les forces
productives et leur degré de développement des relations
dialectiques, autrement dit d'unité conflictuelle(2).
1.2.2.3. Le mode de production
Le mode de production représente l'ensemble des
conditions matérielles et sociales de la production,
considéré à un certain stade de développement
historique. Il inclut donc les forces productives et les rapports de
production, et constitue la base ou la structure économique de la
société.(3)
Pour Benoit Verhaegen, « le concept de mode de production
appliqué à l'économie urbaine de Kisangani est d'un usage
délicat car il doit rendre compte d'une très grande
variété de forme de production, depuis la grande entreprise
capitaliste dépendante de multinationales jusqu'à la petite
production artisanale africaine utilisant une main-d'oeuvre non salariée
et sans capital immobilisé, en passant par une game d'agencements
productifs hybrides empruntant certains traits au mode de production
capitaliste, d'autres aux modes de production lignagers ou à d'autres
modes de production pré-capitalistes ».(4)
(1) MARX, K., Le Capital, Livre 1, p.
202
(2) CHAVANCE, B., op. cit, p.14
(3) idem, p.14-15
(4) VERHAEGEN, B., Cahiers d'actualité
sociale, N°3, décembre 1986, Institut de Recherches
Sociales Appliquées (IRSA), Université de Kisangani, p.11
77
Un mode de production, poursuit l'auteur susmentionné,
« est un modèle général et abstrait qui permet de
saisir et de comprendre la réalité de l'organisation
économique et sa reproduction comme un tout organisé
c'est-à-dire comme une structure composée de divers
éléments interdépendants. Son pouvoir explicatif est
lié à son caractère formel. Il ne décrit pas la
réalité, mais permet de la comprendre en dévoilant la
logique interne de sa cohésion et de sa dynamique. A chaque mode de
production correspondent, dans une relation à la fois de
compatibilité et de causalités structurales diverses formes
déterminées de rapports, politiques, idéologiques.
L'utilisation du concept mode de production suppose que trois
éléments soient réunis dans la réalité : 1)
l'existence d'un surplus de production, résultat d'une activité
économique organisée socialement, c'est-à-dire d'une
division du travail ; 2) la répartition inégale de ce surplus,
c'est-à-dire l'exploitation d'une partie du travail est non payée
; 3) la formation de classes sociales qui tendent les-unes à reproduire
les relations d'exploitation parce qu'elles en profitent, les autres à
les détruire parce qu'elles en sont les victimes. La lutte entre elles
est souvent tellement inégale que l'ordre établi par la classe
exploiteuse parait immuable ; celle-ci dispose en effet d'avantages
considérables : elle a pu organiser les rapports économiques et
sociaux, construire l'appareil de l'Etat et forger une idéologie
à son service dès les premières phases de la mise en place
du nouveau système de production et avant même que n'apparaissent
clairement les rapports d'exploitation. Les nouveaux maîtres sont
d'autant plus difficiles à chasser qu'ils ont été
parés des vertus révolutionnaires des libérateurs.
»(1)
A Lubumbashi comme dans beaucoup des villes africaines et
congolaises le mode de production capitaliste s'actualise dans une variante
qualifiée de dépendance ou de périphérique. Pour
Coquery Vidrovitch, « il s'agit d'un modèle qui ne peut être
réduit à un exercice statique consistant à analyser
l'articulation structurelle entre éléments extraits soit du mode
de production pré-capitaliste (lignager, domestique), soit du mode de
production
(1) VERHAEGEN, B., Op. Cit,
p.12-13
(1) COQUERY-VIDROVITCH, C., « Réflexion
d'historien », in Revue canadienne des Etudes
Africaines, Vol 19, N°1, 1985, P.15
78
capitaliste. Se sont en effet mis en place des relations de
production ( ou de non production) qui, bien que se référant
à des éléments hérités des deux modes
ci-dessus cités, correspondent à des mécanismes
différents, utilisés à d'autres fins, dans une autre
logique »(1) Benoit Verhaegen donne l'exemple du
`'clientélisme», pratique de redistribution des profits
réalisés par la bourgeoisie périphérique, qui est
héritée du mode de production lignager pré-colonial, sans
qu'on puisse en déduire la survivance du mode lui-même. Il conclut
`'mode de production périphérique dans la mesure où sa
dépendance du mode capitaliste est évidente (l'existence de
celui-ci conditionnant la possibilité de celui-là). Mode de
production parce qu'il s'agit d'un ensemble cohérent, impliquant
notamment une articulation structurelle (et non dualiste) entre secteurs dits
`'moderne» et `'informel», et relevant l'extraordinaire
capacité d' `'accomodation» des sociétés
considéréés... ». Le mode de production
périphérique est donc au centre d'une double articulation ; l'une
de soumission à l'égard du capitalisme occidental auquel il
offre, entre autres avantages, une main-d'oeuvre dont le coût tend vers
zéro ; l'autre de domination et d'expolitation à l'égard
des forces productives encore largement conditionnées par
l'héritage des modes de prodction pré-capitalistes. Grâce
à cette double articulation de dépendance et de domination, le
capitalisme périphérique retransmet aux maillons les plus
faibles, c'est-à-dire aux paysans, aux travailleurs urbains
dépendants, aux petites entreprises artisanales et industrielles, en
accentuant la pression subie de la part du capitalisme central. Les avantages
retirés de cette articulation du point de vue du capitalisme sont de
trois ordres : 1) les salaires peuvent s'établir largement en-dessous du
minimum vital, puisqu'ils ne représentent qu'un appoint dans l'ensemble
des ressources familiales ; 2) le prix des services et des biens fournis par
les travailleurs indépendants, par les paysans et par les petites
entreprises sont, malgré leur très faible productivité,
beaucoup plus bas que ceux du secteur capitaliste, ce qui favorise la
compression des salaires ; 3)
79
l'emploi dans le secteur de la production non capitaliste est
caractérisé par la pléthore et par la flexibilité ;
l'entreprise capitaliste peut y puiser à l'infini pour satisfaire ses
besoins en travail mais elle peut aussi y refouler sans rencontrer de
résistance, les travailleurs excédentaires ou
épuisés ; l'offre de travail est parfaitement élastique.
Un accroissement de la demande ne risque pas de déclencher une hausse
des salaires. Une réduction, même drastique, n'engendre pas de
contestations sociales.(1)
A ce sujet, nous devons reconnaitre, comme le signale Jean
Fonkoué que : « les travailleurs salariés africains qui
relèvent, dans leur existence de salariés, du processus de
déploiement du mode de production capitaliste dans ce que Lénine
appelle sa « périphérie coloniale », ne sont pas des
simples pauvres au sens de ` have not', sans
propriété, comme l'étaient les esclaves et les serfs des
régimes précédents. Au contraire ce nouveau type de
production manque désormais de profession et de salaires. Bien entendu,
l'établissement du nouveau système de production n'élimine
pas, comme par la magie, les couches ruinées auparvant par diverses
formes de servitude et de misère plus ou moins naturelles - leur
signification fonctionnelle est qu'elles viennent périodiquement grossir
le nouveau prolétariat salarié. Encore une fois, l'important
n'est pas la simple possibilité pour les employeurs d'acheter par-ci par
là une main-d'oeuvre bon marché, mais le fait que cette force de
travail apparait généralement comme marchandise, et que
s'instaure un rapport social de production dominant. C'est également
à partir du même processus que se constitue le
phénomène du chômage. »(2)
Dans ce mode de production capitaliste, les travailleurs
congolais en général et lushois en particulier ont depuis
longtemps travaillé sous le fouet des propriétaires capitalistes.
Ils ont construit des routes, casser des pièrres pour tracer le chemin
de fer, « manger des cuivres », construit des immeubles
(1) VERHAEGEN, B., op cit, p.15
(2) FONKOUE, J., op. cit, p.172-173
80
publics mais leur recompense a été et demeure
encore la misère, l'ignorance, la dégradation de leurs conditions
sociales et économiques. Les muscles, le sang et les larmes des lushois
et du congolais en général ont servi à l'affranchissement
et l'établissement du capitalisme, donc de la Macromafia dont a
parlée Aimé Mukena : « En tout cas, le développement
de notre pays n'est pas encore très bien perceptible. On peut tout dire,
depuis plusieurs décennies, le pays fonctionne essentiellement
grâce à des pratiques d'arrangement entre les institutions
nationales et les bailleurs de Fonds. Là aussi, les choses sont assez
claires : tout va pour le mieux dans les meilleurs des mondes des grands ; les
riches s'enrichissent, les pauvres plongent dans une
contre-société en consommant des leçons de bonne
gouvernance données naturellement par les bailleurs. Et la machine
à fabriquer les inégalités continue à inventer de
nouveaux mécanismes de relations riches/pauvres »(1). Et
à moi d'ajouter, mais aussi Hommes/Femmes.
» Mais là où le bat blesse, c'est le fait
que le monde occidental se rend à peine compte que ce triomphe
international des inégalités finit par créer des amalgames
entre l'ordre et le désordre, l'envers et l'endroit, entre l'argent sale
et l'argent facile, entre l'argent facile et la bourse et entre la bourse et la
concurrence et au-delà de la concurrence, il n'y a qu'une imagerie : la
corruption. Et entre la corruption et la Mafia, la distance est minime. Telle
est probablement la raison pour laquelle les apprentis sorciers de notre pays
ont appris sur le tas le fonctionnement de la Mafia et se ruent sur l'argent
facile et l'argent parasite ! Hier, affaire de Maîtres situés dans
l'hémisphère nord, le blanchiment d'argent sale devient
aujourd'hui la panacée de quelques Kléptomanes arrogants de notre
pays. Hier occultées et gênantes, les fortunes volées
s'étalent aujourd'hui, les modes de vie ostentatoires des voleurs d'Etat
remplissent les magazines, les médias aliénés pour la
bonne cause publient les patrimoines et les signes extérieurs de
richesses des voleurs publics non inquiétés. »(2)
N'est ce pas là ce que dans la
(1) MUKENA, A., Op. Cit, p.351
(2) Idem, Op.Ct. p.351
81
sagesse congolaise Tetela on dit : « mbudi
kalova hawohaneka ekoho » c'est-à-dire « on
n'étale pas la peau de la chèvre volée», pour
condamner les mêmes anti-valeurs ?
Comme le travailleur africain sous l'emprise du capitalisme,
dans le processus de production, la femme n'est pas épargnée. A
peine sortie de la domination des parents et autres apparentés, elle se
retrouve sous la domination du mari, donc de son époux avec la
bénédiction de la coutume et de la religion, voire de la loi
fabriquée de toute pièce par les hommes. A l'école ou
encore dans les milieux professionnels, elle subit un autre calvaire, une autre
domination. Elle est toujours vue en fonction de son sexe, harcelée
sexuellement pour les côtes ou pour l'emploi. Elle est souvent même
dans des séances de travail appellée à servir à
boire ou à manger pour ses collègues, même les moins
gradés qu'elle. Donc la situation de l'inégalité et de la
discrimination homme/femme ne doit pas etre dissociée du processus de
constitution et du développement du système capitaliste, qui part
de l'esclavage à l'impérialisme actuel en passant par la
colonisation. Un processus du reste inachevé et occulté avec un
mauvais côté, la singularité concrète des conditions
historiques de ruine économique et sociale, dans lesquelles sont
plongées non seulement les femmes lushoises mais toute la
société congolaise et, pourquoi pas, africaine actuellement.
Confirmant cette hypothèse, Jean Marc Ela note : « il faut dire que
le passé colonial a aggravé cette situation. L'introduction de
nouvelles formes de production agricole, la pénétration des
mécanismes de l'économie de marché, les modèles
d'éducation, constituent autant des facteurs qui ont favorisé des
structures marquées par l'individualisme occidental. L'oppression
exercée par le monde extérieur sur les villages force les paysans
à détourner leur hostilité et à la décharger
sur les voisins immédiats.(1)
(1) ELA, J. M., Op Cit,
p.203
82
1.3. Cadre théorique
D'après Le dictionnaire Robert : de
Français, la théorie est un ensemble
d'idées, de concepts abstraits dans un domaine. Citant Neuman (1997)
Deogratias Bugandwa définit « la théorie sociale comme un
système d'abstractions ou d'idées interconnectées qui
condensent et organisent le savoir du monde social »(1).
Relevant la différence entre la théorie et la méthode,
Madeleine Grawitz précise que toute théorie implique des
problèmes liés au contenu spécifique qu'elle ordonne et
possède un caractère substantif. La théorie définit
plutôt le « quoi ? », alors que, sans doute liés au
contenu, mais d'une autre façon, les problèmes de méthode
donnent une réponse à la question « comment ?
»(2).
Souvent rattachée à la théorie ou
à la méthode, l'approche fait référence,
d'après Le Robert, à la manière d'aborder un sujet ; un
point de vue. L'approche au sens figuré, concerne une démarche
intellectuelle. Elle n'implique pas les étapes
systématisées, visibles, de la technique, ni la rigueur
intellectuelle de la notion de méthode. Elle est surtout une attitude,
comportant souplesse, prudence, et caractérisée par un
état à la fois de grande vigilance et de grand respect pour
l'événement ou l'objet(3). La perspective étant
alors la manière de considérer quelque chose.
La construction d'un cadre théorique, dans cette
section, évoque le changement social comme modèle explicatif de
la question du genre, pauvreté et stratégies de survie des
ménages dans la ville de Lubumbashi. Mais il convient d'emblée de
préciser qu'en situant cette question dans la perspective du changement
social, notre démarche s'inscrit à contre-courant des
observateurs qui ont une vision statique voire négative et afro
pessimiste du développement en Afrique. L'objet de notre recherche
doctorale est de comprendre les dynamiques en cours à Lubumbashi dans
le
(1) BUGANDWA, D., Méthode de recherches en
sciences Sociales et de Gestion, Goma, Institut Supérieur
d'Informatique et de Gestion (ISIG), 2011-2012, p.22
(2) GRAWITZ, M., Méthodes des Sciences
Sociales, 7e édition, Paris, Dalloz, 1986,
p.361
(3) Idem, p.362
(1) LECLERC, B., Les conceptions de
l'être humain, théories et problématiques,
Québec, Du Nouveau Pédagogique, 1993, p.350
83
cadre de mécanismes de lutte pour la survie et contre
la pauvreté, qui témoigne bien de l'évolution des
sociétés congolaises en particulier et africaines en
général.
Le changement social y sera envisagé dans sa double
signification. Il s'agit d'abord de manifester la relation entre les
inégalités sociales, notamment le genre, la pauvreté et
ensuite la mise en profit du travail de la femme, des enfants et des
corésidents comme stratégies de survie des ménages. Le
travail de la femme, des enfants et des corésidents dans la ville de
Lubumbashi et dans l'économie de la débrouille dénote une
affirmation de la volonté de survie dans un contexte de crise
économique et de précarité monétaire. Il demande
donc à être analysé comme composante du changement social
traduisant la dynamique et les innovations dans les pratiques et les logiques
de survie sociale des acteurs. Point n'est besoin de nier que la
réalité sociale des initiatives ou des stratégies
individuelles ou collectives, des ménages de la ville de Lubumbashi, en
vue d'une réduction de la pauvreté et partant de
l'amélioration de leurs conditions de vie, participe au processus de
changement social de la société congolaise en
général et lushoise en particulier.
C'est dans ce cadre que nous voulons tenter d'aller dans le
sens de Bruno Leclerc qui recommande qu'une représentation
théorique valide doit dépasser le niveau des perceptions
subjectives pour accéder à celui de l'organisation des
connaissances factuelles et des concepts abstraits dans un ensemble
cohérent. Il s'agit d'un travail de longue haleine, auquel on doit
demeurer attentif aux limites des différentes perspectives, chacune
d'elles représentant la manière de découper la
réalité humaine à partir de certains postulats
théoriques et de certaines options méthodologiques.(1)
Ainsi notre analyse au niveau théorique sera essentiellement
basée sur la théorie du Genre de Joan Scott, de Sally Alexander,
Jeanne Bisililliat et Christine
(1) SCOTT, J., Genre: une catégorie utile
d'analyse historique in Genre, un outil nécessaire,
introduction à une problématique, Paris,
L'Harmattan, 2000, p. 41
84
Verschuur, Esther Boserup et M. Bozon et comme modèle a
priori l'approche sur les stratégies de survie de Juan Schoemaker.
1.3.1. La théorie sur le genre
Joan Scott dans « Genre: une catégorie utile
d'analyse historique » publié dans le premier cahier Genre et
développement, intitulé « Genre, un outil nécessaire,
introduction à une problématique » écrivait que ceux
qui se proposent de codifier les sens des mots luttent pour une cause perdue,
car les mots comme les idées et les choses, sont faits pour signifier,
ont une histoire. Ni les professeurs d'Oxford ni l'Académie
française n'ont été entièrement capables d'endiguer
le flot, de capter et fixer des sens dégagés du jeu de
l'invention et de l'imagination humaine.(1) Notre objectif, dans
cette section est loin de s'attarder sur la signification du concept genre mais
de chercher à découvrir l'étendue des rôles sexuels
et du symbolisme sexuel dans différentes sociétés et
périodes, de trouver quel a été leur sens et comment ils
ont fonctionné pour maintenir l'ordre social et pour le changer.
L'usage du genre dans beaucoup de littératures
scientifiques d'aujourd'hui implique un éventail aussi bien de positions
théoriques que de références descriptives des rapports
entre les sexes. Mais dans leur majorité, les tentatives de
théorisation du genre ne sont pas sorties des cadres traditionnels des
sciences sociales : elles utilisent des formulations éprouvées
qui proposent des explications causales universelles. Ces théories
eurent, dans le meilleur des cas, un caractère limité parce
qu'elles ont tendance à inclure des généralisations
réductrices ou trop simplistes ; celles-ci minèrent non seulement
la complexité du sens que propose l'histoire, comme discipline, de la
causalité sociale, mais aussi l'engagement féministe dans
l'élaboration des analyses qui mènent au changement.
La problématique genre dans la lutte contre la
pauvreté est très souvent abordée dans le cadre
théorique de : femmes et développement ou
(1) BOSERUP, E., citée par LOCOH, (T.) et
N'GUESSAN, K., Genre, population et développement en Afrique
de l'ouest, Abidjan, ENSEA, FNUAP, 1999, p. 3
85
celui du genre et développement. Nous optons, dans
cette étude, pour le genre et développement. Le concept de genre
est le dernier aboutissement des recherches consacrées à
l'intégration des femmes dans le développement. Ces recherches
ont permis donc la transformation et l'enrichissement de la théorie et
nous oblige de résumer l'évolution de l'approche genre.
La plupart d'analyses concernant les femmes et le
développement qui ont été proposées dans les
années 1950 et 1960 se sont surtout intéressées au
rôle domestique et reproductif des femmes et ont présenté
les femmes comme une catégorie vulnérable, pauvre et passive. En
ce sens elles devaient être assistées et protégées
par la communauté et les organisations sociales.
A l'inverse, Esther Boserup a montré, au cours des
années 1970, que les préoccupations du développement
économique faisaient peu place aux problèmes spécifiques
des femmes et à leur participation à l'activité
économique. S'appuyant sur une étude sur l'Afrique subsaharienne,
qu'elle qualifie de région d'agriculture féminine, elle a
souligné que les programmes de développement tendaient à
aggraver la situation des femmes du Tiers-monde en alourdissant leur charge de
travail sans augmenter leurs bénéfices. En effet, en faisant
ressortir les mécanismes d'occultation, d'assignation et d'exploitation
de la force de travail féminine, Ester Boserup a souligné
qu'à travers la spécialisation « sexuée » des
activités agricoles, les hommes privilégient les cultures de
rente, tandis que le secteur vivrier d'autosubsistance est dans une large
mesure dévolu aux femmes(1).
L'approche Women's Integration in Development ou
Intégration des femmes au développement (WID ou IFD) qui a
prévalu durant la décennie 1975-1985 est fondée sur ce
constat. Elle a donné lieu à plusieurs conférences,
séminaires, colloques sur les femmes, qui ont été
organisés par
- L'approche « efficacité » (efficiency
approach), populaire vers la fin
des années 70, qui considérait l'appui aux
activités productives des
86
l'ONU à Mexico (1975), Copenhague (1980), Nairobi
(1985), Le Caire (1994) et à des évaluations menées dix
ans plus tard à l'occasion de la conférence de Beijing (1995).
Selon cette approche, le développement ou la modernité devrait
permettre un partage équitable entre les hommes et les femmes. Aussi,
pour améliorer le statut des femmes, on pensait qu'il suffisait de les
faire participer davantage aux processus de « modernisation » en les
« intégrant » aux activités
rémunératrices et notamment le salariat.
L'approche dite d'intégration des femmes au
développement part de l'idée que le développement vise en
premier lieu l'activité économique. Elle se concentre
spécialement sur la sphère de la production. Elle favorise aussi
l'accroissement de la productivité des femmes et l'augmentation de leurs
revenus ainsi que leur accès à des ressources économiques
productives en vue de permettre leur participation efficace au
développement. Elle préconise des reformes administratives et
législatives. Elle ne conteste donc pas le développement
capitaliste, mais réclame une reconnaissance juste de la contribution
des femmes. La politique de l'Intégration des Femmes au
Développement s'est distinguée par trois approches successives
:
- L'approche « de la quête d'égalité
» (equity approach) qui vise à
impliquer les femmes dans les activités de
développement de manière à ce qu'elles puissent en
profiter autant que les hommes. Cette approche, largement inspirée par
Esther Boserup, néglige toutefois les rapports de force entre les hommes
et les femmes ;
- L'approche « anti-pauvreté » (anti-poverty
approach) axée sur les
besoins des femmes dans leur activité productive
partait de l'hypothèse suivante : pour conjurer la pauvreté, la
productivité des femmes devait augmenter. Mais les contraintes dues aux
différents rôles et statuts des femmes n'étaient pas prises
en compte ;
(1) BOZON, M., «Pékin: utilités et
limites d'une conférence mondiale», in Chronique du
CEPED, n° 19, 1995, pp.4-6
87
femmes comme un des instruments du processus global de
développement.
Inspirée par des féministes
Latino-Américaines, l'approche « acquisition de pouvoir » ou
l'empowerment approach est venue renouveler la problématique des
années 70-80. Cette approche soutient qu'on ne peut espérer
améliorer la situation des femmes et promouvoir l'égalité
entre les sexes que si l'on remet en cause les rapports de pouvoir
historiquement et socialement valorisés entre hommes et femmes. A ce
sujet, M. Bozon précise bien les objectifs : «
l'objectif d'un empowerment des femmes, terme
difficile à traduire, qui peut exprimer à la fois le renforcement
du pouvoir politique, l'autonomisation économique, la capacité
à exercer pleinement des droits juridiquement reconnus et la
maîtrise de la destinée, n'est pas une simple exigence
de justice mais un moyen et une garantie de l'efficacité dans la lutte
contre la pauvreté et pour le développement
»(1).
Ces différents espaces de débats sur la question
des femmes ont beaucoup contribué à la sensibilisation de
l'opinion publique internationale et à la construction d'une
problématique spécifique sur les rapports sociaux de sexes ou du
genre et développement.
L'approche Gender and Development (GAD) est apparue au
début des années 1980 comme une alternative à la
précédente, en réaction aux limites des théories du
sexisme et des programmes de développement en Afrique. Genre et
Développement (GED) se veut une approche globale qui intègre non
seulement les dimensions biologiques, mais met surtout l'accent sur les
inégalités existantes. Elle a un double objectif dont le premier,
scientifique, vise à apporter un nouvel instrument de connaissance pour
mettre en relief les déterminants qui, dans chaque
société, conditionnent le statut, les représentations et
les comportements des individus en tant qu'ils
(1) MAMA Amina, Etudes par les femmes et
études sur les femmes en Afrique durant les années
1990, Dakar, Codesria, 1997, p.9
88
sont des hommes et des femmes (Locoh 1999). En ce sens, elle
se veut transversale à l'ensemble des politiques, programmes et projets
de développement tout en maintenant les interventions ciblées sur
les femmes pour pallier les inégalités récurrentes entre
les sexes. Ensuite, elle poursuit un objectif éthique et identifie les
nombreuses inégalités entre hommes et femmes, en étant
plus attentive à toute forme d'iniquité, d'exploitation ou de
domination d'une catégorie sociale par une autre. Depuis lors,
l'approche genre constitue « un corpus de connaissances et d'innovations
méthodologiques précieuses aux sciences sociales africaines en
général » (1).
Cette approche est née du besoin de combler une lacune
des sciences sociales dans les analyses des rapports de production des femmes.
Elle est devenue ainsi un outil d'analyse prospective dans le cadre de la
planification des projets de développement en donnant aux
activités économiques des femmes des possibilités de se
réaliser pleinement et d'accroitre la production en Afrique. Sur le plan
pratique, les recommandations émises au niveau international visaient
une meilleure prise en charge des intérêts des femmes. Ainsi
traduites en République Démocratique du Congo, elles ont
contribué par exemple à une innovation majeure dans les
politiques, avec la création et l'organisation du ministère du
genre et famille, l'émergence de nombreuses organisations non
gouvernementales (ONG) et associations de promotion féminine. Ces
organisations et associations deviennent les structures de base du
mécanisme national chargé de la promotion des femmes. Ainsi en
milieu rural comme en milieu urbain, on observe une certaine prise de
conscience de l'importance de l'apport économique féminin au sein
de la famille et plus globalement de la société. Grâce
à l'approche genre, et surtout à la prise de conscience qu'elle
suppose, nous voulons voir comment les congolais en général et
les lushois en particulier ont acquis la capacité de se
déterminer et augmenter leur efficacité à minimiser les
obstacles à leur participation aux différents sphères de
la vie économique,
(1) SCOTT, J., « Genre une catégorie utile
d'analyse historique », in Cahiers genre et
développement n°1 - 2000, Paris, L'Harmattan, 2000,
p.44
89
notamment pour la survie de leur ménage. Surtout
lorsqu'on sait que le travail de production et le travail domestique des femmes
n'ont pas été vraiment pris en compte et valorisés
lorsqu'il s'agit de la survie de ménage. Leur participation au
développement et à la lutte contre la pauvreté n'est donc
pas reconnue ; leurs activités sont reléguées dans le
secteur de l'économie informelle.
Nonobstant cette présentation, les approches
utilisées par la plupart d'historiens se divisent en deux
catégories distinctes. La première est essentiellement
descriptive ; c'est-à-dire qu'elle se réfère à
l'existence des phénomènes ou des réalités sans
interpréter, expliquer ou attribuer une causalité. Le
deuxième usage est d'ordre causal ; il élabore des
théories sur la nature des phénomènes et des
réalités, en cherchant à comprendre comment et pourquoi
ceux-ci prennent les formes qu'ils ont.
Il s'avère donc facile de simplifier la
compréhension de toutes les théories sur le genre. Dans son usage
récent le plus simple, « Genre » est synonyme de « femmes
». De livres et articles de toutes sortes qui avaient comme sujet
l'histoire des femmes ont, pendant les dernières années,
substituées dans leurs titres le terme de « genre » à
celui de « femmes ». Dans certains cas, même si cet usage se
réfère vaguement à certains concepts, il vise en fait
à faire reconnaître ce champ de recherches. Dans ces
circonstances, l'usage du terme de « genre » vise à indiquer
l'érudition et le sérieux d'un travail, car le « genre
» a une connotation plus objective et neutre que « femmes
»(1).
Le « genre » semble s'intégrer dans la
terminologie scientifique des Sciences Sociales et donc, se dissocier de la
politique prétendue tapageuse du féminisme. Dans cet usage, le
terme de « genre » n'implique pas nécessairement une prise de
position sur l'inégalité ou le pouvoir, pas plus qu'il ne
désigne la partie lésée et jusqu'à présent
invisible. Alors que le terme
90
« histoire des femmes » révèle sa
position politique en affirmant que les femmes sont des sujets historiques
valables, le « genre » inclut les femmes, sans les nommer, et
paraît ainsi ne pas constituer de menace critique. Cet usage de «
genre » est un aspect de ce qu'on pourrait appeler la recherche d'une
légitimité institutionnelle par les études
féministes.
Sans vouloir nous écarter du sujet, nous rappelons
cependant les préoccupations du féminisme. D'après
Françoise d'Eaubonne, le féminisme est à la fois la
protestation de la catégorie humaine la plus anciennement
écrasée et exploitée, puisque la femme était
esclave avant que l'esclave fût, et l'humanité tout entière
en crise, ou la mue de l'espèce. ..Le féminisme est donc,
véritablement le monde qui va changer de base, car, il ne reste plus le
choix : si le monde refuse cette mutation qui dépassera toute
révolution comme la révolution a dépassé l'esprit
de la réforme, il est condamné à mort. Et une mort
à la plus brève échéance. Non seulement par la
destruction de l'environnement, mais par la surpopulation dont le processus
passe directement par la gestion de nos corps confiée au système
mâle(1).
On remarque dans cette définition deux
éléments importants : d'une part, un certain refus de la
maternité qui soutend l'esclavagisme et l'exploitation de la femme par
l'homme et, d'autre part, la crainte de la destruction des ressources pour
nourrir l'humanité. Ce qui n'étonne pas tellement car il s'agit
de la définition qui vient d'une militante. Mais pour Jacques Leclerq,
le féminisme est un mouvement confus, où l'on constate des
tendances extrémistes ou modérées très
dissemblables et dont le point de ralliement s'établit seulement autour
d'une idée unique, à savoir la déchéance
féminine et le droit de la femme à l'égalité avec
l'homme.(2)
Dans l'analyse de la littérature consacrée au
féminisme tout comme sur le genre, la tendance à dénoncer
l'inégalité entre les sexes et
(1) EAUBONNE, F., Le Féminisme ou la mort.
Femmes en mouvement, Paris, Pierre Horay, 1974, p.10-11
(2) LECLERQ, J. Leçon de droit naturel,
Vol.III, 4e édition, Louvain, 1958,
pp.369-405
91
penser à l'égalité constitue le point
commun, mais si dans le féminisme on note le souci de révolte, le
genre prône pour une construction du développement de
l'humanité base sur la collaboration de deux sexes, de
l'égalité de chance, d'abandon de discrimination et des
préjugés.
Le « Genre » en tant que substitut pour «
femmes » est également utilisé pour suggérer que
l'information au sujet des femmes est nécessairement information sur les
hommes, que l'un implique l'étude de l'autre. Cet usage insiste sur le
fait que le monde des femmes fait partie du monde des hommes, qu'il est
créé dans et par ce monde. Cet usage rejette la validité
interprétative de l'idée des sphères
séparées et soutient qu'étudier les femmes de
manière isolée perpétue le mythe qu'une sphère,
l'expérience d'un sexe, n'a que très peu ou rien à faire
avec l'autre sexe. De plus, le genre est également utilisé pour
désigner des rapports sociaux entre les sexes. Son usage rejette
explicitement des explications biologiques, comme celles qui trouvent un
dénominateur commun, pour diverses formes de subordination, dans le fait
que les femmes ont des enfants et que les hommes ont une force musculaire
supérieure. Le genre devient plutôt une manière d'indiquer
des « constructions sociales » - la création
entièrement sociale des idées sur les rôles propres aux
hommes et aux femmes. C'est une manière de se référer aux
origines exclusivement sociales des identités subjectives des hommes et
des femmes. Le genre est selon cette définition une catégorie
sociale imposée sur un corps sexué.
Avec la prolifération des études des sexes et de
la sexualité, le genre est devenu un mot particulièrement utile,
car il offre un moyen de distinguer la pratique sexuelle des rôles
sexuels assignés aux femmes et aux hommes. Bien que les chercheurs
reconnaissent le rapport entre le sexe et ce que les sociologues de la famille
ont appelé les « rôles sexuels », ces chercheurs ne
posent pas entre les deux un lien simple ou direct. L'usage de « genre
» met l'accent sur tout un système de relations qui peut inclure le
sexe, mais il n'est pas directement déterminé par le sexe ni ne
détermine
92
directement la sexualité. C'est dans ce sens que nous
reconnaissons avec Jeanne Bisilliat et Christine Verschuur que le « Genre
» s'inscrit dans une analyse des rapports sociaux et reconnait que les
relations de pouvoir entre les hommes et les femmes au sein des
différentes instances de la société sont responsable d'une
distribution inégale des ressources, des responsabilités et du
pouvoir entre femme et homme.(1)
Dans l'analyse des théories sur le genre, on se
retrouve moins embarrassé par la fixation exclusive sur des questions
relatives au sujet et par la tendance à réifier, comme la
dimension principale du genre, l'antagonisme subjectivement produit entre
hommes et femmes. Qui plus est si la manière dont le sujet est construit
reste ouverte, la théorie tend à universaliser les
catégories et le rapport entre féminin et masculin. En fait le
problème de l'antagonisme sexuel, qui tend à confondre le genre
à une lutte de classe plutôt que celui de la redéfinition
des rapports sociaux est souvent envisagé sur deux aspects essentiels :
- premièrement, le genre projette une certaine dimension
éternelle, même quand elle est bien historicisée, comme
chez Sally Alexander, qui soutient que l'antagonisme entre les sexes est un
aspect inévitable de l'acquisition de l'identité sexuelle...Si
l'antagonisme est toujours latent, il est possible que l'histoire ne puisse pas
offrir une solution, mais seulement la reformulation et réorganisation
permanente de la symbolisation de la différence, de la division sexuelle
du travail.(2)
Quoi qu'il en soit, la formulation de Sally Alexander
contribue à fixer l'opposition binaire masculin-féminin comme le
seul rapport possible et comme un aspect permanent de la condition humaine.
Elle perpétue, plutôt qu'elle ne met en cause ce à quoi
Denise Riley se réfère comme à l'insupportable allure
d'éternité de la polarité sexuelle. Celle-ci indique que
le caractère historiquement construit de l'opposition (entre le masculin
et le
(1) BISILLIAT, J., et VERSCHUUR, C., Le Genre : un
outil nécessaire, introduction à une
Problématique, Paris, L'Harmattan, 2000, p.9
(2) SALLY, A., «Women, class and sexual difference,
p.135» in Cahiers Genre et développement,
N°1,2000, p. 53
93
féminin) produit comme un de ses effets cet air
justement invariable et monotone d'opposition hommes/femmes(1).
C'est précisément cette opposition, dans tout son ennui et toute
sa monotonie, qui est mise en avant par le travail de Carol Gilligan. Il a
expliqué les différents modes de développement moral des
garçons et des filles, en termes de différences
d'expériences, de réalité vécue. Il n'est pas
surprenant que des historiens des femmes aient repris ses idées et les
aient utilisées pour expliquer les « voix différentes »
que leur travail leur avait permis d'entendre.(2)
Le problème que pose cet aspect de la théorie du
genre est le glissement qui s'opère souvent dans l'attribution de la
causalité : l'argumentation commence par une affirmation du type
l'expérience des femmes les amène à faire des choix moraux
qui dépendent des contextes et des relations pour arriver à dire
que les femmes pensent et choisissent ce chemin parce qu'elles sont femmes.
Cette façon de voir les choses s'inscrit en opposition flagrante avec la
conception plus complexe et historicisée du genre. Car en insistant
toujours sur des différences fixées l'on renforcerait le type de
pensée que nous combattons dans ce travail.
Deuxièmement, le genre rejette l'idée du
caractère fixé et permanent de l'opposition binaire, d'une
historisation et d'une déconstruction authentiques des termes de la
différence sexuelle. Car nous devons devenir plus attentifs aux
distinctions entre notre vocabulaire d'analyse et le matériel que nous
voulons analyser. Nous devons trouver des moyens de soumettre sans cesse nos
catégories à la critique, nos analyses à l'autocritique.
Ce qui signifie qu'analyser dans son contexte la manière dont
opère toute opposition binaire, renversant et déplaçant sa
construction hiérarchique au lieu de l'accepter comme réelle,
comme allant de soi ou comme étant dans la nature des choses. L'histoire
de la pensée émancipatrice de la femme est une histoire du refus
de la construction hiérarchique entre masculin et féminin, ce
(1) RILEY, D., cité dans Cahiers Genre et
développement, N°1, 2000, p.53
(2) GILLIGAN, C., cité dans Cahiers Genre et
développement, N°1, 2000, P. 53
(1) SCOTT, J., «Le Genre de l'histoire»
in Cahiers du GRIF, Paris, Printemps 1988, pp
125153.
94
qui fut compris comme une tentative de renverser ou de
déplacer ses fonctions.
D'après Joan Scott, « Les préoccupations
théoriques du genre comme catégorie d'analyse n'ont
émergé qu'à la fin du 20e siècle. Elles
sont absentes de la majeure partie des théories sociales
formulées depuis le 17e jusqu'au début du
20e siècle. En fait, certaines de ces théories ont
bâti leur logique sur des analogies avec l'opposition
masculin/féminin, d'autres ont reconnu une question féminine,
d'autres encore se sont préoccupées de la formation de
l'identité sexuelle subjective, mais sans avoir pensé à
envisager le genre comme système de rapports sociaux. Le genre doit
faire partie d'une tentative entreprise par les féministes
contemporaines pour revendiquer un certain terrain de définition, pour
insister sur l'inaptitude des théories existantes à expliquer les
inégalités persistantes entre les femmes et les hommes. Donc au
lieu de chercher des origines uniques, pour expliquer comment le changement a
lieu dans le cadre des rapports sociaux, nous devons par contre concevoir des
processus tellement liés entre eux qu'ils ne sauraient être
séparés. Que nous choisissions des problèmes concrets
à étudier, et ces problèmes constituent des débuts,
ou des prises sur des processus complexes. Ce sont les processus qu'il faut
sans cesse avoir en tête. Il faut nous demander plus souvent comment les
choses se sont passées pour découvrir pourquoi elles se sont
passées ; selon la formulation de Michelle Rosaldo, nous devons
rechercher non pas une causalité générale et universelle,
mais une explication significative : je vois maintenant que la place de la
femme dans la vie sociale humaine n'est pas directement le produit de ce
qu'elle fait, mais du sens qu'acquièrent ses activités à
travers l'interaction sociale concrète.(1) Pour faire surgir
le sens, nous avons besoin de traiter le sujet individuel aussi bien que
l'organisation sociale et d'articuler la nature de leur interrelation, car tous
deux ont une importance cruciale pour comprendre comment fonctionne le genre,
comment survient le changement. C'est dans ce
95
cadre que s'inscrit l'analyse du genre dans la lutte contre la
pauvreté de la femme lushoise à travers une économie de la
débrouille.
La théorisation du genre dans cet aspect de
l'autonomisation de la femme soulève les problèmes des rapports
de pouvoir. Ce serait même mieux de dire que le genre est un champ au
sein duquel ou par le moyen duquel le pouvoir est articulé. Le genre
n'est pas le seul champ, mais semble avoir constitué un moyen persistant
et récurrent de rendre efficace la signification du pouvoir. Le
sociologue français Pierre Bourdieu a écrit sur la manière
dont la division du monde, fondée sur des références
à des différences biologiques, celles qui se
référent à la division sexuelle du travail, de la
procréation et de la reproduction opère comme la plus
fondée des illusions collectives. Etabli comme un ensemble objectif de
références, le concept de genre structure la perception et
l'organisation concrète et symbolique de toute la vie
sociale(1) . Dans la mesure où ces références
établissent les distributions de pouvoir, contrôlent ou
confèrent un accès différentiel aux ressources
matérielles et symboliques, le genre devient impliqué dans la
conception et la construction du pouvoir lui-même. L'anthropologue
français Maurice Godeber l'a formulé en ces termes : ce n'est pas
la sexualité qui fantasme dans la société mais
plutôt la société qui fantasme dans la sexualité, le
corps. Les différences entre les corps qui naissent de leur sexe, sont
constamment sollicitées de témoigner des rapports sociaux et de
réalités qui n'ont rien à voir avec la sexualité,
non seulement témoigner pour - c'est-à-dire
légitimer.(2)
La fonction de légitimation du genre fonctionne de
plusieurs manières, et dans toutes les sociétés. Bourdieu,
par exemple, a montré comment, dans certaines cultures, l'exploitation
agricole était organisée selon des concepts de temps et de saison
qui reposaient sur des définitions de l'opposition entre masculin et
féminin. Nathalie Davis a, pour sa part, montré
(1) BOURDIEU, P., Le sens pratique,
Paris, Ed. De Minuit, 1980, p.246-247
(2) GODEBER, M., « Les rapports hommes /femmes : le
problème de la domination masculine », in La Condition
Féminine, Paris, Ed. Sociales, 1978, P.17
(1) ZEMON Nathalie Davis., «Women on top»,
in Society in early modern France, Standford, Calif,
1975, p124-151, cité dans Cahiers Genre et
développement, N°1, 2000, P. 59
96
comment des concepts du masculin et du féminin
étaient liés à des perceptions et des critiques des
règles de l'ordre social dans la première période de la
France moderne(1).
Nous essayons de ne pas baser notre analyse sur les
interprétations fondées sur l'idée que les langages
conceptuels emploient la différenciation pour établir le sens ou
sur le fait de croire que la différenciation sexuelle est une
façon principale de signifier la différenciation, mais surtout
d'envisager le genre comme un moyen de décoder le sens et de comprendre
les rapports complexes entre diverses formes d'interaction humaine dans la
lutte contre la pauvreté et dans leurs mécanismes de survie.
1.3.2. Modèle a priori
L'économie urbaine informelle a fait l'objet de
plusieurs
recherches et de plusieurs réflexions. Elle n'a
cependant recueilli l'unanimité sur la définition et ses
caractéristiques, de chercheurs en sciences sociales, d'intervenants
sociaux, de décideurs étatiques et d'institutions
internationales. Diverses approches sont apparues. La notion même a
évolué depuis 1970, liant l'informel à la
marginalité et à la survie.
La théorie de la marginalité a vu le jour dans
les années 1950 dans le contexte latino-américain. Cette
théorie considère les acteurs qui agissent hors des cadres
normatifs comme des marginaux ou des délinquants. Ils ne peuvent pas
être considérés comme des acteurs à part
entière, mais comme des sujets dépendants. Dans ce sens, la
notion de marginalité renvoie à une certaine idéologie,
car elle met ensemble des groupes ou des catégories de personnes au
départ engagées dans une diversité d'activités.
Ainsi l'exclusion des mécanismes de production moderne, l'absence
d'espaces géographiques fixes et la prolifération des
activités refuges constituent-elles les caractéristiques
dominantes de cette théorie. La notion de marginalité renvoie
aussi à la faiblesse ou à l'irrégularité des
revenus.
97
Epistémologiquement, les théoriciens de la
marginalité ont développé un modèle de culture
populaire qui serait une forme archaïque de culture moderne,
marquée par les conditions structurelles de domination de certaines
classes sociales.(1) Dès lors qu'ils sont marginaux, ils
n'ont ni pouvoir ni quelconque rôle d'acteur à jouer dans la
culture moderne.
Sur le plan méthodologique, la plupart des acteurs du
secteur informel sont respectivement considérés comme des
victimes et comme les symboles de l'échec d'un système. A
Lubumbashi par exemple, les femmes vivent dans des conditions de
vulnérabilité et de précarité économique qui
les basculent dans la pauvreté. Il suffit que les prix des produits de
première nécessité bougent vers la hausse pour assister
à la panique générale, l'augmentation du prix occupant
désormais la une de toutes les conversations. Les femmes doivent
pourtant vivre, sinon mettre en place des stratégies de survie : elles
se débrouillent.
En effet, Lautier constate que distinguer deux périodes
du secteur informel a pris forme dans une première période de
1975 à 1985. Cette période coincide avec la crise
économique des années 1970 ayant comme conséquence logique
l'éclosion du secteur informel en tant que lieu de conception et de
développement des stratégies de survie. Ce qui a engendré
également, à certains niveaux, la formation de petites
entreprises. La deuxième période qui a débuté en
1986 s'est radicalisée dans la catastrophe sociale de l'ajustement
structurel; l'informel devint alors la solution à tous les
problèmes sociaux(2). Ce constat fut largement soutenu par
Dansereau et Touré(3). Le secteur informel apparait en ce
moment, comme la stratégie de vie et de survie des populations dans le
Tiers- monde : « C'est
(1) LARRAECHEA, I. et NYSSENS M., « L'économie
populaire : Un défi épistémologique pour les
économistes », in Collectif, La connaissance des
pauvres, Louvain-la Neuve, GIREP, 1996, p. 491
(2) LAUTIER, B., L'économie informelle
dans le Tiers-Monde, Paris, La Découverte, 1994, p.67
(3) DANSEREAU, P et TOURE, A.C.,
Modélisation du secteur informel en équilibre
général calculable : une revue de
littérature, Montréal, Université de
Montréal, Centre de recherche et de développement en
économie, 1995
98
dans ce secteur qu'une grande partie de la
population active gagne sa vie en produisant des biens et services peu
coûteux. Ces biens et services contribuent dans une large mesure à
la satisfaction des besoins essentiels de la population urbaine. Ce secteur
allège le problème du chômage dans les villes, il absorbe
les migrants, les jeunes qui ont quitté l'école, les non-
employés ou les personnes qui veulent tenter leur chance. On pourrait
même parler d'un secteur de la dernière chance : un secteur
ressort» (1).
Plusieurs autres chercheurs, notamment Mangulis et al. (1981),
Valdès et Acuna (1981), Schoemaker(2) ont
développé cette thèse dans leurs recherches sur les
colonies populaires (bidonvilles urbains) de Reynosa, au Mexique). Ainsi selon
Valdès et Acuna : « Quand une partie ou des couches
entières de la société voient s'aggraver ou se
détériorer leur niveau de vie, au point de sentir leur
reproduction matérielle et biologique sérieusement
menacée,... il est raisonnable de parler de stratégies de survie
comme phénomène social, tant que ces couches développent
un ensemble des comportements visant à résister aux forces ou
processus de détérioration».(3) La
notion de « secteur informel » renvoie à une multitude de
réalités et de contextes difficiles à cerner, cela
explique la diversité des termes utilisés, qui font tous l'objet
de critiques : secteur informel, non officiel, production marchande, secteur
non structuré, économie de survie, économie populaire,
activités spontanées, etc. Malgré cela la notion de
secteur informel est très utilisée dans la littérature et
dans le discours administratif. A ce propos, Coquery-Vidrovitch écrit
que « rien n'est plus fuyant que cette notion d'informel ». Ce
concept flou et insaisissable relève de vieilles conceptions
(1) DJIK Meine-Pieter Van, Sénégal,
le secteur informel de Dakar, Paris, l'Harmattan, 1986, p.11
(2) SCHOEMAKER J., Stratégies de survie et
procréation : une étude des bidonvilles d'Asuncion
(Paraguay), Montréal, Université de
Montréal, Thèse de doctorat en démographie, 1987
(3) VALDES...1981, p.235 cité par ADUAYI Diop R.,
Survivre à la pauvreté et à l'exclusion. Le
travail des adolescentes dans les marchés de Dakar, Paris,
Karthala, 2010, p.103
(1) COQUERY-VIDROVITCH, C. et NEDELEC, S.,
Tiers- Monde : l'informel en question ?, Paris,
L'Harmattan, 1991, p. 179
99
dualistes (rural/urbain ; traditionnel/moderne,
informel/formel) qui font fi de la complexité de la
réalité sociale(1).
Les activités qu'englobe le secteur informel sont
nombreuses et variées. Dans la majorité des études, le
secteur informel ne sort pas de la dualité qui le caractérise. La
notion a le mérite de prendre en compte les pratiques économiques
urbaines des « personnes vivant dans la pauvreté » lesquelles
prennent de plus en plus de place dans le monde du développement.
Influencé par la théorie de la marginalité, ce secteur est
intimement lié à la pauvreté, puisque les individus qui en
font partie sont exclus des processus de la modernité. Mais il reste
confiné au dualisme théorique des démarches classiques sur
l'économie urbaine des pays en développement. Dans la
majorité d'analyses, cette culture populaire et les pratiques
économiques sous-jacentes sont considérées comme des
pratiques ou des cultures déviantes, « une culture de la
pauvreté qui s'exprime dans les pratiques irrationnelles par rapport
à la vraie culture ».
Certains observateurs prennent en considération
certaines fonctions manifestes du secteur informel, à savoir qu'il peut
être lu comme une stratégie de survie accompagnée d'un
mouvement social populaire important qui occasionne le développement des
mécanismes innovateurs de régulation de crises
socio-économiques.
C'est pour résoudre ces problèmes d'ordre
à la fois méthodologique, épistémologique et
parfois politique que plusieurs analystes délaissent l'expression
d'économie informelle pour retenir une notion plus holistique,
heuristique et plus structurante d'économie populaire.
La notion d'économie populaire traduit la
particularité d'appréhender les pratiques des acteurs dans leurs
diversités culturelle et historique. Dans cette perspective, en totale
contradiction avec une vision négative du secteur informel, la notion
d'économie populaire souligne les
100
formes d'organisation et les pratiques spécifiques qui
caractérisent le tissu social productif des pays africains,
dénotant à la fois la lutte contre la pauvreté et
générerant des richesses.
Pour Engelhard les économies populaires urbaines
constituent des modes de vie et de survie de la majeure partie de la
population. Elles permettent de satisfaire des besoins fondamentaux non
couverts par les systèmes officiels : se nourrir, se loger, se
vêtir, se former, se soigner, se déplacer ou se distraire.
L'informel concerne les activités féminines (alimentaires,
distribution des produits divers, préparation des boissons locales,
restauration) et des services personnels et matériels, de transport, de
transformation et de fabrication(1).
Divers facteurs permettent de considérer
l'économie populaire comme une approche découlant d'une culture
populaire qui constitue un ensemble de réponses données par une
communauté humaine pour s'adapter à son environnement naturel et
social.
En premier lieu, cette notion illustre l'encastrement du
social dans l'économie. En effet, le secteur informel englobe
aujourd'hui une grande partie de la population pauvre. De plus, comme l'a fait
remarquer Engelhard au Sénégal, il n'a pas une limite spatiale ou
économique bien définie. Il existe autant dans les centres
urbains qu'en milieu rural. Cela confirme le caractère structurant et
spatial du phénomène. Vu sous cet angle, le terme qui
conviendrait le mieux pour qualifier les pratiques économiques dans ces
pays est l'expression « économie informelle » ou «
économie populaire » du moment qu'il répond à une
normalité sociale.
A Lubumbashi comme partout ailleurs en Afrique,
l'économie tient compte du primat du fait social. « Ce n'est pas le
commerce qui existe d'abord, mais les liens communautaires »(2)
. La société, pour reprendre les propos de Levi-Strauss, est un
système de relations symboliques avant d'être
(1) ENGELHARD, cité par HUGON, P.,
L'économie de l'Afrique, Paris, La
Découverte, 2001, (3e éd.), p.65.
(2) HUGON, P., op.cit, p.53
101
un système d'échanges onéreux. Par
conséquent, selon Hugon : l'irrationalité économique
expliquerait l'absence de priorité donnée à l'acte
économique par rapport aux activités ludiques ou symboliques,
à la valorisation des hommes et aux relations interpersonnelles
où l'entente réciproque est fondée sur les liens de
parenté, d'origine ou de religion(1). Le monde populaire
développe pratiquement une perception particulière de chacune des
dimensions de la vie : famille, travail, politique, religion, éducation.
Par conséquent, l'expression économie populaire cadre davantage
avec la réalité des pratiques socioculturelles et
socioéconomiques des populations. Elle constitue, dans cette
perspective, une culture de la praxis, concrète, à sa perception
ontologique qui impose certaines contraintes aux populations
concernées.
L'économie populaire débouche ainsi sur les
réseaux sociaux de solidarité, de relations de
sociabilité, bref, sur le capital social. Il s'agit donc de
réseaux sociaux qu'il faut développer et entretenir. Beaucoup de
recherches l'ont confirmé, les femmes africaines s'investissent dans des
dynamiques de capital social qu'elles développent et entretiennent dans
leur activité commerciale. Cela est également visible dans les
réseaux socioreligieux en lien avec la production commerciale. Maints
auteurs, Bugnicourt(2) et Ndione(3) reconnaissent
l'importance d'utilisation des réseaux sociaux dans le secteur informel.
Polanyi(4) démontre que dans ce contexte, l'économie
est ré-encastrée dans le tissu social et culturel, d'où la
nécessité de comprendre et de considérer les comportements
populaires des ménages qui peuvent être interprétés
comme des pratiques d'acteurs dépendants. La notion d'économie
populaire a encore le mérite de considérer les individus qui
organisent et pratiquent des activités économiques
spécifiques comme des
(1) HUGON, P., op.cit, p.56
(2) BUGNICOURT, J., « La participation populaire au
développement en Afrique », in carnet de l'enfance :
revue sur l'enfance, la jeunesse et les femmes dans le développement,
n°59-60, 1982, p.64
(3) NDIONE Seyni E., Le don et recours : ressorts
de l'économie urbaine, Dakar, Enda Editions, 1992
(4) POLANYI, K., La grande transformation. Aux
origines politiques et économiques de notre temps, Paris,
Gallimard, 1983
102
acteurs autonomes à qui l'on doit reconnaître une
identité. Cette vision pose un problème
épistémologique de taille aux économistes.
En deuxième lieu, le caractère multidimensionnel
du concept d'économie populaire ou économie de la
débrouille a attiré notre attention pour un certain nombre de
raisons. On en reconnaît un cadre d'analyse propre qui sort de la
conception néo-classique et qui nécessite un recadrage
méthodique quant à la participation populaire dans la
construction du savoir. La démarche méthodologique de
l'économie populaire, à Lubumbashi comme partout en Afrique ou
dans l'ensemble des pays en développement, doit s'inscrire dans un
espace où s'exprime, par une pratique des actions économiques, la
demande de survie et d'autre part une demande d'intégration porteuse
d'une identité assimilée à la pratique d'une
culture(1). Par conséquent, on doit tenir compte de
l'importance de la main-d'oeuvre composée en grande partie de jeunes,
d'adolescents, de femmes ou de groupes exclus, et de l'importance et de la
diversité des activités (polyactivités). Ces principaux
acteurs, en dépit de leur invisibilité, dirigent le secteur
informel et jouent un rôle socioéconomique important. Ils
contrôlent la grande partie des activités qui relèvent du
secteur traditionnel : micro-commerce ; tissage, cordonnerie, transport, des
services qu'il faut valoriser, sortir de l'ombre et médiatiser dans le
sens où ils participent à la construction des connaissances, et
surtout aussi du tissu économique.
En tant qu'acteurs sociaux, ils développent des
capacités d'organisation, d'initiatives économiques, de
créativité sociale dans le cadre concret de leur vie quotidienne
afin d'échapper à l'exclusion et à la pauvreté.
Fondée sur la valorisation du travail populaire, développant des
relations de sociabilité et de réciprocité,
l'économie populaire joue un rôle essentiel dans la vie des
populations, particulièrement des femmes et des adolescentes.
Sociologiquement, le recours aux stratégies de survie
ne peut être compris que placé dans le contexte des familles
étendues africaines et
(1) LARRAECHEA, I. et NYSSENS, M., «
L'économie populaire : un défi épistémologique pour
les économistes », in Collection, la connaissance des
pauvres, Louvain-la neuve, GIREP, 1996, p 496
103
aussi dans la dynamique des réseaux sociaux et de
solidarité. Selon Fall (1991), le recours aux stratégies des
acteurs joue un rôle central dans la constitution des réseaux
sociaux. En effet, comme plusieurs études l'ont démontré,
« lorsqu'il existe une base de subsistance incertaine, peu abondante ou
irrégulière, la solidarité sociale est mobilisée
comme une ressource pour la survie. Tous les membres se débrouillent
pour contribuer au revenu familial. Toutes les personnes valides et même
invalides participent à la gestion de l'économie familiale
à travers une variété d'activités légales ou
illégales susceptibles de générer des revenus
additionnels» (1).
Il s'agit ici d'appréhender l'offre du travail de
chaque individu non pas comme une décision isolée prise en
fonction de ses propres caractéristiques mais comme dépendante de
la stratégie d'un groupe plus large : le ménage. Selon la
théorie classique de l'économie de la famille
(Becker(2) ; Zerbo(3)), chaque ménage maximise son
utilité en allouant le temps total disponible de chacun de ses membres
entre le travail marchand (qui permet de disposer d'un revenu) et la production
des biens domestiques. Cette allocation tient compte de
l'hétérogénéité des rôles et fonctions
des différents membres du ménage. En effet, pour que la
théorie de la spécialisation des rôles soit
économiquement optimale, le principal membre actif du ménage doit
disposer d'un travail stable (avec un faible risque de perte d'emploi) et doit
pouvoir générer des revenus suffisants (au besoin à
travers l'accroissement du nombre d'heures oeuvrées). Or, dans le cas de
Lubumbashi, comme dans la plupart des villes de la République
Démocratique du Congo, les conditions d'activité sont
précaires et la rémunération du travail assez faible.
Lorsque de telles contraintes pèsent sur les ressources
nécessaires à la survie du ménage, la
spécialisation ne constitue plus une stratégie optimale. La
mobilisation des autres membres du ménage, en
(1) SCHOEMAKER J. (1987), Op. Cit, p28
(2) BECKER, G., A Treatise on the Family, enlarged
edition, Cambridge, Harvard University Press, 1991.
(3) ZERBO, A., «
Marché du travail urbain et pauvreté en Afrique subsaharienne :
un modèle d'analyse», in Document de Travail
12/9/2006, Centre d'Economie du Développement,
Université Bordeaux IV.
104
particulier des femmes et des enfants, s'avère
incontournable. Comme l'a souligné Oppenheimer Kincade(1), la
spécialisation dans un contexte de marché de travail peu
favorable est une stratégie hautement risquée pour les
ménages, qui ont intérêt à mobiliser toute la force
de travail dont ils disposent, en particulier celle des femmes.
La présente thèse met l'accent sur trois
dimensions du genre considérées comme fondamentales pour
l'optimisation du rôle économique et social des hommes et des
femmes de Lubumbashi, à savoir: la constitution du capital
(capital humain - éducation et santé - et capital physique),
l'utilisation de ce capital pour saisir des opportunités
économiques et dégager des revenus, et le recours à
ce capital pour prendre des mesures, c'est-à-dire engendrer une
dynamique d'actions qui ont un impact sur le bien-être des
individus et des ménages. Ce sont là des aspects de
l'égalité où un déficit de choix se traduit par un
déficit de bien-être. Ces trois dimensions sont importantes en
elles-mêmes ; elles sont aussi étroitement liées dans
l'écosystème social.
Trois différences sont particulièrement
importantes pour l'analyse de l'égalité des genres.
Premièrement, il est difficile de mesurer le bien-être des femmes
séparément de celui des hommes qui vivent dans le même
ménage, et ce problème est encore aggravé par le manque de
données sur les résultats activités économiques au
sein du ménage. Deuxièmement, les préférences, les
besoins et les contraintes peuvent être systématiquement
différents selon qu'il s'agit des hommes ou des femmes, pour des raisons
biologiques mais aussi par suite de comportements sociaux « acquis ».
Troisièmement, le genre est un attribut qui transcende les classes et
les tranches de revenus. Il faut donc décider s'il convient
d'évaluer l'égalité des genres en termes
d'égalité des résultats des activités
économiques ou en termes d'égalité des
opportunités. Les études économiques et philosophiques
(1) OPPENHEIMER Kincade V., «
Women's Employment and the Gain to Marriage: The Specialization and Trading
Model », in Annual Review of Sociology, n° 23,
1997, pp431-453.
105
sont loin d'être unanimes sur ce point ; et la
nôtre a tenté de les concilier sociologiquement.
L'examen des questions d'égalité entre les
hommes et les femmes en termes d'égalité des opportunités
fait valoir que ce mode d'analyse permet d'établir une distinction entre
les inégalités dues à des circonstances échappant
au contrôle des personnes et les inégalités qui
résultent de préférences et de choix. Notre étude a
analysé les différences observées dans les
préférences sociales des hommes et des femmes, leur aversion du
risque et leur attitude face à la compétition. Il s'ensuit que si
les hommes et les femmes affichent, dans l'ensemble, des attitudes, des
préférences et des choix différents, toutes les
différences observées au niveau des résultats ne peuvent
pas être attribuées à des différences au niveau des
dispositions psychologiques et idéologiques.
Ceux qui militent en faveur de l'égalité des
résultats avancent que les différences au niveau des
préférences et des attitudes sont essentiellement « acquises
» et non innées : elles sont la résultante de cultures et
d'environnements qui mènent les hommes et les femmes à
intérioriser les normes et les attentes de la société.
Lorsque des différences persistent dans les rapports de force et entre
le statut des hommes et celui des femmes, ces différences peuvent
marquer les aspirations, les comportements et les préférences et,
de ce fait, perpétuer les inégalités. Il est donc
difficile de définir l'égalité des opportunités
sans également considérer la manière dont la situation se
présente concrètement au plan des résultats. Ce n'est
qu'en cherchant à assurer l'égalité des résultats
que l'on peut rompre le cercle vicieux entrainé par des aspirations
limitées et des opportunités insuffisantes.
Abstraction faite des arguments précédents, il
est difficile en pratique de mesurer les opportunités
indépendamment des résultats. En fait, l'égalité
des opportunités et l'égalité des résultats sont
étroitement liées aussi bien sur le plan théorique que sur
celui de l'évaluation aléatoire. Pour cette raison, la
présente thèse adopte une démarche pragmatique, qui
privilégie à la
106
fois les résultats et les opportunités en termes
de capital humain, de capacité de décision et d'accès aux
activités économiques. Nous sommes parti du principe que, si les
êtres humains peuvent ne pas être d'accord sur ce qui est
équitable ou juste, ils peuvent néanmoins s'entendre sur la
nécessité d'éliminer des « systèmes
outrageusement injustes ». En d'autres termes, s'il peut être
difficile de déterminer si l'égalité entre les genres
s'entend des résultats ou des opportunités, il est facile de
convenir qu'il importe d'éliminer les causes flagrantes des
inégalités entre les hommes et les femmes.
L'égalité entre les hommes et les femmes est
également un facteur du développement. Elle est un atout pour
l'économie ; elle peut accroître l'efficacité
économique et améliorer les conditions de vie des hommes et des
femmes de trois manières différentes. Premièrement,
l'élimination des obstacles qui empêchent les femmes d'avoir le
même accès que les hommes à l'éducation, aux
opportunités économiques et aux facteurs de production peut
générer des gains de productivité
généralisés. Deuxièmement, l'amélioration de
la condition féminine, en termes absolus et relatifs, favorise de
nombreux autres résultats du développement, notamment pour/par
les enfants. Troisièmement, l'uniformisation des règles du jeu --
en donnant aux femmes et aux hommes les mêmes chances de participer
à la vie sociale et politique, de prendre des décisions et
d'influencer l'action publique -- devrait déboucher, à terme, sur
des institutions et des actions publiques plus représentatives et plus
inclusives et, partant, sur une meilleure trajectoire de
développement.
Pour qu'une économie puisse fonctionner à la
mesure de son potentiel, il faut que les compétences et les aptitudes
des femmes soient consacrées à des activités qui les
utilisent au mieux. Mais, en pratique, ce n'est pas toujours le cas pour de
nombreuses femmes d'Afrique en général et de Lubumbashi en
particulier. Lorsque la main-d'oeuvre féminine est sous-employée
ou mal utilisée - en raison de la discrimination à l'encontre des
femmes sur les marchés et dans le cadre des institutions
érigées par la société qui les empêche
d'achever leurs études, de pouvoir exercer certaines
107
professions et d'obtenir les mêmes
rémunérations que les hommes, lorsqu'elles ont un accès
très limité aux crédits et aux facteurs de production et
les sols ne sont pas exploités de manière efficace. Cela a pour
effet de réduire les rendements. Lorsqu'à Lubumbashi, la
majorité des femmes est très pauvre et travaille dans des
conditions nettement inférieures à celles des hommes, de
même, quand cette majorité se retrouve seule au front pour
compléter les revenus familiaux, à travailler durement pour
refuser de mourir, elle et les siens, le déséquilibre social se
fait sentir atrocement.
L'amélioration du niveau d'éducation et de
l'état de santé des femmes a également des
répercussions positives sur leurs enfants. Il existe aussi une relation
positive entre la scolarisation des mères (et des pères) et le
niveau d'instruction de leurs enfants. L'élimination des obstacles
à l'emploi des femmes dans certaines professions ou dans certains
secteurs aurait des effets positifs similaires, en réduisant
l'écart de productivité entre les travailleurs masculins et les
travailleurs féminins.
La capacité de décision et d'action s'entend
comme la capacité d'une personne à effectuer des choix -- et de
les assumer par des actions pour obtenir les résultats souhaités.
Quels que soient le pays ou la culture, il existe des différences dans
la capacité qu'ont les hommes et les femmes d'effectuer ces choix,
généralement au détriment des femmes. Ces
différences liées au genre ont un impact sur le bien-être
des femmes mais aussi sur toute une série de situations concernant leurs
familles et la société en général. La
capacité de décision et d'action des femmes influe sur la mesure
dans laquelle celles-ci peuvent accroître leur capital humain et saisir
des opportunités économiques.
La capacité d'action collective des femmes a le pouvoir
de transformer une société. Elle peut influencer les
institutions, les marchés et les normes sociales qui limitent le pouvoir
d'action et les opportunités des individus. Donner aux femmes les moyens
d'agir sur la scène politique, dans le ménage et dans la
société peut se traduire par une modification des choix
108
publics et amener les institutions à mieux
représenter une plus grande diversité d'intervenants.
Dans de nombreux pays riches, l'augmentation du taux
d'activités des femmes et leur présence en plus grand nombre
à des postes de responsabilité politique ont contribué,
conjointement, à refondre la manière dont la
société conçoit l'allocation du temps entre le travail et
la vie de famille en général et à l'adoption d'une
législation du travail plus favorable à la famille.
En revanche, lorsque les femmes et les hommes n'ont pas les
mêmes opportunités de participer à la vie sociale et
à la vie politique et d'influencer les lois, les actions politiques et
la prise des décisions, les institutions et les politiques sont plus
susceptibles de favoriser systématiquement les intérêts de
ceux qui ont le plus d'influence. Il est moins probable que les obstacles
institutionnels et les défaillances du marché qui favorisent les
disparités entre les hommes et les femmes soient examinés et
corrigés.
Cette thèse a ainsi examiné les aspects
économiques de l'égalité entre les hommes et les
femmes dans le contexte du développement et de l'amélioration des
conditions de vie des ménages. Elle se fonde sur la théorie
économique pour comprendre les facteurs des différences entre les
hommes et les femmes dans la survie des ménages dans le contexte de
lutte contre la pauvreté. C'est dans ce cadre que certains domaines
fondamentaux du bien-être, notamment l'accès aux
opportunités économiques et aux ressources productives, et
l'aptitude à effectuer des choix rationnels et à prendre des
mesures ont été examinés. Elle a examiné
également, dans cette optique économique, les interventions
stratégiques et les actions qui peuvent être menées dans le
cadre de la société de manière plus générale
pour réduire les disparités entre les hommes et les femmes et
améliorer les résultats au plan du développement.
Nous avons adopté une approche empirique, et
privilégié une analyse rigoureuse basée sur des
éléments concrets, faisant ressortir les relations de cause
à effet dans la mesure du possible. À cette fin, nous nous
109
sommes appuyés sur un nombre important et croissant
d'études quantitatives consacrées au genre, que nous avons
complétées par de nouvelles analyses portant, en particulier, sur
la débrouille.
En fait, quels que soient leur âge, leur niveau de
revenu et leur lieu de résidence, les femmes et les hommes
considèrent que l'éducation, la
possession d'actifs, l'accès à des
opportunités économiques et la
possibilité de gagner un revenu sont les facteurs
essentiels qui peuvent permettre d'améliorer leur condition et celle de
leurs familles. La conclusion de notre étude montre aussi que les
problèmes de longue date perdurent même lorsque l'environnement a
évolué, tandis que de nouveaux problèmes apparaissent. De
nombreux groupes sont déjà en butte à des obstacles
généralisés -- pour eux, le changement n'est qu'un espoir
pour les générations à venir et non leur
réalité au quotidien.
Les résultats obtenus en ce domaine peuvent être
expliqués par la manière dont les ménages
réagissent au fonctionnement et à la structure des marchés
et des institutions, tant formels qu'informels. Les ménages
décident sur la façon de se débrouiller pour la survie.
Comment et à quel moment souhaitent- ils que les enfants se
débrouillent ? Combien d'argent consacrent-ils à
l'éducation et à la santé de leurs filles et de leurs fils
? De quelle manière répartissent-ils les tâches (à
l'intérieur ainsi qu'à l'extérieur du ménage) ?
Les ménages procèdent à ces choix en
fonction de leurs préférences, des incitations offertes et des
obstacles opposés aux différents membres, selon le statut de
chacun de ces derniers et de leur pouvoir de négociation respectif. Les
préférences sont influencées par les rôles
dévolus aux hommes et aux femmes, par les normes sociales et par les
réseaux sociaux (autant de facteurs relevant du concept
d'institutions informelles). Les incitations sont
essentiellement influencées par les marchés
(y compris les marchés du travail et du crédit, le
marché foncier et le marché des biens) qui déterminent la
rentabilité des décisions et des investissements des
ménages. Les obstacles résultent des interactions des
institutions formelles
110
(c'est-à-dire tous les éléments
associés au fonctionnement de l'État) et des marchés, mais
ils reflètent aussi les effets des institutions informelles. La mesure
par laquelle les différents membres d'un ménage peuvent se faire
entendre ou négocier est déterminée par toute une gamme de
facteurs, notamment la propriété et le contrôle des
ressources, la possibilité de quitter le ménage (options de
sortie) et les normes sociales. La prise des décisions par les
ménages, les marchés, les institutions formelles et les
institutions informelles conjuguent ainsi leurs effets et s'influencent
mutuellement pour déterminer les résultats au plan de la
parité hommes-femmes. Cette situation peut être
schématisée comme ci-après :
Marchés Crise dans les prix des
biens et services
Institutions
informelles - Rôles dévolus
aux hommes et aux femmes, les normes sociales
- Les convictions partagées et imposées par la
société
Institutions formelles - Chutes de
l'exploitation
Réduction des marchés des crédits (IMF)
Perte
d'emplois
dans les industries
Diminution des ressources des IMF
- Baisse des coûts directs, indirects et des
opportunités
Ménages
Réduction des
revenus et augmenta- tion des risques
de pauvreté
une
dynamique de l'action
est
engendrée:
? Changement de comportements
- des hommes - des femmes - des enfants - autres
corésidents
? Recours au capital humain et physique pour saisir les
opportunités économiques
? Développement du secteur informel
I Participation de la femme dans les activités
économiques
I Travail précoce des
enfants I Contribution des membres extérieurs au noyau
familial
activités des
I Pluri-
hommes
Débrouille pour la survie des
ménages :
re homme- femme
l'égalité ent
Survie ménagère
croissance de
Schéma explicatif de la débrouille
ménagère
111
Dans ce cadre modélisé, il est manifeste que les
avantages que présente le développement économique
(c'est-à-dire l'amélioration des niveaux de revenus et des
institutions chargées de la prestation des services) pour la
parité hommes-femmes sont la résultante du fonctionnement des
ménages, des marchés et des
institutions et de leurs interactions. La figure
ci-dessus illustre ces impacts au moyen de la flèche de la «
croissance » qui fait tourner le train d'engrenages en direction d'une
plus grande égalité entre les hommes et les femmes. L'impact de
cette amélioration de la parité hommes-femmes sur la croissance
est alors saisi par la flèche de « l'égalité entre
les hommes et les femmes » qui fait tourner l'engrenage pour engendrer une
nouvelle dynamique de l'action en faveur de l'amélioration de leur
condition de vie. Ceci est observable aux différents niveaux :
Marchés : ensemble de modalités
permettant aux acheteurs et aux vendeurs de céder tous types de biens et
services conformément à une série de règles. Les
marchés permettent d'évaluer la valeur de tout article devant
faire l'objet d'un échange et d'en fixer le prix. Ils peuvent être
influencés et définis par les institutions formelles et
informelles.
Institutions formelles : ensemble des
éléments ayant trait au fonctionnement de l'Etat, notamment les
lois, les cadres règlementaires et les mécanismes établis
pour la fourniture des services publics (tels que services judiciaires,
services de police, services d'infrastructures de base, de santé et
d'éducation).
Institutions sociales informelles :
mécanismes, règles et procédures qui façonnent
les interactions sociales mais ne relèvent pas du fonctionnement de
l'Etat. Dans cette thèse, l'attention porte sur les rôles
dévolus aux hommes et aux femmes, les croyances, les normes sociales et
les réseaux sociaux des hommes et des femmes. Les rôles
dévolus par la société aux hommes et aux femmes guident
les comportements normatifs de chaque sexe dans certains contextes sociaux. Les
rôles prennent une importance croissante car ils sont assimilés
dans le cadre du processus d'éducation et d'apprentissage de la
société, explicités par les produits
112
culturels et concrétisés dans la vie
quotidienne. La quête permanente de comportements correspondant aux
rôles définis par la société façonne les
convictions largement partagées sur les attributs respectifs des hommes
et des femmes et le sens de leur identité. Les normes sociales
s'entendent comme types de comportements façonnés par des
convictions partagées par la société et imposés
sous peine de sanctions sociales informelles. Ces normes peuvent avoir un
impact sur le pouvoir de négociation au sein d'un ménage de
nombreuses manières : elles définissent ce qu'il est possible de
négocier; elles peuvent être un facteur déterminant du
pouvoir de négociation ou être un obstacle à
celui-là ; elles peuvent influencer la manière dont les
négociations sont poursuivies ; elles peuvent, elles-mêmes, faire
l'objet de négociations et évoluer. Les réseaux sociaux
procèdent du système de relations et de liens sociaux qui
amènent les individus à coopérer pour leur profit mutuel,
la manière de gagner la vie et ont un impact sur les opportunités
d'une personne, les informations auxquelles elle a accès, les normes
sociales et les perceptions.
La notion de stratégie de survie constitue une approche
intéressante, permettant de rendre compte des processus de
positionnement social, d'appropriation symbolique et de production des biens et
services à l'oeuvre dans une vaste population
hétérogène, de plus en plus pauvre et en voie de
marginalisation. Ces stratégies ne se réduisent pas à
l'intentionnalité, à la conscience et à la volonté
des femmes : elles sont le produit d'une rencontre entre les acteurs et un
contexte économique, social et culturel. En ce sens, elles
reflètent les imprécisions, les tensions dynamiques et les
conditions de processus d'intégration sociale des femmes dans une
société en pleine mutation. Elles constituent ainsi un lieu
d'observation privilégié de la structure sociale, des personnes,
des sociabilités et des réseaux dans un contexte de mouvance
sociale et d'effritement des liens traditionnels.
113
1.4. Conclusion partielle
A travers l'examen des différents concepts et des
différentes théories au cours de ce premier chapitre, nous avons
remarqué que les recherches sur la question du genre tout comme celle de
pauvreté et des stratégies de survie des ménages ont une
caractéristique commune : il s'agit de la réalité qui
n'est appréhendée que par cumul ou synthèse explicite et
implicite de principes hétérogènes. Aussi, dans le
référentiel historique, l'approche dominante des concepts de
genre, de pauvreté et des stratégies de survie des ménages
est caractérisé par une dimension privative qui confère
à la définition de ces concepts un caractère
inachevé. Par conséquent, nous avons donné à ces
concepts une dimension sociologique qui permet de considérer la
pauvreté comme un ensemble d'inégalités
matérielles, économiques, financières, sociales et
politiques - lesquelles inégalités sont liées à des
mécanismes culturels, à des rapports de sexe ou de genre qui
renvoient à plusieurs indicateurs dont les plus importants sont le
pouvoir, les responsabilités, les rôles et les statuts. Ils sont
construits culturellement, historiquement et socialement suivant les
critères propres à chaque société. En effet, les
rapports de genre qui régissent les relations entre les hommes et les
femmes sont soumis aux normes et aux valeurs de la société dans
laquelle ils s'imbriquent. D'où la nécessité d'une
étude de cas, comme celle-ci, pour la bonne compréhension du
phénomène.
Quant à la théorie sur l'économie de la
débrouille, nous avons retenu que bien que celle-ci soit
stigmatisée comme illégale et marginale, fondée sur une
économie d'autosubsistance des ménages, elle suscite, cependant,
l'intérêt des scientifiques tout comme des exclus de la
société, dans son apport économique de survie. Pour notre
part, le travail des femmes, des enfants et corésidents dans le cadre de
survie des ménages n'a pas seulement des cotés négatifs,
comme le prétendent beaucoup d'autres observateurs qui ne jurent que
pour son éradication. A travers la carrière de petit commerce ou
autres il faut savoir observer d'autres points positifs : la volonté de
survivre, les aspirations et la débrouillardise, d'une économie
de
114
subsistance au départ, qui peuvent progressivement
s'orienter, si les conditions s'y prêtent, vers une activité
commerciale plus stable.
Afin de bien cerner les conditions de vie de la population de
Lubumbashi et de comprendre le recours à certaines stratégies de
survie des ménages, nous allons d'abord présenter la ville de
Lubumbashi.
115
CHAPITRE II : PRESENTATION DE LA VILLE DE LUBUMBASHI 2.1.
Introduction
Le présent chapitre a pour objet la présentation
du cadre géographique et l'organisation administrative de la ville de
Lubumbashi. Il consiste en outre à présenter sommairement le
cadre tant humain que socioculturel, économique et alimentaire, ainsi
que les problèmes urbains et socioculturels de la ville de
Lubumbashi.
Il convient de souligner que beaucoup de travaux scientifiques
ont été effectués sur la ville de Lubumbashi, mais nous
avons retenu comme sources les travaux de Maloba Kale Katyetye, Leblanc, M. et
Malaisse, F. , Malaisse, F. , Duvignaud, P , Houyoux ,J. et Lecoanet, Y., ainsi
que les documents administratifs consultés à la mairie de
Lubumbashi : Bulletin Officiel du Congo Belge du 15 janvier 1955, Rapport
annuel des Affaires
intérieures, Naissance de la ville de Lubumbashi
http://users.skynet.be/fa331911/divers/cadre0.htm).
Le 13 mars 2012
2.2. Historique et localisation
La ville de Lubumbashi est située dans la partie
australe de la République Démocratique du Congo dans la province
du Katanga. Elle est aussi désignée comme la capitale
cuprifère à cause de sa grande production du cuivre.
La ville de Lubumbashi, jadis Elisabethville, doit son origine
et son développement à la découverte d'importants
gisements de cuivre en 1892 par le géologue Jules Cornet et leur mise en
valeur par l'Union Minière du Haut- Katanga (U.M.H.K) appelée
aujourd'hui la Générale des Carrières et des Mines
(Gécamines), créée en 1906. Cette grande
société minière décida de préparer
l'exploitation de la mine de l'Etoile pour deux raisons : - d'abord, parce que
cette dernière (la mine de l'Etoile) contenait des minerais
sulfurés dont la métallurgie était bien connue ; - ensuite
et surtout, parce qu'un accord
116
entre le Roi Leopold II et Cecil Rhodes prévoyait de
faire passer la fameuse voie ferrée « Le cap- Le Caire » par
le Katanga(1).
C'est à partir de 1907 que le Comité
Spécial du Katanga (CSK), qui agissait au nom de l'Etat
indépendant du Congo, se rendra compte du progrès de l'industrie
cuprifère de l'U.M.H.K et de la nécessité de l'existence
d'un centre administratif et commercial à proximité des mines et
décidera du transfert du siège du Comité Spécial du
Katanga de Lukonzolua (Lac Moero) aux environs de la mine de l'Etoile
(Kalukuluku) à Lubumbashi.
Pour l'établissement du centre administratif et
commercial à côté des activités minières
menées par l'Union Minières du Haut Katanga (U.M.H.K) qui venait
d'ailleurs d'installer sa fonderie près des chutes de la rivière
Lubumbashi, le Major Emile Wangermée, représentant du
Comité Spécial du Katanga, qui connaissait très bien le
pays, se verra confier la mission de créer la nouvelle ville. Il choisit
l'endroit près de la mine de l'Etoile et près de l'Union
Minière du Haut Katanga. Il est considéré comme le
fondateur de la ville(2).
En 1909, la ville est créée sur papier avec un
quadrilatère de vingt kilomètres carrés de forêts.
Il faudra alors défricher, raser des termitières avec les moyens
de bord. C'est un plateau caractérisé par une savane infinie,
dominé par des miteux à la terre ocre et à la maigre
végétation : savane verte en saison de pluie et rouge en saison
sèche(3).
La ville de Lubumbashi est donc fondée en 1910 par les
Belges sous le nom d'Elisabethville (du nom de la reine Elisabeth de
Bavière, épouse
(1) MALOBA Kale Katyetye, La prévention de
la criminalité dans la ville de Lubumbashi, une contribution à la
théorie sociologique du crime, Mémoire de DEA en
sociologie, UNILU, 2009-2010, p.64
(2) Anonyme, Elisabethville (1911-1961),
mémorial réalisé à l'occasion de la
Foire Internationale d'Elisabethville en juillet 1961, Bruxelles,
Ed. Cuypers, 1961.
(3) Naissance de la ville (
http://users.skynet.be/fa331911/divers/cadre0.htm),
le 13 mars 2012
117
du Roi Albert 1er des Belges). Elle eut son statut
de ville en 1941 par l'ordonnance N° 298/Aimo du 25 juin
1941(1).
A l'occasion de la politique et de la philosophie de recours
à l'authenticité prônée par le Président
Mobutu Sese Seko, la ville jadis Elisabethville prit le nom de Lubumbashi
depuis le 3 octobre 1966. Lubumbashi tire son origine du nom de la
rivière au bord de laquelle elle avait été
créée(3).
2.3. Caractéristiques physiques et
géographiques
Située au sud de la province du Katanga, la ville de
Lubumbashi se trouve à 1224 mètres d'altitude moyenne, et
s'étend sur une superficie de 747 kilomètres carrés. Elle
est constituée d'une surface d'aplanissement de façon
générale, accidentée par quelques collines de faible
dénivellement et d'orientation nord-ouest, sud-est. L'altitude s'abaisse
doucement de 1300 mètres au nord-est jusque vers 1170 mètres dans
les talwegs de la Lubumbashi et la Kafubu(4). Elle est sur un
plateau légèrement vallonnée et limitée entre
11° 30' de latitude Nord et 11° 42' de latitude Sud, longitude entre
27° 10' Est et 27° 30' de longitude Ouest(1).
Du nord au nord-ouest vers le Sud-Est, la ville de Lubumbashi
est traversée par deux grandes rivières : Kafubu et Lubumbashi.
Son bassin hydrographique comprend les cours d'eau principaux suivants :
Katuba, Kimilolo, Kiswishi, Naviundu, Kampemba, Karavia, Luano et Rwashi.
La ville de Lubumbashi et ses zones périurbaines
jouissent d'un climat de type CW6, selon la classification de Koppen, il est
tropical à deux
(1) Bulletin Officiel du Congo Belge du 15 janvier
1955, p.221
(3) D'où vient le nom de la ville ? (
http://users,
skynet.be/fa331911/divers/cadre0.htm)
(4) BRUNEAU, J.C., et MBUYU, M., « Passé,
présent et avenir possible de l'urbanisation à Lubumbashi »,
in Zaire-Afrique, n°176, juin, juillet, Aout
1980, pp.375-376
(1) HOUYOUX, J. et LECOANET, Y.,
Lubumbashi, démographie, Budgets ménagers et
étude du site, Kinshasa, Bureau d'Etudes et
d'aménagements urbains (BEAU), 1975
118
saisons alternantes avec un caractère
tempéré et continental(1). Elle est sous un climat sec
avec deux saisons qui sont : - la saison de pluie allant de fin octobre
à mi-avril, avec une pluviométrie de 1228 mm d'eau ; - la saison
sèche allant de fin avril à mi-octobre. Il faut cependant noter
qu'il y a une forte chaleur pendant les mois d'août, de septembre et
d'octobre, alors qu'il fait froid au mois de juin et de juillet.
Températures : moyenne 20°C - les plus basses : 14,8°C en
moyenne, mais pouvant descendre jusqu'à 10° C au mois de juillet ;
- les plus hautes 22,5° C en moyenne pouvant monter à 32° C en
octobre(2).
Les sols de la ville de Lubumbashi appartiennent dans leur
grande majorité aux groupes des sols ferralitiques
dénaturés, rouges, ocres rouges et jaunes suivant la position
topographique et le drainage interne(3) .Ils peuvent être
associés à des lithosols sur cuirasses ferrugineux ou se
développer sur des sédiments meubles sableux. Dans ces sols, une
grande partie de la réserve minérale est concentrée dans
la couverture végétale et dans les couches superficielles du sol.
Cette réserve est rapidement épuisée par les cultures
annuelles après défrichement.(4)
La ville de Lubumbashi est classée dans le domaine
Zambezien où l'unité de végétation la plus
répandue est la forêt claire zambézienne de type Miombo,
dominée par les espèces du brachystegia. Ces forêts sont
mêlées de savane à acacias et d'une
végétation des milieux aquatiques, sur un plateau incliné
du Nord vers le Sud-Est avec plusieurs
(1) MALAISSE, F., Carte de la
végétation du bassin de la LUANZA, Bruxelles,
Cercle hydro biologique de Bruxelles, 1973, p.5
(2) Bureau de la Mairie de Lubumbashi, Rapport
annuel des Affaires intérieures, 1998, p.21
(3) LEBLANC, M. et MALAISSE, F., Lubumbashi : un
écosystème urbain tropical, Lubumbashi, Centre de
sémiologie, UNAZA, 1978
(4) MALAISSE, F., Se nourrir en forêt
claire Africaine. Approche écologique et nutritionnelle,
Belgique, Centre Technique de Coopération Agricole et rural, CTA, 1997,
p.15
(1) DUVIGNAUD, P., La flore et la
végétation du Katanga et des sols
métallifères, Belgique, Bull. soc.Roy.Bot, 1952,
p.128
119
vallons où sont implantés des fermes
agropastorales et un sol alluvionnaire et sablo-argileux(1).
Les limites de la ville de Lubumbashi sont :
- Au nord par le domaine de l'aéroport et les
cités de la commune Annexe qui forme la ceinture de la ville,
- Au sud par le confluent Masimba, Kafubu jusqu'à la
limite de l'ancienne route Munama en passant par le confluent de la
rivière Kafubu avec la rivière Lubumbashi canalisée.
- A l'est à partir de la limite nord-est du domaine de
l'aéroport, une ligne droite jusqu'au confluent de la rivière
Kafubu en passant par la vallée de celle-ci.
- A l'ouest par les cités et fermes qui forment la
ceinture de la ville vers Kipushi.
2.4. Population de la ville de Lubumbashi
Ville minière, Lubumbashi est une création
coloniale et sa population constitue une société
particulière, le produit des brassages des populations d'origines
différentes par l'industrialisation.
La ville de Lubumbashi est une conséquence du
développement industriel. Ce développement est à la base
de la concentration qui mène dans l'agglomération. C'est le
besoin de la main-d'oeuvre de l'Union Minière du Haut-Katanga qui
favorisait une majorité d'immigrants qui peuplèrent la ville.
L'étude de l'évolution de la population de la
ville de Lubumbashi semble être trop délicate à cause du
manque des données statistiques ainsi que par leur fiabilité
lorsqu'elles existent. Une nouvelle difficulté consiste dans le fait que
jusqu'en 1954 on a séparé la population blanche distincte de la
population indigène à Elisabethville. En 1912 la population
blanche comptait
120
environ un million de personnes, alors que le texte reste muet
sur l'effectif de la population indigène.
En 1923, date à partir de laquelle, on a obtenu le
premier chiffre complet de la population, la ville comptait 16.180 habitants
répartis en 13.990 indigènes et 2.190 blancs.
Il convient cependant de souligner que jusque 1930 la
population indigène d'Elisabethville était en grande partie
masculine et pauvre. Coppens écrit cela en ces termes : Une crise
sociale profonde s'est produite...La race de civilisation inférieure
fléchit, elle s'affaisse, elle se dissocie et ce phénomène
se traduit notamment par une diminution progressive de la population noire. On
ne peut plus nier que la population du Congo diminue. Cette diminution est
même assez sensible pour qu'elle apparaisse à vue d'oeil, sans
statistiques(1).
Comme pour confirmer la misère de la population noire
de l'époque Pierre Rijckmans, l'ancien gouverneur général,
dans son discours de juillet 1946 dépeignait de façon alarmante
la situation de détresse matérielle de la population : « les
milieux coutumiers et extra-coutumiers africains sont terriblement pauvres. La
masse est mal logée, mal vêtue, mal nourrie, illettrée,
vouée aux maladies et à la mort précoce ». Il
préconisait une nouvelle approche des problèmes
économiques et sociaux tendant à rehausser le niveau de vie.
...Parmi les solutions on note la stabilisation du milieu familial dans les
centres extra-coutumiers, le recrutement d'une main-d'oeuvre mariée,
l'aménagement des coutumes, les allocations familiales,
l'éducation de la femme indigène et le renforcement du
réseau routier(2).
La référence aux préoccupations de
Coppens et Rijckmans dans cette étude vise à montrer que les
questions liées au genre ou à la
(1) COPPENS, P., «Introduction à la Ive session
du congrès Colonial National », Cité par Taquet Pernelle,
« J'attends mon mari » ou la promotion des familles
heureuses au Congo-belge. Aperçu du service social colonial
féminin au Congo (1945-1960), Mémoire de Licence en
Histoire contemporaine, Université Libre de Bruxelles, 2005-2006,
p.36
(2) RIJCKMANS, P., cite par Taquet Pernelle, Op.
Cit, p.37
121
pauvreté ne datent pas d'aujourd'hui, elles ont
toujours hanté les esprits des gens et ont toujours suscité des
politiques nouvelles.
En 1984, le total de la population atteint 550.540 habitants.
En 1996, la population autochtone atteint 905.360 habitants. Mais au dernier
recensement général effectué en 2001 dans la ville de
Lubumbashi, l'effectif global de la population est passé à
1.180.337 habitants réparti comme suit : - population d'origine
congolaise 1.169.829 habitants, soit 99,11% et - population d'origine
étrangère 10.558 habitants, soit 0,89%.
Les statistiques de l'administration urbaine pour la
période sous étude, c'est-à-dire de 2006 à 2011 se
présentent comme suit :
Tableau N° 1 : Population
congolaise de la ville de Lubumbashi de 20062011
Année
|
Hommes
|
Femmes
|
Garçons
|
Filles
|
Total
|
2006
|
306847
|
300842
|
364811
|
387415
|
1359915
|
2007
|
304613
|
299031
|
367316
|
389852
|
1360812
|
2008
|
316691
|
320154
|
383718
|
402176
|
1422739
|
2009
|
345361
|
365469
|
364270
|
401274
|
1476374
|
2010
|
340113
|
347133
|
459804
|
468232
|
1615282
|
2011
|
338963
|
347601
|
478488
|
485797
|
1650849
|
Source : Rapports administratifs de la mairie de Lubumbashi de
2006 à 2011
122
Tableau N° 2 : Population congolaise par commune de
la ville de Lubumbashi de 2006-2011
Communes
|
2006
|
2007
|
2008
|
2009
|
2010
|
2011
|
Annexe
|
203584
|
177255
|
228128
|
228206
|
384234
|
389656
|
Kamalondo
|
33824
|
33868
|
32529
|
34184
|
34719
|
34719
|
Kampemba
|
358805
|
358820
|
358530
|
358787
|
361396
|
364939
|
Katuba
|
286868
|
278186
|
287528
|
289757
|
291784
|
307444
|
Kenya
|
105975
|
106352
|
106409
|
106621
|
108260
|
109182
|
Lubumbashi
|
195567
|
230830
|
234121
|
281296
|
247757
|
254669
|
Ruashi
|
175292
|
175501
|
175494
|
177523
|
187132
|
190240
|
Total
|
1359915
|
1360812
|
1422739
|
1476374
|
1615282
|
1650849
|
Source : Rapports administratifs de la mairie de Lubumbashi de
2006 à 2011
2.5. Organisation politico-administrative et
sociale
L'étendue administrative de la ville de Lubumbashi est
d'un peu plus de 747 kilomètres carrés, la superficie des eaux
non comprise. Sur le plan administratif, la ville de Lubumbashi est
subdivisée en sept communes dont une urbano-rurale. Par ordre
d'ancienneté de leur création, il y a la commune de Lubumbashi
créée en 1911, celle de Kamalondo en 1912, Kenya en 1920, Katuba
en 1952, Ruashi en 1953, la commune urbano-rurale appelée la commune
Annexe forme la ceinture de la ville et fut créée par
l'arrêté numéro 11/160 du 17 octobre 1957 du
vice-gouverneur général du Katanga, et la commune de Kampemba en
1972 constitue la septième commune de la ville. La commune annexe
entoure de tous les côtés l'espace urbain et se trouve peu
à peu grignotée aujourd'hui par l'espace urbain. Il est à
noter cependant, que les communes urbaines et la Commune annexe se
différencient par la qualité de l'habitat, les activités,
les modes de vie par rapport au centre-ville.
123
La commune de Lubumbashi est la commune mère de
l'agglomération et correspond à l'ancienne ville
européenne et est habituellement appelée « ville » par
opposition aux autres communes ou « cités » qui sont des
quartiers d'habitat populaire. Elle est construite dans le prolongement du
quadrilatère de Wangermée et fait des autres communes ou
cités des espaces satellites. Elle est le coeur de la ville de
Lubumbashi. Elle abrite des directions des institutions
politico-administratives et mêmes les grandes entreprises. C'est ainsi
que l'on trouve dans la commune de Lubumbashi, le centre-ville : Le
Gouvernorat, l'Assemblée Provinciale, la Mairie, la Poste, la Direction
Provinciale de l'Agence Nationale des Renseignements (ANR), la Direction
Provinciale des Migrations, la Direction Provinciale de Douanes et Accises, la
Direction Provinciale des Impôts (DPI), la Direction Provinciale de
l'OCC, le quartier commercial et aussi comme nous l'avons souligné le
siège de la plupart des sociétés, des industries et des
services de la place, en particulier la Générale des
Carrières et de Mines (Gécamines), la Société de
Chemin de Fer du Congo (SNCC), la Direction Provinciale de la Banque Centrale
du Congo, la Banque Commerciale du Congo (BCC), etc. La commune de Lubumbashi
est aussi la plus vaste en superficie suivie de celle de Kampemba. Elle
comprend des quartiers de résidence aisée qui ont gardé
leurs aspects de la ville coloniale bien qu'aujourd'hui la majeure partie de
leur population est d'origine congolaise et africaine.
Au sud du Centre-ville se trouvent les communes de Kamalondo
et Kenya qui sont de vieilles cités correspondant à l'ancien
Centre Extra-Coutumier (CEC) rappelant des quartiers africains de
l'époque coloniale. Ces deux cités sont densément
peuplées et occupées. Si Kamalondo est particulièrement
à sa limite d'accueil, Kenya s'accroît encore
légèrement vers les espaces marécageux et insalubres,
jadis considérés comme de dépotoirs, tels les quartiers :
maman na batoto, brodo. Les habitants de ces deux communes (Kenya et Kamalondo)
sont essentiellement des ouvriers, des commerçants, des libéraux
travaillant dans le secteur informel ou de la
124
débrouille. Ils préfèrent d'ailleurs
être appelés pour la plupart des « débrouillards
». La commune de Kampemba occupe tout l'Est et le sud-est de la ville de
Lubumbashi et est hétérogène dans ses fonctions et dans
ses paysages. On y trouve deux quartiers industriels Nord et sud où sont
installées des usines, telles que les Brasseries Simba, Chemaf, Forest,
Manoa, VAP, EXACO, Bralima.
Situées respectivement à l'extrême
Sud-Ouest et à l'extrême Nord-est de la ville, les communes de
Katuba et de Ruashi ont beaucoup de caractères en commun. Chacune
d'elles comprend des cités planifiées et équipées
en eau et très peu en électricité, des cités d'auto
construction et semi-rurales. Les extensions de ces deux communes, notamment
Katuba Kisanga pour Katuba et Luwowoshi pour la Ruashi, sont rattachées
administrativement à la commune Annexe, bien qu'elles forment corps avec
l'espace urbain des deux communes précitées. La population de ces
deux communes a un mode de vie semi rural caractéristique des quartiers
populaires de la plupart des villes négro-africaines. Ainsi, à la
Ruashi, l'agriculture est pratiquée aux environs immédiats de la
cité, parfois dans la parcelle même, tandis que beaucoup
d'habitants de Katuba ont leurs champs dans la partie méridionale de la
zone périurbaine. La partie rurale de la ville de Lubumbashi constitue
enfin la septième commune ou annexe qui entoure de tous
côtés l'espace urbain et se trouve peu à peu
grignotée par ce dernier. Comme nous l'avons souligné pour Katuba
Kisanga et Luwowoshi. Outre ces deux quartiers, la commune Annexe comprend
quelques localités plus ou moins rurales comme Kasungami, Kalebuka,
Kabulameshi, Karavia, Naviundu, Luano, Kibembe et Kasapa.
Le pouvoir urbain est représenté par la Mairie
de Lubumbashi qui abrite la majeure partie des services administratifs.
La ville de Lubumbashi est limitée au Nord et au sud
comme à l'Est et à l'Ouest par le territoire de Kipushi dans le
District du Haut- Katanga de la manière suivante :
125
- Au Nord : par la localité Kawama, à 15 km, sur
la
route Likasi ;
- Au sud : par la mission catholique salésienne
à Kafubu, à 20 km du centre-ville, et,
- A l'Ouest : par le lac Kipopo, à 25 Km de la ville.
Au niveau de la structure de base, Raphael Bushabu
écrit : « Au niveau fondamental de la structure sociale de
l'agglomération lushoise, la vie familiale se déroule dans un
logement qui se différencie suivant les trois types de quartiers qui la
définissent : les résidentiels, les planifiés et les
périurbains. D'une manière générale, l'habitat
familial est de forme rectangulaire. Le logement familial est
généralement bas et les murs peuvent être
édifiés soit en durs, en parpaings ou en briques, soit en
pisé ou en dobes. Le sol peut être couvert d'un carrelage, de
ciment ou simplement en terre battue. L'équipement ménager se
résume très souvent à quelques habits, des ustensiles de
cuisines en argiles ou en aluminium, une radio, une table avec quelques chaises
et tambourets, lits, matelas, ou simplement une natte ou une couverture que
l'on dépose à même le sol, lequel est à peine
couvert. L'électricité étant rare, l'éclairage est
assurée à l'aide d'une mêche dans l'huile de palme «
Katori tori », d'une lampe à pétrole ou d'une
bougie».(1)
Poursuivant la description de la structure de base l'auteur
note encore : « L'équipement de la plupart des habitations
familiales est rudimentaire et se résume généralement en
un lit pour les parents, une petite table et quelques chaises. La plupart des
membres de la famille dorment et mangent à même le sol. En saison
de pluies, certaines de ces habitations familiales sont souvent inondées
et parfois s'écroulent. (... ) L'hygiène y est réduite
à sa plus simple expression. L'équipement sanitaire de ces
quartiers spontanés est totalement précaire au point que les
habitants sont souvent contraints d'utiliser les équipements de
quartiers avoisinants déjà surchargés. Il existe
très peu de raccordements au réseau de distribution d'eau, peu
ou
(1) BUSHABU Piema Kuete R., op. cit,
p.137-138
126
pas de dispensaires ni maternités fiables. Les
écoles sont souvent rares. C'est partiellement aux bornes fontaines
publiques ou privées, aux puits ou dans les rivières que la
plupart des quartiers non planifiés et certains habitants de quartiers
planifiés vont puiser de l'eau »(1) . Avec les
difficultés que connait la Régie de distribution d'eau, les
bornes fontaines sont devenues rares et obligent la population à forer
les quelques rares conduites d'eau pour trouver les points d'approvisionnement
d'eau appelés le « KISHIMPO ». (Kishima pompi ou puits
alimenté par une conduite d'eau). Les douches et WC sont dans des
conditions très déplorables et traduisent les
inégalités des conditions sociales. En dépit des efforts
du gouvernement provincial qui s'investit dans le cadre du social à
améliorer certaines infrastructures, les marchés de fortune
servent encore de lieux de négoces pour les habitants de ces quartiers
d'auto construction, bien que de fois on déplore les conditions dans
lesquelles les marchandises sont exposées et vendues. En saison de
pluies, certains de ces quartiers deviennent inaccessibles à cause de la
boue, des eaux stagnantes.
La répartition spatiale et sociale de la population
active de la ville de Lubumbashi permet de dégager sa stratification en
catégories socioprofessionnelles par quartier et suivant les
activités dominantes des ménages. Les quartiers
résidentiels (Lubumbashi, Golf et Bel-air), d'après les
études de César Nkuku (2002), Raphaël Bushabu Mpiema Kuete
(1994), Pierre Petit (2000) sont habités par des cadres
supérieurs et moyens qui exercent une fonction de direction dans les
entreprises publiques ou privées. Mais on y rencontre aussi les agents
de l'Etat à partir du grade de chef de bureau et les enseignants
à partir du grade d'assistant. Actuellement à cause du
caractère composite de leurs populations on y trouve aussi des
employés, des ouvriers, des domestiques, des indépendants. Le
contenu socio professionnel de la population de ces quartiers s'identifie
à ce que Bushabu Piema Kuete appelle la « petite bourgeoisie
compradore »(2) de Lubumbashi.
(1) BUSHABU Piema Kuete R., op. cit,
p.138
(2) Idem, p.138
127
Les quartiers populaires, planifiés ou
aménagés de Ruashi, Kamalondo, Katuba et Kenya ont une structure
socioprofessionnelle très diversifiée. On y trouve des
travailleurs qualifiés et des employés qui, en fait, sont les
salariés manuels dont les métiers exigent une certaine
technicité (industrie et transport) et les salariés subalternes
du secteur tertiaire. On y trouve également les ouvriers peu ou pas
qualifiés, des entreprises industrielles et des ateliers artisanaux ;
les indépendants du commerce et de l'artisanat, les propriétaires
de leurs établissements (magasin ou atelier) y compris les trafiquants
qui facilitent les échanges commerciaux entre Lubumbashi et son
hinterland. Donc le contenu socio- professionnel de la population de ces
quartiers s'identifie à la strate moyenne lushoise. Les quartiers
périurbains ou périphériques de Lubumbashi (commune Annexe
et tous les quartiers d'autoconstruction des autres communes
précitées) regorgent les agriculteurs, les charbonniers, les
micro-commerçants, les micro-artisans, les chômeurs et autres. Le
contenu socio-professionnel de la population s'identifie au « lumpen
prolétariat lushois ».
Enfin, il convient de noter qu'à côté de
la grande masse virtuelle des salariés, on remarque une
prépondérance relative du commerce et de l'artisanat, aux mains
des indépendants dans les cités planifiées de Kenya et de
Katuba, et sous forme de petites activités dans tous les quartiers
semi-urbains de Lubumbashi. Ce circuit informel de subsistance concerne plus de
la moitié de la population active féminine dans les quartiers
populaires, et encore presqu'un tiers dans le centre-ville. L'analyse
sociologique du contenu socioprofessionnel des quartiers de la ville de
Lubumbashi dégage la diversité socio-stratifiée de
l'espace urbain en strate compradore, en strate moyenne et en lumpen
prolétariat, en même temps que les conséquences sociales de
la conjoncture économique désastreuse que connait depuis un temps
la République Démocratique du Congo en général et
la ville de Lubumbashi en particulier.
128
2.6. Cadre économique et alimentaire
Après une période de prospérité
issue de la colonisation, jusqu'au début des années 1970,
l'économie congolaise en général et lushoise en
particulier a connu, durant plus de 3 décennies, une situation de crise
aiguë caractérisée notamment par une croissance
négative, une instabilité monétaire, un endettement
excessif et des conflits armés de tout bord.
Cette situation a entraîné une forte
dégradation du pouvoir d'achat de la population. La pauvreté
s'est accrue et la société reste marquée par de grandes
disparités et un nivellement vers le bas pour toutes les
catégories sociales. L'accès aux services sociaux de base (eau,
électricité, soins de santé primaires, scolarisation des
enfants, etc.) est difficile pour la plupart des ménages.
La précarité de la situation sociale est
exacerbée par la destruction et le manque d'entretien des
infrastructures socio-économiques (voies de communication en
particulier) et l'existence d'un nombre élevé de personnes
sinistrées victimes, dans leur large majorité, des conflits
armés.
L'Indice de Développement Humain pour l'année
2006 de la RDC est de 0.361, ce qui classe le pays au 177e rang sur 179 (PNUD,
publication 2009). La proportion de la population congolaise vivant avec moins
d'un dollar par américain jour est de 71.32%.
A l'origine une ville minière, Lubumbashi changea de
rôle pour devenir une ville industrielle. L'essor d'autres fonctions
s'explique par le sort économique et le rôle que devait jouer la
ville en tant que métropole de la province du Katanga et la capitale
économique du pays.
Confirmant le rôle économique et social de la
Gécamines, la République Démocratique du Congo, à
travers le document de la stratégie de croissance et de réduction
de la pauvreté note : « la Gécamines était la
première entreprise minière du Pays ; elle a fourni en 1980
environ 66% des
129
recettes budgétaires de l'Etat. Elle jouait un
rôle social et économique important pour beaucoup de PME se
trouvant dans sa périphérie. Pendant plus de 30 ans, cette
entreprise a été le moteur de l'économie. Elle
était citée parmi les plus grands employeurs de la RDC. En 1990,
elle comptait 35000 agents dont 91,8% étaient des agents
d'exécution. Elle assurait l'existence de plus de 258000 personnes.
Actuellement, la production de la Gecamines en cuivre est passée de
465000 tonnes avec un prix de 2855 dollars américains la tonne (en 1990)
à 19000 tonnes avec un prix de 1800 dollars américains la tonne
(en 2002) entrainant des conséquences graves sur l'économie et
sur le social ».(1)
Confimant l'importance économique de la
Gécamines Aimé Mukena souligne cependant, « dans
l'imaginaire des gens de ma génération, la Gécamines telle
qu'elle se présente aujourd'hui à la face du monde, est cadavre
industriel spéctaculaire. Première société d'Etat
qui a fait des prodiges dans la production des biens et des capitaux de la
République, premier secteur clé de l'économie nationale,
son état de santé actuel frise un drame. Cime glorieuse de
l'humanité congolaise de l'époque à laquelle le jeune
Mobutu prêtait attention la plus inquiete, la plus vigilante et la plus
héroïque face à l'impérialisme occidental
post-colonial, dans l'imaginaire de ma génération, dis-je, la
Gécamines ressemble aujourd'hui à une honte nationale, une
disgrâce publique, presque un déshonneur collectif. Empire
industriel, financier, immobilier, géant minier qui forçait la
fierté nationale, au Katanga, en tout cas, personne n'accepte sa mort
tragique comme un accident quelconque. Au contraire, tout le monde
déplore le sort de la Gécamine comme un complot ourdi non
seulement contre un empire financier mais également contre le capital
humain le plus vigoureux et le mieux séléctionné d'Afrique
noire qui a fondu dans une épidémie de panique et de peur.
»(2)
(1) République Démocratique du Congo,
Document de la stratégie de croissance et de reduction de la
pauvreté (DSCRP), Kinshasa, Mirak impression, 2006,
p.32
(2) MUKENA, A., op. cit, p.358-359
130
Le secteur industriel de la ville de Lubumbashi au sens plus
large est très diversifié. Il comprend en premier lieu et
à cause de son importance, l'industrie minière et
métallurgique, en deuxième lieu les industries diverses servant
celle-ci et en troisième lieu les industries fabriquant des produits de
consommation. En raison de la libéralisation du secteur minier en
République Démocratique du Congo, Il existe maintenant plusieurs
entreprises dans ce secteur à Lubumbashi. Il y a la
Générale des Carrières et des Mines (Gécamines),
Ruashi Mining, Tenke Fungurume Mining (TFM), Chemical of Africa (Chemaf), AMCK,
Anvil Mining, Cota Mining, Kisenge manganèse, Somika, MCK, STL, Fondaf,
EGMF, KMP (Katanga Metal Proccessing), Etalon Mining etc. Dans le secteur
agricole et alimentaire on
note les entreprises ci-après : DAIPN Kilobelobe,
Minoka, Manoah investment, Brasimba, Bralima, Quovadis, Brioche, BKF, Bon
pain, KTB, Ouagandungu, Gocongo Sprl, Boucherie Number One, Ferme Mimbulu.
Le secteur commercial occupe aussi dans la ville de Lubumbashi
une part importante dans l'économie lushoise. Les multiples
activités de négoce, plus répandues dans la ville de
Lubumbashi à travers tous les quartiers entrainent et expliquent la
puissance du secteur bancaire et financier principalement dans la commune de
Lubumbashi « centre-ville » où on trouve les sièges de
banques notamment, la Banque Centrale, la Banque Commerciale, la Rawbank, la
Banque Internationale Africaine au Congo (BIAC), la Trust Merchand Bank (TMB),
Bank of Africa (BOA), ainsi que plusieurs institutions et
Sociétés de Microfinance (Procredit banque, Tujenge, Finca,).
Le secteur de transport est représenté, d'une
part, par les compagnies : Congo Airlines, Korongo Airlines, Compagnie
Africaine d'Aviation (CAA), Demura entreprise, Société de Chemin
de Fer du Congo (SNCC), Amicongo, Agetraf, Hakuna Matata, ainsi que plusieurs
agences agréées.
131
La population est composée des salariés et des
sans-emplois en proportion considérable. Aussi, à cause du
degré élevé de la pauvreté, la grande partie
d'activités économiques est dans le secteur informel.
Comme dans beaucoup de villes de la République
Démocratique du Congo, les problèmes de sous-alimentation,
provoqués par l'écart entre la croissance démographique
galopante et la croissance moins rapide de la production vivrière locale
ne peuvent être résolus de manière habituelle, par des
importations des vivres. Au fait le problème réside dans la
définition et l'application d'une bonne politique des productions
vivrières locales, ainsi que dans la qualité et la
quantité d'aliments. A Lubumbashi, deuxième ville de la
République Démocratique du Congo, la majorité de ce qui
est consommé vient de l'extérieur et de son interland. Et
à cause des coûts de transport élevés dûs au
délabrement des réseaux routiers notamment de desserte agricole,
des distances et de multiplicités des taxes, les prix de produits
alimentaires élevés et posent le problème de survie des
ménages.
La farine de maïs qui est consommée par la
majorité de la population de Lubumbashi vient de la Zambie, le riz en
grande partie de l'extérieur (Pakistan, Inde et autres), la partie qui
venait de Kindu au Maniema n'arrive plus à cause des difficultés
que connait la Société Nationale des Chemins de Fer (SNCC), Le
poisson salé, frais ou fumé, chinchard (thomson) viennent de
Kasenga, Kapolowe, Kalemie et Afrique du sud ; l'huile de palme vient de Kindu,
du Kasaï et de Bandundu par voie ferrée. Beaucoup de produits
consommés à Lubumbashi proviennent de l'Afrique du Sud, de la
Zambie, de la Tanzanie, du Malawi, de l'Asie et de l'Europe. Donc la
présence de divers produits de consommation courante et de luxe
importés montre que les produits locaux, à eux seuls ne peuvent
pas satisfaire aux multiples besoins de la population lushoise. Cependant, il
faut noter que les produits alimentaires parviennent quand même à
arriver dans les marchés implantés dans les différents
quartiers de la ville de Lubumbashi, car ceux-ci ne sont pas vides, nonobstant
le fait que nous ayons leur coût élevé.
132
Le « bukari », une pâte à base de la
farine de maïs, est l'aliment de base des populations de la ville de
Lubumbashi. Au niveau de la consommation interne, il représente environ
20% des éléments glucidiques de la ration de lushois. La forte
demande en maïs a fait que depuis longtemps le prix de cette denrée
augmente. Mais depuis l'implication du gouvernement provincial sous la
direction de monsieur le Gouverneur Moise Katumbi Chapwe auprès des
entreprises minières pour soutenir la culture des maïs, le prix de
ce produit a été revu sensiblement à la baisse à
cause de l'augmentation de la production locale qui supplée aux
importations de cette denrée.
Les difficultés économiques des ménages
et le coût élevé des biens de première
nécessité, notamment les produits alimentaires obligent la
majorité des lushois à renoncer à prendre trois repas par
jour. Or on sait que mal se nourrir entraine vite la malnutrition qui ne
signifie pas seulement la sous-alimentation, mais aussi la suralimentation qui
est à la base de plusieurs maladies du coeur, des vaisseaux sanguins et
de l'obésité observée chez les lushois aisés. La
sous-alimentation entraine beaucoup de maladies endémiques, surtout
infantiles, comme le kwashiorkor, le marasme et le rachitisme dont les cas sont
les plus souvent rencontrés dans les quartiers populaires et
périurbains de Lubumbashi. Dans beaucoup de ménages, les trois
repas par jour évoqués ici se sont réduits à deux,
voire très souvent à un seul avec une monotonie
exagérée du « bukari » avec comme condiments le «
kitoyo », le « ndakala » et des légumes du premier au
trentième jour du mois. La viande étant devenue une denrée
très rare et coûteuse, donc non accessible à tout le monde,
au point que manger la viande est synonyme de fête dans certains
ménages.
A ce sujet, Bushabu Piema Kuete note que le comportement du
citadin lushois consiste à consacrer la plus grande part de son argent
à l'alimentation jusqu'à la satisfaction de ses besoins. Et
lorsque ceux-ci sont satisfaits, il peut alors porter son choix sur d'autres
dépenses non alimentaires. Cette priorité de la nourriture laisse
entrevoir une certaine
133
insuffisance alimentaire généralisée
à laquelle n'échapperaient que les revenus supérieurs
observés plus dans des quartiers résidentiels que dans les
populaires et les périurbains. Mis devant un choix, le consommateur au
budget limité choisit habituellement les aliments les moins chers et
opterait pour la quantité et non pour la qualité(1).
L'analyse de cet éminent chercheur corrobore celle de Joseph Houyoux et
Yann Lecoanet qui, partant de l'estimation de la consommation à
posteriori à partir des dépenses, ont constaté qu'une
grande partie de l'alimentation à Lubumbashi est d'origine
végétale et typiquement traditionnelle. La consommation
importante de maïs transformé en Bukari, explique une couverture de
63% des besoins en protéines des habitants à revenus salariaux
très limités. La consommation de la viande est partout un
luxe.(2)
En effet, si dans le milieu traditionnel, l'alimentation de
l'individu est plus fonction des conditions écologiques que de sa
situation économico-sociale, à Lubumbashi elle dépend de
son insertion dans le circuit monétaire par ses possibilités
à gagner de l'argent. Ceci explique la débrouillardise de
beaucoup de ménages lushois au regard du degré de la
précarité économique à laquelle ils sont soumis
pour des raisons diverses. Donc qu'on réside dans les quartiers
résidentiels (Centreville, Golf ou Bel-air), les quartiers
planifiés ou populaires (Kamalondo, Kenya, Katuba, Ruashi) ou
périurbains (Luwowoshi, Kasungami, Kigoma, Kasapa, Brodo, etc) c'est le
niveau économique du ménage auquel on appartient qui
détermine la qualité et la quantité de sa ration
journalière.
2.7. Les problèmes urbains
Le développement rapide de la ville de Lubumbashi tant
sur le plan démographique que sur le plan de son urbanisation pose
certains problèmes d'alimentation en eau, en électricité
et même d'équipements résidentiels.
(1) BUSHABU Piema Kuete R., op cit, p.
240
(2) HOUYOUX, J. et al, Lubumbashi, démographie...,
op. cit, pp.60-61
134
Assurée à l'origine d'abord par l'Union
Minière du Haut Katanga, l'alimentation et la distribution d'eau sont
depuis 1945, l'affaire de la REGIDESO. En 1960, les quartiers européens
et les cités ouvrières étaient desservis par des bornes
fontaines. En 1984, 4 stations de captage ont été mises en
service et trois quarts de ménages sont servis en eau potable. Toujours
est-il que la situation n'est pas pourtant uniformément résolue.
Le niveau de l'équipement étant inégal selon les
quartiers. Si au centre-ville, toutes les maisons sont raccordées, dans
les cités et les camps des travailleurs chaque parcelle est desservie le
plus souvent par un robinet extérieur. Plus on s'éloigne du
centre-ville, l'inégalité de répartition se fait sentir
avec acuité. C'est précisément le cas des cités de
plus en plus périphériques et les cités d'auto
construction, évoluant sous l'emprise de manque total de ce genre
d'équipements. D'où le recours de la population soit à des
nombreux puits creusés à cet effet malgré les risques
dûs à la pollution des eaux, soit le cas échéant, la
population est censée effectuer d'incessantes navettes en vue de
s'approvisionner en eau dans les quartiers avoisinants.
C'est ici l'occasion de rappeler que la pauvreté de la
population congolaise en général et de Lubumbashi en particulier
est un phénomène global dont l'état du secteur de
santé n'est qu'un indicateur. Or, à Lubumbashi, la plupart des
maladies dont souffre la population sont d'origine hydrique. L'eau potable est
devenue un luxe de quelques quartiers urbains, la majorité des
Lushois boivent une eau infectée. Les femmes et aussi les
enfants doivent dans certains quartiers faire plusieurs kilometres pour trouver
un point d'eau même poluée. Car dans certains endroits, trouver un
puits cimenté ou une citèrne alimentée par une pompe
imergée d'un puits foré dans la parcelle où l'eau est en
permanence est un signe de progrès qui modifie les conditions
d'existence des Lushois.
Depuis 2008, à cause du manque d'une politique de
renouvellement d'équipements et des difficultés que connait la
Société nationale d'électricité, la fourniture et
l'approvisionnement en eau dans la ville de Lubumbashi devient
aléatoire. L'eau est devenue une denrée rare et moins
135
sécurisante, au point qu'il est maintenant difficile de
dire que cette eau est encore potable.
Sur le plan national, « la riche hydrographie de la RDC
lui confère un potentiel hydroélectrique estimé à
100.000 MW, soit 13,0% du potentiel hydroélectrique mondial. La
puissance installée totale est évaluée actuellement
à 2.516 MW, soit 2,5% du potentiel total et la production moyenne
possible à 14500 GWh. La production effective n'est actuellement que de
6.000 à 7.000 GWh. La quasi-totalité de la capacité de
production hydroélectrique est de 96%. Le reste étant
essentiellement constitué de centrales thermiques de faibles puissances
et, pour la plupart, situées dans des zones isolées. Le barrage
d'Inga, sur le fleuve Congo, est la principale source de production
d'énergie hydroélectrique. Il comprend aujourd'hui deux centrales
ayant une puissance totale de 1.775 MW. Malgré ces atouts, les centrales
d'Inga ne produisent ensemble que 40% de leur capacité. Une bonne partie
de cette production est destinée à l'exportation, laissant ainsi
la demande locale insatisfaite. Cette situation fait que le taux d'accès
de la population à l'électricité est de 1% en milieu
rural, 30% pour les villes et 6% sur le plan national ».(1)
L'observance d'une inégalité de
répartition dans l'espace urbain mérite d'être
relevée dans la fourniture d'énergie électrique.
Progressivement la société nationale d'électricité
s'essouffle, alors que la ville s'étend de plus en plus et le besoin en
raccordement au réseau électrique devenant aussi croissant dans
les quartiers d'auto construction et périphériques, le
centre-ville et les quartiers urbanisés qui étaient servis en
électricité sont confrontés au problème de
vétusté des équipements. Le délestage devient
monnaie courante. Même les quartiers industriels et commerciaux ne sont
pas épargnés. Avec ça la population est obligée de
s'approvisionner en vivres frais au jour le jour à cause de
l'irrégularité de la chaine de froid.
Au sujet des équipements résidentiels, nous
notons que lors de sa création en 1932, le centre extra-coutumier
d'Elisabethville comptait 9000
(1) DSCRP, 2006, p.33
136
habitants, sa population était restée un peu
stagnante jusqu'au début de la deuxième guerre mondiale, en 1940.
Mais huit ans plus tard, soit en 1948, la population urbaine avait
triplé créant ainsi une crise aigüe du logement.
Déjà en 1948, 33500 habitants se partageaient 16000 chambrettes
dont la surface était inférieure à 9 m2, alors
que d'autres étaient obligés de loger dans des paillottes ou
habitat de fortune dans la périphérie de Lubumbashi. Face
à cette situation, les autorités coloniales avaient alors
obligé les employeurs de plus de 20 ouvriers à loger leur
personnel, cette politique a donné naissance aux différents camps
de travailleurs que l'on trouve encore dans la ville de Lubumbashi.
De 1949 à 1956, la formule dite de Grevisse permit la
construction d'environ 8000 logements principalement dans les communes de Kenya
et de Katuba. Cette formule laissait à la population
l'opportunité de construire leurs maisons par des fondations et avec des
matériaux octroyés sous forme de prêt remboursables au
Fonds d'avance. Presque dans la même période, l'Office National de
Logement (ONL) né des cendres de l'Office des Cités Africaines
(OCA) entreprit la construction de quelques maisons modernes entre 1954 et 1955
à Kamalondo et étendit son action à partir de 1956 en
construisant les cités de Ruashi et de Karavia. De 100000 habitants en
1956, la ville de Lubumbashi est passée à 183000 habitants en
1960 et à 1.653.000 habitants en 2011 alors qu'aucune politique globale
d'habitat n'a été envisagée depuis lors pour
résoudre le problème de logement.
La pénurie de logements, la montée spectaculaire
des taux de loyer et des difficultés économiques ont
réduit et fragilisé encore le Lushois moyen déjà
paupérisé et l'ont poussé à s'engager dans des
processus d'autoconstruction et taudification de l'espace urbain. Aujourd'hui,
Kigoma, Tabacongo, quartier-Congo, Luwowoshi ou Zambia, Kasapa, Kasungami et
pourquoi pas, les habitations vendues aux travailleurs dans ce qui était
autrefois les camps (SNCC et GCM) offrent un visage désolant et traduit
cette réalité. Toutefois si le processus d'autoconstruction
traduit la volonté légitime des ménages à trouver
un logement, il est pour les autres une source
137
indéniable des revenus financiers et relève de
stratégie de survie des ménages.
La ville de Lubumbashi a été faite des basses
constructions au milieu des vastes parcelles jusqu'à la
périphérie de la ville ou banlieue, c'est-à-dire des
grandes parties des piscines, parois d'arbres de toutes sortes. C'est
singulièrement le cas de la partie Nord de Lubumbashi et du quartier
Golf.
Pour ce qui concerne la qualité de résidences
les maisons de très bonne qualité se trouvent dans la commune de
Lubumbashi et le quartier Bel air de la commune de Kampemba, alors que dans les
communes de Kamalondo, Kenya, Katuba, Ruashi les maisons sont relativement
bonnes mais également exiguës. Dans les quartiers d'auto
construction s'observent des maisons de qualité moyenne voire
précaire, bien que dans certains quartiers d'autoconstruction comme CRAA
et Hewa Bora on trouve aussi de belles maisons comme celles de quartiers
résidentiels. Dans sa globalité, l'habitat est du type
pavillonnaire constitué des maisons individuelles. La ville regorge
plusieurs débouchés servant à ravitailler la
population.
Sur le plan économique, le pouvoir d'achat des
travailleurs a connu une chute vertigineuse à tel point qu'actuellement,
on parle plutôt de la survie. Les salaires des travailleurs sont
dérisoires et irréguliers et ne permettent pas aux
salariés de nouer les deux bouts du mois et donc de satisfaire les
besoins élémentaires quotidiens de la famille. Les pères
de famille, à cause de la crise, sont devenus incapables de satisfaire
les besoins élémentaires des membres de leurs familles. Leur
autorité vis-à-vis de leurs épouses et des enfants se
trouve moralement entamée. Cet état de choses justifie, entre
autres, la multiplication des cas des enfants qui espèrent trouver la
sécurité sociale dans la rue ou dans la pratique de la
prostitution dans le cas des filles, ou dans la mendicité. Le salaire
mensuel insuffisant et irrégulier ne permet pas aux parents de prendre
en charge les frais scolaires de leurs enfants ni de satisfaire à leurs
besoins corporels comme, par exemple, leur payer des habits à la mode,
la lotion ou le lait de beauté, leur procurer l'argent de poche pour
138
leurs loisirs ou pour l'achat des friandises à
l'école, etc. Cette situation conduit les enfants, dans certaines
circonstances, au vagabondage, à la délinquance juvénile
et à d'autres méfaits dont les jeunes non scolarisés sont
les victimes.
Les conditions sociales et économiques sont telles que
les parents sont obligés de s'absenter longtemps de la maison. Leur
retour est tardif et ils ne consacrent guère assez de temps pour
l'éducation de leurs enfants : écouter leurs doléances,
leur prodiguer des conseils, partager leurs joies et leurs peines. La plupart
d'enfants voient leurs rêves rompus et se sentent négligés
et rejetés par les parents qu'ils croyaient concourir à leur
bonheur. Ainsi, avec le temps, ces enfants éprouvent de l'aversion
à l'endroit des parents.
Dans ce contexte, la famille ne remplit plus les
critères d'érection en un espace de référence qui
offre sécurité, soins, nourriture et autres avantages sociaux
à ses membres. Les pères de famille, de plus en plus «
périphérisés » par manque de moyens de leur politique
familiale, perdent le contrôle de leurs familles. Parfois, les enfants,
considérés comme les auteurs des malheurs qui s'abattent sur la
famille, sont chassés du foyer et doivent se débrouiller
ailleurs. Nous assistons, à partir des années 1970 qui inaugurent
la crise congolaise, à l'apparition du phénomène «
enfants de la rue et enfants dans la rue », produits de la pauvreté
criante qui a élu domicile dans la ville de Lubumbashi.
La période de transition politique s'est
accompagnée d'un cortège de malheurs qui ont affecté la
population congolaise tout entière : pillages et
détérioration du tissu économique, inflation
monétaire galopante entraînant la hausse exagérée
des prix des denrées de première nécessité, retard
dans le paiement des salaires déjà insuffisants des travailleurs
des secteurs tant privé que public, diminution considérable du
pouvoir d'achat de la population, etc. Cette crise économique a
consacré le développement ou l'actualisation des activités
informelles. Cette situation a bouleversé
139
les rapports de genre. Elle a libéré les
ménagères qui dépendaient économiquement de leurs
époux dont l'emploi donnait à la famille un statut social et dont
le salaire était la seule source importante de revenu. La pénurie
a forcé les femmes à se lancer, de façon fracassante et en
grand nombre, dans l'économie informelle qui leur permettrait de
contribuer largement au budget familial. Dans certains ménages, la
situation économique des femmes a contribué à rejeter les
époux dans la marge. Leur autorité a décliné,
tandis que les épouses devenaient le point central du ménage.
Cette inversion des rôles a été accompagnée d'une
redéfinition des relations entre les différents membres de la
famille. Certaines femmes devenues économiquement fortes ont
considéré leurs conjoints comme des charges inutiles, des bouches
excédentaires dont il fallait se débarrasser.
2.8. Contexte socioculturel
Devant les difficultés économico sociales,
psycho-sanitaire et la pertinence des motivations en faveur de la survie du
ménage, les croyances et les dogmes traditionnels s'ébranlent
dans le rapport hommes-femmes dans la ville de Lubumbashi.
Dans son ouvrage intitulé : L'énigme
de Ntu. Regard sur la Région des Grands lacs africains,
Tshimpaka Yanga dénonce la culture d'avarice et de la privation
délibérée du droit à l'argent. Il démontre
cela en ces termes : « dans le cas de notre pays, je constate non
seulement une sorte d'avarice nationale, mais aussi, une culture entretenue de
la privation délibérée du droit à l'argent aux
travailleurs. La fixation par l'Etat des salaires modiques,
irrégulièrement payés, et souvent détournés
par les mandataires, dans un environnement socioéconomique où il
n'existe pas des institutions de crédit financier fait absolument penser
d'une part, à une mal adaptation à une économie
monétaire mondialisée, et d'autre part, à la survivance,
ou mieux, au prolongement du système colonial des corvées
»(1). L'auteur montre aussi
(1) TSHIMPAKA Yanga., L'énigme de
Ntu. Regard sur la région des grands lacs africains,
Lubumbashi, Cactus, 2006, p. 173
140
que cette privation des salaires décents non seulement
n'a pas permis le développement des réflexes appropriés
pour la manipulation de l'argent, mais constitue le prolongement du mode de
production esclavagiste et du système colonial de longues corvées
qui pervertissent le sens local de l'usage et de la fonction de l'argent.
Nous ne voulons pas affirmer ici que la ville de Lubumbashi
est un milieu privilégié de déstructuration des valeurs
traditionnelles, tribales ou ethniques en faveur soit de l'homme soit de la
femme. Mais à cause de la mondialisation de l'économie et des
valeurs humaines, elle façonne certaines attitudes et comportements
nouveaux et influence le changement de la structure familiale suivant le temps,
l'espace et les circonstances.
A ce sujet encore, Tshimpaka écrit : « il est
à noter que, d'une part, le blocage des voies normales d'acquisition et
d'accumulation de l'argent est à la base de l'intensification des
pratiques fétichistes affectant même les chrétiens qui
fréquentent les églises. Ces pratiques, dit-on, amènent
les désespérés à se faire envoyer au milieu de la
nuit, dans les cimetières pour y invoquer des «
esprits-porte-bonheur » qui les assisteraient à trouver de l'argent
d'une façon ou d'une autre. D'autre part, la privation prolongée
des moyens de subsistance adéquats, a aussi entraîné la
fragilisation croissante des structures familiales, à la suite des
accusations de sorcellerie »(1).
Il est évident qu'il n'existe pas un seul type de
famille traditionnelle : chaque groupe ethnique a son propre système
familial, tantôt patrilinéaire, tantôt matrilinéaire,
tantôt bilinéaire, tantôt matrilinéaire avec des
éléments du système patrilinéaire ou encore
patrilinéaire avec des traits du système matrilinéaire.
L'environnement socio-culturel de Lubumbashi dominé par
des communautés matrilinéaires d'origine bemba et lamba, tribus
originaires de la région sud où a été construite la
ville de Lubumbashi, influence vraisemblablement le comportement
matrilinéaire dans le chef de certains Lushois tendant à donner
à la femme certaines prérogatives au nom de la
(1) TSHIMPAKA Yanga, op.
cit, p.178-179
141
coutume. C'est par exemple, le cas de la responsabilité
et la charge des enfants. Mais en tant que ville métropolitaine et
ouvrière, Lubumbashi a eu à accueillir plusieurs personnes issues
des traditions différentes. La cohabitation des valeurs traditionnelles
matrilinéaires à côté des valeurs
patrilinéaires au regard des exigences économiques de survie a
amené une marginalisation économico sociale et matrimoniale de la
femme, la féminisation de la pauvreté, la prostitution, l'abandon
des enfants.
Aussi l'on note que la création et l'organisation des
Centres extra-coutumiers, comme Elisabethville aujourd'hui Lubumbashi, dans
toute la colonie du Congo belge était mue par la volonté
d'annihiler la diversité coutumière et former une
société détribalisée, anonyme. Mais, d'après
Dibwe dia Mwembu, cet objectif colonial, à savoir la formation d'une
société urbaine détribalisée, ne fut qu'une
illusion. D'abord, au niveau rural, le souci de regrouper les Congolais par
affinité tribale ou ethnique a amené l'administration coloniale
à légitimer les identités ethniques et tribales par la
création des entités administratives auxquelles elle attribuait
des noms des grandes tribus ou ethnies majoritaires. Ensuite, dans le milieu
urbain, le colonisé et le colonisateur contribuèrent, chacun de
son côté, à étouffer dans l'oeuf cette future
société urbaine moderne en gestation. Au fil du temps, les
simples regroupements d'accueil et d'intégration ont
évolué vers des associations socioculturelles ethniques et
tribales, c'est-à-dire des formes plus structurées des masses
provoquées par la compétition dans la recherche de l'emploi et la
promotion sociale, besoins qui n'étaient pas en vue tant que la
société se portait garante de la sécurité sociale
de ses travailleurs. (1)
Certains chercheurs pensent que les associations
socioculturelles sont une adaptation des petits groupes villageois
communément appelés lignages, groupes de parenté au sein
desquels se
(1) DIBWE dia Mwembu D., Bana Shaba
abandonnés par leur père : structures de l'autorité et
histoire sociale de la famille ouvrière au Katanga,
1910-1997, Paris, L'Harmattan, 2001.
142
pratiquait la solidarité au niveau familial et
clanique. En ville, pour faire face au chômage et à la
misère, la pratique villageoise, le lignage donc, a
débordé le cadre familial et clanique pour atteindre les
frontières tribales et ethniques. « Incapable, note Mwamba Sinonda,
de subvenir isolément à ses besoins en raison de la mise en
oeuvre de techniques culturales rudimentaires, le Congolais rural compte,
depuis des siècles, sur les autres membres de sa communauté pour
survivre, en attendant d'eux aide, protection, existence même. Il a ainsi
toujours trouvé sa sécurité personnelle dans la vie
communautaire, dans un groupe où prévalent les solidarités
familiales et claniques. Ce besoin séculaire d'intégration totale
incite le Congolais, lorsqu'il s'installe dans un centre urbain, où il
se retrouve généralement dans un dénuement total en raison
du chômage et du sous-emploi qui y sévissent, soit à se
faire membre d'une association ethnique, soit à s'insérer dans un
réseau de liens de clientèle à base
ethnique»(1). C'est donc cela qui explique l'importance
sociologique des associations culturelles comme stratégies de survie,
qui ne peuvent être compris que dans le contexte des familles
étendues africaines et dans la dynamique des réseaux sociaux.
C'est dans ce contexte que les sectes religieux, miroitant
d'une part la résorption des misères par des miracles et
assurant, d'autre part, l'assistance matérielle et financière
à leurs membres, recrutent davantage leurs adeptes. Et les Lushois en
sont des fers de lance.
De tout ce qui précede, nous pensons qu'il ne fait
aucun doute que l'aggravation des conditions de vie de la population de
Lubumbashi entrave aussi sa survie et son propre développement. La
fraction dirigeante tout comme La Low Level Corruption dont on a
déjà parlé danc cette thèse doivent alors
comprendre qu'ils sont en train de créuser leur propre tombe. Car les
masses populaires ne tarderont pas à se rendre compte qu'elles ne
(1) MWAMBA Sinonda, « Des joutes
électorales aux conflits intercommunautaires en R.D.CONGO », In
Likundoli : Mémoire et enquête d'histoire congolaise,
X (2006) 1-2, pp. 59-60.
143
peuvent survivre que si elles cessent d'être
exploitées et opprimées. Il faudra, comme le précise Jean
Marc Ela « que les privilégiés d'aujourd'hui comprennent
qu'ils ne peuvent dormir en paix dans leurs îlots de
prospérité que s'ils revalorisent ceux qui produisent la fortune
des nouveaux Etats avec leurs dix doigts. Car en prenant conscience de la
situation qui leur est faite dans la répartition des biens nationaux, la
masse des affamés ne peut manquer de s'unir, de retrouver la force de
resistance à l'exploitation ».(1)
2.9. Conclusion partielle
Ce chapitre a été essentiellement
consacré à la description du cadre d'étude, à
savoir la ville de Lubumbashi afin de permettre de saisir de manière
claire et globale, les divers problèmes socio-matériels,
socio-économiques et socio-culturels qui s'y posent et provoquent aussi
bien des inégalités et des exclusions mais aussi un changement de
rôle social dans la recherche des voies et moyens pour la survie des
ménages.
Comme dans la suite de cette étude, nous allons
particulièrement nous intéresser à voir comment la
population qui vit dans une situation de précarité
économique à cause de la modicité, de
l'irrégularité du salaire, ou tout simplement à cause de
sa pauvreté relative cherche à assurer la survie de son
ménage par des stratégies diverses. Ces stratégies de
survie ont amené avec elles le changement des mentalités dans le
rapport hommes-femmes dans la ville Lubumbashi et suscitent dans leur
compréhension l'adoption de l'approche genre.
L'analyse éco-systémique de la ville de
Lubumbashi, nous a permis de dégager trois types des quartiers : les
résidentiels, les planifiés-populaires et les
non-planifiés ou périurbains. Or dans tous ces quartiers les
difficultés économiques de tout bord obligent les habitants
à se livrer à des multi-activités pour survivre. C'est
ainsi que dans cette étude sur le genre, pauvreté et
stratégies de survie des ménages dans la ville de Lubumbashi
(1) ELA, J.M., op. cit,
p.205
144
nous envisageons de tirer notre échantillon dans tous
les trois types des quartiers afin de saisir cette réalité dans
sa globalité et sa complexité.
Car ce sont toutes les couches de la ville de Lubumbashi qui
sentent ou assistent à la détérioration de leur niveau de
vie et voient leur reproduction matérielle et biologique
sérieusement menacée. Il nous parait donc légitime de
parler de stratégies de survie comme phénomène social,
tendant à développer un ensemble des comportements visant
à résister aux forces ou processus de
détérioration.
C'est dans ce cadre que nous allons analyser le genre et la
situation des ménages dans la ville de Lubumbashi.
145
CHAPITRE III: GENRE ET SITUATION DES MENAGES DANS LA
VILLE DE LUBUMBASHI
3.1. Introduction
A cause de l'aggravation des difficultés
économiques et sociales et le désengagement progressif de l'Etat
dans les domaines de la santé et l'éducation, on assiste à
Lubumbashi à l'émergence d'une nouvelle forme de pauvreté,
avec l'apparition de nouveaux pauvres et d'exclus. Dans la ville de Lubumbashi,
la régie de distribution d'eau (REGIDESO) ne compte que 33132
abonnés pour une population évaluée à 1476374 en
2009, soit 15,71% des ménages qui ont accès à l'eau de la
REGIDESO et 48% au réseau électrique, 46% aux soins de
santé primaire.(1)
Au niveau des ménages, la famille remplit de plus en
plus difficilement ses fonctions de reproduction, de production, de
consommation, d'éducation et de transmission des valeurs. Lieu de
socialisation par excellence, la famille, soumise aux pressions
résultant de la situation économique, n'est plus à mesure
d'imposer une orientation forte à ses membres ni de fixer les normes.
Les familles sont confrontées aux changements et aux difficultés
pour satisfaire leurs besoins essentiels pour vivre et dans certains cas, pour
survivre.
La dégradation du tissu économique,
accompagnée d'une baisse du pouvoir d'achat à cause de la perte
d'emploi, de la retraite anticipée ou encore d'un licenciement, a rendu
la plupart des ménages incapable d'activer des réseaux
relationnels pour satisfaire leurs besoins primaires et même changer le
visage de la pauvreté en milieu urbain. Parmi ces nouvelles figures, on
trouve les femmes, les adolescents et les enfants.
3.2. La pauvreté et l'exclusion de la femme
à Lubumbashi
La situation de la femme tout comme des ménages lushois
est conditionnée par un ensemble d'éléments de
fragilisation qui est révélateur
(1) INS, Le Katanga en chiffres,
Devinfo, Novembre 2010, p. 26
146
des conséquences conjuguées de changements
sociaux profonds. Ainsi, l'objet de cette section est d'analyser
l'évolution du cadre macroéconomique de la ville de Lubumbashi et
de souligner son impact sur la survie des ménages à travers les
différentes transformations sur le marché de l'emploi et du
modèle familial.
3.2.1. Les conditions générales de
fragilisation de la femme
La pauvreté des femmes congolaises en
général et lushoises en particulier constitue un nouveau champ de
recherche pour les scientifiques et les organisations non gouvernementales. Si
elle n'est pas nouvelle, elle exprime, cependant, la fragilisation
systématique des femmes. Le processus d'appauvrissement des femmes
congolaises au cours de ces deux dernières décennies est
pluridimensionnel. Il découle d'un ensemble de déterminants
conjoncturels, structuraux et socio-culturels, parmi lesquels les
inégalités liées à la socialisation qui
maintiennent les femmes dans les sphères domestiques.
La question de la marginalisation, de la fragilisation, de la
jouissance de la plénitude de droits et des capacités ou
même encore de la promotion du statut de la femme fait couler aujourd'hui
beaucoup d'encre et de salive. Elle suppose de profondes transformations de la
société, aussi bien dans l'organisation de la vie professionnelle
que dans les structures familiales. Car les femmes sont aujourd'hui, à
l'ère de la mondialisation et de la révolution de la
modernité inconsolables au sujet de leur marginalisation par le simple
fait qu'elles sont femmes.
A l'occasion du séminaire International sur les
nouveaux enjeux du développement pour les femmes en Afrique et dans son
exposé sur les temps des femmes, KAMBAY bwatsha, note : «
Presque partout dans le monde, la femme a été
subordonnée à l'homme. Un regard attentif sur l'évolution
de l'humanité permet de nous renseigner que la problématique de
l'égalité de chances entre les sexes est aussi vieille que le
monde. Elle est quasi universelle et se fonde sur les préjugés
négatifs que les idéologies dominantes ont construits au sujet de
la femme.
147
« La situation injuste que connaît la femme se
traduit dans toutes les sociétés par le clivage ahurissant entre
d'une part, le rôle vital que lui reconnaît la
société à travers soit disant « merveilleuse mission
», celle d'épouse, de génitrice et d'éducatrice, et
d'autre part l'image et la place qui lui sont réservées au sein
de la société.
Tandis que les grandes religions monothéistes vont
jusqu'à consacrer l'infériorité et l'impureté de la
femme, les courants de pensée se sont développés, les uns
pour justifier la subordination et l'infériorité naturelles de la
femme, les autres pour condamner cet état de choses et dénoncer
le traitement injuste que la société impose à la
femme.
Les traditionalistes plaident pour la soumission de la
femme à l'homme. Elle est d'ailleurs une « enfance continue »,
un « être inaccompli biologiquement » et par conséquent,
il est dangereux de lui confier d'autres tâches que celles
d'épouse et de ménagère. D'autres partisans de la
soumission de la femme croient dans ce sens que « la destinée de la
femme et sa seule gloire sont de faire battre le coeur de l'homme ... Elle
n'est à proprement parler qu'une annexe de l'homme ». « La
femme ... c'est une esclave qu'il faut savoir mettre sur le trône
».
A ce courant traditionaliste, on peut opposer celui qu'on
peut qualifier de progressiste ou même de révolutionnaire. Il voit
le jour au début du XXème siècle et prône «
l'émancipation » de la femme. Plusieurs femmes s'accrochent
à l'idée en estimant que la seule façon de libérer
la femme, c'est qu'elle travaille. Ainsi s'emploient-elles à
démystifier la théorie de la « nature de la femme ».
Plus loin que ce courant progressiste, le courant marxiste se lance dans la
recherche des vraies origines de l'asservissement de la femme. Il explique que
le sort de la femme comme celui de tous les opprimés est semblable
particulièrement à celui des prolétaires. Sans doute
était-il très marqué par les inégalités et
les injustices liées à l'essor de l'industrie et du capitalisme.
Il démontre la relation de cause à effet entre la
propriété privée, le capitalisme et l'exploitation de la
femme. Le capitalisme a donné l'occasion
148
aux hommes de s'approprier le sol et les outils de travail
tout en soumettant les autres à l'esclavage, à leur service. La
femme productrice d'enfants devint de facto propriété de l'homme
donc inférieure à celui-ci. La famille devenue institution
patriarcale, opprima la femme, pendant que la société se
sépara en classes : l'une des propriétaires et l'autre de ceux
qui n'avaient pour seule richesse que leur possibilité de travailler ou
leur sexe (pour les femmes)(1).
Pour étayer ses arguments sur le statut de la femme
à travers le temps, Kambay Bwatsha(2) cite quelques textes
grecs, latins et juifs datant de l'Antiquité montrant la tendance et la
nécessité de maintenir la femme sous tutelle de l'homme.
Chez les Grecs, Xénophon préconise que la jeune
femme « vive sous une stricte surveillance, voie le moins de choses
possible, entende le moins de choses possible, pose le moins de questions
possible». L'infériorité physique de la femme est une chose
arrêtée, elle est exprimée en référence
à la «perfection» plus grande de l'homme, modèle de
l'espèce. Lorsqu'un auteur comme Aristote affirme que la «
différence entre l'homme et la femme est indélébile; quel
que soit l'âge de la femme, l'homme doit conserver sa
supériorité», on comprend toute la mentalisation à
l'égard du sexe féminin. Même Platon, un autre philosophe
grec, connu pour sa pensée plutôt favorable à la femme,
pense que « la différence entre le sexe, c'est que l'un engendre,
l'autre enfante et que l'un a plus de force physique que l'autre».
L'image que les Grecs se faisaient de la femme s'est
matérialisée par le statut de la « femme au foyer ».
Celle qui vit isolée du monde et sans pouvoir. Epouse, elle assure une
descendance à son mari ; « la femme est son bien qu'il
protège comme tout bien précieux ». La femme peut
également être une courtisane cultivée auprès de
laquelle les hommes peuvent trouver une compagnie agréable, à la
fois sexuelle et intellectuelle.
(1) KAMBAY Bwatsha, « Les temps de femmes » in
Les nouveaux enjeux du développement pour les femmes en
Afrique. Actes du séminaire International (version web
allégée), organisée par CONAFED, Kinshasa,
du 11 au 15 octobre 2005, p. 6-7
(2) Idem, op. cit, p. 9-10
149
Elle peut aussi refléter une esclave qui effectue les
travaux de champs, tisse ou que l'on attèle à la meule pour piler
le grain. Elle peut être placée par son mari endetté ou
guerrier vaincu chez son ennemi comme servante afin de payer sa dette ou sa
rançon.
Dans le monde romain, on observe un certain progrès de
l'image de la femme au début de la Royauté. Dans le domaine
familial, elle est considérée comme l'associée de son mari
et s'occupe de l'éducation des enfants. Mais l'Etat avait très
vite limité cette tentative d'émancipation en décidant son
incapacité au nom de la notion de l' «imbecilitas sexus».
En effet, la loi romaine avait déclaré
l'imbecillitas sexus ce qui ne veut pas dire
l'imbécillité mais la faiblesse. C'est parce que la femme est
définie par sa faiblesse qu'elle doit être protégée
par l'homme qui est fort ; cette faiblesse justifie donc son statut de
dépendance. Puis la notion de faiblesse physique glissa
imperceptiblement vers la notion de faiblesse intellectuelle. Néanmoins
la littérature et l'histoire nous montrent que la société
des hommes n'excluait pas les femmes quand elles s'imposaient par leur talent,
leur esprit. Au cours des siècles, des femmes furent
célèbres soit par leur rôle politique dans la cité
soit par leurs écrits qui connurent succès et audience.
C'est pour cela que Mary Shelley soutient que « pour
devenir respectables, il faut que les femmes exercent leur intelligence, il n'y
a pas d'autre fondement à l'indépendance du caractère ; je
veux dire explicitement qu'elles doivent s'incliner devant la seule
autorité de la raison au lieu d'être de modestes esclaves de
l'opinion »(1).
Empêchée d'agir de manière directe sur les
affaires publiques, la Romaine s'agite, fomente des conspirations, profite
enfin du relâchement des moeurs pour s'adonner à la prostitution.
Son image devint très négative de telle sorte qu'elle
renforcât l'idée selon laquelle il était dangereux de
donner
(1) Olivier Bernacchi/
artoonum.com - 2015, consulté
le 15 décembre 2015
150
trop de liberté à la femme. Des auteurs de
l'époque en déduisent que sa nature n'est pas faite pour
l'indépendance.
Chez les Juifs, non seulement la condition de la femme est
assimilée à celle d'enfants ou d'esclaves, socialement
incapables, mais sa nature la fait classer parmi les êtres
incomplètement achevés. Les textes de l'Ancien Testament la
présente comme l'être sur qui pèse une malédiction.
Elle est considérée chaque mois comme impure à cause du
tabou de sang, référence faite à la menstruation. Son
rôle se limite, comme chez les Grecs, à assurer la
postérité à son mari. Son seul prestige est donc la
maternité. Considérée également comme l'objet des
tentations de la chair, elle est un personnage dangereux et
inférieur.
La conception et l'image juives de la femme tirent leur
explication dans le mythe de la création de l'homme, tel que contenu
dans le livre mythique de la sagesse juive, l'Ancien Testament. Il existe deux
versions de la création telles que relatées dans Genèse,
l'une montre l'homme créé mâle et femelle tout de suite ;
l'autre rapporte que la femme est formée après l'homme, de lui,
pour lui (Genèse 1, 27). C'est cette dernière version que les
mentalités juives avaient retenue et qui se répandit plus tard
dans une bonne partie du monde par le fait du Christianisme.
La consultation patiente de la Bible permet de relever la
double attitude de la religion chrétienne à l'égard de la
femme. Dans Genèse 46,26 ; Proverbe 5,3-5, Juges 16 ; 1er
Rois 21 ; 1er Samuel 18, 20-21, on brosse le tableau négatif
de l'image de la femme. Dans le Nouveau Testament, les Témoins du Christ
présentent la femme sous le symbole du mal et du péché
chez Luc 24-25, Chez Mathieu 14,21 et 15,38, le statut de la femme n'est
guère honorable sur tous les plans.
Dans les siècles qui ont suivi l'époque de Paul,
les pères de l'Eglise ont développé le même discours
: « Femme tu es la porte du diable». «Tu as persuadé
celui que le diable n'osait attaquer en face », c'est à cause
151
de toi que le fils de Dieu a dû mourir ; tu devais
toujours t'en aller vêtue de deuil et de haillons ».
Au sujet du mariage, le christianisme également
sème le trouble dans les esprits. L'opinion largement répandue en
ces premiers temps du christianisme est que « la femme est un être
dangereux, un animal vénéneux, un fourbe, si pas simplement un
démon ». Jean Chrysostome écrit à ce sujet que le
mariage est le fruit de la désobéissance du premier couple, de la
malédiction et de la mort. A cette époque aussi « l'angoisse
et le dégoût ressentis à l'égard des
répulsions sexuelles ont conduit certains à présenter sous
un jour répugnant la procréation et le corps de la femme».
Cette méfiance à l'égard de la femme, de son corps et
même du mariage a eu pour conséquence l'interdiction aux
prêtres en 305 après JC de se marier.
L'institution du mariage religieux par l'église pouvait
alors apparaître comme une contradiction. Cependant, elle contribua
à améliorer le sort de la femme, notamment en imposant le mariage
monogynique et en interdisant l'adultère pour les deux sexes. En
même temps, elle consacra la soumission de la femme à la tutelle
de l'homme : « femme soyez soumise », « mari aimez votre femme
».
En échos de ce mépris du corps, Olivier Nkulu
Kabamba écrit : « De nos jours, le corps fait donc encore
problème dans le christianisme, imputé à l'influence de
saint-Paul, à travers l'emploi du mot « chair » dans ses
épitres, le mépris du corps et de la chair a assez vécu.
En effet, le conservatisme moral qui a fait du corps une entité rebelle
destinée à etre soumise à la domination de l'esprit, et
qui a fait de la chair le siège du péché dont il faut se
méfier, a fini par détourner bon nombre des personnes du
christianisme en général et du catholicisme en particulier. Les
gens se sont rendu compte que les règles de la morale sexuelle
traditionnelle telles qu'elles étaient formulées en termes d'une
liste de « ce qui est permis » et de « ce qui
152
est défendu » ne pouvaient que conduire à
une impasse et à une certaine crise de confiance vis-à-vis de la
doctrine morale de l'eglise(1).
Soucieux de restaurer une bonne compréhension de la
doctrine morale de l'eglise sur le corps humain et sa sexualité, Olivier
Nkulu Kabamba s'appuie sur la théologie du corps développé
par le pape Jean Paul II. Aussi appelée par Jean Paul II lui-même
(( théologie du sexe » ou (( théologie de la
sexualité », se distingue nettement par l'attention
particulière qu'elle consacre à la sexualité. La
théologie du corps, d'après le Pape Jean Paul II, est liée
à la création de l'homme à l'image de Dieu et devient
aussi d'une manière générale la (( théologie du
sexe » ou plutôt la (( théologie de la masculinité et
de la féminité ». Elle a son point de départ dans le
livre de la Génèse.
Jean Paul II montre combien la dignité humaine
relève de la masculinité et de la fécondité du
corps humain et de leur complémentarité intrinsèque. Voila
pourquoi il présente la théologie du corps comme étant
aussi une théologie du sexe. Car en plus d'être une anthropologie
qui aide à comprendre rationnellement le corps humain, c'est aussi un
enseignement religieux, une catéchèse qui a pour objectif de
montrer le plan de Dieu sur la sexualité, l'amour sexuel entre l'homme
et la femme est fondamentalement un don de soi de l'un à l'autre voulu
par Dieu lui-même quand il les créa mâle et
femelle(2).
Dans la théologie du corps développée par
le Pape Jean Paul II se manifeste véritablement comme une oeuvre de
pédagogie sur la sexualité dans le mariage, la morale sexuelle,
le sens des vocations au mariage et au célibat consacré.
Au sujet du célibat consacré des religieux et
prétres, précisément catholique, du soi disant
mépris du corps de la femme et du mariage voici ce que nous avons pu
trouver dans le site officiel de l'Eglise
(1) NKULU Kabamba O., Le Corps humain et sa
sexualité, jalon pour un nouveau regard
théologique, Paris, L'Harmattan, 2014, p. 57-58
(2) Idem, p.77
(1)
https://www.
Catholique.org/apropos/43-informations légales 2004-2015, le 12
mars 2015
153
catholique(1): Les religieux et les prêtres
s'engagent à vivre dans le célibat ce n'est ni par mépris
du mariage, ni aversion à l'égard de la sexualité. Le
célibat est une façon particulière de vivre cet appel
à l'amour. A l'image du Christ resté célibataire pour
faire alliance avec tous les hommes, le prêtre renonce à aimer une
personne en particulier pour être signe de l'amour de Dieu pour tous les
hommes. Le Christ y fait allusion dans l'évangile: «il y a des
personnes qui ont choisi de ne pas se marier à cause du Royaume des
cieux».
Le célibat - le fait de ne pas être marié
- a été l'état de vie d'un nombre incalculable d'hommes et
de femmes au cours de l'histoire. Certains d'entre eux ont vécu ce
célibat dans la vie religieuse, mais pas la plus grande partie. De
nombreuses personnes ne se marient pas pour une décision personnelle ou
à cause des circonstances de la vie. Leur condition n'est pas «
anormale ». A proprement parler, il existe trois vocations dans la vie :
religieuse, mariée et célibataire. Chacune possède sa
valeur et doit être considérée avec respect.
Il y a un nombre grandissant de vocations religieuses
aujourd'hui dans le monde. Or, si on regarde de près le genre de
personnes, homme et femme, qui entrent dans la vie religieuse, on en trouve
très peu qui grognent sur le fait de devoir passer seul le reste de leur
vie. Ces gens auraient-ils un problème ? Ont-ils une mauvaise opinion du
mariage ? Pas du tout. En fait, ils ont même souvent une plus haute
opinion du mariage que de nombreuses personnes mariées : Ils savent que
l'Eglise Catholique insiste sur le fait que le mariage est un sacrement - donc
une chose « sacrée » - au même titre que l'Eucharistie
et le baptême. Mais ils embrassent librement le célibat parce
qu'ils veulent offrir leur amour « sans partage » à Dieu. Ils
ont été touchés par une grâce particulière
(l'appel) et ont ressenti le besoin de tout laisser pour y répondre et
être complètement disponible. Dieu est un « Dieu
154
jaloux » dit un psaume : il nous veut tout entier pour
Lui. Les prêtres et les religieux lui appartiennent d'une façon
spéciale et unique.
Ils suivent l'exemple de St Paul qui recommandait le
célibat à tous ceux appelés à cette vocation, sans
mépriser le mariage en aucune façon (1Co 7,8). Il ne
s'agit pas de rabaisser la valeur du mariage, mais nous pouvons admirer ceux
qui, tout en estimant la grande valeur de ce sacrement, choisissent
volontairement de s'en priver afin de servir Dieu avec tout leur coeur et toute
leur disponibilité.
Certains rites orientaux, de fait, autorisent les hommes
mariés à accéder à la prêtrise (mais pas
à l'épiscopat, réservé chez eux aux moines). Dans
les premiers temps de l'Eglise, il n'y avait pas véritablement de
règlement sur la question du mariage des prêtres. Peut-être
tout simplement parce que la venue du Christ sur Terre était encore
tellement proche que ses enseignements, dans toute leur cohérence, se
sont imposés très facilement aux premières
générations de chrétiens. Jésus avait parlé
de pureté comme un grand bien : « car les coeurs purs verront
Dieu » (Mt 5,8). Il avait annoncé que «
certains se feraient chastes pour le royaume des cieux ». (Mt
19,12) et avait loué ceux qui quitteraient tout (maison,
frères, soeurs, père, mère, enfants ou pays) pour son nom
(Mt 19,29) en leur assurant une récompense au centuple et la vie
éternelle en héritage.
Répondant librement à l'appel de Dieu, le
prêtre ne vit pas le célibat comme une contrainte, mais comme une
ouverture à une grande fécondité, certes différente
de celle d'un couple, mais tout aussi riche. C'est l'Eglise catholique qui a
proclamé que le Christ avait élevé le mariage au rang de
sacrement. Il est vrai que les prêtres catholiques latins ne peuvent pas
se marier, mais personne n'est obligé de devenir prêtre ! Le
mariage ne leur est pas interdit en tant qu'être humain, mais en tant que
prêtre. Tout catholique
155
est libre de choisir la prêtrise dans le célibat,
le mariage ou la vie solitaire, qui est aussi une forme de célibat. Mais
personne n'est contraint au célibat(1).
Dans la conception baha'ie, parmi les enseignements de Sa
Sainteté Bahá'u'lláh il y a l'égalité des
femmes et des hommes. Le monde de l'humanité a deux ailes - l'une est la
femme, l'autre l'homme. Ce n'est que lorsque les deux ailes se seront
également développées que l'oiseau pourra voler. Si une
aile reste faible, le vol est impossible. Ce n'est que lorsque le monde de la
femme deviendra égal au monde de l'homme dans l'acquisition des vertus
et des perfections que l'on parviendra à la réussite et à
la prospérité telles qu'elles doivent
être(2).
Dieu a créé tous les etres par couples, homme,
animal ou végétal, toutes les créatures de ces trois
règnes sont de deux sexes et l'égalité est absolue entre
elles.
Le monde végétal comprend des plantes
mâles et des plantes femelles dont les droits sont égaux, et qui
partagent pareillement la beauté de leur espèce, quoiqu'on puisse
vraiment dire que l'arbre donnant des fruits est supérieur à
l'arbre stérile.
Dans le monde animal, nous voyons que le mâle et la
femelle ont les mêmes droits, et que chacun d'eux jouit des avantages de
son espèce.
Nous avons donc constaté que, dans les deux
règnes inférieurs de la nature, il n'est pas question de la
supériorité d'un sexe sur l'autre. Dans l'espèce humaine
il y a une grande différence ; le sexe féminin est
considéré comme inférieur, et on ne lui accorde pas de
droits et de privilèges égaux à ceux de l'autre sexe.
Cette condition ne vient pas de la nature mais de l'éducation. Dans la
création divine, il n'y a pas de distinction semblable et, au regard de
Dieu, l'un des sexes n'est pas supérieur à l'autre. Pourquoi
donc
(1)
https://www.
Catholique.org/apropos/43-informations légales 2004-2015, le 12
mars 2015
(2) HESSE, E., Causeries d'Abdu'l-Baha à
Paris, Bruxelles, Maison d'Editions Baha'ies, 1980, p.117
156
l'un d'eux devrait-il affirmer l'infériorité de
l'autre, lui refusant les justes droits et les privilèges, comme si Dieu
avait autorisé une telle ligne de conduite ?
La justice divine exige que les droits des deux sexes soient
également respectés puisque, au regard de Dieu, aucun des deux
n'est supérieur à l'autre. Pour Dieu, la dignité ne
dépend pas du sexe mais de la pureté et de l'éclat du
coeur. Les vertus humaines sont données à tous de manière
équivalente.
La femme doit donc s'efforcer d'atteindre une plus haute
perfection, d'être l'égale de l'homme à tous égards
et de faire des progrès pour rattraper son retard, afin que l'homme soit
obligé de reconnaître cette égalité d'aptitudes et
de réalisation. Quand les hommes reconnaîtront
l'égalité des hommes et des femmes, celles-ci n'auront plus
besoin de lutter pour leurs droits(1).
Les femmes africaines pré-capitalistes ont connu de
multiples formes d'inégalités sociales : entre classes sociales,
entre groupes professionnels, entre classes d'âges, entre clans, entre
sexes ; cette dernière source d'inégalité est sans doute
la plus généralisée, la plus profonde et peut-être
la plus ancienne.
Les femmes sont soumises aux hommes de multiples
manières et tout au long de leur existence : en naissant elles sont
revêtues essentiellement d'une valeur d'échange
concrétisée plus tard par la dot ; en grandissant elles
fournissent très tôt une valeur d'usage pour un travail
dommestique subalterne effectué dans l'obéissance la plus
complète à la mère ou à la tante ; en se mariant
elles réalisent leur valeur d'échange initiale et entrent sous la
dépendance du mari et de sa famille sans cependant s'y intégrer
à part entière. On attend d'elles des prestations
économiques astreignantes, mais avant tout qu'elles soient
fécondes et de bonnes
(1) HESSE, E., Op. Cit.
p.142
157
reproductrices. Elles doivent perpétuer la
lignée des hommes, soit celle du mari, soit celle de l'oncle.
On sait aujourd'hui qu'Engels s'est trompé lorsqu'il a
situé l'origine de l'oppression des femmes dans le développement
de la proppriété privée et des sociétés de
classes. Les études anthropologiques ont montré que cette
oppression existait déjà dans les sociétés sans
classes, y compris dans les sociétés matrilinéaires, et
qu'il n'existait pas de sociétés matriarcales proprement dites.
Pour Meillassoux l'origine de l'oppression est liée à la
nécessité du contrôle des femmes dans les
sociétés agricoles où le « mode de production
domestique » exige «la préservation des effectifs des
producteurs».(1) Selon Maurice Godelier c'est le faible
développement des forces productives et la dépendance à
l'égard des conditions naturelles qui ont mis la femme,
handicapée par les contraintes des maternités, en position
d'infériorité. Quelle que soit l'origine historique de la
soumission, `dans les sociétés primitives, écrit Godelier,
« la femme a une importance décive pour le maintien des
communautés par ses fonctions reproductives et économiques, et
cette importance rend nécessaire le contrôle par la
société de l'accès aux femmes. Mais ce contrôle, ce
sont toujours les hommes qui l'exercent. La relation entre les sexes dans les
sociétés primitives est donc fondamentalement asymétrique
et non réciproque. La réciprocité des femmes ne fera que
s'accentuer avec le développement des forces productives et la division
croissante du travail »(2).
L'anthropogue Marie-Claude Dupré décrit de la
manière suivante la condition de la femme telle qu'elle l'a
observée il y a 10 ans chez les Teke du Congo : « dans cette
société matrilinéaire et virilocale, la femme est soumise
à une double pression : celle de son mari et de la famille de son mari
chez qui elle réside ; celle de sa famille et de son frère qui
est le seul
(1) MEILLASSOUX, C., Femmes, Anthropologie
économique des Gouro de Côte d'Ivoire. De l'économie de
substance à l'agriculture commerciale, Paris, Mouton et
Co,
1964, p. 234
(2) GODELIER, M., Métamorphoses de la
parenté, Paris, Collection Champs, 2010, p. 67
158
véritable parent de ses enfants... Obéissance et
pauvreté sont de rigueur pour l'épouse dont les biens sont peu
nombreux et les revenus infimes. L'épouse possède en propre
quelques poulets, de maigres ressources tirées de la vannerie et, plus
récemment, de la culture commerciale des arachides. Tous les gains
monétaires doivent être partagés avec l'époux.
« A l'épouse incombent le ravitaillement en eau,
la cuisine, la culture, la cueillette et bien sûr, les soins aux enfants.
L'homme se réserve la chasse dont il consomme seul le produit, le
tissage du raphia qui sert à constituer les dots, anciennement les
voyages de commerce, les escarmouches et les embuscades et, actuellement les
cultures commerciales, riz et café, qui apportent un certain revenu
monétaire. En outre, il passe chaque année une dizaine de jours
à défricher un morceau de forêt pour les champs
destinés au manioc.
« C'est pour la femme une situation de dépendance
absolue. Elle fournit l'essentiel des produits de subsistance sans avoir jamais
initiative de son travail. L'accès au monde des hommes (de la
société politique masculine), à l'univers des
décisions tant agricoles que politiques, la possession des richesses,
argent, pagne de dot ou bien de traite, lui est interdit ou strictement
réglementé. L'adultère, autre moyen de participer au monde
masculin et avoir pouvoir de décision pour les relations sexuelles est
sévèrement réprimé. Ajoutons, pour nuancer ce
sombre tableau, que le puritanisme de la société tsaayi est
tempéré par un idéal de douceur, de retenue, de patience
et de politesse qui, pour les dirigeants se mue en bienveillance attentive et,
pour les femmes en bonheur résigné » (1).
Pour la femme congolaise (RDC) en général et
lushoise en particulier, faire face aux enjeux du développement signifie
affronter plusieurs facteurs-obstacles et freins à leur
épanouissement, promotion et
(1) DUPREE, M. C., « Comment être femme.
Un aspect du rituel Mukisi chez les Téké de la République
Populaire du Congo », Archives de Sciences Sociales des
Religions, juillet-Septembre, 1978, Vol 46, N°1, p 62
159
développement. La lutte est rude à de multiples
niveaux: des coutumes et traditions, professionnel et du cadre d'accès
à une vie décente.
Au niveau des coutumes et traditions, on ne doit pas oublier
que la coutume ne constitue rien d'autre que l'ensemble des règles
érigées sous formes des lois qui régissent la vie d'une
communauté sous sa forme de vie traditionnelle. La tradition est
l'ensemble des règles acquises dans le temps, par expérience, qui
régissent des comportements des individus dans le cadre de leur
société spécifique. Ainsi, la famille, le clan, la tribu
voire le ménage sont des lieux privilégiés où
s'applique généralement la tradition. Chaque groupe
organisé a ses coutumes, et traditions. Mais de quelles coutumes et
traditions s'agit-il ? Celles construites par l'homme, à travers les
âges, pour satisfaire son orgueil et asseoir sa supériorité
vis-à-vis de la femme. Les illustrations sont multiples à ce
sujet : interdits alimentaires, mariages préférentiels,
éducation de la jeune fille, héritage, place de la femme dans le
foyer et en société, considération de la femme, polygynie,
concubinage, adultère, divorce, travail salarié et même au
niveau du savoir. Bref les coutumes et traditions sont élaborées
par l'homme en fonction de «homme supérieur/femme
inférieure».
Si les femmes sont gardiennes des traditions, comme on le dit
fort heureusement, les flammes des foyers, source de vie et même
«berceau des peuples», elles doivent plutôt s'attacher à
perpétuer les valeurs intrinsèques de solidarité, de
solidité conviviale du groupe pour le développement. La vie de la
femme lushoise peut être présentée sur trois plans
: socioculturel, économique et politique.
Socialement et culturellement : La femme
lushoise demeure en grande partie une femme soumise aux us et coutumes
locales. Un être sans initiative individuelle pour contribuer au
développement matériel de son foyer ; une prisonnière
enchainée, ne vivant qu'au gré du niveau de vie de son mari. De
ce fait, elle participe, sans droit de véto, aux affaires de la famille.
Dans beaucoup de cas, la marginalisation de la femme lushoise est
telle qu'on n'a
160
pas besoin de son avis quand il s'agit, par exemple de vendre
des biens meubles ou immeubles de la famille ou de marier ses enfants. Elle est
condamnée, comme l'enfant, à ne pas aimer l'argent «
hapana kuzoesha bibi ao mutoto feza ». A ce
sujet sans vouloir à tout prix faire l'apologie de la pauvreté
comme dans les coutumes et la vision coloniale, voyons cependant, comment cette
logique se trouve dans un processus historique et continu du
développement du capitalisme. En 1920 le ministre des colonies de
Belgique, Monsieur Jules Renquin, dans son allocution de bienvenue aux
missionnaires blancs arrivés au Congo-Belge, actuellement
République Démocratique du Congo, invitait ses compatriotes
à «... désintéresser nos sauvages des richesses
matérielles dont regorgent leur sol et sous-sol, pour éviter que
s'intéressant, ils ne nous fassent une concurrence meurtrière et
rêvent un jour à nous déloger. Votre connaissance de
l'évangile vous permettra de trouver facilement des textes qui
recommandent et font aimer la pauvreté. Exemple :'Heureux sont les
pauvres, car le royaume des cieux est à eux' et ` il est plus difficile
pour un riche d'entrer au ciel qu'à un chameau d'entrer par le trou
d'une aiguille'. Vous ferez donc tout pour que ces Nègres aient peur de
s'enrichir pour mériter le ciel... »(1) L'homme
congolais à travers la coutume et dans le souci de perpetuer sa
domination sur la femme, a fait la même chose en soutenant qu'une bonne
femme ne doit pas trop aimer l'argent « bibi mzuri hapashe
kupenda sana feza ». C'est dire que la bonne femme doit
accepter la pauvreté ou du moins se contenter de ce que son mari (son
maître) lui présente et pas l'argent.
Economiquement : la femme de Lubumbashi est
plutôt la fille de courses du foyer. Le mari lui remet, selon sa propre
comptabilité, juste l'argent du salaire destiné aux besoins
primaires de la famille : la nourriture, le savon, etc. En rapport avec les
coutumes, la pauvre femme se résigne ainsi à son sort, allant
jusqu'à se faire passer pour l'objet par lequel mesurer la richesse d'un
mari : la tradition populaire admet que la richesse d'un mari transparait dans
la façon de s'habiller de sa femme.
(1)
www.africamaat.com, Le
rôle des mississionnaires à l'époque coloniale.
161
A propos de l'accès aux ressources et au contrôle
de celles-ci par les femmes, le législateur est aussi strict.
Juridiquement, les épouses sont des incapables comme le note aussi bien
clairement l'article 448 du Code de la famille : «la femme doit obtenir
l'autorisation de son mari pour une prestation qu'elle doit en personne».
L'article 450 du même code consacre cette incapacité de
l'épouse. Même l'administration et la gestion de ses propres biens
est admise sous réserve par le code, car l'article 497 stipule ceci :
(...) si la gestion et l'administration de ces biens par la femme porte
atteinte à l'harmonie et aux intérêts pécuniaires du
ménage, le mari peut les assumer »(1). Alors que le
même code ne précise pas en quoi consiste l'harmonie du
ménage. Donc l'appréciation de cette harmonie dépend du
pouvoir discrétionnaire du mari. Or, la monétarisation de
l'économie mondiale fait aujourd'hui que pour améliorer les
conditions économiques et sociales du ménage, il faut avoir des
moyens financiers, donc avoir l'argent. La bonne lutte contre la
pauvreté exige des programmes et des actions de
dépaupérisation de la population mais aussi surtout une
participation démocratique qui garantie l'égal accès aux
ressources aussi bien aux hommes qu'aux femmes.
Politiquement : la femme lushoise,
malgré ses capacités intellectuelles, n'a pas d'atout à se
faire valoir comme politiquement responsable. Une femme qui postule à un
poste politique est vite jugée en fonction d'abord de sa
féminité (cela est essentiellement dû au poids des
coutumes) et ensuite, par rapport à son mari. Tous les défauts de
ce dernier seront à tort portés par la femme.
Quoiqu'on en parle, le manque d'accès aux ressources
matérielles, les conditions de vie précaires (manque d'emploi
qualifié, habitat de fortune, la non scolarisation d'enfants, la faim
quotidienne...) qui sont à considérer comme signes
extérieurs de la pauvreté, sont à notre avis, des
éléments pouvant basculer au fil de l'histoire d'une population.
Pour nous donc, la véritable pauvreté se caractérise par
le manque de prise en charge de soi qui découle de l'absence de cette
conscience d'être homme ou femme
(1) Les Codes Larcier de la
République Démocratique du Congo, Tome 1 Droit Civil et
judiciaire, Larcier, Bruxelles, 2003, p. 35, 36 et 39
162
ayant un rôle à jouer dans la
société. Le développement matériel qui est
l'antonyme de la pauvreté, dépend du niveau de
développement culturel bien incrusté dans la population. C'est
dans cet ordre d'idées que tout plaquage de développement finit
par échouer, par engendrer des conséquences plus graves que
celles qu'on espérait. Car comme le dit un adage populaire : «
laver la tête d'un singe, c'est gaspiller du savon ».
En nous référant à tous ces récits
historiques, notre intention n'est nullement de fatiguer inutilement les
lecteurs mais de montrer certains des préjugés qui justifient
encore aujourd'hui la fragilisation et la marginalisation de la femme lushoise.
La femme congolaise en général et lushoise en particulier doit
savoir que faire face aux enjeux du développement et de la lutte pour la
survie de son ménage, c'est affronter plusieurs obstacles et freins
à son épanouissement et à sa promotion.
Au niveau professionnel, les femmes sont peu présentes
sur le marché du travail formel ; la majorité d'entre elles
occupent des emplois peu valorisants qui témoignent de leur
ghettoïsation dans des secteurs d'activités les moins
valorisées, les plus précaires, à faible taux de
syndicalisation: par exemple, les activités informelles. Les
inégalités prennent différentes formes du fait de la
nature des emplois occupés, des différences de revenus, des
possibilités de carrières. Elles s'expliquent par l'accès
limité à l'éducation ou à la formation
professionnelle, par des conditions très précaires de ces femmes
et leur présence massive dans le secteur informel de subsistance qui
nécessite aujourd'hui la participation des enfants,
voire de tous les corésidents dans le cadre du ménage. En
effet, la précarité du travail et les conditions familiales
contribuent sans nul doute à augmenter les risques de pauvreté
des femmes et des ménages à Lubumbashi.
Les programmes d'ajustement structurel entamés par la
plupart des pays africains, dont le Zaïre, aujourd'hui la
République Démocratique du Congo, depuis les années 80 ont
contribué à la dégradation continuelle des conditions de
vie d'une grande partie de la population. Pour Diagne, les nouvelles politiques
dictées par le Fonds Monétaire International (FMI) et la
163
Banque Mondiale (BM) ont beaucoup renforcé la
dépendance vis-à-vis de l'extérieur et occulté les
besoins domestiques(1). Les nouvelles politiques industrielles ont
entrainé des conséquences dramatiques pour les entreprises, avec
le ralentissement de la production, les fermetures d'usines, les pertes
massives d'emplois, le retard de paiement sur de longues durées, les
obligations de départs volontaires, etc. Sur le plan économique,
la période allant de 1991 à 2003 aura été «
noire » pour les entreprises de Lubumbashi, pillages, fermeture des
entreprises, congés techniques, licenciements massifs et départs
volontaires ont été enregistrés. Elle correspond à
la période de crise la plus dure et la plus longue que la ville de
Lubumbashi ait traversée.
Cette situation s'est caractérisée par une
dégradation générale des ressources économiques et
des difficultés accrues dans l'accès à des programmes
sociaux. Cela a donc entrainé les femmes dans une grande
pauvreté. Les dynamiques démographiques ont fortement accru la
demande des services sociaux, des infrastructures de base et ont
accentué les pressions sur le marché de l'emploi. Or le secteur
de l'emploi est en pleine crise car, il est caractérisé par le
sous-emploi massif et par l'intensification du chômage.
Le chômage et la précarité de l'emploi
constituent une des réalités de la nouvelle pauvreté dont
souffrent les femmes à l'instar de la population lushoise. Cette
situation résulte des effets combinés des approches des
Programmes d'ajustemement structurel et de l'absence de politiques à la
fois économiques et sociales qui prennent en charge les
préoccupations des populations.
Des distorsions existent sur le marché de l'emploi
entre les femmes et les hommes. Les personnes actives de moins de 35 ans sont
les plus touchées par le manque d'emploi avec un taux de chômage
se situant à 31,9%. Le nombre de jeunes n'ayant jamais travaillé
et à la recherche d'un premier emploi est particulièrement
important. Chez les hommes, ils étaient de
(1) DIAGNE Pathé et GUEYE Boubacar.,
Quelle démocratie pour le Sénégal ?
, Dakar, Sankoré, 1984, p.36.
164
67,2% du total des chômeurs et chez les femmes 52% du
total des chômeuses(1. Ces résultats sont loin de
refléter toute la réalité des problèmes de l'emploi
qui demeurent une hantise pour la femme lushoise.
C'est peut-être pour cela que Aimé Mukena
s'interroge, « la nouvelle question qui se profile à l'horizon est
de nouveau celle de savoir comment un pays, comme le nôtre, peut-il tirer
vers le haut la masse des moins favorisés même si une ferme
volonté politique se manifestait à ce sujet ? Cette interrogation
est tout à fait légitime et tous les indices nous y
ramènent : 70% de la population vit au seuil de la pauvreté, en
dessous de 1$ (USD) par jour, 7 millions d'enfants ne peuvent pas
accéder à la formation scolaire, ils sont inoccupés,
désoeuvrés et presque abandonnés à eux-mêmes
; avec 13,200% de taux d'inflation et 130USD de PNB annuel par habitant, la
situation n'est guère clémente. »(2)
La population active est aussi affectée par la
précarisation due aux fluctuations économiques et contextuelles
de la mondialisation. Plus de la moitié de la population active lushoise
est constituée par des indépendants ou des aides familiales qui
exercent dans le secteur informel ou le secteur de survie. Si l'on veut
considérer le chômage dans son ensemble, il est nécessaire
de faire intervenir l'âge comme variable explicative, pour tenir compte
des jeunes cherchant leur premier emploi à l'issue de la
scolarité et de l'apprentissage, voire même avant. Cette exclusion
par le chômage engendre de la dépendance, de l'appauvrissement et
de la honte. Dès lors, un phénomène prend l'ampleur
surtout dans les grandes villes : celui des femmes qui exercent de petits
métiers pour vivre ou pour survivre.
La nourriture constitue un des premiers indicateurs de la
pauvreté, avec le logement et les vêtements qui font partie des
éléments essentiels à l'existence. Cependant
l'alimentation et l'eau sont des nécessités sans lesquelles la
vie ne peut persister au-delà de quelques jours. Les aliments que les
hommes consomment- leur quantité, leur qualité et leur
(1 Ahmed Moummi, Analyse de la pauvreté
en République Démocratique du Congo, Banque Africaine de
Développement, Working Paper N° 112, Août 2010.
(2) MUKENA, A., Op. Cit,
p.205
165
variété- ont toujours servi d'indicateurs pour
évaluer le statut social
économique et les changements manifestes dans le mode
de vie. Le changement le plus marquant aussi bien pour les ménages que
pour les familles concerne celui de leurs habitudes alimentaires à cause
des privations obligatoires, avec souvent la diminution en qualité et en
quantité des repas par jour.
L'analyse en termes de pauvreté alimentaire, faite par
Ahmed Moummi, confirme l'extrême gravité de ce
phénomène. Les résultats obtenus montrent, encore une
fois, que ce phénomène affecte la population congolaise sous
différentes formes. Ainsi, les résultats dégagés
montrent que près de 60% de la population souffrent de cette forme
sévère, c'est-à-dire que la population est incapable de
subvenir à ses besoins vitaux(1).
Cela constitue le signe manifeste d'une fragilisation au
quotidien et d'une grande pauvreté. Plusieurs études ont
montré que le régime alimentaire de beaucoup de familles
lushoises s'est dégradé et ne comporte que la prise d'un repas ou
deux par jour au lieu de trois, avec la disparition du petit déjeuner ou
du dîner. Selon césar Nkuku, certains ménages lushois
n'assurent plus les trois repas quotidiens et réservent une partie du
repas de midi pour la soirée, phénomène plus connu sous le
terme « gong unique »(2). Par ailleurs, l'alimentation,
lorsqu'elle est disponible, est de qualité insuffisante, ce qui induit
une fragilisation physique et augmente la fréquence des maladies. La
population ne fait plus la différence entre la qualité et la
quantité, elle se contente seulement de manger ce qui se
présente. Dans certains ménages, l'unique repas du soir est
assuré à cause de la débrouillardise dont font preuve
certains membres du ménage.
Ceci est encore confirmé par Mulang N'daal en ces
termes : quelle que soit la nature de l'activité exercée ou
l'identité des acteurs, il reste vrai que le programme de manger ne
s'élabore, n'est possible que le soir, voire la nuit après le
retour des parents ; d'où le langage commun : « on ne
(1) Ahmed Moummi, op. cit, p.18
(2) NKUKU Khonde C. et REMON, M., op.
cit, p.81
166
sait jamais », car chacun doit, en sortant,
prévoir un sachet pour un approvisionnement éventuel, sur la rue
populaire. Notons cependant que cette expression a beaucoup de significations
dans la mesure où quelqu'un qui rend visite à un ami ou un parent
peut toujours en sortir avec quelque chose (farine, fretins), pour sa
famille(1).
La fragilisation des conditions de vie des femmes s'observe
aussi dans leur difficulté d'accès à un cadre de vie
décent. En ce sens, le problème du logement constitue une
nouvelle donne de la pauvreté. De nombreuses familles et de nombreux
ménages sont sans abri, au point que de nombreux enfants dorment dans
les rues, aux bords des marchés et magasins, et même là
où un semblant de logis est trouvé. Ils dorment des fois à
même le sol, à cause de l'incapacité, pour certaines
familles, à conserver ou à trouver un lit convenable. Les
problèmes les plus graves qui ont été
évoqués lors des entretiens individuels et collectifs sont
l'étroitesse, l'insalubrité, le surpeuplement et le
délabrement de ces lieux, ainsi que les difficultés à
assurer les coûts de location. La majorité des familles vivent
dans des conditions de logement très précaires et dans des lieux
ressemblant à des bidonvilles ou encore dans des baraques sans eau ni
électricité. Pour certaines personnes interviewées, les
parents ont des difficultés à assurer la seule location de la
maison, sans équipement de base (eau et électricité). Ils
ne peuvent ni payer le loyer, ni meubler le logement.
La promiscuité et le surpeuplement dans les lieux de
vie sont directement associés à la pauvreté, au
chômage et au manque de ressources. Malheureusement, ils ne font pas
encore l'objet de beaucoup d'attention de la part des institutions politiques
et ne retiennent guère l'attention des organismes d'aide et de lutte
contre la pauvreté. La plupart des politiques locales de logement ne
concernent pratiquement pas les personnes les plus pauvres. Or, si l'on veut
vraiment résoudre le problème de la promiscuité et de
surpeuplement, il faut régler à la fois le problème du
manque de logement accessible et celui de l'obtention des revenus qui obligent
la
(1) MULANG N'daal, op. cit,
p.247
167
population de construire avec n'importe quoi et n'importe
où ; en se disant que l'essentiel est de trouver un cadre pour vivre,
voire pour survivre.
3.2.2. Les conditions sociales de la
fragilisation
Les crises successives et les récessions
économiques ont entrainé le désengagement progressif de
l'Etat et de ses fonctions de régulations économiques (moins
d'Etat, mieux d'Etat) et sociales (politiques de santé, de
l'éducation formelle) occasionnant des restrictions majeures et des
coupures budgétaires. Celles-ci ont entrainé une
détérioration constante et continuelle des conditions de vie de
la grande partie de la population qui compte parmi les principales victimes des
programmes d'ajustement structurel et se trouve exclue des circuits du «
développement humain(1) ». Selon les témoignages
recueillis par Rosalie Adouayi Diop, l'incapacité, pour la plupart des
femmes et des jeunes filles, de satisfaire leurs besoins essentiels en
matière de formation, d'éducation et de santé ainsi que de
s'insérer dans le circuit du travail, caractérise un processus
d'appauvrissement extrême, source d'exclusion sociale et d'instauration
des relations inégales où les femmes comptent parmi les personnes
les plus défavorisées(2).
Une des grandes conséquences de transformations
économiques est le désengagement de l'Etat des programmes
consacrés à la santé. En effet, les politiques de
santé ont connu beaucoup de transformations au cours de ces deux
dernières décennies et ont accentué la
vulnérabilité de la population lushoise. La non prise en charge
des malades, la dégradation et l'insuffisance des infrastructures
sanitaires et la privatisation à outrance de ce secteur ont
contribué à la fragilisation de la population en
général et de la femme en particulier en termes de couverture et
d'accès aux services sanitaires. La majorité de la population
lushoise éprouve de grandes
(1) Ce concept, utilisé par le PNUD en 1997 pour
expliquer son approche de la pauvreté, repose sur une idée de la
pauvreté en termes de potentialités ou de capacités. Il
concerne la santé, l'éducation ainsi que l'accès à
des services de base déterminants pour la qualité de vie.
(2) ADUAYI Diop R., Survivre à la
pauvreté et à l'exclusion, Les travail des adolescentes dans les
marchés de Dakar, Paris, Karthala, 2010, p.61
168
difficultés dans l'accès aux soins de
santé et ne peuvent faire face aux coûts élevés des
médicaments et des services de soins, même si on note une
légère amélioration de la couverture sanitaire depuis
l'avènement des médicaments génériques. D'où
le recours à l'automédication, au marché parallèle
de vente de médicaments ou dans des pharmacies ambulantes, à la
pharmacopée locale à base de racines et de plantes comme
stratégies de lutte contre cette marginalisation sociale.
Le système éducatif congolais en
général et lushois en particulier connait depuis un certain temps
une crise profonde. La situation a été aggravée par les
restrictions économiques, qui ont miné tout le système. La
diminution des budgets notés dans les années 1980 et 1990
s'explique par les mesures de rigueur et la politique du désengagement
de l'Etat. Elle s'est accompagnée de la politique de responsabilisation
des parents d'élèves qui exige une participation
financière pour le paiement des enseignants, la construction des classes
et l'achat des matériels.
Les programmes d'ajustement structurel et la
dévaluation monétaire sont des événements de nature
fondamentalement économique qui ont eu comme conséquences : la
réduction des investissements et des subventions destinées au
social, le rationnement de la masse salariale, la privatisation, la liquidation
des entreprises publiques, les licenciements à tour de bras et la
réduction de la parité monétaire nationale par rapport aux
devises étrangères. En conséquence, l'exécution des
programmes d'ajustement structurel a vu une baisse du budget affecté
à l'éducation, l'accélération du processus de
création des écoles privées, de fois sans structures
adéquates. La scolarisation prend une part importante des ressources
parentales en raison de la hausse des frais afférents à
l'éducation. Au même moment, tous les degrés de
l'enseignement vivent une chute des performances. Les élèves
étant souvent exclus temporairement de classes pour impaiement des frais
de scolarité.
Cette simultanéité entre la régression du
social et la mise en application des programmes d'ajustement structurel permet
de reconnaitre
169
que le recul des conditions et des indicateurs de
l'éducation est imputable aux options politico-économiques prises
par le gouvernement congolais pendant les deux dernières
décennies.
Au fait, le délabrement du secteur éducatif
pendant cette période se situe surtout au niveau de
l'inefficacité tant interne qu'externe. Pour ce qui est de
l'inefficacité interne, la République Démocratique du
Congo (ex. Zaïre) enregistre les taux d'abandon et de redoublement les
plus élevés de l'Afrique subsaharienne. Si l'on considère
100 élèves commençant le cycle primaire, seuls 20 arrivent
en classe terminale(1). Le ratio élèves/enseignant est
de 45 à 50, alors qu'en moyenne il est de 27 pour les pays francophones
d'Afrique.
Concernant l'inefficacité externe, la situation est
encore déplorable. Elle s'exprime par le déphasage entre la
formation et l'emploi qui s'illustre par la croissance notoire de la masse des
jeunes diplômés sans emploi et l'accentuation du chômage
surtout en milieu urbain.
L'effondrement du système éducatif est imputable
à la légèreté politique du feu Président de
la République, Joseph Désiré Mobutu qui malheureusement
considérait l'éducation comme non vitale, la cinquième
roue. Une telle conviction débouche sur la réduction drastique
des ressources mobilisées pour le système éducatif :
pénurie du personnel qualifié, effectifs pléthoriques des
classes, manque de matériels didactiques et d'équipements, etc.,
et ensuite sur le désengagement de l'Etat de sa position de
régulateur du système éducatif et par le gel de
recrutement du personnel dans le secteur public. Etant donné que les
phénomènes sociaux sont en relation intrinsèque les uns
avec les autres, les rendements sont affectés par les conditions de
travail. Finalement, la médiocrité des résultats qui
prévaut à tous les niveaux du système jette du
discrédit sur la nécessité de la scolarisation.
Par recul général des conditions de vie, les
programmes d'ajustement structurel et la dévaluation ont exercé
à court terme des effets néfastes sur l'école, ils ont
diminué le pouvoir d'achat des ménages, des
(1) Division provinciale de l'Enseignement Primaire,
Secondaire et Professionnelle (EPSP)
170
enseignants, voire de toute la population lushoise.
L'avènement de ces deux phénomènes a accru les prix des
fournitures scolaires, des équipements et annihilé ainsi les
sacrifices consentis par les parents en faveur des enfants. Les effets produits
ont été très déplorables.
Le taux brut de scolarisation s'établit à 62,2%
dans les ménages pauvres et à 69,5% dans les ménages non
pauvres. En raison de l'absentéisme, de l'exclusion d'un certain nombre
d'enfants en rapport avec leur environnement de vie, de l'incapacité de
l'école à répondre à de nombreux problèmes
particuliers de ces jeunes, l'échec scolaire et
l'inégalité dans les parcours des enfants augmentent.
L'échec fréquent de la scolarisation des filles
constitue un facteur important de fragilisation sociale. En effet, celles qui
quittent le système scolaire deviennent des femmes pauvres, des
travailleuses exploitées, des chômeuses et parfois des
délinquantes. Plusieurs facteurs continuent encore d'entraver la
scolarisation et le maintien des filles dans le système éducatif
scolaire. Au nombre de celles-ci, on note la faible éducation
maternelle, les grossesses précoces, les difficultés
financières, les conditions défavorables des parents, des
facteurs socioculturels et le système de division sexuée du
travail. A ce sujet voyons ce qu'ont trouvé Tshibilondi Ngoyi, Bwawa
Kandanyi, et Kayiba Bukasa.
Pour Albertine Tshibilondi Ngoyi, l'accès des filles
à l'éducation est demeuré plus faible que celui des
garçons. Les raisons qui justifient cette faible scolarisation des
filles sont liées aux facteurs socioéconomiques tels que les
salaires dérisoires, l'inflation, la baisse du pouvoir d'achat et les
préjugés coutumiers. En effet, écrit-elle,
l'éducation coûte cher, même si, dans le réseau
public, la scolarité est presque gratuit au niveau primaire. Avec
l'enlisement économique, la plupart des parents sont au chômage et
n'arrivent pas à payer les études de tous leurs enfants. Ainsi,
ils jugent inutile d'envoyer leurs filles à l'école, car, pour
ces parents, la scolarisation des filles présente moins d'avantages
économiques parce qu'elles sont destinées au mariage.
Généralement, lorsqu'elles se marient, elles cessent de
travailler et n'ont plus
171
d'obligations économiques envers leurs parents. Elles
sont en outre victimes de discrimination sur le marché du
travail(1).
Examinant la question de l'éducation des enfants dans
le territoire de Luiza, Bwawa Kadanyi, tout en reconnaissant la pauvreté
comme l'une des causes de la discrimination dans l'éducation des filles
et des garçons, ajoute qu'une différenciation sexuelle qui tient
au fait que les filles aient globalement beaucoup moins de chance que les
garçons à être inscrites à l'école est
liée aussi à la considération africaine. Les femmes,
d'après cette considération, ne disposent pas de statut personnel
et ne sont pas considérées comme des individus, mais, en quelque
sorte, comme des biens pouvant s'échanger, s'acheter, s'hériter
et qui appartiennent à des hommes selon des règles bien
définies(2).
A ce sujet d'ailleurs, Kayiba Bukasa le souligne très
bien, lorsqu'elle traite de la perception de la femme congolaise dans le milieu
traditionnel, en ces termes : « traditionnellement, la femme était
considérée comme un être mineur, destinée à
des rôles secondaires dans la vie sociale. Et si quelque part, certaines
femmes ont joué un rôle politique, c'est sûrement toujours
sous la direction de l'homme »(3) . Cette citation de Kayiba
Bukasa corrobore très bien avec ce qu'écrit Kambay Bwatsha :
« Pour la femme et pour l'homme « sa conditionnalité »,
la tradition devient un phare qui illumine la voie pour le
développement.
Au niveau de la masculinisation de la société,
rien à dire, le lieu de la vie quotidienne de femme africaine est un
lieu masculin formaté à la mesure des hommes. La fille, la femme
est vue à travers les yeux des hommes : combien de femmes ne se font pas
belles pour plaire aux hommes ? Combien les jeunes filles ne sont-elles pas
préparées au mariage (services
(1) TSHIBILONDI Ngoyi A., Enjeux de
l'éducation de la femme en Afrique. Cas des femmes congolaises du
Kasai, Paris, L'Harmattan, 2005, p.128
(2) BWAWA Kadanyi., Genre et égalité
à l'éducation scolaire dans le Territoire de Luiza. Contribution
à la théorie de management scolaire, UNILU,
Thèse de doctorat en Sociologie, 2011, p.312
(3) KAYIBA Bukasa, Femme et travail : analyse
critique de la problématique de la parité dans les entreprises
publiques à Lubumbashi, UNILU, Thèse de doctorat en
sociologie, 2010, p.51
172
divers, pratiques sexuelles), en fonction des hommes ? On dit
souvent chez les Baluba tout comme chez d'autres peuples du Congo «
Mukaji kabuji ka kusuikila pabuipi... Ne kakutuka kalu ka mukwabu
» (en tshiluba), c'est à dire : « La femme,
c'est une petite chèvre qu'il faut attacher tout près (de
l'homme)... une fois libre, elle appartient à d'autres » ; «
Mukaji mbusa bua mbalanda budi kutula dia mudumbi
»(en tshiluba) c'est-à-dire « la femme c'est
l'oseille que l'on plante dans la véranda pour que même quand il
pleut et qu'on a faim on peut cueillir facilement pour préparer et
assouvir sa faim »; ou encore « mukaji nka seba ka
kabundi kadi kakayi kusomba babidi » (en tshiluba)
c'est-à-dire la femme c'est la peau du renard sur lequel on ne peut pas
s'asseoir à deux » « Mobali nde
Nzambé!», ce qui signifie « L'homme... c'est un
dieu! » (Lingala).
Au niveau de la religion dite chrétienne, à
moins de lire la bible avec les yeux du Christ, l'image de la femme est celle
de la femme que nous avons décrite plus haut. Elle est la «
tentatrice » et « Même la bible l'a dit » dit-on souvent.
« La fleur qui ambélli et attire les hommes dans les Eglises sans
être autorisée de precher publiquement (1 Corinthien 14
:34)», « La femme, c'est le complément de l'homme »,
C'est faux, disons-nous, elle est sa « conditionnalité ».
Bien que n'abordant pas directement la position de la femme
dans la religion, Aimé Mukena traite cependant quelques aspects qui
touchent, tout à la fois, au débrouillardisme ainsi qu'à
la ruse et à un état d'esprit inédit qui rend
obsolètes les préoccupations majeures du christianisme congolais,
en ces termes : « La macromafia a élu domicile dans notre pays,
l'imposture religieuse aussi. Leurs rapports s'expriment sous diverses
harmonies ou arragements. Mais en parler publiquement est indéniablement
un éloge funèbre pour tout le monde. Mille fois odieuse,
l'imposture religieuse excite l'indignation de toute conscience en
éveil. Il y a un peu trop de religion chez nous, mais ce trop plein de
religion n'est rien d'autre qu'un christianisme d'à peu près,
très proche d'antéchrist. Il y a donc chez nous une sorte de
religion du péché. Non seulement que ce phénomène
est étrange au
173
christianisme catholique, orthodoxe ou protestant, il est
même ouvertement hostile au Christ, à son Esprit et à
l'Eglise chrétienne. De l'esprit du siècle passé, les
hommes et les femmes d'Etat de ce temps ont gardé néanmoins le
goût du divin : la plupart des Congolais, en effet, s'attachent avec
ferveur aux différents courants religieux de leurs choix. Il y a chez
nous des hommes et des femmes qui vivent de religions. Nombre des compatriotes
ont reçu l'appel puissant de Dieu et ils y ont répondu en y
engageant toute leur vie. On trouve aussi des serviteurs engagés et
attachés à plusieurs traditions religieuses à la fois :
nombreux sont ceux qui mélagent inconsciemment ou non les versets
bibliques, les sourates coraniques et autres courants spéculatifs
exhumés des cultures ancestrales diverses. D'une manière
générale, on trouve partout des débris du christianisme
accolés aux fragments du coran, des hérésies
idolâtres associées aux psaumes et, comme si cela ne suffisait
pas, des musiciens des âmes pures des sectes de reveil nous offrent tout
ce que l'air du temps peut qualifier de vrais cantiques des cantiques,
véritables hérésies chantées où le Christ
est tout simplement présenté comme gentilhomme qui, n'ayant pas
eu le temps matériel nécessaire pour exprimer lui-même
clairement sa doctrine, a suscité des Bishops et Archi-bishops, des
Très-Réverends Frères et des Apôtres Charismatiques
pour parachéver son oeuvre. En fait tout ce que le chrétien
d'hier a perdu dans l'orthodoxie et la rigueur du christianisme du
siècle dernier, le chrétien congolais de ce temps de danses
publiques dans les temples veut le retrouver intégralement dans les
cantiques des cantiques. L'événement le plus important dans ce
cas d'espèce c'est la dissipation du message du Christ. ... En effet,
l'imposture religieuse met à l'ordre du jour une contre-christologie
animée d'un désir ardent d'argent facile collecté en un
tournemain lors de croisades évangéliques en plein air. Le
spectre accorde peu d'attention aux préceptes bibliques: on se consacre
peu ou prou au message concret du royaume de cieux et à la
séconde venue du Christ. L'imposture religeuse est devenue une branche
spécialisée de la macromafia qui s'occupe de prêcher
à travers les médias et dans les stades du football une sorte de
moralité qui blanchit tout, la fraude, la corruption, le
174
culte de mensonge, les vertus de la paresse et
l'éloge de l'orgueil. Cette contre-christologie promet de miracles qui
guérissent tout, notamment le sida, le vol, le viol, ce qui, d'une
manière ou d'une autre, encourage la prostitution et le
déreglèment des moeurs. En fait, le recul de la Foi en Christ est
donc significatif dans notre espace social. En tout cas, nous faisons face
à un deluge d'immoralité religieuse qui s'est
déverséé sur le territoire national à un point tel
que les causes qui occasionnent généralement la décadence
de grandes nations et de grandes civillisations sont maintenant exaltées
sur toutes les chaines de télévision et considérées
comme mode d'une vie liberée. Et au-delà du simple constat, la
question qui se pose est donc de savoir si les péages qui disent des
messes sur la place publique sous les amen répétés des
fideles trompés sont plus forts que les élus de la Chambre des
Représentants. Vivant sur le térritoire de richesse
inépuisable, il est curieux de constater que le vide stupide de
progrès matériel trop visible dans notre pays soit comblé
scandaleusement par l'imposture religieuse, le seul progrès congolais
réellement visible et accéléré dans le pays. Et le
pire des péchés c'est de constater que les
Réprésentants du peuple se laissent abuser par les fantasmes les
plus incroyables auxquels donne lieu le monde de l'imposture religieuse
».(1)
A la lecture de cet extrait du texte de Aimé Mukena,
tout observateur averti donnerait raison à l'auteur surtout lorsqu'on
voit chaque jour l'acharnement à l'argent, le viol au nom de la religion
et sous prétexte de guérir la stérilité et le
démon du chômage et du célibat, surtout pour nos jeunes
mamans et filles considérées comme pilliers de l'Eglise. Une
concurrence éhontée qui met face à face les hommes et les
femmes sortis des écoles théologiques et les aventuriers pasteurs
et bishops n'ayant pas fréquenté ces écoles mais faiseurs
de miracles et de délivrances à la manière de magiciens et
catcheurs.
Au niveau de l'éducation, le matraquage est net. «
Linzanza libongi na langi ... Mwasi abongi na mobali
» (lingala). « Un vase est beau
(1) MUKENA, A., Op. Cit,
p.355-357
175
à voir quand il est peint ». Tout comme « une
femme n'est digne que mariée ». « Mwasi mpo azwa
lokumu kaka abala ». Comme pour dire, « C'est le toit
conjugal qui fait la valeur de la femme ». Ces formes de slogans et
proverbes se retrouvent chez tous les peuples africains. Plus grave, «
l'ennemi de la femme, c'est la femme elle-même ».(1)
Les conséquences de la dégradation des
conditions socio-économiques, dans la ville de Lubumbashi, notamment la
remise et reprise entre les femmes et leurs maris dans le domaine de la
direction des ménages, ont amené certaines personnes à
transgresser les règles de leurs coutumes traditionnelles.
Le passage de ce mode de production traditionnel ou
esclavagiste par la femme lushoise au mode de production capitaliste ne s'est
pas fait sans heurts. Il s'est fait au prix de nombreux efforts et de
sacrifices. Car comme le souligne Karl Marx, si l'argent vient au monde avec
des taches de sang naturelles sur une joue, le capital quant à lui vient
au monde dégoulinant de sang et de saleté par tous ses pores, de
la tête aux pieds(2).
Par rapport à l'histoire du développement du
capitalisme primitif et de l'asservissement des peuples, notait jean
Fonkoué, « l'esclavage n'est pas une idée du passé,
secondaire, qui reviendrait incidemment, pas plus qu'il était et ne peut
être une fatalité marquant le destin d'un groupe humain,
même lorsque celui-ci est racialement ` nègre' (descendant de
cham), ` paien ` `damné de la terre'. L'esclavage des Noirs africains
est le résultat historique du processus permanent d'une organisation
matérielle d'actes de violence raciste prolongée en vue de
recrutement, de l'embrigadement et du réembrigadement de la
main-d'oeuvre noire destinée principalement au travail des mines et dans
les plantations à l'époque de la constitution et du
développement du capitalisme dans les pays d'Europe et
d'Amérique»(3). Citant P.Foureyrollas à ce
propos, l'auteur note que la traite a été marquée par une
violence extreme
(1) KAMBAY bwatsha, Op. Cit,
p.19-20
(2) MARX, K., Le capital, livre 1,
Paris, PUF, Collection Quadrige, 2006, p.853
(3) FONKOUE, J., Différence et
identité, les sociologues africains face à la
sociologie, Paris, Silex, 1985, p.127
(1) VANGROENWECHE, D., Du sang sur les
lianes. Léopold II et Son Congo, Edition revue et
corrigée, Bruxelles, Aden, 2010
176
et un caractère criminel qui l'on fait condamner; mais
il ne faut pas oublier que ce sont des raisons fondamentalement
économiques qui l'on engendrée.
En ce sens, nous voulons analyser la dégradation de la
condition sociale de la femme, tout comme la paupérisation de la
population lushoise comme une suite logique du processus découlant du
mode de production capitaliste qui a commencé par la traite de Noirs, la
colonisation et l'impérialisme actuel.
Dans le même contexte nous pouvons aussi confirmer cette
thèse de Marx par quelques données tirées de l'ouvrage de
Daniel Vangroenweche intitulé : Du sang sur les lianes. Léopold
II et Son Congo(1). Dans cet ouvrage, Daniel montre comment le
bassin du Congo était plongé dans le sang à cause des
récoltes de caoutchouc et d'ivoire au profit des capitalistes blancs.
Dans cet ouvrage, Daniel montre, à travers
plusieurs passages, plusieurs récits comment les indigènes
(congolais) qui se dérobaient à cet impôt sanglant
pouvaient être mis à mort, leurs femmes étaient prises en
otage et vouées à la famine ou aux sévices sexuelles. On
coupait les mains des hommes victimes de la répression pour prouver aux
supérieurs blancs qu'on les avait tués.
Parmi les récits quasi monotones qui montrent les
atrocités qu'on subit les indigènes congolais lorsqu'il
s'agissait de la cueillette de caoutchouc : « Le Lieutenant sarrazijin se
jette sur les villages de Bompomo le 7 juillet 1892. Le bilan : vingt
indigènes tués, treize prisonniers, exclusivement des femmes et
des enfants. Bompomo finit par se soumettre, promet la livraison de quatre
déserteurs et paiera sa ration : six hommes et 10 chèvres. ...la
libération des prisonniers leur coutera une vingtaine de paniers de
caoutchouc. Les femmes emprisonnées sont amenées à
l'officier blanc. Au poste de l'Etat, 4 mongo sont choisis et publiquement
exécutés. A Basankusu, la bataille du caoutchouc a
commencé, en croire Lemaire, le 17
177
septembre 1892. Lemaire note que les villages de cette
région ont été contraints d'acquitter une taxe
hebdomadaire sur le caoutchouc. En six semaines, l'Etat obtient ainsi 1060
kilos de caoutchouc(1).
Aussi pour implanter l'autorité de l'Etat là
où il n'avait eu aucun contact auparavant. Lemaire note encore : «
Le premier contact entre soldat et indigènes est rarement amical. Les
soldats envahissent les villages, tuent un certain nombre de noirs,
arrêtent ceux qui n'ont pu fuir, pillent les huttes, volent le menu
bétail et d'autres objets de valeur, incendient les maisons et
détruisent les plantations. Les enfants prisonniers sont envoyés
dans les colonies scolaires ou mis au travail comme « boys » dans un
poste d'Etat. Les femmes sont rendues à leur mari contre le paiement
d'une rançon à moins que leurs officiers blancs ne les
réclament pour leur servir de concubines. »(2)
Il nous semble que les soldats sont casernés dans les
villages pour y forcer les indigènes à cueillir le caoutchouc.
Les femmes et les grands chefs échappent à ce travail
forcé. Si un soldat constate qu'un indigène se trouve au village
au lieu de cueillir du caoutchouc, il l'abat sans ménagement, sa main
droite est amenée au supérieur blanc pour témoigner qu'on
a bel et bien respecté la consigne.
Pour dénoncer et condamner ce calvaire, Duncan,
secrétaire d'une association missionnaire de Boston aux Etats-Unis cite
une correspondance qu'il a reçue le 25 mars 1896 en ces termes : Le
commerce du caoutchouc est un véritable bain de sang. Si les
indigènes devraient se révolter et massacrer tous les Blancs,
dans le haut Congo, alors la balance des assassinats pencherait encore toujours
en faveur des Blancs. Ne serait-il pas possible que quelques Américains
influents rendent visite au roi des Belges et l'informent de ce qui se passe en
son nom ? La contrée du Lac est réservée au roi - les
commerçants n'y sont pas tolérés - et c'est à cause
de la
(1) VANGROENWECHE, D., Op. Cit, p.
38-40
(2) Idem, p. 68
178
récolte du caoutchouc que des centaines d'hommes, de
femmes et des enfants ont été massacrés.(1)
A lire ce message d'alarme, on croirait que l'Etat ou les
autorités belges ne savaient pas ce qui se passait au Congo. Or toutes
ces méthodes de recrutement et d'exploitation sont totalement
approuvées par les mêmes autorités comme en témoigne
cette lettre du Secrétaire d'Etat à l'intérieur M. Van
Eetvelde datée du 4 avril 1892 : « Nous nous réjouissons du
soin que vous mettez aux camp d'entrainement. Activez, s'il vous plait, le
recrutement dans tous les districts. C'est une affaire de première
importance en ce moment. Ne vous gênez pas pour mettre de force la main
sur les hommes - comme en Europe - ou les acheter. L'Etat a le droit d'exiger
ce service et pour lui, c'est une question de vie ou de
mort.»(2)
Tout en déplorant les effets nefastes de ce «
pouvoir blanc » qui a conduit au dépeuplement et à
l'appauvrissement des empires africains, à l'arrêt du
développement économique, Jean Fonkoué note que « ce
` cauchemar' comme dirait Sartre, correspondait en fait à la forme
naissante du capitalisme. Il ne pouvait y avoir une telle
systématisation, une telle ampleur dans le `trafic triangulaire', un tel
développement de plantation et d'exploitation des mines des
métaux précieux, un tel essor dans le monopole du commerce
colonial, etc., que parce que ces activités contribuent directement
à l'essor des villes européennes et américaines, à
l'essor du capitalisme naissant. »(3)
L'organisation, aujourd'hui, du processus de production des
moyens de subsistance pour lutter contre la pauvreté à travers
plusieurs mécanismes de survie des ménages rappelle encore la
souffrance et les sévices des indigènes en général
et de la femme en particulier. Ne pouvant plus vivre uniquement grâce au
travail rémunéré du mari, lorsque ce travail existe
encore, certaines femmes sillonnent la ville toute la journée avec un
bassin sur la tête pour vendre, qui des arachides, qui des feuilles de
manioc,
(1) VANGROENWECHE, D., Op. Cit , p.
76
(2) Idem, p. 48
(3) FONKOUE, J., Op Cit, p.123
179
qui d'autres de bois découpés en petits
morceaux, communément appelé « bikonga », des poissons,
des tomates, des fruits, des fripéries etc. Elle est, par moments
brutalisée par la police pour cause de marché pirate. Laquelle
police à l'instar du soldat d'avant la colonisation qui ramènait
le bras coupé de indigène victime de la repression, ramene
aujourd'hui à son chef le bassin des marchandises ou autres effets de
commerce arrachés à cette pauvre lushoise qui lutte contre la
pauvreté et la survie de son ménage. Elle est même encore
obligée d'abandonner son activité à cause de la jalousie
du mari ou de certaines coutumes qui l'accuse de s'être livrée
à d'autres hommes supposés lui donner un peu d'argent qu'elle
consacre à la survie du ménage. Face à tout cela, la femme
lushoise devrait briser toute résistance, tous préjugés
qui non seulement l'assujettissaient, mais qui risquaient de la conduire
à la mort.
Mais là où le bas blesse, c'est ce qui apparait
aux yeux de tous comme un paradoxe dans la ville de lubumbashi: comment
comprendre les mesures publiques de chasses à ces femmes et ces hommes
qui font les marchés pirates, pendant que les garages des rues, les
épaves des bus, des camnions, les marchands de matériqux de
construction : sables, graviers, etc. encombrent et salissent les avenues, les
quartiers sans que les propriétaires en soient inquiétés,
alors que tous se débrouillent pour la survie de leurs
ménages.
Pour illustrer cet effort d'autonomisation de la femme
lushoise et la nécessité de briser les préjugés
dans la recherche des moyens pour assurer la survie du ménage, nous
notons ici l'exemple de Madame Mbala , citée par Marcel NGANDU
Mutombo(1),: « J'ai aussi un point de vue à
émettre sur les coutumes lulua. Je suis mariée à Kabundi
Bakatushipa en novembre 1967. Nous sommes tous deux du territoire de Dibaya.
Moi du village Ndumba Tshimbulu, mon mari de Beena Tshiteka. Au début
de
(1) NGANDU Mutombo M., « Femmes Lulua du
Kasaï, que sont devenues vos traditions au cours de la crise des
années 1990 à nos jours : Confessions, témoignages et
expériences des femmes lulua sur la vie conjugale en milieu urbain de
Lubumbashi,» dans Isidore NDAYEWEL è Ziem et MUDIMBE Boyi E.,
Images, mémoires et savoirs une histoire en partage avec Bogumil
Koss Jewsiewicki, Paris, Karthala, 2009, pp.539-562
180
notre mariage, j'étais une femme heureuse. Mon mari
était jardinier chez les Soeurs Carmélites ici à
Lubumbashi. Il recevait un salaire, un sac de farine, et des objets scolaires
pour nos trois enfants de cette époque-là. Je parle de trois
enfants que j'ai eus pendant les six ans que mon mari a passés chez les
religieuses. Il a ensuite abandonné son contrat chez les religieuses au
profit d'un commerçant grec chez qui il était domestique,
cuisinier. Il aimait ce grec parce qu'il lui donnait des ustensiles de cuisine
déjà usés, des chaises, etc. Comme il était
cuisinier, il y a des fois qu'il apportait la nourriture, le reste de
nourriture que le Grec-là laissait. Chaque soir, mon mari apportait une
nourriture bien préparée que moi-même je ne pouvais pas
préparer. Mais cette situation n'a pas duré longtemps. Mon mari a
été révoqué pour n'avoir pas su expliquer la perte
du petit chat de la maison de son patron. Et, c'est vers le milieu des
années quatre-vingt. Mon mari était arrivé au bout de son
imagination. Ne sachant que faire pour nous nourrir, il m'a encouragée
à vendre des beignets au coin de notre avenue. Comme il n'avait pas
d'autres occupations, il venait se mettre à mon côté
bavarder avec moi. Mais moi je n'appréciais pas cette attitude ;
j'aimais être seule avec mon bassin de beignets et un peu d'arachides
grillées. Mon mari venait m'épier pour voir si je ne causais pas
avec des hommes à cet endroit. Quand je rentrais le soir à la
maison, je faisais cette remarque, mais il me répondait qu'il n'avait
pas confiance en moi car, les femmes vendeuses ne respectaient pas les
coutumes. A moi de rétorquer que si cela ne lui plaisait pas, que je
reste à la maison attendre tout de lui. Il refusait. Comme il me
soupçonnait tous les jours, j'ai demandé conseil à
d'autres femmes lulua,.vendeuses au marché de m'aider avec des conseils
pratiques sur l'attitude correcte à prendre envers mon mari. L'une des
amies vendeuses me conseilla de boucher mes oreilles et de travailler pour
nourrir les enfants, une autre me dit que les hommes ont déjà
fait la remise et reprise avec leurs femmes et par voie de conséquence,
il ne faut plus les écouter. J'ai trouvé ces conseils
révoltants. Pendant ce temps, mon mari était devenu buveur de
lutuku, boisson alcoolique sur base de maïs. Chaque soir
181
il revenait ivre mangeait peu et dormait
profondément. Il sentait l'odeur de l'alcool et était bon
à rien. Le nombre de nos enfants avait déjà doublé
et nos problèmes multipliés par dix. L'argent que je ramasse ne
permet pas de payer la prime des enseignants, les frais de scolarité,
les uniformes, etc. Mon mari s'est montré incapable de me nourrir
pourtant depuis le jardin d'Eden, c'est l'homme qui a reçu mandat de
vivre à la sueur de son front et s'occuper donc de son foyer. Ce n'est
pas mon travail. Un autre problème, c'est le loyer. Comme il devenait
impossible de payer régulièrement le loyer, dont les frais
s'élevaient à dix dollars américains par mois, j'ai
dû acheter une tôle tous les deux mois et rapidement, j'ai pu
réussir à construire une petite bicoque de trois petites
pièces où nous sommes restés jusqu'au conflit
Katangais-Kasaïens. C'est pendant ce conflit que mon mari m'obligea de
vendre cette bicoque pour que nous puissions quitter Lubumbashi pour toujours.
Mais c'était un rêve pour nous. Quand nous avons appris ce qui
était arrivé aux autres Kasaïens qui partaient chez-nous,
beaucoup avaient trouvé la mort en cours de route, surtout dans des
grandes gares de la société de transport comme à Luena et
à Kamina, nous nous sommes mis à utiliser cet argent, de l'ordre
de sept cents dollars américains. Grâce à cet argent, j'ai
dû changer de type de petit commerce. De la vente de beignets, je suis
passée à celle des fretins et des bitoyo (poissons salés)
au marché de Njanja sur la route Munama, vers la commune de Kenya.
J'étais plus heureuse qu'avant le conflit. Le calme étant revenu
à l'intérieur de la province, mon mari se rendait à Kilwa
et Pweto à la recherche de la viande boucanée et du poisson.
Parfois, il ramenait quelque chose, parfois il ne ramenait rien, il n'avait pas
totalement abandonné l'alcool. Pendant ce temps, notre fille
aînée s'était enfuie avec un jeune homme toujours dans la
ville de Lubumbashi. Nous l'avons retrouvée six mois après.
Quelle souffrance pour moi ? Une situation de ce genre en l'absence du mari.
Mon fils aîné, quant à lui, a pris l'habitude de jouer au
football et de nous apporter des problèmes, souvent, il bat quelqu'un,
des fois c'est lui qui est battu. Le poids de la charge familiale
182
reposait sur mes épaules. Mais Dieu est avec moi.
Pour ne pas craquer, j'ai pris l'habitude de boire, de me divertir après
avoir vendu. Généralement c'est vers quinze heures que beaucoup
parmi nous vont dans les nganda derrière certains dépôts
pour oublier un peu les tracasseries de la journée. Dans ces nganda, il
ne faut pas brandir les coutumes sinon on ne peut pas vivre. Un jour
j'étais autour d'une table en train de boire en compagnie de deux femmes
et de deux autres clients. Nous étions en train de discuter des prix des
colis de poissons. Ce jour-là, le mari de ma voisine du quartier est
entré pour boire. Quand il a posé son regard sur moi, il s'est
exclamé :" Toi, la femme de mon frère, tu oublies que tu es lulua
et que tu ne dois pas vivre ainsi, bras dessous bras dessus avec des gens
inconnus, tu viens de commettre le tshibindi et tu dois payer le tshibau".
J'avais assez bu, je lui ai vite répondu en tshiluba :" Endela yebe",
qui veut dire « Occupe-toi de tes affaires » et j'ai fini par dire :
"Tshibindi tshiakashala ku Babindi", ce qui veut dire, « Ce délit
concerne seulement les Babindi ». Rentré vite à la maison,
mon voisin est allé vite trouver mon mari et lui rapporter les faits.
Mais après qu'il eut fini de parler, mon mari lui répondit : "Ne
viens plus me raconter des choses pareilles. Ne viens plus me raconter des
choses qui poussent au divorce d'avec ma femme. Si elle me quittait
définitivement, est-ce toi qui vas t'occuper de mes enfants ?" Cet
homme-là est parti sans mot dire. C'est le discours que mon mari a tenu
à notre voisin et quand nous fumes ensemble, mon mari me posa cette
question: "Veux-tu mourir à cause de la méconduite ? Tu as
oublié que beaucoup de femmes mariées lulua ont trouvé la
mort dans cette ville à cause de ce comportement ? Je vais appeler les
membres de la famille pour que tu te confesses devant eux". Je lui ai
répondu : "Les femmes des membres de ta famille sont-elles
épargnées par la crise ? Ne fréquentent-elles pas les bars
et nganda ? N'aiment-elles pas les plaisirs ? Si tu ne veux plus de moi,
signe-moi une lettre de divorce. Je ne suis pas une esclave domestique, donc
privée de liberté. Aujourd'hui, alors que beaucoup de gens
recourent à la prière, toi, tu recours aux coutumes de tes
ancêtres.
183
Nos coutumes nous retardent. Si je dois travailler sans
distraction, sans loisir, je finirai par mourir de stress". Après cette
réaction, mon mari s'est tu et est allé dormir en chambre. Depuis
ce jour-là, il ne m'a plus demandé quoi que ce soit au sujet de
mon comportement. Il s'en est même excusé une nuit en disant :
"Nous, les hommes, sommes égoïstes. Nous voyons avant tout notre
intérêt et celui de la famille après". Depuis lors, mon
mari me laisse en paix. J'effectue une ou deux fois des déplacements
à Kasenga pour payer du poisson à bon prix et je reviens
m'occuper de lui et de mes enfants. Je suis quelquefois tentée de
m'amuser avec un autre homme, mais par respect de mon corps et surtout par peur
de mourir du sida, je me suis toujours réservée. La tentation
vient de l'isolement affectif dans lequel se trouvent toutes les femmes en
déplacement, en voyage, loin de leurs maris. Les hommes ne sont-ils pas
autant tentés que les femmes ? Alors pourquoi souligner le mauvais
côté de la vie de la femme et sanctifier celle de l'homme ? Mon
mari est devenu mon défenseur auprès des membres de sa famille.
Ce comportement me rend de plus en plus libre. Je pouvais être
amenée à me défendre contre les coutumes par le recours
aux classiques mécanismes culturels de défense de droits de la
femme en milieux urbains et ruraux de Beena Lulua ».
Cette histoire traduit en suffisance toute la souffrance de la
femme lushoise à travers les stéréotypes
culturels construits par l'homme mais aussi sa préoccupation permanente
à venir au secours de son mari dans la recherche de la survie du
ménage. Elle a également montré comment la
débrouille a su bousculer si pas arrivé à bout de certains
tabous à Lubumbashi.
3.3. Le secteur informel à Lubumbashi
Le secteur informel a toujours existé en
République Démocratique du Congo en général et
à Lubumbashi en particulier. Durant la période coloniale, au
moment de la création des villes, on remarque déjà les
petites activités marchandes et artisanales. (Lire Dibwe(2001),
Coquery-
184
Vidrovitch(1991)). Des activités très diverses,
spécialement celles qui relèvent du petit commerce, se sont
développées dans la plupart des pays africains. Cependant, les
personnes qui s'y livrent font aussi partie de la main d'oeuvre salariée
ou continuent de participer à des travaux agricoles en tant que
cultivateurs indépendants(1) .
Dans ce cadre, Dibwe dia Mwembu note que les femmes
prostituées n'étaient cependant pas tolérées
lorsqu'elles entretenaient des relations intimes avec plusieurs partenaires. La
crainte de la propagation des maladies sexuellement transmissibles était
une des causes du rejet de cette catégorie de femmes par l'Union
Minière. Pour manifester leur présence, certaines femmes
prostituées ont créé des associations à partir des
années 1930. Il s'agit notamment de SAMI et de DIAMANT aussi bien
à Kinshasa qu'à Lubumbashi. Ces associations féminines
avaient pour objectifs, entre autres, celui de chercher des maris à tout
prix. Mais par contre, les femmes mariées, tolérées dans
les milieux urbains, étaient cependant exclues du circuit
économique moderne. Elles exerçaient des activités
informelles, non reconnues par la trilogie coloniale, comme les
activités champêtres, les activités commerciales, etc. Des
foyers sociaux furent créés déjà à partir de
1935 à Lubumbashi pour faire des femmes africaines des bonnes
gouvernantes de ménage(2).
Touré Abdou note que le secteur informel joue un
rôle très important dans l'économie du pays, parce qu'il
constitue aussi un « refuge économique » pour une part
importante de la population urbaine que le secteur dit moderne ne peut
employer. Comme dans toutes les grandes villes des pays en
développement, il représente une part importante de l'emploi, en
particulier en milieu urbain, et a pris de l'ampleur(3).
(1) Bureau International du Travail, Les
problèmes du travail en Afrique du Nord, Genève,
OIT, 1958, p. 124
(2) DIBWE dia Mwembu D., Histoire des conditions
de vie des travailleurs de l'Union Minière du
Haut-Katanga/Gécamines (1910-1999), Lubumbashi, Presses
Universitaires de Lubumbashi, 2001, p.76
(3) TOURE Abdou, Les petits métiers
à Abidjan : l'imagination au secours de la conjoncture,
Paris, Karthala, 1985, p.17
185
Engendrée par l'Union Minière du Haut-Katanga,
actuelle Gécamines, Lubumbashi a connu un développement notable
grâce à la naissance et à l'essor dans son giron de
nombreuses entreprises. Le travail y est donc la raison de son existence, de
son importance non seulement au Katanga, mais aussi au Congo. C'est
également le travail qui y a drainé et brassé des
centaines des milliers d'individus de races et d'origines diverses et l'a fait
passer de l'état de milieu homogène à celui de ville
cosmopolite.
Grâce au travail, Lubumbashi est devenue non seulement
le point de production, de commercialisation, de consommation et de
distribution des biens, mais aussi un des trois grands pôles
économiques de la République Démocratique du Congo (avec
Kinshasa et Kisangani) et, partant, le point de polarisation de l'espace.
Jadis une ville des salariés, le séjour y
était conditionné par l'obtention d'un contrat de travail. Les
chômeurs n'y avaient pas de place. Le secteur formel y régnait en
maître. L'informel y était exclu ou absent ou, mieux, inconnu. Le
service des passeports contrôlait la mobilité de la population.
Maintenant plus de 50 ans après l'indépendance,
le travail n'a plus la même signification et la même valeur pour
les travailleurs des entreprises privées, para étatiques ou
publiques, les agents et fonctionnaires de l'État, les enseignants, les
missionnaires, les femmes ménagères, les jeunes gens et jeunes
filles diplômés de l'enseignement supérieur et
universitaire, obligés de recourir à la débrouille pour
survivre.
Tirant du travail industriel non seulement la substance mais
surtout la raison d'habiter une région, parfois un pays, et la
fierté d'en être les citoyens de plein droit, ces populations ont
instantanément tout perdu. Ils sont désormais étrangers
chez eux. Ils ne sont plus ni ouvriers, ni citoyens, ni même souvent des
époux et des pères de famille capables d'honorer leurs
obligations sociales.
L'analyse de la structure de l'emploi permet de remarquer que
la dynamique du secteur informel productif s'appuie essentiellement sur
186
l'utilisation d'une main-d'oeuvre pas ou peu
rémunérée. Il s'agit essentiellement d'apprentis qui
constituent la première catégorie de main d'oeuvre. Ils sont
localisés dans les activités de production, dans les services et
dans le commerce. L'utilisation massive de main d'oeuvre féminine et
infantile s'explique par la régression des activités
traditionnelles et l'évolution de la notion d'apprentissage en fonction
de nouvelles formes de relations sociales : celles-ci entrainent parfois des
abus et de l'exploitation.
Dans tous les quartiers et dans toutes les strates sociales de
la ville de Lubumbashi, l'homme reste le poumon économique de la famille
grâce à son salaire et autres apports en argent. Une fois que ce
pourvoyeur n'arrive plus à cause de multiples raisons ci-haut
évoquées, il doit coûte que coûte faire quelque chose
pour subvenir aux besoins de sa famille ou de son ménage. Dans le monde
urbain, l'argent est la force protectrice et vitale à rechercher
à tout prix. Ainsi donc, si pour les maris (hommes) des quartiers
populaires et périurbains de Lubumbashi, il n'y a pas de sots
métiers : cependant, ceux des quartiers résidentiels et
planifiés pensent aux activités mondaines et louches : trafic des
ressources précieuses, trafic d'influence, commissionnariat, bradage de
la monnaie, monnaillage de services, etc., comme mécanismes de sortie de
leur état de précarité existentielle. Donc l'agent de
cadre et l'ouvrier se débrouillent assez différemment selon les
habitudes et les attentes familiales du moment.
La précarité économique et existentielle
de la plupart des ménages de la ville de Lubumbashi témoigne non
seulement du secteur informel, mais oblige les femmes et les enfants à
se débrouiller comme leur prétendu protecteur. Ils refusent
à leur manière de se considérer comme des
éternelles bouches à nourrir à partir des maigres
ressources dégagées du travail fait par le père en
crise.
Cette précarité économique explique
justement le drame qui se déroule au sein des ménages lushois,
lorsque le chef de ménage apporte son maigre salaire à partir
duquel on peaufine des stratégies de survie. Cette réalité
traduit en quelque sorte les lots de femmes trafiquantes,
187
femmes propriétaires des salons de coiffure, femmes
marchandes, et probablement le nombre de plus en plus élevé des
femmes mariées qui se prostituent. Certaines femmes mariées
pratiquaient furtivement la prostitution pour assouvir leur soif sexuelle. Mais
aujourd'hui, tout a changé. Beaucoup de femmes mariées s'adonnent
publiquement à la prostitution pour diverses raisons, entre autres, la
survie du ménage. Une tragédie fustigée par un musicien
congolais, feu Dindo Yongo qui, dans sa célèbre chanson «
Mokili e Changer » dit que le monde a
changé, les femmes mariées sont devenues des prostituées,
alors que les prostituées deviennent des mariées.
L'étude de cette situation désolante au
Sénégal a amené Polany Karl(1) à parler
du tertiaire primitif, de l'économie populaire que nous appelons ici
tertiaire de survie ou une économie de la débrouille pour
désigner sociologiquement les activités auxquelles se livre une
catégorie de la population de la ville de Lubumbashi.
De toute façon, il est question d'une foule
d'activités multiformes, par leurs aspects les plus visibles, celles qui
s'imposent à l'évidence du vécu urbain. Cette forme de
débrouillardise comme d'autres d'ailleurs traduit
l'inégalité sociale et l'exclusion qu'il faut vraiment combattre.
C'est pourquoi, les différents mécanismes d'accommodement au
chômage, parmi lesquels les petites activités commerciales et
professionnelles, absorbent les non-scolarisés, les migrants, les
déscolarisés, les sans emploi, les travailleurs exclus du secteur
moderne ou désirant un revenu supérieur, les mariés tout
comme les célibataires et jouent un rôle essentiel dans la
création d'activités urbaines de survie. On ne parle pas de
création de véritables emplois urbains, car, comme l'a
souligné Deblé, « le terme emploi lui-même,
très ambigu, masque l'hétérogénéité
des statuts du travail et des marchés du travail dans les villes
africaines(2).
(1) POLANYI, K., Op. Cit, p.57.
(2) DEBLE, I. et al., vivre et survivre dans les
villes africaines, Paris, PUF, 1982, p.39
188
Dans le cadre de la théorie de la marginalité
spatio-économique, Bushabu Piema Kuete constate qu'à Lubumbashi,
les habitants de quartiers résidentiels (45%), de quartiers
planifiés ou populaires (70%) et de quartiers non-planifiés ou
périurbains (85%), sont exclus du monde du travail contractuel et
constituent, par conséquent, une armée de réserve ou un
excédent de la force de travail par rapport au capital.
Phénomène spécifique du capitalisme
périphérique, la marginalisation est généralement
synonyme de dysfonctionnement du système urbain et d'exclusion sociale.
Mais dans le cas de la vie économique à faibles ou
irréguliers revenus des lushois (80%), elle procure la survie
quotidienne à cette frange de la population citadine de toutes les aires
de résidence et catégories sociales confondues(1) . Le
chômage et la précarité économique sont
perçus par les Lushois (hommes, femmes, jeunes et enfants) comme une
contrainte existentielle contre laquelle il faut lutter en recourant aux
mécanismes d'accommodement, solutions et stratégies
comportementaux, afin de garantir la survie individuelle et familiale en
ville.
3.4. Rôle et participation de la femme dans le
secteur informel
La place et l'importance du secteur informel pour la
population lushoise ne sont plus à démontrer. Sa genèse,
sa complicité, sa croissance ainsi que son rôle toujours plus
important dans la vie économique et sociale sont maintenant bien connus.
En effet, l'émergence du secteur informel correspond à un
ensemble de réponses à la crise économique et au contexte
macro-économique d'ajustement. Trois facteurs essentiels permettent de
mesurer sa place. Il s'agit d'abord de sa contribution à la production
nationale, au niveau des revenus et des besoins essentiels. Le secteur informel
assure des emplois dont les revenus contribuent à subvenir aux besoins
de la famille. Il joue un rôle non négligeable dans la
réduction du chômage, surtout chez les femmes et les jeunes.
Selon Bugnicourt, « le secteur informel a un rôle
à jouer dans la réduction du chômage et de la
pauvreté, il corrige les inégalités sociales et
(1) BUSHABU Piema Kuete R., op. Cit,
p. 267
189
spatiales des revenus et donne des réponses aux besoins
des populations à faible pouvoir d'achat (1)». Les
emplois qu'il offre sont cependant épisodiques et occasionnels. Ainsi,
à Dakar, selon les données de Gaufryau et Maldonado(2)
il offre de manière directe et indirecte des possibilités
à plus de 250.000 personnes dans les domaines de l'emploi, de la
scolarisation, de la formation et de la distribution des revenus. Outre sa
fonction de source de subsides, il joue un rôle dans la satisfaction des
besoins essentiels et même vitaux pour la majorité de la
population qui n'a pas accès à l'emploi formel.
La lutte des femmes pour la survie des ménages et
contre leur ghettoïsation dans le secteur informel sont des
réalités connues. A la faveur de la crise et de la rareté
de l'emploi aggravé par les licenciements massifs, les femmes ont
émergé dans ce secteur comme actrices sociales, prenant une place
décisive dans les espaces domestiques et publics même si elles ne
parviennent pas encore à obtenir des changements qualitatifs et
empiriques de leurs statuts et de leurs droits. Selon les études
réalisées au Sénégal, le secteur de travail
informel employait beaucoup plus de femmes que des hommes. A Dakar, en 1989, le
secteur informel comprenait apprentis et aides
familiaux alors que les salariés chez des particuliers
et les femmes représentaient 76,1% pour 58,9% chez les
hommes(3). La présence massive et croissante des femmes dans
les sphères de reproduction fait de ce secteur un lieu d'activité
privilégié pour la population féminine.
(1) BUGNICOURT, J., « La participation populaire au
développement en Afrique », In Carnets de l'enfance :
Revue sur l'enfance, la jeunesse et les femmes dans le
développement, 1982, p.59-60
(2) MALDONADO, C. et GAUFRYAU, B.,
L'économie informelle en Afrique francophone : structures,
dynamiques et politiques, Genève, BIT, 2001, p. 324
(3) BOCQUIER, P., Le chômage des jeunes
citadins en Afrique sub- saharienne, Paris, Karthala, 1994,
p.523
190
L'insertion des femmes dans le commerce urbain a
été documentée (Coquery-Vidrovitch(1) ;
Sow(2) ; Sarr(3) ; Bouchard(4)). Ces
études ont attesté l'importance du travail féminin dans le
secteur informel, particulièrement dans le commerce. Ils ont aussi
démontré que, grâce au secteur informel, des femmes ont
acquis une autonomie, une valorisation et un certain pouvoir. Ils ont par
exemple démontré que des femmes commerçantes utilisaient
leur autonomie financière comme moyen de lutte et de revendications,
latentes ou ouvertes, pour se positionner dans la sphère politique.
Certaines arrivent aussi à se professionnaliser, à se
spécialiser et à créer des biens commerciaux, de la valeur
ajoutée pour dépasser ainsi les nécessités de la
simple survie, pour apporter un soutien financier dans les ménages et
participer à la régulation sociale et économique des
structures familiales(5).
Cependant, la majorité des femmes produisent et
revendent des produits dérivés du secteur primaire et des
activités traditionnelles : de l'agriculture, de l'industrie et de
l'artisanat. Leurs activités consistent surtout à vendre à
l'état des denrées alimentaires (légumes, poissons,
condiments, pagnes, aliments, plats cuisinés), devant leurs portes, dans
la rue, au marché, mais aussi travailler dans l'artisanat, le service,
la prostitution, la coiffure, etc. Bref, il s'agit d'une panoplie
d'activités liées de près aux travaux domestiques dont
elles constituent parfois le prolongement.
Economiquement, les femmes sont affectées à des
activités précaires, fragiles, où elles sont largement
désavantagées par rapport aux hommes. Leurs activités
commerciales ou de services sont de plus
(1) COQUERY-VIDROVITCH, C. et NEDELEC, S., Tiers
-Monde: l'informel en question?, Paris, L'Harmattan, 1991
(2) SOW Fatou, « Les initiatives féminines au
Sénégal, une réponse à la crise ? » in
Afrique et Développement, vol 18 n°3,
1993, pp.89-115
(3) SARR Fatou, L'entreprenariat féminin
au Sénégal : la transformation des rapports de
pouvoirs, Paris, L'Harmattan, 1998
(4) BOUCHARD, H., Rapport de genre,
stratégies des femmes dans l'exercice du micro-commerce à
Kinshasa (RDC), Montréal, Université du
Québec à Montréal, Thèse de Doctorat en Sociologie,
2000.
(5) BONNARDEL, R., Saint-Louis du
Sénégal : mort ou naissance ?, Paris, L'Harmattan,
1992, p.151-152)
191
incertaines en raison de la concurrence, de la
fiscalité et de la diminution du nombre de clients potentiels en lien
avec la baisse du pouvoir d'achat. Par conséquent, les femmes sont
toujours davantage confrontées à des situations d'incertitude qui
caractérisent les milieux populaires. Le secteur informel,
lui-même en crise, n'arrive plus à absorber les individus qui sont
très nombreux à adopter cette stratégie pour obtenir des
revenus. En outre, les femmes obtiennent des revenus dérisoires et
aléatoires qui ne leur permettent même pas d'assurer les
dépenses quotidiennes d'entretien de leurs enfants et de leurs
ménages. Cette image de la femme au travail est perpétuée
par la représentation collective que se fait la société de
cette dernière. Les femmes sont réputées fragiles,
émotives, intuitives. Des images qui les ont amenées à
s'orienter d'elles-mêmes vers les métiers censés leur
convenir. Les stéréotypes acceptés ont été
modelés par l'éducation et la culture transmise aux nouvelles
générations. Un autre indice de la fragilisation
économique et familiale est l'obligation faite à la femme et aux
enfants de travailler pour contribuer aux revenus du ménage.
Malgré ses immenses ressources naturelles, la
République Démocratique du Congo est l'un des pays les plus
pauvres du Monde. Les populations vivent dans des conditions économiques
et sanitaires déplorables. Près de 80% de la population
congolaise survivent à la limite de la dignité humaine, avec
moins de 1$ par personne par jour, moins de 20% ont accès
régulier à l'électricité(1) . La
pauvreté se manifeste par la malnutrition qui touche entre 30 et 50% des
femmes et des enfants. Au total, 1,6 millions de personnes sont en situation
d'insécurité alimentaire(2) .
Sur le marché du travail, la situation de chômage
ou d'emploi précaire touchait la majorité de la population active
en 2004. La part du travail informel est en constante augmentation et les
salaires sont dérisoires. Aux termes des négociations de
février 2004, un nouveau barème avait été
fixé à
(1) MUKOKO Samba, D., Conflits armés en RDC.
Le rôle des facteurs économiques et leçons pour la
reconstruction, Kinshasa, PNUD, 2004, P. 11
(2) BAFD/OCDE, Perspectives économiques en
Afrique, 2005, p. 209
192
208$ le traitement mensuel du dernier fonctionnaire de l'Etat
et à 2080$ celui du secrétaire général de
l'administration publique. Cependant, cette grille n'est toujours pas
appliquée(1). Un huissier touche 31.000 francs congolais
(environ 34,4$).
L'étude portant sur le comportement des ménages
en temps de crise peut nous aider à comprendre le lien entre la
pauvreté des ménages et le travail des femmes. L'enquête
menée en Tanzanie en 1998, à une époque de crise et de
réforme économique montre que ces deux phénomènes
conjugués ont provoqué une forte baisse des salaires réels
dans le secteur formel et ont incité la population, surtout les femmes,
à se tourner vers les activités du secteur informel pour gagner
un revenu ou compléter leurs revenus existants. Cette étude a
constaté que 80% de femmes avaient mis sur pied leur entreprise dans les
cinq ans précédant l'étude, contre 50% des hommes. Cet
écart prouve que l'accroissement de la part des femmes dans le revenu
constituait bien une réponse à la situation de crise. Par
ailleurs, le nombre des travailleurs autonomes vivant en ville a
augmenté, passant de 7% dans les années 1970 à plus de 60%
au moment de l'enquête. Souvent, le capital de démarrage leur
était fourni par leur mari. Dans toute la mesure du possible, les
ménages maintenaient leurs liens avec le secteur formel du marché
de l'emploi, mais plutôt pour la sécurité des revenus ainsi
générés que pour leur montant. Les femmes étaient
plus susceptibles que les hommes de cumuler plusieurs types d'activités,
le plus souvent la gestion d'une petite entreprise et l'agriculture urbaine
(généralement pratiquée dans des lopins situés dans
les zones périphériques).
Dans le même cadre, dans une étude menée
au Togo, Esse Amouzou signale que les ménages de conditions modestes
mobilisent plus de la moitié de leurs ressources en faveur de
l'amimentation comme moyen de changement d'attitudes dans la gestion
budgétaire des ménages en cas de crise et explorent les sources
de revenus inédites. Le résultat est une
(1) BAFD/OCDE, Op. Cit, p. 245
193
polyvalence professionnelle, sous la forme de
débrouille ou d'activités durables dans le secteur
informel.(1)
Il présente aussi dans la meme étude, le secteur
informel comme une voie de sortie à la déconfiture du secteur
formel et du manque d'emploi. « La part de plus en plus croissante du
secteur informel dans l'économie togolaise se pose comme une solution au
manque d'emploi structuré. Pour suppléer à l'existence
d'une politique de promotion de l'emploi, le secteur informel fleurit avec une
exubérance surprenante : le secteur informel trouve ses ressources
humaines au sein des jeunes diplomés, des « ratés »
scolaires et des femmes qui y assurent une partie importante et sont largement
impliquées dans des secteurs comme le commerce et la restauration. De
façon plus globale, les licenciements générés par
les contraintes budgétaires publiques, la restructuration des
entreprises et la réorganisation administrative ajoutées à
l'irruption de jeunes diplomés sur le marché de l'emploi
accentuent l'étroitesse du marché de l'emploi qui offre comme
unique porte de salut l'auto-emploi d'où la floraison de
micro-entreprises(2).
Dans une étude menée précédemment
par nous-mêmes (Dikasa Engondo) sur « la dépréciation
continue du zaïre monnaie et l'effritement de pouvoir d'achat du
fonctionnaire zaïrois. Cas de l'enseignant de l'université »,
nous avons eu à démontrer que face à une situation de
crise due à l'effritement du pouvoir d'achat à cause des
dépréciations continues de zaïre monnaie une situation de
défense ou de refus de mourir à amener les fonctionnaires et
leurs familles à multiplier les initiatives pour vivre et palier
à l'insuffisance de revenus. Dans cet article, on peut lire : ...le
salaire du fonctionnaire congolais (ex Zairois) était et est encore,
jusqu'à nouvel ordre, bien en-deçà du coût de la vie
et envenime ses conditions sociales. Le fonctionnaire congolais s'épuise
dans ses travaux et ses diverses initiatives sans pour autant parvenir vraiment
à se prendre en charge. D'où le climat
(1) ESSE Amouzou, Pourquoi la pauvreté
s'aggrave-t-elle en afrique noire ?, Paris,
L'Harmattan, 2009, p.98
(2) Idem, p. 98
194
d'angoisse et d'inquiétude dans lequel il vit au jour
le jour quant à l'obtention du minimum vital avec le pouvoir d'achat
précaire(1) . Pour être beaucoup plus précis sur
la position de la femme du fonctionnaire dans ce combat pour la survie, Dikasa
écrit encore, « - perplexe et impuissant dans le combat pour la
survie qu'il mène chaque jour, le fonctionnaire zaïrois (congolais)
confronté à l'insuffisance de son salaire et l'amenuisement de
son pouvoir d'achat, se voit obligé de combiner plus d'un emploi.
Conséquences directes de ce cumul des fonctions : la
détérioration de la qualité du travail et de sa
santé, l'absentéisme, sinon les retards et les départs du
service avant l'heure et l'éducation des enfants au rabais au sein des
foyers où l'homme et la femme, en détresse, s'adonnent pour la
survie à des activités économiques
désordonnées ; - On assiste à la maximisation des
activités des spéculation où, pour vivre, tout le monde
devient commerçant. Pour la subsistance du foyer, le fonctionnaire
pratique des activités commerciales contrairement aux statuts qui le
régissent. En réalité, l'importance voire même la
recrudescence du secteur informel est essentiellement due à cet
état des choses. »(2)
En tout état de cause, le travail des femmes constitue
de toute évidence un facteur incontournable de la survie et de la
sécurité des ménages pauvres. Il s'avère en outre
indispensable pour que la famille puisse espérer sortir de la
pauvreté. Les femmes des ménages pauvres se consacrent à
toutes sortes d'activités qui génèrent des revenus ou
réduisent les dépenses. Dans certains cas, elles
complètent l'apport masculin ; dans d'autres, elles assument l'essentiel
ou l'intégralité des moyens d'existence du ménage.
Cependant, les liens entre le travail
rémunéré des femmes et la pauvreté ne sont pas
uniformes. Ils dépendent notamment des particularismes
économiques locaux et du degré de patriarcat des structures
sociales. Dans les régions qui pratiquent la réclusion
féminine, le fait qu'une femme occupe
(1) DIKASA Engondo, la dépréciation continue du
zaïre monnaie et l'effritement du pouvoir d'achat du fonctionnaire
Zaïrois. Cas de l'enseignant de l'université. Essai d'analyse des
indices de décembre 1995 à mars 1997, In Les Annales
de l'Institut Supérieur de Statistique, N°6, Aout
1999, p 67.
(2) idem, p. 68
195
un emploi rémunéré à
l'extérieur de son domicile peut constituer en soi un indice
révélateur de la pauvreté qui sévit dans son
ménage. Dans d'autres régions, ce n'est pas le fait que les
femmes travaillent qui témoigne de la pauvreté, mais plutôt
le type de travail qu'elles (mais aussi les hommes) accomplissent. La
pauvreté féminine n'induit pas toujours et partout aux
mêmes types d'activités et d'emplois.
3.5. Rôle de la femme dans la survie du
ménage
Selon une approche centrée sur la division sexuelle du
travail, les femmes sont responsables d'unités domestiques et ou
familiales à l'intérieur du ménage et les hommes sont
présents dans les unités de production. Jusque dans les
années 1980, la division normative du travail au sein de la famille
traditionnelle tendait à attribuer aux hommes les emplois hors du foyer.
Ceux-ci exigeaient de longues périodes de travail ininterrompu ou de
déplacements importants alors que les femmes accomplissaient
plutôt leur travail à la maison. Ce type formel de relations
montre que le couple jouait deux rôles fortement contrastés ;
à la femme était attribuée une fonction affective ou
expressive et, à l'homme, la fonction instrumentale qui consistait
à fournir les ressources nécessaires au ménage, rôle
également attribué d'ailleurs dans la plupart des religions
révélées à l'homme.
De nos jours, la situation économique de la famille
repose largement sur le travail des femmes qui constitue la principale source
de revenus familiaux. Avec la crise, la contribution de la femme et des enfants
à la survie de la famille est cruciale. Le travail de chaque conjoint
est indispensable à la subsistance de la famille. Les politiques de
compression et de licenciement des personnels et la crise économique ont
mis les hommes au chômage et balayé certains tabous sociaux et
moraux. Les barrières qui s'opposaient jadis au travail des femmes
s'effondrent. Les hommes sont obligés de les laisser travailler, car ils
ne sont plus en mesure de satisfaire tous les besoins : habillement,
nourriture, logement, etc. Ils savent, en dépit de leur orgueil
masculin, que leurs moyens sont limités.
196
Pour appuyer cette thèse, Céline Pauthier
citée par Odile Goerg démontre le rôle mobilisateur et
protestataire de la femme en ces termes : « les femmes se mobilisent
lorsque la situation économique du pays les empêchent de remplir
complètement leur rôle de mères et d'épouses. C'est
parce que les femmes ne peuvent plus assurer les rôles que la
société leur assigne, que les hommes ne tiennent pas leur place,
qu'elles agissent : elles doivent alors inciter les hommes à agir, en
les tournant en ridicule, et se mettant en avant, sortant ainsi du rôle
effacé qui est théoriquement le leur : ce faisant, elles
remettent en cause les rapports de genre même si elles le font au nom
d'une dimension conservatrice »(1). Elles chercheraient donc
à empêcher le départ des hommes et assurer la survie de
leurs ménages en mettant en pratique des stratégies qui
prolongent les modes de fonctionnement antérieur et les
élargissent.
Cet équilibre fondamental de la société
reposerait, suivant la théorie traditionnelle, sur une
répartition des rôles et des représentations somme toutes
habituelles : la masculinité renvoie à des notions telles que
capacité d'initiative et force physique, la féminité
à la maternité. Selon la théorie traditionnelle (à
la Parsons), le chef de ménage est le principal support
économique du ménage. Son ou ses épouses ont pour
rôle premier l'assurance des activités domestiques, y compris la
constitution de la descendance. Les enfants, quand ils sont jeunes, sont
censés se consacrer à leurs études, alors que les membres
extérieurs au noyau familial ont des rôles divers selon leur
âge et la raison de leur présence dans le
ménage(2).
C'est dans ce cadre que pour appréhender l'apport de la
femme dans la survie du ménage à Lubumbashi, César Nkuku
dans sa recherche sur la survie des ménagères à Lubumbashi
notait que : « Pendant cette période de crise où
l'autorité des hommes, jadis construite sur le salaire
(1) GOERG, O., Perspectives historiques sur le
genre en Afrique, Paris, L'Harmattan, 2007, p.17
(2) BECKER, G., Human Capital : A Theoretical and
Empirical Analysis, Third edition, University of Chicago Press,
1993.
197
et les avantages sociaux, est aujourd'hui
lézardée, ne tenant que sur des béquilles peu sûres,
les femmes ménagères sortent de leur torpeur, mettent fin
à leur rôle de figurantes imposé et de suiveuses
résignées, enfilent des gants et s'apprêtent à la
lutte pour la survie de leurs foyers ».(1)
Ceci montre donc l'évolution du rôle traditionnel
de la femme. La « révolution féminine » et
l'empowerment des femmes, les nouveaux modèles de famille et
surtout la pauvreté ont beaucoup contribué à la
déconstruction des modèles anciens et à la reconstruction
de nouveaux. Dans le contexte économique très difficile de la
République Démocratique du Congo en général et de
Lubumbashi en particulier, depuis les années 1988 les femmes doivent
contribuer activement au revenu familial. Outre leur rôle dans la
transmission des valeurs aux nouvelles générations, elles ont une
place dans les réseaux sociaux et maintenant dans le processus de
production.
A partir d'une analyse sur le rôle de la femme dans la
lutte contre la pauvreté, Rosalie Aduayi qui cite Wane signale que les
femmes chefs de ménages consacrent en moyenne, une part importante de
leurs revenus à la consommation plus que les hommes(2). Cela
fut aussi confirmé par Meillassoux « le rôle notable
joué par la femme africaine dans l'économie de subsistance, ses
fonctions de travailleuse font de la famille conjugale et plus encore
polygamique une cellule productive et organisée. Elles combinent leurs
tâches ménagères avec le travail dans le secteur informel
qu'elles occupent largement avec de petites activités
rémunératrices. Elles alternent souvent différentes sortes
de travaux et cumulent une série de tâches afin d'accroitre leurs
revenus et gagner suffisamment pour aider leurs familles à survivre.
Comme les familles sont des unités productrices et reproductrices, des
centres d'activités économiques, créatrices de vie, les
femmes sont amenées à tenir plusieurs rôles dans leur
ménage »(3). Pour Fatou Sow, le rôle des femmes
commence à être pris en considération et valorisé du
fait de leur
(1) NKUKU Khonde C. et Remon Marc, op.
cit, p. 69
(2) ADUAYI Diop R., op. cit, p.76
(3) MEILLASSOUX, C., Femmes, greniers et
capitaux, Paris, Maspero, 1975, p.211
198
contribution dans les ménages. Toutefois, les femmes
pauvres ont des possibilités limitées. Elles offrent ainsi leur
force de travail à bon marché comme domestiques, lingères,
pileuses de légumes ou de maïs, gardiennes des enfants, vendeuses
à la sauvette, etc. En raison de leurs possibilités
limitées, les femmes pauvres recourent au travail des enfants et autres
corésidents pour la survie du ménage(1).
L'origine familiale et l'action des femmes seront
déterminantes dans le processus de mise au travail des enfants et autres
corésidents. La majorité d'enfants qui travaillent ne sortent pas
de l'unité domestique ou familiale. La socialisation
différenciée fait que les jeunes filles sont toujours avec leurs
mamans et les jeunes garçons avec leurs papas, surtout pratiquant les
petits métiers artisanaux. Ces pratiques influent sur la division
sociale du travail par le genre. Les filles ont tendance à reproduire
les mêmes métiers que leurs mères.
Les activités de vente ou de petit commerce sont
souvent pratiquées dans le prolongement de l'activité de la
parente (mère, tante, soeur ainée, grand-mère, voisine),
soit sur les marchés, soit aux carrefours ou le long des rues (vente
à la sauvette, vente ambulante). Fréquemment, cette
activité ne constitue pas une prise de distance avec l'univers
domestique. Au contraire, elle fait de la jeune fille une actrice dans
l'économique de pénurie que nous avons appelée ici une
économie de la débrouille.
Les enfants (garçons et filles) accomplissent donc
systématiquement une activité rémunérée qui
prolonge le travail de la mère ou de la parenté. Il s'agit en
général du petit commerce au détail ou de la vente
ambulante. C'est à travers la famille et principalement, par les femmes
que les jeunes filles ont développé des capacités
d'adaptation à leur situation de pauvreté qu'elles cherchent
à améliorer. L'acquisition des savoir-faire liés au
commerce se fait singulièrement par le mécanisme de transmission,
d'accommodation des conditions de vie définies et structurées par
ce milieu.
(1) SOW Fatou., op. cit,
p.94
199
De même l'expérience acquise au marché, et
à travers l'activité du micro-commerce, prend naissance dans la
famille grâce au vécu quotidien.
Plusieurs auteurs (Cordonnier 1992 ; Marcoux 1993 ; Verlet
1996 ; Lecarme-Frassy 2000 ; Bouchard 2000) ont démontré que
beaucoup de femmes au travail s'appuient sur leurs filles pour l'organisation
de leur temps et de leurs activités. « La femme au travail sera
vite conduite à s'appuyer plus fortement sur le concours de ses filles,
soit pour se substituer à elle pour une large part des activités
domestiques, soit pour l'aider dans son activité
mercantile(1) ». Une gestion efficace de l'économie de
la débrouille doit mobiliser toutes les capacités de travail de
l'unité domestique en crise.
La division familiale du travail qui consiste à
transférer une partie du travail domestique à un membre de la
famille pour pouvoir se consacrer à d'autres activités
génératrices de revenus (restaurant, petit commerce), permet la
gestion de l'économie de la débrouille. Selon Lecarme-Frassy, la
division sociale du travail par genre, dans le golfe de Guinée, vouait
les hommes à la production et à la pêche, les femmes
à la commercialisation et la transformation du poisson. L'appartenance
au groupe socioprofessionnel des sulbalbés(2)
oriente les activités des femmes et des filles vers la commercialisation
du poisson frais ou transformé par leurs soins, tandis que les hommes
assurent l'activité de pêche(3).
Parlant des revendeuses de tissus de la ville de Togo, R.
Cordonnier souligne que dans les familles de commerçantes riches, comme
les vendeuses de tissus ou « Nana Benz »(4), les femmes
insistent sur la scolarité des enfants, mais n'en espèrent pas
moins voir un jour leurs enfants
(1) VERLET, M., L'enfant exploité,
oppression, mise au travail, prolétariat, Paris,
Karthala-ORSTOM, 1996, p.:322
(2) Subalbé désigne le groupe
socioprofessionnel des pêcheurs en milieu halpulaar du Fuuta
sénégalais
(3) LECARME-FRASSY, Marchandes dakaroises entre
maison et marché: approche anthropologique, Paris,
L'Harmattan, 2000, p.133
(4) Les Nana Benz sont de riches commerçantes de
tissus dont les signes particuliers et les symboles de réussite sont les
voitures Mercedes Benz
(1) CORDONNIER Rita, Femmes africaines et
commerce : les vendeuses de tissus de la ville de Lomé
(Togo), Paris, ORSTOM, 1982, p.163.
200
reprendre le commerce(1) .Les filles sont
initiées aux activités de commerce dès le bas âge.
Sur le plan économique, la contribution des filles issues de ces
familles, même si elle est invisible dans les statistiques nationales,
est énorme et plus importante que celle des garçons. De
même il n'y a pas de données statistiques pour quantifier ce temps
utilisé pour les travaux domestiques, ni pour évaluer la
contribution de ces filles à l'économie domestique, urbaine et
même rurale. Néanmoins, suite à des observations
empiriques, il apparait qu'une bonne partie des filles contribue aux deux tiers
du total des heures passées dans diverses activités.
La justification principale pour légitimer le travail
des filles en milieu urbain est la pauvreté qui est une catégorie
construite en termes de capacité fonctionnelle (pauvreté absolue)
et de capacité monétaire et économique (pauvreté
relative) où le marché occupe une place centrale. L'accroissement
de la pauvreté féminine explique l'intérêt
porté au travail des filles. Cependant la thèse de la
pauvreté comme explication du travail des enfants semble être
réfutée par certains observateurs et des organismes non
gouvernementaux qui ont trouvé des solutions alternatives à la
non scolarisation des enfants pauvres, discriminant une partie des filles les
plus défavorisées dans les villes.
De même elle ne considère pas, pour notre part,
la genèse du problème, à savoir les parents pauvres qui
comptent sur la participation économique des enfants pour survivre.
Dès lors, la thèse de pauvreté est pertinente mais demande
à être relativisée. Dans les pays comme la
République Démocratique du Congo et surtout dans la ville de
Lubumbashi, il est indéniable que la pauvreté s'est fortement
transformée durant les deux dernières décennies. Elle a
augmenté de façon exponentielle chez les femmes et les jeunes et
elle est même devenue urbaine : il existe ainsi un lien entre la
pauvreté, le genre et la survie des ménages.
201
Au regard de tout ce qui précède, même si
certains néo-féministes assimilent encore la situation de la
femme à celle du colonisé, voire du prolétaire, celle
d'opprimée de la société contemporaine, force nous est de
considérer, à titre provisoire tout au moins, la femme comme
faisant partie d'une vaste catégorie sociale aux contours encore non
précisés, et qui devrait se voir progressivement acceptée
dans des secteurs de la vie jusque- là exclusivement
réservés à l'homme.
3.6. Conclusion partielle
A Lubumbashi, la place du travail de la femme et des enfants
est déterminée, en grande partie, par le processus de
socialisation et d'attribution des rôles et statuts sociaux. Cependant,
avec les crises et la mondialisation économique, politique et
culturelle, les statuts et les rôles se sont modifiés. Ce qui
suscite des conflits et de dysfonctionnements. Ces rapports conflictuels et
asymétriques se mesurent par les inégalités en
matière d'éducation, de formation, de santé et d'emploi
dont certaines femmes ou certaines familles sont victimes, ce qui nous a
amené à évoquer l'approche genre.
En effet, ces transformations ont des impacts
différentiels sur les groupes sociaux, en particulier sur les femmes et
les enfants. Ainsi le phénomène de travail des femmes et des
enfants au travail et luttant pour la survie de leur ménage s'inscrit
dans une dynamique de changement social et sociohistorique provoqué et
accéléré par un contexte général de crise et
d'appauvrissement. En d'autres termes, la problématique du travail des
femmes, des enfants et même des autres corésidents émergent
dans ces processus de transformation non seulement économiques, mais
également macrosociologiques.
Mais nous pensons aussi, qu'au-delà des dimensions
structurelles, macroéconomiques, il peut exister d'autres facteurs
sous-jacents concertés et conjoncturels qui demandent à ce qu'on
replace la question du genre, pauvreté et stratégies de survie
des ménages dans le cadre d'une société où ils se
manifestent et se remodèlent pour sa bonne compréhension.
202
D'où le choix de la ville de Lubumbashi, en
République Démocratique du Congo, comme le terrain empirique de
cette étude.
Pour éviter d'être trop théorique, nous
avons préféré confronter cette partie théorique aux
réalités de terrain par l'organisation des enquêtes. Ce qui
nous amène d'abord à la présentation morphologique de
l'échantillon.
203
CHAPITRE IV : CADRE METHODOLOGIQUE ET PRESENTATION DES
RESULTATS DES ENQUETES SOCIO-ECONOMIQUES DE L'ETUDE
4.1. Introduction
A travers ce chapitre, nous voulons montrer comment la
population de Lubumbashi, qui est confrontée aux problèmes
récurrents de manque ou de l'insuffisance du revenu monétaire,
est obligée de s'adonner à la débrouille pour la survie de
ménage.
Pour ce faire, nous avons organisé des enquêtes
adressées directement aux ménages pauvres de la ville de
Lubumbashi, sans oublier les recherches bibliographiques et théoriques
qui nous ont aidé à bien cerner la question avant de
procéder à l'étude des cas. Pour cette recherche, nous
avons décidé d'utiliser largement comme instruments, le
questionnaire d'enquêtes et les interviews.
Nous savons que, quelle que soit sa configuration
réelle, le ménage, en tant qu'unité de consommation, doit
générer assez de ressources pour subvenir aux besoins de ses
membres. Ainsi quand le principal pourvoyeur de revenu (le chef de
ménage), pour une raison ou pour une autre, n'est pas à
même de bien assurer cette fonction, le ménage se doit de mettre
en place un certain nombre de stratégies génératrices de
ressources supplémentaires.
Dans le cadre de cette thèse, nous nous
intéressons à la mobilisation de la main-d'oeuvre secondaire dans
les ménages en fonction du revenu du chef. Nous entendons par
main-d'oeuvre secondaire l'ensemble de personnes autres que le chef de
ménage exerçant une activité dans les ménages. Ces
personnes peuvent être classées dans les catégories
suivantes: conjointes du chef de ménage, enfants du chef de
ménage et membres du ménage n'appartenant pas au noyau familial.
Cette étude cherche à voir si, par rapport aux ménages
dont les chefs disposent d'un emploi bien rémunéré, ceux
dont les chefs sont mal rémunérés mobilisent plus
204
ou moins les différentes catégories d'actifs
secondaires et si cette mobilisation permet d'améliorer leur
situation.
Comme dans les chapitres précédents nous avons
fait ressortir quelques indicateurs de la pauvreté à Lubumbashi.
Nous voulons à présent pousser un peu plus loin notre analyse par
l'examen de quelques variables particulières de notre enquête afin
d'appréhender le phénomène de la pauvreté qui
oblige les ménages de Lubumbashi à multiplier les
stratégies de survie.
Les conditions actuelles de vie de la population à
Lubumbashi, où tout le monde est acculé à la
débrouille, ne permettent pas d'avoir des données relativement
fiables. A part quelques exceptions, le Lushois ne connait pas un budget
mensuel à cause de l'incertitude de son revenu du fait de l'effondrement
du tissu économique du pays, et de la quasi inexistence du
véritable salarié.
Au regard de ce qui précède, notre protocole
d'enquête avait prévu de récolter les données sur
les conditions de vie des ménages, notamment : l'habitat,
l'approvisionnement en eau et en électricité, l'alimentation,
l'habillement et la scolarisation des enfants.
4.2. Organisation de l'opération sur
terrain
Ces enquêtes ont été dirigées par
nous-même avec le concours d'une équipe de trente enquêteurs
et sept encadreurs, tous étudiants à l'Institut Supérieur
de Statistique de Lubumbashi. Le choix de cette catégorie
d'enquêteurs se justifie à la fois par le sérieux que nous
avons voulu inculquer à cette opération de terrain afin de
produire un travail de qualité, mais aussi par le fait que ces
enquêteurs sont bien rodés dans les techniques de collecte des
données et en techniques de sondage. Les trente enquêteurs
étaient tous étudiants de troisième graduat en
Statistique, alors que les encadreurs étaient étudiants en
deuxième licence en Techniques Mathématiques de Gestion.
Ainsi une enquête de terrain avait été
organisée dans la ville de Lubumbashi du 12 avril 2013 au 14 mai 2014
à travers les sept Communes et
205
les quarante-trois quartiers. Etant donné que la
récolte des données n'a pas porté sur l'ensemble de la
population de la ville de Lubumbashi, il est important d'indiquer et de
décrire la procédure de l'échantillonnage.
4.2.1. Echantillonnage et modes de collecte
Pour des raisons pratiques, il nous était impossible de
toucher l'ensemble des ménages de la ville de Lubumbashi, donc il
fallait déterminer dans cette population un groupe d'individus qui
devait constituer notre échantillon.
Sur ce, nous avons, dans cette étude, pris comme cadre
de sondage la ville de Lubumbashi. Celle-ci est administrativement
subdivisée en sept communes et quarante-trois quartiers. Et comme
unité de sondage le ménage. Le ménage est "une
unité socioéconomique de personnes qui partagent les mêmes
repas et qui vivent régulièrement ensemble, le plus souvent sous
le même toit, en partageant leurs ressources". Il ne s'agit donc pas du
foyer au sens biologique, puisque le ménage s'étend bien souvent
à d'autres personnes que celles de la famille nucléaire, qui en
constituent généralement le noyau central(1).
La méthode de quotas a été
utilisée pour notre étude, pendant que les données
requises par ménage ont été obtenues directement au moyen
de l'interview par questionnaire, tout cela sous notre supervision.
4.2.1.1 Détermination de
l'échantillon
La méthode de quota ayant été non
probabiliste, la sélection des enquêtés n'a pas
été conditionnée par la présence d'une liste
préalable. L'un de nos objectifs dans cette étude aura
été de mener une enquête dont l'ampleur serait suffisante
de sorte que les résultats soient fiables et précis.
Ainsi, nous aurions pris d'après les chiffres de
l'administration urbaine de la ville de Lubumbashi en 2011 où la
population congolaise était de 1650649 ; avec une moyenne de 7 personnes
par ménage, on aurait 235807
(1) PETIT, P. (Dir), Op.Cit,
p.88
206
ménages, et en considérant un taux de sondage de
1/10, nous devrions logiquement prendre comme échantillon 23581
ménages, comme chez César Nkuku en 2002(1). Alors que
pour presque la même étude Zola(2) en 2005 prenait un
taux de sondage de 1/1000, ce qui amènerait alors notre
échantillon à 236 ménages. Mais pour sa part Pierre Petit
en 2003 et pour une étude similaire à la nôtre dans la
même ville de Lubumbashi a considéré 84 ménages,
sans tenir compte du quelconque taux de sondage.
Dans la logique de ce qui précède, pour fixer la
taille de notre échantillon, nous avons utilisé la formule
statistique suivante :
??=
????.p(??-p)
e??
Avec : n = la taille à fixer
t = la valeur de la loi normale à 95
p = le taux de pauvreté en milieu urbain en RDC
(3)
1-p = le complément à l'unité de taux de
pauvreté
e = l'erreur ou risque statistique de se tromper
n ? ? 372
0,05 2
D'où :
1,962.0,59(1 - ??,59)
0,92928304
ménages
Dans ce chiffre, nous avons pris en compte les non
répondants, généralement estimés à 20 %.
Donc en tenant compte des non répondants estimés à 20 %,
notre échantillon a été trouvé en prenant 372+
372/0,80, ce qui nous a donné 465 ménages à interroger.
(1) NKUKU Khonde C. et Remon M., (2002),
op.cit, p.13
(2) ZOLA (2005), op. cit, p.9
(3) AHMED Moummi, Analyse de la pauvreté en
République Démocratique du Congo, Banque Africaine de
Développement, Working Paper N° 112, Août 2010. (Le taux de
pauvreté en milieu urbain en RDC est de 59% contre 72% en milieu
rural)
207
Ainsi donc, nous avons arrondi les chiffres en prenant un
échantillon de 500 ménages. Ce qui a permis d'améliorer
davantage la précision des résultats des investigations
organisées.
La raison en faveur de cet échantillon fixé
à 500 ménages serait que, comme le souligne bien Pierre Petit,
« les chiffres sans les significations qu'ils recouvrent sont des
abstractions hors contexte : on a parfois vu dans ce pays de véritables
cas de « quantophrénie » (folie des chiffres) lorsque,
emballés par la logique des statistiques, des chercheurs en sont venus
à démontrer par un appareillage mathématique savant des
réalités qui tombaient sous le sens- quand elles n'en
étaient pas complètement dénuées. Depuis une
vingtaine d'années au contraire, le mouvement s'est inversé et
les recherches qualitatives - faisant usage de biographies, d'interviews,
d'analyses de discours, d'exégèse symbolique, etc. - ont
pratiquement détrôné les approches statistiques. Ici aussi,
les excès ne sont pas rares, et l'informateur privilégié
est souvent devenu une source d'information que le chercheur utilise de
façon trop exclusive : un cas unique, parfois très marginal, peut
ainsi parfois être présenté abusivement comme le
modèle de son milieu ou de son temps »(1).
Aussi pour concilier l'approche quantitative avec l'approche
qualitative, nous avons opté de travailler avec un échantillon
réduit de 500 ménages construit selon la méthode de quotas
et avec 37 enquêteurs qui ont travaillé en moyenne avec plus ou
moins 14 ménages, et ce, du 12 avril 2013 au 14 mai 2014. Pour les
habitués des enquêtes dont les chiffres de répondants se
calculent par milliers, cet échantillon paraîtrait insuffisant,
mais nous pensons, pour notre part, avec Pierre Petit qu'en travaillant de
façon intensive et non extensive avec un ménage, nous sommes
arrivé à cerner des données sur des domaines variés
et vérifier des informations qui, en fin de compte, se sont
recoupées. Surtout lorsque l'on sait que dans une ville où la
population est relativement homogène, les exigences de
l'échantillonnage trop élevé sont moindres.
(1) PETIT, P. (Dir), op cit,
p.26
208
Nous avons donc enquêté 500 ménages en
respectant la répartition de la population par commune et par quartier.
Ainsi en prenant comme base les données administratives de la population
en 2011, les données statistiques de 2012 n'ayant pas encore
été finalisées au moment des enquêtes en avril 2013,
au niveau de l'hôtel de ville de Lubumbashi. Sur base de ces
données de 2011, nous avons trouvé le nombre de ménages
à enquêter par Commune et par quartier en utilisant les formules
suivantes :
Ménages à enquêter par commune = 500
X
Total des ménages de la commune en 2011
Total des ménages de la Ville en 2011
Et :
Ménages /quartier = Ménages à
enquêter par Comm. X
|
Total des ménages du quartier en 2011
|
Total de ménages de la commune en 2011
|
Tableau N° 3 : Nombre de ménages à
enquêter par commune de la ville de Lubumbashi
N°
|
COMMUNE
|
Population
|
Ménages
|
Taille de l'échantillon
|
Ménages
à
enquêter
|
1
|
Annexe
|
389632
|
55662
|
500
|
115
|
2
|
Kampemba
|
364939
|
52134
|
500
|
108
|
3
|
Katuba
|
314483
|
44926
|
500
|
93
|
4
|
Lubumbashi
|
291263
|
41609
|
500
|
86
|
5
|
Ruashi
|
190240
|
27177
|
500
|
56
|
6
|
Kenya
|
109182
|
15597
|
500
|
32
|
7
|
Kamalondo
|
35121
|
5017
|
500
|
10
|
|
|
1694860
|
242123
|
500
|
500
|
Source : Résultats de nos calculs sur base des
statistiques administratives de 2011
Selon les données administratives, la ville de
Lubumbashi compte 43 quartiers répartis de la manière suivante
:
Communes Quartiers
Annexe Kalebuka, Kasapa, Kasungami, Kimbeimbe,
Kisanga, Luwowoshi, Munua et Naviundu,
Kamalondo Kitumaini et Njanja
Kampemba Bel-Air 1, Bel-Air 2, Bongonga, Industriel, Kafubu,
209
Kampemba et Kigoma
Katuba Bukama, Kaponda nord, Kaponda sud, Kisale,
Lufira, Musumba, Mwana Shaba (Mwana katanga), Nsele et Upemba
Kenya Luapula, Lualaba et Luvua
Lubumbashi Gambela, Kalubwe, Kiwele, Lido-golf, Lumumba,
Makutano et Mampala
Ruashi Bendera, Kalukuluku, Matoleo, Shindaika, Luano, Kawama
et Zaïre (Congo)
210
Tableau N° 4 : Population et ménages par
commune et par quartier de la ville de Lubumbashi
N°
|
COMMUNE/Quartiers
|
Population
(2011)
|
Ménages
|
Taille de l'échantillon
|
Ménages à enquêter
|
I
|
ANNEXE
|
|
|
115
|
|
1
|
Kalebuka
|
40832
|
5833
|
|
12
|
2
|
Kasapa
|
39404
|
5629
|
|
12
|
3
|
Kasungami
|
45284
|
6469
|
|
13
|
4
|
Kimbembe
|
53631
|
7662
|
|
16
|
5
|
Kisanga
|
65777
|
9397
|
|
19
|
6
|
Luwowoshi
|
51234
|
7319
|
|
15
|
7
|
Munua
|
50345
|
7192
|
|
15
|
8
|
Naviundo
|
43125
|
6161
|
|
13
|
|
TOTAL
|
389632
|
55662
|
|
115
|
II
|
KAMPEMBA
|
|
|
108
|
|
9
|
Bel air 1
|
47279
|
6754
|
|
14
|
10
|
Bel air 2
|
64378
|
9197
|
|
19
|
11
|
Bongonga
|
75166
|
10738
|
|
22
|
12
|
Industriel
|
14718
|
2103
|
|
4
|
13
|
Kafubu
|
88058
|
12580
|
|
26
|
14
|
Kampemba
|
32829
|
4690
|
|
10
|
15
|
Kigoma
|
42511
|
6073
|
|
13
|
|
TOTAL
|
364939
|
52134
|
|
108
|
III
|
KATUBA
|
|
|
93
|
|
16
|
Bukama
|
19631
|
2804
|
|
6
|
17
|
Kaponda nord
|
20431
|
2919
|
|
6
|
18
|
Kaponda sud
|
28796
|
4114
|
|
9
|
19
|
Kisale
|
24827
|
3547
|
|
7
|
20
|
Lufira
|
28801
|
4114
|
|
9
|
21
|
Musumba
|
60558
|
8651
|
|
18
|
22
|
mwana shaba
|
24266
|
3467
|
|
7
|
23
|
Nsele
|
62829
|
8976
|
|
19
|
24
|
Upemba
|
44344
|
6335
|
|
13
|
|
TOTAL
|
314483
|
44926
|
|
93
|
IV
|
LUBUMBASHI
|
|
|
86
|
|
25
|
Gambela
|
48461
|
6923
|
|
14
|
26
|
Kalubwe
|
37742
|
5392
|
|
11
|
27
|
Kiwele
|
27896
|
3985
|
|
8
|
28
|
lido golf
|
29761
|
4252
|
|
9
|
29
|
Lumumba
|
25186
|
3598
|
|
7
|
30
|
Makutano
|
31185
|
4455
|
|
9
|
31
|
Mampala
|
91032
|
13005
|
|
27
|
|
TOTAL
|
291263
|
41609
|
|
86
|
211
V
|
RUASHI
|
|
|
56
|
|
32
|
Bendera
|
43404
|
6201
|
|
13
|
33
|
Congo
|
32614
|
4659
|
|
10
|
34
|
Kalukuluku
|
27712
|
3959
|
|
8
|
35
|
Luano
|
3964
|
566
|
|
1
|
36
|
Mateleo
|
38229
|
5461
|
|
11
|
37
|
Shindaika
|
7491
|
1070
|
|
2
|
38
|
Kawama
|
36826
|
5261
|
|
11
|
|
TOTAL
|
190240
|
27177
|
|
56
|
VI
|
KENYA
|
|
|
32
|
|
39
|
Lualaba
|
34711
|
4959
|
|
10
|
40
|
Luapula
|
28092
|
4013
|
|
8
|
41
|
Luvua
|
46379
|
6626
|
|
14
|
|
TOTAL
|
109182
|
15597
|
|
32
|
VII
|
KAMALONDO
|
|
|
10
|
|
42
|
Kitumaini
|
13455
|
1922
|
|
4
|
43
|
Njanja
|
21666
|
3095
|
|
6
|
|
TOTAL
|
35121
|
5017
|
|
10
|
Source : Résultats de nos calculs sur base des
statistiques administratives de 2011
Comme notre objectif était de couvrir toute la ville de
Lubumbashi et étant donné que chaque commune présentait au
moins deux quartiers aux morphologies géographiques et
socio-économiques identiques, nous avons opté de retenir un seul
pour l'enquête en donnant cependant priorité au quartier le plus
vaste. De ce qui précède et moyennant ces critères, 23
quartiers ont été retenus comme secteurs d'enquête. Il
s'agit de :
Communes Quartiers
Annexe Luwowoshi, Kalebuka, Naviundu et Kisanga
Kampemba Bel-Air 1, Bel-Air 2, Bongonga, et Kigoma
Katuba Bukama, Kisale, Musumba, Nsele et Mwana Shaba (Mwana
katanga)
Kenya Luapula et Lualaba
Kamalondo Kitumaini et Njanja
Lubumbashi Kalubwe, Lido-golf et Mampala
Ruashi Bendera, Shindaika, et Congo
Source : Résultats de nos calculs sur base des
statistiques administratives de 2011
212
Tableau N° 5 : Nombre de ménages
enquêtés par quartier
N°
|
Quartiers retenus pour effectuer l'enquête/ COMMUNE
|
Population par quartier
(2011)
|
Nombre de Ménages par quartier
|
Taille de l'échantillon par commune
|
Ménages à enquêter
|
I
|
ANNEXE
|
|
|
|
|
1
|
Kalebuka
|
40832
|
5833
|
115
|
23
|
2
|
Kisanga
|
65777
|
9397
|
115
|
38
|
3
|
Luwowoshi
|
51234
|
7319
|
115
|
29
|
4
|
Naviundo
|
43125
|
6161
|
115
|
25
|
|
TOTAL
|
200968
|
28710
|
115
|
115
|
II
|
KAMPEMBA
|
|
|
|
|
5
|
Bel air 1
|
47279
|
6754
|
108
|
22
|
6
|
Bel air 2
|
64378
|
9197
|
108
|
30
|
7
|
Bongonga
|
75166
|
10738
|
108
|
35
|
8
|
Kigoma
|
42511
|
6073
|
108
|
20
|
|
TOTAL
|
229334
|
32762
|
108
|
108
|
III
|
KATUBA
|
|
|
|
|
9
|
Bukama
|
19631
|
2804
|
93
|
10
|
10
|
Kisale
|
24827
|
3547
|
93
|
12
|
11
|
Musumba
|
60558
|
8651
|
93
|
29
|
12
|
Mwana shaba
|
24266
|
3467
|
93
|
12
|
13
|
Nsele
|
62829
|
8976
|
93
|
30
|
|
TOTAL
|
192111
|
27444
|
93
|
93
|
IV
|
LUBUMBASHI
|
|
|
|
|
14
|
Kalubwe
|
37742
|
5392
|
86
|
20
|
15
|
Lido-Golf
|
29761
|
4252
|
86
|
16
|
16
|
Mampala
|
91032
|
13005
|
86
|
49
|
|
TOTAL
|
158535
|
22648
|
86
|
86
|
V
|
RUASHI
|
|
|
|
|
17
|
Bendera
|
43404
|
6201
|
56
|
29
|
18
|
Congo
|
32614
|
4659
|
56
|
22
|
19
|
Shindaika
|
7491
|
1070
|
56
|
5
|
|
TOTAL
|
83509
|
11930
|
56
|
56
|
VI
|
KENYA
|
|
|
|
|
20
|
Lualaba
|
34711
|
4959
|
32
|
18
|
21
|
Luapula
|
28092
|
4013
|
32
|
14
|
|
TOTAL
|
62803
|
8972
|
32
|
32
|
VII
|
KAMALONDO
|
|
|
|
|
22
|
Kitumaini
|
13455
|
1922
|
10
|
4
|
23
|
Njanja
|
21666
|
3095
|
10
|
6
|
|
TOTAL
|
35121
|
5017
|
10
|
10
|
213
De cette façon, le nombre des ménages
enquêtés par commune et par quartier avait respecté les
proportions mentionnées ci-haut. Alors que les ménages à
enquêter avaient bel et bien fait l'objet d'un choix aléatoire,
c'est-à-dire que chaque ménage avait une probabilité
égale d'être sélectionné. La procédure
d'échantillonnage probabiliste a permis au chercheur d'intervenir
activement en mettant au point une procédure de sélection
destinée à assurer au mieux la
représentativité(1). Etant donné que les
numéros des parcelles ne sont pas bien ordonnés sur toutes les
avenues (rues), nous avions pris soin d'attribuer sur chaque avenue (rue) un
numéro à chaque parcelle. Ces numéros furent par la suite
l'objet d'un tirage aléatoire ayant déterminé les
ménages retenus dans l'échantillon. Le choix de la parcelle
étant fait au hasard, nous avons laissé l'option à
l'enquêteur, dans le cas où il trouvait plusieurs ménages
dans une parcelle, de n'enquêter qu'un seul ménage.
D'après M. Jacquemain et F. Heselmans, le principe pour
un échantillonnage aléatoire simple est que chaque unité
de la population ciblée a la même chance d'être
sélectionnée pour faire partie de l'échantillon. La
procédure probabiliste implique l'existence ou la confection d'une liste
complète des individus de la population qui constitue la base de
sondage. La liste doit être complète, sans omission et sans
répétition et les individus doivent être
numérotés de 1 à N, N étant le nombre total des
individus de la population. La méthode la plus simple serait d'inscrire
des noms ou numéros sur des papiers identiques, de bien les brasser dans
une urne ou dans un chapeau et de faire tirer l'échantillon de n
individus par une main innocente. En réalité cette façon
de faire devient vite très lourde lorsque la taille N de la population
est grande(2).
(1) SUMBA Chenge, Méthodologie de
recherche en Statistique, Guide pour les étudiants et chercheurs dans la
réalisation d'une recherche en Statistique appliquée, 1ère
édition, Lubumbashi, 2013, p.29
(2) JACQUEMAIN, M. et HESELMANS, F.
Méthodologie de l'enquête, Institut des
Sciences Humaines et Sociales, 2008-2009, p.72-73
214
Pour ces auteurs ci-haut cités,
l'échantillonnage aléatoire simple est la méthode
d'échantillonnage la plus facile à appliquer et la plus
couramment utilisée. Il convient aux petites populations. Pour les
grandes populations, l'échantillonnage aléatoire simple est
très coûteux et irréalisable parce qu'il faut en identifier
et en étiqueter toutes les unités avant l'échantillonnage.
Son application peut également être coûteuse s'il faut
effectuer des interviewes sur place, puisqu'il est possible que les
unités faisant partie de l'échantillon soient
géographiquement situées sur de grandes étendues.
Avec cela nous pensons vraiment que notre échantillon a
été représentatif et traduit la réalité de
la question sous étude.
4.2.1.2 Instruments de collecte des
données
Pour les besoins d'efficacité, cette étude a
utilisé pour la récolte des données le questionnaire
écrit et les interviewes occasionnelles. Ce questionnaire écrit a
été destiné aux ménages pauvres et a pris en compte
toutes les catégories socioprofessionnelles de la ville de Lubumbashi.
Il a comporté cinq thèmes de recherche ou modules. Il s'agit :
1. de la localisation et caractéristiques du chef de
ménage ;
2. des caractéristiques de l'habitat ;
3. de l'accès aux services de base ;
4. des revenus et dépenses du ménage ;
5. des activités et stratégies de survie.
Les interviews occasionnelles ont été
usitées pour approfondir un aspect de la question.
4.2.1.2.1. Localisation et caractéristiques
sociodémographiques et socioprofessionnelles des chefs de
ménages.
L'analyse de cette rubrique nous a permis d'avoir une
connaissance approfondie et claire de la population concernée par
l'enquête. Elle a mis en évidence l'importance du capital humain
dans la survie des
215
ménages en même temps qu'elle a
révélé certains aspects de la pauvreté et des
stratégies de survie de ménages. Sur ce, bien que la
réduction de la pauvreté ait souvent été
considérée comme tributaire du plein emploi et d'un travail
décent pour tous, nous avons pensé nous appuyer un peu plus sur
les activités génératrices des revenus plutôt que la
profession ou le travail, au vrai sens du mot. Cela nous a donné la
possibilité de tenir compte de tous les acteurs des stratégies de
survie même si l'on sait que certains sont toujours exclus à cause
de limitations liées à l'âge et autres (autorisation
maritale, etc.).
L'examen des questions concernant la structure des
ménages a permis donc d'apporter des éléments de
compréhension supplémentaires. Les caractéristiques
sociodémographiques des ménages ont agi dans le même sens
tant sur le statut de pauvreté monétaire que sur celui de
vulnérabilité de la pauvreté.
4.2.1.2.2. Caractéristiques de
l'habitat
Les caractéristiques de l'habitat constituent un
indicateur du niveau de vie de ménage et de pauvreté. La
diversification des formes d'habitat nous a permis de saisir le niveau de la
pauvreté à travers les conditions de logements indécents,
la situation d'insécurité et le manque de liberté, etc.
Cela aussi parce que les aspects sociaux doivent être pris en
considération conjointement avec les aspects économiques. Car en
tant que phénomène multidimensionnel, la pauvreté se
manifeste principalement sous trois formes : la pauvreté
monétaire, la pauvreté des potentialités et la
pauvreté des conditions de vie évaluée en rapport à
l'accès aux services de base.
4.2.1.2.3. Accès aux services de
base
Si la consommation de la nourriture constitue un des premiers
indicateurs de la pauvreté, l'habitat, l'alimentation en eau, les
sources d'énergie, les moyens de transports et les soins de santé
ont toujours été des éléments essentiels pour
évaluer le statut socioéconomique et les
216
changements dans le mode de vie des ménages dans une
étude sur la pauvreté.
L'analyse des éléments des enquêtes en
rapport à l'accès aux services de base nous a permis de saisir
les privations dont souffrent les ménages de la ville de Lubumbashi
concernant l'accès aux services de santé, à
l'éducation, à l'eau et au marché de services.
4.2.1.2.4. Revenus et dépenses du
ménage
Parmi les indicateurs clairs de la pauvreté figure
aussi l'apparition du détail microscopique dans le commerce de certains
produits de consommation courante. Ce commerce de détail microscopique
fait que le lait, le café, le sucre, l'eau, la farine, l'huile,
l'arachide, le savon en poudre sont vendus dans la ville de Lubumbashi en
petites unités mises en sachets en plastique, qu'il n'est plus possible
de diviser pour avoir de subdivisions plus petites. Les anciennes unités
de détails tels que les pots, les paquets, la bouteille qui
correspondaient à des unités de consommation familiale ont
été remplacées par des unités de consommation
apparemment individuelle et indivisible.
Donc à travers l'analyse, des éléments
recueillis au cours de l'enquête en rapport aux revenus, voire des
dépenses de ménages nous ont permis de saisir le degré de
pauvreté des ménages ainsi que l'importance de la
débrouille dans leur survie à Lubumbashi.
4.2.1.2.5. Activités et stratégies de
survie
La paupérisation croissante de la population a
entraîné une redéfinition des priorités des
ménages et un repli sur toutes les ressources disponibles en leur sein.
Cela a conduit de fois à une instrumentalisation des rapports de genre.
C'est ainsi que dans notre analyse, nous avons mis en évidence
l'interaction entre la pauvreté des ménages, le sexe du chef de
ménage, le degré d'implication des individus - hommes et femmes -
dans la
217
recherche des moyens de survie et la nature de contribution
respective des hommes et des femmes au sein des ménages.
4.2.2. Déroulement de l'enquête
4.2.2.1 Pré-enquête
Les instruments d'enquête, c'est-à-dire les
questionnaires ont été pré testés dans la ville de
Lubumbashi à travers une pré-enquête que nous avions
organisée avec les étudiants de deuxième licence en
Statistique qui, dans le cadre de leur stage de professionnalisation, devaient
effectuer une enquête socio-économique à travers les sept
communes de la ville sous la supervision de la coordination de stage de
l'Institut Supérieur de Statistique de Lubumbashi, au mois de
décembre 2012. C'est dans ce cadre que nous avions inséré
nos trente-sept pré-questionnaires en raison de cinq par commune et au
moins deux par enquêteur.
Par cette pré-enquête, nous cherchions à
apprécier :
? l'intelligibilité du questionnaire par rapport au sujet
enquêté, ? la capacité de l'enquêté à
répondre à notre questionnaire sans se fatiguer,
? la durée moyenne pour une interview
Cette opération s'est bien déroulée dans
la mesure où tous les trente-sept questionnaires nous ont
été dûment complétés. Ce qui a
témoigné que nos enquêtés auraient la
capacité de bien répondre au questionnaire sans trop se fatiguer,
bien que celui-ci paraissait un peu long.
L'évaluation de la durée d'interview et de la
disponibilité des enquêtés a permis de nous rassurer qu'un
enquêteur pouvait être à mesure de bien échanger avec
la personne enquêtée dans moins de trente minutes et avec au moins
sept ménages par jour.
218
4.2.2.2 Les enquêtes sur
terrain
Les enquêtes sur terrain ont eu lieu du 12 avril 2013 au
14 mai 2014. Le suivi des enquêteurs sur terrain a consisté
à superviser et à organiser des réunions techniques. La
supervision a consisté à s'assurer de la présence
effective des enquêteurs sur les sites d'enquête et de
l'exécution effective de leurs travaux.
Ces travaux de terrain, il faut l'avouer, allaient être
assez pénibles si nous-même ne disposions pas d'un moyen de
déplacement rapide. Cela à cause des distances qui
séparent parfois les diverses aires d'enquête, à savoir les
communes et les quartiers de la ville de Lubumbashi. Du quartier Kalebuka dans
la commune Annexe, par exemple, au quartier Luwowoshi de la commune Ruashi, la
distance est d'environ treize kilomètres. Ainsi, nous avons,
malgré nos moyens financiers limités, doté tous nos sept
encadreurs de moyens de communication cellulaire pour pouvoir nous contacter en
cas de besoin. Pendant que nous-même, accompagné d'un superviseur
de la pré-enquête, étions occupé à faire la
ronde des quartiers et communes pour nous assurer de l'effectivité des
opérations et tenter de résoudre quelques petits problèmes
qu'ils rencontreraient sur terrain.
4.3. Les tests statistiques utilisés
Pour analyser et interpréter les données
d'enquêtes de terrain, nous nous sommes servi de test Khi deux ou Khi
carré et d'analyse factorielle des correspondances en utilisant aussi le
logiciel SPSS et Sphinx plus2.
4.3.1. Le test de Khi deux (X2)
Le test de Khi deux, désigné aussi Khi
carré, permet de déterminer si la probabilité que les
lignes et les colonnes d'un tableau croisé sont dépendantes.
Autrement dit, il permet d'évaluer si la répartition des
effectifs
219
dans une table de contingence est significativement
différente de celle de la table calculée sous l'hypothèse
d'indépendance des deux variables croisées.(1)
L'objectif du test du khi deux est de déterminer si les
lignes et les colonnes d'un tableau croisé (c'est-à-dire les deux
variables étudiées) ne sont pas indépendantes. Par
indépendance, on veut dire que le fait d'appartenir à une
modalité de la première variable n'a pas d'influence sur la
modalité d'appartenance de la deuxième variable. C'est d'ailleurs
dans ce cadre qu'on le définit aussi comme la mesure de la liaison entre
deux variables qualitatives.
En prenant, par exemple, le genre du chef de ménage et
le niveau d'instruction ou encore le revenu ordinaire du ménage, il nous
a été possible de dire soit :
- que le fait d'appartenir à une des modalités
de la première variable (genre) n'a aucune influence sur la
modalité d'appartenance de la seconde (niveau d'instruction ou revenu
quelconque) ;
- les pourcentages lignes du tableau croisé sont les
mêmes pour toutes les lignes ;
- les pourcentages colonnes du tableau croisé sont les
mêmes pour toutes les colonnes.
Donc, la question qui se pose ici est celle de savoir à
partir de quand on peut dire que les variations observées sont dues au
hasard, et à partir de quand on peut estimer qu'elles sont dues à
un lien entre les deux variables. C'est tout l'objet du test du Khi deux.
Le test du Khi deux s'applique à un tableau croisant
deux variables qualitatives. Il vise à tester l'indépendance des
lignes et des colonnes de ce tableau. Il vise à déterminer si
l'on peut raisonnablement rejeter l'hypothèse d'indépendance des
lignes et des colonnes de notre tableau.
(1) BARNIER, J., Tout ce que vous n'avez jamais voulu savoir
sur le Khi deux sans jamais avoir eu envie de le demander, Groupe de recherche
sur la socialisation, CNRS- UMR 5040,
julien.barnier@ens-lyon.fr,
consulté le 18 mars 2013
220
Pour cela, on commence par calculer les effectifs qu'on
observerait si les lignes et les colonnes étaient parfaitement
indépendantes, en tenant notamment compte des contraintes sur les marges
du tableau. On obtient ainsi le tableau des effectifs théoriques sous
l'hypothèse d'indépendance.
On calcule ensuite les écarts entre effectifs
observés et les effectifs théoriques et on les standardise pour
qu'ils soient tous positifs et comparables : on obtient ainsi le Khi deux
partiel pour chaque case du tableau. La somme de ces Khi deux partiels donne la
valeur du Khi deux pour notre tableau. A partir de cette valeur et du nombre de
degrés de libertés de notre tableau, la statistique nous permet
de déduire un p qui n'est autre que la probabilité
d'obtenir le tableau croisé observé si nos variables
étaient indépendantes.
L'interprétation du test de Khi deux se fait en
comparant les profils lignes ou les profils colonnes à leur profil moyen
pour déterminer l'importance des écarts. L'utilisation des
résidus permet de déterminer, à l'échelle de chaque
case, quels sont les écarts qui sont statistiquement significatifs. Ils
sont très utiles pour l'analyse notamment quand le nombre de cases est
important, et peuvent même conduire à une représentation
graphique.
4.3.2. L'analyse factorielle des
correspondances
L'analyse factorielle des composantes ou l'analyse des
correspondances simples est une méthode exploratoire d'analyse des
tableaux de contingence. Elle a été développée
essentiellement par J.P. Benzecri durant la période de 1970-1990.
Soient deux variables nominales X et Y, comportant
respectivement p et q modalités. On a observé les valeurs de ces
variables sur une population et on dispose d'un tableau de contingence à
p lignes et q colonnes donnant les effectifs conjoints, c'est-à-dire les
effectifs observés pour
221
chaque combinaison d'une modalité i de X et d'une
modalité j de Y. Les valeurs de ce tableau seront notées nij,
l'effectif total sera noté N.
Donc, l'analyse factorielle des composantes vise à
analyser ce tableau en apportant des réponses à des questions
telles que :
o Y a-t-il des lignes du tableau (modalités de X) qui
se « ressemblent », c'est-à-dire telles que les distributions
des modalités de Y soient analogues ?
o Y a-t-il des lignes du tableau (modalités de X) qui
s'opposent, c'est-à-dire telles que les distributions des
modalités de Y soient très différentes ?
o Mêmes questions pour les colonnes du tableau
o Y a-t-il des associations modalité de X -
modalité de Y qui s'attirent (effectif conjoint particulièrement
élevé) ou qui se repoussent (effectif conjoint
particulièrement faible) ? L'analyse factorielle des correspondances se
fixe également comme but de construire des représentations
graphiques mettant en évidence ces propriétés des
données.
4.3.3. Le SPSS
Le SPSS (Statistical Package for the Social Sciences) est un
logiciel qui permet d'exécuter des analyses statistiques pour les
sciences sociales. Elle nous a permis d'organiser et de présenter les
résultats obtenus, lors des enquêtes de terrain, et aussi de les
présenter sous forme des tableaux et des graphiques.
4.3.4. Le Sphinx plus2
Le Sphinx plus2 est un logiciel de traitement
d'enquêtes et d'analyse de données. Il permet d'accomplir toutes
les étapes d'une étude : le questionnaire, la saisie des
réponses, les traitements quantitatifs et qualitatifs. Le Sphinx
plus2 comprend des compétences plus étendues en
analyse quantitative avec des possibilités d'analyse
multivariée.
222
Le Sphinx Plus2 nous a donc permis d'approfondir
les analyses grâce aux techniques statistiques avancées de
l'analyse multidimensionnelle, telles que : analyse factorielle,
classification, typologie, analyse de la variance et aussi d'enrichir la base
de données initiales en calculant des nouvelles variables.
4.4. Présentation des résultats des
enquêtes socio-économiques
Les enquêtes que nous avons menées n'ont
concerné que 493 ménages de la ville de Lubumbashi sur les 500
préalablement prévus. Les modalités de tirage de cet
échantillon ont été déjà
présentées au point 4.2.1.1 du présent chapitre. Le but de
cette enquête était de voir comment les ménages de
Lubumbashi se démènent pour survivre à la pauvreté.
C'est-à-dire face aux revenus très faibles ou même
incertains du chef de ménage dû à la situation de crise
multiforme que connaît non seulement la République
Démocratique du Congo, en général, mais la ville de
Lubumbashi en particulier. Comment les ménages de Lubumbashi
recourent-ils à la participation du travail des femmes, des enfants et
des autres membres secondaires comme stratégies de survie de leurs
ménages.
Il s'agit également d'analyser les motivations du
travail de la femme, dans le cadre de l'approche genre, afin de comprendre ses
efforts pour son autonomisation et pour la survie des ménages à
Lubumbashi. Il s'agit ici de confronter trois théories sur l'offre de
travail de la femme, à savoir : la théorie féministe, la
théorie du capital humain et la théorie de survie afin de
confirmer ou de nuancer notre hypothèse.
A l'issue de l'enquête, une base de données sous
Sphinx plus2 a été conçue pour la
centralisation des informations recueillies en vue d'un traitement. Le
traitement des données a été effectué avec le
logiciel Sphinx Plus2 et Excel. Ces logiciels nous ont permis de
classer les observations et d'analyser les données recueillies.
223
Nous avons eu 493 observations avec 70 variables ou questions.
Chaque variable présente plusieurs modalités de réponses
allant de deux à onze suivant le cas. Pour une bonne présentation
et un bon traîtement, nous avons donné à chaque
modalité une valeur numérique correspondant au numéro de
la réponse sur la liste des modalités proposées. Nos 70
variables ou questions ont été réparties en 5
thèmes de recherche ou modules. Il s'agit de : -
Localisation et caractéristiques du chef de ménage, -
Caractéristiques de l'habitat, - Accès aux services de base, -
Revenus et dépenses du ménage et -Activités et
stratégies de survie.
4.4.1. Localisation et caractéristiques des
ménages Tableau N° 6 : Distribution des ménages
enquêtés par commune
Commune
|
Nbre Cit
|
Fréq
|
Annexe
|
114
|
23,1%
|
Kampemba
|
106
|
21,5%
|
Katuba
|
91
|
18,5%
|
Lubumbashi
|
85
|
17,2%
|
Ruashi
|
55
|
11,2%
|
Kenya
|
32
|
6,5%
|
Kamalondo
|
10
|
2%
|
Total observation
|
493
|
100%
|
Source : Résultats de nos enquêtes 12 avril 2013 au
14 mai 2014
Commentaires :
Il ressort de ce tableau que les ménages de la commune
Kamalondo ne représentent que 2,0% de notre échantillon, la
commune de Kenya 6,5%, Ruashi 11,2%, Lubumbashi 17,2%, Katuba 18,5% , Kampemba
21,5% et Commune Annexe 23,1%. Cette situation est fonction du poids
démographique de chaque commune.
224
Tableau N° 7 : Etat matrimonial de chef des
ménages enquêtés
Etat civil
|
Nbre cit
|
Fréq
|
Marié(e) monogame
|
380
|
77,1%
|
Veuf (ve)
|
43
|
8,7%
|
Célibataire
|
27
|
5,5%
|
Divorcé(e)
|
20
|
4,1%
|
Marié polygame
|
17
|
3,4%
|
Union consensuelle
|
6
|
1,2%
|
Tot observ
|
493
|
100%
|
Source : Résultats de nos enquêtes 12 avril 2013 au
14 mai 2014
Commentaires :
Considérant les six modalités de ce tableau,
nous constatons à première vue que Lubumbashi est en
majorité habitée par des mariés monogames. Ils
représentent 77,1% de la population de notre échantillon. Cela
n'est pas surprenant dans une ville en grande majorité
chrétienne. Les unions consensuelles sont fréquentes dans les
grandes agglomérations urbaines. Elles sont une sorte de prostitution ou
concubinage vulgairement appelé « bureau ». Mais curieusement
à Lubumbashi, ces unions représentent dans la population de notre
échantillon 1,2%. Cela s'explique à notre avis par de nombreuses
campagnes de déclaration des mariages. Les mariés polygames qui
représentent 3,4% traduisent une faible représentation de la
communauté musulmane. Les veufs (ves) 8,7%, les célibataires 5,5%
et les divorcés 4,1%.
Pour déterminer le nombre des ménages dont le
chef serait un homme ou une femme, nous recourons à
l'interprétation du tableau présentant une distribution de
l'état civil par le genre.
225
Tableau N° 8 : Distribution de
l'état civil en fonction du genre du chef de ménage
Genre
Etat-civil
|
Masculin
|
Feminin
|
Total
|
Marié(e) monogamme
|
377
|
3
|
380
|
Veuf (ve)
|
6
|
37
|
43
|
Célibataire
|
7
|
20
|
27
|
Divorcé(e)
|
3
|
17
|
20
|
Marié(e) polygamme
|
17
|
0
|
17
|
Union consensuelle
|
6
|
0
|
6
|
Total observ
|
416
|
77
|
493
|
Source : Résultats de nos enquêtes 12 avril 2013 au
14 mai 2014 Commentaires :
Sur base de ce tableau croisé de l'état-civil
par rapport au genre du chef de ménage, nous pouvons constater que
considérant la forte dépendance entre les deux variables sous
étude, il y a dans les ménages de notre échantillon 416
ménages dirigés par les hommes soit 84,4% contre 77
ménages dirigés par les femmes soit 15,6%. Ces ménages
dirigés par les femmes sont pour la plupart les veuves, les
divorcées et les femmes seules ou célibataires. Cela est non
seulement confirmé par le test de Khi2 qui présente une
dépendance très significative, avec un Khi2 égale à
372,55 et montre que les cases des veuves, des divorcées et des
célibataires ont des effectifs réels nettement supérieurs
à l'effectif théorique. Cette analyse confirme donc notre
position au sujet de chef de ménage aux pages 66 et 67 de cette
thèse.
Outre le statut matrimonial (état-civil), la
catégorie socioprofessionnelle du chef de ménage constitue un
élément important dans l'étude de la pauvreté.
Comme signalé dans les chapitres précédents, notamment aux
chapitres deux et trois, Lubumbashi est d'abord une ville industrielle et
l'occupation d'un emploi rémunéré et stable était
synonyme d'un bon niveau de vie, mais avec la dégradation progressive
des structures économiques à cause de l'arrêt des
activités de la Gécamines, les pillages etc, les emplois
rémunérés sont devenus rares, la population a
créé d'autres
226
structures pour lutter contre la pauvreté et assurer sa
survie. C'est ainsi que nous allons examiner le tableau N°9 pour
comprendre les occupations de chefs des ménages de notre
échantillon.
Tableau N° 9 : Catégorie socioprofessionnelle
des chefs des ménages
Catégorie socioprofessionnelle du chef de
ménage
|
Nbre cit
|
Fréq.
|
Salarié du secteur privé formel
|
109
|
22,1%
|
Salarié de l'Etat
|
102
|
20,7%
|
Commerce avec patente
|
59
|
12,0%
|
Sans emploi
|
51
|
10,4%
|
Petits métiers artisanaux
|
48
|
9,7%
|
Commerce sans patente
|
44
|
8,9%
|
Salarié du secteur privé informel
|
36
|
7,3%
|
Activités agricoles
|
18
|
3,7%
|
Retraité
|
16
|
3,2%
|
Ménagère
|
6
|
1,2%
|
Etudiant(e) ou élève
|
4
|
0,8%
|
Total
|
493
|
100%
|
Source : Résultats de nos enquêtes 12 avril 2013 au
14 mai 2014
Commentaires :
Au regard de ce tableau n°9 l'on peut constater qu'il y
à 50% des ménages qui dépendent d'un salaire soit 247
ménages dont 22,1% sont occupés dans le secteur privé
formel, 20,7% par l'Etat et 7, 3% dans le secteur privé informel. 20,9%
s'occupent du commerce et petits commerces soit respectivement 12,0% et 8,9%.
Toutefois bien que 12,0% des ménages aient déclaré qu'ils
font du commerce, il convient néanmoins de noter qu'il y a tout dans
cette catégorie, et nous craignons une confusion, car il peut bien
s'agir d'un petit vendeur de clous dans un des marchés de la ville, en
passant par un petit vendeur au détail microscopique dans un kiosque
à un grand commerçant avec des magasins. Car chacun
prétend payer une patente à l'administration urbaine qui exige
désormais que les propriétaires de taxi ou taxi-bus, les vendeurs
des marchés et propriétaires de kiosques, les vendeurs ambulants
des bières... puissent payer une patente pour exercer du commerce.
227
C'est donc à cause de cette difficulté que nous
pensons qu'il est difficile de considérer que tout chef de ménage
exerçant le commerce avec patente a un bon niveau de vie. C'est souvent
les activités de survie qui permettent à ces ménages
d'atténuer leurs souffrances.
9,7% sont occupés à faire des petits
métiers artisanaux, tels que : les batteurs de malachite ou de cuivre,
les coiffeurs, les soudeurs, les tailleurs, les charpentiers, les
maçons, etc. Une autre catégorie dont les activités
s'imbriquent entre les petits commerces et les petits métiers et se
désignant ici par chômeurs occupe 10,4%.
C'est ici que nous avons trouvé, après dépouillement de
certains questionnaires de notre enquête, les cambistes, les
commissionnaires de maisons, de véhicules ou autres, les taximen, etc.
Les retraités, les agriculteurs, les ménagères et les
étudiants (et élèves) représentent respectivement
3,2%, 3,7%, 1,2% et 0,8% des ménages enquêtés.
Fort de l'analyse et de l'interprétation des
catégories socioprofessionnelles des ménages de Lubumbashi, il
est clair que la plupart des ménages ont un niveau de vie assez
précaire qui induit à la pauvreté et à la
débrouille.
Ainsi comme beaucoup d'études démographiques et
sociologiques ont toujours corrélé le niveau de la
pauvreté à la taille de ménages, nous avons aussi
prévu dans notre protocole d'enquête une question en rapport avec
la taille de ménage.
Tableau N° 10 : Taille des ménages
à Lubumbashi
Taille du ménage
|
Nbre. Cit
|
Fréq.
|
De 2 à 4 membres
|
73
|
14,8%
|
De 4 à 6 membres
|
119
|
24,1%
|
De 6 à 8 membres
|
129
|
26,2%
|
De 8 à 10 membres
|
96
|
19,5%
|
De 10 à 12 membres
|
57
|
11,6%
|
De 12 à 14 membres
|
10
|
2,0%
|
De 14 à 18 membres
|
9
|
1,8%
|
Total obs.
|
493
|
100%
|
Minimum= 2, Maximum= 18 Somme=3482 Moyenne= 7,06 Ecart-type= 2,86
Source : Résultats de nos enquêtes 12 avril 2013 au 14 mai 2014
Les valeurs de ce tableau sont les moyennes
calculées sans tenir compte des non-réponses. Source :
Résultats de nos enquêtes 12 avril 2013 au 14 mai 2014
228
Commentaires :
L'analyse de ce tableau montre que 26,2% de ménages
enquêtés ont une taille de 6 à 8 personnes, 24,1% de
ménages sont entre 4 et 6 personnes par ménage, 19,5% vivent
entre 8 à 10 personnes par ménage. 14,8% de ménages ont
reconnu vivre à moins de 4 personnes par ménage, pendant que
11,6% de ménages sont entre 10 et 12 membres par ménage et 2,0%
vivent entre 12 et 14 personnes par ménage, et les ménages de 14
et 18 personnes représentent 1,8%. Le nombre minimum de personnes par
ménage que nous avons enregistré au cours de notre enquête
est de 2 personnes alors que le nombre maximum a été de 18
personnes par ménage. Donc la taille moyenne de ménage de notre
échantillon est de 7,06 personnes.
Ce résultat corrobore celui trouvé à
l'issue du recensement organisé en 2001 par la mairie de Lubumbashi. Il
est un peu moins que celui de Pierre Petit 7,48 avec un échantillon de
84 ménages et un peu plus que celui de César Nkuku 6,4. Mais
comme ce dernier s'était par la suite rallié aux résultats
de l'enquête après les avoir comparés à celui de
Kakoma (6,6) avec un échantillon de 494 ménages et de l'INS en
1984 (6,7) avec un effectif de 400 ménages, nous pouvons dire que nos
résultats sont satisfaisants et reflètent la
réalité.
En désagrégeant les mêmes données
relatives à la taille de ménage par commune de Lubumbashi, on
obtient le graphique ci-dessous :
Tableau N° 11 : Moyenne de taille de
ménages enquêtés par commune
Commune
|
Taille du ménage
|
Ruashi
|
8,47
|
Kenya
|
7,53
|
Katuba
|
7,15
|
Annexe
|
6,98
|
Kampemba
|
6,61
|
Lubumbashi
|
6,60
|
Kamalondo
|
6,30
|
TOTAL OBERV
|
7,06
|
229
Commentaires :
Au regard de ce tableau, nous constatons que la commune de
Ruashi vient en tête avec une moyenne de 8,47 personnes par
ménage, suivie de la commune de Kenya avec une moyenne supérieure
à la moyenne totale de la ville, la commune Annexe se situe
légèrement en dessous de la moyenne totale, puis viennent les
communes de Lubumbashi et Kampemba qui tout en ayant la taille de ménage
estimée à près de la moitié de la moyenne totale,
dépassent toutefois la moyenne de la commune de Kamalondo.
Ainsi s'il faut vraiment retenir l'hypothèse selon
laquelle la taille du ménage induit sur le niveau de vie, nous pouvons
conclure que les ménages de notre échantillon de la commune de
Ruashi présentent un niveau de vie plus bas de toutes les autres
communes de Lubumbashi, suivi de ceux résidant les communes de Kenya et
Katuba.
Aussi pour nous permettre de bien appréhender la
pauvreté et les stratégies de survie des ménages dans la
ville de Lubumbashi, nous avons prévu dans notre protocole
d'enquête un certain nombre de variables clefs pouvant nous aider
à faire un état de lieux des conditions de vie des
ménages. Il s'agit notamment : du statut d'occupation de la maison, du
type de mur, de toiture, de pavement, de toilette, nombre de pièces dans
le logement, source d'énergie pour la cuisson et pour
l'éclairage, source d'approvisionnement en eau, le moyen de transport et
la scolarisation des enfants.
230
Tableau N° 12 : Niveau d'études des chefs des
ménages par commune
Niveau d'études Commune
|
Primaire
|
Secondaire
|
Universitaire
|
Total
|
%
|
Annexe
|
14
|
77
|
22
|
113
|
22,9
|
Kampemba
|
6
|
63
|
38
|
107
|
21,7
|
Katuba
|
8
|
51
|
32
|
91
|
18,5
|
Lubumbashi
|
3
|
39
|
44
|
86
|
17,4
|
Ruashi
|
11
|
30
|
14
|
55
|
11,2
|
Kenya
|
6
|
17
|
9
|
32
|
6,5
|
Kamalondo
|
0
|
5
|
4
|
9
|
1,8
|
Total observ.
|
48
|
282
|
163
|
493
|
100
|
%
|
9,74%
|
57,20%
|
33,06%
|
100
|
|
Source : Résultats de nos enquêtes 12 avril 2013 au
14 mai 2014
Commentaires : Au regard de ce tableau, il se
dégage qu'en tenant compte de la population enquêtée 57,20%
sont de niveau secondaire, 33,06% du niveau universitaire et 9,74% du niveau
primaire. La commune de Lubumbashi vient en tête quant à la
population ayant niveau universitaire suivi respectivement de la commune de
Kampemba, de Katuba, Annexe, Ruashi ; Kenya et Kamalondo. Pendant que la
Commune Annexe prend la tête des populations ayant un niveau secondaire
suivi de Kampemba et Katuba. Pour ce qui est de la population ayant un niveau
primaire on la retrouve majoritairement dans la commune Annexe.
Comparativement aux études antérieures, P. Petit
trouvait après son enquête fin septembre 2000, 7% de la population
de son échantillon était de niveau supérieur, contre 32%
du niveau secondaire, 28% du niveau primaire, 2% du niveau maternel, 23% sans
instruction et 8% non spécifié(1). Contrairement
à notre démarche, Pierre petit a tenu compte même des
enfants à partir de 6 ans, alors que pour notre part, il s'agit
uniquement des chefs des ménages. Presque en échos avec Pierre
Petit, César Nkuku a choisi cinq catégorie et trouve que les
Lushois ont un niveau secondaire dans
(1) PETIT, P. (Dir), op.
cit, p.103
231
35,65% de cas ; le niveau primaire représente 26,35%;
ceux qui n'ont aucune instruction sont encore nombreux, soit 10,70%, alors que
la proportion des diplômés du supérieur ou de
l'universitaire est faible 6,66%. La catégorie des post-universitaires
est extrêmement rare : on en compte 0,0045%.(1) Alors que chez
Kakoma, cité par Nkuku, ces statistiques sont 29% de primaire, 37,5% de
secondaire et 7,2% d'universitaire. Comme nous venions de le souligner, notre
enquête n'a pas cherché à déterminer le niveau
d'instruction de toutes les catégories de la population de Lubumbashi,
mais plutôt des chefs des ménages. Il est aussi possible que la
différence résulte de la définition des niveaux. Pour
nous, cela n'est pas entendu dans le sens de celui qui a terminé son
cycle et a eu nécessairement un diplôme.
4.4.2. Caractéristiques de l'habitat des
ménages
Tableau N° 13 : Statut d'occupation de la maison des
ménages enquêtés
Statut d'occupation de la maison
|
Nbre
|
Fréq
|
Propriétaire avec titre
|
162
|
32,9%
|
Propriétaire sans titre
|
25
|
5,1%
|
Locataire
|
262
|
53,1%
|
Logé par l'employeur
|
3
|
0,6%
|
Logé par les parents
|
38
|
7,7%
|
Logé par un ami
|
3
|
0,6%
|
Total observ.
|
493
|
100%
|
Source : Résultats de nos enquêtes 12 avril 2013 au
14 mai 2014
Commentaires :
Au regard de ce tableau 13, pour l'ensemble des ménages
de notre échantillon, la majorité est locataire et
représente 53,1%, les propriétaires avec titre ne
représentent que 32,9%, les propriétaires sans titre 5,1%. Ceux
qui sont logés par les parents ou un ami représentent
(1) NKUKU Khonde, C. et REMON, M., op.
cit, p.44
232
respectivement 7,7% et 0,6%. Cependant que ceux qui sont
logés par l'employeur ne sont qu'à 0,6%.
On aurait pu s'attendre à une proportion assez
significative de ménages logés par l'employeur dans la ville de
Lubumbashi qui d'ailleurs regorge de grandes entreprises dont la dimension
sociale était très accrue en prenant, par exemple, le cas de la
Gécamines, SNCC,... Mais à cause du fait que ces deux
sociétés ont vendu la majeure partie de leurs patrimoines
immobiliers aux agents, cette proportion traduit une réalité
connue et déjà analysée par d'autres avant nous (Nkuku,
Pierre Petit, Muland Mbal, etc.). Ce pourcentage s'explique aussi par le fait
que beaucoup d'agents, à cause de difficultés
socioéconomiques, préfèrent toucher les indemnités
de logement qui correspondent à la valeur locative de cette maison
qu'aurait loué l'employeur et aller louer à moindre prix. Ils en
obtiennent le bénéfice de la différence pour
résoudre d'autres problèmes du ménage.
L'augmentation sensible de locataires par rapport aux
propriétaires se justifie par un accroissement très rapide de la
population dû à un flux migratoire élevé
enregistré depuis le début d'agressions que connaît la
République Démocratique du Congo, plus précisément
à l'Est (Nord et Sud-Kivu), l'insécurité
perpétuelle dans le Nord du Katanga créée par la bande
à Gédéon, la détérioration de la situation
économique dans les deux provinces du Kasaï à cause de
l'arrêt des activités de la Miba (Minière de Bakwanga).
Donc la recherche d'un terrain d'asile et les nouveaux espoirs
créées par l'illusion d'un boom minier au Katanga et à
Lubumbashi ont rapidement fait augmenter la population (de 1.180.337 habitants
en 2001 à 1.650.849 habitants en 2011, soit un accroissement de
près de 40%) et justifient l'augmentation de la proportion des
locataires. Presque la même situation s'est vérifiée avec
l'enquête de l'INS dans les années 1980 où le nombre des
locataires l'emportait sur le nombre de propriétaires. Tout cela
à cause de deux guerres du Shaba en 1977 et 1979.
Lorsque l'on analyse la distribution du statut d'occupation
par commune (voir figure n°1), l'on remarque en cumulant les pourcentages
des
233
propriétaires avec et sans titre que la commune de
Ruashi a plus de propriétaires que des locataires, de même que la
commune Annexe. Par contre dans les communes de Kampemba, de Lubumbashi, Kenya
et Kamalondo les ménages avec statut de locataire sont plus ou presque
le double de propriétaires. Le choix des quartiers enquêtés
peut aussi justifier la proportion assez élevée de locataires
dans la commune de Kampemba où en dehors de deux quartiers Bel-Air 1 et
2 considérés jadis comme de quartiers avec un standing assez
élevé, les autres quartiers tels que Kigoma et Bongonga sont des
quartiers d'auto construction et donc non planifiés où les prix
très réduits des maisons attirent plus de locataires surtout ceux
ayant un niveau de vie assez bas. A l'inverse, dans les quartiers
périphériques lointains comme Luwowoshi, Kalebuka, Naviundu,
Congo, le coût de construction des maisons étant réduit
avec les mécanismes de fabrication artisanale des briques et
l'utilisation de la chaux ou autres, la proportion de propriétaires
augmente. C'est ainsi que la plupart des maisons de quartiers non
planifiés sont plus occupées par les propriétaires que par
des locataires.
Commune; x Statut d'occupation de la maison
69
0
24
Logé par l'employeur Logé par les parents
Logé par un ami
Lubumbashi
4
45
1
10
1
26
Kampemba
7
69
1 3
2
Kamalondo
8
9
20
Kenya
51
33
3 3 1 3
Katuba
26
2
19
Ruashi
8
42
9
Annexe
50
11
2
Propriétaire avec titre Propriétaire sans
titre Locataire
Figure N° 1 : Distribution du statut d'occupation
par commune à Lubumbashi
Source : Résultats de nos enquêtes
12 avril 2013 au 14 mai 2014
98
0
En bêton armé En bloc ciment en brique cuite En
brique
adobes
Lubumbashi Kampemba Kamalondo Kenya Katuba
Ruashi Annexe
0
20
14
5734
0
98
85
67
47
27
72
10
'Type de mur' x 'Commune;'
9 6 7 4 3 22
0 0 0 1
0
En planches En pisé (mortier En
matériaux
de fortune
Figure N° 2 : Distribution de type de murs des
maisons par commune Source : Résultats de nos enquêtes 12
avril 2013 au 14 mai 2014
234
Tableau N° 14 : Type de murs de maisons abritant les
ménages enquetés
Type de mur
|
Nbre cit
|
Fréq
|
En brique cuite
|
406
|
82,4%
|
En bloc ciment
|
53
|
10,8%
|
En brique adobes
|
31
|
6,3%
|
En matériaux de fortune
|
2
|
0,4%
|
En pise (mortier)
|
1
|
0,2%
|
En beton
|
0
|
0,0%
|
En planche
|
0
|
0,0%
|
Total oberv.
|
493
|
100%
|
Source : Résultats de nos
enquêtes 12 avril 2013 au 14 mai 2014 Commentaires :
Considérant le type de murs, 82,4% des ménages
de notre échantillon vivent dans des maisons construites en briques
cuites, 10,8% en blocs de ciment rappelant les constructions coloniales des
quartiers planifiés de la ville, 6,3% sont construites en briques
adobes, 0,4% en matériaux de fortune faits de mélange de l'argile
avec la chaux ou avec les déchets organiques issus de la distillation
d'alcool indigène communément appelé « lutuku ».
La solution est appelée le « bishakata ». La figure ci-dessous
illustre très bien la distribution de types des murs par commune.
235
Commentaires :
Les maisons couvertes de tuiles sont devenues très
rares dans la ville de Lubumbashi. Elles représentent dans les tableaux
11 et 12 ci-après, 5,1% et se retrouvent localisées
majoritairement dans les quartiers résidentiels et constituent un
héritage de la période coloniale. Les tôles
galvanisées couvrent 65,5% de toits des maisons des ménages de
notre échantillon, tandis que 28,8% des ménages ont des maisons
couvertes en tôles de récupération à cause du prix
élevé de tôles et du pouvoir d'achat de leurs occupants.
Ces maisons couvertes de tôles de récupération sont dans
toutes les communes, mais majoritairement dans les quartiers non
planifiés des communes : Ruashi, Annexe et Kampemba. Les maisons
couvertes de chaumes représentent 0,6% des ménages de notre
échantillon et se trouvent principalement dans la commune Annexe, plus
précisément dans les quartiers Luwowoshi et Kalebuka.
En effet, si les toitures en tôles de
récupération et en chaumes traduisent directement la
pauvreté de leurs occupants, nous ne pouvons pas cependant conclure que
la toiture en tuiles ou en tôles galvanisées témoignent de
la richesse ou du bon niveau de vie du ménage. Car parmi les tôles
galvanisées on trouve toute une diversité : des tôles
légères le BG 32 ou 34, des semi dures et des dures. Et dont les
prix varient, allant de moins de 10$ à plus de 20$. Cela peut aussi
signifier qu'une proportion assez significative des pauvres ont aussi des
maisons couvertes des tôles galvanisées ou même en
tuiles.
Tableau N° 15 : Type de toiture des maisons
abritant les ménages
enquêtés
Type de toiture
|
Nbre
|
Fréq
|
En tôles galvanisées
|
323
|
65,5%
|
En tôles de récupération
|
142
|
28,8%
|
En tuile
|
25
|
5,1%
|
En chaume
|
3
|
0,6%
|
Total observ
|
493
|
100%
|
Source : Résultats de nos enquêtes 12 avril 2013 au
14 mai 2014
Dans l'ensemble des ménages de notre échantillon
et au regard de ce tableau n° 16, 79,9% de pavement sont en ciment, 16,0%
en
236
Commentaires :
Dans l'ensemble des ménages de notre échantillon
et au regard de ce tableau n° 15, 65,5% ont la toiture en tôles
galvanisées, 28,8% sont couvert en tôles de
récupération, 5,1% en tuiles. Les maisons en chaume ne
représentent que 0,6% de notre échantillon.
85 Lubumbashi 106 Kampemba 10
Kamalondo 32 Kenya 91 Katuba 55 Ruashi
114 Annexe
En tuile
En tôles galvanisées En tôles de
récupération En chaumes
Commune; x Type de toiture
Figure N° 3 : Distribution de type de toiture par
commune Source : Résultats de nos enquêtes 12 avril 2013
au 14 mai 2014
Commentaires :
Outre la qualité des murs et de la toiture des maisons,
le recouvrement du sol d'une maison et le type de toilette utilisée sont
aussi révélateurs du niveau de vie d'un ménage. C'est
ainsi que nous présentons les tableaux Nos 16 et 17.
Tableau N° 16 : Type de pavement
des maisons abritant les ménages enquêtés
Type de pavement
|
Nbre cit
|
Fréq
|
En ciment
|
394
|
79,9%
|
En terre battue
|
79
|
16,0%
|
En carrelage
|
20
|
4,1%
|
En bois
|
0
|
0,0%
|
Total observ.
|
493
|
100%
|
Source : Résultats de nos enquêtes 12 avril 2013 au
14 mai 2014 Commentaires :
237
terre battue, 4,1% en carrelage. Les maisons avec un pavement
en bois ne représentent que 0,0% de notre échantillon.
Comme pour les tôles galvanisées, les maisons
avec un sol couvert de ciment présentent une très grande
diversité quant à la qualité du pavement, partant d'une
petite couche de ciment juste pour cacher le sol et éviter que la
poussière ne se lève à chaque coup de vent à une
bonne qualité respectant les normes de construction d'un pavement en
béton. Nous disons sans exagérer que la plupart des pavements des
maisons de ménages enquêtés ne figurent pas dans cette
deuxième catégorie et traduisent la précarité du
niveau de vie de leurs occupants. Le sol en terre battue est très
souvent une solution provisoire, dans l'attente de l'achat du ciment
nécessaire pour faire un pavement plus digne, en ciment ou en
carrelage.
Tableau N° 17 : Type de toilettes utilisées
par les ménages enquêtés
Type de toillettes
|
Nbre cit
|
Fréq
|
Commune à plusieurs ménages sans chasse eau
|
246
|
49,9%
|
Extérieure privée sans chasse eau
|
91
|
18,5%
|
Commune à plusieurs ménages avec chasse eau
|
76
|
15,4%
|
Extérieure privée avec chasse eau
|
50
|
10,1%
|
Intérieure privée avec chasse eau
|
30
|
6,1%
|
Pas de toilette
|
0
|
0,0%
|
TOTAL OBSERV.
|
493
|
100%
|
Source : Résultats de nos enquêtes 12 avril 2013 au
14 mai 2014
Commentaires :
Les types de toilettes utilisées se prêtent
également à une approche tenant à mesurer le niveau de vie
des ménages. Mais il convient d'emblée de signaler que nous ne
les avons pas classées en fonction des matériaux utilisés
mais suivant leur emplacement et selon les modalités figurant dans le
tableau 17 ci-dessus.
Parmi les 493 ménages de notre échantillon,
49,9% utilisent une toilette commune à plusieurs ménages et sans
chasse eau, 18,5% des ménages utilisent une toilette extérieure
privée sans chasse eau, 15,4% ont
238
des toilettes communes à plusieurs ménages avec
chasse eau ; 10,1% ont des toilettes extérieures privées avec
chasse eau, contre seulement 6,1% qui ont une toilette intérieure
privée avec chasse eau. Aucun ménage de notre échantillon
n'est sans toilette, ce qui témoigne une bonne évolution de la
politique d'hygiène.
Cependant lorsqu'on corrèle les données de ce
tableau avec celles des tableaux 18 et 19 reprenant les résultats de nos
enquêtes sur les nombres de pièces dans le logement et le nombre
de ménages dans la parcelle, il y a lieu d'hésiter sur les bonnes
conditions d'hygiène.
Tableau N° 18 : Nombre de pièces dans le
logement des ménages enquêtés
Nombre de pièces dans le logement
|
Nbre. Cit
|
Fréq
|
Une pièce
|
12
|
2,4%
|
Deux pièces
|
119
|
24,1%
|
Trois pièces
|
132
|
26,8%
|
Quatre pièces
|
103
|
20,9%
|
Plus de quatre
|
127
|
25,8%
|
TOTAL OBSERV.
|
493
|
100%
|
Source : Résultats de nos enquêtes 12 avril 2013 au
14 mai 2014
Commentaires :
S'agissant du nombre de pièces dans le logement et en
considérant les résultats de nos enquêtes, plus de 46,7%
des ménages disposent d'au moins quatre pièces (soit 20,9%) et
25,8% ont plus de quatre pièces, alors que 53,3% vivent dans plus ou
moins trois pièces, la salle de séjour ou salon y compris (26,8%
dans trois pièces, 24,1% dans deux pièces et 2,4% dans une
pièce). Donc avec une moyenne de 7 personnes par ménage, il y a
lieu de dire que ce résultat fait voir une situation de
promiscuité au sein des ménages enquêtés avec plus
de trois personnes dans une chambre à coucher.
239
Tableau N° 19 : Nombre de ménages dans la
parcelle
Nombre de ménage dans la parcelle
|
Nbre cit
|
Fréq
|
Un
|
67
|
13,6%
|
Deux
|
128
|
26,0%
|
Trois
|
153
|
31,0%
|
Quatre
|
70
|
14,2%
|
Cinq
|
45
|
9,1%
|
Plus de cinq
|
30
|
6,1%
|
Total observ.
|
493
|
100%
|
Source : Résultats de nos enquêtes du 12 avril 2013
au 14 mai 2014
Commentaires :
La parcelle est définie comme un morceau de terrain
délimité, de superficie variable et comprenant un ou plusieurs
logements. 86,4% des ménages de notre échantillon sont
logés plus d'un dans la parcelle : 26,0% des ménages sont
à deux dans la parcelle, 31,0% à trois dans la parcelle, 14,2%
à quatre dans la parcelle, 9,1% à cinq dans la parcelle, alors
que 6,1% sont à plus de cinq dans la parcelle. Seulement 13,6% des
ménages de notre échantillon vivent seuls dans la parcelle. La
moyenne de pièces par logement dans la ville de Lubumbashi est de 3,4 au
regard de données ci-dessus, soit 1643/493.
Comme nous venons de le stigmatiser, si 86,3% de
ménages vivent à plus d'un dans la parcelle et considérant
qu'il y a en moyenne 7 personnes par ménage, lesquelles utilisent
à une proportion de 68,4% une toilette commune à plusieurs avec
ou sans chasse eau, c'est que la situation hygiénique au sein des
ménages de la ville de Lubumbashi est encore loin d'être
meilleure. Car on peut même arriver à imaginer de longues files
d'attente le matin au niveau de toilette lorsque chacun doit se préparer
pour aller à l'école ou encore à son activité
socioprofessionnelle. Cela ne peut être toléré que
lorsqu'effectivement un niveau de vie est assez précaire, comme celui de
la majorité des ménages de Lubumbashi. Dans la parcelle le nombre
moyen de ménages est de 2,925 soit 3 ménages par parcelle.
240
Les énergies servent à l'éclairage mais
aussi à la cuisson des aliments. Notre enquête s'est
également penchée sur l'étude des modes d'éclairage
et de cuisson des aliments.
4.4.3. Accès aux services de bases à
Lubumbashi en 2013 Tableau N° 20 : Type d'énergie utilisé
pour l'éclairage 2013
Type d'énergie
|
Nbre cit
|
Fréq
|
Electricité et autres
|
323
|
65,5%
|
Pétrole, bougies et autres
|
93
|
18,9%
|
Groupe électrogène et autres
|
77
|
15,6%
|
Total observ.
|
493
|
100%
|
Source : Résultats de nos enquêtes du 12 avril 2013
au 14 mai 2014 Commentaires :
Ce tableau montre la prédominance relative de
l'électricité comme mode d'éclairage pour les logements de
ménages de la ville de Lubumbashi 65,5%. Cependant, ce mode
connaît de très sérieux problèmes à cause des
coupures régulières voire la rareté du courant
électrique. Ce qui oblige plus d'un ménage à ne plus
compter avec la fourniture d'électricité et à
prévoir chaque fois un autre moyen, énergie solaire,et autres.
15,6% de ménages utilisent un groupe électrogène pour
l'éclairage de leurs maisons, mais à cause de difficultés
financières, ces ménages arrivent de fois à
suppléer avec d'autres types d'énergie comme la bougie ou
torches. Malgré la recrudescence des incendies causés par l'usage
des bougies dans la ville. 18,9% utilisent la bougie, pétrole,
katori-tori (un filament trempé dans l'huile
de palme ou mazout placé dans un pot en verre ou en boîte de
conserve) comme source d'éclairage.
241
Tableau N° 21 : Type de source d'énergie
utilisée pour la cuisson
Type de source d'énergie pour la cuisson
|
Nbre. cit
|
Fréq
|
Charbon de bois
|
352
|
71,4%
|
Electricité
|
108
|
21,9%
|
Bois de chauffage
|
24
|
4,9%
|
Pétrole
|
9
|
1,8%
|
Gaz
|
0
|
0,0%
|
Sciures des bois
|
0
|
0,0%
|
Total observ.
|
493
|
100%
|
Source : Résultats de nos enquêtes du 12 avril 2013
au 14 mai 2014
Commentaires :
Au regard de ce tableau, on constate qu'à cause des
coupures intempestives du courant, même ceux qui utilisent
l'électricité pour la cuisson (21,9%) recourent aussi aux
charbons de bois. Alors que 71,4% des ménages de notre
échantillon utilisent du charbon de bois ; 4,9% des ménages
utilisent du bois de chauffage pour la cuisson et représentent les
ménages les plus pauvres de la ville de Lubumbashi. Les sciures de bois
et le gaz n'ont pas été constatés comme mode de cuisson au
cours de nos enquêtes, pendant que 1,8% ont signalé qu'ils
utilisaient le pétrole comme sources d'énergie pour la
cuisson.
La forte utilisation du charbon de bois explique le
déboisement considérable de la périphérie de la
ville jusqu'à un rayon qui va au-delà de 40 kilomètres
mais aussi fait augmenter considérablement le budget des
ménages.
Dans la ville de Lubumbashi comme toutes les villes de la
République Démocratique du Congo, l'eau est fournie par la
régie de distribution d'eau (REGIDESO). Les conditions d'abonnement et
le prix ne permettent pas à tous les ménages d'y accéder.
C'est ainsi que nous avons prévu dans notre protocole d'enquête
une question pour connaître les sources d'approvisionnement en eau de
consommation pour les ménages.
242
Tableau N° 22 : Source d'approvisionnement en
eau
Source d'approvisionnement en eau
|
Nbre. Cit
|
Fréq.
|
Robinet
|
301
|
61,1%
|
Puits protégé
|
122
|
24,7%
|
Borne fontaine
|
31
|
6,3%
|
Puits non protégé
|
24
|
4,9%
|
Forage
|
8
|
1,6%
|
Source aménagée
|
4
|
0,8%
|
Cours d'eau / Rivière
|
3
|
0,6%
|
Total observ.
|
493
|
100%
|
Source : Résultats de nos enquêtes du 12 avril 2013
au 14 mai 2014
Commentaires :
A cause de la vétusté des équipements et
des coupures intempestives du courant électrique, la régie de
distribution d'eau connaît de sérieux problèmes et des fois
soumet aussi ses abonnés à des interruptions
régulières de fourniture en eau et baissant sa cote auprès
des ménages. Malgré cela, 61,1% des ménages de notre
échantillon ont pour source d'approvisionnement en eau les robinets de
la Regideso. 29,6% consomment l'eau des puits dont 24,7% des puits
protégés et 4,9% des puits non protégés. 0,6% des
ménages utilisent les cours d'eau et les rivières ; 0,8% les
sources aménagées.
Signalons aussi que le nombre important de sous-abonnés
et la nécessité d'assurer la bonne santé des membres du
ménage obligent à combiner la consommation de l'eau de robinet,
en participant au paiement de la facture chez le voisin, et l'eau des puits ou
des rivières que certains réservent uniquement pour les travaux
domestiques. Les bornes fontaines qui autrefois servaient les ménages
pauvres et les quartiers périphériques à avoir l'eau
potable et éviter ainsi les maladies d'origine hydrique sont devenues
rares, 6,3% des ménages seulement ont reconnu s'approvisionner aux
bornes fontaines. Enfin, même si l'on rencontre maintenant plusieurs
entreprises s'occupant de forage des eaux, cette source reste encore l'apanage
de la
243
catégorie de gens riches, car le prix n'est pas encore
accessible au bas peuple. D'où 1,6% seulement des ménages de
notre échantillon sont approvisionnés en eau de forage.
Bien que la proportion des ménages servie par l'eau de
robinet semble être presque la même que celle trouvée par
Asumani en 1985 77%)(1), Nkuku en 2006 (75,5%)(2) nous ne
pensons pas que la situation soit restée la même, car la
dégradation continue de la situation socioéconomique des
ménages et la possibilité des réponses cumulées ne
nous ont pas permis de bien dégager ceux qui sont exclusivement servis
par l'eau de la Regideso.
Tableau N° 23 : Moyen de transport utilisé
par le chef de ménage pour aller au lieu de sa principale
activité
Moyen de transport
|
Nbre. cit.
|
Freq.
|
Taxi-bus
|
302
|
61,2%
|
A pied
|
94
|
19,1%
|
Taxi
|
42
|
8,5%
|
Véhicule personnel
|
33
|
6,7%
|
Bus de service
|
20
|
4,1%
|
Moto personnelle
|
2
|
0,4%
|
Total Obsev.
|
493
|
100%
|
Source : Résultats de nos enquêtes du 12 avril 2013
au 14 mai 2014 Commentaires :
Le moyen de transport utilisé par les ménages de
Lubumbashi représente un autre indicateur retenu dans notre protocole et
qui nous permet aussi d'avoir une idée sur le niveau de vie des
ménages. Au regard de ce tableau N°23, 61,2% des ménages de
notre échantillon utilisent pour leurs déplacements vers le lieu
de leur principale activité les taxis-bus. Ce moyen de transport en
commun le moins cher est à la portée de toutes les bourses. Le
prix de la course étant fixé en moyenne à 200Fc, soit 0,22
dollar américain. 8,5% utilisent les taxis pour un prix variant entre
500 à 1000F pour une course normale soit 0,6 à 1,1 dollar
américain ; 6,7% utilisent pour leur déplacement
(1) ASSUMANI salimini, Espace urbain,
environnement et santé à Lubumbashi, Essai de géographie
médicale, mémoire de licence en géographie,
Unilu, 1985, cité par César NKUKU Khonde C. et Remon M.,
op.cit. p. 103
(2) NKUKU Khonde C. et Remon M.,
op.cit., p.102
244
un véhicule personnel ; 4,1% le bus de service et 0,4%
de ménages utilisent la moto. Contre 19,1% qui se déplacent
encore à pieds.
Nous pouvons donc conclure que plus de 80% des ménages
utilisent encore dans la ville de Lubumbashi soit le taxis-bus soit les pieds
ou utilisent concomitamment les deux pour leur déplacement. Ce qui
traduit quand même un niveau de pauvreté de ménages.
Ceux qui prennent les taxi-bus sont obligés de
parcourir une bonne distance à pied pour atteindre un arrêt bus ou
de taxi, au point qu'il est même assez ardu de savoir distinguer celui
qui fait la marche à pied de celui qui prend le taxi-bus ou taxi. Car
même celui qui aurait réellement fait la marche à pied peut
facilement par honte déclarer qu'il a pris un taxi bus dans le cas
où il est rencontré à côté de chez lui.
Tableau N° 24 : Nombre de repas par
jour
Nombre de repas
|
Nbre de cit
|
Fréq
|
Un seul
|
118
|
23,9%
|
Deux
|
248
|
50,3%
|
Trois
|
73
|
14,8
|
Difficile à déterminer
|
54
|
11,0
|
Nbre d'observ.
|
493
|
100%
|
Source : Résultats de nos enquêtes du 12 avril 2013
au 14 mai 2014
Commentaires :
Sur les 493 ménages enquêtés 50,3%
reconnaissent prendre deux fois le repas, 23,9% ne prennent qu'une fois leur
repas, 14,8% eux soutiennent qu'ils prennent trois fois leur repas, pendant que
11,0% disent qu'il est difficile de déterminer le nombre de repas
tellement que celui-ci relève encore du domaine de l'incertitude.
En fait, même si au regard de ce tableau on peut voir
que la situation des ménages semble être bonne parce que plus de
la moitié des ménages mangent au moins deux fois par jour, car la
moyenne de nombre de repas est de 2,13. Il faut cependant noter que la
qualité et la consistance de repas n'a pas été
analysée. Beaucoup de ceux-là qui ont dit avoir mangé deux
fois par jour se contentent de prendre un peu de bouillie de farine de
245
maïs ou un peu du riz comme repas du matin. D'autres
encore, considérés comme les moins pauvres s'occupent d'offrir
aux enfants une tasse du thé rouge avec un petit pain sec, si pas un
beignet, sans autre accompagnement ou revêtement comme on le voit dans
des ménages occidentaux. Ce thé ou cette bouillie est pris soit
le matin soit à midi en attendant l'unique repas consistant du soir,
s'il y en a. Car souvent, il faut attendre le retour de papa ou de la maman
pour savoir si l'on va manger et quoi.
Tableau N° 25 : Les ménages scolarisant
leurs enfants
Ménages scolarisant leurs enfants
|
Nb. Cit
|
Fréq
|
Oui
|
366
|
74,2%
|
Non
|
127
|
25,8%
|
Total observ.
|
493
|
100%
|
Source : Résultats de nos enquêtes du 12 avril 2013
au 14 mai 201 Commentaires :
366 ménages sur les 493 ménages
enquêtés nous ont déclaré avoir des enfants qui sont
scolarisés soit 74,2%, pendant que 127 ménages soit 25,8% sont
soit sans enfants soit ayant des enfants mais qu'ils n'ont pas la
possibilité de scolariser.
Le nombre des enfants scolarisés par ménages
nous permet de comprendre la charge du ménage mais aussi d'envisager les
dépenses de scolarisation des enfants sur le revenu des ménages
de Lubumbashi.
Tableau N° 26 : Nombre d'enfants
scolarisés par ménage à Lubumbashi
Nombre d'enfants scolarisés
|
Nbre. Cit
|
Fréq.
|
Non (0 enfant scolarisé)
|
127
|
25,8%
|
De 1 à 2 enfants scolarisés
|
87
|
17,6%
|
De 2 à 3 enfants scolarisés
|
93
|
18,9%
|
De 3 à 5 enfants scolarisés
|
119
|
24,1%
|
De 5 à 6 enfants scolarisés
|
33
|
6,7%
|
De 6 à 8 enfants scolarisés
|
25
|
5,1%
|
De 8 à 9 enfants scolarisés
|
5
|
1,0%
|
De 9 à 11 enfants scolarisés
|
4
|
0,8%
|
Total Observ.
|
493
|
100%
|
Minimum = 1 Maximum= 11 Somme= 1278 Moyenne = 2,59 Ecart-type=
2,18 Source : Résultats de nos enquêtes du 12 avril 2013 au 14 mai
2014
246
Commentaires :
37,7% des ménages enquêtés ont entre trois
à onze enfants scolarisés, 18,9% ont entre deux à trois
enfants, pendant que 17,6% ont entre un à deux enfants
scolarisés. La moyenne est de 2,59, alors que le maximum est de 11
enfants scolarisés. Par contre 25,8% n'ont pas d'enfants
scolarisés à cause de difficultés financières ou
tout simplement n'ont pas d'enfants. Ces chiffres consolident la
problématique de la taille de ménage à Lubumbashi mais
aussi celle de dépenses ordinaires des ménages étant
entendu que la scolarisation des enfants a un coût.
4.4.4. Dépense et revenus des des
ménages
4.4.4.1. Dépenses ordinaires et extraordinaires
des ménages Les dépenses ordinaires sont celles
consacrées à la satisfaction des besoins primaires tels que :
l'alimentation, le logement, l'instruction, l'habillement, la consommation
d'eau et d'électricité. Nous allons donc, dans cette section,
analyser les dépenses relatives à ces six variables,
malgré le fait qu'on a oublié les dépenses relatives aux
soins de santé qui sont aussi les dépenses ordinaires. Nous
estimons toutefois que cet oubli n'altérera pas nos conclusions.
Tableau N° 27 : Dépense journalière
en francs congolais pour
l'alimentation du ménage à
Lubumbashi
Dépense journalière pour l'alimentation du
ménage
|
Nbre. cit
|
Fréq.
|
De 1000 de 2000
|
1
|
0,2%
|
De 2000 à 3000
|
29
|
5,9%
|
De 3000 à 4000
|
77
|
15,6%
|
De 4000 à 5000
|
92
|
18,7%
|
De 5000 à 6000
|
87
|
17,6%
|
De 6000 à 7000
|
97
|
19,7%
|
De 7000 et 10.000
|
110
|
22,3%
|
Total Observ.
|
493
|
100%
|
Minimum=1000 Maximum= 10000 Moyenne= 5682,56 Ecart-type= 1882,76
Somme= 2801500
Source : Résultats de nos enquêtes du 12 avril 2013
au 14 mai 2014
247
Commentaires :
Tenant compte du fait qu'avec la dégradation de la
situation socioéconomique à la suite de plusieurs crises
déjà évoquées dans cette thèse, les
ménages de Lubumbashi n'ont pas l'habitude ou mieux n'ont pas la
possibilité de budgétiser leurs dépenses surtout celles
relatives à la consommation alimentaire. Nous nous sommes
contenté de saisir cette dépense par jour.
Au regard du tableau ci-dessus, nous constatons qu'un
ménage dépense au minimum 1.000FC par jour et maximum 10.000FC.
Ainsi 30,0% des ménages enquêtés dépensent entre
7.000Fc et 10.000Fc; 18,1% des ménages dépensent entre 6.000 et
7.000Fc ; 21,7% dépensent entre 5.000 et 6.000Fc, 16,6% dépensent
entre 4.000 et 5.000Fc, 10,5% dépensent entre 3.000 et 4.000Fc et 3%
seulement des ménages dépensent entre 1.000 et 3.000FC pour leur
alimentation journalière. La moyenne de dépenses d'alimentation
des ménages est de 5.682,56Fc. Donc 804,89Fc par personne étant
donné que la taille moyenne de ménage est de 7,06 personnes, soit
0,89 dollar américain par personne donc en dessous du seuil de la
pauvreté fixé à 1 ou 2 dollars.
Tableau N° 28 : Coût en
francs congolais de scolarisation des enfants en
charge des ménages enquêtés par mois
à Lubumbashi en 2013-2014
Coût de scolarisation des enfants
|
Nbre. Cit
|
Fréq
|
0 (N'ont pas d'enfants scolarisés)
|
127
|
25,8%
|
De 5000 à 90000
|
176
|
35,7%
|
De 90000 à 180000
|
89
|
18,1%
|
De 180000 à 270000
|
55
|
11,2%
|
De 270000 à 360000
|
22
|
4,5%
|
De 360000 à 450000
|
14
|
2,8%
|
De 450000 à 540000
|
7
|
1,4%
|
De 540000 et 598000
|
3
|
0,6%
|
Total Observ.
|
493
|
100%
|
Minimum =5000 Maximum=598000 Somme=50522000
Moyenne=102478,70 Ecart-type=117373,46
Source : Résultats de nos enquêtes du 12 avril 2013
au 14 mai 2014
248
Commentaires :
En rapport au coût de scolarisation par mois des enfants
les résultats du tableau ci-dessus renseignent que 35,7%
dépensent entre 5.000F et 90.000F pour la scolarisation de leurs enfants
; 18,1% dépensent entre 90.000 à 180.000F par mois ; 11,2%
dépensent entre 180.000 à 270.000F par mois, alors que ceux qui
ont déclaré dépenser entre 270.000 et 598.000F
représentent 9,3%.
Comparant les résultats de ce tableau à ceux du
tableau n°26 où nous avons trouvé le maximum d'enfants
scolarisés à 11 et la moyenne à 2,59. Soit 3 enfants
scolarisés par ménage. Ce qui nous conduit à dire que les
ménages de Lubumbashi sont confrontés à une dépense
ordinaire d'au moins 102.478,700F par mois pour la scolarisation.
Tableau N° 29 : Dépense de
consommation en eau à Lubumbashi en 2013 -2014
Dépense de consommation en mensuelle
eau
|
Nb. Cit.
|
Fréq.
|
Rien ( 0 F)
|
153
|
31,0%
|
De 1000 à 9000F
|
256
|
51,9%
|
De 9000 à 18000F
|
56
|
11,4%
|
De 18000 à 27000F
|
18
|
3,7%
|
De 27000 à 36000F
|
6
|
1,2
|
De 36000à 45000F
|
3
|
0,6%
|
De 45000F à 54000F
|
1
|
0,2%
|
Total Obsev.
|
493
|
100%
|
Minimum= 1000 Maximum= 54000 Somme= 2801000
Moyenne= 5681,54 Ecart type= 6849,44
Source : Résultats de nos enquêtes du 12 avril 2013
au 14 mai 2014
Commentaires :
En ce qui concerne la consommation en eau de la REGIDESO
ce tableau nous montre que 51,9% dépensent entre 1.000 et
9.000F, soit 10$ ; 11,4% dépensent entre 9.000 à 18.000F soit 10
à 20$ ; 3,7% dépensent
249
entre 18.000 à 27.000F, soit 20 à 30$us, 1,2%
dépensent entre 27.000 et 36.000F (30 à 40$), et 0,8% seulement
ont déclaré dépenser entre 36.000F et 54.000F, soit entre
40 à 60$us.
Le pourcentage de 51,9% qui dépensent entre 1.000
à 9.000F confirme le fait de sous-abonnés que nous avons
déjà évoqué et qui n'ayant pas la
possibilité de s'abonner au réseau de distribution de la REGIDESO
puisent de l'eau dans les parcelles voisines en contribuant au paiement de la
facture ou en payant directement un montant variant entre 50 à 100F par
bidon de 20 litres
Tableau N° 30 : Dépense vestimentaire en
francs congolais à Lubumbashi en 2013 -2014
Dépenses vestimentaires
|
Nb. Cit.
|
Fréq.
|
De 10.000 à 100.000
|
347
|
70,4%
|
De 100.000 à 200.000
|
96
|
19,5%
|
De 200.000 à 300.000
|
32
|
6,5%
|
De 300.000 à 400.000
|
8
|
1,6%
|
De 400.000 à 500.000
|
8
|
1,6%
|
De 500.000 à 600.000
|
1
|
0,2%
|
De 600.000 à 675.000
|
1
|
0,2%
|
Total observ.
|
493
|
100%
|
Minimum =10000F Maximum= 675000 Moyenne= 99538,54F Somme=
49072500 F Ecart-type= 85855,39 F
Source : Résultats de nos enquêtes du 12 avril 2013
au 14 mai 2014
Commentaires :
En vue de bien saisir cette dépense occasionnelle, nous
l'avons estimé par an et pour l'ensemble du ménage.
En rapport aux dépenses vestimentaires 70,4%
dépensent entre 10000 et 100.000F, soit entre 11 à 110$ ; 19,5%
dépensent entre 100.000 à 200.000F soit 110 à 120$ ; 6,5%
dépensent entre 200.000 à 300.000F, soit 210 à 330$us,
1,6% dépensent entre 300.000 et 400.000F, soit 330 à 440% ; 1,6%
dépensent 400.000 à 500.000F, alors que ceux qui ont
déclaré dépenser entre
250
500.000F et 675.000F, soit entre 550$ et 750$us
représentent seulement 0,4%.
Ces résultats confirment le fait que les ménages
de Lubumbashi harcelés par les conditions socioéconomiques
très difficiles se préoccupent moins de l'habillement et
considèrent cette dépense comme secondaire.
Tableau N° 31 : Coût de loyer mensuel
à Lubumbashi en francs congolais
Coût de loyer
|
Nb. Cit.
|
Fréq.
|
De 5.000 à 70.000
|
370
|
75,1%
|
De 70.000 à 140.000
|
86
|
17,4%
|
De 140.000 à 210.000
|
26
|
5,3%
|
De 210.000 à 280.000
|
8
|
1,6%
|
De 280.000 à 350.000
|
0
|
0,0%
|
De 350.000 à 420.000
|
2
|
0,4%
|
De 420.000 à 460.000
|
1
|
0,2%
|
Total Observ.
|
493
|
100,0%
|
Minimum =5000F Maximum= 460000 Moyenne= 62119,69 Somme= 30625000
Ecart-type= 51989,77
Source : Résultats de nos enquêtes du 12 avril 2013
au 14 mai 2014
90235,29
Lubumbashi Kampemba Kamalondo Kenya Katuba Ruashi Annexe
TOTAL
40463,16
Figure N° 4 : Distribution de coût moyen de
loyer par commune Source : Résultats de nos enquêtes du
12 avril 2013 au 14 mai 2014
251
Commentaires :
En prenant en compte seulement les dépenses
liées au loyer par les ménages de notre échantillon, nous
constatons que les maisons dans la commune la plus chère que dans
d'autres communes avoisine 90.235,29FC en moyenne, Kamalondo 75.850,00Fc,
Kampemba 68.782,08Fc. Les quatre autres communes sont mêmes en dessous du
coût moyen de loyer calculé à 58.457,20Fc. Ainsi on trouve
Kenya 53.856,25Fc ; Katuba 47.593,41Fc ; Ruashi 44.232,73Fc et enfin Annexe
40.463,16Fc.
Cette répartition suit aussi l'importance des quartiers
allant des quartiers planifiés vers les quartiers non planifiés.
C'est ainsi que la commune de Lubumbashi qui présente le profil de
quartier plus aisé et plus planifié et considérée
comme le centre-ville vient en tête, suivie de Kamalondo, la plus
ancienne cité créée après celle de « Blancs
» et puis Kampemba en venant en troisième position confirme son
statut du quartier résidentiel des Blancs. Ce qui justifie le fait que
dans le temps, l'occupation de ces communes devrait être
conditionnée par un standing de vie considérable.
Tableau N° 32 : Dépenses de consommation
d'énergie électrique en francs congolais par mois à
Lubumbashi en 2013-2014
Dépenses de consommation d'énergie
électrique en FC
|
Nb. Cit
|
Fréq
|
O F (Rien du tout)
|
170
|
34,5%
|
De 1.000 à 9.000F
|
271
|
55,0%
|
De 9.000 à 18.000F
|
45
|
9,1%
|
De 18.000 à 27.000F
|
3
|
0,6%
|
De 27.000 à 36.000F
|
2
|
0,4%
|
De 36.000 à 45.000 F
|
1
|
0,2%
|
De 45.000F à 54.000F
|
1
|
0,2%
|
Total Observ.
|
493
|
100%
|
Minimum = 1000 Somme=2183000 Maximum = 54000
Moyenne= 4427,99 Ecart-type=5116,04
Source : Résultats de nos enquêtes du 12 avril 2013
au 14 mai 2014
Commentaires :
En ce qui concerne les dépenses de consommation en
énergie
électrique 55% sont entre 1000 à 9000F par mois
soit entre 1,1$ à 10$ US,
252
9,1% dépensent entre 9000 et 18000F par mois, ceux qui
dépensent entre 18000 et 27000F par mois représente 0,6%, enfin
ceux qui dépensent entre 27000F et 54000F sont à 0,8%
En effet, outre le fait que ces six tableaux ( 27, 28, 29, 30,
31 et 32) nous permettent de lire les fréquences de dépenses
suivant les amplitudes retenues, mais leurs analyses minutieuses nous
permettent, comme promis, d'avoir une idée générale sur le
volume de dépenses d'un ménage moyen à Lubumbashi. Nous
allons donc sur base de ces six tableaux couvrant les dépenses
ordinaires constituer le tableau ci-dessous :
Tableau N° 33 : Tableau synthétique de
dépenses ordinaires mensuelles des ménages en francs congolais
à Lubumbashi en 2013-2014
Rubriques
|
Minimum en FC
|
Moyenne en Fc
|
Maximum en Fc
|
Alimentation
|
30.000,00
|
183.316,50
|
300.000,00
|
Instruction (scolarisation)
|
5.000,00
|
102.478,70
|
598.000,00
|
Habillement
|
10.000,00
|
99.538,54
|
675.000,00
|
Logement (loyer)
|
5.000,00
|
62.119,68
|
460.000,00
|
Eau
|
1.000,00
|
5.681,54
|
54.000,00
|
Electricité
|
1.000,00
|
4.427,99
|
54.000,00
|
Total
|
52.000,00
|
457.562,95
|
2.141.000,00
|
Soit en dollar
|
57,78
|
508,40
|
2378,89
|
N.B Les dépenses journalières pour l'alimentation
ont été multipliées par 30 pour avoir la dépense
mensuelle étant donné que les autres tableaux présentaient
les depenses mensuelles.
Source : Résultats de nos enquêtes du 12 avril 2013
au 14 mai 2014
Commentaires :
Au regard de ce dernier tableau synthétique de
dépenses ordinaires des ménages à Lubumbashi et
considérant le fait que beaucoup de Lushois n'ont même pas un
salaire et surtout du fait que la majorité des travailleurs et agents de
l'état, pour ne prendre que l'exemple du barème de l'enseignement
supérieur et universitaire en octobre 2010 et a été
vigueur jusqu'à 2011, un agent de bureau de première classe a un
salaire de base fixé à 48.692FC et une prime institutionnelle de
74.897,00FC soit au total
Dans leur étude sur le budget ménager de
Lubumbashi, Houyoux et Lecoanet avaient énuméré les
sources suivantes de revenu: le
253
123.589,00FC. Cependant qu'un directeur chef de service lui
touche 60.323Fc plus une prime institutionnelle fixée à 187.912FC
donc au total 248.235,00FC. Si le grade de l'agent de bureau de première
classe est celui d'un diplômé d'Etat ou équivalent, le
directeur chef de service est le dernier grade dans l'administration
universitaire. Donc il n'est pas n'importe qui et on n'en trouve pas plus de
cinquante dans la ville de Lubumbashi, en 2014, même en
considérant les institutions universitaires officielles de la ville de
Lubumbashi. Du côté du personnel enseignant, un assistant du
premier mandat touche, salaire de base et prime institutionnelle mis ensemble
200.153,80Fc, Un chef de travaux lui 375.105,90Fc alors que celui qui est au
sommet, le professeur ordinaire est obligé de se contenter d'une modique
somme de 1.101.529,50Fc par mois. Il faut préciser que le salaire de
base du professeur ordinaire est de 60.323Fc seulement et une prime
institutionnelle de 1.041.206,50Fc. Pour de plus amples détails lire le
barème susmentionné en annexe.
Si les agents de l'Enseignement Supérieur et
Universitaire (ESU) ont une prime institutionnelle, il n'est pas de même
de tous les fonctionnaires et enseignants de l'enseignement primaire et
secondaire. Le sort est vraiment déplorable. Or nous savons que parmi
ceux qui comptent encore sur leur salaire pour la survie de leurs
ménages figurent en grande partie ces fonctionnaires et agents de l'Etat
qui représentent plus de la moitié de la population travailleuse
de la ville de Lubumbashi.
Tout ceci nous permet de constater l'insuffisance du revenu
principal des ménages de Lubumbashi et de comprendre leur recours
à une économie de la débrouille. Cette dernière
comprend tout un univers des moyens informels qui viennent à la
rescousse de l'économie formelle pour suppléer au manque à
gagner et permettre aux ménages de survivre.
4.4.4.2. Revenus ordinaires et extraordinaires du chef de
ménage
254
salaire, l'entreprise traditionnelle, la
propriété, l'autoconsommation, le transfert d'argent, les cadeaux
et les dons. Aujourd'hui cette classification paraît
dépassée, dans la mesure où ils semblent mettre ensemble
la source principale avec les occasionnelles comme les dons, les cadeaux et le
transfert d'argent. Nous référant donc à cette
étude et à bien d'autres qui se sont intéressées au
revenu des ménages, nous avons proposé la nomenclature
présentée dans le tableau ci-dessous :
Tableau N° 34 : Les sources principales de
revenus des chefs des ménages à Lubumbashi en
2013-2014
Sources principales de revenus de CM
|
Nb. Cit.
|
Fréq
|
Salaire
|
247
|
50,1%
|
Débrouille
|
126
|
25,6%
|
Commerce
|
102
|
20,7%
|
Agriculture
|
18
|
3,7%
|
Total Observ.
|
493
|
100%
|
Source : Résultats de nos enquêtes du 12 avril 2013
au 14 mai 2014
Commentaires :
Malgré l'effondrement de l'économie congolaise
et du marché d'emploi à Lubumbashi, le salaire comme on peut bien
le lire dans ce tableau occupe encore la tête de la liste des principales
sources de revenus de ménages avec 50,1% des ménages de notre
échantillon. La débrouille vient en deuxième position avec
25,6%, le commerce occupe la troisième position avec 20,7% suivi de
l'agriculture 3,7%.
Cependant, il reste à savoir si celui-ci est
régulier et satisfait aux besoins du ménage.
Également même ceux qui déclarent vivre du
commerce, nombreux sont ceux qui ne peuvent pas être appelés
commerçants car n'ayant pas des documents administratifs. Toutefois le
petit commerce est la source principale des revenus des ménages et
constitue l'une des activités importantes de survie à Lubumbashi.
Les études antérieures dont celles de César Nkuku et de
Pierre Petit attribuent le développement des activités
255
commerciales notamment dans les communes de Kenya et Kamalondo
à cause des grands marchés. Nous n'avons trouvé opportun
de désagréger ici les résultats de nos enquêtes bien
que le test de Khi2 sur la distribution des sources principales de revenu par
commune ait révélé une dépendance très
significative avec un Khi2 = 58,48, ddl = 24, 1-p = 99,99% et attestent le
développement de ces activités dans les communes de Lubumbashi et
de Kenya.
Nous pensons que la configuration actuelle de la ville
favorise le développement des activités commerciales dans tous
les quartiers de la ville de Lubumbashi, qu'il s'agisse de petit commerce en
détail tout comme de commerce de gros. On retrouve des
supers-marchés, les maisons de commerce de gros comme de détails,
les petites boutiques d'alimentation ou d'habillement partout. Donc plus
question maintenant d'effectuer des grandes distances pour s'approvisionner.
Tableau N° 35 : Régularité du
salaire à Lubumbashi en 2013
Salaire régulier
|
Nb.cit.
|
Fréq.
|
Je n'en ai pas
|
246
|
49,9%
|
Oui
|
162
|
32,9%
|
Non
|
85
|
17,2%
|
Total observ.
|
493
|
100,0%
|
Source : Résultats de nos enquêtes du 12 avril 2013
au 14 mai 2014
Commentaires :
Parmi les ménages enquêtés qui avaient
déclaré le salaire comme leur principale source de revenu, 32,9%
reconnaissent toucher régulièrement leur salaire. Alors que 17,2%
d'entre eux ont aussi déclaré qu'ils ne reçoivent pas
régulièrement leur salaire. Cette situation ne peut guère
être surprenante lorsqu'on a suivi nos analyses dans cette thèse
sur ce qui a conduit à une économie de la débrouille. A
côté de cette catégorie des salariés il y a 49,9%
des ménages enquêtés qui n'ont pas un salaire. Celle-ci
représente ceux qui vivent de leurs activités commerciales ou de
la débrouille.
256
L'examen du tableau ci-dessous permet aussi d'expliquer la
distribution de principale source de revenu par commune à Lubumbashi:
Tableau N° 36 : Distribution de la principale source
de revenu par commune à Lubumbashi en 2013
Principale
source de revenu
Commune
|
Salaire
|
Commerce
|
Débrouille
|
Agriculture
|
Total
|
Annexe
|
47
|
27
|
31
|
9
|
114
|
Kampemba
|
57
|
22
|
27
|
0
|
106
|
Katuba
|
51
|
21
|
17
|
2
|
91
|
Lubumbashi
|
51
|
10
|
24
|
0
|
85
|
Ruashi
|
28
|
8
|
13
|
6
|
55
|
Kenya
|
9
|
13
|
9
|
1
|
32
|
Kamalondo
|
4
|
1
|
5
|
0
|
10
|
Total observ.
|
247
|
102
|
126
|
18
|
493
|
Source : Résultats de nos enquêtes du 12 avril 2013
au 14 mai 2014
La dépendance est très significative. Khi2 =
58,48, ddl = 24, 1-p = 99,99%.
Les cases encadrées en bleu (rose) sont celles pour
lesquelles l'effectif réel est nettement supérieur
(inférieur) à l'effectif théorique.
Commentaires :
Le tableau montre également le développement des
activités agricoles dans les ménages des communes de Kenya,
Katuba, Ruashi et Annexe. L'agriculture comme principale source de revenu n'est
pas seulement la conséquence de la crise actuelle, mais elle est
toujours une passion pour certaines personnes qui l'ont choisie comme leur
activité principale. Les salariés sont concentrés en
majorité dans les communes de Kampemba, Lubumbashi, Katuba, Annexe et
Ruashi.
257
La précarité d'emploi oblige un certain nombre
de Lushois aujourd'hui à recourir à plusieurs activités
difficiles à lister et qui constituent ce que nous avons ici
considéré comme activités de la débrouille. Elles
croisent tantôt le petit commerce, tantôt les petits
métiers. C'est comme par exemple les cambistes, les vendeurs
occasionnels des boissons dans les arrêts de bus, les convoyeurs, les
chargeurs de bus et des camions, etc. Ils n'ont pas un contrat de travail et
même pour la plupart, ils travaillent pour eux-mêmes et n'ont pas
une activité fixe.
4.4.4.2.1. Les revenus extraordinaires
Les revenus extraordinaires sont ceux
générés régulièrement ou occasionnellement
par toutes sortes d'activités du chef de ménage en dehors de son
revenu principal, par sa conjointe, ses enfants ou les membres
extérieurs au noyau familial, mais également l'aide fournie par
les membres de la famille. Dans le contexte économique que connaît
Lubumbashi actuellement, la mise en contribution des apports des
différentes catégories d'actifs travaillant pour le ménage
permet de survivre et de soulager tant soit peu les effets de la crise.
En Afrique, les ménages sont toujours composés
de plusieurs membres, conformément aux réalités claniques
et sociales de la société. Notre enquête a
révélé la présence dans les ménages de
Lubumbashi de sept types de membres environ. Il s'agit :
? du chef de ménage, généralement un
homme (on trouve aussi des femmes dans le cas des veuves, divorcées et
de femmes seules ou célibataires),
? de son conjoint (une femme normalement quel que soit son
statut socioprofessionnel)
? des enfants de deux premiers (engendrés dans et hors
mariage, conformément à l'article ... du code de la famille)
? des frères et soeurs (y compris des cousins, neveux et
nièces)
? des petits-fils et petites-filles du chef de ménage
258
? des parents du chef de ménage ou de son conjoint,
? des autres personnes ne faisant pas partie de la famille
biologique du chef de ménage ou de son conjoint, mais qui
résident dans le ménage. Pour raisons de concision, nous allons
regrouper les quatre dernières catégories vivant dans le
ménage sous la rubrique autres membres extérieurs. Ainsi les
apports des frères et soeurs, petits-fils et petites-filles, des parents
du chef de ménage seront examinés dans la section 5.4.1.5 sous le
sous-titre l'apport des membres extérieurs au noyau familial. Cependant
que s'ils vivent en dehors du ménage, leur apport a été
nommé aide familiale, voir le point 5.4.1.3.
4.4.4.2.2. Les sources secondaires du revenu
Tableau N° 37 : Moyens utilisés pour
suppléer à l'insuffisance du revenu du chef de ménage
à Lubumbashi en 2013-2014
Moyen de suppléer au revenu du CM
|
Nb. Cit.
|
Fréq.
|
Petit activités exercées par la femme
|
218
|
52,4%
|
La débrouille
|
82
|
19,7%
|
Petites activités exercées par des enfants
|
73
|
17,6%
|
Aide de la famille
|
28
|
6,7%
|
L'agriculture
|
15
|
3,6%
|
Total observ.
|
416
|
100%
|
Source : Résultats de nos enquêtes du 12 avril 2013
au 14 mai 2014
Commentaires :
Nous avons montré dans cette thèse qu'à
cause de l'insuffisance ou de la rareté du revenu des chefs de
ménages, ces derniers ont trouvé des stratégies pour
suppléer en créant des sources secondaires de revenus. Pour
connaitre les sources secondaires une question fermée a
été prévue dans notre protocole d'enquête. Celle-ci
prévoyait sept modalités de
259
réponses figurant dans le tableau ci-dessus. Elle
stipulait : « que faite-vous pour suppléer à
l'insuffisance de revenu du chef de ménage ? »
Au regard de ce tableau, nous constatons que les petites
activitées génératrices exercées par la femme
constitue la première source secondaire avec 52,4%. En deuxième
position figure la débrouille du chef de ménage lui-même,
avec 19,7%, les petites activités exercées par les enfants
représentent 17,6%, l'aide de la famille avec 6,7%, alors que
l'agriculture représente 3,6%. Il ne serait pas juste si nous affirmons
au regard de ce tableau que tous les ménages à Lubumbashi
recourent aux activités procurant un revenu supplémentaire, car
les 77 ménages dirigés par les femmes qui n'étaient pas
concernés la question peuvent avoir aussi un point de vue
différent, quant bien même nous savons qu'ils sont
constitués des veuves, des divorcées ou célibataires qui
constituent une catégorie vulnérable.
4.4.4.2.3. Les activités de la femme/la
conjointe
La participation de la femme au marché de travail
laisse présager des degrés de contribution tout aussi
différents aux ressources du ménage. C'est dans ce cadre que nous
approfondissons cet aspect en analysant l'apport de la conjointe dans la survie
de ménages.
Comment les hommes (chefs de ménages) apprécient
la contribution de leurs conjointes pour la survie de leur ménage ? Nous
avons prévu dans notre protocole d'enquête deux questions
suivantes : Est-ce que votre conjointe contribue à la survie de votre
ménage ? De quelle manière contribue-t-elle ?
Tableau N° 38 : Contribution de la conjointe
(épouse) à Lubumbashi
Contribution de la conjointe
|
Nb. Cit
|
Fréq
|
Oui
|
218
|
52,4%
|
Non
|
117
|
28,1%
|
Non réponse
|
91
|
21,9%
|
Total observ.
|
416
|
100%
|
Source : Résultats de nos enquêtes du 12 avril 2013
au 14 mai 2014
260
Commentaires :
Comme on peut s'y attendre, les ménages dirigés
par les femmes n'ont pas été concerné par la question,
c'est pourquoi nous avons observations 416 au lieu de 493 comme sur d'autres
tableaux. 52,4% des ménages dirigés par les hommes ont reconnu la
participation de leurs conjointes à la survie de leurs ménages,
28,1% qui n'ont pas reconnu cette contribution, alos que 21,9% n'ont pas
repondu à la question.
Tableau N° 39 : Manière de contribuer de la
conjointe (épouse) à Lubumbashi en 2013-2014
La manière de contribuer de la
conjointe
|
Nb cit
|
Fréq
|
Non réponse et ceux qui n'ont dit non au tableau 40
|
198
|
47,6%
|
Petites activités génératrices de revenus
(AGR)
|
196
|
47,1%
|
Agent de l'état ou d'entreprise publique ou
privée
|
22
|
5,3%
|
Total observ.
|
416
|
100%
|
Source : Résultats de nos enquêtes du 12 avril 2013
au 14 mai 2014
Commentaires :
En rapport à cette question, 46,1% des ménages
souhaitent que leurs conjointes contribuent à la survie de leurs
ménages grâce aux petites activités
génératrices de revenus, 5,3% voudraient que cela soit
grâce à leurs emplois dans les entreprises publiques ou
privées. Ceux qui n'ont pas répondu représentent 47,6%,
soit 198 ménages sur 416.
Il ressort de l'analyse de ces deux tableaux relatifs à
la contribution de la conjointe à la survie des ménages que la
génération des revenus des ménages repose essentiellement
sur deux principaux responsables (le chef de ménage et sa/ses
conjointe(s)).
Il convient aussi de faire remarquer qu'au regard de ces
tableaux, la crise actuelle et, pour besoins de survie des ménages, les
préjugés qui entouraient la femme et même son travail
à l'extérieur du ménage se sont ébranlés.
Elle n'est plus la chèvre qu'il fallait à côté de la
maison. Même si certaines femmes se complaisent dans cette situation,
l'homme
261
n'estime plus que l'emploi à l'extérieur soit
une occasion d'infidélité pour la femme.
A ce propos Albertine Tshibilondi note que « dans la
crise économmique que traverse le pays, l'amélioration (quant
elle existe) du revenu de la femme entraine une réaction ambivalente des
hommes qui ne s'opposent pas aux activités lucratives de leurs
épouses. On constate, d'une part, qu'ils manifestent une méfiance
devant cette autonomie féminine qui ne peut que mettre à mal les
privilèges traditionnels et `'leurs droits sur leurs femmes». Et
d'autre part, les hommes expriment une certaine satisfaction en voyant leurs
épouses s'occuper des enfants, mais en général, lorsque la
femme travaille, il n'est pas rare que l'homme démissionne de ses
responsabilités familiales »(1).
L'analyse des correspondances multiples, effectué
grâce au logiciel Sphinx Plus 2, prenant en compte quatre variables
à savoir : l'état-civil, les enfants scolarisés, la
principale source de revenu et les moyens de suppléer à
l'insuffisance du revenu principal présente pour sa part les
résultats suivants :
(1) TSHIBILONDI Ngoyi A., Op.
Cit, p.150
E2
E6
E5
P4
M6
M3
M4
P1
E2 E1
M7
E1
M1
P3
E4
M2
P2
P5
M5
E3
262
Figure N° 5 : état-civil, les enfants
scolarisés, la principale source de revenu et les moyens de
suppléer à l'insuffisance du revenu principal
E1 : Marié(e) monogame E2 : Marié polygame E3 :
Veuf(ve) E4 : Divorcé(e) E5 : Célibataire E6 : Union consensuelle
E1 : Oui E2 : Non P1 : Salaire P2 :
Commerce P3 : La débrouille P4 : L'agriculture P5 :
Autres M1 : Petits commerces exercés par la femme M2 : Petites
activités par ci par là exercent par les enfants M3
: Coup de main ailleurs en dehors des heures de travail M4 :
Débrouillardise au
service M5 : La famille vient en se secours M6 :
l'agriculture M7 : Salaire de la femme
Au regard de ce tableau de l'analyse factorielle nous disons
que la plupart des ménages dirigés par les hommes survivent
grâce à la débrouille et ont très souvent en charge
dans leurs ménages les petits fils ou petites filles, et même le
père ou la mère du chef de ménage. Alors que pour les
ménages dirigés par les femmes, généralement ce
sont le petit commerce et la débrouille qui constituent les
activités sur lesquelles elles s'appuient pour survivre avec l'aide de
petits frères et petites soeurs qui sont très souvent
sous-logés par elles.
263
Ces résultats confirment l'hypothèse selon
laquelle lorsque le chef de ménage a un revenu insuffisant ou incertain,
le ménage tente toujours de pallier à cette insuffisance du
revenu principal par l'accroissement de l'activité économique des
corésidents. Mais les conjointes constituent, après les chefs de
ménages, la seconde force économique en termes de participation
à l'activité économique et à la survie des
ménages.
Si le mal persiste, le ménage ne recours pas
directement aux enfants ou même aux autres membres extérieurs au
noyau familial vivant en sein. Peut-être pour raison d'honneur et de
responsabilité, il préfère d'abord épuiser d'autres
voies de sortie de crise. C'est dans ce cadre que nous faisons allusion
à l'aide familiale.
4.4.4.2.4. L'aide familiale à la survie des
ménages
Ici comme dans la stratégie précédente,
nous avons par rapport au tableau N°38 demandé à nos
enquêtés s'ils bénéficient quelquefois d'aide de
leur famille et à combien estiment-ils cette aide. La fréquence
de l'aide, le genre et la localisation des personnes qui leur viennent en aide
n'ont pas été oubliés.
Tableau N° 40 : Aide familiale à la survie
des ménages
Menages recevant l'aide de la famille pour la
survie
|
Nb. Cit.
|
Fréq.
|
Non
|
460
|
93,3%
|
Oui
|
33
|
6,7%
|
Total Observ.
|
493
|
100%
|
Source : Résultats de nos enquêtes du 12 avril 2013
au 14 mai 2014
Commentaires :
6,7% des ménages enquêtés recourent
à l'aide familiale pour pallier l'insuffisance de revenu du chef de
ménage, Contre 93,3% qui disent ne pas bénéficiés
de l'aide de la famille et sont obligés de trouver seuls des solutions
ou recourir au soutien de la femme et pourquoi pas des enfants pendant les
moments difficiles de la vie. Au regard de ce tableau l'on constate que
l'interdépendance de réseau familial fonctionne très bien
à Lubumbashi. Il
264
s'agit surtout des membres des familles qui, grâce aux
relations de leurs parents, ont pu quitter le foyer familial pour un emploi et
une maison souvent proche de celle de leurs parents.
Tableau N° 41 : Estimation de l'aide familiale
à la survie des ménages en franc congolais
A combien estimez-vous cette aide
|
Nb. Cit
|
Fréq.
|
0 (Non réponse)
|
460
|
93,31%
|
De 10.000 à 60.000Fc
|
12
|
2,43%
|
De 60.000 à 120.000F
|
13
|
2,64%
|
De 120.000 à 180.000F
|
4
|
0,81%
|
De 180.000 à 240.000F
|
1
|
0,20%
|
De 240.000 à 300.000F
|
3
|
0,61%
|
De 300000F à 368000F
|
0
|
0,00%
|
Total Observ.
|
493
|
100%
|
Minimum=10.000 Moyenne= 6.511,16 Maximum= 368.000
Somme= 3.210.000 Ecart-type= 30.273,92
Source : Résultats de nos enquêtes du 12 avril 2013
au 14 mai 2014
Commentaires :
Des avis de 33 ménages qui ont reconnu avoir
bénéficié de l'aide de la famille, 2,43% estiment cette
aide entre 10.000 à 60.000FC, pendant que 2,64% estiment l'aide entre
60.000 à 120.000FC, 0,81% l'ont estimée entre 120.000 à
180.000FC et 0,20% l'estime entre 180.000 et 240.000, et 0,61% la situe entre
240.000 et 300.000Fc. Comme on le constate la moyenne d'aide est égale
à 6.511,16Fc, pendant que le Maximum à 368.000FC.
Tableau N° 42 : Objectif de l'aide familiale
à Lubumbashi en 2013
Objectif d'aide familiale
|
Nb. Cit.
|
Fréq.
|
Non réponse
|
460
|
93,31%
|
Scolarisation des enfants
|
15
|
3,04%
|
Paiement de loyer
|
10
|
2,03%
|
Ration alimentaire
|
8
|
1,62%
|
Total Observ.
|
493
|
100%
|
Source : Résultats de nos enquêtes du 12 avril 2013
au 14 mai 2014
265
Commentaires :
Quant à l'objectif de cette aide familiale 3,04% des
ménages ont déclaré que c'est pour la scolarisation des
enfants, 2,03% soutiennent que c'était pour le paiement de loyer, et
1,62% qui eux disent que c'est pour la ration alimentaire, et 93,31% non
réponses, ce derniers représentent ceux qui soutiennent qu'ils ne
recoivent pas d'aide familiale pour la survie de leurs ménages.
Tableau N° 43 : Lieu de résidence de celui
qui aide
Lieu de résidence de celui qui aide
|
Nb. Cit.
|
Fréq.
|
Non réponse
|
460
|
93,31%
|
En RDC
|
25
|
5,07%
|
A l'étranger
|
8
|
1,62%
|
Total Observ.
|
493
|
100%
|
Source : Résultats de nos enquêtes du 12 avril 2013
au 14 mai 2014 Commentaires :
En rapport à la localisation de ces membres de famille
qui viennent en aide aux ménages de notre échantillon, 5,07% sont
installés en République Démocratique du Congo, 1,62 % se
trouvent eux à l'étranger et 93,31% de non réponse.
Tableau N° 44 : Genre de celui qui aide
Genre de celui qui aide
|
Nb. Cit.
|
Fréq.
|
Non réponse
|
460
|
93,31%
|
Masculin
|
24
|
4,87%
|
Féminin
|
9
|
1,82%
|
Total observ.
|
493
|
100%
|
Source : Résultats de nos enquêtes du 12 avril 2013
au 14 mai 2014
266
Commentaires :
Voulant établir un rapport de genre dans cette
rubrique, nous avons cherché à connaitre le sexe de ces membres
qui viennent en aide aux ménages de leurs membres de famille. 4,87% des
ménages ont indiqué qu'ils sont du sexe masculin, alors que 1,82%
seulement sont du sexe féminin. A notre avis ce faible pourcentage des
femmes qui assistent leurs membres de famille se justifierait par la
précarité de leurs activités et par le fait que celles-ci
dépendent en majorité de leurs époux.
Les raisons généralement évoquées
pour la préférence par rapport au sexe de l'enfant attestent,
dans l'ensemble qu'aussi bien le garçon que la fille peut être
bénéfique pour les parents et pour la survie du ménage :
« les filles sont au même pied que les garçons car elles sont
capables de prendre en charge financièrement les parents comme le
feraient les garçons ». Contrairement aux opinions reçues
dans certains milieux ruraux particulièrement, l'idée d'une
certaine suprématie des garçons sur les filles par rapport
à leur apport dans la famille semble être écartée
à Lubumbashi. Les hommes pensent ainsi que les filles,
parallèlement aux garçons, peuvent être à la hauteur
des attentes de leurs parents : « je n'ai pas de préférence
car les filles assurent les mêmes rôles que les garçons. Ma
maison a été construite par ma fille donc je ne suis pas de ceux
qui préfèrent les uns au détriment des autres »
(propos d'un parent de Katuba sur l'avenue kabulo roger). D'autres
tendances indiquent cependant que l'apport de la fille serait beaucoup plus
rentable pour les femmes surtout quand elles commencent à avoir de
l'âge : « moi, je n'ai pas des garçons mais j'aurais
préféré avoir des filles car elles seules pourront assurer
mon intimité quand je serais vieille et n'aurais plus la force de
m'occuper de moi-même » (Témoignage d'une maman d'une
soixantaine d'année au quartier Bel-Air 2 sur l'avenue Wamba).
A Lubumbashi, la préférence par rapport au sexe
de l'enfant n'est prise en compte que mis en rapport avec la mobilité.
Les parents misent davantage sur les garçons, car ils savent que les
filles sont appelées à
267
rejoindre plus tard leurs futurs maris, à la
différence des garçons qui devront plutôt amener leurs
épouses au sein de la famille. Mais si l'on se situe purement dans la
perspective d'aide et d'apport, alors les parents, conformément aux
habitant de Lubumbashi, valorisent aussi bien le sexe masculin que
féminin comme l'indique cet habitant du quartier Kalebuka dans la
commune annexe à Lubumbashi « batoto bote biko lazima, awe
manaume ao mwana muke » ce qui veut dire tous les enfants sont
importants, qu'il soit garçon ou fille ».
Dans cette perspective d'aide et surtout cherchant à
comprendre les raisons du travail précoce des enfants, nous avons
également soumis les résultats de nos enquêtes à
l'analyse factorielle multiple en prenant en compte les variables : Etat civil,
Membres de famille venant au secours, contribution des enfants à la
survie du ménage, raison du travail précoce.
R3
R4
C1
R2
E4
M2
E1
R1
M1
E2
E3
268
Figure N° 6 : Etat civil, Membres de famille
venant au secours, contribution des enfants à survie ménage,
Raison du travail précoce.
E1 : Marié(e) monogame E2 : Marié polygame E3 :
Veuf(ve) E4 : Divorcé(e) M1 : Oui M2 : Non C1 : Oui : Non R1 : La
pauvreté des parents R2 : les enfants
aiment vite être indépendant R3 : la recherche
des moyens pour survivre R4 : je ne sais pas
Commentaires :
En interprétant rapidement cette figure, nous notons
que les mariés polygames et les veuves soutiennent que c'est la
pauvreté des parents qui pousse très souvent les enfants à
travailler précocement. Il est évident que dans les mariages
polygamiques, les hommes ont plusieurs charges et par conséquent les
ressources matérielles et financières pour assurer la survie
de
269
leurs ménages arrivent à faire défaut.
Ainsi leurs multiples épouses sont condamnées à se
débrouiller pour la survie de leurs ménages. Elles s'appuient
aussi dans cette débrouille sur leurs enfants. Ces derniers par
compassion à la situation malheureuse de leur mère se lancent
précocement dans la recherche de moyens de survie en exerçant les
activités génératrices de revenu. Par contre, les
divorcées et les mariés monogame soutiennent que les enfants
arrivent à travailler précocement, seulement, parce qu'ils aiment
être rapidement indépendants.
De ces deux points de vue, nous pensons que lorsque les
conditions de vie sont difficiles, chaque homme cherchera à tout prix
les moyens pour assurer sa survie et donc la pauvreté étant
considérée comme une menace à la vie, les enfants ne
peuvent que se défendre en se livrant précocement au travail,
n'en déplaise à ceux qui soutiennent le souci
d'indépendance dans le chef des enfants. Car si cela était vrai
on devra trouver le même engouement envers les activités
productrices de revenus même auprès des enfants des familles
aisées. Or, ceux-là préfèrent très souvent
et le plus longtemps possibles vivre sous la dépendance de leurs
parents.
Tableau N° 45 : Age de celui qui aide les
ménages de Lubumbashi
Age
|
Nb. Cit.
|
Fréq.
|
0 (Non réponse)
|
460
|
93,31%
|
De 10 à 24 ans
|
1
|
0,20%
|
De 24 à 26 ans
|
4
|
0,81%
|
De 26 à 28 ans
|
6
|
1,22%
|
De 28 à 30 ans
|
3
|
0,61%
|
De 30 à 32 ans
|
5
|
1,01%
|
De 32 ans à 42 ans
|
14
|
2,84%
|
Total observ.
|
493
|
100%
|
Minimum = 10 Maximum= 42 Moyenne= 2,11 Somme=1039
Ecart type=7,99
Source : Résultats de nos enquêtes du 12 avril 2013
au 14 mai 2014
270
Commentaires :
2,84% de ménages enquêtés ont
déclaré que l'âge de celui qui leur vient en aide est entre
32 et 42 ans. Donc le fait de voir ici que les membres qui viennent en aide aux
autres ont un âge moins de 32 ans traduit le fait qu'ils sont
économiquement actifs. C'est-à-dire qu'ils sont encore en mesure
d'exercer une activité économique.
Au fait, nous ne saurons quitter cette section sans pour
autant rappeler la logique de la solidarité communautaire qui soutient
l'aide familiale, considérée d'après Marie A. comme la
logique de la dette. Selon cette logique, « tout membre de la
communauté, toujours déjà endetté vis-à-vis
d'elle - vis-à-vis des ancêtres, des parents, de qui on tient sa
vie, son identité, son éducation, sa force vitale, sa chance et
le capital économique, social, culturel et symbolique de départ
qui permettra de réussir un jour comme adulte socialement autonome-,
doit tôt ou tard, à moins d'encourir un risque de proscription,
cette mise à mort sociale, honorer cette dette multiforme,
multidirectionnelle et infinie tout en commençant, parallèlement
à endetter à son tour des obligés, de manière
à pouvoir lui aussi faire valoir des créances sur autrui.
»(1)
4.4.4.2.5. L'apport des enfants à la survie des
ménages
Conscient de la susceptibilité d'une question directe
sur la contribution des enfants à la survie des ménages, nous
avons estimé qu'il était nécessaire de parler d'abord de
l'occupation des enfants avant d'atterrir éventuellement sur leurs
contributions.
(1) Marie, A., « y a pas l'argent :
l'endetté insolvable et le créancier floué, deux figures
complémentaires de la pauvreté abidjanaise »
Revue Tiers-monde, Tome 36, pp. 303324 citée
par KOKO Siaka Koné, Op. Cit, p.24
271
Tableau N° 46 : occupation des enfants à
Lubumbashi en 2013-2014
Occupation des enfants
|
Nb. cit.
|
Fréq.
|
Etudes
|
291
|
59,0%
|
Non réponse
|
104
|
21,1%
|
Combinent les études et les petites activités de
survie
|
75
|
15,2%
|
Petites activités génératrices de revenus
|
23
|
4,7%
|
Total observ.
|
493
|
100%
|
Source : Résultats de nos enquêtes du 12 avril 2013
au 14 mai 2014
Commentaires :
Ainsi, Sur 493 ménages de notre échantillon, 366
soit 74,2% ont déclaré que leurs enfants s'occupent
principalement des études. Principalement parce que les autres ont
reconnu qu'en dehors, ils s'occupent également d'autres
activités, 75 ménages sur les 366 qui représentent ici
15,2% de l'ensemble des ménages enquêtés. 23 ménages
soit 4,7% ont déclaré que leurs enfants s'occupent seulement de
petites activités activités de survie (petits commerces, petits
métiers artisanaux et le transport de biens au profit de ceux qui les
sollicitent moyennant un paiement). Pendant que 104 ménages soit 21,1%
n'ont pas répondu à cette question.
Tableau N° 47 : Contribution des enfants à la
survie des ménages
Contribution des enfants à la survie de
ménages
|
Nb. Cit.
|
Fréq .
|
Non
|
395
|
80,1%
|
Oui
|
98
|
19,9%
|
Total Observ.
|
493
|
100%
|
Source : Résultats de nos enquêtes du 12 avril 2013
au 14 mai 2014
Commentaires :
Au regard de ce tableau et comme nous avons fait allusion
à la délicatesse de cette question, 19,9% seulement de
ménages de notre
272
échantillon ont reconnu la contribution de leurs
enfants à la survie de leurs ménages. Par contre 80,1% de
ménages enquêtés ont répondu non.
Tableau N° 48 : Fréquence de contribution des
enfants à la survie des ménages
Fréquence de contribution des enfants
|
Nb. Cit.
|
Fréq.
|
Non réponse
|
395
|
80,1%
|
Occasionnellement
|
38
|
7,7%
|
Journalière
|
30
|
6,1%
|
Hebdomadaire
|
19
|
3,9%
|
Mensuel
|
11
|
2,2%
|
Total Observ.
|
493
|
100%
|
Source : Résultats de nos enquêtes du 12 avril 2013
au 14 mai 2014
Commentaires :
S'agissant de la fréquence de cette contribution 7,7%
de ménages enquêtés estiment que cette contribution est
occasionnelle, 6,1% des ménages de notre échantillon
reconnaissent que leurs enfants contribuent journalièrement à la
survie de ménage, 2,2% mensuellement et 3,9% hebdomadairement. Et
presque dans la même proportion que dans la question
précédente, 80,1% n'ont pas répondu.
Tableau N° 49 : Niveau de contribution des enfants
par mois en Fc
Niveau de contribution des enfants
|
Nb. Cit.
|
Fréq.
|
0 (Non réponse)
|
395
|
80,1%
|
De 10.000 à 30.000Fc
|
65
|
13,2%
|
De 30.000 à 60.000Fc
|
18
|
3,7%
|
De 60.000 à 90.000Fc
|
15
|
3,0%
|
De 90.000 à 120.000Fc
|
0
|
0,0%
|
De 120.000Fc à 200.000Fc
|
0
|
0,0%
|
Total Observ.
|
493
|
100%
|
Minimum= 10.000Fc Maximum=200.000 Moyenne 6.561,87
Somme= 3.235.000 Ecart-type= 15.961,25
Source : Résultats de nos enquêtes du 12 avril 2013
au 14 mai 2014
273
Commentaires :
Evaluant le niveau de cette contribution 98 ménages
seulement ont daigné répondre à cette question soit 19,9%
de ménages enquêtés. Aux nombres desquels on note 13,2% qui
bénéficient d'une contribution de leurs enfants de l'ordre de
10.000FC à 30.000Fc, 3,7% des ménages l'estiment entre 30.000 et
60.000Fc, 3,0% évaluent cette aide entre 60.000 et 90.000Fc. 395
ménages n'ont pas répondu soit 80,1%. Toutefois la moyenne de
cette aide est 6.561,87Fc et le maximum à 200.000Fc.
Tableau N° 50 : Raison du travail précoce
des enfants à Lubumbashi
Raison du travail précoce des enfants
|
Nb. Cit.
|
Fréq.
|
Non réponse
|
395
|
80,1%
|
Recherche de moyen de survie
|
61
|
12,4%
|
La pauvreté des parents
|
37
|
7,5%
|
Total observ.
|
493
|
100%
|
Source : Résultats de nos enquêtes du 12 avril 2013
au 14 mai 2014 Commentaires :
S'agissant de la raison du travail précoce des enfants
la recherche des moyens pour la survie des ménages occupe 12,5%, la
pauvreté des parents 7,5%. Ceux qui ne se sont pas exprimés sur
la question parce qu'ils n'ont pas reconnu la participation des enfants
à la survie des ménéges représentent 80,1%.
Les ménages ne regorgent pas seulement à leur
sein le chef de ménage, son conjoint et leurs enfants, mais des membres
extérieurs au noyau familial (petits frères, petites soeurs,
neveux ou nièces...). Donc une dernière catégorie d'actifs
à la survie des ménages.
274
4.4.4.2.6. L'apport des membres extérieurs au
noyau familial
Tableau N° 51 : Nombre des membres extérieurs
au noyau familial vivant dans les ménages enquêtés à
Lubumbashi
Nombre des membres extérieurs au noyau
familial
|
Nb. Cit.
|
Fréq.
|
Aucun membre
|
267
|
54,2%
|
Un membre
|
126
|
25,6%
|
Deux membres
|
77
|
15,6%
|
Trois membres
|
18
|
3,7%
|
Quatre membres
|
2
|
0,4%
|
Cinq membres
|
3
|
0,6%
|
Total observ.
|
493
|
100%
|
Commentaires :
Evitant toujours de procéder par une question directe,
nous avons commencé par nous rassurer de la présence de cette
catégorie d'actifs dans les ménages enquêtés. La
question consistait à savoir combien de membres extérieurs au
noyau familial vivaient dans le ménage. Donc, au regard de ce tableau
226 ménages seulement hebergent les membres extérieurs au noyau
familial.
En cas d'une réponse positive, trois petites questions
supplémentaires venaient boucler l'enquête. A savoir :
contribuent-ils à la survie du ménage ; A quelle fréquence
et enfin quels sont les liens qui les unissent au chef de ménage ?
Tableau N° 52 : Contribution des membres
extérieurs au noyau familial à
la survie des ménages à Lubumbashi en
2013
Contribution des membres extérieurs
|
Nb. Cit.
|
Fréq
|
Sans réponse
|
267
|
54,2%
|
Non
|
193
|
39,1%
|
Oui
|
33
|
6,7%
|
Total obs.
|
493
|
100%
|
Source : Résultats de nos enquêtes du 12 avril 2013
au 14 mai 2014
275
Commentaires :
A la première question 33 ménages seulement sur
493 enquêtés ont répondu affirmativement soit 6,7%, alors
que 460 ménages soit 93,3% ont répondu négativement parce
qu'ils eux n'hebergent pas des membres extérieurs au noyau familial ou
tout simplement bien qu'étant hebergés ne contribuent pas
à la survie du ménage.
Tableau N° 53 : Fréquence de la contribution
des membres extérieurs au noyau familial à la survie des
ménages à Lubumbashi en 2013
Fréquence de contribution
|
Nb. Cit.
|
Fréq.
|
Non réponse
|
460
|
93,3%
|
Occasionnelle
|
29
|
5,9%
|
Mensuelle
|
3
|
0,6%
|
Journalière
|
1
|
0,2%
|
Annuelle
|
0
|
0,0%
|
Total observ.
|
493
|
100%
|
Source : Résultats de nos enquêtes du 12 avril 2013
au 14 mai 2014
Commentaires :
Au regard de ce tableau N°53, nous constatons que 5,9%
des ménages enquêtés déclarent recevoir cette
contribution occasionnellement, pendant que 0,6% les reçoivent
mensuellement et 0,2% l'estime être journalière. Et enfin 460
ménages sur les 493 enquêtés soit 93,3% qui n'ont pas
répondu à la question.
Tableau N° 54 : Lien de parenté des
membres extérieurs au noyau familial avec le chef de ménage
à Lubumbashi en 2013
Lieu de parenté avec le chef de
ménage
|
Nb. Cit.
|
Fréq.
|
Non réponse
|
267
|
54,2%
|
Petit(e) frère ou soeur du CM/CCM
|
98
|
19,9%
|
Autres parents
|
73
|
14,8%
|
Petit(e) fils ou fille du CM/CCM
|
27
|
5,5%
|
Père ou Mère du CM/CCM
|
16
|
3,2%
|
Total observ.
|
493
|
100%
|
Source : Résultats de nos enquêtes du 12 avril 2013
au 14 mai 2014
276
Commentaires :
En interprétant ce tableau nous constatons que 267
ménages sur 493 n'ont pas répondu à cette question soit
54,2%, alors que 98 ménages soit 19,9% vivent avec les petits
frères ou petites soeurs du chef de ménage ou de la conjointe du
chef de ménage. 27 ménages soit 5,5% vivent avec les petits fils
ou petites filles du chef de ménage ou de la conjointe du chef de
ménage ; 16 ménages sur 493 soit 3,2% hébergent le
père ou la mère du chef de ménage ou de sa conjointe.
Alors que 73 ménages soit 14,8% hébergent les autres (les amis,
cousins ou neveux venus pour raison d'études ou autres)
Considérant donc l'examen des tableaux en rapport aux
apports des différents actifs pour la survie de ménages, nous
pouvons dire que les résultats de nos enquêtes confirment la
théorie de Schoemaker mais aussi celle de Kuepie Mathias.
Pour Juan Schoemaker « lorsqu'il existe une base de
subsistance incertaine, peu abondante ou irrégulière, la
solidarité sociale est mobilisée comme une ressource pour la
survie. Tous les membres se débrouillent pour contribuer au revenu
familial. Toutes les personnes valides et même invalides participent
à la gestion de l'économie familiale à travers une
variété d'activités légales ou illégales
susceptibles de générer des revenus additionnels»
(1).
Et d'après Kuepie Mathias, après les parents
(chef de ménages et conjoints), les enfants sont sans doute, les membres
les plus stables des ménages et pourraient, de ce fait, y constituer des
éléments clefs dans la mise en place des stratégies de
survie. En effet, contrairement aux membres extérieurs au noyau familial
qui arrivent par immigration et peuvent facilement quitter le ménage
d'accueil (en retournant par exemple chez leurs parents) quand la situation de
celui-ci se dégrade, les enfants du couple n'ont pas cette alternative
et sont probablement plus solidaires vis-à-vis de leurs
parents(2).
(1) SCHOEMAKER, J., Op. Cit, p28
(2) KUEPIE, M., Revenu du chef de ménage et
stratégies de survie des ménages pauvres : une comparaison
Dakar/Bamako, Paris, DIAL, 2003, p.15
277
4.5. Difficultés rencontrées
Cette étude, comme toutes les recherches scientifiques,
n'a pas été exemptée des difficultés. Elle a
été confrontée à plusieurs difficultés
notamment : au niveau de la collecte des données, de la gestion de
l'espace, de finance et de la gestion du temps.
Au niveau de la collecte des données nous avons
rencontré quelques difficultés dues au manque d'instruction de
certains chefs de ménage. Ce manque d'instruction a conduit des fois
à vouloir confondre nos enquêtes scientifiques à
l'enquête policière, ce qui fait que certains avaient peur
d'approcher les enquêteurs et accepter de répondre. Mais
grâce à la formation que les enquêteurs avaient eu à
l'avance, ils arrivaient toujours à contourner cette difficulté
en prenant soin de bien expliquer leur mission et surtout montrer ce qu'ils
étaient. Le manque d'instruction s'est aussi fait remarquer par le fait
que certains enquêtés ne connaissaient même pas leur date de
naissance. Il fallait pour ce faire contourner la difficulté en posant
d'autres questions comme l'âge de leur premier enfant pour estimer le
leur.
La gestion de l'espace a constitué aussi une
difficulté non négligeable. La promiscuité, dans certains
quartiers comme Bongonga, Kigoma, Congo par exemple, ont rendu difficile la
numérotation de certaines parcelles. Les limites des parcelles
n'étant pas toujours très visibles, il arrive que certaines
parcelles se trouvent les unes derrière les autres rendant difficiles
leur accessibilité et leur localisation sur une avenue. Cette
promiscuité a conduit aussi à la difficulté dans certains
quartiers à déterminer les limites exactes entre les quartiers,
exemples entre Bongonga et Tabacongo, Kaleja et Tabacongo, Kigoma et Congo,
etc. Toutefois le nombre des ménages trouvés dans ce cas est
très limité et très négligeable dans notre
échantillon et ne peuvent en aucun cas influencer significativement les
résultats obtenus et analysés dans l'étude.
A ces difficultés, s'ajoutent aussi celles d'ordre
temporel et financier. La recherche des moyens de survie des ménages
obligeait quelques-uns de nos enquêtés à rentrer un peu
plus tard au point que cela
278
conduisait à des rendez-vous manqués, voire de
report des rencontres planifiées. Alors il arrivait que pour
éviter de rater quelques rendez-vous avec certains ménages, les
enquêteurs décident de rentrer même à des heures
tardives, question d'avoir la chance de les rencontrer. C'est dans cette
catégorie que nous classons sept fiches d'enquête qui sont
rentrées sans réponses. L'organisation de cette enquête
depuis la formation des enquêteurs, l'impression du questionnaire, le
déploiement des enquêteurs sur terrain, leur transport, le
dépouillement et le traitement des résultats ont entrainé
un coût non négligeable qui a dû faire retarder et
même failli faire capoter la réalisation de cette thèse,
n'eût-été notre détermination et l'esprit de
sacrifice et de dévouement qui nous a caractérisé. Ainsi,
nous l'avons réalisée avec nos maigres moyens sans être
assisté par un quelconque organisme.
4.6. Conclusion partielle
Les questions d'ordre éthique dans les recherches en
sciences sociales soulèvent toujours des interrogations dans la
communauté scientifique. Elles sont d'autant plus cruciales qu'il s'agit
de questions qui fouillent la sphère privée des individus. Des
promesses de confidentialité sont en général faites par
les chercheurs. Malgré les garanties d'anonymat et de
confidentialité des informations recueillies, il n'est toujours pas rare
que les enquêtés soient réticents devant certaines
questions qui touchent leur condition de vie, la pauvreté, leurs
revenus, etc. Ces questions relèvent un peu partout du domaine de la
discrétion, du respect de la vie intime et même de la pudeur. Par
conséquent, la mise en confiance des personnes à interviewer a
constitué une démarche la plus longue et la plus laborieuse
auprès de nos enquêteurs qui nécessitaient des
séances de patiente et rude formation.
Malgré les pièges du terrain, les conditions
spécifiques dans lesquelles nous avons mené nos observations et
nos enquêtes, la diversité des activités des ménages
et les contraintes majeures de temps nous ont
279
obligé le plus souvent à faire preuve d'une
grande patience et d'une grande flexibilité pour saisir toutes les
opportunités qui s'offraient à nous.
La préoccupation principale de ces enquêtes et
méme de cette étude était de savoir comment les
ménages de Lubumbashi qui connaissent une détérioration
constante de leur environnement économique et social arrivent à
nouer les deux bouts du mois. Pour répondre à cette question, il
fallait d'abord montrer à travers certaines observations la
précarité du niveau de vie des ménages à Lubumbashi
avant de montrer ce que ces ménages font pour assurer leur survie.
Cette démarche n'a été possible
qu'à travers l'examen des éléments en rapport à la
qualité de vie des ménages, tels que les caractéristiques
de l'habitat, les dépenses et les revenus de ménages et les
activités de survie.
La qualité de la vie des ménages de Lubumbashi
est relativement très basse par rapport à la situation des
décennies précédentes. Trois postes qui incombaient
autrefois à l'employeur ou à l'Etat à savoir
l'éducation, le transport et les soins de santé sont pour le
moment à la charge des ménages, alors que les revenus salariaux
ont sensiblement chuté ou presque inexistants.
L'alimentation du Lushois faite essentiellement du Bukari
accompagné de légume avec de temps en temps d'un peu de poissons,
de la viande est aussi en baisse à considérer les tableaux de
nombre de repas et de dépenses en alimentation : 58,11% des
ménages de notre échantillon consomment entre 1000 à
6000FC par jour contre une moyenne totale estimée à (5682,56FC
(soit 6,31$) par jour pour la taille moyenne de ménages de 7,06%
personnes. En moyenne cette dépense s'évalue à 170476,8 FC
par mois soit 189,42$ par rapport à l'étude antérieure de
Pierre Petit notamment qui la fixe à 5254 FC(1) soit 65,68$
par mois en 2003, il se dégage une baisse considérable du niveau
de vie de ménages à Lubumbashi.
(1) PETIT, P. (Dir), Op.
Cit, p.200
280
Le coût moyen de loyer est évalué à
62119,68FC. Dans le logement, la part du combustible non électrique est
très grande et est dominée par les charbons de bois et la bougie.
L'électricité est devenue une denrée très rare,
même si son coût moyen s'éleve encore à 4427,99FC par
mois et par ménage, beaucoup de ménages n'en
bénéficient qu'une ou deux fois par semaine et cela malgré
les efforts du gouvernement provincial de doter certains quartiers de nouveaux
transformateurs électriques. L'instruction des enfants est un autre
casse-tête pour les ménages de Lubumbashi. L'Etat ayant tout
abandonné entre les mains des parents qui doivent soutenir la survie
à la fois de l'enseignant et des enfants, dépensent en moyenne
102478,7Fc par mois pour une moyenne de 2,44 enfants à scolariser.
L'habillement n'est plus une priorité. On se le procure
occasionnellement. La majorité des ménages enquêtés
ont reconnu avoir assuré ce besoin une fois seulement et cela
essentiellement à la rentrée scolaire des enfants ou à
l'occasion de la maternité de l'épouse, grâce à une
activité de la débrouille. Cette dernière va de simples
activités commerciales de proximité à des
opérations souterraines qui frisent la criminalité.
L'habitat (le logement) est bâti essentiellement en semi
dur, en briques cuites (82,4%), la toiture est faite en tôles mais aussi
en matériaux de récupération, le pavement en ciment
(79,9%) et en terre battue (16,0%), et très souvent sans plafond, 49,9%
des ménages utilisent une toilette commune à plusieurs
ménages. La taille moyenne de ménage 7,06% et vivant en
majorité dans deux ou trois pièces y compris la salle de
séjours ou le salon, et en moyenne trois ménages dans la
parcelle. Ici les communes de Kampemba et Katuba viennent en tête avec
plus de 5 ménages dans une même parcelle. Ce qui témoigne
un état de promiscuité dans les ménages. Tout ce tableau
sombre atteste la précarité de niveau de vie des ménages
à Lubumbashi et confirme la pauvreté des ménages.
L'objectif de ce chapitre était non seulement de
montrer la pauvreté des ménages mais aussi et surtout de montrer
comment ils se débrouillent pour assurer leur survie. L'analyse des
résultats de nos enquêtes
281
au cours de ce chapitre nous ont permis de mettre en
évidence les mécanismes complexes qui favorisent la participation
des femmes, des enfants et des membres extérieurs au noyau familial au
marché de travail.
Cependant, si la participation au marché de travail
constitue un pas vers l'autonomisation de la femme, le type d'emploi
occupé s'avère central dans ce processus. Elle est encore moins
représentée dans le secteur formel (5,3% des femmes qui
supplée au manque de revenu du chef de ménage par leur salaire)
et ne se procure pas encore un revenu stable et confortable. La plupart sont
dans le secteur informel où les emplois n'offrent que des conditions de
travail précaires et des revenus dérisoires.
Enfin, si la pauvreté a poussé les
ménages de Lubumbashi à accroitre leur offre de travail, comme
stratégies de survie des ménages, celles-ci ne peuvent
améliorer significativement leur niveau de vie et les sortir de la
pauvreté qu'à travers l'investissement dans les emplois stables
et bien rémunérés.
Toutefois, dans leur pauvreté et avec
subjectivité, ces ménages de Lubumbashi ont constitué des
informateurs qualifiés et ont contribué au développement
d'un savoir scientifique et nous leur restons reconnaissant.
282
CHAPITRE V : DISCUSSION GENERALE SUR LE GENRE ET LES
STRATEGIES DE SURVIE DES MENAGES DANS LA VILLE DE LUBUMBASHI
5.1. Introduction
Le présent chapitre vise à mettre en exergue les
facteurs qui conditionnent la participation aussi bien des femmes que des
enfants et des autres membres secondaires au marché du travail afin
d'assurer la survie de leurs ménages pendant la période de crise
où le revenu du chef de ménage est très faible ou
incertain.
Il nous permet, en outre, d'analyser les motivations du
travail de la femme afin de comprendre ses efforts pour son autonomisation et
pour la survie des ménages à Lubumbashi afin de confirmer ou de
nuancer notre hypothèse de recherche soutenant que l'accroissement de la
participation de la femme à l'activité économique, surtout
dans les ménages pauvres serait lié au processus de lutte pour la
survie quotidienne qui entraîne une mobilisation de toute la
main-d'oeuvre disponible, même celle des femmes faiblement
qualifiées. Et cela, contrairement à la théorie
féministe d'offre de travail et celle du capital humain. La
théorie féministe d'offre de travail postule que la situation
d'activité des femmes n'est que le prolongement de la place qu'elles
occupent dans la société ; la théorie du capital humain
qui insiste sur l'hétérogénéité des
dotations en capital humains.
Il s'agit donc de voir, s'il existe, des écarts
significatifs entre les ménages dirigés par des femmes et ceux
dirigés par des hommes dans le contrôle et la mobilisation de
leurs forces économiques et sociales pour une bonne lutte contre la
pauvreté et pour la survie de ménage.
283
5.2. La proportion de conjointes occupées
suivant le niveau d'instruction et la catégorie socioprofessionnelle du
Chef de ménage
Nous supposons dans cette section que la théorie du
capital humain a un pouvoir explicatif à la fois dans la décision
de participation aux activités économiques et du choix des
activités socioprofessionnelles. Selon cette théorie, les
individus cherchent les emplois les mieux rémunérés en
fonction de leurs capacités, de leurs obligations et de leurs
préférences. Cela veut dire que les hommes et les femmes les plus
instruits devraient donc se retrouver dans les secteurs les plus rentables et
les plus sécurisants de tous les autres parmi eux.
Ainsi, les femmes tout comme les hommes hautement
qualifiés devraient plus s'investir, comparativement aux femmes et aux
hommes moins qualifiées sur le marché de travail à travers
les activités socioprofessionnelles dans les secteurs les plus rentables
et plus sécurisés.
Tableau N° 55 : Niveau d'étude du Chef de
ménage et la manière de se débrouiller de la conjointe
à Lubumbashi en 2013
Niveau d'études du CM
Occupation de la conjointe
|
Primaire
|
Secondaire
|
Supérieur ou Universitaire
|
Total
|
Non réponse
|
0
|
124
|
74
|
198
|
Petites activités commerciales ou artisanales
|
32
|
102
|
44
|
178
|
Agent d'Entreprises publiques ou privées
|
4
|
12
|
6
|
22
|
Agriculture
|
0
|
11
|
7
|
18
|
Total observ.
|
36
|
249
|
131
|
416
|
Source : Résultats de nos enquêtes du 12 avril 2013
au 14 mai 2014
Nous partont de l'hypothèse nulle(Ho) selon
laquelle : « l'activité de la
débrouille de la conjointe est indépendante du niveau
d'étude du chef de ménage » pour confirmer ou
infirmer notre
284
hypothèse de l'étude. Pour vérifier cette
hypothèse nous avons appliqué le test de Khi carré aux
données du tableau n°55 et avons obtenu le résultat suivant
:
Au seuil de signification de 5%, avec un degré de
liberté de 16, le Khi carré théorique égal à
26,2962 tandis que le Khi carré calculé= 50,35. Il se
dégage une dépendance très significative étant
donné que le Khi carré calculé est vraiment
supérieur au Khi carré théorique. Ce résultat du
test de Khi carré nous permet donc de rejeter statistiquement notre
hypothèse nulle dans la mesure où il vient d'être
prouvé par le test de Khi carré qu'il y a une dépendance
entre le niveau d'étude du chef de ménage et la manière de
se débrouiller de sa conjointe. Ce constat nous permet de recourir
à l'hypothèse alternative qui est notre hypothèse de
recherche selon laquelle : « l'accroissement de la
participation de la femme à l'activité économique, surtout
dans les ménages pauvres est lié au processus de lutte pour la
survie quotidienne qui entraîne une mobilisation de toute la
main-d'oeuvre disponible, même celle des femmes faiblement
qualifiées ».
En rapport avec les résultats de nos enquêtes,
les conjointes des chefs de ménages dirigés par les
diplômés d'universités et d'instituts supérieurs se
débrouillent plus en tant que agents de l'Etat ou d'entreprises
publiques ou privées. Alors que celles de diplômés d'Etat
sont en train de se débrouiller plus comme agent de l'Etat. Cependant
que les conjointes des chefs des ménages qui ont un niveau primaire se
retrouvent plus dans l'agriculture et dans le coup de mains çà et
là à d'autres ménages nantis, comme cadre de
débrouille.
Par conséquent, si les conjointes des chefs de
ménages les plus instruits sont plus nombreuses dans les
activités socioprofessionnelles a priori mieux
rémunérées et plus sécurisées socialement
à travers le secteur publique et privé, ce qu'elles ont des
revenus plus élevés au point d'affranchir leurs ménages
des besoins de survie. Or nous avons eu à démontrer dans cette
thèse, dans les chapitres précédents, que la situation de
basse
285
conjoncture que connaissent les ménages de Lubumbashi
les oblige à la débrouille pour la survie de leurs ménages
à travers le secteur informel.
Le cadre et les raisons de la débrouille ont
été aussi précisés par Djik Meine Peter dans une
étude similaire sur la vie et de survie des acteurs urbains dans les
pays du tiers monde : « c'est dans le secteur informel qu'une
grande partie de la population active gagne sa vie en produisant des biens et
services peu coûteux. Ces biens et services contribuent dans une large
mesure à la satisfaction des besoins essentiels de la population
urbaine. Ce secteur allège le problème du chômage dans les
villes, il absorbe les migrants, les jeunes qui ont quitté
l'école, les non-employés ou les personnes qui veulent tenter
leur chance. On pourrait même parler d'un secteur de la dernière
chance : un secteur en dernier ressort. »(1)
Dans le même sens Rosalie Aduayi confirme que la
débrouille constitue une solution tampon à l'insuffisance de
revenu du chef de ménage et à la pauvreté. Elle
écrit : « quand une partie ou des couches
entières de la société voient s'aggraver ou se
détériorer leur niveau de vie, au point de sentir leur
reproduction matérielle et biologique sérieusement
menacée, il est raisonnable de parler de stratégies de survie
comme phénomène social, tant que ces couches développent
un ensemble des comportements visant à résister aux forces ou
processus de détérioration »(2).
Partant de cette idée et dans le souci de
vérifier la théorie économique de survie, nous avons dans
notre protocole d'enquête prévu une question sur la raison de la
débrouille, comme solution à la crise.
(1) DJIK Meine-Pieter van, op.cit,
p.11
(2) ADUAYI Diop R., Op.Cit, p.103
286
Tableau N° 56 : Genre et raison de la
débrouille de la conjointe du chef de ménage à Lubumbashi
en 2013
Genre
Raison de la débrouille de
l'épouse
|
Masculin
|
Féminin
|
Total
|
Non réponse
|
198
|
77
|
289
|
Insuffisance de revenu du Chef de ménage
|
131
|
0
|
141
|
La pauvreté
|
87
|
0
|
63
|
Total
|
416
|
77
|
493
|
Source : Résultats de nos enquêtes du 12 avril 2013
au 14 mai 2014
En appliquant le test de Khi carré (X2) sur
les données du tableau ci-haut et en considérant une
hypothèse nulle : « les raisons de la débrouille
sont indépendantes du genre du chef de ménage »,
nous constatons qu'au seuil de signification de 5%, avec un
degré de liberté de 4, le Khi carré calculé de
20,34 contre un Khi carré théorique égal à 9,4872.
La dépendance est très significative car le Khi carré
calculé est supérieur au Khi carré théorique. Ainsi
notre hypothèse nulle est statistiquement rejetée. La
dépendance de la raison de la débrouille par rapport au genre de
chef de ménage, nous amènes à formuler l'hypothèse
alternative de la manière suivante : « pour faire face
aux multiples facettes de la pauvreté, les ménages de Lubumbashi
mobiliseraient l'ensemble des actifs dans la quête des moyens de
subsistance, afin de mieux faire face à la pauvreté
»
C'est pourquoi au regard de données du tableau ci-haut
on constate que les conjointes des chefs de ménages dirigés par
les hommes se lancent dans la débrouille à cause notamment de la
pauvreté et de l'insuffisance du revenu du chef de ménage.
Or la pauvreté ou l'insuffisance de revenu ne sont pas
seulement l'affaire des ménages dirigés par les hommes mais
également de ceux dirigés par les femmes. Donc, il devient fort
clair que les ménages dont les chefs des ménages sont les plus
touchés par la pauvreté et l'insuffisance de revenu mobilisent un
grand nombre d'actifs dont ils disposent en leurs
(1) VERHAEGEN, B., `'La ville de Kisangani», in
Cahiers d'actualité sociale, N°3, IRSA,
Décembre 1986, p.10
287
seins pour la survie, y compris des acteurs n'ayant pas
suffisamment investi dans le capital humain.
A ce sujet Benoit Verhaegen montre que « le principal
moyen pour résoudre l'impasse du budget familial est le cumul des
activités rémuratrices au sein de la famille : cela va du petit
commerce de l'épouse dont l'apport financier est parfois plus important
que celui du mari, ou de la culture du potager familial, à la
prostitution des filles, en passant par les occupations secondaires du chef de
famille ; celui-ci exerce souvent une deuxième activité plus
lucrative que la première, soit dans le prolongement de celle-ci
(enseignement privé, vente de médicaments, dactylographie
à la pièce, etc... soit indépendante. Beaucoup de
fonctionnaires et employés dont l'activité officielle tend vers
zéro, peuvent consacrer la plus grande partie de leurs temps à
d'autres tâches rémunérées en supplément
».(1)
Au vu de cette analyse, la théorie économique de
survie qui soustend que « l'accroissement de la participation de la
femme à l'activité économique, surtout dans les
ménages pauvres serait lié au processus de lutte pour la survie
quotidienne qui entraîne une mobilisation de toute la main-d'oeuvre
disponible, même celle des femmes faiblement qualifiées
» explique mieux la situation des ménages de Lubumbashi que la
théorie du capital humain. Elle consolide notre hypothèse de
recherche qui soutient que « pour faire face aux multiples
facettes de la pauvreté, les ménages de Lubumbashi mobiliseraient
l'ensemble des actifs dans la quête des moyens de subsistance, afin de
mieux faire face à la pauvreté ». Même
si certains économistes affirment encore aujourd'hui que la position de
la femme sur le marché du travail n'est que le reflet de sa
subordination dans la société en général,
l'idée sous-jacente à cette théorie est que trop souvent
investies dans les travaux domestiques de leurs ménages, de façon
voilée ou non, les femmes acceptent et préfèrent
s'insérer dans les activités tendant à être une
sorte de prolongement de leurs tâches domestiques où le temps de
travail leur
288
permet d'accomplir leurs obligations ménagères.
Autrement dit, la société est faite telle que, même celles
qui ont beaucoup accumulé en capital humain peuvent se retrouver dans
des emplois précaires à faible rémunération ou
moins sécurisés.
Au fait, la théorie du genre soutenue dans cette
thèse ne vise pas à écarter totalement la femme de ses
rôles domestiques, mais plutôt à l'aider à concilier
ses rôles avec les besoins de subsistance de son ménage par sa
participation aux activités économiques et au
développement de la société.
Néanmoins, même si la situation des parents
n'offre pas de perspective intéressante à Lubumbashi, celle des
femmes est pire encore que celle des hommes. Concernant l'occupation et le
statut des parents (chefs de ménages), la majorité des femmes
sont engagées dans les activités commerciales et plus
précisément dans le petit commerce informel et sans patente. Les
hommes sont dans les petits métiers et aussi le petit commerce. La
catégorie de salariés est deux fois plus élevée
chez les hommes que chez les femmes. Et même pour les quelques rares qui
s'y trouvent, elles sont souvent dans l'enseignement, elles sont encore peu
présentes dans le marché de travail formel. Par contre, elles le
sont massivement dans le secteur informel ou le secteur de la survie.
Majoritairement commerçantes pour raison du contexte de crise, elles
investissent le secteur des activités microéconomiques, où
l'insertion est très facile et la retraite ou le licenciement ne sont
pas connus.
Le taux d'occupation élevé des femmes dans le
secteur informel démontre également une forte aspiration ainsi
que la nécessité de rechercher des solutions et de prendre des
initiatives pour tenter de sortir de la pauvreté ou de la
réduire. Cependant, leur faible présence dans le secteur formel
les contraingnent à développer des initiatives et à
créer leurs propres emplois sans encadrement et accompagnement
adéquats. D'où la vulnérabilité de leur situation
économique et partant des enfants.
289
Le manque de moyens et des ressources des parents traduit
davantage la situation des enfants. Car d'après le point de vue de ces
derniers, les parents sont confrontés à des difficultés
matérielles pour satisfaire leurs besoins de base : nourriture,
hébergement, scolarisation ou instruction, soins de santé. Ces
difficultés liées au manque d'argent et de travail expliquent la
précarité multidimensionnelle et les poussent précocement
à la débrouille pour la survie de ménage.
Sociologiquement, le recours aux stratégies de survie
ne peut être compris que placé dans le contexte des familles
étendues africaines et aussi dans la dynamique des réseaux
sociaux et de solidarité africaine. Selon Juan Schoemaker lorsqu'il
existe une base de subsistance incertaine, peu abondante ou
irrégulière, la solidarité sociale est mobilisée
comme une ressource pour la survie.(1) A Lubumbashi, à cause
de la crise multiforme qui secoue les ménages et mine leur survie, un
réseau de sociabilité et d'aide régulière est
souvent assuré par les enfants considérés comme une base
certaine de sécurité économique en temps de crise. C'est
dans ce cadre que nous analysons dans la section ci-dessous la contribution des
enfants comme stratégie de survie des ménages.
5.3. Le genre, l'Etat-Civil, niveau d'études du
chef de ménage et la contribution des enfants à la survie du
ménage
Les enfants n'ont pas uniquement des fonctions sociales, ils
jouent aussi des rôles économiques décisifs. Parmi les
nombreuses stratégies de survie préconisées par beaucoup
de ménages de Lubumbashi, lors de nos enquêtes, la dimension
microéconomique de la participation des enfants est de loin la plus
importante comme des mécanismes amortisseurs dans les moments où
la carence des biens essentiels approche un seuil critique.
C'est dans ce cadre que Aduayi Diop Rosalie écrit :
« les enfants investissent massivement les entreprises informelles des
villes africaines. Leurs activités ont un impact réel sur les
familles qui luttent
(1) SCHOEMAKER, J., op.cit,
p. 28
290
continuellement pour améliorer leurs conditions de vie
et oeuvrer contre les processus d'exclusion. C'est pourquoi une
différence doit être faite entre le travail et l'exploitation ; le
travail des adolescents ne saurait donc être analysé exclusivement
comme une forme d'exploitation. Beaucoup plus complexe et ambivalent, il
confère une forme de légitimité à certains
adolescents, leurs permettent de déployer leurs capacités et
leurs compétences. Il s'accompagne d'apprentissages et de socialisation
qui comportent sans doute des risques et des obstacles à surmonter, mais
sont aussi sources d'espoir pour celles qui en tirent des
bénéfices »(1).
Les observations directes faites sur le terrain Lushois
montrent que tous les membres y compris les enfants se débrouillent pour
contribuer au revenu des ménages. Ainsi sans entrer dans une logique
« afropessimiste » qui ne projette que les images de corruption,
d'humiliation ou mieux de diabolisation du travail des enfants comme
stratégie de survie, nous avons voulu étudier cette
stratégie dans le cadre de survie des ménages à
Lubumbashi.
Compilant les résultats de nos enquêtes, nous
avons aussi pu voir comment les enfants participent à côté
d'autres membres à la survie du ménage, en utilisant l'analyse
des correspondances multiples avec Sphinx Plus2.
(1) ADUAYI Diop R., Op. Cit, p.203-204
291
E6
N1
E2
E3
E4
N3
N2
G2
C1
E1 G1
E5
Figure N° 7 : Genre, Etat-Civil, Niveau
d'études et contribution des enfants à la survie de
ménage.
G1 . Masculin G2 . Féminin E1 . Marié(e)
monogame E2 . Marié polygame E3 . Veuf(ve) E4 . Divorcé(e) E5 .
Célibataire E6 . Union consensuelle N1 . Primaire
N2 . Secondaire N3 . Supérieur et universitaire C1 .
Oui . Non
L'analyse des correspondances multiples qui ressort de ce
tableau montre que les ménages dirigés par les femmes sont tenus
soit par les veuves (E3), les Divorcées (E4) ou encore les
célibataires (E6). Elles sont pour la plupart de niveau primaire et
secondaire. Elles bénéficient très souvent de la
contribution de leurs enfants pour la survie de leurs ménages. Par
contre les ménages dirigés par les hommes sont en grande partie
de mariés monogames ou polygames, des unions consensuelles et quelques
célibataires. Ces ménages bénéficient aussi de la
contribution des enfants pour la survie surtout pendant les moments de crise.
Tous les niveaux d'études y sont représentés,
c'est-à-dire primaire, secondaire et universitaire. Comme la
pauvreté au regard de cette étude n'épargne aucun niveau
d'études, nous disons que tous recourent à la contribution des
enfants pour la survie de leurs ménages.
292
Tableau N° 57 : Genre du Chef de ménage et
l'occupation des enfants
Genre du CM
Occupations des enfants
|
Masculin
|
Féminin
|
Total
|
Les études uniquement
|
242
|
49
|
291
|
Non réponse
|
83
|
21
|
104
|
Combinent les études et la débrouille
|
72
|
3
|
75
|
Les petites activités génératrices de
revenus
|
19
|
4
|
23
|
Total Observ.
|
416
|
77
|
493
|
Source : Résultats de nos enquêtes du 12 avril 2013
au 14 mai 2014
Considérant les résultats de nos enquêtes
on constate que 242 sur 416 ménages dirigés par les hommes et 49
sur 77 ménages par les femmes soutiennent que leurs enfants s'occupent
uniquement des études, alors que 72 sur 416 ménages
dirigés par les hommes et 3 sur 77 ménages dirigés par les
femmes ont réconnu que leurs enfants combinent les études et la
débrouille. 19 sur 416 ménages dirigés par les hommes et 4
sur 77 ménages dirigés par les femmes ont des enfants qui
s'occupent des activités génératrices de revenus pour la
survie de leurs ménages.
Ainsi voulant savoir si l'occupation des enfants du chef de
ménage est fonction du genre de celui-ci nous avons soumis les
données de la figure et du tableau n°57 ci-haut au test de Khi
carré, et avons formulé notre hypothèse nulle (Ho) comme
suit : « l'occupation des enfants dans les activités de
survie des ménages est indépendante du genre de chef de
ménage et à la pauvreté».
Après, les résultats du test ont
révélé ce qui suit : La dépendance est très
significative. Khi carré = 18,24, ddl = 5, 1-p = 99,73%.
Par rapport à ces résultats, notre
hypothèse nulle est statistiquement rejetée à cause de la
dépendance très significative entre les deux variables à
savoir le genre et l'occupation des enfants. Nous sommes donc obligé de
recourir à l'hypothèse alternative qui soutend notre
hypothèse de recherche à savoir : « pour faire
face aux multiples facettes de la
293
pauvreté, les ménages de Lubumbashi
mobiliseraient l'ensemble des actifs dans la quête des moyens de
subsistance, afin de mieux faire face à la pauvreté
».
Explicitant cette théorie de survie, Schoemaker
écrit « La stratégie familiale de survie
économique consiste en un réaménagement des fonctions
à l'intérieur des unités familiales, en accentuant la
participation économique de tous ou de la plupart des membres : la
mère, les enfants ainés, les mineurs, les co-résidents, et
même les proches. En d'autres termes, elle consiste à optimiser le
nombre de personnes qui contribuent aux activités rentables de
l'unité domestique et se manifeste principalement par la multiplication
des fonctions productrices dans la famille. Les stratégies de survie
seraient les différentes actions conduisant à minimiser le risque
d'un appauvrissement plus critique ou à trouver une plus grande
probabilité d'assurer la subsistance du groupe familial
».(1)
Au regard des interprétations faites sur les
données de la figure ci-dessus, l'on constate que l'investissement des
enfants dans les activités économiques de survie n'est pas
seulement l'apanage des ménages dirigés par les femmes mais aussi
ceux des ménages dirigés par les hommes. Dans les deux cas on
trouve les enfants qui font les petits commerces comme ceux qui s'occupent de
transport des biens afin de trouver de l'argent. Donc l'on ne peut pas dire que
la dépendance de l'occupation des enfants est à mettre pour le
compte seulement des femmes ou des hommes. La véritable raison qui
pousse les enfants à la débrouille n'est pas le genre, mais
ailleurs.
Voulant pousser un peu plus loin nos analyses sur la
participation des enfants aux activités économiques pour la
survie des ménages et trouver les raisons de la débrouille, nous
avons également analysé leurs occupations par rapport à
l'état civil et par rapport au niveau
(1) SHOEMAKER, J., Op. Cit.,
p.23
294
d'études du chef de ménage et aussi par rapport
aux raisons du travail précoce des enfants.
Tableau N° 58 : Etat-civil du Chef de ménage
et l'occupation des enfants à Lubumbashi en 2013-2014
Etat- civil
Occupation des enfants
|
Marié
monogame
|
Marié
polygame
|
Veuf (ve)
|
Divorcé(e)
|
Célibataire
|
Union-libre
|
Total
|
Les études uniquement
|
242
|
8
|
27
|
9
|
5
|
0
|
291
|
Non réponse
|
73
|
2
|
3
|
2
|
20
|
4
|
104
|
Combinent les études et la débrouille
|
57
|
4
|
7
|
5
|
1
|
1
|
75
|
Petites activités génératrices de revenus
|
8
|
3
|
6
|
4
|
1
|
1
|
23
|
Total observ.
|
380
|
17
|
43
|
20
|
27
|
6
|
493
|
Source : Résultats de nos enquêtes du 12 avril 2013
au 14 mai 2014
Afin de bien voir l'occupation des enfants par rapport
à l'état matrimonial du chef de ménage, nous avons soumis
les résultats de nos enquêtes en rapport à l'état
matrimonial du chef de ménage et ceux en rapport à l'occupation
des enfants au test de Khi carré, en prenant comme hypothèse
nulle (H0) « l'occupation des enfants est indépendante de
l'état matrimonial du chef de ménage ».
Le test du Khi carré nous donne alors les
résultats suivants :
La dépendance est très significative. Khi
carré = 131,20, ddl = 25, 1-p = >99,99%.
Nous disons qu'au seuil de signification de 5%, avec un
degré de liberté de 25 le Khi carré théorique
égal à 37,65 tandis que le Khi carré calculé=
131,20. Il se dégage une dépendance très significative
étant donné que le Khi carré calculé est vraiment
supérieur au Khi carré théorique. Ce résultat du
test de Khi carré nous permet donc de rejeter statistiquement notre
hypothèse nulle dans la mesure où il vient d'être
prouvé par le test de Khi carré qu'il y a forte dépendance
entre l'état-civil du chef de ménage et l'activité des
enfants. Ce constat nous permet de recourir à l'hypothèse
alternative qui est aussi notre hypothèse recherche selon laquelle
« pour faire face aux
295
multiples facettes de la pauvreté, les ménages
de Lubumbashi mobiliseraient l'ensemble des actifs dans la quête des
moyens de subsistance, afin de mieux faire face à la pauvreté
».
Ce qui revient à dire que sans distinction du statut
matrimonial, lorsque les ménages se trouvent coincer par les effets de
la crise et donc de la pauvreté, ils mobilisent tous les actifs y
compris les enfants comme stratégie de survie.
5.4. L'occupation des enfants par rapport au niveau
d'étude du chef de ménage
Tableau N° 59 : Niveau d'étude du Chef de
ménage et l'occupation des enfants
Niveau d'étude du CM
Occupation des enfants
|
Primaire
|
Secondaire
|
Supérieur et Universitaire
|
Total
|
Les études uniquement
|
14
|
162
|
125
|
291
|
Non réponse
|
3
|
95
|
6
|
104
|
Combinent les études et la débrouille
|
11
|
34
|
30
|
75
|
Petites activités génératrices de revenus
|
8
|
13
|
2
|
23
|
Total observ.
|
36
|
294
|
163
|
493
|
Source : Résultats de nos enquêtes du 12 avril
2013 au 14 mai 2014
En prenant comme hypothèse nulle (Ho) selon laquelle :
« l'occupation des enfants est indépendante du niveau
d'étude du chef de ménage ». Nous avons soumis
les données tableau N°59 au test du Khi carré et avons
obtenu les résultats suivants : La dépendance est très
significative. Khi carré= 41,83, ddl = 10, 1-p = >99,99%.
Ces résultats confirmant une dépendance
très significative entre les deux variables, nous oblige à
rejeter statistiquement notre hypothèse nulle et à recourir
à une hypothèse alternative qui est d'ailleurs notre
hypothèse du travail et qui stipule que : « pour faire
face aux multiples
296
facettes de la pauvreté, les ménages de
Lubumbashi mobiliseraient l'ensemble des actifs dans la quête des moyens
de subsistance, afin de mieux faire face à la pauvreté
».
Tableau N° 60 : L'occupation des enfants par rapport
à la catégorie
Socioprofessionnelle du chef de
ménage
Occupation des enfants
Catégorie socioprofessionnelle du CM
|
Non réponse
|
Etudes
uniquement
|
Combinent études et AGR
|
Petites AGR
|
Total
|
Salarié du secteur privé formel
|
41
|
52
|
7
|
9
|
109
|
Salarié de l'Etat
|
25
|
72
|
3
|
2
|
102
|
Commerce avec patente
|
4
|
36
|
13
|
6
|
59
|
Sans emploi déclaré
|
5
|
35
|
9
|
2
|
51
|
Petits métiers artisanaux
|
4
|
28
|
16
|
0
|
48
|
Commerce sans patente
|
11
|
21
|
12
|
0
|
44
|
Salarié du secteur privé informel
|
3
|
28
|
2
|
3
|
36
|
Activités agricoles
|
2
|
8
|
8
|
0
|
18
|
Retraité
|
4
|
5
|
5
|
1
|
15
|
Etudiant(e) ou élève
|
5
|
6
|
0
|
0
|
11
|
Total observ.
|
104
|
291
|
75
|
23
|
493
|
Source : Résultats de nos enquêtes du 12 avril 2013
au 14 mai 2014
Au regard de ce tableau N°60 sur les occupations des
enfants par rapport à la catégorie socioprofessionnelle du chef
de ménage, nous constatons que lorsque le chef de ménage exerce
une activité rémunératrice dans le secteur public ou
privé, les chances que ses enfants soient occupés à une
autre activité que les études est significativement plus faible.
Alors que ceux dont les parents n'ont pas une activité
rémunératrice significative et qui
297
travaillent dans le secteur informel s'occupent des
activités de survie. Cela pourrait s'expliquer d'une part par le fait
que les chefs de ménages exerçant dans le secteur informel
recourent à leurs enfants comme aides familiaux ou apprentis. Une autre
explication pourrait être que, quand même ils auraient des revenus
élevés, une partie des chefs de ménages exerçant
dans le secteur informel resteraient vulnérables, d'où la
nécessité pour ces ménages de diversifier leurs sources de
revenus et lutter contre la pauvreté.
Cependant, les ménages dont les chefs exercent dans
l'informel, ainsi que ceux dont les chefs exercent dans le secteur formel mais
qui ne gagnent pas assez comptent toujours sur leurs enfants pour assurer la
survie de leurs ménages. Ainsi, dans l'un comme dans l'autre cas, la
participation des enfants aux activités économiques pour la
survie de ménage peut avoir des conséquences négatives
s'ils sont encore très jeunes. Car dans ce cas, cela amènerait
à l'abandon ou au délaissement de l'école et la
compromission de leurs chances d'occuper, plus tard un emploi
qualifié.
Comme souligné précédemment, nous nous
sommes aussi intéressé après avoir analysé
l'occupation des enfants à la fois par rapport à l'état
matrimonial, à l'activité socioprofessionnelle et au niveau
d'études à vérifier si cette occupation est effectivement
liée à la pauvreté et à la recherche des moyens de
survie des ménages.
Ayant pour ce faire prévu dans notre protocole
d'enquête une question à l'attention des ménages de notre
échantillon, en rapport à la raison du travail précoce des
enfants, nous allons soumettre ces données (résultats) du tableau
ci-dessous au test de Khi carré en considérant comme
hypothèse nulle : « les raisons du travail
précoce des enfants sont indépendantes du genre du chef de
ménage ».
298
Tableau N° 61 : La raison du travail précoce
des enfants par rapport au genre du chef de ménage
Genre
Raison du travail
précoce des enfants
|
Masculin
|
|
Féminin
|
|
|
TOTAL
|
Non réponse
|
|
350
|
|
45
|
|
395
|
Recherche des moyens de survie
|
|
45
|
|
16
|
|
61
|
Pauvreté du Chef de Ménage
|
|
21
|
|
16
|
|
37
|
Total observ.
|
|
416
|
|
77
|
|
493
|
Source : Résultats de nos enquêtes
du 12 avril 2013 au 14 mai 2014
Après ce test les résultats suivants ont
été enregistrés : La dépendance est très
significative. Khi carré = 26,79, ddl = 4, 1-p = >99,99%.
Au regard de ces résultats qui attestent une
dépendance très significative entre les deux variables, notre
hypothèse nulle est statistiquement rejetée et nous recourons
donc à l'hypothèse alternative qui confirme notre
hypothèse du travail et qui stipule que : « pour faire
face aux multiples facettes de la pauvreté, les ménages de
Lubumbashi mobiliseraient l'ensemble des actifs dans la quête des moyens
de subsistance, afin de mieux faire face à la pauvreté
».
Lorsqu'on lit d'ailleurs les résultats du test de Khi
carré on remarque une forte dépendance au niveau de deux raisons
susmentionnées à savoir : la pauvreté et la recherche de
moyens de survie des ménages. Donc qu'il s'agisse des ménages
dirigés par les hommes ou de ceux dirigés par les femmes c'est la
pauvreté et la recherche de moyens de survie qui poussent les enfants
à se livrer à des activités génératrices des
revenus.
Voulant une fois de plus confirmer ces résultats par
l'analyse des correspondances multiples, nous avons encore utilisé le
logiciel Sphinx Plus2 en utilisant les variables suivantes: Genre,
Contribution des enfants à la survie du ménage, Raison du travail
précoce.
299
R2
G1
R4
C1
R1
R3
G2
Figure N° 8 : Genre, Contribution des enfants
à la survie du ménage, Raison du travail
précoce
G1 : Masculin G2 : Féminin C1 : Oui : Non R1 : La
pauvreté des parents R2 : les enfants aiment vite être
indépendants R3 : la recherche des moyens
pour survivre R4 : je ne sais pas
300
R4
E3
G2
E1 G1
C1 R3
R1
R2
E4
E2
Figure N° 9 : Genre, Etat civil, Contribution des
enfants à la survie du ménage, Raison du travail
précoce.
G1 : Masculin G2 : Féminin E1 : Marié(e)
monogame E2 : Marié polygame E3 :
Veuf(ve) E4 : Divorcé(e) C1 : Oui : Non R1 : La
pauvreté des parents R2 : les enfants aiment vite être
indépendants R3 : la recherche des moyens pour survivre R4
: je ne sais pas
301
En rapport à cette figure, nous pouvons noter que dans
la plupart des ménages dirigés par les femmes (G2) la
pauvreté des parents et la recherche des moyens de survie respectivement
(R3) et (R4) qui justifient le travail précoce des enfants, pendant que
certains ménages disent ne pas savoir les raisons (R4). Cependant que
dans les ménages dirigés par les hommes (G1) l'on soutient soit
la recherche de l'indépendance (R2) ou tout simplement qu'ils ne savent
pas pourquoi les enfants travaillent précocement (R4). Pour ce qui
concerne le travail précoce des enfants, comme d'aucuns semble croire
à l'irresponsabilité des parents. Nous pensons pour notre part
que ceux qui soutiennent qu'ils ne savent pas veulent s'échapper
à la honte.
Pour terminer cette section, disons que le contexte de crise
et la précarité multiforme a contribué à la
fragilisation des enfants et a accéléré leur mise au
travail sous forme de stratégies de survie aussi bien à
Lubumbashi que dans d'autres villes de la République Démocratique
du Congo. Autrement dit, le travail des enfants dans les villes joue un
rôle fondamental de régulation de pauvreté en participant
à l'amélioration de leurs conditions de vie et celles de leurs
ménages. Cependant, la pauvreté et même l'exclusion
à laquelle certains d'entre eux font face les poussent à recourir
à des stratégies individuelles ou collectives comme solution
alternative permettant d'améliorer leur condition de vie. Dans ce cadre,
les enfants développent une diversité d'activités
légales ou illégales, légitimes ou illégitimes,
pour lutter contre la condition de pauvreté à partir des
situations de vie difficiles qu'elles affrontent sans pour autant les choisir.
Devant l'hétérogénéité des activités,
le petit commerce, comme on a pu le constater représente
l'activité par laquelle les enfants réduisent leurs
difficultés financières et contrôlent leur problème
de pauvreté.
Les études sur le travail des enfants dans le secteur
informel ne doivent pas toujours aller dans le sens de la stigmatisation, mais
surtout permettre, d'une part de disposer d'informations précises sur la
pauvreté et d'autre part, faire ressortir la gamme importante et diverse
des activités auxquelles se livrent ces enfants. La plupart d'entre
elles, si pas la totalité,
302
sont irrégulières et artisanales. Elles ne sont
ni soutenues ni règlementées par aucun cadre institutionnel ou
politique. Ce sont des activités stigmatisées comme
illégales (voir les tracasseries policières déjà
développées dans cette thèse) et marginales,
fondées sur une économie d'autosubsistance des ménages,
d'où l'intérêt de les situer dans l'analyse de l'apport
économique de survie parce que nous savons tous que cette
catégorie sociale (les enfants) a aussi droit à l'existence, et
continuera à lutter tant que la pauvreté est encore
récurrente dans nos sociétés.
Pour notre part, le travail des enfants n'a pas seulement des
cotés négatifs, comme le prétendent beaucoup
d'observateurs. A travers le travail des enfants (les petits commerces, les
petits métiers, etc.) on observe d'autres traits positifs. Il y a lieu
de signaler ici la volonté de survie, les aspirations et la
débrouillardise des enfants qui, d'une économie de subsistance au
départ, peuvent progressivement s'orienter, avec un bon accompagnement
et un minimum d'organisation, vers une activité de type commercial ou
artisanal et donc plus stable.
Les revenus des activités des enfants leur permettent
de satisfaire leurs propres besoins mais aussi ceux des parents et partant de
leur ménage. Les témoignages des enfants recueillis lors de nos
enquêtes le montrent très bien même si la mère est
privilégiée par rapport au père. « On voudrait bien
soutenir nos pères mais pas avec la même intensité que nos
mères, car eux, ils ont d'autres enfants capables de leur venir en aide
s'ils conjuguent leurs efforts. Ce qui n'est pas le cas pour nos mères
». (Témoignage d'un jeune garçon à la commune de
Kenya à Lubumbashi)
Le sens du devoir envers les parents reste un principe qui
caractérise la mentalité collective de tous les enfants, c'est
comme un contrat implicite qui lierait parents et enfants. Ce principe
conditionne même, parfois chez certaines filles, à la limitation
de leurs propres besoins au profit de ceux de leurs parents. « Il nous
arrive, des fois, de décliner une offre de mariage parce que tout
simplement nous ne voulons pas quitter nos mères. Nous
préférons rester encore aussi longtemps que possible à
leurs côtés pour les
303
soutenir. Il nous arrive aussi parfois, de renoncer à
aller quelque part rien que dans le but de pouvoir leur venir en aide en
restant près d'elles à la maison. (Propos d'une jeune fille
travailleuse à l'Institut Supérieur de Statistique de
Lubumbashi).
Les parents ont des devoirs vis-à-vis de leurs enfants
mais les devoirs des enfants envers les parents sont plus importants dans la
conception congolaise en général et lushoise en particulier. Car
il est souvent dit que l'enfant ne pourra jamais payer ses parents. Cela dit,
tous les sacrifices qu'un enfant fera pour ses parents sont normaux. C'est ce
qui justifie leur quête effrénée, par le biais du travail,
de ressources potentielles dans les grandes agglomérations urbaines. Les
enfants joueraient alors un rôle primordial dans la vie des parents car
ces derniers attendent beaucoup de leur progéniture.
Toutefois les logiques associées au travail des enfants
restent reliées à des fins de survie. Cette vision est au coeur
des préoccupations de recherche axées sur les perceptions et
motivations du travail des enfants en milieux urbains congolais. En effet,
devant l'incapacité des politiques à faire face aux exigences des
ménages pauvres, l'émergence de mécanismes d'anticipation
dans le processus d'autonomisation des jeunes en général,
l'implication des enfants dans l'organisation du travail se présentent
comme un recours incontournable pour la survie des ménages. Les enfants
sont ainsi cooptés et responsabilisés à bas âges
pour participer à la survie du ménage.
Donc, loin d'être réduit au rôle de
spectateur, l'enfant doit jouer sa participation dans la gestion quotidienne du
ménage. Les enfants doivent être animés du sens du devoir
et de la contribution dans la gestion et le développement du
ménage. Aussi jeunes soient-ils, les garçons doivent fournir leur
apport pour alléger la charge de travail de leurs parents : « tous
les enfants doivent aider leurs parents même en étant jeunes. Un
enfant peut partir à la chasse et amener le gibier à ses parents
». Pour ce qui est des filles, le rôle qu'elles jouent semble
être beaucoup plus porté vers leur mère. « En tant que
filles, nous travaillons pour nos mères. Nous assurons la
relève
304
de nos mamans dans les travaux domestiques. Nous faisons le
linge pour elles, nous cuisinons pour leur permettre de se reposer ou
même de les permettre de bien se débrouiller pour assurer notre
survie. (Propos d'une jeune fille de la Katuba à l'un de nos
enquêteurs). Le rôle des enfants consiste à aider leurs
parents dans toutes les tâches. Cela revient pour les garçons
à aider leurs pères, et les filles, leurs mères à
la maison. Ce point de vue normatif repose sur des fondements à la fois
socioculturels et moraux, légitimés par des valeurs de respect,
de subordination et d'obéissance aux parents. En effet l'implication des
enfants dans les tâches à la fois productives et domestiques,
procède d'une volonté de transmettre un savoir-faire à ces
derniers. Cela signifie que le travail constitue pour les parents, un moyen de
formation de l'enfant par le biais d'un apprentissage des rôles futurs
qu'il est appelé à assumer au sein de l'espace familial et
communautaire. Le travail reste perçu ainsi comme lieu de socialisation
de l'enfant.
5.5. Le genre du chef de ménage et la contribution
des membres extérieurs au noyau familial à la survie des
ménages
La contribution des membres extérieurs au noyau
familial ne vient pas susciter un débat autour de la fratrie qui
relève de la démographie, mais nous l'abordons surtout parce que
l'analyse de la taille des ménages et partant de revenus des
ménages tient compte en particulier du nombre important de frères
et soeurs d'une part et du rang dans la fratrie d'autre part.
Les théories sur les déterminants familiaux de
la scolarisation ont beaucoup insisté sur le rapport entre la
non-scolarisation des enfants et le rang dans la fratrie (Lloyd et Blanc 1996).
Selon ces théoriciens, les derniers-nés dans une famille ont plus
de chances de réussir leurs études ou de faire des études
avancées. S'il y a des contraintes de revenus dans une famille, les
aînés, surtout les filles, sont davantage sollicitées pour
travailler(1).
(1) Lloyd, Cynthia B., Blanc Ann-K., «
Children's schooling in sub-Saharan Africa : the role of fathers, mothers and
others » in Population and Development Review
N°22, 1996, p.272
305
Les contraintes familiales constituent non seulement des
déterminants pour l'insertion précoce des enfants sur les
marchés du travail, mais confirment les effets du poids de la pression
communautaire. Ainsi très souvent les ainés ont la
responsabilité d'assurer une partie, voire la totalité, de la
charge familiale. Cette situation est bien décrite par Zadi Kessy
Michel.
« Malgré les bouleversements et les mutations
subies, la société africaine est restée fondamentalement
d'essence communautaire. Ce mode d'organisation sociale assure la
primauté de la famille élargie ; donc de la collectivité
sur l'individu. L'individualisme et l'indépendance s'effacent au profit
de l'identité communautaire et de la loyauté vis- à -vis
de la collectivité. La principale préoccupation semble être
le maintien d'un équilibre social et d'une justice distributive
plutôt que la considération des réalisations
économiques individuelles. De cette façon, « les
bénéfices » obtenus par un membre du groupe sont
redistribués, tandis que les « pertes » occasionnées
sont supportées par tous. Il s'agit d'une forme de solidarité qui
met en avant la responsabilité de la communauté à
l'égard de chacun de ces membres.
La pression communautaire peut être définie comme
le poids et les contraintes de tout ordre exercées sur les travailleurs
par l'effet du système de solidarité dû à la
mentalité communautaire. Dès son enfance le jeune africain sait
qu'il appartient à une famille élargie. Ce sont les membres de
cette famille qui le prennent en charge pour son éducation, ses
études. D'une manière ou d'une autre, le jeune africain
bénéficie généralement de la couverture sociale des
membres de la famille élargie. Aussi une fois qu'il est employé,
qu'il a un salaire, le travailleur africain bien que débutant doit
pouvoir à son tour faire fonctionner le système d'entraide. Il
est condamné de payer la dette sociale en permanence ou en distribuant
son salaire, dès le début de sa carrière, ce qui peut le
pousser à devenir de plus en plus pauvre tout au long de sa vie. Le
système d'hébergement et de tutorat est l'une des formes
manifestes de la pression communautaire. C'est une pratique courante en
(1) ZADI Kessy M., Culture Africaine et
Gestion de l'Entreprise moderne, Abidjan, CEDA, 1998, p.
108-109
306
Afrique qu'un salarié accepte sous son toit cinq, dix
voire quinze personnes. »(1)
Cet impôt social ou mieux cette solidarité
africaine a été constaté au cours de nos enquêtes,
car on a eu à trouver dans certains ménages enquêtés
de petits frères et soeurs du chef de ménage ou d'autres venus
soit pour raisons d'études ou autres, ou encore parce qu'ils sont
devenus trop âgés et n'ont plus de force pour travailler et gagner
leur vie ; ils doivent être supportés par leurs enfants, c'est le
cas des parents.
Et comme nous savons qu'en cas de dégradation de la
situation socioéconomique les ménages recourent à la
stratégie familiale de survie économique qui consiste en un
réaménagement des fonctions à l'intérieur des
unités familiales, en accentuant la participation économique de
tous ou de la plupart des membres : la mère, les enfants ainés,
les mineurs, les co-résidents, et même les proches, nous analysons
dans cette section le genre du chef de ménage et la contribution de
membres extérieurs dans le cadre de stratégies de survie des
ménages.
Tableau N° 62 : Distribution de contribution des
membres extérieurs par rapport au genre du chef de
ménage
Genre
Contribution
membres extérieurs
|
Masculin
|
Féminin
|
Total
|
Non
|
400
|
60
|
460
|
Oui
|
16
|
17
|
33
|
Total observ.
|
416
|
77
|
493
|
Source : Résultats de nos enquêtes du 12 avril 2013
au 14 mai 2014 La dépendance est très significative. Khi
carré = 29,43, ddl = 1, 1-p = >99,99%.
307
Au regard de cette figure la contribution des membres
extérieurs à la survie de ménage : 36 ménages
seulement sur 493 ménages enquêtés ont reconnu cette
contribution, soit 16 sur 416 ménages dirigés par les hommes et
17 sur 77ménages dirigés par les femmes.
Soumettant les résultats de ce tableau n°62
à l'analyse par le test de Khi carré et en considérant
notre hypothèse nulle (Ho) comme suit : « la
contribution des membres extérieurs au noyau à la survie du
ménage est indépendante du genre du chef de ménage
».
Après ce test, le résultat suivant a
été enregistré : au seuil de signification de 5%, avec un
degré de liberté de 1, le Khi carré théorique
égal à 9,49 tandis que le Khi carré calculé= 29,43.
Il se dégage une dépendance très significative
étant donné que le Khi carré calculé est vraiment
supérieur au Khi carré théorique. Ce résultat du
test de Khi carré nous permet donc de rejeter statistiquement notre
hypothèse nulle dans la mesure où il vient d'être
prouvé par le test de Khi carré qu'il y a une dépendance
entre la contribution des membres extérieurs au noyau familial et le
genre du chef de ménage. Ainsi nous recourons à
l'hypothèse alternative qui est d'ailleurs notre hypothèse de
travail qui stipule que : « pour faire face aux multiples facettes de la
pauvreté, les ménages de Lubumbashi mobiliseraient l'ensemble des
actifs dans la quête des moyens de subsistance, afin de mieux faire face
à la pauvreté ».
Ce qui revient aussi à dire que la contribution des
membres extérieurs au noyau familial à la survie bien que
dépendant du genre n'est pas l'apanage seulement des ménages
dirigés par les hommes ou de ceux dirigés par les femmes. On
constate que lorsqu'on a fait l'interprétation des données des
enquêtes que le tableau N°62 enregistre cette contribution dans les
deux types de ménages.
Pour bien voir le genre et le lien de parenté avec les
membres extérieurs au noyau familial à Lubumbashi en 2013, nous
avons recouru à l'analyse des composantes multiples, dont les
résultats sont présentés dans la figure n°10
ci-dessous :
L4
G1
308
L1
L3
P4P5 M1
P1
M2
L2
P2
G2
Figure N° 10 : Genre, Principale source de revenu,
Membres de famille venant au secours, Lien de parenté
G1 . Masculin G2 . Féminin P1 . Salaire P2 . Commerce
P3 . La débrouille P4 . L'agriculture P5 . Autres M1 . Oui M2 . Non L1 .
père ou mère du CM/CCM L2 .
petit(e) frère ou soeur du CM/CCM L3 : petit(e) fils
ou fille du CM/CCM L4 : autres
309
Tableau N° 63 : Genre et le lien de parenté
avec les membres extérieurs au noyau familial
Genre
Lien de parenté par rapport CM
|
Masculin
|
Féminin
|
total
|
Non réponse
|
234
|
33
|
267
|
Père ou mère du CM ou CCM
|
10
|
6
|
16
|
Petit(e) frère ou soeur du CM ou CCM
|
74
|
24
|
98
|
Petit(e) fils ou fille du CM ou CCM
|
23
|
4
|
27
|
Autres
|
63
|
10
|
73
|
Total observ.
|
416
|
77
|
493
|
Source : Résultats de nos enquêtes du 12 avril 2013
au 14 mai 2014 La dépendance est très significative. chi2 =
14,79, ddl = 4, 1-p = 99,48%.
Nous notons que les ménages dirigés par les
femmes ont très souvent comme principale source des revenus de leur
commerce et vivent aussi avec les petits frères ou les petites soeurs
qui les aident pour survivre. Par contre les ménages dirigés par
les hommes c'est très souvent le salaire qui constitue la principale
source de revenu à côté de la débrouille et autres
activités. On y trouve très souvent le père ou la
mère du chef de ménage ou même encore les petits fils ou
les petites filles du chef de ménage
Au regard de ce tableau et par rapport à l'impôt
social auquel on a fait allusion dans ce travail, ces membres extérieurs
au noyau familial sont généralement les parents du chef de
ménage ou de sa conjointe, les petits-frères ou les petites
soeurs du chef de ménage ou de sa conjointe, les petits-fils ou
petites-filles du chef de ménage ou de sa conjointe, mais aussi les
autres connaissances ou apparentés.
Comme nous voulions savoir par rapport à l'approche
genre, dans quel type de ménage se retrouvent-ils et quels sont leurs
liens de parenté avec le chef de ménage, nous avons aussi soumis
les résultats du tableau n°63 au test de Khi carré, en
prenant comme hypothèse nulle (Ho) : « les liens de
parenté entre les membres extérieurs au noyau
familial
310
intervenant pour la survie de ménage et le
chef de ménage sont indépendants du genre du chef de
ménage ».
Le test de Khi carré nous donne les résultats
suivants : au seuil de signification de 5%, avec un degré de
liberté de 4, le Khi carré théorique égal à
9,49, tandis que le Khi carré calculé= 14,79. Il se dégage
une dépendance très significative étant donné que
le Khi carré calculé est vraiment supérieur au Khi
carré théorique. Ce résultat du test de Khi carré
nous permet ainsi de rejeter statistiquement notre hypothèse nulle dans
la mesure où il vient d'être prouvé par le test de Khi
carré qu'il y a une dépendance entre les liens de parenté
et les membres extérieurs au noyau familial intervenant pour la survie
de ménage, le chef de ménage et le genre du chef de
ménage. Ces résultats nous oblige alors à recourir
à l'hypothèse alternative qui est d'ailleurs notre
hypothèse de travail qui stipule que : « pour faire face aux
multiples facettes de la pauvreté, les ménages de Lubumbashi
mobiliseraient l'ensemble des actifs dans la quête des moyens de
subsistance, afin de mieux faire face à la pauvreté ».
Que le chef de ménage soit homme ou femme, les
ménages non seulement recourent presque dans les mêmes proportions
à la contribution des membres extérieurs au noyau familial pour
leur survie, mais entretiennent les mêmes relations familiales. L'on
retrouve presque les mêmes liens dans les deux types de ménages.
Les parents, les petits frères et soeurs, les petits-fils ou les petites
filles et les autres apparentés vivent à Lubumbashi tant dans les
ménages dirigés par les hommes que dans ceux dirigés par
les femmes. Cependant pour la majorité des ménages
enquêtés le fait que les parents sont devenus âgés et
par conséquent inactifs, constitue une charge. Donc c'est sur les petits
frères et les petites soeurs, les autres corésidants qui sont
encore actifs que l'on peut éventuellement compter. Car les petits-fils
sont pour la plupart encore en bas âge.
La forte dépendance du côté de la femme
s'explique aussi par le fait que le ménage dirigé par l'homme est
souvent soutenu par leur
311
descendance, alors que celui dirigé par la femme est
aidé par tout le monde même par ceux qui ne sont pas de sa
descendance.
Donc comparativement à la contribution des enfants du
chef de ménage et en rapport à ce que nous venons de souligner
ici, la contribution des membres extérieurs bien que présente
dans certains ménages est moins significative. La raison a
été déjà donnée par Kuepie Mathias : «
les membres extérieurs au noyau familial qui arrivent par
immigration peuvent facilement quitter le ménage d'accueil (en
retournant par exemple chez leurs parents) quand la situation de celui-ci se
dégrade »(1). Mais aussi parce que les
enfants s'il faut utiliser le jargon populaire africain, les enfants sont comme
les « Nkuku » poules et les personnes extérieurs les
« ndeke » oiseaux. Si le premier est appelé à vivre
dans la maison quels que soient les moments ou les circonstances, le
deuxième voit l'intérêt, la moisson autrement il s'envole
à la recherche de là où il peut bien vivre.
5.6. Réflexion a posteriori
Le concept de stratégie de survie n'est pas
réservé aux pays en développement. Dans leur recherche sur
les jeunes de la rue et la famille (des pays développés),
Hurtubise, Laaroussi et Dubuc(2) démontrent que les jeunes
ont développé des stratégies de changement et de survie au
quotidien. Et cela leur permet de se débrouiller dans les situations
difficiles, de faire face aux périodes de transition et aussi de
s'insérer, de s'opposer, de décrocher, de se construire une
identité et une place sociale. Cette stratégie de survie au
quotidien est une construction sociale des ressources et des supports qui est
établie à partir des réseaux informels et des liens de
parenté en milieu urbain.
Plusieurs études comme celle de Kouamé Aka ont
montré que la pratique des activités informelles relevait, entre
autres, de stratégies que développent les populations urbaines
défavorisées pour assurer leur survie (3).
(1) KUEPIE, M., op. cit, p.15
(2) ADUAYI Diop R., Survivre à la
pauvreté et à l'exclusion. Le travail des adolescentes dans les
marchés de Dakar, Paris, Karthala, 2010, p.110
(3) AKA Kouamé., Education et emploi des
femmes à Abidjan, Paris, L'Harmattan, 1999
312
Le travail productif des femmes et des enfants est un
phénomène presque exclusif de l'économie populaire.
Cependant, alors que des recherches sur les stratégies de survie
démontrent des interrelations entre celles-ci et le secteur informel ou
l'économie populaire, peu d'études ont été
consacrées à l'apport des femmes et des enfants dans ce secteur.
En effet, la présence des femmes et des enfants dans l'économie
informelle a été, jusque-là, occultée dans les
recherches en sciences sociales utilisant des approches quantitatives. De plus,
l'importance du rôle économique que jouent ces femmes et ces
enfants reste invisible(1).
Aujourd'hui, avec la stagnation du secteur formel et les
limites du secteur informel, il est indéniable que, pour la
majorité des populations pauvres dans les pays en développement,
la subsistance dépend d'innombrables activités de production des
biens et des services : petits commerces, ateliers de couture, ateliers de
soudure, transport informel urbain, services, receveur, marchand ambulant, les
tenanciers des cabines téléphoniques, les dactylographes dans les
bureautiques, les `'kadhafis», les »quados» etc., qui sont
intimement liés aux réalités des réseaux sociaux,
qui traduisent ce que nous avons désigné dans cette thèse
par les stratégies de survie. Elle consiste à déployer et
à consolider les réseaux de contacts personnels et familiaux afin
de compter, dans une certaine mesure, sur une solidarité et un soutien
qui aident à surmonter les moments de crise.
Nous avons montré certains liens entre la mise au
travail des femmes, des hommes et des enfants, en gros de débrouillards
et les caractéristiques du contexte général de
précarité des ménages. L'examen de leur point de vue, des
motifs, des objectifs et symboliques qui expliquent leur engagement, leurs
pratiques et leurs logiques de survie à travers une analyse de genre
nous a permis de construire la théorie sociale de survie des
ménages à travers quatre phases : la
motivation, la
fragilisation, l'accommodation
et l'avenir.
(1) ADUAYI Diop R., Op. Cit,
p.111
313
En tant qu'acteurs, ces débrouillards nous ont fourni
des explications sur les relations qu'ils entretiennent avec leurs
activités et leur motivation. La motivation principale d'entrée
au travail de ces femmes, de ces hommes et de ces enfants est liée
à la situation globale de précarité engendrée par
les conditions de vie difficiles. Il est évident que la pauvreté,
les crises économiques liées aux conditions
macro-économiques expliquent leur venue dans l'économie
populaire. Cependant, de manière objective, leur situation est
tributaire des revenus des chefs des ménages. Or ceux-ci sont
très précaires et irréguliers, sinon inexistants. Pour la
plupart d'entre eux, les chefs de ménages sont sans emploi du fait de la
retraite, du licenciement, de la fermeture d'usines, ou impayés depuis
plusieurs années. Ces situations entraînent des pertes ou un
manque important de revenus. L'absence de ressources financières du chef
de ménage devient, pour les femmes et les enfants, la cause
première de leur arrivée dans l'activité informelle. Les
expressions telles que : « Je dois soutenir mon mari pour de
nombreuses dépenses de la maison », « mon mari/mon père
n'a pas du travail », « nous n'avons pas de ressources » ;
« mon père ne travaille plus » ; « ma mère n'a
personne sur qui compter », ... montrent le souci de
résoudre le problème urgent et crucial de la subsistance. Mais
elles montrent aussi l'utilité morale et sociale : la valeur de la
participation de tous les membres du ménage permet une
amélioration des conditions socio-économiques. Elle contribue
entre autres à financer les études de leurs enfants, à
régler les factures d'eau et d'électricité ou contribue au
paiement du loyer, à l'acquisition et à la construction de leurs
habitations, etc.
L'autre fonction utilitaire du travail est qu'il
représente une source de satisfaction des besoins que les maris ou les
parents ne peuvent assumer. La satisfaction de leurs besoins matériels
personnels constitue une nouvelle donne pour les femmes et les enfants qui
doivent se prendre en charge. Cette dimension est apparue dans tous les
récits de beaucoup de nos enquêtés sous la formule
récurrente : « Je dois régler mes
problèmes » ou « je dois subvenir à mes besoins
».
314
De ce fait les enfants qui travaillent précocement sont
acteurs de leur propre survie et de celle de leur famille. Comme acteur,
l'enfant qui se livre à un travail dans le secteur informel fait de ce
travail une activité matérielle, cognitive, affective et
psychologique. Il participe à la vie sociale et économique en
s'appropriant des opportunités, des contraintes, des stigmates et des
ressources, aussi précaires soient-elles. Cet aspect du travail a
rarement été analysé. La plupart des études sur le
travail des femmes et des enfants en réduisent la dimension
économique. Les rationalités autres que productives sont
minimisées. Or, les motifs ne reposent pas uniquement sur la
rationalisation économique ou instrumentale. D'autres
rationalités (relationnelle, symbolique, socialisante), mises en avant
par les femmes et les enfants interrogés informent sur leur
identité, leur personnalité et leur environnement social. Ces
motivations multiples conditionnent et expliquent l'entrée dans les
activités productives des femmes et des enfants à Lubumbashi.
Mais cette entrée ne s'est pas faite sans choc. La
fragilisation apparait souvent au début de leur entrée au
marché de travail. Celle-ci peut prendre plusieurs formes. Les femmes et
les enfants sont arrivés au marché de travail par obligation ou
contrainte économique aiguê. Pour les enfants, si les conditions
de cette entrée précoce dans la vie active sont
différentes d'un
enfant à l'autre, elles ne représentent pas
moins de similitudes. La fragilisation peut être liée à
un début de socialisation par l'activité, l'intégration et
l'adaptation. Elle peut être différente d'une personne à
l'autre compte tenu des raisons d'entrée dans l'économie
populaire, dans le commerce et dans le marché. Pour certains dont
l'entrée n'a pas été guidée, l'insertion
était difficile, car elles n'ont reçu ni aide ni assistance pour
s'intégrer dans la dynamique du marché.
Le cas d'une femme qui, secouée par la crise, a
décidé de vendre au marché de la Kenya à Lubumbashi
est une belle illustration: « Au début c'était
difficile, je ne connaissais personne au marché et les autres vendeuses
ne faisaient rien pour m'assister... j'ai fait beaucoup de
315
pertes, je voulais même laisser tomber...,
les voisines du quartier ne parlaient pas en bien de moi et de mes
activités». Cependant, c'est en surmontant ces
difficultés et en se considérant comme seule responsable de sa
propre survie et parfois de sa famille que la carrière pouvait
débuter. Certaines femmes, par contre, s'empressent de trouver des
revenus par tous les moyens. Leur objectif est de résoudre les
problèmes urgents de subsistance pour ainsi « sauver la face »
devant les autres. Cet objectif a poussé la plupart des femmes et des
filles à adopter des comportements déviants ressemblant à
une prostitution déguisée.
La deuxième forme de fragilisation est
matérialisée par l'entrée guidée. Beaucoup
d'enfants et de femmes sont arrivés pour la première fois dans
les activités productrices de revenus accompagnés d'une personne
adulte et expérimentée, le plus souvent une amie, une
mère, une grand-mère, un parent qui a facilité leur
socialisation. Cette forme d'entrée se fait progressivement sans
pression de subsistance. Enfin les autres aussi sont entrés par choix.
Pour ces deux dernières formes, la fragilisation est moins ressentie.
Cela ne veut pas dire que les débrouillards (femmes, hommes et les
enfants) arrivés au marché de travail dans l'économie
populaire n'ont pas rencontré des difficultés qui ont pu les
faire douter de leur choix et de leur chance de réussir, malgré
leur volonté et leur abnégation. Au début, beaucoup
d'entre eux éprouvent peu d'attrait, parfois la peur de l'inconnu, la
honte du regard des autres, de la coutume, des stéréotypes
sociaux, etc., mais ces obstacles sont vite surmontés par une certaine
détermination à réussir. La phase de fragilisation est la
plus courte. Elle peut déterminer le choix entre la poursuite du travail
ou l'orientation vers d'autres activités ou même l'abandon simple
de l'activité.
Après cette phase vient celle de l'accommodation.
L'accommodation correspond à la période d'engagement et
d'adaptation du débrouillard à son milieu et à ses
activités. Avec le temps, il acquiert de l'expérience, se
conforme désormais aux modalités de la vie quotidienne du
marché et la routine s'installe progressivement. Le travail devient un
habitus.
316
Les débrouillards se familiarisent et s'adaptent
à l'espace de leurs activités qu'ils s'approprient. Ils
déploient des habilités, des savoir-faire et des pratiques
concrètes qui leur permettent de s'engager et de développer des
interactions avec les autres acteurs. Avec le temps, Ils développent des
stratégies, des tactiques, des rituels à la fois
matériels, individuels et symboliques. Ils ont de l'assurance. Ils y
prennent goût et décident d'y rester.
La sortie d'anciennes conditions et les perspectives prennent
des formes différentes selon le genre, l'âge, l'activité et
la représentation que les débrouillards se font de leur travail
et du milieu. Contrairement au travail des enfants et des jeunes qui ne dure
pas longtemps, les activités des femmes et des hommes adultes durent
aussi longtemps que les besoins de survie constants se font sentir. Ainsi,
plusieurs possibilités peuvent être envisagées quant
à l'avenir. Le choix peut dépendre de l'organisation du
ménage: amélioration des conditions de vie ou du revenu du
ménage. Dans le cas des enfants, certains peuvent envisager le retour
aux études. Ces cas sont assez rares. Certains parents, même s'ils
manifestent le souhait de voir leurs enfants retourner à l'école
ne parviennent pas à mobiliser les ressources nécessaires.
A cet égard, le discours des ONG, de l'Etat, des
institutions et de certains chercheurs met l'accent sur les liens entre la
scolarité, le travail des enfants et leur avenir. Il oublie que dans un
contexte de précarisation et de marginalisation, l'espoir d'une
profession ou d'un avenir radieux à l'issue d'une scolarisation
prolongée peut constituer une utopie, quelque chose d'inenvisageable
dans la réalité quotidienne. La scolarisation ne constitue pas
une référence positive pour des individus qui luttent pour leur
survie et encore moins pour les enfants qui sont exclus des circuits formels
d'éducation. Le chômage de ceux qui détiennent des
diplômes les encourage plutôt à persévérer
dans la débrouillardise, une sorte de « carpe diem ». La
scolarisation des filles pauvres en particulier, est conditionnée par
une amélioration des revenus des parents et de la mère,
notamment.
317
Les possibilités de changement d'activités
dépendent aussi des rapports de genre. Pour les filles tout comme pour
les femmes interviewées, le besoin d'améliorer ou de changer
leurs conditions de vie par le statut et par l'identité est fonction de
l'insertion sociale et des moyens économiques, des revenus, trouver un
emploi dans le secteur formel. Dans le cadre de la lutte contre la
pauvreté, notamment dans le programme d'amélioration des
conditions de vie de la femme et de protection des enfants, cette dimension
doit être prise en compte pour la réalisation de leurs projets.
Cependant, un fait nouvellement constaté dans cette
thèse, engendré par la crise et la pauvreté, est que les
femmes et les enfants ne veulent plus rester à la maison. Ce qui
contraste avec les habitudes des femmes plus âgées de la ville de
Lubumbashi et la vision stéréotypée que l'on fait du
statut et de la place de la femme congolaise en générale et
lushoise en particulier. Elles préfèrent de plus en plus le
contact direct avec le monde extérieur et être informées de
ce qui s'y passe pour échapper à leur condition de misère
et de marginalisation. Et pour cela le travail devient un moyen de subsistance.
Il les aide à s'insérer dans la société, à
formuler un projet et à réaliser également leur
citoyenneté. Les propos ci dessous recueillis lors de nos enquêtes
à Lubumbashi sont vraiment illustrants:
« Je pense qu'une femme doit avoir de
l'instruction et travailler pour pouvoir trouver sa place dans la
société et être une meilleure maman ».
(Propos d'une jeune femme de la commune de Ruashi) ;
« Les femmes devraient pouvoir travailler.
Pourquoi devrais-je rester à la maison si je peux travailler en dehors
du foyer ? Je devrais avoir aussi un revenu et profiter de l'argent que je peux
gagner comme les autres. Nous ne sommes plus à l'époque où
nos mères étaient obligées de demander de l'argent
à nos pères même pour pouvoir acheter quelque chose d'aussi
élémentaire que des sous-vêtements : nous avons besoin
d'avoir notre propre argent et cela veut dire que nous
318
devons travailler ». (Propos
d'une jeune femme au marché Mzee dans la commune de Lubumbashi).
« Je pense que les femmes devraient chercher
un emploi, elles aussi parce que les hommes n'arrivent pas à obtenir du
travail ; c'est plus facile pour les femmes parce qu'elles ont beaucoup
d'options ». (Propos d'un jeune homme habitant Kalebuka dans
la commune annexe à Lubumbashi).
Aujourd'hui, malgré leurs conditions de travail
difficiles, beaucoup de Lushois reconnaissent que grâce à la
débrouille ils sont moins dépendants leur ancienne source de
revenus et suscitent le respect de la part de leur entourage et aussi au sein
de leur ménage.
5.7. Conclusion partielle
A travers l'examen des résultats de nos enquêtes,
nous avons montré dans ce chapitre que les ménages de Lubumbashi
mobilisent les membres secondaires afin d'accroitre leur niveau de vie et
assurer la survie de leurs ménages. Ainsi nous avons constaté
qu'à Lubumbashi les conjointes sont, après leurs maris, celles
qui participent le plus à l'exercice d'une activité
économique pour la survie de ménages. Cette implication dans les
activités génératrices de revenus va croissante avec la
baisse du niveau de rémunération (revenu) du chef de
ménage. Cela ne veut pas dire que, pendant que les ménages
pauvres développent des stratégies de survie afin de sortir de la
pauvreté ou du moins d'améliorer leurs conditions d'existence,
les ménages les moins pauvres, à leur tour, ne mettent pas en
place des stratégies afin d'accroître ou de maintenir leur niveau
de vie. C'est ainsi que cette étude intéresse aussi bien les
pauvres que les moins pauvres.
Par ailleurs, la participation des femmes (conjointes) ne
saurait être simplement considérée sous l'angle des
stratégies de survie car, avec la modernisation et
l'élévation du niveau d'instruction, elles devraient aspirer
à un statut plus favorable qui passe par la participation à
l'activité économique, que le ménage soit pauvre ou
non.
319
La femme lushoise, au regard de tout ce que nous avons
démontré dans ce chapitre participe à la vie
économique et à la lutte contre la pauvreté par ses
activités domestiques, économiques et professionnelles
rémunérées et non rémunérées. Et
donc, son autonomie économique est une condition essentielle dans la
lutte contre la pauvreté.
Enfin, même si la contribution des enfants aux
ressources des ménages permet, à court terme, d'améliorer
les conditions d'existence, elle peut aussi les maintenir dans le cercle
vicieux de la pauvreté car cette contribution passe par le
délaissement de l'école pour ceux qui sont encore jeunes avec
comme conséquence l'impossibilité soit d'occuper plus tard des
emplois rémunérateurs et sécurisants du secteur moderne ou
bien de disposer des aptitudes nécessaires afin de moderniser leur
activité de survie.
En résumé, les déffaillances du
marché, les obstacles institutionnels et la persistance des normes
sociales qui touchent différemment les hommes et les femmes, conjuguent
souvent leurs effets pour renforcer les inégalités entre le genre
et accroître considérablement la complexité de l'action en
faveur de l'égalité de sexe. Ainsi pour amélioer leur
condition, les femmes doivent agir en vue de faire entendre leur voix de
manière collective, de changer les normes et éviter que celles-ci
ne perdurent et perpétuent les inégalités entre les hommes
et les femmes.
320
CONCLUSION GENERALE
Il est entendu que le développement exige au
préalable une répartition équitable de la richesse, une
certaine égalité des conditions de vie et un minimum d'harmonie
et de cohésion sociale. A cet effet, il s'est avéré que
les nouveaux paradigmes de développement ancrés au coeur du
processus de mondialisation n'ont pas permis d'atténuer les forts
déséquilibres que connaissent aujourd'hui les pays qui souffrent
de la gravité, du moins, de l'ampleur de la pauvreté.
L'émergence de la nouvelle vague de mondialisation
à partir des années 1980, a été spectaculaire de
telle sorte que quelques pays en développement ont tiré profit en
s'intégrant sur les marchés mondiaux, mais d'autres se sont
retrouvés marginalisés et par conséquent ont vu leur
revenu baisser à un point que cela s'est répercuté sur
leurs politiques économique et sociale. D'où l'aggravation de la
crise sous ses diverses formes.
La pauvreté, plus qu'un état de privation
observé à un moment donné, est un phénomène
de nature profondément dynamique, qu'il convient d'étudier dans
le temps pour identifier et comprendre les mécanismes
socioéconomiques sous-jacents afin de bien la combattre et peut
être de trouver les moyens de contourner ses effets.
En République Démocratique du Congo en
général et à Lubumbashi en particulier, la
récession économique et les crises politiques
répétées ont bousculé des comportements
d'adaptations assurant la survie, touchant plus particulièrement les
femmes. Ces comportements concernent le domaine des activités
économiques, de la santé, de l'alimentation, de la
reproduction.
Dans ce contexte devenu difficile, le statut de mariée
accuse un changement important, car il n'accorde plus la sécurité
dans le ménage comme avant. Par conséquent, quel que soit, le
statut ou la catégorie des femmes, l'exercice d'une activité,
dans l'informel en particulier, devient la règle pour assurer la survie
du ménage. Ces activités connaissent un essor
321
important surtout en milieu urbain. Dans le domaine
économique, on remarque aussi l'émergence des petites
activités de survie réalisées avec les équipements
électro-ménagers disponibles dans le foyer. Les enfants
d'âge scolaire sont de plus utilisés dans l'exercice de ces
activités. En matière de fécondité l'engouement
d'une reproduction importante s'effrite, et les naissances retardées. La
solidarité familiale bien qu'elle ne disparaisse pas
complètement, est remplacée, face aux multiples problèmes
sociaux, par les réseaux d'entraide (mutuelles, amis et autres et par
l'endettement). Les comportements d'adaptation ont également
été observés en matière d'alimentation, un seul
repas en milieu ou en fin de journée est devenu la pratique quotidienne
pour les adultes. Cette stratégie permet d'offrir 2 à 3 repas aux
enfants de moins de 10 ans. Le recours aux repas précuits
présentés au passage dans la rue et l'auto production des
aliments sont également des stratégies adoptées pour
éviter de dépenser plus dans le ménage. Désormais,
dans l'achat des aliments, on ne s'intéresse plus à la
qualité mais à la quantité. Ces comportements touchent
aussi le domaine vestimentaire, les friperies en provenance de l'Europe et les
textiles de fabrication africaine de qualité moyenne remplacent de plus
en plus les produits de luxe ou de qualité supérieure.
Ainsi, partant de l'exemple concret de la ville de Lubumbashi
et nous servant de l'approche genre comme outil d'analyse, nous avons
réfléchi sur l'amélioration de la situation et du statut
de la femme en étudiant les mécanismes de survie des
ménages dans une économie de la débrouille. C'est pourquoi
notre thèse s'intitule : Genre, pauvreté et
stratégies de survie des ménages dans la ville de Lubumbashi.
Contribution à l'analyse sociologique d'une économie de la
débrouille.
Nonobstant un certain courant afro pessimiste qui ne retient
très souvent que les images de désolation, d'humiliation et des
tragédies qui occultent la réalité sur le combat que
mènent les hommes et les femmes contre la pauvreté et
l'humiliation, nous avons voulu à travers cette thèse
322
montrer comment dans un environnement marqué par la
précarité des conditions de vie, de la dégradation de
l'environnement, de la cherté de la vie, les impasses de la
mondialisation excluante, des femmes et des hommes font preuve
d'abnégation, d'esprit d'inventivité en s'adonnant à des
pratiques d'autogestion pour la survie de leurs ménages.
En refusant toute lecture passionnée ou complaisante
sur l'Afrique, nous nous sommes cependant interrogé sur les
stratégies de survie dans une économie de la débrouille
à Lubumbashi. L'économie de la débrouille ou informelle se
présente comme une alternative pour parer à la marginalisation
des couches populaires. Si les raisons de son éclosion sont liées
à la crise économique persistante, il n'en demeure pas moins vrai
qu'elle est une construction ancienne tournée vers l'autogestion. Les
activités telles que le commerce, l'artisanat, les tontines que l'on
rencontre très souvent dans une économie de la débrouille
et où l'on retrouve une forte représentativité des femmes
ne datent pas d'aujourd'hui.
L'objectif de cette thèse est de montrer que la
pauvreté loin de relever d'une incapacité des populations peut
être productrice de logiques et des stratégies de survie. En
raison de l'incapacité du secteur formel à absorber la masse
importante de demandeurs d'emploi, des ménages subsistent actuellement
principalement grâce aux revenus, souvent irréguliers, du secteur
informel où l'on note une forte représentativité des
femmes.
Cependant, il importe de ne pas trop surévaluer la
fonction économique des femmes quand bien même elles
constitueraient une composante essentielle dans la survie des ménages.
En effet, la crise économique est telle que dans plusieurs
ménages, on note une conjonction de forces pour atténuer la
dégradation des conditions de vie. Le sens de la débrouille est
aussi un attribut du père, de la mère et des enfants, comme nous
l'avons bien démontré dans cette thèse. La
précarité des conditions de vie sous l'effet de la
pauvreté stimule d'une part la créativité et
l'inventivité des femmes. Ces dernières s'investissent dans des
activités qui sont des formes de réponse à la
pauvreté. Mais d'autre part cette débrouille engendre des
323
effets pervers. Car en dépit de son rôle
économique, on n'assiste pas fondamentalement à une
reconstruction des rôles sociaux favorables aux femmes. La
réussite pour les femmes du secteur informel, n'est pas acquise
d'avance, c'est au détour d'un long chemin qu'elles pensent aspirer
à des lendemains meilleurs. A l'origine ce sont des sacrifices, la peur
du regard d'autrui, le souci de travailler dans la dignité et l'honneur
même si l'admiration portée à l'endroit de personnes dont
la réussite sociale semble douteuse laisse supposer une nette
prédominance d'une logique machiavélique: la réussite
à n'importe quel prix.
Le refus de la résignation chez la femme lushoise
traduit son désir de se libérer de la frustration
engendrée par la pauvreté et l'angoisse du quotidien. Les
stratégies de survie des ménages s'opèrent alors par
l'instrumentalisation de leurs capitaux. La pauvreté loin d'être
vécue comme une malédiction est perçue comme une situation
transitoire à condition que le ménage s'arme d'audace, d'esprit
d'entraide et aussi porte toutes les espérances sur le futur. La crise
économique a favorisé dans une certaine mesure une certaine
libération des énergies créatrices des hommes et des
femmes à Lubumbashi. L'économie de la débrouille a permis
aux ménages d'avoir une relative autonomie financière et non
d'enrayer la pauvreté.
La véritable lutte contre la pauvreté doit
être axée sur un bon accès à l'information et
à l'instruction de tous, le renforcement des capacités et la
promotion des droits et l'égalité de chances des hommes et des
femmes.
Cherchant à appréhender d'une part,
l'état de la pauvreté aussi bien des hommes que des femmes et
d'autre part l'influence de la relation homme-femme sur la survie des
ménages dans la ville de Lubumbashi, nous voulions aussi voir comment
l'influence des relations Homme-Femme est appréhendée par rapport
au sexe du chef de ménage ainsi que sur la façon dont les
ménages mobilisent l'ensemble des ressources dans la quête des
moyens de subsistance, afin de mieux faire face à la pauvreté. Il
était donc question de voir, s'il existait, des écarts
significatifs entre les ménages dirigés par des femmes et ceux
dirigés par des hommes dans le contrôle et la
324
mobilisation de leurs forces économiques et sociales
pour une bonne lutte contre la pauvreté et pour la survie de
ménage.
Autour de cet objectif de recherche deux questions majeures
ont constitué notre problématique de recherche, à savoir
:
? Comment les ménages de Lubumbashi se
démènent-ils pour survivre dans cette situation de
pauvreté presque généralisée?
? Quel est l'apport de la femme, des enfants et des autres
acteurs au sein du ménage dans ce mécanisme de survie?
Partant de trois théories sur l'accroissement de la
participation de la femme au travail à savoir : la théorie
féministe, la théorie du développement humain et la
théorie économique, nous avons postulé que contrairement
à la théorie du capital humain et à la théorie
féministe, l'accroissement de la participation de la femme à
l'activité économique, surtout dans les ménages pauvres
serait lié au processus de lutte pour la survie quotidienne qui
entraîne une mobilisation de toute la main-d'oeuvre disponible,
même celle des femmes faiblement qualifiées.
En s'appuyant sur une organisation productive fondée
sur la diversification des activités de la femme et des enfants ou mieux
de tous les corésidents, les ménages accèdent enfin
à un équilibre de survie pour parer aux éventuels chocs.
Par ce mécanisme, le rôle que revêtent désormais la
femme et les enfants dans la mobilisation des revenus contribue à la
valorisation du rapport du genre en milieux urbains congolais.
La survie de nombreux ménages reste fortement
tributaire de l'apport économique que suscitent la femme et les enfants
à travers certaines activités génératrices de
revenus. Parmi ces dernières, la diversification des activités
chez les enfants constitue un paramètre décisif dans la gestion
des risques et de vulnérabilités.
Les facteurs de modernisation sociale et économique
tels que l'instruction, l'urbanisation et le niveau de développement du
lieu de résidence sont aussi associés à un plus grand
risque de déséquilibre de ménages et au changement des
rapports de genre.
325
Par ailleurs, nos enquêtes ont montré une
incidence négative de la pauvreté sur les conditions de vie des
ménages dirigés par les femmes (divorcées et veuves). En
effet, le divorce ou le décès du conjoint entraîne une
baisse significative du niveau de vie de la femme et partant du ménage.
Car la femme divorcée ou veuve est souvent privée de protection
sociale et cela fait que son statut social est très souvent nettement
inférieur à celui de la femme mariée. Cette situation
confirme le fait que la plupart des femmes considèrent le mariage comme
une sécurité sociale et aussi, dans une certaine mesure, une
assurance économique. Mais au regard des résultats de nos
enquêtes, nous avons constaté que les effets négatifs de la
pauvreté sur les ménages dirigés par les femmes
divorcées ou veuves sont atténués lorsque celles-ci ont
des enfants adultes et actifs. Car elles peuvent éventuellement compter
sur les soutiens de leurs enfants.
Cependant ces résultats pourraient être
révélateurs des mutations sociales et économiques en cours
au sein des sociétés africaines en général et
lushoise en particulier. En effet, jadis la solidarité familiale et
sociale permettait la prise en charge des personnes vulnérables telles
que les veuves, les divorcées et les orphelins. Mais actuellement cette
solidarité semble être mise à l'épreuve avec la
mondialisation et tous ses corollaires. A moins que la plupart des veuves et
des divorcées enquêtés aient assimilé notre
enquête à une éventuelle opportunité d'aide
économique, la majorité ont soutenu n'avoir pas
bénéficié de soutien économique de leur belle
famille.
En tout état de cause, nous postulons que la
pauvreté et l'adoption de nouveaux modes de vie au sein des
ménages à Lubumbashi ont permis la modification des rapports de
genre et la consolidation des stratégies de survie en temps de crise.
Nous avons aussi remarqué que le manque d'influence des femmes au sein
de leurs ménages résulte à la fois de leur accès
plus limités aux opportunités économiques, des normes
sociales, du cadre juridique et de l'application des lois. L'accès aux
opportunités économiques et le cadre juridique sont les
principaux facteurs déterminant à la maîtrise des
ressources des ménages.
326
Ces résultats confirment également la
théorie de la stratégie familiale de survie économique de
Schoemaker que nous avons soutenue dans cette thèse et le rôle
important que jouent la femme et les enfants au sein des ménages
à Lubumbashi où les revenus du chef de ménage sont
actuellement incertains. Elle consiste à optimiser le nombre de
personnes qui contribuent aux activités rentables de l'unité
domestique et se manifeste principalement par la multiplication des fonctions
productrices dans le ménage. Les stratégies de survie sont aussi
les différentes actions conduisant à minimiser le risque d'un
appauvrissement plus critique ou à trouver une plus grande
probabilité d'assurer la subsistance du groupe familial.
Toutefois, cette thèse comporte quelques limites qu'il
convient de souligner. Malgré la richesse des données
utilisées, elles renferment plusieurs limites, à savoir : - le
manque d'information sur le parcours de la vie de chaque ménage qui n'a
pas permis d'examiner en détail les effets et les causes de la
pauvreté de chaque ménage afin de bien saisir la pertinence des
stratégies actuelles pour sortir de la pauvreté ; - la
qualité des informations sur le chef de ménage s'est
avérée par la suite insuffisante, car nous n'avons pas pu inclure
certaines variables importantes pour bien saisir le véritable chef de
ménage et bien dégager les rapports du genre. La
difficulté d'ordre culturel ayant beaucoup pesé au point que
même la femme qui soutient totalement son ménage
préfère s'effacer au profit de son mari.
Malgré ces limites, nous pouvons enfin soutenir qu'en
général les données recueillies sur les revenus et les
dépenses des ménages aussi bien que sur les
caractéristiques de l'habitat, l'alimentation, l'accès aux
services de base ont été suffisantes pour bien comprendre la
pauvreté et les rapports de genre à Lubumbashi ainsi que les
stratégies de survie de ménages.
Les résultats de cette thèse suggèrent
quelques pistes de recherche et recommandations.
a) Les pistes de recherches :
327
Les recherches futures devraient permettre de saisir davantage
la problématique de la pauvreté des ménages à
Lubumbashi et ses conséquences sur le bien-être des populations.
Une des pistes à envisager serait d'examiner un quartier bien
ciblé où l'on procédera par des enquêtes qui
permettraient de recueillir quelques récits de vie des ménages
pendant une période assez longue, quinze à vingt ans par exemple,
pour comprendre comment la débrouille a-t-elle perpétué ou
combattu efficacement la pauvreté. Par exemple, l'analyse des effets de
la débrouille des femmes veuves et divorcées sur la
réussite scolaire et universitaire de leurs enfants. Ce type d'analyse
nécessite à la fois l'histoire matrimoniale des mères et
l'itinéraire scolaire et universitaire des enfants.
Il serait également intéressant de saisir les
effets de la débrouille sur la stabilité des unions matrimoniales
et la planification des naissances à Lubumbashi. Par exemple, au cours
de nos entretiens qualitatifs, quelques femmes ont souligné que leurs
couples s'étaient surtout fragilisés pendant la période de
crise où leurs maris n'arrivaient plus à subvenir totalement aux
besoins de leurs familles et que la femme devait observer une planification des
naissances pour bien se débrouiller. La corrélation entre
jeunesse, pauvreté, maternité et divorce est aussi une
problématique de recherche à envisager. Cette étude
pourrait avoir comme base théorique le postulat selon lequel « en
absence de système de protection sociale formel, à l'âge
adulte, les enfants constituent une assurance vieillesse pour les parents
». Par ailleurs, les analyses pourront aussi montrer que les femmes
mariées à leur jeune âge sont plus sujettes à un
risque de divorce lorsqu'elles sont associées à des niveaux de
vie plus bas que les autres et qu'elles tentent de vouloir limiter les
naissances.
Ainsi donc, notre thèse aura permis de bien comprendre
la théorie économique de stratégie de survie à
travers le cas spécifique de la ville de Lubumbashi.
328
b) Recommandations : A l'Etat :
> de promouvoir les programmes et les politiques visant la
création d'emplois productifs, décents et stables surtout en
faveur des groupes vulnérables et notamment les jeunes et les femmes,
qui connaissent un chômage et un sous-emploi croissants, pour la
réduction durable de la pauvreté;
> de soutenir les activités d'auto prise en charge
qui assurent le rôle de soutien au secteur formel par un bon encadrement
et financement ;
> favoriser le respect des droits et mieux adapter les
systèmes judiciaires aux besoins des femmes ;
> augmenter la capacité de décision et
l'action des femmes au sein des ménages et de la société
;
> élaborer des politiques d'accroissement du niveau
d'instruction des femmes pour diminuer l'inactivité de la femme ou
carrément la sortir de l'inactivité ;
> élaborer des politiques économiques ayant
un effet positif sur l'emploi et le revenu des travailleuses, tant dans le
secteur structuré que dans le secteur informel et adopter des mesures
spécifiques de lutte contre le chômage féminin, en
particulier le chômage de longue durée;
> l'Etat doit assurer aux filles et garçons un
enseignement non discriminatoire qui, en fin de compte, contribue à
instaurer des relations plus égalitaires entre les femmes et les hommes
pour parvenir à un développement durable et à une
croissance économique à la fois soutenue et viable.
A la femme :
> de ne pas simplement considérer sa participation
au travail sous l'angle des stratégies de survie, mais savoir qu'avec la
modernisation et l'élévation de son niveau d'instruction, elle
devra aspirer à un statut plus favorable qui passe par la participation
à l'activité économique, que le ménage soit pauvre
ou non ;
> reconnaître que, quand bien même elles ont en
commun des problèmes qui leur sont propres et qui les obligeraient de
travailler entre elles, c'est en
329
association avec les hommes qu'elles atteindront facilement
l'objectif commun de l'égalité entre les sexes. Et donc, ne pas
considérer les hommes comme des obstacles, encore moins comme des
ennemis ;
Aux enfants:
de considérer que la véritable lutte contre la
pauvreté doit être axée sur un bon accès à
l'information et à l'instruction de tous ; Ils doivent donc
éviter d'abandonner l'école au risque de perpétuer la
pauvreté ;
A la communauté :
> assurer le partage équitable des pouvoirs et des
responsabilités entre hommes et femmes dans les foyers, sur les lieux de
travail et au sein des communautés.
> éliminer toutes les formes de discrimination
à l'égard des femmes et des petites filles ainsi que les
obstacles à l'égalité des sexes et à la promotion
des femmes et du renforcement de leur pouvoir d'action;
> reconnaître que les femmes participent à la
vie économique et à la lutte contre la pauvreté par leurs
activités domestiques, communautaires et professionnelles
rémunérées et non rémunérées. Et
donc, leur autonomie économique est une condition essentielle à
la lutte contre la pauvreté et à la survie du ménage.
> dispenser aux filles une instruction et une formation
professionnelle qui leur ouvrent de plus grandes possibilités d'emploi
et facilitent leur accès à la prise des décisions;
> savoir que la violence à l'égard des
femmes, qui d'ailleurs traduit des rapports de force historiques ayant abouti
à la domination des femmes par les hommes et à la discrimination,
a freiné non seulement la promotion des femmes mais de toute la
communauté.
> savoir que la violence à l'égard des femmes
découle essentiellement de comportements culturels, en particulier des
effets néfastes de certaines coutumes et pratiques traditionnelles qui
perpétuent le statut inférieur
330
réservé aux femmes dans la famille, sur le lieu
de travail et au sein de la communauté et de la société.
Et, s'engager résolument à combattre toutes ces coutumes et
pratiques retrogrades ;
? lutter contre la violence à l'égard des
femmes, car ette violence est encore aggravée par les pressions
sociales, notamment la honte qu'entraîne pour les femmes la
dénonciation de certains actes dont elles ont été
victimes, le manque d'information, d'aide et de protection juridique, l'absence
de lois interdisant clairement les actes de violence à l'égard
des femmes, l'insuffisance des moyens de survie. Les images de violences
à l'égard des femmes véhiculées par les
médias, notamment les scènes de viol ou d'esclavage sexuel et
toutes celles où les femmes et les petites filles sont traitées
comme des objets sexuels, en particulier les images pornographiques,
contribuent à généraliser ces formes de violence et ont un
effet déplorable sur le public en général et plus
spécialement sur les enfants et les jeunes ;
? puisse cette étude contribuer, tant soit peu,
à la lutte contre la pauvreté dans la ville de Lubumbashi et donc
à la promotion de la femme en République Démocratique du
Congo.
331
LISTE DES TABLEAUX
Tableau N° 1 : Population congolaise de la ville de
Lubumbashi de 2006-2011
121 Tableau N° 2 : Population congolaise par commune de
la ville de Lubumbashi
de 2006-2011 122 Tableau N° 3 : Nombre de ménages
à enquêter par commune de la ville de
Lubumbashi 208 Tableau N° 4 : Population et
ménages par commune et par quartier de la ville
de Lubumbashi 210
Tableau N° 5 : Nombre de ménages
enquêtés par quartier 212
Tableau N° 6 : Distribution des ménages
enquêtés par commune 223
Tableau N° 7 : Etat matrimonial de chef des ménages
enquêtés 224
Tableau N° 8 : Distribution de l'état civil en
fonction du genre du chef de
ménage 225
Tableau N° 9 : Catégorie socioprofessionnelle des
chefs des ménages 226
Tableau N° 10 : Taille des ménages à
Lubumbashi 227
Tableau N° 11 : Moyenne de taille de ménages
enquetés par commune 228
Tableau N° 12 : Niveau d'études des chefs des
ménages par commune 230
Tableau N° 13 : Statut d'occupation de la maison des
ménéges enquetés 231
Tableau N° 14 : Type de murs de maisons abritant les
ménages enquetés 234
Tableau N° 15 : Type de Toiture des maisons abritant les
ménages enquetés
235 Tableau N° 16 : Type de pavement des maisons
abritant les ménages
enquetés 236
Tableau N° 17 : Type de toilettes utilisées par les
ménages enquetés 237
Tableau N° 18 : Nombre de pièces dans le logement des
ménages enquetés
238
Tableau N° 19 : Nombre de ménages dans la parcelle
239
Tableau N° 20 : Type d'énergie utilisé pour
l'éclairage 2013 240
Tableau N° 21 : Type de source d'énergie
utilisée pour la cuisson 241
332
Tableau N° 22 : Source d'approvisionnement en eau 242
Tableau N° 23 : Moyen de transport utilisé par le
chef de ménage pour 243
Tableau N° 24 : Nombre de repas par jour 244
Tableau N° 25 : Les ménages scolarisant leurs
Enfants 245
Tableau N° 26 : Nombre d'enfants scolarisés par
ménage à Lubumbashi 245
Tableau N° 27 : Dépense journalière en
francs congolais pour l'alimentation du
ménage à Lubumbashi 246 Tableau N° 28 :
Coût en francs congolais de scolarisation des enfants en
charge des ménages enquetés par mois à
Lubumbashi en 2013-2014 247 Tableau N° 29 : Dépense de
consommation en eau à Lubumbashi en 2013 -
2014 248 Tableau N° 30 : Dépense vestimentaire
en francs congolais à Lubumbashi en
2013 -2014 249 Tableau N° 31 : Coût de Loyer
mensuel à Lubumbashi en francs congolais 250 Tableau N° 32 :
Dépenses de consommation d'énergie électrique en francs
congolais par mois à Lubumbashi en 2013-2014
251 Tableau N° 33 : Tableau synthétique de dépenses
ordinaires mensuelles des
ménages en francs congolais à Lubumbashi en
2013-2014 252 Tableau N° 34 : Les sources principales de revenus des
chefs des ménages à
Lubumbashi en 2013-2014 254
Tableau N° 35 : Régularité du salaire
à Lubumbashi en 2013 255
Tableau N° 36 : Distribution de la principale source de
revenu par commune à
Lubumbashi en 2013 256 Tableau N° 37 : Moyens
utilisés pour suppléer à l'insuffisance du revenu du
chef de ménage à Lubumbashi en 2013-2014 258
Tableau N° 38 : Contribution de la conjointe
(épouse) à Lubumbashi 259
Tableau N° 39 : Manière de contribuer de la
conjointe (épouse) à Lubumbashi
en 2013-2014 260
Tableau N° 40 : Aide familiale à la survie des
ménages 263
Tableau N° 41 : Estimation de l'aide familiale à
la survie des ménages en
franc congolais 264
333
Tableau N° 42 : Objectif de l'aide familiale à
Lubumbashi en 2013 264
Tableau N° 43 : Lieu de résidence de celui qui
aide 265
Tableau N° 44 : Genre de celui qui aide 265
Tableau N° 45 : Age de celui qui aide les ménages
de Lubumbashi 269
Tableau N° 46 : occupation des enfants à
Lubumbashi en 2013-2014 271
Tableau N° 47 : Contribution des enfants à la
survie des ménages 271
Tableau N° 48 : Fréquence de contribution des
enfants à la survie des 272
Tableau N° 49 : Niveau de contribution des enfants par
mois en Fc 272
Tableau N° 50 : Raison du travail précoce des
enfants à Lubumbashi 273
Tableau N° 51 : Nombre des membres extérieurs au
noyau familial vivant
dans les ménages enquêtés à
Lubumbashi 274 Tableau N° 52 : Contribution des membres
extérieurs au noyau familial à la
survie des ménages à Lubumbashi en 2013
274 Tableau N° 53 : Fréquence de la contribution des membres
extérieurs au
noyau familial à la survie des ménages à
Lubumbashi en 2013 275 Tableau N° 54 : Lien de parenté des
membres extérieurs au noyau familial
avec le chef de ménage à Lubumbashi en 2013
275 Tableau N° 55 : Niveau d'étude du Chef de ménage et
la manière de se
débrouiller de la conjointe à Lubumbashi en 2013
283 Tableau N° 56 : Genre et raison de la débrouille de la
conjointe du chef de
ménage à Lubumbashi en 2013 286
Tableau N° 57 : Genre du Chef de ménage et
l'occupation des enfants 292
Tableau N° 58 : Etat-civil du Chef de ménage et
l'occupation des enfants à
Lubumbashi en 2013-2014 294 Tableau N° 59 : Niveau
d'étude du Chef de ménage et l'occupation des
enfants 295 Tableau N° 60 : L'occupation des enfants
par rapport à la catégorie
Socioprofessionnelle du chef de ménage 296 Tableau
N° 61 : La raison du travail précoce des enfants par rapport au
genre
du chef de ménage 298
334
Tableau N° 62 : Distribution de contribution des membres
extérieurs par
rapport au genre du chef de ménage 306 Tableau N°
63 : Genre et le lien de parenté avec les membres extérieurs
au
noyau familial 309
335
LISTE DES FIGURES
Figure N° 1 : Distribution du statut d'occupation par
commune 233
Figure N° 2 : Distribution de type de mur des maisons par
commune 234
Figure N° 3 : Distribution de type de toiture par commune
236
Figure N° 4 : Distribution de coût moyen de loyer par
commune 250
Figure N° 5 : état-civil, les enfants
scolarisés, la principale source de revenu et
les moyens de suppléer à l'insuffisance du revenu
principal 262 Figure N° 6 : Etat civil, Membres de famille venant au
secours, contribution
des enfants à survie ménage, Raison du travail
précoce. 268 Figure N° 7 : Genre, Etat-Civil, Niveau
d'études et contribution des enfants à la
survie de ménage. 291 Figure N° 8 : Genre,
Contribution des enfants à la survie du ménage, Raison
du travail précoce 299 Figure N° 9 : Genre, Etat
civil, Contribution des enfants à la survie du ménage,
Raison du travail précoce. 300 Figure N° 10 :
Genre, Principale source de revenu, Membres de famille venant
au secours, Lien de parenté 308
336
BIBLIOGRAPHIE SELECTIVE
I. OUVRAGES
1. ABESSOLO Asseko, C., Le genre :
expérience camerounaise, Paris, L'Harmattan, 2011
2. ADUAYI Diop R., Survivre à la
pauvreté et à l'exclusion, le travail des adolescentes dans les
marchés de Dakar, Paris, Karthala, 2010
3. AMANDA Konradi et SCHMIDT M., Reading between
the lines, Toward an understanding of current social problems, 2nd
Edition, London, Mayfield Publishing Company, 2001
4. AMIN, S., La faillite du développement
en Afrique et dans le tiers monde, une analyse politique, Paris,
L'Harmattan, 1989
5. AMIN, S., La gestion capitaliste de la crise,
le 50e anniversaire des institutions de Bretton Wood,
Paris, L'Harmattan, 1995
6. AMIN, S., Les défis de la
mondialisation, Paris, L'Harmattan, 1996
7. AYISSI, L., Corruption et pauvreté,
Paris, L'Harmattan, 2007
8. BASILE, J., Des nouveaux scripteurs d'hommes,
un enseignement pour débloquer notre
société, Bruxelles, La Renaissance, 1977
9. BISILLIAT, J. et VERACHUUR, C., Le genre : un
outil nécessaire, introduction à une Problématique,
Paris, L'Harmattan, 2000
10. BISILLIAT, J., Femmes du Sud face aux
changements, Paris, L'Harmattan, 1997
11. BISILLIAT, J., Relation de genre et
développement, femme et société, Paris,
Orstom, 1992
12. BOCQUIER, P. Le chômage des jeunes
citadins en Afrique sub-saharienne, Paris, Karthala, 1994
13. BONNAFOUS-BOUCHER, M., et PESQUEUX, Y.,
Décider avec les parties prenantes : approches d'une
nouvelle théorie de la société civile,
Paris, la Découverte, 2006
337
14. BONNARDEL R., Saint-Louis du
Sénégal : mort ou naissance ?, Paris, L'Harmattan,
1992
15. BOSERUP, E., La femme face au
développement économique, Paris, PUF, 1983
16. BOURDIEU, P. (Dir), La misère du
monde, Paris, Seuil, 1993
17. BRELIANT, B., La pauvreté, un destin
?, Paris, L'Harmattan, 1998
18. BRIMO, A., Méthode de Sciences
Sociales, Paris, Ed. Mont Chrétien, Paris, 1972
19. Bureau International du Travail (B.I.T.), Les
problèmes du travail en Afrique du Nord, Genève,
OIT, 1958
20. CARAMAZZA, El., VIANELLO Mimo, Un nouveau
paradigme pour les sciences sociales : Genre, espace, pouvoir,
Paris, L'Harmattan, 2001
21. CHAVANCE, B., Marx et le Capitalisme. La
dialectique d'un système 2é édition, Paris,
Armand Colin, 2009
22. CIKURU Batumike, Femmes du Congo-Kinshasa,
Défis, acquis et visibilité de genre, Paris,
L'Harmattan, 2009
23. CLOUTIER, L., Femmes, rapports sociaux de
sexe et stratégies de développement en Afrique de
l'ouest, Quebec, Centre Sahel, 1993
24. COQUERY-VIDROVITCH, C. et NEDELEC S., Tiers
-Monde: l'informel en question? , Paris, L'harmattan, 1991
25. CORDONNIER, R., Femmes africaines et commerce
: les vendeuses de tissus de la ville de Lomé (Togo),
Paris, ORSTOM, 1982
26. CORIAT, B et WEINSTEIN, O., Les nouvelles
théories de l'entreprise, Paris, Librairie
Générale Française, 1995
27. DANSEREAU, P et TOURE Amadou C.,
Modélisation du secteur informel en équilibre
général calculable : une revue de
littérature, Montréal, Université de
Montréal, Centre de recherche et de développement en
économie, 1995
338
28. DEBLE, I. et al., vivre et survivre dans les
villes africaines, paris, PUF, 1982
29. DELPHY, Ch., L'ennemi principal,
l'économie politique du Patriarcat, Tome 2, Penser du genre,
Paris, Ed. Syllepse, 2001
30. DELWASSE, L. et DELPECH, F., Quand les femmes
prennent le pouvoir, Paris, Ed. Anne carrière, 2005
31. DIAGNE Pathé et GUEYE Boubacar, Quelle
démocratie pour le Sénégal ? , Dakar,
Sankoré, 1984
32. DIAMBOMB Miala, Les entreprises informelles
dans le monde, Sainte-Foy, presses de l'Université de
Laval, 1994
33. DIBWE dia Mwembu, D., Bana Shaba
abandonnés par leur père : Structures de l'autorité et
histoire sociale de la famille ouvrière au Katanga,
1910-1997, Paris, L'Harmattan, 2001.
34. DIBWE dia Mwembu, D., et NGANDU Mutombo, M.,
Vivre ensemble au Katanga, Paris, L'Harmattan,
2005
35. DIOUF Makhtar, L'Afrique dans la
mondialisation, Paris, L'Harmattan, 2002
36. DJIK Meine-Pieter van, Sénégal,
le secteur informel de Dakar, Paris, l'Harmattan, 1986
37. DROY, I., Femme et développement
rural, Paris, Karthala, 1990
38. DUMONT, R., Pour l'Afrique,
j'accuse, Paris, Plon, 1991
39. DUVERGER, M., Méthodes des Sciences
Sociales, Paris, PUF, 1961
40. DUVIGNAUD, P., La flore et la
végétation du Katanga et des sols
métallifères, Belgique, Bull. soc.Roy.Bot, 1952
41. ELA, J.M., L'Afrique des villages,
Paris, Kaethala, 1982
42. EPSTEIN, C., Deceptive Distinction : sexe,
Gender, and the social order, New Haven, Yale university Press,
1988
43. ESSE Amouzou, Pourquoi la pauvreté
s'aggrave- t- elle en Afrique noire, Paris, Etudes Africaines,
2009
44. EVANS, E. et PRITCHARD, E, La femme dans les
sociétés primitives, Paris, PUF, 1971
339
45. FANON, F., Peau noire, masques
blancs, paris, Seuil, 1975
46. FONKOUE J., Différence et
identité. Les sociologues africains face à la
sociologie, Paris, Silex, 1985
47. FRAISSE, G., La raison des
femmes, Paris, Plon, 1992
48. FRANK, A.G., L'accumulation
dépendante, Paris, Anthropos, 1997
49. FREEMAN, R. Ed., Strategic management : a
stakeholder approach, Boston, Pitman, 1984
50. GABORIT, P., Les stéréotypes de
genre, identités, rôles sociaux et politiques,
Paris, L'Harmattan, 2009
51. GADREY, N., Travail et genre, approches
croisées, Paris, L'Harmattan, 2001
52. GASTINEAU, B., et SANDREN, B.,
Fécondité et pauvreté en Kroumire (Tunisie),
Paris, L'Harmattan, 2002
53. GODELIER, M., Métamorphoses de la
parenté, Paris, Collection Champs, 2010
54. GOLDSTEIN, G. ; POUSAT, C. ; WAMPFLER, B. et CONTIS, L.,
Les contraintes et les défis de la viabilité des
systèmes de microfinance en zones rurales défavorisées en
Afrique, CERISE, 2000.
55. GUILLOU, J., MOREAU de BELLAING, L.,
Misère et Pauvreté, Paris, L'Harmattan,
1999
56. HAMMOUDA BEN Hakim, Afrique : pour un nouveau
contrat de développement, Paris, L'Harmattan, 1999
57. HERITIER, F., Masculin, féminin : la
pensée de la différence, Paris, Odile Jacob,
1996
58. HERTZ R., More Equal than Others : Women and
Men in dual career Marriages, Berkeley, university of California
Press, 1986
59. HOUYOUX, J. et LECOANET, Y. Lubumbashi,
démographie, Budgets ménagers et étude du
site, Kinshasa, Bureau d'Etudes et d'aménagements urbains
(BEAU), 1975
60. HURTIG, M.C ; KAIL, M et ROUCH, H., Sexe et
genre : de la hiérarchie entre les sexes, Paris, Ed. du
CNRS, 1991
340
61. IGNASSE, G., et WELZERLANG, D., Genre et
sexualité, Paris, L'Harmattan, 2003
62. JACQUET, I. ; MIGNOT, L. YVONE (préf),
Développement au masculin/ féminin : le genre un
outil d'un nouveau concept, Paris, L'Harmattan, 1995
63. JACQUET, I., Développement au
masculin, féminin, genre, outil pour un nouveau concept,
Paris, L'Harmattan, 1995
64. JACQUILLAT, B., et LEVASSEUR, M., Signaux,
mandats et Gestion financière : une synthèse de la
littérature, Paris, Centre d'Enseignement Supérieur
des Affaires de JOUY EN JOSAS, 1984
65. KABEER, N., Intégration de la
dimension genre dans la lutte contre la pauvreté et objectifs du
millénaire pour le développement, Paris,
L'Harmattan, 2005
66. KARIMA Belkacem, De l'emprunt au
surendettement, la situation des ménages en France, Paris,
L'Harmattan, 2009
67. KARL Marx, Le Capital, Livre 1,
Paris, PUF, Collection Quadrige, 2006
68. KATHEEN, N., Femme et
société, Paris, Gauthier, 1979
69. LACOH, T., LABOURIE, R.A. et TICHIT, C.,
Genre et développement : des pistes à
suivre, Paris, CEPED, 1996
70. LAUTIER, B., L'économie informelle
dans le Tiers-Monde, Paris, La Découverte, 1994
71. LEBLANC, M. et MALAISSE, F., Lubumbashi : un
écosystème urbain tropical, Lubumbashi, Centre de
sémiologie, UNAZA, 1978
72. LECARME, F., Marchandes dakaroises entre
maison et marché: approche anthropologique, Paris,
L'Harmattan, 2000
73. LECLERC, B., Les conceptions de l'être
humain, théories et Problématiques, Québec,
Du nouveau pédagogique, 1993
74. LUZOLELE Lola Nkakala, L., Congo- Kinshasa,
combattre la pauvreté en situation de post-conflit, synergie entre
l'Etat, le marché et le capital social, Paris,
L'Harmattan, 2002
341
75. MALAISSE, F., Carte de la
végétation du basin de la LUANZA, Bruxelles, Cercle
hydro biologique de Bruxelles, 1973
76. MALAISSE, F., Se nourrir en forêt
claire Africaine. Approche écologique et nutritionnelle,
Belgique, Centre Technique de Coopération Agricole et rural, CTA,
1997
77. MALDONADO, C., GAUFRYAU B, L'économie
informelle en Afrique francophone : structure, dynamiques et
politiques, Genève, BIT, 2001
78. MALDONADO, C., GAUFRYAU, B.,
L'économie informelle en Afrique francophone : structure,
dynamiques et politiques, Genève, BIT, 2001
79. MEILLASSOUX, C., Femmes, greniers et
capitaux, Paris, Maspero, 1975
80. MUKENA, A., J'accuse I Motion incidentielle
adressée à l'Assemblée plénière contre les
cancers politiques qui gangrènent la RDC,
Louvain-la-Neuve, Lajino, 2010
81. MUKOKO Samba, D., Conflits armés en
RDC. Le rôle des facteurs économiques et leçons pour la
reconstruction, Kinshasa, PNUD, 2004
82. MULUMBATI Ngasha, Manuel de Sociologie
générale, Ed. Africa, L'shi, 1980
83. MUMENGI, D., Sortir de la pauvreté, la
révolution du bon sens au Congo, Paris, L'Harmattan,
2006
84. NDIONE Seyni, E. Le don et recours : ressorts
de l'économie urbaine, Dakar, Enda Editions, 1992
85. NGANDU Mutombo, M, Femme dans les mouvements
chrétiens africains. Recits de vie à Lubumbashi (R.D. Congo),
Préface de Peter GESSCIERE, Paris, L'Harmathan, 2009
86. NKUKU Khonde, C. et REMON, M.,
Stratégies de survie à Lubumbashi
(RDC), Paris, L'Harmattan, 2006
87. NOHRA, F., Théories du
capitalisme, Paris, L'Harmattan, 1997
342
88. NOWAK, M., On ne prête pas (que) aux
riches, Paris, JC Lattès, 2005
89. NYAMBAL, E., Afrique : les voies de la
prospérité, dix clés pour sortir de la pauvreté,
2e édition, Paris, L'Harmattan, 2008
90. NYAMBAL, E., Créer la
prospérité en Afrique, Dix clés pour sortir de la
pauvreté, Paris, L'Harmattan, 2006
91. OLIVIER, A., Sexe, Genre et
travail, Paris, L'Harmattan, 2010
92. PAUGAM, S. ; SCHNAPPER, D.,... La
disqualification Sociale, Paris, PUF, 2004
93. PAULME, D. (Coord), Femmes d'Afrique
noire, Paris, Mouton, 1960
94. PETIT, P. (Dir.), Ménages de
Lubumbashi entre précarité et recomposition, Paris,
L'Harmattan, 2003
95. PINTO, R. et GRAWITZ, M., Méthodes des
Sciences Sociales, Paris, Dalloz, 1971
96. POLANYI, K., La grande transformation. Aux
origines politiques et économiques de notre temps, Paris,
Gallimard, 1983
97. QUELIN, B., Les frontières de la
firme, Paris, Economica, 2002
98. RAYMOND, A., La lutte de classes, nouvelles
leçons sur les sociétés industrielles,
Paris, Gallimard, 1967
99. République Démocratique du Congo,
Les codes larcier de la République Démocratique du
Congo, Tome 1, Droit civil et judiciaire, Larcier, Bruxelles,
2003
100. ROMANIUK, A., Démographie congolaise
au milieu du XXe siècle, analyse des statistiques de
l'enquête sociodémographique par sondage des années
1955-1957 République Démographique du Congo,
Louvain la Neuve, Presses Universitaires de Louvain, 2006
101. RONDEAUX, A., Catégories sociales et
genres ou comment y échapper, Paris, L'Harmattan, 2001
102. SARR Fatou, L'entreprenariat féminin
au Sénégal : la transformation des rapports de
pouvoirs, Paris, L'Harmattan, 1998
103. SECHET, R., Espace et pauvreté, la
géographie interrogée, Paris, L'Harmattan, 1996
343
104. SEN, A., Un nouveau modèle
économique. Développement, Justice, Liberté,
Paris, Editions Odile Jacob, 1999
105. SEN, A., Un nouveau modèle
économique : développement, justice,
liberté, Paris, Ed. Odile Jacob, 2000
106. SIMEON, C., Faire face à la
pauvreté et à l'uniformisation mondialiste, Paris,
L'Harmattan, 2005
107. TOURE Abdou, Les petits métiers
à Abidjan : l'imagination au secours de la conjoncture,
Paris, Karthala, 1985
108. TSHIBILONDI Ngoyi, A., Enjeux de
l'éducation de la femme en Afrique. Cas des femmes congolaises du
Kasaï, Paris, L'Harmattan, 2005
109. TSHIMPAKA Yanga, L'énigme de Ntu.
Regard sur la région des grands lacs africains,
Lubumbashi, Cactus, 2006,
110. VANGROENWECHE, D., Du sang sur les lianes.
Léopold II et Son Congo, édition revue et
corrigée, Bruxelles, Aden, 2010
111. VERLET, M., L'enfant exploité,
oppression, mise au travail, prolétariat, Paris,
Karthala-ORSTOM, 1996
112. ZADI Kessy, M., Culture africaine et gestion
de l'entreprise moderne, Abidjan, CEDA, 1988
II. ARTICLES
1. DIKASA Engondo, « La dépréciation
continue du zaïre monnaie et l'effritement du pouvoir d'achat du
fonctionnaire Zaïrois. Cas de l'enseignant de l'université. Essai
d'analyse des indices de décembre 1995 à mars 1997 », In
Les Annales de l'Institut Supérieur de Statistique,
N°6, Aout 1999, pp 49-74.
2. DUPREE, M. C., « Comment être femme. Un aspect
du rituel Mukisi chez les Téké de la République Populaire
du Congo », in Archives de Sciences Sociales des Religions,
Juillet-Septembre, 1978, Vol 46, N°1, pp 57-84
344
3. LARRAECHEA Ignacio et Nyssens Marthe, «
L'économie populaire : un défi épistémologique pour
les économistes », in Collection, la connaissance des
pauvres, Louvain-la Neuve, GIREP, 1996, pp. 489501
4. LECLERCQ, H., « L'économie populaire
informelle de Kinshasa, approche macro-économique » in
Zaïre-Afrique, N°271, Janvier 1993, pp.17-36
5. OSAKO Onowamba, A. « Kazi et les femmes lushoises
», in Le travail hier et aujourd'hui Mémoires de
Lubumbashi, Paris, L'Harmattan, 2004, pp. 177-189
6. NGANDU Mutombo M., « Femmes Lulua du Kasaï,
que sont devenues vos traditions au cours de la crise des années 1990
à nos jours : Confessions, témoignages et expériences des
femmes lulua sur la vie conjugale en milieu urbain de Lubumbashi,»
dans Isidore NDAYEWEL è Ziem et Mudimbe Boyi E., Images,
mémoires et savoirs une histoire en partage avec Bogumil Koss
Jewsiewicki, Paris, Karthala, 2009, pp.539-562
7. NGANDU Mutombo M., « L'Etat, le genre et
l'icomographie : l'image de la femme au Congo belge » dans Isidore
NDAYEWEL è Ziem et Mudimbe Boyi E., Images, mémoires et
savoirs une histoire en partage avec Bogumil Koss Jewsiewicki, Paris,
Karthala, 2009, pp.515-539
8. PRONK, J., « Femmes dans le développement: le
chemin vers l'autonomie », in Cahiers genre et
développement N°1, 2000, pp.87-93
9. SHANYUNGU Mpenda Watu, « la lutte pour la survie : le
cas des Zaïrois », in Zaire-afrique
n°181, 1984, pp.57-59
10. SOW Fatou, « Les initiatives féminines au
Sénégal, une réponse à la crise ? » in
Afrique et Développement, vol 18 n°3,
1993, pp.89-115
11. WRESINSKI, J., Grande pauvreté et
précarité économique et sociale, in Journal
Officiel, Paris, 1987, pp. 24-102
345
III. THESES ET MEMOIRES
1. BOUCHARD, H., Rapport de genre,
stratégies des femmes dans l'exercice du micro-commerce à
Kinshasa (RDC), Montréal, Université du
Québec à Montréal, Thèse de Doctorat en Sociologie,
2000.
2. BUSHABU Piema Kuete, Famille et
urbanité à Lubumbashi, Thèse de doctorat en
Sociologie, Lubumbashi, FSSPA, UNILU, 1994
3. BWAWA Kadanyi, Genre et égalité
à l'éducation scolaire dans le Territoire de Luiza. Contribution
à la théorie de management scolaire, Thèse
de doctorat en Sociologie, Lubumbash, UNILU, FSSAP, 2011
4. DIKASA Engondo, M., Genre et lutte contre la
pauvreté dans la ville de Lubumbashi. « Essai d'analyse des
manifestations de l'autonomisation de la femme lushoise à travers le
microcrédit ». Mémoire de DEA en
Sociologie, Lubumbashi, FSSPA, UNILU, 2011
5. KAYIBA Bukasa, Femme et travail : analyse
critique de la problématique de la parité dans les entreprises
publiques à Lubumbashi, Thèse de doctorat en
sociologie, Lubumbashi, FSSPA, UNILU, 2010
6. KITENGE Ya, Le rôle de la femme
zaïroise dans la société contemporaine. Aspects
épistémologiques et analyse qualitative de la condition
féminine, Thèse de doctorat en sociologie,
Lubumbashi, UNAZA-FSSPA, 1977
7. MALOBA Kale Katyetye, La prévention de
la criminalité dans la ville de Lubumbashi, une contribution à la
théorie sociologique du crime, Mémoire de DEA en
sociologie, Lubumbashi, FSSPA, UNILU, 2009-2010
8. MITONGA Kabwebwe H, La pauvreté-
déterminant majeur et conséquence de l'épidémie du
VIH/SIDA dans une contrée frontalière en Afrique australe, cas de
la frontière de Kasumbalesa (RDC-Zambie), Thèse de
doctorat en santé Publique, UNILU, 2009-2010
346
9. MULANG N'daal F., Femme et économie
quotidienne. Histoire de la construction de la féminité à
partir des marchés informels lushois, Thèse de
doctorat en Histoire, Lubumbashi, UNILU, 2009-2010
10. SCHOEMAKER Juan F., Stratégies de survie
et procréation : une étude des bidonvilles d'Asuncion
(Paraguay), Montréal, Université de
Montréal, Thèse de doctorat en démographie, 1987
11. SERRES (DE), A., L'allocation de capitaux aux
projets innovateurs : étude des pratiques émergentes dans le
domaine des infrastructures publiques, Thèse de doctorat,
Montréal, école des sciences de la Gestion, Université du
Québec à Montréal, 1999
IV. Webographie
1. Réseau Impact appui aux politiques de réduction
de la pauvreté et des inégalités
www.reseau-impact.org
2.
http://www.famafrique.org
V. Logiciels utilisés
i' Le SPSS (Statistical Package for the Social Sciences) i' Le
Sphinx plus2
1.2.1.5.Le concept de stratégies de survie 68
347
TABLE DE MATIERES
DEDICACE I
REMERCIEMENTS II
SIGLES ET ABREVIATIONS IV
INTRODUCTION GENERALE 1
1. Présentation du sujet et objet de la recherche 1
2. Choix et intérêt du sujet 2
2.1.Intérêt personnel 2
2.2.Intérêt social 3
2.3.Intérêt scientifique 4
3. Délimitation du sujet 5
4. Etat de la question 6
5. Problématique 27
6. Hypothèses et thèse de l'étude 31
7. Méthodologie de la recherche 33
7.1.Méthode de recherche 33
7.2.Techniques de recherche 43
8. Présentation synthétique de la thèse
44
CHAPITRE I : CADRES CONCEPTUEL ET THEORIQUE
46
1.1. Introduction 46
1.2. Cadre conceptuel 47
1.2.1.Les concepts opératoires 47
1.2.1.1.Le concept de genre 47
1.2.1.2.Le concept de la pauvreté 50
1.2.1.3.Le concept genre dans la lutte contre la
pauvreté 59
1.2.1.4.Le concept de stratégie 66
348
1.2.1.6.Le concept de ménage 70
1.2.1.7.Le concept d'économie de la débrouille
73
1.2.2.Les concepts connexes 75
1.2.2.1. Les forces productives 75
1.2.2.2. Les rapports de production 76
1.2.2.3. Le mode de production 76
1.3. Cadre théorique 82
1.3.1.La théorie sur le genre 84
1.3.2.Modèle a priori 96
1.4. Conclusion partielle 113
CHAPITRE II : PRESENTATION DE LA VILLE DE LUBUMBASHI
115
2.1. Introduction 115
2.2. Historique et localisation 115
2.3. Caractéristiques physiques et géographiques
117
2.4. Population de la ville de Lubumbashi 119
2.5. Organisation politico-administrative et sociale 122
2.6. Cadre économique et alimentaire 128
2.7. Les problèmes urbains 133
2.8. Contexte socioculturel 139
2.9. Conclusion partielle 143
CHAPITRE III: GENRE ET SITUATION DES MENAGES DANS LA
VILLE DE
LUBUMBASHI 145
3.1. Introduction 145
3.2. La pauvreté et l'exclusion de la femme à
Lubumbashi 145
3.2.1.Les conditions générales de fragilisation
de la femme 146
3.2.2.Les conditions sociales de la fragilisation 167
3.3. Le secteur informel à Lubumbashi 183
349
3.4. Rôle et participation de la femme dans le secteur
informel 188
3.5. Rôle de la femme dans la survie du ménage
195
3.6. Conclusion partielle 201
CHAPITRE IV : CADRE METHODOLOGIQUE ET PRESENTATION
DES
RESULTATS DES ENQUETES SOCIO-ECONOMIQUES DE L'ETUDE
203
4.1. Introduction 203
4.2. Organisation de l'opération sur terrain 204
4.2.1. Echantillonnage et modes de collecte 205
4.2.2. Déroulement de l'enquête 217
4.3. Les tests statistiques utilisés 218
4.3.1.Le test de Khi deux (X2) 218
4.3.2.L'analyse factorielle des correspondances 220
4.3.3.Le SPSS 221
4.3.4.Le Sphinx plus2 221
4.4. Présentation des résultats des
enquêtes socio-économiques 222
4.4.1. Localisation et caractéristiques des
ménages 223
4.4.2. Caractéristiques de l'habitat des ménages
231
4.4.3. Accès aux services de bases à Lubumbashi
en 2013 240
4.4.4. Dépense et revenus des des ménages 246
4.4.4.1.Dépenses ordinaires et extraordinaires des
ménages 246
4.4.4.2.Revenus ordinaires et extraordinaires du chef de
ménage 253
4.4.4.2.1.Les revenus extraordinaires 257
4.4.4.2.2.Les sources secondaires du revenu 258
4.4.4.2.3.Les activités de la femme/la conjointe 259
4.4.4.2.4.L'aide familiale à la survie des
ménages 263
4.4.4.2.5.L'apport des enfants à la survie des
ménages 270
4.4.4.2.6.L'apport des membres extérieurs au noyau
familial 274
4.5. Difficultés rencontrées 277
350
4.6. Conclusion partielle 278
CHAPITRE V : DISCUSSION GENERALE SUR LE GENRE ET LES
STRATEGIES DE SURVIE DES MENAGES DANS LA VILLE DE
LUBUMBASHI 282
5.1. Introduction 282
5.2. La proportion de conjointes occupées suivant le
niveau d'instruction et la
catégorie socioprofessionnelle du Chef de ménage
283
5.3. Le genre, l'Etat-Civil, niveau d'études du chef de
ménage et la
contribution des enfants à la survie du ménage
289
5.4. L'occupation des enfants par rapport au niveau
d'étude du chef de
ménage 295
5.5. Le genre du chef de ménage et la contribution des
membres extérieurs
au noyau familial à la survie des ménages 304
5.6. Réflexion a posteriori 311
5.7. Conclusion partielle 318
CONCLUSION GENERALE 320
LISTE DES TABLEAUX 331
LISTE DES FIGURES 335
BIBLIOGRAPHIE SELECTIVE 336
TABLE DE MATIERES 347
ANNEXES 350
351
ANNEXES
Annexe 1 : BAREME COURANT OCTOBRE 2010 A L'ESU
|
|
|
|
PR. AUT.AC
|
|
|
|
|
RECT
|
|
|
|
65000,00
|
|
|
|
|
DG
|
|
|
|
60826,00
|
|
|
|
|
SG
|
|
|
|
51969,00
|
|
|
|
|
AB
|
|
|
|
51969,00
|
|
|
|
|
|
B.F.P KINSHASA
|
B.F.P. PROVINCE
|
PR DIPL
|
TAUX
|
PR.F.AC.SC
|
TOT PRIMES
|
N.A.P.VILLE KINSHASA
|
N.A.P. PROVINCES
|
PO
|
75323
|
60323
|
THESE
|
5507,00
|
1035699,50
|
1041206,60
|
1116529,50
|
1101529,50
|
3e Cycle
|
3671,00
|
1035699,50
|
1039370,50
|
1114693,50
|
1099693,50
|
P
|
74923
|
59923
|
THESE
|
5027,00
|
969307,40
|
974334,40
|
1049257,40
|
1034257,40
|
3e Cycle
|
3351,00
|
969307,40
|
972658,40
|
1047581,40
|
1032581,40
|
P.A
|
72430
|
57430
|
THESE
|
4847,00
|
924737,40
|
929584,40
|
1002014,40
|
987014,40
|
3e Cycle
|
3231,00
|
924737,40
|
927968,40
|
1000398,40
|
985398,40
|
C.T
|
70403
|
55403
|
DES
|
2873,00
|
317787,90
|
320660,90
|
391063,90
|
376063,90
|
L2
|
1915,00
|
317787,90
|
319702,90
|
390105,90
|
375105,90
|
ASS2
|
66564
|
51564
|
DES
|
2016,00
|
169174,48
|
171190,48
|
237754,48
|
222754,48
|
L2
|
1404,00
|
169174,48
|
170578,48
|
237142,48
|
222142,48
|
ASS1
|
64936
|
49936
|
DES
|
1915,00
|
148940,80
|
150855,80
|
215791,80
|
200791,80
|
L2
|
1277,00
|
148940,80
|
150217,80
|
215153,80
|
200153,80
|
CPP2
|
63692
|
48692
|
|
758,00
|
116357,50
|
117115,50
|
180807,50
|
165807,50
|
CPP1
|
63293
|
48293
|
|
598,00
|
113255,50
|
113853,50
|
177146,50
|
162146,50
|
|
B.F.P KINSHASA
|
B.F.P. PROVINCE
|
PR DIPL
|
TAUX
|
PR.F.AC.SC
|
TOT PRIMES
|
N.A.P.VILLE KINSHASA
|
N.A.P. PROVINCES
|
DCS
|
75232
|
60323
|
L2
|
2447,00
|
185465,00
|
187912,00
|
263144,00
|
248235,00
|
G3
|
1835,00
|
185465,00
|
187300,00
|
262532,00
|
247623,00
|
DIR
|
74923
|
59923
|
L2
|
2234,00
|
115543,00
|
117777,00
|
192700,00
|
177700,00
|
G3
|
1676,00
|
115543,00
|
117219,00
|
192142,00
|
177142,00
|
CD
|
72430
|
57430
|
L2
|
2154,00
|
105861,00
|
108015,00
|
180445,00
|
165445,00
|
G3
|
1616,00
|
105861,00
|
107477,00
|
179907,00
|
164907,00
|
CB
|
70403
|
55403
|
L2
|
1915,00
|
81094,00
|
83009,00
|
153412,00
|
138412,00
|
G3
|
1437,00
|
81094,00
|
82531,00
|
152934,00
|
137934,00
|
ATB1
|
66564
|
51564
|
L2
|
1277,00
|
78110,00
|
79387,00
|
145951,00
|
130951,00
|
G3
|
958,00
|
78110,00
|
79068,00
|
145632,00
|
130632,00
|
ATB2
|
64956
|
49956
|
L2
|
1011,00
|
74972,00
|
75983,00
|
140939,00
|
125939,00
|
G3
|
758,00
|
74972,00
|
75730,00
|
140686,00
|
125686,00
|
AGB1
|
63692
|
48692
|
G3
|
599,00
|
74298,00
|
74897,00
|
138589,00
|
123589,00
|
|
|
74298,00
|
74298,00
|
137990,00
|
122990,00
|
AGB2
|
62894
|
47894
|
|
|
72657,00
|
72657,00
|
135551,00
|
120551,00
|
AA1
|
62256
|
47256
|
|
|
71514,00
|
71514,00
|
133770,00
|
118770,00
|
AA2
|
55638
|
40638
|
|
|
70854,00
|
70854,00
|
126492,00
|
111492,00
|
HUIS
|
50000
|
35000
|
|
|
70227,00
|
70227,00
|
120227,00
|
105227,00
|
352
Annexe 2 : Questionnaire d'enquête sur le genre,
pauvrété et stratégie de survie des
ménages
Université de Lubumbashi
Faculté des Sciences Sociales, Politiques et
Administratives Département de Sociologie et
Anthropologie Questionnaire d'enquête sur : Genre, pauvreté et
stratégies de survie des ménages dans la ville de
Lubumbashi
(Cette enquête se situe dans le cadre
d'élaboration d'une thèse de doctorat en sociologie et par
conséquent, les résultats de celle-ci ne sont exploités
que pour des fins scientifiques et garantie la confidentialité des
informations tant individuelles qu'institutionnelles collectées).
Questionnaire N°
I. Localisation et caractéristiques du chef de
ménage
1. Commune Quartier Rue ou avenue N
2. Genre (sexe) : Masculin Féminin
3. Date de Naissance / / Age
4. Etat civil : Marié(e): Monogame Polygame veuf(ve)
Divorcé(e)
|
Célibataire
|
Union consensuelle/ libre
|
|
5. Depuis quelle année êtes-vous marié,
divorcé ou veuf(ve) ?
6. Niveau d'étude : Primaire Secondaire Supérieur
et universitaire
7. Quelle est la catégorie socioprofessionnelle
principale du chef de ménage?
Salarié de l'Etat (Public) Salarié du secteur
privé formel Salarié du secteur privé informel
Activités libérales : Commerce avec patente
Petits commerce SP Petits métiers artisanaux
Activités agricole Ménagère Elève ou
étudiant Autre à préciser
Sans emploi déclarés Retraité Invalide
8. Quelles sont les raisons qui vous ont poussé à
chercher une maison dans ce quartier ?
- Facilité de moyen de transport
- le coût de la vie
- la proximité avec le lieu où j'exerce mes
activités
- parce que c'est ici ou j'ai trouvé un terrain pour
construire ma propre maison
- parce que c'est un milieu où les affaires marchent
bien
- je n'avais pas de choix
9. A combien êtes- vous dans votre ménage
10. Combien sont vos enfants ? Total (Garçon Fille
)
11. Quel est le lien de parenté avez-vous avec les autres
membres de votre ménage ?
Enfant du Conjoint du CM ou CCM, Père /Mère CM,
Père/Mère CCM, Petit-fils/fille du CM
|
Autre parent
|
|
12. Quelle est la catégorie socioprofessionnelle du
conjoint(e) du chef de ménage?
Salarié de l'Etat (Public) Salarié du secteur
privé formel Salarié du secteur privé informel
Activités libérales : Commerce avec patente Petits
commerce SP Petits métiers artisanaux
353
Activités agricole Ménagère Autre à
préciser
Sans emploi déclarés
II. Caractéristique de
l'habitat
1. Statut d'occupation de la maison : Propriétaire avec
titre,
|
Propriétaire sans titre, Locataire
|
Logé par l'employeur
|
Logé par les parents Loger par un ami
|
Autre à préciser
2. Type d'habitation : 2. A. Mur :
En béton armé En bloc ciment En brique cuite En
brique adobes
En matériaux de fortune
En tôles de récupération En chaumes
En planches
2. B. Toiture En tuile
2. C. Pavement En bois
En pisé (mortier) En tôles galvanisées
En carrelage
En ciment
En terre battue
2. D. Type de toilettes utilisées :
Intérieure privée avec chasse eau Commune à
plusieurs ménages avec chasse d'eau
Extérieure privée avec chasse d'eau Commune
à plusieurs ménages sans chasse d'eau Pas de toilette
2. E. Nombre de pièces dans le logement :
Une pièce Deux pièces Trois pièces Quatre
pièces Plus de quatre
2. F. Dans le cas ou vous êtes locataire, combien vous
coute le loyer ? F / Si vous êtes
propriétaire combien couterait cette maison si elle
était en location F
III. Accès aux services de
bases
1. Quelle est votre source d'énergie ? 1. A. Pour la
cuisson :
Electricité Gaz Pétrole
Charbon de bois Bois de chauffage
Sciures de bois
1. B. Pour l'éclairage : Electricité Groupe
électrogène Pétrole Bougie
Combien dépensez-vous pour votre consommation en
électricité par mois ? Fc ou
par jour Fc
2. Quelle est votre source d'approvisionnement en eau ?
Robinet
Puits non protégé
|
Forage
|
Borne fontaine Source aménagée
|
Puits protégé
Cours d'eau/ Rivière
|
|
Combien dépensez-vous pour votre consommation en eau par
mois ? Fc .ou par jour .Fc
3. Quelle moyen de transport utilisez-vous pour vous rendre
à votre activité principale
Taxi Véhicule personnel
|
Bus de service A pied
|
|
Taxi-bus
4. A quelle distance se trouve le poste de santé le plus
proche de votre domicile ?
1 à 5 km plus de 5 km
Moins de 1km
V. Revenus et dépenses du
ménage
1.
Non
Recevez-vous régulièrement votre salaire ?
Oui
2. Combien de repas prenez-vous par jour maintenant? Un
seul Deux
Trois Difficile à déterminer
3.
354
Non
Vos enfants sont tous scolarisés ? Oui
4. Voudriez-vous donner l'âge, le sexe et le niveau de
ceux qui étudient ?
Age
|
Sexe
|
Niveau
|
Montant payé par mois
|
5. Votre revenu (salaire) vous permet-il de couvrir les
dépenses de scolarisation des enfants ?
6. S'il vous arrivait de faire un choix pour la scolarisation
des enfants, lesquels préférez vous faire étudier et
pourquoi ?
Les garçons parce que les garçons sont
intelligents et tenaces par rapport aux filles
Les filles parce que les garçons ne s'occupent pas
souvent de leurs parents
Les garçons parce que les filles peuvent se mariés
facilement même sans avoir étudiée
Les garçons parce que les filles travailleront pour leur
mari
Pas de préférence parce qu'on doit donner la
chance égale à tous les enfants
7. Combien dépensez- vous généralement pour
l'alimentation journalière de votre ménage? Fc
8. Le revenu du chef de ménage permet-il de couvrir cette
dépense ? Oui Non
V. Activités et stratégies de
survie
1. Quelle est la principale source de revenus pour le chef de
votre ménage?
Salaire Commerce La débrouille L'agriculture
2. Alors que faites-vous pour suppléer à ce manque
des moyens du chef de ménage ?
La femme se débrouille en faisant les petits commerces
Les enfants nous aident en faisant des petites activités
par ci par là
Je donne un coup de main ailleurs en dehors de mes heures de
travail
Je me débrouille au service
La famille nous vient souvent en secours
L'agriculture
3. Combien de fois avez-vous acheté les habits pour les
enfants et pour vous-même cette année ?
Aucune fois Une fois Deux fois Trois fois
Non
Quatre fois Plus de quatre fois
4. Pouvez-vous estimer le coût de ces dépenses
vestimentaires ? Fc
5. Est-ce votre revenu permet de satisfaire aux besoins de votre
ménage ? Oui
6. Avez-vous quelques membres de la famille qui vous viennent
quelques fois en aide ?
7. Pouvez-vous estimer la fréquence de cette aide ?
Mensuelle Annuelle Occasionnelle
8. A combien estimez-vous cette aide ?
9. Pour quel objectif généralement vous
viennent-ils en aide?
La scolarisation des enfants Le loyer
La ration alimentaire Le Deuil Autres à
préciser
10. Où sont-ils ? De quel sexe sont-ils? M
|
F De quel âge ?
|
355
11. Combien de ménages habitent cette parcelle ? Deux
Trois Quatre Cinq
12. Sont-elles toutes locataires ? Oui Non Combien sont
locataire
13. A quelle heure prenez-vous généralement vos
repas ? Matin Midi Soir Quand cela est possible
14. Votre conjoint(e) contribue-t-il/elle à la survie de
votre ménage ? Oui Non
15. De quelle façon ?
16. Quelles sont les activités auxquelles vos enfants
sont occupés généralement ?
Les études Les petits commerces Le transport de biens Les
petits métiers
17. Est-ce le revenu issue de travail de vos enfants contribue
-t-il à la survie de votre ménage ?
18. A quelle fréquence généralement ?
Journalière hebdomadaire Mensuel Occasionnellement
19. Pouvez-vous estimer cette contribution dans le
ménage ? Fc
20. Qu'est ce qui amène vos enfants à
travailler précocement alors ?
La pauvreté des parents Les enfants aiment vite
être indépendants
La recherche des moyens pour survivre Je ne sais pas
21. Quelles sont les sources d'approvisionnement alimentaire
?
Achat Agriculture familiale Aide des proches Autres sources
22. Acceptez-vous que votre épouse se débrouille
pour la survie de ménage ?
Oui Non
23. De quelle façon souhaitée vous qu'elle se
débrouille ?
En faisant le petit commerce informel
En faisant les activités artisanales
En donnant de coup des mains ça et là à
d'autres ménages nantis
En vendant les produits maraichers
En faisant l'agriculture
C'est une grande personne, elle n'a qu'à trouver ce
qu'elle peut faire pour la survie
du ménage
24. Quelle était l'activité professionnelle de
votre épouse avant le mariage ?
Salarié de l'Etat (Public) Salarié du secteur
privé Salarié du secteur privé informel
Activités libérales : Commerce avec patente Petits
commerce SP Petits métiers artisanaux
Activités agricole Ménagère Elève ou
étudiante Sans emploi déclarés
25. Qu'est ce justifie pour elle l'option pour la
débrouille maintenant ?
Insuffisance de revenu du chef de ménage La
pauvreté La survie du ménage Je ne sais pas
MERCI BEAUCOUP POUR LA COLLABORATION !
356
Annexe 3 : Quelques scènes de la
débrouille à Lubumbashi
Il faut bien vivre, il faut bien des fois
survivre. Alors dans ce paysage où le travail n'est pas toujours
rémunéré à sa juste valeur ni à temps, il
faut bien trouver une solution : la débrouille.
357
Beaucoup de gens sont obligés de recourir
à la débrouille pour faire vivre, manger, éduquer, loger,
soigner toute une famille. Garder un peu de dignité face aux enfants qui
grandissent et qui ne comprennent toujours pas ce qui se
passe.
358
La femme lushoise, mère nourricière
d'une société en crise multiforme, se retrouve sur plusieurs
fronts en vue de compenser les difficultés salariales de son conjoint.
Elle gagne les étables du marché pour écouler ses
marchandises. Cette contribution de la femme congolaise à bouter la
crise hors de son foyer a inspiré aussi des jeunes gens à la
débrouille.
359
Matrices nourricières de la ville en crise,
les femmes lushoises bousculent les hiérarchies machistes. Elles sortent
désormais de l'arrière-cour où elles étaient
consignées pour affronter le rude quotidien.
360
Les nouvelles technologies ont fait naître
de nouveaux métiers de la débrouille dans les rues de Lubumbashi,
à côté des traditionnels cireurs de chaussures et laveurs
de véhicules.
361
Dans un pays le plus riche en matières
premières de la planète, de nombreux habitants de Lubumbashi
survivent grâce à de « petits métiers
».
362
Entre rareté d'emplois dans les entreprises
publiques et privées, il ne reste plus que le secteur informel et la
débrouille pour survivre.
363
La survie de nombreux ménages à Lubumbashi reste
fortement tributaire de l'apport économique que suscitent la femme et
les enfants à travers certaines activités
génératrices de revenus
364
365
366
|