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Normes IFRS, une décennie après: Bilan et état des lieux du projet d'harmonisation comptable internationale

( Télécharger le fichier original )
par Kouassi Sinan MOUMINI
Université Paris Dauphine - Master II / DSCG 2016
  

Disponible en mode multipage

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Diplôme Supérieur de Comptabilité et de Gestion

NORMES IFRS, UNE DECENNIE APRES : BILAN ET ETAT DES LIEUX

DU PROJET D'HARMONISATION COMPTABLE INTERNATIONALE

Cas de l'OHADA

***

Mémoire professionnel

DSCG UE7 - Relations Professionnelles Août 2016

Présenté par : MOUMINI Kouassi Sinan

Encadré par : M. Olivier RAMOND

I

NORMES IFRS, UNE DECENNIE APRES :

BILAN ET ETAT DES LIEUX DU PROJET

D'HARMONISATION COMPTABLE

INTERNATIONALE

CAS DE L'OHADA

II

REMERCIEMENTS

Je tiens à transmettre mes sincères remerciements et toute ma considération à l'ensemble des collaborateurs du cabinet Ernst & Young ainsi qu'à tous ceux qui ont oeuvré à l'aboutissement de ce mémoire, tout en adressant mes remerciements particuliers,

? A Monsieur Olivier RAMOND, directeur du Master 229 Audit & Financial Advisory à l'université Paris Dauphine, pour la rigueur méthodologique ainsi que ses conseils transmis tout au long de la rédaction de ce présent mémoire,

? A Monsieur Stéphane KHERROUBI, expert-comptable, associé du cabinet Ernst & Young, pour ses appréciations portées sur mes travaux durant le stage au sein du cabinet EY,

? A Monsieur Aboubacar OUATTARA, expert-comptable, associé du cabinet Goodwill Audit & Consulting, pour toutes les informations relatives aux normes Syscohada mises à ma disposition,

? A Monsieur Cyril MAKA, manager audit au sein du cabinet Ernst & Young, mon parrain de stage ; pour son attention, son soutien et ses conseils apportés tout au long de mon stage,

? A tout le personnel administratif du master 229 Audit & Financial Advisory.

III

SOMMAIRE

REMERCIEMENTS ...II

SOMMAIRE III

NOTE DE SYNTHESE ....IV

ABBREVIATIONS ET ACCRONYMES V

PRESENTATION DE L'ORGANISME D'ACCEUIL VI

INTRODUCTION GENERALE ..1

Chapitre I : NORMES IFRS : PRESENTATION ET BILAN D'UNE DECENIE D'APPLICATION 4

I. Aperçu succinct du référentiel comptable IAS-IFRS 4

II. Apport des normes internationales dans l'amélioration de la qualité de l'information

financière 6

III. Normes internationales : vers une restitution de la confiance des utilisateurs de

l'information financière ? 12

Chapitre II : CONVERGENCES & DIVERGENCES DU REFERENTIEL COMPTABLE DE

L'OHADA AVEC LES NORMES IFRS 14

I. Aperçu du système comptable de l'OHADA : Le SYSCOHADA 14

II. Convergences et divergences du syscohada avec les normes internationales ifrs 16

Chapitre III : ENJEUX LIES AU PROJET D'HARMONISATION COMPTABLE ET

PERSPECTIVES D'EVOLUTION 23

I. L'harmonisation internationale des normes comptables : historique et enjeux 23

II. L'effort d'harmonisation : exigence ou urgence pour l'attractivite de l'afrique 28

III. Perspectives d'evolution 30

CONCLUSION GÉNÉRALE 33

REFERENCES ET BIBLIOGRAPHIE 34

TABLE DES ILLUSTRATIONS 36

ANNEXES 37

TABLE DES MATIERES 42

IV

NOTE DE SYNTHESE

Plus d'une décennie après l'adoption des normes IFRS en par l'Union Européenne, l'heure et au bilan. Ce référentiel de normalisation comptable internationale élaboré par un organisme indépendant (IASB) oeuvre pour l'amélioration de la qualité de l'information financière mise à la disposition des utilisateurs en général et des investisseurs en particulier (identifiés comme utilisateurs privilégiés de l'information financière) en vue de restaurer la confiance ébranlée de ceux-ci suite aux multiples scandales financiers ayant secoué les places financières internationales.

L'enjeu essentiel des normes IFRS est d'assurer une convergence internationale des pratiques comptables des états. Ce projet fort ambitieux à l'origine, semble aujourd'hui être une nécessité pour les besoins de comparabilité de l'information financière. Ce présent mémoire dresse un bilan de la décennie d'application des IFRS. Il présente aussi un état des lieux du projet d'harmonisation comptable au sein de l'espace économique OHADA et porte un regard critique sur le devenir des IFRS ainsi que du projet de convergence comptable du Syscohada vers les IFRS.

ABSTRACT

More than one decade after the adoption of IFRS in Europe, it is time to take stock of their application.

These international accounting standards elaborated by an independent institution (IASB) work for improvement of quality of financial information provided to investor (recognized by IASB as privileged users of financial information).

The main issue of IFRS is to insure harmonization of international accounting practices.

The «convergence» project that seemed a little bit ambitious in the beginning seems today to be a necessity for international comparability of financial statements.

This report assesses the accounting harmonization project in OHADA's economic area and makes a critical analysis on the future of the IFRS and the convergence project.

ABBREVIATIONS ET ACCRONYMES

AG : Assemblée générale Art. : Article

AUOHCE : Acte uniforme portant organisation et harmonisation de la comptabilité des entreprises

CEDEAO : Communauté économique de développement des états de l'Afrique de l'Ouest

CEMAC : communauté économique et monétaire d'Afrique centrale

CFA : Communauté financière Africaine CNC : Conseil national de la comptabilité DSOP : Draft statement of principles EY: Ernst & Young

FASB: Financial Accounting Standards Board

IAS: International accounting standards

IASB: International accounting standards board

IASC: International accounting standards committee

IASCF: International Accounting Standards Committee Foundation

IFRIC: International financial reporting interpretation committee

IFRS: International Financial and Reporting Standards

N° : Numéro

OCAM : Organisation Commune Africaine et Malgache

V

OHADA : Organisation pour

l'harmonisation en Afrique du droit des affaires

Op.cit. : Opere citato (dejà cité)

P : page

PCG : Plan comptable générale

PME : Petites et moyennes entreprises

PMI : Petites et moyennes industries

Réf : Reference

SAC: Standards Advisory Council

SIC: Standing Interpretation Committee

SIG : Soldes intermédiaires de gestion

SYSCOA : Système comptable ouest-africain

SYSCOHADA : Système comptable de l'OHADA

TAFIRE : Tableau financier des ressources et emplois

TPE : Très petite entreprise

UA : Union Africaine

UE : Union européenne

UEMOA : Union monétaire ouest africaine UGT : Unité Génératrice de Trésorerie UMAC : Union monétaire d'Afrique centrale

Vol. : Volume

VI

PRESENTATION DE L'ORGANISME D'ACCEUIL

ERNST & YOUNG

***

VII

L'HISTOIRE DU CABINET

Les racines d'Ernst & Young (EY) remontent aux années 1890 et aux origines de ses fondateurs, Arthur Young et Alwin C. Ernst.

Arthur Young est né à Glasgow, en Écosse. Diplômé en droit, il émigre aux États-Unis en 1890 pour poursuivre sa carrière dans la comptabilité, et fonde avec son frère Stanley, en 1906, un bureau de comptabilité, Arthur Young & Company.

Alwin C. Ernst est né à Cleveland, aux Etats-Unis. Après avoir quitté l'école, il a exercé le métier de comptable, avant de fonder en 1903 avec son frère Théodore un petit cabinet de comptabilité, Ernst & Ernst.

Arthur Young et Alwin C. Ernst ont été des pionniers de la discipline, privilégiant la qualité, qui a ensuite pris tout son sens. Ernst a lancé l'idée que les informations comptables pouvaient être utilisées pour prendre des décisions d'investissement et de faire la différence pour les entreprises clientes. Il a ainsi encouragé ses employés à offrir un meilleur service à leurs clients. Young s'est également positionné comme conseiller d'affaires parallèlement au métier de comptable.

La suite de l'histoire du cabinet est marquée par une succession de fusions avec plusieurs autres cabinets. Ainsi, en 1979 Ernst & Ernst, Whinney Murray, et Turquands Barton Mayhew se regroupent pour former Ernst & Whinney, créant ainsi le quatrième plus important cabinet d'audit mondial.

En 1989, le numéro quatre fusionne avec le numéro cinq de l'époque, Arthur Young, pour créer Ernst & Young (EY). Ce rapprochement participe à la concentration du secteur de l'audit comptable, qui a vu passer en quelques années dix principaux acteurs à quatre appelé les « Big Four ».

Suite au scandale Enron (2002) et l'explosion du cabinet Arthur Andersen, Ernst & Young France a repris en majorité des activités d'Andersen France notamment l'audit, la corporate finance et les activités juridiques.

EY : SIGNATURE & METIERS

Dans un monde actuel traversé de changements rapides et incessants et qui, au-delà des difficultés, présente de nombreuses perspectives, EY a choisi un objectif ambitieux perceptible à travers sa nouvelle signature présentée le 1er juillet 2013 :« Building a better working world ».

Building a better working world peut être lue de deux façons différentes. Tout d'abord, c'est prendre une part active à la construction d'un monde nouveau, en marche vers le progrès. Mais c'est également rendre plus juste, plus équilibré le monde du travail dans lequel nous évoluons.

Cette nouvelle signature intègre l'exigence de qualité dans la réalisation des travaux et propose d'aller plus loin dans ce que la société, les parties prenantes, les clients et les collaborateurs peuvent attendre d'EY.

Aujourd'hui, avec à sa tête l'américain Mark Weinberger, EY regroupe 212 000 collaborateurs à travers le monde et est présent dans 151 Pays.

Le chiffre d'affaires global s'élève à 28.7 milliards de dollars US (exercice fiscale clos au 30 juin 2015). Ainsi, à l'instar des grands cabinets d'audit, EY regroupe divers métiers à savoir :

VIII

MON INTERVENTION AU SEIN DE EY FRANCE

Présidé par M. Jean Pierre Letartre, EY France a réalisé un chiffre d'affaires de 806 Millions d'Euros (2015) grâce à sa forte présence sur le marché où il est considéré comme 1er Big Four auprès des grands groupes cotés français (58% des entreprises du CAC 40, 46% du SBF 120, 34% du SBF 250)

EY France rassemble 4700 collaborateurs répartis dans 15 bureaux en région ainsi qu'au siège situé à la Tour First à Paris-la Défense où j'ai eu l'opportunité d'effectuer durant 3 mois mon stage de fin d'étude en audit.

Ce stage fort enrichissant m'a permis de développer mes compétences en audit par la réalisation de travaux d'audit de grands comptes établis en normes IFRS (comptes consolidés), French-GAAP (comptes sociaux) et aussi de traiter des documents financiers établis conformément à la réglementation comptable de l'OHADA (Syscohada) pour les partenaires ouest africains de certaines sociétés auditées. J'ai procédé à l'audit de plusieurs sections comptables notamment les capitaux propres, les clients & ventes, les fournisseurs & achats, les immobilisations et la trésorerie.

Ainsi, dans le cadre de ce présent mémoire du DSCG, j'ai décidé d'approfondir mes connaissances en IFRS en dressant un bilan de son application effective en Europe depuis 2005 pour les comptes consolidés des sociétés cotées et comparer ces normes internationales aux pratiques comptables de l'OHADA (Syscohada). L'objectif de cet exercice sera d'apprécier le niveau de convergence des normes IFRS et du Syscohada afin de discuter des enjeux pour les état membres de l'OHADA d'une harmonisation complète de leurs pratiques comptables avec les IFRS.

INTRODUCTION GENERALE

1

Les états financiers sont sincères, réguliers et reflètent une image fidèle de la situation financière de l'entreprise, de son résultat ainsi que de son patrimoine ; cette affirmation des commissaires aux comptes procédant à la certification des comptes témoigne de la conformité des états financiers présentés par l'entreprise. Les états financiers sont des documents périodiques assurant une représentation financière structurée des événements affectant une entreprise et des transactions réalisées par celle-ci. La comptabilisation de ces évènements et transactions réalisées par les entreprises est soumise à un ensemble de règles particulières clairement définies par le système de normalisation comptable en vigueur.

Les états financiers sont destinés à une gamme variée d'utilisateurs pour qui ils représentent un outil indéniable d'aide à la prise de décision.

Cette vocation n'est donc possible que si ces utilisateurs accordent une confiance raisonnable aux informations qui leur sont transmises par les états financiers des entreprises.

Cependant la multiplicité des destinataires des états financiers ayant chacun des besoins différents complexifie la mise en oeuvre d'une normalisation comptable. En effet, Skinner en 1987 mettait en évidence cette complexité en affirmant que « la normalisation comptable n'est plus une pure affaire technique. Les sujets sont extrêmement complexes et souvent résolus [...] via l'interaction des groupes d'intérêts différents »1.

Nous notons donc que la mise en oeuvre d'une normalisation comptable requiert la prise en compte préalable d'une dimension de celle-ci qui dépasse les frontières du cadre comptable car la normalisation intègre aussi parfaitement des aspects tout autant politiques que sociales.

Ainsi, dans leur élaboration, certains systèmes de normalisation comptable sont effectués de sorte à aboutir sur une conclusion consensuelle intégrant les attentes et besoins des parties prenantes. C'est dans ce sens que Walton PERTER (2003) évoque assez souvent la notion de « normalisation par compromis social » 2.

Au-delà de toute ces considérations, la mise oeuvre d'une normalisation comptable répond à un besoin préalable d'harmonisation des pratiques comptables en application dans un espace économique donné afin d'y assurer la comparaison des informations comptables et financières transmises par le biais des états financiers.

1 Skinner .1987. p.622 In N. E Sadi. « Epistémologie de la normalisation comptable dans les pays en transition `à l'économie de marche ». Comptabilités et innovation, May 2012, Grenoble, France. pp.cd-rom<hal-00691022>

2 Walton Peter, « La normalisation comptable internationale. Origine, pratiques et enjeux », Revue française de gestion 6/2003 (no 147), p. 21-32

2

Ainsi, depuis le 1er janvier 2005, la France ainsi que l'union européenne procèdent à l'application des normes internationales IAS/IFRS3 pour les comptes consolidés des sociétés cotées en bourse et ce, conformément à l'article 4 du règlement CE n° 1606/2002 du parlement européen et du conseil du 19 juillet 2002 sur l'application des normes comptables internationales de la commission européenne4.

Cependant, la recrudescence des scandales financiers durant ces dernières décennies, en l'occurrence les scandales d'ENRON (2001) et WORLDCOM (2002) marqués par la diffusion d'états financiers biaisés, ont ébranlé la confiance des investisseurs sur les places financières internationales et relancé le débat sur la nécessité de transmettre l'information comptable et financière suivant un langage commun fiable, harmonisé et accessible à tous les utilisateurs : cela requière la convergence des systèmes de normalisation comptables des états vers les normes internationales IAS/IFRS.

Ainsi, sous l'égide de l'union européenne, l'on assiste à l'émergence d'une volonté internationale des états à assurer la convergence de leurs systèmes de normalisation comptable internes, vers une normalisation conforme aux normes internationales IAS/IFRS qui assurent un système de normalisation comptable unique, fiable, applicable par toute entreprise à travers le monde, garante d'une transcription fidèle de l'image de la situation financière des entreprises.

Elaborées par un organisme privé qui se veut indépendant de toute influence étatique, en l'occurrence l'international accounting standards board (IASB), les normes internationales IAS/IFRS visent à apporter une réponse concrète aux attentes des utilisateurs notamment en termes d'amélioration de la qualité et de la fiabilité de l'information financière.

Ainsi, une décennie après leur adoption il s'avère nécessaire de dresser un bilan de l'application des normes IAS-IFRS et du projet d'harmonisation comptable internationale à l'origine de leur élaboration.

Les pays d'Afrique de l'ouest et d'Afrique centrale regroupés au sein de l'OHADA (organisation pour l'harmonisation du droit des affaires en Afrique) procèdent à l'application

3 Le référentiel de normalisation comptable internationale regroupe ensemble de normes portant initialement l'appellation de « IAS » (International Acconting Standard) et qui deviendront par la suite « IFRS » (international Financial Reporting standard)

4 règlement (CE) no1606/2002 du parlement européen et du conseil du 19 juillet 2002 sur l'application des normes comptables internationales : Article 4 intitulé Comptes consolidés des sociétés qui font appel public à l'épargne « Pour chaque exercice commençant le 1er janvier 2005 ou après cette date, les sociétés régies par le droit national d'un État membre sont tenues de préparer leurs comptes consolidés conformément aux normes comptables internationales adoptées dans le cadre de la procédure prévue à l'article 6, paragraphe 2, si, à la date de clôture de leur bilan, leurs titres sont admis à la négociation sur le marché réglementé d'un État membre au sens, de l'article 1er, point 13, de la directive 93/22/CEE du Conseil du 10 mai 1993 concernant les services d'investissement dans le domaine des valeurs mobilières ».

3

du Système comptable OHADA (SYSCOHADA) harmonisé, adapté au contexte africain et qui se présente comme un système comptable intégrant à la fois des spécificités du modèle comptable continental européen et du modèle anglo-saxon (exemple : US-GAAP).

Le développement économique du continent requiert l'intégration de l'Afrique dans la dynamique de mondialisation et de son corolaire qu'est l'ouverture des marchés financiers du continent aux capitaux internationaux. Dès lors il s'avère nécessaire que la confiance des utilisateurs soit aussi assurée sur les places financières africaines : l'application du langage international comptable et financier commun est donc inéluctable.

Tout au long de notre étude, il sera donc question de traiter les questions suivantes :

Quels enseignements tirer de la décennie d'application des normes IFRS en Europe et au sein de l'OHADA ?

Quels sont les enjeux pour les pays de l'OHADA d'une convergence du SYSCOHADA vers les IFRS ?

Afin d'apporter des réponses concrètes et adéquates à ces interrogations, il convient de prime abord de dresser un bilan succinct de cette décennie d'application des normes IAS/IFRS (Chapitre I).

Ensuite, nous identifierons quelques points de convergence et de divergence existants déjà entre le référentiel international de normalisation comptable IAS/IFRS et le SYSCOHADA (Chapitre II) afin d'appréhender au mieux les efforts qui seront nécessaires dans le cadre de l'harmonisation de ces systèmes de normalisation.

Enfin, ayant pris connaissance de ces similitudes et disparités existants entre ces référentiels, l'on pourra raisonnablement discuter du devenir des IFRS ainsi que des enjeux du projet de convergence comptable du Syscohada vers les IFRS (Chapitre III).

NORMES IAS-IFRS : PRESENTATION ET BILAN D'UNE DECENIE D'APPLICATION

Chapitre I

4

Introduites au sein de l'union européenne depuis 2005 afin d'assurer la qualité de l'information financière et vulgarisées par la volonté commune des états à assurer la convergence de leurs pratiques comptables, les normes IAS-IFRS se veulent un référentiel comptable et financier de qualité, qui répond aux besoins d'une économie mondialisée.

Aujourd'hui, plus de 10 ans après leur adoption, l'heure est au bilan. Ainsi, cette section aura pour objet de porter un aperçu succinct sur ces normes internationales et dresser un bilan de leur application.

I. Aperçu succinct du référentiel comptable IAS-IFRS

I.1 Le normalisateur international IASB : Historique et structure

L'international Accounting Standard Committee (IASC) fut créé en 1973 à Londres5 par des experts comptables originaires de 10 pays6. Ceux-ci envisageaient l'harmonisation des pratiques comptables en vigueur dans leur pays respectifs et à terme aboutir à une convergence mondiale des normes comptables étatiques.

L'expert-comptable britannique Sir Henry BENSON est l'initiateur de cette volonté d'harmonisation des normes comptables et fut de ce fait le 1er président élu de l'IASC.7

Initiateur de la mise en oeuvre d'un langage comptable et financier commun, Sir BENSON a compris l'impact des difficultés de comparaison internationale des états financiers sur le commerce international et la mobilité internationale des capitaux.

Le 01 avril 2001, l'IASC subit une réforme afin de mieux l'adapter aux enjeux de l'harmonisation internationale des normes comptables, donnant ainsi naissance à l'IASB (International Accounting Standart Board).

5 Robert OBERT. 2013. pratique des normes IFRS. Édition Dunod 5e edition , Paris,Chapitre 1 « la normalisation comptable », page 7

6 Les 10 pays sont : l'Allemagne, l'Australie, le Canada, les Etats Unis, la France, la Grande-Bretagne, l'Irlande, le Japon, le Mexique, les Pays-bas

7 Robert OBERT. 2013. pratique des normes IFRS. édition Dunod 5e edition. Paris,Chapitre 1 « la normalisation comptable ».page 10

5

La structure organisationnelle de l'IASB est constituée d'un organe de surveillance (IFRS Foundation ), d'une instance interprétative (IFRS Interpretations Committee ), d'un organe de conseil (IFRS Advisory Council ), d'un forum consultatif des normes comptables (ASAF) et enfin, de l'instance normalisatrice (IASB ).

Figure 1: Structure de l'IASB

I.2 Légitimité de l'IASB

La légitimité des normes internationales adoptées dans 122 pays à travers le monde8 fait l'objet de débats entre partisans d'une normalisation « nationale » et ceux qui suggèrent l'émergence d'une normalisation internationale adaptée au contexte de globalisation actuel. Puisque cette légitimité de l'organisme élaboratrice des normes, notamment l'IASB, a pour corollaire la légitimité des normes, il convient de se pencher sur la question et identifier des éléments à même de témoigner ou non de la légitimité du normalisateur à travers une analyse de la légitimité procédurale, substantielle et politique de l'IAB.

La légitimité procédurale de IASB est fondée sur le mode de désignation des membres de l'organisme de normalisation, garant de son indépendance, et sur la transparence du processus de normalisation « due process », garant de son impartialité. Le « due process » appliqué par l'IASB dans l'élaboration de ses normes est censée permettre à toutes les parties concernées de faire entendre leur voix.

La légitimité substantielle de l'IASB est quant à elle fondée sur son cadre conceptuel élaboré depuis 1989 et qui représente « l'instrument théorique dont se dote un normalisateur pour

8 FocusIFRS. Evaluation de l'état d'adoption des IFRS pays par pays. [Consulté le 01/07/2016] http://www.focusifrs.com/menu_gauche/actualites_phare/iasb/l_evaluation_de_l_etat_de_l_adoption_des_ifrs_pays_par_pays

6

élaborer ses normes, lesquelles en sont en quelque sorte substantiellement déduites ».9 En claire un cadre conceptuel contient les informations relatives aux objectifs de la comptabilité et des états financiers, une déclaration sur les qualités de l'information comptable requises par ces objectifs et l'énoncé de principes et de concepts associés à la poursuite de ces objectifs. Carlsberg (1984, p. 27)10 soutient que trois raisons essentielles légitiment l'usage d'un cadre conceptuel pour l'établissement des normes :

y' « faciliter les décisions sur les questions controversées ,
·

y' éviter de perdre du temps à débattre de problèmes conceptuels relatifs à chaque norme en cours d'élaboration ,
·

y' diminuer le besoin de normes détaillées en favorisant le recours aux jugements des personnes concernées »

Cette déclaration identifie, parmi les nombreux destinataires potentiels de l'information financière, ceux qui seront privilégiés ou prioritaires (les investisseurs) et met les normes futures à leur service. C'est ainsi que Alain BURLAUD & Bernard COLASSE (2010) affirmaient qu'« elle a donc un caractère hautement politique puisqu'elle revient à faire un choix quant à la gouvernance de l'entreprise. Il peut donc paraître surprenant qu'une telle déclaration émane d'un groupe d'experts qui se réclame à priori sans légitimité politique ».

II. Apport des normes internationales dans l'amélioration de la qualité de l'information financière

II.1 Application des normes IFRS : vers une amélioration de la fonction finance

L'application des normes IFRS dans l'établissement des états financiers et la communication financière a été un véritable enjeu pour les entreprises tant en Europe que dans l'espace OHADA. En effet, au-delà de l'aspect contraignant qu'elles pourraient avoir, les normes IFRS apporte une plus grande rigueur dans l'établissement des comptes et un alignement des méthodes comptables sur un référentiel unique internationalement reconnu.

Pour les entreprises appliquant ces normes, l'enjeu de ces différentes évolutions a été de s'assurer de réaliser cette transformation en acceptant le changement et en allant y chercher tous les aspects positifs qu'elle impliquait. Cela fut l'occasion pour certains groupes de refondre tout ou partie de leur système financier et de gestion.

9 A, Burlaud et B. Colasse. Normalisation comptable internationale : le retour du politique ? Crises et nouvelles problématiques de la Valeur. Mai 2010. Nice, France. pp.CD-ROM, 2010. <hal-00481562>

10 Carlsberg, B. (1984). The Quest for a Conceptual Framework for Financial Reporting. In. External Financial Reporting (Eds, Carlsberg, B., Dev, S.). London : Prentice Hall International.London School of Economics.

7

L'amélioration de la fonction finance est perceptible par l'utilisation d'outils d'automatisation des reporting IFRS et une amélioration de la qualité de l'information financière transmise par la fonction.

En effet, les conclusions de l'étude menée sur un panel 80 entreprises françaises par le cabinet KPMG en 2015 en partenariat avec l'association des professionnels et directeurs en comptabilité et gestion (ADPC) sur leur perception des impacts des IFRS sur la fonction finance dans son propre fonctionnement et dans son interaction avec les autres fonctions met en évidence que :

? « Pour près des deux tiers des entreprises interrogées, la qualité de l'information financière produite par les filiales s'est améliorée.

? Près de 80 % d'entre elles affirment que les responsabilités du département consolidation reporting se sont accrues avec, dans les mêmes proportions, un recours plus important au département normes et une accélération de la production de l'information comptable et financière.

Le passage aux IFRS n'est sans doute pas la seule raison de cette accélération mais a sans nul doute contribué à permettre aux groupes de publier plus rapidement leurs résultats et donc de répondre ainsi aux attentes des marchés.

? Pour 84 % des sociétés interrogées, le passage aux IFRS a aussi été à l'origine d'un renforcement des compétences des équipes finance, des compétences robustes devenant indispensables face à des thématiques de plus en plus complexes. Cette montée en compétence reste à ce titre un enjeu majeur pour les groupes de taille moyenne qui doivent rationaliser coût/efficacité pour attirer les compétences dans des filiales parfois de très petite taille»11.

11 KPMG dresse un bilan de cette décennie d'IFRS « Les IFRS 10 ans après - Rétrospective et futurs enjeux » ; Octobre 2015

8

Les résultats de cette étude révèlent donc l'impact positif de l'application des IFRS sur les fonctions finance des entreprises.

Cependant, force est de constater que cette étude intéressante sur l'impact positif des IFRS a été réalisée sur un panel de 80 entreprises dont plus des deux tiers ont un chiffre d'affaires excédant 1.5 milliard d'Euros et seulement 6% ont un chiffre d'affaires annuel inférieur à 250Millions d'€.

Les conclusions ci-dessus sont donc essentiellement relatives au ressentie de grandes entreprises appliquant les IFRS, ce qui laisse en suspens des questions relatives à l'amélioration des fonctions finances des PME (qui constituent la majeure partie du tissus économique africain) par l'application des IFRS.

En effet, face aux difficultés d'application des IFRS par les petites structures, l'IASB a mis en oeuvre l'élaboration des « IFRS pour PME » qui peinent encore a être appliquées en Europe. A ce jour, les normes IFRS pour PME sont adoptées que par 17 pays dont sept (07) pays africains.12

II.2 IFRS et information financière règlementée

Depuis 2004, l'on assiste à une croissance indigeste du volume des états financiers et des informations transmises dans les rapports annuels des entreprises. La croyance courante tend à attribuer cette recrudescence de l'information règlementée à l'application des normes IFRS. Cependant, les scandales financiers sur places financières ont conduit le régulateur à requérir de plus en plus d'informations pertinentes dans la communication financière des entreprises. Toutefois, certains thèmes font l'objet de réflexions sur la précision et le niveau de détails de l'information fournie en annexe et demeurent sous contrôle du régulateur. Il s'agit notamment d'informations relatives aux :

? Estimations comptables et informations prévisionnelles,

? Informations sectorielles

? Impairments tests, pour lesquels il est à noter une évolution des informations publiées afin de présenter de manière plus précise l'exposition des émetteurs sur leurs unités génératrices de trésoreries (UGT) sans toutefois augmenter démesurément l'espace requise pour fournir cette information.

12 Focus ifrs.com, adoption et application (des normes IFRS pour PME) [Consulté le 01/07/2016] http://www.focusifrs.com/menu_gauche/ifrs_pme/adoption_et_application

9

Les normes IFRS ne sont probablement pas directement responsables de l'inflation du volume de l'information financière, mais elles ne donnent pas beaucoup de « guidance » aux émetteurs pour faire le tri dans la diffusion d'informations financières.

Si les normes IFRS ne nous aident pas d'elles-mêmes (ce qui est probable lorsque l'on voit la complexité croissante des textes publiés), alors les parties prenantes doivent collaborer pour redonner du sens à l'information financière, en cessant de la dupliquer, en la réorganisant, en la simplifiant.

L'on constate donc une croissance du volume des informations transmises mais pas de changement significatif des thématiques abordées. En effet, Le passage aux IFRS n'a fait que renforcer la communication par les émetteurs de certains thèmes déjà très présents dans les rapports annuels sous leurs précédents référentiels comptables notamment les informations relatives aux risques financiers, aux engagements hors bilan, les tests d'impairement, la rémunération des dirigeants et les informations sectorielles.

II.3 La recrudescence des indicateurs non-GAAP sous l'impulsion des IFRS

Dans le cadre de la communication financière effectuée par les sociétés cotées, l'on assiste à la diffusion d'informations établies conformément aux normes IFRS mais ainsi que d'indicateurs qualifiés de « non-GAAP » c'est à dire non définis dans le référentiel IFRS. Cela fut confirmé par une étude du cabinet Ernst & Young portant sur les 40 sociétés du CAC40 et 46 autres grandes sociétés européennes.13

Il s'agit en effet d'indicateurs de mesure de performance largement reconnus par les utilisateurs (investisseurs) du fait de la pertinence de l'information qu'ils représentent. Nous citons entre autres le résultat opérationnel (qui fait à titre d'exemple l'objet d'une attention particulière dans plusieurs sociétés cotées du CAC40 notamment Renault, dans le cadre de son plan stratégique « drive the change »), l'EBITDA, le ROCE, l'endettement net ou encore le FCF. N'étant pas clairement définis et encadrés par le référentiel IFRS, la détermination ainsi que les modalités de calcul des indicateurs non-GAAP sont laissées à l'appréciation de chaque groupe. Cependant, au vu de l'importance et de l'attrait qu'ils suscitent auprès des utilisateurs, ces indicateurs sont de plus en plus encadrés par les autorités régulatrices des marchés.

Les indicateurs non-GAAP visent à compléter l'information financière disponible dans les états financiers afin d'apporter une vision plus globale de la performance de l'entreprise. Cependant,

13 Ernst & Young : Communication financière 2006 : Première application des IFRS, les pratiques des grands groupes européens. Mai 2006

10

la recrudescence actuelle de ces indicateurs laisse planer quelques inquiétudes relatives aux risques qu'elles pourraient engendrer. En effet :

? l'utilisation d'indicateurs non suffisamment définis est source de risques non seulement pour le lecteur des états financiers mais également pour l'émetteur,

? Ils ont tendance à se substituer aux informations comptables établies en application des IFRS, et sont ainsi source de confusion,

? Ils sont par définition, spécifiques si bien que leur utilisation va à l'encontre de l'objectif de comparabilité des IFRS.

L'accroissement de l'utilisation des indicateurs non-GAAP depuis 2004 laisse penser qu'ils sont vulgarisés par l'implémentation des IFRS aux seins des entreprises...à moins que cela ne soit juste qu'un effet conjoncturel.

II.4 « La juste valeur » et qualité de l'information financière en IFRS

L'internationalisation des marchés financiers joint à la volonté d'accroître le contenu informationnel apporté au marché tout en appréhendant au mieux les risques encourus, ont emmené l'IASB à orienter la comptabilité vers un nouveau principe, celui de la juste valeur. Ce nouveau principe fondé sur le postulat selon lequel le meilleur instrument d'évaluation d'un actif reste le marché tend à assurer le passage d'une approche historique de la comptabilité à une approche beaucoup plus économique (substance over form) appliquée à la fois par les FRS et le SYSCOHADA, qui paraît être de nature à rendre les comptes plus en adéquation avec la réalité des investissements à moyen ou long terme, ainsi que celle des cycles de l'exploitation. Toutefois, il convient de souligner que « le concept de juste valeur est plus large et d'un usage plus général que celui de valeur de marché »14

Cependant, cette transition vers un modèle d'évaluation beaucoup plus économique, initialement perçue par certains utilisateurs des états financiers comme un renouveau dans la communication financière semble présenter quelques difficultés d'application découlant majoritairement des imprécisions des modalités de détermination de la juste valeur d'un actif ou passif en l'absence de données objectives observées sur le marché. Devons-nous par ce constat affirmer que la disparité des méthodologies et modèles de détermination de la juste valeur de ce contexte lui procurent un caractère aléatoire ?

La norme IFRS 13 défini clairement la juste valeur comme « le prix qui serait reçu pour la vente d'un actif ou payé pour le transfert d'un passif lors d'une transaction normale entre des intervenants du marché à la date d'évaluation ».

14 J.F. CASTA, 2003, La comptabilité en juste valeur permet-elle une meilleure représentation de l'entreprise ?, « Juste valeur et évaluation des actifs », Revue d'Economie Financière, Paris, n°71, p. 17-31

11

A titre illustratif, la norme IAS 39 identifie trois méthodes de valorisation des justes valeurs des instruments financiers. Ainsi, si l'instrument est traité sur un marché actif et liquide, le prix auquel cet instrument est négocié ou émis est normalement considéré comme présentatif de sa juste valeur. En l'absence d'un marché de référence, la valorisation comptable de l'instrument sera fondée sur la valeur la plus proche de celle fixée par le marché. Les préparateurs comptables peuvent ainsi avoir recours à une étude comparative fondée sur l'évaluation d'instruments disposant des caractéristiques financières similaires ou à des techniques d'évaluation qui sont généralement admises et qui garantissent une estimation raisonnable de la valeur de marché, telles que l'actualisation des flux de trésorerie futurs et les modèles de valorisation des options (black & Scholes, le modèle binomial etc.).

Dans la mesure où nombre d'instruments financiers n'ont pas de valeur de marché, leur juste valeur est déterminée en interne sur la base de modèles développés par les entreprises ou à l'aide des approches par assimilation.

Pour certains auteurs, le caractère objectif d'une telle valeur, estimée en interne, est ainsi sujet à caution. Jean-François Casta (2003) affirmait à juste titre que « les critiques les plus nombreuses à l'encontre de la juste valeur concernent la valorisation des actifs qui ne sont pas négociés sur des marchés efficients et dont l'estimation renvoie à des modèles internes. Elles mettent en évidence le manque d'objectivité et de neutralité de ces valorisations. Elles mettent aussi l'accent sur la réduction de la fiabilité et de la comparabilité engendrée par l'utilisation de modèles internes »15. On constate donc que la fiabilité de la juste valeur semble être fonction de la qualité des modèles de valorisation ainsi que des informations utilisées mais aussi de la sincérité des préparateurs des comptes.

Pour certains praticiens, l'IASB semble avoir rencontré des difficultés lorsqu'il a voulu élaborer des normes dont l'objectif est de composer avec une sphère financière nuisible à la stabilité ; non pas essentiellement celle de l'économie, mais plutôt celle de la croyance des acteurs économiques.

Bien au-delà des points faibles liés à la cohérence et à la fiabilité de l'information financière la juste valeur se voit aussi reproché de privilégier une vision court-termiste de l'entreprise et d'entraîner, par ses fluctuations, une plus grande volatilité des capitaux propres et des résultats. En claire, bien que les justes valeurs sont plus susceptibles d'accroître la pertinence de l'information financière, elles peuvent cependant engendrer des risques en terme de fiabilité.

15 J.F. CASTA, 2003, La comptabilité en juste valeur permet-elle une meilleure représentation de l'entreprise ?, « Juste valeur et évaluation des actifs », Revue d'Economie Financière, Paris, n°71, p. 17-31

12

III. Normes internationales : vers une restitution de la confiance

des utilisateurs de l'information financière ? III.1 La comptabilité créative en environnement IFRS

Suite aux scandales financiers ayant ébranlé la confiance des utilisateurs de l'information financière, l'un des défis essentiels des nouvelles réglementations et notamment des IFRS est d'apporter une réglementation comptable solide susceptible de contrecarrer les pratiques abusives qualifiées de « comptabilité créative » mises en oeuvre par les préparateurs des états financiers. En effet, ces pratiques vont trop souvent à l'encontre des principes généraux de transparence et de comparabilité des états financiers.

»16

Cependant, la pratique des normes IFRS révèle parfois une place au jugement professionnel dans le cadre de l'application de normes « selon une analyse en substance et avec l'utilisation du principe de matérialité et du rapport coût/avantage pour l'obtention des données financières (Hoarau, 2006, 2008).

Ainsi, à l'occasion de la transition aux normes IFRS, il apparaît une certaine contingence des politiques comptables de transition résultant des options possibles offertes par la norme de première application (IFRS 1) et des choix plus ou moins opportunistes effectués par le management dans le cadre du changement de référentiel comptable.

Plusieurs éléments identifiés au sein du référentiel IFRS sont des sources de distorsion en termes de traitements comptables entre les entreprises notamment (Eric Tort 2009) :

? « L'existence d'exceptions facultatives prévues par IFRS 1 lors de la 1re application du référentiel international

? la possibilité d'appliquer des traitements comptables alternatifs à certaines transactions du fait de l'existence d'options dans certaines normes IFRS en régime de croisière ;

? le recours à des estimations et à des jugements de la part du management dans le cadre de l'application des méthodes comptables et de la valorisation des actifs et passifs ;

? Une normalisation «assez souple» en matière de présentation de l'information financière pouvant conduire à une certaine individualisation des états financiers des groupes ».

A cela s'ajoutent, aussi les options d'anticipation facultative de certaines normes IFRS ainsi que le décalage temporel existante entre la publication des normes par l'IASB et leur adoption par l'union européenne.

16 Tort Éric, 2007, « La contingence de la politique comptable des sociétés cotées : le cas de la transition aux normes

IFRS », Comptabilité - Contrôle - Audit 3/2007 (Tome 13) , p. 171-194 URL : www.cairn.info/revue-comptabilite-controle-audit-2007-3-page-171.htm [Consulté le 29/06/2016]

III.2 La comparabilité de l'information financière en IFRS

13

Reconnue quasi-unanimement par les référentiels comptables comme caractéristique qualitative de l'information financière, la « comparabilité » des états financiers sur les places financières internationales est l'un des objectifs ayant suscité la mise en oeuvre des IFRS.

En effet, l'information financière doit être utile à la prise de décision, aussi bien pour la direction des entreprises que pour partenaires financiers et les autres utilisateurs.

A ce titre, « seules des informations comparables entre plusieurs entités et d'une période sur l'autre pour une même entité permettent d'assurer la pertinence des choix effectués »17. La comparabilité de l'information financière permet au niveau national de comparer les performances et la structure financière des entreprises au sein du pays. Elle permet aussi sur le plan international d'atteindre l'objectif d'harmonisation comptable internationale.

En oeuvrant pour une normalisation comptable internationale harmonisée, les IFRS améliorent indiscutablement la comparabilité de l'information financière.

En intégrant des caractéristiques qualitatives supplémentaires notamment la pertinence, l'intelligibilité et la fiabilité de l'information financière, les états financiers IFRS tendent à refléter l'image fidèle de l'entreprise et courent ainsi à restituer la confiance des utilisateurs envers l'information financière qui leur est transmise.

17 O, Barbe. L, Didelot. Pour une meilleure comparabilité des états financiers individuels et une simplification du PCG. Revue Française de Comptabilité. N°433 Juin 2010. P42

CONVERGENCES & DIVERGENCES DU REFERENTIEL COMPTABLE DE L'OHADA AVEC LES NORMES IFRS

Chapitre II

14

Dans l'optique de mieux envisager une refonte des pratiques comptables de l'OHADA favorable à l'harmonisation des normes du SYSCOHADA vers les normes IAS/IFRS nous consacrons ce chapitre à une analyse comparative des ces deux (02) systèmes de normalisation comptable sur différents points, faisant ainsi ressortir à la fois des similitudes et les disparités existant entre ceux-ci.

I. Aperçu du système comptable de l'OHADA : Le SYSCOHADA I.1 Présentation générale

L'OHADA, Organisation pour l'Harmonisation du Droit des affaires en Afrique, est née de la signature du traité relatif à l'harmonisation du droit des affaires en Afrique le 17 octobre 1993 à Port Louis. Ce traité fut révisé à Québec au Canada le 17 octobre 2008.18

Le traité relatif à l'harmonisation du droit des affaires en Afrique rassemble l'ensemble des pays de l'espace économique et monétaire ouest africain (UEMOA) utilisant en commun le Franc CFA comme monnaie ainsi que les pays de l'espace économique des états d'Afrique centrale (CEEAC).

Ce traité est ouvert à l'adhésion directe de tout état membre de l'Union Africaine. Au-delà des frontières sous régionales et régionale, l'OHADA se veut être une organisation à d'intégration africaine à l'échelle continentale. L'OHADA est régie par quatre (04) institutions essentielles.

Secrétaire permanent

Le Conseil des
ministres de finance et
de justice

Directeur Ecole

supérieur de la

magistrature

Cour commune de
justice et d'arbitrage

OHADA

Figure 2: Organigramme des institutions de l'OHADA

18 Le site officiel de l'OHADA, section « présentation de l'OHADA » [consulté le 05/04/2016] http://www.ohada.org/index.php/fr/ohada-en-bref/ohada-presentation-generale

15

Afin de cerner au mieux la réglementation comptable en vigueur au sein de l'organisation, il convient de comprendre comment l'acte uniforme portant organisation et harmonisation de la comptabilité des entreprises au sein de l'OHADA oeuvre à la mise en place d'une normalisation comptable au sein de l'organisation : le Syscohada.

I.2. L'acte uniforme portant organisation et harmonisation de la comptabilité des entreprises (AUOHCE) : convergence vers une normalisation comptable africaine

Le système de normalisation comptable de l'espace OHADA : le SYSCOHADA, est né de l'adoption le 24 Mars 2000 de l'acte uniforme portant harmonisation de la comptabilité des états membre de l'OAHADA, il est mis en application depuis le 01 janvier 2001 pour les comptes personnels des entreprises et le 01 janvier 2002 pour les comptes consolidés et les comptes combinés.

Cet acte uniforme établi l'ensemble des règles encadrant la profession comptable et tenue de la comptabilité dans l'espace OHADA ainsi que la présentation des états financiers dans la région, marquant ainsi la concrétisation de la volonté d'harmonisation des règles et méthodes comptables assurant la comparaison de l'information comptable dans l'espace OHADA : le système comptable OHADA (Syscohada).

Figure 3: Etats membres de l'espace OHADA

Le Système comptable de l'OHADA (Syscohada) a été conçu en tenant compte des différentes réalités ainsi que du contexte économique et socio-culturel africain. Ainsi celui-ci présente les objectifs suivants :

« l'harmonisation des pratiques comptables dans la région,

l'alimentation d'une centrale des bilans en informations comptables et financières pertinentes,

16

L'élargissement du champ d'application de la comptabilité d'entreprise

L'unicité et une plus grande fiabilité des comptes des entreprises,

L'application des normes et principes comptables admis au plan international »19.

Les objectifs du syscohada traduisent clairement la volonté des états membre de l'OHADA à assurer une harmonisation de leur comptabilité et promouvoir une application africaine et internationale du syscohada.

Dans l'élaboration de ses règles comptables, l'OHADA tient à maintenir l'effort de modernisation des pratiques comptables de l'organisation tout en étant attentif aux IFRS, afin de définir des normes adaptées à la taille et à la mesure de ses entreprises, en tenant compte des spécificités des pays membres.

II. QUELQUES CONVERGENCES ET DIVERGENCES DU SYSCOHADA AVEC LES NORMES INTERNATIONALES IFRS

II.1 Comparaison du cadre conceptuel : Objectifs, utilisateurs et principes

Le cadre conceptuel désigne un « cadre théorique définissant les grandes options techniques et conceptuelles du plan comptable. [...] Il sert de guide pour l'élaboration des normes et règles comptables et apporte une solution aux problèmes futurs non explicités dans le plan comptable général ».20 De plus, le cadre conceptuel définit les objectifs, les utilisateurs, les différentes règles de comptabilisation et d'évaluation ainsi que les principes des normes.

La normalisation comptable du SYSCOHADA ainsi que les normes internationales IAS/IFRS disposent chacun d'un cadre conceptuel.

Cette partie est consacrée à l'analyse comparative des objectifs, des utilisateurs et des principes de ces référentiels comptable afin d'en identifier les similitudes et disparités synthétisées dans les tableaux ci-dessous :

? Le champ d'application

Système de normalisation comptable

Champ d'application

Syscohada

Sous régional, continental (Afrique de l'ouest &centrale)

Normes IAS/IFRS

Mondial (122 pays appliquent les IFRS)

Tableau 1: Comparaison des champs d'application des normes françaises, IAS/IFRS et du SYSCOHADA

19 R. E, NGUE et T. AZANDOSSESSI, «Etat financier et système du droit comptable OHADA», colloque de formation des experts du conseil permanent de la comptabilité du Congo sur le droit OHADA, organisé par l'école régionale supérieure de la magistrature, Congo page4.

20 Chapitre 7 terminologies- définition du « Cadre conceptuel »- tiré de l'annexe de l'acte uniforme de l'OHADA portant harmonisation de la comptabilité des entreprises. Publié au J.0 N°10 de l'OHADA

17

? Comparaison des utilisateurs

Le cadre conceptuel de l'OHADA, distingue sept (07) utilisateurs des états financiers regroupant des acteurs d'ordre interne et externe, clairement identifiés dans les paragraphes 9 & 10 du cadre conceptuel de l'IASB.

Au-delà de ce point de convergence, les normes IFRS désignent les investisseurs comme utilisateurs privilégiés de l'information financière contrairement au SYSCOHADA qui stipule que l'information financière produite est destinée en priorité aux « acteurs de l'économie marchande centrée autour de la libre entreprise »21, cela s'explique par le tissu économique africain fortement marqué par les petites entreprises.

? Comparaison des principes généraux

Concernant les principes généraux qui conditionnent l'établissement des comptes, les IFRS ainsi que le SYSCOHADA convergent sur le principe de « substance over form » qui fait prévaloir la réalité économique sur la forme juridique des opérations.

Lors de l'évaluation des éléments des états financiers en IFRS, la détermination de la ou les convention(s) appropriée(s) d'évaluation est laissée aux préparateurs des comptes, qui peuvent choisir une ou plusieurs conventions parmi les conventions suivantes dans l'optique de refléter au mieux la juste valeur de l'élément à évaluer :

- L'évaluation au cout historique ;

- Le cout actuel ;

- La valeur de réalisation ou de règlement ;

- La valeur actuelle (valeur actualisée des entrées ou des sorties futures de trésoreries)

Toutefois alors que les IFRS sont favorables l'inscription des opérations et leur évaluation à la juste valeur ; le Syscohada est quant à lui favorable à une comptabilité fondée sur l'évaluation des éléments des états financiers au coût historique, qui permet entre autres « d'éviter les pièges, ruses et leurres de la juste valeur financière qui n'est valable et économiquement justifiée qu'au seul instant de son calcul et sous l'hypothèse, très loin d'être validée, d'un fonctionnement de marchés efficient » (E. Delesalle, 2004).

21 Patrick PINTAUX, «Le système comptable ouest-africain (Syscoa). L'intégration économique par la comptabilité », publié dans TERTIAIRE N° 104 / NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2002, page 48

? Comparaison des principes comptables fondamentaux

Le cadre conceptuel des IFRS et du Syscohada définissent les hypothèses comptables de base sous-jacentes à la préparation et à la présentation des comptes :

Normes IFRS

Comptabilité d'engagement Continuité d'exploitation

Caractéristiques qualitatives de l'information financière

- Intelligibilité - Pertinence - Fiabilité

- Comparabilité

SYSCOHADA

prudence

l'intangibilité des bilans permanence des méthodes la spécialisation des exercices continuité d'exploitation la transparence

Tableau 2: Synthèse des principes comptables de base des IFRS, Syscohada et normes françaises

II.2 Systèmes comptables et présentation des éléments des états financiers

Les états financiers représentent des documents périodiques mettant à disposition des utilisateurs, l'information financière relative à une entreprise ou un groupe. Ils constituent de ce fait un dispositif d'aide à la prise de décision pour les destinataires auxquels ils sont établis.

Contrairement aux IFRS, le SYSCOHADA distingue plusieurs systèmes de présentation des états suivant des critères relatifs aux entreprises, chaque système procédant à une présentation différente des états financiers.

? Le SYSCOHADA

Le syscohada identifie trois (03) systèmes comptables, notamment le système normal, le système allégé fondés sur l'enregistrement des opérations « dès la naissance ou l'extinction d'une créance ou d'une dette de l'entreprise » et le système minimal de trésorerie quant à lui fondé sur « les mouvements de trésorerie : les encaissements et décaissements ».

Etats financiers requis

Système normal

· Le Bilan

· Le compte de résultat

· L'état annexé

· TAFIRE (tableau financier des ressources et emplois)

Système allégé

· Le Bilan simplifié

· Le Compte de résultat simplifié

· L'état annexé

 

Système minimal de trésorerie

· Un état des recettes et des dépenses dégageant le résultat de l'exercice

18

19

? Les normes IFRS :

Le cadre conceptuel des IFRS retient « la comptabilité d'engagement » comme principe comptable de base et reconnait donc qu'un seul système comptable fondé sur ce principe. Les états financiers requis en normes IFRS sont définis par la norme IAS1 et synthétisés dans le tableau ci-dessous :

Etats financiers en IFRS

Un état de la situation
financière à la fin de
la période (le bilan)

Un état du résultat
global de la période

un état de variation des capitaux propres,

un tableau de flux de trésorerie

Des notes annexes

On constate donc que le régime normal de ces référentiels comptables préconise en commun la présentation d'un bilan, d'un compte de résultat et d'un état annexé.

II.3 Traitement des éléments des états financiers :

II.3.1 Comptabilisation initiale des immobilisations corporelles acquises

Afin d'effectuer une comparaison succincte et claire de la comptabilisation des immobilisations corporelles à leur date d'entrée conformément aux dispositions prévues par le SYSCOHADA, et les normes IAS/IFRS, la comparaison sera effectuée selon que l'immobilisation corporelle soit acquise à titre onéreux, à titre gratuit ou par voie d'échange.

Immobilisations acquises à titre onéreux

Selon le Syscohada et les IFRS, la comptabilisation initiale des immobilisations acquises à titre onéreux est effectuée au cout d'acquisition. Cependant, les points de divergence entre ces référentiels résident au niveau des éléments constitutifs du cout d'acquisition.

Convergence : Logique commune de comptabilisation initiale au cout d'acquisition

Normes IFRS

Elements du cout

· Prix de l'immobilisation

· Frais d'acquisition (actes, notaires etc) et frais directement attribuables à l'actif

· Estimation du cout de démentèlement

· Les frais d'emprunt

[Norme IAS 16]

SYSCOHADA

Elements du cout

· les droits de mutations, les honoraires et les commissions des notaires, les frais d'acte ne sont pas attribuables au cout d'acquisition

[Article 37 de l'acte uniforme du Syscohada]

Tableau 3: Convergence et divergences lors la comptabilisation initiale des immobilisations corporelles acquis à titre onéreux

20

Immobilisations acquises à titre gratuit

Conformément à la norme IAS 16, les immobilisations acquises à titre gratuit sont comptabilisées à leur valeur vénale. Cependant, l'article 36 du SYSCOHADA requiert une comptabilisation des immobilisations acquis à titre gratuit, au cout historique constitué de « la valeur actuelle » de ces immobilisations22.

Immobilisations acquises par voie d'échange

L'article 36 de l'acte uniforme portant organisation et harmonisation de la comptabilité des entreprises au sein de l'OHADA préconise une comptabilisation de l'actif lors de l'échange, par « la valeur vénale de celui des deux éléments (faisant l'objet de l'échange) dont l'estimation est la plus sûre ». Toutefois, selon la norme IAS 16 (§24-26) les immobilisations acquises par voie d'échange sont comptabilisées à leur juste valeur avec constatation du gain ou de la perte ou, à défaut, de la valeur nette comptable de l'actif cédé en échange, en cas d'absence de substance commerciale de la transaction ou d'impossibilité d'une évaluation fiable.

Immobilisation acquise à titre d'apport en nature

Selon les dispositions du SYSCOHADA, lorsqu'une immobilisation est acquise à titre d'apport en nature, elle doit être comptabilisée à sa valeur figurant dans l'acte d'apport contrairement à la norme IAS 16 qui préconise une la comptabilisation de celle-ci à sa valeur vénale.

II.3.2 Traitement des subventions d'investissement en IFRS et en normes OHADA

Le Système Comptable de l'OHADA prévoit, au passif du bilan, une rubrique pour les subventions d'investissement qui sont des aides financières accordées à l'entreprise, par l'Etat ou les collectivités publiques, en vue d'acquérir ou de créer des valeurs immobilisées (subventions d'équipement) ou de financer des activités à long terme. Dans certains cas, l'entreprise reçoit cette subvention d'investissement sous la forme d'un transfert direct d'immobilisations.

Les dispositions des normes IAS/IFRS, ne prévoient pas, au passif du bilan, une rubrique pour les subventions d'investissement. Ces subventions sont imputées :

- soit en diminution du prix des actifs financés afin d'aboutir à la valeur comptable de ceux-ci ; - soit en « produits constatés d'avance ».

22 « Le coût historique des biens inscrits à l'actif du bilan est constitué par : le coût réel d'acquisition pour ceux achetés à des tiers, la valeur d'apport pour ceux apportés par l'Etat ou les associés, la valeur actuelle pour ceux acquis à titre gratuit ou, en cas d'échange, par la valeur de celui des deux éléments dont l'estimation est la plus sûre ; le coût réel de production pour ceux produits par l'entreprise pour elle-même.» Acte uniforme portant organisation et harmonisation de la comptabilité des entreprises sises dans les états parties au traité relatif à l'harmonisation du droit des affaires en Afrique. Article 36, p18

21

II.3.3 Comparaison au niveau des immobilisations incorporelles

? Définition et comptabilisation des immobilisations incorporelles

Selon le SYSCOHADA, les immobilisations incorporelles sont des actifs immatérielles devant servir de façon durable à l'activité de l'entreprise et susceptibles de générer des avantages futurs. L'évaluation à l'entrée des actifs incorporels est identique à celle des actifs corporels.

Cependant, le cadre conceptuel de l'IASB définit les immobilisations incorporelles comme des dépenses relatives à l'acquisition, au développement, au maintien ou à l'amélioration de ressources incorporelles telles que des connaissances scientifiques ou techniques, la conception et la mise en place de nouveaux procédés ou systèmes, licences, propriété intellectuelle, connaissance du marché et marques commerciales (y compris les noms de marque et les titres de publication). Conformément à la norme IAS 38, l'inscription à l'actif d'une immobilisation incorporelle nécessite que celle-ci soit :

- « identifiable et séparable, c'est-à-dire qu'il peut être séparé de l'entité et être vendu, transféré, concédé par licence, loué ou échangé, soit de façon individuelle, soit dans le cadre d'un contrat, avec un actif ou un passif liés;

- et résultant de droits contractuels ou d'autres droits légaux, que ces droits soient ou non cessibles ou séparables de l'entité ou d'autres droits et obligations. » (Norme IAS38 Paragraphes 8 et 12 - Code IFRS)

Le terme « identifiable » permet au préparateur de comptes de distinguer l'immobilisation incorporelle du goodwill.

? Cas des frais de recherche et développement

En IFRS, les frais de recherche ne sont pas immobilisés. Cependant, les frais de développement quant à eux sont admis en immobilisations incorporelles.

Le cadre conceptuel du SYSCOHADA ne fait pas de distinction entre les frais de recherche et les frais de développement. Ces dépenses sont comptabilisées et immobilisées dans une seule rubrique « Frais de recherche et de développement ».

II.3.4 Traitement ultérieur du goodwill : doit-on amortir le goodwill ?

Le goodwill est représentatif d'un écart d'acquisition issu des avantages économiques futurs résultants des autres actifs acquis lors d'un regroupement d'entreprises qui ne sont pas identifiés individuellement et comptabilisés séparément.

Selon qu'il s'agit d'un écart d'acquisition positif (Goodwill) ou négatif (Badwill) la comptabilisation de l'écart d'acquisition diffère.

En effet, en IFRS le goodwill est inscrit à l'actif du bilan et le badwill est repris en résultat de l'exercice d'acquisition après confirmation des justes valeurs des actifs et passifs identifiables.

22

Le référentiel IFRS prévoit des dispositions particulières dans le traitement du goodwill : y' Le goodwill ne peut être amorti ni réévalué (norme IFRS 3R) ;

y' Le goodwill fait l'objet d'un test de dépréciation au moins une fois par an à date fixe (pas nécessairement à la clôture). Toutefois un test supplémentaire peut être effectué en cas d'indice de perte de valeur en période intérimaire

y' La dépréciation du goodwill est irréversible ;

y' Le goodwill n'est pas déprécié directement mais dans le cadre de la dépréciation des unités génératrices de trésorerie23 (dans ce cas le montant de la dépréciation est affecté en priorité au goodwill en diminuant sa valeur).

Selon le SYSCOHADA, l'écart d'acquisition positif (Goodwill) est amorti sans exception, selon un plan d'amortissement, dont la durée doit refléter, aussi raisonnablement que possible, les hypothèses retenues et les objectifs fixés lors de l'acquisition et doit pouvoir être justifié sur le plan économique, compte tenu du secteur d'activité (amortissement sur 1 à 5 ans, qui peut être porté exceptionnellement à 20 ans maximum).

Le goodwill négatifest quant à lui inscrit au passifet est repris au compte de résultat soit :

- Pour compenser une faiblesse attendue et constatée des résultats de l'entreprise consolidée ;

- Pour couvrir des charges ou des moins-values d'évaluation non affectées, prévues lors de la prise de participation, et constatées au résultat ;

- Selon le plan de reprise de provision en cas de plus-value potentielle

Nous constatons donc que le traitement du Goodwill en IFRS et en normes OHADA met en évidence des différences assez significatives.

23 Une Unité Génératrice de Trésorerie (UGT) est le plus petit groupe d'actifs qui génère des entrées de trésorerie largement indépendantes des entrées de trésorerie venant d'autres actifs ou groupe d'actifs. (Norme IAS36).

ENJEUX LIES AU PROJET D'HARMONISATION ET PERSPECTIVES D'EVOLUTION

Chapitre III

23

A l'ère de la mondialisation, conscients de l'enjeu majeur lié au renforcement de la confiance des acteurs financiers sur les places financières internationales ainsi qu'à l'ouverture des économies aux capitaux étrangers par l'application des normes IAS/IFRS, les pays de l'OHADA s'interrogent quant à une éventuelle harmonisation du SYSCOHADA récemment adopté, aux normes internationales IAS/IFRS.

En effet, soumis à un contexte socio-économique particulièrement différent de celui des pays avancés et des pays développés initiatrices des IAS/IFRS, l'harmonisation du SYSCOHADA requiert au préalable une appréciation raisonnable des avantages et inconvénients liés à ce projet.

Tout au long de ce chapitre, nous dégagerons les enjeux liés l'harmonisation comptable internationale. Suite à cela, il sera question d'intégrer le projet de convergence du SYSCOHADA vers les normes IAS/IFRS à la dynamique de développement engagé en Afrique en mettant en évidence les avantages et obstacles à l'harmonisation du SYSCOHADA aux normes internationales. Enfin, nous discuterons des perspectives futures d'évolution de nos référentiels comptables.

I. L'HARMONISATION INTERNATIONALE DES NORMES

COMPTABLES : HISTORIQUE ET ENJEUX

I.1 Théories économiques de la valeur : échec d'une tentative précoce d'harmonisation de la comptabilisation des échanges ?

La théorie de la valeur est la pierre angulaire de la pensée économique visant à définir un critère unique de détermination de la valeur des biens échangés à considérer lors de leur comptabilisation.

Ainsi dès le 18e siècle, Adam Smith, précurseur de l'école classique énonce la première théorie de la valeur d'un bien fondée selon lui sur la quantité de travail commandée par ce bien. Cette théorie fut assez rapidement controversée du fait de la difficulté à percevoir cette notion de « travail commandé » auquel il faisait allusion ainsi que des failles qu'elle comprenait.

Par la suite, David Ricardo, leader de l'école classique reprends la théorie d'A. Smith en y apportant un ensemble des réponses aux critiques à l'encontre de celle-ci. Ainsi, il propose une nouvelle théorie de la valeur d'un bien fondée sur la quantité de « travail incorporée » dans la production de ce bien.

24

Cette théorie sera ensuite reprise et améliorée par Karl Marx à travers sa théorie fondée sur la `valeur-travail' proposant ainsi une « comptabilité en heure de travail »24. Karl Marx dans ses études s'appuie sur les travaux de Ricardo tout en rejetant ceux des autres auteurs classiques. Il y apporte ainsi des améliorations et l'adapte aux concepts de l'économie Marxiste.

En claire, Il intègre à cette théorie de la valeur une dimension sociale, proposant ainsi une théorie de la valeur fondée sur la quantité de travail socialement nécessaire.

Transversalement à cette approche orientée sur le travail, l'école néoclassique remet en cause toute la théorie de la valeur travail précédemment développée à travers l'exemple des « huitres ». En effet, ce bien (l'huitre) fortement prisé pour ses vertus gastronomiques n'est pas fabriqué. En claire il s'agit d'un bien ayant de la valeur, sans avoir été préalablement travaillé (et donc sans travail incorporé).

L'une des critiques portées à cet exemple des « huitres » concerne l'effort fourni pour la recherche des huitres, qui en lui-même constitue un travail, bien que non incorporé aux huitres. Selon les critiques, l'exemple des huitres n'est pas suffisant pour remettre en cause la théorie de la valeur travail (dans sa version marxiste).

L'école néoclassique va par la suite opter pour une définition de la valeur fondée sur la valeur-utilité et non la valeur travail qu'elle considère comme étant limitée. En effet, selon l'école néoclassique, la valeur d'un bien dépend de l'utilité de celui-ci.

Partant ensuite de l'exemple de l'eau (forte utilité et faible valeur) et du diamant (faible utilité, mais ayant une forte valeur), les économistes néoclassiques ont amélioré leur théorie prônant ainsi une redéfinition de la valeur fondée sur l'utilité et la rareté. En claire, la valeur d'un bien ne dépendrait non pas de la quantité de travail nécessaire à sa production, mais plutôt, de l'utilité de ce bien ainsi que de la rareté de celui-ci.

Il s'avère donc claire au vu de toutes ces controverses théoriques que la définition de la valeur d'un bien à enregistrer lors des échanges ne fit pas l'unanimité.

Ainsi, chaque économiste, suivant son adhésion à une école de pensée (classique, marxiste ou néoclassique) adopta une vision du concept de la valeur telle que prônée par son école.

L'échec de la détermination unanime d'un critère unique de détermination de la valeur des biens à prendre en compte lors de la comptabilisation des échanges (qui est l'un des principes fondamentaux des systèmes de normalisation comptable) peut être perçu comme un premier échec dans la recherche d'une harmonisation des comptabilités.

Loin de vouloir relancer le débat des controverses théoriques sur la notion de « valeur », on assiste aujourd'hui sous l'impulsion des IFRS et des référentiels comptables anglo-saxons à l'émergence d'un concept de détermination de la valeur des biens : le concept de la « juste valeur ».

Ce principe comptable semble être mieux adapté aux exigences des investisseurs et intègre raisonnablement le principe selon lequel les états financiers doivent refléter une « image fidèle » de la situation financière des organisations. Le concept de la juste valeur devrait donc permettre le passage d'une comptabilisation au cout historique vers une comptabilisation basée essentiellement sur la valeur actuelle intégrant les réalités et fluctuations du marché.

24 Expression utilisée par ERNEST MENDEL (1963) dans : « Initiation à la théorie économique marxiste » page 8, [en ligne] L http://www.ernestmandel.org/new/IMG/pdf/Initiation_a_la_theorie_economique_marxiste.pdf

25

I.2 Quelques avantages et inconvénients liés à l'harmonisation comptable internationale

I.2.1 Avantages liés à l'harmonisation des pratiques comptables

? Amélioration de la qualité et de la fiabilité de l'information financière

Depuis les scandales financiers, la nécessité de renforcer la confiance sur les marchés et places financières se fait de plus en plus pressante.

La mise en oeuvre d'un langage comptable et financier commun à toutes les entreprises par l'application des normes IFRS qui se veulent un référentiel comptable «fiable » répond à ce besoin. Notons aussi que les normes IFRS ont la particularité de répondre à la fois aux besoins d'information d'ordre comptable d'une part et d'ordre financier d'autre part, contrairement aux pratiques comptables nationales préexistantes, ce qui constitue un atout qualitatif pour les normes IFRS.

? Comparabilité internationale de l'information financière

La recherche d'une comparabilité internationale des états financiers se présente comme étant l'enjeu fondamental de l'harmonisation des systèmes de normalisation comptable.

La mondialisation, la mobilité internationale des capitaux instituée par le système capitaliste et la vulgarisation des échanges sur les places financières internationales requièrent une « comparabilité internationale des états financiers », considérée comme l'enjeu fondamental de l'harmonisation comptable internationale. Bien que vulgarisées par l'UE, les normes IFRS répondent à ce besoin de comparabilité et d'uniformisation des pratiques comptables car elles sont appliquées par un large panel de pays (122 pays).

Cependant, l'attachement de nombreux pays à leur système de normalisation comptable interne reflétant au mieux leurs réalités économiques, régionales ou culturelles rend difficile la comparabilité à l'échelle internationale des états financiers.

? Normes IFRS : Vers une déconnexion entre la comptabilité et la fiscalité des états ?

C. Nobes dès 1983 mettait en évidence la connexion étroite entre la comptabilité et la fiscalité en affirmant que « [le] système comptable est traditionnellement considéré comme relevant d'une approche macro-économique, doublée d'une forte inspiration fiscale».

26

La fiscalité est un puissant instrument de régulation économique capable d'influencer la consommation, d'encourager l'épargne ou d'orienter le mode d'organisation et de production des entreprises.

Toutefois, Conformément aux modèles anglo-saxons, le système de normalisation comptable internationale IFRS accorde la priorité à la substance des transactions et évènements sur leurs formes juridiques (principe IFRS de substance over form). Ce principe est aussi admis par le SYSCOHADA.

Nous notons donc que la marche vers une harmonisation internationale prévoit donc progressivement une scission entre comptabilité et fiscalité des états.

Ainsi, suivant la normalisation internationale, les règles fiscales propres à chaque pays et zone géographique ne devraient pas impacter sur la présentation des états financiers. Ce qui s'avère quelque peu ambitieux.

Face à cela, doit-on préconiser une harmonisation en tandem de la comptabilité et de la fiscalité des états ou une harmonisation des comptabilités en déconnexion avec les règles fiscales ?

I.2.2 Quelques inconvénients liés à l'harmonisation comptable ? Concept de la juste valeur : un critère controversé

Le principe de comptabilisation des biens à leur « juste valeur » favorise une évaluation des bien conformément aux règles et à la situation du marché. Bien qu'il présente une avancée par rapport au principe du cout historique en termes de transcription de la situation réelle des entreprises, ce concept fait l'objet de plusieurs controverses notamment sa vision court-termiste de la firme et l'exposition des entreprises à une plus grande volatilité de leur patrimoine.

De plus, dans son rapport publié en octobre 2013, Philipe Maystadt conseiller des IFRS auprès de Michel Barnier commissaire européen chargé du marché intérieur et des services, a mis en évidence l'éventuel implication de ce principe de « juste valeur » sur l'accentuation de la crise économique . Ainsi, il affirmait à la page 6 dudit rapport que «certains même croient que cette comptabilisation (à la juste valeur) a joué un rôle dans l'aggravation de la crise »25. Ces controverses portées à l'encontre de la juste valeur nous laissent quelques peu dubitatif sur ces normes internationales IFRS censées renforcer la confiance des utilisateurs.

25 Maystadt P., Octobre 2013, Rapport intitule «Some believe that such accounting played role in worsening the crisis» « les IFRS doivent-elles être plus européennes ? », Page 6

27

? Les normes internationales IAS/IFRS : des normes essentiellement « européennes » ?

Conscients de l'impact politique et fiscal de l'adoption d'une normalisation comptable, l'un des arguments soulevés par les pays n'ayant pas encore admis l'application des normes IAS/IFRS par leurs entreprises est que ces normes sont élaborées par un organisme privé et non pas par un organisme public régis par l'ensemble des états.

Cet argument est même reconnu par l'Union Européenne qui a décidé de la mise en oeuvre d'une procédure interne d'adoption des normes IFRS dénommée « comitologie ». Ce processus fait intervenir le Comité de Règlementation avec Contrôle (CRC) qui est un comité du parlement européen. L'UE justifie cette décision en jugeant qu'il n'est « pas possible, à la fois politiquement et juridiquement, de déléguer la normalisation comptable de façon inconditionnelle et irrévocable à une organisation privée sur laquelle l'Union Européenne n'a aucune influence »26. Cette affirmation, loin d'être rassurante soulève une autre question relative à l'influence de l'union européenne sur les IAS/IFRS.

Reprenons à cet effet les propos de Walton Peter (2003) qui soutient que l'adoption des normes est effectuée de sorte à aboutir sur une « conclusion consensuelle intégrant les besoins de l'ensemble des parties prenantes » ; la normalisation comptable internationale peut être de ce fait perçue comme étant un « compromis social » dans lequel le rapport de force devrait a priori tourner en faveur de l'Union Européenne.

Toujours dans cette logique, P. MAYSTADT affirme dans son rapport (octobre 2013, p.7) que «l'IASB a une tendance à privilégier les actions qui favorisent la convergence internationale et la recherche de nouveaux membres, au détriment des actions demandées par les États qui appliquent déjà les IFRS». Cependant notons que cette assertion est fortement contestée par la fondation IFRS (l'IFRS-Foundation) qui, dans son commentaire du rapport de Maystadt paru le 05 décembre 2013 affirmait clairement sa désapprobation à l'égard de cette assertion.

En claire, le board de l'IASB céderait-il aux actions demandées par l'UE, en élaborant une normalisation essentiellement adaptée au contexte européen ?

Cette affirmation laisse donc planer le doute quant à l'indépendance de l'IASB dans

l'élaboration des normes IAS/IFRS, ce qui n'est vraiment pas encourageant pour les pays non encore utilisateurs des normes IAS/IFRS.

26 Information financière : le règlement IAS - Foire aux questions - Commission Européenne MEMO/01/40 13/02/2001 [consulté le 25/07/2016] http://europa.eu/rapid/press-release_MEMO-01-40_fr.htm?locale=fr

28

II. L'EFFORT D'HARMONISATION : EXIGENCE OU URGENCE

POUR L'ATTRACTIVITE DE L'AFRIQUE

II.1 l'harmonisation comptable, une réponse aux besoins de développement de l'Afrique

L'instabilité politique qui prévaut dans de nombreux pays africains a terni l'image du continent et fragilisé les perspectives de développement économique et financier à long terme de l'Afrique.

La nécessité de reconstruction de l'Afrique ainsi que la relance du développement économique du continent constituent sans doute les défis majeurs imposés aux générations actuelles et à venir. Cela suggère la redynamisation de la création d'entreprises, nécessitant donc un recours massif aux capitaux.

La mise en place du SYSCOHADA fut un catalyseur au développement des marchés boursiers dans l'espace OHADA ainsi que de l'amélioration de leur attractivité.

Ceci étant, le rôle des investisseurs locaux et internationaux dans le processus de développement du continent est indiscutable. Cependant, la question de la confiance des investisseurs sur le marché financier africain reste posée. Ce problème sera d'autant plus facilement résolu si l'Afrique en général et l'espace OHADA en particulier procède à la convergence de son système de normalisation comptable aux normes internationales IAS/IFRS. Ainsi, les investisseurs pourront mieux apprécier les opportunités de projets et de la situation des entreprises dans lesquelles ceux-ci souhaitent s'engager.

C'est ainsi que pour certains experts comptables africains tels que Souleymane SERE, « adopter purement et simplement les normes de l'IASB comme référence (...) est l'hypothèse la plus crédible à moyen terme, surtout avec la perspective de l'Union africaine »27.

II.2 Obstacles à l'harmonisation du SYSCOHADA aux normes IFRS

Le tissu économique africain est constitué de plusieurs TPE (Très petites entreprises) et de PME (petites et moyennes entreprises) ayant du mal à assurer l'établissement de documents comptable et financiers corrects.

Cependant, dans leur élaboration, les IAS/IFRS se présentent comme étant complexes et dédiées plutôt aux grandes entreprises. Aussi, bien au-delà du contexte africain cette complexité

27 Souleymane Sere, décembre 2006, « Session de formation de l'Association africaine des hautes juridictions francophones », Ecole régionale supérieure de la magistrature de Cotonou.

29

des IFRS est même décriée par Caroline Weber, directrice générale de Middlenext, l'association qui regroupe les entreprises de taille moyenne cotées, qui affirme que « Les IFRS sont instables et incompréhensibles, sauf pour une microcaste de superexperts. C'est la vision de technocrates éloignés de la réalité des entreprises »28.

Le passage des normes SYSCOHADA aux normes comptables internationales présente des couts considérables. Il s'avère donc difficile voire même impossible pour ces entreprises de supporter des frais supplémentaires relatifs à la mise aux normes de la comptabilité des entreprises. En effet, celles-ci ont depuis l'adoption de l'acte uniforme portant harmonisation et organisation de la comptabilité des entreprises de l'OHADA en 2000, procédé à la mise aux normes (syscohada) de leur comptabilité et procédé à la formation de leurs agents.

Critiqué d'être essentiellement adapté aux grandes entreprises, l'IASB a mis en sur pied des normes internationales destinés aux petites et moyennes entreprises : les « IFRS PME » qui peinent à être adoptées.

Cependant, l'idée de mise en oeuvre d'un état et d'un espace économique africain commun à travers l'Union Africaine (UA) nécessitera à terme l'application d'un système de normalisation comptable unique au sein de l'UA.

A l'heure de la convergence mondiale vers les normes IAS/IFRS, serait-il judicieux pour les états africains de prévoir l'application du SYSCOHADA qui traduit clairement les réalités africaines ou les normes IAS/IFRS comme référentiel comptable et financier du continent ?

L'hypothèse d'application des normes internationales IAS/IFRS s'avère plus crédible dans un environnement de plus en plus influencé par la mondialisation et la vulgarisation des échanges à l'échelle internationale. Adopter le langage comptable et financier international répondrait ainsi au double défi de réunification de l'Afrique au sein de l'UA et d'ouverture de l'UA aux capitaux étrangers.

28 Cécile Desjardins - Les Echos Business : Comptabilité : les normes IFRS sur la sellette - 16/01/2013

30

III. PERSPECTIVES D'EVOLUTION

III.1 - Marche vers une dynamique de convergence accrue IFRS - US GAAP ?

Depuis l'application des IFRS en Europe en 2005, plusieurs travaux ont été mis en oeuvre afin d'assurer la convergence progressive des normes IFRS et US-GAAP.

Ainsi, en février 2006, l'IASB et le FASB ont signé un accord cadre (Memorandum of Understanding) constituant leur feuille de route pour la convergence IFRS-US GAAP sur la période 2006-2008 et approuvée par la commission européenne. Dans la foulée, dès juillet 2007, la SEC américaine à l'issue d'un meeting public a annoncé la suppression de l'obligation de réconciliation entre les US GAAP et les IFRS pour les sociétés cotées aux USA29.

Après la publication en janvier 2008 d'IFRS 3 révisée (et de son homologue identique US SFAS 141), de la véritable réussite de de convergence d'IFRS 8 (Information sectorielle) et de la publication des produits communs que sont IFRS 10 et 11, les deux organismes ont travaillé sur des projets communs, dont le plus connu est celui sur le revenu (IFRS 15 relative à la reconnaissance des revenus).

D'autres projets de travaux communs ont été lancés sur la normalisation des contrats de location, des contrats d'assurance et des instruments financiers.

En Février 2013, l'IASB et le FASB ont publié une mise à jour de haut niveau sur le statut et le calendrier des projets de convergence restants. Le rapport comprend entre autres une mise à jour sur la phase de dépréciation du projet conjoint sur les instruments financiers. Toutefois, le F.A.S.B. a décidé de ne pas suivre les propositions de l'IASB liées à l'évaluation du « business model », ce qui a entravé la convergence avec l'IASB sur la classification et l'évaluation des actifs financiers30.

Aujourd'hui, les travaux conjoints de l'IASB et du FASB sur la norme IFRS 16 « contrats de location » dont l'application est prévue pour les exercices ouverts à compter du 1er Janvier 2019 sous réserve d'adoption par l'UE met en évidence la volonté de convergence des deux « boards » au-delà des contraintes d'ordre beaucoup plus politiques que techniques qui empiètent sur la convergence des deux référentiels.

29 Les cahier de l'académie N°9 Novembre 2007 - « Convergence IFRS US-GAAP : Enjeux identifiés à partir de la pratique de groupes cotés aux USA »

30 Jean-Luc PEYREY. Gouvernance internationale des IFRS et nationale des US-GAAP. paru le 11 Avril 2014 . VoxFi http://www.voxfi.fr/gouvernance-internationale-des-ifrs-et-nationale-des-us-gaap/

31

III.2 - Brexit, quelle incidence sur les pratiques comptables promues par l' l'Union Européenne (IFRS) ?

La normalisation comptable, au-delà de ses caractéristiques purement techniques et professionnelles est aussi une affaire de politique.

La Grande-Bretagne a joué un rôle déterminant dans l'adoption par l'Europe, des IFRS, fortement marquées par la culture juridique & comptable anglo-saxonne. Bien que le Brexit britannique récent pose moins la question du maintien (à priori évident) des normes IFRS pour les sociétés anglaises, l'influence habituelle de la grande Bretagne dans le processus de normalisation laisse en suspens des questions relatives aux orientations futures des IFRS.

En effet, la normalisation comptable internationale est une initiative purement anglaise et est régie par un organisme privé (l'IASB dont le siège est situé dans la capitale britannique) au sein duquel l'union européenne est en quête d'une réelle influence.

Au lendemain de la sortie de la Grande Bretagne de l'UE, l'on se demande quelle capacité d'influence la Grande Bretagne pourrait-elle garder sur les règlementations européennes et, plus globalement, dans l'élaboration des normes comptables internationales ?

III.3 Harmonisation des « standards » comptables ou standardisation des normes comptables ?

L'harmonisation requiert la mise en place d'un dénominateur commun en terme d'information financière admise par différentes nations et donc de plusieurs cultures réunies autour d'un même référentiel comptable international. Ce processus intègre plusieurs acteurs notamment les pouvoirs publics chargés d'adapter leur règlementation étatique (ex règles fiscales) aux nouvelles requêtes internationales. Ce dénominateur commun devrait entre-autre conduire à trouver un accord sur les objectifs visés par les états financiers et sur les moyens de les atteindre.

Cependant, une harmonisation n'est pas synonyme de standardisation. En effet, par standardisation, l'on suppose une application identique des même normes et pratiques comptables de sorte qu'aucune différence de traitement ne soit permise. Toutefois, l'harmonisation quant à elle implique l'application des même principes et normes comptables tout à en admettant des pratiques comptables différentes (flexibles) surtout lorsque celles-ci sont expliquées par des sensibilités régionales ou nationales. L'harmonisation ne « signifie donc pas alignement d'un système sur l'autre mais rapprochement entre les deux systèmes par la voie d'échanges conceptuels et techniques »31.

31 Bernard Colasse, octobre 2009, le SYSCOA-OHADA à l'heure des IFRS, Revue Fiduciaire de Comptabilité. N°425

32

Plusieurs éléments concourent à une bonne harmonisation notamment la communication financière adéquate en temps réel, la compréhension et la comparabilité universelle de l'information financière par les utilisateurs ainsi que l'instauration de normes de reporting comptable légitimes.

III.4 Syscohada : Une alternative aux IFRS/PME ?

Le SYSCOHADA, dans sa conception se révèle être un système intermédiaire intégrant les caractéristiques des deux grands modèles comptables (le modèle anglo-saxon et le modèle partenarial d'Europe continental)

Dans le cadre des travaux d'harmonisation, il s'avère nécessaire de souligner que certains éléments du Syscohada mériteraient d'être pris en compte par le normalisateur international IASB dans l'élaboration des normes IFRS pour PME. Ainsi B. Colasse (2009) identifie à cet effet trois grandes orientations du Syscohada que nous présentons dans cette partie.

Tout d'abord en ce qui concerne les critères d'évaluation et leur domaine d'application, « la solution restrictive du SYSCOHADA apparaît bien adaptée au cas des PME : la juste valeur ne s'applique qu'aux immobilisations corporelles (terrains, immeubles, etc.) et seulement dans le cadre d'une réévaluation agréée par l'autorité compétente, une autorité locale. Les cas d'applications de la juste valeur prévus par les IFRS sont plus difficiles à mettre en oeuvre par les PME ».

Aussi, le Syscohada préconise une présentation du compte de résultat et d'un tableau des soldes caractéristiques de gestion perçus comme lourds mais qui, contrairement au compte de résultat IFRS-PME permettent de répondre aux besoins d'information des utilisateurs mais surtout des dirigeants de PME ne disposant pas de comptabilité de gestion.

Enfin, il serait intéressant que l'IASB confronte le Tableau Financier des Ressources et des Emplois (TAFIRE) du Syscohada et le tableau des flux de trésorerie afin d'en comparer les avantages et les inconvénients respectifs, toujours par référence aux besoins d'information d'utilisateurs multiples. Une mise en convergence des IFRS/PME et du SYSCOHADA serait donc fructueuse.

Nous notons donc qu'une intégration dans les normes IFRS/PME de certaines originalités du SYSCOHADA permettrait à celui-ci de s'adapter aux contingences locales ainsi qu'aux réalités des petites entreprises.

Pour autant il convient de souligner que ce serait une provocation que de prétendre qu'il faut aligner les normes IFRS/PME sur le SYSCOHADA. Le local est en effet multiple et c'est bien le grand défi du projet IFRS/PME : comment être universel en respectant les multiples spécificités locales ?

33

CONCLUSION GÉNÉRALE

Une décennie après leur application, les IFRS semblent apporter une avancée quasi indiscutable en termes d'amélioration de la qualité de l'information financière.

L'intégration du concept de juste valeur en IAS/IFRS constitue un point de rapprochement entre celle-ci avec les normes anglo-saxonnes.

Le système de normalisation comptable de l'OHADA (SYSCOHADA) présente des points de convergence avec la normalisation internationale IAS/IFRS. Toutefois, les nombreux points de divergence existant entre ces deux (02) systèmes de normalisation comptable mettent en évidence les efforts à fournir en vue d'assurer une harmonisation de ceux-ci.

L'accroissement des scandales financiers sur les places financières internationales, l'ancrage des nations à la marche vers la mondialisation ont mis en évidence la nécessité de présentation de l'information financière suivant un langage unique, commun à tous les états. Ce langage unique est assuré par les normes internationales IAS/IFRS.

Ainsi, l'harmonisation internationale des règles comptables internes des états est un atout indéniable au développement des marchés financiers et à l'internationalisation des échanges.

Cependant, face aux avantages liés à la convergence aux normes internationales IAS/IFRS, certains traits caractéristiques des normes internationales laissent dubitatifs certains états quant à leur intégration dans la dynamique d'harmonisation.

En effet, la crise financière a remis en question le concept d'évaluation à la juste valeur appliqué par les normes IAS/IFRS. Suite au basculement brutal des marchés induit par la crise, certaines entreprises appliquant ce concept ont assisté à la dissolution de leur actifs financiers et donc de leur bilan.

Ce concept traduisant une image (plus) fidèle du patrimoine des entreprises semble donc soumettre celles-ci au risque de volatilité de leur patrimoine.

Ensuite, se pose la question de l'indépendance de l'IASB vis-à-vis de l'union européenne dans le cadre de l'élaboration des normes. En effet, vulgarisées par l'union européenne qui assure l'application actuelle des IAS/IFRS, la convergence des états de l'OHADA vers ces normes internationales n'expose-t-elle pas ces états au risque d'influence de l'Union Européenne surtout lorsque l'on tient compte de l'impact politique et fiscal des règles comptables ?

34

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36

TABLE DES ILLUSTRATIONS

FIGURES

Figure 1: Structure de l'IASB 5

Figure 2:Organigramme des institutions de l'OHADA 14

Figure 3: Etats membres de l'espace OHADA 15

TABLEAUX

Tableau 1: champs d'application des normes françaises, IAS/IFRS et du SYSCOHADA 16

Tableau 2: Synthèse des divergences au niveau des principes généraux .... Erreur ! Signet non défini.

Tableau 3: Synthèse des principes comptables de base des IFRS, Syscohada et normes

françaises 18
Tableau 4: Convergence et divergences lors la comptabilisation initiale des immobilisations

corporelles acquis à titre onéreux 19

ANNEXES

37

ANNEXE 1 : BILAN ET COMPTE DE RESULTAT DU SYSTEMES ALLEGE (SYSCOHADA)

38

39

40

ANNEXE 2 : ETATS FINANCIERS DU SYSTEME MINIMAL DE TRESORERIE

(SYSCOHADA)

41

ANNEXE 3 : ETAT SUPPLEMENTAIRE STATISTIQUE DU SYSTEME NORMAL

(SYSCOHADA)

42

TABLE DES MATIERES

REMERCIEMENTS ...II

SOMMAIRE III

NOTE DE SYNTHESE ....IV

ABBREVIATIONS ET ACCRONYMES V

PRESENTATION DE L'ORGANISME D'ACCEUIL VI

INTRODUCTION GENERALE ..1

Chapitre I : NORMES IAS-IFRS : PRESENTATION ET BILAN D'UNE DECENIE

D'APPLICATION 4

I. Aperçu succinct du référentiel comptable IAS-IFRS 4

I.1 Le normalisateur international IASB : Historique et structure 4

I.2 Légitimité de l'IASB 5

II. Apport des normes internationales dans l'amélioration de la qualité de l'information

financière 6

II.1 Application des normes IFRS : vers une amélioration de la fonction finance 6

II.2 IFRS et information financière règlementée 8

II.3 La recrudescence des indicateurs non-GAAP sous l'impulsion des IFRS 9

II.4 « La juste valeur » et qualité de l'information financière en IFRS 10

III. Normes internationales : vers une restitution de la confiance des utilisateurs de

l'information financière ? 12

III.1 La comptabilité créative en environnement IFRS 12

III.2 La comparabilité de l'information financière en IFRS 13

Chapitre II : CONVERGENCES & DIVERGENCES DU REFERENTIEL COMPTALME

DE L'OHADA AVEC LES NORMES IFRS 14

I. Aperçu du système comptable de l'OHADA : Le SYSCOHADA 14

I.1 Présentation générale 14

I.2. L'acte uniforme portant organisation et harmonisation de la comptabilité des entreprises

(AUOHCE) : convergence vers une normalisation comptable africaine 15

II. convergences et divergences du syscohada avec les normes internationales IFRS 16

II.1 Comparaison du cadre conceptuel : Objectifs, utilisateurs et principes 16

II.2 Systèmes comptables et présentation des éléments des états financiers 18

II.3 Traitement des éléments des états financiers : 19

II.3.1 Comptabilisation initiale des immobilisations corporelles acquises 19

II.3.2 Traitement des subventions d'investissement en IFRS et en normes OHADA 20

43

II.3.3 Comparaison au niveau des immobilisations incorporelles 21

II.3.4 Traitement ultérieur du goodwill : doit-on amortir le goodwill ? 21

Chapitre III : 23

ENJEUX LIES AU PROJET D'HARMONISATION ET PERSPECTIVES

D'EVOLUTION 23

I. L'harmonisation internationale des normes comptables : historique et enjeux 23

I.1 Théories économiques de la valeur : échec d'une tentative précoce d'harmonisation de la

comptabilisation des échanges ? 23

I.2 Quelques avantages et inconvénients liés à l'harmonisation comptable internationale 25

I.2.1 Avantages lié à l'harmonisation internationale 25

I.2.2 Quelques inconvénients lié à l'harmonisation internationale 26

II. L'effort d'harmonisation : exigence ou urgence pour l'attractivite de l'afrique 28

II.1 l'harmonisation comptable, une réponse aux besoins de développement de l'Afrique 28

II.2 Obstacles à l'harmonisation du SYSCOHADA aux normes IFRS 28

III. Perspectives d'evolution 30

III.1 Marche vers une dynamique de convergence accrue IFRS - US GAAP ? 30

III.2 Brexit, quelle incidence sur les pratiques comptables promues par l' l'Union

Européenne (IFRS) ? 31

III.3 Harmonisation des « standards » comptables ou standardisation des normes

comptables ? 31

III.4 Syscohada : Une alternative aux IFRS/PME ? 32

CONCLUSION GÉNÉRALE 33

REFERENCES ET BIBLIOGRAPHIE 34

TABLE DES ILLUSTRATIONS 36

ANNEXES 37

TABLE DES MATIERES 42






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"Je ne pense pas qu'un écrivain puisse avoir de profondes assises s'il n'a pas ressenti avec amertume les injustices de la société ou il vit"   Thomas Lanier dit Tennessie Williams