L'ampleur des activités humaines ne fait que
croître, de sorte que leurs effets augmentent en équipollent. Les
crises environnementales s'accentuent également et les
conséquences sur l'être humain constituent des menaces
sérieuses. Les sociétés du Sud, les plus pauvres, donc les
plus dépendantes de la nature, sont les plus vulnérables et sont
déjà affectées, mais les sociétés du Nord ne
sont nullement à l'abri et ressentent déjà les effets
pervers de nos modes de vie. Des changements sociétaux de grande ampleur
doivent donc être amorcés au plus vite avant que la situation ne
nous échappe totalement. Les observations de terrain, ont poussé
notre réflexion sur les liens entre les activités menées
par les populations, la production des déchets et la préservation
de l'environnement. Pour cela, le fait d'établir un état des
lieux des atteintes à l'environnement a été
nécessaire à l'entame du chapitre 2.
Nous avons vu de ce qui précède que
l'état de l'environnement à Aboisso est marqué par de
graves dégradations causées par les activités des hommes.
Ces impacts que nous qualifions de néfastes conduisent dans la suite de
l'étude, à présenter le mode de gestion de
l'environnement, à relever les déterminants de la
dégradation de l'environnement puis en faire des analyses et aussi
établir le niveau de dégradation de l'environnement.
Pour traiter la problématique sur la
dégradation de l'environnement et la santé des populations dans
la ville d'Aboisso, il convient de prendre en compte une multiplicité de
facteurs liés notamment à la physiographie (relief,
géomorphologie), à la climatologie (pluviométrie,
température, le climat et l'eau), aux ressources en sol, aux ressources
forestières, aux ressources en eau et aux différentes variables
liées à l'état de l'environnement.
2.1.1 L'environnement à Aboisso :
dimension historique
Le processus de détérioration de
l'environnement à Aboisso, tout comme dans plusieurs villes ivoiriennes
remonte à l'époque coloniale (Service de l'hygiène
publique Aboisso, 2016). Le Sud-Est ivoirien est une région
pionnière de l'économie de plantation, qui a vu l'introduction du
café à Élima, au bord de la lagune Aby, en 1982 et
quelques années plus tard le cacao. L'activité agricole s'est
progressivement intensifiée autour du binôme café-cacao qui
est devenu le pilier de l'économie de la région (Hauhouot, 2004).
La pression agricole exercée sur de vastes superficies va
entraîner progressivement des dommages sur les forêts. Aboisso est
une zone forestière à l'extrême Sud -Est de la Côte
d'Ivoire, qui de plus en plus est le théâtre d'une exploitation
des terres agricoles. En effet, les populations autochtones (Agni)
installées entre le 16ème et le
18ème siècle, ont, à partir de leur village
originel et profitant des pistes ouvertes dans la sylve par les exploitants
forestiers, essaimé l'espace d'une multitude de campements de culture
(Essan, 1986). Aussi, la baisse de la production agricole occasionnée
par la dégradation des forêts qui a pour corolaire, l'insuffisance
des terres cultivables et la réduction des superficies des cultures
vivrières pose un autre problème à Aboisso. Autrefois, le
manioc frais, la banane plantain, l'igname et le taro étaient produits
en quantité suffisante dans la région d'Aboisso. Les superficies
plantées de ces cultures couvraient plusieurs centaines d'hectares. Par
exemple, en 1975, les exploitations de manioc couvraient 6000 ha, celles de la
banane plantain s'étendaient sur 30 000 ha tandis que l'igname
s'étalaient sur 1 200 ha. Au totale, ces cultures vivrières
avaient une superficie de 37 200 ha (Statistiques agricoles, 1974). À
partir de cette surface cultivée, c'était plusieurs milliers de
tonnes qui ont été produits à Aboisso pour nourrir une
population de moins de 100 000 ha (RGPH, 1975). Les vergers de café et
de cacao sont vieillissants et souvent mal
entretenus. Ceci joue négativement sur leurs
rendements déjà insuffisants (le rendement du café est
compris entre 300 et 350 kg/ha ; celui du cacao ne dépasse pas 500
kg/ha.) Les cultures vivrières sont développées de
manière extensive sur brûlis, pour la consommation des
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exploitants agricoles. En outre, s'ajoute la pression
démographique qui s'accompagnent d'un développement progressif
d'autres activités notamment les commerces de rue, associée
à la pression des populations sur l'espace. À tous ces faits, il
faut aussi mentionner la destruction des multiples forêts, champs,
plantations de cacao et de café dans le cadre de la reconversion de
culture.
2.1.2. L'environnement à Aboisso :
état des lieux
La définition du terme environnement retenue pour
notre étude, se réfère de manière stricte à
l'ensemble des éléments constitutifs du milieu d'un être
vivant, et, de façon plus large, à l'ensemble des
éléments constitutifs du paysage naturel et du paysage
artificiellement créé par l'homme susceptibles d'agir sur les
organismes vivants et les activités humaines et la santé. Aboisso
est située sur le cours inférieur du fleuve Bia, dans le Sud-Est
de la Côte d'Ivoire, et dominée par des hauts plateaux. Le relief
très accidenté, notamment dans la partie Nord-Est (dans les
Sous-Préfectures d'Ayamé et de Bianouan) et à l'Est (dans
la Sous-Préfecture de Maféré), aussi la ville
représente une dépression au quadruple point de vue de la
géomorphologie, de la climatologie, de la lithologie et de
l'érosion. Autrement dit, les risques de désastres qu'encourt la
ville (tremblements de terre, cyclones, tempêtes tropicales, glissements
de terrain, éboulements, etc.) sont liés (en grande partie)
à sa position géographique, sa topographie et à son
histoire géologique. Aboisso, se trouve dans une zone inondable. Cette
situation l'expose parfois à des inondations qui entraînent des
destructions. Pour se faire une idée de la dégradation de
l'environnement, observons le tableau de l'état de l'environnement qui
se caractérise aujourd'hui par la multiplicité des sites
insalubres, consécutivement au déversement des eaux usées
dans les caniveaux qui sont quasi totalement bouchés.
L'élimination anarchique des déchets dans la nature et dans le
fleuve Bia, la pollution des sols et des eaux à cause des engrais et
rejets industriels de tous genres constituent des problèmes
observés qui dégradent l'environnement dans la ville. On peut
également s'en convaincre en survolant le quartier précaire
Sokoura, avec des facettes de l'environnement dégradé.