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L'influence du numérique sur les arts martiaux mixtes


par Massyne SAHEL
Université Gustave Eiffel - Master 1 Cultures et Métiers du Web 2021
  

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Introduction

Légalisé seulement en France depuis février 2020, le MMA acronyme de «Mixed Martial Arts» que nous pouvons traduire comme «arts martiaux mixtes» est à l'aube d'un événement historique. Ce sport anciennement appelé «free-fight» est un sport de combat mêlant une diversité d'arts martiaux associant des percussions, de la lutte ainsi que du combat au sol. Le MMA est aujourd'hui considéré comme un véritable sport-spectacle, de par la technicité et la violence des confrontations mais aussi de par la scénarisation et l'organisation de ses événements. La discipline jouit aujourd'hui d'une popularité toujours plus croissante, que la France illustre parfaitement bien que celle-ci soit le dernier pays d'Europe à l'avoir autorisé.

Autrefois jugée trop violente et déshumanisante, la discipline bénéficie d'une légalisation très récente mais qui a été suivi d'un développement d'organisations et d'évènements MMA croissants sur l'Hexagone, ainsi que d'un essor de diffusions numériques (télévisuels,web principalement) par les médias français quasi immédiat suite à cette annonce, laissant percevoir la popularité déjà existante et en partie dûe aux contenus numériques étrangers ou amateurs français qui ont sans nul doute participé à cette évolution. En 2013, lors d'une audience à l'assemblée nationale, l'ex député PS des Deux-Sèvres Jean Grellier, avait déjà indiqué une progression et un intérêt numérique et sportif des français pour les arts martiaux mixtes : «Le développement (du MMA) est exponentiel et suscite un réel engouement, notamment chez les jeunes»1.

Dana White actuel président de L'Ultimate Fighting Championship (l'UFC), plus grande organisation d'arts martiaux mixtes au monde a par ailleurs annoncé, lors de L'UFC Fight Night ayant eu lieu le samedi 19 mars 2022 à Londres, l'organisation d'un événement UFC qui aura lieu en France prochainement « On le souhaite depuis longtemps. C'est un peu comme organiser un combat à New York. Il y a beaucoup d'excitation, je pense que ça peut être incroyable. Je suis impatient. Ce serait aussi ma première fois à Paris, je n'y suis jamais allé. Donc j'ai vraiment hâte. Ce sera pour quand ? Cette année ! »2 .

1 https://www.cairn.info/revue-corps-2018-1-page-353.htm.

2 P.CHEVRINAIS «MMA. Un événement UFC organisé en France prochainement ?» Ouest-france.fr, 20 mars 2022.

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L'organisation d'un événement UFC à Paris véritable victoire pour le MMA, n'est pas étonnant bien que sa légalisation soit très récente car comme l'a souligné le directeur général de l'UFC Lawrence Epstein auprès de l'AFP (l'Agence France Presse), les audiences TV et le suivi sur les réseaux sociaux représente un marché important et une croissance très rapide « Nous avons bon espoir que 2022 soit l'année où nous organisons un événement UFC en France, en sachant que le coronavirus a un rôle de joker dans tout ceci. Mais nous serions heureux de faire une série d'événements sur une base annuelle en France. Nous avons eu beaucoup de discussions à ce sujet. C'est un marché important. On le voit à travers nos audiences TV, notre suivi sur les réseaux sociaux. La croissance est très rapide ».

L'organisation d'un tel évènement répond finalement à un engouement et à un intérêt qui se fait en premier lieu numériquement mais qui suit par la suite par une popularisation passant par l'organisation d'évènements physiques en France. Par popularisation, nous entendons ici le fait de croître en popularité, de gagner en connaissance et en reconnaissance. Ce schéma de popularisation est un schéma singulier se caractérisant par une sportivisation fondée initialement sur la compétition et sur le spectacle d'où l'appellation de «sport-spectacle». Ces propos illustrent ainsi donc une parfaite corrélation entre popularisation du sport sur le territoire français et influence numérique, nous amenant ainsi à nous questionner sur le processus et les stratégies numériques permettant cela.

Au-delà même de la France, le MMA compte aujourd'hui une fanbase de 550 millions de fans dans le monde (Donn Davis)3 et est devenu selon une étude de Brent et Kraska en 2013, le sport le plus populaire auprès des jeunes téléspectateurs américains âgés de 17 à 35 ans. Une tranche d'âge qui dans les faits, représente une population plus connectée, illustrable en parallèle par une étude du CREDOC concernant le baromètre du numérique en 2021 sur l'hexagone, montrant que l'utilisation d'internet et des vidéos en ligne chez les 18-24 ans et les 25-39 ans était la plus développée4.

Le choix de ce sujet d'étude portant sur l'influence du numérique sur le MMA a été l'aboutissement d'un travail préliminaire de recherche, de rédaction de questionnements et de

3 D.DAVIS «PFL Founder Donn Davis: `There Are 550 Million MMA Fans Around the World, the Most Underserved Fan Base', sporttechie.com, 11 août 2021.

4 https://www.blogdumoderateur.com/barometre-numerique-10-chiffres-cles-2021

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problématiques sur l'émergence des arts martiaux et des sports de combats comme «culture pop». Les arts martiaux et les sports de combat étant tout aussi divers et tout aussi riches de par leur histoire, leur pratique mais aussi de par leur importance sur l'espace numérique, une centralisation sur un sport particulier fut donc nécessaire. Le choix thématique sur les arts martiaux mixtes s'est ainsi imposé comme «idéal" de par leur récente démocratisation en France, leur implantation numérique mondiale et de par leur essor toujours plus grandissant faisant aujourd'hui de ce sport celui bénéficiant de la croissance la plus rapide au monde.5

Le cadrage temporel de ce mémoire porte la focale sur les origines du MMA à la naissance même de ce sport, ainsi que de son acceptation et de sa popularisation toujours plus croissante. Cet ouvrage place en son coeur et tire toute son importance sur les stratégies et méthodes de diffusions ainsi que de la portée des outils numériques mettant en exergue un véritable sport-spectacle.

Les enjeux inhérents au sujet de l'influence du numérique sur les arts martiaux mixtes sont d'ordre économique avec les revenus générés par la discipline et en particulier par la plus grande organisation sportive de ce sport, l'Ultimate Fighting Championship. Le sujet porte également des enjeux socio-numérique, avec la démonstration d'une symbiose entre MMA et numérique ainsi que d'une influence sur la popularisation et de la réceptivité de ce sport, de sa sportivisation ainsi que de sa législation.

Dans cette démarche de recherche, des appuis fondamentaux précédents cet ouvrage ont été nécessaires à l'élaboration de ce mémoire, des appuis rares mais richissimes compte tenu de la nature même des arts martiaux mixtes relevant d'une évolution technique et réglementaire complexe ainsi que d'une évolution et d'une popularisation toujours en pleine mutation. Le peu d'étude portant sur ce sujet et encore moins portant sur sa corrélation avec le numérique, est cependant «comblé» par des recherches ambitieuses et dynamiques portées par des chercheurs de la sociologie et du sport dont cet ouvrage se nourrit.

Matthieu Delalandre et Céline Collinet dans l'ouvrage «Le mixed martial arts et les ambiguïtés de sa sportivisation en France» (2012), font état bien avant sa légitimation sur l'Hexagone, du processus de sportivisation et de réception de ce sport par les pouvoirs

5 https://www.thestatszone.com/archive/the-growth-of-the-ufc-ahead-of-the-historic-ufc200-13892

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publics mais également des institutions réclamants son encadrement ainsi que son applicabilité légitime en tant que pratique. Cet ouvrage est donc un réel point d'appui pour notre mémoire et pour l'étude approfondie des origines et des questions portant sur la permissivité du MMA sur notre territoire.

Matthieu Quidu «Le Mixed martial arts, une «atteinte à la dignité humaine ?» (2019) contribue quant à lui à l'émission d'hypothèses «susceptible de rendre compte des fondements sous-tendant de tels jugements dépréciatifs». Ainsi, l'analyse se porte dans un premier temps sur les enjeux sociaux-économiques ne relevants pas directement de la morale puis dans un second temps, sur la réception spectatorielle d'un sport violent pouvant alors générer un trouble résultant «d'une expérience affective de dégoût et de la transgression par la discipline de nombreux tabous symboliques».

«L'engagement corporel en MMA: entre sportivisation et mise en spectacle d'une violence instrumentale tolérée» (2018) de Yann Ramirez met en exergue la centralité de notre ouvrage portant sur le sport-spectacle associé au numérique, son ouvrage, démontre par l'établissement et le recensement d'études empiriques, de l'instrumentalisation de la violence par les organisations du MMA, une instrumentalisation qui finalement est plus visuelle que «destructrice» et répond à des attentes spectatorielles tout en veillant à une certaine intégrité des combattants. À travers cette étude, nous pouvons saisir les intérêts stratégiques des organisations de MMA et en particulier de l'UFC pour un oscillement entre spectacularisation et sportivisation afin d'une part de garantir de véritables «show» aux spectateurs et d'autre part d'intégrer «la vague extrême de la violence instrumentale tolérée». La recherche expose finalement un sport plus spectaculaire que dangereux avec un comparatif établit avec d'autres sports de percussions comme la boxe anglaise ou thaïlandaise qui s'avèrent être plus dangereuses et «destructrices».

Un second ouvrage plus récent rédigé en 2021 par Yann Ramirez «Dans la cage du MMA. Sociologie d'un sport du XXI siècle» succédant à la légitimation du MMA en France, représente un solide appui pour notre ouvrage de par le traçage des origines de sport-spectacle du MMA et de ses intérêts économiques ainsi que de ses stratégies commerciales. Cet ouvrage permet également de comprendre les motivations et les profils des spectateurs que nous associerons avec l'utilisation directe du numérique.

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Enfin, un ouvrage plus général et centralisé sur le sport-spectacle «Le sport spectacle. Les coulisses du sport business» (2003) de Michel Pautot motive cette étude en mettant en exergue l'importance du numérique au travers notamment de la télévision qui a permis l'octroi d'une place considérable du sport dans notre société mais aussi dans notre modèle économique.

Notre ouvrage a pour vocation d'alimenter et de contribuer, tout comme les études l'ayant précédé, à la recherche portant sur les arts martiaux mixtes en apportant dans notre présente étude, une réelle focale sur les stratégies et méthodes de diffusions numériques de ce sport et de leur portée socio-économique.

Afin d'apporter matière à cet ouvrage, une importance capitale est portée sur l'étude de terrain, cette importance porte en premier lieu sur l'apport de preuves et d'observations propres au maître d'ouvrage mais aussi sur le sujet en lui-même, sujet peu étudié et nécessitant ainsi d'autant plus une approche de terrain.

L'ensemble des terrains proposés au sein de cette recherche consiste à apporter des éléments explicatifs de l'influence que le numérique porte sur les arts martiaux mixtes et en particulier sur sa popularisation. Par «éléments explicatifs» nous entendons par là les motivations des acteurs qu'ils soient pratiquants ou non, spectateurs ou organisateurs d'événements martiaux, mais aussi les outils numériques utilisés dans l'exergue d'une consommation de ce sport ou encore de son exposition.

Cette recherche est premièrement nourrie par des études qualitatives avec divers entretiens répartis en trois parties distinctes. Dans un premier temps, deux entretiens ont été réalisés avec des professionnels français des arts martiaux mixtes, l'un étant avec Gregory Bouchelaghem plus connu sur les réseaux sociaux sous le nom de «GregMMA», véritable personnalité publique et Youtuber de la chaîne Karaté Bushido Officiel (611 000 abonnés) mais aussi connu comme étant l'un des premiers combattants français de ce sport quand bien même la pratique de cette discipline était interdite.

Le second entretien avec un professionnel des arts martiaux mixtes est cette fois établi avec Ramzan Jembiev jeune combattant de 22 ans comptant plus de 141 000 abonnés sur Instagram et ayant débuté sa carrière mais aussi sa popularité suite à un combat et un KO

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spectaculaire organisé en amateur sur la chaîne Youtube Ibra Tv (KO qui sera par ailleurs partagé sur les réseaux sociaux par l'une des plus grandes organisations de MMA, le One Championship Japon).

La seconde catégorie d'entretien quant à elle se constitue de quatre pratiquants amateurs de MMA dont la pratique et l'intensité de cette dernière varie. Les entretiens portent principalement sur l'usage et l'influence du numérique sur leur pratique. Parmis ceux-là se trouve un pratiquant ayant déjà participé plusieurs fois à des combats de MMA sur la chaîne IbraTv et a déjà planifié un combat en juin avec la chaîne youtube et l'organisation clandestine «King Of the Street», chaîne ne faisant pas de MMA mais des combats libres avec très peu de règles et d'une extrême violence. Cet entretien sera l'occasion de comprendre la création de circuits parallèles au MMA qui surenchérissent en violence qui est mise en exergue par le numérique.

Enfin, la troisième catégorie d'entretien, quant à elle, s'intéresse à deux spectateurs non pratiquants d'arts martiaux et consiste à analyser et comprendre les motivations spectatorielles et l'utilisation des outils numériques autour du visionnage de ce sport.

Afin de complémenter cette recherche, une étude quantitative comptant 178 participants a été menée par l'établissement d'un sondage scindé en deux rubriques, l'une renvoyant aux pratiquants d'arts martiaux mixtes et une seconde renvoyant aux non pratiquants. Cette étude consiste tout comme les entretiens précédents, à comprendre et analyser l'influence du numérique sur la popularisation des arts martiaux mixtes auprès de pratiquants de ce sport, de non pratiquants et de manière plus large auprès des spectateurs.

Enfin une étude de cas et des analyses de traces viennent enrichir cette étude, l'étude de cas traitée concerne ici la chaîne Youtube «IbraTv». Notre intérêt à travers l'exploitation de ce terrain est de montrer que de célèbres influenceurs et Youtubeurs

initialement suivis pour un contenu totalement différent comme des caméras cachées

appelées «Prank» ou encore des vidéos à caractère humoristique, proposent aujourd'hui de créer des vidéos portant sur le MMA. Ce terrain est d'autant plus important qu'il nous permettra de comprendre les raisons pouvant amener des Youtubers à proposer ce genre de contenu à une communauté totalement étrangère du moins dans sa majorité à ce sport. Il sera d'autant plus intéressant de voir la réceptivité des abonnés habitués à des contenus

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totalement différents appartenants aux divertissements des plus «standards» à savoir des vidéos pranks, humoristiques et des caméras cachées. Cette réceptivité traduira la portée que peuvent avoir des influenceurs Youtubers sur la diffusion, le partage et la découverte des arts martiaux mixtes auprès de communautés principalement non initiées.

Une analyse de trace se portera quant à elle sur la présence numérique de L'Ultimate Fighting Championship sur l'ensemble de l'espace numérique ainsi que de ses divers supports. L'intérêt de nous intéresser à la présence numérique de l'UFC réside dans l'exploitation de divers outils numériques par cette organisation lui permettant de créer un intérêt certain pour les arts martiaux mixtes par le biai de la retranscription et du partage de son contenu spectaculaire au plus grand nombre d'individus qu'ils soient initialement passionnés d'arts martiaux mixtes ou non.

Cette étude souhaitant ainsi mettre en évidence les contributions du numérique aux arts martiaux mixtes aura pour fil directeur la problématique suivante : Comment le numérique a-t-il pu contribuer à la popularisation des mixed martial arts ?

Notre recherche s'organisera ainsi en trois parties, la première considérera l'évolution progressive et la naissance des mixed martial arts marquée par le numérique, la seconde partie quant à elle traitera les stratégies de diffusions du MMA tournées autour du spectacle et du spectaculaire avec le cas UFC. Enfin, la dernière partie abordera l'influence du numérique sur les pratiques sportives des arts martiaux mixtes.

Partie 1 : Une évolution progressive et une naissance des mixed martial arts marquée par la télévision et le numérique.

A) Origines historiques et substantielles du MMA sport-spectacle.

Avant d'établir les origines et les fondements mêmes des arts martiaux mixtes il convient de revenir sur sa définition afin de la rendre plus complète que celle proposée précédemment,

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«Les arts martiaux mixtes, souvent désignés par le sigle anglais MMA (mixed martial arts), et anciennement appelés combat libre ou free-fight, est un sport de combat complet, associant pugilat et lutte au corps à corps. Les deux combattants peuvent utiliser de nombreuses techniques ; selon les fédérations, sont autorisées les techniques de percussion telles que coups de pied, de poing, de genou et de coude, mais aussi les techniques de corps à corps debout (clinch), de projections et de soumission (grappling) et quelquefois des techniques particulières de percussion au sol»6.

Les arts martiaux mixtes tenants ainsi de l'association de plusieurs arts martiaux et sports de combat, n'ont pas émergés comme tels mais ont été le fruit d'évolution socio-historique et politique avant de devenir le sport que nous connaissons aujourd'hui comme étant le sport de combat le plus complet et avec la croissance la plus rapide au monde7.

Le MMA tel que nous le connaissons, revendique historiquement l'héritage du pancrace antique, sport dont l'association du mot «pan» (tout) et de «kratos»(force) signifie «Tout est permis en force»8, comme son sens l'indique, tous les coups étaient permis à l'exception de crever les yeux et de mordre son adversaire. Ce sport antique s'est vu introduire aux jeux olympiques en 648 av. J-C, à la différence des arts martiaux mixtes modernes, il n'y avait pas de limite de temps, ainsi, le seul moyen de départager les adversaires était lorsqu'un adversaire se soumettait par un signe de la main ou encore lorsque l'un d'eux était inconscient. Le pancrace représentait également un excellent entraînement militaire et les techniques prohibées et énoncées précédemment pouvaient être autorisées chez les Spartiates. Véritable sport-spectacle, de par la variété techniques (que nous pouvons retrouver dans le MMA) et la violence spectatoriellement désirée, le pancrace antique véhiculait l'idée d'un «combat à mort» entre deux hommes de qualités sportives exceptionnelles mais aussi une forme «d'offrande cathartique visant à purifier le monde de la violence immanente».9

Les rencontres sportives avaient lieu dans une arène et l'arbitre était muni d'un fouet ainsi que d'un bâton afin de veiller au respect des interdits. Le pancrace était si spectaculaire et

6 https://fr.wikipedia.org/wiki/Arts_martiaux_mixtes

7 https://www.thestatszone.com/archive/the-growth-of-the-ufc-ahead-of-the-historic-ufc200-13892

8 Y.HOMANT «Jeux antiques : Lutte, pugilat et pancrace», herodote.net, Le Média de l'Histoire, 27 juillet 2021.

9 Y.RAMIREZ «Dans la cage du MMA, sociologie d'un sport du XXIe siècle». 2021, p30.

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populaire que des mythes et légendes que nous pourrions associer à la starification des combattants de MMA prennaient vie. De nombreux pancratiastes (athlètes pratiquants le pancrace) étaient socialement établis comme héro, comme Dioxippos ou encore Polydamas de Scotoussa champion olympique de la discipline en -408 av JC et dont la légende associe ses exploits à ceux d'Héraclès faisant ainsi de cette épreuve, le sport préféré des spectateurs de l'antiquité. (Stella Nenova)

La popularité de ce sport ainsi que de sa diversité technique était telle, que Alexandre Le Grand cherchait à recruter ces athlètes dont l'habileté au combat sans arme était légendaire10.

Outre une diversité technique s'approchant grandement de celle des arts martiaux mixtes, des références historiques lors de l'organisation de combat de mixed martial arts ont lieu, en faisant notamment référence à la gladiature et au munera qui ont repris de nombreuses disciplines provenants de la Grèce Antique dont le pancrace et qui répondaient déjà à une ambition d'exposition spectatorielle d'une discipline extrême. (Yann Ramirez)

Ces références anhistoriques s'établissent dans l'intérêt de légitimer la pratique des arts martiaux mixtes mais aussi sa diffusion et sa promotion spectaculaire rappelant non sans moindre, les combats de fiers et braves guerriers gladiateurs adulés par une foule de spectateurs. Le MMA a donc réellement puisé dans ces références afin de construire et de renforcer un système de sport-spectacle. Les éditions de L'Ultimate Fighting Championship étaient par ailleurs retransmises jusqu'en 2012, avec à leur début une introduction vidéo exposant un gladiateur accompagné d'une musique solennelle, se préparant au combat en s'équipant de son plastron, de son bouclier ainsi que d'un glaive puis, entrant dans la lumière de l'arène.

L'organisation en elle-même des programmes des combats ainsi que des entrées n'est pas sans rappeler les oppositions journalières des gladiateurs, des moins expérimentés et moins renommés aux plus populaires d'entre eux. Il en est de même pour les entrées des athlètes marquants une continuité solennelle entre l'arène et la cage octogonale, sublimée par l'applaudissement des spectateurs et l'accompagnement de musique.

10 S.NENOVA «Pancrace», worldhistory.org, 9 février 2016.

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La première ligue française de MMA la ARES Fighting Championship créée en 2019 par Fernand Lopez tire par ailleurs directement son nom de la mythologie grecque et de la référence à Arès, dieu de la guerre.

Comme nous avons pu le voir, il existe une certaine filiation historique et sportive entre le pancrace antique et les arts martiaux mixtes contemporains dûe notamment à certains points communs dans la diversité technique s'exprimant par le mélange de percussion, de lutte ainsi que de combat au sol. Concernant l'aspect spectacle que nous connaissons aujourd'hui du MMA, celui-ci a en partie exposé des références aux muneras (combats de gladiateurs) qui eux même ont repris le pancrace antique dans leurs pratiques. La reprise anhistorique de la gladiature dans le MMA répond à des justifications de légitimité de pratique d'un sport extrême mais répond aussi à une forme scryptée de spectacularisation, avec les spectateurs autour des combattants et les combattants s'affrontants dans l'arène représentée de manière contemporaine par la cage octogonale.

Les arts martiaux mixtes bien qu'ayant une filiation avec le pancrace antique, tiennent véritablement racine de pratiques de combat datant de la fin du XIXe et du début du XXe siècle ainsi que de leur association. Le MMA doit en grande partie ses racines au Jiu-jitsu Brésilien, sport associant lui aussi plusieurs arts martiaux dont le Judo et le Jiu-jitsu japonais. Le fruit de cette association résulte de Mitsuyo Maeda dont la tâche était de montrer la supériorité du judo dans le monde11 et de le promouvoir. Cependant Maeda s'émancipait des règles de Jigoro Kano, fondateur du judo et de l'école Kodokan, en ayant notamment recours davantage à des techniques de jiu-jitsu face à des opposants plus lourds et plus puissants comme face des boxeurs ou des lutteurs américains. (Ramirez 2020)

En 1914, le japonais s'installant au Brésil, reçu le soutien d'un brésilien influent et homme d'affaires, Gastao Gracie, et enseignera ensuite son savoir martial au fils aîné du brésilien, Carlos. Cet échange de procédés amènera à une transmission du savoir car par la suite, Carlos Gracie enseignera à ses frères dont Helio Gracie, qui par nature chétif, focalisera et développera un éventail technique au sol, ce qui donnera naissance au «JJB» plus

11 tâche que Jigoro Kano fondateur de l'école Kodokan et du Judo, dont la volonté était de s'émanciper des techniques mortelles du ju-jitsu a confié à son élève ainsi qu'à d'autres judokas qu'il envoie à travers le monde.

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communément appellé Jiu-jitsu brésilien. «Cette hybridation se produit originellement à partir d'un échange de services entre deux individus provenants de cultures différentes»12.

Si nous avons évoqué, les origines du jiu jitsu brésilien et de son héritage aux arts martiaux mixtes, cela est en lien direct avec le rôle que la famille Gracie jouera dans le sport-spectacle et dans les origines les plus profondes du MMA.

La famille Gracie est également à partir des années 1920, responsable du développement d'une forme de combat hybride intitulé Vale Tudo autrement dit «tout vaut» en portugais et qui sera l'ancêtre le plus proche des arts martiaux mixtes contemporains. Ce sport s'est vu naître suite à l'impulsion de la famille Gracie avec l'organisation de «Gracie Challenge», qui étaient des défis martiaux sur invitation ouverte et qui étaient adressés à tous les combattants, de tous styles et sports/arts martiaux confondus. L'intérêt de l'organisation d'un tel challenge était de prouver l'efficacité ainsi que la supériorité du propre art de la famille, le Gracie Jiu-Jitsu13.

Les rencontres n'avaient que peu de règles et rappellent fort bien le pancrace antique que nous mentionnons précédemment dans cet ouvrage, de par la signification du nom de ces sports (dont le mot signifie tout est permis en force et tout est permis) mais aussi de par leurs règles, le Vale Tudo n'avait comme interdit que l'interdiction de mordre et de crever les yeux et s'exerçait sans protection ni limite de temps.

Le Vale Tudo était à l'origine un réel affrontement interstyle et centré sur les performances sportives au détriment parfois d'un côté spectacle «pur», la durée des combats allant parfois jusqu'à plusieurs heures pouvait en effet entraîner un sentiment de lassitude chez les spectateurs.

Cette forme de combat hybride est néanmoins rapidement devenu populaire au Brésil et dans «les cirques»14 brésiliens dès 1920 loin encore de toute numérisation. La violence et la diversité des profils que cela soit sur le style martial, le poids ou encore la taille attiraient et

12 Y. RAMIREZ «Dans La Cage Du MMA, sociologie d'un sport du XXIe siècle», 2021, p33.

13 Il s'agit ici d'une seconde appellation du JJB mais qui contient dans son nom, l'influence que la famille Gracie a porté sur la discipline.

14 Terme devenu populaire en 1959 afin de décrire les combats présents dans l'émission de télévision Herois Do Ringue

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intriguaient les spectateurs par l'existence parfois de réel déséquilibre au combat(il n'y avait aucune catégorie de poids). Des traces écrites de ces combats subsistent et approuvent la popularité des affrontements inter-style avec notamment un article du Japanese-American Courier datant du 4 octobre 192815 relatant l'affrontement entre un bahianais «aux dimensions monstrueuses» opposé à un lutteur japonais de «petite taille» remportant le combat par l'utilisation d'une prise de Jiu Jitsu. L'article par ailleurs, mentionnera l'intérêt spectatoriel du combat par non pas la célébrité des combattants, mais par l'utilisation de styles différents, la capoiera brésilienne pour le bahianais et le Jiu Jitsu pour le japonais.

C'est au cours des années 1950, que le Vale Tudo se développe et gagne en popularité par de toutes premières diffusions télévisuelles suscitant la curiosité mais aussi l'engouement pour un contenu aussi spectaculaire dans sa violence et dans ses oppositions. C'est sur l'un des principaux réseaux de télévision brésilien de l'époque, la TV Continental16 que l'émission de télévision «Heróis do Ringue» que nous pouvons traduire comme «Héros de l'anneau» présentait des oppositions interstyles chaque lundi et cela pendant deux ans. Les animateurs et les organisateurs de l'émission comptaient par ailleurs des membres de la famille Gracie dont notamment Carlos Gracie.

La télévision permettait la diffusion et le partage de cette forme de combat hybride au plus grand nombre mais aussi à des non initiés dont la critique de ces pratiques s'est avérée importante. Ce fut le cas lors de l'organisation d'un grand combat au Maracanazinho dont la capacité d'accueil et les infrastructures véhiculent au Vale Tudo une stature de géant et une forme de légitimité de diffusion et de médiatisation. Le combat opposait Jão Alberto, pratiquant du Gracie Jiu Jitsu (élève de Helio Gracie) face à Soares Vinagre pratiquant de lutte.

Lors de cette confrontation, Jão Alberto effectue une prise de soumission à son adversaire qui tente de résister et finit par se faire une fracture apparente au bras. Cette scène exposant en direct et en heure de grande écoute (22h), la fracture apparente de Soares Vinagre se tordant de douleur, a choqué la presse, le public présent au Maracanazinho ainsi que des milliers de spectateurs de la «Heróis do Ringue». C'est à partir de cet événement que le programme a

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https://web.archive.org/web/20071015153406/http://www.time.com/time/magazine/article/0,9171,928 081,00.html

16 https://www.museudatv.com.br/programas/herois-dos-ringues/

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reçu de vives critiques sur l'aspect déshumanisant et de «cirque» de son contenu, réclamant ainsi son interdiction. Le programme ayant par la suite perdu tous ses sponsors a été retiré des canaux de diffusions télévisuels. (Marcelo Alonso 2009)

Cet exemple nous montre bien l'influence des canaux de diffusions télévisuels et numériques à asservir ou desservir la popularité d'une pratique encore plus lorsque celle-ci est extrême et violente. Ce qui justifie et conforte l'intérêt de cette étude de porter focal sur l'influence du numérique concernant les arts martiaux mixtes qui ont déjà vu leur ancêtre subir de diverses influences et notamment par les retransmissions télévisuelles.

Le Vale-Tudo avait la particularité de représenter un réel affrontement interstyle au détriment quand bien même l'offre d'un spectacle de violence extrême était offert, de ne pas établir de limite de temps ce qui pouvait rendre les combats réellement longs et amener à un sentiment de lassitude ou à une diminution d'audience au fil du combat. Ainsi, l'organisation des combats laissaient une prédominance à la performance physique face à l'intérêt purement spectatoriel.

Le combat le plus long de l'histoire du free fight et du Vale-Tudo sera par ailleurs celui opposant Hélio Gracie fondateur du Jiu Jitsu Brésilien faisant 65kg17, face à son ancien disciple Waldemar Santana pesant 95kg. Le combat ayant eu lieu en 1955, dura 3 heures et 45 minutes et termina sur une défaite de Hélio Gracie. Ce combat bien plus qu'un spectacle, représentait la supériorité d'un style martial ou encore d'une école. La défaite de Gracie face à Santana, amènera de nombreux élèves du fondateur de Jiu Jitsu Brésilien à rejoindre la nouvelle école de Waldemar Santana lui-même ancien disciple du vaincu.18

Comme nous le mentionnons précédemment, cette défaite n'était pas la simple résultante d'un spectacle violent ou d'une performance physique mais d'un réel affrontement martial englobant tradition, enseignement et honneur. L'honneur, ainsi que l'héritage martial de la famille Gracie étant en jeu, Carlson Gracie (neveu d'Hélio) décida de venger son aîné au cours d'un combat se déroulant à Maracanazinho en 1956, devant 25 000 personnes et dont il sortira vainqueur.19

17 http://www.jujutsu.wikibis.com/combat_libre.php

18 Y.RAMIREZ «Dans la cage du MMA - sociologie d'un sport du XXIe siècle" 2021, p35

19 http://www.carlsongraciecolumbus.com/m-aboutbjj.html

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Les arts martiaux mixtes modernes tiennent également comme ancêtre qui les influencera, le Shoot wrestling, terme désignant et regroupant divers systèmes de combats hybrides nés à la fin des années 1970 au Japon et se rapprochant grandement des spectacles et scénarios des organisations de catch japonaises. Sous son appellation, le Shoot Wrestling regroupe notamment de célèbres et populaires disciplines des années 80's comme le «Pancrase», la RINGS submission fighting, le Shoot Boxing, le Shootfighting mais plus populaire encore le Shooto20. L'évocation de cette discipline est fondamentale pour comprendre l'avènement concret du MMA comme sport spectacle et plus seulement comme simple opposition interstyle.

La particularité du Shoot wrestling réside dans l'exécution des techniques qui sont réellement portées mais aussi et surtout dans l'issue du combat qui est connue à l'avance et qui suit ainsi une trame scénarisée lors de son déroulement. La diversité et la mixité des techniques est une partie intégrante à cette discipline semblable au MMA, avec notamment la combinaison de lutte, de sambo, de clés de soumission, d'étranglement et de boxe pieds/poings. Le Shoot Wrestling incarnait le véritable sport-spectacle avec des shows très médiatisés, pour exemple, en 1976, Muhammad Ali légende de la boxe anglaise et à son apogée21, a combattu le 25 Juin 1976 à Tokyo, le lutteur japonais Antonio Inoki, permettant ainsi, la rencontre entre deux disciplines jouissant d'une grande popularité et d'un grand intérêt spectatoriel.

La discipline a évolué et a été propulsée par Satoru Sayama, qui souhaitait à la différence du Vale-Tudo plus accès sur la compétitivité, associer trois éléments, l'intensité, la compétitivité et le spectacle de catch. (Yann Ramirez, 2020)

Cette volonté d'associer ces éléments résulte dans la nécessité de tenir le spectateur en haleine, de maintenir l'excitation, la performance et l'enjeu sportif tout en offrant un spectacle d'un esthétisme impressionnant. Cette volonté sera réellement appliquée par la création du Shooto, organisation de sports de combat et d'arts martiaux mixtes fondée par Satoru Sayama en 1986. Le Shooto s'inscrit dans la modernisation du combat libre avec l'adoption précoce seulement trois ans après sa création, de règles strictes et de l'institution

20 https://fr-academic.com/dic.nsf/frwiki/1536922

21 Muhammad Ali aura une période d'activité intense avec quatre combats par an, et sortira tout juste de son combat le plus intense l'opposant à Joe Frazier le 1er Octobre 1975.

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de différentes catégories de niveaux, allant de la Class D,C,C+ pour les amateurs jusqu'à la Class B et A pour les professionnels. L'organisation japonaise est considérée comme l'une des premières véritable compétition d'arts martiaux mixtes avec l'organisation en 1989, de son premier combat professionnel.

Les règles inscrites s'apparentent grandement aux règles des arts martiaux mixtes modernes avec le port de gants, l'interdiction des morsures, des coups de tête et l'interdiction des coups de pied et de genou portés à la tête d'un adversaire sol.

Ce développement historique et substantiel des arts martiaux mixtes et d'un grand nécessaire, afin de comprendre et de saisir les échanges politiques,culturels et sportifs qui ont aujourd'hui façonnés le sport de combat avec la plus grande diversité technique mais aussi avec l'un des plus grands intérêts spectatoriels. Cette diversité culturelle remontant les origines du MMA, peut également nous inciter à nous demander si cela n'est pas également une composante du succès de ce sport à ce jour.

Les arts martiaux mixtes modernes ayant subit de nombreuses influences tant dans leur pratique que dans leur représentation et dans leur transmission, doivent également grandement à la télévision et au numérique ainsi qu'à l'Ultimate Fighting Championship qui ont contribué de façons successives, à l'émergence d'un sport autrefois perçu et qualifié de «sous-culture urbaine».

B) L'émergence du MMA, la résultante d'une symbiose entre les canaux de diffusions numériques et télévisuels et la création de l'UFC.

Bien que des organisations d'arts martiaux mixtes aient précédé l'UFC comme le Shooto, la naissance du MMA moderne est souvent attribuée à L'Ultimate Fighting Championship qui a eu pour réel rôle de dévoiler et d'exposer au public ce sport autrefois majoritairement méconnu. Cette attribution s'explique également par les origines que tire le MMA dans le Vale-Tudo dont la famille Gracie en est la principale représentante et créera avec d'autres associés, l'Ultimate Fighting Championship. L'UFC n'est pas devenue instantanément la plus grande organisation d'arts martiaux mixtes que nous connaissons aujourd'hui, cette dernière a

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subi de nombreuses évolutions tout comme le MMA moderne et le tout sous l'impulsion du numérique.

Avant de démontrer une quelconque symbiose et un avènement du MMA, il convient de définir et de qualifier ce qu'est L'Ultimate Fighting Championship. L'UFC créée en Novembre 1993 par R.Gracie, J.Milius, C.McLaren, A.Davie, B. Meyrowitz, D. Isaacs est une organisation américaine, la plus grande organisation au monde d'arts martiaux mixtes (MMA). Historiquement, l'UFC ou du moins son origine, débute dans les années 90 avec l'organisation d'une rencontre à élimination directe entre 8 combattants issus de différents styles martiaux afin d'en décider lequel était le meilleur, rejoignant ainsi la continuité du Vale-Tudo que nous évoquions précédemment ainsi que de l'ascension de la famille Gracie encore présente dans la phase évolutive du MMA.

Art Davie, promoteur de kick boxing à l'origine de ce projet, propose à Rorion Gracie prometteur du jiu-jitsu brésilien et fils du créateur de ce sport de se joindre à lui. Art Davie fait de même avec le cinéaste John Milius afin d'organiser cet événement. L'association en elle même d'un promoteur de kick boxing à un promoteur de Jiu-jitsu brésilien signe un échange martial jamais vu entre une discipline pied-poing et une discipline de sol assurant un rendu spectaculaire d'autant plus que John Milius cinéaste, se joint à eux pour superviser la rencontre et subjuguer le côté spectaculaire. L'association de ces acteurs marque ainsi un début symbiotique entre le sport et le spectacle et plus particulièrement entre le combat libre et la télévision. Nous ne pouvons encore à cette époque qualifier de «MMA» les oppositions qui renvoient aujourd'hui le terme à un sport codifié et socialement ainsi que sportivement accepté, les toutes premières rencontres UFC précédents les règles unifiées sont donc ainsi qualifiées de «combat libre».

Initialement, le tournoi s'intitulait «War of the Worlds" et présentait des combattants de tout style martial sans classement par catégorie de poids. Ce type de confrontation prenait le terme américain de «No Holds barred»22 et présentait tout bonnement les caractéristiques d'une exportation du Vale Tudo brésilien et plus particulièrement du «Gracie Challenge» sur le continent nord américain. La rencontre unique et spectaculaire de ces combattants dont la brutalité était mise en avant assurait un véritable show mais il ne manquait qu'un canal de

22 Le terme No Holds Barred est un terme américain signifiant «Tous les coups sont permis». La désignation des confrontations de «MMA» n'était donc encore pas présente.

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diffusion, c'est ainsi qu'en 1993, Art Davie signe avec le diffuseur Semaphore Entertainment Group (SEG) pour permettre cette rencontre. Le diffuseur va par ailleurs changer le nom du tournoi en «The Ultimate Fighting Championship» et créer l'octogone, célèbre surface de combat octogonale bordée de grillages. Le premier gala, »L'UFC 1» a lieu le 12 novembre 1993 au McNichols Sports Arena de Denver dans le Colorado et est un énorme succès télévisuel ce qui incitera la SEG à développer le concept et à créer une franchise.

Le succès de ce premier UFC est fondamentalement important à décrypter afin de saisir l'enjeu de cette étude et de la corrélation entre numérique ainsi qu'évolution et popularisation du MMA.

Le premier événement UFC nommé «UFC 1 : The Beginning», s'est déroulé sous la forme d'un tournoi comportant huit participants et ne comptant aucune catégorie de poids et aucune limite de temps, seules les interdictions de porter les doigts aux yeux et de morsures étaient présentes. La victoire se remportait par soumission ou par knockout23. Le vainqueur de ce tournoi sera par ailleurs un membre de la famille Gracie, Royce qui marquera par cette victoire l'avènement du jiu-jitsu brésilien, du combat au sol, et de manière plus général du combat libre. L'UFC 1 a révolutionné le monde du combat et cela notamment par son organisation et par sa promotion résultante d'une symbiose entre représentants de sports d'arts martiaux et de sports de combat avec des représentants du monde audio-visuel. Ainsi, les téléspectateurs pour la grande majorité néophyte de ce genre d'affrontement, se voyait proposer des affrontements interstyle avec une diversité de combattants tant par le poids, l'origine ethnique et par la discipline, s'affrontants dans un Octogone, conférant ainsi la représentation des confrontations à celles d'un Fight Club mais le tout retransmis télévisuellement.

Outre la performance physique des combattants que nous pouvions retrouver dans le Vale-Tudo au Brésil, les confrontations étaient orchestrées dans l'intérêt non pas seulement d'observer la supériorité d'un style martial mais également de maintenir et de susciter l'intérêt spectatoriel des néophytes face à la discipline. C'est ainsi que l'UFC apparaît et se distingue au fil du temps de ses prédécesseurs.

23 le terme «Knockout» désigne la mise hors combat d'un combattant suite à un coup porté par l'adversaire, l'invalidant ainsi temporairement de ses capacités.

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Cet avènement et cette révolution dans le monde du combat libre tient en acteur essentiel le rôle de John Milius, cinéaste et réalisateur du célèbre film «Conan le Barbare» qui sera en tant que directeur créatif à l'origine de la mise en place de la très célèbre cage octogonale grillagée devenue aujourd'hui une marque déposée, évitant les chutes hors de la surface de combat tout en maintenant une pression combative ainsi qu'une représentation de gladiature hors pair. John Milius apportera également crédibilité et expertise en matière de concepts et de valeurs de production. Cet appui du cinéaste et de sa réputation, a ainsi favorisé les investissements dans l'UFC dont le nombre d'investisseurs était de vingt-huit24 lors du premier événement organisé.

La violence des combats, la grande limitation de règle et les stratégies de mise en scène de l'événement marque ainsi les débuts de l'UFC comme organisation de combat libre (qui sera par la suite la première organisation d'arts martiaux mixtes au monde) mais également de véritable «combat-spectacle» qui fera le fort de son succès. Rappelons que nous ne pouvons encore parler de «sport-spectacle» du fait d'un manque de formalisation de réglementation précise.

La télévision sera finalement le fer de lance de la retranscription d'un réel événement combat-spectacle et qui permettra par son canal de diffusion de faire découvrir et de partager les oppositions interstyles au plus grand nombre, connaisseurs comme néophytes, pratiquants de sports de combat comme simples spectateurs. L'intérêt de la télévision qu'elle soit numérique ou non pour ce genre d'évènement, résulte dans sa force d'attractivité et de son pouvoir de diffusion, ainsi un individu souhaitant assister à cet évènement par simple curiosité sera plus susceptible de consommer en premier lieu cet événement de manière numérique plutôt que de manière physique, qui dans les faits engendrera des frais supplémentaires et une nécessité de déplacement.

La stratégie de diffusion de L'UFC 1 représente pleinement les motivations et les intentions long termistes de l'organisation de s'inscrire comme la première dans les arts martiaux mixtes. Pour cela, la diffusion de son contenu passe par l'établissement d'un système de

24 Boxinginsider.com «The Octagon, A Man Named Milius, and His Imprint on the UFC», 15 février 2011.

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pay-per-view que nous pouvons traduire comme "télévision à la carte» ou encore par «paiement à la séance». Ce système de diffusion comme son nom l'indique permet aux spectateurs, plutôt que de souscrire à un abonnement ou de se rendre sur les lieux de l'événement, d'acheter directement la séance retransmise en direct. Ce procédé était utilisé dès les années 1950 et plus particulièrement dans la boxe anglaise qui jouit également d'une popularité historique et actuelle indiscutable.

Durant l'UFC 1, le choix du pay-per-view semble être moteur et prédicateur d'un succès certain, pour preuve, les spectateurs étaient près de 780025 à l'Aréna sportif McNichols et le nombre de pay-per-view acheté était de 86 00026. À ce jour, le pay-per-view reste un système de diffusion numérique privilégié par l'UFC. En plus du pay-per-view, l'événement a attiré de nouveaux publics par le biais des magasins de location de vidéos tels que Blockbuster Video27.

La télévision ne peut évidemment pas à elle seule créer une audience même si elle a cette capacité à rechercher et à toucher des publics «profanes». L'organisation de l'UFC 1 l'a bien compris d'une part par l'exposition d'une violence spectaculaire nouvelle aux yeux des spectateurs et d'autre part par les stratégies de mise en scène évoquées précédemment mais également aussi par les tensions et le suspens des rencontres atypiques ne comptant pas de catégorie de poids.

Toutefois, le succès de l'évènement est également dû à la qualité de l'équipe de commentateurs pour le pay-per-view, principalements constitués de célébrités comme Bill Wallace, Kathy Long, célébrités issus des arts martiaux et des sports de combat mais aussi de Brian Kilmeade à ce jour commentateur politique pour Fox News et enfin Jim Brown, ancien joueur de football américain et considéré comme l'un des plus grands joueurs de l'histoire de la NFL28.

L'intérêt pour les affrontements interstyle et la portée de la télévision sur les spectateurs notamment via le pay-per-view ne fut que croissant avec à partir de l'UFC 2 près de 300 000

25 https://www.tapology.com/fightcenter/events/ufc-1-the-beginning

26 https://www.ufc-fr.com/evenement-147.html

27 Snowden, Jonathan (12 November 2020). "UFC 1, 25 Years Later: The Story Behind the Event That Started an Industry". Bleacher Report. WarnerMedia.

28 "Joe Montana, Jim Brown on Hall of Fame 50th Anniversary Team". NFL.com. July 29, 2013.

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pay-per-view vendus.29

Bien que comme nous avons pu le voir, le combat libre alors véritable combat-spectacle a pu grâce à la télévision et à l'UFC, émerger et susciter un grand intérêt spectatoriel auprès des spectateurs, ce dernier a également subi les attentes mais aussi les critiques qui sont propres à la capacité des canaux de diffusions (analogiques et numériques) de toucher un public large mais également plus exigeant sur le contenu télévisuel «la télévision touche un public constitué d'une majorité de téléspectateurs occasionnels qui ont peu de connaissances techniques sur l'activité»30. La méthode de diffusion par pay-per-view qui a fait découvrir l'UFC à ses débuts ainsi que les affrontements interstyles a également et paradoxalement souligné les faiblesses de l'organisation et des rencontres et celà sur divers points.

Premièrement, les différences de poids et l'absence de catégories qui initialement suscitaient la curiosité et l'intérêt des spectateurs ont finalement parues comme une réelle problématique. En effet, l'organisation des rencontres ne répond plus à la nécessité d'équilibrage composante caractéristique de la compétition (M.Delalandre, M.Quidu 2015), l'absence de limite de temps et d'arbitre a également était un point problématique soulevé par les spectateurs et cela notamment à travers la consommation télévisuelle des événements (Pay-per-view).

Les succès de Royce Gracie, notamment durant l'UFC 1 dont il a été vainqueur, ont prouvé l'importance et les qualités du combat au sol, motivant ainsi l'ensemble des combattants à s'entraîner au combat au sol, ce qui, par cause à effet a amené à des combats plus longs et jugés moins intéressants car allant de plus en plus à un match nul plutôt qu'aux KO tant appréciés des spectateurs. Cette problématique concerna également directement la Semaphore Entertainment Group qui voyait la durée de l'événement dépasser celle prévue par la chaîne responsable de la retransmission du pay-per-view.

Les attentes spectatorielles et les «normes» télévisuelles ont ainsi remis en cause les questions organisationnelles de l'UFC ce qui motivera progressivement l'évolution du combat libre en «MMA» et en son avènement. C'est donc ainsi qu'en 1995, la SEG institua

29 https://www.ufc-fr.com/evenement-148.html

30 M.DELALANDRE & M.QUIDU «Vocabulaire de philosophie du sport», 2015

une limite de temps de trente minutes mais aussi la présence de juges afin de donner issue aux combats à la fin de la limite de temps fixée.31

La télévision a également par sa possibilité de retransmission, mit en exergue une violence extrême qui était le fer de lance de l'UFC. Cette violence exprimée et retransmise n'a pas tardé à y trouver des opposants se dressant d'une part face à l'UFC et d'autre part face au combat libre. La stratégie marketing articulée autour de l'absence de règles, de la brutalité des combats et des blessures des combattants a été payante dans les tous débuts de l'UFC, lui permettant de s'attirer un public mais également l'attention des médias, cependant sa popularité grandissante l'a naturellement confronté à des discussions ainsi qu'à des débats sur sa légitimation. Il était en effet difficile de négliger ou de ne pas voir la violence mise en exergue et cela à la simple vue des affichages des premiers événements.

 

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Les nombreuses vagues de critiques ont tout d'abord commencées en Amérique du Nord et plus particulièrement aux Etats-Unis durant la fin des années 1990, (Heilbron, Van Bottenburg, 2006) avec la comparaison du sénateur McCain qui compara en 1996, le combat libre à des combats de coqs33, l'installation de l'octogone ne fut qu'argument pour supporter ces dires.

31 D.WALTER Mixed Martial Arts : «Ultimate Sport or Ultimately illegal ? A Bief History Of Mixed Martial Arts», 2003.

32 Affiche de l'UFC 2, mettant en avant le caractère violent et sans règles des rencontres

33 Abramzon, Modzelewski,2011

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McCain et le sénateur républicain Ben Nighthorse-Campbell écrivirent une lettre aux gouverneurs des États américains dont laquelle ils présentent les combats de l'UFC comme «un sport sanglant brutal et répugnant» et soutiennent leur interdiction sur le territoire américain34. S'ensuit une interdiction progressive dans une majorité d'état et des problématiques d'organisations des événements UFC qui se voient déplacés en fonction de la légitimation, d'état en état. De plus, les outils télévisuels et plus particulièrement le pay-per-view qui a lancé la première phase de popularisation du combat libre se voit suspendu.

Ces divers éléments ont mis l'UFC au bord de la faillite avec notamment le retrait des distributeurs Time Warner et TCI en 1997, nécessitant ainsi une réponse rapide aux interdits et aux problématiques éthiques que représentent l'organisation des combats UFC. C'est ainsi que dès l'UFC 18, en 1999, le terme «de mixed martial arts» autrement dit «arts martiaux mixtes» ou encore l'acronyme de «MMA», est utilisé pour la première fois par Jeff Blatnick commentateur télé et membre de la commission de l'UFC (Yann Ramirez, 2021).

Celui-ci, invita les spectateurs «à une petite révolution sémantique»35 en prônant la différence entre les arts martiaux mixtes et le no holds barred renvoyant par son appellation à des combats très violents et très peu réglementés, caractéristiques des combats libres. «Ne vous référez plus au no holds barred, ce sont des arts martiaux mixtes36». Cette nuance, amènera progressivement à l'avènement du MMA moderne de par son gain en légitimité mais aussi en popularité.

Cet avènement ainsi que la qualification d'arts martiaux mixtes (MMA) que nous connaissons si célèbre aujourd'hui, a été la résultante d'une réelle évolution réglementaire mais aussi de perspective spectatorielle. Comme nous le savons, la violence et les confrontations «musclées» le tout retransmis télévisuellement, ont fait le succès de l'UFC à ses débuts mais ont également paradoxalement presque causé sa perte du fait de sa popularité croissante et des débats portants sur l'éthique du combat libre. C'est ainsi, que l'appellation d'arts martiaux mixtes constitua les réels débuts de l'avènement de ce sport et se généralisera

34 John McCain Breaks Up a Fight, The senator says extreme fighting should be banned. You got a problem with that ? Eddie Goldman does. A.Silverman, 1998

35 Y.RAMIREZ «Dans la cage du MMA, sociologie d'un sport du XXIe siècle» 2021, p39.

36 D.MELTZER «Whenever you hear the term mixed martial arts, you should think Jeff Blatnik», MMA Fighting 2012.

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mondialement dans les années 2000 37. S'en est suivi, la création de règles unifiées portées par la New Jersey State Athletic Control Board alors chargée de réglementer toutes les expositions et les compétitions liés aux sports de combat.

Cette création réglementaire s'appliquera au sein des Etats américains autorisant le MMA (Yann Ramirez, 2021). Cette nouvelle réglementation s'appliquera pour la première fois lors de l'événement UFC 28 qui a lieu le 17 novembre 2000 à Athlantic City dans le New Jersey. Les règles unifiées interdisent de nombreux coups qui étaient autrefois caractéristiques du «No Rules» et du «No Holds Barred» comme les coups de pieds et de genoux portés à la tête lorsque l'adversaire est au sol, les frappes à l'arrière du crâne, les frappes à la colonne vertébrale ou encore les coups de têtes38. De plus, les suivis et les contrôles médicaux sont plus nombreux et plus méticuleux afin de ne pas seulement rendre «mainstream» le MMA mais aussi d'assurer une réelle prévention et protection pour les combattants.

Une seconde phase réglementaire aura lieu en 2001 et propulsera l'avènement du MMA moderne, lorsque les frères Lorenzo et Frank Fertitta dirigeants d'une compagnie de médias et de casinos la «Station Casinos" mais aussi promoteurs dans le milieu du sport, décident de racheter l'UFC au bord de la faillite pour deux millions de dollars39. Leurs intentions sont claires, «chercher à transformers l'UFC, et le MMA dans le même temps, en un bon sport, propre et avec des règles actualisées, lui permettant éventuellement d'être reconnu et légitimé"40. Ces ambitions répondent non seulement à démocratiser le MMA en tant que pratique mais aussi et surtout comme sport-spectacle et en tant que «loisir» librement accessible par la diffusion télévisuelle et numérique.

Lorenzo, anciennement membre de la NSAC (Nevada State Athletic Commission) et en collaboration avec celle-ci, obtient l'autorisation pour l'organisation d'évènements UFC dans le Nevada qui par ailleurs, tient la capitale historique du MMA, Las Vegas, à ce jour lieu du

37 R.GARCIA, D.MALCOLM (2010), «Decivilizing, civilizing or informalizing ? The International development of Mixed Martial Arts», International Review for the sociology of sport, p35-59.

38 https://coldmma.com/fr/basics/rules.html / Règles unifiées du MMA.

39 N.KIRSCH « UFC sale Officially Closes for $4 Billion, Fertitta Brothers Earn Huge Payday» https://www.forbes.com/sites/noahkirsch/2016/08/22/ufc-sale-officially-closes-for-4-billion-f ertitta-brothers-earn-huge-payday/ Rapporté dans Forbes.

40 D. WALTER Mixed Martial Arts : «Ultimate Sport or Ultimately illegal ? A Bief History Of Mixed Martial Arts», 2003.

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siège social de l'organisation. L'avènement du MMA moderne est marqué par l'UFC 33 qui sera un réel second souffle pour l'UFC avec un retour de la vente des pay-per-view mais aussi avec l'arrivée de nouvelles règles plus restrictives comme l'imposition de limite de temps et de rounds, la création de cinq catégories de poids, mais également une liste de 31 fautes et de 8 manières bien réglementées d'obtenir victoire.

Cette stratégie réglementaire a propulsé le développement ainsi que l'évolution du MMA, qui paraît moins «bestial» plus équilibré avec les catégories de poids et maintient ainsi un équilibre correct entre la compétition, le spectacle et le sport, équilibre qui autrefois était annihilé par l'absence de règles qui mettaient en avant l'aspect spectacle d'une violence extrême. Cet équilibre favorise ainsi l'autorisation et le développement de ce sport notamment par le numérique et le pay-per-view qui fera du MMA l'un des sports les plus suivis au monde mais aussi de l'UFC la première organisation d'arts martiaux mixtes et cela notamment grâce à sa stratégie marketing de diffusion. « La domination de l'UFC a encouragé les autres organisateurs à suivre son modèle. Les règles unifiées touchent l'ensemble du MMA mondial, à quelques exceptions près».41

C) Débat sur la sportivisation et la diffusion d'un sport violent : Le cas Français.

Bien que la popularité pour les arts martiaux mixtes résultante d'une symbiose entre le numérique (à travers notamment les réseaux sociaux et de la télévision) et le sport-spectacle croît et s'implante mondialement avec la création d'organisation de MMA sur le continent nord américain, asiatique et océanique, ainsi même que sur l'ensemble de l'Europe dès la fin des années 90 et enfin sur le continent afriquain dès le début des années 2000, certains pays et ce même tardivement après une adoption quasi unanime mondiale, s'opposèrent à la pratique mais également à la diffusion du MMA.

Ce fut le cas de la France dont nous parlions lors de l'introduction de cet ouvrage qui n'a autorisé le MMA qu'en février 2020 et qui ne tardera pas à accueillir un événement UFC à Paris courant 202242. Tout comme les interdictions préexistantes à l'avènement du MMA

41 Y.RAMIREZ «Dans la cage du MMA, sociologie d'un sport du XXIe siècle» 2021, p41.

42 P.CHEVRINAIS «MMA. Un événement UFC organisé en France prochainement ?», ouest-france.fr, 20 mars 2022.

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moderne, le numérique a joué un réel rôle de popularisation du sport et de la création d'une fanbase de plus en habituelle et fidèle à la discipline tout en atteignant des spectateurs plus occasionnels et donc plus susceptibles de percevoir une forme de déshumanisation lors d'une confrontation entre deux combattants au sein d'un Octogone.

Le numérique s'inscrit donc ainsi toujours dans le cas français avant légitimation de la pratique, comme émissaire du MMA en portant le sport-spectacle à la connaissance des spectateurs français qui malgrés son interdiction étaient fort nombreux comme le prouve les dires de l'ex député PS des Deux-Sèvres Jean Grellier en 2013, qui avait déjà indiqué une progression et un intérêt numérique et sportif pour les arts martiaux mixtes : «Le développement (du MMA) est exponentiel et suscite un réel engouement, notamment chez les jeunes»43. Paradoxalement et depuis sa logique historique de diffusion du MMA, le numérique (à travers notamment la télévision) représentait également un catalyseur de l'évolution de ce sport violent et celà à travers notamment le pouvoir public.

La première dénonciation de ce sport porte sur la moralité d'une confrontation laissant deux individus au sein d'une «cage» recourir à une multitude de techniques violentes les laissant pouvoir asséner des coups à l'adversaire lorsque celui-ci se retrouve à terre. Dans son ouvrage, «Le mixed martial arts, une «atteinte à la dignité humaine» 2019, M.Quidu s'accorde à poser une définition afin de démontrer l'importance moralisatrice à travers l'opposition du MMA. Ainsi, la morale conviendrait d'être une situation «impliquant un tort flagrant causé à autrui» (Ogien 2004) mais également à tendre sur une cardinalité principale qui serait que «tout ce qui ne nuit pas à autrui est permis» (Boudon 2004). Pharo, quant à sa définition de la moralité posera la souffrance comme barrière franchissable de la moralité «la souffrance indue ainsi comprise apparaît aujourd'hui comme une sorte d'équivalent séculier du mal, qu'il faut essayer de réduire par tous les moyens, du moins aussi longtemps qu'on prétend parler et agir au nom de l'éthique».

La problématique probante du MMA moderne tant bien qu'une succession de réglementations et d'encadrement en faveur de la protection des combattants a eu lieu, reste sa naturelle spectacularisation véhiculant des affrontements violents plus que ce qu'ils ne le sont vraiment et ce toujours à des fins de sport-spectacle ainsi qu'à des critères d'attractivités

43 M.QUIDU «Introduction. MMA et engagement corporel paradoxal» cairn.info, 2018, p353-360.

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numériques « Dans le but de vendre toujours plus de pay-per-view, l'UFC a donc opté pour une mise en scène de ce sport qui a oscillé entre sportivisation et spectacularisation. Cela a des répercussions sur la réception de la violence sportive chez les spectateurs et les détracteurs».44

De plus, le port de gants fins lors des affrontements de MMA favorise les blessures dites superficielles mais qui reste néanmoins d'un esthétisme impressionnant, il en est le cas notamment des coupures fréquentes exposant ainsi la vue du sang mais sans que la traumatologie ne soit plus importante que dans un autre sport de combat comme la boxe anglaise, où les coups ne sont pas portés à l'ensemble du corps comme en MMA mais uniquement à la tête et au corps.45

La stratégie de diffusion du MMA comme sport-spectacle et la portée du numérique entraîne donc de réels débats sur l'hexagone avant sa légitimation, entre les spectateurs appréciants la discipline que cela se porte sur la sportivité ou le spectaculaire mais aussi entre «certains spectateurs, non nécessairement spécialistes du MMA ou plus généralement des sports de combat et dès lors incapables d'en apprécier la performance physique, la prouesse technique ou encore l'élaboration stratégique, peuvent être amenés de façon tout à fait sincère, lorsqu'ils sont confrontés au visionnage de combats actuels, à y percevoir une atteinte à la dignité humaine».46

Ce constat n'est en rien péjoratif mais questionne au contraire les conditions et les stimuli de l'expérience intuitive d'indignation morale pouvant d'une part permettre aux organisations de MMA d'attirer plus de public si cela est possible et d'autre part de réduire les détracteurs de la discipline d'où un intérêt fondamental de constat.

Autre élément sujet à débat en France sur la sportivisation du MMA, la présence et le déroulement de combat en «cage»47 bien que selon de nombreuses études dont celles de M.Delalandre et C.Colinnet dans l'ouvrage «Le mixed martial arts et les ambiguïtés de sa

44 Y.RAMIREZ "L'engagement corporel en MMA : entre sportivisation et mise en spectacle d'une violence instrumentale tolérée» 2018, Dans Corps p361-370

45 Les techniques de MMA étant tout aussi diverses, les percussions peuvent se porter sur l'ensemble du corps et le combat peut-également être amené au sol ce qui limite la répétition des coups portés à la tête que nous pouvons constater en boxe anglaise qui est pourtant socialement bien plus toléré.

46 M.QUIDU «Le mixed martial arts, une «atteinte à la dignité humaine ?» 2018, p31 sur cairn.info.

47 Le terme cage est souvent le terme péjoratif désigné pour qualifier l'Octogone

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sportification en France» cette surface de combat semble nécessaire afin de garantir sécurité aux combattants mais aussi d'autoriser «un éventail technique plus important que le ring traditionnel, l'appui sur le grillage permettant par exemple de se sortir plus facilement d'une situation délicate lorsqu'on est contrôlé au sol»48. De plus, l'étude précédemment citée met également en avant, sous la base d'un questionnaire de pratiquant de MMA établi, la préférence pour «la cage» pour son importance sécuritaire «qui revient dans la bouche de plus de la moitié des acteurs interviewés».

Ainsi, les débats français allant à l'encontre de la sportivisation du MMA se présentent principalement sous la forme de la symbolique et de la représentation «déshumanisante» de la discipline plutôt que sur des critères traumatologiques ou encore sécuritaires.

Ces débats et ces critiques sont comme explicité précédemment, principalement portés par les pouvoirs publics, par la presse et même par des représentants sportifs « Parmi ceux-ci, les dirigeants des fédérations concurrentes de sports de combat semblent exercer une forme de « protectionnisme » par crainte d'une fuite de leurs licenciés vers les arts martiaux mixtes». (Delalandre et Colinnet, 2015)

L'une des principales critiques et prise de position ayant catalysés l'ascension mondial du MMA réside chez des dirigeants politiques dont nous nous permettons de reprendre une certaine chronologie de M.Quidu (2018), avec notamment la prise de position de Thierry Braillard sous le gouvernement Hollande alors chargé des sports : « les compétitions avec autorisation de coups portés au sol, pour moi, c'est une atteinte à la dignité humaine ; elles ne sont pas tolérées par le code du sport, qui plus est dans des cages, ce qui rappelle plus les jeux du cirque »49. Les prises de positions politiques à l'encontre du MMA continueront et celà en toute transcendance des gouvernements politiques, Chantal Jouanno, alors ministre des Sports sous la gouvernance Sarkozy se prononcera sur le sujet « il n'y aura pas de légalisation du MMA. C'est contraire à toute éthique, à toutes les valeurs du sport que l'on essaie de défendre, à toute forme d'art au sens propre. Cela n'a rien à voir avec le sport. Pour moi, ce

48 M.DELALANDRE et C.COLINNET «Le mixed martial arts et les ambiguïtés de sa sportification en France» 2012, p301.

49 Prise de position dans l'émission «Stade 2» diffusée le 26 avril 2015 sur la chaîne télévisuelle France 2

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n'est que du jeu de paris d'argent et c'est cela qui détruit parfois le sport. On ne va pas légaliser les combats de chiens ou les combats de coqs. C'est la même logique »50.

Ces propos ne sont pas sans rappeler ceux du sénateur américain John McCain qui compara en 1996 le combat libre à des combats de coqs51 et soutena par ailleurs son interdiction dans les états américains.

Le paysage médiatique fut bien critique et restrictif et celà bien plus proche aux débuts de l'avènement mondial du MMA. Le Conseil supérieur de l'audiovisuel recommandera par ailleurs et celà dès 2005, de ne pas diffuser sur les chaînes de télévision les combats de MMA qui « portent atteinte à la dignité des participants, qu'ils sont susceptibles de nuire gravement à l'épanouissement physique, mental ou moral des mineurs et sont contraires à la sauvegarde de l'ordre public 52».

Ainsi, la «censure» numérique via les canaux télévisuels catalyse grandement la discipline en France et crée même des amalgames avec pour exemple la diffusion d'un reportage s'intitulant «Le free fight : la folie des combats clandestins» porté par M6 en 2014 dans l'émission Enquête exclusive mélangeant et associant sans nulle distinction «free fight» que nous connaissons comme le No Holds Barred ou le Vale-Tudo qui comme nous l'avons vu ne comporte que très peu de règles, avec le MMA qui lui a connu son avènement mondial par l'arrivée de règles unifiées. Cette représentation médiatique pleine d'amalgame renvoie encore une fois à des représentations d'un sport issu et appartenant à une «sous-culture» populaire. De plus, d'autres polémiques amenant le MMA à être associé à des mouvances radicales ont eu lieu avec notamment suite aux attentats de Nice mais également de L'Isle-D'Abeau, une présentation biographique des terroristes articulée autour de leur pratique du MMA, justifiant ainsi une expérience et des attraits certains pour la violence brute (Matthieu Quidu 2019).

Cette «bataille» politique, journalistique, sportive mais également numérique portée par certains acteurs français amène certe un mur face à l'avènement mondial du MMA

50 Propos tenus lors d'une Interview réalisée en 2011 pour le magazine d'arts martiaux : Karaté Bushido.

51 Abramzon, Modzelewski,2011

52 M.QUIDU «Le mixed martial arts, une «atteinte à la dignité humaine ?» 2019.

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mais crée également un réel flou juridique avec la publication seulement le 3 octobre 2016, d'un décret visant à interdire la pratique du MMA en compétition53. Cette décision a créé une vive réaction pour les pratiquants mais aussi pour les nombreux spectateurs du MMA que nous mentionnons au prémisse de cet ouvrage.

Bertrand Amoussou président de la CFMMA (Commission française du MMA) déclarera «Le ministère nous prend pour des idiots. Tous les pays ont reconnu le MMA en Europe. Sauf la France et la Norvège»54 et mettra en avant le décalage entre la popularité et le suivi de ce sport en France et de son traitement politique et médiatique. La CFMMA affirma par ailleurs que la mesure concernait 240 clubs sur l'Hexagone.

Face à cette interdiction probante des réticences des politiques et des sphères profanes de la discipline, la popularité croissante et l'intérêt grandissant tant sportivement que spectatoriellement a amené à une étude approfondie du sujet. Une première mission de rapport parlementaire menée par le sénateur Jacques Grosperrin et le député Patrick Vignal le 7 avril 2016 et qui sera rendu le 8 novembre 2016, débouche sur une nouvelle mission observationnelle menée par la Confédération française des arts martiaux et des sports de combat. À la suite de cette mission, un rapport circonstancié sous la tutelle de Patrick Winck sera rendu fin 2018 au ministère des Sports. La ministre des sports Roxana Maracineanu lancera fin juin 2019 un «appel à manifestation d'intérêt» auprès de plusieurs fédérations afin de leur octroyer sous égide, la discipline.

Le ministère des sports annoncera le 7 février 2020, la place du MMA sous égide de la Fédération française de boxe choisi notamment pour ses moyens économiques importants et pour son indépendance vis à vis du MMA mais également pour le «lien fort dejà acquis entre le développement du sport amateur et du sport professionnel»55. C'est donc ainsi qu'en février 2020, le MMA obtient légalisation en France mais aussi par la suite en Norvège, accueillant ainsi ce sport à la popularité incontestée sur tout le continent européen.

Les motivations et les décisions de légaliser le MMA suite à une réelle «bataille»

53 Publication dans le Journal Officiel

54 propos retranscrits sur le journal Ouest France dans un article de C.Napoux «MMA : le sport de combat est officiellement interdit en France» publié le 27 octobre 2016.

55 Propos rapportés par Lefigaro, L.ANDRIEU «Le MMA officiellement autorisé en France sous la houlette de la boxe» publié le 07 février 2020.

politico-médiatique n'ont pas clairement était spécifiées bien que nous le savons, celà répond en premier lieu à une popularisation et à un avénement mondial et notamment auprès des plus jeunes, mais des motivations économiques ont également probablement contribuées à la décision.

En 2018, avant le rendu du rapport circonstancié de Patrick Winck l'un des plus grands événements du MMA a eu lieu, avec la confrontation lors de l'UFC 229 le 6 octobre , de deux grandes stars du MMA dont Nurmagomedov «The Eagle» l'invaincu (26-0), face à «The Notorious» Conor Mcgregor plus grande célébrité historique du MMA, se disputant ainsi le titre de «lightweight»56.

Cette date marquera par le biai du numérique et du pay-per-view, l'événement de MMA le plus populaire et le plus suivi depuis l'existence de la discipline avec une vente de près de 2 400 000 pay-per-view57, cela ne prend évidemment pas en considération les diffusions qui peuvent se faire directement sur des canaux de chaînes payantes disposants des droits de diffusions mais aussi des sites de streaming «illégaux» dont les français fut très friands de par l'interdiction de diffusion en France.

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56 Titre de poid léger à l'UFC allant de 66kg à 70kg

57 https://www.ufc-fr.com/page-252.html Consultation des ventes de Pay Per View pour chaque événement.

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( recherche menée sur Google Trend montrant un pic de saisie du terme «MMA» en France au cours du mois d'octobre 2018 accueillant l'UFC 229 et montrant ainsi l'intérêt numérique français pour la discipline).

Enfin et naturellement, compte tenu de la popularisation de la discipline en France et des intérêts économiques inhérents à cette dernière, le Conseil Supérieur de l'Audiovisuel (CSA) de par sa délibération n°2020-58 du 21 octobre 202058 autorise la diffusion du MMA sur les canaux de télévisions français mais avec un encadrement tout de même préétabli. Les retranscriptions fut autorisées avec cependant, la nécessité d'afficher la classification de catégorie 4 que nous connaissons plus particulièrement comme l'affichage «déconseillé aux moins de 16 ans».

58 Délibération présente et détaillée sur le site https://www.csa.fr au lien :

https://www.csa.fr/Reguler/Espace-juridique/Les-textes-adoptes-par-l-Arcom/Les-deliberations-et-reco mmandations-de-l-Arcom/Recommandations-et-deliberations-du-CSA-relatives-a-d-autres-sujets/Deli beration-n-2020-58-du-21-octobre-2020-du-Conseil-superieur-de-l-audiovisuel-relative-a-la-retransmis sion-des-combats-d-arts-martiaux-mixtes-sur-les-services-de-television-et-les-services-de-medias-au diovisuels-a-la-demande-JO-du-6-novembre-2020-modi

 

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À cela s'ajoutent des critères précis quant à l'organisation de programmation des services de diffusions linéaires et numériques gratuits qui ne pourront diffuser avant 22h30. Les plateformes et les chaînes payantes quant à elles, disposent d'une autorisation de diffusion à partir de 20h30.

Ainsi, le numérique dont le contenu était principalement étranger ou amateur (certains youtubeurs «média» faisaient déjà des reviews sur les combats MMA et notamment UFC) apporta une première vague de popularité mais aussi de découverte aux néophytes des sports de combats ce qui créera les polémiques précédemment étudiées. Mais l'autorisation du CSA maintiendra et accentuera cette croissance de popularité par le biais du numérique avec par exemple la chaîne youtube RMC SPORT qui diffusera de nombreux reportages et séquences de MMA issue de ses droits de diffusions avec par exemple la vidéo «Ngannou v Gane : Le film choc RMC Sport avant le combat EP.1 Collision»60 qui fera 1,8 Millions de vues et qui touchera un large public dont des «profanes de la discipline» et sera l'une des vidéos les plus visionnées de la chaîne.

59 Tweet de la Fédération Française de MMA annonçant la décision du CSA.

60 lien de la vidéo : https://www.youtube.com/watch?v=WE4USXYYb8c
·
L.Salvaudon, N. Medini, J.Lopez, M.Bonneau « Ngannou v Gane : Le film choc RMC Sport avant le combat « EP.1 Collision », RMC Sport, Youtube, 14 Janvier 2022.

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Cette partie portant sur les origines historiques et substantielles du MMA fut primordiale afin d'en comprendre son évolution sociale, sportive et spectatorielle ainsi que de sa naissance symbiotique avec la télévision et le numérique mais aussi avec la création de l'UFC. De plus, il fut notamment intéressant de constater et d'analyser que les secteurs numériques et télévisuels de diffusions du MMA ont à la fois propulsés la discipline mais aussi «victime de son succès», l'ont placée au coeur de nombreux débats houleux avant de la faire accepter sur l'ensemble des continents et de la faire prospérer.

Après l'appréciation d'une évolution progressive et d'une naissance des mixed martial arts marquées par la numérisation, il semble primordiale afin de cerner l'influence du numérique sur la popularité de la discipline, d'en analyser les stratégies de diffusions mais aussi de sa présence sur les divers outils numériques et celà en étudiant le cas bien précis de l'Ultimate Fighting Championship organisation historique de référence du MMA mondial.

Partie 2 : Stratégies de diffusions d'un sport extrême tourné autour du spectacle et du spectaculaire : le cas UFC

A) Une orientation vers le « mainstream»

Bien que jouissant d'un intérêt nouveau et de son avènement dès l'intégration des règles unifiées qui permettront de par leur réglementation de répondre aux critiques et au soucis éthiques du combat libre, le MMA par le biais de l'UFC arrivera par de nombreuses stratégies de diffusions numériques à mondialiser mais aussi à hétérogénéiser les spectateurs.

Parmi celles-ci, l'une notable concerne la création d'une téléréalité la «TUF» acronyme de «The Ultimate Fighter» diffusée pour la première fois le 17 janvier 2005 et mettant en scène des combattants de MMA professionnels encore inconnus du grand public. Le format de l'émission reprend les éléments propres aux télé-réalités et de leur succès. Le principe était simple, deux combattants professionnels de l'UFC tutoraient durant six semaines chacun une équipe de huit combattants qui s'affrontaient lors d'un tournoi afin d'en nommer «The Ultimate Fighter», titre qui honorera le vainqueur avec la signature d'un contrat UFC alors

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plus grande organisation mondiale de MMA.

La première saison diffusée sur la chaîne Spike TV est un véritable succès et attire plusieurs millions de téléspectateurs, ce succès s'explique par la mise en avant inédite de la vie des combattants à travers laquelle il est possible de suivre leur entraînement, la vie en communauté au sein d'une villa, leur combat mais aussi les animosités existantes dont le grand public est friand. C'est ainsi que l'UFC et le MMA ont su se démocratiser et permettre l'avènement de futurs champions iconiques de l'UFC comme Rose Namajunas, Nate Diaz ou encore Kamaru Usman actuel champion en titre des poids mi-moyens.

L'émission diffusée après la célèbre World Wrestling Entertainment61 «Raw»jouissait d'un taux de rétention de 57% de téléspectateurs62 doublant ainsi le taux habituel de Spike TV.

La réussite de cette téléréalité portant sur le MMA est définitivement marquée par la diffusion en direct et gratuite de la finale de la première saison du TUF opposant Stephan Bonnar face à Forrest Griffin faisant ainsi de ce combat l'un des plus mémorables et exposera définitivement la discipline aux yeux du grand public. Selon une étude de D.Andrew, C.Greenwell et S.Kim en 2009, 17,8% des américains auraient découvert le MMA par l'intermédiaire du TUF63, Le combat sera par ailleurs reconnu comme le plus grand combat de l'UFC en 200964.

La stratégie de diffusion de l'UFC marquée par son premier grand succès avec le TUF considérera l'émission alors comme essentielle pour l'expansion et la survie de l'organisation et des arts martiaux mixtes dans le monde. L'émission qui popularisa grandement le MMA et l'UFC sera par ailleurs à l'origine des prémisses de la starification de certains de ses combattants, dont le numérique et les nouvelles TIC65 comme les réseaux sociaux, propulsera leur notoriété à l'échelle mondiale.

61 La WWE est actuellement la plus organisation mondiale de Catch et diffusée dans plus de 145 pays. Celle-ci dispose par ailleurs de deux branches avec leurs propres «stars» qui sont SmackDown et Raw.

62 NewBay Media «Spike's Ultimate Fighter Pins Ratings» 13 novembre 2011.

63 Observation faîte dans «An Analysis of spectator motives and media consumption behavior in an individual combat sport : cross-national differences between American and South Korean Mixed Martial Arts Fan» 2009, K.Seungmo, T. Greenwell, D.Andrew, J.Lee, D. F.Mahony vol.10, numéro 2, p.163.

64 Dans «The Ultimate 100». le 11 Juillet 2009 par Spike.

65 NTIC acronyme de Nouvelles technologies de l'information et de la communication.

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Par ailleurs, au cours de la première saison de «The Ultimate Fighter» s'opérait une réelle transition entre le télévisuel analogique et numérique courant 2005 aux Etats-Unis avec la loi de transition vers la télévision numérique et celà jusqu'à une transition complète au plus tard pour le 17 février 200966. Cette transition permettait d'une part d'éliminer certaines interférences visibles et d'effets d'images fantômes, de proposer des programmes en hautes définitions et d'autre part d'augmenter de manière drastique la pluralité des chaînes télévisuels. En 2004, David Ernst alors directeur de recherche dans le cabinet de conseil Initiative spécialisé dans les médias, qualifiera la transition télévisuelle numérique comme une transition expérientielle chez le téléspectateur « Les magnétoscopes numériques ont changé la manière dont le public conçoit la télévision et mettent en évidence son désir d'avoir davantage de contrôle sur son expérience télévisuelle67 ».

Ainsi, le télévisuel numérique s'inscrira dans la continuité logique de la télévision analogique qui a fait connaître le MMA mais se démarquera de par sa qualité de diffusion et de sa capacité de toucher un plus large public et d'ainsi naturellement populariser à un plus grand nombre et à accorder le succès que connaît aujourd'hui le MMA. Cette transition amène naturellement de nouveaux formats télévisuels comme la TV réalité sportive, à se développer et à s'adapter à des fins d'expansion et de démocratisation à un public nouveau.

Le TUF est à ce jour actuellement programmé et sera diffusé le 3 mai 2022 avec «The Ultimate Fighter: Team Peña contre Team Nunes», une opposition entre deux équipes de huit combattantes féminines qui se garantit «électrique», suite à L'UFC 269 le 11 décembre 2021 qui opposa Amanda Nunes face à Julianna Peña qui gagnera par soumission et sera championne des poids coq féminin68.

66 Union Internationale des télécommunications : https://urlz.fr/i9O0

67 Tenu propos lors d'une interview mené par le journal Les Echos dans son article «Etats-Unis la télé s'habille en numérique» publié le 14 avril 2004, L. MAILHES

68 Il s'agit là d'une catégorie de poids allant de 57kg à 61kg.

 

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L'essor des NTIC et de l'ensemble du numérique a permis à l'UFC et au MMA de s'inscrire d'une part dans la continuité logique des transmissions télévisuelles à l'origine du succès de la discipline et d'autre part d'adapter le contenu sportif afin de le démocratiser au grand public. Un contenu qui est aujourd'hui de par les capacités numériques, diversifié sur une multitude de plateformes et permet dans la même continuité du souhait de l'UFC, de se populariser.

Un exemple notamment probant, réside dans l'originalité de ce sport en tant que sport de combat de mettre en avant des combattantes féminines et de les mettre «en lumière» par le TUF que nous avons pu voir mais également aussi par de nombreux biais numériques comme la télévision, le cinéma, les jeux-vidéos mais aussi par les réseaux sociaux même de l'organisation «Même si la présence féminine dans cette pratique reste globalement faible, l'inégalité de genre paraît moins forte qu'ailleurs, ou du moins, marquée par une ambivalence. Ce sport offrirait des opportunités que la boxe anglaise ne propose pas ou très peu par exemple»70.

L'exemple que nous avons pu donner précédemment avec l'organisation d'un TUF comportant des équipes uniquement féminines démontre bien cela, de plus, le MMA autrefois perçu comme «sous-culture» populaire tenait en son lexique des mots et des associations

69 Affiche du TUF 2022 opposant la team Peña face à la team Nunes

70 Y.RAMIREZ «Dans la cage du MMA sociologie d'un sport du XXIe siècle» 2021, p131.

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propre au côté «bestial», «viril» et masculin ce qui renforce cet étonnement et ce questionnement face à la féminisation de la pratique professionnelle.

Les arts martiaux mixtes et notamment au sein de l'UFC, voient en effet une cohabitation dans les mêmes évènements entre homme et femme, incitant ainsi naturellement les spectateurs à observer les combats féminins jusqu'à la fin de l'évènement qui caractérise la fin de la carte principal de celui-ci71. L'un des contributeurs de cette étude appartenant au groupe des spectateurs non pratiquants de MMA justifiera par ailleurs son visionnage par celà «Je regarde des combats féminins quand je connais les combattantes et que je sais que le combat va être un bon combat sinon en général j'évite. Je regarde pas d'autres sports féminins car c'est moins intéressant que les sports masculins, c'est plus chiant à regarder pour moi et là je les regarde car c'est mélangé au combat masculin car tout est mélangé au même événement, tu regarde déjà les combats masculins et y'a les combats féminins qui passent en même temps tout est regroupé. En plus on a parfois des combats très intéressants, très techniques on a pas l'habitude de voir des femmes combattre comme ça dans un autre sport c'est même assez impressionnant».

Cette mise en valeur est notable bien que les femmes restent sous représentées dans le milieu avec en octobre 2020, pour 715 athlètes, 117 femmes représentants ainsi une proportion de 16,4% des combattants contre 3,6% en 201372.

Nous avançons ici l'hypothèse que le numérique, facteur probant d'une popularisation et d'une démocratisation du MMA a contribué au rôle d'ouverture et à la diversité de genre au sein de la discipline afin d'en effacer son image passée, de renforcer sa popularité et son ouverture au grand public. Il est en effet assez original de voir une starification de combattantes féminines comme Amanda Nunes dans la discipline et d'un effectif de pratiquantes amateurs aussi peu nombreuses. Cependant, il est indéniable que ces stratégies n'aient actuellement que peu fonctionnées ou du moins à une échelle beaucoup moins importantes pour les pratiquantes et spectatrices féminines que pour les hommes.

71 Bien évidémment les femme peuvent également être en tête d'affiche, cet exemple mentionne les cas les plus fréquents où l'on retrouve des spectateurs et des combats tournés autour des têtes d'affiches masculines.

72 Y.RAMIREZ «Dans la cage du MMA sociologie d'un sport du XXIe siècle» 2021, p135.

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Lors de l'établissement de notre questionnaire s'adressant aux pratiquants de MMA et diffusé largement sur les réseaux sociaux et notamment sur des groupes Facebook spécialisés sur les arts martiaux mixtes, nous n'avons reçu qu'une proportion de réponses de 3% de femmes sur l'échelle de 83 pratiquants de MMA contre 27% de réponses pour les non pratiquantes de MMA sur 96 réponses de spectateurs non pratiquants de la discipline. L'hypothèse émise ici repose sur le paradoxe entre la mise en avant et la starification de combattante féminine et le faible taux de spectatrices mais aussi de pratiquantes de la discipline. Cela nous amène ainsi à nous questionner si cette stratégie ne répond pas à une stratégie d'attraction des spectatrices en plus de l'offre déjà diversifiée des catégories et des combattants proposé aux spectateurs déjà établis.

Le numérique permettrait ainsi d'une part de populariser et de démocratiser le MMA de par sa capacité de diffusion et d'attraction de publics nouveaux mais aussi d'ouvrir la discipline et sa pratique professionnelle aux femmes. Ainsi, le numérique répondrait à une stratégie économique et commerciale propulsée sous son égide et prenant le nom «mainstream», établit comme nom de grande partie de cet ouvrage et pouvant être qualifié comme stratégie marketing qui «désigne le marché grand public, la tendance majeure de consommation. Le mainstream recouvre la plus grande partie de la demande et s'adresse donc au plus grand nombre de consommateurs potentiels. C'est un phénomène de masse, qui peut être amené par l'actualité, la mode, les médias, les relais d'influence (stars, journalistes, blogueurs, youtubeurs)».73

Ronda Rousey ancienne pratiquante de MMA à l'UFC, illustre parfaitement ce lien de corrélation entre numérique et «mainstream» tendant ainsi à faire rayonner le MMA aux yeux de tous. La combattante aujourd'hui âgé de 35 ans a commencé son évolution dans les arts martiaux par les championnats du monde de judo et les jeux olympiques de Pékin en 2008 où elle décrochera une médaille de bronze. Par la suite, celle-ci évoluera au sein de la catégorie poids coqs de l'UFC avant d'en devenir la championne de 2012 à 2015 et deviendra ainsi une véritable star de ce sport.

Sa mise en avant et son succès au sein de l'organisation et de la discipline des arts martiaux mixtes sera telle que Netflix lui consacrera un reportage intitulé «Through My Father's eyes»

73 Définition du «Journal du net»

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à l'effigie des stars légendaires comme Michael Jordan ou de Conor McGregor plus grandes stars du Basketball et du MMA74. Ce reportage aura naturellement vocation de centraliser la vie de la jeune femme mais aussi de centraliser la pratique d'un sport dont beaucoup de consommateur Netflix peuvent-être étranger.

Une popularité d'une part naît d'une stratégie de diffusion, de compétition et de starification numérique propre à l'UFC et d'autre part, de la reprise et de l'intérêt suscité par d'autres plateformes numériques telles que Netflix ou même du monde cinématographique qui poussera la popularisation de la combattante et de ce sport encore plus haut.

Sa popularité et sa mise en avant sera si grande qu'en plus de rayonner dans un sport de combat chose extrêmement rare dans la pratique professionnelle féminine, celle-ci sera à la tête de nombreuses grosses affiches avec les plus grandes stars mondiales du cinéma hollywoodien notamment dans Expendables 3 ou Fast and Furious 7 au côté de Sylvester Stallone ou encore de Arnold Schwarzenegger et bien d'autres. Ainsi, d'une manière naturelle et laissant croire à un ordre naturel des choses, le numérique de par sa pluralité de plateformes et d'outils, nourrit la popularisation de la discipline.

L'UFC se distingue et assoit ainsi sa notoriété et sa volonté de «mainstream» par ce genre de stratégie numérique plus qu'efficace afin d'attirer de nouveaux publics, de démocratiser la pratique du MMA et de se défaire des représentations et associations négatives du passé.

De plus, dernièrement le film de Halle Berry75 «Meurtrie» sortie le 24 novembre 2021 sur la plateforme Netflix mettant en avant une ancienne championne de MMA au fond du trou et souhaitant reconquérir sa gloire passée dans l'octogone pour elle mais aussi pour son fils Jackie qu'elle a abandonnée et dont elle cherche la rédemption, sera un grand succès et permettra une fois de plus de faire connaître la discipline.

Parmi d'autres stratégies mainstream notables du MMA et de l'UFC, nous pouvons citer la création d'une franchise de jeu vidéo la EA Sports UFC créé en 2014 et développée par Electronic Arts, l'un des principaux producteurs et développeurs mondiaux du jeu vidéo. À

74 Bien que Ronda Rousey jouit d'une grande célébrité, celle-ci reste moindre face à Conor McGregor qui a révolutionné le MMA et popularisé la pratique.

75 à noter qu'il ne s'agit pas ici d'une production UFC.

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l'image de la téléréalité sportive du TUF qui avait pour objectif de plonger en immersion les spectateurs dans la vie des combattants en devenir, les jeux vidéos EA Sports UFC quant à eux permettent non seulement celà mais permettent également une immersion personnelle dans l'univers de ce sport et de l'organisation avec la création d'un avatar entièrement personnalisé et d'ailleurs bien souvent à l'image de son joueur.

Cet avatar en plus d'avoir une grande possibilité de personnalisation comme la modification du corps, du visage, des cheveux, du style76 jusqu'à aller au choix même des oreilles boursouflées souvent signe de frictions liés aux combats ou aux entraînements de lutte et de jiu-jitsu brésilien, peut également par une interface «prendre vie» dans certains jeu de la franchise comme l'UFC 3. Cette interface est la Game Face qui permet via la prise de photo de profil et de face, de modéliser au sein du jeu vidéo le visage de l'utilisateur, une immersion alors poussée à son summum pour incarner sa personne via un avatar et disputer les championnats de MMA de l'UFC.

En plus de la personnalisation physique poussée de l'avatar il est également possible de se spécialiser dans un domaine au sein de la discipline du MMA dans la rubrique «Type de combattants»77 avec les choix: Kickboxing ,Boxe, Équilibré ,Lutte ,Jiu-Jitsu, ce choix n'est pas sans rappeler l'origine et les fondements même des arts martiaux mixtes qui comme leur nom l'indique mélangent plusieurs disciplines martiales.

Par ailleurs, de nombreux combattants à l'instar de Khabib Nurmagomedov ancien champion des poids légers et invaincu de l'UFC (29-0) proviennent initialement d'une discipline «spécialisée», le daghestanais a par exemple était champion du monde de sambo, ceinture noir de judo et expert en lutte, une expertise qui par ailleurs lui sera reconnu par tous les experts de ce sport comme sa plus grande force.

Le jeu popularise grandement le MMA et les stars de l'UFC avec la possibilité pour le joueur d'adopter l'allure de combat d'un combattant UFC78 et jusqu'à même reproduire leurs provocations lors des combats. Une fois la création de l'avatar personnalisé effectuée, le

76 possibilité d'y intégrer des signes «distinctifs» comme des tatouages ou des coupes de cheveux peu communes.

77 à des fins de cohérences bien que la plupart des jeux EA Sports UFC présentent des fonctionnalités similaires *hors game face, nous mentionnons ici des fonctionnalités présente au sein de EA Sports UFC 4.

78 position de combat

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début du jeu en mode carrière de EA Sports UFC 4 se déroule sur un octogone dans un parking en tant que combattant amateur dans une organisation presque inconnue. L'intérêt ici est tout comme le suivi de l'émission de téléréalité sportive du TUF, d'assister à une réelle évolution, «notre» propre évolution en tant que combattant jusqu'à en devenir professionnel et affronter les champions en titre des différentes catégories de l'UFC.

En plus d'offrir une expérience de jeu unique dans l'univers du MMA et de l'UFC, le jeu est d'une très grande précision technique avec la possibilité d'effectuer des sparrings79 et de s'entraîner avec un professionnel de l'organisation pour apprendre ou perfectionner de nouvelles techniques très diversifiées et parfaitement reconstituées dans le jeu. Cela permet d'une part de profiter d'une expérience de jeu réaliste et d'autre part d'en apprendre grandement sur la technicité proposée par le MMA.

Lors d'un entretien mené avec le groupe des spectateurs non pratiquants de MMA l'un d'entre eux, Thomas, était joueur de la franchise EA Sports UFC et répondait à notre question concernant l'apport ou non d'informations pertinentes sur le MMA par le numérique via ces jeux. «J'ai commencé à jouer aux jeux UFC depuis l'UFC 2 jusqu'à l'UFC 4, clairement je trouve que c'est une révolution dans ce sport je mets sans réfléchir les jeux UFC au même niveau que les jeux FIFA c'est les deux seuls types de jeux de sports auxquels je peux jouer sinon sur les autres on ressent aucun challenge, aucune adrénaline. Le plus intéressant sur les jeux UFC c'est le mode carrière ça te permet de te mettre dans la peau d'un combattant UFC, c'est vraiment lourd surtout que tu sera amené à affronter les plus grandes stars de ce sport dont tu peux être fan. Aussi, le jeu est tellement bien fait que je pense honnêtement qu'on peut découvrir ou apprendre des techniques comme ça ou même élaborer des game-plans pour ceux qui pratiquent le MMA ou d'autres sports de combat. Après les jeux UFC te permettent aussi de découvrir des combattants et leur style donc je trouve ça pas mal sachant que je me suis intéressé au sport en 2016 avec Conor McGregor et que l'UFC 2 est sorti la même année.»

Dans cet entretien semble se dégager plusieurs axes concernant les jeux EA Sports UFC, premièrement le gameplay autrement dit, les caractéristiques de jouabilité du jeu semble être un point d'attractivité pour la discipline d'autant plus que le rythme du jeu est soutenu par la

79 forme d'entraînement commune dans les sports de combats et des arts martiaux, prenant la forme d'un combat

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possibilité de placer des «KO» ou encore des «soumissions» ce qui peut à tout moment du jeu renverser l'issu d'un combat qui partirait simplement sur décision. Ensuite, le côté expérientiel et personnalisé du mode carrière permet et renforce cette attractivité pour le jeu mais aussi pour le sport grâce à la capacité d'identification à son avatar. Enfin, semble ressortir de cet entretien la capacité d'apprentissage ou à minima d'apports d'informations du jeu sur le MMA que cela soit sur les techniques de combat ou encore sur les combattants UFC. De plus, les jeux EA Sports UFC permettent d'incarner au delà de notre avatar, de nombreux combattants et combattantes de toutes catégories de poids avec dans leur arsenal, l'ensemble de leur panel technique et de leur tempérament respectif connu depuis leur présence au sein de l'Ultimate Fighting Championship.

L'intérêt et la capacité de ces jeux résident dans la découverte du MMA et de l'UFC auprès des non-initiés d'une part afin de populariser et de maintenir cette politique de démocratisation du MMA par le numérique et d'autre part de fidéliser le public déjà présent pour la discipline sportive et pour l'organisation.

Cette popularisation et cette stratégie n'est nul fruit du hasard du fait de l'association de la plus grande organisation d'arts martiaux mixtes, organisation d'un sport-spectacle en vogue, avec l'association d'un des plus grands du jeu vidéo, capable d'apporter de grandes compétences en développement, en renommé mais aussi en diffusion pour un public plus large. Cette association n'est pas sans rappeler celle de Art Davie promoteur de kick-boxing, de Rorion Gracie promoteur de jiu-jitsu brésilien et celle de John Milius qui ont fait émerger et découvrir les prémisses du MMA par le combat libre au début des années 1990.

Cette nouvelle forme d'accessibilité et de popularisation numérique pour le MMA est une véritable réussite tant d'un point de vu sportif pour la discipline qu'économique. De plus, récemment en février 2022, le dernier jeu UFC, l'EA Sports UFC 4 a été rendu disponible en toute gratuité sur le Playstation Plus80 laissant ainsi à tous les abonnés la possibilité de télécharger et de jouer au jeu et d'ainsi rentrer en toute immersion dans le monde du MMA et de l'UFC.

80 Le Playstation Plus est un service d'abonnement présent sur PS4 et PS5 permettant à ses bénéficiaires de pouvoir jouer en ligne et de bénéficier à chaque mois de 3 à 4 jeux gratuits. L'abonnement est un véritable succès et est souscrit par une majorité de joueurs qui se voient pour certains «contraints» d'y adhérer pour jouer en multijoueur mais bénéficient toutefois en parallèle de certains jeux gratuits.

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Il serait inconvenu et cette étude serait certainement incomplète si nous n'étudions pas également le cas de la présence numérique de l'UFC sur les réseaux sociaux, présence qui répond parfaitement et principalement à cette stratégie «mainstream» et qui s'inscrit dans la continuité de «super puissance» de la plus grande organisation d'arts martiaux mixtes dans le monde. Négliger ces plateformes pour étendre et démocratiser le MMA serait une erreur et ne donnerait pas toute la renommée dont jouit aujourd'hui l'UFC.

Selon une étude concernant le rapport Digital 202281 de janvier 2022 menée par DataReportal, 93,4% des individus se connectant à internet utilisent les réseaux sociaux et l'utilisateur «type» serait âgé de 20 à 29 ans. Le rapport démontre par ailleurs une utilisation moyenne des réseaux sociaux chez les utilisateurs de 2h27 chaque jour avec en terme de temps d'utilisation, Youtube qui se démarque en première place comptant 23,7 heures par mois.

C'est donc naturellement que nous allons analyser la présence de l'UFC sur ces plateformes. Premièrement, en allant sur la chaîne Youtube «UFC - Ultimate Fighting Championship», nous pouvons y voir figurer le nombre d'abonnés qui s'élèvent à 13,5 M d'abonnés pour 5 milliards et 136 millions de vues. Nous pouvons y voir de nombreuses propositions de contenus, peut-être même trop diversifiés et parfois trop spécialisés, ce qui pourrait amener un néophyte de la discipline ou même un spectateur habituel à s'y perdre. Pour exemple, du simple jour où nous consultons cette chaîne nous pouvons y voir 9 vidéos sortient en seulement moins de 24 heures, des vidéos «teaser» pour les combats à venir mais également des conférences de presse.

De cet «amas» de contenu se distingue très nettement un type de contenu particulier qui fait beaucoup plus de vues que les autres et qui s'intitule «L'UFC Embedded» et qui prend le format des tants suivis «vlog». Les UFC Embedded sont de véritables Vlog Series qui permettent de suivre la préparation physique et mentale des combattants, leur loisir, leur point de vue et leur caractère mais aussi de manière plus générale leur vie personnelle. Un excellent moyen donc de dépasser le «simple» stade de suivi purement «sportif» du MMA et de l'UFC, ce qui rejoint une fois de plus cette stratégie mainstream qui vise à attirer un grand public. Par

81 S.KEMP «Digital 2022: Global Overview Report», 26 janvier 2022.

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ailleurs, il est encore notable que ces UFC Embedded concernent les hommes mais aussi les femmes.

Sur cette capture nous pouvons ainsi distinguer l'intérêt spectatoriel sur ce type de contenu, par ailleurs lors d'un de nos entretiens avec le groupe de pratiquants de MMA, l'un d'entre eux nous partagera avoir découvert ce sport plus en détail mais aussi avoir été partiellement motivé pour sa pratique sportive par ce genre de contenu «Déjà l'UFC à l'époque c'était quelque chose d'impressionnant c'était un vrai spectacle c'est d'ailleurs encore le cas aujourd'hui c'est tout un spectacle qui est fait c'est assez bien foutu d'ailleurs, y'avait les vidéos de promotions que je regardais pas mal les UFC Embedded avec tout ce qui prépare les combats, par exemple les vidéos de préparations de combat, les promotions ou encore tout simplement la routine des combattants».

D'autres contenus sont évidemment très regardé celà concerne plus particulièrement les combats de «grosses affiches» pour un titre ou encore un combat entre stars de la discipline mais aussi des compilations de «Knockouts» (KO) vu plusieurs dizaines voir centaines de millions de fois; il en est notamment le cas pour la vidéo Youtube de la chaîne UFC intitulée «Top 20 Knockouts in UFC History» comptant 136 Millions de vues, transcendant ainsi la perspective sportive à des fins plus spectaculaires ce qui confirme également ce côté «mainstream» et sa grande capacité de partage et de diffusion qui s'adresse ainsi autant à des néophytes de la discipline qu'à des connaisseurs. Cet exemple relaté illustre grandement la popularisation du MMA avec une corrélation du numérique et du sport-spectacle.

De plus, il est primordial de reconnaître à la présence numérique de l'UFC sur les réseaux

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sociaux le rôle que joue certains médias et youtubeurs amateurs et professionnels afin de «vulgariser» la pratique et d'effectuer un réel «filtre» tant sur la diffusion d'informations que sur l'analyse techniques portant sur le MMA ou encore sur l'UFC. Cette vulgarisation permet sans nul doute de suivre la logique de popularisation de ce sport par le numérique, il en est notamment le cas de chaîne youtube comme «La Sueur», «Ilies Mkt» ou encore plus récemment depuis la légalisation du MMA en France, de la chaîne Youtube RMC SPORT comptant plusieurs millions de vues sur ses vidéos comme «Ngannou v Gane : Le film choc RMC SPORT avant le combat EP.1 Collision» faisant 1.8 millions de vues.

Sur le reste des réseaux sociaux, l'UFC ne désemplit pas, bien loin de là avec 28 millions de Fans sur Facebook, 32 millions de Fan sur Instagram, 10 millions de Fan sur TikTok et 9 millions de Fan sur Twitter.

Fait intéressant, notre étude de terrain nous a permis par ailleurs d'établir des hypothèses

et celà notamment grâce à notre questionnaire délivré à 178 répondants et portant sur l'influence du numérique sur les arts martiaux mixtes. Comme énoncé lors de l'introduction de cet ouvrage, ce questionnaire est scindé en deux parties avec d'une part les pratiquants de MMA et d'autre part les non pratiquants qu'ils soient spectateurs habituels, occasionnels ou totalement inconnus de la discipline. Parmi cette deuxième catégorie constituée de 96 répondants, nous avions posé la question suivante : «Recherchez-vous par vous-même du contenu concernant le MMA ou celui-ci vous est-il directement proposé ?», à cette question deux principaux résultats en sont ressortis. Premièrement, 40,6% des répondants recherchent du contenu sur le MMA et celui-ci leur est également proposé, celà n'est en rien très étonnant car les algorithmes (sur les réseaux sociaux notamment) adaptent et proposent leur contenu en fonction des recherches mais aussi des habitudes de visionnage. Le résultat intéressant à observer concerne les 29,2% de répondants qui ne recherchent pas de contenus sur le MMA mais se le voit tout de même proposé, cela démontre bien une stratégie «mainstream» parfaitement rodée et fonctionnelle.

Comme nous l'avions mentionné d'une part, les canaux télévisuels, jeux-vidéos et cinématographiques favorisent cette stratégie, de même que la création de contenu «adapté» et en vogue comme le TUF mais nous estimons que le principal du contenu de MMA proposé et sans recherche menée au préalable découle des réseaux sociaux tels que Instagram et celà notamment au travers de «Réels» qui correspondent au partage et à la diffusion de vidéos de court format. L'utilisateur n'a ainsi besoin que de «scroller» pour changer de vidéo et

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l'algorithme lui proposera ses préférences mais aussi les vidéos les plus populaires et notamment spectaculaires (KO,trashtalking etc...) dont font partie les vidéos MMA et notamment les vidéos liées à l'UFC qui sont repartagées de nombreuses fois. Cela expliquerait également le nombre de fans plus élevés sur ce réseau social avec évidemment une prise en compte nécessaire au niveau de la moyenne d'âge des utilisateurs. Le jeu UFC dont nous parlions précédemment reprend par ailleurs le même principe avec à la fin de chaque combat en mode carrière, les réactions des internautes suite au partage d'une vidéo sur les réseaux sociaux montrant comment l'adversaire a été mis KO ou comment celui a été soumis.

Cette capacité numérique de toucher de large et de nouveaux publics est une fois de plus probante avec la comparaison des pratiquants de MMA déjà «initiés» spectatoriellement et sportivement à la discipline qui n'ont été que 6% à avoir du contenu de MMA proposé sans avoir mené la moindre recherche.

Enfin et de manière plus générale, la découverte de ce sport est selon notre enquête, principalement portée par le web avec 30,1 % de nos pratiquants de MMA qui l'ont découvert ainsi puis de 21,7% l'ayant découvert par la télévision suivi de 20,5% par leur entourage. Concernant le groupe de non pratiquants celui-ci à découvert la discipline à 43,8% par le web, 19,8% par la télévision et 21,9% par leur entourage. Ainsi, la stratégie «mainstream» du MMA porté par l'UFC et notamment à travers les réseaux sociaux répond d'une part à une «nécessité» de survie afin de se développer et de prospérer mais d'autre part à une nécessité d'adaptation des processus de diffusions et de partage, adaptation encore plus importante pour un sport qui se veut sport-spectacle à l'image de la WWE qui compte plus de 88 millions d'abonnés sur sa chaîne Youtube.

B) Le numérique au service de la starification des combattants

Ainsi, bien que les différents canaux numériques et les stratégies d'attractions de l'UFC82 permettent la captation de nouveaux publics et la découverte du MMA, cette dernière est en partie grandement due à la starification de certains combattants dont il serait dommageable de ne pas parler. Certaines stars de l'UFC au-delà même de Ronda Rousey dont nous parlions

82 Rappelons que l'UFC n'est pas la seule organisation d'arts martiaux mixtes à effectuer ce genre de stratégies mais est la plus notable et la plus puissante.

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précédemment dans cet ouvrage, ont réellement su donner vie à l'UFC et de capter une attention et une reconnaissance mondiale pour les arts martiaux mixtes, il en est notamment le cas de Conor McGregor. Le processus de starification d'un combattant amène inéluctablement à la construction d'une fan base, d'une communauté mais aussi d'intéraction entre celle-ci supplée par une mise en exergue issu des outils numériques qui créeront au delà même de cette fan base un réel buzz ce qui attirera donc des publics nouveaux.

Cette stratégie de l'UFC qui en plus de mettre en avant le côté spectaculaire des combats par des KO, soumission ou encore par d'impressionnantes blessures (qui rappelons le sont plus impressionnantes que traumatologiques) va au-delà en surenchérissant dans le sport spectacle par la starification de certains athlètes atypiques. Cette stratégie répondant à des fins de popularités mais aussi et surtout économiques ne peut-être mise en avant sans l'évocation de Conor McGregor dont le surnom «The Notorious»83 n'est pas hasardeux.

Bien que la discipline jouissait d'un public avant l'apparition du dublinois, celle-ci restait assez restrictive à l'Amérique du Nord ou encore principalement au public qui recherchait des informations et des diffusions du MMA par eux-même sans avoir des propositions algorithmiques (notamment sur les réseaux sociaux avec l'exemple des réels Instagram), cinématographiques ou encore télévisuelles (notamment en France où la diffusion de la discipline était interdite). C'est pour cet ensemble d'éléments que de nombreux médias estiment que le combattant a fait sortir le MMA de l'anonymat, Le Parisien avait par exemple rédigé le 18 Janvier 2020, un article intitulé «MMA : McGregor, l'homme qui a révolutionné son sport»84.

Par ailleurs, des figures iconiques du MMA en France comme Fernand Lopez, cofondateur de la MMA FACTORY85 et directeur sportif de la ARES Fighting Championship dont nous parlions au prémice de cet ouvrage, reconnaissent un nouvel avénement pour la discipline « Conor McGregor est pour tout le monde dans le MMA, un game changer, un homme qui a tout révolutionné, rappelle Fernand Lopez. Il a fait sortir notre sport de l'anonymat et de la niche dans laquelle il était cantonné. Sans lui, vous ne parleriez de notre discipline. »86. Le combattant est également désigné par la presse étrangère notamment par le magazine Time87

83 Que nous pouvons traduire comme «le célèbre».

84 Article d'Eric MICHEL

85 célèbre club de MMA français

86 E.MICHEL «MMA : McGregor, l'homme qui a révolutionné son sport», 18 Janvier 2020 dans LeParisien.

87 A.SCHWARZENEGGER «Conor McGregor», Time Magazine 2017.

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comme étant en 2017, l'une des cent personnalités les plus influentes et pour Forbes, sportif le mieux payé en 2021 avec une richesse estimée à 180 millions de dollars.88

Avant d'exposer notre terrain d'une personnalité publique du monde du MMA français suivant un schéma de popularisation unique, il est important d'expliquer pourquoi et comment le numérique à savoir le pay-per-view, les réseaux sociaux et même les médias ont pu mettre en exergue la notoritété de Conor McGregor et d'ainsi, démocratiser et populariser le MMA.

Premièrement, dans la continuité d'un sport-spectacle, le MMA au sein de l'UFC se doit-être générateur de tension mais aussi d'intrigue afin de stimuler le téléspectateur et de créer un engouement sportif, économique mais aussi médiatique autour d'une rencontre entre combattants. Cette stratégie se maintient dans celle de maintenir un équilibre compétitif et sportif avec un affrontement équilibré où chaque combattant aurait sa chance mais aussi d'un équilibre spectaculaire permettant d'attirer des publics plus ou moins communs au MMA.

Le succès de Conor McGregor illustre d'autant cette stratégie que celui-ci incarne cet «équilibre» presque parfait du sport-spectacle. Premièrement d'un point de vu sportif et compétitif celui-ci lors de sa confrontation en 2015 face à José Aldo, alors champion de la division poids plumes et invaincu depuis 10 ans, place un Knockout (KO) en seulement 13 secondes et devient ainsi le nouveau champion mais détient également la victoire la plus rapide de l'UFC pour un combat de titre. Le 13 novembre 2016, Conor McGregor remporte son combat par KO face à Eddie Alvarez pour le titre de champion des poids légers et devient ainsi le premier combattant UFC à détenir le titre de champion dans deux catégories différentes.

Son style de «Striker» que nous pouvons définir comme un style de combat utilisant principalement des techniques de percussions (pied, genou, coude, coups de poing) plaît grandement au grand public et offre de nombreux KO spectaculaires, sur les 22 victoires du dublinois, 19 d'entre elles se sont finis par des KO de quoi générer un fort intérêt spectatoriel

88 Forbes, «les sportifs les mieux payés en 2021, Conor McGregor, sportif le plus payé de la planète », 28 juin 2021. https://www.forbes.fr/classements/serie-dete-1-50-les-sportifs-les-mieux-payes-en-2021-conor-mcgregor-s portif-le-plus-paye-de-la-planete/

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pour le combattant mais aussi pour le MMA. Pour exemple de nombreuses vidéos «compilations» portant sur les KO du combattant existent sur la plateforme Youtube et génèrent plusieurs dizaines de millions de vues comme la vidéo publiée sur la chaîne de l'UFC intitulée «Top Finishes: Conor McGregor» et comptabilisant 43 millions de vues et 414 000 mention «likes».

Les prouesses sportives du combattant ne sont pas les seules à être misent en avant par les réseaux sociaux et par les médias, car celles-ci sont également accompagnées d'un véritable «show», l'icône du MMA a également propulsé la discipline par son trashtalking89, son attitude atypique, son charisme ainsi que de son mélange de confiance et d'insolence faisant de lui une super-star de l'UFC90 mais aussi une super star mondiale. Sa renommée et son trash-talking lui permettront par ailleurs de mettre sous pression de nombreux adversaires par une guerre psychologique au plus grand plaisir des spectateurs et de la presse, nous pouvons par exemple retrouver sur la plateforme youtube de nombreuses vidéos représentants cet intérêt pour les spectateurs comme celle de la chaîne GBz MMA «All of the Conor McGregor insults to Jose Aldo» comptant 11 millions de vues. Celui-ci déjà grandement partagé sur les réseaux sociaux et par la presse pour ses performances sportives de même que pour son trashtalking en conférence de presse ou lors des pesées, n'hésite pas à utiliser les réseaux sociaux pour mener cette guerre psychologique et pour en renforcer sa notoriété. Son utilisation habile des réseaux lui doit également grandement sa popularité.

89 Le trash-talking désigne une provocation verbale s'exprimant sous forme de propos provocateurs ou encore insultants envers l'adversaire au vu de l'organisation d'une compétition établie ou en devenir.

90 D.HEITNER «Cocky, Confident Conor McGregor Is Perfect For The UFC» Forbes, 2014.

 

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Cette association presque parfaite du sport-spectacle retransmis par les divers outils de partage numérique font ainsi de lui quelqu'un qui «excelle dans tous les domaines, le combat mental comme le combat physique.» mais aussi comme «le meilleur pour vendre un combat depuis Mohammed Ali» d'après les propos92 tenus par Dana White, président de l'UFC.

«Dans une étude de 2016, les chercheurs Lamar Reams et Stephen Shapiro font le lien entre la vente des Pay-per-view selon les têtes d'affiches, l'influence de celles-ci sur Twitter et la fréquence de leurs apparitions dans les médias93». Cette influence est aujourd'hui d'autant plus grande et notamment sur Instagram où Conor McGregor dont le pseudo «thenotoriousmma» compte 42,9 millions d'abonnés contre 32,4 millions d'abonnés pour le compte UFC, montrant non sans mal la popularité numérique mais aussi la lumière que le combattant a mit sur l'UFC et sur le MMA aux yeux du monde.

Afin d'entrer plus en détail sur la réussite économique de l'UFC avec sa superstar McGregor, il est nécessaire de quantifier les interactions se portant sur ses réseaux sociaux. Dans l'article

91 Tweet d'avant combat de Conor McGregor avant son combat contre Floyd Mayweather. Nous pouvons traduire celui-ci par «Je vais lui briser le visage».

92 G.POISSON « Ghetto,trashtalk,frasques...comment Conor McGregor est devenu la plus grande star des sports de combat» dans Francetvinfo.fr le 23 janvier 2021.

93 Y.RAMIREZ «Dans la cage du MMA: sociologie d'un sport du XXIe siècle» 2021, p91.

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du journal Forbes «Réseaux Sociaux : Les Sportifs Les Plus Influents» de 201994, un classement est effectué en prenant compte de l'engagement et des interactions incluant «likes», commentaires et partages sur Instagram, Twitter et Facebook. Parmi le classement de tous les sportifs les plus populaires sur les réseaux sociaux en ressort Conor McGregor à la septième place en comptabilisant 159,7 millions d'interactions au cours des 6 premiers mois de l'année 2019.

Cette notoriété et cette lumière mise sur le MMA et l'UFC ont naturellement fait découvrir la discipline dans le monde la rendant «visible dans 175 pays et commentée dans une quarantaine de langues pour un potentiel d'un milliard de ménages95». Au cours de notre enquête de terrain certains interrogés au sein des groupes de pratiquants de MMA et de non pratiquants spectateurs de la discipline explique avoir connu le sport par l'intermédiaire de la super star de l'UFC, l'un d'entre eux Thomas, dont nous parlions lors de l'évocation des succès du jeu vidéo de l'organisation nous avait dit l'avoir acheté suite à son intérêt né pour le MMA « J'ai découvert le sport grâce à McGregor quand il a gagné contre Alvarez sa deuxième ceinture, je crois que c'était en 2016. À ce moment-là, pas mal de journaux en parlaient mais c'est surtout grâce à Twitter que je l'ai connu, j'avais des potes qui partageaient ses KO ou encore ses conférences de presse.». Les réseaux sociaux sont sans surprises au vu des interactions que génèrent le combattant, réel facteur d'ouverture de cette discipline pour beaucoup d'individus et notamment les plus jeunes. Par ailleurs, cela semble aussi avoir motivé la pratique du MMA chez certains de nos enquêtés «J'ai connu le MMA sur les réseaux sociaux avec la hype McGregor, on en a fait par la suite dans ma salle c'est comme ça que je m'y suis mis.»

Cette vague de popularisation est sans conteste dûe aux stratégies portées autour du MMA comme sport-spectacle et au pouvoir de diffusion du numérique de toucher un plus large public et ce notamment au travers des réseaux sociaux. Parmis nos enquêtés tous n'ont pas connu le MMA par les réseaux sociaux ou encore par le numérique, cela semble notamment le cas chez les enquêtés plus âgés situés vers la trentaine et au début de la quarantaine d'année «J'ai commencé à regarder le MMA à 16 ans avec un DVD d'un grand de mon quartier, à l'époque c'était le Pride la plus grande organisation du MMA avant d'être

94 · Forbes, « Réseaux Sociaux : Les Sportifs les plus influents », 20 août 2019, . https://www.forbes.fr/classements/sports/reseaux-sociaux-les-sportifs-les-plus-influents-et-rentables/

95 T.RAMIREZ «Dans la cage du MMA: sociologie d'un sport du XXIe siècle» 2021, p92.

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rachetée par l'UFC, ca se passait au Japon avec une ambiance et des scénarios de fous avec de vrais scénarios une ambiance de gladiateur j'ai kiffé. C'est en grandissant vers l'âge de 18 ans quandj'ai bossé, j'achetais mes DVD de plusieurs organisations, le premier DVD que j'ai acheté c'était l'UFC 51 c'était Tito Ortiz je voyais un mec avec une teinture blonde je me disais lui il doit cogner.». Cette enquête de terrain semble ainsi confirmer l'existence de plusieurs vagues de popularisation mais aussi de démocratisation du MMA, avec une première vague principalement télévisuelle puis d'une seconde numérique qui a propulsé la discipline de par ses plateformes multimodales et de par sa puissance de diffusion.

Cette enquête de terrain et les recherches de cet ouvrage sont confirmées par Gregory Bouchelaghem autrement appelé «GregMMA», véritable personnalité publique et Youtubeur de la chaîne Karaté Bushido Officiel (611 000 abonnés) mais aussi connu comme étant l'un des premiers combattants français de ce sport quand bien même la pratique de cette discipline était interdite. Dans le cadre de notre étude, nous recherchions l'avis d'un créateur de contenu autour du MMA mais aussi d'un véritable spécialiste de la discipline ce qui justifie notre choix pour Gregory Bouchelaghem. De par son expérience en tant que combattant professionnel de MMA mais aussi en tant que Youtubeur faisant plusieurs millions de vue sur ses vidéos comme la vidéo «GregMMA Vs Major Gerald @Légion étrangère» qui compte 2,5 millions de vues, Gregory Bouchelaghem avait le profil idéal pour nous expliquer l'essor du MMA, discipline devenant aujourd'hui une réelle culture pop. Dans le cadre de notre entretien, nous lui avions posé la question suivante : «En tant qu'ancien professionnel de MMA et icône des arts martiaux Français sur Youtube, as-tu pu constater une évolution de l'intérêt des gens pour ce sport comparé à avant ? » à laquelle celui-ci a répondu « Les nouvelles stars comme McGregor, Cyril Gane, Khabib, ils ont propulsés le MMA à un autre niveau donc y'a plus d'engouement et puis bien entendu le sport a été dédiabolisé on comprend maintenant que c'est pas une boucherie même si ça reste un sport brutal, y'a plein de règle et les consignes de sécurité sont bien respectées donc médecin tout ça». Ainsi, les stars de l'UFC ou encore les superstars comme McGregor auraient d'une part popularisé le MMA mais également démocratisé la discipline en brisant l'image «bestiale» que renvoyait ce sport souvent encore associé au combat libre.

Un tel essor et une telle popularité de la discipline engendre naturellement un succès économique pour l'UFC qui viendra alimenter cette stratégie d'expansion. Initialement détenu par les frères Fertitta que nous évoquions dans la première partie de cet ouvrage,

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l'UFC qui avait été achetée pour «seulement» 2 millions de dollars a été revendue en 2016 pour 4 milliards de dollars au groupe Endeavor Group Holdings, entreprise de production artistique et sportive spécialisée. L'entreprise est par ailleurs considérée comme la plus influente et importante dans le secteur artistique96. Ce rachat par une entreprise spécialisée du secteur n'est pas hasardeux et maintient la volonté de l'UFC de faire du MMA un véritable sport-spectacle. En 2019, l'organisation d'arts martiaux mixtes était par ailleurs valorisée à 7,6 milliards de dollars97 dépassant ainsi largement de célèbres franchises sportives comme la National Football League (NFL) ou encore la Major League Baseball (MLB).

Cette starification de ses combattants comme Conor McGregor l'amènera par ailleurs à faire des ventes records dans divers secteurs comme dans le jeu vidéo dont l'affiche du jeu EA Sports UFC 3 est illustré par le combattant mais aussi et surtout dans la vente de Pay-Per-View.

Pour dire, la machine de communication que représente l'UFC a même personnifiée l'organisation par son président Dana White, mis en scène durant les conférences de presse, les prises de paroles importantes, et séparant même les combattants qui voudraient «en découdre» avant combat. Pour dire, ce dernier est même suivi par 7,3 millions d'abonnés sur Instagram, du jamais vu pour le président d'une organisation sportive.

96 https://www.zonebourse.com/cours/action/ENDEAVOR-GROUP-HOLDINGS-66480633/societe/

97 C.SMITH «The Endeavor IPO is actually a risky bet on the future growth of UFC», 19 Septembre 2019, Forbes.

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Ce tableau confirme nos recherches ainsi que nos observations, nous pouvons y voir les meilleures ventes de pay-per-view au cours de l'histoire de l'UFC ainsi qu'un nom ressortir en tête de liste et à maintes reprises, celui de la superstar du MMA, Conor McGregor avec une réelle prouesse économique et marketing de l'UFC 229 en 2018, pour une vente de 2 400 000 de pay-per-view dont les gains estimés sont de 180 millions dollars99. Cet UFC 229 justifie de sa réussite par une réelle mise en lumière numérique (télévision,média,réseaux sociaux) de l'affrontement entre l'irlandais superstar de son sport revenant après 2 ans d'absence, face à Khabib Nurmagomedov, «The Eagle» invaincu comptant 27 victoires pour 0 défaite. Le trash talking des deux hommes est extrêmement virulent et la rencontre des deux

98 source Statista 2022, tableau disponible sur

https://www.statista.com/statistics/680659/ultimate-fighting-championship-leading-pay-per-view-event s-by-buyrate/

99 J.SKUDDER «UFC : Top 10 Biggest Earning PPV Events In History (Ranked)», 4 mars 2022 dans GiveMeSport.

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combattants est encore plus spectacularisée avec des insultes, des menaces de mort et des provocations. L'Irlandais proposera un verre de whisky de sa propre marque, la Proper Twelve à Khabib Nurmagomedov dont la foi musulmane est connue de tous et lui dira «Tu seras mort à l'instant où je poserais les mains sur toi, tu m'entends ? Tu es mort putain !»100. L'engouement sportif mais aussi spectaculaire pour cette rencontre prend donc une dimension historique dans l'histoire de l'UFC, d'autres vidéos alimenteront l'intérêt spectatoriel de la rencontre comme une vidéo surprenante montrant Khabib Nurmagomedov à l'âge de 9 ans, s'entraînant à la lutte avec un ours ce qui ne manquera pas de susciter l'intérêt pour le combattant comptant aujourd'hui 33,4 millions d'abonnés sur Instagram faisant ainsi de lui le combattant le plus suivi après son adversaire.

Conor McGregor popularisera également le MMA en s'offrant sur la scène médiatique mondial en 2017, lors de l'organisation d'un combat l'opposant face à la superstar de la boxe anglaise Floyd Mayweather, combat qui entraînera la vente de 4 300 000 pay-per-view pour 600 millions de dollars101 et s'inscrira comme le deuxième pay-per-view le plus vendu de l'histoire du sport.

Le combattant d'arts martiaux mixtes sera par ailleurs le sportif le mieux payé de la planète en 2021 avec un revenus de 180 millions de dollars dont 22 millions en revenus sportifs et 158 millions en revenus extra sportifs102.

Cette réussite probante dans la vente de pay-per-view pour l'UFC, amènera l'organisation à signer en 2019 avec l'ESPN, un contrat de 1,5 milliards de dollars assurant la diffusion de 12 pay-per-view annuellement103 et celà jusqu'en 2025. Cette réussite n'est pas seulement économique mais également symbolique car la société signataire appartient à Walt Disney Company, un succès permettant ainsi également de faire gagner en légitimité et de démocratiser encore plus le MMA.

100 Conférence de presse de l'UFC 229 visionnable sur rmcsport.bfmtv.com au lien : https://urlz.fr/icmv

101 D.RAPHAEL «Floyd Mayweather - Conor McGregor pulled in 4.3M domestic PPV buys, $600M» le 15 décembre 2017 dans ESPN.

102 Classement effectué selon Forbes le 28 juin 2021.

103 R.GOLDBERG «Dana White says UFC woth 7 billion after ESPN television contract» le 20 août 2018 dans Bleacher Report.

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Au sein de cette partie centrée autour de la mise en lumière des combattants professionnels de MMA par le numérique et plus particulièrement par les réseaux sociaux, nous avons pu voir l'influence socio-économique de celà d'une part sur le MMA et d'autre part sur l'UFC mais notre étude de terrain nous a permis d'étudier un cas plus rare ou le numérique propulse directement une carrière professionnelle d'un combattant de MMA amateur.

Jusqu'ici nous avions pu voir un gain de popularité, en notoriété et même une starification d'athlète professionnel et celà dû par une mise en exergue au sein de la plus grande organisation d'arts martiaux mixtes au monde, mais nous verrons ici la capacité du numérique à populariser un amateur de MMA et à en faire un professionnel parmis les plus suivis des combattants français. Afin d'étudier et de comprendre ce processus que nous pouvons qualifier «d'inversé» c'est à dire dont la popularité se bâtit dans la pratique amateur avant même la pratique professionnelle, nous avons établit un entretien avec Ramzan Jembiev un jeune combattant professionnel de 22 ans et combattant en catégorie de -65kg. L'approche pour cet entretien ne fut par ailleurs pas simple compte tenu de la grande notoriété du combattant de MMA comptant 140 000 abonnés sur Instagram et recevant des dizaines de sollicitations par jour. Afin d'obtenir un entretien avec le combattant nous avons décidé d'effectuer une approche sur le réseau social Twitter ou celui n'a «que» 7 900 abonnés, pouvant donc ainsi consulter l'ensemble des sollicitations qu'il reçoit.

Ramzan Jembiev dont le surnom est «Loup Noir» est qualifié comme un véritable «Phénomène sur internet»104 par de nombreux médias spécialisés dans les sports de combat, comme la Sueur. Le jeune homme de 22 ans avant de mener une carrière professionnelle suivi par près de 140 000 abonnés sur Instagram, s'est premièrement illustré sur les réseaux sociaux et notamment via Youtube au sein de la chaîne Ibra Tv. La chaîne du célèbre Youtubeur «IbraTv» de son vrai nom Ibrahim Tsetchoev et comptant 4,59 millions d'abonnés, propose en effet un contenu de vidéo spécialisé sur le MMA du nom de «Youtube Fight Club» portant l'acronyme YFC dont l'évocation nous rappelle par ailleurs celle de l'UFC. Le concept de ce format vidéo est simple, faire affronter des combattants amateurs sur du gazon dans un stade selon les règles du MMA et le tout encadré par un combattant professionnel faisant ici office d'arbitre.

104 «Ramzan Jembiev «Loup Noir» annonce son 1er combat de MMA» 7 Novembre 2018 dans La Sueur.

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Le niveau des combattants amateurs est très disparate avec la pratique pour certains du MMA depuis quelques mois ou encore une pratique d'un autre sport de combat pour d'autres, mais ressort de ces confrontations un profil particulièrement impressionnant de par sa lutte au sol mais aussi de sa boxe pied-poing, celui de Ramzan Jembiev. Le jeune combattant français a ainsi su se distinguer au fil de ses combat sur la chaîne dont au sein d'une vidéo intitulée «Combat - LOUP NOIR vs Maxime le MILITAIRE (YFC8)» qui fera 9,4 millions de vues pour 180 000 mentions «likes» ainsi que d'une multitude de commentaires francophones et anglophones justifiant ainsi de la hype105 pour le combattant.

Si un engouement numérique commence à se faire autour de ce combattant amateur, s'est véritablement la vidéo «COMBAT MMA : Ramzan LOUP NOIR Vs AMADOU le soldat (YFC10)» en 2019 qui créera un énorme buzz suite à un spectaculaire KO acrobatique. La vidéo «amateur» sera par ailleurs partagée par des médias professionnels spécialisés dans le MMA comme SportsCenter, la plateforme ESPN dont nous parlions précédemment dans cet ouvrage mais aussi le OneChampionchipJapan106 sur Instagram. Le combattant amateur gagne ainsi et très rapidement, une grande notoriété lui permettant d'acquérir 100 000 abonnés sur Instagram et d'ainsi d'être approché par le «100% Fight» avec lequel il débutera sa carrière professionnelle en jouissant déjà d'une grande popularité. Aujourd'hui Ramzan Jembiev est le troisième combattant français de MMA le plus suivi sur les réseaux sociaux après la star de l'UFC Ciryl Gane et du jeune combattant Morgan Chapa tout aussi habile des réseaux sociaux avec notamment la production de ses propres vidéos Youtube.

Suite à une popularité numérique presque unique dans le MMA français nous lui avons directement demandé si les réseaux sociaux avait était décisif pour ses débuts professionnels « Clairement oui, je ne le nie pas ma notoriété s'est faîte avant mes débuts professionnels et a contribué à mon lancement, j'ai pu montrer mon style de combat et ça a plu.

Aujourd'hui le MMA en France est pas assez payé donc pour quelqu'un qui débute c'est impossible d'en vivre sans avoir une grosse notoriété.» en ressort ainsi un caractère de dépendance notamment financière au numérique et plus particulièrement sur les réseaux sociaux afin de pouvoir consacrer une entière disponibilité à la pratique professionnelle du MMA. La popularité de Ramzan Jembiev lui permet donc principalement de vivre de ses nombreux sponsors comme CDDream, Natura Force et bien d'autres que nous pouvons voir

105 hype : Qui est à la pointe de la mode. Définition Larousse.fr.

106 Plus grandes organisations d'arts martiaux mixtes asiatiques.

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bien exposés sur son Instagram. De plus, il semble intéressant de souligner cette impossibilité de vivre pleinement du MMA et de l'associer à l'ensemble des combattants professionnels français qui sont pour une majorité «méconnu» sur les réseaux sociaux et ne bénéficient donc ainsi pas de la ferveur d'un sponsor et donc d'une possibilité de vivre uniquement de la discipline. Nous avions par ailleurs pu voir celà dans d'autres sports à échelle professionnelle avec Pierre Martins, entraîneur de Kick Boxing (que nous connaissons via ses entraînements) 7 fois champions du monde dont 3 fois en amateur et 4 en professionnel qui nous partageait son impossibilité de s'entraîner sans adopter un autre travail à côté et qui soulignait par ailleurs le manque de reconnaissance de la France envers ses sportifs.

Le numérique à l'échelle Hexagonale semble ainsi d'une part répondre à une demande de la part des spectateurs du MMA mais d'autre part de permettre aux professionnels d'en vivre et de les inciter au partage de leur pratique. Cette situation issue des maigres subventions françaises accordées aux professionnels de la discipline mais aussi à sa récente légalisation en France incite donc et peut même contraindre de nombreux combattants français à être actifs sur les réseaux sociaux «Franchement pour gagner en notoriété ça passe par les réseaux principalement donc c'est hyper important d'être actif sur ses réseaux, tu partage ton entraînement, les affiches mais tu crée aussi une proximité avec les gens qui te suivent tu leur dois bien ça.».

Par ailleurs, cette dépendance financière par les réseaux sociaux pour une pratique professionnelle entièrement dédiée, nous a amené à demander à Ramzan si sa présence sur ces réseaux faisait partie de son «boulot», question à laquelle celui-ci nous a répondu« Oui exactement et c'est pour ça que j'ai quelqu'un qui gère ça vu que pour moi c'est un travail à temps plein et c'est ici que ma communauté est.» Ainsi, une forte notoriété sur les réseaux sociaux permettrait d'une part de vivre du MMA à temps plein mais d'autre part prendrait également à temps plein la gestion de ces contenus ce qui nécessite donc de déléguer cette partie à un manager afin de se concentrer sur sa pratique sportive.

Hormis l'aspect pécunier mais aussi de nécessité d'une relation bâtie entre le MMA et le numérique en France, nous avons demandé à Ramzan si sa popularité était vecteur de motivation dans sa pratique professionnelle ou encore si celle-ci tenait également des inconvénients.»Être populaire c'est aussi une motivation supplémentaire, beaucoup me supporte et veulent me voir gagner donc j'ai pas envie de les décevoir».

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Cette popularité joue donc également un rôle motivationnel dans la pratique mais également dans la performance sportive allant de pair avec la préparation mentale associée à l'exercice du sport à haut niveau et pouvant par ailleurs faire l'objet à part entière d'un ouvrage universitaire ou scientifique. Concernant les inconvénients, celui-ci a évoqué «Le problème c'est qu'on a une image à tenir et qu'on a pas le droit à l'erreur, je suis jeune et je suis loin d'être parfait donc si je fais une bêtise ça peut me coûter cher» la notoriété numérique semble donc malgrés l'offre d'avantages forts intéressants comme l'ouverture d'une carrière professionnelle mais aussi sa pratique à temps plein, comporter des inconvénients d'ordre d'image public à entretenir et à tenir pouvant entraîner avec une mauvaise gestion un bad buzz qui retournerait l'engouement initial tourné autour du combattant contre lui. Cet entretien sonne d'autant plus vrai que l'ancien manager de Ramzan Jembiev est recherché par la police pour avoir escroqué le combattant ainsi que des membres de sa communauté, ce qui a suscité certaines vives critiques auprès du «Loup Noir» qui a tenu à s'exprimer officiellement par le biai de story Instagram mais aussi de live Twitter auprès de certains médias amateurs.

Les jeunes talents du MMA français représentent donc ainsi un réel intérêt spectatoriel (de par le sport-spectacle qu'est le MMA mais aussi de par la starification de certains combattants) mais aussi d'espoir pour la discipline à l'échelle mondiale avec la fédération d'une communauté francophone fidèle et qui soutient ses combattants. Un de nos pratiquants de MMA nous dira au cours d'un entretien suivre «des combattants français comme Salahdine Parnasse et compagnie qui ne sont pas forcément à l'UFC, je les suit pour leur apporter du soutien mais aussi pour suivre leurs entraînements et leurs petites vies de combattants quoi, forcément c'est divertissant». Rappelons par ailleurs que Salahdine Parnasse est également un jeune combattant de MMA de 24 ans détenant 112 000 abonnés sur Instagram et s'entraînant avec Ramzan Jembiev à la Atch Academy.

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C) Attente et recherche spectatorielle

Parmi les terrains déjà énoncés, nous en avons mené un, fondé principalement sur l'intérêt spectatoriel, le terrain se partage d'une part par une fonction qualitative et d'autre part par une fonction quantitative. De plus, celui-ci se décline sous plusieurs formes, premièrement, comme nous avons pu l'énoncer dans l'introduction de cet ouvrage, celui-ci se présente sous la forme d'un questionnaire Google Form comportant 178 réponses, ce questionnaire est par ailleurs scindé en deux avec d'une part des pratiquants de MMA représentants 46,6% des répondants et d'autre part des non pratiquants au nombre de 96, représentants ici 53,4% sur l'ensemble de nos répondants. Principalement questionnés sur leurs habitudes et leurs moyens de visionnage autour du MMA, les répondants se voient également exposés des questions sur leur perception du sport mais aussi sur leur préférence au sein de celui-ci.

À cette étude quantitative, s'ajoute une étude qualitative fondée sur l'entretien direct avec 2 spectateurs de ce sport au profil différent et qui ne sont pas pratiquants de la discipline. Premièrement, il convient d'attribuer une définition sur l'intérêt et la recherche spectatorielle, nous pouvons définir tout d'abord le «spectatoriel» comme étant ce «qui appartient à celui, celle qui regarde un spectacle, qui observe un événement, un phénomène»107 et l'intérêt tout bonnement comme un «sentiment de curiosité à l'égard de quelque chose, de quelqu'un ; agrément qu'on y prend»108. Les enquêtes portent également principalement sur la valeur de diffusion et l'utilisation du numérique quant à l'accès ou non à des ressources concernant le MMA.

Premier élément ressortissant de notre enquête mais qui reste toutefois à nuancer, concerne le genre des répondants. Les répondants pratiquants d'arts martiaux mixtes sont en effet à 96,4% des hommes et seulement 3,6% de femmes ce qui rejoint notre observation précédente mettant en lumière une exposition prédominante des femmes à l'échelle professionnelle en comparaison avec la pratique loisir ou encore amateur. Ces chiffres sont à notre sens non biaisés ou du moins de manière moindre car la diffusion du questionnaire pour les pratiquants de ce sport s'est principalement porté sur des groupes Facebook comme «Tu sais que tu fais du MMA quand .....» ou encore sur Twitter et relayé par des petits compte média comme «La Mêlée / MMA». Le biai aurait pu être plus élevé si la diffusion de ce questionnaire

107 définition de Spectatoriel, - elle par le cnrtl.fr

108 définition d'intérêt, par larousse.fr

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s'établissait principalement par nos propres réseaux avec une prépondérance d'un genre sur un autre.

Concernant le questionnaire portant sur les non pratiquants de MMA, celui-ci a été répondu par une majorité encore une fois masculine s'élevant à 72,9% pour 27,1% de femmes, ce qui reste toutefois bien plus élevé que les réponses de nos pratiquantes. Enfin concernant la prépondérance au niveau des tranches d'âges au sein de notre étude, celle-ci se fait observer pour les nons pratiquants qui sont à 62,5% des 18-25 ans contre une tranche d'âge beaucoup plus hétérogène chez les pratiquants de MMA avec 33,7% de 18-25 ans et 31,3% pour les 26-35 ans.

L'intérêt de scinder le questionnaire en deux parties distinctes permet d'une part d'observer des différences significatives portant sur la perception de la discipline et d'autre part d'en observer l'intérêt en tant que sport mais aussi en tant que sport-spectacle. Nuançons tout de même que parmis nos répondants non pratiquants, 60,4% d'entre eux ont déjà pratiqué un sport de combat ou un art martial, la valeur étant purement quantitative, cela peut-être nuancé par les apprentissages et les initiations à des sports comme le Judo durant l'enfance.

Ensuite, afin de convenir de l'intérêt spectatoriel et d'ainsi mesurer la recherche et l'attente des spectateurs des arts martiaux mixtes, il semble d'abord nécessaire d'y observer conjointement à notre sujet d'étude propre au numérique, de la fréquence de visionnage de contenu numérique concernant le MMA. En ressort, pour notre échantillon de pratiquant, un visionnage se faisant «Très souvent» de l'ordre de 59% des réponses, suivi de «Souvent» à 28,9% puis de «Occasionnellement» à 10,8%. Par ailleurs, les répondants expriment à 75,9% rechercher du contenu sur le MMA par eux même et que celui-ci leur est également proposé contre seulement 16,9% pour ceux qui recherchent du contenu sur le MMA sans que celui-ci ne leur soit proposé. Ainsi, nous posons naturellement l'hypothèse que le numérique et plus particulièrement les réseaux sociaux tels que Instagram ou encore Youtube proposent de manière algorithmique du contenu numérique susceptible de plaire et se référençant aux recherches des utilisateurs, ce qui renforce ainsi la consommation «numérique» du MMA par cet intermédiaire. De plus, et de manière plus naturelle sans injonction algorithmique, l'abonnement ou le suivi de compte spécialisé dans le MMA amène naturellement au fil des publications de ces comptes suivis, la proposition d'un contenu tournant autour de la discipline.

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Concernant les non pratiquants, le visionnage de contenu numérique portant sur le MMA est plus hétérogène avec 45,8% des répondants regardant «Occasionnellement», 22,9% regardant «Très souvent» et 14,6% regardant «Souvent», nous y retrouvons cependant 40,6% des répondants cherchants du contenu sur le MMA et se le voyant proposer ce qui confirme notre hypothèse précédente.

S'en dégage néanmoins un élément fort intéressant sur les propositions numériques portants autour du MMA car 29,2 % des répondants affirment ne pas rechercher du contenu sur le MMA mais que celui-ci leur est quand même proposé, ce qui vient maintenir et renforcer notre hypothèse mais aussi notre sujet d'étude exprimant l'influence du numérique dans la popularisation mais aussi dans la découverte du sport.

Le visionnage de contenu numérique se rapportant au MMA se fait principalement via le web (réseaux sociaux, plateformes de partage, streaming etc..) suivi de la télévision mais aussi des jeux vidéo. Notre groupe de pratiquant affirme à 97,6% accéder à des ressources portant sur le MMA par l'intermédiaire du web et pour les non pratiquants à 81,3%. La télévision n'est cependant pas en reste avec un accès à 37,5% pour les non pratiquants mais aussi 47% pour les pratiquants. S'en dégagent ainsi une légère différence montrant un accès plus multimodales pour les sportifs de la discipline que pour les autres, cela se remarque également pour l'accès à du contenu sur le MMA à travers le jeu vidéo qui se fait à 28,9% pour notre premier groupe contre 10% de moins pour le second.

Ensuite, maintenant que nous connaissons les principaux accès multimodaux aux ressources numériques concernant le MMA, il est intéressant d'y constater l'intérêt existant pour cette utilisation.

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L'intérêt «de consommation numérique» concernant le groupe de pratiquant d'arts martiaux mixtes est hétérogène mais laisse distinguer principalement deux résultats en particulier, d'une part d'un intérêt concret pour l'apprentissage du MMA et de ses techniques mais d'autre part d'un intérêt informationnel afin de se tenir au courant des actualités portant sur la discipline. Il est également intéressant de souligner que pour les pratiquants de la discipline le divertissement ne revêt que la quatrième place en termes d'intérêt. De plus, le suivi de personnalités sportives du MMA prédomine également. Le constat de cette enquête montre une forme de continuité «extra-pratique» sportive qui vise à s'instruire techniquement, d'être «à jour» dans ce sport mais aussi d'en suivre les icônes qui en plus d'être des «stars» de la discipline en sont des sportifs hors pairs ce qui explique la prédominance du suivi des sportifs et stars de ce sport sur le divertissement. Ressort ainsi de cette analyse une centralisation plus axée sur le sport que sur le spectacle marquant ainsi finalement une prédominance sachant que le MMA est socialement caractérisé comme «sport-spectacle».

Résultat tout aussi intéressant que différent chez le groupe de non pratiquant qui place le divertissement au coeur de son intérêt d'utilisation et de visionnage de contenu portant sur le MMA avec une réponse majoritaire de 59,4% des répondants suivi de l'apprentissage du sport et de ses techniques à 46,9%.

La comparaison des deux groupes met ainsi en exergue un intérêt plus technique pour l'un et plus divertissant pour l'autre ce qui maintient et valide l'inscription historique du MMA comme sport-spectacle et de son évolution recherchant conjointement un équilibre entre la compétition sportive, l'encadrement du sport mais aussi l'organisation d'événement et de confrontation spectaculaire.

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Fait intéressant, à la question «Recherchez-vous un contenu particulier sur le MMA ?», notre analyse précédente se maintient et se confirme avec une différence de réponses entre les deux groupes laissant encore une fois une appréciation plus technique pour un groupe et plus «spectaculaire» pour l'autre.

Nous pouvons à travers le recensement des réponses ci-dessus, observer un attrait véritablement technique lors du visionnage numérique des pratiquants de MMA. Ce qui, plus que la recherche de «sport-spectacle» que nous connaissons propre à la majorité des spectateurs non pratiquants (et que notre étude confirme), s'inscrit dans une perspective d'apprentissage technique par le numérique. Des réponses comme «les beaux gestes de KO et les combats épiques" ou encore «Trash talking et compilation de KO» existent tout de même mais de manière moindre que l'intérêt spectatoriel technique de l'ensemble de nos pratiquants. Il serait tout de même intéressant d'approfondir cette étude par une diffusion encore plus large d'un questionnaire comme celui-ci tout en établissant un échantillonnage pleinement représentatif tant au niveau de l'âge que la durée de pratique des répondants afin de définitivement confirmer cette recherche. De plus, nos répondants expriment avoir principalement débuté le MMA pour «perfomer dans la pratique de la compétition» à 46,9%

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ce qui peut également expliquer cette attention plus particulière pour l'apprentissage et l'appréciation technique plutôt que spectaculaire.

Contrairement à notre précédent groupe, les non pratiquants sont quant à eux plus intéressés par des contenus de «Compilation de KO», de «Trash talking» ou encore des «Pesées» qui composent la grande majorité des réponses. Il est par ailleurs assez étonnant qu'à cette question aucun des répondants si ce n'est un seul d'entre eux ne précise «l'apprentissage technique» sachant qu'ils étaient 46,9% à répondre être intéressés par l'apprentissage du sport et de ses techniques. Ainsi, le second groupe semble être beaucoup plus attiré par le MMA comme «sport-spectacle» avec la recherche de spectaculaire notamment à travers les compilations de KO, d'actions «violentes» dans ce sport mais aussi de «show» à travers le trash talking que nous avons précédemment étudié et qui s'inscrit comme une véritable technique marketing dans les grandes organisations d'arts martiaux mixtes comme l'UFC.

Cette observation corrèle avec les contenus numériques proposés et notamment sur les réseaux sociaux de l'UFC, la chaîne Youtube UFC propose fréquemment des contenus portant sur des KO comme le «TOP 20 Knockouts in UFC History « comptabilisant des centaines de millions de vues.

L'intérêt de ce type de contenu réside dans sa capacité à fédérer un public (occasionnel ou non) qui peut-être «profane» de la discipline mais qui peut y apprécier la dimension sportive ( à rappeler que les pratiquants de MMA consultent également ce type de contenu) mais aussi et surtout spectaculaire. Ainsi, le visionnage de ce type de contenu ne nécessite ni recherche et nul besoin en connaissance technique afin d'en apprécier la dimension109 purement «spectaculaire» et esthétique contrairement à des sports comme le baseball qui nécessite une connaissance particulière des règles afin d'en apprécier plus largement la prouesse sportive. L'opposition de deux combattants dans un Octogone semble à priori innée de sens pour les

109 Rappelons que le «spectacle» n'est qu'une des deux dimensions du MMA qui est avant tout un sport mais qui a construit son modèle économique et marketing sous l'appelation et sous la volonté d'être un «sport-spectacle»

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spectateurs et permet ainsi de générer une expérience spectatorielle mais aussi sensorielle avec la création et le maintien d'un suspens.. De plus, il n'est pas rare d'entendre des commentaires comme «Je n'aimerai pas être à sa place» ce qui montre la capacité du spectateur à s'insérer pleinement dans la tension combative des confrontations mais aussi de ce type de compilation de KO et de contenu «spectaculaire». Le numérique et les réseaux sociaux permettent ainsi de populariser le MMA auprès de spectateurs habituels, de pratiquants avec des connaissances techniques plus poussées mais également à des spectateurs occasionnels qui représentent tout de même 45,8% de nos répondants du second groupe. L'alliance entre le sport et le spectacle semble ainsi être une alliance «gagnante» capable de créer un public hétérogène à l'intérêt variable.

Afin d'alimenter cette étude portant sur les recherches et l'intérêt spectatoriel pour le MMA par le prisme du numérique, nous avons établi deux entretiens avec des spectateurs110 habituels de la discipline. Au premier entretien établi avec notre répondant plus âgé111 et dont nous avions précédemment dans cet ouvrage, observé son début d'intérêt en tant que spectateur pour le MMA durant l'époque du Pride112, nous l'avons questionné sur ses préférences de visionnage des contenus numériques en lien avec ce sport« Ce que je préfère je pense, comme beaucoup c'est le spectaculaire. C'est bien de voir la technique de voir un kickboxeur contre un mec qui fait du jiu-jitsu brésilien ou du grappling, les oppositions de style quoi mais ça reste le spectaculaire. Pourquoi le spectaculaire ? Je sais pas peut-être qu'on a grandi dans un environnement de violence ça doit jouer même si maintenant on est plus censé être responsable ça reste toujours ce côté spectaculaire.» En ressort de cette réponse un élément premièrement très intéressant qui réside comme nous avons pu le voir jusqu'ici sur l'essence même des arts martiaux mixtes fondés initialement sur l'opposition de style. Cette notion d'opposition de style tend tout de même à disparaître avec l'augmentation de la polyvalence des combattants dans les combats au sol ou debout mais semble garder sa popularité et son intérêt notamment auprès des spectateurs plus âgés ayant connu le sport à ses débuts.

Ensuite, le répondant évoque un intérêt prioritaire sur le spectaculaire en l'associant à la violence que peuvent prendre les combats d'arts martiaux mixtes ce qui rejoint par ailleurs ce

110 Il s'agit ici de l'entretien de spectateurs ne pratiquant pas la discipline. La nuance est ici importante car comme nous avons pu le voir il existe des intérêts divergents en fonction de la pratique des arts martiaux mixtes ou non.

111 répondant âgé d'une trentaine d'année.

112 Autrefois l'une des plus grandes organisations de MMA avant d'être rachetée par l'UFC.

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grand intérêt spectatoriel sur les canaux numériques et notamment sur les réseaux sociaux pour les compilations de KO.

Par ailleurs, nous avons pu voir qu'au sein de la discipline il y avait plusieurs moyens de «neutraliser» son adversaire parmis les plus populaires nous avons les fameux KO tant plébiscités du public et traditionnellement rattaché au combat debout et aux sports de percussions, mais nous avons également les soumissions majoritairements ici associées au combat au sol et faisant emprunt à des techniques de grappling ou de jiu-jitsu brésilien.

Souvent les «KO» sont perçus comme plus surprenants ou encore plus «spectaculaires», mot qui revient tout au long de cette étude et transcende par ailleurs toutes les périodes que nous avons jusqu'ici évoquées. Nous avons ici cherché à savoir si le combat debout et marqué par des frappes (ou percussions) autrement appelé le «striking» était préféré par nos répondants au combat au sol. «le striking, le coup de poing, pour moi le coup de poing ca reste la base de tout» nous répond notre premier interrogé et le second répondra à cette question par «Je préfère le striking car le combat au sol 9 fois sur 10 on dort, on se fait chier on s'endort c'est ni amusant ni plaisant à regarder». Ainsi la préférence des spectateurs interrogés semble résider dans «l'amusement» , le plaisir de regarder un sport esthétiquement impressionnant et violent, bien que le combat au sol soit une partie intégrante du déroulement des combats de MMA et même une partie fondamentale pour exceller dans la pratique de ce sport comme l'invaincu Khabib Nurmagomedov, la préférence semble donner dans les échanges de coup en combat debout perçu comme plus violents, plus spectaculaires et plus intenses car aussi peut-être plus commun (avec la popularisation notamment des sports tels que la boxe anglaise) ou encore perçus comme moins technique que le combat au sol. Une prédominance semble ainsi se porter sur le spectacle que sur la prouesse sportive pure avec pour les plus expérimentés d'entre nous, la connaissance de toutes la subtilité mais aussi la technicité non visible pour le combat au sol aux yeux de certains spectateurs sur les techniques du sport, ce qui peut donc amener à une impression de combat plus "soporifique".

De plus, historiquement le marketing autour du MMA et de l'UFC que nous avons pu voir, tourne autour de l'esthétisme perçu plus que reçu avec des blessures plus spectaculaires que traumatiques qui sont également caractéristiques du striking et qui sont partagées sur de nombreux réseaux sociaux sans nécessiter chez la part du spectateur de grande connaissance technique afin d'en apprécier la confrontation. Tout comme les logiques télévisuelles mais

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également vidéographiques percevables sur la plateforme Youtube, le spectateur doit être maintenu en éveil, une tension doit se maintenir, un esthétisme doit marquer l'oeil mais aussi une certaine intensité, un certain rythme propre aux logiques spectatorielles du numérique. Ainsi, de nombreux modèles de vidéo sur Youtube par exemple, sont rythmés par de nombreuses coupures, des bandes sons, des visuels afin de maintenir le regard du spectateur sur la vidéo, il en est de même avec le striking selon les résultats de notre enquête. Le striking permettrait d'après nos entretiens de maintenir une intensité propre au logique télévisuelle «Ce que je préfère c'est les combats intenses, l'intensité du combat, soit les techniques simples, traditionnelles, de boxes anglaises ou des techniques plus originales». Bien évidemment le manque d'appréciation pour le combat au sol ne résulte pas nécessairement d'un manque de connaissance pour ce style de combat ni de connaissance technique, mais notre étude a montrée qu'une plus grande technicité perçue ou concrète dans le MMA serait plus apte à plaire à des pratiquants qu'à des non pratiquants de la discipline.

L'intérêt de notre étude qualitative portant sur les recherches et les motivations des spectateurs à consulter du contenu numérique portant sur le MMA nous a par ailleurs permis d'observer outre de ce que nous avons déjà ici développé, l'importance des réseaux sociaux et celà notamment au travers de débriefs et d'actualités portant sur ce sport. Ainsi, comme a pu le montrer notre sondage de nombreux spectateurs souhaitent percevoir des informations «additionnelles» sur la discipline afin d'en rester à jour mais également afin d'avoir une perception plus «professionnelle» de ce sport dépassant ainsi le simple visionnage d'un contenu qui ne serait qu'uniquement spectaculaire. «Après chaque combat je regarde une chaîne sur youtube qui parle de MMA, elle s'appelle La Sueur, je trouve que ça apporte beaucoup de bien au MMA, là ou beaucoup regarde uniquement le côté violent, bah là ca apporte un vrai professionnalisme, si tu penses que les mecs c'est des mecs violents bah tu te trompe. C'est un sport comme un autre, c'est des mecs super entraînés, ils savent ce qu'ils font c'est super bien encadré, t'as des médecins t'as tout ce qu'il faut. C'est tous des professionnels, après bien sûr t'as des gars qui viennent entre guillemet de la rue qui ont plus cet instinct de violence mais c'est complétement différent, mais je trouve que les chaînes comme La Sueur ça brise ce côté de violence donc c'est pour ça que j'aime bien regarder les débriefs».

Le numérique à travers notamment la diffusion de vidéos professionnelles mais aussi amateurs de médias du MMA semble ainsi grandement contribuer à la popularisation de ce

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sport et celà notamment par l'explication de game-plan113 , de technique mais aussi d'informations portant sur les combattants, leurs entraînements et même leur état d'esprit. Ce type de contenu apporte selon nos répondants une réelle réponse sur les questions autrefois posées concernant la légitimation du MMA, une réponse et une preuve du professionnalisme qui résulte de la pratique de la discipline au sein des grandes organisations d'arts martiaux mixtes bien que celles-ci surenchérissent parfois dans le spectacle et de la mise en avant d'une violence qui est finalement strictement encadrée.

Enfin, la starification des combattants que nous avons précédemment étudiée semble auprès de nos deux répondants au sein de cette enquête qualitative, être une motivation pour le visionnage et pour l'intérêt porté sur le MMA mais aussi une forme de garantie tant sur la technicité, la performance sportive que sur le «show» que ces derniers peuvent proposer «Forcément je suis plus hypé par les combats stars c'est là ou y'a le plus de tension, le plus d'engouement, le plus d'adrénaline, le plus d'intensité et puis les stars ça reste les meilleurs combattants je serai plus hypé mais je suis aussi capable de regarder un combat entre guillemet moins important par exemple j'étais à fond devant le combat de Belal Muhammed et Vicente Luque».

Notre recherche prouve et valide donc ainsi ici des différences significatives mais aussi certains points communs entre l'intérêt spectatoriel des pratiquants de la discipline et des non pratiquants. Cette recherche souligne également la capacité du MMA à travers les grandes organisations d'arts martiaux mixtes mais également à travers le numérique, de répondre à ces intérêts et d'ainsi caractériser un équilibre presque-parfait entre le sport et le spectacle que nous connaissons aux arts martiaux mixtes aujourd'hui et qui permet leur démocratisation et leur popularisation fulgurante à travers le monde.

« Il ne s'agit pas seulement de l'avènement du MMA, mais également de celui du sport-spectacle, dont la fonction est d'assurer l'incertitude et la recherche d'identification du spectateur, par la fabrication de combattants rivaux, mais sans altérer l'égalité de l'opposition. Le sport-spectacle doit créer une intensité dramaturgique durant les combats

».114

113 Stratégie sportive prédéfinie afin de maximiser ses chances de victoire.

114 Y.RAMIREZ «Dans la cage du MMA, Sociologie d'un sport du XXIe siècle» 2021, p39.

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Nous avons pu voir jusqu'ici les principales phases évolutives du MMA ainsi que son évolution symbiotique avec le numérique lui assurant une popularisation auprès d'un public de plus en plus hétérogène, mais comme dans toute phase de popularisation, des influences manifestent et notamment du numérique, peuvent affecter la pratique sportive du MMA au profil de spectateur toujours plus demandeur en apprentissage sur le sport ou encore en demande de spectacle.

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"Aux âmes bien nées, la valeur n'attend point le nombre des années"   Corneille