Institut Supérieur de Philososphie
RépubliqueTogolaise
et des Sciences Humaines (ISPH) Travail-Liberté-Patrie.
Don Bosco Lomé-Togo.
DE LA CRITIQUE DE LA DURABILITE : POUR
UNE JUSTICE
ENVIRONNEMENTALE PARTICIPATIVE
Mémoire en vue de l'obtention du grade de Master
ès-Sciences de l'Homme et de la Société
(SHS)
Mention : Philosophie Contemporaine
Présenté par : Dirigé
par:
M. Tchilabalo ADJOUSSI M. Komi KOUVON
Maître de Conférences
2018
DE LA CRITIQUE DE LA DURABILITE : POUR UNE
JUSTICE
ENVIRONNEMENTALE PARTICIPATIVE
iv
A Nicolas HULOT
Remerciements
Nous exprimons tout d'abord notre profonde gratitude à
notre Directeur de mémoire M. Komi KOUVON M.C, pour sa
disponibilité et ses conseils tout au long de la rédaction de ce
mémoire jusqu'à sa soutenance.
Nous disons ensuite nos sincères remerciements au
Révérend Père Dieudonné OTEKPO, Directeur
académique de l'Institut Supérieur de Philosophie et des Sciences
Humaines Don Bosco, et à tout le corps administratif pour avoir rendu
possible notre formation. Nos sincères remerciements vont
également à tous nos Enseignants pour nous avoir inculqué
la rigueur dans le travail et l'amour du travail bien fait.
Nous témoignons enfin notre reconnaissance à la
famille ADJOUSSI pour avoir permis et soutenu la réalisation de ce
mémoire. Merci à la Communauté des Petites Soeurs de la
Sainte Famille de Yokoè pour son soutien tout au long de notre
formation. Nos remerciements vont également aux Missionnaires comboniens
du Coeur Sacré de Jésus pour toute leur sympathie durant notre
formation. Enfin, merci à vous tous frères et amis qui nous avez
soutenu d'une manière ou d'une autre tout au long de notre formation.
vi
Sommaire
Introduction ...1
Partie I : Les fondements de la durabilité ..6
Chapitre 1 : Les signes précurseurs de la
durabilité 8 Chapitre 2 : La conscience écologique et la
construction conceptuelle de la durabilité..23
Partie II : Evaluation critique de la durabilité ..35
Chapitre 3 : Les contradictions internes de la durabilité
.37
Chapitre 4 : La durabilité entre idéal et fait
.44
Partie III : Revitalisation de la durabilité par la
justice environnementale participative ...51
Chapitre 5 : Repenser la durabilité .53
Chapitre 6 : La responsabilité : fondement de la justice
environnementale ..58
Chapitre 7 : La justice environnementale participative, condition
de possibilité de la
durabilité 68
Conclusion ..76
Bibliographie ..82
Index ...85
Résumé:
Ce mémoire vise à faire ressortir la
nécessité de la justice environnementale participative
fondée sur la responsabilité, au sens jonasien du terme, dans le
processus de l'atteinte des Objectifs du Développement Durable (ODD) en
partant de la critique du développement durable
systématisé par le rapport Brundtland. Ce travail défend
l'idée que la responsabilité, au sens philosophique du terme, est
efficace dans le processus d'atteinte des Objectifs du Développement
Durable (ODD) car tandis que la durabilité est plus une idée
pieuse à l'endroit des générations à venir vu les
dégradations environnementales actuelles, la responsabilité quant
à elle est à la fois un appel inconditionnel à la prise
conscience des dégradations non seulement actuelles mais aussi à
venir et un appel inconditionnel à l'action afin de prévenir les
générations futures contre les dégradations
environnementales souvent irréversibles en vue de la justice
environnementale. De ce fait, la justice environnement n'étant plus
isolée de l'action devient participative.
Mots-clés : Développement durable, justice
environnementale participative, responsabilité, durabilité.
Abstract:
This thesis aims to highlight the need for participatory
environnemental justice based on responsibility, in the sense of H. Jonas, in
the process of achieving the objectives of sustainable development. This work
supports the idea that responsibility in the philosophical sense is effective
in the process of achieving the objectives of sustainable development because
while sustainability is more a pious idea for future generations given
environnemental degradations this responsibility is both an unconditional call
for awareness of current environnemental degradations, but also an
unconditional call for action to prevent future generations from
environnemental degradations, which is often irreversible, for environnemental
justice. As a result, environnemental justice no longer being isolated from
action becomes participatory.
Keywords: sustainable developpement, participatory
environnemental justice, responsibility, sustainability.
1
Introduction
La protection de l'environnement et la lutte contre les
inégalités environnementales sont devenues de nos jours des
préoccupations de premier ordre au niveau mondial. Ces concepts
n'échappent pas de nos jours aux médias, aux débats
intellectuels ainsi qu'aux conférences intergouvernementales. La cause
de cette mobilisation mondiale c'est deux siècles de
développement (du XVIIIe au XXe siècle) qui ont conduit à
la crise écologique. En effet, même si les modifications de
l'environnement par l'homme remontent à l'apparition de l'homme
lui-même, les modifications actuelles de l'environnement sont
inquiétantes à cause de la rupture dans les processus
biochimiques et écologiques anciens causée par la
déforestation, l'industrialisation et l'intensification des pratiques
agricoles et aussi le réchauffement de la planète comme le note
si bien C. Grino (2001). Pour dire concrètement en quoi consiste ces
phénomènes, E. Bonnefous (1973, p. 22) note:
On estime que 700 millions d'hectares de terre
cultivées sont plus ou moins dégradées. La superficie des
déserts a augmenté de 1milliard d'hectares depuis que l'homme a
entrepris sa lutte contre la nature, et la FAO signale que le Sahara «
avance» chaque année de 1,5 à 10 kilomètres.
L'activité inconsidérée de l'homme a détruit
à ce jour 2 milliards d'hectares de terre, soit 15% de toutes les terres
continentales, 24% de toutes les terres aujourd'hui cultivables.
De nos jours ces chiffres se sont accrus. Les
dégradations de la biosphère ont dès lors une envergure
mondiale et bien que nul n'échappe aux méfaits d'un tel
état de faits, ses conséquences sont subies de façon
inéquitable; iniquité qui d'après C. Larrère
(2017), se remarque quand certaines catégories sociales en souffrent
plus que d'autres de façon significative; plus de 12 millions
d'individus meurent selon l'OMS (2016) parce qu'ayant vécu ou
travaillé dans un environnement insalubre, les enfants et les personnes
âgées étant les plus exposés. Cet état de
rareté relative de l'environnement, impose une jouissance
limitée des qualités environnementales, constitue, tel que le
signalait P. Van Parijs (1991), la condition suffisante pour évoquer le
concept de justice et notamment de justice environnementale dans notre
contexte.
La prise de conscience des dérèglements
écologiques remonte à la seconde moitié du XXè
siècle, précisément en 1968, par la publication des
rapports de prévisions catastrophiques en matière
environnementale, démographique, économique et sociale par le
club de Rome. Puis s'ensuivront d'autres conférences qui auront pour but
à la fois, d'accroitre la conscience environnementale et de
remédier à cet état de fait; ce fut dans cette logique
qu'en 1971, 2200 scientifiques s'adressaient au monde entier par le Message
Menton pour
2
prévenir une catastrophe écologique; en 1972 a
lieu la Conférence de Stockholm sur « l'environnement humain »
(première conférence des Nations Unies sur l'environnement).
En 1980, les mouvements de justice environnementale aux
Etats-Unis attirent l'attention sur les inégalités
environnementales persistantes telles que la construction des habitations
près des sites pollués, les dépôts des
déchets toxiques dans certains voisinages; les populations socialement
vulnérables étant les plus touchées. C'est dans la logique
de la résolution de la crise écologique à partir de ses
deux polarités à savoir la dégradation de l'environnement
d'une part et les inégalités environnementales d'autre part que
se tient en 1992 la Conférence de Rio « le sommet de la Terre
» qui adopte le développement durable, proposé par la
commission Brundtland (1987) comme nouveau paradigme de développement
mondial. Après Rio, la conférence de Kyoto en 1997 reviendra sur
la nécessité de réduire les émissions de gaz
à effets de serre; s'ensuivront les différentes
Conférences des Parties (COP).
Dans ce concert de conférences, la conférence de
Rio reste capitale car ce fut elle qui, ayant connu la participation de 170
chefs d'Etats, adopta officiellement le développement durable comme le
nouveau paradigme de développement dont l'objectif est de juguler la
crise écologique. Ce nouveau paradigme de développement a
précisément pour but, d'après ladite conférence,
d'interpeller les responsables des dégradations environnementales en
l'occurrence les pouvoirs publics et les décideurs économiques
pour que ceux-ci prennent leurs responsabilités conformément
à la déclaration N°8 de Rio qui stipule: « afin de
parvenir à un développement durable et à une meilleure
qualité de vie pour tous, les Etats devraient réduire et
éliminer les modes de production et de consommation non-viable».
C'est dans cette perspective que le développement durable se veut, d'une
part une solution immédiate aux inégalités
environnementales par un changement de la gestion politique de l'environnement
et d'autre part, une solution préventive dans l'optique de l'article 14
de la déclaration de Rio:
Les Etats devraient concerter efficacement leurs efforts pour
décourager ou prévenir les déplacements et les transferts
dans d'autres Etats de toutes activités qui provoquent une grave
détérioration de l'environnement ou dont on a constaté
qu'elles étaient nocives pour la santé de l'homme.
La conférence de Rio reconnaît donc l'importance
de l'implication des politiques dans la résolution de la crise
écologique. Bref, dans l'esprit du rapport Brundtland (1987), le
développement durable est un processus de transformation dans lequel
l'exploitation des ressources, la direction des investissements, l'orientation
des techniques et les changements
3
institutionnels se font de manière harmonieuse et
renforcent le potentiel présent et à venir permettant de mieux
répondre aux besoins et aspirations de l'humanité; tout ceci
passant par le renforcement des rôles et des capacités des agences
chargées de la protection de l'environnement et de la gestion des
ressources.
Force est alors de constater que malgré la force des
principes de la durabilité et sa mise en application depuis 1992, les
dégradations et inégalités environnementales
crèvent encore les yeux, signe de la persistance de la crise
écologique. La persistance de ces inégalités et de la
détérioration biosphérique laisse dire que derrière
la prétendue lutte pour parvenir à l'égalité face
aux risques environnementaux et à résorber les
dégradations environnementales, la société de classes
semble se perpétuer. Et reconnaître la persistance de ces
inégalités sociales permet de comprendre comment les logiques
sociales et les rapports politiques qui ont pris en otage la durabilité,
continuent de mettre en danger la vie des plus vulnérables; d'où
la nécessité de la justice environnementale qui se résume
d'après C. Larrère (2017, p.35) à : « repérer,
mesurer et corriger les inégalités environnementales ».
Etant une critique des inégalités
environnementales et d'un usage anarchique des qualités
environnementales, la justice environnementale est aussi une critique des
retombées disproportionnées des politiques de la protection de
l'environnement qui profitent surtout aux riches et ignorent les pauvres. Ceci
étant, de façon objective, les politiques environnementales ne
profiteront aux populations défavorisées qu'à condition
que ceux qui réclament la justice environnementale, en l'occurrence les
populations pauvres, soient en mesure de prendre part effective à la
délibération. Mais plus qu'une simple accession aux instances de
décision, la participation consiste précisément
d'après C. Larrère (2017, p.27) à s'inspirer de « la
façon dont d'autres communautés se sont organisées pour
restaurer des biens communs ». C'est dans cette logique que s'inscrit
notre travail intitulé: de la critique de la durabilité : pour
une justice environnementale participative.
Notre critique de la durabilité ne sera pas les 17
Objectifs du Développement Durable (ODD) qui embrassent les
sphères de la pauvreté, de la faim, de la santé, de
l'éducation, de l'égalité des genres, de l'accès
à l'eau et à l'assainissement, de la croissance durable
inclusive, de l'énergie, des infrastructures, de
l'inégalité entre les pays, de l'indépendance des villes,
de la lutte contre les changements climatiques et ses impacts, de la protection
des océans, de la gestion durable des forets, de la promotion des
sociétés justes et de la revitalisation du partenariat mondial,
ni un reniement de la durabilité ;au contraire, notre critique de la
4
durabilité est une analyse foncièrement
conceptuelle de la durabilité dans le but de la méthode classique
de la durabilité qui est l'adoption des initiative de réparation
des dommages environnementaux par les institutions sans l'avis des populations
concernées; initiatives qui le plus souvent ne sont pas adaptées
aux réalités locales; d'où notre question principale: en
quoi la justice environnementale participative est une condition de
possibilité de la durabilité? Cette question principale
s'éclate en trois questions spécifiques qui orienteront notre
travail.
En 1971, le « Message Menton» alertait toute la
planète de l'état de notre biosphère déjà en
détérioration. Cependant, comme le signale C. Larrère
(2017), il était possible d'éviter la catastrophe en
écartant ce qui nous divise et fusionner nos efforts autour du
péril qui nous unit; principe sur lequel reviendra le rapport Brundtland
qui, tout en insistant sur le fait que la globalisation du danger unifierait
les intérêts divergents dans la lutte contre les
dégradations écologiques, incère la notion des
générations à venir dans la construction conceptuelle de
la durabilité. Au nom de quels fondements peut-on s'employer à
comprendre une telle configuration de la durabilité?
Une fois ces fondements mis au jour, il faudrait rappeler que
la finalité de la durabilité est de parvenir à une
réduction considérable des émissions de gaz à
effets de serre, d'orienter la consommation énergétique vers les
énergies renouvelables, de parvenir à une nouvelle gestion des
espaces urbains afin d'y réduire la pollution, de règlementer
l'exploitation des ressources minières et fossiles par souci pour les
générations à venir et de juguler les
inégalités environnementales. Mais, peut-on vraiment nier
l'inefficacité des politiques qui visent à mener à cet
idéal?
Or sans sensibilité environnementale, tous les efforts
de restauration de l'environnement et des inégalités
environnementales sont voués d'avance à l'échec. Au nom de
quel modèle peut-on dès lors s'employer à résoudre
les inégalités environnementales et de là, la crise
écologique? Ces trois questions spécifiques débouchent sur
trois hypothèses de travail.
Partant de l'évidence que la durabilité est un
paradigme de développement qui se veut protecteur de l'environnement et
économiquement soutenable en vue de juguler les inégalités
environnementales, elle se pose comme un moyen préventif des
dégradations environnementales d'une part et réparateur des
inégalités qui en ont découlé d'autre part.
Ancrée dans le rapport Brundtland, la durabilité tire donc ses
fondements des dégradations
5
environnementales devenues inquiétantes depuis la
seconde moitié du vingtième siècle et des injustices
environnementales. Ceci étant, la durabilité est tout
entièrement dédiée au mieux-être des
générations futures.
Bien que justifiée dans ses fondements la
durabilité est néanmoins prise en otage par une complexité
conceptuelle, politique, économique ainsi que par les divergences
éthiques; tout ceci fragilise la durabilité pouvant mener
à dire que, plutôt que de juguler la crise écologique, la
durabilité contribue à son accentuation visible par les
indicateurs de dégradation environnementale.
Au coeur de cette complexité, une solution à la
crise écologique reste néanmoins envisageable dans la mesure
où, tel que le signale une fois encore C. Larrère (2017), ceux
qui réclame la justice environnementale participent non seulement
à la délibération mais aussi à la restauration des
qualités environnementales. La solution à la crise
écologique émergerait donc de la participation.
Pour vérifier ces hypothèses, nous
appréhendons le présent travail dans la logique d'une
reformulation conceptuelle et méthodologique de la durabilité.
Pour y parvenir, nous procédons d'abord par une analyse des fondements
de la durabilité. Cette analyse permettra d'établir le lien entre
la croissance de l'inquiétude environnementale et la construction
conceptuelle de la durabilité. Une fois ce lien cadré et compris,
nous procéderons ensuite à une évaluation critique de la
durabilité eu égard à la persistance de la crise
environnementale de nos jours. De là, une redéfinition de la
durabilité nous permettra de mieux appréhender la justice
environnementale participative.
Cette démarche sera structurée en trois parties
qui constitueront les grandes articulations de notre travail; dans la
première partie de notre travail, il s'agira pour nous de
préciser les fondements de la durabilité. Dans la deuxième
partie, il s'agira de son évaluation critique; ce qui nous permettra
enfin, dans la troisième partie, de poser la justice environnementale
participative comme source revitalisante de la durabilité dans le
processus de la transition écologique.
6
Partie I:
Les fondements de la durabilité
7
Dans cette première partie intitulée les
fondements de la durabilité, notre travail a consisté
à rappeler les fondements du développement durable permettant de
mieux cerner le contexte d'émergence de la durabilité et ses
enjeux. En effet, il s'est agit pour nous de répondre à notre
première question spécifique qui est: au nom de quels fondements
peut-on s'employer à comprendre la configuration de la
durabilité?
Les signes précurseurs de la durabilité en tant
que paradigme de développement, d'après nos recherches, se
regroupent en quatre faits complémentaires à savoir: une
surexploitation de la nature conduisant à l'altération de la
capacité de la planète à reproduire les conditions de son
équilibre, le réchauffement de la planète et les
inégalités environnementales. C'est dans ce contexte de crise
écologique qu'émergera plus tard la durabilité comme la
solution pouvant garantir un mieux être de l'homme en relation avec son
écosystème.
Pour élucider ces propos, nous avons structuré
notre première partie est deux chapitres; dans le premier chapitre
intitulé les signes précurseurs de la durabilité,
nous nous sommes appesanti sur la surexploitation de la nature qui a conduit
à l'altération de la planète à reproduire les
conditions de son équilibre; altération qui se manifeste par
l'épuisement des ressources, les pollution de l'eau, de l'air, de
l'environnement sonore; la destruction de la couche d'ozone, la pression sur
les écosystèmes.
Dans le second chapitre intitulé la conscience
écologique et la construction conceptuelle de la durabilité,
eu égard aux dérèglements de la biosphère auxquels
nous avons fait allusion au premier chapitre, nous avons mis en exergue
l'impact de la prise de conscience du mal-être de notre biosphère
qui s'est manifestée par la tenue des différentes
conférences sur l'environnement et finalement à la naissance
théorique du développement durable.
8
Chapitre1- Les signes précurseurs de la
durabilité
1.1- Les dérèglements de la
biosphère
1.1.1- L'effet de serre
La question de la crise écologique dont nous nous
proposons de rappeler les fondements, s'appréhende
généralement sous deux aspects essentiels ; la
préoccupation liée à la biosphère dans un premier
temps et celles liées aux ressources d'autre part. D. Bourg (2012, p.8)
écrit:
Il y a deux aspects essentiels sur le plan environnemental
aujourd'hui: D'une part, les questions liées aux
dérèglements de la biosphère : changement climatique,
érosion de la biodiversité- qui n'est pas tant la
réduction du nombre d'espèces que l'appauvrissement
génétique au sein de chacune d'entre elles qui obère
l'aptitude du vivant à s'adapter-, cycle de l'azote, acidification des
océans, etc. (...). D'autre part, les questions liées aux
ressources, qu'il s'agisse des énergies fossiles, des minéraux,
de l'eau douce, des ressources biotiques et des grands services
écologiques.
La possibilité de la vie sur terre a une dette envers
l'atmosphère riche en oxygène mais aussi à la
température terrestre adéquate au foisonnement de la vie. L'effet
de serre est en effet un piège énergétique qui retient une
partie de l'énergie solaire reflétée par la terre dans
l'atmosphère de façon à maintenir la surface de la terre
à une température moyenne de 15° idéale à la
vie, au cas contraire elle serait de - 19°. J.-P. Déleage (1992,
p.224) écrit en ce sens:
(...)La terre est une machine thermique recevant en permanence
un flux de rayonnement solaire d'une puissance de 1,75.1014
kilowatts (175 milliards de KW, soit dix mille fois la consommation annuelle
d'énergie de toutes les sociétés humaines). L'albedo
terrestre moyen qui représente la part de cette énergie
directement réfléchie ou rediffusée vers l'espace, est de
30%. Les 70% restant animent la grande machine planétaire: vaporisation
des eaux océaniques ; chauffage différentiel des masses d'air
à l'origine des vents, photosynthèse.
Cette harmonie entre la terre et tous ses constituants nous
laisse dire, toujours avec J.-P. Deléage (1992) que la terre est un
être vivant qui interagit constamment avec son environnement
physico-chimique, formant avec lui un seul être vivant; interaction qui
rend encore possible la vie sur terre.
Cette harmonie semblait aller de soi jusqu'à
l'avènement de la société de consommation qui a
désorganisé le rythme de ces phénomènes naturels
;désorganisation qui s'explique par le fait qu'il y a désormais
un déséquilibre entre le style de vie très consommateur
d'énergies et très polluant d'une part et le rythme de
régénération des ressources naturelles et de
l'atmosphère d'autre part. A. Kiss (2005, p.85) écrit: «
l'avènement de la société de consommation a rendu
manifeste le déséquilibre entre ce style
9
de vie et les ressources naturelles de la planète
». Ce déphasage entre le style de vie et la disponibilité
des ressources naturelles, surtout en ce qui concerne les ressources
énergétiques fossiles, ne va pas sans incidence sur
l'atmosphère; en effet, dans cette course aux ressources, l'Organisation
de Coopération et de Développement Economique (OCDE)
prévient que d'ici 2050, si aucune disposition n'est prise, le
coût de l'inaction pourrait être énorme; car d'ici 2050, la
demande énergétique augmentera de 80% couverte essentiellement
par les énergies fossiles. La conséquence directe de cette hausse
de la consommation énergétique est l'impact sur l'effet de serre.
En effet, la combustion des énergies fossiles libère
différentes sortes de gaz nocifs dont les plus reconnus sont le dioxyde
de carbone (CO2) et les chlorofluorocarbones; ces gaz a effet de serre sature
l'atmosphère qui est naturellement doté de l'effet de serre
entrainant ainsi une augmentation sensible de la température terrestre
avec pour conséquence le refroidissement de la stratosphère qui
favorise la destruction de la couche d'ozone.
Ces préoccupations pour la pureté de l'air
prennent de l'importance à partir des années 1960 car l'on avait
une conception traditionnaliste de la pollution celle de la pollution
ponctuelle de l'air. Elle devient mondiale après le constat des
catastrophes naturelles telles que l'acidification et la mort des lacs, la
disparition des forets, les pluies acides etc. c'est ce que notifie J. Vernier
(2007, p. 24) : « l'acidification et la mort des lacs scandinaves ou
canadiens, la mort des forets par les « pluies acides» en ont
été témoins. En 1968, l'Organisation des Nations Unies,
soucieuse de la détérioration de l'espace humain,
décrète une conférence mondiale sur « le milieu
humain », ce qui rendu possible la conférence de Stockholm en 1972
; mais bien avant cette conférence, en 1968 les chefs d'Etats et de
gouvernements africains organisaient une convention sur la conservation de la
nature et des ressources naturelles; néanmoins, la conférence de
Stockholm reste le principal témoin de la prise de conscience mondiale
de la préoccupation environnementale.
Ces deux conférences avaient toutes le même
objectif qui est celui de prendre conscience des dégradations
environnementales en général et de la pollution
atmosphérique en particulier dont les principales causes, d'après
J. Vernier (2007, p.23) sont:
Les installations fixes de combustion (chauffage domestique,
centrales électriques thermiques, chaudières industrielles), les
transports automobiles et certains procédés de fabrication
industriels quant aux usines (cimenteries, production de gaz naturel, usines
d'aluminium, usine de sidérurgie, raffineries de pétrole, usines
agroalimentaires).
10
Toutes ces rencontres ont préparé les travaux de
la commission Brundtland, qui dressait un récapitulatif de la pollution
atmosphérique en ces termes:
L'utilisation de combustibles fossiles et, dans une moindre
mesure, la disparition de la couverture végétale- notamment des
forets- accroissent l'accumulation de CO2 dans l'atmosphère. Avant
l'ère industrielle, la concentration atmosphérique de CO2
était environ de 280 parties par million (PPM).Cette concentration
atteignait 340 en 1980 et l'on pense qu'elle s'élèvera à
560 entre le milieu et la fin du siècle prochain. (...) En milieu
urbain, les émissions de combustibles fossiles les plus
préoccupantes, que leur source soit fixe ou mobile, sont les suivantes:
anhydride sulfureux, oxyde d'azote, monoxyde de carbone, divers composés
organiques volatils, cendres et autres particules en suspension1.
Dans ce contexte de pollution et de dégradation de la
couche d'ozone, les océans jouent le rôle de régulateur de
la pollution atmosphérique, car ils absorbent jusqu'à 50% du C02
produit par les activités anthropiques ; mais les océans
pourront-ils continuer à absorber les quantités de plus en plus
énormes de C02? Et l'homme pourra-t-il continuer à supporter le
réchauffement climatique et ses corolaires sans porter atteinte à
son espèce ? J. Vernier (2007, p.37) écrit dans cet ordre
d'idée:
Aujourd'hui 50% de CO2 produit est absorbé actuellement
par les océans, ce qui retarde le phénomène, mais les mers
ne seront-elles pas bientôt saturées? Le réchauffement
augmente l'évaporation de l'eau, mais cette vapeur d'eau
supplémentaire dans l'atmosphère amplifiera l'effet de serre :
n'y a-t-il pas risque d'accélération, voire d'emballement du
phénomène?
Les forêts qui ont également joué et
continuent de jouer un grand rôle dans la purification de
l'atmosphère sont soumises aussi à rude épreuves de nos
jours; selon les chiffres fournis par le Groupe d'Experts Intergouvernemental
de l'Evolution du Climat (GIEC), 60 % des écosystèmes sont
exploités au-delà de leurs capacités, 36,6 millions
d'hectares de forêts ont disparu au cours des cinq dernières
années, rendant plus vulnérable la protection contre les
pollutions atmosphériques.
Ces statistiques laissent voir clairement que ni la mer ni le
couvert végétal n'arrivent à jouer son rôle de
purificateur de l'atmosphère; mais tout comme l'air, l'eau, l'une des
ressources rares et pourtant indispensable à l'humanité, est
aussi soumise à rude épreuve.
1.1.2- La pollution de l'eau
L'eau c'est la vie dit-on. Cette ressource rare indispensable
à la vie se voit menacée par des comportements abusifs qui
mettent à mal l'abondance de cette ressource rare pour nous et pour ceux
qui viendront après nous. La vue satellitaire de la terre pourrait faire
douter
11 Rapport Brundtland, 1987, p.141.
11
du fait que l'on parle de pénurie d'eau sur terre car
les 3/4 de la terre sont couverts d'environ 1385 millions de kilomètre
cube d'océans, mers, lacs, fleuves, nappes phréatiques
souterraines confondues; toujours selon M. Barah (2005), étant
donné que l'eau salée domine, l'eau potable dont dispose toute la
terre revient à 2,5% de cet ensemble soit 34 millions de
kilomètres cube sur les 1385 millions de kilomètres cube et
l'essentiel de cette eau douce serait conservé dans les iceberg et
indisponibles pour l'instant.
Cette quantité limitée d'eau n'est pas la raison
justificatrice de l'inégale répartition de l'eau sur la
planète car, de nombreuses études ont été
menées sur les quantités d'eau dont dispose la terre et ces
études infirment l'hypothèse de la pénurie. M. Barah
(2005, p.142) écrit dans cet ordre d'idée: « le peu de
ressources en eau renouvelable disponible aujourd'hui reste suffisant pour
surseoir aux besoins de l'humanité. A condition cependant d'en faire une
utilisation sage, équilibrée et bien encadrée, ce qui est
souvent loin d'être le cas ». Et ce constat était
déjà dressé par le rapport Brundtland qui notait:
La consommation mondiale d'eau a doublé entre 1940 et
1980 et l'on s'attend à ce qu'elle double encore d'ici 2000, les 2/3 des
quantités prévues allant à l'agriculture. Et pourtant, 80
pays représentant 40% de la population mondiale souffrent
déjà de sérieuses pénuries d'eau2.
La distribution d'eau douce est marquée par une
injustice que l'on peut qualifier de naturelle car certaines étendues
sont tellement arrosées et débordantes d'eau, les zones
équatoriales par exemple, alors que d'autres se trouvent dans une
situation déplorable de manque d'eau, les déserts notamment. Nous
prenons à témoins les zones humides d'Afrique d'Amérique
du Sud qui sont bien arrosées alors que certains points du globe comme
le Sahara, le Kalahari, sont presque à sec tout au long de
l'année. Et pourtant ces zones arides du globe ne sont pas
traitées selon une règle de justice équitable. Par exemple
la ville de Las Vegas bâtie en plein désert de Mojave n'a rien de
comparable avec la Somalie où les troupeaux de bêtes meurent
chaque jour de soif et où les hommes vivent dans un permanent besoin
d'eau. Tel que l'énonce une fois encore M. Barah (2005), partie sur une
base de distribution inéquitable des ressources en eau, aujourd'hui
l'humanité se voit confrontée à la réalité
de la pénurie en eau et trois facteurs seraient responsables de cette
situation: l'irrigation, le gaspillage et la pollution.
L'irrigation, comme le souligne E. Bonnefous (1973, p.23), est
toujours apparue comme « la conquête pacifique par excellence de la
nature»; cette irrigation permet de nourrir aujourd'hui toute
l'humanité indépendamment des saisons en exploitant 70% des
2Rapport Brundtland, 1987, p.239.
12
13
ressources mondiale d'eau douce renouvelable. Les
méfaits de l'irrigation ne se limitant pas seulement à
l'épuisement des ressources mondiales en eau douce, il faut
également noter que cette pratique fait remonter du sel à la
surface ce qui grille les sols. Ainsi que le note E. Bonnefous (1973, p.23) :
« 30% des 12 millions d'hectares irrigués en Union
Soviétique sont salés et nécessitent des mesures
d'assainissement; quant aux USA, un hectare sur deux est partiellement
stérile ».
En plus de l'irrigation, le gaspillage a aussi sa part de
responsabilité dans l'épuisement des réserves d'eau. En
effet:
Notre quotidien est fait d'habitudes et gestes qui impliquent,
d'une manière ou d'une autre, une utilisation fréquente de l'eau.
Toilette personnelle, évacuation de nos rejets ou encore entretien de
l'état de nos biens sont ainsi autant de pratiques qui, combinées
à une nécessaire hygiène de vie, ont consacré l'or
bleu comme élément incontournable de notre quotidien. Mais, ces
habitudes étant bien évidemment tout à fait
justifiées, il va de soi que c'est à compter du moment où
se présentent des usages incontrôlés et injustifiés
de l'eau que les signaux d'alarme se doivent d'être actionnés (M.
Barah, 2005, p.143).
Des gestes anodins comme le brossage au robinet ouvert, les
bains hebdomadaires d'engin (voiture par exemple), les douches longues, le
dispositif hydraulique, arrosage des jardins etc. sont souvent les
manifestations de ce gaspillage. Contrairement à l'idée que l'on
a souvent que ce gaspillage est plus remarqué dans les pays
développés, il faudrait noter que les pays en voie de
développement sont souvent les plus grands gaspilleurs en eau car, l'on
y rencontre un équipement hydraulique purement occidentalisé
avec, comme le note M. Barah (2005), des infrastructures
dépassées, c'est-à-dire trop consommatrice d'eau, ce qui
les rend plus gaspilleurs en matière d'eau que les pays
développés qui luttent à présent pour
réduire leur consommation en eau.
Notons également que la pollution atmosphérique
a aussi des conséquences sur l'eau en ce sens qu'elle altère la
qualité de l'eau. Encore une fois, le rapport de conséquence
entre révolution industrielle, société de consommation,
pollution et qualité de la vie est mis en exergue. En effet les rejets
des usines, des moyens de déplacement, les déchets non
biodégradables inhérents à notre vie quotidienne augmente
de plus en plus la teneur en substances toxiques dans les cours d'eau infectant
ainsi les eaux de ruissellement qui contaminent ensuite les sources.
L'industrialisation de nos sociétés et les
retombées dues à la pollution croissante qui l'accompagnent, du
fait des rejets dont sont coupables les usines et moyens de locomotion,
contribuent en effet à augmenter la teneur des cours
d'eau en substances toxiques. M. Barah (2005, p.143) écrit:
L'eau qui sert à arroser les terres s'infiltre dans les
sols avant de rejoindre les nappes souterraines et elle entraîne, dans sa
course, toutes sortes de polluants et produits chimiques qui contribuent
à souiller une eau qui est par définition très lente
à se renouveler.
En plus des cours d'eau qui sont les premiers vecteurs de ces
déchets toxiques, progressivement ce sont les mers, les lacs, les
océans et les nappes phréatiques souterraines qui sont tous
infectés et, dans un cercle vicieux, infectent la santé de
l'homme; ainsi qu'elle le dit:
Et cette tendance qui, une fois de plus, touche le plus
souvent des pays pourtant déjà démunis en la
matière, se confirme malheureusement jour après jour, en
dépit des nombreuses protestations et mises en garde agitées par
un nombre non négligeable d'organisations non gouvernementales (ONG)
» (M. Barah, 2005, p. 144).
Face à toutes ces dégradations,
l'humanité est comparable à, comme le signalait H. Reeves (2013),
un train qui fonce à 100 k/h vers un mur; fait auquel deux solutions
s'offrent: soit diminuer la vitesse à 90 km/h soit changer de train.
Mais malgré l'urgence de l'heure, la décision tarde encore; c'est
ce qu'attestent les pollutions toujours croissantes, s'étendant
jusqu'à l'environnement sonore.
1.1.3- La saturation de l'environnement sonore
De la machine à tisser antique à la machine
électronique moderne en passant par la machine à vapeur, la
relation entre l'homme et les machines s'est consolidée. Ces
machines/moteurs ont inauguré, avec leur considérable
utilité à la vie de l'homme, une ère de bruit à
telle enseigne que l'on puisse affirmer, sans euphémisme, avec V.
Decleire (2006, p. 240) :« le bruit des moteurs est devenu l'une des
composantes sonores emblématiques de notre société
envahissant une bonne partie de notre environnement sonore »; en plus des
moteurs qui constituent la majorité de notre environnement sonore, le
génie technologique a rendu possible, ainsi qu'elle le dit: « les
voix sans corps qui parlent et chantent par-delà le temps et
l'espace» (V. Decleire, 2006, p. 240); E. Giuliani (2006, p.238)
écrit: « les signes sonores de la technologie moderne -
téléphones portables, montres à sonnerie automatique ou
celles qu'une marque suisse fameuse agrémentée d'un tic-tac
indélébile - ont enrichi la gamme des pollutions auditives
».
14
15
16
La saturation sonore de notre environnement tout en
étant un mal social, est une alarme qui interpelle sur les
répercussions néfastes de la modernité sur l'homme et donc
sur la société. Notons que le bruit est ici
appréhendé comme l'ensemble des agitations bruyantes et
désordonnées. Les répercussions négatives de cette
pollution, tant ignorées restent pourtant réelles et très
nocives. Elles sont d'ordres physiologique et psychologique. En effet
d'après B. Leboucq (2006, p.232), la pollution sonore citadine frise les
90 décibels, or l'oreille souffre aux alentours de 110 décibels
et les dommages définitifs de l'ouïe apparaissent quelques minutes
après 115 décibels et la douleur s'établit à 120
décibels tout en sachant que l'ouïe se dégrade avant
l'apparition de la douleur; étant donné que l'environnement
sonore citadin se situe autour de 90 décibels, tout son, pour être
audible, doit dépasser l'environnement sonore de 15 décibels
c'est-à-dire doit atteindre 105 décibels avec l'oreille se
dégradant à 120 décibels. Bref, ceci étant, plus de
la moitié de la population mondiale cohabite le dommage de l'ouïe
qui est un organe de sens indispensable à un jugement
équilibré. La conséquence physiologique directe de la
pollution sonore reste la perte de l'ouïe qui entraine une augmentation
toujours croissante du bruit.
Nous vivons constamment dans le bruit, il suffit de penser
à une journée de travail normale pour que nous nous rendions
compte de la quantité de bruit que nous cohabitons. E. Giuliani (2006,
p.235) écrit:
Après un claquement de porte et un vibrato d'ascenseur,
vite oubliés, me voici dans la rue. D'une sonnette guillerette et
écologique, une voisine vélocipédiste avertit les passants
encore embrumés de sa trajectoire sillonnante entre trottoir et
chaussée. Son allègre civisme antipollution et antibruit est vite
laminé par le fracas des embarras de la circulation urbaine. Ici un
automobiliste, déjà agressif, teste sur tout un chacun son
trompetant klaxon ; là, le camion des poubelles siffle, ronronne,
éructe pour signaler ses manoeuvres de pachyderme. Plus loin, un
motocycliste pétaradant - existe-t-il une autre catégorie de
motocycliste ? - cloue le bec à toute la gent à moteur. Je me
réfugie dans un autobus, accueillie par le tintement argentin de la
machine à contrôler les cartes de circulation. Plus virile et
métallique semble la décharge de l'appareil à composter,
destinée aux voyageurs munis de tickets. Ma ligne étant fort
perfectionnée, une chaleureuse voix féminine (certes
synthétique) annonce scrupuleusement chaque arrêt. Pour
l'accompagner, les usagers exhibent les performances de leurs
téléphones mobiles ou de leurs baladeurs numériques.
(...)Studieuse sans doute, silencieuse sûrement pas, l'atmosphère
du « bureau » où je m'installe résonne de mille bruits
insistants, insinuants, stressants à la longue. De ceux dont on dit que
« ça fait du bien quand ça s'arrête ! ». Je me
sens comme prise dans une centrifugeuse sonore : le ronronnement des
ordinateurs, le téléphone, les rappels à l'ordre des
photocopieuses lorsque « l'original est oublié sous le capot
», les diverses alertes informatiques et autres messages d'erreur qui,
gentiment mais bruyamment, vous préviennent de l'arrivée d'un
e-mail ou d'une frappe erronée sur le clavier... Pour
échapper à cet arrière-plan bourdonnant, un petit tour de
« shopping » à l'heure du déjeuner livre mon oreille
à d'autres épreuves. L'attrait champêtre d'une petite robe
d'été repérée dans une vitrine est aussitôt
démenti par le bombardement sauvage des haut-parleurs qui truffent la
boutique et déversent un flot de notes hyper-amplifiées.
Le bruit est considéré comme une pollution dans
une certaine mesure; et comme le note C. Grino (2001, p. 41) :
L'environnement est un mot dont l'origine anglo-saxonne
signifie «milieu ». Il est introduit en France en 1927 par le
géographe français Vidal de La Blache et désigne dans son
acception écologiste le cadre de vie, c'est-à-dire l'ensemble des
conditions externes qui rendent possible et conditionnent l'existence des
êtres vivants, d'une population, d'une communauté, y compris des
sociétés humaines. Le terme « environnement » suppose
un sujet placé au centre, qu'entoure l'environnement. Il met donc
directement en rapport l'environné avec son milieu. L'environnement dont
il est question dans les discours écologistes est celui de l'homme, non
du lapin ou de la luzerne. Le bruit par exemple est souvent
dénoncé en tant que pollution sonore, alors qu'il ne constitue
pas un facteur de perturbation des écosystèmes. Il ne devient une
pollution qu'en référence à l'environnement humain.
Le bruit ne serait donc pas objet de notre réflexion
s'il suffisait de montrer qu'il contribue à la perte de l'ouïe et
par conséquent à une surdité mondiale. Le bruit nuit
à l'humanité du fait qu'il est l'agent principal qui maintient le
monde dans une voie qui est responsable de la dégradation
écologique et dont nous essuyons déjà les
conséquences. C'est-à-dire que le consumérisme qui est le
maitre-mot de la modernité et de la postmodernité a
été et reste encore divulgué par le truchement des «
voies sans corps» qui identifient besoin et plaisir conduisant à
une consommation sans raison ni limite; elles sont les principales voies de
divulgation d'un mode de vie irresponsable principalement par le truchement des
publicités et de la célébration d'un mode de vie
occidentalisé tel que le note D. Tabutin (2000) et qui est responsable
de l'aggravation de la crise écologique. Abondant une fois encore dans
le même sens, E. Giuliani (2006) affirme que de sérieuses
études en marketing ont révélé une
corrélation favorable entre la diffusion de la musique et le taux
d'achat des clients. La musique en particulier apparaît ici comme une
drogue dont le but est de limiter le raisonnement logique sur les choix
nécessaires pour laisser libre cours au désir afin de n'opter que
pour le plaisant plutôt que le nécessaire; une façon de
taire la délibération. En plus du conditionnement psychologique
dont est responsable le bruit et qui conduit à l'obstination sur la
consommation, le bruit, qu'il provienne des moteurs ou machines,
présuppose une consommation d'énergie; par conséquent,
l'augmentation du bruit dans l'atmosphère ambiante due à la
surdité généralisée présuppose
également une augmentation de la consommation énergétique
déjà inquiétante.
Plus qu'un danger physiologique, l'environnement sonore, comme
explicité plus haut, est une drogue subtile qui éloigne du
nécessaire vers le plaisant et donc capable de mettre en danger
l'humanité tout entière par des options peu
réfléchies tant individuelles que communautaires qu'il
inspire.
La saturation atmosphérique, les pollutions de l'eau et
de l'environnement sonore, bien qu'ayant une responsabilité importante
dans l'avènement de la durabilité, n'en sont pour autant pas les
seuls facteurs ; l'épuisement des ressources, très
inquiétant, en est un aussi.
1.2- L'épuisement des ressources terrestres
Les préoccupations sur l'épuisement des
ressources datent de la préhistoire car, l'homme préhistorique
sachant que les ressources s'épuisent, faisait déjà des
réserves de nourriture pour sa famille garantissant ainsi l'avenir.
Cette préoccupation n'a cessé de hanter l'homme tout au long de
l'histoire; elle deviendra plus accrue surtout à partir XXe
siècle où l'on se rend à l'évidence que les
ressources sont limitées. A. Kiss (2005, p.85-86) écrit:
Une des premières conventions mondiales visant à
la protection d'espèces sauvages dans un but autre que leur exploitation
est la convention de Paris du 19 mars 1902 « pour la protection des
oiseaux utiles à l'agriculture ». L'objet de cette convention est
significatif. Ainsi, la condamnation des « oiseaux nuisibles », en
particulier des rapaces nocturnes et diurnes -- dont la plupart sont
protégés aujourd'hui -- en dit long sur les motivations de cette
convention. Les années 1930 ont apporté des progrès dans
ce domaine avec l'adoption de la convention de Londres du 8 novembre 1933,
relative à la conservation de la faune et de la flore à
l'état naturel (...) Un autre progrès a été
accompli aux Amériques avec la convention de Washington du 12 octobre
1940 pour la protection de la flore, de la faune et des beautés
panoramiques naturelles des pays de l'Amérique. Toutefois, ses
dispositions étaient peu contraignantes.
Indispensables à la vie et à
l'épanouissement de l'Homme, les ressources constituent la
matière de base de la vie de l'homme et leur manque serait fatal pour
lui. Ces ressources, qu'elles soient d'ordre énergétique,
minéral ou biotique, demeurent toutes essentielles à la vie de
l'homme. S'agissant des ressources énergétiques fossiles, de nos
jours, elles demeurent presqu'incontournables dans la production de
l'énergie pour raison la grande confiance qui est mise de nos jours en
cette ressource. La croissante dépendance de l'humanité
vis-à-vis des énergies fossiles, notamment le charbon et le
pétrole qui sont les plus prisées, inquiète en ce sens
qu'il est établit de nos jours avec certitude que ces réserves
énergétiques sont en voie de finition; l'inquiétude surgit
essentiellement donc de la peur du futur: qu'allons-nous devenir si les
énergies fossiles venaient à s'épuiser? A cette question
les scientifiques proposent l'option des énergies renouvelables. Mais
au-delà des inquiétudes quantitatives, une inquiétude
qualitative se pose; celle de savoir, nous fiant à la
célèbre maxime scientifique de Lavoisier (1743- 1794) « rien
ne se perd rien ne se crée tout se transforme », qu'avons-nous
créé par la combustion de ces énergies fossiles? Et la
réponse devient d'ailleurs plus inquiétante. Tel que le
prévoyait le rapport Brundtland (1987, p.14) : « pour que le
17
développement durable puisse advenir dans le monde
entier, les nantis doivent adopter un mode de vie qui respecte les limites
écologiques de la planète » ; et non dans la confiance aux
alternatives énergétiques dont les répercussions
négatives plausibles sur l'environnement ne sont pas encore
perçues.
Selon F. Baddache (2006), la nouveauté apportée
dans la vie de l'homme moderne depuis le Congrès International
d'Architecture Moderne d'Athènes en 1933 et renchérie
après la seconde guerre mondiale, c'est la cohabitation avec le
métal. Aujourd'hui, cette cohabitation, devient plus accrue car
désormais, l'homme explore les mines non pour fabriquer de simples
bijoux, des couteaux et des armes pour sa défense, mais pour fabriquer
des locomotives en acier, des wagons, des voitures, les coques de bateaux, les
rails, des joyaux, etc. Car, désormais entassés dans les villes,
les hommes ont besoin, non seulement de s'y déplacer mais aussi de
rallier les villes entre elles et les campagnes aussi. Au fil du temps,
l'augmentation de la population mondiale imposant une augmentation des besoins,
les extractions minières n'ont cessé de croître pour
assouvir à tous les besoins du monde. Cette augmentation n'interrogeait
guère avant que l'on ne se rende compte de la nature finie de ces
précieuses ressources.
De 1970 à 2000 la demande en ressources minières
mondiale a doublé et l'on s'attend à ce qu'elle double encore
d'ici 2050 ; selon l'Agence Internationale de l'Energie (AIE), la consommation
du pétrole seul a plus que doublé de 1973 à 2010 passant
de 6107 millions de tonnes à 12719 millions de tonnes en 2010 ; bien que
les prévisions sur la raréfaction du pétrole ne permettent
pas d'avoir, de façon exacte, une idée claire de ce fait, il se
pourrait, d'après l'Institut Français du Pétrole et des
Energies Nouvelles (IFPEN), que le pic de production mondiale de pétrole
se situe entre 2015-2025 ; période après laquelle le
pétrole commencera à se raréfier jusqu'à
épuisement. Quant aux ressources minières, selon le Service
Géologique des Etats-Unis (USGS), si l'on s'obstine à garder le
niveau de consommation actuel, l'argent aurait des réserves pour 13 ans,
le zinc 17 ans, l'indium (pour fabriquer les téléviseurs LCD) 19
ans, le plomb pour 22 ans, l'étain, le cuivre et le nickel pour 50 ans,
l'uranium pour 70 ans. Ce délai risque d'être raccourci une fois
encore avec l'émergence des « BASIC» ((Brésil, Afrique
du Sud, Inde et Chine) pour qui l'objectif de consommation est sans limite.
A l'état actuel de nos connaissances, il n'est nul
doute que ces ressources, une fois épuisées, puissent être
valablement substituées par d'autres sûrement plus
séduisantes, mais
18
l'inquiétude qui se pose n'est pas celle de la
plausible substitution des ressources minières en disparition par
d'autres mais celle de savoir si, continuant sur cette lancée, nous
sommes sûrs de léguer aux générations futures un
monde que nous serions heureux d'habiter? Car cette surexploitation des
ressources naturelles révèle l'ampleur de la consommation de
presque toutes les ressources, construites à partir de
phénomènes naturels depuis des millénaires, en un
intervalle de deux siècles. Ces deux siècles que nous avons
considéré comme « les siècles de progrès»
(D. Méda, 2008, p.2) qui ont révolutionné la
qualité de la vie de l'homme, sont devenus au contraire les
siècles de la damnation de l'humanité.
La révolution industrielle, a donc instauré un
nouvel ordre de développement basé sur l'exploitation des
ressources, la transformation puis la vente de produits finis entrainant
l'accumulation inégale de la richesse et la pollution de l'environnement
; la ville est le lieu par excellence où se retrouvent toutes les
caractéristiques qui inquiètent de nos jours.
1.3- La révolution urbaine et la pression sur
les écosystèmes
Si l'on considère avec M. Puech (2005) que la
caractéristique essentielle de l'homo Sapiens est la technologie,
étant animal politique, la conséquence qui en découle
serait la consolidation du lien social en tant que cadre idéal de mise
en pratique de cette technologie ; ce qui s'exprime pleinement par la vie
citadine ; et c'est pour mettre l'accent sur l'urbanisation, devenue
spectaculaire de nos jours que D. Tabutin (2000, p.1) écrit:
Dans l'histoire occidentale des deux derniers siècles,
comme dans celle des régions du Sud depuis 50 ans, les transitions
démographiques, liant fécondité, mortalité,
nuptialité et mobilité, se sont déroulées
parallèlement -ou corollairement - à un processus d'urbanisation
dans l'ensemble très rapide.
Le rapport Brundtland dans le même contexte notait:
Nous sommes au siècle de la « révolution
urbaine ». Pendant 35 années qui se sont écoulées
depuis 1950, la population des villes a presque triplé, soit une
augmentation de 125 milliard. Dans les régions les plus
développées, elle a presque doublé, passant de 447
millions à 838
millions. Dans les pays peu développés, elle a
quadruplé, passant de 286 millions à 1,14
milliards3.
L'urbanisation est donc un phénomène
omniprésent et toujours en croissance; aujourd'hui, elle varie de 22% en
Afrique de l'Est à 78% en Amérique du Sud (Uruguay); croissance
qui s'explique par le processus de modernisation. A D. Tabutin (2000, p.09) de
renchérir: « La modernisation est un processus
d'homogénéisation sur le modèle européen et
3Rapport Brundtland, 1987, p.194.
19
20
américain ». Car, tel qu'il le dit, la ville est
apparue comme un maillon essentiel pour atteindre l'objectif du capitalisme:
l'accumulation de richesses; et tel qu'il le dit toujours:
La ville crée les conditions nécessaires au
« décollage », au « progrès », au «
développement », voire « la civilisation » par sa
qualité de rassemblement de l'élite, en changeant les
mentalités et les modes de vie des individus, en créant une
nouvelle culture» (D. Tabutin, 2000, p.10).
Bref, la ville devient le lieu où l'homme devient
vraiment moderne. Les Nations-Unies (1953) abondent dans le même sens et
précisent, les motifs qui poussent à vivre en ville sont en
l'occurrence le désir d'ascension sociale pour soi et ses enfants, le
changement des statuts et rôles de la femme, le progrès du niveau
de vie, le coût croissant de l'enfant, la sécularisation de la
société, le recul de la mortalité. Ces bienfaits de la
ville ont encouragé l'occupation des villes au détriment des
espaces ruraux entrainant aujourd'hui un surpeuplement des villes.
Les villes sont les points les plus habités au monde et
donc les plus grands producteurs de déchets dont le traitement ne peut
supprimer les risques de contamination; ce sont également les lieux les
plus confinés au monde et donc les plus étouffants pour l'homme
à cause de l'espace très limité et de la
préférence des « forets de béton» au
détriment d'espace vert; elles concentrent le plus grand nombre
d'unités industrielles et d'automobiles qui ne cessent de polluer l'air
par les émissions de gaz. Tout porte donc à croire que la ville
moderne est un lieu de contraste car l'on pense s'y épanouir avec tout
le confort qu'elle offre aux plus grands risques pour sa vie; l'on y vient pour
améliorer ses conditions de vie mais les villes sont les symboles de
l'écart toujours croissant entre riches et pauvres. L'augmentation de la
densité citadine quant à elle porte préjudice à
l'environnement.
Ceci fut sûrement le motif pour lequel C. Fourier (1837)
rejeta la vie citadine au profit de la vie rurale. Car pour lui, la vie
citadine déshumanise les rapports sociaux car le commerce sous toutes
ses formes qui est le propre de la ville ne peut prospérer sans le
mensonge et la fraude par conséquent, l'homme ne peut vivre
épanoui que dans une communauté de vie et de travail à
taille humaine d'où la construction de phalanstère. Nous
inspirant de F. Fukuyama (1992), nous pouvons dire que la ville symbole de la
modernité est devenue la source du malaise écologique.
Comme souligné, étant donné que les
villes sont les lieux de contrastes les plus élevés entre riches
et pauvres et que la pauvreté soit l'une des causes de la pollution
d'une part, et d'autre part que la population urbaine estimée à 3
milliard 300 millions en soit la seconde, la
pression sur les écosystèmes devenue
insupportable fait des villes la principale cause de la crise
écologique. Comme le souligne le rapport Brundtland:
Les pressions énormes exercées sur les logements
et les services ont dégradé le tissu urbain. La plupart des
habitations des pauvres sont décrépies. Les bâtiments
publics sont souvent dans un état de délabrement et de ruine
avancés. Il en est de même de l'infrastructure essentielle de la
ville: les transports publics sont surpeuplés et suremployés, de
même que les routes, les
autobus et les trains, les gares, les latrines publiques et
les endroits que l'on peut utiliser pour le lavage4.
Bien que la ville dans son ensemble soit une cause majeure de
la crise écologique à cause de la surpopulation, les contrastes
qu'elle renferme notamment en termes d'inégalités
socio-économiques ont des répercussions
insoupçonnées sur l'harmonie biosphérique et contribuent
également à accentuer cette crise écologique qui menace la
vie.
1.4- La dégradation du lien social : les
inégalités environnementales
Le dérèglement de la biosphère
causé par les activités anthropiques est aujourd'hui d'ordre
mondial et nul ne saurait nier cet état de fait. Cependant, les effets
de ces dérèglements ne sont pas subis par tous de la même
manière et, pour reprendre C. Larrère (2017), les dommages
environnementaux ne sont pas équitablement répartis entre les
groupes sociaux. De ce fait, nous pouvons comprendre les
inégalités environnementales comme étant des
inégalités d'exposition aux risques environnementaux car
certaines catégories sociales en souffrent plus que d'autres.
Selon les dernières estimations de l'OMS
publiées en mars 2016, 23% des décès sont causés
par des facteurs environnementaux; 12,6 millions de personnes meurent du fait
d'avoir vécu ou travaillé dans un environnement insalubre les
enfants et les personnes âgées étant les plus
vulnérables. Les dérèglements de la biosphère ont
donc des effets directs (vagues de chaleur, inondations, sècheresse,
ouragans et tempêtes) ou indirects : « pollution de l'air, maladie
à transmission vectorielle du type de dengue, insécurité
alimentaire et malnutrition, déplacement de populations et maladies
mentales résultant des phénomènes climatiques externes et
du réchauffement» (C. Larrère, 2017, p. 33) sur la
santé de l'homme. Ici encore les populations les moins nantis sont les
victimes ; ce sont ceux qui vivent dans des zones immergées et
incapables d'alternatives devant les intempéries de l'environnement
qui
4 Rapport Brundtland, 1987, p.196.
21
sont encore victimes des dégradations de la
biosphère : ce sont les inégalités environnementales.
La question des inégalités environnementales
entre dans le débat de la crise écologique dans les années
1980 grâce aux mouvements de justice environnementale qui se sont
développés aux Etats-Unis. Avant cette révolution, parler
de la crise écologique se résumait juste au discours sur les
dégradations environnementales. Mais dès la révolution de
la justice environnementale aux Etats-Unis, il semble presque impossible de nos
jours de parler de crise écologique sans les inégalités
environnementales. Il s'est agit précisément pendant la
révolution de justice environnementale de 1980 d'une mobilisation locale
autour des problèmes liés à la pollution notamment les
habitations construites sur des sites pollués, le dépotage des
déchets toxiques autours des habitations, etc. La communauté
d'Afton dans le comté de Warren en Caroline du Nord, comme le souligne
C. Larrère (2017), est celle qui s'est le plus investie dans cette lutte
en allant jusqu'à protesté en faveur du sol surchargé en
pyralène (PCB), danger potentiel pour les populations; ces dangers
environnementaux frappant toutes les catégories vulnérables
à travers le monde. Mais au-delà d'une simple revendication de la
justice environnementale, ces mouvements revendiquent surtout un accès
aux ressources vitales qui restent inaccessibles jusqu'aujourd'hui à une
grande part de la population humaine. Or les dégradations de
l'environnement raréfient ces ressources, pire encore,
l'aménagement de l'espace sociétal rend de plus en plus
inaccessibles les ressources vitales pour les populations vulnérables.
C. Larrère (2017) en donne un exemple pertinent qu'est la
révolution verte dans les pays du Sud; cette révolution, en
réaffectant des terres, a rendu difficile l'accès à l'eau
et la collecte du bois de chauffage puisque les terres où les femmes
avaient accès à ces ressources sont affectées pour la
culture modernisée éloignant ainsi les espaces de ravitaillement.
Les inégalités environnementales, de façon simple se
comprennent ainsi:
A danger égal, les plus pauvres, les
défavorisés sont plus exposés: ils sont plus fragiles, ils
ont moins de solutions de rechange, ils ont plus de difficulté à
se construire. L'ouragan Katrina, qui a frappé La
Nouvelle-Orléans et sa région à la fin du mois
d'août 2005, entraînant des dommages considérables, tant
humains que matériels, est un exemple de cette inégalité
dans l'exposition aux risques (C. Larrère, 2017, p.10).
Même si cet ouragan a frappé de façon
équitable les habitants de La Nouvelle-Orléans, les victimes les
plus touchées, note C. Larrère (2017), sont les populations les
plus pauvres qui habitaient les zones les plus gravement submergées et
qui manquaient de moyens de les évacuer. Les inégalités
environnementales sont une conséquence non seulement des
22
événements qui frappent les plus
vulnérables mais aussi de leur vulnérabilité et
incapacité à choisir une alternative. Ceci laisse donc dire que
les inégalités environnementales seraient une conséquence
des inégalités sociales.
En plus de cette plausible corrélation entre les
inégalités sociales et environnementales, les
inégalités environnementales ne sauraient être seulement
une conséquence des inégalités sociales mais aussi fruit
d'un manque d'investissement humain dans les dégradations
environnementales; ceci entraine l'accentuation des inégalités
environnementales, l'occupation accélérée des zones
à risques, le déboisement, l'insalubrité, etc. qui sont
tous des péchés contre l'environnement. C'est de la prise en
considération de ces paramètres de la crise écologique que
se forme progressivement une conscience environnementale avisée et qui
donnera plus tard naissance à la durabilité comme objectif de
développement.
23
Chapitre 2 : La conscience écologique et la
construction conceptuelle de la durabilité
2.1- Du progrès scientifique à
l'inquiétude écologique
Inondations, destruction de la couche d'ozone, pluies acides,
fonte des glaciers, disparitions des espèces et des
écosystèmes, déboisement, réchauffement terrestre,
changements climatiques, avancée du désert, etc. sont des
évènements qui, autrefois effrayants, sont vécus et
assumés aujourd'hui presque de façon indifférente. La
crise écologique qui menace la vie sur terre et qui est abusivement
identifiée sous le vocable de « changements climatiques» qui
renvoie plutôt à une modification durable des paramètres
statistiques du climat global de la terre ou des divers climats
régionaux dus à des processus intrinsèques à la
terre et causé par des influences extérieures ou encore aux
activités humaines, est parvenue à son état actuel par une
obsession de la productivité présente dès les premiers
instants de la modernité. La conscience écologique bien
qu'étant récente et remontant aux années 70, ne peut mieux
se comprendre qu'à travers une reconsidération holistique de la
science moderne.
La caractéristique de la modernité est
essentiellement la structuration technologique à outrance. C'est en ceci
que la science moderne, marquée par un rapport permanent entre
l'application et la théorie, se démarque de celle antique
où la science essentiellement théorique se distinguait de la
technique. Nous remarquons cette distinction chez Platon dans le livre 5 de la
République où, argumentant sur le réel et
l'apparent, il affirme que seuls les philosophes peuvent parvenir à la
science par le biais de la contemplation qui ouvre sur les Idées,
archétypes de toute chose, et dont la pâle copie est le monde
réel. Mais la modernité installe un nouveau rapport entre la
théorie et la technique à telle enseigne que la frontière
entre ces deux domaines de savoir n'existe presque plus. Cette distinction
entre science spéculative et science pratique est également
signalée par R. Descartes (2014, p.34-35) qui écrit:
Mais, sitôt que j'ai eu acquis quelques notions
générales touchant la physique, et que, commençant
à les éprouver en diverses difficultés
particulières, j'ai remarqué jusques où elles peuvent
conduire, et combien elles diffèrent des principes dont on s'est servi
jusques à présent, j'ai cru que je ne pouvais les tenir
cachées sans pécher grandement contre la loi qui nous oblige
à procurer autant qu'il est en nous le bien général de
tous les hommes : car elles m'ont fait voir qu'il est possible de parvenir
à des connaissances qui soient fort utiles à la vie ; et qu'au
lieu de cette philosophie spéculative qu'on enseigne dans les
écoles, on en peut trouver une pratique, par laquelle, connaissant la
force et les actions du feu, de l'eau, de l'air, des astres, des cieux, et de
tous les autres corps qui nous environnent, aussi distinctement que nous
connaissons les divers métiers de nos artisans, nous les pourrions
employer en même façon à tous les usages auxquels ils sont
propres, et ainsi nous rendre comme maîtres et possesseurs de la
nature.
24
Par cette affirmation, la rupture entre la science antique
essentiellement théorique et la science moderne qui se veut un mixage de
la théorie et de la pratique, est consommée. Cette
séparation se comprend aisément dès lors que l'on
considère l'esprit de la Modernité. La Modernité
située selon V. Citot (2005) au XVe siècle, se pose et s'impose,
ainsi qu'il le dit, comme:
Une entreprise individuelle et sociale de libération
par rapport aux diverses tutelles qui maintenaient l'humanité dans un
état d'hétéronomie : la tutelle spirituelle, morale et
scientifique de l'Église, la tutelle politique et économique de
la monarchie, la tutelle esthétique des Anciens, la tutelle sociale et
psychologique de la famille patriarcale, etc. L'esprit de la modernité
est un esprit d'affranchissement, de libération, d'autonomisation. La
modernité apparaît ainsi comme la possibilité historique de
la liberté (V. Citot, 2005, p.3).
En un mot, la modernité est la
célébration de la liberté, liberté qui fut pendant
longtemps noyée par de longs siècles de tutelle spirituelle et
politique. L'esprit de la modernité, en octroyant la liberté
à l'individu par son arrachement à la tutelle
politico-spirituelle, se veux aussi l'inscrire à présent dans un
monde universel; ainsi nous pouvons dire que la modernité tout
en se voulant le royaume de l'individu, se veut aussi un royaume universel. La
conséquence de cette nouvelle configuration de l'homme moderne est
l'autonomie; autonomie qu'il faut comprendre dans son sens littéral
comme « trouver en soi sa norme » et qu'il faut différencier,
avec beaucoup de dette envers V. Citot (2005), de l'idio-nomie (réduire
la norme à soi).Cette autonomie présuppose que chaque individu a
la pleine disposition de lui-même et par conséquent capable de
s'élever à la pensée universelle. E. Kant (1784, 1)
écrit:
Qu'est-ce que les Lumières? La sortie de l'homme de sa
minorité dont il est lui-même responsable. Minorité,
c'est-à-dire incapacité de se servir de son entendement (pouvoir
de penser) sans la direction d'autrui, minorité dont il est
lui-même responsable (faute) puisque la cause en réside non dans
un défaut de l'entendement mais dans un manque de décision et de
courage de s'en servir sans la direction d'autrui. Sapere aude ! (Ose
penser) Ait le courage de te servir de ton propre entendement. Voilà la
devise des Lumières.
De cet impératif à l'usage de la raison
découle l'attachement des modernes à l'égalité.
Ainsi, l'égalité est reconnue entre tous les hommes car, bien
entendu, dans la cité Grecque qui fut le fondement de la
démocratie moderne, même si la parole était laissée
à tous les participants de l'agora, cette égalité
n'était pour autant pas partagée avec les femmes et les esclaves.
Ce fut ainsi qu'il le dit: « Ainsi, les hommes de la Renaissance ont les
premiers pensé une telle orientation, en taxant le passé de
dépassé, en définissant un « moyen âge
» dont ils entendaient se distinguer, eux qui se sont définis comme
hommes des « temps modernes » (V. Citot, 2005, p.42).
25
26
27
Dès lors, un nouveau concept voit le jour: « le
progrès» qui ne signifie pour le moment que la
supériorité par rapport aux époques
précédentes. Ce concept a pris la connotation scientifique de
l'innovation sous l'impulsion des sciences du XVIe et XVIIe siècle.
Dans la mise en oeuvre de ce projet de l'humanité, il
s'est agit essentiellement, dans un premier temps, de la mise en place des
valeurs essentielles de la modernité. Les grandes révolutions
sont culturelles. Bien que toutes ces révolutions contribuent à
la naissance de la pensée moderne, nous nous intéressons ici
uniquement aux révolutions scientifiques et philosophiques. En effet,
les XVIe et XVIIe siècles constituent le point d'ancrage de la
pensée moderne car ce fut en cette période que l'ancienne
représentation aristotélicienne du cosmos tombe devant les
découvertes de ce qu'il convient d'appeler la science moderne. Ce qui
coïncide aussi avec la réfutation du géocentrisme en faveur
de l'héliocentrisme dont Copernic est le premier théoricien.
Les conséquences de l'héliocentrisme sur les
sciences modernes ne sont plus à démontrer. Néanmoins,
notons que d'une part, comme le stipule A. Koyré (1973), le
triomphe de l'héliocentrisme ouvre la voie à une nouvelle
conception de l'univers qui n'a pas de fin;
La révolution copernicienne aura pour
conséquence ultérieure une nouvelle conception de l'univers : il
n'a plus de centre, il est infini, il est comme la géométrie
euclidienne, homogène, uniforme, déshumanisé (l'homme n'en
est plus le centre, et bientôt, Dieu n'en sera plus l'architecte) V.
Citot (2005, p. 54).
D'autre part, la révolution copernicienne ouvre la voie
à la vague des différentes recherches scientifiques sur un objet
qui n'est plus la pâle copie de quoi que ce soit. C'est dans ce contexte
que R. Descartes(2014), par le « cogito ergo sum » est l'un des
philosophes incontournables dans la construction conceptuelle de la
modernité; car il introduit le « je » comme une condition
sinéquanon pour atteindre la vérité; en d'autres termes
seule « l'intelligence » peut nous conduire à la
vérité: « Je doute, je démontre, et pendant ce temps,
Dieu attend » (V. Citot 2005, p.55).
La nouvelle compréhension du monde inaugurée par
l'héliocentrisme couplée avec la confiance dans le « je
» sont les principes porteurs de la révolution industrielle
née au XVIIIe siècle en Europe occidentale et qui est le summum
de la Modernité, la pleine expression de la science.
La science moderne a donc donné naissance à une
nouvelle ère dans l'histoire de l'humanité: l'ère de la
machine. Caractérisée désormais par l'application, la
science a donné naissance à une infinité de machines qui
permettent à l'homme d'effectuer avec plus de facilité ses
activités. Rappelons que ce qui est convenu d'appeler «
révolution industrielle » du XVIIIe siècle commence par la
construction de la machine à vapeur en 1712 par T. Newcomen utilisable
dans l'industrie et qui sera améliorée plus tard par James Watt
(1712). Or qui parle de machine, parle aussi d'énergie pour rendre
opérationnelles ces machines. Cette invention monumentale sera suivie
par celle de la locomotive à vapeur, toutes deux dépendantes de
la houille comme source d'énergie. Un peu plus d'un siècle
après, en 1859, le pétrole jaillit en Pennsylvanie grâce au
Colonel américain E. Drake qui réussit à forger le premier
derrick (tour de forage)5 , les autres découvertes et
inventions suivront.
Par cet engouement pour la science, durant deux
siècles, l'humanité a bouleversé l'équilibre de la
biosphère. Tous les déchets résultant de cet activisme
technologique, ne pouvant pas être tous éliminés, sont
délaissés dans la nature polluant les alentours des usines qui
généralement sont installées dans les
périphéries des villes où habitent les populations les
moins nantis. Aussi les gaz très polluants tels le CO2 et le CFC,
libérés par la combustion des énergies fossiles, ne
croisent pas de frontières conduisant à une dégradation
globalisée de l'environnement dont les répercussions sociales ne
sont plus à démontrer. Dès lors la crise écologique
est non seulement une crise environnementale mais aussi sociale par
l'introduction des inégalités environnementales.
Bien entendu, identifier la révolution industrielle
comme la cause des dégradations environnementales que nous essuyons
aujourd'hui n'insinue pas un reniement des prouesses accomplies par
l'humanité dans l'accroissement du confort dans tous les aspects de la
vie notamment sanitaire, alimentaire, communicationnel, intellectuel, etc.
grâce à la révolution industrielle; mais identifier la
révolution industrielle comme cause de la crise écologique
contemporaine revient plutôt à dire que la première cause
qui à conduit à la crise écologique est, comme D.
Méda (2012, p.2) écrit :« la focalisation de l'ensemble des
énergies sur l'activité de production » et l'ignorance des
conséquences à long terme d'un tel comportement sur
l'environnement et le tissu social; J. M. Bergoglio (2013,p.93) ajoutera:
« Ces problèmes (environnementaux et sociaux) sont
étroitement liés à la culture du jetable dans laquelle
nous
5Les grandes articulations
historiques de la révolution industrielle nous ont été
accessibles par le biais du lien
http:// www.linternaute.com.
Consulté le 20 mars 2016. Ces informations nous ont permis de mettre au
jour, de façon chronologique les différentes révolutions
scientifiques dans l'histoire couplées avec le harcèlement de
l'environnement.
vivons » justement parce que la production y est
surabondante. C'est de la connaissance de tous ces revers de la science moderne
que le développement durable se pose comme le nouveau paradigme de
développement pouvant sauver encore notre environnement.
2.2- La naissance théorique de la
durabilité
Le développement durable apparaît pour la
première fois dans les débats sur l'environnement dès les
années 1960 dans les houleux débats sur l'environnement et le
nucléaire, puis sera divulgué par la conférence de
Stockholm sur « l'environnement humain» en 1972 et culmine dans la
conférence sur la terre de Rio en 1992. Ce projet de vie bonne pour tous
les terriens s'est imposé comme alternative à la crise
écologique et est basé essentiellement sur la philosophie de la
finitude : on ne saurait se développer infiniment.
Partir du rapport Brundtland pour rendre compte du
développement durable ne signifierait pas que seul ce rapport parle
assez bien du développement durable, bien au contraire, avant la
conférence de Rio en 1992, les débats sur le développement
durable ne manquaient pas ; A. Kiss (2005, p. 85-86) écrit:
Une des premières conventions mondiales visant à
la protection d'espèces sauvages dans un but autre que leur exploitation
est la convention de Paris du 19 mars 1902 « pour la protection des
oiseaux utiles à l'agriculture ». L'objet de cette convention est
significatif. Ainsi, la condamnation des « oiseaux nuisibles », en
particulier des rapaces nocturnes et diurnes -- dont la plupart sont
protégés aujourd'hui -- en dit long sur les motivations de cette
convention. Les années 1930 ont apporté des progrès dans
ce domaine avec l'adoption de la convention de Londres du 8 novembre 1933,
relative à la conservation de la faune et de la flore à
l'état naturel (...) Un autre progrès a été
accompli aux Amériques avec la convention de Washington du 12 octobre
1940 pour la protection de la flore, de la faune et des beautés
panoramiques naturelles des pays de l'Amérique. Toutefois, ses
dispositions étaient peu contraignantes.
Ces bases seront les prémices des débats sur
l'environnement et le nucléaire dans les années 1960. Les
années70 verront la conférence de Stockholm en 1972,
réitérer les discours précédents; les années
80 seront celles de l'engagement des Nations Unies en faveur de l'environnement
par la création de la Commission Mondiale des Nations Unies sur
l'Environnement et le Développement (CMED) qui sera commanditaire du
rapport Brundtland en 1987 qui à son tour, sera adopté plus tard
à la conférence de Rio en 1992. Après la conférence
de Rio, d'autres conférences ont suivi notamment le Protocole de Kyoto
de 1997 dont le but était d'atteindre une réduction globale des
émissions de 5,2 % entre 2008 et 2012 ; ensuite les différentes
conférences des parties s'enchainent :
28
2001 (COP7) : Accord de Marrakech. Pour lutter contre le
changement climatique, cet accord prévoit une aide des pays
développés vers les pays en développement.
2005 (COP11) : le Protocole de Kyoto entre en vigueur. Puisque
55 pays ont ratifié ce traité et que tous les pays l'ayant
ratifié émettent au total au moins 55 % des émissions de
CO2 de 1990, ce Protocole est effectif.
2007 (COP13) : le Plan d'action de Bali. C'est le début
des négociations post 2005, c'est-à-dire post protocole de
Kyoto.
2008 (COP14) : Conférence de Poznan. Les 27 pays de
l'Union européenne sous présidence française s'entendent
sur les moyens de réduire leurs émissions de gaz à effet
de serre de 20 % en 2020 par rapport à 1990.
2009 (COP15) : Accord de Copenhague. Les leaders mondiaux se
sont mis d'accord sur un objectif de limitation du changement climatique
à 2°C et une aide des pays développés de 30 milliards
de dollars sur 2010-2012, porté à 100 milliards de dollars par an
en 2020.
2015 (COP21) : Conférence des parties des Nations unies
sur les changements climatiques. L'accord de Paris ratifié par de
nombreux pays a été une étape historique dans la
reconnaissance internationale de la notion de changement climatique. Un accord
universel ambitieux sur le climat qui a comme objectif de contenir la hausse
des températures bien en deçà de 2 °C, et de
s'efforcer de la limiter à 1,5 °C.
2016 (COP22) : Conférence des parties des Nations unies
sur les changements climatiques à Marrakech. Cette COP souhaite
s'inscrire dans la continuité de l'accord de Paris. Avec comme objectif
d'obtenir des engagements des pays sur des actions concrètes à
mettre en place pour lutter contre le changement climatique.
Depuis, les États se réunissent tous les ans
lors de grandes conférences pour discuter des solutions à mettre
en oeuvre6.
La remarque que nous pouvons faire et qui différencie
les différentes conférences suscitées du rapport
Brundtland est que ces différentes conférences ne se tiennent que
pour mettre en lumière ou statuer le plus souvent, sur un aspect de la
crise écologique soit le climat, soit les émissions des gaz
à effet de serre, soit le financement des pays en voie de
développement pour les aider à supporter les revers
négatifs de la crise écologique etc. Or le rapport Brundtland
quant à lui prend en compte l'ensemble de la crise écologique et
statue sur tous les aspects de cette crise, en d'autres termes le rapport
Brundtland est le texte fondamental qui met en lumière, et de
façon synoptique tous les aspects de la crise écologique, tout en
proposant les actions qu'il faudrait poser pour changer la donne.
Il s'inscrit dans la logique d'un bilan de la situation
écologique de la planète dont l'état devenait de plus en
plus préoccupant en un moment donné de l'histoire de
l'humanité.
6Les informations ci-dessus sur
les différentes conférences des parties nous sont parvenues
grâce au lien suivant:
http://www.mtaterre.fr/dossiers/le-changement-climatique/les-conferences-mondiales-sur-le-climat,
consulté le 05 mai 2017. Ces conférences nous montrent la bonne
volonté d'une action collégiale en faveur de l'environnement.
29
Notre avenir à tous coïncide avec une
grande avancée que l'humanité n'a jamais connue, il s'agit de la
sortie en orbite au tour de la terre; en effet, le rapport Brundtland dans ses
premières pages, précise d'ailleurs que la révolution
copernicienne a certes marqué un grand pas dans le domaine de la
connaissance de la situation de l'homme par rapport à tout l'univers,
mais mieux encore la sortie en orbite permet d'abord de mieux comprendre la
place de la terre dans l'univers et ensuite de mieux voir la planète
terre que nous habitons depuis le ciel et sa fragilité dans un vide
absolu.
La connaissance de la terre depuis le ciel est l'un des
éléments précurseurs du développement durable. De
l'espace, la terre renseigne mieux sur ce qu'elle est c'est-à-dire une
planète qui, toute différente des autres, est dominée par
la nature : océans, mers, nuages, verdure et sols d'où un
impératif pour l'homme d'intégrer ses habitudes à ce
qu'est la terre dans son ontologie, un lieu qui grouille de vie, afin de vivre
en symbiose avec elle. Or le constat amer que l'on fait est qu'au lieu que
l'homme s'ordonne selon le rythme de la nature, la tendance est qu'il s'impose
par ses activités et ses ambitions de plus en plus
démesurées. Le rapport Brundtland (1987, p.7) stipule: « Du
ciel, nous voyons une petite boule toute fragile, dominée non pas par
l'activité et les constructions de l'homme, mais par une
nébuleuse de nuages, d'océans, de verdure et de sols ».
Bien que notre avenir à tous mette un accent
particulier sur la gravité de la dégradation de l'environnement
causée par un activisme à outrance de l'homme, il exprime aussi
un espoir; l'espoir en la capacité de l'homme, capacité à
changer la donne et à restaurer la nature par un développement
responsable dont la toile de fond serait de « puiser sans épuiser
» les ressources comme le diront E. Dronne et R. Morin (2010) plus
tard.
Par ailleurs, le fondement de l'inquiétude, ce sont les
données scientifiques qui renseignent sur l'état de notre
planète. Déjà en 1973, E. Bonnefous (1973, p. 22)
écrivait:
On estime que 700 millions d'hectares de terre
cultivées sont plus ou moins dégradées. La superficie des
déserts a augmenté de 1milliard d'hectares depuis que l'homme a
entrepris sa lutte contre la nature, et la FAO signale que le Sahara «
avance» chaque année de 1,5 à 10 kilomètres.
L'activité inconsidérée de l'homme a détruit
à ce jour 2 milliards d'hectares de terre, soit 15% de toutes les terres
continentales, 24% de toutes les terres aujourd'hui cultivables.
Ces informations concernant la dégradation de la terre
et l'avancée des déserts ne laissent personne indifférent
étant donné que le destin de l'humanité tout
entière y est embarqué. Causée par la culture
industrielle, la dégradation des sols a pour cause première
l'irrigation. Car, ainsi qu'il le dit: « dans les régions acides
à climat chaud, une irrigation mal
30
conduite, c'est-à-dire en particulier sans
évacuation corrélative suffisante, suscite une remontée
successive de sels qui grille les cultures» (E. Bonnefous, 1973, p.23).
Quant à l'avancée du désert, elle est due au
déboisement intense qui n'est pas suivi de reboisement. Il note
également que des écosystèmes entiers sont en disparition
à cause de:
Du soleil qui y exerce ses effets (catalysant)» ou encore
parce que dévorés par des « déserts de béton
» qui renvoient à l'urbanisation massive; quant à la faune,
elle subit des dégradations à cause de « la transformation
que l'homme fait subir au milieu naturel et tout particulièrement au
couvert végétal » (E. Bonnefous, 1973, p.31et 38-39).
Dès lors, la redéfinition du
développement devient un défi mondial puisqu'il nécessite
l'union des forces politiques qui doivent avoir conscience qu'aujourd'hui, il
est impossible de séparer le développement économique des
préoccupations environnementales et sociales pour arriver à bout
de cette crise. Ce fut dans ce contexte que la commission Brundtland (1987,
p.10) notait:
Cette prise de conscience a élargi notre perception du
développement. Nous ne l'envisageons plus dans son contexte le plus
étroit, qui est celui de la croissance économique dans les pays
en développement ; nous avons compris qu'une nouvelle voie s'imposait
qui permettrait le progrès non plus dans quelques endroits
privilégiés pendant quelques années, mais pour la
planète entière et à longue échéance. Le
« développement durable » devient ainsi un objectif non plus
pour les seuls pays « en développement », mais encore pour les
pays industrialisés.
Car les répercussions sociales des dégradations
environnementales notamment les inégalités environnementales
n'épargnent personne. La durabilité reste alors l'alternative
à la question du développement d'une part, et d'autre part une
solution, pour l'instant, efficace à la crise écologique. C'est
de ces arguments que la durabilité est devenue l'orient mondial de
développement. Mais en quoi consiste-t-elle vraiment?
2.3- La durabilité: un développement
tridimensionnel
Les difficultés écologiques soulevées par
les deux siècles de développement ont entrainé un
mouvement mondial de lutte pour la cause de l'environnement; lutte qui combine
à la fois le développement et la durabilité: « le
développement durable ». Ce nouveau paradigme de
développement des peuples, se veut plus qualitatif que quantitatif, une
façon de renverser les conceptions traditionnelles qui identifiaient le
développement à la croissance économique; c'est ce que D.
Méda (2012) met en exergue en insistant sur le fait que le PIB, ancien
indicateur du développement, est à contrasté car il
n'évalue que les flux économiques positifs sans évaluer
les inégalités qui règnent souvent dans les
sociétés, ni les conséquences environnementales le plus
souvent désastreuses. De ce fait, se fiant au PIB, l'on pourrait
31
décréter qu'un pays est développé
pourvu qu'il atteigne un seuil donné de rentabilité
économique, faisant fi des inégalités sociales et de la
dégradation environnementale inhérente à la croissance
économique. C'est pour donner une réponse efficace à
toutes ces ignorances que le développement durable se veut
établir un nouveau rapport
économie-environnement-société; et comme le stipule le
rapport Brundtland (1987, p.35) :
Environnement et développement ne sont pas deux
défis distincts; ils sont liés inexorablement. Le
développement ne peut se maintenir si la base des ressources ne fait que
se détériorer; l'environnement ne peut être
protégé si la croissance ne tient pas compte du cout de la
destruction de l'environnement. Ces problèmes ne peuvent être
traités séparément dans le cadre d'institutions et de
politiques fragmentaires. Ils sont imbriqués dans un système
complexe de causes et d'effets.
Le terme « durabilité » qui est souvent
affecté pour désigner le développement durable est un
concept apparu bien après le rapport Brundtland notamment en 1990 et qui
renvoie à l'ensemble des alternatives pour pérenniser la vie
humaine sur terre notamment l'articulation
économie-environnement-société; ce faisant, nous pouvons
dire que la durabilité est la quintessence du développement
durable. Le soubassement de la durabilité est une philosophie de la
finitude; selon D. Bourg (2012, p.10) : « la philosophie de la
durabilité est au contraire une philosophie de la finitude, laquelle est
inséparable d'une réflexion sur les limites des technologies
(...) et doit se déployer dans un contexte radicalement nouveau » ;
bien que ce dernier semble inscrire la durabilité dans un débat
authentiquement technologique, il rejoint le débat originel sur le
développement durable en affirmant que le débat sur la
durabilité doit s'inscrire dans un contexte nouveau par rapport à
la conception classique du développement. Ce qui laisse comprendre que
le concept de durabilité n'est rien d'autre que la substance du
développement durable; B. Ouchene et A. Moroncini (2016, p.9)
écrivent: « la durabilité se définit comme
étant un « développement qui répond aux besoins du
présent sans compromettre la possibilité, pour les
générations à venir, de pouvoir répondre à
leurs propres besoins». C'est la dimension spatio-temporelle de
l'activité économique. Elle impose une obligation, un devoir et
une continuité ». Bref la durabilité n'est que
l'abréviation du développement durable apparue en 1990, peu
après le rapport Brundtland.
Pour mieux comprendre le développement durable, il
serait avantageux de clarifier les mots qui le composent. J. Villancourt (1998,
p.6) note:
D'une part, le mot « développement »
évoque l'esprit d'entreprise et d'initiative qui doit
caractériser, au-delà des ensembles de l'industrie, du commerce
et des services, chaque individu tout au long de sa vie s'il veut rester digne,
et encore selon une expression inspirée de Malraux, d'avoir vécu
jusqu'à sa mort. Le développement, c'est l'ouverture de nouveaux
espaces de liberté, le goût du changement et du risque en tant que
facteur de stimulation et
32
d'innovation, la création artistique et scientifique.
C'est tout le contraire de la stagnation, de la passivité, de la
résignation.
D'autre part, le qualificatif « durable » recouvre
les espaces de participation et de solidarité avec les autres, proches
et lointains, connus et inconnus, les générations futures, la
nature. C'est l'aspiration sécuritaire et identitaire, la
prévoyance et la défense du patrimoine naturel et culturel. Ses
valeurs sont la dignité, le respect, l'équité et le droit
social. C'est tout le contraire de l'indifférence et du mépris
d'autrui.
De façon succincte, la durabilité revient
à concilier le développement socio-économique et le
respect de la nature. Le rapport Brundtland affirme:
Dans son esprit même, le développement durable
est un processus de transformation dans lequel l'exploitation des ressources,
la direction des investissements, l'orientation des techniques et les
changements institutionnels se font de manière harmonieuse et renforcent
le potentiel présent et à venir permettant de mieux
répondre aux besoins et aspirations de l'humanité7.
Cette recherche d'harmonie, a commencé par hanter le
monde intellectuel depuis la conférence de Stockholm en 1972 en
réaction au concept de « croissance zéro» du club de
Rome. Le développement durable continuera à se clarifier à
travers la Stratégie Mondiale de la Conservation (1980), la Commission
Mondiale des Nations Unies sur l'Environnement et le Développement CMED-
Rapport Brundtland (Notre Avenir à tous) en 1988, la Stratégie
pour l'Avenir de la Vie en 1991 et la déclaration de Rio en 1992.
Sur le plan social, le développement durable consiste
à atténuer voire éradiquer les injustices
environnementales par la satisfaction des besoins de tous passant par la
protection de l'environnement et l'investissement dans la réparation des
qualités environnementales; l'objectif de cette démarche est
d'accroître la qualité de vie des membres de la
société par la possession des structures nécessaires
à cette fin. En ce qui concerne l'aspect social du développement
durable, le rapport Brundtland (1987, p.36) dit: «
Ainsi, toute nouvelle approche du problème doit
comporter des programmes de développement social en vue notamment
d'améliorer la condition des femmes, de protéger les groupes
vulnérables et d'encourager la participation des échelons locaux
à la prise de décision.
Ainsi dit, la notion de « besoins» dans ce contexte,
nécessite une clarification car le rapport Brundtland n'explique pas
assez ce concept qui pourtant reste très important dans le processus
d'amélioration des conditions de vie des populations. S. Ferrari (2010,
p.3) énonce:
L'exigence de durabilité ici repose sur une
équité intergénérationnelle à contenu
restreint, c'est-à-dire qui n'engage les générations
présentes à l'égard des générations futures
que pour garantir la couverture des besoins de base dans la perspective de
maintenir dans le temps un niveau de bien-être non décroissant, et
rien de plus.
7Rapport Brundtland, 1987, p. 42.
33
Quant à J. Villancourt (1998, p.7): « la
qualité de vie est une notion qui varie d'une société
à l'autre»; en d'autres termes le développement durable ne
vise pas une harmonisation des styles de vie à travers la planète
mais plutôt une qualité de vie propre à chaque
société et qui se base sur la possession des structures
indispensables à la satisfaction des besoins et la capacité de
les entretenir dans le stricte respect de l'environnement, d'où la
notion de justice environnementale que nous éclaircirons plus loin;
ainsi qu'il le note:
Pour promulguer cette qualité de vie à ses
membres, la société doit satisfaire les besoins des individus qui
la composent dans une perspective de pérennité tout en s'assurant
de posséder (ou de se donner) les structures et la capacité d'y
répondre (...) La qualité de vie humaine passe donc par la
satisfaction des besoins essentiels et conséquemment, un minimum de
consommation est nécessaire pour les satisfaire. Croissance
économique et développement (...) devraient ainsi assurer, pour
tous les peuples de toutes les nations et pour les générations
futures, la satisfaction des besoins essentiels que sont: la santé et la
longévité, l'occupation valorisante, l'éducation, les
sentiments de liberté et de sécurité, le respect des
droits fondamentaux et la culture (J. Villancourt, 1998, p.7).
Ainsi déclinée, la facette sociale de la
durabilité peut se comprendre comme étant une aspiration vers une
société plus juste qui permet à l'individu de jouir de ses
libertés fondamentales nécessaires pour une vie vertueuse et
avoir un accès équitable aux ressources nécessaires
à sa survie. Le principe de « responsabilité communes mais
différenciées », adopté dès la
déclaration de Rio en 1992 et qui traite des questions de justice
climatique renvoie non seulement à la distribution des charges dans la
lutte contre les dégradations environnementales mais aussi à la
question de l'égalité face aux émissions des gaz à
effet de serre; tout ceci pour limiter toute sorte d'inégalité
environnementale et favoriser un mieux être pour tous. Bref, la
sphère sociale du développement durable revient à limiter
les injustices environnementales.
La dimension économique de la durabilité quant
à elle, sans pour autant s'éloigner de la justice
recherchée dans la société, veut se démarquer de la
croissance traditionnelle tant prisée par les Etats. J. Villancourt
(1998, p.7) écrit:
Cette perspective du développement, partagée par
les organisations internationales (et nationales), affirmée dans le
rapport Brundtland et réaffirmée lors du Sommet de la Terre de
Rio en 1992, nous invite à concevoir désormais la croissance sous
un angle plus englobant, plus viable et surtout plus équitable.
Ceci implique une redéfinition des modèles
économiques basés uniquement sur l'accroissement des capitaux et
les fluctuations du PIB comme le soulignait D. Meda (2012). Ne rejetant pas la
croissance, la durabilité lie désormais la croissance et la
protection de l'environnement. J. Villancourt (1998, p.8) note une fois
encore:
34
Il faut veiller à ce que cette croissance s'effectue de
manière viable ou soutenable et qu'ainsi elle ne prive pas les
générations futures ou d'autres nations, de nourriture et
d'emplois; selon ce modèle, l'accélération de la
croissance permet de générer des surplus pour que les plus
pauvres survivent et pour financer la lutte contre la pollution.
Nous sommes ici plongés en plein coeur dans la justice
environnementale. Ce nouveau modèle économique proposé par
le développement durable prend clairement le contrepied du modèle
classique qui peut se résumer, comme l'a noté J.
Villancourt(1998), à la destruction des équilibres des
écosystèmes qui permet la rentabilité avec comme
conséquence directe une destruction toujours plus grave de
l'équilibre environnemental et la croissance des
inégalités.
La durabilité se veut une révolution sociale
englobant les aspects économique, social et environnemental ; une
redéfinition du paradigme d'un développement classique qui,
depuis le XVIIIe siècle, n'a cessé d'accentuer la fracture
sociale et de porter de plus en plus atteinte à notre environnement. Le
développement durable se veut donc rétablir « le paradis
perdu » par l'option de pistes inédites qui se sont ouvertes depuis
la révolution industrielle. Né des dérèglements
environnementaux ce nouveau paradigme de développement se veut un
nouveau développement dont la mission serait de prendre le contre-pied
du développement classique et de corriger ses erreurs notamment la crise
écologique; confirmant ainsi notre première hypothèse qui
stipulait que la durabilité, tirant ses fondements du rapport Brundtland
en l'occurrence, se veut être un paradigme de développement
protecteur de l'environnement, économiquement soutenable en vue de
parvenir à une société plus juste.
Cependant, si durant presque trois décennies, le
développement durable n'est encore pas parvenu à atténuer
un tant soit peu le rythme des dégradations de la planète et des
inégalités environnementales toujours croissantes, c'est que le
développement durable semble reléguer au second plan
l'intérêt des populations d'où la nécessité
d'une évaluation critique.
35
Partie II:
Evaluation critique de la durabilité
36
En vue de pallier tous les dérèglements
environnementaux qui mettent en danger la pérennité de la vie sur
terre, et dont nous avons fait allusion dans la première partie de ce
travail, la durabilité est apparue comme une solution qui permettrait
à coup sûr de rétablir le déséquilibre aussi
bien environnemental que social perdu. Force est alors de constater que
malgré les dangers courus par notre planète à cause d'un
rythme de développement en déphasage complet avec celui de la
restauration de la nature par elle-même, la durabilité peine
à tenir ses promesses plus d'un quart de siècle après son
adoption. Cette problématique est au coeur de cette seconde partie de
notre travail intitulée : évaluation critique de la
durabilité.
Notons que la critique de la durabilité dont il est
question, n'est pas un reniement complet de la durabilité mais une
critique d'une certaine logique du développement durable
caractérisé par une forte institutionnalisation qui n'implique
pas les populations victimes des dérèglements environnementaux.
Les difficultés qu'éprouve la durabilité dans un tel
contexte sont d'origines diverses à savoir les contradictions
définitionnelles, éthiques, politico-économiques, le tout
conduisant à un pessimisme sur la concrétisation de la
durabilité. C'est dans cette logique que cette seconde partie de notre
travail est subdivisée en deux chapitres. Dans le chapitre 3
intitulé les contradictions internes de la durabilité,
il sera essentiellement question de rappeler les différentes causes
de l'inefficacité de la durabilité. Dans le chapitre 4
intitulé la durabilité entre idéal et fait, il
s'agir pour nous de mettre au jour les implications d'un tel état de
fait de la durabilité.
37
Chapitre3 : Les contradictions internes de la
durabilité
3.1- Les contradictions définitionnelles de la
durabilité
Vulgarisé par « le sommet de la terre », le
développement durable est devenu le fondement de la plupart des discours
politiques. Repris sur les médias sans cesse, ce concept ne cesse
d'être au coeur de tous les débats sociaux à tel point que
l'on pourrait l'identifier, comme le note D. Pestre (2011), à
l'idéologie du XXIe siècle qui s'exprime à travers les
énoncés de principes comme « la bonne gouvernance »,
« la transparence », « les partenariats
public-privé» etc. Cet élargissement du développement
durable à tous les domaines s'explique par un flou conceptuel qui,
empêchant de cerner clairement l'approche opératoire de la
durabilité, laisse comprendre ce concept de travers compromettant ainsi
son efficacité. D'après le Ministère de l'Écologie,
de l'Énergie du Développement durable et de l'Aménagement
du territoire français (2009, p.14):
John Pezzey de la Banque mondiale en recensait 37 acceptions
différentes et dès le départ, (...), le
développement durable, cet oxymore, contient en lui-même ses
divergences, pour ne pas dire ses contradictions : pour les uns, c'est un
développement respectueux de l'environnement, pour les autres
l'important est que le développement tel qu'il est puisse durer
indéfiniment.
J. Villancourt (1998) note par ailleurs que si le
développement durable prend assez d'ampleur et s'adapte à tout
discours, c'est parce qu'il a été dénué de son sens
initial et ce, à cause d' « un nombre impressionnant de
définitions sectorielles du développement durable ». Il
suffit de jeter un coup d'oeil sur lesdites définitions pour se rendre
compte des différentes priorités que toutes revendiquent au nom
du développement durable ; ainsi qu'il le dit:
Écodéveloppement (« Environment ally sound
development ») Maurice Strong et Ignacy Sachs. Concept qui désigne
un type de développement intégré qui tient compte des
contraintes écologiques et du long terme, un développement
socio-économique écologiquement viable. Développement
autre ou société de conservation.
Fondation Dag Hammarsköld, Kimon Valaskis, Edward
Goldsmith et Société Royale du Canada proposait un autre type de
développement confiant en soi, endogène, centré sur les
besoins réels, en harmonie avec la nature et ouvert au changement
institutionnel.
Développement durable (axe conservation), PNUE, FMN,
FAO, UNESCO, Stratégie mondiale de la conservation (SMC). Le
développement durable est défini comme la modification de la
biosphère et l'emploi de ressources humaines, financières,
vivantes et non vivantes, pour satisfaire aux besoins des hommes et
améliorer la qualité de leur vie. Pour assurer la
pérennité du développement, il faut tenir compte des
facteurs sociaux et écologiques, ainsi que des facteurs
économiques, de la base des ressources vivantes et non vivantes, et des
avantages et désavantages à long terme et à court terme
des autres solutions envisageables.
Développement durable - Déclaration de Rio
(Déclaration adoptée par les représentants de 170 pays en
1992). La déclaration stipule que le développement durable est
centré sur le droit des
38
êtres humains à une vie saine et productive en
harmonie avec la nature, et que le droit au développement doit
être réalisé de façon à satisfaire
équitablement les besoins relatifs au développement et à
l'environnement des générations présentes et futures (J.
Villancourt 1998, p. 26).
Si nous optons pour la définition la plus
répandue du développement durable qui est celle de la Commission
Mondiale de l'Environnement et du Développement (CMDE) :« Le
développement durable est un développement qui répond aux
besoins du présent sans compromettre la capacité des
générations futures de répondre aux leurs », nous ne
sommes pour autant pas éloignés des contradictions liées
à ce concept; car ici encore, au coeur de la durabilité, une
tension très forte existe encore entre la durabilité forte et la
durabilité faible. D. Bourg (2012, p.4) écrit:
La durabilité faible, telle qu'elle est définie
par Robert Solow, c'est l'idée que la destruction du capital naturel -
qui découle immanquablement de nos activités économiques-
peut être compensée par la création de capital
reproductible et donc de technologies diverses. Ce n'est ni plus ni moins que
la conception propre de ce que l'on appelle l'économie
mainstream. L'un des sens du développement durable, c'est donc
l'absence de développement durable, le retour au statu quo
ante!
La durabilité forte, c'est l'idée contraire :
à savoir celle selon laquelle une grande part du capital naturel n'est
pas technologiquement substituable et donc remplaçable par des
technologies. Le développement durable signifie donc une chose et son
contraire (...)
Cette difficulté définitionnelle est la
faiblesse fondamentale de la durabilité. De cette confusion naît
une inefficacité dans la régulation des inégalités
environnementales qui ne sont pas non plus privées de confusion. En
effet, dans la gestion des inégalités environnementales, l'on est
également partagé entre d'un côté, oeuvrer à
l'égalité des bien environnementaux comme l'aménagement
équitable des espaces verts des éco-quartiers; et de l'autre
côté, les inégalités sociales qui nécessitent
un plan stratégique efficace; deux responsabilités colossales
dont l'étreinte simultanée semble impossible. Une tâche
ardue à laquelle sont confrontées les politiques
environnementales.
La presqu'inertie de la durabilité depuis la
conférence de Rio s'explique donc par ce manque de précision dans
les objectifs et les méthodes permettant d'aller à une
société vraiment durable. Ceci justifie l'idée de D.
Pestre (2011) selon qui, le ralliement précipité des grandes
institutions telles la Banque mondiale, les institutions du consensus de
Washington, les politiques et les entreprises aux idéaux du
développement durable se comprend par le fait que le
développement durable est vague et elles ne perdraient rien en
s'alliant, bien au contraire, elles gagneraient plus de notoriété
en affirmant être au service d'un monde meilleur.
39
Cette faiblesse théorique du développement
durable se fait remarquer aussi dans le rapport Brundtland qui donne une
liberté sans précédant aux différentes
autorités politiques de faire l'option des stratégies durables
qu'elles pensent bénéfiques à long terme pour elles. Cette
lassitude accordée complique la coordination mondiale des progrès
dans les efforts pour la protection de l'environnement et peut constituer une
excuse pour les pays retissants. Le rapport Brundtland stipule: « Nous
n'avons pas de cadre strict à imposer ; nous nous contentons d'indiquer
une voie qui permettrait aux peuples de la Terre de multiplier les
sphères de coopération».
Tel est le manque de précision dans les orientations du
développement durable. Dans la même perspective, dans le bilan
dressé par Francesco di Castri (2000), président du Comité
de l'UNESCO pour le suivi de la conférence de Rio, repris par J.
Villancourt (1998), il ressort que la démotivation des gouvernements
dans les efforts pour le développement durable s'explique par un manque
d'objectifs concrets dans l'option d'une direction claire à suivre. La
conséquence directe d'un tel état de choses est le manque de
financement des initiatives durables, il fait remarquer en outre que l'on n'a
pas encore amorcé la marche vers la conciliation entre le
développement et la durabilité. J. Villancourt (1998, p.6)
note:
Elle est marginalisée le plus souvent dans les
ministères de l'Environnement, eux-mêmes marginalisés au
sein de leurs gouvernements. Le développement durable est de leur
ressort, tandis que l'autre développement est suivi par les bien plus
puissants ministères des Finances, avec le plus souvent un net clivage
entre les deux. Même dans le cadre de l'Organisation des Nations Unies
qui ne peut que refléter la situation des pays, un fossé
infranchissable sépare la Commission pour le développement
durable ou le Programme des Nations Unies pour l'environnement (PNUE) du Fonds
monétaire international (FMI) ou de l'Organisation mondiale pour le
commerce. »
Ces contradictions définitionnelles de la
durabilité constituent un handicap à la mise en oeuvre de ce
paradigme de développement. Ces contradictions entrainent avec elles des
désaccords politique et économique.
3.2- Les désaccords économique et
politique de la durabilité
La crise écologique a, selon certains auteurs, plus d'une
cause. Pour D. Méda (2012),
doigtant la révolution industrielle, la première
cause de notre état environnemental actuel est la conversion des
énergies spirituelles vers l'ici-bas, et la seconde cause qui est la
conséquence de la première est la focalisation sur la production.
J. M. Bergoglio (2005) quant
40
à lui, indexe l'utilisation irresponsable et l'abus des
biens terrestres comme les causes premières de la dégradation de
la biosphère et des inégalités environnementales. De ces
auteurs, nous retenons, qu'il s'agisse de l'usage irresponsable et abusif des
biens terrestres ou que ce soit la conversion des énergies spirituelles
vers l'ici-bas ou encore la révolution industrielle, la cause de la
crise écologique contemporaine se résume en un manque de
durabilité dans les entreprises humaines.
C'est en vue d'éradiquer l'ignorance de la
durabilité que la commission Brundtland exprima de façon claire
les risques courus si nous continuons à avancer dans cette ignorance et
stipula les directives à suivre. Bien articulées, ces directives,
en plus des confusions conceptuelles qu'elles renferment, sont
confrontées à une problématique politique et
économique. En effet, « le sommet de la terre» de Rio est le
point de départ officiel de l'engagement universel face aux
dégradations environnementales qui sont désormais reconnues comme
ayant une dimension universelle. La prise de conscience de l'aspect universel
des problèmes environnementaux implique un engagement global pour
optimiser les forces et résoudre efficacement ce problème. De ce
fait, les pays développés, considérés comme les
plus grands pollueurs avec leurs industries très
développées et leur consommation exponentielle en énergie
et en biens, doivent s'unir avec les pays en développement pour qui les
premiers constituent l'étalon à atteindre. Ce faisant les
limitations en matière d'émission de gaz à effet de serre,
de taxes s'appliquant à la pollution et de réorientation du
modèle de développement s'appliquent à tous sans
distinction de niveau de développement c'est-à-dire tant pour les
pays développés que pour les pays en voie de développement
d'où ces derniers clament une injustice.
Les BASIC (Brésil, Afrique du Sud, Inde et Chine), les
grands émergents comme on les appelle, représentent de nos jours
27% des émissions mondiales, soit à peine moins que les
Etats-Unis (18%) et l'Europe (13%) réunis. L'évolution de leurs
émissions reflète la très forte croissance de ces pays
ainsi que, l'inefficacité de leurs systèmes
énergétiques essentiellement fossile. Pour ces derniers, la
limitation des émissions de gaz a effet de serre et l'obligation de la
redéfinition du développement paraît une stratégie
de la part des pays développés pour empêcher les moins
développés, qui sont presque au sommet du développement
d'atteindre le même niveau qu'eux. La question environnementale devient
dès lors une source de conflit entre les Etats autour de deux concepts
que sont l'environnement et le développement et au-delà duquel se
pose un véritable problème politique et économique.
41
Pour les BASIC, la lutte pour le rétablissement de
l'équilibre environnemental est un néocolonialisme qui ne dit pas
son nom; et du point de vue économique, les réductions des
émissions des gaz à effet de serre qui présupposent une
exploitation restreinte des énergies fossiles, est une fois de plus une
main mise économique qui conduirait au ralentissement de leur
développement. Ainsi se pose la problématique économique
et politique du développement durable.
Notons quand même que ces conflits entre les Etats
développés d'une part et les sous-développés
d'autre part au sujet bipolaire de l'environnement et du développement,
s'étaient déjà remarqués mais de façon
embryonnaire dès la Conférence de Stockholm, vingt ans avant la
conférence de Rio. Le cri d'appel « croissance zéro »
promulgué par le club de Rome dans son rapport halte à la
croissance en 1972, fut déjà repéré par les
pays du Tiers-monde comme un moyen pour les pays développés de
freiner le développement du Tiers-Monde en vue de mieux s'accaparer de
toutes les ressources énergétiques mondiales, la
conférence de Rio, réitérant les mêmes principes est
la goutte d'eau qui a débordé le verre. Dans ce contexte, les
pays du Tiers-Monde avec les BASIC au devant de la scène se trouvent
dans un dilemme: soit accueillir le débat de la protection de
l'environnement en renonçant aux idéaux classiques de
développement et en réorganisant le mode de vie des populations
par l'adaptation des infrastructures déjà existantes aux
idéaux du développement durable; soit faire sourde oreille au
débat sur l'environnement et continuer leur ascension au
détriment du bien-être planétaire. Le débat entre
pays émergents et pays développés a désormais
changé de nature:
D'un côté, ceux-ci tendent à devenir des
superpuissances, dont la poursuite du développement dépend
crucialement de leur accès aux ressources fossiles et minérales.
De l'autre, ceux-là y voient des concurrents, devenus par ailleurs les
premiers émetteurs de gaz à effet de serre, la Chine
dépassant maintenant les Etats-Unis en ce domaine. L'imbrication entre
les questions climatiques et la géopolitique de l'énergie
apparaît ainsi plus forte qu'elle n'a jamais été. Pour
réussir, on doit accepter d'ouvrir, enfin, un véritable dialogue
entre pays développés, pays émergents et pays en
développement, en s'appuyant sur les possibilités de construire
un intérêt
commun commerce-climat, et plus généralement, en
ayant en perspective la sécurité mondiale8.
C'est ce désaccord des BASIC et de certaines puissances
aussi comme les Etats-Unis, qui concourent, à « des engagements peu
ambitieux au Nord, associés à l'absence
8Ces clarifications sur le rapport
de force entre les pays développés et les pays émergeants
sur les questions environnementales ont été recueillies sur le
lien:
http://www.afd.fr » conference
»En-Bref_FR. consulté le 12 août 2017. Après tant
d'engagements pris lors des différentes conférences sur
l'environnement, l'on comprend un peu pourquoi ces engagements tardent à
se concrétiser. Etant donné que le développement de
l'Occident se soit effectué grâce à l'exploitation jamais
connue des ressources de la nature, les BASIC quant à eux trouvent
injuste une restriction de l'exploitation des ressources sachant bien que
l'Occident ne s'est pas développé autrement.
42
d'obligations au Sud» avec pour conséquence
l'accentuation de la dégradation de la biosphère et des couche
sociales défavorisées.
Eu égard à ce qui précède, nous
pouvons confirmer le point de vue de D. Pestre (2011) quand ce dernier affirme
qu'il existe un grand fossé entre les promesses et leur
réalisation, entre les mots et les faits en ce qui concerne le
développement durable. Ce clivage s'explique, selon le même auteur
par les limites du progrès amorcé depuis deux siècles et
d'autre part, par un manque de volonté politique. La complexité
conceptuelle de la durabilité couplée aux désaccords
politiques et économiques, ne vont pas sans incidence éthique sur
la mise en oeuvre de la durabilité.
3.3- Difficultés éthiques dans la mise en
oeuvre de la durabilité
Par difficultés éthiques, nous voudrions parler
des divergences éthiques que le développement durable rencontre
et qui freinent son adoption malgré l'expression de la bonne
volonté des gouvernants lors de « la conférence de la terre
» de Rio.
La notion de difficulté éthique que nous
voudrions éclaircir ici s'inscrit parfaitement dans le débat
écologique surtout à l'étape cruciale de la mise en oeuvre
des recommandations de la durabilité: quel choix opérer dans la
multitude de choix possibles? Surtout quand nous faisons face à: «
des aspects auxquels on accorde de la valeur des deux côtés »
(J. Villancourt (1998, p.30) d'où la difficulté à
trancher. Le travail obligatoire en amont de la prise de décision est
donc particulièrement ardu. Les divergences renvoient ici à une
difficulté de choix entre deux valeurs et dans le contexte qui est le
nôtre, les difficultés éthiques se posent entre la
protection de l'environnement et la croissance économique qui ont toutes
deux des répercussions non négligeables aussi bien positives que
négatives sur la vie des populations. Ainsi qu'il le dit: « (...)
Le développement économique implique peut-être des
conséquences néfastes sur l'environnement et, dans ce cas, quelle
décision doit être prise ? Va-t-on prioriser la protection de
l'espace environnemental naturel concerné, ou la création
d'emploi?» (J. Villancourt, 1998, p.30). Cette question se rapproche donc
de celle de C. Larrère (2017) qui pose le dilemme: les politiques
environnementales doivent-elles privilégier les effets
égalitaires ou prioriser la restauration de la nature dans la gestion de
la crise écologique?
Choisir la croissance économique avec le PIB comme
indicateur au détriment de l'environnement permettrait à coup
sûr d'octroyer du travail et permettre ainsi une croissance
43
économique avec une répercussion positive sur
les populations à savoir l'amélioration des conditions de vie et
même l'atténuation des inégalités environnementales
mais avec un impact négatif sur l'environnement; de la même
façon, choisir l'environnement en adaptant l'économie,
permettrait bien sûr une restauration des qualités
environnementales avec une économie peu agressive ; mais la croissance
économique par rapport à laquelle nos sociétés se
définissent aujourd'hui et qui est indispensable dans la
régulation des inégalités environnementales n'adviendrait
pas.
Or il serait impossible d'établir une liste exhaustive
de critères théoriques respectant les deux dimensions; au cas
où il en existerait, elle ne serait pas opérationnelle puisque
ces divergences sont contextuelles. Ainsi qu'il le dit:
En effet, les caractéristiques du milieu
géologiques ou sociales, sur lequel pèse la prise de
décision, sont à prendre en compte. Il peut exister des
critères ou des guides méthodologiques, mais ces outils ne
dispenseront pas d'une analyse concrète du milieu où doit se
produire la prise de décision. Le processus de priorisation est ainsi
susceptible de changer selon les situations. À chaque nouvelle prise de
décision, la priorisation des valeurs devra s'adapter à
l'évolution de la situation environnementale et humaine (J.Villancourt,
1998, p.30-31).
Vu la nécessité de contextualisation du
débat environnemental, parler d'un développement durable
harmonisé selon les textes du rapport Brundtland, semble alors une
utopie. Prenant l'exemple du Canada, nous voyons bien la
nécessité de la contextualisation ; J. Villancourt (1998, p.31)
écrit: « par exemple le Québec ne produit pas de
pétrole, ce qui est le cas de l'Alberta. La question de la production
d'énergie est un aspect essentiel du coût environnemental, mais
chaque groupe de référence aura à réaliser
différemment ses objectifs de développement durable ».
De cette évaluation critique de la durabilité,
l'on se rend à l'évidence que toutes ces difficultés
sus-citées constituent un véritable handicap de la
durabilité creusant un grand fossé qui sépare
l'idéal de la durabilité et les faits concrets auxquels elle est
confrontée mettant en danger la vie des plus vulnérables. La
durabilité est-elle alors atteignable ?
44
Chapitre 4 : La durabilité entre idéal et
fait
4.1- La durabilité et la complexité de
l'espace sociétal
Le développement durable en tant que « projet de
société, choix pour la vie bonne et en commun sur Terre» (D.
Pestre, 2011, p.32), arrive à point nommé dans un contexte de
remise en cause du modèle de développement amorcé par
l'humanité depuis le XVIIIème siècle et dont les
conséquences laissent à désirer de nos jours.
Systématisé par le rapport Brundtland, les implications des
principes stipulés pour la mise en oeuvre de ce projet de
société mettent en exergue le fait, tel que l'écrit D.
Pestre (2011, p.34): « qu'il peut ici exister un grand fossé des
promesses aux réalisations, des mots aux choses ». Cette situation
qui handicape gravement l'évolution ou mieux la mise en oeuvre effective
et efficace des principes de la durabilité, laisserait dire que le
développement durable reste un idéal.
Par idéal, nous entendons ici ce que l'on pourrait
souhaiter de mieux, ce qui est une construction de l'esprit et qui n'existe pas
dans la réalité. C'est justement en ses principes que le
développement durable pèche car il a une vision homogène
de la vie et propose en conséquence une logique
d'homogénéisation des actions durables. Or la
réalité de nos sociétés est
l'hétérogénéité dans les valeurs, les
orientations, quelques fois même contradictoires. D. Pestre (2011, p.33)
écrit:
La situation à laquelle ce projet de
développement durable fait face est que les sociétés dans
lesquelles il s'inscrit ne sont pas réglées par le principe
unique qu'il met en avant, mais par des principes, des intérêts et
des modes de déploiement contradictoires et nombreux.
. C'est en ce sens que l'on peut comprendre l'attitude du
Brésil par rapport aux idéaux
environnementaux ; pays ayant abrité « le sommet
de la terre » et doté d'outils pour mettre en pratique les
résolutions qui en ont découlé afin d'être pays
pilote du développement durable a échoué. Le Plan
d'Accélération de la Croissance (PAC) lancé par la
présidente Dilma Rousseff vingt ans après « le sommet de la
terre » témoigne une fois encore de la complexité de
l'application des recommandations du développement durable. C. Aubertin
(2012, p.46) écrit:
La posture du Brésil est paradoxale. Il apparaît
comme un défenseur et un excellent médiateur de la cause
environnementale sur la scène internationale. Il possède des
outils de conservation exemplaires (code forestier, système national des
unités de conservation, veille satellitaire, etc.), Alors que sa
pratique est controversée quant à l'application de ces outils,
les droits de ses populations indigènes et la violence entretenue par
les propriétaires terriens -les fazendeiros réunis sous la
bannière des « ruralistes ». Depuis l'arrivée à
la présidence de Dilma Rousseff, initiatrice du très
productiviste Plan d'Accélération de la Croissance (PAC), on
observe une nette remise en cause des acquis environnementaux.
La configuration de nos sociétés actuelles
dominées par les intérêts politiques, constitue un frein au
développement durable ; autrement dit, le développement durable
tel que
45
stipulé par le rapport Brundtland, n'est pas
adapté à la configuration de nos sociétés. En plus
de cette logique hétérogène de nos sociétés
à laquelle se confronte la logique homogène du
développement durable, s'ajoute la dimension de la temporalité.
En effet, l'organisation économique de nos sociétés est
marquée par le court terme; un investissement ne se voit
généralement récompensé que lorsque les gains
s'accumulent de façon rapide après l'investissement. Dans le cas
des actions marchandes, les produits doivent être sur le marché
mondial afin d'accroitre les chances de consommation massive au dépend
de l'environnement, conduisant à la multiplication des moyens de
transport plus consommateurs les uns des autres en énergie. Cette
logique de rapidité ici caricaturé et qui est le modèle de
la plupart de nos sociétés, fait désormais face à
la logique de la durabilité qui préconise un rythme de
développement à « la vitesse de la nature» afin
d'incorporer au maximum nos activités dans l'équilibre
écologique. D. Pestre (2011, p. 33) réitère:
La seconde tension relève des différences de
temporalité de ces deux univers. Le premier a une logique d'action
à court terme - ce qui importe est le retour rapide sur investissement
ici et maintenant, la protection des intérêts bien compris des
États, des individus et des entrepreneurs et ses critères
d'évaluation ne sont pas de l'ordre d'un bien commun abstrait, mais les
avantages particuliers qui peuvent être obtenus pour soi.(...) Et comme
les avantages et inconvénients de ces nouveautés sont loin
d'être jugés de la même façon partout un chacun -
Quels sont les effets négatifs des OGM, if any? Assiste-t-on
à un réchauffement de nature essentiellement anthropique ? -
cette asymétrie temporelle est un handicap pour la précaution.
Ces différentes logiques sont celles qui remettent en
cause le développement durable tel que stipulé par le rapport
Brundtland. Toutes ces contradictions qui rendent presque impraticables les
principes du développement durable, laissent croire que le
développement durable est un oxymore; D. Pestre (2011, p.34)
écrit:
Un oxymore qui a été utile au moment du rapport
Brundtland pour dire l'importance de tenir ensemble des questions sociales,
questions de développement et questions environnementales, qui est utile
en lui-même dans de nombreuses situations, qui est utile par les
institutions qu'il permet de secréter, mais un oxymore tout de
même puisqu'il masque ou feint d'ignorer la complexité des
situations, les tensions inévitables propres à tout univers
social.
Tel est le développement durable dans ses
différentes articulations et les contradictions qui le
discréditent dans la sphère sociale. Ceci pose donc la question
de savoir si l'on devrait faire tabula rasa de la durabilité eu
égard à cet environnement complexe dans lequel il s'insère
ou brandir toujours plus haut cet idéal mais en modifiant la
méthodologie de son application? Mais bien avant de répondre
à cette question cruciale, il importe de noter que, même si la
durabilité telle que nous la connaissons communément par le
truchement du rapport Brundtland, semble irréalisable dans ses
principes, elle demeure néanmoins l'orient de
46
l'humanité; sauf qu'il faudrait, pour l'atteindre,
faire assez d'efforts de renonciation de notre confort actuel.
4.2- Prise en otage de la durabilité par le
PIB
La justice en tant que théorie, rappelons-le, prend sa
source en Aristote (2001). Cette justice d'Aristote (2001), est essentiellement
anthropocentrée et géographiquement limitée car l'objectif
d'Aristote (2001) était de rendre possible le vivre ensemble dans la
cité en régulant les rapports entre les hommes mais cette
dernière ne prenant pas en compte les aspects environnementaux
d'où son insuffisante à faire régner la justice.
Notons donc avec D. Blanchon, S. Moreau et Y. Veyret (2009)
que le mouvement de lutte pour la justice environnementale aux Etats-Unis prend
ses sources dans les années 1980 et s'inscrivait dans le contexte du
racisme écologique c'est-à-dire la construction des usines
polluantes, le rejet des gaz toxiques et des déchets dans les
agglomérations occupées par les populations pauvres dont les
Noirs constituent la majorité. Cette lutte pour la justice
environnementale revendiquait la nécessité de
l'égalité des chances en ce qui concerne l'accès aux
ressources naturelles et un partage équitable de la dette
écologique.
Nous inscrivant dans la logique de D. Méda (2009),
toutes les avancées scientifique, technique et économique qui ont
été faites lors de la révolution industrielle, une fois
accumulées, ont été considérées comme une
prouesse de la société moderne, prouesse qui doit se
perpétuer pour un mieux-être toujours croissant de l'homme. En
effet, le PIB est:
Un indicateur économique qui permet de mesurer les
richesses produites au sein d'un pays ou d'une zone géographique au
cours d'une période déterminée. Calculer le PIB consiste
à faire la somme des valeurs ajoutées des biens et des services
produits au sein d'un pays ou d'une zone géographique par : les
entreprises, les collectivités publiques, les associations, les
ménages9.
Cet indicateur, bien que servant à évaluer
l'évolution quantitative d'un pays en termes de recettes, il n'arrive
pas à évaluer son évolution qualitative.
Précisément, le PIB ne parvient pas à évaluer
l'état du développement durable d'un pays, ni le bien-être
social ou individuel. N'étant outiller que pour des fins quantitatives,
le PIB ne prend pas en compte les facteurs qui conduisent d'une manière
ou d'une autre au bien-être qualitatif des populations et par analogie,
de la planète. Certaines activités pouvant contribuer au
bien-être individuel et collectif de la population ne sont pas prises en
compte dans le calcul du PIB, notamment :
9Cette définition du Produit
Intérieur Brut est tirée du lien suivant :
https://www.lcl.com/guides-pratiques/zooms-economiques/pib-produit-interieur-brut.jsp.
Consulté le 19 mars 2017.
n
47
Les activités domestiques : cuisiner, jardiner,
s'occuper des enfants... Si ces activités étaient
rémunérées, elles seraient comptabilisées dans le
calcul du PIB. L'INSEE évalue le travail domestique effectué en
France à 60 milliards d'heures de travail par an et à 33 % du
PIB.
n Les activités bénévoles
exercées au sein d'une association ou d'un syndicat : visites à
domicile, conseils juridiques, accompagnement scolaire, informatique, etc. La
valeur du bénévolat associatif pourrait représenter entre
0,9% et 1,9% du PIB10.
Or ces activités non prises en compte constituent les
piliers du bien-être social notamment la cohésion, la
convivialité, la sympathie, l'amour etc.
En plein coeur du 21è siècle marqué par
des questions axiologiques qui font appel à des jugements plus
qualitatifs que quantitatifs, le PIB, expression par excellence de la
croissance économique, semble être toujours en vigueur en
contradiction avec les attentes contemporaines. En plus de sa faiblesse
à rendre effectivement compte du rapport entre la croissance
économique et le bien-être des populations, le PIB englouti toutes
les préoccupations environnementales puisqu'il demeure encore
l'indicatif de classification des nations. Trois principales raisons
discréditent le PIB ; M. Brezzi, L. De Mello et É. Laurent (2016,
p.13-14) notent:
Le PIB, comme les indicateurs économiques
conventionnels dont il est l'étendard, perd à grande vitesse sa
pertinence dans notre début de 21e siècle pour trois
raisons fondamentales. Tout d'abord, la croissance économique «
quantitative », si forte dans les décennies d'après-guerre
(1945-1975), se dissipe peu à peu dans les pays développés
et devient en conséquence un objet de poursuite de plus en plus vain
pour les politiques publiques. Ensuite, le bien- être objectif et
subjectif - c'est-à-dire ce qui fait que la vie vaut la peine
d'être vécue - est de plus en plus déconnecté de la
croissance économique. Enfin, le PIB ne nous dit rien de la
soutenabilité environnementale, c'est-à-dire de la
compatibilité entre notre bien-être d'aujourd'hui et la
vitalité à long terme des écosystèmes dont il
dépend en dernier ressort, alors que c'est à coup sûr
l'enjeu majeur de notre siècle.
Mais hélas, le PIB reste toujours en vigueur entrainant
des conséquences de plus en plus alarmantes pour l'environnement. D.
Méda (2009, p.2) écrit précisément:
De fait, à partir de la révolution industrielle,
les conséquences des immenses forces mises au service de la mise enforme
de la Nature pour l'usage de l'homme ont été
systématiquement comptabilisées et représentées
comme un « plus », comme un progrès, sans que les
destructions opérées sur des équilibres
préexistants, sur la Nature, et pendant longtemps sur les hommes
eux-mêmes, aient fait l'objet de considération ou aient
été prises en compte. Ce sont ces deux processus dont il nous
faut saisir la dynamique : la focalisation de l'ensemble des énergies
sur l'activité de production, d'une part, et l'occultation du
négatif, d'autre part.
10Ces aspects ignorés par le PIB, nous ont
été accessibles grâce au lien
http://www.associations.gouv.fr.
Consulté le 19 mars 2017. Ici, nous avons voulu insister sur
l'inefficacité du PIB en mettant au jour tous les aspects qu'il ignore.
Cette ignorance, ou mieux cette non prise en compte des valeurs des
activités domestiques et bénévoles montrent combien de
fois les estimations de développement des pays sont faussées et
aussi combien cet indicateur n'est pas digne de confiance.
48
De ce constat, il semble évident que les indicateurs de
bien-être devront prendre le dessus sur ceux de la croissance
économique. La mission des indicateurs de bien-être et de la
qualité de vie des populations sera de « mesurer pour comprendre,
assurément, mais aussi et surtout mesurer pour changer, évaluer
pour évoluer» (M. Brezzi, L. De Mello et É. Laurent, 2016,
p.13-14).
Substituer le PIB par les indicateurs de bien-être, a
pour finalité d'évaluer la qualité de vie des populations
cette fois-ci non seulement dans les Etats-Nations mais aussi sur les
territoires en tant que villes, départements, métropole ou encore
régions, bref dans les communautés de vie humaine afin de donner
à tous les moyens de travailler à son bonheur dans le plus grand
respect de l'environnement. Ainsi qu'ils le disent:
Des travaux menés dans le contexte de l'Union
européen ne révèlent de la même manière que
les écarts entre territoires peuvent être bien plus importants que
les écarts entre les pays. On peut l'illustrer avec le cas des taux
d'emploi en Italie et au Canada. Ces deux pays sont respectivement les pays de
l'OCDE où les taux d'emploi sont les plus faibles et les plus
élevés. Or les écarts entre les régions de ces deux
nations sont bien plus significatifs que l'écart entre les deux moyennes
nationales (l'écart des taux d'emploi entre les deux pays est de 15
points de pourcentage, mais il est de 21 points entre les régions
italiennes et de 32 points entre les régions canadiennes). Savoir
où le bien-être économique - ici la possibilité
d'accéder à un emploi - est le meilleur est tout simplement
impossible en se tenant trop loin des conditions réelles de vie des
personnes, en partie déterminées par les territoires qu'elles
habitent. (M. Brezzi, L. De Mello et É. Laurent, 2016, p.18).
En nous montrant l'erreur de la qualification des pays sur la
base du PIB, ces auteurs nous montrent d'autre part l'inefficacité du
PIB à rendre effectivement compte de la réalité sur le
terrain notamment de la qualité de vie des populations à
l'intérieur des territoires supposés en pleine croissance
économique. Plutôt que de continuer à nous tromper, il urge
de faire la mutation du PIB, vers le BNB qui est le Bonheur National Brut et
qui rend mieux compte de ce qui est plus important pour l'homme à savoir
le bonheur. Les indicateurs du mieux-être convergent donc à
évaluer le bonheur dans la logique du Bonheur National Brut. M. Brezzi,
L. De Mello et É. Laurent (2016, p.19) écrivent:
(...) Ces considérations statistiques nous
dévoilent deux réalités essentielles : d'une part, la
carte du PIB par habitant ne coïncide pas en France avec celle du
développement humain, autrement dit les régions les plus riches
économiquement ne sont pas nécessairement les plus
développées humainement; d'autre part ,les dimensions non
monétaires du développement humain, la santé et
l'éducation ,ne «découlent» pas du revenu: il faut donc
des politiques spécifiques qui prennent ces enjeux à bras le
corps car le simple fait d'être riche ne suffit pas pour être bien
éduqué et en bonne santé, ou riche humainement.
Bien que la nécessité de la mutation du PIB en
d'autres indicateurs de bien-être saute aux yeux, la durabilité
tarde encore à se concrétiser. Le PIB avec toutes ses
implications sur
49
l'environnement demeure encore l'indicateur conventionnel du
niveau de richesse d'un pays ou d'une région; impliquant le manque de la
promotion du Bonheur National Brut (BNB), indicateur de bien-être.
4.3- Le BNB : un concept peu promu
Au coeur de notre contexte sociétal où
l'économie occupe une place prépondérante, le PIB reste
naturellement l'objectif à atteindre. Mais comme démontré
plus haut, cet étalon ne fait plus ses preuves depuis que les
préoccupations environnementales l'emportent sur l'accumulation des
richesses dont les conséquences connues sont les dégradations et
les inégalités environnementales. Face à cette valeur
démodée et inefficace (le PIB), se pose le Bonheur National Brut
(BNB), un nouvel concept qui résume en lui seul toutes les valeurs tant
souhaitées en ce XXIe siècle pour un indicateur
économique. Inconnu ou mal connu, ce nouvel cadre de
référence économique qui fait preuve d'audace et de
responsabilité, est un indicateur permettant de mesurer le bonheur des
habitants de façon holistique depuis plus de quarante ans.
Initié par le roi du Bhoutan Jingme Singye Wangchuck en
1972, l'ambition de ce dernier était de pouvoir mesurer de façon
concrète le niveau de vie de ses habitants en termes philosophiques et
holistiques alors que le reste du monde se préoccupait de la faire par
le truchement du Produit Intérieur Brut (PIB), du Produit National Brut
(PNB) ou encore de l'Indice de Développement Humain (IDH) dont
l'inefficacité était déjà soupçonnée.
L. Reuter (2009, p.18) écrit: « selon le monarque, les indices
« traditionnels» ne sont pas suffisants pour mesurer le bonheur des
habitants et ne prennent pas assez en compte les valeurs spirituelles
».
Tel que présenté, le Bonheur National Brut (BNB)
a pour fondement quatre piliers ; tel qu'il le dit: « croissance et
développement économique responsables ; conservation et promotion
de la culture; sauvegarde de l'environnement et utilisation durable des
ressources naturelles ; gouvernance responsable » (L. Reuter, 2009,
p.19).
Le BNB dans sa dimension économique, tel que le stipule
le premier pilier, est une révolution en ce sens qu'il parvient à
concilier de façon juste la course à la croissance
économique et la protection de l'environnement; en d'autres termes, le
BNB a pour ambition de faire le juste milieu entre économie et
environnement et dès lors que ce juste milieu est
50
atteint, l'économie n'est plus une fin en soi mais une
aide au bonheur des populations; L. Reuter (2009 p.19) écrit:
Ceci peut se traduire par la mise au même niveau du
respect des valeurs humaines et de la course à la productivité;
la promotion d'une réduction du travail pour permettre aux gens de
consacrer plus de temps aux activités sociales, familiales ou
collectives; l'augmentation des taxes sur l'utilisation et la consommation des
ressources non renouvelables ou encore le renversement de la tendance de
dégradation de l'environnement et des structures sociales en faveur d'un
nouveau mode de production et de consommation plus durables
Pour être fidèle au quatrième pilier du
BNB qui est non moins important et qui porte sur la gouvernance responsable, le
roi Jingme Singye Wangchuck, initiateur du BNB et soucieux de laisser une base
démocratique à son pays, base tant nécessaire pour le
bonheur de tous les habitants du Bhoutan, abdique en décembre 2006 en
faveur de son fils Dasho Jigme Khesar Namgyel Wangchuck. Mais bien avant
d'abdiquer, il prend l'initiative de doter son pays d'une ouverture
démocratique. L. Reuter (2009, p.19) écrit:
Une ouverture démocratique multipartite avec
l'élaboration et l'adoption d'une constitution, la création d'un
parlement et d'un gouvernement. Les premières élections
législatives de l'histoire du pays ont eu lieu le 24 mars 2008. Dans
cette nouvelle structure étatique, le roi demeure le chef de l'Etat,
mais il pourra désormais être destitué par un vote
réunissant les voix des deux tiers des membres du parlement
Plus qu'une simple préoccupation pour la nature et le
développement économique, nous pouvons affirmer sans
exagérer que le BNB est tout un projet de société. Mais
cet indicateur de bien-être, le BNB, face auquel l'on ne peut que tomber
dans l'admiration, n'est pas promu. Une fois encore, tout porte à croire
que le développement durable, parallèlement aux idéaux
qu'il promeut, entretient la logique des classes; ceci confirme notre seconde
hypothèse spécifique qui prévoyait que, dans son
articulation, le développement durable, en tant que décision
internationale d'action, est devenu un outil au service de la politique et de
l'économique, limitant ainsi la possibilité d'une décision
libre et franche en faveur de l'environnement; et que par conséquent, le
développement durable en tant que mouvement international de lutte pour
la préservation de l'environnement souffre d'efficacité à
cause des contradictions et divergences qui prennent en otage les valeurs
environnementales.
Mais face à cet état de fait, devrions nous
rester les bras croisés, regardant notre planète se
dégrader de plus bel? Face aux générations futures,
serions-nous fiers de léguer une planète dépourvue de
ressources et totalement polluée?
51
Partie III:
Revitalisation de la durabilité par la
justice
environnementale participative
52
Malgré l'inefficacité du développement
durable face aux enjeux politico-économiques, éthiques et
sociaux, nous avons un devoir vis-à-vis des générations
futures; ce devoir est celui de leur léguer un environnement aussi
viable que le notre et capable de répondre à tous leurs besoins.
Ce faisant aucun obstacle ne peut constituer une barrière à
l'atteinte de cet objectif d'où la nécessité de
revitaliser le développement durable par la justice environnementale
participative qui est un appel à une action unifiée en faveur des
qualités environnementales. Telle est la quintessence de cette
troisième partie scindée en trois chapitres.
Au chapitre 5 intitulé repenser la
durabilité, il sera question, en tirant leçon des
difficultés actuelles du développement durable, de repenser son
articulation et son déploiement. Au chapitre 6 intitulé la
responsabilité: fondement de la justice environnementale, notre
travail a consisté à rappeler la place
prépondérante de la responsabilité dans le débat
écologique; car sans elle, la durabilité laissée à
elle-même n'est pas opératoire et ne mènera à aucun
résultat satisfaisant. Enfin le chapitre 7 intitulé la
justice environnementale participative: condition de possibilité de la
durabilité, met l'accent sur la participation qui est une
conséquence de la responsabilité; partant de la
responsabilité pour aboutir à la participation, ce chapitre pose
le fait que la durabilité tant voulue est conditionnée par la
participation.
53
Chapitre 5 : Repenser la durabilité
5.1- Apprendre des sociétés
primitives
Une réflexion approfondie sur les contradictions du
développement durable et des défis environnementaux à
relever de nos jours, laisse voir que deux maillons sont essentiels pour
l'effectivité de la durabilité; ce sont: notre conception du
développement et notre gestion des déchets. Mais pour arriver
à bien manipuler ces deux leviers, la participation est
nécessaire; et la participation renvoie non seulement à un
accès aux instances de décisions mais aussi à une forme de
réappropriation d'espaces communs en s'inspirant, comme le note C.
Larrère (2017), de la façon dont certaines communautés se
sont organisées pour restaurer et garder des biens naturels communs.
Comme l'énonce E. Bonnefous (1973), Aujourd'hui, les
ressources énergétiques fossiles, les ressources minières,
le couvert végétal sont tous en grande décroissance alors
que les besoins de l'humanité eux sont toujours croissants; le
désert du Sahara avance chaque année de 1,5 à 10
kilomètres, chaque année un million d'hectare de sol sont
dévorés par les routes, les usines et les villes, la
température terrestre augmente et est à certains endroits du
globe déjà insupportable ; les glaciers fondent etc. d'où
nous avions posé la question de savoir quel modèle de
développement pourrait atténuer cet état inquiétant
de notre planète? Par développement nous n'entendons pas ici
l'aspect unilatéral de la croissance économique mais aussi et
surtout la qualité de la vie des populations en harmonie avec leur
milieu de vie; en d'autres termes, quel serait le modèle de
développement qui pourrait le mieux concilier la croissance
économique, la qualité de vie des populations et la protection de
l'environnement? J. Fourastié (1962) quant à lui posera la
question de savoir comment l'homme pourrait-il sortir de l'impasse dans
laquelle il se trouve étant donné qu'il ne dispose que de moyens
limités pour se situer dans un univers si mouvant ? Il écrit:
(...) Avec les moyens si infimes pour prendre conscience d'un
univers si mouvant, quelles conceptions de l'univers a-t-il pu et peut-il se
former? Que peut-il pour redresser ses erreurs inéluctables dans
lesquelles il est tombé, et pour réduire celles dans lesquelles
il tombe et tombera chaque jour? De quelles méthodes dispose-t-il pour
réduire ses servitudes? (J. Fourastié 1962, p.68).
Lors de son discours le 08 mai 2004, S. Le Peltier (2004)
affirmait: « si le monde entier vivait comme nous occidentaux, il nous
faudrait trois planètes»; tout ceci pour dire que le
développement tel que nous le percevons doit être redéfini.
E. Dronne et R. Morin (2016) rendent encore plus explicite le concept de
développement à travers leurs écrits en
54
laissant voir que les religions et sociétés
dites primitives ont assez à apprendre au monde; ils écrivent
précisément:
Ces peuples profondément respectueux de la nature sont
conscients des enjeux environnementaux d'aujourd'hui. Leur mode de vie n'a pas
d'impact négatif sur l'environnement et pourtant ce sont eux les
premières victimes de la crise environnementale notamment avec la
déforestation. (E. Dronne et R. Morin, 2016, p. 10).
Basées le plus souvent sur le principe « les morts
ne sont pas morts », comme le note ces auteurs, ces sociétés
ont la croyance que les ancêtres continueraient à vivre sous
d'autres formes soit en d'autres hommes, sous forme de fantômes ou encore
dans certains animaux ou végétaux; cette conception biocentrique
du monde est au coeur de la vie de ces peuples. Cette croyance a permis
l'instauration d'une hygiène de vie basée sur l'harmonie avec
l'environnement. Le peuple Kayapo situé en Amérique du Sud est un
exemple frappant; tel qu'ils le disent toujours, vivant sur le principe «
puiser sans épuiser» (E. Dronne et R. Morin, 2010, p. 9), ce peuple
est fortement attaché à la nature de laquelle il tire toutes les
ressources nécessaires à sa vie sans porter atteinte à
l'harmonie de cet ensemble.
Marquées par le capitalisme, les sociétés
modernes quant à elles sont focalisées sur la rentabilité
économique et ses corollaires au détriment de l'équilibre
écologique. C'est frappé par ce phénomène que les
Indiens Cree affirmaient à l'égard des Américains au XIXe
siècle: « quand le dernier arbre sera abattu, la dernière
rivière empoisonnée, le dernier poisson capturé, alors
vous vous apercevrez que l'argent ne se mange pas » (Anon., 2015). La
concentration sur l'accroissement des richesses basées sur une
exploitation à outrance de l'environnement, se révèle non
durable d'où la nécessité pour nous de réapprendre
à vivre chez ceux qui ont renoncé à la consommation en
faveur de l'environnement et du bien-être de l'homme; autrement dit, nous
devons réapprendre le développement, développement ici
entendu comme une marche vers un changement de mentalité et des
institutions conduisant à la responsabilité écologique.
Dans cet ordre d'idée, l'un des moyens de prendre
connaissance des autres cultures qui ont réussi à vivre
jusqu'aujourd'hui en prenant à coeur le bien-être de
l'environnement, est le tourisme durable. Tourisme durable qui est l'un des
meilleurs moyens d'ouverture vers les autres cultures et tel que S. Camus, L.
Hikkerova et J. M. Sahut (2010) le notent, bien qu'étant
éloigné conceptuellement de la durabilité, le tourisme en
est néanmoins très proche car il est un canal de divulgation des
principes de la durabilité. En effet, les désaccords
recensés lors des différentes conférences sur
l'environnement et notamment dans la mise en
55
oeuvre des clauses qui ont été adoptées,
ont montré que le changement de mentalité et l'adoption d'une
hygiène de vie durable passent par les individus pour progressivement
prendre une envergure mondiale et non l'inverse. C'est dans cette perspective
que le tourisme durable qui consiste à s'ouvrir aux autres
sociétés et à apprendre d'elles les valeurs qui nous
permettraient de participer à la sauvegarde de notre environnement,
apparaît comme un moyen efficace qui permet de concilier diversité
culturelle et développement durable.
Parler de tourisme durable signifie donc une ouverture, ou
mieux un émerveillement face à toute option pour la protection de
l'environnement et la prédisposition à en apprendre. Ceci
étant, le tourisme écologique, contrairement à la
conception classique du tourisme, peut se faire au sein d'un même pays
pourvu que la toile de fond qui est l'échange de connaissances en faveur
de l'environnement et d'une meilleure qualité de vie pour tous soit en
vigueur dans le but de l'élever à l'universel. L. Ferry (1993,
p.55) écrit:
L'écologie ne saurait cependant faire oublier que dans
les trois moments qui la composent, le particulier, l'universel et le
singulier, c'est bien le second, celui de l'arrachement, de la liberté
conçue comme transcendance, qui constitue l'espace proprement humain.
L'ouverture à l'universel et la disposition à
apprendre de lui est notre devoir aujourd'hui pour renverser l'élan de
la crise écologique. Nous ne pourrions vraiment être
développés que dans la culture d'une meilleure relation avec la
nature. De ce brassage naissent des idées complémentaires et
efficaces qui permettront de lutter efficacement pour rétablir
l'équilibre de la biosphère en l'occurrence par la lutte contre
les déchets.
5.2-Parvenir à une lutte efficace contre le
déchet
Le schéma de la civilisation occidentale dont
héritent la plupart des sociétés peut se réduire
à: production, consommation, croissance économique, rejet des
déchets. Nous nous sommes déjà attelés à
montrer les revers négatifs de la consommation; la production des
déchets est le produit final de ce circuit; et la mauvaise gestion des
déchets est une cause non des moindres des dégradations dont nous
nous plaignons aujourd'hui.
Tout d'abord, il semble important d'éclair le concept
de déchet. En effet, le déchet a des compréhensions
diverses selon que l'on se situe dans un contexte ou dans un autre. J. Vernier
(2007, p.63) écrit:
Dans l'acception française, le «
déchet» ne vise que les déchets solides ou pâteux,
voire liquides concentrés, mais qui en tout cas sortent de nos maisons
ou de nos usines, non pas par nos cheminées (pollution de l'air) ou par
nos égouts (pollution de l'eau) mais plutôt par nos
56
camions (...) les anglo-saxons ne font guère cette
différence. Les déchets (wastes) chez eux couvrent aussi les
pollutions de l'eau ou de l'air.
Dans ce travail, nous parlerons de déchets
essentiellement en référence à l'acception
française c'est-à-dire les déchets solides ou
pâteux, voire liquides concentrés, sans oublier que ceux qui
sortent des cheminées et des tuyaux d'échappement en sont
aussi.
La ville étant le milieu par excellence de l'expression
de notre civilisation, la production de déchets y est logiquement
importante et inquiétante; par conséquent, lutter efficacement
contre les déchets en milieu urbain est une grande avancée en
matière de la préservation de l'environnement. Dans les pays du
Nord, la gestion des déchets au quotidien a connu de grands
progrès. Parti de la simple collecte à l'incinération, le
déchet retrouve sa valeur c'est-à-dire que le déchet n'est
plus l'inutile mais aussi une matière première que l'on pourrait
souvent employer à tous les usages auxquels ils seraient propres.
Aujourd'hui le déchet, parti de la collecte,
connaît le trie où sont séparés les déchets
recyclables des déchets non recyclables ; les recyclables sont
utilisés pour fabriquer d'autres biens et les non recyclables à
l'incinération. Quant à l'eau elle est retraitée pour
être utilisable réduisant un tant soit peu le
phénomène de gaspillage dans les pays
développés.
La gestion des déchets quotidiens pose vraiment
problème dans les pays en voie de développement où la
culture du recyclage n'émerge pas encore. G. Bertolini et M. Brakez,
(2008, p.03) notent:
Une collecte officielle (formelle) partielle, pour partie
complétée par le recours d'habitants à des charretiers
privés; des mises en décharges « brutes » ou mal
contrôlées des déchets collectés; l'importance du
chiffonnage (récupération informelle) de rues ainsi que sur les
décharges; la part très importante des matières organiques
fermentescibles; une organisation déficiente et de grandes
difficultés à mobiliser des ressources financières pour
améliorer la situation
Ces caractéristiques assez tristes de la gestion des
déchets dans les pays en voie de développement imposent une
transition vers une meilleure gestion. Cette transition ne sera possible que,
comme le disent toujours G. Bertolini et M. Brakez (2008, p.3), par une
transition sociale.
La transition sociale telle qu'énoncée passe,
bien entendu, par une réorganisation structurelle des
municipalités qui, toujours d'après les mêmes auteurs,
doivent faire un effort de création des points de transit où les
collecteurs particuliers pourraient décharger les déchets
57
dans le but que ces derniers soient transférés
vers des lieux de traitement. Tel qu'ils le notent G. Bertolini, M.
Brakez(2008, p.5) :
Il faut que la municipalité prévoit et
aménage des lieux de dépôts intermédiaires, ce qui
ne constitue pas une tâche aisée; il faut en outre que ces lieux
de dépôts ne soient que des points de transit, c'est-à-dire
qu'ils fassent à leur tour l'objet d'enlèvements réguliers
par la municipalité.
M. Durand (2012, p.18) dira quant à lui:
Qu'en lieu et place de dépenser leurs maigres
ressources financières et humaines à faire la chasse aux
systèmes illégaux, les municipalités des pays en
développement auraient tout intérêt à concentrer
leurs efforts sur une meilleure articulation entre les systèmes formels
et informels.
En plus de ces mesures administratives qui doivent rendre plus
commode la collecte des déchets surtout dans les pays en voie de
développement, il faudrait aussi oeuvrer à y développer le
tri des déchets et le compostage car ces méthodes de traitement
des déchets restent jusqu'aujourd'hui peu développées dans
ces pays.
Au-delà de ces recommandations, la lutte contre les
déchets serait plus efficace par l'engagement individuel et collectif
à une consommation responsable. La consommation responsable renvoie
à la théorie des 4R: Réduire, Réutiliser,
Réparer, Recycler; c'est ce qui permettra l'amorce d'une justice
environnementale. Car en gérant au mieux les déchets, nous
diminuons le risque des injustices environnementales. Ce faisant, la
responsabilité ne saurait être mise à l'écart car
c'est le fondement de la participation.
58
Chapitre 6 : La responsabilité : fondement de la
justice environnementale
6.1- Les fondements de la responsabilité envers
les générations futures
L'engagement pour les générations futures trouve
son fondement dans la prise de conscience des impacts négatifs du
développement sur la nature et donc des dangers potentiels qu'engendrent
les activités humaines sur la vie des générations
présentes et futures. Précisément ce fut au XIXe
siècle que ces préoccupations font surface et prennent
définitivement forme au XXe siècle avec le Club de Rome qui
proclame « la croissance zéro ». C. Gollier (2010, p. 218)
écrit:
Pendant des dizaines de milliers d'années, les
activités humaines n'avaient qu'un impact marginal sur l'environnement.
Le cycle de la vie semblait se répéter de façon immuable :
les historiens nous ont appris que la croissance économique a
été quasiment nulle entre le néolithique et le
début du XIX siècle. Ainsi l'être humain n'a-t-il pu
développer une conscience de sa responsabilité envers les
générations futures que fort récemment, dès lors
qu'il a pris conscience du fait que son développement rapide risquait de
se faire au détriment de celui des générations à
venir.
Notons que si chez C. Gollier (2010) la question des
générations futures se justifie par la prise de conscience des
dommages causés à la nature par les activités anthropiques
et dont les répercussions menacent déjà les
générations présentes et à venir par la suite, ce
qui est qualifié d' « éthique traditionnelle » par H.
Jonas (1990); d'après ce dernier, le souci des générations
futures se justifie par « un comportement parfaitement
désintéressé face à une progéniture non
encore autonome et non le rapport entre adultes autonomes » (H. Jonas,
1990, p.88). Mais, cette nouvelle configuration de l'éthique qu'apporte
H. Jonas (1990) qui prétend transcender le souci des conséquences
néfastes de l'industrie, a pourtant partie liée avec ces
dernières. Car même si H. Jonas (1990) parle du
désintérêt comme fondement de la responsabilité, le
concept de « responsabilité» a émergé dans le
contexte de la crise environnementale contemporaine et se comprend en tant que
« panacée» du long terme dans un contexte où la
révolution scientifique, augmentant l'impact de l'homme sur la nature et
les conséquences à long terme, implique des préoccupations
qui dépassent l'ordre de l'immédiateté d'où A.
Moroncini et B. Ouchene (2016, p.10) affirment:
Voilà donc que nous apparaissons désormais
responsables, ou du moins coresponsables, d'une action collective dont les
développements et les effets nous sont largement inconnus ; voilà
que se trouve brisé le cercle de proximité qui m'obligeait
seulement à l'égard du proche et du prochain, et distendu le lien
de simultanéité qui me faisait comptable des effets
immédiats, ou à tout le moins voisins, des actes que je posais
aujourd'hui.
Bien que le souci pour les générations futures
s'apparente au souci que se fait un parent pour son enfant, il faudrait noter
une différence entre ces deux responsabilités. En effet,
59
la responsabilité d'un parent face à son enfant
qui vit déjà avec ses droits qui font face aux devoirs du parent
à son égard est parfaitement fondée du fait que le parent
est l'auteur direct de la vie de l'enfant et est par conséquent tenu par
devoir moral d'en prendre soin. H. Jonas (1979, p.89) écrit:
L'obligation de prendre soin de l'enfant que nous avons
engendré et qui existe maintenant se laisse parfaitement fonder,
même sans recourir à la stimulation du sentiment sur la base de la
responsabilité effective contractée du fait que nous somme
l'auteur de son existence et ensuite du droit qui appartient
maintenant à cette existence - donc en dépit de la
non-réciprocité elle découle du principe classique des
droits et des obligations bien que dans le cas présent ceux-ci soient
unilatéraux.
Le souci pour les générations futures se
distingue de celui pour de la progéniture directe ou mieux de celle d'un
père pour son enfant du fait qu'ici, les générations
futures dont il est question ne sont pas encore effectives et de
surcroît, tout le monde est obligé d'en être auteur et donc
responsable; c'est dans ce contexte que se justifie le
désintérêt vis-à-vis des générations
futures que nous avons souligné plus haut. C'est de cette
responsabilité qu'il s'agit quand on parle de la responsabilité
envers les générations futures. H. Jonas (1979, p.89)
renchérit:
Mais autre chose que l'obligation résultant du fait
d'être auteur d'une existence qui nous fait face avec ses droits,
serait l'obligation de devenir auteur, d'engendrer des enfants, celle
de la procréation en tant que telle: si elle existe, cette obligation
est incomparablement plus difficile à fonder et en tout cas elle ne peut
pas être fondée sur le même principe (...) or c'est d'une
obligation de ce type qu'il s'agit avec l'obligation à l'égard de
l'humanité future, car elle veut dire en premier lieu que nous avons
l'obligation de l'existence de l'humanité future - indépendamment
même de la question de savoir si notre propre postérité en
fait partie- et en second lieu il s-agit de l'obligation de son
être-tel.
Ce devoir nous incombe, nous générations
présentes car nous sommes les héritiers de nos
prédécesseurs et il est pour nous un devoir de garantir un avenir
meilleur à ceux qui viendront après nous. Désormais, tel
que S. Ferrari (2010, p.6) le note: « la responsabilité trouve
maintenant sa source dans le futur et non plus dans des obligations
passées ou présentes ». Et cette responsabilité passe
obligatoirement par la diminution de l'ampleur de nos activités qui
dégradent l'environnement et la régulation des
inégalités. Tel qu'elle le dit:
L'origine de ce changement d'éthique réside dans
les menaces issues de la puissance de la technologie engendrée par
l'homme. La limitation de l'agir humain résulte de l'obligation que nous
avons à l'égard de l'avenir qui nous oblige à être
responsable aujourd'hui (...) Dans un tel contexte, la nature de la
responsabilité est directement liée au pouvoir de l'agir humain
devenu dangereux pour l'espèce humaine du fait de la puissance de la
technique qu'il a créée. L'homme contrôle la nature
à l'aide de techniques qu'il ne contrôle pas. L'exemple le plus
marquant est celui révélé par l'impact d'origine
anthropique sur le climat, exemple qui révèle l'incapacité
des sociétés à assurer leur responsabilité en
matière environnementale. (S. Ferrari, 2010, p.6).
60
L'agir humain dont il urge de limiter l'impact sur
l'environnement a pour conséquence, la dégradation du capital
naturel nécessaire à la satisfaction des besoins des
générations futures conduisant, au cas contraire, à une
injustice environnementale. C'est fort de cette évidence qu'il faudrait
sacrifier les générations présentes, sacrifice bien
sûr au sens de S. Ferrari (2010, p.8): « s'il y a sacrifice au sens
de réduction de la consommation aujourd'hui». Dans le même
temps, avec le même auteur, cela implique de revoir
l'interprétation de la durabilité du développement: «
il s'agit en fait de considérer qu'il peut y avoir simultanément
non-décroissance du bien-être et décroissance de la
consommation pour les générations présentes les plus
favorisées ». Tout ceci, dans le souci de réduire
l'injustice environnementale car, la réduction de la consommation
entraine obligatoirement la baisse de la production et un gain pour la nature
et par conséquent une assurance pour les générations
futures dans la pleine réalisation de leur humanité. Bien que les
pays développés soient ici indexés, il faut aussi insister
sur la limitation des ardeurs consuméristes dans les pays en voie de
développement pour qui l'objectif est de ressembler aux pays
développés.
Le lien entre générations présentes et
futures n'est plus à démontrer; l'impératif jonasien :
« agis de façon que les effets de ton action soient compatibles
avec la permanence d'une vie authentiquement humaine sur terre» (IT.
Jonas, 1990, p.89) le résume; ceci implique également un
engagement de la part des politiques qui doivent aussi oeuvrer à cette
fin.
61
6.2- De la durabilité à la
responsabilité pour une justice environnementale
Apparu dans les années 1990 après le rapport
Brundtland, « la durabilité» en tant que concept voulait
exprimer de façon succincte, l'essentiel du rapport Brundtland à
savoir la juste articulation entre les aspects social - économique -
environnemental. A. Moroncini et B. Ouchene (2016, p.9) affirment: « la
durabilité se définit comme étant un développement
qui répond aux besoins du présent sans compromettre la
possibilité, pour les générations à venir, de
pouvoir répondre à leurs propres besoins».
Mais tel que nous l'avons démontré, les
dégradations environnementales n'ont cessé de battre les records
malgré « le sommet sur la terre» en 1992 suivi des 22
Conférences des Parties depuis 1995 dont l'objectif spécifique
était de réduire les effets nocifs des activités
anthropiques sur le climat. Tout porte donc à croire que la
durabilité tel qu'énoncée clairement dans le rapport
Brundtland n'est pas assez efficace pour apporter des solutions
adéquates aux crises environnementales; D. Bourg (2012, p.4)
renchérit ce présupposé en affirmant:
Le développement durable n'est pas un concept
opératoire pour faire face aux défis globaux auxquels doivent
répondre les sept milliards d'êtres humains mais, au contraire,
une déclinaison du conformisme, une manière de nous cacher,
encore une fois, que nous sommes devant une « cascade de finitudes
».
L'égalité des chances et l'équité
de la dette écologique ne se limitent pas à nous seules
générations présentes mais doit aussi s'étendre aux
générations futures et à leur avenir. Or parler des
générations à venir relève de la dimension de la
responsabilité et non de la simple durabilité; car, alors que la
durabilité est une pensée pieuses envers les
générations futures et aussi présentes, la
responsabilité quant à elle, comme l'énoncent Moroncini et
B. Ouchene, (2016, p.9) : « est le fait de devoir répondre de ses
actes ou d'avoir des décisions à sa charge, la
responsabilité joint l'acte à la parole; la responsabilité
est également synonyme d'obligation, de devoir d'assumer et de s'assumer
». Quant à l'avenir de ces générations futures dont
il s'agit, tel qu'ils le réitèrent: « l'avenir dont nous
parlons quand on évoque la responsabilité envers les
générations futures est l'avenir de ceux et celles qui ne sont
pas encore nés» (A. Moroncini et B. Ouchene, 2016, p.7). En
d'autres termes, les générations avenir, selon ces auteurs, tout
comme H. Jonas (1979) l'avait précisé, sont celles qui ne sont
pas encore nées peu importe l'espace chronologique qui les sépare
de nous.
L'une des spécificités de la durabilité
est l'attachement encore remarquable envers la croissance économique.
Ayant révélé sa faiblesse, la durabilité encore
économique, doit laisser place à l'impératif
éthique d'Henry « le principe de copropriété ».
Selon ce principe,
62
les générations présentes n'ont pas le
droit de désapproprier les générations futures pour
satisfaire à leurs besoins ; mais s'il arrivait que s'opère un
excès de ce type, les générations présentes doivent
oeuvrer à garantir un niveau de vie équivalent à celui que
pourraient avoir les générations à venir si aucun
excès n'advenait. (A. Moroncini et B. Ouchene, 2016, p.7) notent:
Les générations présentes ne peuvent donc
exproprier les autres générations qu'à condition de leur
garantir une compensation suffisante, afin de les faire accéder au
niveau de bien-être auquel elles se seraient trouvées en l'absence
de l'altération. Analyser la portée d'un tel principe signifie
que, seules des négociations en vue d'une utilisation commune
permettraient d'atteindre des solutions aptes à réconcilier les
intérêts économiques et écologiques de toutes les
générations.
Dans ce processus, les générations futures sont
absentes et il revient aux générations présentes de faire
leur plaidoyer afin de leur garantir un avenir meilleur d'où
l'importance de la notion de responsabilité qui s'exprime pleinement en
tant qu'éthique et comme le disent une fois encore A. Moroncini et B.
Ouchene (2016, p.8) :« c'est en cela que toute réflexion sur la
durabilité débouche sur la question de la responsabilité
sur la condition des générations futures»
La spécificité de l'éthique de la
responsabilité est l'ouverture de la responsabilité
au-delà des frontières du présent dans un monde où
les répercussions des activités anthropiques se
révèlent à long terme en ne prenant pour exemple que les
bombes de Hiroshima et Nagasaki qui ont fait des milliers de morts et dont les
effets nocifs continuent jusqu'aujourd'hui; les déchets
nucléaires dont la radioactivité s'étend à des
dizaines de milliers d'années, etc. Autant d'inquiétudes pour
faire appel à la responsabilité; H. Jonas (1990, p.88)
écrit:
Or même en morale traditionnelle il existe
déjà un cas de responsabilité et d'obligation
élémentaire non réciproque (qui émeut
profondément même le simple spectateur) qui est reconnue et
pratiquée spontanément: celle à l'égard des
enfants qu'on a engendré, et qui sans continuation de
l'engendrement par la prévision et la sollicitude devrait périr.
Sans doute se peut-il qu'on attende d'eux un service rendu en échange de
l'amour et de la peine pour le temps de sa propre vieillesse, mais cela n'en
est certes pas la condition et moins encore celle de la responsabilité
reconnue à l'égard et qui est au contraire inconditionnelle.
A. Moroncini et B. Ouchene (2016, p.8) ajoutent:« en
introduisant l'idée d' "éthique de la responsabilité", H.
Jonas (1990) a voulu élargir la dimension spatio-temporelle
limitée de la responsabilité classique ». Alors:
Quel héritage allons-nous léguer à ceux
qui viendront après nous? Que faire des déchets produits et de
ceux que nous continuons de produire ? Les enfouir, n'est-il pas une
façon facile
63
de fuir nos responsabilités? Opter aujourd'hui pour
cette méthode de traitement des déchets, sera-t-il sans danger
pour les générations futures ? (A. Moroncini et B. Ouchene, 2016,
p.8).
Autant de questions qui surpassent la dimension de
l'idée pieuse et font appel à l'action, à la
responsabilité. Contrairement à la durabilité
fondée sur le rapport Brundtland et qui a échoué à
cause de ses contradictions, la responsabilité dont la mission est de
pallier aux manquements de la durabilité, se veut un appel à tous
et un engagement de tous pour le mieux être de la biosphère et la
garantie de la vie tant présente que future. C'est par cet engagement
pour les générations futures que nous parviendront à la
justice environnementale.
6.3- La responsabilité du pouvoir politique dans
la mise en oeuvre de la justice environnementale
L'écologie, destination de la responsabilité,
est la voix qui pourrait nous amener à atténuer les effets
néfastes de nos activités sur l'environnement. Pour que cette
entreprise advienne, nous ne pouvons pas faire fi de l'engagement des
politiques.
Parmi les contradictions qui ont conduit à
l'échec de la durabilité, nous avons souligné les
désaccords politique et économique comme étant en partie,
responsables; ces désaccords politique et économique ont
consisté, rappelons-le, en une attitude de révolte de la part des
pays en voie de développement qui ont vu dans les stratégies de
réduction des émissions des gaz à effet de serre, et la
reconsidération de la gestion de l'environnement pour une justice
environnementale effective comme une stratégie de plus de la part des
pays développés pour les maintenir dans un état de
sous-développement.
Désormais, tournés vers l'avenir et avec au
coeur le souci des générations futures, l'efficacité des
actions aussi bien individuelles que globales doit naître d'une meilleure
coordination politique afin d'éviter les pièges soulevés
plus haut. Tout comme H. Jonas (1990), C. Grino (2001, p. 63) note
également: « le véritable domaine d'application de la notion
de responsabilité ainsi remaniée est la sphère
publique, et non la sphère privée », et cette
responsabilité qui revient au politique dans ce contexte est celle de
« la prévoyance ». La prévoyance du politique dans la
construction d'une société justice, revient quant à elle
à la sagesse comme le préconisait Platon dans le livre III de
La République; ce que H. Jonas (1999, p.47) reprendra: «
la prévoyance de l'homme politique consiste donc dans la sagesse et dans
la mesure qu'il consacre au présent ».
64
65
Dans le contexte de la crise écologique qui est le
nôtre, la responsabilité politique, de façon
concrète renvoie d'abord à une prise de conscience de chaque Etat
qu'il soit développé ou en voie de développement, de la
menace réelle de l'environnement à cause de l'écart entre
le rythme de restauration de l'environnement et celui des activités
anthropiques de plus en plus polluantes. Cette prise de conscience entraine une
attitude responsable qui débouchera sur la construction d'un meilleur
état global, entendu ici comme un meilleur cadre de vie :
Egalement le meilleur à l'avenir,
précisément parce que dans son équilibre interne de tout
temps actuel il est le garant de l'avenir en tant que tel et qu'ensuite il est
naturellement également le meilleur de l'avenir, parce que les
critères d'un bon ordre ne changent pas » (H. Jonas, 1999,
p.46).
Tout ceci rejoint l'idée de l'urgence d'un droit
cosmopolite de l'environnement tel que porté par la conférence de
Stockholm (1972), l'Acte de l'Union Européenne (1985) et le
traité de Rio (1992) qui stipulait dans son préambule qu'il
faudrait instaurer un partenariat mondial sur une base nouvelle en
reconnaissant que la terre, berceau de l'humanité, constitue un tout
marqué par la complémentarité.
La lutte pour la justice environnementale est de l'avantage de
tous, aussi bien nous générations présentes que pour les
générations futures. Cet intérêt bien que
justifiée, a besoin de force juridictionnelle afin que le droit à
l'environnement soit reconnu comme droit fondamental de l'homme. Pour ce faire,
le droit de l'environnement doit reposer, Comme le dit si bien M. Prieur
(2017), sur trois composantes complémentaire : la
légalité, le service public de l'environnement et l'ordre public
écologique.
Du point de vue de la légalité, la
légifération sur l'environnement doit tenir compte d'un certain
équilibre notamment:
Une opération ne peut légalement être
déclarée d'utilité que si les atteintes à la
propriété privée, le coût financier et
éventuellement les inconvénients d'ordre social ou
écologiques qu'elle comporte ne sont pas excessifs eu égard
à l'intérêt qu'elle présente (...) a un moment
où il est beaucoup question, et à juste titre, d'environnement et
de cadre de vie, il faut éviter que des projets par ailleurs utiles
viennent aggraver la pollution ou détruire une partie du patrimoine
naturel et culturel du pays (M. Prieur, 2017, p.5).
Tout les pays devront donc unir leur force en s'engageant
chacun sur cette voie de la préservation de l'environnement. Cet
équilibre doit être recherché à envergure
universelle. Une fois que ce principe est assimilé, il va de soit que
les pouvoirs publics s'engagent dans la création de services publics
spécialisés dans la prise en charge et la gestion de
l'environnement. Ces services peuvent être matériels ou organique:
matériels quand ces services sont entre autres des établissements
publics spécialisés ou des agences de l'eau; et
organiques quand il s'agit plutôt des organismes de
droit privé comme des associations de défense de
l'environnement.
Tout ceci doit être soutenu par l'engagement responsable
des populations en faveur des valeurs écologiques et seule la
vulgarisation du débat écologique permettrait de parvenir
à cette fin; vulgarisation qui est aussi du devoir des politiques.
Vulgarisation qui s'avère très importante pour la bonne marche de
la justice environnementale participative. Et cette vulgarisation consistera
dans la mesure du possible à favoriser les actions en phase avec la
protection de l'environnement. D'où l'importance du troisième
maillon complémentaire de l'engagement des politiques; celui-ci est la
préservation de l'ordre public écologique qui se résume
à la nécessité d' « assurer les objectifs d'ordre
public que sont traditionnellement la sûreté, la
tranquillité et la salubrité publique» (M. Prieur, 2017,
p.8) par une police de l'environnement. Dans cet élan, non seulement les
dégradations de la biosphère sont réparées, mais
ces réparations sont aussi sujettes à la protection dans le but
de minimiser les risques environnementaux et donc d'éradiquer les
inégalités environnementales. Tel est l'équilibre que
doivent rechercher les politiques. Mais ce droit reste jusqu'aujourd'hui non
reconnu par nombre de pays comme le souligne toujours M. Prieur (2017).
D'où la nécessité d'accroître aussi la
sensibilité écologique chez les populations.
Les données scientifiques de l'état de la
dégradation de la biosphère et les conséquences qui lui
sont inhérentes ne laissent personne indifférent. Pis encore, les
projections à long terme de la dégradation de la biosphère
et ses conséquences tourmentent plus d'un. Face à cette
évidence, d'aucuns pensent que les politiques doivent choisir pour
l'ensemble des populations, un choix averti qui élimine tout risque de
pollution; ceci renvoie par exemple à restreindre la fourniture des
machines polluantes ainsi que des produits toxiques pour éviter aux
populations de polluer l'environnement. C'est la position soutenue par P.
Fauquemberg (2002, p. 88) :
(...) Nous pouvons par exemple penser que des mesures
politiques de restriction, notamment en ce qui concerne l'offre des mesures
politiques de restriction, notamment en ce qui concerne l'offre de produits
technologiques et donc polluants, sont nécessaires.
Mais une telle position est naïve car ce serait ignorer
la force de phagocytose exercée par l'économie sur l'espace
sociétal et politique qui fragilisent une telle option. La solution
politique qui serait efficace constituerait, en plus de l'harmonie
environnementale internationale recherchée entre
l'égalité, le service de l'environnement et l'ordre public
écologique, l'accroissement de la responsabilité des populations
tout simplement comme nous
66
l'avons énoncé plus haut; elles ont la
capacité de former un blocus contre la pollution et les
inégalités environnementales par leurs choix quotidiens. C'est
alors que nous parviendrons à ce que H. Jonas (1990, p. 68) appelle
« la seconde obligation éthique» c'est-à-dire «
l'apprêtement personnel à la disponibilité de se laisser
affecter par le salut ou par le malheur des générations à
venir, quoique d'abord seulement imagée » (H. Jonas, 1990, p.
69).
Il est vrai que l'intervention politique reste incontournable
dans la diminution des pollutions de toute sorte, mais en ce qui concerne
l'éradication des injustices environnementales, elle l'est plus encore.
Car, notons que la qualité environnementale que nous recherchons est
aussi l'une des causes de l'accroissement des inégalités
environnementales ; car, la qualité environnementale est de nos jours un
argument de vente du côté des promoteurs immobiliers et de
légitimation du côté des élus comme le dit C.
Larrère (2017, p.77). La crise écologique a donc introduit une
recherche effrénée de la qualité environnementale qui
accentue toujours les injustices environnementales car le confort de
l'environnement de qualité a son prix mettant donc à
l'écart les populations vulnérables qui n'ont qu'a subir la crise
écologique comme une fatalité. Cet acharnement environnemental
qui laisse croire que les injustices environnementales semblent
incontrôlables, serait atténué par le couplage entre :
« la participation au changement de son environnement et de nouvelles
modalités politiques travaillant le corps social plutôt que ses
organes de direction» (C. Larrère, 2017, p. 79).
Etant donné que seules les populations qui
réclament justice sont les seules aptes à oeuvrer au changement
de leur sort, il revient alors aux politiques de donner à ces
dernières les moyens d'oeuvrer à cette fin; c'est donc un appel
au libéralisme solidariste où la justice consiste à :
« Distribuer d'une certaine manière (c'est le critère de
répartition) une variable dont la distribution interindividuelle importe
directement (pas seulement au titre d'indicateur ou de facteur causal) c'est le
distribuendum » (P. Van Parijs, 1991, p. 251). Dans notre
contexte, la variable étant l'environnement, les politiques pourraient
le distribuer de façon à ce que tous bénéficient de
la même qualité environnementale et comme le notait C.
Larrère (2017), ceci passe par exemple par la protection et
l'interdiction d'occupation des zones immergées, l'aménagement
équitable des quartiers, l'accès équitable aux
technologies vertes etc. L'option de la théorie libérale
solidariste de la justice dans la résolution de la crise
écologique nous paraît efficace pour une raison bien
énoncée par P. Van Parijs (1991, p. 278) :
67
Le pluralisme interne aux diverses nations continue de
s'approfondir, de se révéler, de s'affirmer, rendant toujours
plus illusoire l'espoir de régler les conflits par l'appel à une
conception englobante de la société bonne appuyée sur une
tradition partagée par l'ensemble de la communauté nationale.
Vis-à-vis à cette évidence, pour que
notre environnement devienne toujours plus viable et les
inégalités environnementales atténuées
indépendamment de la complexité des enjeux politiques, il
faudrait veiller à une distribution réfléchie des
qualités environnementales qui ne seraient en aucun cas entamée
par les tourbillons politiques. D'où la place de la vulgarisation du
débat écologique et de la croissance de l'harmonie du corps
politique. Bref, la participation reste nécessaire dans la
résolution de la crise écologique.
68
Chapitre 7 : La justice environnementale participative
: condition de possibilité de la durabilité
7.1-La participation
Dans un contexte contemporain où la protection de
l'environnement fait partie intégrante de la vie de la
société, la justice classique d'origine aristotélicienne
n'est pas à la hauteur des défis contemporains; ainsi la justice
environnementale se veut un dépassement des limites anthropocentrique et
géographique de la justice Aristotélicienne. Ses grandes
orientations sont généralement regroupées sous trois
grands aspects: la légalité qui est du ressort du droit de
l'environnement consacré à la légifération dont
nous avons fait mention dans les paragraphes précédents; la
justice environnementale distributive essentiellement orientée vers
l'équité des bienfaits des qualités environnementales; et
la justice environnementale correctrice tournée vers la
réparation des dommages causés à l'environnement. Ces
trois aspects de la justice environnementale sont soutenus par la justice
environnementale participative qui exige un ordre sociopolitique permettant aux
citoyens de prendre part au débat écologique et de participer
à la délibération11.
La justice environnementale participative, telle que le note
C. Larrère (2017), implique une réflexion sur
l'égalité tout en faisant attention à ne pas construire un
égalitarisme réducteur et autoritaire. Cette plausible confusion
prend naissance à partir de la question: qui appelons-nous
défavorisé? Ce sont des personnes qui manquent de ce que J. Rawls
(1971) appelle les « biens primaires» qui sont des biens accessibles
et nécessaires à tout citoyen libre. Ainsi concevoir
l'égalité seulement sur la base des biens primaires est une
conception réductrice car n'embrassant pas toute la compréhension
de l'égalité et autoritaire car reléguant au second plans
les personnes qui ne jouissent pas « des capabilités de base
», pour parler comme A. Sen (2000), c'est-à-dire de ceux qui
souffrent de handicap physique ou social; parler de justice revient donc
à prendre en compte tous ces paramètres en donnant à
chacun les moyens de se réaliser dans son être. Autrement dit, la
démarche de la participation a en vue de faire de chaque individu
l'agent de sa situation.
11Les trois aspects de la justice environnementale
sus-cités notamment: la légalité, la justice distributive
et réparatrice, sont tirés du cours inédit de
théorie de la justice environnementale du Professeur K. Kouvon,
2016. En effet, ces trois aspects, loin d'être autonomes les uns des
autres, constituent les pièces d'un puzzle dont le manque d'une seule
saboterait la cohérence. Dans un contexte contemporain marqué par
la dégradation de la biosphère couplée des diverses sortes
d'injustice avec lesquelles l'humanité veut découdre, la justice
environnementale dans ses trois aspects, est une pièce capable
de soutenir le projet de la justice classique aristotélicienne.
69
La justice environnementale participative consiste finalement
: « pour ceux qui réclament la justice environnementale,
d'être en capacité effective de décider» (C.
Larrère, 2017, p.26). Allant au-delà de la simple
décision, ainsi qu'elle insiste, la participation est plus une
réappropriation active d'espaces communs. Précisément:
Il ne suffit pas, pour éviter les
inégalités environnementales, que dans les objectifs des
éco-quartiers, il y ait la mixité sociale, ou que la restauration
des quartiers défavorisés inclut un volet de restauration
écologique (...) le modèle d'égalité pour
confronter et corriger les inégalités environnementales n'est pas
seulement à rechercher du côté d'une réduction de
l'échelle des revenus ou des patrimoines, mais dans le
développement des pratiques collectives et des usages communs.(C.
Larrère, 2017, p.26).
La fin ultime de la participation, c'est l'implication
disciplinée de l'individu dans la lutte pour son bien-être global
dans un environnement sain. Mais pour que cela soit possible, il convient de
rappeler que trois maillons restent indissociables dans cette procédure.
Comme le notent Jérôme Ballet, Damien Bazin et Jérôme
Pelenc (2014, p. 10) :
La mise à disposition de l'information sans laquelle
l'individu ne peut établir un choix raisonné ; être partie
prenante sans quoi il ne peut exprimer les raisons qu'il a de valoriser tel ou
tel objectif et ne peut contrôler la procédure qui permet les
choix ; la coproduction d'information scientifique qui renvoie à la fois
au fait de contrôler la procédure mais aussi au pouvoir effectif
d'atteindre les objectifs.
Dans ce contexte la responsabilité revient au fait que
tout acte reflète l'obligation de la préservation de la vie, ce
qui renvoie en même temps à une attitude de durabilité qui
consiste à préserver l'équilibre
économie-société-environnement. La participation n'est
donc que la conséquence d'une application conjointe de la
durabilité et de la responsabilité ; c'est cette relation
intrinsèque que remettent en exergue B. Ouchene et A. Moroncini (2016,
p.20) quand ils notent: « (...) La relation est réciproque dans le
sens où la durabilité débouche sur la
responsabilité et, que la responsabilité implique la
durabilité » ; responsabilité ici comprise au sens jonasien
comme l'exigence « qu'un tel monde doive exister à jamais dans
l'avenir-un monde approprié à l'habitation humaine- et que
toujours à l'avenir il doive être habité par une
humanité digne de ce nom » (H. Jonas, 1990, p. 38).
De cette application conjointe de la durabilité et de
la responsabilité, naîtra une nouvelle façon d'exister au
monde qui est celle de l'implication de tous dans la préservation de
l'environnement pour une vie qualitative aussi bien pour nous,
générations présentes que pour les
générations futures.
Cet engagement se traduit d'ailleurs dans les gestes les plus
simples de la vie quotidienne comme acheter des oranges. F. Baddache (2006,
p.16) note:
70
Il y a plus d'une façon d'acheter des oranges;
j'achète les oranges selon l'approche traditionnelle. Si je fais
attention à la dépense : j'achète les oranges les moins
chères, en les choisissant de préférence de
qualité. C'est l'argument qui prévaut. Si je veux me faire
plaisir: j'achète les meilleures oranges, sans regarder leur prix, ni
leur provenance, sans me demander non plus si c'est la saison des oranges.
C'est une approche hédoniste.
Maintenant, j'achète des oranges selon l'approche du
développement durable. Les arguments de l'approche traditionnelle
restent valables: je peux tout à fait baser mes achats sur la recherche
du meilleur rapport qualité/prix, ou sur la recherche du plaisir. Mais
d'autres paramètres viennent nourrir ma réflexion avant l'achat.
J'intègre désormais dans ma réflexion des critères
environnementaux et sociaux. Ainsi, je m'interroge: dans quelles conditions ces
oranges ont-elles été plantées et récoltées?
Les travailleurs étaient-ils des ouvriers venus d'Afrique du Nord pour
travailler dans des plantations du Sud de l'Europe où ils sont
payés une misère et traités comme des moins que rien? Dans
quel respect de l'environnement ces oranges ont-elles été
produites? A-t-on utilisé pour ce faire des tonnes de pesticides et
d'engrais? D'où viennent ces oranges? Si elles proviennent de l'autre
bout du monde, les longues distances du transport ont sans doute
été la source d'importantes émissions de gaz qui aggravent
le réchauffement climatique.
Voilà comment nous pouvons participer à la
justice environnementale. Ce qui conduit à ce que F. Baddache (2006)
appelle la consom'action c'est-à-dire l'implication des
individus, dans la préservation de l'environnement et aussi dans la
lutte pour l'égalité des chances afin que tout homme, où
qu'il soit, puisse subvenir à ses besoins et répondre ainsi
à sa responsabilité envers les générations à
venir; tel qu'il le dit: « la consom'action c'est tout simplement une
consommation responsable, qui prend en compte à la fois la
société dans laquelle nous vivons, et le statut d'acteur
économique qui revient à tout acheteur »F. Baddache ( 2006,
p.151). Ceci étant, limitant les risques de pollution, la
consom'action introduit le concept d'égalité permettant
à chacun de tirer équitablement profit des qualités
environnementales tout en participant à la préservation de la
nature.
Mais pour que cette participation fondée sur les
capabilités individuelles, pour parler comme A. Sen (2000),
nécessite une attention particulière au débat public afin
qu'émergent les valeurs d'engagement commun. Jérôme Ballet,
Damien Bazin et Jérôme Pelenc (2014, p. 10) le notent si bien:
Une attention particulière doit donc être
accordée au rôle du débat public, aux espaces de
discussions et aux possibilités d'interactions sociales
itératives pour l'émergence de valeurs et d'engagements communs.
Les capabilités collectives émergent de ces interactions sociales
et sont différentes de la somme des capabilités individuelles.
Elles permettent d'atteindre des objectifs que les capabilités
individuelles ne garantissent pas de réaliser. La capacité
d'agence collective ou la capacité d'un groupe à agir ne vise pas
seulement à changer le niveau de bien-être de ses membres, mais
aussi à favoriser le changement dans la société.
Bien que les intérêts des Etats altèrent
souvent l'efficacité de la justice environnementale participative,
l'ouverture d'un débat public sur les qualités
71
environnementales reste l'une des voies qui pourrait mener un
mieux-être de notre maison
commune.
7.2- Vivre mieux avec moins
Face aux générations futures desquelles nous
sommes responsables, un engagement concret dans la gouvernance et les habitudes
aussi bien sur le plan global qu'individuel s'impose. Le développement
durable a tant bien que mal essayé d'inclure de nouvelles habitudes dans
la sphère sociétale afin de limiter les impacts environnementaux
des activités humaines en vue de garantir un meilleur capital naturel et
une société plus juste aux générations futures.
Mais hélas !. Les contradictions conceptuelle, économique et
politique, inhérentes à ce paradigme laissent voir que le
développement durable, à lui seul, n'est pas apte à
honorer ses engagements.
L'écologie en tant que mouvement social du XXe
siècle s'était aussi donné pour objectif l'opposition
à la société de consommation et donc la lutte pour un
mieux être de l'environnement et une justice sociale plus visible. La
justice environnementale participative se conçoit aujourd'hui donc comme
l'aspect évolué de l'écologie d'antan tel
qu'évoqué par D. Bourg (2012).
Notons que le développement durable a fait
émergé deux préoccupations majeures; d'abord celle
d'instaurer un partage équitable des richesses de la terre, et celle de
parvenir à une atténuation des problèmes environnementaux
globaux. Le rapport Brundtland (1987, p.14) note:
Pour satisfaire les besoins essentiels, il faut non seulement
assurer la croissance économique dans les pays où la
majorité des habitants vivent dans la misère, mais encore faire
de sorte que les plus démunis puissent bénéficier de leur
juste part des ressources qui permettent cette croissance.
Si cet idéal, toujours d'actualité n'est pas
atteint, c'est à cause, tel que le note D. Bourg (2012, p. 4) « des
erreurs inhérentes au concept même de développement durable
».La première erreur est la fausse estimation du pouvoir de
l'économie face à l'environnement et à la
société dans l'articulation de la durabilité
c'est-à-dire dans l'articulation
économie-environnement-société. Tel qu'il le dit:
72
La première de ces erreurs est d'avoir postulé
une harmonie possible entre les trois fameux piliers : les dimensions
économique, écologique et sociale du développement.
C'était faire peu de cas de l'impérialisme essentiel à la
raison économique, qui a un penchant irrésistible à
phagocyter tout autre dimension. (D. Bourg, 2012, p. 4).
La seconde erreur que l'on pourrait reprocher au
développement durable, toujours dans la logique de D. Bourg (2012), est
l'illusoire ambition de produire plus avec moins ;car en réalité
le problème de la pollution atmosphérique et de la
raréfaction des ressources ne se situe pas uniquement au niveau de la
fabrication mais aussi de la consommation ce qu'ignorait le rapport Brundtland;
aussi, l'économie prenant le dessus sur les aspects axiologiques
constitue une raison de plus pour rester sceptique.
Après l'échec de ces stratégies de
régulation de la crise écologique, il n'est plus question de
chercher à produire plus ou moins, ni perfectionner ou non notre
technique. Les questions qui se posent à présent et auxquelles
nous devons donner des réponses, tel que l'énonce toujours D.
Bourg (2012, p.6) sont:
Comment vivre mieux avec moins et donc, comment sortir de la
croissance? Comment penser qu'une société soit viable
économiquement sans croissance. (...) le problème n'est plus le
développement durable, mais la transition écologique.
Cette entreprise de grande envergure qu'est la transition
écologique demande une reconfiguration du fonctionnement social. Bien
que D. Bourg (2012) identifie une panoplie de dimensions à prendre en
compte pour une véritable transition écologique, nous nous
intéressons ici uniquement aux aspects économique, politique et
axiologique.
Sur le plan économique, la transition écologique
nécessite la construction de nouvelles stratégies permettant
d'arrêter la construction de la société sur la base d'une
demande toujours croissante en énergie et en ressources. Ceci demande
à avoir un autre indicateur du développement des peuples que le
P11B ; D. Bourg (2012, p.7) écrit: « Cela ne veut pas dire que le
P11B n'a plus aucun intérêt, mais qu'il ne peut plus être
l'orient de toute politique publique »; M. Brezzi, L. de Mello et
É. Laurent(2016, p.14) quant à eux notent: « il servira
plutôt à mesurer pour comprendre, assurément, mais aussi et
surtout mesurer pour changer ». tout ceci, une fois encore, passe par la
bonne volonté des politiques qui vont oeuvrer à cette fin.
Quant à l'aspect axiologique, il est question de
changer nos habitudes par une discipline qui permettrait de vivre heureux en
produisant et en consommant moins; en
73
74
d'autres termes, il s'agit de la culture de la
durabilité au quotidien. Mais une question demeure : une telle vie
est-elle possible?
7.3- La transition écologique
Méconnu et ne figurant pas parmi les pays les plus
développés au monde, le Bhoutan encore appelé DrukYul
( la terre du dragon) se fait distinguer par la résistance qu'elle
adresse au reste du monde concentré sur le PIB, indicateur conventionnel
de développement, quand le BNB, base du bonheur et de la cohésion
des peuples, est l'indicateur en vigueur dans ce pays. Ce pays qui
intéresse de plus en plus les écologistes, est de nos jours
l'exemple palpable que l'option de l'écologie comme orient, est possible
à l'échelle étatique et par analogie à
l'échelle mondiale aussi.
Reconnu plutôt comme un royaume, le Bhoutan est
enclavé entre l'Inde et la Chine (région autonome du Tibet) avec
une superficie de 46 500 km2 (L. Reuter 2009, p.18). Très
conservateur, le Bhoutan reçoit sa renommée de son état;
malgré les différentes mutations aussi bien politique,
économique que sociale qui ballotent le monde entier, le Bhoutan reste
focalisé sur ce qui le caractérise: le bonheur de ses habitants
par le biais d'un équilibre
économie-environnement-société extraordinaire. A en croire
L. Reuter (2009, p.18) : « le Bhoutan est un des pays les plus
énigmatiques au monde. Malgré différentes décisions
politiques prises depuis les années 1960 pour « ouvrir » le
pays et le sortir de son isolement, il reste toujours entouré du«
mythe »d'être le dernier « Shangrila », le « paradis
terrestre » ».
Sur le plan économique notons que l'économie du
Bhoutan est l'une des moins développée de la planète. L.
Reuter (2009, p.18) écrit:
Elle est fondée principalement sur l'agriculture et
l'exploitation forestière - qui fournissent un moyen de subsistance
à plus de 90% de la population- et sur la vente à l'Inde
d'électricité d'origine hydrodynamique. L'enclavement du pays
limite non seulement le développement et la construction de routes et
d'infrastructures, mais rend également l'agriculture et l'élevage
très difficiles. Par conséquent, la survie économique est
basée sur de forts liens commerciaux avec l'Inde et une certaine
dépendance de leur aide financière. Le secteur industriel est
technologiquement très en retard avec une prédominance d'ateliers
familiaux.
En d'autres termes nous dirions que le Bhoutan est
situé dans des conditions extrêmes qu'un pays puisse
expérimenter. Dans ces conditions géographiques extrêmes,
l'amorce d'un développement au sens courant du terme, ne pourrait se
faire sans destruction d'une grande partie de ce paradis naturel
considéré par la modernité comme entrave au
développement. Il
suffit de se faire à l'idée les étendues
de terres et surtout les écosystèmes qui sont détruits
chaque année pour la construction des routes et aéroports,
d'usines et de villes. E. Bonnefous (1973, p.22) écrit: « chaque
année des dizaines de millions d'hectares de sols productifs sont
dévorés par les routes, les usines, et les villes ». Ceci,
une fois encore, met plus de lumière sur les dégâts
causés par le développement sur les écosystèmes et
donc sur l'équilibre de la biosphère tout entière.
Ces conditions extrêmes qui sont celles du Bhoutan,
conditions considérées comme causes de pauvreté dans
certains pays, constituent en fait un levier pour le bien être de sa
population et du monde entier.
Pour L. Reuter (2009, p.18), amorcer un développement
en préservant « l'intégrité de l'environnement et de
sa culture » n'est certes pas facile surtout dans un contexte où le
monde entier veut tout quantifier. Avec un relief hostile allant de +97
à +7553m, le Bhoutan est un des écosystèmes les plus
préservés du monde avec 5500 espèces
végétales dont environ 300 plantes médicinales, 750
espèces d'oiseaux et 165 mammifères. D'où lui vient la
force qui maintient le Bhoutan dans la droite ligne de la préservation
de l'environnement et la culture du bonheur plutôt qu'à la course
capitaliste?
La première force d'une telle option, c'est la
volonté politique. Le Bhoutan n'a pas depuis toujours eu comme
indicateur le BNB; en effet ce fut depuis 1972 que, sous l'impulsion du roi
Jingme Singye Wangchuck, qui estima que les indicateurs conventionnels
étaient inadéquats pour mesurer le bonheur des populations, ce
concept vu le jour. Bien que le Bhoutan soit le seul pays où le
bouddhisme tantrique soit la religion d'Etat et que l'on puisse croire que le
BNB ait des présupposés bouddhistes tel que la recherche du
nirvana, cet antécédent religieux n'infirme en rien la
place capitale qu'occupe la volonté politique dans une telle option
puisse que tous les pays à majorité bouddhiste ne sont pas autant
engagés envers l'environnement; ce qui nous permet de déduire que
chez les Bhoutanais, une rationalité environnementale qui surpasse les
présupposés religieux est bien enracinée; la Chine est un
exemple palpable en ce domaine. Une fois encore est réaffirmée
ici la nécessité de revenir aux valeurs qui donnent sens à
la vie telles que la culture de la paix et du bonheur faisant ainsi appel
à D. Méda (2012) qui n'a cesser de marteler en reprenant M. Weber
(1964) que la passion de l'enrichissement est issue de la conversion des
énergies spirituelles vers l'ici-bas.
La deuxième raison de l'efficacité de cette
option, est l'adhésion des Bhoutanais à un tel idéal.
Attentive et informée grâce à une démocratisation
bien élaborée du débat écologique, les Bhoutanais
ont épousé sans tarder cette philosophie. L'on pourrait une
fois
75
encore interpréter l'adhésion de la population
aux idéaux environnementaux comme une dictature qui ne dit pas son nom;
mais si tel fut le cas, la tendance aurait probablement changé depuis la
démocratisation du pays en 2005. Autrement dit nous voyons là une
adhésion totale de la population aux valeurs telles que le bonheur, le
bien-être environnemental la culture de la paix etc. Cette
adhésion sociale au BNB se fait ressentir à travers des actes
tels que la préservation des réserves écologiques
malgré la situation économique très complexe et de
laquelle la population pourrait échapper par la vente clandestine des
ressources forestières telles que c'est encore le cas dans nombre de
pays aujourd'hui.
La force de l'adhésion des Bhoutanais aux valeurs
environnementales se comprend par la compréhension du bien fondé
d'une telle option ; et nous pouvons indexer, une fois encore, le bouddhisme
d'être à l'origine de la construction d'une telle hygiène
de vie ce qui laisse voir que la compréhension de l'intérêt
de la préservation de l'environnement est un pilier très
important à la construction d'une justice environnementale
participative; sans cette dernière, la volonté politique ne
pourrait pas à elle seule arriver aux fins escomptées ce qui est
le cas dans la majorité des pays où le développement
durable, ne parvient pas à prendre forme dans les habitudes des
différentes populations à cause de l'intérêt mal
compris.
Bref, la justice environnementale participative n'est possible
que dans la satisfaction de trois conditions. D'abord une volonté
politique pilotée par les dirigeants animés par les idéaux
de la durabilité; Cette première condition est réalisable
grâce à l'adhésion des populations qui à leur tour
agissent de façon responsable en faveur de l'environnement; cette
responsabilité se matérialise par un engagement concret
reflété dans les actes quotidiens et qui manifestent la
protection de l'environnement. Même si des poches
d'inégalités environnementales demeurent encore au Bhoutan, il
demeure toujours un exemple admirable sur le chemin de la participation
environnementale.
Tout ceci confirme notre troisième hypothèse qui
émettait l'idée selon laquelle une solution à la crise
écologique reste néanmoins envisageable dans la mesure où,
ceux qui réclament justice participent non seulement à la
délibération mais aussi à la restauration des
qualités environnementales.
76
Conclusion
Somme toute, notre objectif tout au long de ce travail fut de
montrer que la justice environnementale participative est une condition de
possibilité de la durabilité. C'est donc à cette fin que
nous sommes partis de la question: en quoi la justice environnementale
participative est-elle une condition de possibilité de la
durabilité ? Pour juguler cette question, nous avons projeté
notre travail autour de trois axes fondamentaux.
Dans un premier temps, notre travail a consisté
à rappeler les fondements du développement durable permettant de
mieux cerner le contexte d'émergence de la durabilité et de ses
enjeux. Il en est ressorti que les signes précurseurs de la
durabilité, en tant que paradigme de développement, se regroupent
en quatre faits complémentaires à savoir: une surexploitation de
la nature conduisant à l'altération de la capacité de la
planète à reproduire les conditions de son équilibre, le
réchauffement de la planète et les inégalités
environnementales. C'est dans ce contexte de crise écologique
qu'émerge la durabilité comme la solution pouvant garantir un
mieux être de l'homme en relation avec son écosystème,
fondé sur le rapport Brundtland qui est son « acte de naissance
».
Les dérèglements de la biosphère qui se
remarquent à travers la pollution de l'atmosphère, la destruction
de la couche d'ozone, les pluies acides etc. sont les conséquences de
comportements peu responsables de l'homme dans son espace de vie. C'est dans ce
contexte que les réflexions critiques sur la consommation
énergétique par exemple émergeront du constat qu'une
fourniture énergétique toujours croissante basée
essentiellement sur les énergies fossiles non renouvelables est
impossible à cause de la capacité limitée de ces
ressources. Cette demande toujours croissante en énergie non
renouvelable accroît l'exploration des mines à la recherche du
charbon et le creusage de nouvelles pompes à pétrole dont les
conséquences sur l'environnement ne sont plus à démontrer.
Quant aux autres ressources notamment l'eau douce, principal ingrédient
de la vie de l'homme, elle n'est pas non plus épargnée par les
pollutions posant un véritable problème de santé mondiale
d'une part, et d'autre part un problème d'épuisement vu le
gaspillage de cette ressource très prononcée de nos jours;
l'épuisement des ressources minières inquiète
également et plus encore le caractère non biodégradable
des produits qui en sortent. Les villes, Symbole de la modernité, quant
à elles attirent toujours et concentrent plus de la moitié de la
population mondiale accentuant les inégalités environnementales;
cette concentration n'est pas sans
77
effets sur les écosystèmes qui sont
détruits pour permettre l'installation de l'homme. Bref, la
configuration actuelle de notre société a accentué l'effet
des activités anthropiques sur l'environnement.
Cette conscience environnementale s'est construite
progressivement et apparaît comme le couronnement d'un paradigme de
développement amorcé depuis la Modernité; et c'est en
reconsidérant les grands tournants de la science depuis la
modernité que la transition vers la durabilité se perçoit
mieux. Car, d'une part, la crise écologique tire son origine de l'esprit
de la modernité; cet esprit de la modernité fait de l'idée
de s'affranchir de toute sorte de tutelle aussi bien religieuse, familiale que
politique. Cet affranchissement a conduit à la naissance du nouvel
homme désormais autonome qui, fort de son autonomie peut
désormais s'élancer dans l'exploration de son espace de vie par
l'usage de la technique impliquant des conséquences
insoupçonnées sur l'environnement.
En vue de pallier tous ces dérèglements
environnementaux qui mettent en danger la pérennité de la vie sur
terre, la durabilité est apparue comme une solution qui permettrait
à coup sûr de rétablir l'équilibre aussi bien
environnemental que social perdu. Force est alors de constater que
malgré les dangers courus par notre planète à cause d'un
rythme de développement en déphasage complet avec celui de la
restauration de la nature, la durabilité peine à tenir ses
promesses. Cette évidence nous a conduits à la seconde
articulation de notre travail consacrée à l'évaluation
critique de la durabilité.
D'après nos investigations, les difficultés
qu'éprouve la durabilité sont dues aux contradictions qui lui
sont inhérentes. Au concept unique de durabilité, sont
associées plusieurs définitions selon les urgences des
institutions et des nations conduisant à un manque de consensus et
d'inefficacité dans l'action. Des institutions telles que l'UNESCO et la
S.A.V (Stratégie pour l'Avenir de la Vie) ont des définitions du
développement durable assez différentes et dépendantes des
orientations de chacune. Quant à la déclaration de Rio
adoptée par les représentants de 170 pays en 1992, le
développement durable a une orientation plus
généralisée. Le concept d'inégalité
environnementale ne fait pas exception de ces rouages conceptuels
également.
Ces contradictions définitionnelles sont
renforcées par un désaccord d'ordre politique et
économique entre les pays développés et les moins
développés. Les BASIC (Brésil, Afrique du Sud, Inde et
Chine) qui sont aujourd'hui des pays émergents à grande influence
mondiale, indexent notamment l'Europe et les Etats-Unis de s'être
développés en polluant
78
l'environnement, et trouvent dans la durabilité un
moyen de plus pour les maintenir dans leur état de
sous-développement. La conséquence d'une telle revendication est
le rejet des clauses de la conférence de Rio et des Conférences
des Parties (COP).
La troisième difficulté de la durabilité
est d'ordre éthique et culturel. La divergence éthique et
culturelle dans la mise en oeuvre du développement durable est non moins
négligeable car elle pose le problème de choix entre la
préservation de l'environnement et la croissance économique. La
protection de l'environnement, implique une économie moins ambitieuse;
or autant l'environnement dégradé a besoin d'un
développement durable, nos sociétés, ont autant besoin
d'une croissance économique pour assurer leur survie tout en sachant que
les deux facettes de la médaille contiennent inéluctablement des
conséquences moins bonnes tant pour l'environnement que pour les
populations. Ce dilemme se pose également dans la gestion des
inégalités environnementales où les politiques
environnementales sont partagées entre une répartition
équitable des qualités environnementales telles que les espaces
verts et la réparation des dommages causés à
l'environnement; une situation qui condamne les populations
défavorisées à subir injustement les revers
négatifs de la crise écologique.
Toutes ces contradictions de la durabilité laissent
voir clairement le fossé entre l'idéal du développement
durable et la complexité de l'espace sociétal et permettent de
mieux comprendre pourquoi le PIB, indicateur conventionnel dont la croissance
ne pourrait être effective sans effets négatifs sur
l'environnement demeure en vigueur alors que le BNB, gage de la
durabilité, demeure peu promu. Face à cette complexité de
la durabilité, devrions-nous nous résigner face aux
dégradations de plus en plus aigues de l'environnement?
Pour que le projet de la durabilité puisse advenir, il
faudrait repenser la durabilité. Redéfinir le
développement durable revient concrètement à une
redéfinition du concept de développement. Face à la crise
écologique considérée comme le couronnement de la
modernité, repenser le développement revient à une
redéfinition de ce concept; redéfinition qui consiste à
privilégier la qualité de vie au détriment de la
quantité de biens possédés; étalon qui fut et
demeure la caractéristique des peuples dits primitifs qui s'efforcent de
mieux vivre avec moins de biens dans le respect de l'environnement.
Repenser le développement revient aussi à
reconsidérer notre gestion des déchets alors que la culture du
jetable prend de l'ampleur d'où nous avons opté pour une approche
capabilitaire de la résorption de la crise écologique; bien que
le recyclage soit un pas dans
79
cette logique, plutôt que de recycler nous
participerions plus efficacement à la justice environnementale en
réduisant notre consommation, ou encore en cultivant la
réparation et la réutilisation. De là la notion de
responsabilité prend tout son sens dans le processus de la
participation; et la durabilité loin d'être un voeu pieux envers
les générations futures, se trouvera renforcée par la
responsabilité qui la rend désormais opératoire. Car:
Le développement durable n'est pas un concept
opératoire pour faire face aux défis globaux auxquels doivent
répondre les sept milliards d'êtres humains mais, au contraire,
une déclinaison du conformisme, une manière de nous cacher,
encore une fois, que nous sommes devant une « cascade de finitudes
». D. Bourg (2012, p.4):
Et dans un tel contexte la responsabilité demeure la
seule issue possible. Cette responsabilité est partagée entre le
pouvoir public d'une part et la population d'autre part. Désormais,
tournés vers l'avenir et avec au coeur le souci des
générations futures, l'efficacité des actions aussi bien
individuelles que globales doit naître d'une meilleure coordination
politique afin d'éviter les pièges soulevés plus haut.
Tout comme H. Jonas (1990), C. Grino (2001, p. 63) note également:
« le véritable domaine d'application de la notion de
responsabilité ainsi remaniée est la sphère
publique, et non la sphère privée », et cette
responsabilité qui revient au politique dans ce contexte est celle de
« la prévoyance ». La prévoyance du politique dans la
construction d'une société justice, revient quant à elle
à la sagesse comme le préconisait Platon dans le livre III de
La République; ce que H. Jonas (1999, p.47) reprendra: «
la prévoyance de l'homme politique consiste donc dans la sagesse et dans
la mesure qu'il consacre au présent ».
Dans le contexte de la crise écologique qui est le
nôtre, la responsabilité politique, de façon
concrète renvoie d'abord à une prise de conscience de chaque Etat
qu'il soit développé ou en voie de développement, de la
menace réelle de l'environnement à cause de l'écart entre
le rythme de restauration de l'environnement et celui des activités
anthropiques de plus en plus polluantes. Tout ceci rejoint l'idée de
l'urgence d'un droit cosmopolite de l'environnement tel que porté par la
conférence de Stockholm (1972), l'Acte de l'Union Européenne
(1985) et le traité de Rio (1992) qui stipulait dans son
préambule qu'il faudrait instaurer un partenariat mondial sur une base
nouvelle en reconnaissant que la terre, berceau de l'humanité, constitue
un tout marqué par la complémentarité.
Du point de vue de la légalité, la
légifération sur l'environnement doit tenir compte d'un certain
équilibre notamment:
80
Une opération ne peut légalement être
déclarée d'utilité que si les atteintes à la
propriété privée, le coût financier et
éventuellement les inconvénients d'ordre social ou
écologiques qu'elle comporte ne sont pas excessifs eu égard
à l'intérêt qu'elle présente (...) a un moment
où il est beaucoup question, et à juste titre, d'environnement et
de cadre de vie, il faut éviter que des projets par ailleurs utiles
viennent aggraver la pollution ou détruire une partie du patrimoine
naturel et culturel du pays (M. Prieur, 2017, p.5).
Tout ceci doit être soutenu par l'engagement responsable
des populations en faveur des valeurs écologiques et seule la
vulgarisation du débat écologique permettrait de parvenir
à cette fin; vulgarisation qui est aussi du devoir des politiques.
Vulgarisation qui s'avère très importante pour la bonne marche de
la justice environnementale participative. Et cette vulgarisation consistera
à promouvoir les actions en phase avec la protection de l'environnement.
D'où l'importance du troisième maillon complémentaire de
l'engagement des politiques; celui-ci est la préservation de l'ordre
public écologique qui se résume à la
nécessité d' « assurer les objectifs d'ordre public que sont
traditionnellement la sûreté, la tranquillité et la
salubrité publique » (M. Prieur, 2017, p.8) par une police de
l'environnement. Dans cet élan, non seulement les dégradations de
la biosphère sont réparées, mais ces réparations
sont aussi sujettes à la protection dans le but de minimiser les risques
environnementaux et donc d'éradiquer les inégalités
environnementales. Tel est l'équilibre que doivent rechercher les
politiques. Mais ce droit reste jusqu'aujourd'hui non reconnu par nombre de
pays comme le souligne toujours M. Prieur (2017). D'où la
nécessité d'accroître la sensibilité
écologique chez les populations.
Nous sommes donc désormais au coeur de la justice
environnementale participative qui d'après C. Larrère (2017),
implique une réflexion sur l'égalité tout en faisant
attention à ne pas construire un égalitarisme réducteur et
autoritaire.
La participation à la justice environnementale consiste
finalement : « pour ceux qui réclament la justice environnementale,
d'être en capacité effective de décider» (C.
Larrère, 2017, p.26). Allant au-delà de la simple
décision, ainsi qu'elle insiste, la participation est plus une
réappropriation active d'espaces communs. Précisément:
Il ne suffit pas, pour éviter les
inégalités environnementales, que dans les objectifs des
éco-quartiers, il y ait la mixité sociale, ou que la restauration
des quartiers défavorisés inclut un volet de restauration
écologique (...) le modèle d'égalité pour
confronter et corriger les inégalités environnementales n'est pas
seulement à rechercher du côté d'une réduction de
l'échelle des revenus ou des patrimoines, mais dans le
développement des pratiques collectives et des usages communs.(C.
Larrère, 2017, p.26).
La fin ultime de la participation, c'est l'implication
disciplinée de l'individu dans la lutte pour son bien-être global
dans un environnement sain. Dès lors nous passons du
81
développement à la transition écologique
dont le maitre mot est de « vivre mieux avec moins ». Sur le plan
économique, la transition écologique nécessite la
construction de nouvelles stratégies permettant d'arrêter la
construction de la société sur la base d'une demande toujours
croissante en énergie et en ressources. Ceci demande à avoir un
autre indicateur du développement des peuples que le P11B ; D. Bourg
(2012, p.7) écrit: « Cela ne veut pas dire que le P11B n'a plus
aucun intérêt, mais qu'il ne peut plus être l'orient de
toute politique publique »; M. Brezzi, L. de Mello et É. Laurent
(2016, p.14) quant à eux: « il servira plutôt à
mesurer pour comprendre, assurément, mais aussi et surtout mesurer pour
changer ». Tout ceci, une fois encore, passe par la bonne volonté
des politiques qui vont oeuvrer à cette fin.
Quant à l'aspect axiologique, il est question de
changer nos habitudes par une discipline qui permettrait de vivre heureux en
produisant et en consommant moins; en d'autres termes, il s'agit de la culture
de la durabilité au quotidien. Mais une question demeure : une telle
option est-elle possible?
De nos jours un modèle de développement durable
fascine le monde entier et ce modèle est le Bhoutan qui malgré sa
situation politico-économique très complexe, est un exemple
démontrant la possibilité de la durabilité à
l'échelle étatique. Et la condition de la mise en place effective
de la durabilité dans ce pays est la participation.
Toutefois d'autres options autres que la participation sont
possibles dans la logique de la revitalisation de la durabilité telles
que: le renforcement de l'éducation en faveur de l'environnement, est
aussi une option envisageable pour pallier la difficulté de la mise en
oeuvre effective de la durabilité le tout couplée d'une
implication profonde des politiques dans la régulation des
inégalités environnementales. Mais l'exploration de toutes ces
options nous obligerait à dépasser les limites que nous nous
sommes fixées ici par notre problématique. Ceci étant, la
justice environnementale participative nous paraît être une
condition indispensable à l'efficacité de la durabilité.
Une telle option doit permettre la consolidation de notre responsabilité
envers notre environnement et envers les générations futures en
leur garantissant ainsi leur droit à un environnement sain.
82
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85
Index
Noms d'auteurs
A
|
A. Kiss
A. Koyré
|
|
|
|
|
8, 16,
|
27
25
|
B
|
B. Leboucq
|
|
|
|
|
|
14
|
|
B. Ouchene & A. Moroncini
|
|
|
58,
|
61,
|
62,31,
|
69
|
C
|
|
|
|
|
|
|
|
|
C. Aubertin
|
|
|
|
|
|
44
|
|
C. Fourier
|
|
|
|
|
15,
|
19
|
|
C. Grino
|
|
|
|
|
15, 63,
|
79
|
D
|
|
|
|
|
|
|
|
|
D. Blanchon, S. Moreau, Y. Veyret
|
|
|
|
|
|
46
|
|
D. Bourg
|
|
8,
|
31,
|
38,
|
61, 71,
|
79
|
|
D. Méda
|
|
18,
|
26,
|
30,
|
46, 47,
|
74
|
|
D. Pestre
|
|
|
|
|
37, 38,
|
44
|
|
D. Tabutin
|
|
|
|
|
|
28
|
|
D.Pestre
|
|
|
|
|
44,
|
45
|
|
Dasho Jigme Khesar Namgyel Wangchuck
|
|
|
|
|
|
52
|
E
|
|
|
|
|
|
|
|
|
E. Bonnefous
|
1,
|
11,
|
12,
|
29,
|
30, 53,
|
74
|
|
E. Dronne et R. Morin
|
|
|
|
|
53,
|
54
|
|
E. Giulliani
|
|
|
|
|
14, 14,
|
15
|
|
E. Kant
|
|
|
|
|
|
24
|
F
|
|
|
|
|
|
|
|
|
F. Baddache
|
|
|
|
|
17,
|
69
|
|
F.Fukuyama
|
|
|
|
|
|
19
|
|
Francesco di Castri
|
|
|
|
|
|
39
|
86
G
|
G. Bertolini, M. Brakez
|
|
|
|
|
|
56,
|
57
|
H
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
H. Jonas
|
58,
|
60,
|
62,
|
63,
|
64,
|
66, 69,
|
79
|
J
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
J. Fourastié
|
|
|
|
|
|
|
53
|
|
J. M.Bergoglio
|
|
|
|
|
|
|
26
|
|
J. Villancourt
|
|
|
|
|
|
33,
|
42
|
|
J.-P. Déleage
|
|
|
|
|
|
|
8
|
|
J.Vernier
|
|
|
|
|
|
|
9
|
|
J.Villancourt
|
|
|
31,
|
33,
|
37,
|
38, 39,
|
43
|
|
James Watt
|
|
|
|
|
|
13,
|
26
|
|
Jingme Singye Wangchuck
|
|
|
|
|
|
49,
|
74
|
L
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
L. Ferry
|
|
|
|
|
|
|
55
|
|
L. Reuter
|
|
|
|
|
|
49, 50,
|
73
|
M
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
M. Barah
|
|
|
|
|
|
11,
|
12
|
|
M. Brezzi, L. De Mello, É. Laurent
|
|
|
|
|
72,
|
81,47,
|
48
|
|
M. Durand
|
|
|
|
|
|
|
57
|
|
M.Puech
|
|
|
|
|
|
|
18
|
|
M.Weber
|
|
|
|
|
|
|
74
|
R
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
R. Descartes
|
|
|
|
|
|
23,
|
25
|
S
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
S. Ferrari
|
|
|
|
|
|
|
59
|
|
Serge Le Peltier
|
|
|
|
|
|
|
53
|
87
V
V. Decleire 13
V.Citot 24, 25
88
Les concepts
Ø
|
|
|
|
|
|
|
|
4
|
4R
|
|
|
|
|
|
57
|
A
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Alternatives énergétiques
|
|
|
|
|
|
17
|
|
Autonomie
|
|
|
|
|
|
24
|
B
|
|
|
|
|
|
|
|
|
BASIC
|
|
|
|
|
17,
|
41
|
|
Bhoutan
|
|
|
|
|
|
73
|
|
Biosphère
|
|
|
|
65,
|
69,
|
80
|
|
BNB
|
|
|
48,
|
49,
|
73,
|
74
|
C
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Club de Rome
|
|
|
|
|
32,
|
41
|
|
CO2 et le CFC
|
|
|
|
|
|
26
|
|
Cogito ergo sum
|
|
|
|
|
|
25
|
|
Conférence de Rio
|
|
|
27,
|
38,
|
41,
|
78
|
|
Conférence de Stockholm
|
|
|
|
|
32,
|
41
|
|
Conférences des Parties
|
|
|
|
|
|
61
|
|
Consom'action
|
|
|
|
|
|
70
|
|
Consumérisme
|
|
|
|
|
|
15
|
|
Couche d'ozone
|
|
|
|
|
|
15
|
|
Croissance zéro
|
|
|
|
|
32,
|
41
|
E
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Ecologisme
|
|
|
|
|
|
63
|
F
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Forets de béton
|
|
|
|
|
|
19
|
G
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Générations futures
|
60,
|
62,
|
63,
|
64,
|
71,
|
79
|
|
Groupe d'Experts Intergouvernemental de l'Evolution du Climat
(GIEC)
|
|
|
|
10
|
89
H
|
Héliocentrisme
|
|
25
|
I
|
|
|
|
|
Impératif éthique d'Henry
|
|
61
|
|
Impératif jonasien :
|
|
60
|
|
Indice de Développement Humain (IDH)
|
|
49
|
|
Intérêt bien compris
|
|
75
|
J
|
|
|
|
|
Justice environnementale
|
|
46, 64
|
|
Justice environnementale participative
|
69,
|
70, 80,65
|
K
|
|
|
|
|
Kayapo
|
|
54
|
L
|
|
|
|
|
L'esprit de modernité
|
|
24
|
|
L'idio-nomie
|
|
24
|
|
Les piliers du Bonheur National Brut (BNB)
|
|
49
|
|
Les voix sans corps
|
|
13
|
|
Logique de rapidité
|
|
45
|
N
|
|
|
|
|
Néocolonialisme
|
|
41
|
|
Nouveau paradigme
|
|
30
|
O
|
|
|
|
|
Organisation de Coopération et de Développement
Economique (OCDE)
|
|
9
|
P
|
|
|
|
|
Produit National Brut
|
|
49
|
|
Protocole de Kyoto
|
|
27
|
90
Q
|
Québec
|
|
|
|
|
|
|
|
|
43
|
R
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Responsabilité
|
59,
|
61,
|
62,
|
63,
|
64,
|
65,
|
69,
|
70,
|
79
|
|
Révolution copernicienne
|
|
|
|
|
|
|
|
|
29
|
|
Révolution industrielle
|
|
|
|
|
17,
|
18,
|
25,
|
34,
|
47
|
S
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Science moderne
|
|
|
|
|
|
|
|
|
23
|
|
Stratégie pour l'Avenir de la Vie (S.A.V)
|
|
|
|
|
|
|
|
|
77
|
T
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Tourisme durable
|
|
|
|
|
|
|
|
|
54
|
|
Transition écologique
|
|
|
|
|
|
|
|
|
72
|
91
Table des matières
INTRODUCTION 1
LES FONDEMENTS DE LA DURABILITE 6
CHAPITRE1- LES SIGNES PRECURSEURS DE LA DURABILITE 8
1.1- Les dérèglements de la biosphère
8
1.2- L'épuisement des ressources terrestres 16
1.3- La révolution urbaine et la pression sur les
écosystèmes 18
1.4- La dégradation du lien social : les
inégalités environnementale ..20
CHAPITRE 2 : LA CONSCIENCE ECOLOGIQUE ET LA CONSTRUCTION
CONCEPTUELLE DE LA
DURABILITE 23
2.1- Du progrès scientifique à
l'inquiétude écologique 23
2.2- La naissance théorique de la durabilité
27
2.3- La durabilité : un développement
tridimensionnel 30
EVALUATION CRITIQUE DE LA DURABILITE 35
CHAPITRE3 : LES CONTRADICTIONS INTERNES DE LA DURABILITE 37
3.1- Les contradictions définitionnelles de la
durabilité 37
3.2- Les désaccords économique et politique de
la durabilité 39
3.3- Difficultés éthiques dans la mise en oeuvre
de la durabilité 42
CHAPITRE 4 : LA DURABILITE ENTRE IDEAL ET FAIT 44
4.1- La durabilité et la complexité de l'espace
sociétal 44
4.2- Prise en otage de la durabilité par le PIB 46
4.3- Le BNB : un concept peu promu 49
REVITALISATION DE LA DURABILITE PAR LA JUSTICE
ENVIRONNEMENTALE
PARTICIPATIVE 51
CHAPITRE 5 : REPENSER LA DURABILITE 53
5.1- Apprendre des sociétés primitives 53
5.2-Parvenir à une lutte efficace contre le
déchet 55
Chapitre 6 : La responsabilité : fondement de la
justice environnementale 58
6.1- Les fondements de la responsabilité envers les
générations futures 58
6.2- De la durabilité à la responsabilité
pour une justice environnementale 61
92
6.3- La responsabilité du pouvoir politique dans la mise
en oeuvre de la justice
environnementale 63 CHAPITRE 7 : LA JUSTICE ENVIRONNEMENTALE
PARTICIPATIVE : CONDITION DE POSSIBILITE DE
|
LA DURABILITE
|
68
|
7.1-La participation
|
68
|
7.2- Vivre mieux avec moins
|
71
|
7.3- La transition écologique
|
73
|
CONCLUSION
|
76
|
BIBLIOGRAPHIE
|
82
|
INDEX
|
.85
|
|