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De la critique de la durabilité pour une justice environnementale participative.


par Tchilabalo Adjoussi
Institut Supérieur de Philosophie et des Sciences Humaines Don Bosco (ISPSH Don Bosco) - Master ès-Sciences de l’Homme et de la Société 2018
  

Disponible en mode multipage

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Institut Supérieur de Philososphie RépubliqueTogolaise

et des Sciences Humaines (ISPH) Travail-Liberté-Patrie.

Don Bosco Lomé-Togo.

DE LA CRITIQUE DE LA DURABILITE : POUR

UNE JUSTICE ENVIRONNEMENTALE
PARTICIPATIVE

Mémoire en vue de l'obtention du grade de Master ès-Sciences de l'Homme et de la Société

(SHS)

Mention : Philosophie Contemporaine

Présenté par : Dirigé par:

M. Tchilabalo ADJOUSSI M. Komi KOUVON

Maître de Conférences

2018

DE LA CRITIQUE DE LA DURABILITE : POUR UNE JUSTICE

ENVIRONNEMENTALE PARTICIPATIVE

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A Nicolas HULOT

Remerciements

Nous exprimons tout d'abord notre profonde gratitude à notre Directeur de mémoire M. Komi KOUVON M.C, pour sa disponibilité et ses conseils tout au long de la rédaction de ce mémoire jusqu'à sa soutenance.

Nous disons ensuite nos sincères remerciements au Révérend Père Dieudonné OTEKPO, Directeur académique de l'Institut Supérieur de Philosophie et des Sciences Humaines Don Bosco, et à tout le corps administratif pour avoir rendu possible notre formation. Nos sincères remerciements vont également à tous nos Enseignants pour nous avoir inculqué la rigueur dans le travail et l'amour du travail bien fait.

Nous témoignons enfin notre reconnaissance à la famille ADJOUSSI pour avoir permis et soutenu la réalisation de ce mémoire. Merci à la Communauté des Petites Soeurs de la Sainte Famille de Yokoè pour son soutien tout au long de notre formation. Nos remerciements vont également aux Missionnaires comboniens du Coeur Sacré de Jésus pour toute leur sympathie durant notre formation. Enfin, merci à vous tous frères et amis qui nous avez soutenu d'une manière ou d'une autre tout au long de notre formation.

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Sommaire

Introduction ...1

Partie I : Les fondements de la durabilité ..6

Chapitre 1 : Les signes précurseurs de la durabilité 8
Chapitre 2 : La conscience écologique et la construction conceptuelle de la durabilité..23

Partie II : Evaluation critique de la durabilité ..35

Chapitre 3 : Les contradictions internes de la durabilité .37

Chapitre 4 : La durabilité entre idéal et fait .44

Partie III : Revitalisation de la durabilité par la justice environnementale participative ...51

Chapitre 5 : Repenser la durabilité .53

Chapitre 6 : La responsabilité : fondement de la justice environnementale ..58

Chapitre 7 : La justice environnementale participative, condition de possibilité de la

durabilité 68

Conclusion ..76

Bibliographie ..82

Index ...85

Résumé:

Ce mémoire vise à faire ressortir la nécessité de la justice environnementale participative fondée sur la responsabilité, au sens jonasien du terme, dans le processus de l'atteinte des Objectifs du Développement Durable (ODD) en partant de la critique du développement durable systématisé par le rapport Brundtland. Ce travail défend l'idée que la responsabilité, au sens philosophique du terme, est efficace dans le processus d'atteinte des Objectifs du Développement Durable (ODD) car tandis que la durabilité est plus une idée pieuse à l'endroit des générations à venir vu les dégradations environnementales actuelles, la responsabilité quant à elle est à la fois un appel inconditionnel à la prise conscience des dégradations non seulement actuelles mais aussi à venir et un appel inconditionnel à l'action afin de prévenir les générations futures contre les dégradations environnementales souvent irréversibles en vue de la justice environnementale. De ce fait, la justice environnement n'étant plus isolée de l'action devient participative.

Mots-clés : Développement durable, justice environnementale participative, responsabilité, durabilité.

Abstract:

This thesis aims to highlight the need for participatory environnemental justice based on responsibility, in the sense of H. Jonas, in the process of achieving the objectives of sustainable development. This work supports the idea that responsibility in the philosophical sense is effective in the process of achieving the objectives of sustainable development because while sustainability is more a pious idea for future generations given environnemental degradations this responsibility is both an unconditional call for awareness of current environnemental degradations, but also an unconditional call for action to prevent future generations from environnemental degradations, which is often irreversible, for environnemental justice. As a result, environnemental justice no longer being isolated from action becomes participatory.

Keywords: sustainable developpement, participatory environnemental justice, responsibility, sustainability.

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Introduction

La protection de l'environnement et la lutte contre les inégalités environnementales sont devenues de nos jours des préoccupations de premier ordre au niveau mondial. Ces concepts n'échappent pas de nos jours aux médias, aux débats intellectuels ainsi qu'aux conférences intergouvernementales. La cause de cette mobilisation mondiale c'est deux siècles de développement (du XVIIIe au XXe siècle) qui ont conduit à la crise écologique. En effet, même si les modifications de l'environnement par l'homme remontent à l'apparition de l'homme lui-même, les modifications actuelles de l'environnement sont inquiétantes à cause de la rupture dans les processus biochimiques et écologiques anciens causée par la déforestation, l'industrialisation et l'intensification des pratiques agricoles et aussi le réchauffement de la planète comme le note si bien C. Grino (2001). Pour dire concrètement en quoi consiste ces phénomènes, E. Bonnefous (1973, p. 22) note:

On estime que 700 millions d'hectares de terre cultivées sont plus ou moins dégradées. La superficie des déserts a augmenté de 1milliard d'hectares depuis que l'homme a entrepris sa lutte contre la nature, et la FAO signale que le Sahara « avance» chaque année de 1,5 à 10 kilomètres. L'activité inconsidérée de l'homme a détruit à ce jour 2 milliards d'hectares de terre, soit 15% de toutes les terres continentales, 24% de toutes les terres aujourd'hui cultivables.

De nos jours ces chiffres se sont accrus. Les dégradations de la biosphère ont dès lors une envergure mondiale et bien que nul n'échappe aux méfaits d'un tel état de faits, ses conséquences sont subies de façon inéquitable; iniquité qui d'après C. Larrère (2017), se remarque quand certaines catégories sociales en souffrent plus que d'autres de façon significative; plus de 12 millions d'individus meurent selon l'OMS (2016) parce qu'ayant vécu ou travaillé dans un environnement insalubre, les enfants et les personnes âgées étant les plus exposés. Cet état de rareté relative de l'environnement, impose une jouissance limitée des qualités environnementales, constitue, tel que le signalait P. Van Parijs (1991), la condition suffisante pour évoquer le concept de justice et notamment de justice environnementale dans notre contexte.

La prise de conscience des dérèglements écologiques remonte à la seconde moitié du XXè siècle, précisément en 1968, par la publication des rapports de prévisions catastrophiques en matière environnementale, démographique, économique et sociale par le club de Rome. Puis s'ensuivront d'autres conférences qui auront pour but à la fois, d'accroitre la conscience environnementale et de remédier à cet état de fait; ce fut dans cette logique qu'en 1971, 2200 scientifiques s'adressaient au monde entier par le Message Menton pour

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prévenir une catastrophe écologique; en 1972 a lieu la Conférence de Stockholm sur « l'environnement humain » (première conférence des Nations Unies sur l'environnement).

En 1980, les mouvements de justice environnementale aux Etats-Unis attirent l'attention sur les inégalités environnementales persistantes telles que la construction des habitations près des sites pollués, les dépôts des déchets toxiques dans certains voisinages; les populations socialement vulnérables étant les plus touchées. C'est dans la logique de la résolution de la crise écologique à partir de ses deux polarités à savoir la dégradation de l'environnement d'une part et les inégalités environnementales d'autre part que se tient en 1992 la Conférence de Rio « le sommet de la Terre » qui adopte le développement durable, proposé par la commission Brundtland (1987) comme nouveau paradigme de développement mondial. Après Rio, la conférence de Kyoto en 1997 reviendra sur la nécessité de réduire les émissions de gaz à effets de serre; s'ensuivront les différentes Conférences des Parties (COP).

Dans ce concert de conférences, la conférence de Rio reste capitale car ce fut elle qui, ayant connu la participation de 170 chefs d'Etats, adopta officiellement le développement durable comme le nouveau paradigme de développement dont l'objectif est de juguler la crise écologique. Ce nouveau paradigme de développement a précisément pour but, d'après ladite conférence, d'interpeller les responsables des dégradations environnementales en l'occurrence les pouvoirs publics et les décideurs économiques pour que ceux-ci prennent leurs responsabilités conformément à la déclaration N°8 de Rio qui stipule: « afin de parvenir à un développement durable et à une meilleure qualité de vie pour tous, les Etats devraient réduire et éliminer les modes de production et de consommation non-viable». C'est dans cette perspective que le développement durable se veut, d'une part une solution immédiate aux inégalités environnementales par un changement de la gestion politique de l'environnement et d'autre part, une solution préventive dans l'optique de l'article 14 de la déclaration de Rio:

Les Etats devraient concerter efficacement leurs efforts pour décourager ou prévenir les déplacements et les transferts dans d'autres Etats de toutes activités qui provoquent une grave détérioration de l'environnement ou dont on a constaté qu'elles étaient nocives pour la santé de l'homme.

La conférence de Rio reconnaît donc l'importance de l'implication des politiques dans la résolution de la crise écologique. Bref, dans l'esprit du rapport Brundtland (1987), le développement durable est un processus de transformation dans lequel l'exploitation des ressources, la direction des investissements, l'orientation des techniques et les changements

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institutionnels se font de manière harmonieuse et renforcent le potentiel présent et à venir permettant de mieux répondre aux besoins et aspirations de l'humanité; tout ceci passant par le renforcement des rôles et des capacités des agences chargées de la protection de l'environnement et de la gestion des ressources.

Force est alors de constater que malgré la force des principes de la durabilité et sa mise en application depuis 1992, les dégradations et inégalités environnementales crèvent encore les yeux, signe de la persistance de la crise écologique. La persistance de ces inégalités et de la détérioration biosphérique laisse dire que derrière la prétendue lutte pour parvenir à l'égalité face aux risques environnementaux et à résorber les dégradations environnementales, la société de classes semble se perpétuer. Et reconnaître la persistance de ces inégalités sociales permet de comprendre comment les logiques sociales et les rapports politiques qui ont pris en otage la durabilité, continuent de mettre en danger la vie des plus vulnérables; d'où la nécessité de la justice environnementale qui se résume d'après C. Larrère (2017, p.35) à : « repérer, mesurer et corriger les inégalités environnementales ».

Etant une critique des inégalités environnementales et d'un usage anarchique des qualités environnementales, la justice environnementale est aussi une critique des retombées disproportionnées des politiques de la protection de l'environnement qui profitent surtout aux riches et ignorent les pauvres. Ceci étant, de façon objective, les politiques environnementales ne profiteront aux populations défavorisées qu'à condition que ceux qui réclament la justice environnementale, en l'occurrence les populations pauvres, soient en mesure de prendre part effective à la délibération. Mais plus qu'une simple accession aux instances de décision, la participation consiste précisément d'après C. Larrère (2017, p.27) à s'inspirer de « la façon dont d'autres communautés se sont organisées pour restaurer des biens communs ». C'est dans cette logique que s'inscrit notre travail intitulé: de la critique de la durabilité : pour une justice environnementale participative.

Notre critique de la durabilité ne sera pas les 17 Objectifs du Développement Durable (ODD) qui embrassent les sphères de la pauvreté, de la faim, de la santé, de l'éducation, de l'égalité des genres, de l'accès à l'eau et à l'assainissement, de la croissance durable inclusive, de l'énergie, des infrastructures, de l'inégalité entre les pays, de l'indépendance des villes, de la lutte contre les changements climatiques et ses impacts, de la protection des océans, de la gestion durable des forets, de la promotion des sociétés justes et de la revitalisation du partenariat mondial, ni un reniement de la durabilité ;au contraire, notre critique de la

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durabilité est une analyse foncièrement conceptuelle de la durabilité dans le but de la méthode classique de la durabilité qui est l'adoption des initiative de réparation des dommages environnementaux par les institutions sans l'avis des populations concernées; initiatives qui le plus souvent ne sont pas adaptées aux réalités locales; d'où notre question principale: en quoi la justice environnementale participative est une condition de possibilité de la durabilité? Cette question principale s'éclate en trois questions spécifiques qui orienteront notre travail.

En 1971, le « Message Menton» alertait toute la planète de l'état de notre biosphère déjà en détérioration. Cependant, comme le signale C. Larrère (2017), il était possible d'éviter la catastrophe en écartant ce qui nous divise et fusionner nos efforts autour du péril qui nous unit; principe sur lequel reviendra le rapport Brundtland qui, tout en insistant sur le fait que la globalisation du danger unifierait les intérêts divergents dans la lutte contre les dégradations écologiques, incère la notion des générations à venir dans la construction conceptuelle de la durabilité. Au nom de quels fondements peut-on s'employer à comprendre une telle configuration de la durabilité?

Une fois ces fondements mis au jour, il faudrait rappeler que la finalité de la durabilité est de parvenir à une réduction considérable des émissions de gaz à effets de serre, d'orienter la consommation énergétique vers les énergies renouvelables, de parvenir à une nouvelle gestion des espaces urbains afin d'y réduire la pollution, de règlementer l'exploitation des ressources minières et fossiles par souci pour les générations à venir et de juguler les inégalités environnementales. Mais, peut-on vraiment nier l'inefficacité des politiques qui visent à mener à cet idéal?

Or sans sensibilité environnementale, tous les efforts de restauration de l'environnement et des inégalités environnementales sont voués d'avance à l'échec. Au nom de quel modèle peut-on dès lors s'employer à résoudre les inégalités environnementales et de là, la crise écologique? Ces trois questions spécifiques débouchent sur trois hypothèses de travail.

Partant de l'évidence que la durabilité est un paradigme de développement qui se veut protecteur de l'environnement et économiquement soutenable en vue de juguler les inégalités environnementales, elle se pose comme un moyen préventif des dégradations environnementales d'une part et réparateur des inégalités qui en ont découlé d'autre part. Ancrée dans le rapport Brundtland, la durabilité tire donc ses fondements des dégradations

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environnementales devenues inquiétantes depuis la seconde moitié du vingtième siècle et des injustices environnementales. Ceci étant, la durabilité est tout entièrement dédiée au mieux-être des générations futures.

Bien que justifiée dans ses fondements la durabilité est néanmoins prise en otage par une complexité conceptuelle, politique, économique ainsi que par les divergences éthiques; tout ceci fragilise la durabilité pouvant mener à dire que, plutôt que de juguler la crise écologique, la durabilité contribue à son accentuation visible par les indicateurs de dégradation environnementale.

Au coeur de cette complexité, une solution à la crise écologique reste néanmoins envisageable dans la mesure où, tel que le signale une fois encore C. Larrère (2017), ceux qui réclame la justice environnementale participent non seulement à la délibération mais aussi à la restauration des qualités environnementales. La solution à la crise écologique émergerait donc de la participation.

Pour vérifier ces hypothèses, nous appréhendons le présent travail dans la logique d'une reformulation conceptuelle et méthodologique de la durabilité. Pour y parvenir, nous procédons d'abord par une analyse des fondements de la durabilité. Cette analyse permettra d'établir le lien entre la croissance de l'inquiétude environnementale et la construction conceptuelle de la durabilité. Une fois ce lien cadré et compris, nous procéderons ensuite à une évaluation critique de la durabilité eu égard à la persistance de la crise environnementale de nos jours. De là, une redéfinition de la durabilité nous permettra de mieux appréhender la justice environnementale participative.

Cette démarche sera structurée en trois parties qui constitueront les grandes articulations de notre travail; dans la première partie de notre travail, il s'agira pour nous de préciser les fondements de la durabilité. Dans la deuxième partie, il s'agira de son évaluation critique; ce qui nous permettra enfin, dans la troisième partie, de poser la justice environnementale participative comme source revitalisante de la durabilité dans le processus de la transition écologique.

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Partie I:

Les fondements de la durabilité

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Dans cette première partie intitulée les fondements de la durabilité, notre travail a consisté à rappeler les fondements du développement durable permettant de mieux cerner le contexte d'émergence de la durabilité et ses enjeux. En effet, il s'est agit pour nous de répondre à notre première question spécifique qui est: au nom de quels fondements peut-on s'employer à comprendre la configuration de la durabilité?

Les signes précurseurs de la durabilité en tant que paradigme de développement, d'après nos recherches, se regroupent en quatre faits complémentaires à savoir: une surexploitation de la nature conduisant à l'altération de la capacité de la planète à reproduire les conditions de son équilibre, le réchauffement de la planète et les inégalités environnementales. C'est dans ce contexte de crise écologique qu'émergera plus tard la durabilité comme la solution pouvant garantir un mieux être de l'homme en relation avec son écosystème.

Pour élucider ces propos, nous avons structuré notre première partie est deux chapitres; dans le premier chapitre intitulé les signes précurseurs de la durabilité, nous nous sommes appesanti sur la surexploitation de la nature qui a conduit à l'altération de la planète à reproduire les conditions de son équilibre; altération qui se manifeste par l'épuisement des ressources, les pollution de l'eau, de l'air, de l'environnement sonore; la destruction de la couche d'ozone, la pression sur les écosystèmes.

Dans le second chapitre intitulé la conscience écologique et la construction conceptuelle de la durabilité, eu égard aux dérèglements de la biosphère auxquels nous avons fait allusion au premier chapitre, nous avons mis en exergue l'impact de la prise de conscience du mal-être de notre biosphère qui s'est manifestée par la tenue des différentes conférences sur l'environnement et finalement à la naissance théorique du développement durable.

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Chapitre1- Les signes précurseurs de la durabilité

1.1- Les dérèglements de la biosphère

1.1.1- L'effet de serre

La question de la crise écologique dont nous nous proposons de rappeler les fondements, s'appréhende généralement sous deux aspects essentiels ; la préoccupation liée à la biosphère dans un premier temps et celles liées aux ressources d'autre part. D. Bourg (2012, p.8) écrit:

Il y a deux aspects essentiels sur le plan environnemental aujourd'hui: D'une part, les questions liées aux dérèglements de la biosphère : changement climatique, érosion de la biodiversité- qui n'est pas tant la réduction du nombre d'espèces que l'appauvrissement génétique au sein de chacune d'entre elles qui obère l'aptitude du vivant à s'adapter-, cycle de l'azote, acidification des océans, etc. (...). D'autre part, les questions liées aux ressources, qu'il s'agisse des énergies fossiles, des minéraux, de l'eau douce, des ressources biotiques et des grands services écologiques.

La possibilité de la vie sur terre a une dette envers l'atmosphère riche en oxygène mais aussi à la température terrestre adéquate au foisonnement de la vie. L'effet de serre est en effet un piège énergétique qui retient une partie de l'énergie solaire reflétée par la terre dans l'atmosphère de façon à maintenir la surface de la terre à une température moyenne de 15° idéale à la vie, au cas contraire elle serait de - 19°. J.-P. Déleage (1992, p.224) écrit en ce sens:

(...)La terre est une machine thermique recevant en permanence un flux de rayonnement solaire d'une puissance de 1,75.1014 kilowatts (175 milliards de KW, soit dix mille fois la consommation annuelle d'énergie de toutes les sociétés humaines). L'albedo terrestre moyen qui représente la part de cette énergie directement réfléchie ou rediffusée vers l'espace, est de 30%. Les 70% restant animent la grande machine planétaire: vaporisation des eaux océaniques ; chauffage différentiel des masses d'air à l'origine des vents, photosynthèse.

Cette harmonie entre la terre et tous ses constituants nous laisse dire, toujours avec J.-P. Deléage (1992) que la terre est un être vivant qui interagit constamment avec son environnement physico-chimique, formant avec lui un seul être vivant; interaction qui rend encore possible la vie sur terre.

Cette harmonie semblait aller de soi jusqu'à l'avènement de la société de consommation qui a désorganisé le rythme de ces phénomènes naturels ;désorganisation qui s'explique par le fait qu'il y a désormais un déséquilibre entre le style de vie très consommateur d'énergies et très polluant d'une part et le rythme de régénération des ressources naturelles et de l'atmosphère d'autre part. A. Kiss (2005, p.85) écrit: « l'avènement de la société de consommation a rendu manifeste le déséquilibre entre ce style

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de vie et les ressources naturelles de la planète ». Ce déphasage entre le style de vie et la disponibilité des ressources naturelles, surtout en ce qui concerne les ressources énergétiques fossiles, ne va pas sans incidence sur l'atmosphère; en effet, dans cette course aux ressources, l'Organisation de Coopération et de Développement Economique (OCDE) prévient que d'ici 2050, si aucune disposition n'est prise, le coût de l'inaction pourrait être énorme; car d'ici 2050, la demande énergétique augmentera de 80% couverte essentiellement par les énergies fossiles. La conséquence directe de cette hausse de la consommation énergétique est l'impact sur l'effet de serre. En effet, la combustion des énergies fossiles libère différentes sortes de gaz nocifs dont les plus reconnus sont le dioxyde de carbone (CO2) et les chlorofluorocarbones; ces gaz a effet de serre sature l'atmosphère qui est naturellement doté de l'effet de serre entrainant ainsi une augmentation sensible de la température terrestre avec pour conséquence le refroidissement de la stratosphère qui favorise la destruction de la couche d'ozone.

Ces préoccupations pour la pureté de l'air prennent de l'importance à partir des années 1960 car l'on avait une conception traditionnaliste de la pollution celle de la pollution ponctuelle de l'air. Elle devient mondiale après le constat des catastrophes naturelles telles que l'acidification et la mort des lacs, la disparition des forets, les pluies acides etc. c'est ce que notifie J. Vernier (2007, p. 24) : « l'acidification et la mort des lacs scandinaves ou canadiens, la mort des forets par les « pluies acides» en ont été témoins. En 1968, l'Organisation des Nations Unies, soucieuse de la détérioration de l'espace humain, décrète une conférence mondiale sur « le milieu humain », ce qui rendu possible la conférence de Stockholm en 1972 ; mais bien avant cette conférence, en 1968 les chefs d'Etats et de gouvernements africains organisaient une convention sur la conservation de la nature et des ressources naturelles; néanmoins, la conférence de Stockholm reste le principal témoin de la prise de conscience mondiale de la préoccupation environnementale.

Ces deux conférences avaient toutes le même objectif qui est celui de prendre conscience des dégradations environnementales en général et de la pollution atmosphérique en particulier dont les principales causes, d'après J. Vernier (2007, p.23) sont:

Les installations fixes de combustion (chauffage domestique, centrales électriques thermiques, chaudières industrielles), les transports automobiles et certains procédés de fabrication industriels quant aux usines (cimenteries, production de gaz naturel, usines d'aluminium, usine de sidérurgie, raffineries de pétrole, usines agroalimentaires).

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Toutes ces rencontres ont préparé les travaux de la commission Brundtland, qui dressait un récapitulatif de la pollution atmosphérique en ces termes:

L'utilisation de combustibles fossiles et, dans une moindre mesure, la disparition de la couverture végétale- notamment des forets- accroissent l'accumulation de CO2 dans l'atmosphère. Avant l'ère industrielle, la concentration atmosphérique de CO2 était environ de 280 parties par million (PPM).Cette concentration atteignait 340 en 1980 et l'on pense qu'elle s'élèvera à 560 entre le milieu et la fin du siècle prochain. (...) En milieu urbain, les émissions de combustibles fossiles les plus préoccupantes, que leur source soit fixe ou mobile, sont les suivantes: anhydride sulfureux, oxyde d'azote, monoxyde de carbone, divers composés organiques volatils, cendres et autres particules en suspension1.

Dans ce contexte de pollution et de dégradation de la couche d'ozone, les océans jouent le rôle de régulateur de la pollution atmosphérique, car ils absorbent jusqu'à 50% du C02 produit par les activités anthropiques ; mais les océans pourront-ils continuer à absorber les quantités de plus en plus énormes de C02? Et l'homme pourra-t-il continuer à supporter le réchauffement climatique et ses corolaires sans porter atteinte à son espèce ? J. Vernier (2007, p.37) écrit dans cet ordre d'idée:

Aujourd'hui 50% de CO2 produit est absorbé actuellement par les océans, ce qui retarde le phénomène, mais les mers ne seront-elles pas bientôt saturées? Le réchauffement augmente l'évaporation de l'eau, mais cette vapeur d'eau supplémentaire dans l'atmosphère amplifiera l'effet de serre : n'y a-t-il pas risque d'accélération, voire d'emballement du phénomène?

Les forêts qui ont également joué et continuent de jouer un grand rôle dans la purification de l'atmosphère sont soumises aussi à rude épreuves de nos jours; selon les chiffres fournis par le Groupe d'Experts Intergouvernemental de l'Evolution du Climat (GIEC), 60 % des écosystèmes sont exploités au-delà de leurs capacités, 36,6 millions d'hectares de forêts ont disparu au cours des cinq dernières années, rendant plus vulnérable la protection contre les pollutions atmosphériques.

Ces statistiques laissent voir clairement que ni la mer ni le couvert végétal n'arrivent à jouer son rôle de purificateur de l'atmosphère; mais tout comme l'air, l'eau, l'une des ressources rares et pourtant indispensable à l'humanité, est aussi soumise à rude épreuve.

1.1.2- La pollution de l'eau

L'eau c'est la vie dit-on. Cette ressource rare indispensable à la vie se voit menacée par des comportements abusifs qui mettent à mal l'abondance de cette ressource rare pour nous et pour ceux qui viendront après nous. La vue satellitaire de la terre pourrait faire douter

11 Rapport Brundtland, 1987, p.141.

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du fait que l'on parle de pénurie d'eau sur terre car les 3/4 de la terre sont couverts d'environ 1385 millions de kilomètre cube d'océans, mers, lacs, fleuves, nappes phréatiques souterraines confondues; toujours selon M. Barah (2005), étant donné que l'eau salée domine, l'eau potable dont dispose toute la terre revient à 2,5% de cet ensemble soit 34 millions de kilomètres cube sur les 1385 millions de kilomètres cube et l'essentiel de cette eau douce serait conservé dans les iceberg et indisponibles pour l'instant.

Cette quantité limitée d'eau n'est pas la raison justificatrice de l'inégale répartition de l'eau sur la planète car, de nombreuses études ont été menées sur les quantités d'eau dont dispose la terre et ces études infirment l'hypothèse de la pénurie. M. Barah (2005, p.142) écrit dans cet ordre d'idée: « le peu de ressources en eau renouvelable disponible aujourd'hui reste suffisant pour surseoir aux besoins de l'humanité. A condition cependant d'en faire une utilisation sage, équilibrée et bien encadrée, ce qui est souvent loin d'être le cas ». Et ce constat était déjà dressé par le rapport Brundtland qui notait:

La consommation mondiale d'eau a doublé entre 1940 et 1980 et l'on s'attend à ce qu'elle double encore d'ici 2000, les 2/3 des quantités prévues allant à l'agriculture. Et pourtant, 80 pays représentant 40% de la population mondiale souffrent déjà de sérieuses pénuries d'eau2.

La distribution d'eau douce est marquée par une injustice que l'on peut qualifier de naturelle car certaines étendues sont tellement arrosées et débordantes d'eau, les zones équatoriales par exemple, alors que d'autres se trouvent dans une situation déplorable de manque d'eau, les déserts notamment. Nous prenons à témoins les zones humides d'Afrique d'Amérique du Sud qui sont bien arrosées alors que certains points du globe comme le Sahara, le Kalahari, sont presque à sec tout au long de l'année. Et pourtant ces zones arides du globe ne sont pas traitées selon une règle de justice équitable. Par exemple la ville de Las Vegas bâtie en plein désert de Mojave n'a rien de comparable avec la Somalie où les troupeaux de bêtes meurent chaque jour de soif et où les hommes vivent dans un permanent besoin d'eau. Tel que l'énonce une fois encore M. Barah (2005), partie sur une base de distribution inéquitable des ressources en eau, aujourd'hui l'humanité se voit confrontée à la réalité de la pénurie en eau et trois facteurs seraient responsables de cette situation: l'irrigation, le gaspillage et la pollution.

L'irrigation, comme le souligne E. Bonnefous (1973, p.23), est toujours apparue comme « la conquête pacifique par excellence de la nature»; cette irrigation permet de nourrir aujourd'hui toute l'humanité indépendamment des saisons en exploitant 70% des

2Rapport Brundtland, 1987, p.239.

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ressources mondiale d'eau douce renouvelable. Les méfaits de l'irrigation ne se limitant pas seulement à l'épuisement des ressources mondiales en eau douce, il faut également noter que cette pratique fait remonter du sel à la surface ce qui grille les sols. Ainsi que le note E. Bonnefous (1973, p.23) : « 30% des 12 millions d'hectares irrigués en Union Soviétique sont salés et nécessitent des mesures d'assainissement; quant aux USA, un hectare sur deux est partiellement stérile ».

En plus de l'irrigation, le gaspillage a aussi sa part de responsabilité dans l'épuisement des réserves d'eau. En effet:

Notre quotidien est fait d'habitudes et gestes qui impliquent, d'une manière ou d'une autre, une utilisation fréquente de l'eau. Toilette personnelle, évacuation de nos rejets ou encore entretien de l'état de nos biens sont ainsi autant de pratiques qui, combinées à une nécessaire hygiène de vie, ont consacré l'or bleu comme élément incontournable de notre quotidien. Mais, ces habitudes étant bien évidemment tout à fait justifiées, il va de soi que c'est à compter du moment où se présentent des usages incontrôlés et injustifiés de l'eau que les signaux d'alarme se doivent d'être actionnés (M. Barah, 2005, p.143).

Des gestes anodins comme le brossage au robinet ouvert, les bains hebdomadaires d'engin (voiture par exemple), les douches longues, le dispositif hydraulique, arrosage des jardins etc. sont souvent les manifestations de ce gaspillage. Contrairement à l'idée que l'on a souvent que ce gaspillage est plus remarqué dans les pays développés, il faudrait noter que les pays en voie de développement sont souvent les plus grands gaspilleurs en eau car, l'on y rencontre un équipement hydraulique purement occidentalisé avec, comme le note M. Barah (2005), des infrastructures dépassées, c'est-à-dire trop consommatrice d'eau, ce qui les rend plus gaspilleurs en matière d'eau que les pays développés qui luttent à présent pour réduire leur consommation en eau.

Notons également que la pollution atmosphérique a aussi des conséquences sur l'eau en ce sens qu'elle altère la qualité de l'eau. Encore une fois, le rapport de conséquence entre révolution industrielle, société de consommation, pollution et qualité de la vie est mis en exergue. En effet les rejets des usines, des moyens de déplacement, les déchets non biodégradables inhérents à notre vie quotidienne augmente de plus en plus la teneur en substances toxiques dans les cours d'eau infectant ainsi les eaux de ruissellement qui contaminent ensuite les sources.

L'industrialisation de nos sociétés et les retombées dues à la pollution croissante qui l'accompagnent, du fait des rejets dont sont coupables les usines et moyens de locomotion,

contribuent en effet à augmenter la teneur des cours d'eau en substances toxiques. M. Barah (2005, p.143) écrit:

L'eau qui sert à arroser les terres s'infiltre dans les sols avant de rejoindre les nappes souterraines et elle entraîne, dans sa course, toutes sortes de polluants et produits chimiques qui contribuent à souiller une eau qui est par définition très lente à se renouveler.

En plus des cours d'eau qui sont les premiers vecteurs de ces déchets toxiques, progressivement ce sont les mers, les lacs, les océans et les nappes phréatiques souterraines qui sont tous infectés et, dans un cercle vicieux, infectent la santé de l'homme; ainsi qu'elle le dit:

Et cette tendance qui, une fois de plus, touche le plus souvent des pays pourtant déjà démunis en la matière, se confirme malheureusement jour après jour, en dépit des nombreuses protestations et mises en garde agitées par un nombre non négligeable d'organisations non gouvernementales (ONG) » (M. Barah, 2005, p. 144).

Face à toutes ces dégradations, l'humanité est comparable à, comme le signalait H. Reeves (2013), un train qui fonce à 100 k/h vers un mur; fait auquel deux solutions s'offrent: soit diminuer la vitesse à 90 km/h soit changer de train. Mais malgré l'urgence de l'heure, la décision tarde encore; c'est ce qu'attestent les pollutions toujours croissantes, s'étendant jusqu'à l'environnement sonore.

1.1.3- La saturation de l'environnement sonore

De la machine à tisser antique à la machine électronique moderne en passant par la machine à vapeur, la relation entre l'homme et les machines s'est consolidée. Ces machines/moteurs ont inauguré, avec leur considérable utilité à la vie de l'homme, une ère de bruit à telle enseigne que l'on puisse affirmer, sans euphémisme, avec V. Decleire (2006, p. 240) :« le bruit des moteurs est devenu l'une des composantes sonores emblématiques de notre société envahissant une bonne partie de notre environnement sonore »; en plus des moteurs qui constituent la majorité de notre environnement sonore, le génie technologique a rendu possible, ainsi qu'elle le dit: « les voix sans corps qui parlent et chantent par-delà le temps et l'espace» (V. Decleire, 2006, p. 240); E. Giuliani (2006, p.238) écrit: « les signes sonores de la technologie moderne - téléphones portables, montres à sonnerie automatique ou celles qu'une marque suisse fameuse agrémentée d'un tic-tac indélébile - ont enrichi la gamme des pollutions auditives ».

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La saturation sonore de notre environnement tout en étant un mal social, est une alarme qui interpelle sur les répercussions néfastes de la modernité sur l'homme et donc sur la société. Notons que le bruit est ici appréhendé comme l'ensemble des agitations bruyantes et désordonnées. Les répercussions négatives de cette pollution, tant ignorées restent pourtant réelles et très nocives. Elles sont d'ordres physiologique et psychologique. En effet d'après B. Leboucq (2006, p.232), la pollution sonore citadine frise les 90 décibels, or l'oreille souffre aux alentours de 110 décibels et les dommages définitifs de l'ouïe apparaissent quelques minutes après 115 décibels et la douleur s'établit à 120 décibels tout en sachant que l'ouïe se dégrade avant l'apparition de la douleur; étant donné que l'environnement sonore citadin se situe autour de 90 décibels, tout son, pour être audible, doit dépasser l'environnement sonore de 15 décibels c'est-à-dire doit atteindre 105 décibels avec l'oreille se dégradant à 120 décibels. Bref, ceci étant, plus de la moitié de la population mondiale cohabite le dommage de l'ouïe qui est un organe de sens indispensable à un jugement équilibré. La conséquence physiologique directe de la pollution sonore reste la perte de l'ouïe qui entraine une augmentation toujours croissante du bruit.

Nous vivons constamment dans le bruit, il suffit de penser à une journée de travail normale pour que nous nous rendions compte de la quantité de bruit que nous cohabitons. E. Giuliani (2006, p.235) écrit:

Après un claquement de porte et un vibrato d'ascenseur, vite oubliés, me voici dans la rue. D'une sonnette guillerette et écologique, une voisine vélocipédiste avertit les passants encore embrumés de sa trajectoire sillonnante entre trottoir et chaussée. Son allègre civisme antipollution et antibruit est vite laminé par le fracas des embarras de la circulation urbaine. Ici un automobiliste, déjà agressif, teste sur tout un chacun son trompetant klaxon ; là, le camion des poubelles siffle, ronronne, éructe pour signaler ses manoeuvres de pachyderme. Plus loin, un motocycliste pétaradant - existe-t-il une autre catégorie de motocycliste ? - cloue le bec à toute la gent à moteur. Je me réfugie dans un autobus, accueillie par le tintement argentin de la machine à contrôler les cartes de circulation. Plus virile et métallique semble la décharge de l'appareil à composter, destinée aux voyageurs munis de tickets. Ma ligne étant fort perfectionnée, une chaleureuse voix féminine (certes synthétique) annonce scrupuleusement chaque arrêt. Pour l'accompagner, les usagers exhibent les performances de leurs téléphones mobiles ou de leurs baladeurs numériques. (...)Studieuse sans doute, silencieuse sûrement pas, l'atmosphère du « bureau » où je m'installe résonne de mille bruits insistants, insinuants, stressants à la longue. De ceux dont on dit que « ça fait du bien quand ça s'arrête ! ». Je me sens comme prise dans une centrifugeuse sonore : le ronronnement des ordinateurs, le téléphone, les rappels à l'ordre des photocopieuses lorsque « l'original est oublié sous le capot », les diverses alertes informatiques et autres messages d'erreur qui, gentiment mais bruyamment, vous préviennent de l'arrivée d'un e-mail ou d'une frappe erronée sur le clavier... Pour échapper à cet arrière-plan bourdonnant, un petit tour de « shopping » à l'heure du déjeuner livre mon oreille à d'autres épreuves. L'attrait champêtre d'une petite robe d'été repérée dans une vitrine est aussitôt démenti par le bombardement sauvage des haut-parleurs qui truffent la boutique et déversent un flot de notes hyper-amplifiées.

Le bruit est considéré comme une pollution dans une certaine mesure; et comme le note C. Grino (2001, p. 41) :

L'environnement est un mot dont l'origine anglo-saxonne signifie «milieu ». Il est introduit en France en 1927 par le géographe français Vidal de La Blache et désigne dans son acception écologiste le cadre de vie, c'est-à-dire l'ensemble des conditions externes qui rendent possible et conditionnent l'existence des êtres vivants, d'une population, d'une communauté, y compris des sociétés humaines. Le terme « environnement » suppose un sujet placé au centre, qu'entoure l'environnement. Il met donc directement en rapport l'environné avec son milieu. L'environnement dont il est question dans les discours écologistes est celui de l'homme, non du lapin ou de la luzerne. Le bruit par exemple est souvent dénoncé en tant que pollution sonore, alors qu'il ne constitue pas un facteur de perturbation des écosystèmes. Il ne devient une pollution qu'en référence à l'environnement humain.

Le bruit ne serait donc pas objet de notre réflexion s'il suffisait de montrer qu'il contribue à la perte de l'ouïe et par conséquent à une surdité mondiale. Le bruit nuit à l'humanité du fait qu'il est l'agent principal qui maintient le monde dans une voie qui est responsable de la dégradation écologique et dont nous essuyons déjà les conséquences. C'est-à-dire que le consumérisme qui est le maitre-mot de la modernité et de la postmodernité a été et reste encore divulgué par le truchement des « voies sans corps» qui identifient besoin et plaisir conduisant à une consommation sans raison ni limite; elles sont les principales voies de divulgation d'un mode de vie irresponsable principalement par le truchement des publicités et de la célébration d'un mode de vie occidentalisé tel que le note D. Tabutin (2000) et qui est responsable de l'aggravation de la crise écologique. Abondant une fois encore dans le même sens, E. Giuliani (2006) affirme que de sérieuses études en marketing ont révélé une corrélation favorable entre la diffusion de la musique et le taux d'achat des clients. La musique en particulier apparaît ici comme une drogue dont le but est de limiter le raisonnement logique sur les choix nécessaires pour laisser libre cours au désir afin de n'opter que pour le plaisant plutôt que le nécessaire; une façon de taire la délibération. En plus du conditionnement psychologique dont est responsable le bruit et qui conduit à l'obstination sur la consommation, le bruit, qu'il provienne des moteurs ou machines, présuppose une consommation d'énergie; par conséquent, l'augmentation du bruit dans l'atmosphère ambiante due à la surdité généralisée présuppose également une augmentation de la consommation énergétique déjà inquiétante.

Plus qu'un danger physiologique, l'environnement sonore, comme explicité plus haut, est une drogue subtile qui éloigne du nécessaire vers le plaisant et donc capable de mettre en danger l'humanité tout entière par des options peu réfléchies tant individuelles que communautaires qu'il inspire.

La saturation atmosphérique, les pollutions de l'eau et de l'environnement sonore, bien qu'ayant une responsabilité importante dans l'avènement de la durabilité, n'en sont pour autant pas les seuls facteurs ; l'épuisement des ressources, très inquiétant, en est un aussi.

1.2- L'épuisement des ressources terrestres

Les préoccupations sur l'épuisement des ressources datent de la préhistoire car, l'homme préhistorique sachant que les ressources s'épuisent, faisait déjà des réserves de nourriture pour sa famille garantissant ainsi l'avenir. Cette préoccupation n'a cessé de hanter l'homme tout au long de l'histoire; elle deviendra plus accrue surtout à partir XXe siècle où l'on se rend à l'évidence que les ressources sont limitées. A. Kiss (2005, p.85-86) écrit:

Une des premières conventions mondiales visant à la protection d'espèces sauvages dans un but autre que leur exploitation est la convention de Paris du 19 mars 1902 « pour la protection des oiseaux utiles à l'agriculture ». L'objet de cette convention est significatif. Ainsi, la condamnation des « oiseaux nuisibles », en particulier des rapaces nocturnes et diurnes -- dont la plupart sont protégés aujourd'hui -- en dit long sur les motivations de cette convention. Les années 1930 ont apporté des progrès dans ce domaine avec l'adoption de la convention de Londres du 8 novembre 1933, relative à la conservation de la faune et de la flore à l'état naturel (...) Un autre progrès a été accompli aux Amériques avec la convention de Washington du 12 octobre 1940 pour la protection de la flore, de la faune et des beautés panoramiques naturelles des pays de l'Amérique. Toutefois, ses dispositions étaient peu contraignantes.

Indispensables à la vie et à l'épanouissement de l'Homme, les ressources constituent la matière de base de la vie de l'homme et leur manque serait fatal pour lui. Ces ressources, qu'elles soient d'ordre énergétique, minéral ou biotique, demeurent toutes essentielles à la vie de l'homme. S'agissant des ressources énergétiques fossiles, de nos jours, elles demeurent presqu'incontournables dans la production de l'énergie pour raison la grande confiance qui est mise de nos jours en cette ressource. La croissante dépendance de l'humanité vis-à-vis des énergies fossiles, notamment le charbon et le pétrole qui sont les plus prisées, inquiète en ce sens qu'il est établit de nos jours avec certitude que ces réserves énergétiques sont en voie de finition; l'inquiétude surgit essentiellement donc de la peur du futur: qu'allons-nous devenir si les énergies fossiles venaient à s'épuiser? A cette question les scientifiques proposent l'option des énergies renouvelables. Mais au-delà des inquiétudes quantitatives, une inquiétude qualitative se pose; celle de savoir, nous fiant à la célèbre maxime scientifique de Lavoisier (1743- 1794) « rien ne se perd rien ne se crée tout se transforme », qu'avons-nous créé par la combustion de ces énergies fossiles? Et la réponse devient d'ailleurs plus inquiétante. Tel que le prévoyait le rapport Brundtland (1987, p.14) : « pour que le

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développement durable puisse advenir dans le monde entier, les nantis doivent adopter un mode de vie qui respecte les limites écologiques de la planète » ; et non dans la confiance aux alternatives énergétiques dont les répercussions négatives plausibles sur l'environnement ne sont pas encore perçues.

Selon F. Baddache (2006), la nouveauté apportée dans la vie de l'homme moderne depuis le Congrès International d'Architecture Moderne d'Athènes en 1933 et renchérie après la seconde guerre mondiale, c'est la cohabitation avec le métal. Aujourd'hui, cette cohabitation, devient plus accrue car désormais, l'homme explore les mines non pour fabriquer de simples bijoux, des couteaux et des armes pour sa défense, mais pour fabriquer des locomotives en acier, des wagons, des voitures, les coques de bateaux, les rails, des joyaux, etc. Car, désormais entassés dans les villes, les hommes ont besoin, non seulement de s'y déplacer mais aussi de rallier les villes entre elles et les campagnes aussi. Au fil du temps, l'augmentation de la population mondiale imposant une augmentation des besoins, les extractions minières n'ont cessé de croître pour assouvir à tous les besoins du monde. Cette augmentation n'interrogeait guère avant que l'on ne se rende compte de la nature finie de ces précieuses ressources.

De 1970 à 2000 la demande en ressources minières mondiale a doublé et l'on s'attend à ce qu'elle double encore d'ici 2050 ; selon l'Agence Internationale de l'Energie (AIE), la consommation du pétrole seul a plus que doublé de 1973 à 2010 passant de 6107 millions de tonnes à 12719 millions de tonnes en 2010 ; bien que les prévisions sur la raréfaction du pétrole ne permettent pas d'avoir, de façon exacte, une idée claire de ce fait, il se pourrait, d'après l'Institut Français du Pétrole et des Energies Nouvelles (IFPEN), que le pic de production mondiale de pétrole se situe entre 2015-2025 ; période après laquelle le pétrole commencera à se raréfier jusqu'à épuisement. Quant aux ressources minières, selon le Service Géologique des Etats-Unis (USGS), si l'on s'obstine à garder le niveau de consommation actuel, l'argent aurait des réserves pour 13 ans, le zinc 17 ans, l'indium (pour fabriquer les téléviseurs LCD) 19 ans, le plomb pour 22 ans, l'étain, le cuivre et le nickel pour 50 ans, l'uranium pour 70 ans. Ce délai risque d'être raccourci une fois encore avec l'émergence des « BASIC» ((Brésil, Afrique du Sud, Inde et Chine) pour qui l'objectif de consommation est sans limite.

A l'état actuel de nos connaissances, il n'est nul doute que ces ressources, une fois épuisées, puissent être valablement substituées par d'autres sûrement plus séduisantes, mais

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l'inquiétude qui se pose n'est pas celle de la plausible substitution des ressources minières en disparition par d'autres mais celle de savoir si, continuant sur cette lancée, nous sommes sûrs de léguer aux générations futures un monde que nous serions heureux d'habiter? Car cette surexploitation des ressources naturelles révèle l'ampleur de la consommation de presque toutes les ressources, construites à partir de phénomènes naturels depuis des millénaires, en un intervalle de deux siècles. Ces deux siècles que nous avons considéré comme « les siècles de progrès» (D. Méda, 2008, p.2) qui ont révolutionné la qualité de la vie de l'homme, sont devenus au contraire les siècles de la damnation de l'humanité.

La révolution industrielle, a donc instauré un nouvel ordre de développement basé sur l'exploitation des ressources, la transformation puis la vente de produits finis entrainant l'accumulation inégale de la richesse et la pollution de l'environnement ; la ville est le lieu par excellence où se retrouvent toutes les caractéristiques qui inquiètent de nos jours.

1.3- La révolution urbaine et la pression sur les écosystèmes

Si l'on considère avec M. Puech (2005) que la caractéristique essentielle de l'homo Sapiens est la technologie, étant animal politique, la conséquence qui en découle serait la consolidation du lien social en tant que cadre idéal de mise en pratique de cette technologie ; ce qui s'exprime pleinement par la vie citadine ; et c'est pour mettre l'accent sur l'urbanisation, devenue spectaculaire de nos jours que D. Tabutin (2000, p.1) écrit:

Dans l'histoire occidentale des deux derniers siècles, comme dans celle des régions du Sud depuis 50 ans, les transitions démographiques, liant fécondité, mortalité, nuptialité et mobilité, se sont déroulées parallèlement -ou corollairement - à un processus d'urbanisation dans l'ensemble très rapide.

Le rapport Brundtland dans le même contexte notait:

Nous sommes au siècle de la « révolution urbaine ». Pendant 35 années qui se sont écoulées depuis 1950, la population des villes a presque triplé, soit une augmentation de 125 milliard. Dans les régions les plus développées, elle a presque doublé, passant de 447 millions à 838

millions. Dans les pays peu développés, elle a quadruplé, passant de 286 millions à 1,14 milliards3.

L'urbanisation est donc un phénomène omniprésent et toujours en croissance; aujourd'hui, elle varie de 22% en Afrique de l'Est à 78% en Amérique du Sud (Uruguay); croissance qui s'explique par le processus de modernisation. A D. Tabutin (2000, p.09) de renchérir: « La modernisation est un processus d'homogénéisation sur le modèle européen et

3Rapport Brundtland, 1987, p.194.

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américain ». Car, tel qu'il le dit, la ville est apparue comme un maillon essentiel pour atteindre l'objectif du capitalisme: l'accumulation de richesses; et tel qu'il le dit toujours:

La ville crée les conditions nécessaires au « décollage », au « progrès », au « développement », voire « la civilisation » par sa qualité de rassemblement de l'élite, en changeant les mentalités et les modes de vie des individus, en créant une nouvelle culture» (D. Tabutin, 2000, p.10).

Bref, la ville devient le lieu où l'homme devient vraiment moderne. Les Nations-Unies (1953) abondent dans le même sens et précisent, les motifs qui poussent à vivre en ville sont en l'occurrence le désir d'ascension sociale pour soi et ses enfants, le changement des statuts et rôles de la femme, le progrès du niveau de vie, le coût croissant de l'enfant, la sécularisation de la société, le recul de la mortalité. Ces bienfaits de la ville ont encouragé l'occupation des villes au détriment des espaces ruraux entrainant aujourd'hui un surpeuplement des villes.

Les villes sont les points les plus habités au monde et donc les plus grands producteurs de déchets dont le traitement ne peut supprimer les risques de contamination; ce sont également les lieux les plus confinés au monde et donc les plus étouffants pour l'homme à cause de l'espace très limité et de la préférence des « forets de béton» au détriment d'espace vert; elles concentrent le plus grand nombre d'unités industrielles et d'automobiles qui ne cessent de polluer l'air par les émissions de gaz. Tout porte donc à croire que la ville moderne est un lieu de contraste car l'on pense s'y épanouir avec tout le confort qu'elle offre aux plus grands risques pour sa vie; l'on y vient pour améliorer ses conditions de vie mais les villes sont les symboles de l'écart toujours croissant entre riches et pauvres. L'augmentation de la densité citadine quant à elle porte préjudice à l'environnement.

Ceci fut sûrement le motif pour lequel C. Fourier (1837) rejeta la vie citadine au profit de la vie rurale. Car pour lui, la vie citadine déshumanise les rapports sociaux car le commerce sous toutes ses formes qui est le propre de la ville ne peut prospérer sans le mensonge et la fraude par conséquent, l'homme ne peut vivre épanoui que dans une communauté de vie et de travail à taille humaine d'où la construction de phalanstère. Nous inspirant de F. Fukuyama (1992), nous pouvons dire que la ville symbole de la modernité est devenue la source du malaise écologique.

Comme souligné, étant donné que les villes sont les lieux de contrastes les plus élevés entre riches et pauvres et que la pauvreté soit l'une des causes de la pollution d'une part, et d'autre part que la population urbaine estimée à 3 milliard 300 millions en soit la seconde, la

pression sur les écosystèmes devenue insupportable fait des villes la principale cause de la crise écologique. Comme le souligne le rapport Brundtland:

Les pressions énormes exercées sur les logements et les services ont dégradé le tissu urbain. La plupart des habitations des pauvres sont décrépies. Les bâtiments publics sont souvent dans un état de délabrement et de ruine avancés. Il en est de même de l'infrastructure essentielle de la ville: les transports publics sont surpeuplés et suremployés, de même que les routes, les

autobus et les trains, les gares, les latrines publiques et les endroits que l'on peut utiliser pour le lavage4.

Bien que la ville dans son ensemble soit une cause majeure de la crise écologique à cause de la surpopulation, les contrastes qu'elle renferme notamment en termes d'inégalités socio-économiques ont des répercussions insoupçonnées sur l'harmonie biosphérique et contribuent également à accentuer cette crise écologique qui menace la vie.

1.4- La dégradation du lien social : les inégalités environnementales

Le dérèglement de la biosphère causé par les activités anthropiques est aujourd'hui d'ordre mondial et nul ne saurait nier cet état de fait. Cependant, les effets de ces dérèglements ne sont pas subis par tous de la même manière et, pour reprendre C. Larrère (2017), les dommages environnementaux ne sont pas équitablement répartis entre les groupes sociaux. De ce fait, nous pouvons comprendre les inégalités environnementales comme étant des inégalités d'exposition aux risques environnementaux car certaines catégories sociales en souffrent plus que d'autres.

Selon les dernières estimations de l'OMS publiées en mars 2016, 23% des décès sont causés par des facteurs environnementaux; 12,6 millions de personnes meurent du fait d'avoir vécu ou travaillé dans un environnement insalubre les enfants et les personnes âgées étant les plus vulnérables. Les dérèglements de la biosphère ont donc des effets directs (vagues de chaleur, inondations, sècheresse, ouragans et tempêtes) ou indirects : « pollution de l'air, maladie à transmission vectorielle du type de dengue, insécurité alimentaire et malnutrition, déplacement de populations et maladies mentales résultant des phénomènes climatiques externes et du réchauffement» (C. Larrère, 2017, p. 33) sur la santé de l'homme. Ici encore les populations les moins nantis sont les victimes ; ce sont ceux qui vivent dans des zones immergées et incapables d'alternatives devant les intempéries de l'environnement qui

4 Rapport Brundtland, 1987, p.196.

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sont encore victimes des dégradations de la biosphère : ce sont les inégalités environnementales.

La question des inégalités environnementales entre dans le débat de la crise écologique dans les années 1980 grâce aux mouvements de justice environnementale qui se sont développés aux Etats-Unis. Avant cette révolution, parler de la crise écologique se résumait juste au discours sur les dégradations environnementales. Mais dès la révolution de la justice environnementale aux Etats-Unis, il semble presque impossible de nos jours de parler de crise écologique sans les inégalités environnementales. Il s'est agit précisément pendant la révolution de justice environnementale de 1980 d'une mobilisation locale autour des problèmes liés à la pollution notamment les habitations construites sur des sites pollués, le dépotage des déchets toxiques autours des habitations, etc. La communauté d'Afton dans le comté de Warren en Caroline du Nord, comme le souligne C. Larrère (2017), est celle qui s'est le plus investie dans cette lutte en allant jusqu'à protesté en faveur du sol surchargé en pyralène (PCB), danger potentiel pour les populations; ces dangers environnementaux frappant toutes les catégories vulnérables à travers le monde. Mais au-delà d'une simple revendication de la justice environnementale, ces mouvements revendiquent surtout un accès aux ressources vitales qui restent inaccessibles jusqu'aujourd'hui à une grande part de la population humaine. Or les dégradations de l'environnement raréfient ces ressources, pire encore, l'aménagement de l'espace sociétal rend de plus en plus inaccessibles les ressources vitales pour les populations vulnérables. C. Larrère (2017) en donne un exemple pertinent qu'est la révolution verte dans les pays du Sud; cette révolution, en réaffectant des terres, a rendu difficile l'accès à l'eau et la collecte du bois de chauffage puisque les terres où les femmes avaient accès à ces ressources sont affectées pour la culture modernisée éloignant ainsi les espaces de ravitaillement. Les inégalités environnementales, de façon simple se comprennent ainsi:

A danger égal, les plus pauvres, les défavorisés sont plus exposés: ils sont plus fragiles, ils ont moins de solutions de rechange, ils ont plus de difficulté à se construire. L'ouragan Katrina, qui a frappé La Nouvelle-Orléans et sa région à la fin du mois d'août 2005, entraînant des dommages considérables, tant humains que matériels, est un exemple de cette inégalité dans l'exposition aux risques (C. Larrère, 2017, p.10).

Même si cet ouragan a frappé de façon équitable les habitants de La Nouvelle-Orléans, les victimes les plus touchées, note C. Larrère (2017), sont les populations les plus pauvres qui habitaient les zones les plus gravement submergées et qui manquaient de moyens de les évacuer. Les inégalités environnementales sont une conséquence non seulement des

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événements qui frappent les plus vulnérables mais aussi de leur vulnérabilité et incapacité à choisir une alternative. Ceci laisse donc dire que les inégalités environnementales seraient une conséquence des inégalités sociales.

En plus de cette plausible corrélation entre les inégalités sociales et environnementales, les inégalités environnementales ne sauraient être seulement une conséquence des inégalités sociales mais aussi fruit d'un manque d'investissement humain dans les dégradations environnementales; ceci entraine l'accentuation des inégalités environnementales, l'occupation accélérée des zones à risques, le déboisement, l'insalubrité, etc. qui sont tous des péchés contre l'environnement. C'est de la prise en considération de ces paramètres de la crise écologique que se forme progressivement une conscience environnementale avisée et qui donnera plus tard naissance à la durabilité comme objectif de développement.

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Chapitre 2 : La conscience écologique et la construction conceptuelle de la durabilité

2.1- Du progrès scientifique à l'inquiétude écologique

Inondations, destruction de la couche d'ozone, pluies acides, fonte des glaciers, disparitions des espèces et des écosystèmes, déboisement, réchauffement terrestre, changements climatiques, avancée du désert, etc. sont des évènements qui, autrefois effrayants, sont vécus et assumés aujourd'hui presque de façon indifférente. La crise écologique qui menace la vie sur terre et qui est abusivement identifiée sous le vocable de « changements climatiques» qui renvoie plutôt à une modification durable des paramètres statistiques du climat global de la terre ou des divers climats régionaux dus à des processus intrinsèques à la terre et causé par des influences extérieures ou encore aux activités humaines, est parvenue à son état actuel par une obsession de la productivité présente dès les premiers instants de la modernité. La conscience écologique bien qu'étant récente et remontant aux années 70, ne peut mieux se comprendre qu'à travers une reconsidération holistique de la science moderne.

La caractéristique de la modernité est essentiellement la structuration technologique à outrance. C'est en ceci que la science moderne, marquée par un rapport permanent entre l'application et la théorie, se démarque de celle antique où la science essentiellement théorique se distinguait de la technique. Nous remarquons cette distinction chez Platon dans le livre 5 de la République où, argumentant sur le réel et l'apparent, il affirme que seuls les philosophes peuvent parvenir à la science par le biais de la contemplation qui ouvre sur les Idées, archétypes de toute chose, et dont la pâle copie est le monde réel. Mais la modernité installe un nouveau rapport entre la théorie et la technique à telle enseigne que la frontière entre ces deux domaines de savoir n'existe presque plus. Cette distinction entre science spéculative et science pratique est également signalée par R. Descartes (2014, p.34-35) qui écrit:

Mais, sitôt que j'ai eu acquis quelques notions générales touchant la physique, et que, commençant à les éprouver en diverses difficultés particulières, j'ai remarqué jusques où elles peuvent conduire, et combien elles diffèrent des principes dont on s'est servi jusques à présent, j'ai cru que je ne pouvais les tenir cachées sans pécher grandement contre la loi qui nous oblige à procurer autant qu'il est en nous le bien général de tous les hommes : car elles m'ont fait voir qu'il est possible de parvenir à des connaissances qui soient fort utiles à la vie ; et qu'au lieu de cette philosophie spéculative qu'on enseigne dans les écoles, on en peut trouver une pratique, par laquelle, connaissant la force et les actions du feu, de l'eau, de l'air, des astres, des cieux, et de tous les autres corps qui nous environnent, aussi distinctement que nous connaissons les divers métiers de nos artisans, nous les pourrions employer en même façon à tous les usages auxquels ils sont propres, et ainsi nous rendre comme maîtres et possesseurs de la nature.

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Par cette affirmation, la rupture entre la science antique essentiellement théorique et la science moderne qui se veut un mixage de la théorie et de la pratique, est consommée. Cette séparation se comprend aisément dès lors que l'on considère l'esprit de la Modernité. La Modernité située selon V. Citot (2005) au XVe siècle, se pose et s'impose, ainsi qu'il le dit, comme:

Une entreprise individuelle et sociale de libération par rapport aux diverses tutelles qui maintenaient l'humanité dans un état d'hétéronomie : la tutelle spirituelle, morale et scientifique de l'Église, la tutelle politique et économique de la monarchie, la tutelle esthétique des Anciens, la tutelle sociale et psychologique de la famille patriarcale, etc. L'esprit de la modernité est un esprit d'affranchissement, de libération, d'autonomisation. La modernité apparaît ainsi comme la possibilité historique de la liberté (V. Citot, 2005, p.3).

En un mot, la modernité est la célébration de la liberté, liberté qui fut pendant longtemps noyée par de longs siècles de tutelle spirituelle et politique. L'esprit de la modernité, en octroyant la liberté à l'individu par son arrachement à la tutelle politico-spirituelle, se veux aussi l'inscrire à présent dans un monde universel; ainsi nous pouvons dire que la modernité tout en se voulant le royaume de l'individu, se veut aussi un royaume universel. La conséquence de cette nouvelle configuration de l'homme moderne est l'autonomie; autonomie qu'il faut comprendre dans son sens littéral comme « trouver en soi sa norme » et qu'il faut différencier, avec beaucoup de dette envers V. Citot (2005), de l'idio-nomie (réduire la norme à soi).Cette autonomie présuppose que chaque individu a la pleine disposition de lui-même et par conséquent capable de s'élever à la pensée universelle. E. Kant (1784, 1) écrit:

Qu'est-ce que les Lumières? La sortie de l'homme de sa minorité dont il est lui-même responsable. Minorité, c'est-à-dire incapacité de se servir de son entendement (pouvoir de penser) sans la direction d'autrui, minorité dont il est lui-même responsable (faute) puisque la cause en réside non dans un défaut de l'entendement mais dans un manque de décision et de courage de s'en servir sans la direction d'autrui. Sapere aude ! (Ose penser) Ait le courage de te servir de ton propre entendement. Voilà la devise des Lumières.

De cet impératif à l'usage de la raison découle l'attachement des modernes à l'égalité. Ainsi, l'égalité est reconnue entre tous les hommes car, bien entendu, dans la cité Grecque qui fut le fondement de la démocratie moderne, même si la parole était laissée à tous les participants de l'agora, cette égalité n'était pour autant pas partagée avec les femmes et les esclaves. Ce fut ainsi qu'il le dit: « Ainsi, les hommes de la Renaissance ont les premiers pensé une telle orientation, en taxant le passé de dépassé, en définissant un « moyen âge » dont ils entendaient se distinguer, eux qui se sont définis comme hommes des « temps modernes » (V. Citot, 2005, p.42).

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Dès lors, un nouveau concept voit le jour: « le progrès» qui ne signifie pour le moment que la supériorité par rapport aux époques précédentes. Ce concept a pris la connotation scientifique de l'innovation sous l'impulsion des sciences du XVIe et XVIIe siècle.

Dans la mise en oeuvre de ce projet de l'humanité, il s'est agit essentiellement, dans un premier temps, de la mise en place des valeurs essentielles de la modernité. Les grandes révolutions sont culturelles. Bien que toutes ces révolutions contribuent à la naissance de la pensée moderne, nous nous intéressons ici uniquement aux révolutions scientifiques et philosophiques. En effet, les XVIe et XVIIe siècles constituent le point d'ancrage de la pensée moderne car ce fut en cette période que l'ancienne représentation aristotélicienne du cosmos tombe devant les découvertes de ce qu'il convient d'appeler la science moderne. Ce qui coïncide aussi avec la réfutation du géocentrisme en faveur de l'héliocentrisme dont Copernic est le premier théoricien.

Les conséquences de l'héliocentrisme sur les sciences modernes ne sont plus à démontrer. Néanmoins, notons que d'une part, comme le stipule A. Koyré (1973), le triomphe de l'héliocentrisme ouvre la voie à une nouvelle conception de l'univers qui n'a pas de fin;

La révolution copernicienne aura pour conséquence ultérieure une nouvelle conception de l'univers : il n'a plus de centre, il est infini, il est comme la géométrie euclidienne, homogène, uniforme, déshumanisé (l'homme n'en est plus le centre, et bientôt, Dieu n'en sera plus l'architecte) V. Citot (2005, p. 54).

D'autre part, la révolution copernicienne ouvre la voie à la vague des différentes recherches scientifiques sur un objet qui n'est plus la pâle copie de quoi que ce soit. C'est dans ce contexte que R. Descartes(2014), par le « cogito ergo sum » est l'un des philosophes incontournables dans la construction conceptuelle de la modernité; car il introduit le « je » comme une condition sinéquanon pour atteindre la vérité; en d'autres termes seule « l'intelligence » peut nous conduire à la vérité: « Je doute, je démontre, et pendant ce temps, Dieu attend » (V. Citot 2005, p.55).

La nouvelle compréhension du monde inaugurée par l'héliocentrisme couplée avec la confiance dans le « je » sont les principes porteurs de la révolution industrielle née au XVIIIe siècle en Europe occidentale et qui est le summum de la Modernité, la pleine expression de la science.

La science moderne a donc donné naissance à une nouvelle ère dans l'histoire de l'humanité: l'ère de la machine. Caractérisée désormais par l'application, la science a donné naissance à une infinité de machines qui permettent à l'homme d'effectuer avec plus de facilité ses activités. Rappelons que ce qui est convenu d'appeler « révolution industrielle » du XVIIIe siècle commence par la construction de la machine à vapeur en 1712 par T. Newcomen utilisable dans l'industrie et qui sera améliorée plus tard par James Watt (1712). Or qui parle de machine, parle aussi d'énergie pour rendre opérationnelles ces machines. Cette invention monumentale sera suivie par celle de la locomotive à vapeur, toutes deux dépendantes de la houille comme source d'énergie. Un peu plus d'un siècle après, en 1859, le pétrole jaillit en Pennsylvanie grâce au Colonel américain E. Drake qui réussit à forger le premier derrick (tour de forage)5 , les autres découvertes et inventions suivront.

Par cet engouement pour la science, durant deux siècles, l'humanité a bouleversé l'équilibre de la biosphère. Tous les déchets résultant de cet activisme technologique, ne pouvant pas être tous éliminés, sont délaissés dans la nature polluant les alentours des usines qui généralement sont installées dans les périphéries des villes où habitent les populations les moins nantis. Aussi les gaz très polluants tels le CO2 et le CFC, libérés par la combustion des énergies fossiles, ne croisent pas de frontières conduisant à une dégradation globalisée de l'environnement dont les répercussions sociales ne sont plus à démontrer. Dès lors la crise écologique est non seulement une crise environnementale mais aussi sociale par l'introduction des inégalités environnementales.

Bien entendu, identifier la révolution industrielle comme la cause des dégradations environnementales que nous essuyons aujourd'hui n'insinue pas un reniement des prouesses accomplies par l'humanité dans l'accroissement du confort dans tous les aspects de la vie notamment sanitaire, alimentaire, communicationnel, intellectuel, etc. grâce à la révolution industrielle; mais identifier la révolution industrielle comme cause de la crise écologique contemporaine revient plutôt à dire que la première cause qui à conduit à la crise écologique est, comme D. Méda (2012, p.2) écrit :« la focalisation de l'ensemble des énergies sur l'activité de production » et l'ignorance des conséquences à long terme d'un tel comportement sur l'environnement et le tissu social; J. M. Bergoglio (2013,p.93) ajoutera: « Ces problèmes (environnementaux et sociaux) sont étroitement liés à la culture du jetable dans laquelle nous

5Les grandes articulations historiques de la révolution industrielle nous ont été accessibles par le biais du lien http:// www.linternaute.com. Consulté le 20 mars 2016. Ces informations nous ont permis de mettre au jour, de façon chronologique les différentes révolutions scientifiques dans l'histoire couplées avec le harcèlement de l'environnement.

vivons » justement parce que la production y est surabondante. C'est de la connaissance de tous ces revers de la science moderne que le développement durable se pose comme le nouveau paradigme de développement pouvant sauver encore notre environnement.

2.2- La naissance théorique de la durabilité

Le développement durable apparaît pour la première fois dans les débats sur l'environnement dès les années 1960 dans les houleux débats sur l'environnement et le nucléaire, puis sera divulgué par la conférence de Stockholm sur « l'environnement humain» en 1972 et culmine dans la conférence sur la terre de Rio en 1992. Ce projet de vie bonne pour tous les terriens s'est imposé comme alternative à la crise écologique et est basé essentiellement sur la philosophie de la finitude : on ne saurait se développer infiniment.

Partir du rapport Brundtland pour rendre compte du développement durable ne signifierait pas que seul ce rapport parle assez bien du développement durable, bien au contraire, avant la conférence de Rio en 1992, les débats sur le développement durable ne manquaient pas ; A. Kiss (2005, p. 85-86) écrit:

Une des premières conventions mondiales visant à la protection d'espèces sauvages dans un but autre que leur exploitation est la convention de Paris du 19 mars 1902 « pour la protection des oiseaux utiles à l'agriculture ». L'objet de cette convention est significatif. Ainsi, la condamnation des « oiseaux nuisibles », en particulier des rapaces nocturnes et diurnes -- dont la plupart sont protégés aujourd'hui -- en dit long sur les motivations de cette convention. Les années 1930 ont apporté des progrès dans ce domaine avec l'adoption de la convention de Londres du 8 novembre 1933, relative à la conservation de la faune et de la flore à l'état naturel (...) Un autre progrès a été accompli aux Amériques avec la convention de Washington du 12 octobre 1940 pour la protection de la flore, de la faune et des beautés panoramiques naturelles des pays de l'Amérique. Toutefois, ses dispositions étaient peu contraignantes.

Ces bases seront les prémices des débats sur l'environnement et le nucléaire dans les années 1960. Les années70 verront la conférence de Stockholm en 1972, réitérer les discours précédents; les années 80 seront celles de l'engagement des Nations Unies en faveur de l'environnement par la création de la Commission Mondiale des Nations Unies sur l'Environnement et le Développement (CMED) qui sera commanditaire du rapport Brundtland en 1987 qui à son tour, sera adopté plus tard à la conférence de Rio en 1992. Après la conférence de Rio, d'autres conférences ont suivi notamment le Protocole de Kyoto de 1997 dont le but était d'atteindre une réduction globale des émissions de 5,2 % entre 2008 et 2012 ; ensuite les différentes conférences des parties s'enchainent :

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2001 (COP7) : Accord de Marrakech. Pour lutter contre le changement climatique, cet accord prévoit une aide des pays développés vers les pays en développement.

2005 (COP11) : le Protocole de Kyoto entre en vigueur. Puisque 55 pays ont ratifié ce traité et que tous les pays l'ayant ratifié émettent au total au moins 55 % des émissions de CO2 de 1990, ce Protocole est effectif.

2007 (COP13) : le Plan d'action de Bali. C'est le début des négociations post 2005, c'est-à-dire post protocole de Kyoto.

2008 (COP14) : Conférence de Poznan. Les 27 pays de l'Union européenne sous présidence française s'entendent sur les moyens de réduire leurs émissions de gaz à effet de serre de 20 % en 2020 par rapport à 1990.

2009 (COP15) : Accord de Copenhague. Les leaders mondiaux se sont mis d'accord sur un objectif de limitation du changement climatique à 2°C et une aide des pays développés de 30 milliards de dollars sur 2010-2012, porté à 100 milliards de dollars par an en 2020.

2015 (COP21) : Conférence des parties des Nations unies sur les changements climatiques. L'accord de Paris ratifié par de nombreux pays a été une étape historique dans la reconnaissance internationale de la notion de changement climatique. Un accord universel ambitieux sur le climat qui a comme objectif de contenir la hausse des températures bien en deçà de 2 °C, et de s'efforcer de la limiter à 1,5 °C.

2016 (COP22) : Conférence des parties des Nations unies sur les changements climatiques à Marrakech. Cette COP souhaite s'inscrire dans la continuité de l'accord de Paris. Avec comme objectif d'obtenir des engagements des pays sur des actions concrètes à mettre en place pour lutter contre le changement climatique.

Depuis, les États se réunissent tous les ans lors de grandes conférences pour discuter des solutions à mettre en oeuvre6.

La remarque que nous pouvons faire et qui différencie les différentes conférences suscitées du rapport Brundtland est que ces différentes conférences ne se tiennent que pour mettre en lumière ou statuer le plus souvent, sur un aspect de la crise écologique soit le climat, soit les émissions des gaz à effet de serre, soit le financement des pays en voie de développement pour les aider à supporter les revers négatifs de la crise écologique etc. Or le rapport Brundtland quant à lui prend en compte l'ensemble de la crise écologique et statue sur tous les aspects de cette crise, en d'autres termes le rapport Brundtland est le texte fondamental qui met en lumière, et de façon synoptique tous les aspects de la crise écologique, tout en proposant les actions qu'il faudrait poser pour changer la donne.

Il s'inscrit dans la logique d'un bilan de la situation écologique de la planète dont l'état devenait de plus en plus préoccupant en un moment donné de l'histoire de l'humanité.

6Les informations ci-dessus sur les différentes conférences des parties nous sont parvenues grâce au lien suivant: http://www.mtaterre.fr/dossiers/le-changement-climatique/les-conferences-mondiales-sur-le-climat, consulté le 05 mai 2017. Ces conférences nous montrent la bonne volonté d'une action collégiale en faveur de l'environnement.

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Notre avenir à tous coïncide avec une grande avancée que l'humanité n'a jamais connue, il s'agit de la sortie en orbite au tour de la terre; en effet, le rapport Brundtland dans ses premières pages, précise d'ailleurs que la révolution copernicienne a certes marqué un grand pas dans le domaine de la connaissance de la situation de l'homme par rapport à tout l'univers, mais mieux encore la sortie en orbite permet d'abord de mieux comprendre la place de la terre dans l'univers et ensuite de mieux voir la planète terre que nous habitons depuis le ciel et sa fragilité dans un vide absolu.

La connaissance de la terre depuis le ciel est l'un des éléments précurseurs du développement durable. De l'espace, la terre renseigne mieux sur ce qu'elle est c'est-à-dire une planète qui, toute différente des autres, est dominée par la nature : océans, mers, nuages, verdure et sols d'où un impératif pour l'homme d'intégrer ses habitudes à ce qu'est la terre dans son ontologie, un lieu qui grouille de vie, afin de vivre en symbiose avec elle. Or le constat amer que l'on fait est qu'au lieu que l'homme s'ordonne selon le rythme de la nature, la tendance est qu'il s'impose par ses activités et ses ambitions de plus en plus démesurées. Le rapport Brundtland (1987, p.7) stipule: « Du ciel, nous voyons une petite boule toute fragile, dominée non pas par l'activité et les constructions de l'homme, mais par une nébuleuse de nuages, d'océans, de verdure et de sols ».

Bien que notre avenir à tous mette un accent particulier sur la gravité de la dégradation de l'environnement causée par un activisme à outrance de l'homme, il exprime aussi un espoir; l'espoir en la capacité de l'homme, capacité à changer la donne et à restaurer la nature par un développement responsable dont la toile de fond serait de « puiser sans épuiser » les ressources comme le diront E. Dronne et R. Morin (2010) plus tard.

Par ailleurs, le fondement de l'inquiétude, ce sont les données scientifiques qui renseignent sur l'état de notre planète. Déjà en 1973, E. Bonnefous (1973, p. 22) écrivait:

On estime que 700 millions d'hectares de terre cultivées sont plus ou moins dégradées. La superficie des déserts a augmenté de 1milliard d'hectares depuis que l'homme a entrepris sa lutte contre la nature, et la FAO signale que le Sahara « avance» chaque année de 1,5 à 10 kilomètres. L'activité inconsidérée de l'homme a détruit à ce jour 2 milliards d'hectares de terre, soit 15% de toutes les terres continentales, 24% de toutes les terres aujourd'hui cultivables.

Ces informations concernant la dégradation de la terre et l'avancée des déserts ne laissent personne indifférent étant donné que le destin de l'humanité tout entière y est embarqué. Causée par la culture industrielle, la dégradation des sols a pour cause première l'irrigation. Car, ainsi qu'il le dit: « dans les régions acides à climat chaud, une irrigation mal

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conduite, c'est-à-dire en particulier sans évacuation corrélative suffisante, suscite une remontée successive de sels qui grille les cultures» (E. Bonnefous, 1973, p.23). Quant à l'avancée du désert, elle est due au déboisement intense qui n'est pas suivi de reboisement. Il note également que des écosystèmes entiers sont en disparition à cause de:

Du soleil qui y exerce ses effets (catalysant)» ou encore parce que dévorés par des « déserts de béton » qui renvoient à l'urbanisation massive; quant à la faune, elle subit des dégradations à cause de « la transformation que l'homme fait subir au milieu naturel et tout particulièrement au couvert végétal » (E. Bonnefous, 1973, p.31et 38-39).

Dès lors, la redéfinition du développement devient un défi mondial puisqu'il nécessite l'union des forces politiques qui doivent avoir conscience qu'aujourd'hui, il est impossible de séparer le développement économique des préoccupations environnementales et sociales pour arriver à bout de cette crise. Ce fut dans ce contexte que la commission Brundtland (1987, p.10) notait:

Cette prise de conscience a élargi notre perception du développement. Nous ne l'envisageons plus dans son contexte le plus étroit, qui est celui de la croissance économique dans les pays en développement ; nous avons compris qu'une nouvelle voie s'imposait qui permettrait le progrès non plus dans quelques endroits privilégiés pendant quelques années, mais pour la planète entière et à longue échéance. Le « développement durable » devient ainsi un objectif non plus pour les seuls pays « en développement », mais encore pour les pays industrialisés.

Car les répercussions sociales des dégradations environnementales notamment les inégalités environnementales n'épargnent personne. La durabilité reste alors l'alternative à la question du développement d'une part, et d'autre part une solution, pour l'instant, efficace à la crise écologique. C'est de ces arguments que la durabilité est devenue l'orient mondial de développement. Mais en quoi consiste-t-elle vraiment?

2.3- La durabilité: un développement tridimensionnel

Les difficultés écologiques soulevées par les deux siècles de développement ont entrainé un mouvement mondial de lutte pour la cause de l'environnement; lutte qui combine à la fois le développement et la durabilité: « le développement durable ». Ce nouveau paradigme de développement des peuples, se veut plus qualitatif que quantitatif, une façon de renverser les conceptions traditionnelles qui identifiaient le développement à la croissance économique; c'est ce que D. Méda (2012) met en exergue en insistant sur le fait que le PIB, ancien indicateur du développement, est à contrasté car il n'évalue que les flux économiques positifs sans évaluer les inégalités qui règnent souvent dans les sociétés, ni les conséquences environnementales le plus souvent désastreuses. De ce fait, se fiant au PIB, l'on pourrait

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décréter qu'un pays est développé pourvu qu'il atteigne un seuil donné de rentabilité économique, faisant fi des inégalités sociales et de la dégradation environnementale inhérente à la croissance économique. C'est pour donner une réponse efficace à toutes ces ignorances que le développement durable se veut établir un nouveau rapport économie-environnement-société; et comme le stipule le rapport Brundtland (1987, p.35) :

Environnement et développement ne sont pas deux défis distincts; ils sont liés inexorablement. Le développement ne peut se maintenir si la base des ressources ne fait que se détériorer; l'environnement ne peut être protégé si la croissance ne tient pas compte du cout de la destruction de l'environnement. Ces problèmes ne peuvent être traités séparément dans le cadre d'institutions et de politiques fragmentaires. Ils sont imbriqués dans un système complexe de causes et d'effets.

Le terme « durabilité » qui est souvent affecté pour désigner le développement durable est un concept apparu bien après le rapport Brundtland notamment en 1990 et qui renvoie à l'ensemble des alternatives pour pérenniser la vie humaine sur terre notamment l'articulation économie-environnement-société; ce faisant, nous pouvons dire que la durabilité est la quintessence du développement durable. Le soubassement de la durabilité est une philosophie de la finitude; selon D. Bourg (2012, p.10) : « la philosophie de la durabilité est au contraire une philosophie de la finitude, laquelle est inséparable d'une réflexion sur les limites des technologies (...) et doit se déployer dans un contexte radicalement nouveau » ; bien que ce dernier semble inscrire la durabilité dans un débat authentiquement technologique, il rejoint le débat originel sur le développement durable en affirmant que le débat sur la durabilité doit s'inscrire dans un contexte nouveau par rapport à la conception classique du développement. Ce qui laisse comprendre que le concept de durabilité n'est rien d'autre que la substance du développement durable; B. Ouchene et A. Moroncini (2016, p.9) écrivent: « la durabilité se définit comme étant un « développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la possibilité, pour les générations à venir, de pouvoir répondre à leurs propres besoins». C'est la dimension spatio-temporelle de l'activité économique. Elle impose une obligation, un devoir et une continuité ». Bref la durabilité n'est que l'abréviation du développement durable apparue en 1990, peu après le rapport Brundtland.

Pour mieux comprendre le développement durable, il serait avantageux de clarifier les mots qui le composent. J. Villancourt (1998, p.6) note:

D'une part, le mot « développement » évoque l'esprit d'entreprise et d'initiative qui doit caractériser, au-delà des ensembles de l'industrie, du commerce et des services, chaque individu tout au long de sa vie s'il veut rester digne, et encore selon une expression inspirée de Malraux, d'avoir vécu jusqu'à sa mort. Le développement, c'est l'ouverture de nouveaux espaces de liberté, le goût du changement et du risque en tant que facteur de stimulation et

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d'innovation, la création artistique et scientifique. C'est tout le contraire de la stagnation, de la passivité, de la résignation.

D'autre part, le qualificatif « durable » recouvre les espaces de participation et de solidarité avec les autres, proches et lointains, connus et inconnus, les générations futures, la nature. C'est l'aspiration sécuritaire et identitaire, la prévoyance et la défense du patrimoine naturel et culturel. Ses valeurs sont la dignité, le respect, l'équité et le droit social. C'est tout le contraire de l'indifférence et du mépris d'autrui.

De façon succincte, la durabilité revient à concilier le développement socio-économique et le respect de la nature. Le rapport Brundtland affirme:

Dans son esprit même, le développement durable est un processus de transformation dans lequel l'exploitation des ressources, la direction des investissements, l'orientation des techniques et les changements institutionnels se font de manière harmonieuse et renforcent le potentiel présent et à venir permettant de mieux répondre aux besoins et aspirations de l'humanité7.

Cette recherche d'harmonie, a commencé par hanter le monde intellectuel depuis la conférence de Stockholm en 1972 en réaction au concept de « croissance zéro» du club de Rome. Le développement durable continuera à se clarifier à travers la Stratégie Mondiale de la Conservation (1980), la Commission Mondiale des Nations Unies sur l'Environnement et le Développement CMED- Rapport Brundtland (Notre Avenir à tous) en 1988, la Stratégie pour l'Avenir de la Vie en 1991 et la déclaration de Rio en 1992.

Sur le plan social, le développement durable consiste à atténuer voire éradiquer les injustices environnementales par la satisfaction des besoins de tous passant par la protection de l'environnement et l'investissement dans la réparation des qualités environnementales; l'objectif de cette démarche est d'accroître la qualité de vie des membres de la société par la possession des structures nécessaires à cette fin. En ce qui concerne l'aspect social du développement durable, le rapport Brundtland (1987, p.36) dit: «

Ainsi, toute nouvelle approche du problème doit comporter des programmes de développement social en vue notamment d'améliorer la condition des femmes, de protéger les groupes vulnérables et d'encourager la participation des échelons locaux à la prise de décision.

Ainsi dit, la notion de « besoins» dans ce contexte, nécessite une clarification car le rapport Brundtland n'explique pas assez ce concept qui pourtant reste très important dans le processus d'amélioration des conditions de vie des populations. S. Ferrari (2010, p.3) énonce:

L'exigence de durabilité ici repose sur une équité intergénérationnelle à contenu restreint, c'est-à-dire qui n'engage les générations présentes à l'égard des générations futures que pour garantir la couverture des besoins de base dans la perspective de maintenir dans le temps un niveau de bien-être non décroissant, et rien de plus.

7Rapport Brundtland, 1987, p. 42.

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Quant à J. Villancourt (1998, p.7): « la qualité de vie est une notion qui varie d'une société à l'autre»; en d'autres termes le développement durable ne vise pas une harmonisation des styles de vie à travers la planète mais plutôt une qualité de vie propre à chaque société et qui se base sur la possession des structures indispensables à la satisfaction des besoins et la capacité de les entretenir dans le stricte respect de l'environnement, d'où la notion de justice environnementale que nous éclaircirons plus loin; ainsi qu'il le note:

Pour promulguer cette qualité de vie à ses membres, la société doit satisfaire les besoins des individus qui la composent dans une perspective de pérennité tout en s'assurant de posséder (ou de se donner) les structures et la capacité d'y répondre (...) La qualité de vie humaine passe donc par la satisfaction des besoins essentiels et conséquemment, un minimum de consommation est nécessaire pour les satisfaire. Croissance économique et développement (...) devraient ainsi assurer, pour tous les peuples de toutes les nations et pour les générations futures, la satisfaction des besoins essentiels que sont: la santé et la longévité, l'occupation valorisante, l'éducation, les sentiments de liberté et de sécurité, le respect des droits fondamentaux et la culture (J. Villancourt, 1998, p.7).

Ainsi déclinée, la facette sociale de la durabilité peut se comprendre comme étant une aspiration vers une société plus juste qui permet à l'individu de jouir de ses libertés fondamentales nécessaires pour une vie vertueuse et avoir un accès équitable aux ressources nécessaires à sa survie. Le principe de « responsabilité communes mais différenciées », adopté dès la déclaration de Rio en 1992 et qui traite des questions de justice climatique renvoie non seulement à la distribution des charges dans la lutte contre les dégradations environnementales mais aussi à la question de l'égalité face aux émissions des gaz à effet de serre; tout ceci pour limiter toute sorte d'inégalité environnementale et favoriser un mieux être pour tous. Bref, la sphère sociale du développement durable revient à limiter les injustices environnementales.

La dimension économique de la durabilité quant à elle, sans pour autant s'éloigner de la justice recherchée dans la société, veut se démarquer de la croissance traditionnelle tant prisée par les Etats. J. Villancourt (1998, p.7) écrit:

Cette perspective du développement, partagée par les organisations internationales (et nationales), affirmée dans le rapport Brundtland et réaffirmée lors du Sommet de la Terre de Rio en 1992, nous invite à concevoir désormais la croissance sous un angle plus englobant, plus viable et surtout plus équitable.

Ceci implique une redéfinition des modèles économiques basés uniquement sur l'accroissement des capitaux et les fluctuations du PIB comme le soulignait D. Meda (2012). Ne rejetant pas la croissance, la durabilité lie désormais la croissance et la protection de l'environnement. J. Villancourt (1998, p.8) note une fois encore:

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Il faut veiller à ce que cette croissance s'effectue de manière viable ou soutenable et qu'ainsi elle ne prive pas les générations futures ou d'autres nations, de nourriture et d'emplois; selon ce modèle, l'accélération de la croissance permet de générer des surplus pour que les plus pauvres survivent et pour financer la lutte contre la pollution.

Nous sommes ici plongés en plein coeur dans la justice environnementale. Ce nouveau modèle économique proposé par le développement durable prend clairement le contrepied du modèle classique qui peut se résumer, comme l'a noté J. Villancourt(1998), à la destruction des équilibres des écosystèmes qui permet la rentabilité avec comme conséquence directe une destruction toujours plus grave de l'équilibre environnemental et la croissance des inégalités.

La durabilité se veut une révolution sociale englobant les aspects économique, social et environnemental ; une redéfinition du paradigme d'un développement classique qui, depuis le XVIIIe siècle, n'a cessé d'accentuer la fracture sociale et de porter de plus en plus atteinte à notre environnement. Le développement durable se veut donc rétablir « le paradis perdu » par l'option de pistes inédites qui se sont ouvertes depuis la révolution industrielle. Né des dérèglements environnementaux ce nouveau paradigme de développement se veut un nouveau développement dont la mission serait de prendre le contre-pied du développement classique et de corriger ses erreurs notamment la crise écologique; confirmant ainsi notre première hypothèse qui stipulait que la durabilité, tirant ses fondements du rapport Brundtland en l'occurrence, se veut être un paradigme de développement protecteur de l'environnement, économiquement soutenable en vue de parvenir à une société plus juste.

Cependant, si durant presque trois décennies, le développement durable n'est encore pas parvenu à atténuer un tant soit peu le rythme des dégradations de la planète et des inégalités environnementales toujours croissantes, c'est que le développement durable semble reléguer au second plan l'intérêt des populations d'où la nécessité d'une évaluation critique.

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Partie II:

Evaluation critique de la durabilité

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En vue de pallier tous les dérèglements environnementaux qui mettent en danger la pérennité de la vie sur terre, et dont nous avons fait allusion dans la première partie de ce travail, la durabilité est apparue comme une solution qui permettrait à coup sûr de rétablir le déséquilibre aussi bien environnemental que social perdu. Force est alors de constater que malgré les dangers courus par notre planète à cause d'un rythme de développement en déphasage complet avec celui de la restauration de la nature par elle-même, la durabilité peine à tenir ses promesses plus d'un quart de siècle après son adoption. Cette problématique est au coeur de cette seconde partie de notre travail intitulée : évaluation critique de la durabilité.

Notons que la critique de la durabilité dont il est question, n'est pas un reniement complet de la durabilité mais une critique d'une certaine logique du développement durable caractérisé par une forte institutionnalisation qui n'implique pas les populations victimes des dérèglements environnementaux. Les difficultés qu'éprouve la durabilité dans un tel contexte sont d'origines diverses à savoir les contradictions définitionnelles, éthiques, politico-économiques, le tout conduisant à un pessimisme sur la concrétisation de la durabilité. C'est dans cette logique que cette seconde partie de notre travail est subdivisée en deux chapitres. Dans le chapitre 3 intitulé les contradictions internes de la durabilité, il sera essentiellement question de rappeler les différentes causes de l'inefficacité de la durabilité. Dans le chapitre 4 intitulé la durabilité entre idéal et fait, il s'agir pour nous de mettre au jour les implications d'un tel état de fait de la durabilité.

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Chapitre3 : Les contradictions internes de la durabilité

3.1- Les contradictions définitionnelles de la durabilité

Vulgarisé par « le sommet de la terre », le développement durable est devenu le fondement de la plupart des discours politiques. Repris sur les médias sans cesse, ce concept ne cesse d'être au coeur de tous les débats sociaux à tel point que l'on pourrait l'identifier, comme le note D. Pestre (2011), à l'idéologie du XXIe siècle qui s'exprime à travers les énoncés de principes comme « la bonne gouvernance », « la transparence », « les partenariats public-privé» etc. Cet élargissement du développement durable à tous les domaines s'explique par un flou conceptuel qui, empêchant de cerner clairement l'approche opératoire de la durabilité, laisse comprendre ce concept de travers compromettant ainsi son efficacité. D'après le Ministère de l'Écologie, de l'Énergie du Développement durable et de l'Aménagement du territoire français (2009, p.14):

John Pezzey de la Banque mondiale en recensait 37 acceptions différentes et dès le départ, (...), le développement durable, cet oxymore, contient en lui-même ses divergences, pour ne pas dire ses contradictions : pour les uns, c'est un développement respectueux de l'environnement, pour les autres l'important est que le développement tel qu'il est puisse durer indéfiniment.

J. Villancourt (1998) note par ailleurs que si le développement durable prend assez d'ampleur et s'adapte à tout discours, c'est parce qu'il a été dénué de son sens initial et ce, à cause d' « un nombre impressionnant de définitions sectorielles du développement durable ». Il suffit de jeter un coup d'oeil sur lesdites définitions pour se rendre compte des différentes priorités que toutes revendiquent au nom du développement durable ; ainsi qu'il le dit:

Écodéveloppement (« Environment ally sound development ») Maurice Strong et Ignacy Sachs. Concept qui désigne un type de développement intégré qui tient compte des contraintes écologiques et du long terme, un développement socio-économique écologiquement viable. Développement autre ou société de conservation.

Fondation Dag Hammarsköld, Kimon Valaskis, Edward Goldsmith et Société Royale du Canada proposait un autre type de développement confiant en soi, endogène, centré sur les besoins réels, en harmonie avec la nature et ouvert au changement institutionnel.

Développement durable (axe conservation), PNUE, FMN, FAO, UNESCO, Stratégie mondiale de la conservation (SMC). Le développement durable est défini comme la modification de la biosphère et l'emploi de ressources humaines, financières, vivantes et non vivantes, pour satisfaire aux besoins des hommes et améliorer la qualité de leur vie. Pour assurer la pérennité du développement, il faut tenir compte des facteurs sociaux et écologiques, ainsi que des facteurs économiques, de la base des ressources vivantes et non vivantes, et des avantages et désavantages à long terme et à court terme des autres solutions envisageables.

Développement durable - Déclaration de Rio (Déclaration adoptée par les représentants de 170 pays en 1992). La déclaration stipule que le développement durable est centré sur le droit des

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êtres humains à une vie saine et productive en harmonie avec la nature, et que le droit au développement doit être réalisé de façon à satisfaire équitablement les besoins relatifs au développement et à l'environnement des générations présentes et futures (J. Villancourt 1998, p. 26).

Si nous optons pour la définition la plus répandue du développement durable qui est celle de la Commission Mondiale de l'Environnement et du Développement (CMDE) :« Le développement durable est un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs », nous ne sommes pour autant pas éloignés des contradictions liées à ce concept; car ici encore, au coeur de la durabilité, une tension très forte existe encore entre la durabilité forte et la durabilité faible. D. Bourg (2012, p.4) écrit:

La durabilité faible, telle qu'elle est définie par Robert Solow, c'est l'idée que la destruction du capital naturel - qui découle immanquablement de nos activités économiques- peut être compensée par la création de capital reproductible et donc de technologies diverses. Ce n'est ni plus ni moins que la conception propre de ce que l'on appelle l'économie mainstream. L'un des sens du développement durable, c'est donc l'absence de développement durable, le retour au statu quo ante!

La durabilité forte, c'est l'idée contraire : à savoir celle selon laquelle une grande part du capital naturel n'est pas technologiquement substituable et donc remplaçable par des technologies. Le développement durable signifie donc une chose et son contraire (...)

Cette difficulté définitionnelle est la faiblesse fondamentale de la durabilité. De cette confusion naît une inefficacité dans la régulation des inégalités environnementales qui ne sont pas non plus privées de confusion. En effet, dans la gestion des inégalités environnementales, l'on est également partagé entre d'un côté, oeuvrer à l'égalité des bien environnementaux comme l'aménagement équitable des espaces verts des éco-quartiers; et de l'autre côté, les inégalités sociales qui nécessitent un plan stratégique efficace; deux responsabilités colossales dont l'étreinte simultanée semble impossible. Une tâche ardue à laquelle sont confrontées les politiques environnementales.

La presqu'inertie de la durabilité depuis la conférence de Rio s'explique donc par ce manque de précision dans les objectifs et les méthodes permettant d'aller à une société vraiment durable. Ceci justifie l'idée de D. Pestre (2011) selon qui, le ralliement précipité des grandes institutions telles la Banque mondiale, les institutions du consensus de Washington, les politiques et les entreprises aux idéaux du développement durable se comprend par le fait que le développement durable est vague et elles ne perdraient rien en s'alliant, bien au contraire, elles gagneraient plus de notoriété en affirmant être au service d'un monde meilleur.

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Cette faiblesse théorique du développement durable se fait remarquer aussi dans le rapport Brundtland qui donne une liberté sans précédant aux différentes autorités politiques de faire l'option des stratégies durables qu'elles pensent bénéfiques à long terme pour elles. Cette lassitude accordée complique la coordination mondiale des progrès dans les efforts pour la protection de l'environnement et peut constituer une excuse pour les pays retissants. Le rapport Brundtland stipule: « Nous n'avons pas de cadre strict à imposer ; nous nous contentons d'indiquer une voie qui permettrait aux peuples de la Terre de multiplier les sphères de coopération».

Tel est le manque de précision dans les orientations du développement durable. Dans la même perspective, dans le bilan dressé par Francesco di Castri (2000), président du Comité de l'UNESCO pour le suivi de la conférence de Rio, repris par J. Villancourt (1998), il ressort que la démotivation des gouvernements dans les efforts pour le développement durable s'explique par un manque d'objectifs concrets dans l'option d'une direction claire à suivre. La conséquence directe d'un tel état de choses est le manque de financement des initiatives durables, il fait remarquer en outre que l'on n'a pas encore amorcé la marche vers la conciliation entre le développement et la durabilité. J. Villancourt (1998, p.6) note:

Elle est marginalisée le plus souvent dans les ministères de l'Environnement, eux-mêmes marginalisés au sein de leurs gouvernements. Le développement durable est de leur ressort, tandis que l'autre développement est suivi par les bien plus puissants ministères des Finances, avec le plus souvent un net clivage entre les deux. Même dans le cadre de l'Organisation des Nations Unies qui ne peut que refléter la situation des pays, un fossé infranchissable sépare la Commission pour le développement durable ou le Programme des Nations Unies pour l'environnement (PNUE) du Fonds monétaire international (FMI) ou de l'Organisation mondiale pour le commerce. »

Ces contradictions définitionnelles de la durabilité constituent un handicap à la mise en oeuvre de ce paradigme de développement. Ces contradictions entrainent avec elles des désaccords politique et économique.

3.2- Les désaccords économique et politique de la durabilité

La crise écologique a, selon certains auteurs, plus d'une cause. Pour D. Méda (2012),

doigtant la révolution industrielle, la première cause de notre état environnemental actuel est la conversion des énergies spirituelles vers l'ici-bas, et la seconde cause qui est la conséquence de la première est la focalisation sur la production. J. M. Bergoglio (2005) quant

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à lui, indexe l'utilisation irresponsable et l'abus des biens terrestres comme les causes premières de la dégradation de la biosphère et des inégalités environnementales. De ces auteurs, nous retenons, qu'il s'agisse de l'usage irresponsable et abusif des biens terrestres ou que ce soit la conversion des énergies spirituelles vers l'ici-bas ou encore la révolution industrielle, la cause de la crise écologique contemporaine se résume en un manque de durabilité dans les entreprises humaines.

C'est en vue d'éradiquer l'ignorance de la durabilité que la commission Brundtland exprima de façon claire les risques courus si nous continuons à avancer dans cette ignorance et stipula les directives à suivre. Bien articulées, ces directives, en plus des confusions conceptuelles qu'elles renferment, sont confrontées à une problématique politique et économique. En effet, « le sommet de la terre» de Rio est le point de départ officiel de l'engagement universel face aux dégradations environnementales qui sont désormais reconnues comme ayant une dimension universelle. La prise de conscience de l'aspect universel des problèmes environnementaux implique un engagement global pour optimiser les forces et résoudre efficacement ce problème. De ce fait, les pays développés, considérés comme les plus grands pollueurs avec leurs industries très développées et leur consommation exponentielle en énergie et en biens, doivent s'unir avec les pays en développement pour qui les premiers constituent l'étalon à atteindre. Ce faisant les limitations en matière d'émission de gaz à effet de serre, de taxes s'appliquant à la pollution et de réorientation du modèle de développement s'appliquent à tous sans distinction de niveau de développement c'est-à-dire tant pour les pays développés que pour les pays en voie de développement d'où ces derniers clament une injustice.

Les BASIC (Brésil, Afrique du Sud, Inde et Chine), les grands émergents comme on les appelle, représentent de nos jours 27% des émissions mondiales, soit à peine moins que les Etats-Unis (18%) et l'Europe (13%) réunis. L'évolution de leurs émissions reflète la très forte croissance de ces pays ainsi que, l'inefficacité de leurs systèmes énergétiques essentiellement fossile. Pour ces derniers, la limitation des émissions de gaz a effet de serre et l'obligation de la redéfinition du développement paraît une stratégie de la part des pays développés pour empêcher les moins développés, qui sont presque au sommet du développement d'atteindre le même niveau qu'eux. La question environnementale devient dès lors une source de conflit entre les Etats autour de deux concepts que sont l'environnement et le développement et au-delà duquel se pose un véritable problème politique et économique.

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Pour les BASIC, la lutte pour le rétablissement de l'équilibre environnemental est un néocolonialisme qui ne dit pas son nom; et du point de vue économique, les réductions des émissions des gaz à effet de serre qui présupposent une exploitation restreinte des énergies fossiles, est une fois de plus une main mise économique qui conduirait au ralentissement de leur développement. Ainsi se pose la problématique économique et politique du développement durable.

Notons quand même que ces conflits entre les Etats développés d'une part et les sous-développés d'autre part au sujet bipolaire de l'environnement et du développement, s'étaient déjà remarqués mais de façon embryonnaire dès la Conférence de Stockholm, vingt ans avant la conférence de Rio. Le cri d'appel « croissance zéro » promulgué par le club de Rome dans son rapport halte à la croissance en 1972, fut déjà repéré par les pays du Tiers-monde comme un moyen pour les pays développés de freiner le développement du Tiers-Monde en vue de mieux s'accaparer de toutes les ressources énergétiques mondiales, la conférence de Rio, réitérant les mêmes principes est la goutte d'eau qui a débordé le verre. Dans ce contexte, les pays du Tiers-Monde avec les BASIC au devant de la scène se trouvent dans un dilemme: soit accueillir le débat de la protection de l'environnement en renonçant aux idéaux classiques de développement et en réorganisant le mode de vie des populations par l'adaptation des infrastructures déjà existantes aux idéaux du développement durable; soit faire sourde oreille au débat sur l'environnement et continuer leur ascension au détriment du bien-être planétaire. Le débat entre pays émergents et pays développés a désormais changé de nature:

D'un côté, ceux-ci tendent à devenir des superpuissances, dont la poursuite du développement dépend crucialement de leur accès aux ressources fossiles et minérales. De l'autre, ceux-là y voient des concurrents, devenus par ailleurs les premiers émetteurs de gaz à effet de serre, la Chine dépassant maintenant les Etats-Unis en ce domaine. L'imbrication entre les questions climatiques et la géopolitique de l'énergie apparaît ainsi plus forte qu'elle n'a jamais été. Pour réussir, on doit accepter d'ouvrir, enfin, un véritable dialogue entre pays développés, pays émergents et pays en développement, en s'appuyant sur les possibilités de construire un intérêt

commun commerce-climat, et plus généralement, en ayant en perspective la sécurité mondiale8.

C'est ce désaccord des BASIC et de certaines puissances aussi comme les Etats-Unis, qui concourent, à « des engagements peu ambitieux au Nord, associés à l'absence

8Ces clarifications sur le rapport de force entre les pays développés et les pays émergeants sur les questions environnementales ont été recueillies sur le lien: http://www.afd.fr » conference »En-Bref_FR. consulté le 12 août 2017. Après tant d'engagements pris lors des différentes conférences sur l'environnement, l'on comprend un peu pourquoi ces engagements tardent à se concrétiser. Etant donné que le développement de l'Occident se soit effectué grâce à l'exploitation jamais connue des ressources de la nature, les BASIC quant à eux trouvent injuste une restriction de l'exploitation des ressources sachant bien que l'Occident ne s'est pas développé autrement.

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d'obligations au Sud» avec pour conséquence l'accentuation de la dégradation de la biosphère et des couche sociales défavorisées.

Eu égard à ce qui précède, nous pouvons confirmer le point de vue de D. Pestre (2011) quand ce dernier affirme qu'il existe un grand fossé entre les promesses et leur réalisation, entre les mots et les faits en ce qui concerne le développement durable. Ce clivage s'explique, selon le même auteur par les limites du progrès amorcé depuis deux siècles et d'autre part, par un manque de volonté politique. La complexité conceptuelle de la durabilité couplée aux désaccords politiques et économiques, ne vont pas sans incidence éthique sur la mise en oeuvre de la durabilité.

3.3- Difficultés éthiques dans la mise en oeuvre de la durabilité

Par difficultés éthiques, nous voudrions parler des divergences éthiques que le développement durable rencontre et qui freinent son adoption malgré l'expression de la bonne volonté des gouvernants lors de « la conférence de la terre » de Rio.

La notion de difficulté éthique que nous voudrions éclaircir ici s'inscrit parfaitement dans le débat écologique surtout à l'étape cruciale de la mise en oeuvre des recommandations de la durabilité: quel choix opérer dans la multitude de choix possibles? Surtout quand nous faisons face à: « des aspects auxquels on accorde de la valeur des deux côtés » (J. Villancourt (1998, p.30) d'où la difficulté à trancher. Le travail obligatoire en amont de la prise de décision est donc particulièrement ardu. Les divergences renvoient ici à une difficulté de choix entre deux valeurs et dans le contexte qui est le nôtre, les difficultés éthiques se posent entre la protection de l'environnement et la croissance économique qui ont toutes deux des répercussions non négligeables aussi bien positives que négatives sur la vie des populations. Ainsi qu'il le dit: « (...) Le développement économique implique peut-être des conséquences néfastes sur l'environnement et, dans ce cas, quelle décision doit être prise ? Va-t-on prioriser la protection de l'espace environnemental naturel concerné, ou la création d'emploi?» (J. Villancourt, 1998, p.30). Cette question se rapproche donc de celle de C. Larrère (2017) qui pose le dilemme: les politiques environnementales doivent-elles privilégier les effets égalitaires ou prioriser la restauration de la nature dans la gestion de la crise écologique?

Choisir la croissance économique avec le PIB comme indicateur au détriment de l'environnement permettrait à coup sûr d'octroyer du travail et permettre ainsi une croissance

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économique avec une répercussion positive sur les populations à savoir l'amélioration des conditions de vie et même l'atténuation des inégalités environnementales mais avec un impact négatif sur l'environnement; de la même façon, choisir l'environnement en adaptant l'économie, permettrait bien sûr une restauration des qualités environnementales avec une économie peu agressive ; mais la croissance économique par rapport à laquelle nos sociétés se définissent aujourd'hui et qui est indispensable dans la régulation des inégalités environnementales n'adviendrait pas.

Or il serait impossible d'établir une liste exhaustive de critères théoriques respectant les deux dimensions; au cas où il en existerait, elle ne serait pas opérationnelle puisque ces divergences sont contextuelles. Ainsi qu'il le dit:

En effet, les caractéristiques du milieu géologiques ou sociales, sur lequel pèse la prise de décision, sont à prendre en compte. Il peut exister des critères ou des guides méthodologiques, mais ces outils ne dispenseront pas d'une analyse concrète du milieu où doit se produire la prise de décision. Le processus de priorisation est ainsi susceptible de changer selon les situations. À chaque nouvelle prise de décision, la priorisation des valeurs devra s'adapter à l'évolution de la situation environnementale et humaine (J.Villancourt, 1998, p.30-31).

Vu la nécessité de contextualisation du débat environnemental, parler d'un développement durable harmonisé selon les textes du rapport Brundtland, semble alors une utopie. Prenant l'exemple du Canada, nous voyons bien la nécessité de la contextualisation ; J. Villancourt (1998, p.31) écrit: « par exemple le Québec ne produit pas de pétrole, ce qui est le cas de l'Alberta. La question de la production d'énergie est un aspect essentiel du coût environnemental, mais chaque groupe de référence aura à réaliser différemment ses objectifs de développement durable ».

De cette évaluation critique de la durabilité, l'on se rend à l'évidence que toutes ces difficultés sus-citées constituent un véritable handicap de la durabilité creusant un grand fossé qui sépare l'idéal de la durabilité et les faits concrets auxquels elle est confrontée mettant en danger la vie des plus vulnérables. La durabilité est-elle alors atteignable ?

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Chapitre 4 : La durabilité entre idéal et fait

4.1- La durabilité et la complexité de l'espace sociétal

Le développement durable en tant que « projet de société, choix pour la vie bonne et en commun sur Terre» (D. Pestre, 2011, p.32), arrive à point nommé dans un contexte de remise en cause du modèle de développement amorcé par l'humanité depuis le XVIIIème siècle et dont les conséquences laissent à désirer de nos jours. Systématisé par le rapport Brundtland, les implications des principes stipulés pour la mise en oeuvre de ce projet de société mettent en exergue le fait, tel que l'écrit D. Pestre (2011, p.34): « qu'il peut ici exister un grand fossé des promesses aux réalisations, des mots aux choses ». Cette situation qui handicape gravement l'évolution ou mieux la mise en oeuvre effective et efficace des principes de la durabilité, laisserait dire que le développement durable reste un idéal.

Par idéal, nous entendons ici ce que l'on pourrait souhaiter de mieux, ce qui est une construction de l'esprit et qui n'existe pas dans la réalité. C'est justement en ses principes que le développement durable pèche car il a une vision homogène de la vie et propose en conséquence une logique d'homogénéisation des actions durables. Or la réalité de nos sociétés est l'hétérogénéité dans les valeurs, les orientations, quelques fois même contradictoires. D. Pestre (2011, p.33) écrit:

La situation à laquelle ce projet de développement durable fait face est que les sociétés dans lesquelles il s'inscrit ne sont pas réglées par le principe unique qu'il met en avant, mais par des principes, des intérêts et des modes de déploiement contradictoires et nombreux.

. C'est en ce sens que l'on peut comprendre l'attitude du Brésil par rapport aux idéaux

environnementaux ; pays ayant abrité « le sommet de la terre » et doté d'outils pour mettre en pratique les résolutions qui en ont découlé afin d'être pays pilote du développement durable a échoué. Le Plan d'Accélération de la Croissance (PAC) lancé par la présidente Dilma Rousseff vingt ans après « le sommet de la terre » témoigne une fois encore de la complexité de l'application des recommandations du développement durable. C. Aubertin (2012, p.46) écrit:

La posture du Brésil est paradoxale. Il apparaît comme un défenseur et un excellent médiateur de la cause environnementale sur la scène internationale. Il possède des outils de conservation exemplaires (code forestier, système national des unités de conservation, veille satellitaire, etc.), Alors que sa pratique est controversée quant à l'application de ces outils, les droits de ses populations indigènes et la violence entretenue par les propriétaires terriens -les fazendeiros réunis sous la bannière des « ruralistes ». Depuis l'arrivée à la présidence de Dilma Rousseff, initiatrice du très productiviste Plan d'Accélération de la Croissance (PAC), on observe une nette remise en cause des acquis environnementaux.

La configuration de nos sociétés actuelles dominées par les intérêts politiques, constitue un frein au développement durable ; autrement dit, le développement durable tel que

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stipulé par le rapport Brundtland, n'est pas adapté à la configuration de nos sociétés. En plus de cette logique hétérogène de nos sociétés à laquelle se confronte la logique homogène du développement durable, s'ajoute la dimension de la temporalité. En effet, l'organisation économique de nos sociétés est marquée par le court terme; un investissement ne se voit généralement récompensé que lorsque les gains s'accumulent de façon rapide après l'investissement. Dans le cas des actions marchandes, les produits doivent être sur le marché mondial afin d'accroitre les chances de consommation massive au dépend de l'environnement, conduisant à la multiplication des moyens de transport plus consommateurs les uns des autres en énergie. Cette logique de rapidité ici caricaturé et qui est le modèle de la plupart de nos sociétés, fait désormais face à la logique de la durabilité qui préconise un rythme de développement à « la vitesse de la nature» afin d'incorporer au maximum nos activités dans l'équilibre écologique. D. Pestre (2011, p. 33) réitère:

La seconde tension relève des différences de temporalité de ces deux univers. Le premier a une logique d'action à court terme - ce qui importe est le retour rapide sur investissement ici et maintenant, la protection des intérêts bien compris des États, des individus et des entrepreneurs et ses critères d'évaluation ne sont pas de l'ordre d'un bien commun abstrait, mais les avantages particuliers qui peuvent être obtenus pour soi.(...) Et comme les avantages et inconvénients de ces nouveautés sont loin d'être jugés de la même façon partout un chacun - Quels sont les effets négatifs des OGM, if any? Assiste-t-on à un réchauffement de nature essentiellement anthropique ? - cette asymétrie temporelle est un handicap pour la précaution.

Ces différentes logiques sont celles qui remettent en cause le développement durable tel que stipulé par le rapport Brundtland. Toutes ces contradictions qui rendent presque impraticables les principes du développement durable, laissent croire que le développement durable est un oxymore; D. Pestre (2011, p.34) écrit:

Un oxymore qui a été utile au moment du rapport Brundtland pour dire l'importance de tenir ensemble des questions sociales, questions de développement et questions environnementales, qui est utile en lui-même dans de nombreuses situations, qui est utile par les institutions qu'il permet de secréter, mais un oxymore tout de même puisqu'il masque ou feint d'ignorer la complexité des situations, les tensions inévitables propres à tout univers social.

Tel est le développement durable dans ses différentes articulations et les contradictions qui le discréditent dans la sphère sociale. Ceci pose donc la question de savoir si l'on devrait faire tabula rasa de la durabilité eu égard à cet environnement complexe dans lequel il s'insère ou brandir toujours plus haut cet idéal mais en modifiant la méthodologie de son application? Mais bien avant de répondre à cette question cruciale, il importe de noter que, même si la durabilité telle que nous la connaissons communément par le truchement du rapport Brundtland, semble irréalisable dans ses principes, elle demeure néanmoins l'orient de

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l'humanité; sauf qu'il faudrait, pour l'atteindre, faire assez d'efforts de renonciation de notre confort actuel.

4.2- Prise en otage de la durabilité par le PIB

La justice en tant que théorie, rappelons-le, prend sa source en Aristote (2001). Cette justice d'Aristote (2001), est essentiellement anthropocentrée et géographiquement limitée car l'objectif d'Aristote (2001) était de rendre possible le vivre ensemble dans la cité en régulant les rapports entre les hommes mais cette dernière ne prenant pas en compte les aspects environnementaux d'où son insuffisante à faire régner la justice.

Notons donc avec D. Blanchon, S. Moreau et Y. Veyret (2009) que le mouvement de lutte pour la justice environnementale aux Etats-Unis prend ses sources dans les années 1980 et s'inscrivait dans le contexte du racisme écologique c'est-à-dire la construction des usines polluantes, le rejet des gaz toxiques et des déchets dans les agglomérations occupées par les populations pauvres dont les Noirs constituent la majorité. Cette lutte pour la justice environnementale revendiquait la nécessité de l'égalité des chances en ce qui concerne l'accès aux ressources naturelles et un partage équitable de la dette écologique.

Nous inscrivant dans la logique de D. Méda (2009), toutes les avancées scientifique, technique et économique qui ont été faites lors de la révolution industrielle, une fois accumulées, ont été considérées comme une prouesse de la société moderne, prouesse qui doit se perpétuer pour un mieux-être toujours croissant de l'homme. En effet, le PIB est:

Un indicateur économique qui permet de mesurer les richesses produites au sein d'un pays ou d'une zone géographique au cours d'une période déterminée. Calculer le PIB consiste à faire la somme des valeurs ajoutées des biens et des services produits au sein d'un pays ou d'une zone géographique par : les entreprises, les collectivités publiques, les associations, les ménages9.

Cet indicateur, bien que servant à évaluer l'évolution quantitative d'un pays en termes de recettes, il n'arrive pas à évaluer son évolution qualitative. Précisément, le PIB ne parvient pas à évaluer l'état du développement durable d'un pays, ni le bien-être social ou individuel. N'étant outiller que pour des fins quantitatives, le PIB ne prend pas en compte les facteurs qui conduisent d'une manière ou d'une autre au bien-être qualitatif des populations et par analogie, de la planète. Certaines activités pouvant contribuer au bien-être individuel et collectif de la population ne sont pas prises en compte dans le calcul du PIB, notamment :

9Cette définition du Produit Intérieur Brut est tirée du lien suivant : https://www.lcl.com/guides-pratiques/zooms-economiques/pib-produit-interieur-brut.jsp. Consulté le 19 mars 2017.

n

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Les activités domestiques : cuisiner, jardiner, s'occuper des enfants... Si ces activités étaient rémunérées, elles seraient comptabilisées dans le calcul du PIB. L'INSEE évalue le travail domestique effectué en France à 60 milliards d'heures de travail par an et à 33 % du PIB.

n Les activités bénévoles exercées au sein d'une association ou d'un syndicat : visites à domicile, conseils juridiques, accompagnement scolaire, informatique, etc. La valeur du bénévolat associatif pourrait représenter entre 0,9% et 1,9% du PIB10.

Or ces activités non prises en compte constituent les piliers du bien-être social notamment la cohésion, la convivialité, la sympathie, l'amour etc.

En plein coeur du 21è siècle marqué par des questions axiologiques qui font appel à des jugements plus qualitatifs que quantitatifs, le PIB, expression par excellence de la croissance économique, semble être toujours en vigueur en contradiction avec les attentes contemporaines. En plus de sa faiblesse à rendre effectivement compte du rapport entre la croissance économique et le bien-être des populations, le PIB englouti toutes les préoccupations environnementales puisqu'il demeure encore l'indicatif de classification des nations. Trois principales raisons discréditent le PIB ; M. Brezzi, L. De Mello et É. Laurent (2016, p.13-14) notent:

Le PIB, comme les indicateurs économiques conventionnels dont il est l'étendard, perd à grande vitesse sa pertinence dans notre début de 21e siècle pour trois raisons fondamentales. Tout d'abord, la croissance économique « quantitative », si forte dans les décennies d'après-guerre (1945-1975), se dissipe peu à peu dans les pays développés et devient en conséquence un objet de poursuite de plus en plus vain pour les politiques publiques. Ensuite, le bien- être objectif et subjectif - c'est-à-dire ce qui fait que la vie vaut la peine d'être vécue - est de plus en plus déconnecté de la croissance économique. Enfin, le PIB ne nous dit rien de la soutenabilité environnementale, c'est-à-dire de la compatibilité entre notre bien-être d'aujourd'hui et la vitalité à long terme des écosystèmes dont il dépend en dernier ressort, alors que c'est à coup sûr l'enjeu majeur de notre siècle.

Mais hélas, le PIB reste toujours en vigueur entrainant des conséquences de plus en plus alarmantes pour l'environnement. D. Méda (2009, p.2) écrit précisément:

De fait, à partir de la révolution industrielle, les conséquences des immenses forces mises au service de la mise enforme de la Nature pour l'usage de l'homme ont été systématiquement comptabilisées et représentées comme un « plus », comme un progrès, sans que les destructions opérées sur des équilibres préexistants, sur la Nature, et pendant longtemps sur les hommes eux-mêmes, aient fait l'objet de considération ou aient été prises en compte. Ce sont ces deux processus dont il nous faut saisir la dynamique : la focalisation de l'ensemble des énergies sur l'activité de production, d'une part, et l'occultation du négatif, d'autre part.

10Ces aspects ignorés par le PIB, nous ont été accessibles grâce au lien http://www.associations.gouv.fr. Consulté le 19 mars 2017. Ici, nous avons voulu insister sur l'inefficacité du PIB en mettant au jour tous les aspects qu'il ignore. Cette ignorance, ou mieux cette non prise en compte des valeurs des activités domestiques et bénévoles montrent combien de fois les estimations de développement des pays sont faussées et aussi combien cet indicateur n'est pas digne de confiance.

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De ce constat, il semble évident que les indicateurs de bien-être devront prendre le dessus sur ceux de la croissance économique. La mission des indicateurs de bien-être et de la qualité de vie des populations sera de « mesurer pour comprendre, assurément, mais aussi et surtout mesurer pour changer, évaluer pour évoluer» (M. Brezzi, L. De Mello et É. Laurent, 2016, p.13-14).

Substituer le PIB par les indicateurs de bien-être, a pour finalité d'évaluer la qualité de vie des populations cette fois-ci non seulement dans les Etats-Nations mais aussi sur les territoires en tant que villes, départements, métropole ou encore régions, bref dans les communautés de vie humaine afin de donner à tous les moyens de travailler à son bonheur dans le plus grand respect de l'environnement. Ainsi qu'ils le disent:

Des travaux menés dans le contexte de l'Union européen ne révèlent de la même manière que les écarts entre territoires peuvent être bien plus importants que les écarts entre les pays. On peut l'illustrer avec le cas des taux d'emploi en Italie et au Canada. Ces deux pays sont respectivement les pays de l'OCDE où les taux d'emploi sont les plus faibles et les plus élevés. Or les écarts entre les régions de ces deux nations sont bien plus significatifs que l'écart entre les deux moyennes nationales (l'écart des taux d'emploi entre les deux pays est de 15 points de pourcentage, mais il est de 21 points entre les régions italiennes et de 32 points entre les régions canadiennes). Savoir où le bien-être économique - ici la possibilité d'accéder à un emploi - est le meilleur est tout simplement impossible en se tenant trop loin des conditions réelles de vie des personnes, en partie déterminées par les territoires qu'elles habitent. (M. Brezzi, L. De Mello et É. Laurent, 2016, p.18).

En nous montrant l'erreur de la qualification des pays sur la base du PIB, ces auteurs nous montrent d'autre part l'inefficacité du PIB à rendre effectivement compte de la réalité sur le terrain notamment de la qualité de vie des populations à l'intérieur des territoires supposés en pleine croissance économique. Plutôt que de continuer à nous tromper, il urge de faire la mutation du PIB, vers le BNB qui est le Bonheur National Brut et qui rend mieux compte de ce qui est plus important pour l'homme à savoir le bonheur. Les indicateurs du mieux-être convergent donc à évaluer le bonheur dans la logique du Bonheur National Brut. M. Brezzi, L. De Mello et É. Laurent (2016, p.19) écrivent:

(...) Ces considérations statistiques nous dévoilent deux réalités essentielles : d'une part, la carte du PIB par habitant ne coïncide pas en France avec celle du développement humain, autrement dit les régions les plus riches économiquement ne sont pas nécessairement les plus développées humainement; d'autre part ,les dimensions non monétaires du développement humain, la santé et l'éducation ,ne «découlent» pas du revenu: il faut donc des politiques spécifiques qui prennent ces enjeux à bras le corps car le simple fait d'être riche ne suffit pas pour être bien éduqué et en bonne santé, ou riche humainement.

Bien que la nécessité de la mutation du PIB en d'autres indicateurs de bien-être saute aux yeux, la durabilité tarde encore à se concrétiser. Le PIB avec toutes ses implications sur

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l'environnement demeure encore l'indicateur conventionnel du niveau de richesse d'un pays ou d'une région; impliquant le manque de la promotion du Bonheur National Brut (BNB), indicateur de bien-être.

4.3- Le BNB : un concept peu promu

Au coeur de notre contexte sociétal où l'économie occupe une place prépondérante, le PIB reste naturellement l'objectif à atteindre. Mais comme démontré plus haut, cet étalon ne fait plus ses preuves depuis que les préoccupations environnementales l'emportent sur l'accumulation des richesses dont les conséquences connues sont les dégradations et les inégalités environnementales. Face à cette valeur démodée et inefficace (le PIB), se pose le Bonheur National Brut (BNB), un nouvel concept qui résume en lui seul toutes les valeurs tant souhaitées en ce XXIe siècle pour un indicateur économique. Inconnu ou mal connu, ce nouvel cadre de référence économique qui fait preuve d'audace et de responsabilité, est un indicateur permettant de mesurer le bonheur des habitants de façon holistique depuis plus de quarante ans.

Initié par le roi du Bhoutan Jingme Singye Wangchuck en 1972, l'ambition de ce dernier était de pouvoir mesurer de façon concrète le niveau de vie de ses habitants en termes philosophiques et holistiques alors que le reste du monde se préoccupait de la faire par le truchement du Produit Intérieur Brut (PIB), du Produit National Brut (PNB) ou encore de l'Indice de Développement Humain (IDH) dont l'inefficacité était déjà soupçonnée. L. Reuter (2009, p.18) écrit: « selon le monarque, les indices « traditionnels» ne sont pas suffisants pour mesurer le bonheur des habitants et ne prennent pas assez en compte les valeurs spirituelles ».

Tel que présenté, le Bonheur National Brut (BNB) a pour fondement quatre piliers ; tel qu'il le dit: « croissance et développement économique responsables ; conservation et promotion de la culture; sauvegarde de l'environnement et utilisation durable des ressources naturelles ; gouvernance responsable » (L. Reuter, 2009, p.19).

Le BNB dans sa dimension économique, tel que le stipule le premier pilier, est une révolution en ce sens qu'il parvient à concilier de façon juste la course à la croissance économique et la protection de l'environnement; en d'autres termes, le BNB a pour ambition de faire le juste milieu entre économie et environnement et dès lors que ce juste milieu est

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atteint, l'économie n'est plus une fin en soi mais une aide au bonheur des populations; L. Reuter (2009 p.19) écrit:

Ceci peut se traduire par la mise au même niveau du respect des valeurs humaines et de la course à la productivité; la promotion d'une réduction du travail pour permettre aux gens de consacrer plus de temps aux activités sociales, familiales ou collectives; l'augmentation des taxes sur l'utilisation et la consommation des ressources non renouvelables ou encore le renversement de la tendance de dégradation de l'environnement et des structures sociales en faveur d'un nouveau mode de production et de consommation plus durables

Pour être fidèle au quatrième pilier du BNB qui est non moins important et qui porte sur la gouvernance responsable, le roi Jingme Singye Wangchuck, initiateur du BNB et soucieux de laisser une base démocratique à son pays, base tant nécessaire pour le bonheur de tous les habitants du Bhoutan, abdique en décembre 2006 en faveur de son fils Dasho Jigme Khesar Namgyel Wangchuck. Mais bien avant d'abdiquer, il prend l'initiative de doter son pays d'une ouverture démocratique. L. Reuter (2009, p.19) écrit:

Une ouverture démocratique multipartite avec l'élaboration et l'adoption d'une constitution, la création d'un parlement et d'un gouvernement. Les premières élections législatives de l'histoire du pays ont eu lieu le 24 mars 2008. Dans cette nouvelle structure étatique, le roi demeure le chef de l'Etat, mais il pourra désormais être destitué par un vote réunissant les voix des deux tiers des membres du parlement

Plus qu'une simple préoccupation pour la nature et le développement économique, nous pouvons affirmer sans exagérer que le BNB est tout un projet de société. Mais cet indicateur de bien-être, le BNB, face auquel l'on ne peut que tomber dans l'admiration, n'est pas promu. Une fois encore, tout porte à croire que le développement durable, parallèlement aux idéaux qu'il promeut, entretient la logique des classes; ceci confirme notre seconde hypothèse spécifique qui prévoyait que, dans son articulation, le développement durable, en tant que décision internationale d'action, est devenu un outil au service de la politique et de l'économique, limitant ainsi la possibilité d'une décision libre et franche en faveur de l'environnement; et que par conséquent, le développement durable en tant que mouvement international de lutte pour la préservation de l'environnement souffre d'efficacité à cause des contradictions et divergences qui prennent en otage les valeurs environnementales.

Mais face à cet état de fait, devrions nous rester les bras croisés, regardant notre planète se dégrader de plus bel? Face aux générations futures, serions-nous fiers de léguer une planète dépourvue de ressources et totalement polluée?

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Partie III:

Revitalisation de la durabilité par la justice

environnementale participative

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Malgré l'inefficacité du développement durable face aux enjeux politico-économiques, éthiques et sociaux, nous avons un devoir vis-à-vis des générations futures; ce devoir est celui de leur léguer un environnement aussi viable que le notre et capable de répondre à tous leurs besoins. Ce faisant aucun obstacle ne peut constituer une barrière à l'atteinte de cet objectif d'où la nécessité de revitaliser le développement durable par la justice environnementale participative qui est un appel à une action unifiée en faveur des qualités environnementales. Telle est la quintessence de cette troisième partie scindée en trois chapitres.

Au chapitre 5 intitulé repenser la durabilité, il sera question, en tirant leçon des difficultés actuelles du développement durable, de repenser son articulation et son déploiement. Au chapitre 6 intitulé la responsabilité: fondement de la justice environnementale, notre travail a consisté à rappeler la place prépondérante de la responsabilité dans le débat écologique; car sans elle, la durabilité laissée à elle-même n'est pas opératoire et ne mènera à aucun résultat satisfaisant. Enfin le chapitre 7 intitulé la justice environnementale participative: condition de possibilité de la durabilité, met l'accent sur la participation qui est une conséquence de la responsabilité; partant de la responsabilité pour aboutir à la participation, ce chapitre pose le fait que la durabilité tant voulue est conditionnée par la participation.

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Chapitre 5 : Repenser la durabilité

5.1- Apprendre des sociétés primitives

Une réflexion approfondie sur les contradictions du développement durable et des défis environnementaux à relever de nos jours, laisse voir que deux maillons sont essentiels pour l'effectivité de la durabilité; ce sont: notre conception du développement et notre gestion des déchets. Mais pour arriver à bien manipuler ces deux leviers, la participation est nécessaire; et la participation renvoie non seulement à un accès aux instances de décisions mais aussi à une forme de réappropriation d'espaces communs en s'inspirant, comme le note C. Larrère (2017), de la façon dont certaines communautés se sont organisées pour restaurer et garder des biens naturels communs.

Comme l'énonce E. Bonnefous (1973), Aujourd'hui, les ressources énergétiques fossiles, les ressources minières, le couvert végétal sont tous en grande décroissance alors que les besoins de l'humanité eux sont toujours croissants; le désert du Sahara avance chaque année de 1,5 à 10 kilomètres, chaque année un million d'hectare de sol sont dévorés par les routes, les usines et les villes, la température terrestre augmente et est à certains endroits du globe déjà insupportable ; les glaciers fondent etc. d'où nous avions posé la question de savoir quel modèle de développement pourrait atténuer cet état inquiétant de notre planète? Par développement nous n'entendons pas ici l'aspect unilatéral de la croissance économique mais aussi et surtout la qualité de la vie des populations en harmonie avec leur milieu de vie; en d'autres termes, quel serait le modèle de développement qui pourrait le mieux concilier la croissance économique, la qualité de vie des populations et la protection de l'environnement? J. Fourastié (1962) quant à lui posera la question de savoir comment l'homme pourrait-il sortir de l'impasse dans laquelle il se trouve étant donné qu'il ne dispose que de moyens limités pour se situer dans un univers si mouvant ? Il écrit:

(...) Avec les moyens si infimes pour prendre conscience d'un univers si mouvant, quelles conceptions de l'univers a-t-il pu et peut-il se former? Que peut-il pour redresser ses erreurs inéluctables dans lesquelles il est tombé, et pour réduire celles dans lesquelles il tombe et tombera chaque jour? De quelles méthodes dispose-t-il pour réduire ses servitudes? (J. Fourastié 1962, p.68).

Lors de son discours le 08 mai 2004, S. Le Peltier (2004) affirmait: « si le monde entier vivait comme nous occidentaux, il nous faudrait trois planètes»; tout ceci pour dire que le développement tel que nous le percevons doit être redéfini. E. Dronne et R. Morin (2016) rendent encore plus explicite le concept de développement à travers leurs écrits en

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laissant voir que les religions et sociétés dites primitives ont assez à apprendre au monde; ils écrivent précisément:

Ces peuples profondément respectueux de la nature sont conscients des enjeux environnementaux d'aujourd'hui. Leur mode de vie n'a pas d'impact négatif sur l'environnement et pourtant ce sont eux les premières victimes de la crise environnementale notamment avec la déforestation. (E. Dronne et R. Morin, 2016, p. 10).

Basées le plus souvent sur le principe « les morts ne sont pas morts », comme le note ces auteurs, ces sociétés ont la croyance que les ancêtres continueraient à vivre sous d'autres formes soit en d'autres hommes, sous forme de fantômes ou encore dans certains animaux ou végétaux; cette conception biocentrique du monde est au coeur de la vie de ces peuples. Cette croyance a permis l'instauration d'une hygiène de vie basée sur l'harmonie avec l'environnement. Le peuple Kayapo situé en Amérique du Sud est un exemple frappant; tel qu'ils le disent toujours, vivant sur le principe « puiser sans épuiser» (E. Dronne et R. Morin, 2010, p. 9), ce peuple est fortement attaché à la nature de laquelle il tire toutes les ressources nécessaires à sa vie sans porter atteinte à l'harmonie de cet ensemble.

Marquées par le capitalisme, les sociétés modernes quant à elles sont focalisées sur la rentabilité économique et ses corollaires au détriment de l'équilibre écologique. C'est frappé par ce phénomène que les Indiens Cree affirmaient à l'égard des Américains au XIXe siècle: « quand le dernier arbre sera abattu, la dernière rivière empoisonnée, le dernier poisson capturé, alors vous vous apercevrez que l'argent ne se mange pas » (Anon., 2015). La concentration sur l'accroissement des richesses basées sur une exploitation à outrance de l'environnement, se révèle non durable d'où la nécessité pour nous de réapprendre à vivre chez ceux qui ont renoncé à la consommation en faveur de l'environnement et du bien-être de l'homme; autrement dit, nous devons réapprendre le développement, développement ici entendu comme une marche vers un changement de mentalité et des institutions conduisant à la responsabilité écologique.

Dans cet ordre d'idée, l'un des moyens de prendre connaissance des autres cultures qui ont réussi à vivre jusqu'aujourd'hui en prenant à coeur le bien-être de l'environnement, est le tourisme durable. Tourisme durable qui est l'un des meilleurs moyens d'ouverture vers les autres cultures et tel que S. Camus, L. Hikkerova et J. M. Sahut (2010) le notent, bien qu'étant éloigné conceptuellement de la durabilité, le tourisme en est néanmoins très proche car il est un canal de divulgation des principes de la durabilité. En effet, les désaccords recensés lors des différentes conférences sur l'environnement et notamment dans la mise en

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oeuvre des clauses qui ont été adoptées, ont montré que le changement de mentalité et l'adoption d'une hygiène de vie durable passent par les individus pour progressivement prendre une envergure mondiale et non l'inverse. C'est dans cette perspective que le tourisme durable qui consiste à s'ouvrir aux autres sociétés et à apprendre d'elles les valeurs qui nous permettraient de participer à la sauvegarde de notre environnement, apparaît comme un moyen efficace qui permet de concilier diversité culturelle et développement durable.

Parler de tourisme durable signifie donc une ouverture, ou mieux un émerveillement face à toute option pour la protection de l'environnement et la prédisposition à en apprendre. Ceci étant, le tourisme écologique, contrairement à la conception classique du tourisme, peut se faire au sein d'un même pays pourvu que la toile de fond qui est l'échange de connaissances en faveur de l'environnement et d'une meilleure qualité de vie pour tous soit en vigueur dans le but de l'élever à l'universel. L. Ferry (1993, p.55) écrit:

L'écologie ne saurait cependant faire oublier que dans les trois moments qui la composent, le particulier, l'universel et le singulier, c'est bien le second, celui de l'arrachement, de la liberté conçue comme transcendance, qui constitue l'espace proprement humain.

L'ouverture à l'universel et la disposition à apprendre de lui est notre devoir aujourd'hui pour renverser l'élan de la crise écologique. Nous ne pourrions vraiment être développés que dans la culture d'une meilleure relation avec la nature. De ce brassage naissent des idées complémentaires et efficaces qui permettront de lutter efficacement pour rétablir l'équilibre de la biosphère en l'occurrence par la lutte contre les déchets.

5.2-Parvenir à une lutte efficace contre le déchet

Le schéma de la civilisation occidentale dont héritent la plupart des sociétés peut se réduire à: production, consommation, croissance économique, rejet des déchets. Nous nous sommes déjà attelés à montrer les revers négatifs de la consommation; la production des déchets est le produit final de ce circuit; et la mauvaise gestion des déchets est une cause non des moindres des dégradations dont nous nous plaignons aujourd'hui.

Tout d'abord, il semble important d'éclair le concept de déchet. En effet, le déchet a des compréhensions diverses selon que l'on se situe dans un contexte ou dans un autre. J. Vernier (2007, p.63) écrit:

Dans l'acception française, le « déchet» ne vise que les déchets solides ou pâteux, voire liquides concentrés, mais qui en tout cas sortent de nos maisons ou de nos usines, non pas par nos cheminées (pollution de l'air) ou par nos égouts (pollution de l'eau) mais plutôt par nos

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camions (...) les anglo-saxons ne font guère cette différence. Les déchets (wastes) chez eux couvrent aussi les pollutions de l'eau ou de l'air.

Dans ce travail, nous parlerons de déchets essentiellement en référence à l'acception française c'est-à-dire les déchets solides ou pâteux, voire liquides concentrés, sans oublier que ceux qui sortent des cheminées et des tuyaux d'échappement en sont aussi.

La ville étant le milieu par excellence de l'expression de notre civilisation, la production de déchets y est logiquement importante et inquiétante; par conséquent, lutter efficacement contre les déchets en milieu urbain est une grande avancée en matière de la préservation de l'environnement. Dans les pays du Nord, la gestion des déchets au quotidien a connu de grands progrès. Parti de la simple collecte à l'incinération, le déchet retrouve sa valeur c'est-à-dire que le déchet n'est plus l'inutile mais aussi une matière première que l'on pourrait souvent employer à tous les usages auxquels ils seraient propres.

Aujourd'hui le déchet, parti de la collecte, connaît le trie où sont séparés les déchets recyclables des déchets non recyclables ; les recyclables sont utilisés pour fabriquer d'autres biens et les non recyclables à l'incinération. Quant à l'eau elle est retraitée pour être utilisable réduisant un tant soit peu le phénomène de gaspillage dans les pays développés.

La gestion des déchets quotidiens pose vraiment problème dans les pays en voie de développement où la culture du recyclage n'émerge pas encore. G. Bertolini et M. Brakez, (2008, p.03) notent:

Une collecte officielle (formelle) partielle, pour partie complétée par le recours d'habitants à des charretiers privés; des mises en décharges « brutes » ou mal contrôlées des déchets collectés; l'importance du chiffonnage (récupération informelle) de rues ainsi que sur les décharges; la part très importante des matières organiques fermentescibles; une organisation déficiente et de grandes difficultés à mobiliser des ressources financières pour améliorer la situation

Ces caractéristiques assez tristes de la gestion des déchets dans les pays en voie de développement imposent une transition vers une meilleure gestion. Cette transition ne sera possible que, comme le disent toujours G. Bertolini et M. Brakez (2008, p.3), par une transition sociale.

La transition sociale telle qu'énoncée passe, bien entendu, par une réorganisation structurelle des municipalités qui, toujours d'après les mêmes auteurs, doivent faire un effort de création des points de transit où les collecteurs particuliers pourraient décharger les déchets

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dans le but que ces derniers soient transférés vers des lieux de traitement. Tel qu'ils le notent G. Bertolini, M. Brakez(2008, p.5) :

Il faut que la municipalité prévoit et aménage des lieux de dépôts intermédiaires, ce qui ne constitue pas une tâche aisée; il faut en outre que ces lieux de dépôts ne soient que des points de transit, c'est-à-dire qu'ils fassent à leur tour l'objet d'enlèvements réguliers par la municipalité.

M. Durand (2012, p.18) dira quant à lui:

Qu'en lieu et place de dépenser leurs maigres ressources financières et humaines à faire la chasse aux systèmes illégaux, les municipalités des pays en développement auraient tout intérêt à concentrer leurs efforts sur une meilleure articulation entre les systèmes formels et informels.

En plus de ces mesures administratives qui doivent rendre plus commode la collecte des déchets surtout dans les pays en voie de développement, il faudrait aussi oeuvrer à y développer le tri des déchets et le compostage car ces méthodes de traitement des déchets restent jusqu'aujourd'hui peu développées dans ces pays.

Au-delà de ces recommandations, la lutte contre les déchets serait plus efficace par l'engagement individuel et collectif à une consommation responsable. La consommation responsable renvoie à la théorie des 4R: Réduire, Réutiliser, Réparer, Recycler; c'est ce qui permettra l'amorce d'une justice environnementale. Car en gérant au mieux les déchets, nous diminuons le risque des injustices environnementales. Ce faisant, la responsabilité ne saurait être mise à l'écart car c'est le fondement de la participation.

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Chapitre 6 : La responsabilité : fondement de la justice environnementale

6.1- Les fondements de la responsabilité envers les générations futures

L'engagement pour les générations futures trouve son fondement dans la prise de conscience des impacts négatifs du développement sur la nature et donc des dangers potentiels qu'engendrent les activités humaines sur la vie des générations présentes et futures. Précisément ce fut au XIXe siècle que ces préoccupations font surface et prennent définitivement forme au XXe siècle avec le Club de Rome qui proclame « la croissance zéro ». C. Gollier (2010, p. 218) écrit:

Pendant des dizaines de milliers d'années, les activités humaines n'avaient qu'un impact marginal sur l'environnement. Le cycle de la vie semblait se répéter de façon immuable : les historiens nous ont appris que la croissance économique a été quasiment nulle entre le néolithique et le début du XIX siècle. Ainsi l'être humain n'a-t-il pu développer une conscience de sa responsabilité envers les générations futures que fort récemment, dès lors qu'il a pris conscience du fait que son développement rapide risquait de se faire au détriment de celui des générations à venir.

Notons que si chez C. Gollier (2010) la question des générations futures se justifie par la prise de conscience des dommages causés à la nature par les activités anthropiques et dont les répercussions menacent déjà les générations présentes et à venir par la suite, ce qui est qualifié d' « éthique traditionnelle » par H. Jonas (1990); d'après ce dernier, le souci des générations futures se justifie par « un comportement parfaitement désintéressé face à une progéniture non encore autonome et non le rapport entre adultes autonomes » (H. Jonas, 1990, p.88). Mais, cette nouvelle configuration de l'éthique qu'apporte H. Jonas (1990) qui prétend transcender le souci des conséquences néfastes de l'industrie, a pourtant partie liée avec ces dernières. Car même si H. Jonas (1990) parle du désintérêt comme fondement de la responsabilité, le concept de « responsabilité» a émergé dans le contexte de la crise environnementale contemporaine et se comprend en tant que « panacée» du long terme dans un contexte où la révolution scientifique, augmentant l'impact de l'homme sur la nature et les conséquences à long terme, implique des préoccupations qui dépassent l'ordre de l'immédiateté d'où A. Moroncini et B. Ouchene (2016, p.10) affirment:

Voilà donc que nous apparaissons désormais responsables, ou du moins coresponsables, d'une action collective dont les développements et les effets nous sont largement inconnus ; voilà que se trouve brisé le cercle de proximité qui m'obligeait seulement à l'égard du proche et du prochain, et distendu le lien de simultanéité qui me faisait comptable des effets immédiats, ou à tout le moins voisins, des actes que je posais aujourd'hui.

Bien que le souci pour les générations futures s'apparente au souci que se fait un parent pour son enfant, il faudrait noter une différence entre ces deux responsabilités. En effet,

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la responsabilité d'un parent face à son enfant qui vit déjà avec ses droits qui font face aux devoirs du parent à son égard est parfaitement fondée du fait que le parent est l'auteur direct de la vie de l'enfant et est par conséquent tenu par devoir moral d'en prendre soin. H. Jonas (1979, p.89) écrit:

L'obligation de prendre soin de l'enfant que nous avons engendré et qui existe maintenant se laisse parfaitement fonder, même sans recourir à la stimulation du sentiment sur la base de la responsabilité effective contractée du fait que nous somme l'auteur de son existence et ensuite du droit qui appartient maintenant à cette existence - donc en dépit de la non-réciprocité elle découle du principe classique des droits et des obligations bien que dans le cas présent ceux-ci soient unilatéraux.

Le souci pour les générations futures se distingue de celui pour de la progéniture directe ou mieux de celle d'un père pour son enfant du fait qu'ici, les générations futures dont il est question ne sont pas encore effectives et de surcroît, tout le monde est obligé d'en être auteur et donc responsable; c'est dans ce contexte que se justifie le désintérêt vis-à-vis des générations futures que nous avons souligné plus haut. C'est de cette responsabilité qu'il s'agit quand on parle de la responsabilité envers les générations futures. H. Jonas (1979, p.89) renchérit:

Mais autre chose que l'obligation résultant du fait d'être auteur d'une existence qui nous fait face avec ses droits, serait l'obligation de devenir auteur, d'engendrer des enfants, celle de la procréation en tant que telle: si elle existe, cette obligation est incomparablement plus difficile à fonder et en tout cas elle ne peut pas être fondée sur le même principe (...) or c'est d'une obligation de ce type qu'il s'agit avec l'obligation à l'égard de l'humanité future, car elle veut dire en premier lieu que nous avons l'obligation de l'existence de l'humanité future - indépendamment même de la question de savoir si notre propre postérité en fait partie- et en second lieu il s-agit de l'obligation de son être-tel.

Ce devoir nous incombe, nous générations présentes car nous sommes les héritiers de nos prédécesseurs et il est pour nous un devoir de garantir un avenir meilleur à ceux qui viendront après nous. Désormais, tel que S. Ferrari (2010, p.6) le note: « la responsabilité trouve maintenant sa source dans le futur et non plus dans des obligations passées ou présentes ». Et cette responsabilité passe obligatoirement par la diminution de l'ampleur de nos activités qui dégradent l'environnement et la régulation des inégalités. Tel qu'elle le dit:

L'origine de ce changement d'éthique réside dans les menaces issues de la puissance de la technologie engendrée par l'homme. La limitation de l'agir humain résulte de l'obligation que nous avons à l'égard de l'avenir qui nous oblige à être responsable aujourd'hui (...) Dans un tel contexte, la nature de la responsabilité est directement liée au pouvoir de l'agir humain devenu dangereux pour l'espèce humaine du fait de la puissance de la technique qu'il a créée. L'homme contrôle la nature à l'aide de techniques qu'il ne contrôle pas. L'exemple le plus marquant est celui révélé par l'impact d'origine anthropique sur le climat, exemple qui révèle l'incapacité des sociétés à assurer leur responsabilité en matière environnementale. (S. Ferrari, 2010, p.6).

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L'agir humain dont il urge de limiter l'impact sur l'environnement a pour conséquence, la dégradation du capital naturel nécessaire à la satisfaction des besoins des générations futures conduisant, au cas contraire, à une injustice environnementale. C'est fort de cette évidence qu'il faudrait sacrifier les générations présentes, sacrifice bien sûr au sens de S. Ferrari (2010, p.8): « s'il y a sacrifice au sens de réduction de la consommation aujourd'hui». Dans le même temps, avec le même auteur, cela implique de revoir l'interprétation de la durabilité du développement: « il s'agit en fait de considérer qu'il peut y avoir simultanément non-décroissance du bien-être et décroissance de la consommation pour les générations présentes les plus favorisées ». Tout ceci, dans le souci de réduire l'injustice environnementale car, la réduction de la consommation entraine obligatoirement la baisse de la production et un gain pour la nature et par conséquent une assurance pour les générations futures dans la pleine réalisation de leur humanité. Bien que les pays développés soient ici indexés, il faut aussi insister sur la limitation des ardeurs consuméristes dans les pays en voie de développement pour qui l'objectif est de ressembler aux pays développés.

Le lien entre générations présentes et futures n'est plus à démontrer; l'impératif jonasien : « agis de façon que les effets de ton action soient compatibles avec la permanence d'une vie authentiquement humaine sur terre» (IT. Jonas, 1990, p.89) le résume; ceci implique également un engagement de la part des politiques qui doivent aussi oeuvrer à cette fin.

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6.2- De la durabilité à la responsabilité pour une justice environnementale

Apparu dans les années 1990 après le rapport Brundtland, « la durabilité» en tant que concept voulait exprimer de façon succincte, l'essentiel du rapport Brundtland à savoir la juste articulation entre les aspects social - économique - environnemental. A. Moroncini et B. Ouchene (2016, p.9) affirment: « la durabilité se définit comme étant un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la possibilité, pour les générations à venir, de pouvoir répondre à leurs propres besoins».

Mais tel que nous l'avons démontré, les dégradations environnementales n'ont cessé de battre les records malgré « le sommet sur la terre» en 1992 suivi des 22 Conférences des Parties depuis 1995 dont l'objectif spécifique était de réduire les effets nocifs des activités anthropiques sur le climat. Tout porte donc à croire que la durabilité tel qu'énoncée clairement dans le rapport Brundtland n'est pas assez efficace pour apporter des solutions adéquates aux crises environnementales; D. Bourg (2012, p.4) renchérit ce présupposé en affirmant:

Le développement durable n'est pas un concept opératoire pour faire face aux défis globaux auxquels doivent répondre les sept milliards d'êtres humains mais, au contraire, une déclinaison du conformisme, une manière de nous cacher, encore une fois, que nous sommes devant une « cascade de finitudes ».

L'égalité des chances et l'équité de la dette écologique ne se limitent pas à nous seules générations présentes mais doit aussi s'étendre aux générations futures et à leur avenir. Or parler des générations à venir relève de la dimension de la responsabilité et non de la simple durabilité; car, alors que la durabilité est une pensée pieuses envers les générations futures et aussi présentes, la responsabilité quant à elle, comme l'énoncent Moroncini et B. Ouchene, (2016, p.9) : « est le fait de devoir répondre de ses actes ou d'avoir des décisions à sa charge, la responsabilité joint l'acte à la parole; la responsabilité est également synonyme d'obligation, de devoir d'assumer et de s'assumer ». Quant à l'avenir de ces générations futures dont il s'agit, tel qu'ils le réitèrent: « l'avenir dont nous parlons quand on évoque la responsabilité envers les générations futures est l'avenir de ceux et celles qui ne sont pas encore nés» (A. Moroncini et B. Ouchene, 2016, p.7). En d'autres termes, les générations avenir, selon ces auteurs, tout comme H. Jonas (1979) l'avait précisé, sont celles qui ne sont pas encore nées peu importe l'espace chronologique qui les sépare de nous.

L'une des spécificités de la durabilité est l'attachement encore remarquable envers la croissance économique. Ayant révélé sa faiblesse, la durabilité encore économique, doit laisser place à l'impératif éthique d'Henry « le principe de copropriété ». Selon ce principe,

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les générations présentes n'ont pas le droit de désapproprier les générations futures pour satisfaire à leurs besoins ; mais s'il arrivait que s'opère un excès de ce type, les générations présentes doivent oeuvrer à garantir un niveau de vie équivalent à celui que pourraient avoir les générations à venir si aucun excès n'advenait. (A. Moroncini et B. Ouchene, 2016, p.7) notent:

Les générations présentes ne peuvent donc exproprier les autres générations qu'à condition de leur garantir une compensation suffisante, afin de les faire accéder au niveau de bien-être auquel elles se seraient trouvées en l'absence de l'altération. Analyser la portée d'un tel principe signifie que, seules des négociations en vue d'une utilisation commune permettraient d'atteindre des solutions aptes à réconcilier les intérêts économiques et écologiques de toutes les générations.

Dans ce processus, les générations futures sont absentes et il revient aux générations présentes de faire leur plaidoyer afin de leur garantir un avenir meilleur d'où l'importance de la notion de responsabilité qui s'exprime pleinement en tant qu'éthique et comme le disent une fois encore A. Moroncini et B. Ouchene (2016, p.8) :« c'est en cela que toute réflexion sur la durabilité débouche sur la question de la responsabilité sur la condition des générations futures»

La spécificité de l'éthique de la responsabilité est l'ouverture de la responsabilité au-delà des frontières du présent dans un monde où les répercussions des activités anthropiques se révèlent à long terme en ne prenant pour exemple que les bombes de Hiroshima et Nagasaki qui ont fait des milliers de morts et dont les effets nocifs continuent jusqu'aujourd'hui; les déchets nucléaires dont la radioactivité s'étend à des dizaines de milliers d'années, etc. Autant d'inquiétudes pour faire appel à la responsabilité; H. Jonas (1990, p.88) écrit:

Or même en morale traditionnelle il existe déjà un cas de responsabilité et d'obligation élémentaire non réciproque (qui émeut profondément même le simple spectateur) qui est reconnue et pratiquée spontanément: celle à l'égard des enfants qu'on a engendré, et qui sans continuation de l'engendrement par la prévision et la sollicitude devrait périr. Sans doute se peut-il qu'on attende d'eux un service rendu en échange de l'amour et de la peine pour le temps de sa propre vieillesse, mais cela n'en est certes pas la condition et moins encore celle de la responsabilité reconnue à l'égard et qui est au contraire inconditionnelle.

A. Moroncini et B. Ouchene (2016, p.8) ajoutent:« en introduisant l'idée d' "éthique de la responsabilité", H. Jonas (1990) a voulu élargir la dimension spatio-temporelle limitée de la responsabilité classique ». Alors:

Quel héritage allons-nous léguer à ceux qui viendront après nous? Que faire des déchets produits et de ceux que nous continuons de produire ? Les enfouir, n'est-il pas une façon facile

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de fuir nos responsabilités? Opter aujourd'hui pour cette méthode de traitement des déchets, sera-t-il sans danger pour les générations futures ? (A. Moroncini et B. Ouchene, 2016, p.8).

Autant de questions qui surpassent la dimension de l'idée pieuse et font appel à l'action, à la responsabilité. Contrairement à la durabilité fondée sur le rapport Brundtland et qui a échoué à cause de ses contradictions, la responsabilité dont la mission est de pallier aux manquements de la durabilité, se veut un appel à tous et un engagement de tous pour le mieux être de la biosphère et la garantie de la vie tant présente que future. C'est par cet engagement pour les générations futures que nous parviendront à la justice environnementale.

6.3- La responsabilité du pouvoir politique dans la mise en oeuvre de la justice environnementale

L'écologie, destination de la responsabilité, est la voix qui pourrait nous amener à atténuer les effets néfastes de nos activités sur l'environnement. Pour que cette entreprise advienne, nous ne pouvons pas faire fi de l'engagement des politiques.

Parmi les contradictions qui ont conduit à l'échec de la durabilité, nous avons souligné les désaccords politique et économique comme étant en partie, responsables; ces désaccords politique et économique ont consisté, rappelons-le, en une attitude de révolte de la part des pays en voie de développement qui ont vu dans les stratégies de réduction des émissions des gaz à effet de serre, et la reconsidération de la gestion de l'environnement pour une justice environnementale effective comme une stratégie de plus de la part des pays développés pour les maintenir dans un état de sous-développement.

Désormais, tournés vers l'avenir et avec au coeur le souci des générations futures, l'efficacité des actions aussi bien individuelles que globales doit naître d'une meilleure coordination politique afin d'éviter les pièges soulevés plus haut. Tout comme H. Jonas (1990), C. Grino (2001, p. 63) note également: « le véritable domaine d'application de la notion de responsabilité ainsi remaniée est la sphère publique, et non la sphère privée », et cette responsabilité qui revient au politique dans ce contexte est celle de « la prévoyance ». La prévoyance du politique dans la construction d'une société justice, revient quant à elle à la sagesse comme le préconisait Platon dans le livre III de La République; ce que H. Jonas (1999, p.47) reprendra: « la prévoyance de l'homme politique consiste donc dans la sagesse et dans la mesure qu'il consacre au présent ».

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Dans le contexte de la crise écologique qui est le nôtre, la responsabilité politique, de façon concrète renvoie d'abord à une prise de conscience de chaque Etat qu'il soit développé ou en voie de développement, de la menace réelle de l'environnement à cause de l'écart entre le rythme de restauration de l'environnement et celui des activités anthropiques de plus en plus polluantes. Cette prise de conscience entraine une attitude responsable qui débouchera sur la construction d'un meilleur état global, entendu ici comme un meilleur cadre de vie :

Egalement le meilleur à l'avenir, précisément parce que dans son équilibre interne de tout temps actuel il est le garant de l'avenir en tant que tel et qu'ensuite il est naturellement également le meilleur de l'avenir, parce que les critères d'un bon ordre ne changent pas » (H. Jonas, 1999, p.46).

Tout ceci rejoint l'idée de l'urgence d'un droit cosmopolite de l'environnement tel que porté par la conférence de Stockholm (1972), l'Acte de l'Union Européenne (1985) et le traité de Rio (1992) qui stipulait dans son préambule qu'il faudrait instaurer un partenariat mondial sur une base nouvelle en reconnaissant que la terre, berceau de l'humanité, constitue un tout marqué par la complémentarité.

La lutte pour la justice environnementale est de l'avantage de tous, aussi bien nous générations présentes que pour les générations futures. Cet intérêt bien que justifiée, a besoin de force juridictionnelle afin que le droit à l'environnement soit reconnu comme droit fondamental de l'homme. Pour ce faire, le droit de l'environnement doit reposer, Comme le dit si bien M. Prieur (2017), sur trois composantes complémentaire : la légalité, le service public de l'environnement et l'ordre public écologique.

Du point de vue de la légalité, la légifération sur l'environnement doit tenir compte d'un certain équilibre notamment:

Une opération ne peut légalement être déclarée d'utilité que si les atteintes à la propriété privée, le coût financier et éventuellement les inconvénients d'ordre social ou écologiques qu'elle comporte ne sont pas excessifs eu égard à l'intérêt qu'elle présente (...) a un moment où il est beaucoup question, et à juste titre, d'environnement et de cadre de vie, il faut éviter que des projets par ailleurs utiles viennent aggraver la pollution ou détruire une partie du patrimoine naturel et culturel du pays (M. Prieur, 2017, p.5).

Tout les pays devront donc unir leur force en s'engageant chacun sur cette voie de la préservation de l'environnement. Cet équilibre doit être recherché à envergure universelle. Une fois que ce principe est assimilé, il va de soit que les pouvoirs publics s'engagent dans la création de services publics spécialisés dans la prise en charge et la gestion de l'environnement. Ces services peuvent être matériels ou organique: matériels quand ces services sont entre autres des établissements publics spécialisés ou des agences de l'eau; et

organiques quand il s'agit plutôt des organismes de droit privé comme des associations de défense de l'environnement.

Tout ceci doit être soutenu par l'engagement responsable des populations en faveur des valeurs écologiques et seule la vulgarisation du débat écologique permettrait de parvenir à cette fin; vulgarisation qui est aussi du devoir des politiques. Vulgarisation qui s'avère très importante pour la bonne marche de la justice environnementale participative. Et cette vulgarisation consistera dans la mesure du possible à favoriser les actions en phase avec la protection de l'environnement. D'où l'importance du troisième maillon complémentaire de l'engagement des politiques; celui-ci est la préservation de l'ordre public écologique qui se résume à la nécessité d' « assurer les objectifs d'ordre public que sont traditionnellement la sûreté, la tranquillité et la salubrité publique» (M. Prieur, 2017, p.8) par une police de l'environnement. Dans cet élan, non seulement les dégradations de la biosphère sont réparées, mais ces réparations sont aussi sujettes à la protection dans le but de minimiser les risques environnementaux et donc d'éradiquer les inégalités environnementales. Tel est l'équilibre que doivent rechercher les politiques. Mais ce droit reste jusqu'aujourd'hui non reconnu par nombre de pays comme le souligne toujours M. Prieur (2017). D'où la nécessité d'accroître aussi la sensibilité écologique chez les populations.

Les données scientifiques de l'état de la dégradation de la biosphère et les conséquences qui lui sont inhérentes ne laissent personne indifférent. Pis encore, les projections à long terme de la dégradation de la biosphère et ses conséquences tourmentent plus d'un. Face à cette évidence, d'aucuns pensent que les politiques doivent choisir pour l'ensemble des populations, un choix averti qui élimine tout risque de pollution; ceci renvoie par exemple à restreindre la fourniture des machines polluantes ainsi que des produits toxiques pour éviter aux populations de polluer l'environnement. C'est la position soutenue par P. Fauquemberg (2002, p. 88) :

(...) Nous pouvons par exemple penser que des mesures politiques de restriction, notamment en ce qui concerne l'offre des mesures politiques de restriction, notamment en ce qui concerne l'offre de produits technologiques et donc polluants, sont nécessaires.

Mais une telle position est naïve car ce serait ignorer la force de phagocytose exercée par l'économie sur l'espace sociétal et politique qui fragilisent une telle option. La solution politique qui serait efficace constituerait, en plus de l'harmonie environnementale internationale recherchée entre l'égalité, le service de l'environnement et l'ordre public écologique, l'accroissement de la responsabilité des populations tout simplement comme nous

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l'avons énoncé plus haut; elles ont la capacité de former un blocus contre la pollution et les inégalités environnementales par leurs choix quotidiens. C'est alors que nous parviendrons à ce que H. Jonas (1990, p. 68) appelle « la seconde obligation éthique» c'est-à-dire « l'apprêtement personnel à la disponibilité de se laisser affecter par le salut ou par le malheur des générations à venir, quoique d'abord seulement imagée » (H. Jonas, 1990, p. 69).

Il est vrai que l'intervention politique reste incontournable dans la diminution des pollutions de toute sorte, mais en ce qui concerne l'éradication des injustices environnementales, elle l'est plus encore. Car, notons que la qualité environnementale que nous recherchons est aussi l'une des causes de l'accroissement des inégalités environnementales ; car, la qualité environnementale est de nos jours un argument de vente du côté des promoteurs immobiliers et de légitimation du côté des élus comme le dit C. Larrère (2017, p.77). La crise écologique a donc introduit une recherche effrénée de la qualité environnementale qui accentue toujours les injustices environnementales car le confort de l'environnement de qualité a son prix mettant donc à l'écart les populations vulnérables qui n'ont qu'a subir la crise écologique comme une fatalité. Cet acharnement environnemental qui laisse croire que les injustices environnementales semblent incontrôlables, serait atténué par le couplage entre : « la participation au changement de son environnement et de nouvelles modalités politiques travaillant le corps social plutôt que ses organes de direction» (C. Larrère, 2017, p. 79).

Etant donné que seules les populations qui réclament justice sont les seules aptes à oeuvrer au changement de leur sort, il revient alors aux politiques de donner à ces dernières les moyens d'oeuvrer à cette fin; c'est donc un appel au libéralisme solidariste où la justice consiste à : « Distribuer d'une certaine manière (c'est le critère de répartition) une variable dont la distribution interindividuelle importe directement (pas seulement au titre d'indicateur ou de facteur causal) c'est le distribuendum » (P. Van Parijs, 1991, p. 251). Dans notre contexte, la variable étant l'environnement, les politiques pourraient le distribuer de façon à ce que tous bénéficient de la même qualité environnementale et comme le notait C. Larrère (2017), ceci passe par exemple par la protection et l'interdiction d'occupation des zones immergées, l'aménagement équitable des quartiers, l'accès équitable aux technologies vertes etc. L'option de la théorie libérale solidariste de la justice dans la résolution de la crise écologique nous paraît efficace pour une raison bien énoncée par P. Van Parijs (1991, p. 278) :

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Le pluralisme interne aux diverses nations continue de s'approfondir, de se révéler, de s'affirmer, rendant toujours plus illusoire l'espoir de régler les conflits par l'appel à une conception englobante de la société bonne appuyée sur une tradition partagée par l'ensemble de la communauté nationale.

Vis-à-vis à cette évidence, pour que notre environnement devienne toujours plus viable et les inégalités environnementales atténuées indépendamment de la complexité des enjeux politiques, il faudrait veiller à une distribution réfléchie des qualités environnementales qui ne seraient en aucun cas entamée par les tourbillons politiques. D'où la place de la vulgarisation du débat écologique et de la croissance de l'harmonie du corps politique. Bref, la participation reste nécessaire dans la résolution de la crise écologique.

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Chapitre 7 : La justice environnementale participative : condition de possibilité de la durabilité

7.1-La participation

Dans un contexte contemporain où la protection de l'environnement fait partie intégrante de la vie de la société, la justice classique d'origine aristotélicienne n'est pas à la hauteur des défis contemporains; ainsi la justice environnementale se veut un dépassement des limites anthropocentrique et géographique de la justice Aristotélicienne. Ses grandes orientations sont généralement regroupées sous trois grands aspects: la légalité qui est du ressort du droit de l'environnement consacré à la légifération dont nous avons fait mention dans les paragraphes précédents; la justice environnementale distributive essentiellement orientée vers l'équité des bienfaits des qualités environnementales; et la justice environnementale correctrice tournée vers la réparation des dommages causés à l'environnement. Ces trois aspects de la justice environnementale sont soutenus par la justice environnementale participative qui exige un ordre sociopolitique permettant aux citoyens de prendre part au débat écologique et de participer à la délibération11.

La justice environnementale participative, telle que le note C. Larrère (2017), implique une réflexion sur l'égalité tout en faisant attention à ne pas construire un égalitarisme réducteur et autoritaire. Cette plausible confusion prend naissance à partir de la question: qui appelons-nous défavorisé? Ce sont des personnes qui manquent de ce que J. Rawls (1971) appelle les « biens primaires» qui sont des biens accessibles et nécessaires à tout citoyen libre. Ainsi concevoir l'égalité seulement sur la base des biens primaires est une conception réductrice car n'embrassant pas toute la compréhension de l'égalité et autoritaire car reléguant au second plans les personnes qui ne jouissent pas « des capabilités de base », pour parler comme A. Sen (2000), c'est-à-dire de ceux qui souffrent de handicap physique ou social; parler de justice revient donc à prendre en compte tous ces paramètres en donnant à chacun les moyens de se réaliser dans son être. Autrement dit, la démarche de la participation a en vue de faire de chaque individu l'agent de sa situation.

11Les trois aspects de la justice environnementale sus-cités notamment: la légalité, la justice distributive et réparatrice, sont tirés du cours inédit de théorie de la justice environnementale du Professeur K. Kouvon, 2016. En effet, ces trois aspects, loin d'être autonomes les uns des autres, constituent les pièces d'un puzzle dont le manque d'une seule saboterait la cohérence. Dans un contexte contemporain marqué par la dégradation de la biosphère couplée des diverses sortes d'injustice avec lesquelles l'humanité veut découdre, la justice environnementale dans ses trois aspects, est une pièce capable de soutenir le projet de la justice classique aristotélicienne.

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La justice environnementale participative consiste finalement : « pour ceux qui réclament la justice environnementale, d'être en capacité effective de décider» (C. Larrère, 2017, p.26). Allant au-delà de la simple décision, ainsi qu'elle insiste, la participation est plus une réappropriation active d'espaces communs. Précisément:

Il ne suffit pas, pour éviter les inégalités environnementales, que dans les objectifs des éco-quartiers, il y ait la mixité sociale, ou que la restauration des quartiers défavorisés inclut un volet de restauration écologique (...) le modèle d'égalité pour confronter et corriger les inégalités environnementales n'est pas seulement à rechercher du côté d'une réduction de l'échelle des revenus ou des patrimoines, mais dans le développement des pratiques collectives et des usages communs.(C. Larrère, 2017, p.26).

La fin ultime de la participation, c'est l'implication disciplinée de l'individu dans la lutte pour son bien-être global dans un environnement sain. Mais pour que cela soit possible, il convient de rappeler que trois maillons restent indissociables dans cette procédure. Comme le notent Jérôme Ballet, Damien Bazin et Jérôme Pelenc (2014, p. 10) :

La mise à disposition de l'information sans laquelle l'individu ne peut établir un choix raisonné ; être partie prenante sans quoi il ne peut exprimer les raisons qu'il a de valoriser tel ou tel objectif et ne peut contrôler la procédure qui permet les choix ; la coproduction d'information scientifique qui renvoie à la fois au fait de contrôler la procédure mais aussi au pouvoir effectif d'atteindre les objectifs.

Dans ce contexte la responsabilité revient au fait que tout acte reflète l'obligation de la préservation de la vie, ce qui renvoie en même temps à une attitude de durabilité qui consiste à préserver l'équilibre économie-société-environnement. La participation n'est donc que la conséquence d'une application conjointe de la durabilité et de la responsabilité ; c'est cette relation intrinsèque que remettent en exergue B. Ouchene et A. Moroncini (2016, p.20) quand ils notent: « (...) La relation est réciproque dans le sens où la durabilité débouche sur la responsabilité et, que la responsabilité implique la durabilité » ; responsabilité ici comprise au sens jonasien comme l'exigence « qu'un tel monde doive exister à jamais dans l'avenir-un monde approprié à l'habitation humaine- et que toujours à l'avenir il doive être habité par une humanité digne de ce nom » (H. Jonas, 1990, p. 38).

De cette application conjointe de la durabilité et de la responsabilité, naîtra une nouvelle façon d'exister au monde qui est celle de l'implication de tous dans la préservation de l'environnement pour une vie qualitative aussi bien pour nous, générations présentes que pour les générations futures.

Cet engagement se traduit d'ailleurs dans les gestes les plus simples de la vie quotidienne comme acheter des oranges. F. Baddache (2006, p.16) note:

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Il y a plus d'une façon d'acheter des oranges; j'achète les oranges selon l'approche traditionnelle. Si je fais attention à la dépense : j'achète les oranges les moins chères, en les choisissant de préférence de qualité. C'est l'argument qui prévaut. Si je veux me faire plaisir: j'achète les meilleures oranges, sans regarder leur prix, ni leur provenance, sans me demander non plus si c'est la saison des oranges. C'est une approche hédoniste.

Maintenant, j'achète des oranges selon l'approche du développement durable. Les arguments de l'approche traditionnelle restent valables: je peux tout à fait baser mes achats sur la recherche du meilleur rapport qualité/prix, ou sur la recherche du plaisir. Mais d'autres paramètres viennent nourrir ma réflexion avant l'achat. J'intègre désormais dans ma réflexion des critères environnementaux et sociaux. Ainsi, je m'interroge: dans quelles conditions ces oranges ont-elles été plantées et récoltées? Les travailleurs étaient-ils des ouvriers venus d'Afrique du Nord pour travailler dans des plantations du Sud de l'Europe où ils sont payés une misère et traités comme des moins que rien? Dans quel respect de l'environnement ces oranges ont-elles été produites? A-t-on utilisé pour ce faire des tonnes de pesticides et d'engrais? D'où viennent ces oranges? Si elles proviennent de l'autre bout du monde, les longues distances du transport ont sans doute été la source d'importantes émissions de gaz qui aggravent le réchauffement climatique.

Voilà comment nous pouvons participer à la justice environnementale. Ce qui conduit à ce que F. Baddache (2006) appelle la consom'action c'est-à-dire l'implication des individus, dans la préservation de l'environnement et aussi dans la lutte pour l'égalité des chances afin que tout homme, où qu'il soit, puisse subvenir à ses besoins et répondre ainsi à sa responsabilité envers les générations à venir; tel qu'il le dit: « la consom'action c'est tout simplement une consommation responsable, qui prend en compte à la fois la société dans laquelle nous vivons, et le statut d'acteur économique qui revient à tout acheteur »F. Baddache ( 2006, p.151). Ceci étant, limitant les risques de pollution, la consom'action introduit le concept d'égalité permettant à chacun de tirer équitablement profit des qualités environnementales tout en participant à la préservation de la nature.

Mais pour que cette participation fondée sur les capabilités individuelles, pour parler comme A. Sen (2000), nécessite une attention particulière au débat public afin qu'émergent les valeurs d'engagement commun. Jérôme Ballet, Damien Bazin et Jérôme Pelenc (2014, p. 10) le notent si bien:

Une attention particulière doit donc être accordée au rôle du débat public, aux espaces de discussions et aux possibilités d'interactions sociales itératives pour l'émergence de valeurs et d'engagements communs. Les capabilités collectives émergent de ces interactions sociales et sont différentes de la somme des capabilités individuelles. Elles permettent d'atteindre des objectifs que les capabilités individuelles ne garantissent pas de réaliser. La capacité d'agence collective ou la capacité d'un groupe à agir ne vise pas seulement à changer le niveau de bien-être de ses membres, mais aussi à favoriser le changement dans la société.

Bien que les intérêts des Etats altèrent souvent l'efficacité de la justice environnementale participative, l'ouverture d'un débat public sur les qualités

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environnementales reste l'une des voies qui pourrait mener un mieux-être de notre maison

commune.

7.2- Vivre mieux avec moins

Face aux générations futures desquelles nous sommes responsables, un engagement concret dans la gouvernance et les habitudes aussi bien sur le plan global qu'individuel s'impose. Le développement durable a tant bien que mal essayé d'inclure de nouvelles habitudes dans la sphère sociétale afin de limiter les impacts environnementaux des activités humaines en vue de garantir un meilleur capital naturel et une société plus juste aux générations futures. Mais hélas !. Les contradictions conceptuelle, économique et politique, inhérentes à ce paradigme laissent voir que le développement durable, à lui seul, n'est pas apte à honorer ses engagements.

L'écologie en tant que mouvement social du XXe siècle s'était aussi donné pour objectif l'opposition à la société de consommation et donc la lutte pour un mieux être de l'environnement et une justice sociale plus visible. La justice environnementale participative se conçoit aujourd'hui donc comme l'aspect évolué de l'écologie d'antan tel qu'évoqué par D. Bourg (2012).

Notons que le développement durable a fait émergé deux préoccupations majeures; d'abord celle d'instaurer un partage équitable des richesses de la terre, et celle de parvenir à une atténuation des problèmes environnementaux globaux. Le rapport Brundtland (1987, p.14) note:

Pour satisfaire les besoins essentiels, il faut non seulement assurer la croissance économique dans les pays où la majorité des habitants vivent dans la misère, mais encore faire de sorte que les plus démunis puissent bénéficier de leur juste part des ressources qui permettent cette croissance.

Si cet idéal, toujours d'actualité n'est pas atteint, c'est à cause, tel que le note D. Bourg (2012, p. 4) « des erreurs inhérentes au concept même de développement durable ».La première erreur est la fausse estimation du pouvoir de l'économie face à l'environnement et à la société dans l'articulation de la durabilité c'est-à-dire dans l'articulation économie-environnement-société. Tel qu'il le dit:

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La première de ces erreurs est d'avoir postulé une harmonie possible entre les trois fameux piliers : les dimensions économique, écologique et sociale du développement. C'était faire peu de cas de l'impérialisme essentiel à la raison économique, qui a un penchant irrésistible à phagocyter tout autre dimension. (D. Bourg, 2012, p. 4).

La seconde erreur que l'on pourrait reprocher au développement durable, toujours dans la logique de D. Bourg (2012), est l'illusoire ambition de produire plus avec moins ;car en réalité le problème de la pollution atmosphérique et de la raréfaction des ressources ne se situe pas uniquement au niveau de la fabrication mais aussi de la consommation ce qu'ignorait le rapport Brundtland; aussi, l'économie prenant le dessus sur les aspects axiologiques constitue une raison de plus pour rester sceptique.

Après l'échec de ces stratégies de régulation de la crise écologique, il n'est plus question de chercher à produire plus ou moins, ni perfectionner ou non notre technique. Les questions qui se posent à présent et auxquelles nous devons donner des réponses, tel que l'énonce toujours D. Bourg (2012, p.6) sont:

Comment vivre mieux avec moins et donc, comment sortir de la croissance? Comment penser qu'une société soit viable économiquement sans croissance. (...) le problème n'est plus le développement durable, mais la transition écologique.

Cette entreprise de grande envergure qu'est la transition écologique demande une reconfiguration du fonctionnement social. Bien que D. Bourg (2012) identifie une panoplie de dimensions à prendre en compte pour une véritable transition écologique, nous nous intéressons ici uniquement aux aspects économique, politique et axiologique.

Sur le plan économique, la transition écologique nécessite la construction de nouvelles stratégies permettant d'arrêter la construction de la société sur la base d'une demande toujours croissante en énergie et en ressources. Ceci demande à avoir un autre indicateur du développement des peuples que le P11B ; D. Bourg (2012, p.7) écrit: « Cela ne veut pas dire que le P11B n'a plus aucun intérêt, mais qu'il ne peut plus être l'orient de toute politique publique »; M. Brezzi, L. de Mello et É. Laurent(2016, p.14) quant à eux notent: « il servira plutôt à mesurer pour comprendre, assurément, mais aussi et surtout mesurer pour changer ». tout ceci, une fois encore, passe par la bonne volonté des politiques qui vont oeuvrer à cette fin.

Quant à l'aspect axiologique, il est question de changer nos habitudes par une discipline qui permettrait de vivre heureux en produisant et en consommant moins; en

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d'autres termes, il s'agit de la culture de la durabilité au quotidien. Mais une question demeure : une telle vie est-elle possible?

7.3- La transition écologique

Méconnu et ne figurant pas parmi les pays les plus développés au monde, le Bhoutan encore appelé DrukYul ( la terre du dragon) se fait distinguer par la résistance qu'elle adresse au reste du monde concentré sur le PIB, indicateur conventionnel de développement, quand le BNB, base du bonheur et de la cohésion des peuples, est l'indicateur en vigueur dans ce pays. Ce pays qui intéresse de plus en plus les écologistes, est de nos jours l'exemple palpable que l'option de l'écologie comme orient, est possible à l'échelle étatique et par analogie à l'échelle mondiale aussi.

Reconnu plutôt comme un royaume, le Bhoutan est enclavé entre l'Inde et la Chine (région autonome du Tibet) avec une superficie de 46 500 km2 (L. Reuter 2009, p.18). Très conservateur, le Bhoutan reçoit sa renommée de son état; malgré les différentes mutations aussi bien politique, économique que sociale qui ballotent le monde entier, le Bhoutan reste focalisé sur ce qui le caractérise: le bonheur de ses habitants par le biais d'un équilibre économie-environnement-société extraordinaire. A en croire L. Reuter (2009, p.18) : « le Bhoutan est un des pays les plus énigmatiques au monde. Malgré différentes décisions politiques prises depuis les années 1960 pour « ouvrir » le pays et le sortir de son isolement, il reste toujours entouré du« mythe »d'être le dernier « Shangrila », le « paradis terrestre » ».

Sur le plan économique notons que l'économie du Bhoutan est l'une des moins développée de la planète. L. Reuter (2009, p.18) écrit:

Elle est fondée principalement sur l'agriculture et l'exploitation forestière - qui fournissent un moyen de subsistance à plus de 90% de la population- et sur la vente à l'Inde d'électricité d'origine hydrodynamique. L'enclavement du pays limite non seulement le développement et la construction de routes et d'infrastructures, mais rend également l'agriculture et l'élevage très difficiles. Par conséquent, la survie économique est basée sur de forts liens commerciaux avec l'Inde et une certaine dépendance de leur aide financière. Le secteur industriel est technologiquement très en retard avec une prédominance d'ateliers familiaux.

En d'autres termes nous dirions que le Bhoutan est situé dans des conditions extrêmes qu'un pays puisse expérimenter. Dans ces conditions géographiques extrêmes, l'amorce d'un développement au sens courant du terme, ne pourrait se faire sans destruction d'une grande partie de ce paradis naturel considéré par la modernité comme entrave au développement. Il

suffit de se faire à l'idée les étendues de terres et surtout les écosystèmes qui sont détruits chaque année pour la construction des routes et aéroports, d'usines et de villes. E. Bonnefous (1973, p.22) écrit: « chaque année des dizaines de millions d'hectares de sols productifs sont dévorés par les routes, les usines, et les villes ». Ceci, une fois encore, met plus de lumière sur les dégâts causés par le développement sur les écosystèmes et donc sur l'équilibre de la biosphère tout entière.

Ces conditions extrêmes qui sont celles du Bhoutan, conditions considérées comme causes de pauvreté dans certains pays, constituent en fait un levier pour le bien être de sa population et du monde entier.

Pour L. Reuter (2009, p.18), amorcer un développement en préservant « l'intégrité de l'environnement et de sa culture » n'est certes pas facile surtout dans un contexte où le monde entier veut tout quantifier. Avec un relief hostile allant de +97 à +7553m, le Bhoutan est un des écosystèmes les plus préservés du monde avec 5500 espèces végétales dont environ 300 plantes médicinales, 750 espèces d'oiseaux et 165 mammifères. D'où lui vient la force qui maintient le Bhoutan dans la droite ligne de la préservation de l'environnement et la culture du bonheur plutôt qu'à la course capitaliste?

La première force d'une telle option, c'est la volonté politique. Le Bhoutan n'a pas depuis toujours eu comme indicateur le BNB; en effet ce fut depuis 1972 que, sous l'impulsion du roi Jingme Singye Wangchuck, qui estima que les indicateurs conventionnels étaient inadéquats pour mesurer le bonheur des populations, ce concept vu le jour. Bien que le Bhoutan soit le seul pays où le bouddhisme tantrique soit la religion d'Etat et que l'on puisse croire que le BNB ait des présupposés bouddhistes tel que la recherche du nirvana, cet antécédent religieux n'infirme en rien la place capitale qu'occupe la volonté politique dans une telle option puisse que tous les pays à majorité bouddhiste ne sont pas autant engagés envers l'environnement; ce qui nous permet de déduire que chez les Bhoutanais, une rationalité environnementale qui surpasse les présupposés religieux est bien enracinée; la Chine est un exemple palpable en ce domaine. Une fois encore est réaffirmée ici la nécessité de revenir aux valeurs qui donnent sens à la vie telles que la culture de la paix et du bonheur faisant ainsi appel à D. Méda (2012) qui n'a cesser de marteler en reprenant M. Weber (1964) que la passion de l'enrichissement est issue de la conversion des énergies spirituelles vers l'ici-bas.

La deuxième raison de l'efficacité de cette option, est l'adhésion des Bhoutanais à un tel idéal. Attentive et informée grâce à une démocratisation bien élaborée du débat écologique, les Bhoutanais ont épousé sans tarder cette philosophie. L'on pourrait une fois

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encore interpréter l'adhésion de la population aux idéaux environnementaux comme une dictature qui ne dit pas son nom; mais si tel fut le cas, la tendance aurait probablement changé depuis la démocratisation du pays en 2005. Autrement dit nous voyons là une adhésion totale de la population aux valeurs telles que le bonheur, le bien-être environnemental la culture de la paix etc. Cette adhésion sociale au BNB se fait ressentir à travers des actes tels que la préservation des réserves écologiques malgré la situation économique très complexe et de laquelle la population pourrait échapper par la vente clandestine des ressources forestières telles que c'est encore le cas dans nombre de pays aujourd'hui.

La force de l'adhésion des Bhoutanais aux valeurs environnementales se comprend par la compréhension du bien fondé d'une telle option ; et nous pouvons indexer, une fois encore, le bouddhisme d'être à l'origine de la construction d'une telle hygiène de vie ce qui laisse voir que la compréhension de l'intérêt de la préservation de l'environnement est un pilier très important à la construction d'une justice environnementale participative; sans cette dernière, la volonté politique ne pourrait pas à elle seule arriver aux fins escomptées ce qui est le cas dans la majorité des pays où le développement durable, ne parvient pas à prendre forme dans les habitudes des différentes populations à cause de l'intérêt mal compris.

Bref, la justice environnementale participative n'est possible que dans la satisfaction de trois conditions. D'abord une volonté politique pilotée par les dirigeants animés par les idéaux de la durabilité; Cette première condition est réalisable grâce à l'adhésion des populations qui à leur tour agissent de façon responsable en faveur de l'environnement; cette responsabilité se matérialise par un engagement concret reflété dans les actes quotidiens et qui manifestent la protection de l'environnement. Même si des poches d'inégalités environnementales demeurent encore au Bhoutan, il demeure toujours un exemple admirable sur le chemin de la participation environnementale.

Tout ceci confirme notre troisième hypothèse qui émettait l'idée selon laquelle une solution à la crise écologique reste néanmoins envisageable dans la mesure où, ceux qui réclament justice participent non seulement à la délibération mais aussi à la restauration des qualités environnementales.

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Conclusion

Somme toute, notre objectif tout au long de ce travail fut de montrer que la justice environnementale participative est une condition de possibilité de la durabilité. C'est donc à cette fin que nous sommes partis de la question: en quoi la justice environnementale participative est-elle une condition de possibilité de la durabilité ? Pour juguler cette question, nous avons projeté notre travail autour de trois axes fondamentaux.

Dans un premier temps, notre travail a consisté à rappeler les fondements du développement durable permettant de mieux cerner le contexte d'émergence de la durabilité et de ses enjeux. Il en est ressorti que les signes précurseurs de la durabilité, en tant que paradigme de développement, se regroupent en quatre faits complémentaires à savoir: une surexploitation de la nature conduisant à l'altération de la capacité de la planète à reproduire les conditions de son équilibre, le réchauffement de la planète et les inégalités environnementales. C'est dans ce contexte de crise écologique qu'émerge la durabilité comme la solution pouvant garantir un mieux être de l'homme en relation avec son écosystème, fondé sur le rapport Brundtland qui est son « acte de naissance ».

Les dérèglements de la biosphère qui se remarquent à travers la pollution de l'atmosphère, la destruction de la couche d'ozone, les pluies acides etc. sont les conséquences de comportements peu responsables de l'homme dans son espace de vie. C'est dans ce contexte que les réflexions critiques sur la consommation énergétique par exemple émergeront du constat qu'une fourniture énergétique toujours croissante basée essentiellement sur les énergies fossiles non renouvelables est impossible à cause de la capacité limitée de ces ressources. Cette demande toujours croissante en énergie non renouvelable accroît l'exploration des mines à la recherche du charbon et le creusage de nouvelles pompes à pétrole dont les conséquences sur l'environnement ne sont plus à démontrer. Quant aux autres ressources notamment l'eau douce, principal ingrédient de la vie de l'homme, elle n'est pas non plus épargnée par les pollutions posant un véritable problème de santé mondiale d'une part, et d'autre part un problème d'épuisement vu le gaspillage de cette ressource très prononcée de nos jours; l'épuisement des ressources minières inquiète également et plus encore le caractère non biodégradable des produits qui en sortent. Les villes, Symbole de la modernité, quant à elles attirent toujours et concentrent plus de la moitié de la population mondiale accentuant les inégalités environnementales; cette concentration n'est pas sans

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effets sur les écosystèmes qui sont détruits pour permettre l'installation de l'homme. Bref, la configuration actuelle de notre société a accentué l'effet des activités anthropiques sur l'environnement.

Cette conscience environnementale s'est construite progressivement et apparaît comme le couronnement d'un paradigme de développement amorcé depuis la Modernité; et c'est en reconsidérant les grands tournants de la science depuis la modernité que la transition vers la durabilité se perçoit mieux. Car, d'une part, la crise écologique tire son origine de l'esprit de la modernité; cet esprit de la modernité fait de l'idée de s'affranchir de toute sorte de tutelle aussi bien religieuse, familiale que politique. Cet affranchissement a conduit à la naissance du nouvel homme désormais autonome qui, fort de son autonomie peut désormais s'élancer dans l'exploration de son espace de vie par l'usage de la technique impliquant des conséquences insoupçonnées sur l'environnement.

En vue de pallier tous ces dérèglements environnementaux qui mettent en danger la pérennité de la vie sur terre, la durabilité est apparue comme une solution qui permettrait à coup sûr de rétablir l'équilibre aussi bien environnemental que social perdu. Force est alors de constater que malgré les dangers courus par notre planète à cause d'un rythme de développement en déphasage complet avec celui de la restauration de la nature, la durabilité peine à tenir ses promesses. Cette évidence nous a conduits à la seconde articulation de notre travail consacrée à l'évaluation critique de la durabilité.

D'après nos investigations, les difficultés qu'éprouve la durabilité sont dues aux contradictions qui lui sont inhérentes. Au concept unique de durabilité, sont associées plusieurs définitions selon les urgences des institutions et des nations conduisant à un manque de consensus et d'inefficacité dans l'action. Des institutions telles que l'UNESCO et la S.A.V (Stratégie pour l'Avenir de la Vie) ont des définitions du développement durable assez différentes et dépendantes des orientations de chacune. Quant à la déclaration de Rio adoptée par les représentants de 170 pays en 1992, le développement durable a une orientation plus généralisée. Le concept d'inégalité environnementale ne fait pas exception de ces rouages conceptuels également.

Ces contradictions définitionnelles sont renforcées par un désaccord d'ordre politique et économique entre les pays développés et les moins développés. Les BASIC (Brésil, Afrique du Sud, Inde et Chine) qui sont aujourd'hui des pays émergents à grande influence mondiale, indexent notamment l'Europe et les Etats-Unis de s'être développés en polluant

78

l'environnement, et trouvent dans la durabilité un moyen de plus pour les maintenir dans leur état de sous-développement. La conséquence d'une telle revendication est le rejet des clauses de la conférence de Rio et des Conférences des Parties (COP).

La troisième difficulté de la durabilité est d'ordre éthique et culturel. La divergence éthique et culturelle dans la mise en oeuvre du développement durable est non moins négligeable car elle pose le problème de choix entre la préservation de l'environnement et la croissance économique. La protection de l'environnement, implique une économie moins ambitieuse; or autant l'environnement dégradé a besoin d'un développement durable, nos sociétés, ont autant besoin d'une croissance économique pour assurer leur survie tout en sachant que les deux facettes de la médaille contiennent inéluctablement des conséquences moins bonnes tant pour l'environnement que pour les populations. Ce dilemme se pose également dans la gestion des inégalités environnementales où les politiques environnementales sont partagées entre une répartition équitable des qualités environnementales telles que les espaces verts et la réparation des dommages causés à l'environnement; une situation qui condamne les populations défavorisées à subir injustement les revers négatifs de la crise écologique.

Toutes ces contradictions de la durabilité laissent voir clairement le fossé entre l'idéal du développement durable et la complexité de l'espace sociétal et permettent de mieux comprendre pourquoi le PIB, indicateur conventionnel dont la croissance ne pourrait être effective sans effets négatifs sur l'environnement demeure en vigueur alors que le BNB, gage de la durabilité, demeure peu promu. Face à cette complexité de la durabilité, devrions-nous nous résigner face aux dégradations de plus en plus aigues de l'environnement?

Pour que le projet de la durabilité puisse advenir, il faudrait repenser la durabilité. Redéfinir le développement durable revient concrètement à une redéfinition du concept de développement. Face à la crise écologique considérée comme le couronnement de la modernité, repenser le développement revient à une redéfinition de ce concept; redéfinition qui consiste à privilégier la qualité de vie au détriment de la quantité de biens possédés; étalon qui fut et demeure la caractéristique des peuples dits primitifs qui s'efforcent de mieux vivre avec moins de biens dans le respect de l'environnement.

Repenser le développement revient aussi à reconsidérer notre gestion des déchets alors que la culture du jetable prend de l'ampleur d'où nous avons opté pour une approche capabilitaire de la résorption de la crise écologique; bien que le recyclage soit un pas dans

79

cette logique, plutôt que de recycler nous participerions plus efficacement à la justice environnementale en réduisant notre consommation, ou encore en cultivant la réparation et la réutilisation. De là la notion de responsabilité prend tout son sens dans le processus de la participation; et la durabilité loin d'être un voeu pieux envers les générations futures, se trouvera renforcée par la responsabilité qui la rend désormais opératoire. Car:

Le développement durable n'est pas un concept opératoire pour faire face aux défis globaux auxquels doivent répondre les sept milliards d'êtres humains mais, au contraire, une déclinaison du conformisme, une manière de nous cacher, encore une fois, que nous sommes devant une « cascade de finitudes ». D. Bourg (2012, p.4):

Et dans un tel contexte la responsabilité demeure la seule issue possible. Cette responsabilité est partagée entre le pouvoir public d'une part et la population d'autre part. Désormais, tournés vers l'avenir et avec au coeur le souci des générations futures, l'efficacité des actions aussi bien individuelles que globales doit naître d'une meilleure coordination politique afin d'éviter les pièges soulevés plus haut. Tout comme H. Jonas (1990), C. Grino (2001, p. 63) note également: « le véritable domaine d'application de la notion de responsabilité ainsi remaniée est la sphère publique, et non la sphère privée », et cette responsabilité qui revient au politique dans ce contexte est celle de « la prévoyance ». La prévoyance du politique dans la construction d'une société justice, revient quant à elle à la sagesse comme le préconisait Platon dans le livre III de La République; ce que H. Jonas (1999, p.47) reprendra: « la prévoyance de l'homme politique consiste donc dans la sagesse et dans la mesure qu'il consacre au présent ».

Dans le contexte de la crise écologique qui est le nôtre, la responsabilité politique, de façon concrète renvoie d'abord à une prise de conscience de chaque Etat qu'il soit développé ou en voie de développement, de la menace réelle de l'environnement à cause de l'écart entre le rythme de restauration de l'environnement et celui des activités anthropiques de plus en plus polluantes. Tout ceci rejoint l'idée de l'urgence d'un droit cosmopolite de l'environnement tel que porté par la conférence de Stockholm (1972), l'Acte de l'Union Européenne (1985) et le traité de Rio (1992) qui stipulait dans son préambule qu'il faudrait instaurer un partenariat mondial sur une base nouvelle en reconnaissant que la terre, berceau de l'humanité, constitue un tout marqué par la complémentarité.

Du point de vue de la légalité, la légifération sur l'environnement doit tenir compte d'un certain équilibre notamment:

80

Une opération ne peut légalement être déclarée d'utilité que si les atteintes à la propriété privée, le coût financier et éventuellement les inconvénients d'ordre social ou écologiques qu'elle comporte ne sont pas excessifs eu égard à l'intérêt qu'elle présente (...) a un moment où il est beaucoup question, et à juste titre, d'environnement et de cadre de vie, il faut éviter que des projets par ailleurs utiles viennent aggraver la pollution ou détruire une partie du patrimoine naturel et culturel du pays (M. Prieur, 2017, p.5).

Tout ceci doit être soutenu par l'engagement responsable des populations en faveur des valeurs écologiques et seule la vulgarisation du débat écologique permettrait de parvenir à cette fin; vulgarisation qui est aussi du devoir des politiques. Vulgarisation qui s'avère très importante pour la bonne marche de la justice environnementale participative. Et cette vulgarisation consistera à promouvoir les actions en phase avec la protection de l'environnement. D'où l'importance du troisième maillon complémentaire de l'engagement des politiques; celui-ci est la préservation de l'ordre public écologique qui se résume à la nécessité d' « assurer les objectifs d'ordre public que sont traditionnellement la sûreté, la tranquillité et la salubrité publique » (M. Prieur, 2017, p.8) par une police de l'environnement. Dans cet élan, non seulement les dégradations de la biosphère sont réparées, mais ces réparations sont aussi sujettes à la protection dans le but de minimiser les risques environnementaux et donc d'éradiquer les inégalités environnementales. Tel est l'équilibre que doivent rechercher les politiques. Mais ce droit reste jusqu'aujourd'hui non reconnu par nombre de pays comme le souligne toujours M. Prieur (2017). D'où la nécessité d'accroître la sensibilité écologique chez les populations.

Nous sommes donc désormais au coeur de la justice environnementale participative qui d'après C. Larrère (2017), implique une réflexion sur l'égalité tout en faisant attention à ne pas construire un égalitarisme réducteur et autoritaire.

La participation à la justice environnementale consiste finalement : « pour ceux qui réclament la justice environnementale, d'être en capacité effective de décider» (C. Larrère, 2017, p.26). Allant au-delà de la simple décision, ainsi qu'elle insiste, la participation est plus une réappropriation active d'espaces communs. Précisément:

Il ne suffit pas, pour éviter les inégalités environnementales, que dans les objectifs des éco-quartiers, il y ait la mixité sociale, ou que la restauration des quartiers défavorisés inclut un volet de restauration écologique (...) le modèle d'égalité pour confronter et corriger les inégalités environnementales n'est pas seulement à rechercher du côté d'une réduction de l'échelle des revenus ou des patrimoines, mais dans le développement des pratiques collectives et des usages communs.(C. Larrère, 2017, p.26).

La fin ultime de la participation, c'est l'implication disciplinée de l'individu dans la lutte pour son bien-être global dans un environnement sain. Dès lors nous passons du

81

développement à la transition écologique dont le maitre mot est de « vivre mieux avec moins ». Sur le plan économique, la transition écologique nécessite la construction de nouvelles stratégies permettant d'arrêter la construction de la société sur la base d'une demande toujours croissante en énergie et en ressources. Ceci demande à avoir un autre indicateur du développement des peuples que le P11B ; D. Bourg (2012, p.7) écrit: « Cela ne veut pas dire que le P11B n'a plus aucun intérêt, mais qu'il ne peut plus être l'orient de toute politique publique »; M. Brezzi, L. de Mello et É. Laurent (2016, p.14) quant à eux: « il servira plutôt à mesurer pour comprendre, assurément, mais aussi et surtout mesurer pour changer ». Tout ceci, une fois encore, passe par la bonne volonté des politiques qui vont oeuvrer à cette fin.

Quant à l'aspect axiologique, il est question de changer nos habitudes par une discipline qui permettrait de vivre heureux en produisant et en consommant moins; en d'autres termes, il s'agit de la culture de la durabilité au quotidien. Mais une question demeure : une telle option est-elle possible?

De nos jours un modèle de développement durable fascine le monde entier et ce modèle est le Bhoutan qui malgré sa situation politico-économique très complexe, est un exemple démontrant la possibilité de la durabilité à l'échelle étatique. Et la condition de la mise en place effective de la durabilité dans ce pays est la participation.

Toutefois d'autres options autres que la participation sont possibles dans la logique de la revitalisation de la durabilité telles que: le renforcement de l'éducation en faveur de l'environnement, est aussi une option envisageable pour pallier la difficulté de la mise en oeuvre effective de la durabilité le tout couplée d'une implication profonde des politiques dans la régulation des inégalités environnementales. Mais l'exploration de toutes ces options nous obligerait à dépasser les limites que nous nous sommes fixées ici par notre problématique. Ceci étant, la justice environnementale participative nous paraît être une condition indispensable à l'efficacité de la durabilité. Une telle option doit permettre la consolidation de notre responsabilité envers notre environnement et envers les générations futures en leur garantissant ainsi leur droit à un environnement sain.

82

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85

Index

Noms d'auteurs

A

 

A. Kiss

A. Koyré

 
 
 
 

8, 16,

27

25

B

B. Leboucq

 
 
 
 
 

14

 

B. Ouchene & A. Moroncini

 
 

58,

61,

62,31,

69

C

 
 
 
 
 
 
 
 

C. Aubertin

 
 
 
 
 

44

 

C. Fourier

 
 
 
 

15,

19

 

C. Grino

 
 
 
 

15, 63,

79

D

 
 
 
 
 
 
 
 

D. Blanchon, S. Moreau, Y. Veyret

 
 
 
 
 

46

 

D. Bourg

 

8,

31,

38,

61, 71,

79

 

D. Méda

 

18,

26,

30,

46, 47,

74

 

D. Pestre

 
 
 
 

37, 38,

44

 

D. Tabutin

 
 
 
 
 

28

 

D.Pestre

 
 
 
 

44,

45

 

Dasho Jigme Khesar Namgyel Wangchuck

 
 
 
 
 

52

E

 
 
 
 
 
 
 
 

E. Bonnefous

1,

11,

12,

29,

30, 53,

74

 

E. Dronne et R. Morin

 
 
 
 

53,

54

 

E. Giulliani

 
 
 
 

14, 14,

15

 

E. Kant

 
 
 
 
 

24

F

 
 
 
 
 
 
 
 

F. Baddache

 
 
 
 

17,

69

 

F.Fukuyama

 
 
 
 
 

19

 

Francesco di Castri

 
 
 
 
 

39

86

G

G. Bertolini, M. Brakez

 
 
 
 
 

56,

57

H

 
 
 
 
 
 
 
 
 

H. Jonas

58,

60,

62,

63,

64,

66, 69,

79

J

 
 
 
 
 
 
 
 
 

J. Fourastié

 
 
 
 
 
 

53

 

J. M.Bergoglio

 
 
 
 
 
 

26

 

J. Villancourt

 
 
 
 
 

33,

42

 

J.-P. Déleage

 
 
 
 
 
 

8

 

J.Vernier

 
 
 
 
 
 

9

 

J.Villancourt

 
 

31,

33,

37,

38, 39,

43

 

James Watt

 
 
 
 
 

13,

26

 

Jingme Singye Wangchuck

 
 
 
 
 

49,

74

L

 
 
 
 
 
 
 
 
 

L. Ferry

 
 
 
 
 
 

55

 

L. Reuter

 
 
 
 
 

49, 50,

73

M

 
 
 
 
 
 
 
 
 

M. Barah

 
 
 
 
 

11,

12

 

M. Brezzi, L. De Mello, É. Laurent

 
 
 
 

72,

81,47,

48

 

M. Durand

 
 
 
 
 
 

57

 

M.Puech

 
 
 
 
 
 

18

 

M.Weber

 
 
 
 
 
 

74

R

 
 
 
 
 
 
 
 
 

R. Descartes

 
 
 
 
 

23,

25

S

 
 
 
 
 
 
 
 
 

S. Ferrari

 
 
 
 
 
 

59

 

Serge Le Peltier

 
 
 
 
 
 

53

87

V

V. Decleire 13

V.Citot 24, 25

88

Les concepts

Ø

 
 
 
 
 
 
 

4

4R

 
 
 
 
 

57

A

 
 
 
 
 
 
 
 

Alternatives énergétiques

 
 
 
 
 

17

 

Autonomie

 
 
 
 
 

24

B

 
 
 
 
 
 
 
 

BASIC

 
 
 
 

17,

41

 

Bhoutan

 
 
 
 
 

73

 

Biosphère

 
 
 

65,

69,

80

 

BNB

 
 

48,

49,

73,

74

C

 
 
 
 
 
 
 
 

Club de Rome

 
 
 
 

32,

41

 

CO2 et le CFC

 
 
 
 
 

26

 

Cogito ergo sum

 
 
 
 
 

25

 

Conférence de Rio

 
 

27,

38,

41,

78

 

Conférence de Stockholm

 
 
 
 

32,

41

 

Conférences des Parties

 
 
 
 
 

61

 

Consom'action

 
 
 
 
 

70

 

Consumérisme

 
 
 
 
 

15

 

Couche d'ozone

 
 
 
 
 

15

 

Croissance zéro

 
 
 
 

32,

41

E

 
 
 
 
 
 
 
 

Ecologisme

 
 
 
 
 

63

F

 
 
 
 
 
 
 
 

Forets de béton

 
 
 
 
 

19

G

 
 
 
 
 
 
 
 

Générations futures

60,

62,

63,

64,

71,

79

 

Groupe d'Experts Intergouvernemental de l'Evolution du Climat (GIEC)

 
 
 

10

89

H

Héliocentrisme

 

25

I

 
 
 
 

Impératif éthique d'Henry

 

61

 

Impératif jonasien :

 

60

 

Indice de Développement Humain (IDH)

 

49

 

Intérêt bien compris

 

75

J

 
 
 
 

Justice environnementale

 

46, 64

 

Justice environnementale participative

69,

70, 80,65

K

 
 
 
 

Kayapo

 

54

L

 
 
 
 

L'esprit de modernité

 

24

 

L'idio-nomie

 

24

 

Les piliers du Bonheur National Brut (BNB)

 

49

 

Les voix sans corps

 

13

 

Logique de rapidité

 

45

N

 
 
 
 

Néocolonialisme

 

41

 

Nouveau paradigme

 

30

O

 
 
 
 

Organisation de Coopération et de Développement Economique (OCDE)

 

9

P

 
 
 
 

Produit National Brut

 

49

 

Protocole de Kyoto

 

27

90

Q

Québec

 
 
 
 
 
 
 
 

43

R

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Responsabilité

59,

61,

62,

63,

64,

65,

69,

70,

79

 

Révolution copernicienne

 
 
 
 
 
 
 
 

29

 

Révolution industrielle

 
 
 
 

17,

18,

25,

34,

47

S

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Science moderne

 
 
 
 
 
 
 
 

23

 

Stratégie pour l'Avenir de la Vie (S.A.V)

 
 
 
 
 
 
 
 

77

T

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Tourisme durable

 
 
 
 
 
 
 
 

54

 

Transition écologique

 
 
 
 
 
 
 
 

72

91

Table des matières

INTRODUCTION 1

LES FONDEMENTS DE LA DURABILITE 6

CHAPITRE1- LES SIGNES PRECURSEURS DE LA DURABILITE 8

1.1- Les dérèglements de la biosphère 8

1.2- L'épuisement des ressources terrestres 16

1.3- La révolution urbaine et la pression sur les écosystèmes 18

1.4- La dégradation du lien social : les inégalités environnementale ..20

CHAPITRE 2 : LA CONSCIENCE ECOLOGIQUE ET LA CONSTRUCTION CONCEPTUELLE DE LA

DURABILITE 23

2.1- Du progrès scientifique à l'inquiétude écologique 23

2.2- La naissance théorique de la durabilité 27

2.3- La durabilité : un développement tridimensionnel 30

EVALUATION CRITIQUE DE LA DURABILITE 35

CHAPITRE3 : LES CONTRADICTIONS INTERNES DE LA DURABILITE 37

3.1- Les contradictions définitionnelles de la durabilité 37

3.2- Les désaccords économique et politique de la durabilité 39

3.3- Difficultés éthiques dans la mise en oeuvre de la durabilité 42

CHAPITRE 4 : LA DURABILITE ENTRE IDEAL ET FAIT 44

4.1- La durabilité et la complexité de l'espace sociétal 44

4.2- Prise en otage de la durabilité par le PIB 46

4.3- Le BNB : un concept peu promu 49

REVITALISATION DE LA DURABILITE PAR LA JUSTICE ENVIRONNEMENTALE

PARTICIPATIVE 51

CHAPITRE 5 : REPENSER LA DURABILITE 53

5.1- Apprendre des sociétés primitives 53

5.2-Parvenir à une lutte efficace contre le déchet 55

Chapitre 6 : La responsabilité : fondement de la justice environnementale 58

6.1- Les fondements de la responsabilité envers les générations futures 58

6.2- De la durabilité à la responsabilité pour une justice environnementale 61

92

6.3- La responsabilité du pouvoir politique dans la mise en oeuvre de la justice

environnementale 63
CHAPITRE 7 : LA JUSTICE ENVIRONNEMENTALE PARTICIPATIVE : CONDITION DE POSSIBILITE DE

LA DURABILITE

68

7.1-La participation

68

7.2- Vivre mieux avec moins

71

7.3- La transition écologique

73

CONCLUSION

76

BIBLIOGRAPHIE

82

INDEX

.85






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"Il existe une chose plus puissante que toutes les armées du monde, c'est une idée dont l'heure est venue"   Victor Hugo