INTRODUCTION GÉNÉRALE
En grammaire française, le verbe, le nom, la
préposition, l'adverbe et l'adjectif qualificatif font partie des
têtes lexicales. En effet, ils sont dotés d'un contenu notionnel.
En tant que constituant, l'adjectif qualificatif est généralement
un adjoint dans la phrase. Selon Riegel et al. (2014 : 598), les
adjectifs qualificatifs dépendent d'un autre terme de la phrase,
généralement nominal ou pronominal, et leur fonction se
définit selon la manière dont ils sont mis en relation avec cet
élément. Au plan syntaxique, l'adjectif qualificatif peut
être fourni en expansions ou en compléments. Un adjectif
qualificatif peut ainsi régir des syntagmes prépositionnels, des
adverbes, des infinitifs ou des subordonnées complétives.
Étant donné que le mot complétive possède
de nombreuses acceptions dans le métalangage linguistique, il convient
de préciser dans quel sens nous l'emploierons dans ce travail.
La notion de complétive a un sens variant selon les
grammaires. Comme le font remarquer Wagner et Pinchon (1972 : 559),
cette dénomination est employée de diverses
façons par les grammairiens : certains l'appliquent à toutes les
propositions qu'elles soient sujet, attribut, objet, complément
circonstanciel ou qu'il s'agisse de propositions relatives [...],
d'autres la réservent aux propositions qui jouent le rôle de
sujet, d'objet, ou d'attribut (les conjonctives par que, les interrogatives
indirectes, les infinitives).
En d'autres termes, il n'existe pas de consensus, les
considérations heuristiques sont fluctuantes. Elles dépendent de
chaque grammairien et des analyses menées. La même remarque est
formulée par Riegel et al. (2014 : 823) en ces termes :
les propositions complétives sont des propositions
qui se substituent, dans certains cas déterminés et selon
certaines règles précises, à des groupes nominaux (GN)
constituants du groupe verbal (GV), ou plus rarement au GN sujet, voire
à des GN compléments de noms et d'adjectifs. On remarquera donc
que toutes les complétives ne sont pas des compléments du verbe,
pas plus que toutes les propositions subordonnées compléments ne
sont des complétives : les deux termes ne sont pas synonymes.
Pour Wagner et Pinchon, les subordonnées sujets sont
exclues de la dénomination de complétive alors qu'elles y sont
incluses chez Riegel et al. Le présent travail adopte ce
dernier point de vue, selon lequel les complétives constituent un grand
ensemble qui intègre d'un côté les complétives
introduites par que ou propositions conjonctives ; les
infinitifs qui
ont pour fonction de compléter le verbe ; et
enfin les propositions interrogatives indirectes voire les
exclamatives. Le travail portera non pas sur toutes ces
complétives, mais exclusivement sur la proposition conjonctive
complétive. Par complétive, il faudra entendre une
subordonnée introduite par que, conjonction de subordination.
Elle est encore appelée « conjonctive pure » par
Soutet.
En introduisant une complétive, l'adjectif qualificatif
devient un terme opérateur. Pour Maingueneau (1999 : 100), les termes
opérateurs sont des mots qui appellent une complétive ou un
infinitif. Dans les énoncés ci-dessous, les adjectifs
heureux, fiers et agréable sont donc des adjectifs
à complément phrastique.
1.a. Mon père est heureux que son
épouse soit de retour.
1.b. Les camerounais ont envahi les rues, tapant des
casseroles, fiers qu'ils étaient d'avoir
remporté la CAN.
1.c. Il est agréable que des
frères demeurent dans l'harmonie.
Dans ces constructions opératrices, la
complétive est un complément de l'adjectif recteur dont elle
constitue un apport en information. Elle peut aussi être un sujet
extraposé de la copule être.
La structure complétive adjectivale permet de relever
trois faits. D'une part, elle est généralement actualisée
dans une phrase attributive. Les unités verbales desdites phrases
tournent donc toujours autour du verbe être et ses
succédanées ou alors des verbes dits occasionnellement
attributifs.
D'autre part, tous les adjectifs ne sont pas susceptibles d'y
apparaître. Les adjectifs qualificatifs y apparaîssant semblent
sélectionnés sur la base de la possibilité des structures
syntaxiques données et, dans une certaine mesure, sur la base de leur
profil sémantique. De ce point de vue, plusieurs classes ou
sous-catégories d'adjectifs qualificatifs sont exclues. Par exemple,
dans les énoncés 2.a et 2.b ci-dessous, les adjectifs
qualificatifs immense et large, exprimant la proportion ou la
dimension, ne peuvent pas régir la complétive. De même en
2.c et 2.d, l'adjectif qualificatif rouge, marquant la couleur, est
exclu du rôle de régissant de la complétive.
2.a. * Il est immense que...
2.b. *La fenêtre est large que l'enfant entre
2.c. La pomme rouge que mes dents croquent
2.d. *Le sol est rouge que je cultive
En 2.a, 2.b et 2.d, les énoncés sont
agrammaticaux. En 2.c par contre, la suite Que P est la réalisation non
pas d'une complétive, mais d'une relative adjective dépendant du
GN la pomme.
En troisième lieu, la construction à
complétive adjectivale permet de s'interroger sur le statut du lien
entre l'adjectif introducteur de la complétive et de l'unité
verbale qui le précède. Ils donnent l'impression d'être
disjoints. Voilà pourquoi l'adjectif est souvent analysé comme
attribut du sujet ou de l'objet. Mais, à y regarder de près, les
deux paraissent intriqués. Le postulat de leur disjonctif et de leur
autonomie respective semble sujet à caution.
C'est au regard des constats effectués ci-dessus qu'est
née l'idée d'une étude sur la complétive de
l'adjectif. Dans un tarvail antérieur, Anyou Elanga (2018) a
relevé, modestement à la suite de Riegel et al.
(2014), de Pierrard (1979), de Dubois et Dubois-Charlier (1997)
et de Boone (1996 et 2002), que ce ne sont pas tous les verbes qui introduisent
des complétives. Seules certaines catégories
morphosémantiques le font. Il a proposé, sans toutefois
l'explorer, la même hypothèse pour l'adjectif qualificatif
introducteur de la subordonnée complétive. C'est donc cette
hypothèse qui ouvre les voies de la présente recherche.
D'où le sujet intitulé Lexique-grammaire et complétive
de l'adjectif.
Ce travail voudrait présenter le fonctionnement de la
complétive adjectivale. Il a pour enjeu la mise en lumière des
propriétés syntaxiques des structures dans lesquelles la
complétive adjectivale est actualisée. Autrement dit, son
intérêt majeur est la mise en lumière des structures de la
complétive adjectivale, leur fonctionnement morphosyntaxique et les
transformations auxquelles elles peuvent donner lieu. Dans la mesure du
possible, il tente de clarifier le statut de la relation V+Adj dans la
construction analysée.
Comme il vient d'être dit, ce ne sont pas tous les
adjectifs qualificatifs qui apparaissent dans la structure attributive à
complétive adjectivale. Pour une saisie complète du
fonctionnement de cette classe de conjonctives complétives, une
étude devrait non seulement mettre en lumière les constructions
de cette complétive, mais aussi les contraintes de rection et les
transformations de la conjonctive pure régie par l'adjectif.
Dès lors, pour une description grammaticale
satisfaisante, quelles sont les structures de la complétive adjectivale
et comment fonctionnent-elles aux plans syntaxique, distributionnel et
transformationnel ?
Pour mieux être saisie et déployée, cette
question centrale en appelle plusieurs autres. Comment la classe de l'adjectif
qualificatif fonctionne-t-elle sur le plan morphosyntaxique ?
La complétive de l'adjectif fait partie des
complétives non-verbales au même titre que la complétive du
nom et la complétive de l'adverbe. On est par conséquent en droit
de
Bien que redevable de son appareillage théorique
à Zillig Harris d'après Laporte (1999 :3), le lexique-grammaire
est une théorie linguistique et une méthode d'analyse de la
s'interroger sur leur configuration. De ce fait, les
complétives non-verbales ont-elles des traits qui les discriminent de la
complétive du verbe ?
Qu'est-ce qui caractérise la complétive de
l'adjectif au plans syntaxique, structurel et transformationnel ?
En outre, dans la structure V+Adj+ Que P, la complétive
dépend-elle exclusivement de l'adjectif qualificatif ou concomitamment
du verbe et de l'adjectif ? Et dans cette suite, l'adjectif et le verbe
sont-ils liés ou au contraire syntaxiquement indépendants l'un de
l'autre ?
En guise d'hypothèse centrale, nous posons que les
structures de la complétive adjectivale ont des propriétés
morphosyntaxiques, distributionnelles et transformationnelles. Ces
dernières conditionnent leur complémentation. Elles sont par
ailleurs analogues aux autres complétives non-verbales sur certains
aspects.
En hypothèses secondaires, notons d'abord que la classe
de l'adjectif qualificatif, parce qu'elle est d'apparition récente en
grammaire française selon Marquez (1998) et Lemaréchal (1992),
présenterait encore des contours flous et se caractériserait par
une hétérogénéité.
Nous pensons ensuite que contrairement à la
complétive du verbe, les complétives non-verbales seraient des
constituants intrasyntagmatiques non-essentiels dans certains contextes.
En outre, dans la construction V+Adj+ Que P, V+Adj formerit un
tout, un prédicat complexe si V est exprimé par la copule
être et ses succédanées sembler, reste,
demeurer, etc. Dans ce cas, la complétive dépendra du
nucléus formé par V+Adj. Par contre si V est syntaxiquement
exprimé par un verbe occasionnellement attributif, le lien entre V et
Adj semble relâché et tendrait vers une autonomie et chacun.
Conséquemment, Que P serait le subordonné exclusif d'Adj.
La caractérisation syntaxique de l'adjectif et de la
complétive qui en dépend est au coeur de notre entreprise. Et,
pour sous-tendre nos démonstrations, nous avons convoqué le
lexique-grammaire comme théorie de référence. Le
lexique-grammaire est un modèle formel, une théorie syntaxique de
nature transformationnelle.
langue qui doit son existence à Maurice Gross et son
LADL (Laboratoire automatique documentaire linguistique). En effet, selon
Vivès (1985 : 49),
un lexique-grammaire est une description des
propriétés syntaxiques, distributionnelles et
transformationnelles de certains items lexicaux (verbes, noms, adjectifs) dans
les phrases simples d'une langue, c'est-à-dire celles dont la forme
générale est sujet+verbe+ (compléments). Les descriptions
sont présentées sous-forme de matrices binaires traitées
informatiquement : l'axe horizontal correspond à l'entrée
lexicale décrite (un verbe, un adjectif, un nom) et l'axe vertical
à une phrase. La matrice indique par les signes « + » ou
« - » si l'entrée lexicale peut se réaliser dans telle
ou telle construction.
On comprend que le lexique-grammaire procède à
l'étude de la distribution des unités lexicales
prédicatives au double plan syntaxique et sémantique.
Voilà pourquoi Amr Helmy (2003 :102) affirme que dans un
lexique-grammaire, la sémantique est indissociable des mécanismes
formels de la grammaire à travers lesquels se construit la
prédication.
Pour mieux appréhender cette théorie, nous
retiendrons le résumé que nous donne Laporte (1999 : 3-6). Pour
cet auteur, on peut résumer le lexique-grammaire en trois points
essentiels. Ladite théorie considère la phrase simple comme
unité minimale d'étude du sens, parce que cette dernière
déclenche systématiquement une intuition de sens et de jugement
d'acceptabilité. En second lieu, ces phrases peuvent être
formalisées de manière algébrique suivant le modèle
N0 être propre. Cette suite montre que chaque schéma
de phrase simple comporte un élément lexicalement
spécifié, et qui en principe a un caractère
prédicatif ; un, ou plusieurs actants ou argument peuvent s'y ajouter.
Enfin, le lexique-grammaire est une théorie
transformationnelle. Un schéma donné peut en effet produire
d'autres par diverses transformations.
Contrairement à d'autres théories linguistiques
centrées sur la prédominance du verbe ou celle du substantif, le
lexique grammaire fait la part belle à toutes les têtes
grammaticales. On peut dès lors comprendre Laporte (op. cit.)
qui affirme :
L'élément central, en principe
prédicatif d'un schéma de P, n'est pas forcément un verbe,
mais comporte généralement une partie conjugable, par exemple le
verbe être. Lorsque cette partie conjugable est un mot grammatical dont
l'apport sémantique est limité, comme être, elle est
qualifiée de support.
Le lexique grammaire-grammaire a aussi la particularité
de concevoir la phrase comme un tissu de relations. Les principales relations
intraphrastiques utilisées par la méthode du lexique-grammaire
sont les relations de prédicat à argument. Les constituants
sont examinés les uns dans leur dépendance avec
les autres. En réalité, comme le pense De Goia (2015 : 5),
en lexique-grammaire, on n'examine pas un verbe
séparément du sujet ou de ses compléments
éventuels, car aucune donnée linguistique n'est
étrangère au contexte phraséologique où elle
fonctionne : aucun mot de la langue n'a d'autonomie
syntactico-sémantique, autrement dit, tout mot entre dans une phrase
élémentaire
Le lexique-grammaire permet d'analyser différentes
structures de phrases simples et de les classer. En rapport avec notre sujet,
elle offre un double avantage. D'une part, elle autorise le traitement
concomitant des structures au double plan syntaxique et sémantique.
Précisons néanmoins que l'utilisation du plan sémantique
dans la méthode du lexique-grammaire consiste surtout à
être attentif aux différences de sens entre des phrases
très voisines, par exemple, l'actif et le passif. Mais dans les
résultats, les traits sémantiques sont peu formalisés. Ce
faisant, elle aide à pallier l'éclectisme et à donner une
constance méthodologique au travail. D'autre part, c'est une
théorie d'un accès facile au plan formel et
métalinguistique. Laporte (Op. cit. :7) pour ce faire que
le lexique-grammaire est a suffisamment de
simplicité formelle et de netteté pour qu'on ait envisagé
de construire des grammaires formelles, c'est-à-dire des grammaires dont
le contenu informatif atteint celui requis en mathématiques ou en
informatique. Le lexique-grammaire a une grande retenue dans la création
de métalangage.
En dépit des avantages sus-relevés, il faut
apporter une nuance relativement à la notion de phrase simple. Le
lexique-grammaire utilise ce terme dans le sens de « phrase
élémentaire ». Or, si la phrase
élémentaire comporte des arguments phrastiques, ne devient-elle
pas de fait une phrase complexe ?
Pour les lexicogrammairiens, la phrase simple est
l'unité de base de l'analyse de la langue. De notre point de vue, on
peut aussi analyser la phrase complexe à l'aune de cette théorie.
La phrase complexe est aussi une phrase élémentaire. L'opposition
traditionnelle entre phrase simple et phrase complexe est
neutralisée.
Qu'elle soit simple ou complexe, la phrase a le même
schéma structurant. Définissant par exemple la phrase complexe,
Riegel et al. (2014 : 780) déclarent :
syntaxiquement, une phrase est complexe si elle
possède globalement les attributs définitoires de la phrase
[...] Elle comprend un constituant qui, ayant lui-même la
structure d'une phrase (P?GN+GV), se trouve ainsi être en relation de
dépendance ou d'association avec une autre structure de phrase.
Le constituant dont il est question dans le deuxième
membre de cette définition est la traditionnelle proposition
qui est, non plus un élément d'apparente autonomie et
coupé de la réalité phrastique, mais un constituant
inséré dans le schéma d'une phrase. La proposition est
sentie soit comme un syntagme majeur de la phrase, soit comme un
subordonné de l'un des syntagmes du schéma structurateur de la
phrase. Elle est un membre enchâssé. Par conséquent, phrase
simple = phrase complexe = SNO + V+ X, quel que soit le degré de
complexification de l'énoncé. Nous aurons donc toujours un
prédicat possédant un schéma d'actants. La
complétive de l'adjectif sera une expansion du prédicat
adjectival.
La syntaxe transformationnelle est une grammaire formelle
issue du structuralisme qui, selon Dubois (1969 :7),
se donne pour tâche la description des règles
qui constituent la langue. Il s'agit [...] de définir par la
seule combinatoire interne un système abstrait, commun à
l'ensemble des locuteurs et qui se réalise dans de multiples variantes
individuelles, dans des actualisations infinies, mais qui, toutes, sont des
manifestations d'une même structure.
Il y a plusieurs variantes de la syntaxe transformationnelle.
La première, due à Zellig Harris, conserve les méthodes
structuralistes et distributionalistes. Celle de Noam Chomsky, venue
après, rejette ces méthodes au profit de l'intuition directe,
c'est-à-dire la grammaire générative. Enfin, le
lexique-grammaire, venu en troisième lieu, utilise
systématiquement les méthodes structuralistes et
distributionalistes. Nous exploiterons la dernière variante, le
lexique-grammaire. Selon Dubois (1969 : 13-14),
tout sujet parlant une langue porte sur les phrases
produites des jugements de grammaticalité ; en d'autres termes, il
considère certaines phrases comme appartenant à la langue et il
en rejette d'autres [...] Toute grammaire doit non seulement
engendrer, c'est-à-dire expliciter toutes les phrases d'une langue, mais
aussi ne pas engendrer les phrases jugées agrammaticales et fournir les
éléments essentiels qui permettent de classer les phrases selon
les degrés de grammaticalité.
La notion de grammaticalité est déjà
présente chez Harris, avec un autre terme : acceptabilité au lieu
de grammaticalité. Mais le concept est en réalité
pratiquement le même. Dans notre l'analyse, nous utiliserons plus la
notion de transformation et les opérations linguistiques. La
manipulation de la phrase s'effectue par une série d'opérations.
Pour Feuillard (2003 : 32), ce sont des procédures d'analyse
explicites et objectives qui permettent de saisir le fonctionnement d'un
élément et de faire ressortir ses propriétés.
Relevons néanmoins qu'il y a une part d'objectivité dans
l'application des opérations, mais il y a forcément une part de
subjectivité dans l'appréciation de l'acceptabilité des
formes
obtenues, et dans l'appréciation de la
différence de sens qui accompagne l'application des opérations.
Entre autres tests, nous emploierons la commutation, la pronominalisation, la
permutation, le déplacement, la coordination, et l'effacement. À
celles-là, on peut ajouter, selon Riegel (1984 :34-36), la
transformation passive, l'extraction, l'interrogation. Appliquées aux
énoncées, elles permettront de juger de leur
grammaticalité et de leur acceptabilité. Relevons avec Feuillard
(2003 :45) que ces
procédures sont à la fois solidaires et
complémentaires, mais aucune d'elle n'a de valeur absolue : elles
peuvent au sein d'une langue, concerner différents
phénomènes et ne sont jamais applicables à tous les cas,
d'où la nécessité de recourir à plusieurs d'entre
elles, sans que cela n'entraîne un manque
d'homogénéité.
En d'autres termes, pour plus de fiabilité dans les
analyses, il faudrait capitaliser concomitamment diverses opérations.
Toutefois, contrairement à Dubois (1969 :16) qui pense
que les transformations n'impliquent aucune addition ou modification de
sens, nous envisageons des extensions et restrictions de sens. C'est un
élément essentiel de la méthode du lexique grammaire.
Gross (1975) l'a appelé une différence sémantique
minimale. Dès lors qu'une phrase est transformée, elle n'est plus
tout à fait la même. De ce fait, une phrase dotée d'une
complétive adjectivale ne peut avoir la même interprétation
qu'une transformation de son schéma en unipersonnel, au passif, etc.
Pour un même prédicat adjectival, deux syntactifications
dotées de deux modes, de deux prépositions ou d'une
nominalisation ne peuvent avoir le même sens.
Les démonstrations de notre travail sont sous-tendues
par un corpus de 380 énoncés comportant des complétives
adjectivales en majorité et des complétives du nom et de
l'adverbe pour des besoins de comparaison. Une des critiques qui pourrait peser
sur ce corpus est son économie. À ce sujet, notre propos est, non
pas d'étudier tous les adjectifs qualificatifs à
complément phrastique du français chacun pris dans sa
singularité, mais de ressortir les structures des complétives qui
s'y trouvent et de décrire leur fonctionnement syntaxique et, dans la
mesure du possibles les traits définitoires. Notre corpus se veut plus
représentatif qu'exhaustif. En cela, il aurait été
inabordable de les embrasser tous au risque de donner des descriptions
ramassées. Il n'est donc pas question d'une étude statistiquement
quantitative, mais qualitative. La présente étude est un
tremplin, il s'agit des prolégomènes en vue de
l'établissement d'un lexique-grammaire des adjectifs qualificatifs
intégrant la complétive de l'adjectif.
Les énoncés ont manuellement été
collectés dans un hebdomadaire français, Le Point et
dans des romans. Ce sont Le vieux nègre et la médaille
de Ferdinand Oyono, Ville cruelle d'Eza Boto, Les soleils des
indépendances de Kourouma, Trop de soleil tue l'amour de
Mongo Beti, et Le Procès de Kafka.
L'hétérogénéité de ce corpus peut être
jugée préjudiciable pour certains.
Nous pensons que, pour une étude qui vise une langue et
non un style ou un genre littéraire, la diversité du corpus est
un atout. Le corpus est en effet collecté dans des textes appartenant
à des registres variés. Une fois encore, nous cherchions un
matériau linguistique sur lequel faire reposer les analyses. Du moment
où l'énoncé analysé est en langue française
et que sa structure et sens sont correctes, peu importe la source. L'enjeu de
notre corpus réside moins sur la source de l'occurrence que sur le
statut grammatical de l'énoncé à analyser. Les occurrences
sont des phrases complexes comportant une complétive liée
à un adjectif qualificatif. Les adjectifs et leurs complétives
ainsi relevés serviront d'illustrations à nos propos au fil des
chapitres.
Le travail suit une progression en deux parties
équilibrées de deux chapitres chacune. La première partie
est centrée sur l'adjectif qualificatif. Les fondements de cette notion
et son fonctionnement sont mis en lumière. Le premier chapitre,
intitulé Historique de la notion de l'adjectif, dressera une
histoire de la notion d'adjectif qualificatif en grammaire traditionnelle et en
linguistique structurale. Les éléments constitutifs de cette
classe syntaxique et son fonctionnement morphosyntaxique seront mis en
exergue.
Le deuxième chapitre, consécutif au premier,
traite de la typologie et de la complémentation des adjectifs en
français.
La deuxième partie du travail est constituée des
chapitres trois et quatre. Elle analyse la notion de complétive. Le
troisième chapitre fait une étude différentielle et
contrastive des complétives non-verbales. Intitulé Les
complétives non-verbales : essai de syntaxe, ce chapitre compare
les complétives du nom, celle de l'adverbe et celle de l'adjectif
qualificatif du point de vue syntaxique et sémantique. Il sera question
de voir ce qui leur est commun et ce qui peut les discriminer. En d'autres
termes, on posera la problématique des traits inhérents à
chaque structure de complétive non-verbale tout en testant
l'hypothèse d'une certaine harmonie entre elles.
Le quatrième chapitre procède à une
analyse des complétives adjectivales. Tel que l'annonce son titre,
La complétive adjectivale : description morphosyntaxique et
sémantique, ce chapitre dira présente les constructions de
la complétive adjectivale, leurs propriétés
transformationnelles et distributionnelles.
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DIACHRONIE DE L'ADJECTIF EN FRANÇAIS
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