1.4 Problématique
Le développement d'une protection catégorielle
au profit du travailleur étranger et l'englobement progressif du droit
des étrangers par le droit international des droits de l'homme nous
conduit à nous interroger sur l'existence d'un statut juridique
international du travailleur migrant.
Le statut juridique désigne un ensemble de
règles internationales applicables à une catégorie de
personnes et qui en déterminent la condition et le régime
juridique35. Les règles internationales, quelle que soit leur
source, vont venir compléter, et non se substituer aux règles
internes. Mais ces différentes normes internationales protectrices se
limitent-elles à reconnaître aux travailleurs étrangers des
droits a minima (capacité de jouissance), les États faisant
toujours écran ? Robert Chiroux écrivait, en 1979, qu'un tel
statut n'existait pas, en se référant aux analyses du Professeur
Charles Rousseau sur la place de l'individu en droit international; ce dernier
considérait que, sauf exception, « les individus ne [pouvaient] se
prévaloir de façon directe et immédiate des règles
de droit international ; celles-ci leur [étant] appliquées par
des procédures internes c'est-à-dire étatiques
»36. Selon Robert Chiroux, cette réflexion est
pertinente à propos des travailleurs étrangers qui « ont
seulement profité de la protection des ambassadeurs et surtout des
consuls de leurs pays d'origine »37.
Près de 258 millions de personnes vivent hors de leur
pays d'origine, parmi lesquels 60 à 65 millions occuperaient un emploi
à titre de travailleur migrant. Près d'une personne sur dix
habitants dans une région développée est un travailleur
migrant. Les régions au niveau de développement le plus
élevé accueillent chaque année près de 2,3 millions
de migrants venant de régions moins
développées38.
35 G. CORNU, op.cit., p.886
36 C. ROUSSEAU, Traité de droit international
public, Sirey, 1974, tome II, p.697.
37 R. CHIROUX, « Les travailleurs
étrangers et le développement des relations internationales
», op.cit., p.17
38 Adapté de l'Organisation des Nations
unies, « Une personne sur dix dans les régions
développées est un travailleur migrant, révèle le
rapport sur les migrations internationales 2002 », 2003,
consulté le 25-072010)
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ROODLY RICHARD
8/2/19
Plaidoyer pour un cadre juridique de la protection des
travailleurs migrants et migrantes haïtiens et haïtiennes: le cas de
la République Dominicaine, des États-Unis et du Chili de 2008
à 2018.
vit à l'étranger. On estime que c'était
le cas de 1,2 million d'Haïtiens en 2015, soit plus de 11 % de la
population. Les principales destinations d'émigration sont les
États-Unis, qui accueillent près de la moitié des
émigrés haïtiens, la République dominicaine, le
Canada et la France39.
Les travailleurs migrants peuvent être encore
divisés en trois sous-catégories, selon qu'ils sont :
1ere sous-catégorie les migrants résidents :
immigrants qui ont obtenu le statut légal de travailleur du pays
d'accueil. 2eme sous-catégorie, les migrants temporaires :
admis pour une période déterminée dans un pays d'accueil,
par exemple : les médecins et les scientifiques.
3eme sous-catégorie, les migrants illégaux :
immigrants qui n'ont pas obtenu du pays d'accueil l'autorisation légale
d'y travailler40.
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