Plaidoyer pour un cadre juridique de la protection des travailleur migrants haïtiens. Cas de la République Dominicaine, des états-Unis et du Chili de 2008 à 2018.par Roodly RICHARD Ecole de Droit et des Sciences Economiques des Gonaives (UEH) - Licence 2015 |
Chapitre II : Valeurs institutionnelles juridiques de la rechercheSection I : Cadres institutionnels de la rechercheDans notre pays, le contrôle et la gestion de la migration sont attribués à diverses instances qui se manifestent généralement par l'offre de certains services et de prestations sociales. Le Ministère de l'Intérieur et des Collectivités Territoriales assure les fonctions régaliennes, la défense nationale; il contrôle, entre autres, le service de l'immigration qui délivre les passeports. Le ministère de la justice analyse les dossiers qui se rapportent à la justice; le ministère des haïtiens vivant á l'étranger intervient dans les relations nationales et celles des pays étrangers, il se préoccupe des haïtiens de l'extérieur. Le Ministère des Affaires Étrangères, auquel est confié le rôle d'officier d'état civil, crée un cadre propice pour les Haïtiens résidant à l'étranger et octroie les visas d'entrées. En dernier lieu, le Ministère des Affaires Sociales qui se charge des problèmes de la société joue un rôle très actif dans la distribution des dons aux rapatriés. Par ailleurs, le gouvernement de l'époque a créé deux autres institutions après la conférence mondiale du CIPD en 1994 tenue à Mexico. Le premier est le Ministère des Haïtiens vivant à l'Étranger. Il est créé par un décret en janvier 1995 et a une triple mission :
Le second, l'Office National de la Migration (ONM) qui fonctionne sur la tutelle du Ministère des Affaires Sociales. Le décret du 27 mars 1995 lui donne naissance. Sa mission est d'accueillir et d'insérer les rapatriés, les déplacés internes; et ensuite de proposer une politique migratoire. 68 Office nationale de la migration (ONM). 2000. Projet de politique migratoire, document préliminaire. Port-au-Prince, p 48. Page 38 of 125 ROODLY RICHARD 8/2/19 Plaidoyer pour un cadre juridique de la protection des travailleurs migrants et migrantes haïtiens et haïtiennes: le cas de la République Dominicaine, des États-Unis et du Chili de 2008 à 2018. Le Ministère des Haïtiens vivant à l'étranger est prévu comme structure institutionnelle lors de l'exécution du décret de janvier 1995, cependant l'ambiguïté se manifeste lors de la prise de décision. La situation n'est pas différente de celle de l'ONM, le décret créant l'institution n'est pas publié. Il n'existe pas de loi qui énonce clairement ses objectifs et ses critères. Le contrôle et la gestion du phénomène migratoire haïtien ne sont pas bien définis. Les déplacements à l'intérieur du pays se font sans la moindre intervention de l'État, les décisions pénales ne sont pas prises et ni exécutées par le tribunal correctionnel. 1.1Impact des travailleurs migrant sur le plan socialIl visait à examiner l'attitude du ministère du Travail face à la couverture sociale des travailleurs migrants dans l'entre-deux-guerres. Cet angle d'analyse engageait plusieurs processus historiques de portée large et requérait de reconstituer le tissu d'institutions, tant nationales qu'internationales, qui fixait l'horizon d'action et de réflexion du ministère du Travail. En effet, l'intérêt de l'entre-deux-guerres pour les droits sociaux des migrants ne peut être compris à l'échelle nationale. Il est partagé par toutes les nations du monde industrialisé, depuis qu'elles ont entrepris de développer des systèmes nationaux de protection sociale : le franchissement des frontières nationales pose désormais la question des droits à conférer aux étrangers, processus dans lequel chaque État, un peu à la manière d'un vaste système de compensation à l'échelle mondiale, est engagé. Dès la fin du XIXe siècle, des conférences internationales se consacrent spécifiquement à la question. Dans les années vingt, elles sont relayées par les grandes organisations internationales nées au lendemain de la Première Guerre mondiale. Plusieurs solutions sont adoptées et, parfois, se combattent pour réglementer le statut des migrants, des conventions internationales patronnées par le Bureau international du Travail, aux traités bilatéraux entre pays émetteurs et récepteurs. Dans ce processus, le ministère du Travail joue, dans chaque pays, un rôle majeur, qui ne peut être compris qu'en adoptant une perspective « relationnelle ». À travers la question « stratégique » des droits sociaux des migrants, on peut reconstituer l'univers des contraintes Page 39 of 125 ROODLY RICHARD 8/2/19 Plaidoyer pour un cadre juridique de la protection des travailleurs migrants et migrantes haïtiens et haïtiennes: le cas de la République Dominicaine, des États-Unis et du Chili de 2008 à 2018. qui pèsent sur le ministère, circonscrire son périmètre d'action et son efficacité propre, étudier sa réaction aux pressions politiques et institutionnelles qui s'exercent sur lui, et enfin examiner sa façon d'utiliser et de s'approprier des propositions et des projets conçus par des experts dans des instances qui échappent à son contrôle direct. La démarche permet également de franchir les frontières nationales. Partir d'un objet circonscrit mais sensible permet en effet d'inclure dans l'analyse les connexions internationales qui font partie prenante de l'horizon du ministère du Travail. Nous avons suivi ses représentants dans les grandes instances consacrées aux migrations de travail : les conférences internationales tout d'abord, qu'elles soient administratives, savantes, ou suscitées par des associations de défense des migrants ; mais aussi les organismes internationaux. Nous avons prêté une attention particulière au Bureau international du Travail, et aux pressions de divers types qu'il a exercées sur le ministère du Travail. Le cas des migrations de travail nous a permis de mieux mesurer les modalités et l'efficacité relative de ces pressions extérieures, et du même coup les limites de l'autonomie du ministère du Travail69. Notons au passage que ces divergences ou incohérences, qui peuvent affaiblir la maîtrise étatique des migrations, ne minimisent en rien les inconforts de la condition des immigrants ni les pratiques discrétionnaires dont ils sont l'objet, car elles se traduisent par des changements d'attitude souvent brusques de la part des institutions qui déterminent leur sort dans le pays d'accueil70. 69 Premières publications issues du rapport de recherche : Caroline Douki, David Feldman et Paul-André Rosental, « Pour une histoire relationnelle du ministère du Travail en France, en Italie et au Royaume-Uni dans l'entre-deux-guerres : le transnational, le bilatéral et l'interministériel en matière de politique migratoire », in Alain Chatriot, Odile Join-Lambert et Vincent Viet (ed.), Les politiques du travail (1906-2006). Acteurs, institutions, réseaux, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2006, p. 143-159. Paul-André Rosental, « Géopolitique et État providence : le BIT et la politique mondiale des migrations dans l'entre-deux-guerres », Annales. Histoire, sciences sociales, 61, 1, 2006, numéro thématique « Histoire politique des populations », p. 99-134. 70 Caroline Douki, David Feldman et Paul-André Rosental, La protection sociale des travailleurs migrants dans l'entre-deux-guerres : le rôle du ministère du Travail dans son environnement national et international (France, Italie, Royaume-Uni) Note de synthèse du rapport de recherche. Dans Revue française des affaires sociales 2007/2, pages 167 à 171. https://www.cairn.info/revue-francaise-des-affaires-sociales-2007-2-page-167. Page 40 of 125 ROODLY RICHARD 8/2/19 Plaidoyer pour un cadre juridique de la protection des travailleurs migrants et migrantes haïtiens et haïtiennes: le cas de la République Dominicaine, des États-Unis et du Chili de 2008 à 2018. |
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