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Démarche lean et respect des bonnes pratiques de fabrication.


par Pauline Bezault
Université François Rabelais de TOURS - Master 2 Management de la Qualité et des Projets 2019
  

Disponible en mode multipage

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Université François Rabelais de TOURS

Démarche Lean Management et

respect des Bonnes Pratiques de

Fabrication

Cas d'une entreprise de production pharmaceutique

Novo Nordisk Production - Chartres (28)

Master 2 Management de la Qualité et des Projets Formation par Apprentissage

Année universitaire 2018-2019
Mémoire réalisé par Mlle Pauline BEZAULT

Mr Daniel LEROY

Responsable pédagogique: Directeur du Master 2

Mme Elodie DAHURON

Responsable d'entreprise: Ingénieure Assurance Qualité

Institut d'Administration des Entreprises
Mémoire de fin d'études

« L'université n'entend donner aucune approbation ni improbation aux opinions émises dans le mémoire : ces émotions doivent être considérées comme propres à leurs auteurs ».

I

Remerciements

Dans un premier temps, je tiens à remercier Novo Nordisk Production, qui m'a permis d'effectuer cette année d'alternance à Chartres, pour clôturer cette deuxième année de Master en Management de la Qualité et des Projets.

Ma gratitude s'adresse tout particulièrement à ma tutrice d'entreprise, Mme Elodie DAHURON, qui a su me faire confiance, m'a confié des missions très intéressantes tout au long de l'année, en rapport avec mon projet professionnel, mais aussi en cohérence avec ma formation.

J'adresse mes remerciements à mon directeur de mémoire Mr Daniel LEROY, également Directeur de la formation, qui m'a suivi tout au long de cette année, et m'a guidé pour rédiger ce mémoire.

Enfin, je remercie l'Université François Rabelais de Tours, ainsi que l'Institut d'Administration des Entreprises, pour m'avoir donné l'opportunité d'effectuer ce Master, et ainsi de poursuivre mon projet professionnel.

II

III

Sommaire

Remerciements II

Sommaire III

Table des figures et tableaux IV

Glossaire V

Introduction 1

PARTIE 1 : Etat de l'art 3

I. Evolution du concept de la qualité et de sa perception 3

II. Les réglementations en industrie pharmaceutique 8

III. Le Lean Management dans un environnement BPF 11

IV. L'intérêt économique d'une stratégie Lean pour l'entreprise 17

V. Les travailleurs et le Lean 22

VI. Conclusion de l'état de l'art 25

PARTIE 2 : Enquête 27

I. Contexte de l'étude 27

II. Méthodologie de recherche 33

III. Questionnaire 35

IV. Observations 50

V. Conclusions de l'enquête 622

Conclusion 64

Apports et limites 66

Bibliographie Erreur ! Signet non défini.

Table des matières Erreur ! Signet non défini.

Résumé 73

Table des annexes 74

IV

Table des figures et tableaux

Figure 1 : Modèle de la performance en gestion de projets 18

Figure 2 : Schéma représentant le modèle de performance de Gibert (GILBERT & YALENIOS, 2017)

18

Figure 3: Bref historique du site de Chartres 27

Figure 4 : Evolution du site Novo Nordisk Chartres 28

Figure 5 : Représentation de la chaine de valeur de Novo Nordisk. 29

Figure 6: Schéma du processus de production simplifié 29

Figure 7 : Population source des personnes interrogées 36

Figure 8 : Poste occupé par les répondants 37

Figure 9 : Distribution des différentes formes d'application du Lean (en %) 37

Figure 10 : Application du Lean en entreprise - Répartition des réponses par population 38

Figure 11 : La place du Lean dans les BPF 39

Figure 12 : Comparaison des deux populations - Utiliser des principes Lean facilite le respect des BPF

43

Figure 13 : Comparaison des deux populations - J'arrive à respecter les BPF en utilisant le Lean 44

Figure 14 : Comparaison des deux populations - Je pense que le Lean et les BPF sont contradictoires.

44

Figure 15 : Intérêt du Lean en industrie pharmaceutique 45

Figure 16 : Principes Lean non appliqués en industrie pharmaceutique 46

Figure 17 : Effets du Lean sur les travailleurs 47

Figure 18 : Processus simplifié de la réalisation d'un APS 51

Figure 19 : Processus simplifié de la supervision des APS par l'Assurance Qualité 51

Figure 20 : Processus détaillé de la supervision des APS par l'Assurance Qualité, avec recherche du

point d'origine des problèmes. 52

Figure 21 : Graphique montrant l'évolution de la conformité des indicateurs aux KPIs 57

Figure 22 : Représentation schématique du principe Nécessaire et Suffisant 62

Tableau 1 : Comparaison Lean et BPF. Traduit de (GREEN & O'ROURKE, 2006) 12

Tableau 2 : Prise de conscience des principaux aspects des BPF par les industries pharmaceutiques.

Traduit de (JAIGANESH & SUDHAHAR, 2013) 15

Tableau 3: Postures de recherche, d'après Perret et Girod-Séville (1999) et Giordano (2003) 34

Tableau 4 : La place du Lean dans les BPF- Score des réponses pour tous les répondants 40

Tableau 5 : La place du Lean dans les BPF - Comparaison des deux populations 41

Tableau 6 : Calcul des variances de scores obtenus aux différentes questions, selon la population 42

Tableau 7 : Calcul du test de Fisher, selon la population 42

Tableau 8 : Tableau de statistiques sur les indicateurs de délais et supervision des APS 56

Glossaire

ANSM Agence Nationale de Sûreté des Médicaments et des produits de santé

A3 SPS Systematic Problem Solving - outil de résolution de problème

API Activ Pharmaceutical Ingredient - Ingrédient pharmaceutique actif

APS Aseptic Process Simulation - simulation de procédé aseptique

AQ Assurance Qualité

Asepsie Absence de germes microbiens susceptibles de causer une infection.

BPF Bonnes Pratiques de Fabrication

cLean current Lean - Lean actuel

FlexPen Stylo pré-rempli d'insuline

INRS Institut National de Recherche et de Sécurité

ISO Internationale Standardisation Organisation - Organisation internationale de

standardisation

Mediafill Technique de remplissage aseptique avec un milieu de culture, dans la démarche de simulation de procédé aseptique

PenFill Cartouche d'insuline de 1,5mL, assemblée dans les FlexPen

R&D Recherche et Développement

TL Team Leader - Chef d'équipe

V

1

Introduction

Nous assistons, depuis les années 2000, à une augmentation globale des coûts liés à la santé dans le monde. En France par exemple, les dépenses liées à la santé n'ont cessé d'augmenter : de 5.2% du PIB en 1970, ces dépenses s'élèvent en 2000 à 9.6% du PIB français et à 11.2% du PIB en 2018. Aux Etats-Unis, 16.9% du PIB était consacré à la santé en 2018, contre 12.5% en 2000 et 6.2% en 19701.

Pour contrer ces hausses, une politique de déremboursement et de diminution des prix des médicaments a été menée en France, ce qui favorise les médicaments à faible coût. Au contraire, aux Etats-Unis, le prix de certains médicaments a explosé, ce qui pose des problèmes aux patients pour avoir accès aux soins. En réponse, l'industrie pharmaceutique a dû mener une stratégie de réduction des coûts, afin de conserver sa croissance et sa compétitivité d'une part, et de permettre un meilleur accès aux soins à tous les patients d'autre part.

Les stratégies Lean, mises en place en premier lieu dans les industries automobiles, puis aéronautiques, ont alors gagnées le milieu pharmaceutique. « Lean » est un mot anglais qui signifie, au sens littéral, maigre ou pauvre. En entreprise, le Lean est une philosophie qui émane de l'entreprise japonaise Toyota, et qui prend ses racines dans le Taylorisme et la recherche scientifique de la performance dans le travail.

Ce concept a donné naissance notamment au Lean Management, qui est, selon Michael Ballé, spécialiste du Lean Management depuis plus de 25 ans, « une méthode de management qui vise l'amélioration des performances de l'entreprise par le développement de tous les employés » (BALLE, La définition du Lean management, 2007).

Chez Novo Nordisk, une démarche Lean est menée depuis plusieurs années, afin d'améliorer les performances de l'entreprise. La place du Lean, dans cet environnement très dépendant des réglementations, comme les Bonnes Pratiques de Fabrication, peut être difficile. Cette étude a donc pour enjeu de permettre une bonne mise en place du Lean Management à l'Assurance

1 Source : Issu de la base de données de l'Organisation de Coopération et de Développement Economique (OCDE). Consulté sur https://stats.oecd.org/Index.aspx?DataSetCode=SHA le 30/07/2019

Qualité, en identifiant les opportunités et les limites d'une telle démarche, et en explorant l'intérêt pour une entreprise, mais aussi pour un manager.

2

3

PARTIE 1 : Etat de l'art

I. Evolution du concept de la qualité et de sa perception

La qualité, un concept général

Le mot qualité est utilisé dans différents contextes. On parle ainsi de « qualité de lumière » en photographie, ou encore de « qualité morales » ou « qualités de coeur » pour un trait de caractère. Le dictionnaire Larousse nous donne les définitions suivantes : « Chacun des aspects positifs de quelque chose qui font qu'il correspond au mieux à ce qu'on en attend ; Ce qui rend quelque chose supérieur à la moyenne ». (Larousse, 2019)

L'Organisation Internationale de Normalisation (International Standardization Organization ou ISO), plus grand organisme de normalisation au monde, caractérise quant à elle la qualité comme étant « l'aptitude d'un ensemble de traits distinctifs intrinsèques d'un objet à satisfaire des exigences » (Editions ISO, 2015). La qualité d'un produit est donc sa capacité à correspondre aux attentes de l'utilisateur, à le satisfaire.

Dans le cas d'un produit pharmaceutique, on peut définir deux types d'utilisateurs, ou clients : les médecins, qui vont prescrire le produit, et les patients, qui vont l'utiliser. En marketing, la satisfaction d'un client est « le sentiment de plaisir qui naît de la comparaison entre des attentes préalables et une expérience de consommation » (BAYNAST, LEVY, & LENDREVIE, 2017).

Les démarches qualités depuis les révolutions industrielles

Après le XIXe siècle et la Révolution Industrielle, le paysage économique est profondément modifié. En effet, on passe d'une économie agraire et artisanale, à une économie tournée vers l'industrie.

Avec le XXe siècle, ces changements économiques conséquents aboutissent à l'apparition d'une consommation et une production de masse. Cela entraîne bien sûr une modification profonde de l'entreprise mais aussi du management dans son ensemble, et notamment de la notion de qualité.

En effet, c'est dans les années 1880 que Frederik Winslow Taylor met au point sa méthode d'organisation scientifique du travail, qui prône une analyse rigoureuse des éléments de travail,

4

en recherchant la « meilleure façon de faire » comme référence. En 1908, Henry Ford reprend ces principes et présente un nouveau modèle d'organisation du travail, basé sur la simplification et la standardisation des composants, afin de permettre une production en série.

C'est aussi à cette époque que des découvertes capitales en médecine sont effectuées, en particulier la pénicilline et l'insuline, respectivement en 1928 et 1921, qui commencent peu après à être produites en quantité industrielle, et donnent le jour à l'industrie pharmaceutique.

Dans la première partie du XXe siècle, la démarche qualité est avant tout une méthode de contrôle, destinée à améliorer la fiabilité des produits fabriqués, et ainsi garantir le bon fonctionnement de l'entreprise. Cette période est caractérisée par deux phases, selon Caby et Jambart (CABY & JAMBART, 2000).

Apparue dès le début des années 1900, la première phase est une phase d'inspection. En effet, la production de masse induit le besoin d'établir des modèles de fabrication standards, pour comparer tous les produits fabriqués à ce standard. Le principal inconvénient de cette méthode est le coût de contrôle rapidement prohibitif, avec l'augmentation des quantités produites. L'année 1924 mène à la deuxième phase, celle de la maîtrise statistique. Les spécialistes de la qualité cherchent alors, en utilisant des outils mathématiques et statistiques, à s'assurer de la fiabilité d'un processus. Il n'y a plus alors de nécessité de contrôler tous les produits créés, mais seulement des échantillons, abaissant considérablement le coût de contrôle.

Une démarche qualité pour rassurer les clients et contrôler les produits

Walter A. Shewhart (1931), dans son livre Economic Control of Quality of Manufactured Products, nous dit que « la qualité maitrisée n'est pas la qualité constante » (SHEWART, 1931). En effet, quand on mesure la fiabilité d'un processus, la mesure obtenue variera, en fonction de différents paramètres. Selon Shewhart, l'important n'est pas d'obtenir une mesure qui ne variera pas, mais que cette mesure varie dans des limites acceptables. Pour cela, il est nécessaire d'évaluer à quel moment il n'est plus intéressant économiquement de produire : c'est une limite à ne pas dépasser.

5

Edward Deming reprend les travaux de Shewhart, et développe les outils statistiques d'un point de vue managérial, dans son livre Out Of The Crisis. Il y développe les « 14 principes de fondamentaux du management » (DEMING, 1982).

L'Assurance Qualité a pris toute son importance pendant la deuxième guerre mondiale. Il était alors vital de contrôler la qualité de la production de masse pour l'industrie de la défense. L'Assurance Qualité provient du mot anglais insurance qui signifie inspirer confiance, rassurer. Elle a pour but de garantir au client la qualité des produits proposés, et de montrer l'aptitude d'une entreprise à acquérir et pérenniser le niveau de qualité recherché.

Cette démarche a donc pour objectif de donner l'assurance au client que l'on met en oeuvre des moyens pour proposer des produits de qualité, afin de lui donner confiance. Le but est d'atteindre et de maintenir les objectifs de qualité définis.

Le modèle de la Qualité totale

Après la 2e Guerre Mondiale, le Japon, totalement détruit, cherche à relancer son économie. Les dirigeants de Toyota mettent au point un système de gestion de l'entreprise simple mais efficace, avec pour objectif de rattraper la production américaine, qui était alors la première puissance mondiale. Ils s'appuient sur cinq valeurs :

- Réduire les gaspillages

- Assurer une qualité optimale des produits, dès le début de la production

- Produire à la demande des clients, pour réduire les stocks

- Impliquer le personnel de production dans le diagnostic et la résolution des problèmes

- Favoriser l'amélioration en continu, de façon dynamique et en intégrant tous les acteurs

concernés

Cette méthode de management est aussi appelée Total Production System, ou système de production totale. L'objectif de cette méthode de management est d'impliquer la totalité de l'entreprise dans la démarche qualité. Elle permet une production plus efficace, et une implication des travailleurs, qui sont directement investis dans la performance de l'entreprise.

6

En 1979, Philippe Crosby publie un livre intitulé Quality is Free2. Il y définit le concept du zéro défaut comme standard de la performance : le but d'une entreprise étant de vendre ce qu'elle produit à des clients, il est primordial de satisfaire ces clients. Pour cela, il lui faut livrer un produit conforme aux attentes du client, à ce qu'on lui a promis. Une dérogation à cette conformité est une entorse à la parole donnée. L'entreprise perd alors de sa crédibilité envers ses clients externes, mais aussi envers ses clients internes. Cela nuit fortement à la capacité d'amélioration de l'entreprise, car elle a perdu en considération, vis-à-vis des clients et des employés.

L'AFNOR retient la définition suivante pour la Qualité totale : « Mode de management d'un organisme, centré sur la qualité, basé sur la participation de tous ses membres et visant au succès à long terme par la satisfaction du client et à des avantages pour les membres de l'organisation et pour la société » (ERNOULT, 2010).

Cette définition place la satisfaction du client comme objectif à long terme d'une démarche qualité, et comme condition sine qua non du succès d'une entreprise. Le management total de la qualité implique aussi la mise en valeur des individus, à travers la valorisation du personnel ou la reconnaissance des mérites. La qualité totale est ainsi une politique de management, qui implique tous les membres de l'organisation, qu'ils soient concernés directement ou non par le processus de production de l'entreprise.

Dans les années 1990, le succès grandissant de Toyota, attribué au Total Production System intrigue les américains. Jim Womak, Daniel Ross et Daniel Jones publient en 1990 un livre intitulé The Machine That Changed The World3, où ils exposent le système de production japonais, comparé aux méthodes de productions américaines ou européennes. Ce livre va permettre la diffusion des méthodes japonaises en occident, qui sera alors appelé Lean Manufacturing, littéralement « production allégée ».

2 Source : Crosby P. (1979). Quality is Free : the art of Making Quality Certain. New American Library (NewYork)

3 Source : Jones, D.T; Ross D. & Womak,J.P (1991). The Machine that changed the World. Simon and Schuster (New York)

7

L'objectif de la méthode Lean est d'améliorer la performance, en se basant sur les principes et techniques déjà à la disposition des managers, et en suivant deux concepts principaux, déclinés en principes de production :

- Le Juste-à-temps : défini comme « La durée idéale de production d'un bien idéale, quand elle correspond aux besoins du client » (BALLE & BEAUVALLET, Le Management Lean, 2016)

o Nivelage de la production en fonction du volume et de la période

o Le flux tiré : on produit pour honorer une commande et pas avant

o Le changement rapide d'outils (SMED)

o L'intégration de la logistique

- L'Autonomation ou jidoka : défini par « la responsabilisation des personnes chargées d'effectuer un travail » (DELBALDO, 2009).

o La séparation de la machine et de l'Homme

o L'arrêt automatique de la chaine de production dès le moindre défaut, sans devoir attendre une décision de la hiérarchie

o Des détrompeurs pour éliminer les causes d'erreur

o Analyser méthodiquement et systématiquement les causes d'erreurs

Le Lean Management est une application des méthodes Lean au management, c'est-à-dire au système d'organisation de l'entreprise. Cette technique de gestion est décrite comme « l'amélioration des performances de l'entreprise par le développement de tous les employés » (BALLE, La définition du Lean management, 2007). L'objectif est alors double : permettre la satisfaction complète des clients, mais aussi le succès et le développement de chacun des employés.

Pour résumer, la philosophie dérivant du Toyota Production System, que l'on nomme « Lean », est un état d'esprit appliqué au monde de l'entreprise, qui vise à réduire toutes les formes de gaspillage, afin de créer de la valeur pour les clients, internes ou externes. Il peut être appliqué à la production, ou encore au management.

8

II. Les réglementations en industrie pharmaceutique

Les réglementations applicables aux industries pharmaceutiques sont très nombreuses, et souvent propres à chaque pays. En Europe, les normes applicables sont les Good Manufacturing Practicies for Pharmaceuticals qui sont très proches des Bonnes Pratiques de Fabrication françaises. Aux Etats-Unis, ce sont les réglementations éditées par la Food and Drugs Administration (FDA). Au Japon, la réglementation à respecter est la Pharmacopée japonaise. En France, nous pouvons lister les Bonnes Pratiques de Fabrication, mais aussi la Pharmacopée ainsi que le Code de Santé publique. Nous nous concentrerons sur les Bonnes Pratiques de Fabrication dans cette étude.

L'ANSM

L'Agence Nationale de Sécurité du Médicament et des produits de santé est un établissement public, qui a pour mission principale d'évaluer les risques sanitaires présentés par les médicaments et produits de santé, destinés à l'être humain. Elle garantit, au travers de ses missions de sécurité sanitaire, l'efficacité, la qualité et le bon usage de tous les produits de santé destinés à l'Homme.

Les missions de l'agence sont définies par une loi, et quatre missions principales peuvent être dégagées :

- L'évaluation scientifique et médico-économique

- Le contrôle en laboratoire et le contrôle de la publicité

- L'inspection sur sites

- L'information des professionnels de santé et du public

L'ANSM a aussi pour mission de contrôler la communication publicitaire ou non faite autour des produits de santé ainsi que de participer elle-même à des campagnes d'information dans le domaine de la santé. Sa mission de contrôle de la publicité l'amène à examiner le contenu des messages promotionnels des firmes pharmaceutiques destinés aux professionnels ou au grand public.

9

L'ANSM assure la gestion et l'évaluation des essais cliniques portant sur les produits de santé mais aussi, depuis 2008, des recherches biomédicales hors produits de santé. Elle s'assure en particulier que ces recherches ne mettent pas en danger les personnes qui s'y prêtent.

Un système d'Autorisation de Mise sur le Marché (AMM) garantit que les médicaments commercialisés ont été évalués par une autorité compétente, assurant leur conformité avec les normes en vigueur en matière de sécurité, d'efficacité et de qualité. C'est l'ANSM qui accorde cette autorisation de mise sur le marché au titulaire des droits d'exploitation du médicament.

Enfin, pour avoir le droit de produire et commercialiser des médicaments, une entreprise pharmaceutique doit fournir une autorisation d'ouverture, ainsi qu'un certificat de Bonnes Pratiques de Fabrication, qui sont délivrés par l'ANSM.

Les Bonnes Pratiques de Fabrication

L'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) définit les Bonnes Pratiques de Fabrication (BPF) comme « un des éléments de l'assurance de la qualité, garantissant que les produits sont fabriqués et contrôlés de façon uniforme et selon des normes de qualité adaptées à leur utilisation et spécifiées dans l'autorisation de mise sur le marché ». (Agence Nationale de Sûreté des Médicaments, 2016)

Elles ont donc pour objectif de garantir que tous les médicaments répondent aux normes de qualité et de sécurité, ce qui leur permet de garantir une efficacité constante. Les Bonnes Pratiques de Fabrication portent sur tous les aspects des processus de production et de contrôle :

- Un processus de fabrication déterminé et des étapes critiques validées ;

- Des locaux, un stockage et un transport adaptés ;

- Un personnel de production et de contrôle de la qualité formé et qualifié ;

- Des installations suffisantes et qualifiées ;

- Des instructions et des modes opératoires écrits approuvés ;

- La traçabilité complète d'un produit grâce aux dossiers de lot ;

- Des systèmes d'enregistrement et d'examen des réclamations ;

- Un système d'audit interne permettant la vérification de la mise en application et le

monitoring des BPF.

10

Le principe directeur des BPF est que la qualité est intégrée au produit tout au long de sa fabrication, et non pas simplement testée dans un produit fini. Par conséquent, l'assurance de la qualité signifie non seulement que le produit répond aux spécifications définitives, mais aussi qu'il a été obtenu par les mêmes méthodes et dans les mêmes conditions chaque fois qu'un lot est fabriqué.

Il est important de noter que les Bonnes Pratiques de Fabrication sont une réglementation avec obligation de résultat, et non de moyens, même si les conditions de validation des processus sont très clairement définies. Il s'agit donc d'obtenir les résultats fixés par cette réglementation, en utilisant les moyens qui semblent les plus pertinents pour l'entreprise. Cela peut entrainer des interprétations multiples, et une multitude de possibilités en termes d'outils ou de méthodes utilisées.

Département Assurance Qualité (AQ)

L'Agence Nationale de Sécurité des Médicaments, nous donne la définition suivante, pour l'Assurance Qualité : « L'ensemble de toutes les dispositions prises avec les objectifs de s'assurer que toutes les substances actives sont de la qualité requise pour leur usage prévu, et que des systèmes qualité sont maintenus. » (Agence Nationale de Sûreté des Médicaments, 2016)

La principale mission de ce service est d'assurer la bonne conformité de la production vis-à-vis des directives externes, comme les Bonnes Pratiques de Fabrication ou le Code de la Santé Publique, et internes, comme les instructions (SOP : Standard Operating Procedure ou Procédure d'Opération Standardisée). Cela se traduit par le suivi et la validation des nouvelles instructions, des modifications (CR : Change Request ou Requête de Changement), et des déviations.

Ce service est indispensable dans le domaine pharmaceutique, puisqu'il permet aussi d'assurer la libération des lots produits sur le marché, et de conserver le droit de production auprès des autorités telles que l'ANSM et la FDA (Food and Drugs Administration).

Pour conclure, la principale réglementation en industrie pharmaceutique est l'application des Bonnes Pratiques de Fabrication, qui sont obligatoires pour produire des médicaments. Ces

11

bonnes pratiques sont éditées par l'Agence Nationale de Sureté des Médicaments et des produits de santé, qui s'assure aussi de leur respect et de leur bonne application.

III. Le Lean Management dans un environnement BPF

Nous venons de constater que les Bonnes Pratiques de Fabrication, réglementées par l'Agence Nationale du Médicament et des produits de santé, sont une obligation en industrie pharmaceutique. Cela permet de garantir la sécurité des patients. Le bon suivi de ces BPF est obligatoire pour obtenir et maintenir l'autorisation de produire et de vendre des produits pharmaceutiques.

On a aussi vu précédemment que le Lean est une méthode, un état d'esprit visant à réduire les gaspillages pour apporter de la valeur au client, et qui découle de l'évolution de la notion de qualité en industrie. Nous allons maintenant chercher à savoir s'il est possible d'utiliser les méthodes Lean pour appliquer les BPF en industrie pharmaceutique.

Pour cela, nous allons répondre à la question de recherche suivante :

Quelles sont les opportunités et limites d'une démarche Lean Management dans un
service d'Assurance Qualité, qui doit respecter les Bonnes Pratiques de Fabrication ?

Comparaison du Lean et des BPF

En 2006, Anne Green et Dermot O'Rourke ont écrit un article traitant de la place du Lean Manufacturing dans un environnement BPF. Ils y proposent une comparaison du Lean et des BPF.

Pour eux, une comparaison stricte des BPF et du Lean peut amener à penser que ce sont deux « familles en conflit » (GREEN & O'ROURKE, 2006). En effet, on peut voir que les BPF et le Lean ont des objectifs divergents, mais aussi des outils et méthodes différents, ainsi qu'une approche de la production et de l'amélioration distincts.

Ils proposent dans cet article une interprétation du Lean, à travers une perspective BPF : « Le Lean Pharma consiste essentiellement à déterminer comment modifier les procédures opérationnelles en vigueur pour favoriser les améliorations à court terme, tout en respectant

12

les normes techniques, afin de ne présenter aucun risque pour le produit ». (GREEN & O'ROURKE, 2006).

BPF Lean

Objectif

Assurer l'efficacité du

produit

Prévenir les risques

Réduire les gaspillages Créer de la valeur

Focus

Développement du produit Production

Assurance Qualité

Chaine de valeur

Approche de la

production

La qualité avant tout

Qualité équilibrée à la productivité

Amélioration

Régulée et prudente

Continue et simultanée

Principaux buts

Suivre les processus validés Eviter les déviations

Réduire les coûts

Améliorer la qualité

Réduire les temps de cycle

Réduire les stocks

Améliorer la livraison des produits

Principaux outils

Système documentaire Personnel qualifié

Maîtrise de l'environnement Validation et qualification Examen des réclamations Audits

Cartographie de la chaine de valeur

Amélioration Kaizen

Eviter les erreurs

Flux tirés

Flux simple

Entrainement, formation

Déploiement de la fonction qualité

Tableau 1 : Comparaison Lean et BPF. Traduit de (GREEN & O'ROURKE, 2006)

Cet article propose donc 4 recommandations pour faciliter l'usage du Lean dans une industrie pharmaceutique :

Recommandation 1 : « Travail standardisé »

Il faut standardiser les tâches, pour les contrôler et les stabiliser, et ainsi pouvoir les améliorer. Il est aussi plus facile d'identifier les variations ou les erreurs, en temps réel. Le défi consiste à produire des instructions conformes aux réglementations, mais aussi claires et détaillées, pour éviter les différences de pratiques selon les opérateurs par exemple, tout en favorisant l'amélioration continue.

Recommandation 2 : « Des relations client-fournisseur claires »

13

Il faut favoriser les échanges entre les clients et les fournisseurs, mais aussi entre les départements de l'entreprise. Cela favorise une meilleure production, et permet une prise de conscience de l'impact de leurs problèmes sur le flux général. Il faut aussi prioriser l'identification automatique des problèmes, par exemple quand un processus prend plus de temps que le standard. Auparavant, il faut mettre en place des temps de travail standardisés, et identifier les responsabilités de chacun.

Recommandation 3 : « Un flux simple »

Un flux simple signifie sans boucle ou allers-retours, le flux doit être unique et linéaire. Il doit aussi éviter les zones de stock, ce qui ralenti le flux. Les BPF imposent une production en lot, pour éviter la contamination croisée. Cependant, cela perturbe le flux, et crée des stocks et des zones de ralentissement. Diminuer la taille des lots produits permettrait d'être plus réactif face à la demande des clients, et de bénéficier d'un effet d'expérience pour les changements de lots.

Recommandation 4 : « Une amélioration basée sur la science »

L'amélioration doit avoir lieu seulement quand le processus est stabilisé : tenter d'améliorer un processus comportant trop de variations ralentit souvent le processus ou réduit l'effet de toute amélioration.

Les améliorations traditionnelles dans l'environnement BPF résultent d'une réaction à une déviation, plutôt que de la nécessité de réduire les variations. La peur du changement et les systèmes de contrôle actuels rendent l'amélioration continue très difficile. Selon les auteurs, il serait intéressant de s'appuyer sur une approche fondée sur les risques pour mettre en place cette amélioration continue.

Ces conseils révèlent que les principes Lean doivent être adaptés, pour faciliter le respect des Bonnes Pratiques de Fabrication, et éviter les contresens. Ainsi, les procédures de travail doivent à la fois être suffisamment détaillées pour correspondre aux réglementations, et éviter les différences entre opérateur, tout en étant assez souples et adaptables, pour favoriser l'amélioration continue.

14

Enfin, l'approche par les risques pour l'amélioration continue permettrait de favoriser la stabilité des processus. Il ne s'agirait plus de réagir à une non-conformité, mais de l'anticiper et d'éviter qu'elle puisse se produire.

Suivre ces quatre règles permettrait d'appliquer les principes Lean tout en respectant les Bonnes Pratiques de Fabrication, obligatoires pour la production de médicaments par une industrie pharmaceutique. Ces règles fixent donc les enjeux concernant l'adoption et la mise en oeuvre d'une stratégie Lean au sein des entreprises pharmaceutiques.

Principes de Lean Management cachés dans les BPF

Nous venons de voir que le Lean est compatible avec les BPF, à condition d'appliquer certaines règles, pour adapter l'environnement BPF à la philosophie Lean. Pour cela, Greene et O'Rourke les ont comparés l'un à l'autre. Jaganesh et Sudhahar proposent une autre méthodologie, en superposant les BPF et le Lean pour essayer de trouver des similitudes et des synergies.

Dans leur étude parue en 2013, ils proposent un tableau, qui regroupe deux questionnements :

- Les industries pharmaceutiques ont-elles conscience des différents objectifs BPF ? - L'aspect Lean, qui peut être relié à l'objectif BPF, est-il reconnu ?

Ce tableau nous renseigne sur deux choses : le taux de prise de conscience des objectifs BPF par les industries pharmaceutiques d'une part, et le lien éventuel des aspects Lean avec ces objectifs d'autre part. Certains objectifs BPF ayant un but Lean similaire ont été regroupés.

La première colonne reprend les objectifs découlant des BPF. La deuxième colonne nous renseigne sur le taux de reconnaissance de ce principe en tant qu'exigence des BPF. Par exemple, « assurer une bonne efficacité du produit » est identifiée par tous les répondants comme étant une exigence des BPF. Au contraire, seulement 24% sont conscient que « minimiser les stocks » est une exigence des BPF.

Les troisième et quatrième colonne rapprochent les principes Lean des objectifs BPF, car l'application de ces principes permettrait de respecter les objectifs BPF correspondants, de façon directe ou indirecte.

15

Principe Lean caché

Objectif BPF

Prise de

conscience

Aspect Lean

Lien avec les BPF ?

Assurer une bonne efficacité du produit

100%

Réduire les gaspillages Créer de la valeur

Direct

Eviter les dangers pour le patient

100%

Direct

Développement du produit Robustesse du processus

Production régulée et
prudente

77%

Chaine de valeur

Qualité équilibrée avec la productivité

Direct

Capacité de production

67%

Direct

Assurance Qualité Réduire les réclamations Empêcher les déviations Réduire les erreurs Processus validé

48%

Réduire les coûts Améliorer la qualité Réduire les temps de cycle

Réduire les temps de livraison

Direct

Contrôle qualité Qualité avant tout

55%

Améliorer la qualité

Direct

Minimiser les stocks

24%

Réduire les temps de cycle

Direct

Minimiser les erreurs

Gestion documentaire et
formation du personnel Validation et qualification

35%

Flux simple

Ne pas permettre les erreurs

Déploiement de la
fonction qualité

Impact indirect

Stabilité du produit

64%

Créer de la valeur

Impact indirect

Tableau 2 : Prise de conscience des principaux aspects des BPF par les industries pharmaceutiques. Traduit de (JAIGANESH & SUDHAHAR, 2013)

Nous pouvons noter tout d'abord que certains principes BPF sont peu reconnus par les industries pharmaceutiques. C'est le cas de la réduction des stocks, car 24% des personnes interrogées le reconnaissent en tant que principe BPF, ainsi que le groupe « Minimiser les erreurs », « Gestion documentaire et formation du personnel », et « Validation et qualification », avec 35% des répondants.

Au contraire, certains objectifs BPF sont très clairement identifiés, avec 100% des répondants. C'est le cas des objectifs « Assurer une bonne efficacité du produit » et « Eviter les risques pour le patient ».

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Deuxièmement, nous pouvons remarquer que la plupart des aspects Lean sont reliés aux objectifs BPF. Les auteurs identifient ces aspects Lean comme étant « cachés derrière des aspects BPF » (JAIGANESH & SUDHAHAR, 2013). Cependant, certains aspects Lean n'ont qu'un impact indirect sur le respect des BPF, c'est le cas des aspects « Flux simple », « Ne pas permettre les erreurs », « Déploiement de la fonction qualité » et « Créer de la valeur ». Cet impact est cependant bien présent, même s'il ne peut pas permettre de répondre aux principes BPF directement. Ils facilitent le respect des BPF.

On peut penser que le Lean et les BPF sont liés, mais que ce lien est indirect : les entreprises pharmaceutiques se concentrent sur le respect des BPF, car c'est une condition obligatoire pour pouvoir produire et vendre des médicaments. Elles mettent en place les principes Lean qui y sont associés de façon indirecte.

Nous pouvons donc conclure que certains aspects Lean ne sont pas seulement compatibles avec les objectifs BPF, mais peuvent être confondus, et ont un objectif commun. D'autres n'ont qu'un impact indirect, même s'ils favorisent le respect des BPF.

La Qualité au centre de la démarche de Lean Management

Nous avons vu que la qualité du produit fabriqué est primordiale pour une industrie pharmaceutique. Les Bonnes Pratiques de Fabrication ont été mises en place pour garantir cette qualité, en toutes circonstances.

Lorsqu'une stratégie Lean est mise en place sans l'appui d'un système qualité, cette stratégie pourra avoir des difficultés à pérenniser les bonnes pratiques. En effet, lorsque cette démarche d'amélioration est menée par des consultants ou des experts externes seulement, il y a un risque que « l'ensemble de la démarche Lean peine à survivre au départ des équipes » (BELLAÏCHE, BOUVARD, & HARIVEL, 2015)

De même, lorsqu'une démarche qualité est mise en place dans une entreprise sans stratégie Lean, cela aboutit à « un système lourd et complexe, avec une rentabilité compliquée à démontrer » (BELLAÏCHE, BOUVARD, & HARIVEL, 2015). Cette vérité est d'autant plus vraie dans les industries pharmaceutiques, qui doivent prouver dès leur construction la sûreté des produits, et qui sont soumises à de nombreux audits.

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Les démarches Lean et le système de management de la qualité sont complémentaires : un système de management de la qualité apporte la stabilité et la longévité à une démarche Lean souvent menée en mode projet. A l'inverse, les stratégies Lean permettent une meilleure agilité, une capacité d'adaptation et une culture d'efficience à la Qualité.

Pour conclure, ces deux modes de fonctionnement sont complémentaires, mais ils apparaissent aussi comme indissociable pour une performance à long terme. Une stratégie Lean a donc un intérêt particulier pour un service d'Assurance Qualité, qui a pour but de faire appliquer ce système qualité, et de veiller à son respect.

Après avoir détaillé l'intérêt réglementaire à l'application du Lean en industrie pharmaceutique, nous pouvons maintenant nous demander quels sont les intérêts économiques d'une telle démarche, pour une entreprise.

IV. L'intérêt économique d'une stratégie Lean pour l'entreprise

Pour se protéger des crises financières, qui affectent leur stabilité, toutes les entreprises cherchent à améliorer leurs performances, afin de maximiser les profits et minimiser les pertes. C'est particulièrement vrai depuis les années 2000, avec la volonté des gouvernements de diminuer les dépenses de santé.

Nous allons tout d'abord définir la performance de façon générale. Ensuite, nous étudieront comment le Lean peut influencer cette performance, à travers la chasse aux gaspillages.

Qu'est-ce que la performance?

Nous pouvons décrire la performance grâce à deux outils. Le premier est couramment utilisé dans le domaine de la gestion de projet. La performance peut être décrite à l'aide d'un triangle, dont les trois sommets sont une bonne qualité, un coût maitrisé et des délais respectés :

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Figure 1 : Modèle de la performance en gestion de projets

L'évaluation de la performance se fait alors en analysant l'équilibre entre ces trois dimensions. Cet équilibre doit correspondre aux besoins du client, et cela influencera sa satisfaction.

Le deuxième est le modèle de performance de Gilbert, qui décrit la performance comme « Un équilibre entre les objectifs visés, les moyens matériels et immatériels pour les réaliser, et les résultats obtenus » (GILBERT & YALENIOS, 2017). On peut alors préciser trois axes d'évaluation de la performance :

- La pertinence, qui est définie par le rapport entre les objectifs initiaux et les ressources acquises pour les atteindre.

- L'efficience, qui est le rapport entre les résultats obtenus et les ressources utilisées - L'efficacité, qui est le rapport entre les résultats obtenus et les objectifs initiaux.

Figure 2 : Schéma représentant le modèle de performance de Gibert (GILBERT & YALENIOS, 2017)

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On peut développer la performance d'une organisation en agissant sur ces trois axes. On cherchera alors à optimiser les méthodes d'acquisition des ressources pour n'obtenir que ce qui est nécessaire (pertinence), ou bien améliorer les méthodes de production des résultats afin de diminuer la consommation des ressources (efficience) ou encore fixer des objectifs au en tenant compte des capacités réelles de l'organisation (efficacité).

Ces deux modèles peuvent être appliqués à un service d'Assurance Qualité, qui agit alors comme une organisation à l'intérieur de l'entreprise, en étant à la fois un fournisseur de services, mais aussi un client, vis-à-vis des autres départements de l'entreprise.

Les gaspillages nuisent à la performance

Nous avons vu précédemment cinq valeurs appliquées par les japonais sur l'usine Toyota, pour redresser la performance de l'entreprise :

- Réduire les gaspillages

- Assurer une qualité optimale des produits, dès le début de la production

- Produire à la demande des clients, pour réduire les stocks

- Impliquer le personnel de production dans le diagnostic et la résolution des problèmes

- Favoriser l'amélioration en continu, de façon dynamique et en intégrant tous les acteurs

concernés

Nous allons voir que la réduction des gaspillages facilite l'adoption des quatre autres valeurs. Les gaspillages nuisent à la performance, car ils ajoutent un coût supplémentaire et non essentiel au cout de fabrication d'un produit. Michael BALLE et Godefroy BEAUVALLET définissent dans leur ouvrage Le Management Lean (2016) la marge d'une entreprise. C'est un facteur de rentabilité, qui représente la différence entre le prix, c'est-à-dire ce que le client donne pour un produit, et les couts engagés par l'entreprise pour ce produit :

Marge = Prix - Coût

Selon ces deux auteurs, « toute activité industrielle a un coût inévitable, auquel s'ajoute un surcoût évitable : le coût de gaspillage (BALLE & BEAUVALLET, Le Management Lean, 2016). On peut donc écrire :

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Marge = Prix -- (Coût inévitable + surcoût évitable)

En diminuant le surcout évitable, on diminue le coût global de production, et on augmente donc la marge engendrée.

Dans la philosophie Lean, le gaspillage est défini comme « le coût de la non-valeur ajoutée » ( (BALLE & BEAUVALLET, Le Management Lean, 2016). Cela nous amène à définir le terme de valeur ajoutée, qui peut être traduit par « la valeur que le client est en droit d'attendre d'un produit ou service, qui correspond à la satisfaction d'un besoin » (DEMETRESCOUX, 2017).

Nous retrouvons ici la satisfaction du client, qui est au coeur d'une démarche qualité. Le gaspillage serait alors l'utilisation de ressources pour produire un produit ou un service, mais qui n'ajouterait pas de valeur au produit, du point de vue du client.

Taiichi Ôhno, ingénieur chez Toyota, est le premier à avoir étudié en détail cette non-valeur ajoutée. Il montre dans son livre Toyota Production System4 que la vraie valeur du travail ne représente qu'une partie du temps des opérateurs, le reste pouvant être qualifié de gaspillage. Il a ainsi détaillé sept catégories de gaspillages, qu'il appelle Mudas (déchets en japonais). Ils peuvent être rencontrés dans tous les domaines, comme les zones de production ou les espaces de bureaux.

- Surproduction : produire plus que le besoin, ou bien trop tôt par rapport au besoin. C'est le plus important des types de gaspillages, car il peut entrainer d'autres types de gaspillages, comme les stocks.

- Attente : toute ressource (machine, personnel, matière) à l'arrêt, en attente. Cela entraine des stocks, mais peut aussi altérer la ressource (péremption de matière, désengagement du personnel)

- Transport : tout déplacement de ressource (matériel, personnes, information), qui n'est pas nécessaire à la production.

4 Source : Source : Taiichi Ôhno, Toyota Production System : beyond large-scale production, Productivity Press, (1988)

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- Stocks : accumulation de plus de matière que le minimum raisonnable pour la production. Cela engendre un cout très important, car un stock nécessite de la place qui n'est plus disponible pour la production, mais il faut aussi garantir de bonnes conditions pour éviter d'altérer la matière. Enfin, d'un point de vue comptable, les produits stockés sont une perte, car ils ont consommé de la ressource, nais n'ont pas encore été valorisés.

- Mouvement : tout mouvement superflu, qui est dangereux ou pénible pour le personnel. - Défaut : toute perte entrainée par une activité qui ne correspond pas à l'exigence. Cela

concerne aussi les activités qui ne sont pas « bonnes du premier coup », et qui nécessitent

une correction, ne réparation ou la mise au rebut de la production.

- Processus excessif (ou sur-qualité) : processus qui comporte des actions superflues, ou excessivement complexe. Cela peut être la source d'erreurs, et donc paradoxalement, de défauts.

Un huitième gaspillage a été rajouté ultérieurement, et concerne une mauvaise utilisation du potentiel humain des collaborateurs, par exemple, en ignorant le potentiel des opérateurs dans les activités d'amélioration continue, qui sont pourtant au contact de l'outil de production et ses dysfonctionnements.

Ces gaspillages peuvent être engendrés par deux autres formes de gâchis, qui en sont donc des causes plus profondes. Le premier est appelé Mura, ou variabilité et le deuxième Muri, l'excès.

La variabilité et l'excès, des causes de gaspillages

Le mot Mura désigne en japonais ce qui est irrégulier, variable ou aléatoire. En pratique, cela se traduit par des pics d'activités en fin de période, une répartition inégale de la charge de travail, un manque de standards conduisant à la variabilité des résultats, mais aussi des pannes, l'absentéisme, ou encore des ruptures d'approvisionnement.

Tout cela conduit à produire des gaspillages, qui ont pour rôle de prévenir ces évènements aléatoires. On peut penser aux stocks de matière première ou d'en-cours, pour pallier des ruptures de la chaine de production, ou encore à l'attente engendrée si ces stocks ne sont pas suffisants. Des défauts sont aussi engendrés par la variabilité des processus, qui ne sont alors plus conformes aux exigences.

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Le mot Muri désigne tout ce qui est excessif dans une organisation. Cela peut être l'achat d'un trop grand nombre de machines pour les besoins de la production, une sur-utilisation d'un équipement, ou bien la fixation de délais excessivement courts, une surcharge de travail ou de pression sur les employés. Cela peut entrainer des pannes, qui provoquent des attentes sur la chaine de production, mais aussi de la fatigue et du stress pour le personnel.

Pour conclure, nous avons vu que l'ensemble des outils Lean ont pour but de réduire ces gaspillages, en préservant les ressources utilisées à mauvais escient, et en améliorant les processus de production, ce qui permet d'augmenter la productivité d'une entreprise.

Cependant, les Hommes sont au coeur du travail, et de la performance d'une entreprise. En effet ils dirigent l'entreprise, prennent des décisions et contrôlent l'outil de production. Quelle est leur place dans une démarche Lean, et quels sont les apports d'une telle démarche pour le management ?

V. Les travailleurs et le Lean

Nous avons vu que l'amélioration des performances d'une entreprise est possible en faisant évoluer trois variables : l'acquisition des ressources, la fixation des objectifs et la production des résultats. Ces trois variables sont contrôlées par l'Homme. Ils sont le socle du travail, et contrôlent l'outil de production, de l'opérateur au directeur. Nous allons maintenant étudier la place de l'Homme dans une démarche de Lean Management.

L'importance du développement humain

Dans une industrie, les outils de production ne sont que des moyens censés simplifier le travail de l'homme et le rendre plus facile. Selon Ballé et Beauvallet, « la formation est le socle nécessaire au développement des personnes, et se fait au poste et une personne à la fois ». (BALLE & BEAUVALLET, Le Management Lean, 2016)

Le but est d'établir une organisation spécifique de la formation, avec des standards, qui sont des références sur la méthode de travail produisant le moins de non-valeur ajouté. Les équipes sont coordonnées par un travailleur expérimenté, qui fait appliquer les standards, les règles de sécurité, etc. ... Les agents les plus expérimentés dispensent les formations, qui ont pour but de

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« développer la confiance que chacun a en son jugement et dans chaque action de son travail » (BALLE & BEAUVALLET, Le Management Lean, 2016).

La pratique régulière de la formation permet le « développement des collaborateurs, dont la finalité est d'accroitre leur autonomie » (BALLE & BEAUVALLET, Le Management Lean, 2016). Cette autonomie est une source de satisfaction au travail. Elle permet un meilleur engagement des salariés, et augmente leurs compétences pour la résolution des problèmes : l'amélioration continue est mieux gérée dans les situations de crise, qui ne sont pas décrites dans les standards mais nécessitent des prises de décision efficaces. Les processus sont ainsi plus efficients, et la performance de l'entreprise en est accrue.

Intérêt de la démarche pour un manager

Un manager a pour rôle d'accompagner une équipe, pour l'amener à réaliser la stratégie fixée par l'entreprise. Il est responsable de la productivité de ses collaborateurs et des résultats finaux. L'application d'une démarche Lean au sein de son équipe a plusieurs avantages.

Le premier point positif est qu'une stratégie Lean permet de donner du sens au travail effectué. Les activités se concentrent sur ce qui a réellement de la valeur pour le client, qui est au centre de la démarche. Les activités qui n'ont pas de valeur ajoutée sont améliorées ou optimisées.

De plus, la recherche de gaspillages dans les activités réalisées permet aussi de réaliser des économies d'énergie et de temps. Ces ressources économisées pourront être utilisées pour d'autres activités plus valorisantes et à forte valeur ajoutée, comme pour réaliser des projets d'amélioration par exemple.

Enfin, les collaborateurs sont plus efficaces au quotidien. La résolution des problèmes est facilitée par le gain d'autonomie des individus. Cela est permis par la montée en compétence des personnes, et la prise en compte des capacités et des talents de chacun.

Effets sur la santé et la sécurité des travailleurs (INRS, 2016)

La sécurité des travailleurs et leur santé est au coeur de la démarche de Lean Management. En effet, la stratégie Lean, visant à optimiser et simplifier les tâches en supprimant le gaspillage,

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ne prend pas seulement en compte l'environnement de travail et l'outil de production, mais aussi l'homme et ses comportements.

L'ergonomie au poste de travail est importante dans l'amélioration des processus. Des mouvements appropriés, et un espace de travail pertinent et adapté permettent de réduire les risques, d'une part pour le travailleur qui sera plus efficace et moins fatigué, et d'autre part pour le produit, car cela réduit les probabilités d'erreurs et donc de défauts.

De plus, l'amélioration de la performance, qui s'appuie notamment sur huit gaspillages vus précédemment, doit aussi être appliquée à l'homme. Par exemple, il est préconisé d'étudier « les mouvements de pied, de main et des yeux. Il faut voir les gestes répétitifs, les efforts musculaires, les postures contraignantes, les surcharges cognitives » (BALLE & BEAUVALLET, Le Management Lean, 2016).

L'implication de la hiérarchie dans l'ergonomie au poste de travail des salariés a un autre effet : « l'ergonomie est un excellent sujet pour déclencher l'implication » (BALLE & BEAUVALLET, Le Management Lean, 2016). En s'intéressant au travail des personnes, et à leur bien-être physique, la hiérarchie montre aux salariés qu'ils ont de la valeur pour l'entreprise, et qu'ils ne sont pas qu'un outil pour produire. Les chantiers d'ergonomie symbolisent alors « le coeur du contrat social : les managers s'engagent à améliorer les conditions d'emploi, et les employés contribuent aux efforts de la société » (BALLE & BEAUVALLET, Le Management Lean, 2016).

Cependant, l'INRS (Institut National de Recherche et de Sécurité) propose un dossier sur les risques liés à la mise en place d'une stratégie Lean dans une entreprise. Cette étude (INRS, 2016) apporte un regard critique sur ces démarches, et mets en avant les différences de mises en oeuvre selon les entreprises.

Le premier point abordé concerne les changements organisationnels induits par la mise en place d'une démarche d'amélioration Lean. L'INRS constate « un manque de formations adéquates, et d'évaluation des impacts potentiels sur le personnel » (INRS, 2016). Nous avons pourtant mis en lumière l'impact de la formation sur l'implication des travailleurs dans le Lean, et constaté l'importance du développement des compétences. Il est donc important de ne pas

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négliger la dynamique d'apprentissage d'une stratégie Lean, pour ne pas faire du déploiement et du maintien de la démarche une finalité, mais un moyen de s'améliorer continuellement.

De plus, l'INRS estime que « considérer les actions à éliminer sur le seul critère de la valeur ajoutée, du point de vue du client peut conduire à supprimer des éléments essentiels à leur santé et à la performance globale de l'entreprise » (INRS, 2016). La difficulté réside donc dans l'évaluation de la valeur ajoutée supposée des actions, pour le client. Dans le cas où un service interne d'une entreprise peut être considérée comme une organisation à part entière, on pourra prendre en compte le client final, c'est-à-dire celui qui utilisera le produit ou qui bénéficiera du service, mais aussi les clients intermédiaires : le personnel de l'entreprise qui interagit ou est impacté par un processus, ou bien une entreprise intermédiaire. La valeur ajoutée d'une action doit alors être évaluée en fonction de tous ces acteurs.

Pour conclure, nous avons pu voir que la place des travailleurs dans le Lean est centrale. Le développement humain est une condition nécessaire pour la viabilité des démarches d'amélioration continue, mais aussi un moyen d'améliorer la performance de l'entreprise. Il est aussi indispensable d'accompagner les travailleurs dans le changement qu'implique une démarche Lean. Enfin, la valeur ajoutée ne doit pas seulement être définie en fonction du client final, mais aussi en fonction des intermédiaires.

VI. Conclusion de l'état de l'art

Tout d'abord, nous avons étudié l'évolution du concept de la qualité en industrie, depuis les révolutions industrielles au XIXe siècle, jusqu'à l'apparition du Lean au Japon après la deuxième guerre mondiale, qui est parvenu en occident sous l'appellation Qualité totale, dans les années 70 et 80.

Ensuite, nous avons examiné l'importance des réglementations, et plus précisément des Bonnes Pratiques de Fabrication. Ce référentiel, édité par l'ANSM, est une obligation en industrie pharmaceutique, pour pouvoir produire et vendre des médicaments.

Alors, nous nous somme demandés si une démarche de Lean Management est compatible avec le respect des Bonnes Pratiques de Fabrication. La première question de recherche soulevée

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concernait les opportunités et les limites d'une telle démarche dans un service d`Assurance Qualité.

Premièrement, nous avons pu comprendre que les BPF et le Lean sont compatibles et fonctionnent en synergie : le Lean apporte de l'agilité et des capacités d'adaptation à un système qualité, qui procure stabilité et longévité aux démarches Lean. Il faut cependant adapter l'environnement BPF à la philosophie Lean, et ajuster les principes Lean aux obligations engendrées par le respect des BPF. Nous avons aussi vu que la plupart des principes Lean sont retrouvés dans les BPF, et peuvent avoir le même but.

Ensuite, nous avons étudié l'intérêt économique du Lean Management, qui permet d'améliorer les performances d'une entreprise. La stratégie Lean vise à identifier et supprimer les sources de gaspillages, qui sont consommateurs de ressources et n'apportent pas de valeur ajoutée au produit.

Enfin, nous nous sommes intéressés à la place du travailleur dans les stratégies Lean, et à son intérêt managérial. Nous avons ainsi découvert l'importance du développement humain dans cette philosophie Lean, et avons expliqué les avantages procurés à un manager sur la gestion d'une équipe. Enfin, nous avons étudié les effets d'une mauvaise application de cette démarche sur la santé et la sécurité des personnes.

Nous allons maintenant nous interroger sur la validité des hypothèses soulevées pendant cet état de l'art, dans une entreprise de production pharmaceutique comme Novo Nordisk. Pour cela, nous allons tout d'abord présenter cette entreprise et définir le contexte de l'étude, puis nous détaillerons la méthodologie de recherche adoptée. Nous expliquerons ensuite les résultats obtenus à travers cette enquête, et nous tenterons de répondre à la question de recherche soulevée.

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PARTIE 2 : Enquête

I. Contexte de l'étude

1) Présentation de l'entreprise

Novo Nordisk est une entreprise de santé danoise. Elle s'est spécialisée, depuis sa création en 1923, dans la production d'insuline et de dispositifs d'injection. Aujourd'hui leader mondial dans le traitement du diabète, le groupe occupe également une place de premier plan dans le traitement de l'hémophilie et des déficits en hormone de croissance.

Le groupe représente à ce jour plus de 43 000 employés à travers le monde et possède des filiales dans 80 pays, et leurs produits sont distribués dans plus de 170 pays. Il totalise un chiffre d'affaire annuel à hauteur de 14,9 milliards d'euros, et réinvestit en recherche et développement à hauteur de 13% du CA. Il fournit plus de 50% de l'insuline mondiale, utilisée par plus de 29 millions de personnes.

Figure 3: Bref historique du site de Chartres

Extension FlexTouch

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Figure 4 : Evolution du site Novo Nordisk Chartres

Le diabète et l'insuline

Comme nous l'avons vu précédemment, Novo Nordisk est une entreprise de production pharmaceutique spécialisée dans la production d'insuline, à destination des humains. L'insuline est une hormone, normalement sécrétée par des cellules spécifiques du pancréas. Elle permet l'absorption du glucose dans le sang par les cellules adipeuses et musculaires.

Chez les personnes diabétiques, le corps est incapable de transporter le sucre du sang vers ces cellules, et cela entraine un excès de sucre dans le sang. Les complications engendrées par le diabète, qui est une maladie chronique, sont multiples et peuvent être graves, affectant les yeux, les reins, les nerfs et les pieds. Cette maladie favorise aussi les maladies cardiaques et l'hypertension artérielle.

L'insuline produite par Novo Nordisk est une hormone de synthèse. Comme les produits seront injectés dans les muscles des patients, ils doivent être strictement stériles, c'est-à-dire qu'ils ne doivent contenir aucun micro-organisme ou particules. L'insuline étant une hormone sensible à la chaleur, une stérilisation en fin de processus est impossible, car cela détruirait ses propriétés. Le produit est formulé, puis stérilise par filtration, et enfin rempli dans des

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cartouches ou des flacons. Il est donc obligatoire d'assurer la stérilité du produit depuis sa filtration jusqu'à la fin du remplissage, où les contenants sont fermés.

L'organisation de Novo Nordisk

Figure 5 : Représentation de la chaine de valeur de Novo Nordisk.

Novo Nordisk est organisé en plusieurs départements. Le département « Product Supply (PS) » (pour fourniture de produits) se concentre sur la fabrication de produits pharmaceutiques, de la planification de l'approvisionnement à la distribution aux patients.

Figure 6: Schéma du processus de production simplifié

Les matières premières vont être fabriquées par le département « Diabetes API » dont les sites sont principalement basés au Danemark. Elles sont ensuite acheminées vers les sites de production de produits finis diabétiques, comme celui de Chartres, afin de poursuivre les étapes suivantes du processus de fabrication des médicaments.

Le premier process mis en oeuvre est le service Lavage et Stérilisation, qui a pour objectif principal le lavage et la stérilisation du matériel utile à la production.

Pendant le processus de formulation, l'insuline va tout d'abord être préparée dans des cuves. Cette étape permet la solubilisation des cristaux d'insuline provenant du Danemark afin d'obtenir une formule liquide stable, de concentration suffisante, en fonction du produit à formuler. Une fois cette étape effectuée, l'ensemble préparé est stérilisé par filtration stérilisante

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à l'aide d'un filtre suffisamment fin pour ne pas laisser passer les virus, bactéries ou autres particules.

L'étape suivante est celle du remplissage, où les cuves de formulation vont être connectées aux lignes de remplissage, via des filtres stérilisants. Ce processus permet le remplissage aseptique de l'insuline stérile dans les cartouches ou flacons. Le remplissage est une étape critique car le produit est stérile et doit conserver ses propriétés, malgré la manipulation humaine. Cela s'effectue sur des lignes automatisées, dans une atmosphère strictement contrôlée afin de ne contenir aucun micro-organisme ou poussière. Pour cela, le personnel de production doit respecter un comportement aseptique très strict

Une fois remplies, les cartouches ou les flacons seront inspectés par le process « Inspection », à l'aide d'automates, et seront ensuite acheminés aux services suivants. Les cartouches produites vont pouvoir être assemblées avec les 13 autres pièces composant un stylo insulinique appelé FlexPen ® et ainsi obtenir un stylo fonctionnel. Cette étape ne concerne pas les flacons.

Et pour finir, les stylos et les flacons vont être conditionnés et stockés en magasin. Les services Planification et Chaine d'Approvisionnement géreront le transport des produits vers les filiales.

2) Le Lean chez Novo Nordisk

Culture d'entreprise

Chez Novo Nordisk, la culture d'entreprise est très centrée sur le Lean et l'amélioration des performances. Dix valeurs essentielles permettent de résumer cette culture :

1. Nous créons de la valeur en centrant notre activité sur les besoins du patient.

2. Nous nous fixons des objectifs ambitieux et aspirons à l'excellence.

3. Nous sommes responsables de notre performance financière, environnementale et sociale.

4. Nous innovons dans l'intérêt de nos partenaires.

5. Nous construisons et entretenons de bonnes relations avec nos principaux partenaires.

6. Nous traitons chacun avec respect.

7. Nous plaçons la performance individuelle et le développement personnel au coeur de nos préoccupations.

8.

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Nous proposons un environnement de travail sain et motivant.

9. Nous recherchons l'agilité et la simplicité dans tout ce que nous entreprenons.

10. Nous ne transigeons jamais sur la qualité et l'éthique professionnelle

Ces valeurs sont expliquées dès la première journée sur le site, et font partie de la semaine d'intégration. Elles sont affichées sur plusieurs salles de production, et définissent également un comportement à adopter au sein de l'entreprise, qui responsabilise au fait que les produits sont pour des patients et non de simples clients.

Outils Lean appliqués chez Novo Nordisk

Résolution systématique des problèmes

Le SPS, ou Systematic Problem Solving (résolution systématique des problèmes), aussi appelé méthode 8D pour huit disciplines, est un outil sous forme de tableau A3 qui est une manière systématique de gérer les problèmes grâce à 8 étapes complémentaires (Annexe 1) :

- Perception initiale du problème : il faut décrire l'écart par rapport à un objectif.

- Clarification du problème : il est possible d'aller sur le terrain, poser des questions aux personnes concernées pour mieux cerner le problème, prendre des photos, prendre connaissance des standards et du mode opératoire, utiliser les données disponibles et les mettre sous forme de graphique (Pareto, graphique des tendances), établir la tendance et l'historique, décomposer le problème en sous-problèmes, pour mieux le clarifier

- Point d'apparition : on remonte le processus à partir de l'endroit où le problème a été observé.

- Actions provisoires : on détermine les actions possibles pour maitriser et contenir rapidement le problème avant d'en connaitre les causes racines.

- Causes et effets : on rappelle le problème spécifique à traiter et son point d'apparition, on invite les experts, et on réalise un brainstorming pour collecter toutes les causes possibles. On définit ensuite les causes les plus probables pour poursuivre les investigations.

- Investigations / causes : Investigation sur les causes retenues à la suite du Brainstorming / Ishikawa, on utilise les données retenues et on réalise des plans de test. On définit précisément les conditions de test et les résultats attendus. Ainsi cela permet

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de déterminer la cause directe. Ensuite, l'utilisation de la méthode « 5Pourquoi » permet d'aboutir à la cause racine, qu'il faut traiter pour empêcher la réapparition du problème.

- Actions définitives : on détermine les actions correctives pour traiter la cause racine et traiter les contributeurs identifiés pendant les investigations. On contrôle l'efficacité de ces contremesures.

- Partage : on communique le document en format A3 et les actions correctives afin de partager les connaissances acquises et éviter l'apparition du problème sur d'autres équipements, processus ou sites.

Performance Board (PB)

Le Performance Board (ou tableau de performances) est un système de management visuel. Il consiste à détecter et résoudre les problèmes le plus tôt possible avant qu'ils ne deviennent plus complexes. Pour cela, on utilise des standards de performance ou KPI (Key Performance Indicator, pour indicateur clé de performance) pour mesurer les variations et les déviations.

Les tableaux de performance sont un élément clé dans la façon de travailler chez Novo Nordisk. Ils expriment le concept du management visuel selon lequel les problèmes doivent être visibles le plus tôt possible.

Les Performance Board se font sous forme de réunions quotidiennes de l'équipe. A la fin de la réunion, le responsable du Board définit les priorités et les points de focalisation. Cela permet de prendre des actions immédiates pour corriger le problème, ou, le cas échéant, faire remonter les problèmes détectés dans l'équipe jusqu'au niveau du directeur du site, en moins d'une demi-journée. Ainsi, la succession des Performance Boards permet une remontée rapide des décisions qui doivent être prises à un niveau supérieur.

Service cLean

Un service dédié à l'application du Lean dans l'entreprise, permet à chacun de bénéficier de conseils et d'une aide pour appliquer les principes Lean au quotidien. Les partenaires cLean (pour current Lean, Lean actuel) participent à la résolution des problèmes en contribuant aux A3 notamment.

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II. Méthodologie de recherche

Rappel de la problématique

En étudiant l'évolution du concept de la qualité jusqu'à la stratégie Lean, puis en mettant en lumière l'importance des Bonnes Pratiques de Fabrication au sein de l'industrie pharmaceutique, nous avons pu soulever la question de recherche suivante :

La démarche de Lean Management est-elle compatible avec le respect des Bonnes Pratiques de Fabrication ?

Nous avons ensuite étudié le Lean Management dans un environnement respectant les bonnes Pratiques de Fabrication, amenant ainsi la question de recherche suivante :

Quelles sont les opportunités et limites d'une démarche Lean Management dans un service d'Assurance Qualité, qui doit respecter les Bonnes Pratiques de Fabrication ?

Grâce à la littérature, nous avons proposé plusieurs hypothèses de réponse :

- Le Lean a tout d'abord un intérêt réglementaire : les BPF et le Lean sont compatibles, à certaines conditions. Des propositions sont émises pour pouvoir appliquer le Lean dans un milieu respectant les BPF, fixant ainsi les enjeux du Lean dans l'industrie pharmaceutique. Une adaptation de certains principes est toutefois nécessaire.

- Le Lean a aussi un intérêt économique pour les industries pharmaceutiques : il permet d'accroitre durablement la performance de l'entreprise, en évitant les activités à non-valeur ajoutée.

- Le Lean a enfin un intérêt humain et managérial, car il permet le développement des personnes, à travers l'autonomie et la prise en compte de la santé du collaborateur.

Après avoir exposé la place du Lean dans l'entreprise Novo Nordisk, nous allons tenter de valider ces hypothèses.

Les différentes postures de recherche

Afin d'organiser les recherches sur le terrain, j'ai d'abord choisi de comparer les différentes postures épistémologiques afin de déterminer celle qui serait la plus adaptée à ce projet.

34

D'après D. Leroy5, les postures de recherche, adaptés de Perret et Girod-Séville (1999) et Giordano (2003), peuvent être classifiés ainsi :

 

Positivisme

Interprétativisme

Constructivisme

Quelle est la

nature de la

connaissance ?

La réalité est une

donnée objective

indépendante des

sujets qui

l'observent

La réalité est

perçue/interprétée par des sujets connaissants

La réalité est une

construction de sujets

connaissants qui

expérimentent le

monde

Comment la

connaissance est

engendrée ?

Indépendance :

Le chercheur n'agit

pas sur la réalité
observée

Empathie :

Le chercheur interprète ce que les acteurs disent ou font, qui eux-mêmes

interprètent l'objet de
recherche

Interaction :

Le chercheur

coconstruit des

interprétations et/ou

des projets avec les acteurs

Quels sont la

valeur et le statut

de la
connaissance ?

Expliquer, corroborer :

Fondé sur la

découverte de

régularités et de
causalités

Comprendre :

Fondé sur la
compréhension

empathique des
représentations d'acteurs

Construire :

Fondé sur la

conception d'un
projet

Tableau 3: Postures de recherche, d'après Perret et Girod-Séville (1999) et Giordano (2003)

Dans le cadre de cette étude, j'ai choisi d'utiliser les postures positivistes et interprétativistes, et donc de mener cette recherche en deux étapes. La première étape utilisera la posture positiviste, et consistera à l'élaboration puis l'administration d'un questionnaire, pour identifier une corrélation avec l'analyse théorique, menée en première partie. La deuxième étape sera menée selon la posture interprétativiste, et sera une analyse des différentes missions d'amélioration Lean, exécutée durant cette année d'alternance chez Novo Nordisk.

5 Source : Cours de Méthodologie de Recherche - IAE de Tours, le 14 Novembre 2019.

35

III. Questionnaire

Objectifs et enjeux

L'objectif de cette première étape de recherche est de valider ou non les hypothèses construites à partir de l'Etat de l'Art, à l'aide d'un questionnaire. Il est destiné aux professionnels, travaillant dans une entreprise pharmaceutique qui a mis en place une démarche Lean et applique les Bonnes Pratiques de Fabrication.

L'enjeu est d'apporter une réponse aux questions de recherches, qui soit à la fois validée par l'Etat de l'Art, et sur le terrain. Dans le cas où ces réponses seraient divergentes, nous tenterons d'apporter une justification.

Ce questionnaire a été construit avec Google Form, qui est un programme d'enquête de la suite bureautique de Google. Cet outil a été choisi pour sa facilité d'utilisation et de diffusion, et ses multiples possibilités pour la présentation des questions. Il permet, entre autres, d'exporter les données collectées sous forme d'une base de données.

Une fois construit, cette enquête a été partagée au sein du service Assurance Qualité de Novo Nordisk, mais aussi sur le réseau LinkedIn, pour obtenir des avis extérieurs, et pouvoir établir des comparaisons. Le nombre de réponses obtenues est de 29 au total. Les deux groupes de répondants seront identifiés comme « Novo Nordisk » ou « Extérieurs ».

Les données, recueillies via Google Forms, ont été exportées sous la forme d'une base de données, présentée en annexe (Annexe 2). Les deux premières questions qui ont été posées ont pour but de délimiter la population cible à des individus faisant partie d'une entreprise respectant les BPF, et ayant mis en place une démarche Lean.

Le traitement des données sera réalisé en deux étapes. La première étape consistera à étudier et interpréter les données recueillies pendant cette enquête, et la deuxième étape consistera à comparer les données recueillies lors de cette étude aux données théoriques de l'état de l'art. Une étude de l'échantillon sera menée dans un premier temps.

Nous étudierons quatre thématiques différentes :

36

- L'application du Lean en entreprise

- La place du Lean au quotidien

- La performance et le Lean

- Le ressenti personnel à propos du Lean

Etude de l'échantillon interrogé

Nous allons tout d'abord étudier le profil des répondants de ce questionnaire, à travers deux questions : la population source, les postes occupés par les répondants.

Premièrement, nous pouvons voir que les deux groupes sont plutôt équilibrés, malgré une plus grande proportion de personnes travaillant chez Novo Nordisk (17 personnes sur 29). Cela garantira un équilibre dans les réponses. De plus, la comparaison entre les deux échantillons sera facilitée.

Population source des personnes interrogées
(en nombre de personnes)

12

 

17

Novo Ext

Figure 7 : Population source des personnes interrogées

Enfin, concernant les postes occupés, nous observons une majorité d'ingénieur, pharmacien ou cadre non encadrant et de technicien ou agent. L'échantillon est représentatif de la distribution chez Novo Nordisk.

Poste occupé par les répondants

Cadre dirigeant Manager ou chef

d'équipe

Ingénieur,
pharmacien, cadre
non encadrant

Technicien, agent Apprenti, stagiaire

Nombre de réponses

12

10 10

10

4

8

6

0

2

1

6

2

Type de poste

37

Figure 8 : Poste occupé par les répondants

Nous allons maintenant analyser les réponses obtenues à l'aide de ce questionnaire. Analyse des réponses

Application du Lean en entreprise

Distribution des différentes formes d'application du Lean en entreprise (en pourcentage)

Le Lean est appliqué
dans les projets
d'amélioration
seulement
9%

Le Lean est un projet
ou futur projet de
mon entreprise
5%

Le Lean est appliqué au quotidien

86%

Figure 9 : Distribution des différentes formes d'application du Lean (en %)

Ce graphique nous permet de voir la distribution des différentes formes d'application du Lean en entreprise. Nous pouvons ainsi voir que la majorité des répondants appartiennent à une entreprise où le Lean est appliqué au quotidien (86%). Seulement 9% des répondants voient le

38

Lean appliqué dans des projets d'amélioration seulement, et 5% des personnes considèrent le Lean comme un projet ou futur projet de leur entreprise. Nous pouvons donc penser que le Lean est bien intégré au quotidien.

Répartition des réponses par population

18 16 14 12 10 8 6 4 2 0

 
 
 
 
 

7

 
 
 
 
 

4

 

1

 
 

Le Lean est appliqué au Le Lean est appliqué dans Le Lean est un projet ou

quotidien les projets d'amélioration futur projet de mon

seulement entreprise

ext

Nombre de réponses

17

Le Lean est appliqué au
quotidien

Novo

Figure 10 : Application du Lean en entreprise - Répartition des réponses par population

En analysant les données, nous pouvons voir que seuls les répondants extérieurs ont déclaré que le Lean n'est pas appliqué au quotidien dans leur entreprise, mais sous forme d'un projet d'amélioration (4 répondants) ou bien un projet ou futur projet (1 répondant). Nous pouvons donc en conclure que le Lean est perçu comme intégré au quotidien chez Novo Nordisk. Il en est de même pour la majorité des répondants extérieurs.

La place du Lean dans les BPF

Après avoir vu que le Lean est en majorité appliqué au quotidien, nous allons maintenant nous interroger sur la place du Lean.

Ce graphique nous permet de connaitre les réponses des personnes interrogées à propos de cinq questions. Il est important de noter que le code couleur a seulement un intérêt de lisibilité du graphique. Nous pouvons noter que les deux premières questions ont le même profil de réponses.

La place du Lean dans les BPF

 
 
 
 
 
 
 
 

10

 
 
 
 
 

2 2

 
 
 

0 0 0 0

 
 
 

Nombre de réponses

14 12 10 8 6 4 2 0

7

16

 

15

 

15

 

15

 
 
 

14 14

10

10

8

5

3

3

3

3

2

2

2

0

Le Lean est bien Utiliser des principes Les BPF encouragent J'arrive à respecter Je pense que le Lean

intégré dans les BPF Lean facilite le l'utilisation du Lean les BPF en utilisant le et les BPF sont

respect des BPF Lean contradictoires

Tout à fait d'accord Plutôt d'accord Je ne sais pas Plutôt pas d'accord Pas du tout d'accord

Figure 11 : La place du Lean dans les BPF

Pour permettre le traitement statistique, des valeurs seront attribuées aux réponses données :

- Tout à fait d'accord : 5

- Plutôt d'accord : 4

- Je ne sais pas : 3

- Plutôt pas d'accord : 2

- Pas du tout d'accord : 1

Nous obtenons le tableau de scores suivant. Le score obtenu est la somme du nombre de réponses multiplié par la valeur de la réponse, pour toutes les modalités de réponses.

Score = 1(nombre de réponses x valeur)

39

40

 

Q1 : Le Lean

est bien
intégré dans les BPF

Q2 : Utiliser
des principes
Lean facilite

le respect
des BPF

Q3 : Les

BPF encouragent l'utilisation du Lean

Q4 :

J'arrive à
respecter les BPF en

utilisant le
Lean

Q5 : Je pense

que le Lean et

les BPF sont
contradictoires

Nombre de réponses

Tout à fait d'accord

7

10

3

15

0

Plutôt d'accord

15

14

10

14

2

Je ne sais pas

2

2

8

0

2

Plutôt pas

d'accord

3

3

5

0

10

Pas du tout d'accord

2

0

3

0

15

Score

22

31

5

44

-38

Tableau 4 : La place du Lean dans les BPF- Score des réponses pour tous les répondants

Un score positif indique une réponse affirmative à la question. Nous pouvons ainsi voir que la proposition la plus vérifiée, c'est-à-dire celle qui remporte le plus haut score concerne la capacité à respecter des BPF en utilisant le Lean, avec 44 points. Nous pouvons proposer une explication à ce score très haut : les Bonnes Pratiques de Fabrication étant très profondément intégrées dans la culture de l'industrie pharmaceutique, il est obligatoire de les respecter, quelles que soient les méthodes utilisées au travail.

Deux phrases obtiennent un score proche : « Le Lean est bien intégré dans les BPF » et « Utiliser des principes Lean facilite le respect des BPF », avec 22 et 31 points. La méthode Lean est ainsi vue comme une méthode qui permet le respect des BPF, les deux méthodes sont perçues comme compatibles. Le score négatif de l'affirmation « Je pense que les BPF et le Lean sont contradictoires » (-38 points), permet de valider cette hypothèse.

On peut aussi noter un score plus faible pour l'affirmation suivante : « les BPF encouragent l'utilisation du Lean », avec 5 points. En étudiant le Guide des Bonnes Pratiques de Fabrication, on peut constater que le mot Lean n'apparait pas. Cependant, l'amélioration continue est une notion très importante, et c'est un des enjeux d'une démarche Lean. Une explication possible serait qu'il y a une obligation de résultat pour le respect des BPF, pas de méthode. Ce règlement n'encourage donc pas plus le Lean que d'autres méthodes d'organisation.

41

Nous allons maintenant étudier la différence entre les deux populations étudiées. Nous allons chercher si les deux populations répondent de façon similaire à ces questions, ou bien si l'on peut observer des différences.

Ce tableau a été réalisé en différenciant les données des répondants extérieurs de ceux travaillant chez Novo Nordisk. Il représente le nombre de réponses obtenues pour chaque modalité.

 

Q1 : Le

Lean est

bien intégré

dans les
BPF

Q2 : Utiliser des principes Lean facilite le respect des BPF

Q3 : Les

BPF encouragent l'utilisation du Lean

Q4 :

J'arrive à respecter

les BPF
en utilisant le Lean

Q5 : Je pense que le Lean et les BPF sont contradictoires

Echantillon extérieur

Nombre de réponses

Tout à fait

d'accord

3

3

0

5

0

Plutôt d'accord

6

5

3

7

2

Je ne sais pas

0

2

3

0

2

Plutôt pas

d'accord

2

2

4

0

5

Pas du tout

d'accord

1

0

2

0

3

Score

8

9

-5

17

-9

Echantillon Novo Nordisk

Nombre de réponses

Tout à fait

d'accord

4

7

3

10

0

Plutôt d'accord

9

9

7

7

0

Je ne sais pas

2

0

5

0

0

Plutôt pas

d'accord

1

1

1

0

5

Pas du tout

d'accord

1

0

1

0

12

Score

14

22

10

27

-29

Tableau 5 : La place du Lean dans les BPF - Comparaison des deux populations

Afin de vérifier si les différences observées sont significatives d'un point de vue statistique, nous allons réaliser un test de Fisher, qui permet de comparer les variances. Il est utilisé pour

42

les petits échantillons, à la différence d'un test de Chi2. Ici, nous étudierons donc la différence entre les répondant travaillant chez Novo Nordisk (Novo), et la population extérieure (Ext).

Soit l'hypothèses H0 = les variances des échantillons sont homogènes.

On calcule les variances pour les réponses obtenues, pour les deux échantillons. On obtient le résultat suivant :

 

Q1

Q2

Q3

Q4

Q5

Var (Ext)

16,8

12,2

9

22,8

12,2

Var (Novo)

27,7

45,3

17,5

75,8

108,2

Tableau 6 : Calcul des variances de scores obtenus aux différentes questions, selon la population

Le test de Fisher s'effectue en comparant les valeurs observées avec une valeur théorique présente dans une table. Avec :

k ? (nombre d'individus dans l'échantillon d'où provient la variance max) ? 1 ? 16 ?? ? (nombre d'individus dans l'échantillon d'où provient la variance min) ? 1 ? 11

On trouve F théorique = 2.70

On calcule ensuite la valeur F observée :

V?????????????? ???? ???????? g??????????

????????é ?

V?????????????? ???? ???????? ????????????

On obtient les valeurs suivantes :

 

Q1

Q2

Q3

Q4

Q5

F observé

1,65

3,71

1,94

3,32

8,87

Tableau 7 : Calcul du test de Fisher, selon la population

Lorsque F observé est supérieur à F théorique, l'hypothèse H0 est rejetée, c'est-à-dire que les variances des échantillons sont trop différentes pour être considérées comme homogènes. Les

43

réponses des deux échantillons sont alors trop différentes, et les répondants ont un comportement différent.

Pour conclure, nous pouvons dire que les réponses des deux populations sont similaires pour deux affirmations qui sont « Le Lean est bien intégré dans les BPF » et « Les BPF encouragent l'utilisation du Lean ». Pour les trois autres affirmations, les réponses des deux populations sont différentes. Nous allons étudier leur distribution en détails.

Comparaison entre les deux populations
"Utiliser des principes Lean facilite le respect des BPF"

9

10

0

0

7

5

3

0

1

8

6

4

2

Nombre de réponses

0

2 2

Tout à fait d'accord Plutôt d'accord Je ne sais pas Plutôt pas d'accord Pas du tout d'accord

Extérieur Novo Nordisk

Figure 12 : Comparaison des deux populations - Utiliser des principes Lean facilite le respect des BPF

Nous pouvons voir que la distribution des réponses des deux groupes est différente. L'échantillon « Novo Nordisk » apparait plus tranché, les réponses sont en grande majorité affirmatives. Au contraire, les réponses du groupe « Extérieur » sont plus dispersées, avec quatre réponses non affirmatives. Les employés de Novo Nordisk sont donc plus convaincus de l'utilité du Lean pour le respect des BPF, et seulement une personne interrogée n'est pas d'accord avec cette affirmation.

44

Comparaison entre les deux populations
"J'arrive à respecter les BPF en utilisant le Lean"

7

7

10

2

0 0 0 0 0 0

0

12

10

8

6

4

Nombre de réponses

5

Tout à fait d'accord Plutôt d'accord Je ne sais pas Plutôt pas d'accord Pas du tout d'accord

Extérieur Novo Nordisk

Figure 13 : Comparaison des deux populations - J'arrive à respecter les BPF en utilisant le Lean

Pour cette affirmation, les réponses des deux groupes sont très similaires. Nous pouvons néanmoins noter que le groupe « Novo Nordisk » a une proportion plus élevée de réponse « tout à fait d'accord ». Là encore, cela peut montrer un avis plus catégorique de cette population.

Comparaison entre les deux populations

"Je pense que le Lean et les BPF sont contradictoires"

12

14

12

10

8

5

5

6

4

2 2

2

0

0

0

0

Nombre de réponses

0

3

Tout à fait d'accord Plutôt d'accord Je ne sais pas Plutôt pas d'accord Pas du tout d'accord

Extérieur Novo Nordisk

Figure 14 : Comparaison des deux populations - Je pense que le Lean et les BPF sont contradictoires.

Nous pouvons voir que la réponse des personnes travaillant chez Novo Nordisk est de nouveau plus tranchée, ce qui peut indiquer que les personnes sont convaincues du contraire de cette affirmation. Au contraire, les réponses du groupe « Extérieur » sont plus dispersés, avec quatre

45

réponses non-négatives. Nous observons un profil de réponses très semblable à figure 12, mais inversé.

Pour conclure, nous pouvons penser que le Lean est perçu comme un outil plutôt bien intégré dans les BPF. Ce sont deux méthodologies qui ne sont pas contradictoires, et qui peuvent fonctionner en synergie : l'utilisation de l'un facilite l'emploi de l'autre. Une orientation de la relation est possible : l'utilisation d'une démarche Lean facilite le respect des BPF.

La performance et le Lean

Le Lean me fait gagner du temps

Le Lean favorise le travail en équipe

Le Lean permet de
gagner en
performance

Appliquer les
principes Lean coûte
plus cher

Le Lean permet
d'être plus compétitif

Intérêt du Lean en industrie pharmaceutique

35

30

26

25

21

20

15

10

3

5

1

1

1

0

0

0

0

0

0

Nombre de réponses

29 28 28

7

VRAI FAUX Je ne sais pas

Figure 15 : Intérêt du Lean en industrie pharmaceutique

Ce graphique permet de se rendre compte de l'avis des personnes interrogées concernant l'intérêt du Lean en industrie pharmaceutique. Nous pouvons voir que la majorité des personnes reconnaissent que le Lean permet de gagner en performance, d'être plus compétitif et de gagner du temps.

Nous pouvons observer une petite portion de réponses (3 sur 29 soit 10%) qui ne se prononce pas sur l'intérêt du Lean pour le travail en équipe. La coopération est pourtant un élément mis en avant dans la stratégie Lean. En effet, deux des cinq valeurs du Lean concernent la coopération : impliquer le personnel de production dans le diagnostic et la résolution des problèmes et favoriser l'amélioration en continu, de façon dynamique et en intégrant tous les acteurs concernés.

46

Enfin, concernant le coût d'une démarche Lean, nous observons une majorité de réponses qui pense que cela ne coûte pas plus cher. Un quart de l'échantillon ne sait pas si le Lean coûte plus cher (7 sur 29 soit 24%). Nous pouvons tenter d'expliquer cette proportion par le fait qu'il n'est pas précisé s'il faut tenir compte du retour sur investissement, ou seulement de la mise en place de la démarche Lean.

Les intérêts économiques détaillés dans la première partie de cette étude sont donc bien perçus par les répondants. Nous allons maintenant étudier l'application de quelques principes Lean au quotidien.

Principes Lean non appliqués en industrie
pharmaceutique

Philosophie long terme plutôt que court terme

Production constante et lissée

Respecter et motiver ses partenaires

Prendre des décisions en consensus

Aller toujours sur le terrain

S'améliorer continuellement

Qualité du premier coup

Faire monter en compétence les individus et les équipes

Contrôles visuels pour détecter les problèmes

Tâches standardisées

Résolution immédiate des problèmes

Flux tirés

Fluidité des processus

0% 5% 10% 15% 20% 25% 30% 35% 40%

38%

28%

14%

10%

10%

7%

3%

3%

3%

0%

0%

0%

0%

Nombre de réponses (en % de répondants)

Figure 16 : Principes Lean non appliqués en industrie pharmaceutique

Ce graphique a été construit selon la méthode de Pareto. Les répondants devaient se prononcer sur les principes qui n'étaient pas appliqués dans leur entreprise. Les modalités ont ensuite été triées par ordre décroissant de réponses. Cette interrogation négative a été utilisée pour inciter les répondants à réfléchir, non pas sur ce qui est mis en place, mais sur ce qui ne l'est pas, et ainsi avoir un regard critique sur leur organisation et leur façon de travailler.

47

Nous pouvons observer que deux principes se distinguent des autres et sont rarement appliqués en entreprise pharmaceutique, avec plus de 15% des répondants qui les considèrent comme non appliqués dans leur entreprise.

Le principe le moins appliqué en industrie pharmaceutique, avec 38% des répondants ne l'appliquant pas, concerne l'adoption d'une philosophie sur le long terme plutôt qu'à court terme. Pour expliquer ce résultat, nous pouvons supposer que la philosophie sur le long terme n'est pas communiquée aussi fréquemment que la philosophie à long terme de l'entreprise.

Le deuxième point concerne la production constante et lissée. Les BPF exigeant une production en lot, pour éviter les risques de contamination croisée, il est en effet difficile de lisser la production, qui connait de plus des ralentissements, du fait du vide de ligne et des changements de lots par exemple.

Ces deux points ont été traités dans la Partie 1.II, et les règles préconisées permettent de trouver des solutions palliatives, permettant une bonne application du Lean, malgré les contraintes engendrées par les BPF.

Ressenti personnel du Lean

18

16

Met en avant le
partage avec les
autres]

Favorise ma sécurité

Augmente ma productivité

Augmente mon niveau de stress

Augmente mon niveau de fatigue

Effets du Lean sur les travailleurs

16

14

14

Nombre de réponses

13

14

11

12

9

10

7

8

6

4

4

3

4

2

0 0

0

0

3

3

2

4

13

11

1

0

10

1

2

0

Tout à fait d'accord Plutôt d'accord Je ne sais pas Plutôt pas d'accord Pas du tout d'accord

Figure 17 : Effets du Lean sur les travailleurs

48

Ce graphique représente l'avis des personnes interrogées sur l'impact d'une démarche Lean sur le personnel. Nous interpréterons chaque question indépendamment des autres.

Concernant le stress, la majorité des répondants pense que le Lean n'augmente pas le niveau de stress (13 plutôt pas d'accord et 9 pas du tout d'accord, soit 75% au total). Cependant, quatre personnes pensent que cette démarche leur cause du stress. Nous pouvons penser que ce stress est causé par le changement de méthode de travail, qui peut être perçu négativement si l'entreprise n'accompagne pas suffisamment ses employés pendant ce changement. Ce stress peut aussi être causé par une recherche de performances trop importante, et donc un changement de conditions de travail brutal.

Concernant la fatigue, la majorité des répondants pense que le Lean n'augmente pas le niveau de fatigue (14 plutôt pas d'accord et 11 pas du tout d'accord, soit 86% au total). On remarque une prise de position ferme, qui laisse penser que l'opinion est franche. Une opinion aussi marquée peut faire penser que les répondants ont un avis contraire à la réponse, et donc qu'ils pensent que la démarche Lean leur cause moins de fatigue. La stratégie Lean vise en effet à diminuer les gaspillages, comme les déplacements ou gestes inutiles, qui peuvent être source de fatigue pour les travailleurs.

Concernant la productivité, nous pouvons observer que les répondants ont en majorité répondu « plutôt d'accord » (14 sur 29 répondants soit 48%) pour l'augmentation de la productivité par le Lean, et 25% (7 sur 29 réponses) « tout à fait d'accord » et 17% des répondants ne sont pas d'accord ou pas du tout d'accord avec cette affirmation. Nous pouvons expliquer cette distribution par la différence entre la productivité, qui est l'objet de cette question, et la performance, qui est l'enjeu du Lean. La mesure de la productivité permet d'avoir un aperçu sur les variations des résultats : c'est le rapport entre la quantité de travail et le temps nécessaire à ce travail. La performance ne concerne pas seulement les résultats, mais aussi les objectifs et les ressources utilisées. La philosophie Lean met en avant l'amélioration de la performance, qui peut donc être conduite via une amélioration de la productivité, mais pas seulement.

Concernant la sécurité, la distribution des réponses indique qu'une majorité des répondants pense que le Lean favorise la sécurité des personnes (13 réponses sur 29, soit 44%). Nous

49

pouvons noter aussi qu'une grande part des répondants n'a pas su se positionner par rapport à cette affirmation : 11 personnes sur 29 ne savent pas si le Lean favorise la sécurité, soit 38%. La sécurité des personnes est pourtant un élément important du Lean, qui cherche à travers différents outils à favoriser la sécurité des personnes (ergonomie au poste de travail, 5S, ...).

Enfin, concernant le partage avec les autres, une grande majorité des répondants est convaincu que le Lean favorise le partage avec les autres (26 réponses tout à fait d'accord ou plutôt d'accord sur 29, soit 90%). Ce résultat confirme notre constat concernant l'intérêt du Lean en industrie pharmaceutique (Figure 8), concernant la coopération au sein des équipes, car une majorité de personnes considèrent que le Lean favorise le travail en équipe.

Pour conclure, l'intérêt humain est bien perçu par les répondants, concernant la productivité, la sécurité ou le partage avec les autres. De plus, les effets négatifs, comme le stress ou la fatigue, remontés dans la Partie 1. IV par l'INRS, sont en majorité non perçus par les répondants.

Conclusion

L'objectif de cette enquête était d'apporter une validation empirique aux hypothèses soulevées lors de la revue de l'Etat de l'art. Grâce aux résultats obtenus, nous avons pu en premier lieu comprendre que le Lean est bien intégré au quotidien dans les industries pharmaceutiques, et cela au quotidien.

L'intérêt réglementaire du Lean est perçu, car cette méthodologie est bien intégrée dans les BPF Les deux méthodologies ne sont pas contradictoires, et le Lean permet même de faciliter l'application du référentiel. Malgré cela, les BPF n'encouragent pas l'application du Lean. Cela est expliqué par l'obligation de résultats et non de moyens du référentiel. La comparaison des deux populations interrogées a montré un résultat plutôt homogène concernant les questions posées.

L'intérêt économique de l'application d'une stratégie Lean est bien perçue par les répondants. Deux principes sont peu appliqués en industrie pharmaceutique, concernant l'adoption d'une philosophie à long terme et la production constante et lissée. Cela confirme les difficultés soulevées dans l'état de l'art.

50

Enfin, l'intérêt humain est bien perçu par les répondants, concernant la productivité, la sécurité ou le partage avec les autres. De plus, les effets négatifs possibles ne sont pas rencontrés pour la majorité des répondants.

Nous pouvons donc conclure que les hypothèses soulevées sont bien vérifiées en entreprise. Nous allons maintenant examiner les opportunités et limites soulevées par l'adoption d'une méthodologie Lean, dans le cadre de missions d'amélioration, menées durant cette année d'alternance dans l'entreprise Novo Nordisk.

IV. Observations

Durant cette année de formation, plusieurs missions m'ont été confiées. La première consistait à suivre et améliorer le processus de supervision des APS (Aseptic Process Simulation, ou Simulation de Procédé Aseptique). La deuxième mission consistait à mettre en place une démarche Nécessaire et Suffisant, pour les activités du service Assurance Qualité.

Après avoir décrit le procédé de simulation aseptique, nous allons analyser ces missions d'amélioration, qui ont été menées en suivant une méthodologie Lean. Nous tenterons de déterminer l'intérêt d'une telle démarche pour ces cas pratiques, et en examinerons les avantages et les limites.

Le processus de simulation de procédé aseptique

Comme nous l'avons vu auparavant, les médicaments contenant de l'insuline doivent être produits de façon aseptique, de leur filtration stérilisante à la fin du remplissage.

Les Bonnes Pratiques de Fabrication imposent des exigences particulières aux industries pharmaceutiques produisant des médicaments stériles, qui ne peuvent pas être stérilisés à la fin du processus. Selon cette réglementation, « la validation des procédés de fabrication aseptique doit comprendre la simulation du procédé à l'aide d'un milieu de culture », c'est-à-dire qu'on exécute le processus de production aseptique en utilisant un milieu de culture favorable à la croissance des micro-organismes. Cela permet d'identifier d'éventuelles contaminations.

51

Chez Novo Nordisk, cette validation des procédés de fabrication est évaluée par les APS, via un rapport de validation. Le respect des critères de validation et la non-contamination du média permettent d'approuver le rapport, et de valider les procédés de fabrication de l'entreprise.

Ce processus est supervisé par l'Assurance Qualité, qui assiste en direct ou en visionnant des enregistrements à l'ensemble des activités du processus. Le rôle d'un superviseur est de vérifier le bon comportement aseptique des opérateurs de production et techniciens de maintenance, ainsi que de s'assurer du respect des procédures applicables.

Production Contrôle qualité Assurance Qualité

Lavage et Approbation

Formulation Remplissage Incubation Inspection

Stérilisation de l'APS

Figure 18 : Processus simplifié de la réalisation d'un APS

En cas d'observation, un retour doit être effectué à la personne concernée, sous forme d'une remarque, ou d'une reformation. Ces retours, s'ils sont critiques, doivent être faits avant l'approbation du rapport de validation.

Nous pouvons représenter ce processus ainsi :

Figure 19 : Processus simplifié de la supervision des APS par l'Assurance Qualité Etat des lieux préalable

Ma mission a débuté avec une formation à la supervision des APS, pour le processus de remplissage. Cette formation m'a permis d'être habilitée à réaliser cette activité. Cette

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supervision s'effectue en zone de production, ou bien à l'aide d'enregistrements vidéo. Cela m'a permis d'avoir un regard interne sur ce processus, et d'en comprendre les dysfonctionnements.

La supervision des APS par l'Assurance Qualité est suivie et pilotée grâce à un board de performance hebdomadaire. Plusieurs indicateurs de performance y sont évalués, concernant notamment l'état de la supervision en cours, les délais de retours aux opérateurs ou bien l'approbation de l'APS.

Nous avons pu nous rendre compte qu'un indicateur de performance était souvent peu respecté. Cela concernait le temps nécessaire pour réaliser les retours aux opérateurs, qui dépassait parfois 60 jours après la réalisation des activités, entrainant la perte des enregistrements vidéo associés. Cela avait pour conséquence de ne pas avoir de support pour effectuer les retours aux opérateurs. De plus, les procédures du groupe exigent que les retours aux opérateurs soient effectués le plus rapidement possible après l'observation.

Il a donc été décidé de réaliser un document A3, qui est un outil de résolution systématique des problèmes, aussi appelée 8D pour 8 disciplines. Il est disponible en annexe (Annexe 3).

Amélioration du flux de retours APS

Résolution du problème

La clarification du problème montre que les retours sont effectués trop longtemps après les activités. La recherche du point d'origine pointe les étapes de gestion des retours par l'Assurance Qualité, et de retour aux opérateurs, qui s'effectuent en zone de production.

Figure 20 : Processus détaillé de la supervision des APS par l'Assurance Qualité, avec recherche du point d'origine des problèmes.

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Après l'étape de clarification, nous nous sommes aperçus qu'il y avait deux problèmes distincts à résoudre, qui ont fait l'objet de deux recherches de causes :

- La gestion des retours commence trop tard après la supervision,

- Il y a des difficultés pour faire les retours une fois les observations faites.

Nous avons recherché toutes les causes possibles, en utilisant un diagramme d'Ishikawa. En analysant ces retours d'un point de vue Lean, nous pouvons identifier un grand nombre de gaspillages :

- Transport : Les retours aux opérateurs sont effectués en zone à atmosphère contrôlée, difficile d'accès. Des retours fréquents posent un problème de sécurité, car il faut limiter l'accès à ces zones pour éviter les contaminations par exemple. De plus, cela allonge le temps de déplacement.

- Stock : A cause de ces déplacements difficiles, les retours sont effectués seulement après réception de tous les créneaux de supervision, et pas dès la réception de chaque créneau. Cela crée un stock d'informations.

- Retards : Ces stocks d'information créent des retards pour les retours, qui ne sont pas effectués dès que cela est possible.

- Sur-qualité : Les retours non-critiques sont traités de la même manière que les retards critiques.

Après avoir effectué un diagramme d'Ishikawa pour rechercher les causes possibles, nous avons mené des investigations pour vérifier si ces causes avaient une réelle influence sur notre problème ou non. La cause la plus probable est nommée cause directe. Elle permet, en utilisant l'outil « 5 Pourquoi », de trouver la cause racine.

Dans notre cas, nous avons abouti à deux causes directes :

- Les rôles et responsabilités, définies dans la procédure décrivant l'exécution de la supervision des APS par l'Assurance Qualité, ne sont pas respectés : le suivi des observations est effectué par les équipes d'Assurance Qualité et non de la production.

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- Des retards dans le flux de traitement des retours entrainent un retard dans la prise en charge de ces retours.

L'équipe de l'Assurance Qualité doit donc effectuer une activité qui ne lui est pas dédiée. Cela entraine une charge supplémentaire, qui cause du retard dans le flux de traitement des retours, principalement car cette activité n'est pas prioritaire par rapport aux autres activités du service.

La première cause racine, concernant le non-respect des rôles, pointe l'absence de formation pour le rôle de superviseur de production, qui, de plus, n'est pas clairement défini. La supervision n'est pas effectuée par la production, qui recense seulement les activités effectuées en production. C'est donc l'Assurance Qualité qui prend en charge cette activité.

L'investigation menée pour trouver la cause racine du deuxième problème, concernant les retards dans le flux de traitement des retours, met en cause les retards dans la supervision des APS par l'Assurance Qualité. Ce problème sera détaillé ultérieurement.

Afin de limiter les retards, plusieurs actions ont été prises. Le board de performance, dédié à l'APS, a été muté sous Trello, qui est un outil de gestion de projet en ligne. L'utilisation d'un tel outil a permis une meilleure visualisation des retours restant à faire, tout en regroupant les informations nécessaires à la prise de rendez-vous avec l'opérateur (équipe de rotation, date limite, date de retour possible, commentaire associé, responsable du retour, ...)

De plus, afin de faciliter le suivi à plus long terme, un graphique regroupant les délais de retour et de supervision a été produit (Annexe 4). Il permet de visualiser le délai de supervision, cumulé au délai de retour, pour chaque opérateur à qui un retour a été fait depuis le début de l'année 2019.

De plus, pour simplifier le flux de traitement des feuilles d'observation, il a été décidé de séparer physiquement les feuilles, selon leur stade de traitement :

- Les feuilles non traitées sont déposées dans une pochette spécifique, avec le document de traçabilité.

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- Les feuilles traitées, c'est-à-dire pour lesquelles les commentaires ont été entrés dans la base, sont conservées dans un dossier identifié. Il est ajouté un post-it sur la feuille, lorsqu'on identifie un retour nécessaire. De plus, un suivi est assuré via Trello.

- Une fois les retours effectués, les feuilles pouvant être archivées sont approuvées et rangées dans le dossier identifié.

Enfin, pour permettre le respect des rôles et responsabilités de chacun, deux propositions ont été suggérées. La première consiste à mettre en place un statut de superviseur de production, en construisant une formation adaptée. Il faudra auparavant organiser un atelier de travail avec les process de production, afin de définir le minimum attendu pour la supervision.

Le processus de production des APS sera ainsi supervisé d'une part par les équipes de production, et d'autre part par l'Assurance Qualité. Les observations générées pendant ces supervisions seront mises en commun, et feront l'objet de retours aux opérateurs de production, effectués par les superviseurs de production. Cela permettra un suivi plus efficace des actions sur le long terme, et facilitera les retours aux opérateurs car ils seront réalisés plus rapidement. De plus, une montée en compétence des superviseurs de production sera réalisée. Enfin, pour garantir un niveau de qualité suffisant, l'Assurance Qualité réalisera les retours critiques, résultant de gestes pouvant avoir une incidence sur le produit par exemple.

Concernant la mise en place d'un rôle de superviseur de production, le gain de temps potentiel concernant l'équipe de l'Assurance Qualité est conséquent. Sur l'année 2018, 16 APS ont été menés, aboutissant à 753 observations. Cela a entrainé un retour à 35 équipes différentes sur trois lignes de production. En arrondissant le temps moyen d'un retour à 10 minutes, et en prenant en compte du temps d'accès à la zone de production de 10 minutes en moyenne, cela aboutit à un total de 251 heures de retours, pour l'année 2018. Après la mise en place de l'amélioration proposée, la très grande majorité de ces retours pourraient être effectués par le superviseur de production, en collaboration avec l'Assurance Qualité.

Résultat obtenu

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Les actions correctives menées, bien que provisoires et non pérennes, ainsi qu'une vigilance accrue sur les délais, et des rappels réguliers ont permis de diminuer sensiblement le temps alloué à l'organisation des retours.

Le tableau suivant nous renseigne sur les délais moyens de supervision et de remplissage, ainsi que les délais maximum et minimum, pour tous les lots APS remplis depuis le début de l'année 2019 :

 

Numéro de lot APS

JT6L180

JT6L294

JT6L572

JT96M005

JT6M189

JT6M287

JT6N304

JT6P157

Supervision

Moy

28

24

29

8

14

10

13

10

Max

34

41

35

31

18

27

24

24

Min

12

13

21

-

8

1

-

3

<18j

9%

36%

0%

89%

93%

88%

63%

77%

Retour

Moy

57

56

53

32

39

36

23

25

Max

94

77

80

84

78

64

43

36

Min

37

41

36

- 61

11

-

-

15

<60j

73%

73%

75%

92%

87%

94%

100%

100%

Tableau 8 : Tableau de statistiques sur les indicateurs de délais et supervision des APS

Le délai de supervision est la différence entre la date de l'activité et la validation de la supervision. Le délai de retour est la différence entre la date de l'activité, et la date du retour à l'opérateur.

Sur les derniers APS organisés, tous les rendez-vous pour les retours ont été organisés avant l'approbation du rapport, soit moins de 36 jours après les activités. Concernant le premier APS réalisé en 2019, le délai moyen de supervision était de 28 jours, pour un délai de retour global de 57 jours. Seulement 9% de la supervision était réalisée dans les temps, et 73% des retours étaient effectués avant 60 jours. La différence est marquante avec le dernier APS organisé, avec un délai moyen de supervision de 10 jours, avec 77% de la supervision réalisée dans les temps.

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Les retours ont été effectués en moyenne après 25 jours, et 100% ont respecté les délais de 60 jours.

Nous pouvons visualiser l'évolution de la conformité des délais de retour sur le graphique suivant :

JT6L180 JT6L294 JT6L572 JT96M005 JT6M189 JT6M287 JT6N304 JT6P157 Numéro de lot APS

Supervision conforme (%) Retours conformes (%)

Taux de conformité (en %)

100%

40%

90%

80%

70%

60%

50%

30%

20%

10%

0%

94%

93%

92%

Evolution de la conformité des délais de retour et de

supervision (en % de conformité)

100% 100%

75%

73% 73%

89%

87%

88%

63%

36%

9%

0%

77%

Figure 21 : Graphique montrant l'évolution de la conformité des indicateurs aux KPIs

Nous pouvons noter l'influence de la conformité des délais de supervision, sur les délais de retour. Lorsque la supervision est réalisée en retard, il est plus difficile de compenser lorsqu'il faut effectuer les retours. Il est donc important de maintenir les efforts déployés à travers les actions correctives mises en place, aussi bien pour respecter les délais de supervision que de retours, et cela jusqu'à la mise en place d'une solution durable et pérenne.

Analyse

Cette amélioration a permis de mettre en lumière un manque de formation du personnel de production pour effectuer certaines activités. Ces activités étaient réalisées par d'autres personnes qui étaient formées, mais cela entrainait une surcharge de travail. En conséquence, ces activités étaient gérées après les autres activités de routine, ce qui occasionnait des retards.

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De plus, l'utilisation d'un outil Lean tel que l'outil de résolution de problèmes A3 a permis de mettre en avant d'autres sources de gaspillages, qui n'avaient pas été identifiées au départ, et s'ajoutent à celles déjà identifiées plus tôt :

- Un manque de formation du service de production

- Une surcharge de travail du service Assurance Qualité - Des zones de stockage de l'information

- Des zones d'attente

Chez Novo Nordisk, le respect des BPF est primordial, et au centre des activités de chacun. Les améliorations mises en place respectent toujours ce référentiel. L'adoption d'une démarche d'amélioration Lean, à travers une résolution systématique des problèmes, a permis de se rendre compte des sources de gaspillages cachées. Cela a pour effet d'augmenter les compétences du personnel, d'optimiser la gestion du temps du service d'Assurance Qualité, et de favoriser l'implication du service de production dans les retours aux opérateurs.

Nous allons maintenant étudier la résolution du deuxième problème, concernant l'organisation de la supervision des APS par l'Assurance Qualité.

Optimisation de l'organisation pour l'observation AQ

Résolution du problème

La clarification du problème, concernant les délais pour les retours aux opérateurs de productions, a mis un deuxième problème à jour : la supervision de la production par l'Assurance Qualité ne respecte pas les délais fixés. Nous avons réalisé un deuxième A3 traitant de ce problème.

La phase de clarification, effectuée sur trois APS début 2019, permet de mettre en avant plusieurs problèmes :

- Les documents nécessaires à la supervision ne sont pas toujours transmis rapidement à l'Assurance Qualité.

- La répartition des créneaux de supervision au sein de l'équipe s'effectue trop tardivement après la réception de ces documents

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- Les dates limites pour la supervision des APS par l'assurance Qualité ne sont pas toujours respectées. Tout cela repousse les retours aux opérateurs, qui sont faits sur la base des commentaires effectués pendant ces supervisions.

Cela a pour effet de retarder l'approbation des rapports Mediafill, et donc de retarder la libération sur le marché des lots insuliniques produit. A terme, des retards de livraisons peuvent avoir des effets sur la santé des patients.

Des actions provisoires, pour apporter des solutions au plus vite et éviter que la situation s'aggrave, ont été mises en place. Le premier problème, concernant la transmission des documents, contribue aux retards de supervision mais n'en est pas la cause principale. Il a été résolu provisoirement en demandant les documents aux processus supports dès que les activités étaient réalisées, et non après l'écoulement du délai imparti pour la transmission. De plus, la vigilance sur le délai de répartition des vidéos a été accrue, et les créneaux de supervision sont répartis dès réception. Enfin, les délais fixés pour le visionnage des activités est rappelé plus régulièrement.

L'utilisation du diagramme d'Ishikawa et l'investigation menée a permis d'identifier la cause directe des retards : cette activité n'est pas perçue comme une priorité. Les dates limites sont alors oubliées ou ignorées, et les informations nécessaires à la supervision ne sont pas cherchées.

L'emploi de l'outil « 5 Pourquoi » a permis de comprendre qu'un sentiment de non expertise est à l'origine du problème : toute l'équipe ne s'implique donc pas, par crainte de ne pas avoir les capacités suffisantes. Seuls quelques membres de l'équipe se sentent concernés. En conséquence, il n'y a pas de communication sur l'importance de cette activité, et donc cela n'est pas perçu comme urgent et prioritaire.

Il a été décidé de réaliser un suivi poussé de cette activité. Dans un premier temps, ce suivi s'est effectué en temps réel, via l'outil Trello. Une carte été ajoutée au tableau de l'équipe, ce qui permettait d'aborder de façon journalière cette thématique, avec l'équipe entière. De plus, la mise en place d'indicateurs, suivi à l'aide d'un graphique (Annexe 4), a donné un point de vue macroscopique de l'évolution des délais.

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Le plan de formation de l'Assurance Qualité à la supervision des APS a été revu et amélioré. L'enjeu est d'augmenter l'efficacité de cette formation, afin d'une part de gagner du temps et d'autre part de lutter contre le sentiment de non-expertise. Pour cela, la première tâche a été d'identifier les redondances entre les différents modules. Ensuite, les activités sans valeur ajoutée ont été supprimées. La pratique a été renforcée, avec la visualisation de vidéos test pour évaluer les capacités des personnes à cette activité. Enfin, les différentes sections de la formation ont été pensées de façon à fonctionner séparément les unes des autres, ce qui permet une meilleure flexibilité pour la planification.

Résultat obtenu

Sur la dernière activité d'organisation des APS, nous avons pu observer une réelle amélioration. Malgré une période d'activité intense et une charge accrue à cause des vacances d'été, tous les créneaux ont été supervisés dans les temps. Le délai moyen entre les activités de production et la fin de la supervision était de 28 jours avant les améliorations, et de 10 jours pour le dernier APS supervisé. Les actions mises en place sont donc efficaces.

Il est cependant important de préciser que ces actions ont pour but de contenir le problème, les résultats ne sont donc pas permanents. Il est nécessaire de mettre en place des solutions pérennes, qui assureront des effets à long terme.

Pour pérenniser les bonnes tendances, une communication a été réalisée aux équipes en charge de la supervision, pour rappeler l'importance d'une telle activité, qui est une exigence réglementaire et qui conditionne la validation des processus de production, au regard des réglementations. (Annexe 5)

L'activité de supervision des Mediafill est aujourd'hui considérée comme une activité non prioritaire, car elle ne concerne pas toute l'équipe, qui ne s'investit pas de la même façon. Cette image nuit au respect des objectifs, car d'autres activités sont considérées comme plus urgentes et plus critiques. Ce manque d'investissement peut être dû à un sentiment de non-expertise sur le sujet.

Pour diminuer ce ressenti, deux axes d'actions peuvent être explorés, selon si le manque d'expertise est réel, ou seulement ressenti. Dans le premier cas, il est important de garantir que

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le personnel est suffisamment formé pour effectuer cette activité. Dans le deuxième cas, un accompagnement sera nécessaire, afin de permettre aux membres de l'équipe de prendre confiance en leurs capacités.

Analyse

Encore une fois, l'adoption d'une démarche de résolution de problème systématique a été bénéfique. Cela a permis de prendre conscience de l'impact des délais de supervision dans la gestion des retours aux opérateurs.

Nous avons pu identifier plusieurs sources de gaspillages :

- Un manque de formation, réel ou ressenti, qui est la cause racine du problème rencontré. - Des moments d'attente, lorsqu'il faut attendre des documents non transmis.

- Des stocks d'information, lorsque les créneaux de supervision ne sont pas répartis dès que cela est possible, ou bien quand une personne ne transmet pas ses commentaires concernant la supervision dans les temps.

- Une surcharge de travail, car cette activité n'est pas régulière et cause des pics d'activité importants.

Nécessaire et Suffisant, communiquer et partager

La démarche Nécessaire et Suffisant a pour but de faire réfléchir sur le niveau d'exigence attendu sur certaines tâches, ce qui est nécessaire, pour la conformité avec les réglementations par exemple, et ce qui est suffisant d'un point de vue qualité. Elle est animée pendant la réunion d'équipe quotidienne au board de performance. Le but est de partager un questionnement rencontré pendant les activités quotidiennes, et d'obtenir une réponse à la fois satisfaisante d'un point de vue réglementaire, et qui n'engendre pas de sur-qualité.

Cette réflexion permet donc de fixer une limite haute et basse au niveau d'exigence requis :

Sur-qualité

Suffisant

Nécessaire et suffisant

Nécessaire

Sous-qualité

Niveau d'exigence

Figure 22 : Représentation schématique du principe Nécessaire et Suffisant

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Ma mission a consisté tout d'abord à mettre cette pratique en commun avec plusieurs autres équipes de l'Assurance Qualité.

Nous avons ensuite réalisé plusieurs séances de travail avec un stagiaire d'une autre équipe, afin de croiser les données obtenues par les deux équipes et les réponses apportées aux différentes questions. Le but était de garantir une homogénéité des réponses apportées, et d'éviter de possibles dérives, dans le temps mais aussi entre les différentes équipes de l'Assurance Qualité.

Nous avons ensuite choisi de valider les réponses, apportées pendant la discussion de l'équipe, auprès d'experts, en fonction du sujet évoqué. Enfin, la parution régulière d'une communication (Annexe 6), diffusée à l'ensemble du service d'Assurance Qualité, permet de transmettre l'avis des experts, et l'échange entre les différentes équipes.

Cette activité permet d'éviter de nombreux gaspillages. Les plus notables sont la sur-qualité et les défauts, car il faut apporter une réponse qui soit réellement nécessaire, d'un point de vue réglementaire, mais aussi suffisante. Cela permet d'éviter une correction superflue par exemple, ce qui aurait engendré de l'attente et des transports d'information sans valeur ajoutée.

V. Conclusions de l'enquête

L'objectif de cette enquête était dans un premier temps d'apporter une validation empirique aux hypothèses soulevées lors de la revue de l'Etat de l'Art. Grâce aux résultats obtenus, nous avons

pu valider les trois hypothèses proposées : l'intérêt réglementaire, économique et humain, mais aussi les limites de l'utilisation du Lean en industrie pharmaceutique, qui sont bien perçues en entreprise.

L'analyse des missions menées durant cette année d'alternance a pu mettre en lumière les bénéfices possibles grâce à l'adoption d'une stratégie Lean dans un milieu confronté aux Bonnes Pratiques de Fabrication. L'investigation menée a permis de comprendre les causes multiples du premier problème rencontré, c'est-à-dire des retards pour effectuer les retours aux opérateurs, à la suite des activités de supervision de la production aseptique. Un schéma récapitulatif est disponible en annexe (Annexe 7), qui reprend les causes directes identifiées, ainsi que les causes racines et l'impact des différents retards sur le problème global.

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Conclusion

Ce mémoire traite de la compatibilité d'une démarche de Lean Management avec le respect des Bonnes Pratiques de Fabrication, dans une industrie pharmaceutique. Cette problématique a émergé d'un constat : les entreprises pharmaceutiques, pour répondre à un besoin de rentabilité et de pérennité, ont mis en place des démarches Lean. Ces démarches ont pour principal enjeu de supprimer les activités à non-valeur ajoutée des processus réalisés par l'entreprise. Nous avons ainsi cherché à connaitre les intérêts et les limites d'une telle démarche pour un service d'Assurance Qualité.

Dans un premier temps, la littérature consultée pendant la recherche documentaire nous a permis de voir que le Lean a tout d'abord un intérêt réglementaire : les BPF et le Lean sont compatibles, à certaines conditions. Des recommandations sont émises pour pouvoir appliquer le Lean dans un milieu respectant les BPF, fixant ainsi les enjeux du Lean dans l'industrie pharmaceutique.

Ensuite, nous nous sommes intéressés à l'intérêt économique d'une telle démarche industries pharmaceutiques : il permet d'accroitre durablement la performance de l'entreprise, en évitant les activités à non-valeur ajoutée, à travers la chasse aux gaspillages.

Enfin, nous avons compris l'importance du développement des personnes, à travers l'autonomie et la prise en compte de la santé du collaborateur. Des risques pour la santé et la sécurité des travailleurs ont été soulevés, notamment concernant la fatigue, le stress, ou bien les conséquences d'une mauvaise gestion du changement de stratégie.

Dans un deuxième temps, nous avons vérifié la véracité de ces hypothèses, en administrant un questionnaire à des personnes travaillant dans une industrie pharmaceutique qui applique le Lean, et qui travaille en Assurance Qualité.

Nous avons ainsi pu constater que l'intérêt réglementaire est bien perçu par les répondants : le Lean permet de faciliter l'application des BPF, car les deux méthodes partagent des objectifs communs. Par exemple, assurer l'efficacité du médicament et supprimer les risques pour le patient sont un moyen de garantir la valeur ajoutée du produit fabriqué.

Ensuite, nous avons vérifié que l'amélioration des performances par l'application de principes Lean est bien perçue par les répondants. Cela permet aux équipes d'Assurance Qualité d'être plus compétitif et performant, et de gagner du temps tout en favorisant le travail en équipe. Deux principes Lean sont peu appliqués en industrie pharmaceutique, concernant l'adoption d'une philosophie sur le long terme et la production constante et lissée. Cette limite a été identifiée dans la littérature, et l'enquête vient donc la valider.

Enfin, les risques pour les travailleurs, identifiés à la suite de la mise en place de stratégies Lean, n'ont pas été ressentis ou vécus par les répondants. Les intérêts humains du Lean, comme le partage avec les autres ou les bénéfices pour la sécurité, ont été mis en avant.

Les démarches de Lean Management sont donc compatibles avec les Bonnes Pratiques de Fabrication. L'application des principes Lean apporte de réels intérêts réglementaires, économiques mais aussi humains aux entreprises pharmaceutiques, et plus particulièrement aux équipes d'Assurance Qualité.

Lors de cette année d'alternance, j'ai pu assister et participer à la migration de plusieurs outils de management d'équipe sur des supports informatiques. En effet, le board de performance de l'équipe a été transféré sur Trello, et tous les ordinateurs de l'entreprise ont changé de système d'exploitation, et les collaborateurs ont adopté un mode de stockage des données en ligne. Il pourrait être intéressant par la suite de comprendre l'intérêt de la digitalisation dans une démarche de Lean Management.

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Apports et limites

Cette année d'apprentissage a été très riche en enseignements, aussi bien professionnels que personnels. Elle a représenté pour moi ma première expérience longue dans le monde du travail, et m'a donné l'opportunité de connaitre le domaine de l'industrie pharmaceutique, ainsi que le fonctionnement d'un grand groupe international.

Cette année m'a permis d'appréhender le management transversal, en gérant un processus qui mettait en relation différents services de l'entreprise. Cette expérience m'a également appris à gérer des activités à court terme et à long terme, mais aussi à prioriser les tâches, à court et moyen terme.

Lors de mon arrivée en entreprise, la peur de faire des erreurs m'a parfois poussé à ne pas réaliser mes activités de façon optimale. L'aide et le soutien de ma tutrice m'a poussé à prendre confiance en mes capacités.

La pratique a représenté une partie importante de mon expérience. Cela m'a permis d'une part de comprendre les axes d'améliorations possibles, et les gaspillages en place, et d'autre part de réaliser et d'apprécier les résultats obtenus.

Enfin, le contact régulier avec le personnel de production, à travers la formation effectuée aux opérateurs, a été très enrichissant, et m'a permis de me rendre compte de l'importance d'aller sur le terrain.

Concernant l'administration de l'enquête, plusieurs limites peuvent être soulevées. Le nombre réduit de réponses au questionnaire ne permet pas d'être représentatif de l'ensemble des industries pharmaceutiques françaises. De plus, il aurait été intéressant d'interroger des personnes travaillant dans des entreprises qui n'ont pas adopté de stratégie Lean, afin d'effectuer des comparaisons.

De plus, connaitre le nombre d'entreprises extérieures représentées dans l'échantillon de répondants aurait permis d'apprécier la représentativité de notre enquête, par rapport aux entreprises pharmaceutiques françaises.

Il est important de noter que les BPF sont tellement intégrées dans les industries pharmaceutiques que la distanciation est difficile. En effet, ce référentiel est présent avant même la construction d'une industrie, et conditionne la production, sous tous ses aspects. Les idées d'amélioration qui les remettraient en cause ne sont pas adoptables, et les stratégies Lean qui tenteraient de les contourner pourraient rencontrer des risques d'auto-censure, de la part de ceux qui les dirigent.

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SHEWART, W. A. (1931). Economic Control of Quality of Manufactured Product. New York: Van Nostrand.

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Table des matières

Remerciements II

Sommaire III

Table des figures et tableaux IV

Glossaire V

Introduction 1

PARTIE 1 : Etat de l'art 3

I. Evolution du concept de la qualité et de sa perception 3

La qualité, un concept général 3

Les démarches qualités depuis les révolutions industrielles 3

Une démarche qualité pour rassurer les clients et contrôler les produits 4

Le modèle de la Qualité totale 5

II. Les réglementations en industrie pharmaceutique 8

L'ANSM 8

Les Bonnes Pratiques de Fabrication 9

Département Assurance Qualité (AQ) 10

III. Le Lean Management dans un environnement BPF 11

Comparaison du Lean et des BPF 11

Principes de Lean Management cachés dans les BPF 14

La Qualité au centre de la démarche de Lean Management 16

IV. L'intérêt économique d'une stratégie Lean pour l'entreprise 17

Qu'est-ce que la performance ? 17

Les gaspillages nuisent à la performance 19

La variabilité et l'excès, des causes de gaspillages 21

V. Les travailleurs et le Lean 22

L'importance du développement humain 22

71

Intérêt de la démarche pour un manager 23

Effets sur la santé et la sécurité des travailleurs (INRS, 2016) 23

VI. Conclusion de l'état de l'art 25

PARTIE 2 : Enquête 27

I. Contexte de l'étude 27

1) Présentation de l'entreprise 27

2) Le Lean chez Novo Nordisk 30

II. Méthodologie de recherche 33

Rappel de la problématique 33

Les différentes postures de recherche 33

III. Questionnaire 35

Objectifs et enjeux 35

Etude de l'échantillon interrogé 36

Analyse des réponses 37

Conclusion 49

IV. Observations 50

Le processus de simulation de procédé aseptique 50

Etat des lieux préalable 51

Amélioration du flux de retours APS 52

Optimisation de l'organisation pour l'observation AQ 58

Nécessaire et Suffisant, communiquer et partager 61

V. Conclusions de l'enquête 62

Conclusion 64

Apports et limites 66

Bibliographie 68

Table des matières 70

Résumé 73

Table des annexes 74

Annexe 1 75

Annexe 2 76

Annexe 3 79

Annexe 4 81

Annexe 5 82

Annexe 6 85

Annexe 7 86

72

Résumé

L'augmentation régulière des dépenses de santé constatée dans plusieurs pays a poussé les gouvernements à prendre des mesures visant à les contrôler. L'industrie pharmaceutique a donc cherché à mener une politique de réduction des coûts, pour rester compétitif et permettre à tous d'avoir accès aux soins. Des stratégies Lean ont ainsi été adoptées par les entreprises.

En étudiant l'évolution du concept de la qualité jusqu'à la stratégie Lean, tout en prenant en compte l'importance des réglementations présentes au sein de l'industrie pharmaceutique, nous avons pu soulever une question : La démarche de Lean Management est-elle compatible avec le respect des Bonnes Pratiques de Fabrication ?

L'étude de la place du Lean Management dans un environnement respectant les bonnes Pratiques de Fabrication nous a poussés à nous questionner sur les opportunités et limites d'une démarche Lean Management dans un service d'Assurance Qualité, qui doit respecter les Bonnes Pratiques de Fabrication.

L'enquête, menée à l'aide d'un questionnaire administré en ligne, a permis de valider l'intérêt à la fois économique, réglementaire et humain du Lean pour une industrie pharmaceutique.

Enfin, l'analyse des différentes améliorations menées dans le service d'Assurance Qualité de Novo Nordisk a permis de comprendre les avantages d'une telle démarche, en pratique.

73

Table des annexes

Annexe 1 : A3 SPS - Trame 75

Annexe 2 : Base de données issue du questionnaire 78

Annexe 3 : A3-SPS - Retours effectués en retard 80

Annexe 4 : Graphique de suivi des délais - supervision et retours. 81

Annexe 5 : Communication sur l'importance des APS 84

Annexe 6 : Communication Nécessaire et Suffisant, diffusé le 9 Avril 2019 85

Annexe 7 : Schéma récapitulatif 86

74

82

Annexe 5

83

Annexe 5 : Communication sur l'importance des APS

84






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"Il faut répondre au mal par la rectitude, au bien par le bien."   Confucius