Ière PARTIE : MONOGRAPHIE DU TERRITOIRE
D'UVIRA
CHAPITRE I. GENERALITES
1.1. PRESENTATION DU TERRITOIRE D'UVIRA
1.1.1. Situation géographique
Le territoire d'Uvira est l'une des composantes du territoire
national congolais. Il a été créé par le
décret-loi n° 21/91 du 25 février 1938 modifié par
celle n° 67/221 du 03 mai 1967. Ce territoire compte une population de
346766 habitants sur une superficie de 3145 km2, soit une
densité de 104 habitants par km2
Ses limites sont les suivantes :
- Au nord il est limité par le Territoire de Walungu
- Au Sud par le Territoire de FIZI
- A l'Est par le lac Tanganyika et la rivière Ruzizi
Constituant la frontière naturelle avec les
Républiques Rwandaise et Burundaise
- A l'Ouest par le Territoire de Mwenga
1.1.2. Situation Administrative
Administrativement le territoire d'Uvira est subdivisé
en trois cités et trois chefferies ainsi que quatre postes d'encadrement
administratif :
- La chefferie des Bafuliiru au Nord, entre la rivière
Luvinvi et Kawizi
- La chefferie des Bavira au Sud, entre la Kawizi et la
Kambekulu
- La chefferie de la plaine de la Ruzizi à l'Est, entre
la Ruzizi et la grande Route reliant Bukavu à Uvira. Ces chefferies sont
respectivement habitées par les Fuliiru, les vira et les Rundi.
A côté de ces trois groupes principaux, certains
autres citent également les Twa (pygmées) parmi les occupants les
plus anciens de cet espace. Mais aujourd'hui, comme chacun le sait, si le terme
Twa s'est jusqu'ici maintenu dans le langage, la silhouette, en revanche a
depuis longtemps déjà disparu du paysage.
Outre les Twa et les trois premiers groupes
précités, il y a lieu de signaler également sur le
plateau, la présence d'un groupe des pasteurs immigrés
Rwandophones qui y mènent, depuis un certain temps, une vie
semi-nomade.
1.1.3. La Démographie
Le territoire d'Uvira compte trois cités et trois
chefferies dont la cité d'Uvira, la cité de Kiliba et la
cité de Sange.
La population s'élève à 346 766 habitants
établis sur une superficie de 3. 142 km2 soit une
densité de 104 habitants par km2
Les autochtones sont les Bafuliru et les Baviras, à eux
se sont ajoutés les Babembe, le territoire est habité aussi par
des « Banyamulenge « qui sont une population de
16
souche Tutsi vivant dans les hauts plateaux d'Uvira et
d'autres qui ont émigré de Vyura au Nord du Shaba.
A ces populations nous ajoutons les Barega, les Bashi, venus
du Sud du Territoire et les autres peuples comme les Banande, les
Bangubangu.
1.1.3.1. Mise en place du peuplement actuel
a. Les Vira-Fuliru
Partis du Nord Est, les vira et les Fuliiru seraient descendus
vers le Sud et traversant Lwindi, se seraient installés sur les terres
qui constituent leur fief actuel. Toute fois CUYPERS 13 pense que la
descente ne s'est pas faite d'un seul trait, mais a été
retardée par un long détour à travers le Maniema. 14
Avec à sa tête un certain Nalwindi
hypothétique ancêtre et leader du mouvement. Le groupe se serait
encore scindé en deux, les Fuliiru descendant sous la conduite de
Kahamba Kalingishi et s'installant sur les hauteurs de Lemera tandis que les
Vira, sous la houlette de Kirungu s'installaient sur le pic de Munanira,
d'où ils essaimeront vers les terres basses de la vallée et sur
le territoire, commencé au 16ème siècle, cette
installation se serait terminée au 17ème
siècle, comme en témoignent, aux dires des autres, les empreintes
qu'en porte alors déjà ce terroir 15 les sources
Bavira quant à elles, déclarent que les deux tribus sont
différents tout en démontrant que les Bafuliiru sont venus du
nord et les Bavira du Sud vers Katanga avant de s'installer tous à
Uvira. Ces deux sources affirment que ces deux tribus sont sur le sol d'Uvira
à partir des courants migratoires aux premiers siècles de notre
ère. (BIRHAKAEKA, 1987)16
Les Fuliiru
En lisant les études ethnographiques, nous nous sommes
heurtés à la difficulté de circonscrire le territoire des
Bafuliiru. Il est présenté de façon extensive à tel
point qu'il soulève dès le départ le problème de
savoir si les Bafuliiru contrôlent toute l'étendue. Les rapports
dressés en 1907 circonscrivent le territoire ethnique des Bafuliiru dans
les limites de la superficie située le long du lac Tanganyika et de la
Ruzizi depuis Moira jusqu'à la rivière Luvivi. Le territoire
défini est très vaste et couvre plus ou moins l'espace entre le
sud d'Uvira et la Luvivi.
De ce fait, il y a lieu de considérer qu'il s'agissait
en effet d'un espace culturel qui englobait aussi celui de Bavira. Sur un
même espace, deux ou plusieurs ethnies pouvaient coexister de
façon contiguë comme nous pouvons le voir sur la carte. Les limites
du côté orientales sont données dans les rapports mais pas
de côté occidental.
Il est tôt pour conclure à leur absence et de
dire prématurément que la forêt faisait office de
frontière. Il ressort que le territoire ethnique des Bafuliiru
n'était que partiellement délimitée.
Le spillor et l'administrateur René Lons ont
rapporté des fait qui illustrent le mieux la fragmentation qui
était déjà encours chez l'ethnie Bafuliiru. Même
s'ils ne sont
13 CUYPERS, cité par Mahano Ge Mahano,
existe-t-il de Rwandais Congolais ? , éd. Sophia, Kinshasa, p.
64
14 Op. cit. p. 65
15 Idem p. 65
16 COPARE, observatoire des conflits au Sud-Kivu,
rapport de mars 2003
17
parvenus à dater les faits, il ressort de leurs
différents rapports que le chef Luhama, fondateur de la dynastie
Bahamba, a procédé à la fragmentation pour maintenir la
cohésion interne et pour faire face aux revendications
d'autonomie17.
Si le chef Luhama a évité l'éclatement,
il a tout au moins en repartissent le territoire ethnique entre ses trois fils
de façon stratégique, consacré l'existence de trois autres
souverainetés.
Elles étaient contiguës et dépendantes de
son autorité par ce qu'il percevait des tribus. Le caractère
parental de l'autorité est aussi souligné dans les rapports de
Grasset et de NanDerghote.
L'autorité se transmettait du père au fils
aîné. Les allégeances étaient plus
déterminées par les liens familiaux que par la médiation
du territoire. L'ethnie était le lieu de production de
micro-souveraineté.
Le fils aîné, Nyamugira, reçut la partie
entre Moira et la rivière Munyovwe au Sud. Le deuxième fils,
Mutahonga, reçut la partie depuis la rivière Munyovwe au sud
jusqu'à la rivière Kise au nord et la partie limitée par
une ligne longeant le pied de Montage formant le versant Est de la
vallée de la Ruzizi jusqu'au pont de pierre. Le troisième fils ;
Lusagara, eut la partie des montagnes dont l'accès est fort difficile.
La répartition du territoire n'a pas empêché les Balunga,
une fraction du clan régnant, de se détacher et de ses rallier
aux Bavira. Les Balunga n'ont pas reproduit la structure d'autorité
qu'ils maintenaient chez les Bafuliiru mais ils ont été
assimilés comme simple clan chez les Bavira18
Nous ignorons si les Bazige ont conquis le territoire qu'ils
occupent actuellement ou ont été groupés par les Belges,
les archives de la sous régions de Sud-Kivu (Uvira) renseignent que le
chef Muluta aurait donné les terres qu'ils occupent actuellement
à Ngabwe, leur chef. L'autre version, surtout celle des descendants
Bazige, communément connus sous l'appellation de Bazeke ou Bahungu, dit
que l'actuel groupement de Muhungu qu'ils occupent et dirigent dans la
collectivité chefferie des Bafuliiru et auxquels sont venus se joindre
d'autres clans, était avant l'occupation Belge une chefferie autonome
sous le règne de Kalunga, fils de Mukobesi, fondateur de la chefferie.
Leur récit parfois mythique rappelle que Kalungu détenait tous
les symboles du pouvoir traditionnel mais fut conquis et soumis par Mahina
Mukogabwe, le chef des Bafuliiru. C'est ainsi que la chefferie de Kalunga fut
annexée à celle de Mukogabwe. L'annexion aboutie donc à
l'unification de deux peuples. Kalunga devient un simple sous-chef de Mukogabwe
mais pouvoir fut maintenu dans sa lignée pour sécuriser tous les
Bazige et de leur permettre de participer à la gestion de la chefferie.
Leur participation par la détention du pouvoir contribua à
réserver les liens sociaux et à maintenir la confiance entre
Mukogabwe et Kalunga.
Au fil des âges, les Bazige adoptèrent le
Kifuliiru comme langue, les liens matrimoniaux et échanges commerciaux
s'intensifièrent, et ils reconnurent Mukogabwe comme leur Mwami.
Les processus d'intégration sociale étaient
alors achevés. Cette version très intéressante rappelle
non seulement une intégration forcée mais aussi un compromis des
communautés qui a bien réussi à créer des
conditions de cohabitation. 19
17 BOSCO MUCHUKIWA, pouvoir locaux et
contestations populaires dans les territoires d'Uvira, Au Sud-Kivu de 1961
à 2004, Thèse de doctorat envers, 2004 p.40
18 BOSCO MUCHUKIWA, Op. Cit., p. 42
19 BOSCO MUCHUKIWA, Op. Cit. p. 43
18
Les Bavira
L'Abbé KALOLERO BYASHONI Bernard explicite
l'idée de fragmentation et de dispersion de Bavira dans son document
intitulé : Bref aperçu historique de clan Vira, inédit,
Uvira, janvier 2002. Nous pouvons découvrir dans les neuf
premières pages que les Bavira sont partis du Tchad en transitant par
Haut-Uelé, Maniema, Kibombo, et Sange au Katanga. Ils furent corps avec
les Baluba mais se séparèrent suite aux luttes internes sous la
direction de Ilunga Lenge Ier pour occuper Pepa au Sud de Moba. Le
Chef Lenge Ier fut dictateur : d'où division en trois parties
(branches) : celle de Nambuza Mukangwa pris la direction de Lwaba, celle de
Ilunga Ier suivi la chaine de Mitumba mais se disloqua et donna lieu aux
Babuyu. La branche de Ilunga Lenge Ier occupa successivement Baraka,
Nundu, Kigongo et Munanira.
Enfin, celle de Benga Mwene Mazi Emprunta le lac Tanganyika et
occupe respectivement Ubwari et Kabungulu Namyanda. Les branches de Ilunga
Lenge Ièr et de Benga Mwene Mazi se croisèrent au 17è
siècle dans le Fizi et Uvira et forment un seul peuple. Zoba. Celui-ci
fut divisé par l'administration coloniale au début du
20è siècle en vue de délimiter les
chefferies.
C'est ainsi que le peuple Zoba donna naissance aux Bavira,
Babuyu, Basanze, Babwari et Bahololo. Nous avons résumé les faits
par souligner la mobilité des Bavira et l'existence de plusieurs
chefferies. 20
Les premiers rapports administratifs qui nous parlent des
Rundi mentionnent leur présence dans la région en même
temps que celle des mutins de la colonne Dhanis-chaltin dont l'apparition est
signalée capitaine Hecq qu'en octobre 189921
On peut donc raisonnablement situer le début de
l'infiltration continue des Rundi dans la plaine de la Ruzizi aux environs de
1900-1903. Cela est d'autant plus vrai que c'est également en 1899 que
débute l'occupation effective de RWANDA-URUNDI par l'Allemagne avec
l'organisation de station militaire d'USUMBURA et l'établissement dans
le pays d'une société commerciale allemande.22
Ainsi, jusqu'à la fin de la 1ère
grande guerre (1914-1918), à part le groupe des « Ziges »
installés d'abord à Kisanga puis sur les hauts plateaux à
Muhungu aucun autre groupe Burundais ne se stabilisa dans la plaine. On assista
plutôt à de va et vient incessant de transfuges politiques
d'aventuriers de tout genre et de valeurs de bétails qui, profitant de
la confusion créée par le passage des mutins,
s'intensifièrent leurs incursions à partir du Rwanda-Urundi
allemand, les rapports administratifs de l'époque abondent en ce genre
de détails.
Après la débâche des mutins, l'un des
chefs de ces bandes, un certain KINYUNI en difficulté avec l'occupant
allemand, vint avec son groupe se mettre sous la protection du drapeau
congolais.
Sur place même les réquisition
consécutives à l'état de guerre et les impositions,
corollaire de l'occupation effective de la contrée par les
émissaires de Léopold II, avaient contraint les chefs autochtones
et une importance portion de leur population à chercher refuge sur les
hauts plateaux pour échapper aux tracasseries des représentants
de l'ordre nouveau profitant de la vacance ainsi créée,
l'occupant
20 Idem, p. 53
21 VANDE WOUDE, E. J, coté par Mahano Ge
Mahano, Op. Cit, p. 65
22 Cfr. P. 65
19
belge attribua le trône de Mwami Fuliiru Nyamugira,
alors en fuite au chef de bande Burundais KINYUNI. Cette magnifique fonction
n'empêcher pourtant pas ce dernier de s'enfuir en 1904 avec un important
cheptel vers son Urundi natal la puissance tutélaire tentera de lui
faire succéder son fils Mugabo qui lui aussi suivra quelque temps
après ce triste exemple de son père (1906). Nullement
édifiée par ces deux cas, la puissance administrative confiera
encore la chefferie à un certain Lubisha ancien.
Le caractère arbitraire et fantaisiste de ce choix
apparaît clairement à travers ces mots du rapport administratif de
l'époque : « presque tous les indigènes du chef reconnue
Lubisha sont des Bafuliiru quoique personnellement il soit Urundais : comme ses
prédécesseurs, lui aussi s'en retournera en 1996 dans son Urundi,
alors appelé « Territoire contesté », après y
être fait précéder de centaines de têtes de gros
bétail volées bien évidemment sur notre territoire.
Et ce n'est qu'après le passage du Rwanda-Urundi sous
administration Belge que les Rwandais traverseront la Ruzizi, non plus avec la
seule intention de voler du bétail, mais aussi avec une
arrière-pensée de s'installer pour tenter d'améliorer sur
place leurs conditions d'existence en proposant leurs bras comme pâtres
ou comme main d'oeuvre agricole.
En effet, l'imposition généralisée,
à partir de 1920, des cultures obligatoires couplées du programme
des paysannats indigènes, entraîna dans la plaine un afflux massif
des autochtones Vira-Fuliiru jusque-là réservés et
retranchés sur les flancs ou aux sommets des hauts plateaux. C'est
à ceux-ci que les immigrés venaient vendre leur force de
travail.
L'occupation et la mise en valeur de la plaine de la Ruzizi
offriront à l'administration l'occasion longtemps rêvée
d'entamer l'influence et le prestige des chefs locaux. Ainsi, en dépit
de tous les déboires antérieurs, l'administration coloniale ne
s'empêchera pas de créer en 1928 une chefferie forgée de
toutes pièces au profit d'une poignée d'immigrés Rundi,
par ailleurs très flottants, mais dont la principale vertue était
d'être plus docile et portant plus malléable augré de la
puissance occupante. A la tête de la nouvelle circonscription sera
placé un de ceux-ci, un
certain NDABAGOYE, alors que la chefferie était
peuplée en majeure partie de population vira-fuliru.
La création de cette nouvelle chefferie fut donc, ou
sans doute bien, uniquement dictée par le souci de battre en
brèche et de grignoter l'autorité de chefs autochtones
vira-fuliiru, plus précisément les Bami MUKUMIKA MULUTA et
MUKOBABWE réputé réfractaires aux impositions de l'ordre
coloniale.
Imposée par le pouvoir occupant, la création en
terre congolais de cette chefferie, baptisée chefferie des Barundi et
actuellement dénommée chefferie de la plaine de la Ruzizi, sera
toujours contestée par les Bami et les populations autochtones qui la
percevront, tout au long du règne colonial, comme une plaie mal
cicatrisée, plantée dans leur flanc règne par l'occupant
étranger. Et de ce fait, l'histoire nous apprend que cette plaie se
rouvrit dès l'accession de notre pays à l'indépendance.
Le problème du territoire ethnique des Barundi dans la
vallée de la Ruzizi, rive droite, n'est pas d'ordre administratif mais
plutôt d'ordre conceptuel dans la mesure où les groupes ethniques
voisins refusent de reconnaître les découpages
hérités de la colonisation et de s'en remettre à la
loi.
Le conflit de référence tire naturellement ses
origines dans la politique d'organisation spatiale qu'a consisté
à reclasser les Bazige dont on a parlé précédemment
et les Banyakarama, deux groupes originaires du Burundi, mais dont l'insertion
et les
20
conflits ont évolué différemment. Les
itinéraires que les deux groupes ethniques ont empruntés pour
atteindre la rive droite ou la Ruzizi ne sont pas bien connus.
En provenance de Gatumba, ils sont entrés par le sied
de la plaine, plus précisément par Kagando à des
époques différentes pour occuper Hongero, près de Kiliba
et Kihebe actuellement Kavimvira dans la plaine de la Ruzizi. L'occupation de
Kavivira, la partie nord du Lac Tanganyika jusqu'au mont Kyamate (Sange) par
les gens venus du Burundi aurait été à la fois pacifique
et militaire. G. Kleis écrit que les Bavira et les Bafuliru ont perdu
cette partie au dépens de nouveau occupants par la conquête 23
Le territoire ethnique des Barundi n'était donc pas
aussi fixe. Jacques François Depelchin et Ndabagoye Nsabimana affirment
que le chef Ntorogwe s'était rendu à Kaboge dans le territoire de
Fizi mais était retourné à cibitoke au Burundi. Ses
descendants s'établirent à Hongero, à Kawizi, à
Luberizi et à Katumba enquête des pâturages. Les groupes de
Barundi étaient mobiles 24
C. Les Rwandophones
Tard venus dans la région, nous avons les Rwandophones
dont WEIS situe les premières infiltrations vers 1900. KAGAME le situe
un peu avant 1986. Mais la véritable immigration Rwandophone dans la
Région a lieu entre 1921 et 1930 sous la direction de KAÏLA.
Plus que l'inhospitalité des chefs et des populations
autochtones, c'est principalement des raisons d'ordre climatique et
administratifs qui contraindront les immigrés à prendre le
sentier du plateau ou ils menaient jusqu'en 1964 une vie semi-nomade entre les
territoires d'Uvira, Mwenga et Fizi. A propos de ces pasteurs immigrés
Rwandophones, l'Abbé KAJIGA écrit que d'autres groupes de
Rwandais éleveurs, 6000 environs se rencontrent également dans le
territoire d'Uvira et de Fizi. C'est par suite de l'attentant de RUCUNGU, en
1896, que fuyant la tyrannie et les représailles du roi MUSINGA, ils
atteignirent le Congo par KAZIBA. Ils s'établirent sur les hauts
plateaux d'Uvira où ils mènent une vie de paitre. Ces
dernières armées, quelques familles de ces groupes ont
poussé un point jusque sur la croupe des montagnes de territoire de FIZI
où leurs bestiaux trouvent aussi d'excellents pâturages. 25
DEPELCHIN lève toute équivoque quant à
l'époque de l'installation des immigrés Rwandophones dans la
contrée. Nous savons en effet, qu'au terme des plusieurs
tâtonnement sur le rôle qu'il fallait assigner à
l'autorité traditionnelle et la nature des relations qu'il fallait
promouvoir entre le pouvoir occupant et pouvoir coutumier, l'administration
coloniale promulgua le décret de 02 mai 1910 qui fixa une chefferie ou
sous chefferie à tout noir, congolais ou étranger vivant dans la
colonie.
L'article 1ère du décret de 1910
stipule à ce sujet que « les indigènes du Congo et ceux des
colonies limitrophes qui résident au Congo sont réparties en
chefferies dont les limités territoriales sont déterminées
par le commissaire de district, conformément à la coutume.
23 BOSCO MUCHUKIWA, Op. Cit. PP 47 et 48
24 Idem, p. 52
25 Op. Cit. p. 68
26 Idem p. 73
27 Idem p. 80
21
Au second alinéa de son article 3, le même
décret précise : « les indigènes qui viendront
ultérieurement des colonies limitrophes feront partie de la chefferie et
de la sous-chefferie où les fixeront leur résidence.
Il apparaît ainsi clairement qui si la présence
des Rwandais sur les hauts plateaux d'Uvira avait été
antérieure à la période coloniale, le décret de
1910 n'eût pas manqué de leur reconnaître leur propre
chefferie ou sous chefferie pour leur permettre d'évoluer eux-aussi
l'instar de toutes les autres ethnies de la colonie, conformément
à leur coutume. Leur installation s'étant produite
postérieurement à la promulgation de ce décret.
Les Rwandophones se sont tout naturellement retrouvés
sous le coup de 2ème alinéa de l'article 3 susmentionnée,
ce qui explique leur sujétion aux chefs vira Fuliiru
Sinon, les anciens et orgueilleux maîtres des «
chiens de Hutu et Twa » sur lesquels leurs cousins continuaient à
exercer, au Rwanda, une cruelle et impitoyable domination jusqu'à la
révolution Pome-Hutu de 1959, ne se seraient sûrement pas, sans
cela, passivement ni presque spontanément accommodés, des
siècles durant, d'une vile sujétion à un chef Vira-Fuliiru
qu'ils assimilent, à part eux, aux « chiens de Hutu et de Twa
» qu'ils ont laissés dans leur Rwanda Traditionnel.26
Apparition de l'appellation « Banyamulenge »
Sur les hauts plateaux sur plombant le lac Tanganyika vivait
affectivement un peuple pasteur semi-nomade » ce peuple n'avait pas pour
non « Banyamulenge » mais représentait une branche de migrants
Rwandophones Tutsi qui ont fui les conditions de vie abominables qui
prévalaient dans leurs pays après la première guerre
mondiale.
Les rapports administratifs signalent, quant à eux, la
présence du premier contingent Rwandophone dans la contrée en
1924.
L'apparition des conflits interethnique entre Fuliiru et
Rwandophones après cette date, semble se confirmer tout comme paraissent
le corroborer les témoignages de sources locales qui situent
l'arrivé de ces pasteurs sous le règne de chef Fuliiru MOKAGABWE
dont l'avènement se situe entre 1914 et 1927.
Tout le peuple Fuliiru se rappelle encore parfaitement, comme
si cela datait d'hier, la relégation que lui valut, en 1927, sa haine
viscérale contre les immigrés Rwandophones. C'est seulement
après la mort de MUKOGABWE, en 1930, que le groupe, qui s'était
dans l'entre-temps réfugié à Itombwe, sollitera
auprès de l'administration coloniale toujours, son retour à
Mulenge. Une confirmation, s'il en était besoin, de la protection dont
ils se savaient bénéficiaires auprès de l'administration
depuis leur installation.
DEPELCHIN le dit ici encore très clairement : «
MUKOGABWE was relegated in 1927, and died in 1930. The Tutsi asked
the colonial occupant for permission to return to Mulenge.
»27
On ne demande pas la permission de retourner occuper une terre
qui a toujours été sienne» si elle vous a été
arrachée, on se serre les reins, on forge les armes et on la reconquiert
comme cela venait de se passer au Rwanda. Et pour ce faire, point de permission
à quémander à qui que ce soit !
22
Le contingent de 1924 sera par la mite fortement
gonflée par le flux de clandestins et après l'indépendance
par des vagues successives des réfugiés politiques notamment en
1959-1962 -1972.
Don son ouvrage, Mahano ge Mahano précise « Tous
les auteurs que nous venons de citer ne parlent que de Rwandais Tutsi. Aucun ne
fait mention d'un quelconque Mu ou Banyamulenge. Nous pourrions de même
fouiller en vain, minutieusement systématiquement, toute la
littérature ethnographique existante sur le Sud-Kivu ; nulle part nous
ne trouverons signaler l'existence de la mystérieuse ethnie «
Banyamulenge »
Il faut en vérité nous rapprocher très
près clans l'histoire immédiate pour voir le terme «
Banyamulenge » tenter désespérément, mais
opiniâtrement sa Percier, tel sur « deus ex-machima » à
la fois dans le panorama ethnographie et sur l'échiquier politique du
pays.
C'est à partir plus précisément des
années 1970, qu'un groupe d'intellectuels immigrés Rwandophones
à l'armée parfait. Le commissaire du peuple GISARO,
lui-même encouragé soutenus par l'ensemble des intellectuelles et
réfugiés Tutsi, hautement et puissamment positions à
Kinshasa, prennent conscience de leur non appartenance commune à la
nation congolaise. Ils se rendent du coup compte de la fragilité de
leurs positions socio-politiques dans les pays.
Les immigrés et les réfugiés socialement
implantés dans les rouages politico-administratifs du pays et
parfaitement au courant des moeurs politico-administratives du pays hôte
fraieront aussitôt dans cette lacune une occasion inespérée
d'usurper la nationalité congolaise à peu de frais en se
rattachant tous à cette branche mal connue. L'opération restera
néanmoins clandestine jusqu'en 1977. Cette année-là,
l'entrée de GISARO, un descendant de ces immigrés Tutsi, au
conseil législatif rassure les hésitants et raffirmit les
timides.
En hardis par ce premier succès, les immigrés
jubilent, sortent de la clandestinité et proclament bruyamment, à
la grande surprise générale, qu'ils ne sont plus désormais
des Rwandais mais des « Banyamulenges ».
Fort de sa nouvelle position au conseil législatif,
GISARO entreprend illico des
démarches au département de l'Administration du
territoire pour que leur supercherie soit entérinée et leurs
villages érigés en chefferie autonome.
C'est ce vieux projet justement que ressuscitera Monsieur
GISARO, il profitera de la confusion générale, de l'ignorance de
l'autorité administrative et de ses amitiés personnelles avec feu
MAFEMA NGANZENG, alors commission d'Etat à l'Administration du
Territoire pour réussir à faire admettre la création d'un
groupement mais qui, malheureusement pour lui, s'appellera Bijombo et non
BANYAMULENGE.
Ce groupement sera, pour comble de l'infortune, placé
sous l'autorité d'un chef Vira. Ce qui explique la frustration et toute
l'agitation du groupe d'immigrés Rwandophone installés sur les
hauts-plateaux d'Uvira.
En fait, si le nouveau groupement n'a pas été
baptisé « Mulenge » selon les voeux de Monsieur GISARO, c'est
tout simplement par ce qu'il se situe en chefferie vira alors que le bourg de
Mulenge se retrouve très loin au nord, en chefferie Fuliru dans un autre
groupement qui a pour nom, groupement de Kigoma28
Des chercheurs tels que jacques Maquet et S. Naigisiki,
Georges Weis, Jean Hiernaux et Gaspard KAJIGA n'ont pas fourni assez des
renseignements sur le
28 MAHANO GE MAHANO, Op. Cit, p. 82
23
territoire ethnique, l'itinéraire et l'organisation
politique et économique des Banyarwanda de hauts plateaux d'Itombwe
devenus Banyamulenge en 1977. les rapports administratifs de l'époque
colonial révèle l'existence du quelques groupes des Banyarwanda
dans le secteur de Luvungi et leur apparition au processus de
territorialisation. Le pouvoir colonial et les chercheurs ont
considéré qu'il y avait une homologie entre l'organisation des
Tutsi du Rwandais et celle des Banyamulenge pourtant ces derniers
s'étaient séparés deux dès la fin du
19è siècle avant leur déplacement, le Kinyaga
dans l'actuel préfecture de Cyangungu au Rwanda, constituait leur
territoire ethnique.
Ceci est attesté par Jean HIERNAUX, l'Abbé
Gaspard KAJIGA, Catharine New bury et Jacque Depelchin qui expliquent le
déplacement par la volonté d'échapper aux exactions du roi
Musinga en 1896.
Depuis leur sortie du Kinyago, les Banyarwanda, ont
commencé une nouvelle expérience politique et à
s'organiser autrement sur de nouveaux espaces où vivaient
déjà des Bafuliiru, des Bavira et des Barundi. Leur chefferie
était mouvante même après qu'ils se soient installés
dans les moyens plateaux d'Itombwe. Georges Weis le confirme lors qu'il
écrit que les Banyarwanda « abandonnent facilement des hameaux, et
même des villages entiers par exemple Kataka en 1952 pour grossir
l'effectif des villages voisins ou émigrer vers la frontière
occidentale de la chefferie » Bavira. 29
Les écrits sur le déplacement des Banyarwanda
indiquent trois itinéraires qu'ils auraient emprunté pour occuper
les hauts plateaux d'Itombwe. Le premier itinéraire décrit par
l'Abbé Gaspard Kajiga montre que les Banyarwanda sont passés par
Kaziba pour atteindre les hauts pataux d'Itombwe. Cette version est à
considérer avec réserve car à l'époque où
ils ont quitté le Kinyanga, leur Mwami Rwabugiri venait de mourir sur le
champ de bataille contre les Bashi. Vu l'hostilité qu'il y a avait entre
les deux peuples, la fraction dissidente des Banyamulenge (Banyarwanda) aurait
eu peu de passer par Kaziba et de s'exposer à des représailles
des Bashi.
Le deuxième itinéraire, retracé par Mayugi
Ndagzima, est loin d'apporter des
réponses mais sème plutôt des confusions
dans les esprits. Muyegi comme Joseph Mutambo se basent sur l'existence du clan
des Abarundi parmi les Banyamulenge pour soutenir qu'ils auraient
transité par le Burundi. Au cours de leur passage, ils l'ont
incorporé pour s'établir à Kagando et en suite à
Kakamba dans la plaine de la Ruzizi.
L'intérêt de cette version est de montrer que le
groupe des Banyamulenge n'est pas composite et s'est enrichi de nouveaux clans,
...
En fin, le troisième itinéraire,
présenté par Jacque Depelchin, s'écarte de deux
précédents. Il rejoint celui de Georges Weis et considère
la localité de Kakamba comme deuxième site que les Banyarwanda
ont occupé après leur sortie de Kinyanga. Mais ce site n'attire
pas l'attention des analyses avons qu'il fut le premier territoire tribal des
Banyarwanda après avoir traversé la Ruzizi. Ils l'ont
abandonnée pour gagner la localité de Mulenge et fut
annexé à la chefferie agrandie des Barundi pendant la
colonisation. L'importance de Mulenge tient au fait qu'il a été
un carrefour de peuples grâce à son climat de montagne presque
identifique à celui de Kinyaga 30
Les Barundi se battent pour la reconnaissance de leur
nationalité et le maintien de leur chefferie agrandie. Les Bavuluga
réclament la décomposition de la chefferie agrandie des
Bafuliiru.
Ces derniers et le Bavira revendiquent tout le territoire
d'Uvira.
29 BOSCO MUCHUKIWA, Op. Cit, p. 53
30 Bosco MUCHUKIWA, Op. Cut, 54
24
Les Banyamulenge engagent leur lutte au tour du groupement de
Bijombo, de la création du territoire de Minembwe, de la
représentation politique et du statut des minorités.
L'idée de centralisme hérité de la
colonisation est remise en cause mais ce n'est pas la fin de territoires 31
Les guerres que provoquent les Banyamulenge sont la forme
violente et expressive des revendications collectives par lesquelles les
Banyamulenge participent à la décomposition de l'Etat Congolais.
Les contestations dans le territoire d'Uvira naissent non seulement du droit
mais également de la divergence d'attitudes de la perception du rapport
au territoire et des pratiques des acteurs.
Les pratiques de morcellement frauduleux des
collectivités Chefferie, de duplication de l'autorité
traditionnelle et la contestation de la nationalité sont autant des
facteurs qui conduisent à l'alignement des ethnies et produisent des
conflits entre elles.
31 Idem, P. 30
25
Tableau n° 1. Tableau de récapitulation de la
population Congolaise et Etrangère du Territoire d'Uvira
pour
le 4ème trimestre 2005
SUBDIVISION ADMINISTRATIVE
|
POPULATION CONGOLAISE
|
POPULATION ETRANGERE
|
TOTAUX
|
H
|
F
|
G
|
F
|
TOTAL
|
H
|
F
|
G
|
F
|
TOTAL
|
Chefferie Bafuluri
Chefferie Bavira
Chefferie Plaine de la Ruzizi
|
20924
|
24 171
|
28649
|
27649
|
101168
|
67
|
103
|
66
|
60
|
296
|
101464
|
2914
|
3 422
|
4024
|
3830
|
14190
|
17
|
14
|
11
|
14
|
57
|
14247
|
4290
|
5 532
|
7317
|
7582
|
24721
|
189
|
177
|
363
|
348
|
1077
|
25798
|
Total Chefferies
|
28 128
|
33 125
|
39765
|
39061
|
140079
|
273
|
195
|
440
|
422
|
1430
|
141509
|
Cité d'Uvira
Cité de Kagando Cité de Sange
|
23 910
|
28 879
|
38681
|
39882
|
131352
|
163
|
267
|
261
|
277
|
268
|
131620
|
4 630
|
94 77
|
8232
|
8310
|
26669
|
86
|
114
|
224
|
266
|
690
|
27359
|
4 014
|
6014
|
8089
|
7639
|
26214
|
55
|
75
|
44
|
46
|
220
|
26432
|
Total cités
|
33 012
|
40370
|
55022
|
55831
|
184235
|
304
|
456
|
529
|
589
|
1878
|
186113
|
Total Territoire
|
61 140
|
73945
|
94787
|
94892
|
324314
|
557
|
751
|
969
|
1011
|
3308
|
327113
|
Source : Bureau de l'Etat civil,
territoire d'Uvira, 2005
26
1.1.4. L'Economie 1.1.4.1. Agriculture
Le territoire d'Uvira a hérité d'un sol fertile
qui permet de pratiquer plusieurs cultures. Très souvent deux types de
cultures y sont rencontrés. Il s'agit des cultures vivrières et
des cultures industrielles. Pour ce qui concerne les cultures industrielles les
principales cultures sont : le Coton, la canne à sucre auxquelles nous
associons le café et le tabac pour ce qui est des cultures
vivrières, le territoire est pourvoyeur des maïs, des haricots, des
arachides, du manioc, du sorgho.
Malgré cette potentialité agricole, de nombreux
cas de mal nutrition sont observés au sein de la population à
cause de l'abandon des champs des cultures, de l'insécurité dans
la zone et surtout les cas des massacres, des viols de pillage et incendies, le
déplacements de la population et des enfant soldats, ceci causé
par les militaires à la solde du RCD dans des milieux comme :
cité d'Uvira, Makobola, Kiliba, Sange, Lemera, Katogota, Kahungwe,
...
1.1.4.2. Elevage
Le territoire d'Uvira est un carrefour des tribus dont la
vocation est soit agricole sont pastorale. L'élevage dans le territoire
est plus pratiqué par les Banyamulenge, mais aussi par les Bafuliiru.
L'élevage de plus pratiqué est celui de gros bétail
pratique dans les hauts plateaux et dans la plaine de la Ruzizi par les
Banyamulenge à Bwegera. Dans la plaine de la Ruzizi, les Bafuliiru font
le petit bétail, mais qui connaît actuellement des sérieux
problèmes à cause du pillage et du manque d'encadrement. Le chien
est élevé pour la chasse et pour faire compagnie aux
éleveurs et agriculteurs.
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