Contribution du programme cartographie participative dans la promotion des droits des communautés forestières en RDCpar Blaise Mudodosi Muhigwa Chaire de l'UNESCO de l'université du Burundi - DESS en Droit de l'Homme et résolution pacifique des conflits 2008 |
UNIVERSITE DU BURUNDI CHAIRE UNESCO EN EDUCATION A LA PAIX ET LA RESOLUTION PACIFIQUE DES CONFLITS DESS EN DROITS DE L'HOMME ET RESOLUTION PACIFIQUE DES CONFLITS LA CONTRIBUTION DU PROGRAMME CARTOGRAPHIE PARTICIPATIVE DANS LA PROMOTION DES DROITS DES COMMUNAUTES FORESTIERES DE LA REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO Par :MUDODOSI MUHIGWA BLAISE Travail de fin d'études spécialisées en droits de l'homme et résolution pacifique des conflits. Directeur :STANISLAS MAKOROKA Professeur ANNEE ACADEMIQUE 2007-2008 DEDICACE A toi Eternel DIEU d'Israël, d'éternité en éternité, le tout puissant qui pense à nous et qui est notre aide et notre recours, A vous nos très chers parents, A notre future épouse pour tous les sacrifices et les privations qu'elle aura à s'imposer pour le bonheur de notre foyer, A vous nos frères et soeurs, A vous tous qui luttez pour le respect des droits humains, en général, et les droits des communautés forestières, en particulier ainsi que pour la transparence dans la gestion des forêts congolaises, A vous tous qui nous aimez et qui avez un jour ou l'autre posé à notre égard un acte d'amour. Nous dédions ce travail. Blaise MUDODOSI MUHIGWA NTUMWA AVANT-PROPOS Ce modeste travail est le fruit des efforts conjugués des « têtes » et surtout des « coeurs » tous généreux et sympathiques. A son sevil, il nous est agréable d'exprimer nos sentiments de gratitude envers toutes les personnes qui, de près ou de loin, ont contribué à sa réalisation. Ce travail de fin d'étude est certes l'indicateur le plus manifeste que nous sommes parvenu au bout du tunnel. Que des contours hétéroclites le long du parcours n'ont failli avoir pour conséquences malheureuses le chavirement de notre arsenal, si des hommes de bonne volonté n'étaient pas venus à la rescousse. Nos remerciements sincères et inconditionnels s'adressent spécialement au Professeur Stanislas MAKOROKA pour l'esprit de rigueur scientifique et l'amour du travail bien fait avec lequel il a dirigé ce travail. Nous pensons, ensuite, à tout le corps académique, scientifique et technique de la Chaire UNESCO, Université de Bujumbura, dont la qualité et le dévouement sont vraiment dignes d'admiration. Nos remerciements vont droit à Jean de Dieu WASSO et à tous les membres de notre grande famille pour leurs soutiens matériels et moraux. Nous exprimons également notre gratitude à tout le staff du RRN, du Point Focal du RRN Sud Kivu et de APED-KIVU pour avoir mis à notre disposition une documentation fournie en rapport avec notre travail. Nous ne pouvons pas, enfin, oublier tous nos amis et camarades de promotion qui nous ont soutenu durant ce parcours. Leurs apports divers ont été considérables. A vous tous, nous disons merci. Blaise MUDODOSI MUHIGWA NTUMWA SIGLES, ACRONYMES ET ABREVIATIONS APED-KIVU : Action pour la promotion de l'Environnement et du Développement au Kivu. CED : Centre pour l'Environnement et du Développement. CUB : Centre Universitaire extension de Bukavu. DO : Directive Opérationnelle. EIC : Etat Indépendant du Congo. ERND : Environnement Ressources Naturelles et Développement. FAO : Organisation des Nations Unies pour l'Alimentation. GPS : Global Positioning System. ICCN : Institut National pour la Conservation de la Nature. Kin. : Kinshasa. Labo : Laboratoire de cartographie. OIT : Organisation Internationale du Travail. OMD : Objectifs du Millénaire pour le Développement. ONG : Organisation Non Gouvernementale. ONU : Organisation des Nations Unies. OUA : Organisation pour l'Unité Africaine. p. : page. pp. : pages. PA : Peuple Autochtone. PNKB : Parc National de Kahuzi Biega. PUZ : Presses Universitaires du Zaïre. RAPY : Réseau des Associations Autochtones Pygmées. RDC : République Démocratique du Congo. RRN : Réseau Ressources Naturelles. SIG : Système d'Information Géographique. T.F.C. : Travail de Fin de Cycle. Technicien labo : Agent SIG. UNESCO : Organisation des Nations Unies pour l'Education, la Science et la Culture (United Nations agency for Education, Science and Culture). UOB : Université Officielle de Bukavu (ex CUB). WCS : Wildlife Conservation Society. WWF : Word Wildlife Fund INTRODUCION Les communautés forestières de la République Démocratique du Congotraversent une période difficile de leur vie, suite à la nouvelle politique de gestion des forêts congolaises. La RDC est l'un des plus grands pays du monde ; elle dispose d'une pléthore de ressources naturelles et c'est pourtant l'un des pays le plus pauvre de la planète. Ses forêts couvrent environ soixante pour cent de la superficie du pays (soit environ 134 millions d'hectares). Avec les forêts des pays voisins, elles constituent la forêt pluviale d'Afrique Centrale appelée communément « forêt du bassin du Congo », la deuxième plus grande forêt tropicale au monde, derrière l'Amazonie1(*). Le Bassin du Congo se situe majoritairement en RDC, au Cameroun, en République du Congo, au Gabon, en Guinée Equatoriale et en République centrafricaine. La RDC vient en tête des écosystèmes les plus riches avec 11.000 espèces végétales identifiées2(*). La forêt congolaise renferme plusieurs richesses fauniques et floristiques, raison pour la quelle elle est trop sollicitée pour l'exploitation et pour la conservation. Elle constitue le milieu de vie et la source principale de revenus ainsi que la première source de protéines animales et végétales pour la totalité des communautés forestières de la RDC. Leur survie en dépend largement.Ainsi, nous comptons plus de 156 concessions d'exploitation industrielle du bois3(*) et 64 forêts classées. Autour de celles-ci ou dans celles-ci, nous trouvons des communautés locales et autochtones misérables. L'accroissement des ces concessions forestières et aires protégées sans respecter les droits traditionnels des communautés environnantes et/ou aux autochtones conduit, très souvent, à des situations de conflits. Ceci nous a poussé à nous intéresser à une conciliation entre ces deux besoins impérieux, à savoir la nécessité de conserver les forêts, de les exploiter ou les faire exploiter pour faire des recettes à l'Etat avec le respect des droits des ces communautés en vue de leur développement. Depuis 2002, le Réseau Ressources Naturelles travaille avec ces communautés dans le but de promotion et protection de leurs droits à travers ses programmes dont le plus important est la cartographie participative. La situation actuelle des communautés forestières congolaises préoccupe tous les regroupements ou les ONG pour la défense des droits des communautés forestières de la RDC. Le programme de cartographie participative coordonné par le RRN se fait le devoir de militer pour le respect des droits de communautés forestières locales et autochtones et voudrait l'exiger à tous les acteurs du domaine forestier à savoir : l'Etat congolais, les exploitants forestiers, les gestionnaires des aires protégées. Peut-on concilier l'exploitation forestière avec le développement des communautés se trouvant dans et autours de ces forêts, ou concevoir une gestion des aires protégées avec le concours des communautés locales ?Le programme de cartographie contribuera-t-elle à la promotion et au respect des droits des communautés forestières de la RDC ?Autant de questions aux quelles notre travail donnera des réponses suivies des recommandations afin d'amener tous les acteurs à concourir au bien-être des communautés forestières de la RDC. Cette étude sur « la contribution du programme de cartographie participative dans la promotion des droits des communautés forestières de la RDC » en vue de leur développement présente, aujourd'hui, un intérêt particulier dans la mesure où ces communautés vivent depuis quelques décennies dans une pauvreté endémique. Celle-ci est la conséquence de plusieurs facteurs dont notamment l'inaccessibilité aux ressources forestières, causée par le classement de leurs forêts ou l'octroi de celles-ci aux exploitants, la dépossession des terres. La forêt joue un rôle important pour les sociétés humaines. En effet, la forêt congolaise n'est pas seulement une source de bois d'oeuvre4(*) ; c'est aussi l'habitat des certaines communautés. Elle assure la subsistance et l'intégrité culturelle des populations locales qui y vivent particulièrement celle des pygmées qui dépendent beaucoup de la forêt. Aujourd'hui, plus de 50 % des forêts congolaises sont soumises à une exploitation incontrôlée par des sociétés d'exploitation forestière de toute sorte alors que 9 % des forêts congolaises sont soumises à la conservation5(*). Les motivations profondes de la cartographie participative en RDC reposent sur la loi N°011/2002 du 29 août 2002 portant Code forestier qui, tout en reconnaissant les droits des communautés locales, est plus favorable à l'exploitation industrielle du bois. Cet état de choses a suscité la crainte partagée par le RRN de voir les droits traditionnels de ces communautés ne pas être pris en compte lorsque l'Etat congolais aura à concéder les forêts aux exploitants industriels comme il a été le cas au Cameroun. Comme préalables à la foresterie communautaire, au zonage et à la conversion des titres forestiers, l'Etat devrait élaborer un plan de zonage du territoire national qui tienne compte des droits des populations forestières. Mais cela n'est possible que si l'Etat connaît l'espace de production et de vie pour chaque communauté locale,afin d'éviter les conflits de voisinage avec les exploitants forestiers et les conservateurs. La cartographie participative a pour objet de représenter, répertorier ou référencer toutes les activités, leurs étendues et les droits de ces communautés sur la forêt. Ces cartes communautaires constituent donc des outils pouvant permettre à ces populations, au RRN et aux autres ONG qui les accompagnent et défendent leurs droits, de bien faire le lobbying avec des supports servant de « preuves » de ces droits auprès de l'Etat et de ses partenaires impliqués dans la gestion des forêts. Pour vérifier l'hypothèse de travail, les principales démarches entreprises sont les suivantes : 1° La méthode exégétique. Elle nous permettra d'analyser les textes juridiques afin de bien comprendre l'évolution des droits des communautés sur les forêts concernées par l'exploitation ou par la conservation ainsi que leur problème d'applicabilité.A côté de cette méthode, nous procéderons à l'approche juridique qui consistera à analyser et à exposer les différentes mesures prises par l'Etat congolais dans le secteur forestier tout en les confrontant à la réalité. 2° La méthode comparative. Elle nous aidera à comparer la façon dont les droits des communautés forestières d'autres pays - notamment le Cameroun - sont défendus à travers les activités de cartographie et de la façon dont le RRN le fait en RDC. 3° La technique documentaire nous aura permis d'analyser des ouvrages et de récolter des informations nécessaires disponibles sur les communautés forestières, la gestion des forêts tropicales, les activités du RRN. 4°L'observation directe suivie des entretiens, enfin nous permettra d'avoir beaucoup d'informations sur ce qui se passe dans le secteur forestier. Le caractère scientifique de ce travail nous oblige de délimiter notre champ d'analyse en tenant compte des groupes d'individus ciblés, des zones géographiques et du temps imparti. Le travail ne cible pas toutes les communautés rurales de la RDC, mais les communautés forestières seulement qui sont principalement visées par la cartographie du RRN ; car ce sont elles qui, très souvent, sont victimes des faits d'exploitation et de conservation des forêts.Il n'analysera pas les actions du programme cartographie participative du RRN dans toute la RDC. La recherche de l'efficience incite à traiter ces activités de cartographie selon deux thématiques ; cartographie face à la conservation (Sud Kivu) et la cartographie face à l'exploitation forestière (Bandundu). Sur le plan temporel, l'étude commence en 2005, car cette année coïncide avec le premier atelier national de formation des facilitateurs provinciaux en cartographie participative. Quant à l'année 2008, prise comme le terminus ad quem, elle marque la fin de nos recherches pour le présent travail. Signalons que nous dépasserons de temps en temps ce cadre chronologique dans le but d'expliquer certains faits importants. Outre l'introduction et la conclusion suivie des recommandations, l'étude est subdivisée en deux chapitres. Dans le premier chapitre, la théorie générale sur les droits des communautés forestières de la RDCsera étudiée et dans le second chapitre,seront analysés le programme cartographie participative et ses expériences dans la promotion des droits des communautés vivant dans et des forêts érigées en aires protégées et dans des concessions forestières. Chapitre I : THEORIE GENERALE SUR LES DROITS DES COMMUNAUTES FORESTIERES. Dans chaque région du globe, des communautés vivent dans des zones forestières, ou aux abords de celles-ci ; elles dépendent des forêts pour leur subsistance. Cette situation leur confère certains droits sur ces forêts. Dans ce chapitre, seront identifiées les communautés forestières de la RDC prises dans la globalité (section I) avant d'aborder leurs droits (section II) qui leur sont reconnus et sont protégés (section III) par les différents instruments juridiques nationaux et internationaux. Section I. LES COMMUNAUTES FORESTIERES DE LA RDC.Par le concept de « communauté forestière », on peut entendre l'ensemble des populations vivant dans les forêts et qui dépendent généralement de celle-ci pour leur subsistance, en l'occurrence les peuples autochtones pygmées et les communautés locales. §1. Peuples autochtones pygmées Depuis plusieurs années, les peuples autochtones n'ont pas été distingués des minorités. Cependant, la distinction entre les deux termes est nette. Elle réside dans le lien solide des peuples autochtones avec le territoire sur lequel ils vivent.Roger PLANT souligne que les peuples autochtones sont des peuples qui se trouvent sur un territoire avant sa conquête, plus précisément avant« l'expansionnisme occidental ». Ce qui caractérise la problématique des peuples autochtones c'est la référence à un mécanisme de marginalisation économique et à la logique de spoliation des biens, de la terre6(*). Le facteur décisif de la définition des peuples autochtones est le fait qu'ils vivent sur des terres qu'ils occupent depuis des temps immémoriaux7(*), à la différence des minorités qui peuvent être récente sur un territoire. Eu égard à cette définition, il ressort que les « pygmées » de la RDC sont des autochtones, car l'histoire témoigne qu'ils sont les premiers occupants du pays.Les pygmées, en Afrique, vivent dans l'immense forêt tropicale, dans huit Etats de l'Afrique du Sud au Sahara : Burundi, Cameroun, Congo Brazzaville, Centrafrique, Guinée Equatoriale, Gabon, Rwanda et RDC.En RDC, les pygmées sont présents comme autochtones dans presque toutes les provinces du pays, hormis la province du Bas Congo8(*). On retient généralement deux critères pour identifier les peuples autochtones: le critère objectif et le critère subjectif. Sur le plan objectif, on évoque l'antériorité d'un peuple sur un territoire. Sur le plan subjectif, la référence est faite à l'autodéfinition, c'est-à-dire, la consolidation par un groupe lui-même qu'il est autochtone sur les terres qu'il occupe. Elle se traduit en comportement d'attachement aux terres9(*). §2. Les communautés locales Selon le professeur KALAMBAY L., la communauté locale peut être définie comme l'ensemble de personnes réunies par les liens de parenté, de mariage, d'allégeance et d'autres qui vivent sur un même territoire.10(*) Une communauté est dite locale, selon le code forestier, lorsqu'elle est constituée par un groupe des gens d'une même ethnie ou d'un même clan vivant ou attaché à un terroir forestier déterminé. Des personnes sans lien de parenté ou clanique ne peuvent pas constituer une communauté locale au sens du code forestier. Mais en revanche, une communauté constituée des pygmées peut valablement se considérer comme communauté locale au sens du code forestier.11(*) La doctrine ne propose aucun critère de communauté locale. A partir desdéfinitions ci haut données, on peut proposer comme critère : les liens de solidarité clanique ou parentale qui fondent la cohésion interne du groupe suivi de l'attachement à un terroir forestier donné. La constitution congolaise reconnaît à chaque individu se trouvant sur le territoire national le droit d'y circuler librement, d'y fixer sa résidence (...)12(*) c'est à dire de choisir son cadre de vie, d'établir sa résidence n'importe où sur le territoire congolais sauf exception prévue par la loi13(*). Il y a lieu de poser la question du choix et du sens de l'expression « communauté locale » employée par le législateur congolais dans le code forestier. Il faut constater que cette expression « communauté locale » converge celle de « population autochtone ». Une communauté locale peut être un peuple autochtone ou un groupe indigène, en un mot ; toute communauté forestière. * 1Marie-Claude SMOUTS, Forêts tropicales jungle internationale : les revers de l'éco politique mondiale, Paris, Presses de Sciences Politiques, 2001. p 118. * 2 David BERENGER LOEMBA, Les politiques forestières dans le bassin du Congo, cas de la République du Congo, mémoire de DEA, Faculté de Droit, Université de Lomé, 2008. p. 13 * 3 Décret Présidentiel n°O5/116 du 24 octobre 2005 fixant les modalités de conversion des anciens titres forestiers en contrats de concession forestière. * 4 Arbres transformables en produits industriels. Ce terme est parfois utilisé comme synonyme de bois rond industriel et défini parfois certaines grandes pièces de bois de sciage (bois de charpente). * 5 Travaux préparatoires du Code Forestier de 2002. * 6 Roger PLANT, Les droits fonciers et les minorités, in Minority rights group international, Manchester Free Press, Londres, juillet 1994, p.6 * 7 Idem * 8 Chaire UNESCO, Situation des « Autochtones » Pygmées ( Batwa) en République Démocratique du Congo : Enjeux des droits humains, Université de Kinshasa, Novembre 2005, p.27 * 9 Nous ne voulons pas entrer en détail de ces concepts populations autochtones - communautés locales, car cette situation pose problème et constitue souvent un motif de positionnement des premiers qui peut ne pas être bien perçu par les autres. * 10 KALAMBAY LUMPUNGU, Régime foncier et immobilier, Kin, PUZ, 1985, p.73 * 11 RAPY (Réseau des Associations Autochtones Pygmées), Guide pour la compréhension du code forestier à l'usage des populations locales et peuple autochtone pygmée de la RDC, octobre, 2004, p.13 * 12 Art 30 de la constitution de la RDC * 13 Les individus qui n'ont aucun lien de sang peuvent décider de vivre ensemble en groupe, nous pensons qu'il faudra se baser seulement sur la volonté des membres du groupe de vivre ensemble pour qualifier une population de « communauté locale ». |
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