Les déterminants géopolitiques congolais comme facteurs de l'émergence de la République Démocratique du Congopar Jeremie KANKU WA KADIMA Université de Kinshasa (UNIKIN) - Licence 2020 |
§2. Dimension et position territoriale2.1. La Dimension territoriale (Taille)La théorie de la géopolitique conçoit le terme « territoire » comme un espace géographique, dont Friedrich RATZEL définit comme « une zone géographique délimitée par des frontières naturelles ou artificielles à l'intérieur desquelles une population dispose des moyens lui permettant de subsister »37(*) Généralement, sur le plan mondial, la possession d'un vaste espace extra-atmosphérique, territorial et maritime constitue pour l'Etat propriétaire des atouts considérables dans les rapports de puissance étatique. Il existe une relation étroite entre puissance d'un Etat et sa taille ; « la grande superficie territoriale constitue un avantage important dans la mesure où un grand territoire contiendra probablement plus de ressources qu'un petit territoire, des ressources agricoles, eu égard à la variété de son relief, de son climat, ainsi que de ses ressources minérales et énergétiques ».38(*) Marcel MERLE soutient dans le même sens que « la grande superficie est souvent considérée, a priori, comme un gage de puissance »39(*). Autrefois, le contrôle des grands territoires ouvrait l'accès au rang de grande puissance par la conquête de l'Espace. Les grands Etats font masse, impressionnent les autres et pèsent sur leurs voisins. Mais, il s'avère que toute considération spatiale n'a pas la valeur déterminante qui lui fut attribuée pour comparer les grands et les petits pays, même à densité de population égale, d'où le fait que l'espace ne peut seul constitué « un élément de comparaison, car d'autres facteurs entrent en jeu, notamment l'organisation économique et les qualités de la nation ». Cependant, le rôle de l'espace se rétrécit d'avantage quand on considère qu'il y a d'autres pays à l'échelle des grands, en l'occurrence l'Allemagne et le Japon qui n'ont pas de vastes étendues mais qui sont forts économiquement. C'est pourquoi certaines théories semblent douteuses, comme celle de la superficie optimale d'un Etat ou « l'espace vital » Mais, l'importance de cet espace vital est significative affirment certains géopoliticiens comme RATZEL, HAUSHOFER... L'Etat a beau ne pas être conscient que les sources de sa puissance se trouvent dans le sol, il en vit. En définitive, l'importance spatiale dans les rapports de puissance étatique demeure d'actualité. Eu égard à la considération générale de la dimension territoriale en géopolitique évoquées dans les précédentes lignes, nous considérons que la dimension territoriale Congolaise s'avère un déterminant important pour la République Démocratique du Congo tant dans son processus d'émergence que dans ses rapports de puissance étatique. La République Démocratique du Congo est dotée d'une importante superficie d'environ quatre-vingts fois que celle de la Belgique et quatre fois celle de la France ; Au fait, ce même ordre d'idée, Jean ZIEGLER soutient que « le Congo dont Patrice LUMUBA est originaire, n'est pas un Etat, ni un pays ; c'est un sous-continent de 2,3 millions de Km2 où vivent des peuples appartenant à dix groupes différents ».40(*) Un pays nanti des énormes ressources outres que son immense territoire. Fort malheureusement, nous remarquons qu'au lieu que l'étendue territoriale de la République Démocratique du Congo se présente comme un atout pour son émergence, cette dernière se révèle comme un poids qui alourdi cette émergence. Devant cette incapacité d'assumer la protection effective de ses frontières l'Etat congolais n'arrive pas à tirer gain de ce facteur dans le rapport de force avec d'autres acteurs étatiques et non étatiques. Il importe de noter qu'à l'instar de la vaste étendue territoire qui se présente comme un déterminant probant pour son émergence, le territoire Congolais regorge des atouts à la hauteur de sa dimension parmi lesquels, nous citons sa forêt, son hydrographie et ses minerais. Pour avoir un aperçu sur ce facteur, les forêts de la République Démocratique du Congo couvrent une superficie estimée à 1.280.042,16 km2 (dont 99 millions d'ha de forêts denses humides), soit 54,59 % du territoire national dont la superficie est d'environ 2.345.410 Km2. Dans le bassin du fleuve Congo se niche une immense forêt tropicale, la seconde plus vaste de la planète. Les forêts du bassin du Congo s'étendent du Cameroun à la République Démocratique du Congo, en passant par le Gabon, la République du Congo, la République centrafricaine et la Guinée équatoriale. Ces forêts immenses, qui s'étendent sur une superficie supérieure à trois fois la France, constituent le quart des forêts tropicales restant sur terre. La RDC abrite une des plus grandes forêts naturelles intactes de la planète (La forêt équatoriale). Ces forêts sont inestimables: au-delà de la richesse de leur biodiversité et de leur rôle crucial pour atténuer le réchauffement climatique.Les forêts du bassin du Congo forment l'une des dernières réserves de biodiversité où les forêts primaires sont interconnectées et permettent des mécanismes biologiques sans perturbation. Au nord et au sud, les forêts deviennent une mosaïque de savanes arborées, de forêts sèches, de savanes et de prairies. À l'ouest, les forêts congolaises font progressivement place aux forêts de Guinée, qui s'étendent du Gabon occidental et du Cameroun jusqu'au sud du Nigéria et du Bénin ; ces zones forestières partagent de nombreuses similarités, et sont parfois connues comme les forêts guinéo-congolaises. À l'est, les forêts des basses-terres congolaises aboutissent sur les forêts de montagne qui couvrent les montagnes longeant le rift Albertin, une branche du système du Rift d'Afrique de l'Est. Les forêts congolaises sont l'une des écorégions mondiales. La forêt du bassin du Congo est la deuxième forêt tropicale du monde, couvre six États, et contient un quart de ce qu'il reste de la forêt tropicale sur Terre. Avec une perte annuelle de 0,3 % durant les années 2000, la région possède le plus bas taux de déforestation de toutes les zones forestières majeures. La faible pression démographique, l'accès difficile et le manque d'infrastructures ont permis de protéger le couvert forestier de cette région du monde pendant une longue période. D'après Ernst et al. (2013), la déforestation annuelle est passée de 0,13 % dans la période 1990 à 2000 à 0,26 % dans la période 2000 à 2005. Cependant l'augmentation de la pression démographique entraine une demande accrue en produits agricoles et en bois de feu prélevés au détriment du couvert forestier. La pratique de la culture sur brûlis et l'extension des terres agricoles a notamment été analysée comme l'un des facteurs principaux de la déforestation en République démocratique du Congo41(*). A l'ère actuelle où la question du réchauffement climatique est à l'ordre du jour de plusieurs conférences internationales dans le cadre de la politique environnementale des Etats. La forêt se présente comme un atout de grande envergure dans la mesure où les ressources forestières sont considérées de nos jours comme des patrimoines universels de l'humanité. En effet, la République Démocratique du Congo en tant que propriétaire de cet élément de force, se voit dans l'obligation de se doter une diplomatie verte de qualité pour en tirer tous les avantages. Rappelons que la République Démocratique du Congo est le pays le plus riche en eau d'Afrique. Il représente environ 52 % des réserves d'eau de surface de l'Afrique et 23 % des ressources en eau renouvelables intérieures de l'Afrique. Les ressources internes en eau douce renouvelables par habitant ont été estimées à 19 967 m3/personne/an en 2008, quand la moyenne mondiale de consommation d'eau est 1 240 m3/individu/an. Cette valeur est nettement supérieure à la limite de suffisance en eau reconnue internationalement de 1 700 m3/personne/an. Avec ses 4 700 km de longueur, avec un débit de 50 000 m3/s, avec son bassin vaste de 3,80 millions de kilomètres carrés, le fleuve Congo est - après le Nil - le deuxième fleuve le plus long d'Afrique, le fleuve d'Afrique le plus important par son débit et le deuxième fleuve du monde après l'Amazone ayant le plus grand bassin.Sa position à proximité de l'équateur lui vaut ce débit le plus important du continent africain (l'Amazone est le seul fleuve qui le dépasse sur ce plan au niveau mondial). Il est à cheval sur l'équateur et la répartition presque homogène de ses affluents dans les deux hémisphères régularisent son débit et en font le fleuve le plus régulier du monde.En effet, son débit varie de 1 à 3 tandis que celui de l'Amazone varie de 1 à 20042(*). La République Démocratique du Congo a des précipitations annuelles moyennes d'environ 1 646 mm/an, variant dans l'espace et le temps (800-1 800 mm/an). De plus, la République Démocratique du Congo possède une autonomie d'eau considérable puisque 70 % de ses ressources en eau renouvelables sont générées en interne par les précipitations. L'abondance des ressources en eau en République Démocratique du Congo est liée à la vaste couverture forestière qui s'étend sur 155,5 millions d'hectares. Entant que facteur pouvant booster l'émergence du pays, sans compter les ressources lacustres, le fleuve Congo à lui seul porte une importance économique considérable, dans ce sens il fournit du poisson et de l'électricité, mais il constitue une voie de communication indispensable. Avec ses affluents, il forme 14 166 km de voies navigables. Il prend sa source dans le sud du Katanga, dans le village de Musofi(à kipushi) à une altitude de 1 435 mètres et porte le nom de Lualaba jusqu'à Kisangani. Il se déverse dans l'océan par un large estuaire et sa puissance est telle qu'on reconnaît ses eaux jusqu'à 45 km en plein océan43(*). Il nous est important de noter qu'en dépit de toutes les ressources en eau que nous présente la carte hydrographique de la République Démocratique du Congo, il se remarque fâcheusement, une mauvaise gestion de ce facteur qui s'exprime par l'inaccessibilité d'une grande majorité de la population congolaise à des eaux douces et à l'eau potable, une faible exploitation de ce facteur pour des fins industrielles notamment dans le domaine énergétique insuffisamment exploité (barrages électriques), dans le domaine de communication interne et du commerce (les transports maritimes et les ports en eau profondes) et surtout dans la pêche tant industrielle qu'artisanale. Dans une lecture géopolitique, l'eau de nos jours se présente comme un enjeu au coeur de plusieurs conflits intercommunautaires mais aussi inter-régionales qui portent atteintes jusqu'à la question de souveraineté des Etats. La répartition des ressources hydriques étant déséquilibré sur la carte géographique du continent Africain dont il y a des zones désertiques (le Sahara) et des zones inondées, la République Démocratique du Congo étant un Etat subsaharien bien arrosé se trouve dans le collimateur de germe de conflits intercommunautaires et inter-régionaux dans lesquels nous pouvons projeter le probable cas de l'exécution d'un grand projet des années 80 qualifié de pharaonique, le projet « transaqua » au centre de plusieurs tensions politiques entre les pays concernés, ce projet qui consiste à remplir l'immense oasis asséchée du bassin du Tchad par le transfert des eaux de la rivière Oubangui, un affluent majeur du fleuve Congo. Eu égard, à tout ce qui précède le facteur hydrographique se voit un déterminant géopolitique très important et qui se relève comme un atout favorable de l'émergence de la République Démocratique du Congo ; d'où la nécessité à cette dernière d'instaurer une bonne politique de gestion de ce facteur enfin d'en tirer tous les profits. La République Démocratique du Congo est mondialement connue pour son potentiel minier comprenant plusieurs substances minérales en réserves impressionnantes. Elle possède, pour ne prendre que ce seul exemple, plus au moins 34% des réserves mondiales connues de Coltan et plus au moins 10% de réserves de cuivre. Toutes les Provinces du pays peuvent se prévaloir de détenir des richesses minières importantes. Selon le rapport du PNUE, la RDC est l'un des principaux réservoirs miniers du monde. Ces considérables réserves minérales inexploitées dont la valeur est estimée à plus de 24. 000 milliards des dollars Américains sont d'une importance stratégique pour l'économie nationale, or l'héritage d'un siècle d'exploitation minière dans plusieurs parties du pays, spécialement dans la configuration de l'ex province de Katanga, a été créé des passifs environnementaux considérables et il est nécessaire d'adapter une nouvelle approche pour moderniser l'exploitation minière44(*) Dans une lecture géopolitique, Si les minerais de la RDC constituent un atout favorable à son émergence, nul ignore que ces derniers constituent le principal enjeu de son insécurité. En effet, les zones qui regorgent plus de ressources minières restent les zones à haut risque, notamment la partie Est de la République Démocratique du Congo notamment dans la localité des provinces de l'Ituri, de Nord et Sud Kivu voir la province du Maniema qui vivent une instabilité hallucinante caractérisée par des confrontations des milices et des actes barbares. Il sied de noter que le secteur minier est considéré comme la principale source des revenues dans le recouvrement des recettes nationales en République Démocratique du Congo. Il se remarque que la ligne de conduite de l'économie Congolaise varie selon l'évolution du tarif des produits dans le marché international. D'où la responsabilité revient à l'Etat Congolaise dans une gestion souple de ce facteur dont l'impact positif boostera son émergence. * 37RATZEL, F. La Géographie Politique : concepts fondamentaux, éd. Fouyard, Paris, 1987, p.119. * 38ARON R., Paix et guerre entre les Nations, éd. Calmann-Lévy, Paris, 1992, p.189. * 39MERLE M., Sociologie des Relations Internationales, éd. Dalloz, Paris, 1988, p.144. * 40ZIEGLER J., Main basse sur l'Afrique, éd. Seuil, Paris, 1979, p.102. * 41Camille Reyniers, « Agroforesterie et déforestation en République démocratique du Congo : Miracle ou mirage environnemental ? », in Mondes en développement, vol. 3, no 187,ý 113-132. * 42 https://congovirtuel.com/hydrographie.php. Consultéle 04 mai 2020 19h20' * 43 https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Utilisation_de_l%27eau_en_R%C3%A9publique_d%C3%A9mocratique_du_Congo. Consulté le 04 mai 2020 19h35' * 44Programme de Nations-Unies pour l'environnement, Octobre 2011. |
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